Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 13 - Témoignages - Séance du 3 septembre 2003 - 9 h 30


OTTAWA, le mercredi 3 septembre 2003

Le Comité sénatorial permanent des finances, à qui a été confié l'examen du projet de loi C-25, Loi modernisant le régime de l'emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, se réunit ce jour à 9 h 29 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, notre premier témoin est M. Peter Aucoin, professeur à l'École d'administration publique de l'Université Dalhousie. Sa biographie ainsi qu'une liste de ses nombreuses publications vous ont été distribuées; je peux simplement ajouter, par expérience, qu'il est une des sommités au pays en matière d'administration publique.

Hier soir, M. Hodgetts a fait allusion à un article de M. Aucoin publié dans la revue Administration publique du Canada. Dans cet article, il signale que les fondements soi-disant indépendants ne sont pas indépendants, mais plutôt, qu'ils sont un peu plus et un peu moins que cela. Étant donné que cette question a revêtu beaucoup d'intérêt pour le présent comité, nous avons préparé un rapport sur cette dernière il y a quelque temps. J'ai fait parvenir des exemplaires de cet article à un certains d'entre vous.

Il ne fait aucune doute que M. Aucoin voudra traiter, dans sa déclaration liminaire ou dans les réponses aux questions, de la question qui a été soulevée hier par M. Hodgetts.

Bienvenu, monsieur Aucoin; vous avez la parole.

M. Peter Aucoin, professeur, École d'administration publique, Université Dalhousie: Je vous remercie de votre invitation à comparaître devant le comité, même si c'est après les exposés donnés hier soir par MM. Franks et Hodgetts. Ils sont difficiles à battre. Je sais maintenant ce qu'a pu ressentir Pete Mahovlich tout au long de sa carrière.

Pour les besoins de la transparence, disons, comme mes notes l'indiquent clairement, que je suis membre du groupe consultatif externe sur la modernisation de la fonction publique chargé de conseiller le greffier du Conseil privé. Je suis également collaboration émérite auprès du Centre canadien de gestion, qui sera touché par ce projet de loi. Évidemment, je ne représente ici ni l'un ni l'autre. Je devrais également ajouter que mon domaine d'expertise ne s'étend pas à la négociation collective.

J'ai examiné certains aspects du projet de loi C-25, mais je ne me considère pas comme un expert dans ce domaine. Je vais parler brièvement et en termes généraux de la structure fondamentale qui émergera consécutivement à l'adoption de ce projet de loi, et surtout des répercussions qu'aura le projet de loi sur la Commission de la fonction publique et le Conseil du Trésor. S'il reste du temps, je ferai quelques observations sur quelques autres questions connexes.

À mon avis, les modifications proposées touchant la Commission de la fonction publique et le Conseil du Trésor sont exactement celles qui s'imposent pour rationaliser le système de dotation et accroître la responsabilité — les deux objectifs poursuivis par la réforme de la fonction publique dans ce domaine.

Pour des raisons que j'espère pouvoir clarifier, je ne suis pas d'accord avec d'autres commentateurs, y compris d'autres universitaires, qui ont comparu soit devant la Chambre des communes soit devant le présent comité. Ces derniers estiment que ces modifications représentent un pas modeste vers un système idéal ou parfait, où tous les pouvoirs exécutifs en matière de dotation et de gestion seront remis entre les mains du gouvernement, à titre d'employeur, alors que la Commission de la fonction publique se verra reléguée simplement à un rôle de vérification.

Comme la plus grande partie de mon travail est de nature comparative, je peux dire que c'est la situation qui prévaut dans de nombreux autres pays et je pense que le système canadien est nettement supérieur à ce que l'on retrouve dans ces pays. Les Australiens ont adopté ce genre de séparation, que d'autres trouvent meilleure, mais je ne pense tout simplement pas que ce soit mieux. En raison de la nature particulière de la dotation dans la fonction publique, ce système suscite de sérieuses inquiétudes.

Le projet de loi C-25 propose que la Commission de la fonction publique conserve son autorité en matière de dotation de la fonction publique. Évidemment, le législateur suppose également que la Commission déléguera cette autorité aux sous-ministres. Cependant, précisément parce qu'elle conserve cette autorité, et c'est là la clé, la Commission a, comme cela se doit, le pouvoir de mettre fin à la délégation à un sous-ministre, de changer les termes régissant la délégation à un sous-ministre ou de révoquer une nomination faite par un sous-ministre ou un subordonné en vertu de la délégation.

