Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 10 - Témoignages du 10 février 2003
OTTAWA, le lundi 10 février 2003
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 17 h 10 pour examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada et ensuite en faire rapport.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
Le président: Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Ce soir, les membres du comité bénéficieront de la première d'une série de séances d'information sur les relations entre le Canada et les États-Unis en prévision de leur voyage à Washington, où ils rencontreront des membres du Congrès et des représentants de l'administration américaine pendant la dernière semaine de mars. Nous allons également poursuivre notre étude sur la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada et nous nous attacherons tout particulièrement au rôle des premiers intervenants.
Je représente l'Ontario au Sénat et je suis le président du comité.
Est également présent aujourd'hui un éminent sénateur de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Michael Forrestall, qui a représenté la circonscription de Dartmouth à la Chambre des communes pendant 25 ans et qui siège au Sénat depuis douze ans. Tout au long de sa carrière de parlementaire, il s'est toujours beaucoup intéressé au dossier de la défense. Il a siégé à divers comités parlementaires, notamment le Comité mixte spécial de 1993 sur l'avenir des Forces canadiennes. Il a aussi représenté le Canada à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.
Le sénateur Joe Day, du Nouveau-Brunswick, est aussi parmi nous. Titulaire d'un baccalauréat en génie électrique du Collège militaire royal de Kingston, il est aussi avocat. Avant d'être nommé au Sénat en 2001, il avait un cabinet juridique florissant spécialisé dans le droit des brevets et des marques et la propriété intellectuelle. Le sénateur Day est actuellement vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales qui étudie le cadre financier des fondations indépendantes financées par le gouvernement fédéral. Il est également vice-président de notre Sous-comité des anciens combattants qui s'intéresse aux prestations auxquelles ont droit les anciens combattants. Il siège aussi au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui amorce une étude du secteur des médias au Canada.
Le sénateur Michael Meighen, de l'Ontario, est un homme d'affaires et un avocat prospère qui a apporté une contribution des plus valables à une vaste gamme d'établissements d'enseignement et d'organismes de bienfaisance. Il est chancelier de l'University of King's College, à Halifax. Le sénateur Meighen connaît bien les questions de défense, ayant siégé au Comité mixte spécial sur l'avenir des Forces canadiennes en 1993. Il est président de notre Sous-comité des affaires des anciens combattants. À l'heure actuelle, ce sous-comité s'intéresse aux services, prestations et soins de santé offerts aux anciens combattants, particulièrement à la suite de blessures subies pendant leur service actif. Il est aussi membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui se penche sur l'effondrement d'un certain nombre de grandes sociétés.
Le sénateur Cordy est originaire de la Nouvelle-Écosse. Pédagogue hors pair, elle est depuis longtemps très présente dans la collectivité. Le sénateur Cordy a déjà été vice-présidente de la Halifax-Dartmouth Port Development Commission. En plus de siéger à notre comité, elle est aussi membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui vient de publier un rapport phare sur les soins de santé et qui se penche maintenant sur la santé mentale. Le sénateur Cordy siège également à notre Sous-comité des affaires des anciens combattants et participe activement à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.
Le sénateur Norm Atkins, de l'Ontario, est arrivé au Sénat en 1986 fort de son expertise dans le monde des communications. Il a agi à titre de conseiller auprès de l'ancien premier ministre Davis, de l'Ontario. Diplômé en économie de l'Université Acadia, à Wolfville, en Nouvelle-Écosse, il a reçu un doctorat honorifique en droit civil de son alma mater en l'an 2000. Depuis qu'il est sénateur, il défend avec passion la cause des anciens combattants de la marine marchande canadienne. Membre de notre Sous-comité sur les affaires des anciens combattants, il occupe à l'heure actuelle le poste de président du caucus conservateur du Sénat. Il est aussi vice-président du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.
Originaire de l'Alberta, le sénateur Tommy Banks est bien connu des Canadiens pour avoir été l'un de nos artistes les plus versatiles et talentueux et l'un des chantres de la culture canadienne sur la scène internationale. De 1968 à 1983, il a animé le Tommy Banks Show, qui lui a valu un prix Juno. Il a aussi été chef invité de plusieurs orchestres symphoniques du Canada et des États-Unis. Le sénateur Banks est président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles qui étudie actuellement la Loi sur la sûreté et la réglementaire nucléaires. Il siège également à notre Sous-comité des affaires des anciens combattants.
Notre comité est le premier comité sénatorial permanent à qui l'on confie le mandat d'examiner la sécurité et la défense. Au cours des derniers 18 mois, nous avons mené à bien un certain nombre d'études. Après nous être penchés pendant sept mois sur les grands enjeux intéressant le Canada, nous avons publié en février 2002 un rapport intitulé «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense.»
Ensuite, le Sénat nous a demandé d'examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité. Jusqu'ici, nous avons publié trois rapports sur divers aspects de la sécurité nationale. Le premier, «La défense de l'Amérique du Nord: Une responsabilité canadienne», a été publié en septembre 2002. Le deuxième, «Pour 130 dollars de plus... Mise à jour sur la crise financière des forces canadiennes: Une vue de bas en haut» a paru en novembre 2002. Et tout récemment, en janvier 2003, nous venons de rendre public «Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens.»
Au cours des deux prochaines semaines, notre comité bénéficiera de plusieurs séances d'information sur l'état des relations entre le Canada et les États-Unis. Nous entendrons plusieurs hauts fonctionnaires du gouvernement, y compris des représentants de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, des services de renseignements, de la Gendarmerie royale du Canada et des ministères des Affaires étrangères et de la Défense nationale.
Ces séances d'information sont une composante essentielle des préparatifs du comité en vue de son voyage d'étude à Washington à la fin de mars. Là-bas, nous discuterons avec des membres de l'administration américaine et nos homologues du Congrès de nos préoccupations communes en matière de sécurité.
Ce soir, nos présentateurs viennent de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. À la tête du groupe, on retrouve M. Denis Lefebvre, sous-commissaire, Direction générale des douanes. Il est accompagné de M. Earle Warren, directeur général, Direction de la conception et de l'élaboration de grands projets ainsi que de M. Mark Connolly.
Je vous souhaite la bienvenue au comité encore une fois. Nous sommes heureux de vous accueillir ce soir. Auriez- vous l'obligeance de commencer?
M. Denis Lefebvre, sous-commissaire, Direction générale des douanes, Agence des douanes et du revenu du Canada: Nous sommes heureux d'être ici. M. Mark Connolly est directeur général de la Direction de la contrebande et des services de renseignements à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, volet Direction générale des douanes.
Je crois comprendre que le comité nous a invités à comparaître pour que nous lui fournissions une mise à jour des travaux qu'a effectués l'Agence des douanes et du revenu du Canada, l'ADRC, dans la foulée de la Déclaration sur la frontière intelligente. Je n'ai pas préparé de déclaration liminaire comme telle, mais si cela vous convient, je passerai en revue les progrès que nous avons réalisés relativement au plan de 30 points, particulièrement depuis notre dernière comparution devant le comité.
Comme vous le savez, la Déclaration sur la frontière intelligente a été signée le 12 décembre 2001. À cet égard, l'ADRC est responsable de huit des 30 points du plan. En voici la liste: point 3 — services d'inspection de rechange unique; point 8 — IPV/DP; point 10 — gares maritimes, qui comprend aussi une analyse comparative du secteur maritime; point 14 — harmonisation de traitement des expéditions commerciales; point 15 — dédouanement ailleurs qu'à la frontière; point 16 — installations communes; point 17 — échange de données des douanes; et, point 18 — ciblage des conteneurs en transit.
Pour ce qui est des services d'inspection de rechange unique, nous avons beaucoup progressé. En particulier, nous avons réussi à négocier avec nos homologues américains et en collaboration avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration un programme appelé NEXUS qui permet aux voyageurs de franchir la frontière dans les deux sens dans des voies rapides réservées à cette fin.
Le programme NEXUS est appliqué dans cinq ports. Il est devenu opérationnel à Sarnia-Port Huron en novembre 2000, à Pacific Highway-Blaine et Douglas-Blaine le 26 juin 2002, à Boundary Bay-Point Roberts le 29 juillet 2002 et plus récemment, au pont Ambassador, le 23 janvier et à Fort Érié-Buffalo pont Peace le 30 janvier 2003.
Le programme sera étendu aux emplacements suivants: le tunnel Windsor-Detroit en mars 2003, le pont Queenston- Lewiston , le pont Rainbow et pont Whirlpool, dans le sud de l'Ontario, au printemps 2003. Tous les autres postes frontaliers à fort achalandage recevront NEXUS d'ici la fin de 2003. À l'heure actuelle, nous avons approuvé plus de 30 000 demandes d'adhésion au programme et quelque 8 000 autres sont à l'étude.
Dans le cadre des services d'inspection de rechange unique, une autre initiative est en cours, CANPASS-Air. Cette initiative à l'intention des voyageurs préapprouvés et à faible risque sera disponible uniquement à l'entrée au Canada par des aéroports canadiens seulement, autrement dit, à sens unique. Ce sera notre première initiative fondée sur des données biométriques, CANPASS-Air reposera sur la lecture de l'iris. Cette initiative sera mise en oeuvre à l'aéroport international de Vancouver au début de 2003 et, par la suite, aux aéroports de Toronto, Calgary, Edmonton, Halifax, Montréal, Ottawa et Winnipeg.
Nous avons également mis sur pied un programme conjoint NEXUS-Air entre le Canada et les États-Unis. Il s'agit d'un projet pilote qui fonctionnera sur le modèle de CANPASS-Air, mais dans les deux sens. Le projet NEXUS-Air sera mis à l'essai aux aéroports internationaux d'Ottawa et de Dorval. Si tout va bien, il sera implanté aux États-Unis d'ici la fin de l'année. Ce programme utilisera la même technologie biométrique que le programme CANPASS-Air.
Vous avez sans doute entendu parler de nos efforts pour mettre en oeuvre le programme IPV/DP, c'est-à-dire information préalable sur les voyageurs/dossier passager. Lors de ma dernière comparution, j'ai mentionné que le Canada et les États-Unis avaient convenu de partager les informations préalables sur les voyageurs et les dossiers passagers pour les voyageurs à risque élevé qui voyagent entre les deux pays. Nous collaborons actuellement en vue d'élaborer un mécanisme d'évaluation conjointe des risques. Le Canada a mis en oeuvre son système IPV en octobre 2002, et nous prévoyons appliquer le volet DP plus tard au printemps.
Le rubrique «Gares maritimes» dans la Déclaration sur la frontière intelligente porte sur la sécurité maritime. En mai 2002, nous avons terminé l'analyse comparative du secteur maritime en collaboration avec les États-Unis. L'objectif consiste à améliorer la sécurité à la frontière canado-américaine dans les gares maritimes grâce à l'adoption d'une série de points de repère visant à améliorer la sécurité et l'interception des produits de contrebande. On compte 42 recommandations qui varient en complexité pour les diverses étapes de la mise en oeuvre, notamment la création d'un système douanier, potentiellement un système conjoint entre le Canada et les États-Unis, pour la collecte des renseignements sur les navires.
Nous travaillons également à l'harmonisation du traitement des expéditions commerciales. L'EXPRES est un programme conjoint qui s'adresse aux transporteurs, chauffeurs et importateurs approuvés au préalable, permettant d'accélérer le passage des expéditions à faible risque à la frontière. Ce programme est actuellement en place dans les postes frontaliers achalandés suivants: Douglas, Colombie-Britannique et Blaine, Washington; Sarnia, Ontario et Port Huron, Michigan; Windsor, Ontario et Detroit, Michigan; Fort Érié, Ontario et Buffalo, New York; Queenston, Ontario et Lewiston, New York; Lacolle, Québec et Champlain, New York.
Bien que le programme ne soit pas appliqué depuis suffisamment longtemps pour nous permettre de fournir des données chiffrées, nous nous attendons à ce que EXPRES produise des résultats équivalents à ceux du PAD, le programme d'autocotisation des douanes. Le PAD est entré en vigueur en décembre 2001 pour les camions à faible risque entrant au Canada. Il connaît beaucoup de succès. EXPRES est semblable au PAD, mais il fonctionne avec les États-Unis, c'est-à-dire qu'il permet aux transporteurs, chauffeurs et importateurs approuvés au préalable de franchir la frontière dans les deux sens dans des voies rapides. Cinq importateurs ont déjà été approuvés; 61 autres ont présenté des demandes qui suivent la filière d'approbation. Nous comptons 150 transporteurs approuvés et quelque 309 demandes supplémentaires émanant de transporteurs sont dans le collimateur. Plus de 49 000 chauffeurs sont approuvés.
Étant donné que les cinq importateurs déjà approuvés représentent de grandes sociétés, environ 30 p. 100 des expéditions commerciales vers les États-Unis se font par le biais des voies EXPRES et ce, en raison de l'emplacement de ces sociétés. En effet, elles se trouvent pour la plupart dans le sud de l'Ontario. Pour ce qui est des 61 importateurs qui ont présenté une demande présentement à l'étude, une fois qu'elles auront reçu le feu vert, plus de 50 p. 100 des expéditions commerciales à faible risque seront approuvées et pourront faire usage des voies réservées en direction des États-Unis. EXPRES est une initiative très récente. Après que les autorités américaines y eurent adhéré, nous avons dû instaurer le processus de demande, le processus d'inscription, etc.
EXPRES vise les expéditions commerciales préapprouvées à faible risque. Nous travaillons également en collaboration avec nos collègues des douanes américaines en vue d'harmoniser le traitement d'expéditions commerciales non préapprouvées.
Nous travaillons avec nos collègues américains dans d'autres modes. En ce qui concerne le mode maritime, les États- Unis ont introduit une initiative visant la sécurité des conteneurs, ICS, et la Règle de 24 heures, qui est entrée en vigueur le 2 février dernier. Nos intervenants commerciaux appuient une approche harmonisée à l'échelle de l'Amérique du Nord pour les expéditions maritimes et nous sommes en pleine élaboration des principales caractéristiques visant une règle canadienne pour le mode maritime. Dans la mesure où cela correspond à nos intérêts, nous souhaitons instituer des règles qui correspondront aux règles américaines.
Les États-Unis doivent adopter une loi relative à l'information électronique exigée d'ici octobre 2003. Récemment, ils ont proposé des délais pour la transmission préalable de renseignements, comme suit: autoroutes, quatre heures précédant le chargement; air, 12 heures; rail, 24 heures avant le départ; exportations, 24 heures précédant le chargement. Si ces délais sont mis à exécution, ils auront une incidence considérable sur la circulation à la frontière entre le Canada et les États-Unis.
La réaction très négative des intervenants commerciaux nord-américains a amené les États-Unis à réexaminer les délais d'exécution. Nous cherchons à obtenir une exemption pour les expéditions EXPRES. Le Canada considérera d'harmoniser ses délais d'exécution uniquement si les États-Unis apportent d'importants changements à leurs propositions concernant les autres modes.
Dans le contexte de la Déclaration sur la frontière intelligente, nous avons également travaillé au dédouanement ailleurs qu'à la frontière. D'importantes questions d'ordre juridique ainsi que des enjeux touchant la souveraineté compliquent la réalisation de cette initiative. Cependant, nous continuons de discuter de la question avec nos conseillers juridiques. Les États-Unis font de même de leur côté, mais nous ne prévoyons pas de percée imminente dans ce dossier.
Pour ce qui est du mode ferroviaire, on nous a informés il y a quelque temps que les États-Unis avaient l'intention de procéder à une vérification intégrale de la totalité des trains se rendant chez eux. Il s'agit là d'un processus analogue à celui en vigueur à la frontière américano-mexicaine. Le CN et le CP ayant tous deux du mal à accepter cela, nous avons travaillé avec ces sociétés ferroviaires à l'élaboration du concept de la plaque tournante appliqué à la frontière intelligente. Toutefois, les inspections seraient effectuées aux plaques tournantes ferroviaires canadiennes, de sorte que les trains pourraient traverser librement la frontière terrestre. Nous continuons de travailler avec les deux sociétés ferroviaires canadiennes concernées ainsi qu'avec les douanes américaines pour trouver une solution acceptable à toutes les parties.
Dans la foulée de la Déclaration sur la frontière intelligente, nous nous sommes également attachés à la création d'installations communes, ce qui est avantageux à bien des points de vue. La santé et la sécurité de nos employés se trouveront accrues grâce à la fusion de deux bureaux dans les petits ports. Cette initiative présente des avantages sur le plan des opérations et de la sécurité.
À l'heure actuelle, il existe des installations communes à quatre petits ports et nous envisageons la construction d'autres installations à l'avenir. Pour l'heure, une douzaine d'autres ports sont sur la liste des endroits potentiels où l'on pourrait bâtir des installations communes.
Dans le cadre du programme, nous souhaitons également pouvoir échanger des données avec nos partenaires américains, lorsque cela se justifie. En décembre 2001, les services des douanes canadiennes et américaines ont signé un Accord de coopération pour l'échange de renseignements dans le cadre d'enquêtes se rapportant à la fraude douanière. Nous avons également conclu un accord de principe sur l'échange de renseignements relatifs à l'ALENA, dont des plans de vérification, des rapports de vérification, des résultats de décisions anticipées ainsi que des déterminations d'origine et de nouvelles déterminations d'origine. Nous cherchons activement à identifier d'autres occasions d'échange.
Comme vous le savez sans doute, nous avons des agents de ciblage dans deux ports américains et les États-Unis en ont dans trois ports canadiens: Vancouver, Montréal et Halifax. Nous tentons maintenant d'améliorer notre capacité de cibler des conteneurs qui entrent au Canada par les États-Unis. De même, nous collaborons avec les douanes américaines pour s'assurer que les agents américains qui travaillent dans nos ports ont accès à ces systèmes de ciblage. De cette façon, ils sont mieux équipés pour trouver des conteneurs à risque élevé. En somme, il s'agit là d'un programme couronné de succès à tous les points de vue.
