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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 18 - Témoignages du 30 septembre 2003


OTTAWA, le mardi 30 septembre 2003

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 18 h 25 pour étudier les questions se rattachant au développement et à la mise en marché, au Canada et à l'étranger, de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée.

Le sénateur Jack Wiebe (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Honorables sénateurs, nous avons invité des fonctionnaires du ministère d'Agriculture et Agroalimentaire Canada pour nous parler des produits à valeur ajoutée. Nous entendrons d'abord M. Michael Presley.

M. Michael Presley, directeur général, Bureau des aliments, Équipe de la salubrité et de la qualité des aliments, Agriculture et Agroalimentaire Canada: C'est avec plaisir que j'ai accepté votre invitation à discuter avec vous des moyens de hausser la valeur de la production agricole au Canada. Je m'adresse à vous ce soir à titre de directeur général, Bureau de la chaîne de valeur des produits alimentaires. Il s'agit d'un nouveau poste voué à la gestion des divisions de notre ministère chargées de fournir des services de commercialisation et des services à l'industrie au secteur agricole — céréales et graines oléagineuses, horticulture, cultures spéciales, viande rouge et volaille — jusqu'au secteur alimentaire, y compris les fabricants de comestibles, les détaillants et les industries de la restauration.

L'idée qui sous-tend la création du Bureau est d'établir des programmes et des services qui envisagent le secteur dans une perspective globale — de la production à l'assiette — et exploitent les possibilités de synergies profitables à tout le secteur agricole et agroalimentaire canadien.

Avant de commencer, je crois bon de livrer un aperçu de ma présentation. Je débuterai en décrivant quelques expériences du secteur agricole et agroalimentaire qui ont permis de hausser la valeur et de créer de la richesse dans le milieu rural canadien.

Ensuite, j'exposerai certaines tendances dans la structure du secteur qui influent sur la distribution de la valeur tout au long de la chaîne alimentaire, en particulier la concentration du secteur alimentaire.

Je poursuivrai en abordant brièvement l'évolution du consommateur canadien, les éléments auxquels il attache de l'importance et leur influence sur le marché que desservent les agriculteurs, les fabricants de comestibles et les distributeurs de denrées alimentaires.

Je soulignerai ensuite la réussite de certaines entreprises agricoles qui ont tenté des percées sur le marché de la transformation, et les leçons à retenir de leur expérience.

Je terminerai en résumant le Cadre stratégique pour l'agriculture, élaboré par les gouvernements fédéral et provinciaux, et les stratégies qui s'y rattachent et qui soutiennent les efforts du secteur pour créer de la valeur à la ferme et dans l'entreprise, susceptible de procurer des prix avantageux sur le marché, au pays et à l'étranger.

[Français]

Agriculture et Agroalimentaire Canada collabore avec des entreprises agricoles depuis des années pour aider les producteurs à saisir les occasions d'ajouter de la valeur à leurs activités. Traditionnellement, ces efforts ont porté sur la diversification, soit promouvoir l'établissement de nouveaux types de culture et d'élevage dans le secteur agricole canadien. Le ministère a continuellement adapté son éventail de programmes en fonction des nouvelles réalités du marché et des transformations structurelles du secteur.

[Traduction]

La création de l'industrie du canola dans les années 60 et 70 est peut-être l'exemple le plus connu des efforts investis dans les programmes de recherche et d'expansion des marchés pour introduire une nouvelle culture majeure dans le réseau des productions commerciales, événement qui a mené à la création d'une industrie de transformation importante dans l'Ouest canadien. Des efforts soutenus ont dû être déployés durant plus de 20 ans pour faire de la culture du canola — à l'origine une production mineure destinée à la production d'une huile de qualité industrielle — ce qu'elle est aujourd'hui: une production d'une valeur de un milliard de dollars, qui fixe de nouvelles normes en matière de qualité sur les marchés mondiaux des huiles alimentaires.

Le canola est l'exemple le plus frappant de ce qu'il est possible de réaliser. Cependant, nous pouvons citer bien d'autres cas où les efforts combinés du ministère et de ses partenaires ont contribué à promouvoir une valeur ajoutée pour les producteurs: amélioration génétique des cultures et promotion commerciale de cultures spéciales, en particulier les légumineuses (p. ex. petits pois, lentilles, pois chiches); amélioration de la qualité de la viande par la génétique et les pratiques d'alimentation (boeuf, porc) afin de mieux adapter ces produits aux marchés à prix supérieur; variétés de fèves de soya de qualité alimentaire pour l'élevage destinées à compléter les variétés fourragères traditionnelles et à alimenter les marchés asiatiques et nationaux d'aliments à base de soya (p. ex. tofu, lait de soya); promotion du potentiel d'éléments de haute valeur dérivés de matières premières agricoles (p. ex. nutraceutiques, médicaments, enzymes, compléments alimentaires, cosmétiques); développement des cultures de plantes à fibres comme le lin et le chanvre et collaboration avec les fabricants pour promouvoir l'utilisation des résidus agricoles, comme la paille céréalière.

En plus d'aider les agriculteurs à profiter directement de possibilités à valeur ajoutée, ces mesures ont suscité des investissements dans la transformation à valeur ajoutée, source d'emplois dans les régions rurales du Canada.

Traditionnellement, le secteur canadien de la transformation des aliments a représenté un marché important pour la production agricole canadienne. La structure de ce secteur de transformation et de distribution est en train de changer et cette transformation a des conséquences pour les producteurs primaires et les stratégies qu'ils utilisent pour apporter une valeur ajoutée à leur production.

L'évolution du secteur canadien de la transformation alimentaire s'est principalement axée sur le marché national. Le secteur a pu profiter de mesures de protection tarifaire vigoureuses jusqu'au début des années 80, lorsqu'une série de conventions commerciales bilatérales et multilatérales a mis fin à la protection tarifaire pour une grande partie du secteur.

Au cours des 15 dernières années, le secteur de la transformation alimentaire a été marqué par la rationalisation, les entreprises fermant leurs installations anciennes et de petites dimensions un peu partout au pays. La consolidation a aussi marqué ce secteur: les fusions et les acquisitions ont considérablement réduit le nombre de compagnies actives, en particulier parmi les compagnies de moyenne importance. En général, on compte maintenant des compagnies importantes, d'envergure nationale, et de petites entreprises régionales.

Les secteurs des détaillants en alimentation et des services alimentaires ont aussi connu des tendances similaires. Cependant, une des principales différences est que l'emprise sur le marché a glissé progressivement vers ce côté-ci de la chaîne de valeur. Par conséquent, les entreprises de transformation des produits alimentaires ont vu leur marge diminuer considérablement, tout en devant respecter des normes de qualité toujours plus sévères en termes de normes commerciales fixées par les grands clients des détaillants en alimentation et des services alimentaires.

Malgré les difficultés d'accès considérables imposées par la consolidation des grandes entreprises, il reste encore de la place pour les petits entrepreneurs du secteur des aliments et des boissons, surtout si leurs produits sont novateurs, de haute qualité et peuvent être vendus directement aux consommateurs. Le service des opérations régionales du ministère a souvent collaboré étroitement avec des particuliers et des groupes pour mettre au point des produits de ce type, souvent élaborés à partir d'une spécialité régionale.

En dehors du secteur alimentaire, les marchés industriels pourraient offrir des perspectives intéressantes aux produits agricoles. L'intérêt grandissant pour la production d'énergie, de carburants, de substances chimiques et de matériaux de construction à partir de la biomasse renouvelable pourrait se traduire par des investissements importants et une poussée de croissance dans ce qu'on appelle parfois le secteur des bioproduits. Plusieurs compagnies canadiennes élaborent les technologies qui pourraient rendre viables les entreprises axées sur la biomasse dans un avenir rapproché. Bon nombre d'installations pilotes sont déjà en place ou seront bientôt construites.

Bien sûr, pour comprendre comment générer de la valeur dans le secteur de l'agriculture et de l'alimentation, on doit savoir ce que veut le consommateur. Par conséquent, il est important d'examiner brièvement l'évolution des besoins du consommateur et le sens que prend pour lui la «valeur ajoutée.»