En d'autres mots, contrairement à ce que beaucoup ont laissé entendre, la Commission n'est pas reléguée au simple rang d'organisme de vérification, comme c'est le cas du Bureau du vérificateur général. Le vérificateur général n'a aucun pouvoir au-delà de la vérification. La Commission de la fonction publique, telle qu'on la conçoit dans ce projet de loi, possède des pouvoirs réels; elle peut prendre des mesures correctrices et imposer des sanctions à des sous- ministres individuels à qui elle a délégué l'autorité en matière de dotation. Je veux insister sur ce point parce dans une bonne partie de la discussion, les pouvoirs importants que ce projet de loi confère à la Commission de la fonction publique sont tout simplement passés sous silence.

Je dirais qu'il s'agit d'une structure idéale pour deux raisons. Premièrement, la nature non partisane de la dotation dans la fonction publique exige que l'autorité en matière de dotation ne soit pas conférée aux ministres, individuellement, ou au Conseil du Trésor, à titre d'employeur. Par définition, vous ne pouvez avoir une Commission de la fonction publique qui est non partisane lorsque les décisions en matière de dotation sont prises par des personnes partisanes — à savoir, les ministres. La question de savoir si les ministres sont compétents pour faire ce genre de nomination est une question bien différente. Ce qui importe, c'est qu'ils sont partisans et que s'ils participent à un processus dans lequel des partisans peuvent être candidats, ils se retrouvent alors en conflit d'intérêts. Il n'est donc tout simplement pas possible d'avoir un tel processus. Si vous voulez une fonction publique partisane, il vous suffirait de permettre aux ministres de faire les nominations, mais encore une fois, c'est une autre question. Et cela ne fait plus partie des moeurs des Canadiens depuis le XIXe siècle, sauf dans certaines provinces.

Deuxièmement, dans notre système de gouvernement, les sous-ministres ne devraient pas se voir confier directement l'autorité réglementaire en matière de dotation par une loi du Parlement. Et la raison en est bien simple: le Parlement — la Chambre des communes et le Sénat — n'a pas le pouvoir de tenir les sous-ministres pleinement responsables et, particulièrement, n'a pas le pouvoir d'imposer des sanctions aux sous-ministres s'il voulait leur obliger à rendre des comptes. Les sous-ministres ne sont pas nommés par le gouvernement; ils ne peuvent pas être démis de leurs fonctions par le Parlement et ils ne peuvent pas être disciplinés par le Parlement. Le fait de rendre les sous-ministres responsables devant le Parlement de l'application d'un pouvoir de dotation délégué crée un système très fragile; l'Australie a adopté précisément ce système. Et il ressort clairement que ses fonctionnaires dont les fonctions sont équivalentes à celles de nos sous-ministres ont moins de comptes à rendre.

Le fait que la Commission de la fonction publique garde son autorité en matière de dotation et, par conséquent, ait la capacité de prendre des mesures en fonction de ses vérifications ou de ses enquêtes signifie que la Commission joue un rôle dans l'administration du gouvernement — comme l'a signalé M. Franks à la réunion d'hier soir — et que, dans ce contexte, elle est responsable devant le Parlement de son rôle d'intervenant parlementaire.

Toutefois, cela crée des complications que l'on ne retrouve pas dans le secteur privé. Je dirais que la complication tient au fait qu'il y a un intérêt public à avoir une fonction publique non partisane qui dessert une structure gouvernementale dans laquelle le pouvoir exécutif touchant tous les autres aspects de l'administration est détenu par des partisans, à savoir les ministres. La simplification de cette structure serait une recette idéale pour une politisation partisane de la fonction de dotation, comme ce qui est arrivé dans certaines administrations, ou pour une gestion dans laquelle les fonctionnaires n'ont pas de comptes à rendre ou, pire, pour les deux.

Je veux insister sur le fait que les freins et contrepoids dont il a été question à la réunion d'hier soir sont excellents dans ce système. Bien que les freins et contrepoids ne soient pas mauvais, ils rendent les questions plus complexes. Toutefois, la nature de ce processus exige une complexité, et non une simplification. À mon sens, la Commission aurait suffisamment de pouvoir pour s'acquitter de ses responsabilités en matière de prévention des nominations partisanes, ce qui est un objectif clair dans la loi, et de protection de l'application du principe du mérite dans la dotation face à ce qu'on appelle le favoritisme bureaucratique. La Commission est beaucoup plus qu'un simple organisme de vérification. La question de savoir si elle aura toutes les ressources budgétaires nécessaires pour réaliser son mandat dans ce contexte est une question bien différente. Évidemment, cela dépendra en partie dans quelle mesure le Parlement — la Chambre des communes et le Sénat — accordera une attention, constante et sérieuse, au rôle de la Commission de la fonction publique à cet égard pour forcer le gouvernement à accorder un financement approprié.