Une autre initiative consiste à améliorer notre capacité de cibler des conteneurs à risque élevé dans les ports maritimes. Nous faisons présentement l'acquisition d'un certain nombre d'appareils de balayage des conteneurs dont la marque de commerce est Mobile VACIS. Il s'agit d'un système de balayage mobile à rayon gamma monté sur camion qui enregistre une image du contenu d'un conteneur maritime, d'un wagon ferroviaire ou d'un camion. Il permet aux opérateurs de cet équipement d'obtenir une image semblable en plusieurs points à une radiographie. Les trois premières unités mobiles VACIS se trouvent dans les ports de Montréal, Vancouver et Halifax. Des unités supplémentaires seront installées à Vancouver en février, à Niagara Falls/Fort Érié, à Windsor/Sarnia et à Montréal en mars; et à Toronto, Calgary, Ottawa et St. John, Nouveau-Brunswick, en juillet 2003.
Nous envisageons l'application possible de nouvelles technologies comme les appareils mobiles à rayon gamma pour l'examen des palettes, les systèmes de balayage, l'équipement de détection des radiations, les appareils Ionscans à main, les engins télécommandés, les camions-outils et les détecteurs d'armes biologiques et chimiques à Montréal, Halifax et Vancouver.
Nous venons tout juste d'instaurer de nouveaux groupes de travail, dont un groupe binational de la modélisation frontalière. Ces groupes simulent les activités portuaires et identifient toutes les variables en cause, comme les lignes d'inspection primaire, LIP, la route, le nombre de LIP et le nombre d'agents. Cette information nous permet de déterminer les meilleurs moyens à prendre pour réduire la congestion ou accroître notre efficience aux ports. Évidemment, on obtient de meilleurs résultats en collaboration avec les États-Unis et c'est pourquoi nous avons créé un groupe binational de la modélisation frontalière qui travaillera de concert avec les douanes, l'immigration, l'administration des ponts, l'administration des tunnels et les ministères des Transports.
Nous voulons également créer un groupe de l'infrastructure frontalière. En effet, nous nous sommes entendus sur un système de voies rapides pour les véhicules préapprouvés qui nous permet d'accélérer le passage des voyageurs et des camions à la frontière. Il importe que ces voitures et ces camions EXPRES ne soient pas retardés par des véhicules plus lents, qui n'ont pas été préapprouvés. À l'heure actuelle, dans le Complexe douanier, soit l'aire qui précède immédiatement la LIP, la route s'élargit, passant de six à dix voies; cependant, cela a simplement pour effet de réduire le nombre de voitures dans chacune des voies. Les lignes d'inspection primaire sont réservées aux véhicules EXPRES qui sont préapprouvés, mais l'autoroute qui mène au Complexe peut toujours être engorgée par des camions plus lents dont les chauffeurs n'ont pas de papiers en règle. Par conséquent, nous devons collaborer avec les ministères des Transports et contribuer au fonds d'investissement frontalier pour s'assurer que les processus de passage à la frontière améliorés que nous avons mis au point donnent un rendement maximal.
Nous créons également un comité consultatif binational afin de guider nos futurs efforts conjoints avec les Américains pour continuer d'améliorer nos programmes. La prochaine réunion sur l'Accord du Canada et des États- Unis sur leur frontière commune aura lieu les 19 et 20 février 2003 sous l'égide des douanes américaines.
Nous pouvons affirmer avoir eu beaucoup de succès dans nos efforts pour créer des programmes acceptables aux yeux des États-Unis sur le plan de la sécurité, ce qui nous a permis de gérer la circulation de façon efficiente. Nos relations avec nos confrères américains n'ont jamais été aussi étroites. Nous avons encore de nombreux projets sur la planche et nous envisageons l'avenir avec optimisme. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie de cet exposé exhaustif.
Le sénateur Banks: Comme le président l'a mentionné, nous irons bientôt à Washington. La dernière fois que nous étions là-bas, nous avons constaté deux niveaux de compréhension de la situation au Canada sur ces questions. D'après mes observations, les hauts fonctionnaires étaient mieux informés. Ils avaient confiance dans nos efforts pour assurer la sécurité des frontières. Cependant, l'opinion très répandue à Washington, même parmi les membres du Congrès qui, à notre avis, devraient être mieux informés, est la caricature typique qui présente le Canada comme une passoire, un refuge pour gens mal intentionnés, une terre d'accueil pour indésirables.
Au cours de ce voyage à Washington, nous n'allons certes pas plaider la cause du Canada, mais plutôt rappeler aux Américains, comme nous le faisons toujours, que nos priorités ne sont pas toujours identiques aux leurs. Si nous sommes confrontés à ces fausses conceptions qui ont cours parmi les bureaucrates et les législateurs américains selon lesquelles le Canada est une passoire et un refuge pour des gens mal intentionnés, quelles données pouvez-vous nous fournir sur le travail qui a été fait afin de colmater les brèches depuis les événements qui ont donné lieu au plan d'action en 30 points, pour que nous puissions leur communiquer?
Toutes les comparaisons sont odieuses, mais on nous pose la question suivante: Nous tirons-nous d'affaire aussi bien ou mieux qu'eux? Avons-nous réglé les problèmes qui existaient? Sommes-nous à jour? Êtes vous satisfaits de la façon dont les choses se déroulent?
Selon vous, la collaboration n'a jamais été aussi étroite avec vos homologues américains. Je suis heureux d'apprendre que c'est un domaine où c'est vrai. Pouvez-vous nous transmettre d'autres nouvelles réconfortantes à cet égard?
M. Lefebvre: Voici une anecdote. À la fin de la semaine dernière, les États-Unis ont relevé leur niveau de sécurité de jaune à orange. La première question que se sont posée les services des douanes et de l'immigration américains relativement aux programmes NEXUS et EXPRES, programmes dont nous avions convenu lorsque le niveau de sécurité était plus bas, a été de savoir s'ils devaient continuer à fonctionner. La réponse a été un oui retentissant de la part des experts.
Les services des douanes et de l'immigration américains nous ont immédiatement donné l'assurance qu'il n'était pas question d'interrompre NEXUS et EXPRES. Il est réconfortant de savoir que dans un contexte de crise, on a jugé que ces programmes étaient à la fois sûrs et facilitants. Et qu'ils ont subi ce test avec succès.
Je ne peux vous donner de détails de nature opérationnelle, mais nous avons eu des discussions dans le contexte de l'Accord sur la frontière intelligente. Nous avons effectué un examen de nos pratiques dans les aéroports. Des agents des services des douanes et de l'immigration américains et des services canadiens ont passé en revue les procédures de sécurité dans les aéroports canadiens et américains. Nous avons d'ailleurs fait la même chose dans les ports canadiens et américains. Nous savons que nos procédures et nos mécanismes de filtrage tant dans les aéroports que dans les ports maritimes se comparent avantageusement avec ceux des Américains.
Nous avons identifié des lacunes des deux côtés. L'objet de ces examens consistait à identifier les meilleures pratiques, à partager des renseignements en vue d'adopter graduellement des normes de filtrage similaires dans nos ports maritimes et nos aéroports pour pouvoir assouplir, dans une certaine mesure, le passage à notre frontière commune.
Mes collègues vous donneront sans doute d'autres exemples. J'ignore ce que les Américains vous diront. Souvent, ils ne savent pas ce que fait le Canada, mais nous avons travaillé en étroite collaboration avec les douanes américaines. Chose certaine, vous pouvez leur dire que notre niveau d'efficience et d'efficacité ne laisse pas à désirer.
Le sénateur Banks: De but en blanc, pouvez-vous nous dire combien d'agents des douanes et de l'immigration travaillent des deux côtés de la frontière avec les États-Unis?
M. Lefebvre: Les Américains affectent traditionnellement les deux tiers de leurs effectifs à notre frontière commune, comme nous. Récemment, ils ont reçu des crédits additionnels et obtenu du personnel supplémentaire. Nous n'avons pas les chiffres exacts, mais ils sont à peu près les mêmes que les nôtres. Je ne pense pas que leurs effectifs soient plus nombreux. Le nombre de leurs personnels est maintenant plus près du nôtre.
Le sénateur Banks: Vous avez parlé d'harmonisation et de la nécessité de s'assurer que les normes sont les mêmes dans les ports et les aéroports. Certains Canadiens se demandent si ce n'est pas là une abdication de notre autodétermination. Sommes-nous toujours maîtres chez nous dans des domaines comme ceux-là?
M. Lefebvre: Nous avons abordé la question du point de vue de l'intérêt du Canada. Il est dans notre intérêt réciproque d'élaborer certains programmes communs.
Comme je l'ai mentionné, le PAD a été le précurseur de EXPRES. Nous avons cru au PAD dès le premier jour, et nous avons été ravis lorsque les services des douanes et de l'immigration américains y ont adhéré. EXPRES est une prolongation du PAD, avec certaines variables puisqu'il s'agit de deux pays distincts.
En ce qui a trait à NEXUS, tant le Canada que les États-Unis ont eu pendant des années des projets pilotes de préapprobation des voyageurs. En unissant nos efforts, nous avons créé un programme authentiquement bilatéral. Aucune des parties n'a imposé sa volonté à l'autre.
L'IPV/DP est un autre exemple d'un effort véritablement bilatéral. Nous ne partageons pas toute l'information sur la totalité des voyageurs qui viennent au Canada en provenance des États-Unis. Cependant, nous avons jugé qu'il était dans notre intérêt de partager avec les États-Unis des renseignements sur les voyageurs à risque élevé. Compte tenu du fait que nous souhaitons conserver la plus grande fluidité à notre frontière commune, nous voulons en savoir le plus possible au sujet des voyageurs à risque élevé en provenance d'autres pays. Cela nous permet de garder notre frontière aussi ouverte que possible même si un nombre considérable de personnes la franchissent constamment.
Tous les programmes dont j'ai parlé sont véritablement des programmes communs qui sont avantageux pour nos deux pays. Tant le Canada que les États-Unis ont collaboré à leur élaboration.
Le sénateur Cordy: En ce qui a trait au partage préalable d'information sur les voyageurs entre le Canada et les États-Unis, je pensais que cela touchait uniquement les voyageurs qui franchissaient la frontière en provenance de l'un ou de l'autre pays. Si j'ai bien compris, vous dites que vous partagez aussi de l'information sur des individus à risque élevé en provenance d'autres pays?
M. Lefebvre: Oui.
Le sénateur Cordy: Je ne savais pas cela.
M. Lefebvre: Le programme touche tous les voyageurs qui arrivent au Canada et tous les voyageurs qui arrivent aux États-Unis. Nous avons mis au point un système qui nous permet d'identifier les voyageurs à risque élevé et nous transmettons cette information à nos collègues dans la mesure où elle peut leur être utile pour accomplir leur travail.
Le sénateur Banks: Vous dites que vous identifiez des voyageurs à risque élevé qui arrivent en Amérique du Nord d'ailleurs et qui traversent la frontière entre nos deux pays. Je ne vous demanderai pas comment vous vous y prenez; je suis sûr qu'il y a des tas de moyens d'y arriver. Cependant, bien des gens affirment qu'entre autres moyens, on se sert de profils raciaux. Que répondriez-vous à cela?
M. Lefebvre: Nous n'avons pas recours aux profils raciaux. Toutefois, le lieu d'origine, indépendamment de la race, peut être un facteur. D'autres facteurs peuvent aussi entrer en jeu mais ils ne sont pas fondés sur la race ou la religion. M. Connolly voudra peut-être ajouter quelque chose.
M. Mark Connolly, directeur général, Direction de la contrebande et des services de renseignements, Direction générale des douanes, Agence des douanes et du revenu du Canada: Il va de soi que je ne divulguerai pas toutes les techniques que nous employons, mais l'origine est certainement un facteur lorsque nous examinons des pays sources en vue de stopper l'exportation de stupéfiants ou d'autres produits de contrebande, l'immigration illégale et le terrorisme. En ce qui a trait aux individus suspects, nous examinons la façon dont ils voyagent, dont ils achètent leurs billets, avec qui ils voyagent, ce sont là autant de facteurs pris en compte.
Le sénateur Banks: Je ne veux pas que vous nous parliez de ces facteurs. Tenez-vous en à la question des profils raciaux.
M. Connolly: La race et la religion ne sont pas des facteurs que nous employons. Ils ne font pas partie de nos critères. Dans le passé, on nous a demandé de communiquer nos critères ou certains éléments de nos critères à la Commission des droits de la personne. Nous l'avons fait pour apaiser toute préoccupation que la Commission aurait pu avoir et affirmer que nous ne faisons pas de ciblage fondé sur la race, la religion ou l'ethnicité.
Le sénateur Banks: Par conséquent, toutes les personnes qui entrent ici en provenance d'un pays d'intérêt subiraient initialement le même examen en fonction de leur point d'embarquement, indépendamment de leur apparence, de leurs croyances religieuses et de leur couleur?
M. Connolly: Il n'y a jamais un seul facteur en cause. C'est habituellement une combinaison de facteurs mais oui, le pays d'origine pourrait en être un.
Le sénateur Forrestall: J'ai de nombreuses questions. Je ne comprends pas la moitié des acronymes que vous utilisez. Puis-je voir un exemplaire d'une formule de demande pour les deux programmes principaux pour que nous sachions quelles questions vous posez ou qui effectue la vérification?
M. Lefebvre: Le programme NEXUS s'adresse aux voyageurs. Il existe une formule de demande destinée aux voyageurs qui a été conçue en collaboration avec les États-Unis. Nous avons des directives sur la façon de procéder. Les personnes intéressées peuvent remplir le formulaire sur Internet. À la fin du processus, les demandeurs se sont convoqués à une entrevue à un centre d'inscription. Il y a donc en bout de ligne une dernière entrevue en personne et on prélève deux empreintes digitales qui font l'objet de vérifications de sécurité.
Le sénateur Forrestall: Ne perdez pas votre temps avec moi.
M. Lefebvre: Pour le programme EXPRES, je vais vous fournir la demande. Ce programme vise trois groupes de participants: les importateurs, les transporteurs et les chauffeurs. Il y a trois sources de risque potentiel.
Le sénateur Forrestall: Pas les vendeurs?
M. Lefebvre: Non. Nous approuvons les importateurs. Ces derniers doivent se soumettre à deux exigences. Nous voulons être sûrs qu'ils respectent leurs obligations douanières. Nous voulons qu'ils aient des livres et des dossiers en règle car nous ne voulons pas inspecter toutes les expéditions commerciales. Cependant, nous voulons savoir à la fin du mois qu'ils ont dûment présenté les documents requis pour satisfaire à leurs obligations douanières. Nous devons les approuver et nous vérifions que leur niveau d'observance de leurs obligations douanières est élevé. Nous leur demandons également d'être approuvés pour notre programme Partenaires en protection. Nous exigeons d'eux qu'ils appliquent certaines normes de sécurité très élevées au sein de leur organisation en ce qui a trait au recrutement et à la formation du personnel, à la sécurité des installations matérielles et au contrôle de l'inventaire. Tout cela est exigé avant que nous approuvions un importateur.
Pour les transporteurs, le processus est semblable. Nous voulons être sûrs que leurs livres et leurs dossiers leur permettent de respecter adéquatement leurs obligations douanières. Nous leur demandons également d'assurer un niveau de sécurité élevé en matière de contrôle de l'inventaire, de leur parc de véhicules, du recrutement de leurs effectifs, etc., pour garantir un environnement des plus sécuritaires.
Enfin, il y a les chauffeurs. L'approbation des chauffeurs se fait selon un processus très similaire, sinon identique, à celui appliqué pour NEXUS. Il y a certaines différences minimes toutefois, et je m'engage à fournir au comité les formules de demande.
Le sénateur Forrestall: Je n'ai pas été encouragé par vos observations au sujet du dédouanement ailleurs qu'à la frontière. Existe-t-il un problème particulier à cet égard? S'agit-il de quelque chose d'aussi simple que l'espace ou l'organisation des autoroutes ou des voies ferroviaires pour assurer ce genre de préautorisation?
M. Lefebvre: Il convient de mentionner que ce n'est pas une panacée pour les services douaniers que d'être autorisés à travailler de l'autre côté de la frontière. Toutefois, dans certains endroits, comme les petits ports, il serait avantageux pour nous de pouvoir construire un édifice d'un côté ou de l'autre. Ce peut être utile pour des motifs de santé et de sécurité. Dans les grands ports, il existe des agglomérations urbaines d'un côté qui interdisent toute expansion pour constituer un Complexe adéquat. Dans une perspective opérationnelle, il serait avantageux que notre cadre juridique nous permette de travailler du côté américain, et vice versa, ou encore que nos deux services soient logés d'un côté ou de l'autre de la frontière pour des raisons d'infrastructure ou autres.
Nous le faisons déjà dans les aéroports, ce qui est très commode. Lorsque vous voulez vous rendre aux États-Unis, vous pouvez bénéficier d'un dédouanement préalable de la part des services douaniers et d'immigration dans nos aéroports, au Canada.
Nous avons élaboré un cadre juridique autorisant les agents des douanes américains à effectuer un tel prédédouanement au Canada. Les États-Unis ne souhaitent pas appliquer le même cadre à la frontière terrestre. Par exemple, en matière d'arrestations et de saisies, les Américains veulent exercer leurs pleins pouvoirs; ils veulent être autorisés à travailler au Canada comme s'ils étaient aux États-Unis. Toutefois, la Loi canadienne sur le précontrôle oblige les autorités américaines à travailler avec les autorités canadiennes. Certaines de ces procédures ont été confiées aux Canadiens en raison de problèmes liés à la charte ou à la souveraineté. Lorsque les Américains veulent être autorisés à travailler au Canada comme s'ils étaient aux États-Unis; par exemple, pouvoir arrêter un Canadien sans lui offrir quelque recours ou protection que ce soit et l'amener aux États-Unis, c'est une autre paire de manches.
Nous avons donc rencontré dans ce dossier des difficultés juridiques qui n'ont pas encore été surmontées.
Le sénateur Forrestall: Ce pouvoir ne leur a pas été accordé?