Le marché national de l'alimentation a subi des changements importants au cours des dernières années. La demande du marché est étroitement liée à la taille de la population, au rythme de croissance et au profil ethnique. Tous ces facteurs convergent au Canada pour limiter la croissance à 2 ou 3 p. 100 par année, en termes de valeur. Différents facteurs conditionnent ce marché, notamment: le revenu disponible a augmenté à un rythme plus lent au fil des 20 dernières années qu'au cours des années 60 et 70. L'augmentation des dépenses dans l'alimentation sera étroitement liée à la valeur qu'accorde le consommateur à différents facteurs comme le côté pratique de l'aliment et une meilleure nutrition. Le taux annuel d'accroissement démographique n'est que de 1 p. 100, rythme plus rapide que celui de certains pays du G7, mais qui ne constitue pas un marché à croissance rapide. Notre population vieillit, ce qui signifie une baisse de la demande alimentaire pour un segment sans cesse plus important du marché. Le marché est plus segmenté car, de plus en plus, les consommateurs préfèrent des aliments qui respectent leur style de vie et leurs origines ethniques.

Bref, le marché national est extrêmement concurrentiel et le demeurera. Les nouvelles compagnies qui voudront vendre des produits conventionnels dans ce marché où la concurrence est de plus en plus féroce devront franchir des obstacles considérables pour obtenir du succès. Cependant, la segmentation ouvre le marché à un grand nombre de produits spécialisés, surtout ceux qui s'adressent aux consommateurs soucieux de leur santé et de leur mode de vie. Mentionnons les produits biologiques, d'autres formes de produits présentant des caractéristiques particulières par exemple, sans OGM, produits répondant aux normes de respect du bien-être des animaux, ainsi que des aliments fonctionnels, les additifs nutritionnels et les herbes médicinales.

Le ministère travaille en étroite collaboration avec le secteur pour contribuer à établir des normes et des programmes pour ces nouveaux segments de marché. La croissance de ces chaînes de valeur ouvre des perspectives pour les entrepreneurs des régions rurales du Canada et nous avons constaté un mouvement d'intérêt à l'égard de nouvelles productions tant au niveau primaire qu'à celui de la transformation. Les exemples comprennent les boulangeries spécialisées cuisinant des pains de farine biologique ou des pains spéciaux pour les gens présentant une intolérance au gluten, la production d'édulcorants à partir de cultures non conventionnelles comme la stevia et l'élaboration de tisanes de framboise.

Les agriculteurs ont connu du succès en remontant la chaîne de valeur ajoutée par la création d'entreprises individuelles et coopératives. Les coopératives sont un nouvel exemple du succès obtenu par les entreprises détenues par les agriculteurs, le long de la chaîne d'approvisionnement. Citons quelques exemples de coopératives détenues par des agriculteurs intervenant dans la transformation à valeur ajoutée: la Coopérative fédérale de Québec et ses 100 Coopératives locales et Agropur, deux intervenants très dynamiques et influents. Par leurs activités à valeur ajoutée, ces deux coopératives procurent des avantages économiques aux agriculteurs.

Les agriculteurs profitent aussi du regroupement de leurs investissements en formant une coopérative afin de tisser des alliances stratégiques avec les principaux intervenants du secteur. La Manitoba Egg Producers Co-operative a été formée par un groupe de producteurs d'oeufs qui ont décidé d'investir dans des activités à valeur ajoutée. En 1999, la coopérative a conclu un partenariat tripartite avec deux chefs de file du secteur. Cette alliance permet aux agriculteurs d'intervenir davantage dans l'évolution du secteur, y compris le développement de la science et des bioproduits.

Les collectivités rurales et agricoles partagent souvent les mêmes objectifs. Une entreprise coopérative peut permettre aux agriculteurs et aux citoyens des régions rurales de s'unir pour atteindre leurs objectifs communs. Un exemple récent de cette collaboration est la formation en Ontario de la Mornington Heritage Cheese and Dairy Co- operative, établie dans le but de reprendre les activités d'une fromagerie vieille de 100 ans. Elle résulte de l'initiative d'un petit groupe de résidents ruraux et d'agriculteurs désireux de conserver chez eux le contrôle d'une entreprise locale et d'y maintenir les emplois. La coopérative a attiré 25 membres producteurs et 60 investisseurs de la collectivité. L'entreprise produit 12 fromages de spécialité.

Toutefois, les efforts individuels et collectifs des agriculteurs désireux de monter la chaîne de valeur n'ont pas tous été couronnés de succès. Certaines entreprises ont manqué de capitaux et d'expérience en gestion, alors que d'autres ont simplement été victimes de l'évolution du marché ou d'une situation financière qu'elles n'ont pu surmonter. Bon nombre ont survécu après une restructuration qui s'est souvent traduite, pour les fondateurs, par la perte du contrôle de l'entreprise ou de l'équité.

En gardant ces faits à l'esprit, le ministère et ses partenaires de portefeuille ont entrepris d'aider les agriculteurs à rechercher des activités à valeur ajoutée, par exemple en leur fournissant des avis, des études de marché et une aide pour l'exécution d'études de faisabilité.

Des programmes comme le Fonds canadien d'adaptation et de développement rural, ou FCADR, ont été particulièrement utiles pour aider les agriculteurs à explorer des possibilités d'adaptation, avec l'appui du Secrétariat aux coopératives, de la Société du crédit agricole et du Programme de partage des frais en R-D, mis en place par le ministère pour les cas où l'élaboration d'un nouveau produit nécessite une aide à la recherche.

Le ministère a travaillé depuis de nombreuses années à fournir des programmes et des services au secteur afin de l'aider à développer les possibilités à valeur ajoutée. Cependant, des programmes et services plus intégrés auraient mieux servi le secteur et l'auraient aidé davantage à demeurer concurrentiel dans le marché national et mondial. C'est pourquoi nous avons élaboré le Cadre stratégique pour l'agriculture, afin d'établir une approche intégrée dans nos liens avec le secteur. Le CSA est un cadre de politiques et de programmes qui a pour objectif principal d'aider les agriculteurs à optimiser la valeur en soulignant et en renforçant les attributs fondamentaux de qualité de leurs produits. Dans la concurrence des marchés mondiaux, tout attribut de qualité vérifiable contribuera à différencier les produits canadiens de ceux de la concurrence. Il peut s'agir d'une sécurité accrue, d'une meilleure qualité ou d'attributs non conventionnels qui répondent à des normes environnementales plus élevées.

Dans certains marchés, cette différenciation peut se traduire par des prix supérieurs pour les producteurs. Un exemple bien connu est celui de Walburtons, entreprise du Royaume-Uni qui passe des contrats pour des quantités importantes de blé canadien à prix supérieur.

Sous le régime du CSA, le ministère élabore des programmes pour soutenir la validation des attributs essentiels de qualité des produits. Ces programmes visent notamment à soutenir l'HACCP (analyse des risques et maîtrise des points critiques) sur la ferme, les plans environnementaux à la ferme, les systèmes de suivi et de dépistage et l'élaboration de normes nationales pour les vins, les mélanges de whisky, les produits biologiques et l'étiquetage volontaire des OGM.

La nécessité de l'approche adoptée par le CSA transparaît dans les sondages que nous avons menés auprès d'acheteurs de compagnies alimentaires sur les facteurs qui déterminent la sélection de leurs fournisseurs. Nous avons constaté qu'au cours des cinq dernières années, la salubrité alimentaire est le facteur prioritaire des compagnies dans le choix de leurs fournisseurs et les exigences de cet ordre vont tendre à se resserrer au cours des cinq prochaines années.

Les fournisseurs devront aussi respecter les critères d'assurance de qualité, effectuer facilement le transfert électronique des données et livrer les produits «en temps voulu.» D'après nos sondages, certains critères gagnent en importance chez des acheteurs, comme les modes de production respectueux de l'environnement, les normes de bien- être des animaux et la capacité de fournir des produits biologiques ou non génétiquement modifiés. La plupart des compagnies prévoient resserrer leurs exigences dans ces domaines au cours des cinq prochaines années. Les fournisseurs qui sauront y répondre feront de bonnes affaires.

Le CSA insiste donc sur l'établissement de programmes appuyant l'HACCP, comme l'élaboration de systèmes à la ferme, le soutien à l'élaboration de plans environnementaux en agriculture et l'établissement de normes nationales et de systèmes de certification en matière d'assurance-qualité à l'égard d'aspects comme la production biologique, l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés et les normes de qualité du vin.

Nous croyons qu'en collaborant avec le secteur pour élaborer et mettre en place des normes nationales dans ces domaines, nous pourrons aider les producteurs canadiens à se démarquer des fournisseurs étrangers et à hausser leurs ventes tant sur le marché national qu'à l'étranger.