Je pense que vous avez déjà discuté des raisons qui justifient ces modifications. Presque tout le monde s'entend sur la nécessité de rationaliser la dotation dans la fonction publique. Le système actuel est trop lent pour permettre une gestion efficace et efficiente et, en particulier, pour permettre de recruter des candidats recherchés ou des candidats potentiels qui ont d'autres possibilités de carrière. L'intérêt public n'est pas bien servi par cette réalité.

Je sais que la question est complexe, mais une des principales raisons qui expliquent les défauts du système actuel, c'est que l'administration du système, comme on l'a signalé hier soir, a été submergée par une judiciarisation excessive. Il y en aura toujours, mais dans les circonstances actuelles, elle est excessive. La situation en ce moment, c'est que nous avons un régime de dotation régi par des règles et des procédures qui font maintenant l'objet d'une jurisprudence élaborée à cause de l'absence de définition dans le système et à cause des dispositions régissant les recours possibles. Cette difficulté ne peut être surmontée qu'en augmentant le pouvoir discrétionnaire de la gestion et en limitant la portée des appels ou des moyens de recours. Ce projet de loi fait les deux.

En même temps, l'obligation de rendre des comptes pour les gestionnaires, depuis le sous-ministre jusqu'au bas de l'échelle, et le contrôle externe exercé sur ces derniers doivent être renforcés. Comme vous devez le savoir, le système actuel est tout simplement trop mou à ces deux égards. La situation est en partie attribuable au fait que la Commission est mêlée de trop près au processus de dotation et qu'en conséquence, sa crédibilité pour exiger des comptes s'en trouve diminuée. Le président de la Commission de la fonction publique, M. Scott Serson, l'a clairement laissé entendre dans son témoignage devant le présent comité en juin.

La judiciarisation du processus actuel affaiblit également la responsabilité parce qu'elle décourage les cadres supérieurs, individuellement et collectivement, à régler le cas des gestionnaires subalternes ayant un rendement médiocre, même dans des cas de mauvaise gestion. Le système proposé renforcerait la responsabilité de la gestion en créant une distance plus grande entre la Commission de la fonction publique et le gouvernement tout en maintenant ses pouvoirs. Elle aurait beaucoup plus de poids, mais elle garderait ses distances par rapport au gouvernement à cet égard.

Dans ce contexte, je pense qu'un changement important doit avoir lieu qui, à mon avis, n'est pas prévu dans la loi et qui aurait dû avoir été prévu par la pratique. À mon sens, le nouveau système exige que le président de la Commission de la fonction publique ne fasse plus partie de la confrérie des sous-ministres. Le ou la titulaire de ce poste ne devrait plus être membre de certains comités parce que l'appartenance à ces comités compromet l'intégrité de la fonction et en fait une fonction beaucoup plus proche du pouvoir exécutif qu'elle devrait l'être. Cela doit changer. Les indications révèlent que tout le monde pense plus ou moins la même chose. Alors que la Commission devrait conserver son autorité en matière de gestion de la dotation, elle devrait, en ce qui concerne la délégation aux sous-ministres, prendre ses distances et jouer un rôle de superviseur, de vérificateur et d'enquêteur. Elle obligerait les sous-ministres à rendre des comptes et imposerait au besoin des sanctions à des sous-ministres particuliers.

Ceci dit, il est absolument impératif qu'il n'y ait pas d'erreur. Il est essentiel que le président soit quelqu'un qui a une expérience très approfondie de la gestion supérieure de la fonction publique fédérale. Ce n'est pas un poste qui convient à une personne de l'extérieur, inexpérimentée. Ce n'est certainement pas un poste qui convient à quelqu'un du secteur privé qui n'a pas d'expérience du secteur public.

Partout dans le monde, on constate que lorsque vous parachutez des dirigeants du secteur privé dans le secteur public dans ce genre de rôle, cela se termine généralement par un échec, pas seulement au Canada, mais partout où l'on a tenté l'expérience. Dans certains endroits, on a fait preuve de plus de persévérance, mais cela ne fonctionne tout simplement pas. C'est comme placer un joueur de hockey dans l'uniforme d'un joueur de baseball et de l'envoyer sur le terrain. Ce n'est pas du tout le même sport. Ces gens n'ont tout simplement pas suffisamment de connaissances et d'expérience, et, dans nombre de cas, ils n'ont tout simplement pas la personnalité nécessaire pour fonctionner dans un système beaucoup plus complexe — le système gouvernemental.

Il est aussi vrai, contrairement à ce qui se faisait par le passé, que le poste de président ou de présidente de la Commission de la fonction publique doit être le dernier qu'une personne occupera au sein de l'administration. Ce travail ne pourra servir de tremplin vers un autre poste de sous-ministre, par exemple. Cela compromet également l'intégrité du système. Il faut que la personne qui occupe cet emploi quitte la fonction publique au terme de son mandat.