M. Lefebvre: Non.
Le sénateur Forrestall: Un agent des douanes américain n'est pas autorisé à porter une arme ou à arrêter qui que ce soit et à le garder en détention? Il doit passer par l'entremise des autorités canadiennes, c'est-à-dire par un agent de la GRC ou un gendarme auxiliaire.
M. Lefebvre: Dans le contexte des aéroports, c'est le cas. Ce peut être un agent de douanes du Canada, mais il faut que ce soit une autorité canadienne.
Le sénateur Forrestall: Cela ne cause aucun problème car il y a là des agents de la paix et des agents de police; autrement dit, des autorités policières compétentes. Cependant, cela ne serait pas nécessairement le cas à la frontière.
Je constate qu'il existe des problèmes. Vous essayez de les aplanir et ce, sans trop céder de terrain. Advenant que nous cédions sur ce point, les problèmes qui s'ensuivraient seraient à mon avis horribles.
Est-il exact qu'aucun mécanisme ne peut être mis en place sans l'assentiment du Canada et des États-Unis.
M. Lefebvre: C'est exact.
Le sénateur Forrestall: Le Canada avance-t-il des idées, comme les États-Unis? Adoptons-nous certaines des suggestions des Américains et vice versa?
M. Lefebvre: C'est véritablement un processus conjoint. Nous disposons maintenant de groupes de travail qui tentent de résoudre à peu près tous les problèmes qui font surface. À mon avis, les problèmes sont communs et les solutions sont aussi communes.
Vous vous souviendrez que peu de temps après le 11 septembre, le président et le premier ministre ont tous deux déclaré qu'ils voulaient garantir à la fois la sécurité des citoyens et la sécurité économique. Lorsque EXPRES a été inauguré à la fin de l'année dernière, ils se sont rencontrés pour donner le coup d'envoi au programme à Detroit. A cette occasion, ils ont réaffirmé qu'ils étaient déterminés à garder la frontière ouverte, mais sûre.
Le défi est le même des deux côtés de la frontière, et c'est pourquoi nous recherchons des solutions communes.
Le sénateur Forrestall: Êtes-vous satisfait de vos rapports?
M. Lefebvre: Oui.
Le sénateur Forrestall: Puis-je vous poser plusieurs questions, dont l'une me tarabuste depuis trois ou quatre semaines? Vous vous souviendrez qu'il y a eu une importante saisie de stupéfiants au port de Halifax, qui a coïncidé avec la présence de la moitié du Cabinet là-bas pour recevoir des fonds afin de promouvoir ce genre d'effort sur le terrain. Pouvez-vous me dire qui, au juste, a trouvé ces stupéfiants?
Je fais référence au débat entre les employés syndiqués au port de Halifax et les quatre ou cinq groupes différents qui veulent tirer crédit de ce coup d'éclat.
M. Lefebvre: Le conteneur était ciblé avant son arrivée.
Le sénateur Forrestall: Vous saviez qu'il allait être là, oui ou non?
M. Lefebvre: Pardon?
Le sénateur Forrestall: Le saviez-vous?
M. Lefebvre: Il était ciblé parce que nous avions reçu, avant son arrivée, des renseignements selon lesquels il s'agissait d'un conteneur à risque élevé.
Le sénateur Forrestall: Vous saviez quand il arriverait?
M. Lefebvre: Oui, et à son arrivée, il a été examiné.
Le sénateur Forrestall: Il était bien commode que tout le monde soit là pour s'en attribuer le mérite.
M. Lefebvre: Vous laissez entendre que c'était un événement planifié. Rien ne saurait être plus faux.
Le sénateur Forrestall: Quelle coïncidence que quatre ou cinq ministres et leur entourage aient été sur place.
M. Lefebvre: Nous effectuons constamment des saisies importantes. Il se trouve simplement que cela s'est produit à Halifax à ce moment-là.
Le sénateur Forrestall: Et c'est tant mieux. Je ne conteste pas cela. Je me demande seulement comment il se fait qu'une telle controverse a surgi à ce sujet.
Quoi qu'il en soit, le conteneur était ciblé. C'est ce qui m'intéresse. Était-ce le résultat direct d'un échange d'information avec nos homologues américains ou britanniques, ou avec d'autres services de renseignements avec lesquels nous partageons de l'information? Quel pays nous a fourni le renseignement? Ou provenait-il d'autres sources?
M. Lefebvre: Je sais que le conteneur était ciblé avant son arrivée. À vrai dire, je n'ai pas la réponse à votre question. Je ne le sais pas, M. Connolly était absent.
Le sénateur Forrestall: Si vous ne pouvez pas me répondre, pas de problème. Je me demandais seulement si c'était une organisation policière internationale ou les services de renseignements canadiens à l'étranger qui nous avait fourni l'information ou si elle nous était parvenue par d'autres moyens.
M. Lefebvre: Nous échangeons des renseignements avec d'autres services de douanes et d'autres organisations partout dans le monde; c'est notre travail. Par conséquent, nous exploitons toute information que nous recevons et nous aidons d'autres services des douanes. Lorsque nous disposons de renseignements utiles, nous les partageons avec d'autres services des douanes.
Le sénateur Forrestall: Partageons-nous des renseignements avec des pays qui n'en partagent pas avec nous?
M. Lefebvre: Nous avons des ententes d'assistance mutuelle avec de nombreux pays, ce qui nous permet de nous aider réciproquement à faire notre travail, de façon très organisée. En l'absence de tels arrangements avec d'autres organisations, les trafiquants pourraient facilement nous déjouer. Nous avons des ententes de partage d'information essentielle avec d'autres services douaniers dans le monde, ce qui nous permet de mieux faire notre travail.
Le sénateur Forrestall: Ce sont donc les services douaniers qui ont fait le ciblage; ce n'était pas le SCRS ou une autre organisation?
M. Lefebvre: Lorsque d'autres agences d'application de la loi ont des renseignements au sujet d'une expédition ou d'une personne en route pour le Canada, ils les partagent avec nous. Nous avons à l'heure actuelle des systèmes qui alertent les services de première ligne de l'arrivée potentielle de livraisons ou de personnes suspectes. Nous avons d'excellents outils pour aider les douaniers sur la ligne de front, ce qui nous permet d'intercepter ces personnes et ces livraisons.
Le sénateur Forrestall: Investit-on suffisamment dans ce type d'aide?
M. Lefebvre: Ces dernières années, nous avons investi sur un certain nombre de fronts. Je suis sûr que M. Warren pourra ajouter à mes explications. Je peux vous dire, pour ma part, que sur la ligne de front, dans tous les aéroports, chaque douanier qui travaille dans une guérite de la ligne d'inspection primaire a un lecteur de passeport. Nous disposons aussi d'un système qui nous indique si la personne devrait être renvoyée à une deuxième ligne d'inspection si elle présente un risque élevé. Nous avons donc fait passablement d'investissements dans la technologie et dans divers systèmes.
M. Earle Warren, directeur général, Direction de la conception et de l'élaboration de grands projets, Direction générale des douanes, Agence des douanes et du revenu du Canada: Dans le contexte du plan d'action des douanes, qui était en vigueur avant le 11 septembre, nous avons reçu des fonds supplémentaires de plus de 100 millions de dollars. Dans le budget de l'an dernier, plus de 400 millions ont été confiés à l'Agence des douanes aux fins d'investissement dans la technologie et dans des ressources supplémentaires.
Le sénateur Forrestall: Je ne peux m'empêcher de me marrer doucement lorsque vous parlez d'accélérer les choses. Je ne sais pas comment vous pourrez accélérer les choses entre Calais et St. Stephen à moins de construire un autre pont. Combien d'autres endroits sont aux prises avec des problèmes physiques, où l'on passe d'un espace limité à un entonnoir, l'entonnoir en l'occurrence étant la rue principale de St. Stephen? La circulation refoule jusqu'à la station d'essence Irving à deux milles et demi de là, et on se demande toujours s'il y a eu un accident.
Ce type de problème est-il commun?
M. Lefebvre: Le fonds de l'infrastructure frontalière est un autre domaine où il y a du travail à faire. En ce qui a trait au processus de l'immigration, ce n'est qu'un des problèmes qu'il faut régler. Cela dit, vous avez raison, à bien des endroits, il est de la plus haute importance de régler les problèmes d'infrastructure si nous voulons que nos efforts soient couronnés de succès. L'annonce qu'ont fait récemment le premier ministre Chrétien et le premier ministre Eves d'investir 300 millions de dollars à Windsor illustre bien le fait qu'un pont est un pont, peu importe où il se trouve, et qu'il peut constituer un goulot d'étranglement. C'est la même chose avec les autoroutes.
Le sénateur Forrestall: On pourrait envisager des dépenses conjointes avec nos amis américains pour atténuer une partie du problème.
M. Lefebvre: Oui, et la région de Windsor est un bon exemple. Il existe là-bas un processus binational, et nous savons fort bien qu'il est inutile de relier un pont à une grande autoroute au Canada si les camions se retrouvent coincés au centre-ville de Detroit. Nous espérons résoudre le problème dans son ensemble grâce à un effort bilatéral conjoint.
Le sénateur Day: Pour faire suite à la question de mon collègue, le sénateur Forrestall, au sujet du poste frontière Calais-St. Stephen, vous avez dit que ce serait là l'un des endroits où vous prévoyez qu'il n'y aurait qu'un seul point de vérification commun.
Les deux parties en cause, tant au Canada qu'aux États-Unis, ont convenu de l'emplacement du futur pont. J'espère qu'au cours du processus de planification, elles auront pris en compte le fait qu'un seul poste de vérification est nécessaire, et non deux. Il faut s'assurer que cette information est bien communiquée aux autorités américaines. Personnellement, c'est un point que je signalerai lorsque je m'entretiendrai avec mes collègues américains. C'est un élément d'information important qu'ils devraient avoir.
M. Lefebvre: Il y a une rivière. Étant donné que nous ne sommes pas habilités à travailler du côté américain, je ne suis pas sûr de comprendre où vous voulez en venir lorsque vous dites que nous devrions travailler ensemble.
Le sénateur Day: N'est-ce pas ce que vous avez dit dans vos observations ici aujourd'hui?
M. Lefebvre: Non.
Le sénateur Day: Il n'y aura pas de poste de contrôle commun où seraient combinés les services canadiens et américains?
M. Lefebvre: Pas à cet endroit car une rivière sépare les deux villes. Les postes de contrôle communs se trouvent habituellement le long de la frontière terrestre, là où nous pouvons construire deux immeubles et les réunir. Physiquement, on installe une paroi de verre entre les deux.
Le sénateur Day: D'après votre mémoire, il semble que les États-Unis et le Canada se sont entendus pour envisager des installations communes à divers endroits dont St. Stephen (N.-B.)/Calais (ME), à l'issue d'études de faisabilité. Venez-vous tout juste d'apprendre qu'une rivière coule entre ces deux villes? Je suis heureux que vous soyez venu ici. C'est l'endroit où Champlain s'est arrêté en 1604 et il a perdu tous ses hommes sur l'île. Mais c'est une autre histoire.
Vous pourriez peut-être vérifier cela. Ce dossier nous intéresse tout particulièrement car dans cette province de l'Atlantique, les échanges nord-sud entre le Canada et les États-Unis souffrent d'un énorme goulot d'étranglement. Comme le sénateur Forrestall l'a mentionné, c'est très important pour nous.
Je voudrais savoir quelle est la situation générale des échanges entre le Canada et les États-Unis à tous les postes frontaliers. Je pense particulièrement au camionnage. Pour ce qui est des délais, sommes-nous revenus approximativement au même niveau qu'avant le 11 septembre 2001?
M. Lefebvre: Je suis heureux de vous répondre que c'est le cas. Pendant un certain temps, le trafic voyageur avait diminué. Le camionnage est revenu au même niveau qu'avant depuis un bon bout de temps déjà, mais le trafic voyageur demeurait faible. De façon générale, toutefois, nous sommes essentiellement revenus à notre niveau d'avant septembre, même si à plusieurs grands postes frontières le trafic voyageur demeure un peu en deçà de ce qu'il était. C'est le cas de deux postes frontières.
Le sénateur Day: L'objectif est évidemment de permettre une circulation plus libre et plus rapide des échanges entre les deux pays, tout en gardant toujours à l'esprit l'importance de la sécurité pour les deux parties.
M. Lefebvre: Absolument.
Le sénateur Day: En ce qui concerne la sécurité des conteneurs, je ne me souviens pas de l'acronyme ou de la marque de l'appareil à rayon gamma que vous envisagez d'installer dans tous les ports. N'en avez-vous pas parlé? Cette initiative va-t-elle contribuer à augmenter le nombre de conteneurs qui seront ciblés sans pour autant en ralentir l'examen?
M. Lefebvre: En effet. Je n'ai pas mentionné de chiffres, mais il est beaucoup plus facile d'examiner un conteneur avec un système de balayage que de l'ouvrir sur le quai ou de le transporter dans un entrepôt pour qu'il y soit ouvert ou vidé. Cela s'applique également aux conteneurs pleins et vides car il peut arriver que dans des conteneurs vides, on ait construit des logements pour cacher des produits de contrebande. Les appareils de balayage nous permettront d'examiner le contenu d'un plus grand nombre de conteneurs que jamais auparavant.
Le sénateur Day: Si l'on définit l'efficience comme une augmentation du nombre de conteneurs vérifiés par balayage par unité de temps, avez-vous des données que vous pourriez nous communiquer au sujet des ports où vous employez maintenant des appareils à rayon gamma par rapport à ce qui se passait auparavant? Je crois savoir que l'on examinait environ 1,5 à 2,5 p. 100 des conteneurs.
M. Lefebvre: Traditionnellement, dans les ports, on effectuait ce que l'on appelle une inspection par l'arrière, c'est-à- dire qu'on ouvrait l'arrière du conteneur au port et que l'on y faisait entrer un chien ou encore, on faisait une inspection visuelle ou on utilisait certains instruments. Dans certains cas, on vidait entièrement le conteneur après l'avoir transporté dans un entrepôt. Moins de 1 p. 100 des conteneurs exigeaient d'être vidés entièrement, et peut-être deux fois plus dans le cas des inspections par l'arrière.
Maintenant, un appareil VACIS peut balayer un conteneur en cinq secondes, de sorte qu'à mesure qu'ils arrivent, nous pouvons en cibler un plus grand nombre. Il faut toutefois transporter le conteneur à un endroit où l'appareil peut être utilisé, mais c'est là un inconvénient minime si on compare cela aux méthodes traditionnelles.
Évidemment, cet appareil peut nous inciter à vouloir vider un nombre accru de conteneurs. Ce n'est pas une garantie qu'un conteneur pourra poursuivre son chemin. Dépendant de ce que l'on verra, on voudra peut-être l'acheminer ailleurs pour qu'il soit vidé. Toutefois, le processus sera beaucoup plus efficient car nous allons procéder à un déchargement uniquement lorsque nous avons de bonnes raisons de le faire.
Le sénateur Day: Quel pourcentage de conteneurs pensez-vous pouvoir inspecter maintenant?
M. Lefebvre: Nos conteneurs arrivent à Halifax. Or, ces unités mobiles de balayage sont en place depuis quelques semaines seulement. Il nous faudra accroître notre expertise dans ce domaine. Je sais que nous pourrons en examiner davantage. À l'heure actuelle, la moyenne est la suivante: 1 p. 100 des conteneurs sont entièrement vidés, 2 p. 100 font l'objet d'une inspection par l'arrière et grâce à ces appareils, nous pourrons sans doute atteindre les 6 p. 100.
Le sénateur Day: Est-il trop tôt pour que vous me donniez une idée des conclusions que vous avez tirées jusqu'à maintenant?
M. Lefebvre: Nous pourrons sans doute examiner 100 conteneurs par jour alors que lorsqu'on procède à un déchargement complet, on ne peut le faire que pour une poignée de conteneurs.
Le sénateur Day: Est-ce une question d'argent? Avez-vous besoin d'un plus grand nombre de ces appareils dans chaque port pour pouvoir faire un travail optimal?
M. Lefebvre: Nous en avons acheté onze, qui nous seront livrés au cours des prochains mois. Deux seront affectés à Montréal compte tenu de l'envergure de ce port et trois autres à Vancouver puisqu'il y a là trois terminaux différents.
Le sénateur Forrestall: Si vous n'en installez pas trois à Halifax, il y aura une guerre. Le port de Halifax est plus gros que celui de Montréal.
M. Lefebvre: Je suis tout à fait d'accord pour vous donner satisfaction, sénateur, si le port de Halifax achète l'un des appareils. Le port de Vancouver a acheté ses propres unités mobiles VACIS. Je pense que Halifax aura deux appareils, mais il y en aura aussi deux dans le sud de l'Ontario, comme je l'ai mentionné. Pour l'instant, nous jugeons être bien équipés avec onze unités mobiles. Nous avons également acheté des systèmes de balayage pour l'examen des palettes. Pour ce qui est de l'équipement lourd, nous sommes bien positionnés pour l'avenir.
Le sénateur Meighen: Avez-vous effectué des études de vraisemblance pour déterminer, dans un monde idéal, quel serait le pourcentage optimal? En théorie, ce devrait être 100 p. 100, n'est-ce pas?
M. Lefebvre: Notre objectif ultime est d'avoir une frontière intelligente et de nous servir de la gestion des risques. Par exemple, permettez-moi de revenir pour un instant sur le sujet des camions. Nous demandons aux importateurs qui souhaitent être approuvés pour EXPRES de contrôler leur inventaire et les effectifs qu'ils embauchent et d'appliquer des mesures de protection à l'égard de leurs installations matérielles. Il ne serait pas très intelligent de soumettre tous les camions à un examen avec ces appareils. Même s'il est plus facile d'examiner ainsi un camion, cela entraîne tout de même des coûts liés à la main-d'œuvre pour les clients et pour nous. À un moment donné, dans la gestion du risque, lorsque le risque est très bas, une intervention n'a pas sa raison d'être.