Enfin, nous avons formé des tables sectorielles sur les chaînes de valeur afin de créer des lieux de rencontre où producteurs, transformateurs, détaillants et autres intervenants peuvent élaborer des stratégies pour développer les marchés nationaux et internationaux. Ces tables sectorielles ont été formées pour différents secteurs: boeuf, porc, céréales, grains, cultures oléagineuses, cultures spéciales, poissons et fruits de mer, horticulture, produits laitiers et volaille. Ces tables ont déjà démontré leur grande utilité pour l'industrie et le gouvernement dans leurs efforts de collaboration, déployés tant à l'intérieur des chaînes de valeur que d'une chaîne à l'autre, dans le but de créer de la valeur ajoutée pour les producteurs et les transformateurs canadiens, en conformité avec la vision du CSA.

Le sénateur Gustafson: Il est certain que la valeur ajoutée dans l'agriculture est essentielle pour assurer la survie de nos agriculteurs. Nous sommes bien conscients des difficultés auxquelles la communauté agricole est confrontée à cause de la hausse du coût des intrants, et cetera. Je tiens à le dire clairement: les agriculteurs sont dans une situation très grave. On dirait que beaucoup d'agriculteurs ont le sentiment d'être en train de se noyer dans leurs problèmes et n'entrevoient aucune solution.

Au sujet de la valeur ajoutée, j'ai une préoccupation. Vous avez dit que les compagnies deviennent de plus en plus grosses. Je crains que ce problème soit en train de prendre des proportions dramatiques. Je ne suis pas sûr que nous comprenions bien jusqu'où tout cela peut aller. Les compagnies d'engrais, les compagnies de pesticides, les compagnies de produits chimiques, et cetera, embarquent les agriculteurs dans différents programmes. On dirait qu'il y a presque autant de programmes différents que d'agriculteurs.

Mon voisin est inscrit à un programme qui lui fournit ses semences, mais pourtant, il ne peut pas réensemencer lui- même, même s'il possède ses propres semences. De plus, le programme prélève un certain montant à l'acre pour les semences et une garantie de 15 p. 100 de son revenu net. Comme vous le savez, les agriculteurs sont incapables d'aligner cet argent et les banques refusent de leur donner de l'argent pour le coût des intrants, en conséquence de quoi les grandes entreprises font payer de gros montants aux agriculteurs. Beaucoup de fermiers se tournent vers ces options comme moyen de financer leur exploitation, mais à mes yeux, c'est quasiment comme s'ils vendaient leur ferme à rabais aux grandes entreprises multinationales. Cela pourrait faire boule de neige et modifier à tout jamais le visage de l'agriculture canadienne.

Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé dans le dossier des producteurs de provendes déshydratées. Ils avaient un important marché dans les pays orientaux, surtout le Japon. Savez-vous où ils en sont?

M. Presley: Votre question comporte deux volets. Le premier porte sur la question de la concentration et ses conséquences; le deuxième vise précisément les débouchés pour les produits déshydratés. Je vais commencer par dire un mot au sujet de la consolidation.

Il n'y a aucun doute qu'il y a eu une concentration considérable, surtout à l'extrémité de la chaîne de valeur ajoutée; dans le secteur du détail, par exemple, les cinq premières compagnies de détail au Canada représentent 60 p. 100 du marché. C'est une concentration très poussée.

J'ai assisté récemment à une conférence où l'on a expliqué qu'en comparaison d'autres secteurs de la vente au détail, il y a encore place pour une concentration plus poussée. Dans la fabrication de chaussures, par exemple, la concentration est beaucoup plus prononcée que dans le secteur de l'alimentation. Les opinions divergent sur la question de savoir si nous avons atteint un niveau de concentration qui se maintiendra pendant quelques années, ou bien si le mouvement va se poursuivre. La Loi sur la concurrence impose des limites à la part de marché qu'une seule compagnie peut détenir.

Il y a un effet d'entraînement parce que nous avons un effet de levier concentré au sommet du secteur du détail; en conséquence, les fabricants d'aliments ont accentué leur concentration en réponse à cette exigence des acheteurs. Ils ont dû rationaliser, réduire les coûts et simplifier leurs opérations pour rester en affaires dans l'environnement actuel.

C'est un secteur très dur et, comme je l'ai dit tout à l'heure, la base de consommation au Canada n'a pas une croissance très forte. Avec un taux de croissance annuelle de 1 p. 100, c'est un secteur compétitif qui favorise la vente.

Pour vous donner une idée du niveau de concentration relative que nous avons au Canada, nous sommes moins concentrés que dans certains pays d'Europe, mais plus concentrés qu'aux États-Unis dans le secteur du détail. Cependant, les États-Unis s'orientent eux aussi dans cette direction.

Pour ce qui est des débouchés pour le foin déshydraté, je ne peux pas vous donner beaucoup de précisions. Nous avons une stratégie de développement des marchés qui fonctionne dans ce secteur. Je me rappelle vaguement certains éléments de cette stratégie. C'était nouveau pour moi à l'époque et c'était avant que j'assume mes responsabilités actuelles, qui englobent ce domaine. Je pourrai peut-être vous donner de plus amples informations ultérieurement sur les perspectives et les plans à long terme quant aux débouchés potentiels, en particulier au Japon.

Le sénateur Gustafson: Là encore, je pense que beaucoup de producteurs de provendes déshydratées avaient conclu des ententes avec des agriculteurs en difficulté. Ces derniers faisaient tout le travail pour les producteurs. Ils mettaient le foin en botte, le livraient et faisaient tout le nécessaire du côté agricole, mais ensuite, ce sont les producteurs qui empochaient tout le profit. Cela fait parfois problème parce qu'ils ont conclu des contrats à long terme dont ils ne peuvent pas se retirer.

Je crains que les agriculteurs ne deviennent des serfs sur leur propre ferme. Allons-nous accepter cela, en tant que Canadiens, ou bien est-ce déjà un fait accompli? La situation nous a-t-elle déjà échappé complètement?

Les Américains, par contre, appuient leurs agriculteurs au moyen de subsides et les aident à garder leur ferme. Les Européens le font depuis des années. J'en suis arrivé au point où j'ai presque envie de hurler quand j'entends des politiciens dire qu'ils vont assurer la survie de nos agriculteurs à l'aide de subsides. Cela n'arrivera pas.

En Saskatchewan, on a essayé de faire des planches avec de la paille de lin. Existe-t-il des exemples de succès dans cette entreprise?

M. Presley: Mon collègue Harold Hedley, qui travaille dans notre division des grains et des oléagineux, va m'aider à répondre à cette question.

Au sujet des sombres perspectives qui attendent certains producteurs qui doivent rivaliser avec des producteurs subventionnés, notamment ceux des États-Unis et de l'Union européenne, le ministère et les ministres fédéral et provinciaux ont reconnu que c'était une bataille perdue d'avance parce que les situations de ce genre débouchent généralement sur une escalade.

Au lieu de cela, nous avons élaboré une stratégie qui privilégie plutôt la collaboration avec les producteurs pour déterminer les attributs de leurs produits qui permettraient de les distinguer de ceux de leurs concurrents, en vue de créer des marchés à prix supérieurs pour ces produits. Je m'explique. Nous avons des tables sectorielles pour les cultures spéciales, qui englobent un vaste éventail de produits autres que les grains et les oléagineux. La table sectorielle des cultures spéciales comprend des producteurs de denrées très diverses, des fabricants, des commerçants, des détaillants et des représentants de l'industrie des services agroalimentaires; autrement dit, des acheteurs et des vendeurs.

On s'est efforcé de circonscrire les exigences de l'acheteur et de voir s'il y aurait possibilité de créer dans certaines catégories spécialisées des créneaux à prix supérieurs. Nous avons eu deux réunions à cette table sectorielle et nous examinons deux stratégies, dont l'une consiste à continuer d'obtenir du succès dans la catégorie des produits à faible coût, ce qui est bien sûr une question d'efficience, et l'autre consiste à mettre en place des systèmes qui donneraient une capacité de suivi et de dépistage et qui permettraient d'établir des catégories séparées pour les produits biologiques ou n'ayant subi aucune manipulation génétique, afin de voir s'il y aurait moyen de trouver des acheteurs qui seraient prêts à payer une prime pour les produits de ces catégories. Cette stratégie semble prometteuse pour les agriculteurs et nous avons créé un lieu de rencontre où une telle stratégie pourra être élaborée de concert par l'industrie et le gouvernement.

Le sénateur Gustafson: Dans la catégorie biologique, ça va bien actuellement, mais c'est bon pour les petites exploitations agricoles mixtes. C'est plus facile pour ces producteurs-là de se lancer dans ce créneau parce qu'ils n'ont pas répandu tellement de produits chimiques sur leurs terres et qu'il y a encore un très bon marché pour leurs produits. En fait, j'ai un voisin qui m'a dit avoir vendu du lin à 42 $ le boisseau. C'est un cas isolé.

