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Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 22 - Témoignages du 22 septembre 2003 (Séance du matin)


HALIFAX, le lundi 22 septembre 2003

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit ce jour à 9 h 15 pour examiner, et ensuite en faire rapport, la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Soyez les bienvenus au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Mon intention est de commencer notre réunion d'aujourd'hui d'une manière un peu différente puisque malheureusement pendant l'été, nous avons perdu en la personne de M. Grant Purves un ami et un assistant loyal. Grant était analyste à la Bibliothèque du Parlement depuis près de 30 ans. Il travaillait pour notre comité avec passion. En particulier, il a travaillé pour le Sous-comité des affaires des anciens combattants pour lequel il a participé à la rédaction de nombreux rapports visant à améliorer la vie de nos anciens combattants. Nous aimerions consacrer une minute de silence à la mémoire de Grant. Il jouait un rôle très important pour nous. Il a très bien servi son pays, très bien servi le Parlement du Canada et très bien servi notre comité. Avec votre permission, j'aimerais que nous fassions une petite pause à la mémoire de Grant Purves.

[Minute de silence]

Merci.

Je suis très heureux de vous accueillir. Je m'appelle Colin Kenny. Je suis un sénateur de l'Ontario et je préside ce comité.

Immédiatement à ma droite se trouve l'éminent sénateur de la Nouvelle-Écosse, que vous connaissez tous, Michael Forrestall. Le sénateur Forrestall sert les commettants de Dartmouth depuis 37 ans, d'abord comme député à la Chambre des communes puis comme sénateur. Tout au long de sa carrière parlementaire, il s'est intéressé aux questions de défense et a été membre de plusieurs comités parlementaires liés à la défense, dont le Comité mixte parlementaire sur la politique de défense du Canada de 1993.

À l'extrême droite, vous avez le sénateur David Smith. Le sénateur Smith est de l'Ontario. Il a été conseiller et maire adjoint de la ville de Toronto. Il a été député de la Chambre des communes et ministre d'État dans le gouvernement Pierre Elliott Trudeau avant d'être nommé au Sénat en 2002. Il a eu une longue carrière dans le domaine juridique et est actuellement membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.

À côté de lui vous avez le sénateur Jack Wiebe de la Saskatchewan. Le sénateur Wiebe a été lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan et député de l'Assemblée législative de la Saskatchewan avant d'être nommé au Sénat en 2000. Il s'intéresse énormément au monde agricole — il a passé un bon été dans sa ferme — et au Sénat il est vice-président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et il siège également au Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement ainsi qu'à notre Sous-comité des anciens combattants.

Tout au bout de la table, de l'autre côté, vous avez le sénateur Tommy Banks de l'Alberta. Il est connu au Canada comme étant un de nos artistes les plus accomplis et les plus polyvalents. Il a été nommé au Sénat en 2000. Il a reçu un Juno, un Gémeau et le Grand Prix du disque. Le sénateur Banks est le président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Ce comité examine actuellement la sûreté nucléaire et le contrôle nucléaire.

À côté de lui vous avez le sénateur Norm Atkins de l'Ontario. Il est arrivé au Sénat en 1986, fort d'une solide connaissance du domaine des communications et de son expérience à titre de conseiller de l'ancien premier ministre Davis de l'Ontario. Le sénateur Atkins est membre de notre Sous-comité des anciens combattants ainsi que du Comité sénatorial de la régie interne, des budgets et de l'administration. Il est également président du groupe parlementaire du Parti conservateur au Sénat.

Le sénateur Meighen ne devrait pas tarder à se joindre à nous.

À côté de moi vous avez le sénateur Jane Cordy de la Nouvelle-Écosse — de Dartmouth, pour être plus précis — une éducatrice accomplie ayant à son actif un long engagement communautaire avant son arrivée au Sénat en 2000. Outre sa participation aux travaux de notre comité, elle est membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie qui a publié un rapport clé sur la santé publique et qui étude maintenant la santé mentale. Au début de l'année, elle a été élue vice-présidente de l'Association parlementaire Canada-OTAN.

Notre comité est le premier comité du Sénat ayant pour mandat d'étudier la sécurité et la défense. Au cours des 18 derniers mois, nous avons publié une série de rapports dont le premier s'intitulait: «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense». Cette étude, déposée en février 2000, faisait état des grandes questions relatives à la défense pour le Canada.

Le Sénat a ensuite prié notre comité de se pencher sur la nécessité pour le Canada d'élaborer une politique nationale sur la sécurité. Nous avons publié jusqu'à présent trois rapports sur divers aspects de la sécurité nationale. Le premier, intitulé «La défense de l'Amérique du Nord: Une responsabilité canadienne», a été rendu public en septembre 2002. Le deuxième, «Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes: Une vue de bas en haut», a été publié en novembre 2002; et troisièmement, le plus récent, «Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens», a été publié en janvier 2003.

Le comité poursuit son étude sur la capacité qu'a le Canada de contribuer à la sécurité et à la défense de l'Amérique du Nord. Entre autres choses, notre comité a tenu des audiences sur le soutien que le gouvernement fédéral accordé aux hommes et aux femmes de notre pays qui sont les premiers à intervenir en cas d'urgences ou de sinistres.

Cependant, le comité a décidé de donner la priorité à son étude de la capacité qu'a le Canada de défendre ses eaux territoriales et de contribuer au maintien de l'ordre sur le littoral continental. Nos audiences nous permettront d'actualiser un rapport que notre comité a publié plus tôt, en 2002, «La défense de l'Amérique du Nord», où l'on a constaté que les efforts que fait le Canada pour défendre ses côtes sont largement ponctuels et fragmentaires.

Nos témoins de ce matin représentent les Forces maritimes de l'Atlantique, connues sous le nom de FMAR(A), une des principales formations de la Marine canadienne et la plus grosse présence navale au Canada. Nous recevons le contre-amiral Glenn Davidson, commandant des Forces maritimes de l'Atlantique. Le contre-amiral Davidson sert notre pays depuis plus de 30 ans et commande le FMAR(A) depuis 2002.

Il est accompagné du capitaine de frégate Paul Earnshaw, commandant du Centre conjoint d'information et de surveillance océanique. Avant d'assumer, en juin de cette année, le commandement de ce centre aussi appelé TRINITY, le commandant Earnshaw était l'officier d'état-major responsable des opérations du commandant du groupe de forces opérationnelles du golfe Arabo-Persique.

Le contre-amiral est également accompagné du capitaine Kelly Williams, directeur de la Stratégie maritime. Le capitaine Williams était auparavant le commandant du NCSM Winnipeg en service dans le golfe Persique.

Messieurs, soyez les bienvenus. Si vous avez une petite déclaration liminaire à nous faire, vous pouvez commencer quand vous voudrez.

Le contre-amiral Glenn V. Davidson, commandant, Forces maritimes de l'Atlantique, ministère de la Défense nationale: Merci beaucoup, monsieur le président. Permettez-moi de souhaiter à tous les membres de votre comité, et tout particulièrement à nos éminents représentants de la Nouvelle-Écosse, la bienvenue à Halifax.

Je commencerai par une petite introduction puis nous aurons deux petits exposés et ensuite nous nous ferons un plaisir d'explorer plus en détail les questions qui vous intéressent plus particulièrement. Ici, je porte plusieurs casquettes. Comme commandant de la région Atlantique de recherche et de sauvetage, j'ai la responsabilité de près de 5 millions de kilomètres carrés dans lesquels nous faisons quelque 2 000 sorties de recherche et de sauvetage par année.

Comme commandant des Forces maritimes de l'Atlantique, j'ai la responsabilité de savoir ce qui se passe dans une région un peu plus petite, près de 4 millions de kilomètres carrés, et de réagir si la sécurité de notre pays est menacée. J'ai ici 18 bateaux et sous-marins splendides, avec 8 000 personnes qui travaillent pour moi directement, militaires et civils confondus. Nous avons les meilleurs marins et le meilleur personnel civil. Nous sommes extrêmement fiers de ce qu'ils font et du travail extraordinaire qu'ils font pour le Canada.

Ma responsabilité principale consiste à veiller que nos bateaux, nos sous-marins et nos équipages soient prêts à appareiller chaque fois que le gouvernement du Canada nous demande de remplir une mission. C'est la première fois que depuis presque deux ans nous n'avons pas de bateaux déployés outre-mer. Depuis octobre 2001, nous avons envoyé huit de nos dix principaux navires de guerre basés à Halifax dans le Golfe. Deux n'étaient pas disponibles parce qu'ils venaient de subir des réparations. Nous avons redéployé l'Iroquois pour un deuxième déploiement pendant la même année.

Tous les navires disponibles sont prêts à appareiller. Tout le monde, autant à terre que sur les navires, a fait un travail incroyable et des efforts splendides pour que cela soit possible. Notre priorité aujourd'hui est de reprendre l'instruction militaire, après l'énorme effort de l'opération APOLLO, pour que tout le monde soit prêt pour la prochaine fois.

Permettez-moi de vous livrer quelques réflexions sur les questions particulières qui font l'objet de notre discussion d'aujourd'hui. Il est clair que vous et moi sommes d'accord, la sécurité maritime est une question incroyablement complexe. Puisque notre propos de ce matin concerne en priorité la surveillance maritime en général et la surveillance de la surface de l'eau en particulier, permettez-moi de vous faire remarquer simplement que le défi évident associé à la sécurité maritime n'est pas simplement de savoir où se trouvent les bateaux, mais de déterminer qui ils sont, d'évaluer leurs activités et, enfin, d'intervenir en cas de nécessité.

Vous connaissez bien évidemment l'importance de la région Atlantique et de l'énorme activité dans nos eaux océaniques — la pêche, le pétrole et le gaz — et l'importance de cette région tant pour le Canada que pour les États- Unis sur le plan stratégique.

À cela s'ajoute que les principales liaisons maritimes et aériennes entre l'Europe et l'Amérique du Nord passent par cette région et ses environs immédiats.

Il n'y a pas que l'environnement qui est complexe. Au FMAR(A) notre quotidien est fait de la réalité de diverses compétences, responsabilités et ressources ministérielles dans notre région géographique et, heureusement, Halifax est la plaque tournante régionale de nombreux ministères.

Cela facilite grandement le réseau de comités interministériels, les groupes de travail, les accords et les contacts personnels dont nous avons besoin et que nous utilisons pour gérer les questions de sécurité maritime dans l'Atlantique. Il y a énormément de coopération et une véritable volonté de travail en commun et de solidarité. Je crois que votre séance d'information par le capitaine Hickey en juin vous en a donné une excellente idée.

Du côté de la marine, nous dessinons et nous distribuons l'image la plus complète des activités de surface dans la région. Cette image est importante et je crois que nous faisons du bon travail. Nous travaillons ensemble chaque fois qu'un problème nécessite le soutien d'autres ministères gouvernementaux, qu'il s'agisse de renseignement, de soutien logistique ou de détachement constabulaire dans l'avenir pour aider un autre ministère à exécuter son mandat de réglementation.

C'est un point important car ce rôle constabulaire est un des trois rôles traditionnellement acceptés par la Marine, les autres étant les rôles militaire et diplomatique, le rôle militaire étant en vérité notre raison d'être et celui qui nous permet de remplir les deux autres.

Ce que j'aimerais vous faire bien comprendre, c'est qu'avant tout nous devons toujours être prêts. S'il y a une menace à la sécurité dans les eaux canadiennes, nous sommes les seuls à pouvoir offrir une présence armée ou à intervenir en mer. Et s'il faut intervenir internationalement, la Marine est la branche diplomatique la plus souple du gouvernement du Canada. Nous pouvons partir dans les plus brefs délais, nous pouvons rester sur un théâtre d'opération pendant longtemps et nous pouvons nous suffire à nous-mêmes.

C'est une énorme ressource pour le gouvernement qui nous a, à de nombreuses reprises, demandé d'intervenir au cours des 12 dernières années, pendant la guerre du Golfe en 1990 ou 1991, à Haïti, en Somalie, dans l'Adriatique, au Timor-Oriental ou pour l'opération APOLLO. La marine a été un atout précieux pour le gouvernement du Canada.

Par conséquent, je suis très heureux d'avoir cette discussion ce matin. J'espère aussi qu'elle rendra la population plus consciente de l'importance de la sécurité maritime. J'aimerais pouvoir penser que cela finira par nous mener à un débat sur une stratégie maritime nationale pour le Canada et, en corollaire, à une approche plus coordonnée et plus inclusive de la sécurité maritime.

Ce matin, le capitaine de frégate Paul Earnshaw, le commandant de TRINITY, va vous expliquer par le détail comment nous dessinons cette image de surface sur la côte Est. Le capitaine Kelly Williams vous livrera ses réflexions sur les opérations d'abordage et sur quelques petits problèmes juridictionnels.

Le capitaine de frégate Paul F. Earnshaw, commandant du Centre conjoint d'information et de surveillance océanique TRINITY, ministère de la Défense nationale: Monsieur le président, membres du comité, je tiens d'abord à vous remercier de me donner l'occasion de vous parler des efforts de surveillance maritime que déploie la Marine au large de la côte est du Canada, du processus de renseignement relatif à la sécurité et de la contribution des autres ministères à ces activités.

Le Centre conjoint d'information et de surveillance océanique, ou TRINITY, a été mis sur pied dans le cadre de la participation du Canada à l'Integrated Undersea Surveillance System de la Marine américaine. Naturellement, la fin de la guerre froide a amené les deux pays à examiner leurs mesures de surveillance sous-marine et c'est ainsi que le Site de surveillance sous-marine du Canada a mis fin à ses opérations en décembre 1998. Bien que les activités sous-marines de TRINITY aient été considérablement réduites, il n'en demeure pas moins primordial de poursuivre la surveillance et de demeurer au courant des activités qui se déroulent au large et TRINITY a été affectée à cette tâche.

La version actuelle de TRINITY a été élaborée de manière à rassembler les activités de surveillance et de renseignement de la FMAR(A) dans un seul centre en vue de rationaliser le processus et de fournir un soutien d'information plus complet et plus rapide aux opérations menées au pays et à l'étranger. Plus récemment, le centre d'intérêt de TRINITY s'est encore élargi pour inclure la liaison et le partage d'information avec les autres ministères qui mènent des activités de sécurité et de gérance au large de nos vastes côtes.

Le coeur de TRINITY, c'est le Centre des opérations maritimes, qui est situé au quartier général des Forces maritimes de l'Atlantique, à Halifax. Ce centre d'opérations fonctionne en permanence grâce à un personnel de garde chargé de recueillir des données de surveillance et de renseignement, de rassembler toutes les sources d'information pour constituer ce qu'on appelle la situation maritime générale, soit la RMP, et de diffuser ce produit dans les organismes militaires nationaux et internationaux, les unités de la flotte et les autres ministères.

Le COM est appuyé par un certain nombre de services organisés de la manière suivante: le service des opérations assure la surveillance de la RMP, l'assurance de la qualité du produit de surveillance et la liaison avec les autres organisations de surveillance nationales et internationales; le service du renseignement opérationnel — tandis que le COM sert de point d'entrée de l'information, le service du renseignement opérationnel s'occupe du regroupement de la documentation au jour le jour, de l'analyse et de la diffusion des produits de renseignement, ainsi que de la fonction de liaison essentielle avec l'éventail d'organisations/agences de renseignement que consulte le centre TRINITY pour obtenir de l'information et à qui elle en fournit en retour. Je reviendrai plus tard à ce processus.

J'ai également des services météorologiques et océanographiques qui font l'analyse des caractéristiques météorologiques et océaniques et qui en transmettent les résultats aux utilisateurs civils et militaires — comme les navires en mer.

Nous avons un service de levés des fonds marins, situé à l'Institut océanographique de Bedford, qui recueille et analyse les données obtenues grâce aux travaux de cartographie du fond marin exécutés à partir des navires de défense côtière et conjointement avec les activités de la Garde côtière canadienne et du ministère des Pêches et des Océans. Logée à l'Institut de Bedford, l'équipe des levés des fonds marins a tissé des liens avantageux avec la Garde côtière et le MPO. De plus, la Marine a régulièrement accès aux petites embarcations de ces ministères qu'elle utilise pour effectuer des levés. Au cours des dernières années, on a pris des levés pour 90 p. 100 des grands ports et points de passage obligés de la côte Est. Les études les plus récentes remontent à cet été dans le fleuve Saint-Laurent, de Kingston à Montréal, et les prochaines porteront sur les routes en eau profonde et les zones portuaires.

Enfin, j'ai un service d'imagerie qui fournit un soutien photographique et d'analyse d'imagerie à tous les départements de TRINITY et à l'ensemble des organismes de la FMAR(A).

Depuis l'attaque suivie par le USS Cole et les événements du 11 septembre 2001, la Marine met beaucoup plus l'accent sur les aspects surveillance et renseignement nécessaires pour contrer la menace terroriste. Les observations que je fais aujourd'hui, ainsi que les renseignements contenus dans la note de synthèse qui s'y rattache viennent compléter les commentaires et les informations que le capitaine de vaisseau Hickey vous a fournis ce printemps et cet été lorsqu'il s'est présenté devant votre comité.

Je veux approfondir l'aspect tactique et je vais tenter de vous expliquer comment on établit l'état de la situation au large de la côte Est, comment les efforts de renseignement appuient la surveillance et comment les alliés et les autres ministères y collaborent.

La situation maritime générale est une compilation des données de surveillance provenant de diverses sources qui est fusionnée en une base de données unique et affichée sur un outil de gestion de la RMP élaboré par les Américains, appelé Global Command and Control System — Maritime (Système mondial de commandement et de contrôle — maritime). Le processus fonctionne selon un concept modulaire: On commence avec des sources d'information non classifiées sur les déplacements des navires marchands, on ajoute ensuite des données fournies par l'OTAN et les États- Unis, ainsi que des renseignements recueillis dans le cadre d'activités de surveillance du ministère des Pêches et des Océans et de la Garde côtière canadienne. Enfin, on complète avec des renseignements découlant des patrouilles effectuées par les navires et les aéronefs de la FMAR(A).

Le Cam Davidson: Permettez-moi de vous interrompre pour vous signaler que vous trouverez à la page 2 de votre document une illustration des données brutes que nous obtenons de cette façon.