Par exemple, dans le cas des grands fabricants d'automobiles et de pièces d'automobiles, une fois qu'ils deviennent nos partenaires et qu'ils collaborent avec nous à resserrer les procédures de sécurité, il serait inutile de soumettre tous leurs camions à un balayage. Le même argument vaut pour les conteneurs. Nous évaluons les risques et nous savons ce qui constitue un risque élevé ou même modéré. En recourant davantage aux appareils de balayage, on viserait des cibles à très faible risque.
Le sénateur Meighen: C'est là ma question. Quel est le niveau idéal, 10 p. 100, 8 p. 100?
M. Lefebvre: Non contents de soumettre au balayage ou à un examen les expéditions à risque élevé, nous examinons aussi celles qui présentent un risque modéré. Nous effectuons aussi des vérifications aléatoires de conteneurs qui n'ont pas été ciblés dans toutes les cargaisons. D'après notre expérience, il y a un moment où l'on sait s'il vaut la peine d'aller plus loin ou si cela est plus ou moins futile. On peut toujours se dire que c'est possible, mais nous travaillons dans le contexte de la gestion des risques. Nous n'avons pas pour principe de faire tout ce qui est possible d'être fait car à ce moment-là, on déchargerait tout.
Le sénateur Meighen: Le chiffre de 10 appareils a-t-il été dicté entièrement par des contraintes budgétaires ou avez- vous jugé qu'avec 10 appareils de balayage vous pourriez sans doute atteindre un niveau acceptable?
M. Lefebvre: Selon nous, avec 11 appareils — si l'on ajoute celui qu'a acheté le port de Vancouver, dont nous assurons le fonctionnement —, nous estimons couvrir les principaux endroits où l'achalandage est considérable. Nous pensons être bien positionnés pour l'avenir.
M. Connolly: Il faut aussi que vous sachiez que nous utilisons différentes techniques, que ce soit dans un port maritime, un aéroport ou un poste frontalier terrestre. Nous employons diverses technologies à tous ces endroits, y compris des unités mobiles de balayage à rayon gamma, des appareils Ionscan à main, des appareils à rayon pour l'examen des palettes, et d'autres types d'équipement de rayons-X, dont les appareils à rayons-X roulants qui ont été conçus par notre personnel au Canada. D'ailleurs, les Américains nous ont demandé l'autorisation d'adopter en partie notre design.
Nous utilisons de multiples technologies car il n'y a pas un seul outil qui soit universel. Chaque outil a son but et chacun peut vous donner certaines images, à la suite de quoi on exigera parfois, un examen plus détaillé ou un différent type de balayage. Nous utilisons des chiens. Il y a aussi la technique de la vapeur. En somme, nous recourons à différents types de techniques pour sélectionner les conteneurs ou les moyens de transport qui doivent faire l'objet d'un examen plus poussé.
Enfin, nous avons une capacité de ciblage. Nos équipes de ciblage pour tous les modes de transport au Canada sont très bien formées. Nous avons communiqué aux Américains nos pratiques de ciblage. Ces derniers utilisent des techniques semblables aux nôtres, voire tout à fait identiques, dans certains cas.
Nous déterminons les risques en prenant en compte tous ces facteurs, le mode, le port, la société expéditrice, etc. Nous ne pouvons pas affirmer qu'à certains ports, le pourcentage est 2 ou 5 p. 100; ces chiffres varient et ils sont dictés par le risque. Dans un port donné, le taux d'examen peut être plus élevé que dans un autre et cela peut s'expliquer parce qu'il pose un risque élevé en ce qui concerne une marchandise en particulier, que ce soit la cocaïne, l'héroïne ou tout autre stupéfiant. Certaines drogues sont acheminées par différents modes de transport. Voilà pourquoi nous employons différentes technologies, en sus du ciblage.
À certains endroits, nous recherchons ce que j'appelle un idéal , mais cet idéal est fondé sur une évaluation des risques que nous faisons périodiquement, chaque année, au niveau local, dans les ports et au siège social. Nous intégrons dans nos évaluations d'autres renseignements fournis par nos partenaires, que ce soit la Gendarmerie royale du Canada, d'autres organisations de renseignements ou des services de douanes.
Le sénateur Meighen: Cela est très utile. Dois-je en conclure qu'avec ces 11 unités mobiles de balayage, qui s'ajoutent au ciblage que vous faites et à l'utilisation de multiples autres techniques que vous venez de nous décrire, vos collègues et vous-même jugez que le niveau de sécurité dans nos ports est satisfaisant? Plus précisément, pour revenir à la question du sénateur Banks, lorsque nous serons à Washington, pourrons-nous regarder nos amis américains droit dans les yeux et affirmer que le contrôle que nous effectuons est plus qu'adéquat? La dernière fois que nous sommes allés là-bas, les Américains insinuaient que s'ils n'étaient pas satisfaits des procédures de contrôle appliquées à Halifax, ils pourraient fort bien envisager d'interrompre le transbordement.
M. Lefebvre: Sénateur, vous pouvez faire cette affirmation sans l'ombre d'un doute.
Le président: Il a été utile la dernière fois de pouvoir évoquer l'inspection par l'arrière et le déchargement. Nous avons pu leur mettre sur le nez un pourcentage de 3 p. 100 alors qu'ils opéraient à 2 p. 100 pour tous les modes. Notre pourcentage était de moitié supérieur, et cela a suffi pour clouer le bec de nos détracteurs. Nous avons aussi pu citer le nombre de douaniers à la frontière. Nos effectifs étaient sensiblement plus élevés que les leurs.
Il serait bon que vous fournissiez à notre comité d'ici quelques semaines des données précises à cet égard. Par exemple, pensez-vous que nous serons en mesure d'utiliser les unités mobiles de balayage VACIS à 5 p. 100? Si c'est le cas, les Américains vont-ils égaler cela? Plus nous avons des renseignements détaillés, mieux ce sera car nous devons contrer des manchettes comme celle-ci: «Les États-Unis accusent le Canada d'avoir laissé passer de la drogue à la frontière». Il serait bon que nous puissions répondre à nos collègues du Congrès à l'aide de données spécifiques et concrètes.
M. Lefebvre: S'il y a de la drogue qui entre aux États-Unis par la frontière, ce n'est pas notre faute.
Le président: Je comprends très bien cela. La question est de savoir comment leurs services des douanes s'acquittent de leur mission. Cela dit, il est bon de pouvoir leur dire exactement comment nos services se comparent aux leurs. Si vous pouviez nous aider à cet égard, nous vous en serions reconnaissants.
Le sénateur Day: J'étais aux États-Unis le week-end dernier, lorsqu'on a annoncé une importante saisie de drogues. Les médias ont rapporté qu'elles avaient été acheminées à partir de la Colombie aux États-Unis en passant par Montréal. Cela se produira de nouveau. C'est partiellement notre problème. Ce sont les services frontaliers qui ont découvert ce chargement. Cependant, il a franchi notre frontière avant de franchir la leur. Voilà le genre de problème auquel nous sommes confrontés. Nous apprécierions toute information que vous pourrez nous donner pour nous aider à cet égard.
Nous avons appris plus tôt que les États-Unis ont un si grand nombre d'agences de collecte de renseignements sous diverses formes, sans compter les nôtres, qui sont nombreuses aussi, qu'il est difficile de s'échanger une information utile aux deux côtés de la frontière. Le commandement unifié et les mesures d'unification de la sécurité intérieure préconisés par le gouverneur Ridge ont-elles modifié sensiblement notre capacité d'échanger des renseignements utiles dans notre intérêt mutuel?
M. Lefebvre: Premièrement, la sécurité intérieure n'en est qu'à ses débuts. Les rapports plus étroits que les services des douanes, la GRC et d'autres agences au Canada et aux États-Unis ont développés ont donné lieu à la création d'un certain nombre de mécanismes permettant de meilleurs échanges d'information en général.
Le sénateur Banks a dit que l'on n'avait pas aux États-Unis une haute opinion du Canada. Cependant, tous les personnels qui travaillent dans ces agences ont énormément de respect pour le professionnalisme manifesté par les agents canadiens. Le rapprochement qui s'est fait depuis un an ou deux a favorisé une confiance accrue et la multiplication des échanges d'information.
M. Connolly: Chose certaine, depuis le 11 septembre et depuis que nous avons mis au point ce plan d'action de 30 points sur la frontière intelligente, nous avons élaboré avec nos homologues des États-Unis des critères communs d'évaluation des risques et des menaces. Nous avons utilisé les meilleurs outils des deux côtés pour concevoir et implanter des mécanismes d'évaluation des risques et des menaces. En fait, nous avons déjà effectué un certain nombre d'évaluations conjointes des risques.
Pour ce qui est de notre collaboration et de l'échange d'information, déjà, avant le 11 septembre, nos rapports étaient très étroits et l'échange de renseignements avec nos homologues américains se passait très bien. Aujourd'hui, cela continue. D'ailleurs, après le 11 septembre, on a reconnu que nos excellentes relations présidaient à l'échange d'information.
M. Lefebvre: J'ai oublié de mentionner que dans la foulée de la Déclaration sur la frontière intelligente, nous avons créé des équipes intégrées de surveillance à la frontière. Je crois savoir que 11 d'entre elles ont été ou seront affectées un peu partout au pays. Pour que ces équipes intégrées puissent bien fonctionner, nous devons échanger des renseignements et travailler main dans la main. C'est là une autre initiative qui contribuera à améliorer l'échange de renseignements entre les diverses agences.
Le sénateur Day: Cela découle-t-il du 11 septembre?
M. Lefebvre: C'est l'un des points du plan d'action, qui en compte 30.
Le sénateur Cordy: Je vous remercie d'avoir fait le point au sujet de la Déclaration sur la frontière intelligente. Nous avons maintenant une idée de la façon dont les 400 millions consentis aux douanes dans le budget de l'an dernier ont été dépensés à la frontière.
Vous avez parlé de CANPASS-Air et de NEXUS-Air, deux programmes qui doivent débuter sous peu. CANPASS- Air sera appliqué dans les aéroports canadiens aux voyageurs arrivant au Canada par avion?
M. Lefebvre: Les deux programmes seront appliqués dans les aéroports canadiens. Nous voulons que CANPASS- Air soit implanté dans tous les grands aéroports canadiens pour les personnes qui arrivent au Canada.
Il y aura un projet pilote NEXUS-Air à Ottawa et à Dorval. Essentiellement, c'est la même chose que CANPASS- Air, mais dans les deux sens. Nous demanderons à toutes les personnes qui voudraient être membre de CANPASS-Air à Ottawa si elles souhaitent faire partie du projet pilote de NEXUS-Air. Celles qui souhaitent participer seront approuvées par les Américains lorsque le projet pilote NEXUS ira de l'avant. Par exemple, ces personnes pourront faire un voyage d'affaires aller-retour entre Ottawa et une destination américaine sans parler aux agents des douanes ou d'immigration.
Le sénateur Cordy: Cela se limitera au Canada et aux États-Unis?
M. Lefebvre: Oui. CANPASS sera utilisé par des Canadiens ou par des Américains venant au Canada.
Le sénateur Cordy: Dans les deux cas, les programmes sont fondés sur des données biométriques?
M. Lefebvre: Oui.
Le sénateur Cordy: Nous obtenons à l'heure actuelle des informations préalables sur les voyageurs. À compter du 30 mars, nous aurons aussi le dossier du passager. Que trouverez-vous dans le DP qui ne se trouve pas déjà dans l'IPV?
M. Lefebvre: L'IPV représente essentiellement les renseignements de base, votre nom, votre numéro de passeport et les détails que vous fournissez au comptoir lorsque vous achetez un billet d'avion. Le DP, ou dossier du passager, émane du système d'enregistrement de la société aérienne. On y précise avec quelle agence de voyage vous avez fait affaire ainsi que les autres correspondances effectuées au cours du voyage. Cela va plus loin que le nom et le numéro de passeport. On trouve dans le DP davantage de renseignements sur le voyage en général. Comme je l'ai dit, ces renseignements sont tirés du système de réservation de la compagnie aérienne.
Le sénateur Cordy: L'IPV vous dirait uniquement où le passager a embarqué dans l'avion où il se trouve à l'heure actuelle alors que le DP vous fournirait le pays d'origine?
M. Lefebvre: Oui.
Le sénateur Cordy: En ce qui a trait aux expéditions commerciales, les États-Unis ont récemment proposé des délais d'exécution pour la transmission préalable de renseignements. Je suppose que vous ne sautez pas de joie à l'idée d'appliquer ces délais compte tenu de l'incidence considérable qu'ils auraient. Pouvez-vous nous expliquer cela plus en détail?
M. Lefebvre: La genèse de toute l'affaire tient au fait que les États-Unis ont dans leur mire toutes les routes et qu'ils veulent des informations préalables pour pouvoir cibler les expéditions à risque élevé. Dans le contexte de l'initiative visant la sécurité des conteneurs, ou ISC, ils veulent obtenir 24 heures avant le chargement toute l'information concernant les conteneurs à destination des États-Unis. Cette initiative a fait l'objet de discussions avec un certain nombre de pays, et les autorités américaines ont adopté un règlement qui est entré en vigueur au début du mois.
Maintenant, ils visent d'autres modes et souhaitent obtenir des informations préalables au sujet des camions, des avions et des trains à destination des États-Unis. Il y a deux ou trois semaines, ils ont réuni des centaines d'hommes d'affaires pour les aviser qu'ils avaient l'intention d'exiger ces renseignements pour les camions quatre heures à l'avance, pour les avons huit heures à l'avance et pour les trains 24 heures à l'avance.
Le sénateur Cordy: Que voulez-vous dire par «à l'avance»?
M. Lefebvre: Avant le chargement ou l'arrivée à la frontière. Tant au Canada qu'aux États-Unis, les milieux d'affaires ont réagi très fortement. En effet, dans le monde d'inventaire juste à temps où nous vivons, dans l'industrie de l'automobile, par exemple à Windsor et ailleurs, très souvent, le temps de rotation pour le chargement d'un camion se limite à une heure ou deux. Quatre heures, c'est tout simplement impossible compte tenu de la façon dont fonctionnent les entreprises aujourd'hui. Cela exigerait des changements radicaux dans le modus operandi des sociétés et qui plus est, cela risque d'engorger sérieusement la frontière.
Les autorités américaines étudient attentivement les commentaires qu'ils ont reçus des gens d'affaires. Nous espérons que leur prochaine proposition sera plus acceptable pour toutes les parties concernées.
Le sénateur Cordy: Est-ce là un dossier où nous collaborons avec eux? De toute évidence, ce sont eux les instigateurs.
M. Lefebvre: Nous craignons particulièrement que cette règle des quatre heures applicable aux expéditions par camion s'applique aux camions approuvés en vertu du régime EXPRES. À notre avis, cela torpillerait complètement le programme. Nous espérons — et nous sommes confiants — que les camions EXPRES seront exemptés de la règle des quatre heures, mais nous n'avons pas encore reçu de confirmation définitive. C'est là une préoccupation, et nous travaillons certainement avec eux.
Le rail est un autre exemple. Les Américains veulent des informations préalables 24 heures à l'avance. Dans certains cas, nos sociétés ferroviaires n'auraient aucun problème à leur fournir ces informations dans ces délais. Il se peut qu'un train passe deux jours dans l'Ouest avant d'atteindre la frontière américaine. Dans d'autres cas, un camion arrive à une plaque tournante et décharge sa marchandise sur un train. À ce moment-là, la période de 24 heures n'existe pas. Des discussions sont en cours.
Le sénateur Cordy: Au Nouveau-Brunswick, il n'y a pas encore de camions EXPRES. Chose certaine, cette nouvelle exigence perturberait sérieusement certaines industries implantées près de la frontière sur la côte est.
Je m'interroge au sujet de l'initiative visant la sécurité des conteneurs et du fait qu'il y ait des agents américains au port de Halifax. Comment les équipes de ciblage travaillent-elles ensemble à Halifax, par exemple? Comment les Canadiens et les Américains collaborent-ils?
M. Lefebvre: Tout fonctionne bien, du point de vue du Canada et des États-Unis. À Halifax, par exemple, les équipes américaines s'intéressent surtout aux expéditions en transit vers les États-Unis. Ils ne s'intéressent pas à tous les conteneurs. Quant aux équipes canadiennes, ce sont les conteneurs à destination du Canada en transit qui sont leur principal point de mire. Par conséquent, ces agents des douanes travaillent ensemble, mais leur centre d'intérêt est différent.
Le sénateur Cordy: Les Américains ne s'intéressent pas aux conteneurs qui arrivent à Halifax, mais plutôt à ceux qui se bornent à y faire escale en route vers la côte est?
M. Lefebvre: Ils peuvent être déchargés à Halifax ou chargés sur un train à destination des États-Unis.
Le sénateur Cordy: Merci.
Le sénateur Atkins: Je suppose que l'un des autres problèmes est celui des denrées périssables. À cet égard, l'exigence des quatre heures causerait de graves problèmes.
M. Warren: Prenons l'exemple de l'industrie automobile. À l'heure actuelle, le délai d'avis est de 15 minutes à l'avance. Cela tient au fait qu'il s'agit de Detroit et Windsor. Dans le cas des denrées périssables, il peut s'écouler 24 heures avant leur arrivée à la frontière si elles proviennent du Texas ou de la Californie. Par conséquent, le fait de donner un avis préalable ne cause pas les mêmes problèmes à l'échelle de l'industrie en ce qui concerne le respect des délais. Le point le plus sensible est le système de livraison de stock juste à temps, lorsqu'il est concentré dans les collectivités des deux côtés de la frontière proprement dite.
Le sénateur Atkins: Je suppose que tout tourne surtout autour de l'inventaire, particulièrement dans le secteur de l'automobile.
Nous n'avons pas parlé de l'inspection de conteneurs en provenance de l'étranger. Quel genre d'équipement utilisez- vous à cette fin, si tant est que vous en utilisez? Comment les identifiez-vous en prévision de leur arrivée au port de Halifax?