M. Presley: C'est intéressant. Ce sont des créneaux particuliers.

M. Harold A. Hedley, directeur, Division des grains et des oléagineux, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Sénateur Gustafson, il y a au Manitoba, juste au sud-ouest de Winnipeg, une usine où l'on fabrique des panneaux de fibres avec de la paille. Je pense que la compagnie appartient maintenant à Dow Chemicals.

Le sénateur Gustafson: Beaucoup d'agriculteurs ont mis tous leurs espoirs dans le chanvre et j'en connais beaucoup qui cultivent encore le chanvre. Ils n'ont pas réussi à ouvrir une usine et n'ont pas trouvé de marché pour leur produit.

M. Presley: Nous avons fait de réels efforts dans la catégorie des produits non alimentaires, les bioproduits, et le chanvre est l'un des plus intéressants. Gordon McGregor, qui travaille au Bureau des aliments, s'est occupé particulièrement de cette catégorie, ce que j'appelle les bioproduits d'usage industriel.

M. Gordon McGregor, directeur intérimaire, Division des affaires intersectorielles de l'industrie, Bureau des aliments, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Comme vous le savez, les agriculteurs canadiens ont accueilli avec enthousiasme la réintroduction du chanvre comme grande culture dans notre pays. L'une des difficultés, c'est qu'on peut bien le cultiver, mais encore faut-il la technologie pour le transformer. Beaucoup de compagnies qui possèdent cette technologie sont européennes, notamment allemandes. Un groupe avec lequel je travaille est en train d'organiser une mission en Allemagne pour étudier les possibilités dans le domaine de la fibre, mission qui aura probablement lieu en février prochain.

Le véritable dilemme, c'est de faire la jonction entre la production, cette technologie et les marchés. À l'heure actuelle, l'Amérique du Nord est un peu en retard en terme de marché commercial pour les produits du chanvre, tandis qu'en Europe, le secteur de l'automobile envisage d'utiliser des fibres naturelles comme le chanvre dans toutes sortes d'applications pour la finition intérieure des automobiles. Nous espérons obtenir des tuyaux des Européens pour voir si nous pouvons encourager la naissance d'un tel marché ici en Amérique du Nord.

Le sénateur Gustafson: L'Europe semble avoir eu du succès.

M. McGregor: Oui, mais si vous examinez la manière dont leur industrie est financée, vous constaterez qu'elle est fortement subventionnée.

Le sénateur Ringuette: Je dois admettre que je suis impressionnée par votre présentation et l'approche de votre ministère. Comme je viens de la région du Nouveau-Brunswick où l'on cultive la pomme de terre, j'essaie désespérément d'obtenir qu'un organisme quelconque aide mes producteurs de pommes de terre à fractionner leur marché. À l'heure actuelle, ils vendent en vrac aux transformateurs de pommes de terre, les deux entreprises géantes que nous connaissons, ou bien ils exportent dans les États de la Nouvelle-Angleterre.

Dans notre localité, les pommes de terre de taille plutôt moyenne sont empaquetées dans d'immenses conteneurs qui sont expédiés à New York pour 15 $ le conteneur. Les acheteurs de New York transvasent ces patates dans de petites boîtes et les vendent au détail à 6 $ la boîte. Les New-Yorkais obtiennent en valeur ajoutée 2 000 fois plus que mes agriculteurs.

Votre bureau est-il présent au Nouveau-Brunswick? Pourrais-je vous demander d'organiser des séminaires dans ma région pour aider mes collectivités agricoles?

M. Presley: Nous serions absolument ravis d'aller rencontrer les producteurs de votre localité pour leur parler des programmes du ministère et de nos efforts et stratégies en vue de créer de la valeur ajoutée. Nous avons beaucoup travaillé avec le secteur de la pomme de terre, aux deux extrémités de la chaîne.

Ces derniers temps, j'ai été amené à mieux connaître les transformateurs et leur problématique. Mon ministère comprend que les agriculteurs s'efforcent d'attirer des investissements pour diversifier la production, depuis les croustilles jusqu'aux pommes de terre de table.

J'ai parlé tout à l'heure des tables sectorielles et je vais probablement y revenir plusieurs fois ce soir, parce qu'à nos yeux, ce sont des instruments importants pour aider à élaborer des stratégies en vue de créer des produits à valeur ajoutée.

L'une de ces tables sectorielles se penche sur la problématique de l'horticulture au Canada. L'idée est de rassembler des producteurs, fabricants et acheteurs canadiens et américains, des secteurs de la vente au détail et des services alimentaires, pour discuter des attributs qui sont recherchés et valorisés dans les marchés pour certaines catégories de pommes de terre. Nous poserons des questions comme celle-ci: quelles pratiques de production déboucheraient probablement, sinon sur un prix supérieur, tout au moins sur un marché sûr à de bons prix pour différentes catégories de produits?

Nous espérons que la création de cette table sectorielle permettra à certains producteurs de pommes de terre de votre région d'élaborer des stratégies permettant de différencier leurs produits en fonction d'attributs qui seraient plus attrayants aux yeux de l'acheteur de New York. J'ai donné tout à l'heure l'exemple facile de la production biologique ou de l'exclusion de toute manipulation génétique. Il y a d'autres attributs dans certaines catégories de pommes de terre qui sont intéressants pour un fabricant de croustilles.

Cela fait partie de la stratégie et nous irions avec grand plaisir rencontrer les représentants de votre groupe pour discuter de tout cela avec eux.

Le sénateur Ringuette: Si vous envisagez de mettre sur pied une table sectorielle de l'horticulture, je suis certaine que mon collègue de l'Île-du-Prince-Édouard et moi-même aimerions bien qu'elle soit implantée dans la région de l'Atlantique.

Que faites-vous au sujet des barrières commerciales et des subsides? Ces dernières années, nous avons été confrontés aux barrières commerciales érigées par les États-Unis.

À un moment donné, la région de l'Atlantique a été obligée de jeter des pommes de terre à cause d'un surplus sur le marché, et pourtant, nous continuons en tant que contribuables de financer un système d'approvisionnement en aliments qui ne reconnaît pas la très grande valeur nutritive de cette denrée.

Avez-vous examiné cette situation? Y a-t-il des possibilités sur le marché? Si vous ne l'avez pas fait, allez-vous le faire? Cela fait-il partie de votre mandat?

M. Presley: Dans le cadre de notre mandat, nous nous occupons activement de questions commerciales, des irritants commerciaux et des obstacles au commerce, en particulier ceux qui prennent prétexte des questions de salubrité des aliments.

Nous en avons un exemple frappant dans la crise actuelle de l'ESB. Nous sommes actuellement sous le coup de restrictions à la frontière. Une bonne partie de nos efforts visent à créer des attributs en matière de qualité qui permettront de distinguer nos produits pour qu'on puisse les vendre avec succès non pas seulement au Canada, mais aussi à l'étranger.

Nous savons également que nous nous butons à un jeu complexe de problèmes et de barrières commerciales de nature technique qui nuisent à notre pénétration de ces marchés. C'est cette catégorie de problèmes dont il est si souvent question.

Nous avons essayé de travailler en étroite collaboration avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour mettre au point une stratégie de défense de nos produits dans certains pays en particulier où de telles barrières surgissent. Nous voulons expliquer nos travaux scientifiques et ériger des systèmes solides qui nous permettront de convaincre nos interlocuteurs que les produits en question ne posent aucune menace sur le plan de la salubrité des aliments. Nous avons déployé des efforts énergiques sur ce front.

Notre stratégie commerciale pour la problématique des barrières commerciales techniques constitue un défi énorme auquel nous accordons beaucoup d'attention et c'est un élément majeur de notre stratégie.

Une mesure que nous avons prise consiste à tenter de garantir la salubrité des aliments chez nous. Nous mettons au point des systèmes perfectionnés de suivi. L'objet de ces systèmes est qu'ils nous permettent ensuite d'isoler un problème particulier touchant un produit donné dans une région précise, tout en continuant d'assurer le passage à la frontière du produit en question qui n'est pas visé. Nous trouvons que c'est un élément important de notre stratégie globale et cela s'applique aux pommes de terre et à beaucoup d'autres produits.