À ce propos, j'aimerais faire quelques observations, en mettant l'accent sur plusieurs de mes remarques antérieures. La première concerne le favoritisme bureaucratique. Selon moi, la Commission dispose de suffisamment de pouvoirs pour empêcher le favoritisme bureaucratique. Le favoritisme est toujours un risque en matière de dotation car vient un moment où il faut trancher. Ce n'est pas un processus automatique. Vous ne pouvez pas mettre le système de dotation en pilotage automatique. Il faut décider qui est la meilleure personne et la plus qualifiée pour occuper le poste à combler. Ceci est particulièrement vrai dans un système décentralisé — surtout lorsqu'il n'y a pas de concours public.

D'ailleurs, le système actuel n'est pas une panacée puisque à ce chapitre, il laisse à désirer. Le régime proposé est bien meilleur étant donné que la Commission aura plus de liberté et sera davantage encouragée à adopter une approche plus assertive en tenant les sous-ministres responsables et en exerçant ses pouvoirs d'imposer des sanctions.

J'aimerais ajouter, pour ceux qui ne connaîtraient pas bien le système de dotation de la fonction publique, que certaines personnes prétendent que le favoritisme est largement répandu. On en parle dans les journaux à tout bout de champ. Néanmoins, les allégations de favoritisme bureaucratique sont grossièrement exagérées, en partie par ceux qui ont tout intérêt à miner la crédibilité des gestionnaires en général. Pour eux, qui se trouvent dans une perspective d'opposition à la direction, les gestionnaires ne peuvent pas prendre de bonnes décisions. On ignore également le fait que les gestionnaires doivent permettre à la fonction publique d'atteindre son objectif tout en essayant de gérer la carrière de leurs employés dans l'intérêt du plus grand nombre.

Je tiens également à vous faire remarquer que, même si beaucoup de gens dénoncent le pouvoir qu'exercent les gestionnaires sur leurs employés — ce qui est bizarre étant donné que cela fait partie de leurs attributions —, la plupart des fonctionnaires qui souhaitent faire carrière au sein de la fonction publique veulent aussi que leur cheminement professionnel soit géré par la fonction publique. Lisez tous les rapports sur le moral des employés dans la fonction publique. Ces derniers ne veulent pas se sentir abandonnés. Ils veulent qu'on s'occupe d'eux, recevoir de la rétroaction et des instructions. Il y a là un paradoxe, et je pense que nous devons examiner sérieusement cette question.

Il est aussi vrai que dans la plupart des concours qui ne sont pas destinés à l'embauche de techniciens hautement spécialisés, il faut émettre un jugement qualitatif sur le mérite des candidats qui, dans la plupart des cas, possèdent toutes les compétences requises. C'est comme la dotation dans les universités. Il y a énormément de gens dûment qualifiés dans certaines disciplines, mais vous devez quand même faire des jugements qualitatifs. Dans ces cas, bien sûr, ceux qui n'obtiennent pas l'emploi convoité crient au favoritisme. C'est inévitable.

En peu de mots, la proposition de création de l'école de la fonction publique est un élément important en faveur du développement d'une fonction publique professionnelle. Cela perpétue et fortifie une tradition au Canada. En outre, cela permet de porter attention à ce que j'appelle la dimension professionnelle de la fonction publique, c'est-à-dire à la notion rattachée au métier de la fonction publique par opposition à celui qu'exerce un médecin, un avocat ou un ingénieur travaillant pour l'administration publique. Je pense que c'est un point important qui prendra de l'importance avec la modernisation. L'idée d'une fonction publique professionnelle comme atout national fait de plus en plus de chemin dans le monde, y compris au sein d'organisations qui, auparavant, n'étaient pas favorables à la fonction publique, comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

En ce qui concerne le personnel des ministères, il y a dans ce projet de loi une disposition que je rejette. Vous avez entendu d'autres témoins y faire allusion. Je ne vois pas en quoi on servirait l'intérêt public en permettant au personnel des ministères de continuer à jouir d'un statut privilégié. Je sais que c'est la voie qu'ont suivie beaucoup de gens qui ont eu de brillantes carrières dans la fonction publique — certains sont de bons amis à moi —, mais on se méprend sur ce point. Ces personnes ne devraient pas avoir d'accès préférentiel au système. Quoi qu'il en soit, si le fait d'occuper ces emplois leur donne une expérience et des connaissances pertinentes, cela devrait se refléter directement dans leur dossier de candidature.