M. Lefebvre: Si un conteneur arrive à Halifax en provenance de l'étranger, nous recevons habituellement le manifeste à l'avance. À l'heure actuelle nous pouvons le recevoir jusqu'à 96 heures d'avance. Maintenant, ce délai sera sans doute repoussé. Nous avons le temps de cibler au préalable les conteneurs. À leur arrivée, nous demandons qu'ils soient déchargés pour être inspectés.
Le sénateur Atkins: Le manifeste indique à partir de quel port le conteneur a été convoyé. Y a-t-il d'autres renseignements, notamment la provenance du conteneur avant qu'il ait atteint ce port d'outre-mer?
M. Connolly: Nous avons assurément accès aux systèmes de l'industrie maritime qui nous donnent une indication sur le routage, et ainsi de suite. Par exemple, une cargaison peut venir de Karachi, au Pakistan en passant par l'Afrique du Sud et ensuite par le port de Lahore avant d'avoir été embarquée sur un dernier navire à destination du Canada. Ce routage serait inclus dans l'information que nous recevrions.
Nous aurions donc des renseignements sur le routage, le numéro du conteneur, son contenu et l'identité du navire sur lequel il arrivera. Nous recevons ces données à l'avance. À l'heure actuelle, nous les obtenons quatre à cinq jours d'avance, parfois plus , selon la compagnie. Cela nous permet d'effectuer un ciblage en nous fondant sur un certain nombre de facteurs. Si nous jugeons être en présence d'un risque très élevé, nous attendons l'arrivée de la cargaison au quai pour prendre en charge le conteneur.
Le sénateur Atkins: Ces conteneurs sont-ils davantage ciblés que d'autres expéditions en provenance d'ailleurs?
M. Connolly: À l'heure actuelle, nous ciblons tous les conteneurs qui entrent au Canada.
M. Lefebvre: Votre commentaire est fort à propos, sénateur. D'entrée de jeu, dans nos discussions avec nos collègues américains, nous nous sommes mis d'accord au sujet des conteneurs en provenance de l'étranger. Depuis 18 mois, la menace terroriste et les armes de destruction massive sont en tête de nos priorités. Nous avons reconnu que nos aéroports et nos ports maritimes exigeaient davantage d'efforts de notre part que notre frontière terrestre. Dans le contexte de la gestion des risques, nous estimons que ceux-ci y sont plus élevés qu'à la frontière terrestre. C'est la raison pour laquelle nous y avons consacré davantage de ressources.
Le sénateur Atkins: Pour aborder un autre sujet, avez-vous le sentiment qu'en raison de ces difficultés, le Canada risque de perdre certaines entreprises d'importation ou autres? Par exemple, à Vancouver, on craint que les paquebots de croisière choisissent de privilégier des départs de Seattle plutôt que de Vancouver. Ils reprochent aux complications liées aux douanes et à l'immigration ce changement qui se dessine.
M. Lefebvre: Pour prendre l'exemple de Vancouver, les formalités que doivent subir les passagers d'un paquebot de croisière au départ ou à l'arrivée sont absolument exemplaires. Nous avons travaillé pendant des années avec le secteur des croisières touristiques pour faire en sorte que notre travail dérange le moins possible les passagers. Je ne pense pas que cela soit un facteur.
Pour ce qui est des investissements en général, le but de nos nouveaux programmes, dont EXPRES, est de convaincre les investisseurs que la frontière n'est pas un facteur qui devrait entrer en cause dans leurs décisions d'investissement. Le fait que les Américains ont adhéré à un programme comme EXPRES rassure énormément les investisseurs potentiels. Ils savent que la frontière est ouverte et sont confiants qu'elle le demeurera. Cette confiance est aussi étayée par les injections de fonds que nous sommes sur le point de faire dans l'infrastructure pour garantir qu'à l'avenir la frontière sera aussi fluide qu'elle l'a été dans le passé, et même plus.
Le sénateur Forrestall: À propos de conteneurs, qu'en est-il du fret en vrac?
M. Lefebvre: Nous recevons à l'avance des renseignements au sujet de l'équipage du navire. Pour ce qui est des marchandises en vrac, c'est encore là une question de ciblage, d'information et de gestion des risques. Lorsque vous serez à Washington, n'hésitez pas à vanter les mérites du Centre maritime que nous avons à Halifax. L'Agence des douanes et du revenu du Canada a une école à Halifax où l'on apprend aux agents des douanes comment fouiller un navire. Il n'y a qu'une ou deux administrations douanières dans le monde qui ont de telles écoles. Notre centre a une excellente réputation. Nous accueillons des élèves d'autres administrations douanières. Nous serions ravis que des agents des douanes américains viennent y suivre notre cours. Les États-Unis n'ont rien de pareil. À cet égard, je suis convaincu que nous avons une longueur d'avance.
Le sénateur Atkins: La semaine dernière, l'Association des hôtels a tenu une conférence ici. Certains des délégués ont exprimé des inquiétudes au sujet du traitement réservé aux touristes à la suite de la polarisation qui a cours au sujet de l'Iraq. Les Canadiens se heurtent à une attitude différente de la part de certains agents des douanes et de l'immigration de l'autre côté de la frontière. Êtes-vous au courant de cela?
M. Lefebvre: Un certain nombre de phénomènes expliquent ce qui se passe. L'un d'eux est que les Canadiens visitent le Canada plus que jamais auparavant.
Le sénateur Atkins: Les Américains?
M. Lefebvre: Non. Les Canadiens prennent leurs vacances au Canada plus que jamais auparavant, ce qui est une bonne chose. En effet, les événements que nous connaissons tous ont sans doute influencé le comportement des Américains et leur façon de voyager.
Le sénateur Atkins: Mes propos se fondaient sur l'opinion qu'on se fait actuellement de la position du Canada dans l'affaire de l'Iraq. Il semble émerger un sentiment anti-canadien chez notre voisin du sud. Cela a une incidence sur le nombre de gens qui viennent ici.
M. Lefebvre: Il y a sans doute de nombreux facteurs qui expliquent pourquoi les Américains voyagent moins qu'avant à l'étranger. Je ne suis pas au courant de cela, sénateur.
Ce n'est un secret pour personne que des villes frontalières comme Windsor, où le casino demeure un pôle d'attraction pour les Américains, ont perdu une partie de leur clientèle parce que ceux-ci sont moins enclins à traverser un pont pour se rendre dans un autre pays. Ils veulent rester près de chez eux. Pour de nombreuses raisons, le nombre de visiteurs est à la baisse.
Le sénateur Atkins: Je voudrais parler des réservistes et des membres de la garde nationale auquel on a recours. D'après les journaux, on les puise dans les rangs du FBI et des forces policières. Les recrute-t-on aussi auprès des services des douanes et de l'immigration?
M. Lefebvre: On a fait appel à la garde national après les événements du 11 septembre, mais leurs contrats d'assistance ont pris fin il y a un certain temps. Quant aux services des douanes et de l'immigration, ils ont reçu des ressources additionnelles et sont en train de s'organiser pour former de nouveaux agents. Je ne pense pas que la garde nationale fournisse de l'aide où que ce soit. Du côté de la frontière canadienne, on fait strictement appel à des agents de Douanes Canada et d'Immigration Canada.
Le sénateur Atkins: Si vous aviez le choix, préféreriez-vous que ce soit la police portuaire ou d'autres forces policières qui assurent la sécurité dans les ports?
M. Lefebvre: Le travail des douanes est étroitement lié à la sécurité. Cela dit, il ne se limite pas à l'aspect policier; il y a aussi la sécurité de la santé, de l'environnement et de l'économie. Par exemple, nous veillons à garder la frontière ouverte pour assurer l'égalité des chances à nos entreprises. Nous avons une bonne expérience du domaine. S'il nous faut faire appel à l'aide des forces policières, cela ne pose pas de problème car nous entretenons de bonnes relations avec toutes les autorités policières le long de la frontière.
Le sénateur Atkins: Autrement dit, peu importe à vos yeux quelle force policière assure la sécurité aux ports?
M. Lefebvre: Nous entretenons d'excellentes relations avec toutes les forces policières.
Le président: Monsieur Lefebvre, vous avez parlé tout à l'heure de la voie EXPRES. Comment l'Agence s'assure-t- elle que les personnes qui empruntent la voie EXPRES sont sûres et qu'elles le restent? Comment vous assurez-vous qu'elles ne deviennent pas corrompues ou qu'elles ne font pas l'objet de coercition ou encore qu'il n'y aura pas des gens qui emprunteront la voie EXPRES pour passer plus rapidement de part et d'autre de la frontière?
M. Lefebvre: Nous parlons aux gens qui ne sont pas sur la voie EXPRES, mais nous n'envoyons pas tout le monde subir une deuxième inspection. On peut toujours exploiter une situation, quelle qu'elle soit. Cependant, dans les voies EXPRES, certaines personnes seront référées au hasard à une deuxième inspection. Si elles ne respectent pas les règles, elles perdront leurs privilèges et nous insérerons leur nom dans notre système pour que subséquemment, elles soient référées à une deuxième inspection. Nous n'avons pas perdu les pouvoirs qui nous sont conférés d'arrêter n'importe quel voyageur à la frontière et de lui imposer une deuxième inspection. Ce sera l'un de nos principaux outils.
Les personnes qui auront été approuvées figureront dans notre système après avoir subi une vérification de sécurité qui nous aura convaincus qu'ils représentent un faible risque. Si après avoir été approuvées, nous recevons des renseignements qui laissent croire que ce n'est pas le cas, pour une raison ou une autre, nous pouvons en tout temps leur retirer les privilèges liés à la préautorisation.
Le président: En quoi consiste une vérification de sécurité? On nous a parlé longuement des vérifications de sécurité pour le personnel des aéroports, de la vérification du CIPC, du SCRS, du lieu de résidence à tous les cinq ans peut-être, mais pas nécessairement.
M. Lefebvre: Quatre agences ont négocié les vérifications de sécurité avec les Américains. Tout le personnel aéroportuaire subira une vérification de sécurité. L'une de ces vérifications est intégrée au programme NEXUS, qui prévoit la prise d'empreintes digitales de deux doigts. Quelqu'un qui a un casier judiciaire aura un problème.
Nous vérifions aussi le lieu de résidence sur une période de cinq ans. L'un de nos objectifs est de nous assurer que les personnes approuvées sont bien ancrées dans leurs communautés respectives. Nous prenons aussi connaissance des dossiers et des antécédents d'emploi, des dossiers des douanes, de l'immigration et d'autres agences. Tout ce processus culmine avec une entrevue du demandeur avec un agent des douanes ou de l'immigration, mais habituellement avec un agent des douanes.
En somme, nous disposons de nombreux moyens pour nous assurer qu'une personne présente un faible risque pour la sécurité. Le processus vise tant les citoyens américains que canadiens. En bout de ligne, des agents canadiens interviewent des Américains et des agents américains interviewent des Canadiens.
Le président: La loi américaine intitulée Enhanced Border Security and Visa Entry Reform Act a un titre intimidant. Que pouvez-vous nous dire au sujet de la loi et de l'incidence qu'elle aura sur les Canadiens si les Américains n'augmentent pas sensiblement leurs ressources à la frontière?
M. Lefebvre: La loi n'est pas...
Le président: La loi a été adoptée et doit entrer en vigueur l'an prochain.
M. Lefebvre: Je préfère qu'un représentant de l'agence chargé d'appliquer la loi la commente.
Le président: Ce sera une agence américaine.
M. Lefebvre: Oui, mes excuses. Pourriez-vous préciser de quelle loi il s'agit?
Le président: Il s'agit de la Enhanced Border Security and Visa Entry Reform Act qui exige que quiconque franchit la frontière américaine pour entrer aux États-Unis ou en sortir s'enregistre à l'arrivée ou au départ.
M. Lefebvre: L'ADRC n'est pas le principal interlocuteur des Américains en ce qui concerne cette mesure. Cependant, elle n'est pas sans nous causer de sérieuses préoccupations. Nous sommes tout à fait disposés à contribuer aux négociations pour trouver une solution au problème. Évidemment, nous sommes au courant des suggestions du groupe de travail et de ses sous-comités. Un sous-comité de la frontière septentrionale a remis un rapport dans lequel il recommande d'exempter les Canadiens de l'application de la mesure. Il y est aussi proposé que notre agence utilise les moyens de contrôle dont elle dispose pour éviter toute congestion à la frontière. Nous espérons trouver une solution qui garantira la fluidité de notre frontière tout en permettant aux Américains d'atteindre leurs objectifs de sécurité.
Le président: Je comprends cela, monsieur Lefebvre. Je crois savoir que c'est le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qui est le principal interlocuteur dans ce dossier. Est-ce exact?
M. Lefebvre: Je n'en suis pas certain.
Le président: Je pose la question parce que l'Agence a l'expérience de l'administration frontalière. Si vous appliquiez la même procédure au Canada, de quelle façon cela ralentirait-il le système? Que se passerait-il si nous faisions la même chose? Combien d'agents des douanes supplémentaires seraient nécessaires pour maintenir la circulation à son niveau actuel tout en recueillant les mêmes informations auprès de chaque voyageur?
M. Lefebvre: Cela dépend, sénateur, d'un certain nombre de facteurs dont nous n'avons pas encore convenu. En supposant que les Canadiens soient exemptés, environ 78 p. 100 de ressortissants de tiers pays franchissent notre frontière commune. C'est un petit nombre. Un tel système pourrait être géré beaucoup plus facilement si les Canadiens étaient inclus dans le processus dont nous parlons.
Le président: La mesure n'exempte pas les Canadiens. Par conséquent, je veux que vous me disiez à quels problèmes on peut s'attendre si les Canadiens ne sont pas exemptés. Voilà ce que nous voulons savoir avant d'aller aux États- Unis.
M. Lefebvre: Si les Canadiens ne sont pas exemptés, on peut certes s'attendre à une forte congestion à la frontière.
Le président: Si vous deviez gérer un système semblable, quel serait l'effet multiplicateur du temps d'attente à la frontière, en supposant que vous disposiez des mêmes ressources?
M. Lefebvre: Cela exigerait des investissements considérables et le temps d'attente à la frontière serait très long.
Le président: Si l'Agence doublait ses ressources, cela résoudrait-il le problème ou faudrait-il tripler ou même quadrupler les ressources pour y arriver?
M. Lefebvre: C'est difficile à dire, mais ce serait une lourde tâche.
Le président: Votre bureau a-t-il fait une étude des délais éventuels?
M. Lefebvre: Il est un peu tôt pour entreprendre une telle étude bien que l'on puisse déjà dire sans hésitation que si les Canadiens étaient visés, cela créerait des problèmes d'envergure qui sont inacceptables. Nous savons cela. Mais avant d'avoir d'autres informations sur la nature de ces contrôles et sur leur champ d'application, il est difficile de porter un jugement définitif sur ce qui pourrait arriver.
Le président: Nous ne partons à Washington que dans quelques semaines, mais nous vous serions reconnaissants de garder un oeil sur ce dossier. Nous aimerions aussi que vous nous fournissiez plus d'information sur les incidences de l'implantation d'un système analogue. Par exemple, l'ampleur des ressources additionnelles nécessaires pour garder la frontière ouverte et fonctionnelle, la nature des délais que cela causerait. Cela nous serait utile.
En dernier lieu, monsieur Lefebvre, je voudrais revenir au dossier du passager qui renferme des renseignements tels que le nom du voyageur, sa date de naissance, son sexe, sa citoyenneté, sa nationalité, le numéro de son passeport, sa destination, ses compagnons de voyage, les autres endroits qu'il a visités et combien de valises il a enregistré. L'information en question doit être conservée pendant six ans. Avec qui l'Agence partage-t-elle ces renseignements? Dans quelle mesure êtes-vous confiant qu'elle sera utile? De quelle façon sera-t-elle utilisée?
M. Lefebvre: Nous recueillons cette information surtout pour pouvoir cibler les gens qui entrent au Canada. C'est d'ailleurs l'une des fonctions du service des douanes.
Nous la conservons pour nous aider à nous acquitter de notre mission première, c'est-à-dire autoriser les gens à entrer au Canada ou identifier des personnes inadmissibles qui essaieraient d'entrer ici. Nous avons besoin de renseignements qui nous permettent d'élaborer les facteurs de ciblage que j'ai mentionnés. Nous avons une fonction de collecte de renseignements pour appuyer la création de cibles à risque élevé, etc. Voilà pourquoi nous devons conserver ces renseignements.
Nous les gardons pendant six ans dans d'autres banques de données liées à l'administration frontalière. Cela aurait pu être cinq ans, ou sept. Six ans n'est pas un chiffre magique, mais nous les conservons dans nos autres banques de données. Nous avons également convenu de communiquer les renseignements concernant les voyageurs à haut risque aux Américains. Nous avons eu des discussions avec eux à ce sujet dans la foulée de la Déclaration sur la frontière intelligente et nous avons convenu que six ans était une durée appropriée pour conserver de tels renseignements.
Nous recueillons cette information à des fins douanières et nous les conservons à des fins douanières. Si nous pincions un terroriste, nous voudrions sans doute savoir quels ont été ses déplacements et avec qui il a voyagé au cours de l'année précédente. Cette information pourrait être extrêmement utile. Il serait irresponsable de ne pas se la procurer alors qu'elle est tellement nécessaire.
Le président: J'avais compris cela, monsieur mais ma question est la suivante: partagez-vous cette information avec le SCRS ou avec la GRC?
M. Lefebvre: Aux termes de la loi, nous la recueillons et nous la conservons pour nous. Par ailleurs, un autre article dans la loi précise que l'information douanière en général peut être partagée à des fins spécifiques, notamment avec les autorités policières. Elle peut aussi être partagée avec les provinces dans le cadre de programmes et de conditions spécifiques prescrites dans la mesure. Nous pouvons également partager cette information avec la police dans le contexte d'une enquête concernant un crime sérieux. À l'heure actuelle, la question est de savoir si la police aurait besoin d'un mandat pour obtenir cette information ou si elle y a directement accès. Nous étudions cette question pour être sûrs de nous conformer à la charte.