Le vice-président: Je voudrais faire une observation au sujet des tables sectorielles. Il y a eu la semaine dernière une réunion de la table sectorielle sur la chaîne de valeur du boeuf. On y a présenté une recommandation qui a été rejetée par les ministres fédéral et provinciaux de l'Agriculture. Compte tenu de cet état de fait, quelle est l'utilité des tables sectorielles?

M. Presley: J'étais présent à cette réunion de la table sur le boeuf. Je pense que si vous en discutez avec les représentants du secteur à la table, ceux-ci vous diront qu'ils considèrent que c'est un outil très utile pour eux.

À la réunion, nous avons examiné le cas des vaches de 30 mois et plus. Il y avait là des représentants des éleveurs, des principaux abattoirs, de gros négociants et des détaillants. Tous ces gens-là ont essayé d'imaginer une stratégie pour régler le cas des vaches de 30 mois et plus. Beaucoup de stratégies intéressantes ont été élaborées dans cette pièce, parce que tous les intervenants s'y trouvaient rassemblés.

Si nous avons créé les tables sectorielles, ce n'était pas tellement pour en faire des organismes consultatifs en matière de politiques, bien qu'elles jouent aussi ce rôle. Dans le dossier de l'ESB, elles se sont révélées un outil précieux pour consulter l'industrie sur les approches que nous adoptons au gouvernement. Il arrive parfois que les représentants d'une industrie aux tables sectorielles recommandent une approche à laquelle le ministre n'a pas souscrit. Néanmoins, cette table en particulier s'est réunie au moins six fois, tandis que la plupart des tables étaient censées se réunir deux fois par année. Le nombre de participants est passé d'environ 25 à plus de 70. Ce sont surtout des membres actifs du secteur, ce qui prouve que ce mécanisme s'est révélé précieux comme lieu de rencontre où les gens d'un secteur peuvent réfléchir de manière stratégique. De nombreux sous-groupes ont été créés à même cette table sectorielle pour se pencher sur diverses questions, depuis les campagnes de marketing en Asie et aux États-Unis jusqu'aux stratégies relatives aux provendes, et cetera.

C'est probablement le meilleur exemple d'une table sectorielle qui est arrivée à point et qui a joué un rôle utile en aidant à élaborer des stratégies émanant du secteur lui-même pour réagir à cette crise, tout en constituant pour le ministère et le gouvernement une bonne tribune, un tremplin pour tester diverses idées.

Le sénateur Ringuette: Je n'ai pas eu de réponse claire à mes observations sur le panier alimentaire mondial et le fait que la pomme de terre n'en fait pas partie.

Je voudrais aussi une réponse à la question de savoir si votre bureau se penche là-dessus.

M. Presley: Je vais vérifier et vous faire parvenir une réponse, à savoir dans quelle catégorie se situe la pomme de terre.

J'ai appris dans le dossier de l'ESB que nous travaillons de concert avec l'ACDI pour comprendre quelles possibilités existent d'écouler sous forme d'aide alimentaire des produits qui ne seraient pas consommés autrement. Je connais le principe de base, à savoir qu'il existe une catégorie de produits que l'infrastructure des pays bénéficiaires peut administrer et distribuer à la population dans cette partie du monde.

Beaucoup de produits qui ont une grande valeur pour nous au Canada n'en ont aucune dans ces pays-là, ou bien il n'existe tout simplement aucun moyen de distribuer le produit de manière sécuritaire et sous une forme digestible. Maintenant, où se situe la pomme de terre dans cette problématique, je l'ignore.

Le sénateur Ringuette: Il y a beaucoup de politique là-dedans.

Est-ce que l'on peut consulter sur votre site Web vos travaux de recherche sur les marchés?

M. Presley: Nous avons un certain nombre de sites Web où l'on trouve des renseignements sur nos efforts de développement des marchés internationaux. J'essaie de me rappeler si l'on y trouve des détails sur les études de marché effectuées pour diverses denrées dans différentes parties du monde. Je crois que c'est le cas.

Nous avons un programme appelé Programme international du Canada pour l'agriculture et l'alimentation, connu sous le sigle PICAA. C'est un programme de promotion des exportations dans lequel nous versons un montant égal à la contribution des groupes sectoriels nationaux, dans un effort pour promouvoir un produit générique et, dans certains cas, des produits de marque spécifiques, dans des marchés clés autour du monde. Nous versons cet argent à condition que l'on ait fait à l'avance une bonne étude de marché pour s'assurer que l'argent sera dépensé dans des marchés où il existe des possibilités. Dans certains cas, nous aidons à financer ces études de marché selon la formule du partage des coûts. Voilà des exemples des efforts que nous faisons au ministère.

Le sénateur Ringuette: Vous ne faites pas d'études de marché pour votre propre compte; vous les faites seulement en partenariat?

M. Presley: Nous en faisons beaucoup nous-mêmes, mais nous préférons les faire en partenariat avec le groupe sectoriel. De cette manière, nous pouvons compter sur des experts du secteur qui tirent leur gagne-pain des marchés en question et qui en font l'analyse en partenariat avec nous. Nous faisons pas mal d'études de marché de notre côté. De plus en plus, nous essayons de le faire en partenariat avec l'industrie. Nous constatons que l'industrie utilise ensuite les résultats de l'analyse.

Le sénateur Ringuette: Nous avons eu de graves préoccupations dans d'autres situations où la communication n'est pas bonne et où trop de gens sont en conséquence mal informés alors que cette information de qualité devrait être rendue publique, surtout si le tout est financé à même les deniers publics. C'est pourquoi je demande si les résultats de vos recherches sont disponibles sur votre site Web.

M. Presley: Je n'étais pas certain que la totalité de cette recherche soit disponible sur le site Web, mais le tout est certainement public. Nous avons des contacts par l'entremise desquels vous pouvez obtenir cette information. Il est certain que tout ce que nous finançons est du domaine public.

Le sénateur Ringuette: Avez-vous une présence physique au Nouveau-Brunswick?

M. Presley: Notre ministère a une station de recherche à Fredericton.

Le sénateur Ringuette: Je veux dire plus précisément dans le domaine des études de marché, et cetera.

M. Presley: Nous avons plusieurs employés de notre bureau de l'Atlantique qui se trouvent à Fredericton, où ils partagent des locaux avec la station de recherche de Fredericton.

Le sénateur Ringuette: Ce sont ces mêmes gens qui travaillent en ville et qui sont censés aider les localités rurales?

M. Presley: C'est bien cela.

Le sénateur Ringuette: Combien de temps pouvez-vous me donner pour que j'informe la communauté agricole du Nouveau-Brunswick des programmes que vous avez et des travaux de recherche que vous avez faits? Combien de temps pouvez-vous me donner pour que nous puissions transmettre l'ensemble de cette information?

Je regrette de dire que les quelques personnes que vous pouvez avoir dans cette ville ne transmettent pas l'information à ceux qui doivent être mis au courant, nommément les collectivités rurales, où se trouvent les agriculteurs.

M. Presley: Nous allons prévoir tout le temps nécessaire pour communiquer tout cela.

Le sénateur Ringuette: Peut-être pourriez-vous réserver le mois de janvier en entier.

Le sénateur Hubley: Je voudrais vous parler des coopératives en ce qui a trait aux économies d'échelle.

Nous avons déjà dit en nous présentant que nous venons des Maritimes où l'on pourrait dire que nous mettons parfois «toutes nos patates dans le même panier.»

Dans l'Île-du-Prince-Édouard, nous produisons beaucoup de pommes de terre qui sont ensuite vendues aux producteurs. En soi, cela ajoute de la valeur et nous bénéficions des emplois qui sont créés par ce système de production.

Quand on parle de valeur ajoutée, on a le sentiment que l'on recherche des marchés spécialisés, des créneaux comme l'agriculture biologique, que l'on envisage une dynamique plus restreinte, peut-être une utilisation plus délicate des terres agricoles ou une agriculture qui serait davantage polyvalente. Enfin, je pense que vous comprenez ce que je veux dire.

Quelle sera l'importance des coopératives pour ce qui est de permettre aux agriculteurs de produire ce qu'ils aimeraient produire sans avoir à s'occuper du marketing et de la recherche?

Je voudrais savoir si, d'après vous, les coopératives seront le mécanisme qui jouera ce rôle.

Mme Susie Miller, directrice, Secrétariat aux coopératives, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Je pense que les coopératives peuvent jouer ce rôle dans certaines circonstances, en fonction des souhaits des particuliers qui seraient intéressés à former une coopérative eux-mêmes.