Le Captf Earnshaw: Les données de surveillance sont constituées d'abord de données sur l'identité et la position des navires marchands découlant des rapports météorologiques non classifiés venant des navires en mer. Vous en trouverez l'illustration à la page 3. Les navires océaniques fournissent des données météorologiques à Environnement Canada, notamment leur position et leur identité. Environnement Canada transmet automatiquement ces renseignements au Centre des opérations grâce à un lien de courriel sur Internet. Le centre s'occupe ensuite de comparer ces données avec une base de données sur les navires et les injecte ensuite dans le Système mondial de commandement et de contrôle.

La Marine américaine fournit une série de produits quotidiens sur les positions des navires dont la divulgation est autorisée au niveau de sécurité CANUS. Ces rapports arrivent déjà prêts à être insérés automatiquement dans le Système mondial de commandement et de contrôle. Comme le Système mondial de commandement et de contrôle est également le système d'information et de surveillance de la Garde côtière américaine, cette dernière participe également à l'établissement de la situation qui sera présentée au centre des opérations et reçoit également, par le biais du même système, la situation établie à partir des données de surveillance canadiennes.

La RMP de l'OTAN est incorporée par la voie d'un transfert unilatéral direct en provenance des centres de navigation du Royaume-Uni, du Portugal, de l'Italie et de Norfolk, en Virginie. Les renseignements canadiens qui peuvent être divulgués à l'OTAN sont retournés par le biais du Système mondial de commandement et de contrôle au Système de commandement et de contrôle de l'OTAN.

La Garde côtière canadienne transmet les renseignements de navigation qu'elle recueille au moyen de son système de surveillance des navires, appelé INNAV. La Garde côtière fournit les renseignements extraits des rapports obligatoires que doivent présenter les navires naviguant à destination des ports canadiens 96 heures et 24 heures avant de pénétrer dans les eaux canadiennes. Le centre des opérations a actuellement accès à ces données deux fois par jour. Cependant, on a fait l'acquisition d'un serveur de la Garde côtière qui, une fois installé, permettra un accès à plein temps.

L'importance des données sur la navigation de la Garde côtière augmentera de façon substantielle après l'entrée en service du Système automatisé d'identification (SAI). Ce système de transpondeurs installé dans les navires marchands et de pêche naviguant à destination des eaux canadiennes ou dans celles-ci permettra d'acquérir presque instantanément des données sur l'identité ou la position des navires dotés de ces dispositifs.

La société Provincial Airlines, qui effectue des vols de surveillance pour le compte du MPO, constitue une autre importance source de données de surveillance. Cette société effectue jusqu'à trois vols par jour pour accomplir des missions qui lui sont confiées par le MPO pour la surveillance des activités de pêche dans les zones de pêche du Canada. La quantité de données fournies au COM concernant la position et l'identité des navires de pêche est assez considérable et constitue un élément important de la RMP. L'équipement installé à bord des aéronefs commerciaux permet l'échange de données en cours de vol par le biais d'un transfert automatique à partir d'un serveur du MPO via le courrier électronique vers le serveur du Réseau maritime canadien (CANMARNET) de la FMAR(A). Les données sont alors traduites automatiquement et versées dans le système RMP.

Enfin, les navires et les aéronefs militaires effectuant des patrouilles fournissent des données à la RMP de la FMAR(A). Les gros navires de guerre, qui sont équipés du Système mondial de commandement et de contrôle, transmettent leur situation locale directement dans le système. Les avions de patrouille Aurora envoient leurs données au centre des opérations de Greenwood qui s'occupe de les saisir dans le même système.

Je dois vous signaler que, lors des missions de surveillance portant sur un navire en particulier et lorsque l'équipage de l'aéronef remarque quelque chose qui sort de l'ordinaire, les renseignements sont communiqués directement au centre des opérations de Halifax, sur-le-champ, par voie vocale, et sont ensuite entrés manuellement dans le système par l'équipe de garde.

Plusieurs initiatives amélioreront les systèmes d'échange d'information RMP avec les avions de patrouille militaires, y compris l'installation d'un système semblable à celui qu'utilise la société Provincial Airlines. De plus, le projet de modernisation de l'Aurora augmentera les capacités de surveillance, de communications et de partage de données.

Nous prévoyons avoir accès très bientôt à la situation aérienne générale produite par NORAD. Cela fait, l'élément air sera intégré dans le Système mondial de commandement et de contrôle et combiné avec la RMP. Ces données seront ensuite transmises au Centre de commandement de la Défense nationale, à Ottawa, pour former l'image commune de la situation opérationnelle maritime.

À mon avis, les plus importants progrès que nous avons réalisés dans le domaine de la surveillance sont liés au projet de radar haute fréquence à ondes de surface (HFSWR). Vers la fin des années 90, deux emplacements expérimentaux ont été construits au cap Race et au cap Bonavista afin d'évaluer les possibilités du radar. On a enregistré des progrès technologiques au cours des huit dernières années et le concept est maintenant jugé réalisable. Ainsi, les deux emplacements actuels seront modernisés.

De plus, la Marine va de l'avant avec un projet de réseau de HFSWR qui vise à améliorer la couverture sur les deux côtes. Ce projet en est à la phase d'analyse des options et trois emplacements sont actuellement à l'étude pour assurer une couverture continue des approches vers le large de la Voie maritime du Saint-Laurent.

On a affecté 43 millions de dollars du Fonds d'urgence de la réserve pour la sécurité publique et la lutte contre le terrorisme à l'établissement des emplacements de la phase I. Les responsables du projet devraient se présenter devant le Comité supérieur de révision en octobre pour obtenir l'autorisation de dépenser pour la phase de définition en mars 2004. Le Groupe de travail interministériel sur la sûreté maritime (GTISM) a approuvé les zones de couverture de la phase I. La phase II de ce projet élargira cette couverture et je crois comprendre qu'on procédera à la reconnaissance des lieux au cours des prochains mois en vue d'établir la possibilité d'ajouter d'autres emplacements sur la côte Est.

En plus du radar haute fréquence à ondes de surface, on est actuellement en voie d'élaborer deux autres projets qui contribueront aux efforts de surveillance et de renseignement. Il s'agit d'abord de l'intégration de multicapteurs dans un environnement opérationnel commun (IMEOC). Ce projet vise l'élaboration d'une base de données communes et d'une architecture de réseau commune permettant le partage de données sur une vaste échelle au moyen d'un logiciel et de composantes d'échange de données du commerce en vue d'éliminer les conduits d'information en silo.

Bref, l'IMEOC déclenchera des flux de données auxquels nous n'avions pas accès auparavant grâce à des systèmes décodant et transférant l'information entre des systèmes et des domaines distincts.

Le second projet est connu sous le nom de Centre de surveillance océanique et d'information maritime (CSOIM). Ce projet reliera TRINITY et son cousin de la côte Ouest, ATHENA, à des installations correspondantes dans les Forces armées canadiennes et dans d'autres ministères. Il comportera une bibliothèque de renseignement, de surveillance et de reconnaissance qui contiendra un certain nombre de bases de données reliées, notamment un service d'information géospatiale, une base de données sur les contacts et une base de données sur le renseignement et sur les menaces.

Les données entreront et sortiront automatiquement de la bibliothèque, le but final étant de réduire de façon considérable les opérations manuelles nécessaires pour trouver, interclasser, corréler et faire correspondre l'information. De plus, le système du CSOIM produira la situation maritime générale et permettra l'accès à divers niveaux de sécurité aux principaux utilisateurs militaires et aux utilisateurs secondaires des autres ministères. Le CSOIM comprendra également des outils de fusion capables de traiter des données complexes, par exemple celles recueillies au moyen du HFSWR. Nous en sommes actuellement à la phase d'élaboration du concept de ce projet.

Jusqu'ici, j'ai parlé des diverses données qui entrent dans la RMP. Prenons par exemple l'analogie d'une aiguille dans une botte de foin. Il s'agirait ici d'identifier et de localiser autant de brins de foin que possible et, de cette manière, il est logique qu'il sera plus facile de retrouver l'aiguille. Dans cette analogie, l'information sur l'aiguille est le renseignement qui inciterait l'organisation à lancer la chasse. De toute évidence, la surveillance et le renseignement doivent être étroitement liés pour être efficaces.

Le renseignement militaire est un ensemble très intéressant d'accords multilatéraux et bilatéraux de partage d'information entre des organismes internes et externes. Le point capital de ces accords consiste à établir et à maintenir les liens professionnels entre les opérateurs et le commandant de l'opération afin d'assurer que l'information circule aussi librement que ce qui est prescrit dans les accords.

Cela dit, TRINITY entretient d'étroites relations avec l'Office of Naval Intelligence et la Defense Intelligence Agency de la Marine américaine. En effet, en mai dernier, le commandant de l'ONU a visité la FMAR(A) et TRINITY avec une équipe de spécialistes du renseignement. En octobre, je dirigerai une équipe qui se rendra aux États-Unis pour visiter l'Atlantic Fleet Staff, l'Office of Naval Intelligence, la Defense Intelligence Agency, ainsi que les quartiers généraux de la garde côtière américaine de la région de l'Atlantique et de la région de Boston.

Afin de resserrer nos liens dans le domaine du renseignement, nous affectons un officier de renseignement canadien à l'ONI et j'ai à mon service un officier de renseignement de l'ONI et un Premier maître de première classe de la Marine américaine spécialisé dans la surveillance sous-marine.

Plus récemment, l'intégration des frégates de la Marine canadienne dans les groupes aéronavals américains a permis de resserrer les liens sur le plan du renseignement étant donné qu'un officier de renseignement canadien est affecté à plein temps à bord de chaque frégate et est en contact avec le personnel du groupe aéronaval.

Les ministères fédéraux échangent davantage d'information entre eux depuis les attaques subies par le World Trade Center et le Pentagone. La plupart des ministères ont nommé des agents de liaison en vue de maintenir des voies de communication avec d'autres organismes. En fait, mes agents de liaison avec les autres ministères entretiennent des rapports presque quotidiens avec le SCRS, la GRC, Douanes et Immigration Canada, la Garde côtière et le MPO. Le personnel des autres bureaux de la FMAR(A), notamment la section des opérations de la Base, la Police militaire et les Plans et Opérations entretiennent aussi des liens solides avec les organismes fédéraux, provinciaux et municipaux concernés.

Ce qui contribue beaucoup aux bonnes relations interministérielles dans la région de l'Atlantique, c'est que tous les ministères comptent de hauts fonctionnaires dans la ville. Cela facilite également le maintien des contacts personnels. Sur le plan du renseignement, un Groupe d'évaluation de la menace a été mis sur pied en tant qu'entité de partage d'information et pour diriger les activités de renseignement interministérielles et les interventions opérationnelles lors d'événements touchant plus d'un ministère. Ce groupe est constitué de représentants de la FMAR(A), de la GRC, du SCRS, de l'ADRC et de tout autre organisme dont les services sont nécessaires pour évaluer les événements.

La dernière fois où on a eu recours au Groupe d'évaluation de la menace, c'est lors de la menace de contamination à l'anthrax à bord du Wadi Al Arab. Dans cette situation, le groupe s'est réuni avec des représentants de Santé Canada, afin de déterminer la menace, d'établir qui serait l'organisme directeur et d'évaluer les interventions opérationnelles. Finalement, le navire a été suivi par le centre des opérations de la FMAR(A), Transports Canada lui a donné l'ordre de jeter l'ancre au large de Halifax et une équipe de Santé Canada est montée à bord. L'incident du Wadi Al Arab a certainement permis de confirmer la validité et l'efficacité du concept d'évaluation de la menace.

La faiblesse qui existe actuellement sur le plan de la collaboration de renseignement entre les ministères se situe au niveau des systèmes de communications protégés. Bien que la création du Réseau maritime canadien, ou CANMARNET, constitue un pas dans la bonne direction, ce système ne contient que des renseignements non classifiés et n'est utilisé que pour échanger des renseignements limités sur la RMP et pour afficher les procès-verbaux des réunions interministérielles. Un nouveau projet vise à établir un moyen de communication protégé sur Internet ou Intranet, système qui sera important pour la collaboration interministérielle tant sur le plan du renseignement que sur celui des opérations.

En conclusion, la FMAR(A) a beaucoup progressé en ce qui concerne sa capacité de comprendre les activités qui se déroulent quotidiennement dans la zone de responsabilités du sous-secteur canadien de l'Atlantique (CANLANT), et au-delà. Il ne fait pas de doute que le MDN détient la capacité de surveillance la plus complète et que la FMAR(A) coordonne maintenant avec efficacité des données provenant des autres ministères, des alliés étrangers et des sources militaires canadiennes.

Y a-t-il encore place à l'amélioration? Bien sûr que oui. À cet égard, la Marine va de l'avant avec les projets et les acquisitions d'équipement prévus et les projets HFSWR et IMEOC nous permettront d'augmenter de façon substantielle nos capacités au chapitre de la RMP et du renseignement. Bien que la collaboration avec les autres ministères s'améliore de façon constante, le manque de systèmes protégés continue de nuire aux communications entre les ministères.

Le Capitaine (N) Kelly Williams, ancien commandant, NCSM Winnipeg, ministère de la Défense nationale: Sénateur Kenny, mesdames et messieurs, je m'appelle Kenny Williams et jusqu'à tout récemment, j'étais le capitaine du NCMS Winnipeg, une frégate de la classe Halifax stationnée à Esquimalt, en Colombie-Britannique. J'occupe actuellement le poste de directeur de la Stratégie maritime, à Ottawa.

Au cours des 27 mois où le navire a été sous mon commandement, j'ai eu l'occasion de participer à deux déploiements prolongés dans le golfe Arabo-Persique, où nous avons exécuté, pendant plus de huit mois et en application de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, des opérations d'interdiction maritime sur les lignes de front dans la région du Golfe, contribuant ainsi à la guerre menée contre le terrorisme.

Durant cette période, nous avons effectué, en vertu de la résolution 986 du Conseil de sécurité de l'ONU, au-delà de 200 arraisonnements de navires marchands, dont 64 étaient entièrement conformes et 7 non conformes. Tout récemment, plus de 1 800 interceptions suivies d'interpellations ont donné lieu à 136 arraisonnements à l'appui des opérations d'interdiction menées contre le réseau al-Qaïda et les talibans. Aucun navire canadien n'a réalisé autant d'arraisonnements que le Winnipeg.

Il m'apparaît tout à fait logique de commencer mon exposé par une courte explication de la place qu'occupe l'arraisonnement dans l'ensemble de notre doctrine, des types d'opérations d'arraisonnement que nous effectuons, de la façon dont elles se déroulent ainsi que des fondements juridiques sur lesquels elles s'appuient.

Essentiellement, les opérations d'arraisonnement navales nous permettent d'assurer un contrôle efficace de l'espace maritime. Dans ce contexte, on entend par contrôle de l'espace maritime notre capacité d'exercer une surveillance complète de la zone visée ainsi que d'intercepter des navires suspects avant qu'ils ne pénètrent dans notre réseau de surveillance stratifié ou qu'ils ne prennent la fuite en haute mer.

Pour être efficaces, nous devons avoir des renseignements clairs et précis concernant l'endroit où se trouve chaque navire, sa destination et la cargaison qu'il transporte. Certes, nous possédons toute une gamme de détecteurs et de systèmes de renseignement qui nous aident à brosser un tableau de la situation sur le théâtre, mais dans bien des cas, les données ne sont pas suffisantes et ne nous permettent pas d'atteindre le niveau de confiance dont nous avons besoin pour garantir le succès de la mission qui nous est assignée.

Très souvent, la seule façon d'acquérir cette confiance est de visiter le navire, d'examiner les documents pertinents et d'effectuer une fouille superficielle ou même plus détaillée pour mettre à nu ses véritables activités et intentions. Comme vous pouvez l'imaginer, les navires qui se livrent à des actes illégaux ou qui participent peut-être au passage de terroristes présumés sont beaucoup moins enclins à collaborer que les navires qui s'adonnent à des activités commerciales habituelles. Notre système d'instruction et notre doctrine reconnaissent que tous les arraisonnements peuvent être classés dans deux grandes catégories: avec opposition et sans opposition.

Il est important de souligner qu'aucune équipe d'arraisonnement, dans quelque marine que ce soit, y compris la nôtre, n'effectue des «arraisonnements avec opposition». Ce genre d'opérations est confié à des forces spéciales qui sont formées et équipées à cette fin. Nos efforts portent surtout sur les arraisonnements sans opposition de navires marchands ainsi que de navires de pêche, de plaisance ou à usage spécial, dont l'équipage, coopératif ou non, n'est pas censé recourir aux armes lorsqu'il décide de résister.

Même s'il est peu probable qu'une opposition passive ou armée débute avant que l'équipe ne monte à bord, celle-ci pourrait se manifester au moment de l'arraisonnement. C'est pourquoi nos équipes ont reçu la formation nécessaire pour contrer toute opposition advenant une telle situation à tout moment durant l'arraisonnement.

La tactique dont nous nous servons dans le cas des arraisonnements sans opposition est entièrement tributaire du niveau de collaboration entre nous et le navire suspect. En général, il y a trois types d'arraisonnements sans opposition: les arraisonnements coopératifs, non coopératifs et entravés.

Les deux premiers sont les plus fréquents et on les appelle arraisonnements entièrement conformes. En pareils cas, nos équipes ne rencontrent aucune opposition ou menace d'opposition, qu'elle soit passive ou active, et le capitaine du navire ainsi que l'équipage se conforment pleinement à nos directives. À plusieurs reprises, nous avons eu à affronter des capitaines agressifs ou belliqueux qui tentaient d'utiliser des moyens dilatoires pour perturber le déroulement de l'arraisonnement ou pour tester notre détermination. Ces arraisonnements sont considérés peu coopératifs et, bien qu'ils se produisent de temps à autre, ces retards peuvent souvent être attribués à un simple obstacle linguistique.

Les arraisonnements les plus difficiles qui exposent le navire et l'équipe aux plus grands risques sont ceux qui sont entravés. Dans ce cas précis, le capitaine empêche les membres de l'équipe de monter à bord ou refuse de respecter les directives que j'ai données pour faciliter leur insertion.