La réponse à votre question est sans doute que cette banque de données n'est pas ouverte à d'autres de façon générale. C'est une banque de données constituée à des fins douanières et nous partagerons l'information qui s'y trouve uniquement dans des cas précis qui sont spécifiquement autorisés par la loi.
Le président: Je remercie beaucoup le panel d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Votre contribution a été des plus difficiles. Vous nous avez énormément aidés. Seriez-vous disponible pour répondre aux questions de nos attachés de recherche d'ici à ce que nous partions pour Washington?
M. Lefebvre: Bien sûr.
Le président: Nous vous en serions très reconnaissants.
Les premiers intervenants sont les hommes et les femmes qui sont les premiers détachés sur les lieux en cas de situation d'urgence ou de catastrophe. Ce sont les agents de la police locale, les pompiers, les équipes de spécialistes des matières dangereuses, les ambulanciers, les travailleurs de la santé et les sauveteurs. Si la situation d'urgence ou la catastrophe est sérieuse, les premiers intervenants de la scène municipale seront appuyés par les membres d'organisations non gouvernementales comme la Croix-Rouge, l'Ambulance St-Jean, et cetera, ainsi que par des effectifs et des ressources dépêchés par les gouvernements fédéral et provinciaux.
L'objectif du comité est d'évaluer la contribution du gouvernement fédéral au titre de la formation et de l'équipement des premiers intervenants locaux qui sont pour la plupart des employés municipaux, l'accès des fonctionnaires locaux aux évaluations fédérales relatives à la vulnérabilité des infrastructures locales stratégiques à une attaque terroriste et à la nature ainsi qu'au niveau des menaces à la sécurité nationale dans leurs collectivités. Nous souhaitons aussi évaluer la nature et la qualité des ressources que le gouvernement fédéral peut dépêcher pour venir en aide à une communauté locale aux prises avec une situation d'urgence ou une catastrophe et déterminer avec quelle rapidité ces ressources peuvent être acheminées partout au pays et suggérer divers moyens d'améliorer la contribution fédérale et de rendre sa prestation plus efficiente.
Le comité a amorcé son étude avec une séance d'information donnée par les représentants du Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile, le BPIEPC. Ces derniers nous ont communiqué leur opinion au sujet de la contribution fédérale. Depuis lors, le comité a cherché à obtenir l'opinion de premiers répondants eux-mêmes.
À ce jour, nous avons entendu des représentants des intervenants de la première ligne à Toronto et nous avons visité des équipes d'intervention à Regina, Edmonton et Vancouver.
La semaine dernière, le comité a entendu le médecin chef de la ville d'Ottawa qui nous a informés au sujet des plans de la ville pour réagir aux actes de bioterrorisme et expliquer la relation de son bureau avec les représentants des autorités fédérales et provinciales.
Un certain nombre de problèmes communs sont maintenant apparents aux yeux du comité. Par exemple, les premiers intervenants sont d'avis qu'ils sont écartés du processus décisionnel fédéral-provincial. Bon nombre d'entre eux estiment être mal informés au sujet de la nature et de l'ampleur des menaces à la sécurité nationale auxquelles ils font face. Certains croient être raisonnablement bien formés et équipés pour réagir à de nombreuses catastrophes naturelles ainsi qu'à des accidents de transport graves, mais ils sont loin d'être convaincus de pouvoir répondre à une menace terroriste, particulièrement de nature chimique, bactériologique, radiologique et nucléaire en raison de leur manque de formation et d'équipement.
Nous allons maintenant entendre le Dr Ron St. John, directeur exécutif du Centre de mesures et d'interventions d'urgence. Docteur St. John, vous avez la parole.
Dr Ron St. John, directeur exécutif, Centre de mesures et d'interventions d'urgence, ministère de la Santé du Canada: Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous. Je crois que vous avez tous reçu une trousse où se trouve ma déclaration. Avec votre permission, je passerai brièvement en revue ce document pour expliquer les rôles et les responsabilités à l'égard des mesures et des interventions d'urgence dans le domaine de la santé. Je parlerai de notre état de préparation avant le 11 septembre, et je signalerai certains progrès que nous avons réalisés au cours des 16 derniers mois. Enfin, je tenterai de tirer certaines conclusions.
En ce qui concerne les rôles et les responsabilités, il faut savoir qu'au Canada, tous les ordres de gouvernement offrent des services d'intervention d'urgence. Les municipalités ont des intervenants de première ligne, qui incluent, comme vous l'avez noté, le personnel médical et les effectifs de santé publique. Par exemple, un urgentologue est considéré comme un intervenant de première ligne potentiel.
Les provinces appuient la capacité des municipalités en offrant des services médicaux et des services sociaux d'urgence. Le rôle fédéral est de diriger les activités de préparation aux situations d'urgence et de soutenir les efforts d'intervention municipaux et provinciaux, surtout par le biais de nos relations avec les provinces et les territoires.
Santé Canada joue ce rôle en offrant la planification, la formation et les exercices d'intervention d'urgence en matière de santé, la mise en réserve de stocks—et je reviendrai plus en détail là-dessus tout à l'heure—, des services sociaux d'urgence, des systèmes de surveillance, un soutien épidémiologique, un soutien aux laboratoires, une capacité d'intervention en cas de bioterrorisme ainsi que des services de quarantaine et de migration. Je signale que Santé Canada a répondu à maintes reprises aux demandes de soutien provinciales et territoriales concernant les dimensions de la santé publique des urgences.
C'est en vue d'améliorer notre capacité de nous acquitter de nos responsabilités en matière de mesures et d'interventions d'urgence que Santé Canada a créé en juillet 2000, comme ressource de Santé Canada, le centre que je dirige. Son mandat comporte deux volets dont l'un consiste à fournir certains services de programmes dont je ne mentionnerai que quelques-uns.
Nous sommes responsables de l'application de la Loi sur la quarantaine, de la délivrance de permis d'importation de dangereux pathogènes, ainsi que de la sécurité dans les laboratoires du pays. Nous offrons aussi des services médicaux aux Canadiens qui voyagent afin d'assurer leur protection à l'étranger, ainsi que de multiples autres services.
J'aimerais m'attacher aux activités liées aux mesures et aux interventions d'urgence. À cet égard, notre objectif est de développer une capacité fédérale-provinciale-territoriale intégrée de préparation et d'intervention pour les urgences de la santé publique.
Dès que le centre a été créé, nous avons élaboré sans délai un système de classification pour les catastrophes. Ces dernières se répartissent clairement en deux catégories: premièrement, les catastrophes naturelles, qui se passent d'explication et dont j'aime bien dire qu'elles sont le pain quotidien du centre. Nous savons qu'il existe une probabilité de 100 p. 100 qu'il se produise une catastrophe naturelle quelque part au Canada tous les ans. L'automne dernier, ce furent les incendies de forêt en Alberta. Avant cela, en 2001, 47 000 passagers ont échoué dans les provinces Atlantiques. Nous avons une longue tradition de réponse à des catastrophes familières, dont la tempête de verglas, pour ne nommer que celle-là.
Deuxièmement, il y a les catastrophes d'origine humaine de nature accidentelle. Ainsi, de temps à autre, un wagon de chemin de fer renverse ce qui provoque un déversement de produits chimiques dangereux pour la population. Enfin, il y a des catastrophes causées par la malveillance et où l'on a affaire aux agents CBRN, comme nous les appelons, c'est-à-dire les agents chimiques, biologiques, radioactifs et nucléaires propres à une attaque terroriste.
Nous avons également identifié quatre piliers de l'intervention d'urgence: la prévention; la préparation pour la gestion des conséquences; la réponse aux conséquences; et la reprise. J'ai essayé d'indiquer au moyen de la taille des lettres les secteurs où nous sommes à mon avis le plus présents. Par exemple, en matière de prévention, le volet sécurité cherche activement à accroître notre sécurité et à empêcher qu'un événement malheureux se produise. Le volet santé est assez discret. Nous pouvons compter sur le Réseau d'information sur la santé mondiale ou RISM qui assure une surveillance en temps réel de tous les foyers de maladies infectieuses dans le monde entier. Il s'agit d'un système unique mis au point par des scientifiques canadiens depuis quatre ans en collaboration avec l'Organisation mondiale de la santé. Ce système fournit à l'OMS 45 p. 100 de toute l'information dont elle dispose au sujet de la situation dans le monde.
En ce qui a trait à la préparation pour la gestion des conséquences, lorsque la sécurité est battue en brèche et qu'un incident se produit, le secteur de la santé joue un rôle de premier plan, de même que dans le cas de la réponse aux conséquences elles-mêmes.
Le centre a aussi énoncé les prémisses de la planification. Il n'est peut-être pas particulièrement enthousiasmant, révélateur ou extraordinaire de dire qu'un événement CBRN ou une catastrophe est un événement local avant tout. Toutefois, il convient d'affirmer cette prémisse si l'on veut que les municipalités sachent qu'il leur incombe de fournir une réponse. Une fois la capacité de réponse épuisée au niveau municipal, les municipalités se tourneront vers les provinces pour obtenir un appui additionnel. Par la suite, advenant l'épuisement des ressources provinciales, les autorités se tournent vers Santé Canada.
Le rôle de Santé Canada consiste à soutenir les provinces et les territoires. Nous planifions une intervention fédérale qui assure la prestation de nos services partout au pays dans un délai de 24 heures. Nous élaborons également des plans afin d'assurer une détection, un diagnostic et une intervention rapides face à un événement. Nous avons misé sur les services de santé publique et d'urgence ainsi que sur les infrastructures qui existent déjà partout au pays. À la page 6 du document, vous pouvez voir une représentation schématique de cette réalité.
Au niveau local, les ressources municipales sont mises à contribution pour venir en aide à une collectivité touchée par une catastrophe. L'intervention des autorités provinciales et de Santé Canada suit. Il importe de noter que la plupart des urgences en santé publique sont réglées localement, sans que l'on fasse appel à nous. La plupart des événements CBRN survenus jusqu'à maintenant, paquets suspects, lettres contenant diverses poudres, etc., ont été traités par les autorités locales. Même lorsqu'une capsule de gaz lacrymogène a été répandue par une personne malveillante dans le métro de Montréal, on n'a pas fait appel à nos services. Les autorités municipales ont été en mesure de maîtriser la situation. Le gouvernement fédéral intervient uniquement lorsque les capacités locales sont dépassées, par exemple lors des inondations au Manitoba ou de la tempête de verglas, au Québec.
Depuis 16 mois, Santé Canada a réalisé des progrès considérables. Nous les avons réunis sous l'acronyme FLOF, soit fournitures, laboratoires, organisation et formation. Pour ce qui est des fournitures, nous avons ajouté des antibiotiques, des antidotes chimiques et de l'équipement à notre Réserve nationale de secours. Il s'agit d'une réserve d'urgence de fournitures médicales d'une valeur de 330 millions de dollars. Cette réserve, qui est disséminée partout au pays, compte sept entrepôts, dont un entrepôt principal à Ottawa et 1 600 dépôts de fournitures médicales d'urgence gérées conjointement par les provinces et les territoires.
Nous avons réorganisé le système d'entrepôts de la Réserve nationale de secours pour s'assurer qu'ils sont situés stratégiquement afin de pouvoir respecter notre engagement d'intervention dans les 24 heures. Nous avons aussi créé un nouveau centre de mesures d'urgence des plus modernes à Santé Canada.
En ce qui concerne les laboratoires, le Forum canadien des laboratoires de santé publique, créés sous l'égide de notre Laboratoire nationale de microbiologie, à Winnipeg, a présidé à la création d'un nouveau laboratoire de diagnostic rapide à trois volets. Ces trois volets sont les laboratoires des hôpitaux dans tout le pays, les laboratoires provinciaux de santé publique et notre laboratoire de niveau 4 à Winnipeg. Dans le centre que je dirige, il existe un nouveau laboratoire de biosécurité de niveau 3 qui a été complètement réaménagé pour nous permettre de nous acquitter de notre mission en ce qui concerne la sécurité des laboratoires. Nous avons également une meilleure capacité d'intervention en cas de bioterrorisme.
Le président: Qu'est-ce qu'un laboratoire de niveau 3?
M. St. John: Selon le danger de l'agent pathogène, les laboratoires sont classés de niveau 2, 3 ou 4. Chaque niveau exige un degré plus élevé de perfectionnement quant au confinement du laboratoire et à la protection des travailleurs qui s'y trouvent. Un laboratoire de niveau 2 est un laboratoire de diagnostic courant comme ceux que l'on trouve dans un hôpital. Un laboratoire de niveau 3 a un degré plus élevé de confinement sécuritaire. Tous les laboratoires provinciaux sont de niveau 3. Nous avons un laboratoire de niveau 4 à Winnipeg.
Le sénateur Banks: Il n'y a pas de niveau 1.
M. St. John: Il y en a déjà eu, mais plus maintenant. Dans notre organisation, nous avons renforcé notre capacité de surveillance des agents biologiques qui figurent sur la liste «A» du Centre de lutte contre les maladies. Nous avons amélioré notre planification et nos procédures; par exemple, notre plan fédéral en cas d'urgence nucléaire, dont Santé Canada assume la responsabilité principale, a donné lieu à de nombreux exercices récemment. Un exemple spécial de notre planification est la création d'un plan d'intervention national d'urgence révisé de lutte contre la variole, et d'un plan en cas de pandémie de grippe. Nous avons accru notre capacité de lutte contre le terrorisme en employant des experts dans ce domaine. Notre capacité de réglementation des aliments et drogues a également été renforcée.
Dans le domaine de la formation, nous avons déjà dispensé plusieurs cours de formation aux premiers intervenants en santé publique sous l'égide du BPIEPC, conjointement avec six autres partenaires.
Aux niveaux fédéral, provincial et territorial, je voudrais préciser que Santé Canada a une longue tradition de collaboration avec les autorités provinciales et territoriales de la santé. Peut après le 11 septembre, les sous-ministres de la Santé ont créé un groupe de travail spécial sur la préparation aux situations d'urgence et l'organisation des secours. Ce groupe de travail a formulé 31 recommandations en juin dernier après avoir fait une étude approfondie du secteur de la santé. Ces 31 recommandations sont assorties d'un échéancier de trois ans visant à créer une capacité de planification et d'intervention harmonieuse, marquée par la collaboration et la coopération entre toutes les instances.
Les 31 recommandations correspondent aux cinq domaines énoncés sur cette acétate. Nous avons déjà réalisé d'importants progrès sur beaucoup de ces fronts, dans certains cas les mesures sont encore en cours d'élaboration, d'autres sont encore à l'étude.
Le groupe de travail a été transformé en réseau fédéral-provincial-territorial sur les mesures et les interventions d'urgence. Notre centre est responsable du secrétariat qui offre le soutien administratif à ce réseau, lequel s'est réuni aussi récemment que le 5 février à Winnipeg pour passer en revue certaines de nos activités, notamment sur les 31 recommandations.
Le Groupe d'action mondial de sécurité et d'hygiène est un autre groupe international qui constitue le secrétariat appuyant les ministres de la Santé des pays du G7 plus le Mexique. Nous participons activement aux dimensions internationales du dossier des mesures et des interventions d'urgence.
En conclusion, je suis fermement convaincu que les services de santé municipaux, provinciaux et territoriaux ont amélioré leur capacité d'intervention d'urgence. Je crois que Santé Canada a clarifié ses rôles et responsabilités et a investi pour renforcer sa capacité de préparation et d'intervention. Nous travaillons avec nos partenaires provinciaux et territoriaux pour rehausser la capacité de préparation et d'intervention d'urgence en matière de santé. Nous consultons intensivement les scientifiques et autres experts, le comité consultatif du ministre sur les incidents CBRN et à l'échelle internationale avec nos homologues américains. Je ferai ici une digression pour dire qu'il s'écoule rarement une semaine sans que nous soyons en contact avec nos partenaires techniques aux États-Unis, au département de la santé et des services à la population, et aux Centres de lutte contre la maladie et de prévention à Atlanta. Nous avons déjà commencé à travailler avec les États-Unis à un plan d'action en neuf points pour renforcer la biosécurité de part et d'autre de la frontière.
Nous sommes prêts à répondre aux conséquences pour la santé d'un incident chimique, biologique, radiologique ou nucléaire au Canada pour protéger la santé du public. Il s'agit d'un processus dynamique permanent. Notre travail consiste à l'améliorer.
Le sénateur Forrestall: À la fin du mois ou au début du mois prochain, nous allons nous rendre à Washington. Nous espérons avoir des entretiens avec les gens qui s'occupent de ce dossier. Nous vous serions certes reconnaissants si vous pouviez nous donner des détails sur la frontière elle-même, et aussi sur la prestation transfrontières des services, de part et d'autre de notre frontière avec les États-Unis.
Premièrement, je voudrais que vous nous en disiez un peu plus long sur votre évaluation des besoins province par province et pour les principales villes. Nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec des représentants de la police et des services de santé de Toronto. Nous sommes allés sur le terrain à Regina, Edmonton et Vancouver et la plupart d'entre nous ont examiné ce qui se fait dans nos propres patelins. Ce que nous avons vu nous a plu; la région d'Edmonton va du pôle Nord jusqu'à mi-chemin entre Edmonton et Calgary.
Pourriez-vous nous dire quelle est votre évaluation de ce qu'il reste à faire, de façon générale, pour que les mesures soient d'un niveau susceptible de vous mettre en confiance, en tant que directeur du service qui est le premier intervenant à l'échelle nationale?
M. St. John: J'ai le sentiment que le niveau de préparation et la capacité d'intervention ne sont pas uniformes d'un bout à l'autre du pays à l'heure actuelle. Certaines régions sont plus avancées que d'autres. Par exemple, la municipalité d'Ottawa-Carleton a été un chef de file en matière de mesures et d'interventions d'urgence et de planification pour affronter les conséquences sur la santé d'un événement chimique, biologique ou nucléaire.