Au sujet de l'étendue du mandat de la Commission, hier soir, M. Hodgetts a mentionné le fait que, d'une certaine manière, la taille de la fonction publique diminuait et que le projet de loi s'appliquait à une fonction publique de plus en plus réduite puisqu'une grande part de ses activités échappait au mandat de la Commission. On ne désigne plus ces activités comme faisant partie de la fonction publique, mais celles-ci s'inscrivent dans le secteur public au sens large. Nous avons réduit la taille de la fonction publique et je crois que nous sommes arrivés à un point — ou nous l'aurons atteint dans la foulée de ce projet de loi — où nous devrions réfléchir davantage à la diversité des régimes pouvant coexister au sein de cette fonction publique.

Par exemple, que les Jésuites me pardonnent, à quel procédé jésuite a-t-on eu recours pour expliquer aux étudiants ou aux étrangers pourquoi l'Agence des douanes et du revenu du Canada n'est pas considérée comme faisant partie du noyau de la fonction publique? On ne peut pas faire cela. C'est tout simplement insensé. L'Agence des douanes et du revenu n'est pas dans le système parce que lorsqu'elle a été créée, il n'y avait rien qui incitait à une réforme du système. Pour régler le problème, on l'a sortie de ce cadre. Cela représente environ 25 p. 100 de la fonction publique fédérale. Dans une moindre mesure, Parcs Canada se retrouve dans une situation quelque peu semblable. Il convient de repenser l'ensemble de la fonction publique dans ces termes, particulièrement dans le but d'améliorer la probité publique et de doter la fonction publique des ressources humaines dont elle a besoin; et la Commission de la fonction publique devrait jouer un rôle plus important à ce chapitre.

Tôt ou tard, nous devrons repenser la façon dont sont nommés les sous-ministres en cherchant des modèles plus indépendants. Ce sera surtout le cas si nous nous orientons vers une réforme parlementaire plus radicale ou que nous adoptons un nouveau système électoral dans lequel les gouvernements minoritaires ou de coalition seront la norme. Dans ces circonstances, je pense que l'approche traditionnelle qui a très bien servi le Canada jusqu'à présent sera de moindre utilité. Nous devrions suivre l'exemple de la Nouvelle-Zélande, au moins dans ses principes de base, qui a institué un système en vertu duquel les sous-ministres sont nommés par la haute direction de la fonction publique. Le rôle de chien de garde démocratique est assuré au moyen d'un veto, mais c'est ainsi que cela fonctionne. C'est le processus qu'on avait l'habitude d'utiliser de manière informelle au Canada.

Enfin, en ce qui concerne la protection des dénonciateurs, puisqu'on en parle dans les médias, je dirais que je n'ai aucune expertise particulière dans ce domaine. Néanmoins, compte tenu des intérêts en jeu, je pense que nous avons besoin d'une loi distincte qui s'appliquerait à la fonction publique, au sens large du terme. La Commission de la fonction publique devrait probablement être l'agence responsable, mais j'aimerais évaluer les effets de cela sur ses autres fonctions. Je crois également qu'il faut absolument que ce soit une agence ayant de l'expertise en gestion publique. Il est extrêmement important de protéger les dénonciateurs, tout comme l'intégrité du système, particulièrement à une époque où, si vous êtes soupçonné d'avoir commis une erreur, vous êtes condamné par le tribunal de l'opinion publique. Il faut assurer une gestion avisée de la fonction publique de sorte que les gens seront protégés pour avoir dénoncé des activités répréhensibles, mais, du même coup, le système doit être géré correctement.

Le président: Merci, monsieur Aucoin. Votre exposé nous a paru très enrichissant et, d'une certaine manière, il nous pousse à réfléchir sur certaines questions.

Le sénateur Bolduc: Savez-vous s'il existe d'autres pays occidentaux dans lesquels la notion d'examen public — concours public d'entrée dans la fonction publique — n'est pas appliquée?

M. Aucoin: Il faut faire une distinction entre deux situations. Tout d'abord, il y a le concours que l'on passe pour occuper un poste dans la fonction publique, puis il y a le concours pour entrer dans la fonction publique en général. Hier soir, quelqu'un a fait référence au ministère des Affaires étrangères et à sa longue tradition en la matière. Dans beaucoup d'administrations publiques de par le monde, les gens sont recrutés par concours d'entrée. Ils ne posent pas leur candidature pour un poste en particulier. Pour la plupart, les carrières de ces personnes sont gérées après l'entrée dans le système.

Dans le système politique occidental, et plus particulièrement dans les pays que j'ai étudiés, c'est-à-dire l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne, les États-Unis et, dans une certaine mesure, l'Europe continentale, il y a eu un véritable transfert du pouvoir de gestion au personnel. Dans beaucoup de pays, ce que nous appelons les sous- ministres sont en fait des employeurs. Dans bien des cas, ils jouissent d'une grande discrétion pour décider s'ils ont recours à des concours pour embaucher de nouvelles recrues ou s'ils peuvent nommer des personnes sans organiser de concours.