Le navire est alors considéré comme non conforme, et la seule façon d'exécuter l'arraisonnement est d'y accéder et de prendre les commandes. Afin d'éviter de placer mon équipe dans une situation qui échappe à son contrôle ou de lui assigner une mission pour laquelle elle n'a pas été formée, je dois absolument m'assurer que le navire suspect ne transporte pas d'armes à feu et que rien ne laisse croire que l'équipage opposera une résistance farouche pour nous repousser. Une fois à bord, l'équipe peut très bien se défendre, mais avant d'y monter elle est exposée et vulnérable.

Bien que tous les arraisonnements comportent un élément de risque tant pour l'équipe qui mène l'opération que pour son navire, le niveau de risque dépend généralement du degré de collaboration dont fait preuve le navire suspect. L'approche que nous avons adoptée à l'égard des trois types d'arraisonnement consiste à obliger le navire à se conformer aux directives, réduisant ainsi le risque auquel l'équipe est exposée. Nous essayons tout d'abord d'avoir recours au dialogue et à la diplomatie, puis à la contrainte. Si toutes ces mesures échouent et si les règles d'engagement l'autorisent clairement, nous utilisons la menace et, en dernier ressort, la force armée.

J'ai inclus dans la documentation que nous vous avons remise un reportage média de ce qui a sans doute été l'arraisonnement entravé le plus difficile jamais effectué dans l'histoire de la Marine canadienne. Dans les derniers jours de notre premier déploiement dans le golfe Arabo-Persique, le Winnipeg a réussi à arraisonner le navire motorisé Hassan, passeur très expérimenté et rusé qui concentrait son activité dans les eaux septentrionales du golfe Arabo- Persique.

Il y a un aspect qui ne ressort pas bien dans ce que vous avez peut-être eu l'occasion de lire. Il s'agit de l'effort qu'il faut investir pour mener des opérations d'arraisonnement, car celles-ci sont très complexes et mettent en cause tout l'équipage. Ce que j'entends par là, c'est que, même si notre équipe d'arraisonnement comprend deux vagues de 10 femmes ou femmes, la mise en place de l'infrastructure requise pour la déployer et l'appuyer mobilise l'ensemble du navire tout le temps que dure l'activité. Presque tous les secteurs de l'organisation du navire contribuent à la sécurité et à la réussite des arraisonnements.

Ce dont nous faisons état dans les documents que vous avez peut-être lus, c'est, à bien des égards, l'aboutissement de plus de 10 années d'efforts en vue de nous doter de la capacité voulue. Il nous a fallu tout ce temps pour bien former le personnel, pour déterminer les acquisitions mineures d'immobilisations et pour acquérir l'expérience pratique nécessaire et apprendre, avec forte difficulté, les leçons qui nous ont menés là où nous sommes aujourd'hui.

Je dois préciser que les compétences requises pour conserver cette capacité sont très éphémères. Sans un programme de formation continue et spécialisée, les risques auxquels le personnel est exposé augmenteraient de façon rapide et spectaculaire. Même si tous les arraisonnements récents du Winnipeg ont eu lieu dans le cadre d'opérations internationales, il importe de souligner que nous sommes capables d'offrir le même appui aux autres ministères dans l'exercice de leurs responsabilités nationales. Toutefois, il y a un certain nombre de conflits de compétence importants entre les deux.

Dans le golfe Arabo-Persique, les opérations d'interdiction ont été menées en vertu du «droit de visite». Cependant, la Marine n'est aucunement autorisée de par la loi à exécuter des arraisonnements à l'intérieur de la zone économique exclusive, de la zone contiguë ou des eaux territoriales du Canada, car ceux-ci sont régis par le droit canadien, et l'application des lois canadiennes dans ces secteurs relève uniquement des autorités civiles, à savoir la GRC, le MPO, Douanes Canada et Immigration Canada.

Ces autorités sont chargées d'appliquer toutes les lois canadiennes dans nos eaux territoriales de 12 milles marins et seulement les lois canadiennes portant sur l'immigration et l'environnement dans la zone contiguë de 24 milles marins. À l'intérieur de la limite de 200 milles marins de notre zone économique exclusive, les lois économiques canadiennes, concernant l'extraction de minerais et la pêche, sont appliquées.

Ce lien entre le rôle de la Marine et l'exécution de la loi existe chez tous nos alliés, en ce sens qu'aucune démocratie occidentale ne confie à ses forces armées un mandat dont le but premier est d'appliquer la loi. Nous sommes toutefois chargés d'appuyer les organismes civils d'application de la loi s'il y va de l'intérêt du pays et si l'aide requise dépasse les capacités de ces derniers.

À l'extérieur de nos eaux territoriales de 12 milles marins, dans les eaux internationales, les navires relèvent de la seule compétence de l'État du pavillon, qui a le droit de limiter leur liberté de navigation. Dans ce cas précis, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ainsi que les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU nous donnent le mandat ou l'autorisation légale d'effectuer des arraisonnements.

Le sénateur Forrestall: J'ai beaucoup aimé votre exposé et celui du commandant Earnshaw, et tout particulièrement celui du capitaine Kelly, car vous êtes en quelque sorte les derniers et les premiers et les meilleurs. Vous avez parlé de votre couverture médiatique. Le seul navire canadien que nous avons vu plus souvent que le Winnipeg sur nos écrans de télévision est, bien sûr, l'Iroquois ici à Dartmouth, qu'on voyait avec un hélicoptère pendant de son pont. Je vous souhaite la plus chaleureuse des bienvenus.

Amiral, je voudrais commencer par vous demander de nous en dire un peu plus long sur la pause que vous avez accordée à la Marine canadienne ces derniers mois. Nous serions curieux de savoir comment le tout s'est déroulé et si la pause permettra d'atteindre les objectifs escomptés. La Marine sera en meilleur état après, c'est sûr, mais dans quelle mesure et de quelle façon?

Vous vous souviendrez peut-être, si vous avez eu l'occasion de parcourir certains de nos rapports, que nous avions recommandé d'en faire autant pour nos forces terrestres. Y a-t-il une leçon à tirer de votre expérience dont pourraient profiter vos collègues des forces terrestres, voire de l'aviation aussi, quoique d'une façon différente peut-être?

Ensuite, pourriez-vous nous donner une idée de l'état de notre infrastructure dans le secteur Atlantique, et dans le secteur Pacifique aussi? Nos bâtiments terrestres sont-ils en bon état? Nos quais sont-ils dans un état acceptable? Avons-nous une capacité de maintenance de la flotte suffisante pour nous permettre d'en assurer à tout le moins l'entretien pendant toute sa vie utile?

Enfin, même si la tribune que nous vous offrons ici n'est pas très confidentielle, je me dois de vous demander dans quelle mesure, le cas échéant, l'absence d'un hélicoptère opérationnel fiable nuit à votre capacité à effectuer ces opérations où le niveau de danger est élevé?

Le Cam Davidson: Merci beaucoup, sénateur, pour cette série de questions en trois volets. Je vais y répondre dans l'ordre, si vous le voulez bien.

Prenons tout d'abord la pause opérationnelle. Permettez-moi d'être très clair: nous sommes en train de régénérer notre capacité et notre flotte n'a pas été amarrée pour autant. Nos navires sont en mer. Nous en avons qui effectuent des opérations de routine et de la surveillance dans la région des Grands Bancs. Nous en avons qui, dans un mois, vont être déployés dans les Virginia Capes pour s'y livrer à des activités de formation intensive avec les États-Unis. Nous en avons d'autres encore qui reviennent tout juste de faire des exercices de formation que nous avons envoyés dans le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent pour établir des contacts avec la population canadienne.

Nous procédons actuellement à un regroupement à la suite de nos déploiements. Fait intéressant, pendant le temps où nous nous préparions à participer à l'opération APOLLO, nous avons dû consacrer toutes nos énergies à apprêter les navires assignés à cette mission, puis pendant la durée du déploiement, qui dans certains cas pouvait atteindre 75 jours consécutifs en mer — les déploiements étaient généralement d'une durée de sept mois. Il n'y a pas eu beaucoup de concertation avec nos alliés ni même, au tout début, avec notre groupe de travail à nous. Il s'agissait essentiellement d'opérations réparties sur un territoire considérable.

Nous avons constaté qu'il y a des compétences qu'il nous faut maintenir et renforcer qui finissaient par se détériorer pendant ces déploiements. Assez paradoxalement, quand nos navires se trouvent sur un théâtre où les hostilités et la menace pourraient évoluer très rapidement, il est très difficile de maintenir la préparation au combat de l'ensemble de la flotte puisque toutes les énergies ou presque sont consacrées à suivre la situation sur le terrain et à intercepter des navires.

Nous avons donc décidé de nous concentrer sur le renforcement de la préparation au combat de l'ensemble de la flotte, objectif qui occupe beaucoup de nos efforts à l'heure actuelle. Par conséquent, nos navires vont en mer et nous continuons à faire des choses et à être actifs. Voilà ce qui est prévu pour l'année en cours et l'année prochaine.

Nous participerons à des activités avec la Force navale permanente de l'Atlantique au cours de l'année qui vient, mais la nature de ces activités et le moment où elles seront menées dépendra de plusieurs facteurs, y compris de la reconfiguration qui doit être faite de la structure maritime de l'OTAN.

Je dirais que la démarche dans laquelle nous sommes engagés s'inscrit dans une optique exclusivement maritime et que les circonstances dans lesquelles nous effectuons nos activités de formation, nos opérations et nos déploiements sont propres à notre rôle à nous et à notre modèle organisationnel. Je ne voudrais pas chercher à en tirer de leçon pour qui que ce soit d'autre, parce que nous sommes occupés, nous sommes engagés et ainsi de suite.

Vous m'avez ensuite demandé, sénateur, ce qu'il en est de l'infrastructure, des bâtiments, des quais et de nos installations de maintenance de la flotte. Nous avons ici même à Halifax une infrastructure énorme, et j'ai notamment la responsabilité de 41 sites qui se trouvent dans la partie est de la Nouvelle-Écosse qui représente les deux tiers du territoire de la province. C'est donc moi qui suis responsable des installations de l'Armée et de l'Aviation à Shearwater, par exemple, outre la vingtaine d'emplacements de la Marine ici dans la région de Halifax.

Nous avons un plan d'action qui vise l'amélioration graduelle de cette infrastructure. Quand je suis revenu à Halifax l'été dernier, après en avoir été absent depuis 1984, j'ai été notamment frappé par l'investissement très considérable qui avait été fait dans le renouvellement de l'infrastructure pendant cette période. Ainsi, on peut voir près des quais et jusqu'à la base de Stadacona, des bâtiments qui, dans certains cas, n'ont conservé que leur charpente et leur revêtement extérieur et qui ont été complètement refaits à l'intérieur.

L'exemple le plus frappant est peut-être celui des installations de formation à la base de Stadacona. Les anciennes installations qui servaient pour les exercices de simulation pour le personnel navigant et l'équipe des opérations ont été complètement rénovées, et nous disposons maintenant d'une installation unique au monde, où l'on trouve deux centres complets pour les opérations frégate, avec passerelles et tout le reste. On peut y former simultanément toute l'équipe des opérations passerelle de deux navires; les deux équipes sont reliées et peuvent ainsi participer à une formation très complète en vue du déploiement de leurs navires. C'est là un volet extrêmement important de nos activités, et nous y avons investi constamment pendant tout ce temps.

La Marine a aussi un plan d'action stratégique de remise en état des jetées. Il y a à Halifax des jetées sur pilotis qui remontent à la Seconde Guerre Mondiale et que nous prévoyons remplacer — il en reste encore deux à remplacer. Nous avons investi de façon assez constante dans l'installation de maintenance comme telle. Nous venons tout juste d'inaugurer le printemps dernier, comme vous le savez, le nouveau bâtiment pour le soutien des systèmes de combat. Il y a toujours d'autres améliorations à faire.

Un des défis auxquels nous nous heurtons chaque année dans la gestion de nos ressources, c'est de déterminer le degré de maintenance permanente que nous pouvons assurer.

Le sénateur Forrestall: L'entretien de la jetée à Shearwater est-il entièrement conforme, et cette jetée répond-elle aux besoins en matière de sécurité et de service?

Le Cam Davidson: Elle est actuellement en train d'être rénovée.

Le sénateur Forrestall: Ah, oui.

Le Cam Davidson: Oui. Elle s'était considérablement dégradée. Elle avait été construite pour soutenir le transporteur, bien sûr, et elle s'était considérablement dégradée. Elle répond maintenant aux normes, et nous y avons un dispositif de sécurité très serré dans lequel j'ai entièrement confiance pour les navires étrangers qui y mouillent — et c'est surtout à cela qu'elle sert.

Le sénateur Forrestall: Recevez-vous une compensation suffisante? Il ne faudrait pas que l'utilisation de Shearwater vous échappe encore davantage?

Le Cam Davidson: Nous nous éloignons pas mal de la sécurité maritime, sénateur.

Le sénateur Forrestall: Vous allez être surpris. Attendez un peu que j'aborde la question des Halifax Rifles et de l'endroit où ils vont se retrouver.

Le Cam Davidson: Il est très important pour nous de pouvoir continuer à utiliser la jetée de Shearwater. Si vous me le permettez, je voudrais répondre brièvement à votre dernier point, au sujet des opérations en hélicoptère.

Le sénateur Forrestall: Vous ne voudriez pas dire que cela est «très, très important» pour vous?

Le Cam Davidson: Je dirais en effet que c'est essentiel pour nous, sénateur.

Le sénateur Forrestall: Peureux!

Le Cam Davidson: Sénateur, votre quatrième question portait sur les opérations en hélicoptère. Bien entendu, tous les navires qui sont déployés à partir de Halifax quittent le port avec à leur bord un hélicoptère Sea King et un département de l'air. Tous sans exception.

Nous attendons avec impatience le remplacement de cet hélicoptère, mais je tiens à dire, comme d'autres l'ont déjà dit à maintes et maintes reprises, que je reconnais toute la valeur du travail de ces jeunes hommes et de ces jeunes femmes qui pilotent ces hélicoptères et qui en assurent la maintenance, et qu'ils ont toute ma confiance. Je suis moi- même appelé à piloter ces hélicoptères. Mon frère est pilote lui aussi, et les jeunes hommes et les jeunes femmes qui font ce travail ont toute ma confiance.

Nous avons maintenant un hélicoptère extraordinaire qui nous est très utile pour nos opérations de recherche et de sauvetage et que nous considérons comme un précieux atout. Dans ces deux secteurs qui relèvent de ma responsabilité, à savoir la recherche et le sauvetage, l'hélicoptère qui est maintenant en service à Gander et à Greenwood est vraiment remarquable, il nous permet de faire un excellent travail pour ce qui est de sauver des vies en mer, et ceux qui s'occupent de la maintenance de nos hélicoptères actuels pour les garder en service font bien leur travail.

Le sénateur Forrestall: Combien y en a-t-il qui sont en service et opérationnels à l'heure actuelle?

Le Cam Davidson: Je crois qu'il y en a 28.

Le sénateur Forrestall: Pourrais-je poser au capitaine Williams la même question au sujet de la fiabilité de l'hélicoptère? Si vous vouliez bien répondre, je vous en serais reconnaissant.

Le Capt Williams: J'ai eu la chance de participer à deux déploiements avec un hélicoptère en bon état de service dont le soutien était assuré à partir de Pat Bay, sur la côte Ouest. Les deux fois, même si nous avons eu quelques problèmes de maintenance, ce qui n'est pas surprenant étant donné qu'il a 35 ans, l'hélicoptère a volé bien au-delà de 500 heures dans le cadre d'activités de soutien aux opérations d'interdiction maritime, la première fois, et aux opérations d'interdiction des chefs des réseaux terroristes, la deuxième fois.

L'hélicoptère présente plusieurs défauts opérationnels. Son fonctionnement n'est pas optimal pour les activités nocturnes. Lors du premier déploiement, quand nos activités de chasse nous emmenaient jusqu'aux limites septentrionales du Golfe, c'était là quelque chose qui limitait notre action, comme il en a été fait état dans la description des exigences opérationnelles en vue de l'acquisition d'un nouveau type d'hélicoptère. Comme l'a dit l'amiral, nous attendons avec impatience l'arrivée de cette nouvelle capacité dont les Forces canadiennes seront dotées en temps et lieu.

L'hélicoptère faisait partie intégrante de la capacité du navire, et l'équipe a travaillé d'arrache-pied pour le garder en opération. L'hélicoptère a tout de même 35 ans et il a des défauts opérationnels qui sont bien connus.

Le sénateur Cordy: Je tiens tout d'abord à souligner la très grande valeur des militaires que nous avons rencontrés dans les différentes bases du Canada. Étant moi-même de la Nouvelle-Écosse et résident de la municipalité régionale de Halifax, je tiens toutefois à souligner plus particulièrement le travail des militaires, hommes et femmes, de la région de Halifax, surtout leur travail des dernières années. Il y a eu la Guerre du Golfe, et nos militaires ont certainement joué un rôle très actif dans la guerre contre le terrorisme.

Tout comme mon collègue, même si les terres et les hélicoptères de Shearwater ne sont pas tout à fait notre propos aujourd'hui, je ne peux pas m'empêcher, puisque je vis dans cette région, de demander des assurances comme quoi les terres de Shearwater ne seront pas vendues pour qu'on y construise des condominiums et comme quoi les hélicoptères Sea King sont vraiment sécuritaires. On m'a répété à maintes et maintes reprises qu'ils le sont, et je félicite ceux qui en assurent la maintenance, car nous avons la preuve qu'ils le sont. Amiral, je trouve que vous avez répondu avec beaucoup de tact, et nous serions tous d'accord pour dire que nous attendons avec impatience le remplacement de ces hélicoptères.

Commandant Earnshaw, vous avez parlé de liaison et d'échange d'information. Même si personne n'aurait souhaité ce qui est arrivé ce jour-là, le 11 septembre a eu cela de bon que les ministères du gouvernement ont maintenant des échanges, car on nous avait répété à maintes reprises que ce n'était pas le cas. Comment cela se passe-t-il? Comment la communication se fait-elle? Vous avez dit que les ministères ont mis sur pied des mécanismes de liaison, mais pourriez- vous nous expliquer comment se fait la communication entre les divers ministères en ce qui concerne la sécurité?