En fait, c'est dans l'agriculture que l'on trouve le plus grand nombre de coopératives au Canada à l'exception des caisses populaires et autres coopératives de crédit. Les coopératives sont très importantes pour l'agriculture. Les coopératives qui se créent de nos jours sont différentes des coopératives traditionnelles en terme de marketing, surtout dans le secteur des céréales et dans la transformation des produits laitiers et de la volaille.

Dans l'ouest du Canada, on constate une tendance à l'agriculture biologique. Il y a des agriculteurs qui cultivent 2 000 acres de cultures biologiques. Cependant, quand il s'agit de marketing, les débouchés traditionnels pour les grains et les oléagineux ne sont pas nécessairement bien adaptés aux besoins des producteurs biologiques, qui doivent pouvoir compter sur un réseau de commercialisation distinct et un solide système de retraçage. Certains producteurs biologiques se tournent vers les coopératives comme moyen de commercialiser collectivement leurs produits, afin de pouvoir ajouter les récoltes des autres producteurs aux leurs.

Un autre domaine où il y a beaucoup d'intérêt est l'industrie des herbes et des épices, où la nature de la production est telle qu'un grand nombre de gens cultivent de petites quantités. Ce ne sont pas des cultures de grande envergure. Cependant, pour avoir accès à la fois au marché des médicaments et au marché des suppléments alimentaires, il faut une garantie de pouvoir compter sur une certaine quantité du produit et respecter certaines normes. Beaucoup de producteurs sont très intéressés à utiliser les coopératives pour mettre en commun leurs produits et réaliser des économies d'échelle qui leur permettront d'accéder à un marché auquel ils n'auraient pas accès individuellement faute d'une production suffisante.

Dans certains secteurs, les producteurs se regroupent maintenant en coopératives alors que, traditionnellement, ils commercialisaient leurs produits individuellement, par exemple les pomiculteurs de la vallée d'Annapolis en Nouvelle- Écosse. Au fil des années, le pouvoir de commercialisation d'une pommeraie individuelle a décliné à cause de la forte concurrence internationale. On peut donner l'exemple de la Scotian Gold Ltée, qui réunit en coopérative un certain nombre de producteurs qui travaillaient auparavant individuellement. Ils ont maintenant mis en commun leurs installations de stockage, ils embauchent conjointement des experts pour se charger du marketing. C'est l'un des nombreux avantages des coopératives.

Je pourrais vous nommer de nombreux groupes, depuis la Nouvelle-Écosse jusqu'en Colombie-Britannique, qui sont intéressés à former des coopératives pour explorer les possibilités de marketing et de transformation dans le secteur agricole.

Nous venons tout juste d'introduire cette année un programme appelé l'Initiative de développement des coopératives dont l'une des six priorités est la valeur ajoutée en agriculture. Des premières demandes que nous avons reçues, 40 p. 100 émanaient du secteur agricole, même si c'est seulement l'une des six priorités. Cela continue de susciter de l'intérêt, et même un intérêt de plus en plus grand, en particulier quand un certain nombre d'agriculteurs se lancent dans un nouveau secteur et tentent de s'implanter dans un grand marché. Individuellement, ils ne peuvent accumuler une production suffisante pour percer dans un marché ou avoir un pouvoir de négociation suffisant pour obtenir un bon prix.

Le sénateur Hubley: Je reprends les propos du sénateur Ringuette: le transfert d'information est d'une importance critique. Les petites fermes ont besoin d'une organisation cadre qui est consciente de leurs efforts et qui peut leur faire comprendre les avantages de se former en coopérative.

Mme Miller: L'un des volets de l'Initiative de développement des coopératives, qui représente le tiers des fonds, est consacré à la prestation de services consultatifs au niveau local par l'entremise des organisations régionales de l'Association canadienne des coopératives.

C'est un service financé par notre programme de concert avec le secteur coopératif et qui conseillera et épaulera les particuliers et groupes intéressés à former des coopératives. Ce service sera disponible au Nouveau-Brunswick et en Île- du-Prince-Édouard. Ce travail vise en partie à faire découvrir aux petits producteurs les avantages des coopératives et la manière dont celles-ci peuvent répondre à leurs besoins.

Ce programme entrera en vigueur en octobre ou novembre 2003.

M. Presley: Nous avons un site Web appelé InfoHort, qui est administré par la division de l'horticulture du ministère; je crois qu'on peut y accéder par un lien sur notre site Web général. Ce site donne beaucoup de renseignements sur les débouchés dans le secteur de l'horticulture. On y trouve probablement passablement d'informations sur les questions d'actualité, par exemple en ce qui a trait aux pommes de terre.

Le vice-président: Vous avez dit que dans le sud de l'Ontario, on a mis au point un nouveau fromage ou un nouveau procédé de fabrication du fromage. Que fait votre ministère pour aider cette petite entreprise à breveter son procédé? Si un produit qu'ils ont mis au point devient rentable ou populaire, ce ne sera pas long que quelque grande entreprise occupera le marché et ils perdront ce créneau. C'est souvent un problème pour les petits producteurs.

M. Presley: Je crains de ne pas pouvoir répondre à la question sur notre rôle relativement aux brevets. Ce n'est probablement pas un volet important du mandat de notre ministère. J'imagine que nous déblayons le terrain pour les petites entreprises et les dirigeons vers Industrie Canada et la législation commerciale en matière de brevets.

Je vais devoir y réfléchir et tenter d'obtenir une réponse pour le comité.

Le vice-président: Peut-être que le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire devrait se pencher sur cette question. Si nous encourageons les agriculteurs à se créer des marchés dans certains créneaux, nous devrions aussi leur donner les outils et les connaissances dont ils ont besoin pour réaliser leur ambition. S'ils créent un produit intéressant, ils doivent savoir comment protéger ce produit et se protéger eux-mêmes contre la concurrence.

Je pense qu'en agriculture, comme nous nous dirigeons vers un marché mondial, le seul moyen de réussir est d'avoir une taille suffisante. C'est pour nous la seule manière de rivaliser avec succès avec la concurrence. Cela a été prouvé dans les secteurs du blé et du boeuf. Nous produisons des matières premières formidables au Canada, mais nous ne les transformons pas chez nous. Le problème qui s'est posé dans le secteur du boeuf nous a fait prendre conscience que nous ne sommes pas capables de transformer ce que nous produisons pour garder les emplois chez nous.

Il faut convaincre les agriculteurs d'adopter le concept de la coopérative, peu importe qu'on l'appelle coopérative ou société ou compagnie mutuelle. Les gouvernements doivent convaincre les agriculteurs qu'ils doivent travailler ensemble au sein d'une organisation. Si les agriculteurs ne peuvent s'en sortir seuls, ils doivent se regrouper en coopératives.

Je me demande si notre comité et les gouvernements provinciaux et fédéral ne sont pas en train de causer la perte de nos agriculteurs en les encourageant à diversifier leur exploitation de taille restreinte et à se tailler des créneaux sur le marché. Certains constatent, après deux ou trois ou cinq ans, qu'ils ne peuvent plus survivre après avoir opéré cette diversification. Avez-vous examiné ce problème?

M. Presley: Je vais demander à ma collègue Mme Lois James de vous parler des programmes que nous avons pour aider à surmonter les difficultés de la gestion des entreprises agricoles.

 

Mme Lois James, directrice, Programmes du renouveau, Équipe du renouveau et de l'innovation, Agriculture et Agroalimentaire Canada: L'une des initiatives que nous avons prises de concert avec les provinces s'appelle Services- conseils aux exploitations agricoles canadiennes. On est en train de mettre ce programme en place et nous commençons à offrir les services au fur et à mesure que l'on signe des ententes de mise en oeuvre avec les provinces.

 

Cette initiative comprend deux volets. Premièrement, nous allons offrir à tous les agriculteurs du Canada ayant un revenu agricole brut de plus de 10 000 $ jusqu'à cinq jours de services d'experts-conseils pour les aider à évaluer leur entreprise et à élaborer un plan d'action.

 

Pour l'évaluation de l'entreprise, l'expert-conseil travaille de concert avec l'agriculteur pour aider celui-ci à mieux comprendre sa situation financière actuelle. Quant au plan d'action, il aide à envisager les diverses options possibles et à faire des projections financières pour chacune d'elles.

Un autre élément de ce programme qui est offert exclusivement aux agriculteurs permettra à ceux-ci d'avoir accès à des services spécialisés pour faire établir un plan d'affaires complet pour leur exploitation agricole. Ils auront également accès à des services pour établir notamment une stratégie de marketing ou encore un plan de ressources humaines. Ces plans sont particulièrement utiles pour les exploitations qui comptent de nombreux employés, par exemple dans les secteurs de la culture de serre, de la pomme de terre et pour certaines cultures horticoles exigeant beaucoup de main-d'oeuvre.