Le sénateur Bolduc: Croyez-vous que ce projet de loi serait bonifié si on adoptait le principe des concours publics pour le recrutement des fonctionnaires?

M. Aucoin: Il est possible d'entrer dans l'administration publique sans être assigné à un poste en particulier. Il devrait toujours y avoir des concours. Je ne vois pas comment on pourrait justifier la nomination de quelqu'un au sein de la fonction publique, en vertu du projet de loi actuel, sans passer par un concours.

Le sénateur Bolduc: Même si ce n'est pas indiqué dans la mesure législative?

M. Aucoin: C'est indiqué en ce sens que les concours et les nominations sans concours sont une option. Si quelqu'un qui est appelé à embaucher du personnel a recours à un autre moyen que le concours, il peut faire l'objet d'une plainte car cela peut être considéré comme un abus de pouvoir en vertu de la loi.

Le sénateur Bolduc: Vous savez très bien que certaines personnes sont nommées ou embauchées à titre temporaire. C'est la pratique habituelle pour 75 p. 100 des postes.

M. Aucoin: D'après la mesure législative proposée, cela va changer. Vous ne pourrez plus affecter des employés temporaires à des postes qui deviendront permanents. Les employés temporaires n'ont même pas le droit de poser leur candidature pour ces postes. On a fait une distinction claire entre les deux.

D'après la loi actuelle, vous avez absolument raison. Mais selon la nouvelle loi, ce ne sera plus possible.

De manière générale, comme vous l'avez décrit, il est absolument impératif d'instituer des concours dans l'ensemble du système.

Le sénateur Bolduc: Cela n'est pas indiqué.

M. Aucoin: Vous avez admis hier soir avoir été nommé, à certaines occasions.

Le sénateur Bolduc: Je parle de manière générale. Pensez-vous que le concours doive être la règle pour entrer dans la fonction publique?

M. Aucoin: Il le deviendra si le projet de loi proposé est adopté.

Le sénateur Bolduc: Bien sûr, il y aura des exceptions. Je comprends. En principe, même l'administrateur devrait être tenu de respecter des règles fondamentales pour l'embauche dans la fonction publique.

M. Aucoin: Dans ce cas, je dirais que non. Je suis d'accord pour que ce soit un principe de base, mais pas une règle de base. Si cela devient une règle, cela ouvrira la porte au type de poursuites, de recours et de décisions dont nous avons parlé. Il y aura des poursuites et des jugements, pas autour des mérites du candidat, mais autour des procédures et des chinoiseries administratives.

Ce projet de loi vise à créer une situation dans laquelle le principe est clair, mais où la règle ne vous accule pas au pied du mur. Hier soir, plusieurs sénateurs ont évoqué les difficultés associées à cette approche.

On ne peut éviter une certaine judiciarisation du processus. Ce projet de loi contribuera grandement à régler le problème selon lequel, si vous adoptez certaines définitions du mérite, vous tombez dans ce processus de judiciarisation. D'autres pays règlent la question en accordant davantage de pouvoir discrétionnaire.

Le sénateur Furey: Dans votre allocution d'ouverture, vous avez parlé de la proposition contenue dans ce projet de loi voulant que la Commission garde son pouvoir de dotation plutôt que de le déléguer au sous-ministre. Vous avez dit que cela était la situation idéale pour deux raisons: premièrement, la dotation ne devrait pas être de la responsabilité des ministres, et je pense que les raisons sont évidentes; et, deuxièmement, les sous-ministres ne devraient pas directement assigner le pouvoir car ils n'ont pas à rendre de comptes au Parlement.

Comment concevez-vous ce pouvoir de délégation de la Commission aux sous-ministres? Est-ce une vraie délégation du pouvoir? Est-ce que cela cadre bien avec le modèle dont vous nous avez parlé?

M. Aucoin: Selon ma définition, c'est une vraie délégation des pouvoirs. La Commission de la fonction publique délègue ce pouvoir au sous-ministre. Ce dernier peut user de ce pouvoir. Dans n'importe quel système de délégation de l'autorité, la personne qui délègue un pouvoir peut le reprendre en cas d'usage abusif. Il ne s'agit pas d'un transfert. Ce pouvoir n'est pas abandonné à tout jamais.

Lorsque je dis que les sous-ministres ne peuvent pas être tenus responsables par le Parlement, je ne veux pas dire qu'ils ne devraient pas répondre de leurs actes devant lui. Ils pourraient certes le faire.