Dans certains domaines, il reste du travail à faire. Par exemple, pour notre plan national d'intervention en cas de variole, nous sommes disposés à fournir une aide financière aux provinces et aux territoires pour qu'ils se chargent des 11 rôles et responsabilités qui sont assignés dans ce plan aux instances provinciales et territoriales. Dans le dossier de la variole, nous en sommes au début de la planification, mais dans d'autres dossiers, nous sommes beaucoup plus avancés.
De plus, il y a depuis longtemps une infrastructure en place d'un bout à l'autre du Canada dans le secteur de la santé publique pour intervenir en cas de flambée de cas de diverses maladies. Quand on est en présence d'une flambée de cas de variole ou de charbon, ce sont là des maladies infectieuses. Il y a une longue tradition d'interventions municipales, provinciales et fédérales, harmonisées et coordonnées de manière à enrayer la propagation de la maladie, par exemple dans le cas de Walkerton et bien d'autres que je pourrais citer. Il y a place pour de l'amélioration et les 31 recommandations du Groupe de travail fédéral-provincial portent justement là-dessus.
Le sénateur Forrestall: Vous avez cité Ottawa-Carleton, mais vous n'avez pas mentionné Gatineau. Cette question a été soulevée dans d'autres domaines. Est-il difficile ou quasi impossible d'avoir une coordination complète à cause de la rivière et de la vulnérabilité des communications?
M. St. John: J'aurais dû être plus précis et parler plutôt de la région de la capitale nationale. L'équipe d'intervention de la région de la capitale nationale comprend des représentants des autorités fédérales, provinciales et locales, en partie parce que le gouvernement fédéral est présent ici. À titre d'exemple, le laboratoire de niveau 3 dont j'ai parlé est la composante biologique de l'équipe d'intervention de la capitale nationale.
Le sénateur Forrestall: Pourriez-vous nous parler des activités transfrontalières?
M. St. John: Nous avons un programme en neuf points qui est déjà en cours de réalisation de concert avec nos collègues des États-Unis. Cela commence par un échange de personnel clé. Le 2 avril, nous allons nous rendre à Washington avec une quinzaine de représentants fédéraux pour obtenir un briefing complet sur le fonctionnement des systèmes entre le gouvernement fédéral et les départements de la santé des États, pour ce qui est de la dimension relative à la santé en cas de catastrophe.
Le 4 avril, le contingent américain viendra nous voir à Ottawa pour la même raison. Environ cinq activités sont en cours dans le domaine de la planification en cas de pandémie de grippe. Il s'agit de planifier les mesures d'urgence en cas d'une grave épidémie de grippe qui ne serait pas nécessairement provoquée délibérément, mais qui pourrait aussi être naturelle.
Le 28 février, notre centre opérationnel d'urgence conjoint tiendra un exercice d'une heure, en temps réel, entre les États-Unis et le Canada, pour tester nos communications et nos capacités de détachement en matière de santé. Nous savons déjà que le système fonctionne raisonnablement bien parce que moins d'une heure et demie après l'écrasement des avions contre les tours, j'étais en contact avec mon homologue des États-Unis pour lui offrir toute l'aide que nous pourrions lui apporter grâce à nos stocks à l'échelle nationale.
Il y a un exercice qui s'appelle Topoff deux; c'est un exercice important du côté américain. Nous avons participé activement à la planification de la dimension santé de cet exercice. Il aura lieu en mai. Il y aura en juin un exercice international de communication dans le dossier de la variole, sous l'égide des ministres du G7 plus le Mexique. Cela comprend les États-Unis et le Canada. C'est le Canada qui a été le chef de file pour planifier cet exercice.
Nous envisageons un projet juridique faisant appel à des juristes des deux pays pour examiner la législation en matière d'exercice de la médecine, pour voir quels pourraient être les obstacles et les contraintes quant à l'échange de personnel médical au beau milieu d'une catastrophe. Comme vous le savez, la pratique de la médecine est régie par des lois provinciales, comme c'est également le cas aux États-Unis où ce sont les États qui légifèrent en la matière, et il faut donc voir en quoi cela peut influer sur l'interaction entre les deux fédérations en cas de catastrophe.
Notre laboratoire national de microbiologie ira à Atlanta, avec toute une série d'autres laboratoires, pour mettre concrètement à l'épreuve notre capacité de diagnostic; les spécialistes travailleront alors avec le véritable virus vivant. Comme vous le savez probablement, le virus de la variole est stocké seulement au Centre de lutte contre la maladie d'Atlanta et en Russie.
Nous envisageons aussi de conclure une entente dans le dossier de la variole, pour préciser comment chacun réagirait et coordonnerait l'intervention s'il se trouvait un cas de variole au Canada ou aux États-Unis. Enfin, il y aura une rencontre à Washington à la fin avril de spécialistes de la biosécurité qui discuteront du contrôle du mouvement d'agents biologiques de part et d'autre de la frontière.
Le sénateur Forrestall: Je vous remercie pour cette réponse. Vous avez une charge de travail et un calendrier très chargés. Avez-vous suffisamment de fonds pour faire tout ce que vous aimeriez faire? Je m'inquiète particulièrement quand vous dites qu'en 24 heures, vous pouvez avoir sur place tout ce qui est à votre disposition. Avons-nous des ressources suffisantes dans les grandes villes pour vous donner le luxe de ce délai de 24 heures?
M. St. John: Nous sommes confiants que notre réserve nationale de secours en cas d'urgence peut nous permettre de respecter nos engagements. Par exemple, quand j'ai parlé de l'emplacement stratégique de nos entrepôts, les événements du 11 septembre nous ont fait prendre conscience du fait que nous n'avions pas disposé stratégiquement nos entrepôts, à la suite d'une décennie de compressions budgétaires touchant l'approvisionnement national. Pour économiser, nous avions joint nos forces avec les bases des Forces canadiennes de la Défense nationale et nous entreposions une proportion considérable de nos stocks d'urgence dans les dépôts des Forces canadiennes. À la suite du 11 septembre et des investissements consentis par le gouvernement du Canada dans Santé Canada, nous avons investi beaucoup d'argent pour repositionner stratégiquement nos entrepôts. Par exemple, avant le 11 septembre, il n'y avait aucun entrepôt à l'ouest des Rocheuses, mais il y en a un maintenant.
Le sénateur Forrestall: Y en a-t-il un à l'Île-du-Prince-Édouard?
M. St. John: Non. Il y en a un à Halifax.
Le sénateur Forrestall: Est-ce suffisant?
M. St. John: Il y a un dépôt spécial à St. John's au cas où il y aurait du brouillard.
Le sénateur Forrestall: Les membres de votre équipe ont une importance relativement considérable dans tout cela.
Le sénateur Meighen: L'une de mes questions fait suite à ce que vous avez dit au sujet du budget. Il est évident que votre budget a augmenté depuis le 11 septembre. Pourriez-vous nous donner une idée de l'ampleur de l'augmentation?
M. St. John: J'ai travaillé dans la fonction publique toute ma vie, et je suis dans la situation enviable d'avoir vu mon budget tripler au lieu d'être diminué. Les fonds viennent de diverses sources. Nous recevons des fonds considérables du comité de la sécurité publique et de la lutte contre le terrorisme, le comité Manley. Nous avons aussi reçu un montant important par l'entremise du BPIEPC pour la formation, parce que le BPIEPC s'est vu confier le rôle principal pour la formation dans toutes les disciplines. Nous avons également reçu de l'argent pour la recherche sur les incidents CBRN et pour l'initiative technologique dont la Défense nationale a pris l'initiative. D'une manière, c'est un partenariat de tous ces divers intervenants.
Nous participons de concert avec le BPIEP à un examen général, un survol de la situation; nous examinons notamment la capacité de soutenir l'effort, le leadership, d'autres domaines et aussi ce que l'on devrait attendre du gouvernement fédéral. Santé Canada participe à cette discussion.
Comme la date du budget pour notre prochaine année financière se rapproche, nous examinons activement nos capacités et certaines de nos limitations des deux dernières années.
Le sénateur Meighen: Le sigle BPIEPC signifie Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile, n'est-ce pas?
M. St. John: Oui, c'est bien cela.
Le sénateur Meighen: D'après ce que vous dites, j'ai l'impression que vous avez d'excellentes relations de travail avec le BPIEPC, n'est-ce pas?
M. St. John: Nous avons des relations de travail très étroites avec le BPIEPC, en effet.
Le sénateur Meighen: La formation me tracasse particulièrement. Dans une situation d'urgence, on n'aboutit pas à grand-chose en l'absence de formation. Où en êtes-vous dans le dossier de la formation qui a été dispensée de concert avec les divers organismes provinciaux et municipaux d'un bout à l'autre du pays; en sommes-nous à la moitié de l'exercice?
M. St. John: Je voudrais décrire cet effort en deux volets. Premièrement, nous avons poursuivi la formation que nous faisons traditionnellement et que nous avons renforcée dans la période suivant immédiatement le 11 septembre. Par exemple, en décembre, nous avons convoqué une réunion de la communauté de la santé publique de tout le Canada pour suivre une formation sur la manière de procéder à une enquête rapide en cas d'apparition d'une maladie et dans un scénario d'urgence et de catastrophe où il nous faudrait obtenir rapidement des réponses de nos experts en épidémiologie pour comprendre comment une maladie se propage, dans quelle direction et à quel rythme. Nous avons fait une formation pilote pour les agents chargés de la quarantaine.
Nous avons commencé à constituer des équipes d'intervention d'urgence en santé. Cela se fait par province et par territoire, mais ce sont des équipes mobiles d'intervention en médecine et en santé publique calquées sur les équipes d'intervention d'urgence des États-Unis, qui pourraient se déplacer d'une province à l'autre, au besoin, pour appuyer une collectivité dont la communauté des professionnels de la santé pourrait être durement éprouvée ou épuisée en cas de catastrophe. Nous avons établi séparément un projet pilote, un cours de formation dispensé à une équipe d'intervention sanitaire d'urgence.
Nous avons mis à profit nos relations avec le BPIEPC pour intégrer l'élément santé dans la formation des premiers intervenants à des fins d'orientation, en vue d'une formation intermédiaire, avancée et spécialisée. Nous avons apporté au BPIEPC les dimensions relatives à la santé pour ce qui est de la gestion dans le domaine de la formation.
Le sénateur Meighen: S'il y avait, qu'à Dieu ne plaise, un grave tremblement de terre à Vancouver, dépassant les capacités des autorités municipales et provinciales, on peut supposer qu'il faudrait alors compter sur votre aide. Qui prend la décision en pareil cas? Qui reçoit la demande des autorités locales?
M. St. John: C'est à la province qu'il incombe de faire appel à nous pour appuyer l'effort d'intervention d'urgence.
Le sénateur Meighen: Êtes-vous alors tenus de répondre «toujours prêt», ou bien pouvez-vous dire «nous ne sommes pas tellement certains que ce soit aussi grave que vous le dites»?
M. St. John: Non, sénateur, nous sommes toujours prêts et nous répondons aux demandes des provinces.
Le sénateur Meighen: Si la province dit que l'ampleur du problème dépasse ses capacités et qu'elle a besoin de votre aide, vous y allez sans poser de questions; c'est bien cela?
M. St. John: Oui, tout à fait.
Le sénateur Meighen: Combien de temps vous faudrait-il pour déployer complètement vos effectifs? Je suppose que cela dépend de la nature de la catastrophe. Il est difficile de répondre à cette question, mais pourriez-vous déployer l'essentiel de vos ressources en 24 heures?
M. St. John: Notre système est en partie centralisé et en partie décentralisé. Il repose essentiellement sur 16 dépôts de fournitures disséminés un peu partout au pays.
Si l'on repère ces dépôts sur la carte, on constate qu'il y en a partout en Alberta, pas seulement à Edmonton et Calgary. Il y en a aussi un peu partout en Colombie-Britannique.
Si l'on prend le scénario que vous avez décrit à Vancouver, nous n'avons pas installé notre entrepôt à Vancouver. Nous sommes prêts à appuyer l'effort de secours en cas d'une telle catastrophe. Les sept entrepôts qui sont placés stratégiquement d'un bout à l'autre du pays appuient ce réseau. Et enfin, il y a l'entrepôt central à Ottawa. J'invite les honorables sénateurs à venir visiter l'entrepôt d'Ottawa.
On y trouve un éventail impressionnant de fournitures dans un espace de 100 000 pieds carrés. Par exemple, l'entrepôt renferme 165 hôpitaux de 200 lits, soit 33 000 lits d'hôpitaux, tous empilés sur des palettes et prêts à l'expédition. Il me faut deux heures pour charger un hôpital complet dans deux camions-remorques. Ces 165 hôpitaux ne sont pas tous ici à Ottawa; ils sont répartis stratégiquement un peu partout au Canada. Au départ, nous étions équipés pour affronter les traumatismes qu'on retrouve en cas de catastrophe naturelle, mais nous avons maintenant ajouté une capacité pharmaceutique à la réserve nationale de secours. Nous avons des matériaux préemballés que nous pouvons expédier sans délai, dès la première expédition d'antibiotiques ou d'autres fournitures médicales. Nous avons fait beaucoup de travail pour restructurer, réorganiser et revitaliser le réserve nationale de secours.
Le sénateur Meighen: Quelle est votre priorité absolue pour les 12 prochains mois?
M. St. John: Notre priorité, ce sont les catastrophes naturelles.
Le sénateur Meighen: Voulez-vous dire vous préparer à affronter une catastrophe naturelle?
M. St. John: C'est bien cela.
Le président: Pour faire suite à la dernière question du sénateur Meighen, les chiffres que vous nous avez donnés, quant au nombre d'hôpitaux et de lits, sont impressionnants, mais pourriez-vous décrire la logistique nécessaire pour sortir ces fournitures de l'entrepôt? Nous avons examiné le schéma, et les avions se trouvent à Trenton, et certaines fournitures y sont également, mais le système est géré à partir de Petawawa et les responsables sont à Kingston.
Nous aimerions savoir comment vous allez distribuer les fournitures que vous avez et dans quelle mesure vous êtes confiants de pouvoir acheminer ces fournitures là où elles sont censé aller.
M. St. John: Monsieur le président, nous travaillons depuis six ou huit mois à une stratégie nationale de transport en cas d'urgence. La stratégie initiale comportait de multiples niveaux redondants de transport, avec une forte dépendance envers le transport aérien. Cela comprenait Air Canada et les principales compagnies de messagerie au Canada, et aussi la GRC, Transports Canada et la Défense nationale.
Pour diverses raisons, nous n'avons pas pu compléter la stratégie nationale de secours d'urgence que nous espérions mettre au point. Nous avons dû repenser cette stratégie. Nous parlons maintenant de transport en cas de véritable urgence, c'est-à-dire que le délai d'intervention se compterait en heures, et non pas en jours, sans que l'on puisse compter sur des vols commerciaux. Les compagnies de messagerie sont également des transporteurs aériens réguliers, et non pas des transporteurs de secours d'urgence. La Défense nationale accorde la priorité à sa mission militaire et n'est pas nécessairement disponible pour appuyer des missions civiles.
Nous, au centre de mesures et d'interventions d'urgence, sommes convaincus que la redondance de moyens est un élément important de la préparation en cas d'urgence. Nous sommes en train de reformuler une stratégie de transport qui ne dépendrait pas autant du mode aérien. Nous traçons des cercles autour de l'emplacement de nos entrepôts, sur une carte, et nous nous disons: «Eh bien, à l'intérieur de ce cercle, il sera plus rapide d'acheminer les fournitures par camion plutôt que par avion». Si les routes sont glacées, nous devons prendre un arrangement avec le Canadien National pour transporter le tout par train à l'intérieur de certains cercles, au besoin. Pour des cercles plus grands ou sur de plus longues distances, nous pouvons avoir à nous tourner vers le transport aérien. Nous sommes en train de repenser et reconfigurer notre stratégie nationale de transport en cas d'urgence. Nous espérons que ce sera complété dans six mois.
Le président: L'hypothèse de travail des gens que nous avons rencontrés à Vancouver était qu'ils devaient compter sur leurs propres moyens pendant 48 heures. Ils estimaient qu'en cas de séisme, vous ne pourriez pas vous rendre sur place avant ce délai, pas plus que les autres intervenants.
M. St. John: Nous ne sommes pas d'accord. Nous pensons qu'ils sont laissés à eux-mêmes pendant un délai d'au plus 24 heures. Dans la région de la capitale nationale, le délai est de seulement une heure ou deux, parce que nous avons un entrepôt ici même. Cependant, nous avons aussi un entrepôt en Colombie-Britannique, à l'ouest des Rocheuses, tout près de Vancouver. Nous ne prévoyons pas qu'il nous faudra 48 heures pour être sur place à Vancouver.
Le sénateur Banks: Étant donné l'espacement d'un bout à l'autre du pays des installations hospitalières que vous venez de décrire, et la facilité apparente de leur manutention et déplacement, en comparaison de l'équipe BART, n'y a- t-il pas là redondance? Avons-nous besoin des deux?
M. St. John: Notre réserve nationale de secours date de 40 ans; elle remonte à la période de la guerre froide, alors que l'on croyait possible que des bombes nucléaires causent d'innombrables décès. Le réseau a été créé à cette époque pour le secteur civil. Le ministre de la Santé assume la responsabilité du secteur civil, tandis que le ministre de la Défense nationale est responsable de la population militaire. Depuis cette époque, le réseau a évolué et a acquis la capacité de répondre aux besoins civils n'importe où au Canada et a été d'ailleurs utilisé à de nombreuses reprises. Par exemple, nous avons fourni plus de 10 000 lits de camp, 19 000 couvertures et d'autres fournitures aux 47 000 personnes qui sont restées coincées dans les provinces de l'Atlantique après le 11 septembre.
Je ne crois pas que ce soit redondant. Il y a deux missions et Santé Canada doit assumer la mission civile.
Le sénateur Banks: Ces stocks semblent très impressionnants.