Le Cam Davidson: Si vous le permettez, je vais commencer et je laisserai au commandant Earnshaw le soin de terminer. La coopération et l'engagement se situent à plusieurs niveaux ici à Halifax en particulier, et dans le Canada atlantique, à partir de mon niveau. J'ai maintenant des liens étroits avec les autorités locales et les représentants d'autres ministères fédéraux. Nous engageons la discussion au fur et à mesure que les problèmes ou les questions se posent. Sont notamment parties aux discussions la GRC, et plus particulièrement le SCRS, l'administration portuaire ici à Halifax, et cetera.

Quand il y a des problèmes ou des questions qui se posent à partir de mon niveau en descendant, nous nous rencontrons ou bien de façon informelle ou bien dans le contexte, par exemple, du Conseil fédéral de la Nouvelle- Écosse, ce regroupement de directeurs généraux qui réunit des représentants de tous les ministères de la région. Ce regroupement comprend des comités formels et informels qui s'occupent de grandes questions ou de questions découlant d'incidents précis. Le commandant a parlé du groupe d'évaluation de la menace. Il s'agit d'un groupe qui a été mis sur pied assez récemment et qui réunit des gens pour discuter de questions en particulier. Il y a un sous-comité de la sécurité du Conseil fédéral qui regroupe des représentants au niveau des directeurs, en l'occurrence le niveau capitaine pour nous. Il y a aussi le Comité interministériel des opérations maritimes pour l'est du Canada qui réunit des représentants de beaucoup de ministères. Chaque ministère en assume la présidence à tour de rôle. C'est nous qui assurons la présidence à l'heure actuelle.

Ce comité a fait un excellent travail de consultation, et je crois qu'il en est à la cinquième ébauche d'un document qui vise à énumérer les nombreuses pistes fonctionnelles qui permettraient d'assurer la coopération et la sécurité dans l'est du Canada.

Commandant Earnshaw, vous voudrez peut-être donner plus de détails au sujet de certaines des consultations en cours au niveau opérationnel.

Le Captf Earnshaw: Comme vous avez été dans l'enseignement, madame, vous serez peut-être scandalisée par cette affirmation, mais le travail de renseignement se résume finalement à du plagia. Nous utilisons, empruntons ou volons tout ce sur quoi nous pouvons mettre la main en fait d'informations, de quelque agence qu'elles proviennent. Aussi, nous partons d'abord et avant tout du travail de notre service du renseignement pour nous aider à nous faire une idée de la situation. Nous consultons des sources américaines. Il existe une multitude d'accords bilatéraux. Les Américains contrôlent l'information de cette façon parce qu'ils n'aiment pas traiter avec des tiers. Ils veulent bien avoir un accord bilatéral avec le Canada, que nous appelons «CANUS». Ils nous fournissent ainsi de l'information dont nous ne pouvons pas parler aux Britanniques, mais les Américains vont eux-mêmes discuter avec eux de cette même information.

Ils veulent contrôler l'information, mais ils sont aussi la plus importante source de renseignement. Nous nous évertuons à améliorer notre relation avec les milieux américains du renseignement, avec les services de renseignement de tous nos alliés, si bien que l'échange d'information dépasse le cadre strict des accords. Nous avons tous des accords signés qui stipulent que nous allons échanger ceci et cela, mais si on ne fait confiance à la personne qui est au bout du fil ou à la sécurité du dispositif de communications, on ne va pas communiquer l'information. Nous travaillons donc sur ce front-là et, chose certaine, cela nous rapporte des dividendes.

D'autres ministères gouvernementaux sont aussi engagés dans cette voie. Il y a quatre ou cinq ans, je suis sûr qu'il y avait très peu de réunions ou de rencontres entre organismes pour discuter des menaces à la sécurité maritime du Canada. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les membres de mon personnel s'entretiennent quotidiennement avec des représentants du SCRS, de la GRC, de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et ils ont aussi des échanges hebdomadaires avec d'autres organismes. Nous venons tout juste de tenir une rencontre du groupe d'évaluation de la menace. Étant donné les changements d'affectation qui se font pendant l'été, le groupe comprend maintenant de nouveaux représentants, alors nous nous sommes rencontrés pour faire connaissance et pour que nous ayons l'assurance que l'information, dès qu'elle surgit, sera communiquée aux divers ministères. Cela représente un progrès énorme pour les milieux du renseignement.

Pourrions-nous faire mieux? Toujours. Rien ne sera jamais parfait ou sûr à 100 p. 100. Nous devons continuer à resserrer ces liens pour veiller à ce que l'information disponible soit diffusée parmi tous les autres ministères. Lorsqu'une menace nous est signalée, le groupe d'évaluation se réunit. Nous communiquons alors aux membres de ce groupe les renseignements de sécurité que nous possédons sur cette situation, cet événement ou ces circonstances.

Nous revenons ensuite dans nos propres ministères et nous expliquons aux personnes concernées quelle est la nature de la menace qui plane. Les services opérationnels établissent ensuite la façon de réagir à cette menace. Nous passons ensuite au peigne fin ces renseignements pour établir si la menace s'inscrit dans un ensemble d'autres menaces.

Pour conclure sur ce sujet, nous avons accru le partage de renseignements de sécurité, pas seulement avec nos alliés, mais aussi avec d'autres ministères, et à l'intérieur même des forces armées. Chacun est conscient du fait que l'information doit être partagée pour qu'il soit possible au service opérationnel d'intervenir en cas de besoin.

Le Cam Davidson: Permettez-moi de faire une parenthèse. Outre les liens dont nous parlions, il existe aussi une liaison suivie avec les autres ministères, et nous avons du personnel qui travaille en étroite collaboration avec d'autes ministères.

Le sénateur Cordy: D'où provient l'information que vous recueillez? Est-elle disponible à tous les ministères? Cette information est-elle communiquée, outre à vos propres services, à l'Agence des douanes et au ministère de l'Immigration?

Le Captf Earnshaw: Elle le serait en cas de menace à la sécurité. Le groupe d'évaluation des menaces a discuté de la question la semaine dernière. L'Agence des douanes et du revenu du Canada reçoit un grand nombre de «tuyaux». Certains d'entre eux sont très vagues. L'agence ne communique pas immédiatement tous les tuyaux qui sont vagues parce qu'ils sont trop nombreux. Si l'agence obtient cependant de l'information lui permettant de supposer qu'une menace plane ou de l'information qui serait utile à un autre ministère, elle verra à ce que cette information soit transmise lors d'une réunion ou par voie téléphonique.

Le sénateur Cordy: Qui décide si l'information doit être partagée et avec qui? Est-ce le groupe d'évaluation des menaces?

Le Captf Earnshaw: Le groupe d'évaluation des menaces se réunira si les renseignements de sécurité recueillis donnent à penser qu'une menace existe sur la côte est du Canada. Le groupe ne se réunit pas chaque semaine pour discuter des renseignements de sécurité. Des membres de nos personnels respectifs se téléphonent cependant tous les jours et échangent de l'information. C'est de cette façon que serait communiquée toute information qui intéresse plus d'un ministère. S'il y avait lieu de s'inquiéter, l'information serait transmise à moi et ensuite à l'amiral et, le plus rapidement possible, au personnel opérationnel.

Le sénateur Cordy: Vous nous avez donné des exemples de photos que vous avez prises de bateaux circulant dans cette région maritime. La Marine utilise-t-elle la surveillance par satellite?

Le Captf Earnshaw: Nous sommes en mesure d'utiliser RADARSAT, mais cet outil de surveillance n'est pas vraiment idéal en raison du temps qui s'écoule avant que le satellite repasse au-dessus de la même région. Nous tenons cependant compte de ces données obtenues par satellite lorsque nous faisons la chasse à un navire qui traverserait l'Atlantique, par exemple. La surveillance par satellite n'est pas particulièrement bien adaptée à des besoins qui changent.

Autrement dit, on ne peut pas simplement appeler l'organisme responsable de la surveillance par satellite et lui demander une photo d'une région à des moments donnés. Si le satellite ne passe pas sur cette partie de l'océan, l'organisme n'y peut rien. Nous utilisons les satellites pour recueillir des renseignements de sécurité, mais je ne peux pas en dire plus parce qu'il s'agit de renseignements confidentiels. Je sais qu'on vous a déjà parlé du sujet, mais comme il s'agit de renseignements confidentiels, je préférerais ne pas en dire davantage.

Le sénateur Cordy: Capitaine Williams, j'aimerais que vous nous parliez de votre expérience de l'arraisonnement de navires. Je ne savais pas avant ce matin que la loi ne permet pas à la Marine d'arraisonner des navires dans notre zone économique. Vous avez parlé de l'affectation de membres de forces spéciales à bord des navires. Je suppose que vous ne rencontrez aucune opposition la majeure partie du temps lorsque vous arraisonnez un navire, mais si vous faisiez face à une situation difficile, pourriez-vous faire appel aux membres des forces spéciales à bord des navires ou vous faudrait-il appeler des renforts par radio?

Le Capt Williams: Vous demandez essentiellement comment nous réagirions et dans quelle position nous nous trouverions dans une telle situation. Si nous faisons face à une opposition lors de l'arraisonnement d'un navire, nous compterions beaucoup sur les renseignements de sécurité recueillis. Ces renseignements nous permettraient de nous préparer à la situation et nous nous assurerions d'avoir à bord des membres des forces spéciales.

Le Canada possède d'excellentes équipes antiterroristes et nous veillerions à ce que des membres de ces équipes soient à bord de nos navires de manière à ce que nous puissions réagir de façon adéquate à la menace.

Le sénateur Cordy: Ces personnes ne feraient pas normalement partie de l'équipage du navire. Vous feriez appel à leur service parce que les renseignements de sécurité dont vous disposeriez vous auraient amenés à craindre un danger.

Le Capt Williams: C'est juste.

Le sénateur Wiebe: Ma question fait suite à celle du sénateur Cordy. Je savais que la capacité d'intervention de la Marine canadienne dans nos propres eaux était limitée, mais j'ignorais jusqu'à ce matin toutes les contraintes auxquelles elle était soumise.

Au plan international — et je sais qu'il s'agit du ministère de la Défense —, pourriez-vous nous expliquer ce qui empêcherait la Marine d'adopter un rôle offensif? Devons-nous comprendre que notre marine fait face à trop de contraintes lorsqu'il s'agit d'arraisonner un navire qui se dirige vers nos côtes et qui est mal intentionné?

Pourriez-vous nous expliquer quelles sont ces contraintes? Si ce n'est pas vos services qui arraisonneraient le navire, qui le ferait?

Le Capt Williams: Sénateur, le processus peut sembler compliqué, mais il est en fait assez simple. Les opérations d'arraisonnement à l'intérieur de notre zone économique ou de nos limites territoriales découlent de l'intérêt national. La Marine canadienne est en mesure d'arraisonner des navires où qu'ils se trouvent et rien ne l'empêche vraiment à part nos lois nationales. En cas de crise nationale ou d'attentat terroriste, les capitaines des navires auraient le mandat d'arraisonner les bateaux posant une menace.

Si vous vous souvenez de ce qui s'est passé lors des événements du 11 septembre, des pilotes de F-18 ont fait des patrouilles aériennes de combat au-dessus des principales villes du pays en fonction des règles d'engagement qui s'appliquent en cas de crise nationale.

La même chose s'appliquerait dans le cas de la Marine. Nous avons la formation voulue pour intervenir et nous le ferions. À mesure que la menace s'intensifierait, la Marine mettrait à exécution son mandat national en matière de sécurité.

Le Cam Davidson: Sénateur, j'aimerais que nous poussions un peu plus loin la discussion sur ce sujet. Le capitaine Williams a parlé de la fonction qui vous est confiée d'appliquer les lois nationales. Nous appuyons d'autres ministères. Nous appuyons les activités des agents de la GRC et des agents du ministère des Pêches. Aux termes d'accords qui sont actuellement en place, nous offrons sur la côte Atlantique 125 jours de navigation pour appuyer les activités du ministère des Pêches. Des agents du de frégates. Nous fournissons au ministère des Pêches les navires dont il a besoin pour mener ses inspections.

Le sénateur Wiebe: Voici maintenant ma seconde question: les navires de défense côtière peuvent-ils accueillir à bord des groupes d'arraisonnement semblables à ceux qu'on a utilisés à l'échelle internationale?

Le Cam Davidson: Les groupes d'arraisonnement qui sont déployés à partir des frégates sont deux groupes de 10 militaires, soit 20 militaires au total. Les membres de ces groupes d'intervention possèdent une formation rigoureuse allant des descentes en rappel et de l'escalade de conteneurs aux inspections et au maniement d'armes de point. Ce genre d'équipes peuvent être à bord des gros navires. Le type d'arraisonnement dont a parlé le capitaine Williams peut être effectué par de gros navires.

Les petits navires comptent un équipage de moins de 50 personnes et s'ils peuvent aider d'autres ministères au besoin, ils ne peuvent pas mener le même genre d'activités que les navires de défense côtière.

Le sénateur Wiebe: Qu'est-ce qui explique cette différence? Qu'est-ce qui explique cette exigence s'il ne s'agit que de deux équipes de 10 personnes chacune, soit de 20 personnes au total? Est-ce la puissance de feu du navire? Est-ce sa vitesse? Pourriez-vous nous dire ce qu'il en a à ce sujet?

Le Capt Williams: Sénateur, le comité a jusqu'ici concentré son attention lorsqu'il était question d'arraisonnement sur les équipes qui participent à ces opérations. En les voyant en action, on se rend vite compte de ce qu'elles peuvent faire. Ce qui permet cependant vraiment à ces équipes de faire leur travail d'arraisonnement, ce sont les frégates elles- mêmes.

Les frégates possèdent la manœuvrabilité et la vitesse voulues pour participer à ce genre d'opérations. Certains des navires que nous arraisonnons sont très gros. Ils sont en fait énormes. Ils sont de la taille des navires qui entrent et qui sortent du port de Halifax régulièrement.

Je me suis retrouvé dans la situation où l'un de ces navires se trouvait à 100 verges de ma proue et j'ai dû faire machine arrière à toute vapeur pour m'enlever de son chemin et prévenir une collision. Tous les arraisonnements dont nous avons parlé et qui ont été portés à la connaissance du comité ont jusqu'ici été de nature administrative.

Lorsqu'il s'agit d'arraisonnement tactique et que le capitaine du navire ne collabore pas, si l'on veut manifester la volonté nationale d'intervenir, la vitesse et la manœuvrabilité et la capacité que vous donne un gros navire pour vous rapprocher et pour faire machine arrière lorsqu'un problème survient sont des éléments tout à fait essentiels.

Sur les côtes Est et Ouest, les conditions environnementales exigent l'utilisation d'un navire d'une certaine taille si l'on veut effectuer des arraisonnements. Tout un ensemble de facteurs influent sur la taille du navire et les capacités des équipes d'arraisonnement.

Le sénateur Wiebe: Déployons-nous à tout moment une frégate sur chaque côte pour nous assurer que nous sommes en mesure d'intercepter un gros navire s'il y a besoin de le faire, ou nous sommes-nous déjà retrouvés dans la situation où un navire était en cale sèche pendant que les autres étaient en service?

Le Cam Davidson: Un bâtiment de garde est déployé sur chaque côte 24 heures par jour, 7 jours par semaine et 365 jours par année. Le navire doit pouvoir être déployé dans un délai maximal de huit heures. Nous avons recours tant aux navires de défense côtière qu'aux frégates. Ce sont surtout les frégates/destroyers qui sont des navires de garde. Si un navire de défense côtière est désigné bâtiment de garde, il peut compter sur l'appui d'une frégate.

Le sénateur Wiebe: Ma dernière question vient de nulle part, mais j'aimerais que vous y répondiez. La Garde côtière canadienne et la Marine canadienne devraient-elles être fusionnées pour assurer ensemble notre défense côtière?

Le Cam Davidson: Vous devriez poser la question au témoin suivant qui représente la Garde côtière.

Le sénateur Wiebe: J'aimerais le point de vue de la Marine sur cette question.

Le Cam Davidson: Le point de vue de la Marine, sénateur, est que nos deux organismes ont des rôles complémentaires. Le gouvernement du Canada nous a attribué des rôles et des responsabilités très clairs.

Je peux songer à des situations où il serait bon qu'il y ait un commandement et un contrôle centralisés dans le cas d'opérations précises. Cela n'exige pas une amalgamation. Je ne peux pas envisager de circonstances où il serait avantageux que ces deux branches maritimes du gouvernement ne fassent qu'une.

Le sénateur Wiebe: Je suis sûr que cela se ferait si on vous le demandait, mais est-ce que cette mesure plairait au personnel de la Marine?

Le Cam Davidson: Nous ne voulons pas étendre nos opérations, sénateur. Nous avons une tâche à accomplir. Nous avons un mandat et nous avons les outils voulus pour le réaliser. Nous ne cherchons pas pour l'instant à nous fusionner à un autre organisme.

Le Capt Williams: Sénateur, permettez-moi d'ajouter que la Garde côtière s'occupe de la sécurité maritime. Notre Marine doit veiller à protéger notre liberté.

Le sénateur Wiebe: Expliquez-moi quelle est la différence.

Le Cam Davidson: Entre la sécurité et la liberté?

Le sénateur Wiebe: Oui.

Le Cam Davidson: C'est comme si vous demandiez qu'est-ce que la justice?

Le président: J'ai l'impression, collègues, que nous nous engageons sur un terrain glissant semé d'écueils.

Le sénateur Forrestall: C'est pourtant très intéressant.

Le sénateur Wiebe: Cela fait partie du problème.

Le président: Vous avez raison.

Le sénateur Smith: J'aimerais remercier notre groupe de témoins qui nous a donné un bon aperçu du rôle de la Marine.

Je ne compte moi-même pas d'expérience militaire autre que la fameuse formation que j'ai suivie en Bosnie. C'est peut-être parce que j'ai fait des études de droit que je veux toujours aller au fond des choses lorsque j'examine une question. Permettez-moi de vous faire part de ma réflexion sur le sujet.

En un mot, je crois que les établissements militaires actuels ont été créés au départ pour répondre à des menaces militaires traditionnelles. Je songe évidemment à la menace que constituent d'autres forces militaires. C'est logique. Pourquoi en serait-il autrement?

Nos forces militaires ont donc été conçues pour que nous jouions notre rôle dans la guerre froide. Au début des années 90, presque du jour au lendemain, quelque chose s'est produit qui nous semblait impensable lorsque nous grandissions. La guerre froide a pris fin. Tous ces anciens pays du Pacte de Varsovie rivalisent presque les uns avec les autres pour voir quel sera le premier à faire partie de l'OTAN.