Cependant, la reddition des comptes comporte deux volets. L'un est de répondre de ses actes devant une entité. L'autre est la capacité de l'entité de tenir responsable. Le Parlement n'a pas la capacité d'annuler la délégation d'un pouvoir, d'imposer des mesures disciplinaires à un sous-ministre ni de le renvoyer.

La Commission de la fonction publique est donc un organisme étrange. Je vais l'admettre. C'est la nature du processus de dotation impartial qui constitue la question.

Le sénateur Furey: Je suis certes d'accord. J'aurais dû parler de la reddition des comptes et non du fait de répondre de ses actes. La différence est certainement énorme.

Je constate que la délégation du pouvoir d'embaucher à un sous-ministre ou à un administrateur général ne cadre pas tout à fait avec le modèle que vous nous avez exposé au début, c'est-à-dire pas aussi bien que vous le souhaiteriez. Les sous-ministres, à toutes fins pratiques, effectueront l'embauche, même si la Commission est autorisée à leur retirer le pouvoir d'embaucher. Ce sont les sous-ministres qui décideront des nominations une fois qu'ils auront obtenu l'autorisation, n'est-ce pas?

M. Aucoin: Oui, bien sûr. C'est là le but. Nous voulons que ce soit eux qui prennent ces décisions. Toutefois, s'ils commencent à effectuer ou à permettre à d'autres d'effectuer des nominations politiquement motivées ou des nominations qui résultent d'un abus de pouvoir ou de favoritisme, le pouvoir d'embaucher peut leur être retiré. En outre, la nomination peut être annulée dans des circonstances particulières. Cela se produira.

Si la Commission de la fonction publique joue son rôle convenablement, elle imposera des sanctions aux personnes en cause. Ce n'est pas le ministère qui perdra le pouvoir d'embaucher, mais bien le dirigeant du ministère en question.

Le pouvoir pourrait être retiré à un sous-ministre ou davantage de conditions pourraient lui être imposées par rapport à un autre sous-ministre. La nomination qu'un sous-ministre ou que l'un des membres de son personnel a effectuée peut être annulée. Selon moi, il s'agit d'un pouvoir considérable.

Si la Commission effectue bien son travail, elle utilisera son pouvoir et n'essaiera pas de créer des règles. Elle ne devrait pas déclarer qu'il faut une nouvelle règle parce qu'une erreur a été commise. Ce serait encore une fois emprunter la voie de la judiciarisation.

Les règles sont claires. Vous ne pouvez pas abuser de votre pouvoir ni autoriser l'influence politique. Cela est clair. C'est écrit dans la loi.

Tout le monde sait exactement ce qu'est l'abus de pouvoir. C'est manipuler le système ou embaucher quelqu'un qui n'a aucun droit d'obtenir l'emploi simplement parce que vous le préférez.

Le sénateur Furey: Vous préférez toujours que ce nouveau système soit mis en oeuvre plutôt que la Commission conserve seule le pouvoir d'embaucher?

M. Aucoin: Tout le pouvoir, oui.

Le sénateur Furey: Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Kinsella: Monsieur Aucoin, les pages 107 et 108 du projet de loi concernent la gestion des ressources humaines et les responsabilités du Conseil du Trésor. Certaines des responsabilités particulières sont exposées. L'amendement apporté par la Chambre à l'alinéa h) porte sur le fait que le Conseil du Trésor aurait la responsabilité «d'élaborer des lignes directrices ou des directives concernant la communication par les personnes employées par la fonction publique de renseignements sur les actes fautifs [...]» Il s'agit de la disposition ridicule sur la dénonciation qui a été ajoutée au projet de loi à l'étape de l'étude en comité à l'autre endroit.

J'ai été heureux de vous entendre déclarer que, à notre époque, nous avons besoin de règles de nature législative régissant la dénonciation. Nous pouvons travailler à l'élaboration d'un modèle, mais il doit figurer dans la loi.

Nous traitons ici bien sûr de la fonction publique, mais une petite partie de celle-ci. Comme vos collègues universitaires l'ont dit hier soir, nous ne traitons pas directement de tous les organismes publics ni de l'ensemble du secteur privé régit par le gouvernement fédéral.

Estimez-vous que nous avons besoin d'une loi en matière de dénonciation dans le secteur privé ainsi que dans le secteur public?

M. Aucoin: Je ne me suis pas penché sur la nécessité d'une telle loi pour le secteur privé, alors je devrais m'abstenir de formuler des commentaires. Ce qui m'intéresse, c'est d'étendre ce type de loi à la plus grande portion possible du secteur public.

Il existe des raisons pour lesquelles certains organismes, comme des sociétés d'État, possèdent les structures qu'ils ont, que Ted Hodgetts a appelé des aberrations structurelles.