 

Aux termes de ce service, nous fournirons 50 p. 100 du coût d'élaboration de l'un de ces plans spécialisés, que ce soit un plan d'affaires complet ou une stratégie de marketing ou même une stratégie de gestion du risque, jusqu'à un maximum de 8 000 $ par exploitation agricole.

 

Je vais maintenant vous parler d'un autre programme qui est peut-être particulièrement pertinent à la discussion d'aujourd'hui. Nous l'appelons le Programme de planification et d'évaluation pour les entreprises de produits à valeur ajoutée (PEEPVA). Nous offrirons des services d'évaluation et de planification spécifiquement pour les entreprises à valeur ajoutée.

Dans le cadre de cette initiative, nous offrirons, dépendant du nombre d'entreprises agricoles participantes, 50 p. 100 du coût de l'élaboration d'un plan d'affaires complet jusqu'à hauteur de 25 000 $. Les montants seraient de 10 000 $ pour un particulier, 20 000 $ pour deux particuliers et jusqu'à 25 000 $ pour trois et plus. Cela s'appliquerait bien sûr aux coopératives. Ce programme va renforcer l'entreprise. Ce peut être un particulier ou bien un groupe d'agriculteurs qui se rassemblent pour mettre au point un plan d'affaires complet.

Selon la nature de l'opération, nous embaucherons des experts-conseils pour établir un plan d'affaires complet. Nous verrons à ce que l'on s'occupe de tous les aspects financiers ainsi que de l'exploration des marchés, de l'énoncé de mission, et cetera. L'un des objectifs de ce programme est d'aider à trouver des capitaux.

Au sujet des brevets, nous travaillerions avec l'agriculteur pour voir si ce serait une solution valable dans son cas. C'est l'un des éléments que l'expert-conseil porterait à l'attention de l'agriculteur.

Nous payons vraiment pour retenir les services de spécialistes. En l'occurrence, l'expert chargé d'établir le plan d'affaires travaillerait en étroite collaboration avec l'agriculteur ou le groupe d'agriculteurs, passant en revue avec eux toutes les étapes, l'objectif étant de les aider à s'assurer que leur entreprise soit couronnée de succès.

Le vice-président: Votre ministère s'est-il penché sur l'important problème qui se pose dans le domaine du marketing, en particulier au Canada, à savoir la difficulté pour l'agriculteur d'obtenir de la place pour ses produits sur les tablettes des magasins. C'est quasiment impossible pour n'importe quelle nouvelle entreprise, qu'elle soit familiale, de taille moyenne ou même de grande taille, d'obtenir de l'espace pour ses produits sur les tablettes de la majorité de nos magasins d'un bout à l'autre du Canada. Il est impossible de vendre un produit s'il n'est pas sur les tablettes. Comment résoudre ce problème?

M. Presley: L'inscription à l'inventaire des magasins de détail est un problème auquel se butent tous les fabricants d'aliments que j'ai rencontrés. J'en ai parlé à des détaillants dans le secteur de l'alimentation et presque tous, y compris les cinq grandes chaînes, se sont dit intéressés à promouvoir les produits locaux. Ils ont également dit qu'ils manquaient d'espace sur les tablettes.

Mme Miller voudra peut-être vous parler des coopératives de vente au détail car on y a peut-être adopté une approche différente par rapport à celle des autres détaillants.

Mme Miller: Nous avons obtenu un certain succès en faisant appel aux coopératives comme mécanisme pour introduire de nouveaux produits alimentaires. Pour faire accepter le produit et créer un marché suffisant avant de le mettre en vente sur les tablettes des grands magasins, les coopératives se sont tournées vers les petites boucheries spécialisées et les marchés agricoles.

La plupart de ces marchés au Canada sont des coopératives; ce ne sont pas toujours des agriculteurs qui vendent directement leurs produits. La plupart sont des produits locaux, cultivés, transformés et empaquetés sur place. Beaucoup se trouvent même dans des établissements fédéraux où il n'y a pas suffisamment de demande pour convaincre les magasins de détail de mettre leurs produits sur leurs tablettes.

Les marchés agricoles se sont révélés une excellente façon d'introduire un produit et de créer une demande suffisante pour convaincre un magasin de le mettre en inventaire. Ce n'est pas la solution absolue, mais cela permet de tester et d'introduire sur le marché une petite quantité de produits. Dans certains cas, cette solution a fonctionné.

M. Presley: Dans nos enquêtes auprès des acheteurs, nous avons demandé aux détaillants et aux fabricants d'aliments ce qu'ils exigent de leurs fournisseurs et quel accroissement de la demande ils prévoient pour les cinq prochaines années.

Dans chaque cas, les compagnies veulent un système d'assurance de la salubrité alimentaire pour tous les produits sur leurs tablettes. Parmi les autres exigences, citons un engagement de livrer une quantité suffisante du produit à temps; les détaillants doivent savoir qu'ils pourront répondre aux attentes de leur clientèle une fois établie la loyauté envers le produit.

Il y a d'autres éléments comme l'interface électronique, c'est-à-dire que l'agriculteur doit répondre aux exigences informatiques du détaillant pour commercialiser un produit.

Nous avons un certain nombre d'initiatives qui permettent aux fabricants de produits de spécialité fabriqués en petites quantités, et cetera, d'en apprendre plus sur ce qu'ils doivent faire pour se tailler une place sur le marché et établir des relations d'affaires avec ces acheteurs.

Le vice-président: Cette situation me rappelle ce que le ministère de l'Agriculture a fait dans les années 20. À cette époque, nous avons encouragé beaucoup d'Européens à venir défricher les régions rurales du Canada. Nous avions d'extraordinaires programmes d'éducation et des ateliers. On donnait des cours pour enseigner aux gens comment cultiver la terre, comment ensemencer et comment tirer le meilleur profit de cette occasion qui leur était offerte. Peut- être devrions-nous y revenir. Peut-être que nous devrions déployer des efforts tous azimuts pour faire l'éducation des agriculteurs en prévision de la réalité de demain.

L'éducation est le seul moyen de résoudre cette situation. Plus il y a de gens qui sont au courant des possibilités offertes, par exemple les ateliers, mieux ce sera. Je pense que les ateliers seront beaucoup plus efficaces que la publicité ou les annonces à la radio.

Vous avez dit que vous êtes présents dans chaque province. Tenez-vous des ateliers pour expliquer la valeur des coopératives?

Je pose cette question parce que nous demandons en fait à l'agriculture de changer de cap complètement.

M. Presley: Je vais vous présenter Gilles Rousselle, qui travaille dans notre direction de la recherche. M. Rousselle travaille avec la communauté scientifique dans un effort pour faire le pont avec la ferme, pour y implanter les innovations qui voient le jour dans les stations de recherche. Il va vous donner un aperçu des stratégies que l'on a élaborées.

Nous avons déployé des efforts sur deux fronts. Dans les Prairies, nous jouons un rôle actif de concert avec l'Administration du rétablissement agricole des Prairies, qui prend ses responsabilités au sérieux et qui est très active dans ce dossier.

Nous travaillons aussi en partenariat avec nos collègues provinciaux pour essayer de diffuser cette information. Nous avons appris que le meilleur moyen de relever le défi constant de la diffusion de l'information est de travailler en partenariat avec d'autres niveaux de gouvernement et aussi avec les associations d'amélioration des sols et des cultures. Nous leur avons également fourni un soutien financier.

[Français]

M. Gilles L. Rousselle, directeur général intérimaire, Planification et coordination de la recherche, Agriculture et Agroalimentaire Canada: On parlait tout à l'heure de sessions d'information pour les agriculteurs. Un des rôles que la direction générale de la recherche du ministère a joués au cours des années a été d'informer et de former les agriculteurs. Nous offrons encore ces journées d'information à différents centres de recherche, avec l'appui d'autres collègues du ministère. Je pourrais donner l'exemple de la journée qui a lieu à Saint-Jean, Terre-Neuve, annuellement, depuis plusieurs années, où on attire plus de 6 000 personnes au centre de recherche, en collaboration avec le ministère provincial de l'Agriculture.

Certains disent que c'est presque la ville de Saint-Jean qui se rend au centre où les recherches sont expliquées et démontrées aux agriculteurs. Nous avons des journées spéciales avec les associations.