Je crois que le plus grand défi auquel font maintenant face les établissements militaires en général, y compris ceux du Canada et en particulier ceux des pays de l'OTAN, est de voir si les ressources financières que nous affectons dans le domaine militaire sont dépensées de la façon qui nous permet le mieux de relever les défis auxquels nous sommes confrontés au plan militaire. Comme c'est le cas pour tous les autres secteurs gouvernementaux, ces ressources ne sont jamais considérées suffisantes. C'est normal.

Quels sont les défis de nature militaire auxquels nous sommes maintenant confrontés? La guerre froide n'existe plus. La menace ne provient donc pas de forces militaires traditionnelles.

Outre la question de la guerre froide — et le Canada se trouve dans une situation unique à cet égard — il y a celle du rôle de gardien de la paix que le Canada joue depuis un demi-siècle. C'est un rôle dont je suis très fier comme Canadien et dont je souhaite le maintien.

Je pense aussi que les Canadiens s'attendent à ce que les forces armées, chaque fois que c'est logique, utile et pratique qu'elles le fassent, jouent un rôle dans la nouvelle guerre contre le terrorisme de façon générale.

Nous voici à Halifax. Nous voici avec des représentants de la Marine. Quand quelqu'un comme moi qui vient de Toronto pense à la Marine, il pense d'abord à Halifax. Il pense aussi à Esquimalt. Halifax est vraiment le lieu par excellence de la Marine. Permettez-moi de vous donner un exemple.

Nous voici réunis ce matin. On ne nous a pas dit un seul mot au sujet d'une décision qui a été prise ces dernières années et sur laquelle je me suis beaucoup interrogé et c'est celle de l'acquisition des sous-marins.

Ces sous-marins ont sûrement été conçus pour la guerre froide. Les Britanniques ont décidé de les mettre au rancart sans doute pour des raisons valides. Je connais les raisons officielles qui ont été données. On ne nous a rien dit ce matin au sujet des sous-marins.

Prenons l'exemple des sous-marins et voyons si la Marine pense que l'argent qui lui est donné est vraiment utilisé de la meilleure façon possible pour relever les défis militaires auxquels fait face le Canada à l'heure actuelle. On ne nous a rien dit à leur sujet. Ces sous-marins ont-ils un rôle à jouer dans le monde d'après le 11 septembre? Je parle des opérations du maintien de la paix.

Expliquez-moi pourquoi il est utile d'acheter des sous-marins compte tenu du fait que nous vivons maintenant dans une nouvelle époque qu'aucun d'entre nous ne pouvait prévoir quand nous grandissions.

Le Cam Davidson: Permettez-moi de replacer la question des sous-marins dans un contexte plus large. Permettez- moi d'abord de vous faire part d'une courte anecdote.

Il y a 13 ans, j'étais capitaine du NCSM Kootenay, basé dans le Pacifique. J'ai fait partie d'un groupe de quatre navires qui s'est rendu au port russe de Vladivostok.

En 1990, Vladivostok, à l'époque de l'Union soviétique, était toujours une ville fermée. Aucun navire de guerre occidental ne s'y était rendu depuis 1936. Le Canada a été le premier pays à envoyer des navires de guerre dans ce port.

Je peux dire sans exagérer qu'il s'est agi de l'événement le plus extraordinaire de toute ma carrière. Nous sommes entrés dans ce port qui était bordé d'énormes bateaux russes dont le pavillon battait au vent et dont l'équipage nous saluait. Nous avons été accueillis à bras ouvert. Des milliers de personnes ont assisté à notre arrivée et les officiers russes nous ont ouvert leurs navires de façon extraordinaire. Chaque membre de ce groupe a pris conscience du fait que le monde avait changé.

Je n'oublierai jamais non plus le jour de la Fête nationale en 1990 alors que je me trouvais au milieu de l'océan Pacifique. Tous les membres de l'équipage et les marins étaient sur le pont supérieur et me demandaient s'ils auraient toujours un emploi étant donné que la guerre froide était maintenant terminée.

Nous sommes rentrés au pays en juillet et nous avons pris nos vacances. Bon nombre d'entre nous se posaient ces questions. Dix jours plus tard, les Irakiens envahissaient le Koweit. Onze jours plus tard, les membres de mon équipage commençaient à préparer l'équipement qui devait être envoyé sur la côte Est pour être installé sur le Terra Nova.

Cette petite anecdote vise simplement à vous faire prendre conscience du fait que ce qui a changé en 1990-1991, ce n'est pas simplement qu'un mur s'est écroulé. L'ordre mondial tout entier a changé. Nous ne faisons pas nécessairement face à des États-nations qui possèdent leurs propres armes et leurs propres capacités d'intervention.

Nous faisons affaire à des pays ou à des organismes qui ont accès à d'importantes ressources financières. Il existe un grand nombre de pays au monde qui possèdent des industries d'armement très rentables et qui vendent un équipement très perfectionné. Nous déployons nos navires dans des régions où la menace provient d'aéronefs, de missiles aéroportés et de mines qui ont été produits par des pays qui étaient nos alliés.

La menace actuelle est bien différente de ce qu'elle était, mais elle n'est pas moins réelle que lors de la guerre froide.

Voilà l'une des réalités à laquelle nous faisons face lorsque nous déployons nos navires à l'étranger. Les circonstances changent lors d'un déploiement prolongé. En octobre 2001, nous avons envoyé un groupe opérationnel pour empêcher l'exode — choisissez le nombre qui convient — des dirigeants du régime taliban et d'al-Qaïda qui auraient pu s'échapper par la mer ou pour empêcher une violation de l'embargo qui avait été imposé à l'Irak.

Pendant que nos navires étaient dans le golfe, la tension a augmenté comme c'est le cas périodiquement entre l'Inde et le Pakistan. Nous nous sommes trouvés à la périphérie d'une région qui n'était peut-être pas en conflit, mais d'une région où la tension augmentait de façon marquée.

Un sous-marin est passé dans cette région à ce moment. Ce sont nos navires qui l'ont suivi et qui ont tenu le reste de la coalition au courant de ses déplacements.

Une flotte équilibrée compte des sous-marins et c'est pourquoi le Canada a remplacé les sous-marins qu'il avait. Ce que vous voyez à Halifax et ce que vous voyez sur la côte Ouest n'est pas le résultat du hasard. Vous avez un groupe opérationnel qui est autonome, qui peut être déployé là où le gouvernement le souhaite et qui ne compte sur aucun autre pays pour assurer sa défense aérienne ou sa défense anti-sous-marine. Nous pouvons aller là où l'on nous demande d'aller, y demeurer pendant longtemps et être autonomes. Nous pouvons affirmer la présence du Canada à l'étranger.

Les sous-marins constituent une partie d'une flotte équilibrée. Il ne s'agit pas de reliques de la guerre froide. Nous avons eu recours dans le passé aux sous-marins pour recueillir des renseignements de sécurité. Rien n'est aussi efficace qu'un périscope qui s'élève à côté d'un navire de pêche sur les Bancs de Georges ou sur la queue des Grands Bancs pour faire savoir à un navire qu'on sait exactement où il est et ce qu'il fait. Si nous n'aimons pas ce que nous voyons, nous plaçons des agents du ministère des Pêches à bord.

Nous attachons de l'importance aux sous-marins pour deux ou trois autres raisons. Il s'agit d'un outil que nous pouvons utiliser dans le cadre d'opérations futures de la coalition. Divers alliés ont utilisé les sous-marins traditionnels avec beaucoup de succès: pour la collecte de renseignements de sécurité, pour appuyer des opérations dans l'Adriatique dirigées contre l'ex-Yougoslavie et pour toute une gamme d'autres raisons.

Il est possible que des forces spéciales soient déployées à bord des sous-marins dans l'avenir. Des sous-marins constituent aussi un élément spécialisé. Nos alliés américains et britanniques n'ont plus de sous-marins classiques. Il y a cependant 45 pays au monde qui ont toujours des sous-marins. Nous disons toujours que la meilleure façon de couler un gros navire, c'est de mettre de l'eau dans sa cale et de ne pas laisser d'air s'échapper par le haut. Un sous-marin est un actif très puissant et d'une grande utilité opérationnelle.

Les Américains et les Britanniques n'ont plus de sous-marins classiques, mais la possibilité que leurs forces aient à intervenir dans les régions où se trouveront des sous-marins hostiles est très réelle. Le fait que nous possédions des sous-marins peut nous permettre de jouer un rôle très utile au sein de la coalition à laquelle nous appartenons.

Certes, nous vivons dans un monde qui a changé, mais il n'est pas moins dangereux et moins complexe que ce qu'il était au début des années 90.

Le sénateur Smith: Je vous remercie de cette réponse fort complète. Je ne conteste rien de ce que vous avez dit, mais doit-on vraiment considérer les sous-marins comme une priorité de dépense? Je ne devrais peut-être pas vous poser cette question, mais je le fais tout de même.

Le Cam Davidson: Permettez-moi de répondre directement comme marin à cette question simple venant d'une personne de Toronto. Nous avons fait un très bon achat en achetant ces sous-marins, sénateur, et que personne ne vous dise le contraire. Nous avons acquis quatre sous-marins pour le prix d'un seul sous-marin si nous avions décidé de construire nous-mêmes des sous-marins neufs.

Ces sous-marins ont été mis à niveau au Royaume-Uni et l'un d'entre eux est de nouveau en service. Le dernier sous- marin est presque prêt. Nous les utiliserons dès que nous les aurons. L'un des sous-marins ira en mer cette semaine et servira à la formation de sous-mariniers. On installera ensuite le système de torpilles Mark 48 et diverses autres pièces d'équipement canadiennes.

Ces sous-marins seront très utiles au Canada. Nous les avons aussi acquis à bon prix.

Le sénateur Atkins: J'aimerais que nous poursuivions la discussion sur les sous-marins. Venez-vous de nous dire que trois sous-marins sur quatre sont maintenant opérationnels?

Le Cam Davidson: Non, sénateur. Nous réalisons actuellement les opérations planifiées et programmées de conversion et de réactivation des sous-marins. Nous en avons trois actuellement au Canada.

Le NCSM Victoria a quitté Halifax à la fin juin. Il a effectué une traversée de 8 000 milles par le canal de Panama jusqu'à la côte Ouest, et n'a pas perdu un seul jour pour cause de panne, ni subi le moindre retard pour cause de problème mécanique.

Il est actuellement à Victoria, en période d'activité, et va réaliser diverses opérations en préparation du programme de certification des armements prévu pour cette année.

Le NCSM Windsor achève son programme de canadianisation. Il se trouve au chantier naval et nous le mettrons en service le 4 octobre à Halifax. Sa période de travaux doit s'achever en novembre. Nous amorcerons alors un programme d'essais qui devrait l'amener à sa pleine capacité opérationnelle l'année prochaine.

Le NCSM Cornerbrook a été mis en service le 30 juin à Terre-Neuve, le jour du départ du Victoria. Il fonctionne depuis plusieurs mois et sert à l'entraînement et à la qualification de jeunes militaires au service sous-marinier. C'est le prochain sous-marin qui doit subir le programme de modernisation.

Voilà quel est le statut de nos submersibles à l'heure actuelle. Nous allons les déclarer opérationnels en 2004 une fois terminé le programme de tir. Nous respectons notre échéancier.

Le sénateur Atkins: On nous a dit que l'amélioration des sous-marins allait coûter plus d'un milliard de dollars. Si on ajoute de 11 à 12 milliards de dollars au budget du ministère de la Défense nationale, c'est un investissement considérable.

Le Cam Davidson: En toute franchise, c'est une comparaison boiteuse et un calcul erroné.

Le sénateur Atkins: Qu'est-ce qui est un calcul erroné? Le budget du ministère de la Défense nationale?

Le Cam Davidson: Sauf votre respect, sénateur, vous présentez les choses de façon inexacte. Ce montant ne vient pas de notre budget annuel de fonctionnement. Il vient d'un programme d'acquisition étalé sur plusieurs années. Le montant que vous citez comprend le coût d'acquisition, dont une bonne partie correspond à un échange en nature avec l'Armée britannique qui s'entraîne dans l'Ouest canadien.

Ce n'est donc pas un douzième du budget de fonctionnement annuel. J'ai entendu citer des chiffres qui semblent indiquer que d'autres pays, dont les programmes d'acquisition de sous-marins sont légèrement supérieurs aux nôtres, ont en fait dépensé l'équivalent de plus de 5 milliards de dollars pour lancer un nouveau programme.

Les coûts de l'acquisition et de l'ensemble du programme, qui restent modestes par rapport au coût total des autres options qui nous auraient donné une capacité équivalente, ne représentent pas un douzième du budget de fonctionnement annuel du ministère de la Défense nationale.

Le sénateur Atkins: Je conçois qu'on puisse amortir ce coût sur deux ou trois ans. Mais en définitive, quel est le coût total du reconditionnement de ces sous-marins?

Le Cam Davidson: Il faut se reporter aux chiffres du budget. Je ne peux pas vous indiquer de mémoire la partie des coûts du projet qui ont déjà été engagés et je risquerais de me tromper en avançant un chiffre. Je peux obtenir les données réelles des responsables du projet et je me ferai un plaisir de vous en faire part.

Le sénateur Atkins: Commandant Earnshaw, vous avez dit que les communications interministérielles s'étaient améliorées, mais vous semblez indiquer, sauf erreur, que bien qu'on note une volonté nouvelle, la sécurité des communications entre les différents ministères participant à la sécurité maritime nationale reste limitée.

Nous avons entendu parler d'une projet appelé MIMDEX qui est censé améliorer la sécurité des communications entre les ministères canadiens. Pouvez-vous donner au comité quelques renseignements sur ce projet, sur son statut et sur son éventuelle mise en œuvre?

Le Captf Earnshaw: Je ne sais pas exactement quand le projet MIMDEX doit être mis en œuvre. Ce sera sans doute au cours des prochaines années. Je vais m'informer et je communiquerai avec le comité.

En ce qui concerne la sécurité de communications, nous ne nous attendons pas à voir le nouveau matériel en place avant quelques années. Cependant, on installe actuellement un nouveau système relevant du SCRS dans les quatre services qui ont des unités de renseignements, à savoir la Défense nationale, la GRC, le SCRS et l'ADRC.

Nous sommes désormais en mesure de sécuriser les transferts de dossiers; c'est donc un pas dans la bonne direction. Nous n'avons pas instantanément accès aux échanges de courrier électronique et nous ne sommes pas en mesure de mener des discussions sur les communications protégées. Nous pouvons envoyer un dossier à un centre opérationnel donné. C'est un projet considérable, car cela nous permet de le faire à partir de n'importe quel centre opérationnel, au lieu de devoir nous réunir pour parler de la situation.

Le projet MIMDEX va nous doter d'une capacité supplémentaire considérable qui nous permettra d'échanger davantage d'information du domaine du renseignement avec les autres ministères.

Le sénateur Atkins: Capitaine Williams, avez-vous des idées à nous proposer quant aux changements à apporter à la législation canadienne pour élargir le mandat de la Marine en matière de défense de notre littoral?

Le Capt Williams: Je ne suis pas avocat et mon expérience du droit se limite à la promotion des valeurs canadiennes et à notre engagement à respecter le droit international.

Le sénateur Atkins: Vous êtes quand même un praticien.

Le Capt Williams: J'ai essayé d'exposer ma compréhension de l'application du droit canadien en situation de crise. Je peux vous indiquer ce dont nous avons besoin à mon avis, et je ne suis pas certain car je n'ai qu'une connaissance limitée du droit canadien. Ce n'est pas mon domaine d'expertise.

Le besoin est bien simple: si une crise se produit au large de nos côtes ou dans l'Arctique, la Marine canadienne devra simplement se prévaloir de l'impératif national qui nous est imparti pour exécuter la tâche. Voilà la réponse en résumé.

En définitive, on en revient à un impératif national et à un impératif politique. En tout état de cause, la Marine doit être prête à réagir dans les plus brefs délais, voire immédiatement dans certains cas, pour protéger les intérêts canadiens et la population canadienne aussi bien dans les zones océaniques littorales qu'en plein océan.

Voilà le besoin. Les mécanismes nous permettant d'agir sont-ils en place? Je n'en suis pas certain, mais je crois qu'ils le sont. Nos actions antérieures ont renforcé notre capacité actuelle. Nous sommes prêts à intervenir lorsque le gouvernement nous demandera d'agir.

Le sénateur Atkins: Je n'en doute pas. Merci.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous un juriste dans votre entourage? Comment traitez-vous ces questions?

Le Cam Davidson: Nous essayons toujours d'avoir une longueur d'avance. Quand nous envoyons en mission un navire qui risque de se trouver confronté à un navire étranger ou à une situation complexe, ce navire reçoit des instructions précises concernant l'utilisation de la force; c'est ce qu'on appelle les «règles d'engagement».

Les avis juridiques sont essentiels dans ce processus. Ils sont confiés au personnel de mon état-major et transmis par la voie hiérarchique à Ottawa.

Dans certaines circonstances, le commandant en mer peut être accompagné d'un juriste.

Le Capt Williams: Sénateur, j'aimerais ajouter que pendant la première mission opérationnelle dans le golfe Arabo- Persique, j'avais un juriste à bord, un avocat qui travaillait directement pour moi et qui vérifiait à tout moment si j'avais bien compris la législation applicable et l'environnement dans lequel je fonctionnais. Il est resté à bord pendant trois semaines environ.

Lors de mon deuxième déploiement dans le golfe, le commandant Earnshaw et moi-même avons pu consulter des juristes et je leur ai demandé de se joindre à nous pendant la première semaine de mon arrivée sur place, pour qu'eux aussi puissent me mettre à l'épreuve et s'assurer que j'agissais à l'intérieur des bons paramètres.

Le sénateur Banks: Je sais que vous n'êtes pas irréfléchi, mais en ce qui concerne les approches multidimensionnelles dont vous avez parlé, si vous êtes capitaine d'un navire qui se trouve dans les eaux canadiennes, êtes-vous libre d'intervenir si vous constatez un problème? Avez-vous besoin d'un impératif, comme vous l'avez dit? S'agit-il d'un ordre ou d'une autorisation? Est-ce que vous pouvez agir immédiatement? Avez-vous des pouvoirs discrétionnaires?