Je viens de l'Alberta. Les Albertains ont un cynisme viscéral envers le gouvernement; ils trouvent qu'il va parfois trop loin, qu'il devient trop lourd et trop compliqué et qu'il rend les choses moins simples qu'elles ne pourraient l'être autrement.
Je pense que la plupart des Canadiens sont très à l'aise avec la hiérarchie d'intervention que vous avez décrite en cas de catastrophe comme une tempête de verglas, un tremblement de terre et peut-être même une pandémie de grippe. Toutefois, ce qui préoccupe particulièrement les gens ces jours-ci, ce sont plutôt les catastrophes que pourraient provoquer des gens malfaisants.
Comme le sénateur Forrestall le disait, durant nos déplacements d'un bout à l'autre du pays, nous avons constaté que même si les intervenants d'urgence dans différentes villes avaient des priorités différentes, ils étaient tous d'accord pour placer presqu'en tête de liste une priorité, nommément la capacité de communication entre les instances, peu importe dans quelle mesure les installations peuvent être élaborées et les responsables peuvent être des experts, afin que tous puissent se parler immédiatement et établir une coordination complète.
Je vais vous dire ce qui donne des sueurs froides à un petit gars des Prairies comme moi. Nous avons le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile; nous avons le Centre de mesures et d'interventions d'urgence de Santé Canada, lequel comprend le Bureau des mesures d'urgence, de la planification et de la formation, lequel comprend à son tour le Bureau national des équipes d'intervention d'urgence en santé; et puis nous avons encore le Bureau de la sécurité des laboratoires, la Division des urgences et des interventions en cas de bioterrorisme, et la liste se poursuit.
Quand nous sommes allés à Washington, nous avons constaté que les Américains nous envient le fait que nous ayons seulement une douzaine d'agences qui doivent communiquer entre elles en cas de situation d'urgence, alors qu'eux en ont une pléthore et qu'ils s'efforcent de les amalgamer pour en réduire le nombre.
Quand il faut réagir à des situation d'urgence, qu'elles soient de cause naturelle ou provoquées par quelque crétin, est-ce que ce n'est pas un trop grand nombre d'organisations? Nous avons des agences qui sont subdivisées en sous- agences et en bureaux. Pouvez-vous appuyer sur un bouton et parler à tout le monde pour vous assurer que tout cela est bien coordonné?
M. St. John: Quasiment. Dans le cadre établi par le gouvernement du Canada pour les mesures et les interventions d'urgence, le rôle de coordonnateur principal a été confié au BPIEPC, mais on reconnaît que, selon la nature de la catastrophe, un ministère en particulier peut jouer le rôle de chef de file. L'application de ce concept débouche sur un système assez bien intégré. La capacité d'intervention d'urgence à Santé Canada est conçue pour donner corps au cadre de mesures et d'interventions d'urgence défini par le gouvernement du Canada.
Nous sommes en liaison avec le BPIEPC qui est le foyer national de coordination, mais si le problème était une flambée de cas d'une maladie comme la variole, ce serait alors Santé Canada qui gérerait la crise, le BPIEPC devenant à son tour un mécanisme de soutien pour mobiliser toutes les autres composantes du gouvernement qui pourraient être utiles.
Le sénateur Banks: La nature évolutive de la propagation de la variole donne beaucoup de temps pour discuter et décider qui est aux commandes, mais un événement cataclysmique commence très brutalement et les événements se bousculent. Ce qui m'inquiète, c'est le syndrome du «après vous, Alphonse; non, je vous en prie, après vous Gaston», quand il s'agira de décider qui dirigera l'intervention fédérale. Voilà exactement ce qui provoque une inquiétude viscérale chez moi.
Y a-t-il quelqu'un qui va dire «c'est moi qui commande ici» et s'emparer du dossier et voir à ce que tout se passe bien?
M. St. John: D'après notre interprétation, sénateur, c'est le rôle du BPIEPC.
Le sénateur Banks: Si quelqu'un lance dans le métro de Toronto le contenu d'une enveloppe pleine de spores de la maladie du charbon, et si ces spores sont éparpillés parmi la population, les premiers intervenants seront naturellement ceux de Toronto, mais vous, qu'allez-vous faire ce jour-là?
M. St. John: C'est ensuite Santé Canada qui est chargé d'en gérer les conséquences sur le plan de la santé, parce que cela devient alors une maladie qui se propage, par opposition à une tornade qui aurait aplati des bâtiments. Une tornade peut avoir fait des blessés et nous pourrions alors acheminer des fournitures en pareil cas, mais nous ne serions pas le principal coordonnateur en cas de tornade. Par contre, si c'est une maladie qui se propage, comme dans le cas du charbon, c'est nous qui devenons le coordonnateur principal.
Dans la mesure où la province demande de l'aide, nous sommes disposés à intervenir. Comme je l'ai dit, nous avons suffisamment d'antibiotiques dans nos réserves pour traiter plus de 100 000 personnes, et cela s'ajoute à la capacité de la province. Tout cela peut être disponible en quelques heures.
Le sénateur Banks: Il suffirait d'un seul coup de téléphone?
M. St. John: Oui, tout à fait.
Nous avons au Canada un luxe que nos collègues américains de la santé nous envient. À Santé Canada, notre centre est un guichet unique. Tous les éléments qui avaient quelque chose à voir avec les mesures et les interventions d'urgence ont été concentrés en un seul centre. J'ai des services d'intervention d'urgence en santé; les services épidémiologiques et les services sociaux d'urgence sont tous concentrés en un seul endroit; tandis que mes collègues des services de santé et sociaux aux États-Unis doivent faire appel à diverses organisations pour obtenir divers services.
Le sénateur Banks: C'est très rassurant, et je vous félicite d'être capable de me donner cette réponse.
M. St. John: Je dois avouer que c'est le sous-ministre de l'époque, David Dodge, qui a fait cette réorganisation en juillet 2000.
Le sénateur Banks: Il faut lui rendre hommage. On peut donc espérer que tout ira bien à la banque.
Une dernière question, docteur St. John, au sujet d'une éventualité que vous avez évoquée et qui ne me serait jamais venue à l'esprit. Vous avez dit qu'il pourrait y avoir une catastrophe telle que la communauté médicale d'une province ou d'un État serait ébranlée ou anéantie au point d'être incapable de réagir à une crise au Montana ou au Dakota du Nord. Il ne m'est jamais venu à l'idée que nos professionnels de la santé ne pourraient pas aller à leur secours parce qu'il leur est interdit de pratiquer la médecine là-bas.
Il me semble que quelqu'un devrait se pencher sur la question et reconnaître que l'on devrait pouvoir aller de Windsor à Detroit pour apporter son aide en cas d'urgence, et vice versa, sans que les gens s'inquiètent d'être tenus responsables. Mais qu'arriverait-il aujourd'hui? Est-ce qu'il nous faudrait rester les bras croisés et dire: «Je sais que votre maison brûle, mais vous ne pouvez pas avoir nos tuyaux d'incendie»?
M. St. John: Nous ne ferions jamais cela. Nous irions évidemment à leur aide. C'est au niveau des détails qu'il peut y avoir des anicroches. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la pratique de la médecine est régie par les provinces et les territoires. Les médecins ont la permission de pratiquer la médecine en conformité de certaines lois et règles provinciales. Certaines provinces ont pris l'initiative de refondre leurs lois applicables en cas d'urgence. Le Manitoba l'a fait. La Colombie-Britannique a fait en sorte que l'on puisse suspendre l'application des exigences en matière de pratiques, en cas d'urgence.
J'ai mentionné tout à l'heure le BNEISU, le Bureau national des équipes d'intervention sanitaire d'urgence, qui est chargé de dépêcher sur les lieux d'une catastrophe une équipe de praticiens. Nous avons examiné diverses options, par exemple de fédéraliser l'équipe, de manière que tous ses membres deviendraient des employés fédéraux. Ces derniers peuvent pratiquer la médecine n'importe où, pourvu que ce soit sur un territoire relevant du fédéral. Si nous établissons notre hôpital dans une école au centre-ville de Vancouver, par exemple, le ministre de la Santé a le pouvoir de transformer ce lieu en une propriété fédérale, de manière que les médecins se retrouveraient à pratiquer la médecine en territoire fédéral.
C'est un peu lourd, c'est une manière détournée d'arriver à nos fins. C'est pourquoi nous avons estimé, de concert avec nos collègues américains, qu'il serait utile de faire une étude juridique des lois régissant la pratique de la médecine de part et d'autre de la frontière, pour voir exactement comment cela pourrait fonctionner ou quelles modifications il faudrait apporter pour que tout fonctionne bien en cas d'urgence.
Le sénateur Banks: Je vous souhaite bonne chance dans cette étude et ce qui en découlera.
Le sénateur Forrestall: C'est à contrecoeur que je pose la question, mais qui paye quand nous envoyons des équipes? Qui paye les 132 000 lits.
M. St. John: Il y a 32 000 lits.
Le sénateur Forrestall: Il n'y a pas tellement de différence entre 132 et 32, quand il faut payer les infirmières. D'où viendront-elles, les infirmières, les infirmières auxiliaires, et puis les médecins, qui paiera leurs salaires?
M. St. John: Quand nous avons réexaminé nos stratégies relativement à notre réserve nationale de secours, nous nous sommes demandés d'où viendraient les effectifs pour rendre opérationnels les hôpitaux que nous pouvons déployer rapidement, en quelques heures. Si la communauté locale des praticiens médicaux est déjà surtaxée à cause du grand nombre de victimes, nous ne pouvons pas compter sur les médecins locaux pour faire fonctionner ces hôpitaux. Nous avons donc longuement réfléchi au fonctionnement des équipes d'intervention sanitaire d'urgence. Nous devons pouvoir déployer des ressources humaines en même temps que des ressources matérielles, c'est-à-dire des spécialistes de santé publique et toute l'aide psychosociale nécessaire, surtout si la communauté médicale locale est épuisée, durement ébranlée et n'est plus capable de faire face à la situation.
Le sénateur Forrestall: Est-ce que vous recrutez d'abord sur place, en s'éloignant progressivement?
M. St. John: Non, monsieur. Ce sont des équipes de bénévoles prérecrutés. Nous donnerions toute la formation nécessaires, en insistant particulièrement sur les événements chimiques, biologiques et radionucléaires, y compris les catastrophes naturelles. Nous aurions un groupe de gens répartis d'un bout à l'autre du pays, sur une base provinciale et territoriale, qui seraient disponibles et capables d'être opérationnels et autonomes, n'importe où, pendant 72 heures, avec des fournitures prêtes à utiliser et tout l'équipement.
Ce concept est bien établi aux États-Unis. Nous sommes allés sur place pour examiner tout cela. Nous avons renforcé le concept en ajoutant aux équipes des spécialistes de la santé publique et du soutien social. Aux États-Unis, le noyau des équipes est surtout formé de médecins, de chirurgiens, de spécialistes des brûlures, etc. Nous avons ajouté d'autres dimensions pour enrichir davantage nos équipes d'intervention sanitaire d'urgence.
Le sénateur Cordy: Mes questions font suite à celles qui ont déjà été posées, à commencer par le leadership et la coordination. Vous attendez que la province en fasse la demande avant d'intervenir, à moins que l'incident soit immédiatement identifié comme étant de nature fédérale. Vous avez dit que vous mettiez en oeuvre 31 recommandations du groupe de travail relativement au leadership et à la coordination. Est-ce que tout cela a été formulé précisément dans un plan, précisant exactement qui est responsable de quoi, ou bien est-ce le BPIEPC qui commande en cas d'urgence?
M. St. John: C'est un axiome qu'il doit y avoir commandement et contrôle local en cas d'incident. Si le secteur de la santé est fortement mis en cause, nous nous attendons à ce que le responsable municipal de la santé soit chargé du commandement et du contrôle, avec l'appui du responsable provincial.
Le sénateur Cordy: Ce serait donc municipal, provincial, fédéral, dans l'ordre.
M. St. John: Oui, madame, et nous appuierions cette structure de commandement et de contrôle.
Le sénateur Cordy: Je m'interroge aussi au sujet des fournitures médicales. Beaucoup de fournitures médicales peuvent rester sur les tablettes pendant 20 ans, mais d'autres ont une date de péremption. Vous avez dit que vous avez des réserves de fournitures médicales pour 100 000 personnes. Les provinces ont aussi des médicaments, je suppose, de même que les militaires. Comment coordonnez-vous tout cela? Comment faites-vous pour gérer votre budget et le renouvellement continu des stocks? En cas d'urgence, vous devez tout avoir sous la main.
M. St. John: Nous faisons ce que nous appelons un inventaire géré par le vendeur, dans la mesure du possible. Nous achetons un médicament une seule fois. La compagnie ne nous le fait pas parvenir, elle le stocke dans son entrepôt. Environ six mois avant la date de péremption, la compagnie écoule ce stock et le remplace par du stock neuf. De cette manière, nous n'achetons qu'une seule fois et nous devons payer seulement des frais minimes pour l'entreposage et les frais administratifs.
Nous faisons des vérifications aléatoires. Nous nous présentons à la compagnie sans être annoncés et nous disons: «Montrez-nous nos stocks». Nous allons vérifier que tout est bien sur les tablettes. Il nous est arrivé à quelques reprises de constater qu'il n'y en avait pas, mais habituellement, tout est là, parce que la compagnie a signé un contrat pour nous fournir ce service.
Ce système est en place depuis longtemps et fonctionne très bien. Cependant, je dois dire en toute franchise qu'après le 11 septembre, le volume de médicaments achetés a bien souvent dépassé la capacité d'une compagnie d'écouler les stocks en question sur le marché canadien. Dans la grande majorité des cas, c'est géré par le vendeur, mais nous travaillons actuellement à des stratégies qui nous permettraient d'éviter de jeter des antibiotiques.
Le sénateur Atkins: David Dodge est un grand homme. Est-ce que le Dr Robert McMurtry a participé à la réorganisation?
M. St. John: Il est arrivé peu après et il a été mon sous-ministre pendant une brève période, oui.
Le sénateur Atkins: Vous avez évoqué plusieurs fois les 47 000 personnes qui sont restées coincées dans le Canada de l'Atlantique. Je suppose que c'était à Gander?
M. St. John: Certains étaient à Gander, d'autres à Moncton, Halifax et St. John's.
Le sénateur Atkins: Pouvez-vous décrire quelle a été votre réaction, à partir du moment où vous avez appris les attentats du 11 septembre?
M. St. John: À certains égards, le Canada est tout petit. À d'autres égards, c'est immense. L'aspect petitesse, c'est le fait que nous avons 13 instances de santé publique dans notre pays. Nous nous connaissons tous. Nous nous connaissons très bien, nous nous appelons par nos prénoms, contrairement à mes collègues du CDC, qui doivent traiter avec 50 États, plus les territoires. Les questions de compétence peuvent devenir cauchemardesques pour eux. Même si nous ne sommes pas toujours d'accord, entre nous 13, 14 en fait avec le fédéral, il n'en demeure pas moins que nous avons, je crois, un système de communication assez extraordinaire.
Peu après les attentats du 11 septembre, alors même que les événements se déroulaient et que les avions étaient cloués au sol, nous étions déjà en contact avec nos directeurs des services sanitaires d'urgence des provinces et nos directeurs de la santé, pour prévoir quels seraient les besoins.
Quand les provinces de l'Atlantique ont manqué de place dans les résidences et autres installations et qu'il a fallu installer des gens dans des gymnases et des cafétérias, elles se sont d'abord tournées vers les fournitures d'urgence de la réserve nationale stockées sur place. Nous avons supervisé le tout et, dès qu'il est apparu que les fournitures manqueraient, notre entrepôt central d'Ottawa a reçu l'ordre d'envoyer des fournitures. À Moncton, les fournitures sont arrivées en neuf heures.
Le sénateur Atkins: Par avion?
M. St. John: Par camion.
Le sénateur Atkins: Dans tous les cas?
M. St. John: Non, monsieur, pas à St. John's. Nous avons eu une excellente collaboration de la Défense nationale pour envoyer des fournitures par avion.
Le sénateur Atkins: Vous avez fait du travail remarquable.
M. St. John: Merci. J'ai d'excellents collaborateurs, sénateur.
Le sénateur Atkins: Si nous avions une épidémie de maladie de la vache folle, comment réagiriez-vous?
M. St. John: Je m'occupe des gens, c'est l'Agriculture qui s'occupe des vaches.
Le sénateur Banks: Et la maladie de Creutzfeldt-Jakob?
M. St. John: Vous voulez dire si des gens étaient atteints?
Le sénateur Banks: Oui.
M. St. John: Le Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses considérerait qu'il s'agit d'une maladie qui se propage. Le centre a mis en place des systèmes de contrôle pour déceler le moindre cas de maladie de la vache folle chez les êtres humains. Comme vous le savez, il n'y a pas de traitement pour cette maladie.
Le sénateur Atkins: C'était ma question suivante.
M. St. John: En pareil cas, nous ferions une enquête épidémiologique sur le terrain. Ce n'est pas transmissible d'une personne à l'autre, sauf par le sang, et tout est prévu pour refuser les donneurs de sang qui ont vécu en Europe et en Angleterre, afin d'empêcher la contamination des réserves de sang. Nous avons un effectif de gens chargés d'intervenir en cas d'apparition de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez les êtres humains au Canada. Nous en avons eu un cas, c'était un cas importé, celui d'un monsieur qui avait vécu en Angleterre, qui a été atteint de la maladie et qui a été diagnostiqué au Canada. Nous nous sommes occupés fiévreusement de cette affaire.
Le président: Merci, monsieur St. John. Ce fut une soirée intéressante. Vous avez ajouté considérablement à nos réserves d'information au sujet du rôle des premiers intervenants et de la manière dont le gouvernement fédéral les appuie. Je voudrais demander si nos recherchistes peuvent communiquer avec vous pour obtenir davantage d'information. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir offert de visiter vos installations et nous allons vous prendre au mot.
M. St. John: Nous en serions ravis, sénateur.
Le président: Excellent.
La séance se poursuit à huis clos.