Au Nouveau-Brunswick, nous avons des journées d'information avec la Fédération des agriculteurs tant du côté anglophone que francophone. Au Québec, les journées sont organisées conjointement avec des collaborateurs du domaine provincial et du domaine privé. Nous avons des journées sur la fertilisation et la meilleure utilisation des engrais naturels, organiques. Dans l'Ouest, à Brandon, les journées annuelles portent sur l'élevage et les cultures, ainsi de suite à travers le pays. Nous offrons encore des sessions. Elles sont moins publicisées, mais les agriculteurs et les citadins sont réunis lors de ces journées.

[Traduction]

Vous avez soulevé la question de la protection de la propriété intellectuelle. Nous aidons nos collaborateurs à mettre au point leur propre propriété intellectuelle quand nous travaillons avec eux, et nous protégeons la propriété intellectuelle que le ministère crée, que ce soit seul ou en collaboration.

Nous mettons actuellement en place un bureau de la propriété intellectuelle. Nous avons des agents de commercialisation qui travaillent avec des collaborateurs dans tous les centres de recherche du Canada. Nous n'offrons pas de services de propriété intellectuelle aux non-collaborateurs. C'est une autre question.

Le sénateur Ringuette: L'un de nos plus grands succès est le vin de glace, qui est un produit canadien unique. J'espère assurément que les producteurs de la péninsule de Niagara ont obtenu une marque déposée pour leur produit dans le monde entier. Leur produit est vendu à l'avance sur les marchés asiatiques, avant même d'être prêt. Les barrières commerciales bloquant l'accès aux marchés de l'Union européenne ont été supprimées parce que les consommateurs de ces pays veulent pouvoir acheter notre vin de glace comme partout dans le monde. Peut-être pourrions-nous nous servir de cet éclatant succès comme modèle et source d'inspiration pour nos communautés agricoles d'un bout à l'autre du pays.

J'espère que le ministère fera grand cas de l'exemple du vin de glace, car c'est un outil intéressant. Ce devrait être une source de grande fierté pour tous les agriculteurs.

M. Presley: Je travaille avec le secteur du vin pour élaborer des normes nationales sur le vin. Comme vous l'avez dit, les vins de glace et les vins de récolte tardive glanent une réputation internationale et des prix dans le monde entier. Ils se vendent de 60 $ à 70 $ la bouteille à Taïwan et en Grande-Bretagne, aussi bien qu'au Canada. C'est intéressant que le succès international se traduit parfois par un succès accru chez nous. C'est un exemple d'un produit qui va extrêmement bien et c'est une recette que pourraient suivre les producteurs de bien d'autres produits.

Le secteur viticole a connu des événements marquants. Après la conclusion de l'Accord de libre-échange, les producteurs ont fait des efforts soutenus pour cultiver d'excellentes variétés de raisins. Beaucoup de produits étrangers entraient dans notre pays et nous avons alors commencé à cultiver du raisin de bien meilleure qualité, ce qui a permis de produire du vin de calibre mondial.

Pour appuyer cet effort, le ministère travaille avec le secteur viticole pour faire de la norme Vintner Quality Alliance de l'Ontario et de Colombie-Britannique une norme nationale. Nous voulons commercialiser le vin de glace en nous conformant à des normes strictes de qualité et de catégorie. Un élément important de l'effort de notre ministère consiste à appuyer la mise au point de ces normes et à en assurer le respect pour renforcer notre réputation de qualité.

Le vice-président: Je voudrais comparer ma définition de «valeur ajoutée» à la vôtre, en particulier en ce qui concerne l'ouest du Canada. Vous avez donné l'exemple du canola à valeur ajoutée.

Un agriculteur qui cultive du blé ou de l'orge ou qui produit dans un secteur non assujetti à la gestion de l'offre, comme la production du porc, est à la merci des fluctuations du cours mondial de son produit. Pour obtenir de la valeur ajoutée, il faut se lancer dans la transformation et la commercialisation du produit. De cette manière, on continue d'obtenir le cours mondial pour la matière brute, car on n'a aucune prise là-dessus, mais en plus, on obtient la valeur de la transformation du produit sur laquelle on exerce un certain contrôle.

Est-ce une bonne définition de la valeur ajoutée?

M. Presley: On peut interpréter la valeur ajoutée de deux manières. La première consiste à gravir les échelons et à faire une transformation plus poussée du produit. Une autre méthode consiste à produire une catégorie de produits ayant une plus grande valeur et à en prouver les attributs de manière à en obtenir plus sur le marché.

Nous avons donné quelques exemples d'agriculteurs qui, grâce à des coopératives, ont réussi à remonter la chaîne de la valeur. Notre expérience nous apprend toutefois que dans la plupart des cas, les agriculteurs veulent cultiver la terre et non pas s'occuper de transformation.

Les habiletés nécessaires et les difficultés qui se posent dans la transformation changent l'équation pour les producteurs. Nous nous sommes plutôt efforcés d'aider les agriculteurs à faire en sorte que leurs produits se distinguent de ceux de leurs concurrents grâce aux possibilités de retraçage, à la ségrégation et aux initiatives de planification environnementale et agricole que j'ai décrites.

La définition la plus pertinente de la valeur ajoutée est de demander qu'est-ce qui a de la valeur aux yeux du consommateur. Dans mon allocution, j'ai dit que le consommateur est en train de changer. Les deux tiers de notre production agricole sont encore vendus sur le marché intérieur et une bonne part du reste est vendue aux États-Unis.

Quand nous demandons aux Américains et aux Canadiens ce qu'ils achètent, ce qu'ils valorisent et ce pourquoi ils sont prêts à payer un supplément, leur réponse, c'est la commodité. Les consommateurs, autant américains que canadiens, accordent une valeur extraordinaire au temps. Le consommateur d'aujourd'hui trouve très attrayant un produit qu'il peut servir rapidement. C'est également pourquoi nous voyons le secteur des services alimentaires connaître une croissance rapide en proportion des ventes totales d'aliments.

Un autre élément qui est important pour les consommateurs est la nutrition, et les attributs d'un aliment qui ajoute un élément de mieux-être. Cela se traduit par le désir d'acheter des produits biologiques. Il n'est pas nécessairement prouvé que les aliments biologiques sont plus sûrs et salubres, mais les gens croient qu'il est peut-être plus sain d'en manger. Par conséquent, ils sont prêts à payer plus cher pour ce produit.

Si nous pouvions travailler avec les producteurs pour mettre au point des systèmes permettant de différencier leurs produits en fonction des attributs qui sont valorisés par les consommateurs, nous aurions plus de chance de créer des possibilités de valeur ajoutée dans l'agriculture.

J'ignore si j'ai répondu à votre question, mais j'ai essayé d'interpréter la manière dont l'industrie perçoit la valeur ajoutée.

Le vice-président: Je vois certainement qu'il y a valeur ajoutée dans le secteur du vin ou du fromage.

On parle beaucoup de Kyoto et l'on insiste beaucoup sur l'éthanol et la façon dont cela pourrait aider nos agriculteurs. Le seul moyen pour un agriculteur de bénéficier de l'éthanol, qu'il soit fabriqué à partir de grains ou de cellulose, c'est d'être actionnaire de la compagnie ou membre d'une coopérative.

Pour vous donner un exemple, la Saskatchewan a décidé de se lancer dans la fabrication d'éthanol. Une compagnie de Denver devait construire une gigantesque usine d'éthanol et ajouter ainsi de la valeur. L'agriculteur toucherait le même prix pour ses céréales, peu importe qu'il les vende à la Commission canadienne du blé, à son voisin ou à la compagnie d'éthanol.

Je pense que l'agriculteur doit faire parte intégrante de toute la chaîne de la valeur ajoutée; ce pourrait être une erreur que de lui faire gravir seulement la moitié des échelons. Nous devons le faire monter tout au sommet, et les coopératives sont un moyen d'y parvenir.

Vous avez dit que les agriculteurs veulent cultiver la terre. C'est vrai, mais ils peuvent continuer de le faire tout en étant sociétaires d'une coopérative. Qu'ils embauchent quelqu'un pour s'occuper de la gestion; mais la valeur ajoutée arrive quand la coopérative fait des profits et que l'agriculteur, en tant que membre de la coopérative, touche une part de ces profits. Dans mon esprit, c'est cela, la valeur ajoutée.

J'aimerais que le gouvernement encourage les agriculteurs à former des coopératives. Peut-être que notre comité pourrait examiner la question. Cela aiderait le producteur de vin tout autant que le producteur de céréales.

Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer ce soir. Vous nous avez certainement donné beaucoup de matière à réflexion. C'est une excellente façon d'amorcer notre nouvelle étude.

La séance est levée.


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