Le Capt Williams: Non. Et je pense que dans toute démocratie occidentale, c'est beaucoup mieux ainsi. Si je suis en opération au large de la côte Est ou de la côte Ouest et que je constate un acte illégal aux termes du droit canadien ou du droit international, je dois en faire rapport aux autorités compétentes. Ce sera la première étape de la réaction des autorités canadiennes.

Il se peut que par la suite, je reçoive l'ordre de mettre en panne et d'accueillir à mon bord une équipe d'urgence de la GRC, des Douanes ou de l'Immigration ou de spécialistes de l'environnement qui vont arriver par hélicoptère et qui vont me permettre de mieux réagir à la situation. Mais en résumé, je vous réponds «Non, je dois attendre les instructions de mes supérieurs hiérarchiques».

Le sénateur Banks: La comparaison est peut-être abusive, mais si un policier constate un problème, il n'a pas à téléphoner pour obtenir l'autorisation d'intervenir.

Le Cam Davidson: Je pourrais vous répondre à deux niveaux. Dans les cas dont nous parlons ici, les questions de compétence et les responsabilités sont bien définies en droit canadien.

Les officiers des Forces armées canadiennes n'ont pas les mêmes pouvoirs que les policiers. Leurs responsabilités ne relèvent pas du même domaine.

Si je comprends bien le sens de votre question, nous parlons ici d'un conflit de pêche, d'un problème de pollution ou d'une infraction quelconque constatée à l'intérieur de nos eaux, et vous voulez savoir si nous pouvons intervenir. Le capitaine Williams a déjà évoqué les limites de notre activité.

Il y a évidemment d'autres circonstances où l'on s'attend à ce que la Marine agisse de façon décisive; c'est notamment le cas des situations d'urgence en mer qui nécessitent des secours. Il nous arrive périodiquement de transiter par des zones où — on a du mal à y croire — la piraterie constitue une réelle menace.

Dans les circonstances où le capitaine d'un navire se trouve confronté à une situation de vie ou de mort, il a pour mandat et pour responsabilité de prendre immédiatement toutes les mesures qui s'imposent.

Le sénateur Banks: Soyons clairs: le problème de juridiction qui se pose ici n'a rien à voir avec les relations entre une province et le gouvernement fédéral ou entre deux nations. Il s'agit des rapports entre différents organismes fédéraux.

Le président: Évidemment, amiral, c'est un sujet qui nous intéresse. Nous allons l'approfondir. Si je comprends bien, vous allez fournir au comité d'autres renseignements concernant le coût des sous-marins. Commandant, vous allez nous donner de l'information concernant le projet MIMDEX. Nous y tenons. Je tiens à vous remercier, vous et les officiers qui vous ont accompagné aujourd'hui. Vos explications nous sont très utiles.

J'en profite pour vous faire part de la fierté et du respect qu'inspire aux membres du comité et aux parlementaires canadiens ce que vous-même et ceux qui sont placés sous vos ordres font pour le Canada. C'est tout à fait remarquable. Nous estimons que ce message n'est pas assez souvent formulé et nous tenons à vous en faire part personnellement, dans l'espoir que vous le transmettrez à tout votre entourage. Merci beaucoup.

Le Cam Davidson: Je vous remercie et je remercie les membres du comité.

Le président: Sénateurs, j'ai déjà présenté tous nos témoins. Nous accueillons le sénateur Michael Meighen de l'Ontario; c'est un homme d'affaires et un avocat célèbre, qui a été nommé au Sénat en 1990. C'est un membre actif de sa communauté, qui a été chancelier de l'Université de King's College et qui a présidé le Festival de Stratford. C'est un spécialiste des questions de défense et il préside le Sous-comité des affaires des anciens combattants. Il est également membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui étudie actuellement les améliorations à apporter à la gouvernance des sociétés.

Le témoin suivant est M. Larry Wilson, directeur régional de la Garde côtière canadienne. M. Wilson a obtenu son diplôme du Collège de la Garde côtière canadienne à Sydney en 1975 et il occupe son poste actuel depuis la fin de 1998.

Monsieur Wilson, soyez le bienvenu devant le comité. Si vous voulez faire une déclaration, vous pouvez commencer quand vous serez prêt.

M. Larry Wilson, directeur régional, Maritimes, Garde côtière canadienne: Honorables sénateurs, j'ai l'intention, aujourd'hui, de rappeler brièvement le mandat et le rôle de la Garde côtière en matière de sécurité maritime, puisque vous avez déjà reçu l'essentiel de cette information lors de précédentes comparutions de représentants de la Garde côtière.

Je vais ensuite indiquer de quelle façon la région des Maritimes de la Garde côtière contribue à la sécurité maritime du Canada grâce à ses programmes et services et à sa participation à plusieurs initiatives mises en place sur la côte Est dans le domaine de la sécurité.

Comme vous le savez, la Garde côtière est une institution nationale qui s'occupe de sécurité maritime, de protection de l'environnement en milieu marin et en eau douce, de stimulation du commerce maritime, de soutien à l'excellence des sciences marines et de réalisation des priorités maritimes du Canada.

Nous montrons une marque tangible de la souveraineté canadienne par la présence de nos navires et de nos avions. Quatre lois habilitent le gouvernement à légiférer dans le domaine de la Garde côtière et à réglementer son mandat, ses programmes et ses services.

On vous a déjà présenté les détails des programmes de la Garde côtière, et je me contenterai d'en énumérer brièvement quelques activités essentielles. Ce sont la recherche et le sauvetage, la sécurité maritime, le déglaçage et l'assistance à la navigation dans les glaces, les services de communications et de trafic maritimes, les aides à la navigation, la protection et l'intervention environnementales, la protection des eaux navigables, la sécurité des chenaux de navigation, l'appui aux secteurs de la conservation, de la protection et de l'océanographie ainsi que l'appui aux autres programmes gouvernementaux et aux ministères.

La région des Maritimes de la Garde côtière canadienne compte environ 1 160 employés et 747 auxiliaires bénévoles. Nous avons trois bases d'opération, trois centres de services de communications et de trafic maritimes, un centre régional des opérations, un centre de coordination des opérations de sauvetage et quatre dépôts d'intervention environnementale.

On y trouve 236 phares, dont 42 sont ce que l'on peut considérer comme des grands phares, et plus de 4 800 aides fixes et flottantes à la navigation.

La région des Maritimes dispose d'une flotte de huit grands navires et de 20 petits navires, de neuf centres des services opérationnels, de six bateaux de sauvetage côtiers et de sept hélicoptères. Nous assurons également l'exploitation et l'entretien du canal Canso.

Dans la documentation qui vous a été remise, vous devriez trouver une feuille où figure la carte de la région des Maritimes avec nos différentes bases, nos installations de recherche et de sauvetage, et cetera.

J'aimerais maintenant vous dire quelques mots de la flotte, dont j'ai dit tout à l'heure qu'elle comptait huit grands navires dont deux brise-glace lourds, le CCGS Louis St. Laurent et le CCGS Terry Fox. Les deux sont déployés dans l'Arctique pendant l'été et dans le Golfe du Saint-Laurent pendant l'hiver.

Nous avons aussi deux brise-glace légers — gros baliseurs. Ce sont des navires polyvalents de grandes dimensions, le CCGS Edward Cornwallis et le Sir William Alexander.

Nous avons aussi un baliseur moyen — brise-glace léger, le CCGS Earl Grey, ainsi qu'un navire hauturier de recherche et de relevé, le Hudson, qui a son port d'attache à l'Institut océanographique de Bedford, un navire semi- hauturier de recherche et de relevé, le Matthew, et un navire hauturier de recherche sur les pêches, le CCGS Alfred Needler, qui a été récemment mis hors service à cause d'un incendie à bord. Nous sommes en train d'évaluer les dommages à bord de ce navire.

Voilà de quoi se compose notre flotte de gros navires dans la région des Maritimes. En plus de ces gros navires, nous avons des petits navires dont un petit baliseur. Nous avons sept canots de sauvetage multitâche à grand rayon d'action qui sont positionnés dans des endroits stratégiques à la périphérie de la région. D'ici un an, nous en aurons neuf, plus un navire de réserve.

Nous avons trois autres canots de sauvetage multitâche dont nous nous servons dans l'attente des trois nouveaux qui doivent entrer en service d'ici un an. Nous avons trois navires côtiers de recherche sur les pêches et un petit cotre multitâche au port de Grand Manan, le CCGS Camilla.

À cela s'ajoute un certain nombre de petits patrouilleurs qui surveillent les pêches. Ils sont positionnés de façon stratégique dans l'ensemble de la région des Maritimes.

Notre flotte d'hélicoptères comprend cinq MBB 105, un Bell 212 et un Bell Long Ranger.

Comme plusieurs autres témoins l'ont dit précédemment, la contribution de la Garde côtière à la sécurité maritime est limitée par plusieurs facteurs, notamment par son mandat. Nous ne sommes pas un organisme paramilitaire. Nous n'avons ni pouvoir de maintien de la paix, ni autorité pour faire respecter la loi.

Nous ne sommes pas habilités à arraisonner ou à accoster les navires qui se livrent à des activités illégales en mer, à moins que des pouvoirs nous soient conférés par des agents de prévention de la pollution de Transports Canada.

La Garde côtière n'est pas habilitée à constater les lacunes du dispositif de sécurité côtier ou semi-hauturier et nous n'avons pas pour mandat d'assurer la surveillance de la zone économique du Canada. La sécurité dans les ports relève de la responsabilité de Transports Canada en matière d'administration portuaire. Voilà la première de nos contraintes.

La deuxième est due, évidemment, à la flotte. Notre flotte est déjà surexploitée. Dans la région des Maritimes, elle ne présente plus la moindre capacité disponible. Nous pouvons à peine répondre aux exigences actuelles de service que comporte notre mandat en matière de sécurité.

Notre flotte n'est pas conçue pour être armée. Elle pose des problèmes quant à la vitesse, la capacité et le rayon d'action des navires, qui limitent son efficacité quand elle doit participer à des opérations de sécurité.

Dans le domaine du personnel, nos équipages ne reçoivent pas une formation d'agents de la force publique et ne sont pas entraînés au maniement des armes. En plaçant des fonctionnaires en situation dangereuse, on risque de contrevenir au Code du travail du Canada et de soulever des questions de gestion de la sécurité internationale. La création d'un service semblable à la Garde côtière américaine prendrait plusieurs décennies, nécessiterait un investissement important et obligerait en fait le Canada à créer une deuxième marine.

Cela étant dit, la Garde côtière apporte une contribution de valeur ajoutée à la sécurité maritime dans un rôle de soutien. Nous avons l'organisation, la capacité opérationnelle et les systèmes de communication et d'information nécessaires pour jouer un rôle d'appui face aux exigences de la sécurité maritime.

D'autres représentants de la Garde côtière ont présenté au comité les quatre catégories d'activité concernant la défense du littoral qui servent à classer les initiatives au sein du groupe de travail interministériel dans le domaine du secteur marin, dont la Garde côtière fait partie.

J'aimerais énumérer ces catégories puis expliquer la contribution de la région des Maritimes de la Garde côtière à chacune d'entre elles.

La première catégorie est celle de la connaissance du domaine, où il est question de surveillance et de connaissance des situations. L'information recueillie par la Garde côtière grâce aux rapports préalables à l'arrivée des navires conformément au Règlement sur la zone de services de trafic maritime de l'est du Canada, couramment appelé ECAREG — je vais éviter les acronymes dans la mesure du possible, sénateurs — et grâce à d'autres sources, comme les systèmes d'information automatisés et les systèmes de gestion du trafic maritime, contribue à dresser un portrait fidèle de la situation maritime qui est diffusé au centre de surveillance et d'information des opérations conjointes de la Marine à Halifax, dont mes collègues vous ont parlé il y a quelque temps.

Nous partageons cette information avec d'autres services de renseignement. Les navires et les avions de la Garde côtière peuvent identifier les navires suspects et suivre leur progression. Nous participons au programme de surveillance côtière des Forces canadiennes et de la GRC dans un rôle de soutien, en interceptant, en enregistrant et en signalant les communications des navires.

Comme les compagnies aériennes, ainsi qu'on l'a signalé tout à l'heure, grâce notamment à notre flotte d'hélicoptères, nous fournissons aux autorités policières les renseignements résultant de nos activités de surveillance. Nous nous préparons également à participer aux exercices de surveillance et de reconnaissance des services de renseignement prévus en 2004.

En matière de réactivité, l'exemple le plus récent d'opérations de soutien de la Garde côtière auprès d'un autre ministère dans la région des Maritimes est apporté par l'incident du Wadi Al Arab, à l'occasion duquel un cotre de la Garde côtière a transporté des agents de la GRC et de Santé Canada jusqu'à un navire à bord duquel on soupçonnait la présence de germes d'anthrax et qui était placé en quarantaine au large du port de Halifax. Les communications avec le Wadi Al Arab ont été établies grâce au centre de communications de la Garde côtière de Dartmouth. La Garde côtière a imposé une zone d'exclusion de 1 000 mètres autour du Wadi Al Arab et l'a fait surveiller par un de ses navires.

La Garde côtière négocie actuellement avec la GRC la possibilité d'assurer la gestion du cycle de vie du nouveau catamaran que la GRC fait construire actuellement. C'est un navire de la classe commissaire.

Par ailleurs, la Garde côtière a également fourni à la GRC un navire excédentaire qu'elle utilise dans le cadre de son programme de surveillance côtière, ainsi qu'un patrouilleur, le CCGS Ferguson.

Voilà certains des domaines où nous avons fait la preuve de notre empressement à répondre aux besoins de nos collègues des autres ministères et organismes.

En ce qui concerne le troisième secteur de la protection et du contrôle de l'accès au territoire canadien dans le réseau des transports maritimes, notre centre des communications et du trafic maritime de Dartmouth reçoit des préavis d'arrivée dans les 96 heures et dans les 24 heures qui précèdent l'entrée d'un navire dans les eaux canadiennes. Nous signalons aux organismes compétents tout navire présentant un intérêt particulier ou tout navire qui demande une préautorisation.

En particulier, si l'un de ces organismes nous envoie un avis nous demandant de le prévenir immédiatement si un navire auquel il s'intéresse demande une préautorisation, nous nous y conformons rigoureusement.

La flotte de la région des Maritimes exerce un effet dissuasif contre tout acte terroriste ou criminel par sa présence très visible qui symbolise la souveraineté canadienne dans la zone économique et dans l'Arctique.

Dans le quatrième secteur, celui de la collaboration, la Garde côtière accorde un appui vigoureux à la collaboration interministérielle en matière de sécurité maritime. La région des Maritimes a joué un rôle particulièrement actif au sein des diverses initiatives visant à améliorer la circulation de l'information et du renseignement sur la sécurité maritime.

Nous sommes membres des comités de sécurité du conseil fédéral en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, qui se réunissent de façon quasi officielle pour discuter de problèmes de sécurité.

Le comité de Nouvelle-Écosse a commandité les exercices interministériels de sécurité pour l'Atlantique qui se sont déroulés en mai, en septembre et en novembre 2002, ainsi que l'exercice qui s'est tenu en octobre cette année.

Le groupe d'évaluation des menaces, dont il a déjà été question ce matin, est une initiative de la GRC qui réunit quatre ministères clés, à savoir la GRC, le SCRS, la Défense nationale et l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Ce groupe est parfois appelé TAG-plus-one. Lorsqu'il se réunit pour évaluer une menace, la Garde côtière se met à sa disposition s'il en a besoin pour assurer le transport d'un membre de l'équipe ou pour participer à une enquête.

Le groupe se réunit lorsqu'il est informé d'une menace ou d'un incident éventuel, il décide si d'autres ministères ou organismes doivent participer à l'opération et il élabore un plan d'action. Nous veillons à ce qu'il ait tous les renseignements nécessaires pour communiquer avec la Garde côtière, et nous assurons la liaison avec lui.

Le Comité interministériel des opérations maritimes de l'Est du Canada a été revitalisé sous la présidence de la région des Maritimes de la Garde côtière et a établi des liens avec le Groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime et avec le Comité interministériel des opérations maritimes du Pacifique.

Ce comité, où sont représentés huit ministères et organismes fédéraux dans les quatre provinces de l'Atlantique, se réunit trois fois par an pour coordonner les opérations maritimes interministérielles régionales concernant l'utilisation des navires, la formation, les installations, les communications et l'échange de renseignements.

L'une des tâches de ce comité consiste à étudier, selon une proposition de la Garde côtière, la mise en oeuvre d'un système interministériel de mise en valeur de l'expérience acquise au cours des différents exercices et des interventions réelles qui devraient permettre de contrôler plus efficacement la mise en oeuvre des améliorations recommandées en matière de coopération interministérielle.

La Garde côtière, région des Maritimes, préside au concept interministériel régional des opérations maritimes du sous-comité de ce comité en particulier. L'intention est de produire d'ici décembre de cette année un concept d'opération qui nous donnera les balises et le cadre nécessaires aux opérations maritimes interministérielles dans la région de l'Atlantique et qui servira de document de référence pour le groupe d'évaluation des menaces.

Le centre régional conjoint des opérations des Maritimes, une initiative de la Garde côtière et de la région des Maritimes, reconnaît la valeur de la coopération et de la collaboration interministérielles et inclut ces principes dans une proposition visant à installer un nouveau centre régional conjoint des opérations dans les nouveaux édifices du gouvernement du Canada dans le complexe BIO.

Encore une fois, en mars 2001, nous avons réuni les représentants de tous les ministères et organismes afin d'examiner la valeur d'un centre conjoint des opérations dans ce nouvel immeuble du gouvernement du Canada. Tous ont reconnu la valeur de cette mesure surtout dans le cas de situations d'urgence.

D'autres témoins ce matin vous ont parlé de CANMARNET. Nous sommes l'un des principaux fournisseurs d'information disponible sur CANMARNET et nous sommes membres du groupe d'utilisateurs, un autre sous-comité du Comité interministériel des opérations maritimes de l'Est du Canada.

Vous avez posé des questions ce matin à mes collègues des forces armées au sujet de MIMDEX. Nous avons participé à l'étude parrainée par le Groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime sur MIMDEX, c'est-à- dire le système d'information de gestion maritime et d'échange de données dans le but d'améliorer l'échange d'information avec les autres ministères sur le plan de la conductibilité, de la qualité et de la rapidité.

Nous continuons à contribuer à la question et à recevoir des mises à jour par plusieurs moyens.

Le 19 juin, la Garde côtière, région des Maritimes, a participé à un atelier sur la surveillance organisé par la Défense nationale et suivi immédiatement par une présentation par des officiers supérieurs de la Garde côtière et la participation à la conférence Seapower qui se tient tous les ans à l'Université Dalhousie. La conférence de cette année a porté sur la sécurité continentale dans les relations Canada-États-Unis et, plus particulièrement, a examiné, du point de vue maritime, les perspectives, les défis et les occasions dans ce domaine.

Une entente conjointe révisée Canada-États-Unis a été signée au mois de mai 2003. Cette entente avec la garde côtière américaine prévoyant une intervention conjointe lors d'incidents environnementaux qui touchent les deux pays existe depuis quelque temps déjà. Elle permet aux organismes ou régions sous l'autorité de la garde côtière américaine et de notre garde côtière qui partagent des voies navigables ou qui les longent, d'examiner les façons de réagir à un incident environnemental qui menace le territoire de l'un ou de l'autre.

Un autre exemple de l'approche de coopération dans la région, c'est le symposium sur la sécurité de la région de l'Atlantique organisé par le Quartier général des Forces terrestres de l'Atlantique à son centre de formation de la Milice à Aldershot en Nouvelle-Écosse. Plus de 100 représentants de ministères et organismes gouvernementaux qui jouent un rôle dans le domaine de la sécurité ont participé à cet événement. Dans le cadre de ce symposium, on s'est penché sur les questions de sécurité d'intérêt mutuel à l'intérieur de la région de l'Atlantique du Canada afin d'améliorer notre capacité collective à anticiper, prévenir et réagir en situation de crise.

L'une des recommandations du symposium à être mise en oeuvre, ce sont les exercices interministériels de sécurité maritime dans la région de l'Atlantique dont je viens de parler. Nous avons eu trois tels exercices et il y en aura un autre en octobre.

La Garde côtière, région Maritimes, a été et continuera à être un participant intégral dans ces exercices.

Il y a un autre secteur de collaboration et c'est l'aide à la formation que nous offrons aux autres ministères. Depuis dix ans, nous offrons une formation sur l'utilisation des embarcations rapides de sauvetage à nombre d'autres ministères et organismes gouvernementaux tels que la GRC, le MDN, Environnement Canada et Parcs Canada ainsi qu'aux services municipaux de police et d'incendie. Dans des endroits aussi éloignés que Peel en Ontario par exemple, nous avons fourni une formation à certains membres des forces policières municipales sur l'utilisation des embarcations rapides de sauvetage. Le MDN, la GRC et l'ADRC ont également utilisé des bateaux de la Garde côtière dans le cadre de leurs activités de formation en sécurité maritime.

Voilà, monsieur le président, qui termine mon exposé et je serai heureux de répondre à toutes vos questions.

Le sénateur Cordy: Merci beaucoup, monsieur Wilson, d'avoir bien voulu comparaître devant le comité aujourd'hui à partir de la Nouvelle-Écosse. Mes premières questions visent simplement à recueillir de l'information. Vous avez mentionné que vous aviez 747 bénévoles à la Garde côtière. Quel genre de travail font les bénévoles de la Garde côtière?

M. Wilson: Il s'agit de membres auxiliaires. Il ne s'agit pas de fonctionnaires ou d'agents publics. Ce sont des bénévoles qui sont très bien organisés partout au Canada. Chaque région de la Garde côtière a son groupe de bénévoles, dirigé par un conseil d'administration. Il y a un président national. On fait essentiellement appel aux bénévoles pour les activités de recherche et de sauvetage. La plupart des bénévoles de la région des Maritimes sont des pêcheurs, ce qui se comprend, puisqu'ils possèdent des navires très fonctionnels et pour la plupart sont familiaux avec le milieu, ils sont capables de réagir lors d'incidents.

Cela fonctionne de la façon suivante: aussitôt que le centre de coordination du sauvetage à Halifax leur téléphone officiellement, ils touchent le remboursement de leurs menues dépenses. C'est tout ce qu'ils touchent. Leurs navires ainsi qu'eux-mêmes sont assurés dans l'éventualité où quelque chose leur arriverait à eux ou à leurs biens personnels pendant qu'ils participent à une activité de recherche et de sauvetage.

Le sénateur Cordy: Ce serait des pêcheurs qui ont travaillé par exemple dans le cas du désastre de Swissair?

M. Wilson: En effet.

Le sénateur Cordy: Est-ce que vous demandez des bénévoles, est-ce ainsi que cela fonctionne?

M. Wilson: Leur propre organisation et leur conseil d'administration ont en place un système de recrutement. Il y a également des directeurs de zone. Par exemple, la région est divisée en zones auxiliaires, chacune dotée de son propre directeur et d'une structure de comité qui relève d'un conseil d'administration régional et du conseil d'administration national. L'organisation est très indépendante et gérée de façon efficace et professionnelle.

À l'occasion, en consultation avec le centre de coordination des sauvetages et la gestion de la Garde côtière de la région, nous constatons qu'il y a des failles dans la couverture. En d'autres termes, si nous voyons qu'une région particulière de la côte n'a pas une couverture adéquate, faute de membres auxiliaires, nous tentons d'encourager le recrutement de bénévoles afin de combler cette lacune parce qu'il s'agit d'une organisation plutôt efficace pour la recherche et le sauvetage.

Le sénateur Cordy: Faut-il se soumettre à une enquête de sécurité pour devenir bénévole?

M. Wilson: Pas à ma connaissance. Les bénévoles doivent répondre à des exigences très strictes en matière d'équipement de navire et de certification. Ils doivent également participer à une série d'exercices par l'entremise de leur organisation. Il y a des exercices régulièrement et nous leur fournissons des avions militaires et nos propres navires de recherche et de sauvetage afin de nous assurer qu'ils ont la formation voulue et qu'ils sont capables de réagir.

À ma connaissance, il n'y a pas de système d'autorisation de sécurité.

Le sénateur Cordy: Encore une question pour mon édification personnelle, s'il vous plaît. J'ai emprunté le Canso Causeway à de nombreuses reprises, mais je ne savais pas que le canal de Canso était la responsabilité de la Garde côtière. Quelle est exactement cette responsabilité?

M. Wilson: Nous sommes en fait responsables du fonctionnement et de l'entretien du canal. Lorsque les navires empruntent le canal, les opérateurs sont des employés de la Garde côtière. Ils actionnent les écluses, permettent aux navires de traverser et réunissent les données sur l'utilisation du canal.

Le sénateur Cordy: Essentiellement, vous tenez un registre de l'utilisation.

M. Wilson: Oui.

Le sénateur Cordy: Vous avez déclaré que la Garde côtière canadienne est une présence visible et agit comme élément dissuasif aux activités terroristes et criminelles. Est-ce qu'une présence visible suffit à décourager le terrorisme? Puisque vous n'êtes pas armés, est-ce que la présence d'un navire de la Garde côtière suffit?

M. Wilson: Certainement d'après mon expérience personnelle, je dois dire que le fait qu'un très grand navire rouge et blanc navigue le long des côtes ou dans l'Arctique canadien ajoute à la souveraineté canadienne.

Est-ce que des navires qui s'approchent du Canada y verraient un élément dissuasif? Je le penserais.

Le sénateur Cordy: Vous avez également parlé de la contribution importante de la Garde côtière sur la scène maritime et du rôle très actif que vous jouez au sein d'un groupe interministériel.

Nous avons eu des représentants des forces armées ici plus tôt qui nous ont dit avoir du personnel de liaison afin de communiquer avec divers organismes gouvernementaux. Comment faites-vous la liaison avec les autres organismes gouvernementaux? Ou fournissez-vous votre information à un seul organisme? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Wilson: Tel que mentionné ce matin, nous assurons certainement la liaison de plusieurs façons aux niveaux les plus élevés des organismes gouvernementaux et ce dans mon poste en particulier. Je fais partie du Comité de la sécurité du Conseil fédéral. Je maintiens des contacts suivis avec mes collègues aux niveaux supérieurs de divers organismes. Ça c'est une façon.

Du point de vue opérationnel, nous avons du personnel opérationnel au centre régional qui assure la liaison avec le centre des opérations maritimes. Nous avons du personnel du MDN qui travaille à l'Institut Bedford d'océanographie qui participe à des relevés océanographiques à bord de nos navires, comme on l'a mentionné ce matin.

Nous avons un responsable de la liaison qui fait partie de la réserve militaire mais qui travaille aussi très efficacement avec mon personnel pour assurer la liaison avec d'autres ministères et organismes gouvernementaux ainsi qu'au sein de notre propre ministère sur des questions de conservation et de protection.

Il y a donc plusieurs niveaux de coopération. Nous partageons de l'information qui contribue à donner un aperçu général de la situation maritime et ce avec les forces armées et tout autre organisme qui a besoin de l'information.

Le sénateur Cordy: Si un navire de la Garde côtière repérait un présumé navire d'intérêt, quelle serait la première démarche? Qu'est-ce qu'on ferait d'abord? Avec qui communiquerait-on?

M. Wilson: Là encore, tout dépend des circonstances de cet incident. Il y a plusieurs possibilités. Lorsque vous dites un navire d'intérêt spécial, est-ce qu'il a été déterminé qu'il s'agissait d'activités illégales? Si c'est le cas, l'information serait transmise immédiatement à la GRC.

Le sénateur Cordy: Envisagez-vous un changement au niveau du mandat de la Garde côtière? De nombreuses personnes nous ont dit au cours de nos audiences qu'à leur avis, il fallait que la Garde côtière évolue. Vous nous avez énoncé très clairement votre mandat ce matin.

M. Wilson: La Garde côtière a certainement une longue tradition d'intérêt dans la sécurité maritime. Je pense que c'est un mandat extrêmement important pour le gouvernement et pour la Garde côtière et je pense que nous contribuons de façon importante à l'économie et au commerce maritime du Canada. Les programmes et services que nous offrons à cet égard sont extrêmement précieux.

Si vous interrogiez les responsables et les organismes portuaires qui s'intéressent au transport des biens et à la sécurité des marins, je pense qu'ils confirmeraient certainement que le rôle de la Garde côtière en matière de sécurité maritime est extrêmement important.

Notre mandat doit-il changer, faut-il envisager un rôle différent? Nous faisons face à des défis considérables en ce moment pour nous acquitter de notre mandat actuel en matière de sécurité. Il ne me revient pas de prédire quel devrait être notre rôle à l'avenir. Je suis ici simplement pour vous présenter, de mon mieux, notre mandat actuel — et c'est un défi.

Le sénateur Cordy: Cela signifie «sans commentaire», n'est-ce pas?

Le sénateur Forrestall: Comment se déroule la réinstallation à l'Institut Bedford?

M. Wilson: Lentement mais sûrement. Il y a des changements dans plusieurs secteurs d'activités, particulièrement au niveau du groupe technique.

Le sénateur Forrestall: Êtes-vous en retard ou existe-t-il un échéancier ferme pour la réinstallation?

M. Wilson: L'opération dépend beaucoup de l'immeuble du gouvernement du Canada car nous avons plusieurs employés et à Marine House et à la base de la Garde côtière à Dartmouth qui devront être installés dans la région métropolitaine. Jusqu'à présent, les retards viennent de l'aménagement de l'immeuble et de nos locaux. Lorsque nous aurons les autorisations voulues et que les travaux seront terminés, nous serons alors en meilleure posture, mais pour l'instant, nous sommes toujours à la base de Dartmouth et au siège social régional à Marine House.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous placé des navires à l'Institut Bedford?

M. Wilson: Les navires qui relevaient de la gestion opérationnelle du ministère des Pêches et des Océans, tels que les navires de science et les navires de pêche, sont toujours à l'Institut Bedford. Les navires opérationnels de la Garde côtière sont actuellement à la base de Dartmouth.

Le sénateur Forrestall: La situation donc du parc d'hélicoptères demeure inchangée?

M. Wilson: Dans quel contexte, monsieur?

Le sénateur Forrestall: Si vous déménagez de l'autre côté du pont et avez quelques milliers d'acres dans votre cour, allez-vous garder votre base où elle est actuellement, à Shearwater, ou allez-vous vous installer sur la base ou dans ses environs?

M. Wilson: Nous comptons rester à Shearwater.

Le sénateur Forrestall: Pour toujours?

M. Wilson: Il n'a jamais été question de déménager les hélicoptères de Shearwater.

Le sénateur Forrestall: Certains pensaient autrement.

M. Wilson: Je ne suis pas au courant.

Le sénateur Forrestall: C'est ce que je me demandais.

M. Wilson: Non.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais aborder le surcroît de travail et le sous-financement. Est-ce en partie dû au manque d'un programme de remplacement de la flotte?

M. Wilson: Je pense qu'il est généralement reconnu que la flotte actuelle de la Garde côtière est assez ancienne. Le Louis St. Laurent a 34 ans et certains des navires plus récents comme ceux de la classe 1100, le Edward Cornwallis, le Sir William Alexander, ont environ 17, 18 ans maintenant.

Notre plus grand navire hauturier de recherche, notre navire de recherche océanique, The Hudson, a 40 ans. C'est en effet coûteux, car c'est un défi que de maintenir cet équipement vieillissant. Cela contribue aux difficultés.

Le sénateur Forrestall: Pourriez-vous donner à la greffière de notre comité l'âge des divers navires?

M. Wilson: Je peux vous donner ça tout de suite, si vous voulez.

Le sénateur Forrestall: Si vous avez les données, je vous verrai après la réunion.

M. Wilson: Il n'y en a que huit. Dans les grands navires, le Louis St. Laurent a 34 ans.

Le président: Ne regardons pas ça maintenant. Nous le ferons après, je vous en prie.

M. Wilson: Très bien. Volontiers.

Le sénateur Forrestall: Le parc d'hélicoptères est assez moderne et en bon état, n'est-ce pas?

M. Wilson: Notre parc d'hélicoptères fonctionne très bien.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous suffisamment d'hélicoptères et de genres différents?

M. Wilson: Nous disposons certainement d'un nombre suffisant d'hélicoptères pour offrir nos programmes, oui.

Le sénateur Forrestall: Un autre sujet dont je me préoccupe, c'est le moral général des employés de la Garde côtière canadienne. Comme vous le savez, ils ont présenté une demande avec maintes pressions à Ottawa pour obtenir plus de financement. Je ne pense pas que cela ait donné grand-chose. Toutefois, le fait qu'ils ont jugé approprié de le faire me porte à croire que la situation est très grave. Dans ce contexte, pouvez-vous nous dire quelque chose au sujet du moral des employés actuels?

M. Wilson: Je pense que toute organisation qui traverse des changements connaît des problèmes de moral. Je suis à la Garde côtière depuis 32 ans et j'ai vu beaucoup de changements. Nous avons vécu l'Examen des programmes au début des années 90. Il y a eu la fusion avec le ministère des Pêches et des Océans en 1995. Nous examinons actuellement nos programmes et nos services afin de déterminer si nous pouvons les offrir d'une façon plus rentable.

Il est évident que la technologie nous permet aujourd'hui de faire les choses différemment et nous sommes redevables à la population de nous assurer que nous faisons ce genre de choses.

Il y aura toujours des problèmes de moral dans un climat de changement, il y aura toujours des gens qui sont insatisfaits et qui préfèrent le statu quo.

Le sénateur Forrestall: Certains fonctionnaires très dévoués peuvent en témoigner. Je pense que vous le savez. Est-ce que cela vous bouleverse? Peut-être devrais-je formuler la chose différemment. Peut-être devrais-je vous demander si le ministère des Pêches et des Océans est le meilleur organisme pour administrer la Garde côtière ou si votre fonctionnement se trouverait amélioré si vous étiez autonomes ou si d'autres dispositions étaient prises, par exemple, si vous faisiez partie du ministère de la Défense nationale, mais sans lien de dépendance?

M. Wilson: Comme je l'ai dit, je suis là depuis longtemps et je pense qu'il y a de nombreux avantages à faire partie du ministère des Pêches et des Océans. Nous fournissons à ce ministère des navires et des connaissances techniques dans l'organisation du personnel des navires pour effectuer de nombreuses recherches scientifiques océaniques d'une grande importance pour notre pays. Je pense que nous, et notre personnel à bord des navires avons la compétence et la formation voulues à cette fin.

Nous sommes également parfaitement aptes à donner, au moyen de nos navires un appui au ministère des Pêches dans la surveillance des interdictions de pêche et dans l'application de ses programmes. Je pense que le fait qu'il y a une organisation qui gère les deux flottes, l'ancienne et la nouvelle, qui fait maintenant partie de la Garde côtière, et qui gère le cycle de vie de cette flotte et qui cherche des remplacements, c'est important pour les Canadiens, puisqu'il n'y a pas chevauchement de services dans ces secteurs.

Il y a de nombreux avantages à faire partie d'une organisation dont les activités sont semblables. Je parle de la gestion de la marine marchande. Je pense que c'est là que nous contribuons beaucoup.

Le sénateur Forrestall: Il doit y avoir des douzaines et des douzaines de programmes scientifiques bien pensés à mettre à l'essai en mer. J'ai observé les gouvernements au fil des ans et souvent, on entend que nous n'avons pas suffisamment de navires et donc quelqu'un dit: «Faisons ceci et ensuite on aura l'impression d'avoir suffisamment de navires», mais ces projets ne démarrent jamais.

Faites-vous plus de travail institutionnel maintenant — cartographie, observation de la température, recherche sur les pêches — par opposition à ce que vous faisiez il y a 15 ans? Faites-vous beaucoup de ce genre de choses au quotidien?

M. Wilson: Nous fournissons les navires et les services de soutien pour ce genre d'activités. De façon générale, s'il s'agit d'une mission scientifique où l'on va recueillir des échantillons ou d'une mission de relevé océanographique, le personnel technique de ces secteurs particuliers au sein de notre ministère monte à bord de nos navires et effectue ce genre d'activités. En d'autres termes, nous exploitons les navires et nous fournissons l'expertise en navigation nécessaire.

Je m'empresse d'ajouter que si vous demandez à mes collègues en science et en hydrographie s'ils ont suffisamment de temps à bord des navires pour faire tout le travail qu'ils souhaitent faire, ils vous répondront probablement que non. Je suis convaincu qu'ils souhaitent toujours en faire plus, mais il faut trouver un équilibre entre leur travail et les normes de sécurité des programmes traditionnels de la Garde côtière.

Le sénateur Forrestall: Ce que je cherchais, monsieur le président, c'est une partie des explications pouvant répondre à votre remarque que la Garde côtière canadienne semble surchargée à cause de ce genre de demandes et d'autres, sans compter que l'on n'a pas activement cherché à renouveler les ressources comme dans le cas du travail de l'Institut.

L'Institut a échoué alors que nous étions au premier rang dans les programmes de recherche et autres travaux utiles. C'était l'un des meilleurs instituts au monde, à mon avis, meilleur que Woods Hole, par exemple. C'est vrai que le travail était légèrement différent, mais c'était généralement comparable.

J'ai toujours pensé que c'était une perte et je l'ai toujours déploré. Est-ce que cela a entraîné une augmentation de la charge? Est-ce que cela fait partie du problème de la surcharge de travail? Si ce n'est pas cela, quelle est la raison?

M. Wilson: Il est vrai que lorsque l'on tient compte de la taille et de l'âge de la flotte aujourd'hui, nous avons connu des problèmes mécaniques avec le temps et le programme continue à exister et même à prendre de l'ampleur dans certains cas. Manifestement, il faut de l'information scientifique, du travail de relevé hydrographique, l'application des lois, les services de brise-glace dans l'Atlantique et le Golfe du Saint-Laurent, et les activités ne cessent de prendre de l'ampleur. De ce point de vue, cela met à lourde contribution nos ressources actuelles et la flotte.

Nous cherchons des moyens de réduire cette pression sur nos ressources en trouvant d'autres façons d'offrir nos programmes traditionnels. Je pense que c'est notre responsabilité à l'égard des contribuables. Il nous incombe de chercher d'autres façons de faire lorsque c'est raisonnable.

Nous le faisons dans l'espoir de réduire une partie de la charge pour la flotte actuelle, et en définissant les priorités, nous allons pouvoir offrir certains programmes et services qui sont plus importants et qui sont davantage de notre ressort.

Le sénateur Forrestall: Une dernière question: Est-ce que la flotte à St. John's participe à des activités hors programme? Est-ce qu'on fait quelque chose pour le ministère des Pêches? Est-ce qu'on fait des levés hydrographiques?

M. Wilson: La plupart des régions ont également des responsabilités de programme dans le domaine soit des sciences ou d'application des règles du ministère des Pêches. Il n'y a pas de région qui me vienne à l'esprit et qui ne participe pas à ce genre d'activités.

Le sénateur Forrestall: Ils sont tous en mode multitâche.

M. Wilson: Tout à fait, oui.

Le sénateur Forrestall: Faites attention de ne pas trop rogner sur vos budgets. Bonne chance.

M. Wilson: Merci beaucoup, monsieur.

Le sénateur Meighen: Merci de votre présence. Je dois avouer que ce qui m'intéresse surtout, c'est la sécurité maritime. Avant de vous poser quelques questions à ce sujet, vous avez mentionné que vous êtes responsable du canal de Canso. Est-ce que la Garde côtière a la responsabilité d'autres canaux au pays, tel que le canal Welland?

M. Wilson: Non. En fait, c'est le seul endroit au Canada, à ma connaissance, où la Garde côtière exploite un canal.

Le sénateur Meighen: Par conséquent, si vous cherchez à réaffecter vos ressources de façon plus efficace et à mettre l'accent sur ce qui est important, ne serait-il pas utile de vous départir de cette responsabilité?

M. Wilson: C'est un point qu'il conviendrait sans doute d'examiner.

Le sénateur Meighen: Deuxièmement, pouvez-vous me donner une idée générale — je ne suis pas très fort en budgets — de vos budgets d'immobilisations et de fonctionnement depuis cinq ans disons? Ont-ils augmenté ou diminué ou vacillé?

M. Wilson: Nous avons reçu un financement pour immobilisations au cours de la dernière année dont je ne peux vous donner de chiffres exacts, mais je peux vous donner les chiffres pour les activités courantes. Voulez-vous savoir à combien s'élève notre budget de fonctionnement, ou voulez-vous simplement la ventilation?

Le sénateur Meighen: Si vous me disiez que vous avez obtenu une augmentation de 25 p. 100 de votre budget d'immobilisations, je serais très impressionné, mais si vous me dites que c'est une augmentation de 0,001, je ne pense pas que je serai très impressionné.

M. Wilson: Cette récente augmentation dans le budget des immobilisations va nous aider à nous attaquer à nos problèmes d'infrastructure.

Le sénateur Meighen: Est-ce que cela signifie de nouveaux navires?

M. Wilson: Non. Il s'agissait de trouver une solution au problème de l'entretien. À ma connaissance, on ne nous a pas donné de fonds pour le renouvellement.

Le sénateur Meighen: Je ne vais pas vous demander le pourcentage de temps de réparation par rapport au temps en mer pour les Sea King, mais j'ai l'impression que l'on atteint le même niveau de 1 pour 30. Je me suis un peu perdu dans les trois pages de comités interministériels. Vous devez assister à un plus grand nombre de réunions que quiconque et je vous félicite de votre persévérance et de votre patience.

Dans notre rapport de septembre 2002, nous avons recommandé la création de centres d'opération multiministériels à Halifax et à Esquimalt et je cite: «Pour recueillir et analyser du renseignement sur les expéditions et dresser un portrait opérationnel conjugué de tous les organismes gouvernementaux ayant affaire aux navires qui entrent au Canada [...]».

Vous avez mentionné au cours de votre exposé le concept d'opération du centre conjoint des opérations de la région des Maritimes. Est-ce que cela ressemble le moindrement à ce que nous avons recommandé ou avons-nous avancé vers un centre de coordination capable de prendre des décisions dans un délai raisonnablement rapide et d'y donner suite?

M. Wilson: Le concept des opérations que j'ai décrit ici existe en fait depuis 2001. Suite à plusieurs situations d'urgence au fil des ans, nous discutions de l'avantage d'avoir un centre d'opération administré par la Garde côtière où il y aura un bureau, une aire de travail pour les représentants d'autres organismes, de sorte que lors d'un incident, on pourrait réunir tous les intervenants et travailler en étroite collaboration avec le personnel du centre d'opération.

Je pense que le concept d'opération dont vous parlez, avec les centres de sécurité maritime et de fusion des données dont il a été question pour Halifax et Esquimalt, porte davantage sur la collecte de renseignements et les informations en matière de sécurité que sur les menaces contre la sécurité.

Nous envisagions en fait les secours courants en situation d'urgence, comme dans le cas d'un pétrolier ou autre gros navire.

Le sénateur Meighen: Je ne conteste pas forcément votre argument, car, si j'ai bien compris, vous n'avez pas les moyens de même envisager une garde côtière similaire à celle des États-Unis, et je devine que vous ne pensez pas forcément que ce soit non plus une bonne idée.

Toutefois, à tort ou à raison, j'ai l'impression qu'il peut exister une certaine lacune, en particulier dans la limite des 200 milles. Vous êtes là avec vos navires, dans toute la mesure du possible. Ne serait-il pas, à votre avis, avantageux de vous rapprocher au moins un petit peu du modèle américain, afin d'avoir à bord de vos navires au moins une personne qui est un agent de la paix, au moins une personne qui soit armée et capable d'intervenir directement en cas d'incident mineur ou de menace majeure?

Vous avez parlé de l'argent du contribuable, et si le personnel de la Garde côtière est là de toute façon, ne serait-il pas raisonnable de lui donner la capacité d'intervenir en cas de menace à la sécurité plutôt que de simplement faire rapport de ce qu'il voit? Vous dites vous-même que la flotte constitue une présence visible et dissuasive en ce qui concerne les actes terroristes et criminels.

J'avoue que je ne suis pas tellement sûr de comprendre en quoi cela peut dissuader qui que ce soit de commettre un acte terroriste ou criminel étant donné qu'elle ne peut rien faire, si elle constate quelque chose, sinon le signaler. Ne pourrait-on pas remonter un peu la barre et vous donner la possibilité de faire quelque chose d'autre que simplement signaler ce que vous voyez?

M. Wilson: Je suppose que tout est possible si l'on y met suffisamment d'argent mais que faudrait-il pour assurer la formation et l'équipement nécessaires à du personnel armé et l'installation des armes voulues sur les bateaux? Ce sont des facteurs-coûts importants.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous pouvons certainement offrir les plates-formes, les bateaux, à d'autres organismes et ministères. Si l'armée ou la GRC le demande, nous sommes prêts à embarquer un groupe d'intervention entièrement équipé prêt pour un arraisonnement armé et à l'emmener sur les lieux. Nous sommes une présence visible ce faisant.

Toutefois, en prenant comme modèle la garde côtière américaine, on constate que la capacité de notre flotte et ce pour quoi elle a été conçue ne nous permettent pas de jouer ce rôle nous-mêmes. Par exemple, la vitesse et la taille d'un brise-glace, et l'importance de l'équipage, ne se prêtent pas à un rôle d'exécution ni à un arraisonnement armé pour imposer ce genre d'interdiction en mer.

Il faudrait acheter quelque chose de beaucoup plus poussé, similaire aux garde-côtes très résistants de 382 pieds de la garde côtière américaine qui représentent un coût très élevé en équipage, opérations et formation. J'estime que la Garde côtière devrait concentrer ses ressources sur son rôle et son mandat actuels et sur l'importance des services de sécurité que nous assurons actuellement.

Le sénateur Meighen: Et si nous nous contentons du mandat actuel? Dans ce contexte, quel est votre plus grand besoin? Tout le monde a besoin de l'argent, mais dans quel secteur en avez-vous le plus besoin?

M. Wilson: Pour le remplacement des navires.

Le sénateur Meighen: Serait-ce la même type de navires, plus modernes seulement, ou un type différent?

M. Wilson: Il est évident qu'il faudrait examiner la possibilité de se doter de navires capables de missions multiples car, certes, notre mandat est assez élastique, qu'il s'agisse de briser les glaces, d'opérations de recherche et sauvetage ou d'océanographie, et cetera. Je ne pense pas que l'on puisse construire un navire qui réponde aux besoins de tous les programmes.

Ce qu'il faut, c'est un juste milieu. On peut certainement avoir plusieurs catégories de navires qui permettent de répondre aux besoins des différents programmes. Nous devons moderniser la flotte de la Garde côtière.

Le sénateur Smith: J'aurais une question à propos d'un article paru dans le National Post ce matin — «Forces Need Intelligence Czar — Report». Je n'ai pas eu le temps de lire tout l'article mais il semble dire que dans la mesure où l'armée a des renseignements de sécurité, elle devrait les communiquer. Que cela ne se fait pas de la façon la plus efficace possible. Il n'est pas simplement question de l'armée mais également d'autres organismes gouvernementaux.

À votre avis, qu'en est-il des renseignements venant de divers éléments de l'armée? Que pensez-vous de cet article et de l'idée d'un czar du renseignement de sécurité qui aurait un mandat clair en ce qui concerne l'utilisation de renseignements qui pourraient être utiles à divers organismes gouvernementaux?

M. Wilson: Je n'ai pas lu l'article mais je le lirai certainement, sénateur. Pour ce qui est de mes besoins dans le contexte de notre mandat actuel, le type de renseignement que nous souhaiterions, par exemple, serait que si, dans le cadre du contrôle par l'État du port, Transports Canada apprenait qu'un navire qui risque d'être endommagé arrivait dans les eaux canadiennes et pourrait provoquer un problème de pollution ou une situation qui exigerait l'intervention de la Garde côtière, on nous le signalerait. C'est le genre de renseignement que je pense que mes collègues de Transports Canada devraient nous fournir.

D'autres exemples seraient quand mes collègues au ministère de l'Immigration ou à la GRC sont au courant d'activités criminelles auxquelles serait lié un navire entrant dans les eaux canadiennes. Il serait bon qu'ils m'avisent qu'ils risquent d'avoir besoin d'un navire ou d'avoir accès à des renseignements sur les navires qui nous arriveraient par l'ECAREG.

Nous communiquons des informations sur les navires à divers organismes. Nous leur fournissons plus de renseignements que nous leur en demandons.

Le sénateur Smith: Envoyez-vous ces renseignements à tous les organismes ou y a-t-il une source centrale?

M. Wilson: Par le Centre des opérations maritimes à Trinity, ils ont accès à toutes les informations que nous faisons passer par ce système.

Comme on l'a signalé ce matin, c'est téléchargé deux fois par jour et on examine actuellement la possibilité de mettre sur pied un système de serveur qui donne accès aux informations en temps réel. C'est un progrès.

Deuxièmement, l'étude en cours sur MIMDEX, dont vous avez entendu parler ce matin, portera non seulement sur les ministères et organismes qui fournissent des renseignements à ce système mais également, nous l'espérons, sur la question des protocoles d'accès, de sorte que les organismes puissent avoir accès à ces informations en fonction du besoin de connaître.

Certes, il y a des informations de ce système auxquelles je n'ai pas besoin d'avoir accès et auxquelles je ne devrais pas avoir accès. Toutefois, il peut y en avoir d'autres pour lesquels il me faudrait un genre de code d'accès. C'est le type de chose que l'on examine pour MIMDEX, d'après ce que j'en sais.

Le sénateur Smith: Je ne vous demande pas tous les détails mais y a-t-il eu des cas, à votre connaissance, où certaines branches du gouvernement canadien, qu'il s'agisse de la défense ou de Transports Canada ou d'une autre, ait eu des informations qui vous auraient aidés à vous acquitter de votre mandat et ne les ait pas communiquées?

M. Wilson: Pas à ma connaissance, et probablement encore moins aujourd'hui qu'auparavant, si cela n'est jamais arrivé. Aujourd'hui, du fait de la coopération entre les paliers supérieurs des différents organismes par le biais du Conseil fédéral, nous discutons plus fréquemment de tous ces problèmes et connaissons tous personnellement les chefs des divers services. Si l'on pense que nous pouvons avoir besoin d'être mis au courant d'un incident à l'avance, nous sommes mis au courant.

En tout cas, l'incident Waldi al Arab est une bonne indication de la coopération entre la GRC et Santé Canada, et la Garde côtière a apporté une aide très importante à l'un et l'autre. Nous avions les ressources voulues et nous avons assuré un périmètre de sécurité autour du navire.

Nous avons transporté le personnel de la GRC et de Santé Canada qui devait s'acquitter de leur mandat et nous les avons aidés par notre centre de communications, ce qui montre le niveau de coopération et de collaboration entre les différents organismes dans cette région.

Il y a de très nombreux exemples semblables.

Le sénateur Smith: Ça fait plaisir à entendre.

Le sénateur Banks: Je sais que rien n'est aussi simple que cela peut sembler et que très souvent, nous posons des questions et exprimons des points de vue qui sont un peu naïfs. Toutefois, certains d'entre nous deviennent très agacés par la lacune dont parlait le sénateur Meighen et à laquelle nous faisons tous plus ou moins directement allusion comme l'a fait tout d'abord ce matin le sénateur Cordy.

D'après nous — et j'exagère exprès —, il y a toujours entre les différents organismes du gouvernement du Canada qui sont censés faire la même chose une tendance à l'«après vous».

Si l'on prenait tout cet argent, et je ne plaisante pas vraiment, que l'on dépense pour les comités et organisations qui visent à croître la capacité de communication entre les différents ministères qui disposent de renseignements et qui doivent les communiquer à un autre service, on pourrait vous acheter de nouveaux navires.

Certains d'entre nous ne sont pas convaincus que cela se fait aussi vite qu'il le faudrait. Je vous dis simplement cela pour que vous compreniez mieux ma question. Nous nous préoccupons de sécurité nationale. Nous estimons qu'il y a différents coûts en matière de sécurité nationale et que plus nous éloignons un problème, quel qu'il soit, de nos côtes ou de nos ports, mieux c'est.

Nous avons certaines ressources que l'on pourrait mieux utiliser à cet effet. Vous avez dit qu'il vous faut de nouveaux bateaux. Il faudra concevoir de nouveaux bateaux. Certes, on ne peut construire un bateau qui soit à la fois un sous-marin, un porte-avions et un baliseur, mais nous allons concevoir de nouveaux bateaux.

Ma question est très simple, même si elle est très longue, et vous pouvez y répondre par «oui» ou «non». S'il n'y avait pas de problèmes d'argent et de ressort ou de protection des intérêts de différents empires — vous n'en êtes bien sûr pas un —, vous opposeriez-vous en principe à l'idée que la Garde côtière assume des responsabilités additionnelles que certains d'entre nous considéreraient comme pratiques? Ou vous y opposez-vous essentiellement parce que, étant donné les ressources et l'argent dont vous disposez, ce n'est pas faisable?

Je peux accepter cette objection. Si ce problème n'existait pas et que vous aviez les ressources et le temps voulus pour le faire convenablement, pensez-vous qu'un changement éventuel du mandat de la Garde côtière, dans le sens envisagé par le sénateur Cordy, serait justifié dans la pratique?

M. Wilson: Je pense qu'il faut en effet considérer le contexte que vous venez de dresser. Vous semblez dire qu'il n'y a pas de problème de ressources. Que ce ne serait pas un problème de temps, qu'il y aurait tout le temps voulu pour une telle transition. Que la formation ne poserait pas de problème. Philosophiquement, personnellement, je n'y serais pas opposé. Toutefois, j'aimerais préciser ma pensée.

Je dirais simplement ceci: la Garde côtière joue un rôle très important pour les Canadiens en matière de sécurité. Je ne voudrais pas que ce mandat perde de l'importance car j'estime qu'il est essentiel.

Je crois d'autre part que la Garde côtière a un rôle à jouer dans le contexte océanographique et auprès du ministère des Pêches.

Le sénateur Banks: Donc, en résumé, vous ne verriez pas forcément d'inconvénients à ce qu'on élargisse votre mandat mais vous ne voudriez pas qu'on le diminue.

M. Wilson: C'est cela.

Le président: Monsieur Wilson, merci beaucoup d'être venu. Votre témoignage a été très utile et constructif. Nous avons beaucoup apprécié cet échange. Nous vous poserons peut-être d'autres questions par écrit auxquelles nous espérons que vous voudrez bien également répondre.

La séance est levée.


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