Je devrais mentionner que, au fil des ans, il y a eu des changements, particulièrement depuis que M. Hodgetts a écrit son célèbre manuel. En particulier, en 1984, le gouvernement conservateur a apporté des modifications à la Loi sur la gestion des finances publiques qui ont réglé dans une large mesure les problèmes concernant la responsabilité des ministères et la reddition des comptes chez les sociétés d'État. Dans la plupart des cas, ces organismes sont beaucoup moins aberrants, si je puis utiliser ce mot.

Ces prétendues entités indépendantes, comme M. Hodgetts les appelle, que votre comité a étudiées par le passé sont distinctes. Elles sont davantage que des aberrations structurelles, car elles ne sont plus essentiellement des organismes gouvernementaux. Elles sont des institutions privées et jouissent de fonds privés. C'est là ma principale préoccupation. Ces institutions devraient redevenir des organismes gouvernementaux.

La disposition sur la dénonciation devrait s'appliquer à l'ensemble du secteur public. Je ne vois aucune raison pour laquelle des différences devraient être établies, car l'ensemble des organismes du secteur public ont un lien à un moment donné avec le Parlement. Quant à savoir si la disposition devrait s'appliquer au secteur privé, surtout s'il s'agit de la même loi, je ne peux pas formuler de commentaires à ce sujet.

Le sénateur Kinsella: Lors de votre exposé ce matin, j'ai été ravi de vous entendre dire que la Commission de la fonction publique devrait s'en tenir à un rôle de superviseur, de vérificateur et d'enquêteur. Bien sûr, c'est pourquoi je pense que la Commission de la fonction publique serait l'entité idéale pour mettre en application la disposition sur la dénonciation et qu'il ne serait pas difficile de préciser dans la loi que la disposition s'applique aux organismes publics qui ne font pas directement partie de la fonction publique. Cela serait facile à faire.

Ce qui m'a étonné un peu, c'est votre opinion selon laquelle le président — et je ne sais pas pourquoi nous utilisons ce titre puisque selon moi le terme commissaire en chef est tout à fait convenable — de la Commission de la fonction publique ne devrait pas être un sous-ministre. Ne peut-on pas faire valoir qu'en étant sous-ministre, le commissaire, et par conséquent la Commission, demeure entièrement au courant de ce qui se passe dans la fonction publique? Lors des petits déjeuners et des dîners mensuels des sous-ministres, beaucoup d'information sur ce qui se passe est partagée. Il s'agit d'information précieuse pour la Commission de la fonction publique qui peut être obtenue de cette façon.

Là où je dois vous faire savoir que je ne partage pas votre point de vue, ou du moins que je dois en discuter avec vous, c'est à propos du fait que le poste de président devrait être le dernier poste d'un fonctionnaire. Ce qui ne me plaît pas à propos du projet de loi, c'est qu'il diminue la Commission de la fonction publique, quoique vous affirmiez avec justesse qu'il accroît ses responsabilités. J'estime que le président de la Commission de la fonction publique devrait être la personne la plus brillante, la plus dynamique et la plus énergique et posséder des idées novatrices et créatives, plutôt qu'une personne qui est en fin de carrière.

Je ne suis pas convaincu que les sous-ministres qui ont dirigé la Commission au cours des 20 dernières années pendant des mandats de 10 ans — quoique, comme quelqu'un l'a fait remarquer, très peu sont restés pendant 10 ans — et qui sont ensuite retournés dans un ministère ou un organisme central n'ont rien rapporté du point de vue qu'ils ont acquis au sein de la Commission de la fonction publique. N'y a-t-il pas là un point à faire valoir?

M. Aucoin: Tout à fait. Il y a toujours des concessions à faire.

À une époque, le président de la Commission de la fonction publique se tenait à l'écart, surtout lorsque c'était la Commission qui s'occupait de la dotation des postes et non pas les ministères. Elle ne déléguait pas cette tâche, comme elle le fait maintenant. Jadis, elle était davantage indépendante. Bien sûr, la relation entre les sous-ministres n'était pas aussi étroite qu'elle l'est actuellement. Ils ne se réunissaient pas aussi souvent que maintenant. Ils forment aujourd'hui davantage un groupe.

À cette époque, il était moins nécessaire pour le président de la Commission de la fonction publique d'envisager d'imposer des mesures disciplinaires aux sous-ministres, car les personnes qui effectuaient la dotation étaient des membres de la Commission. Cela a commencé à changer lorsque la délégation de pouvoirs s'est amorcée, c'est-à-dire il y a quelques années. Elle ne fait pas l'objet du présent projet de loi.

Deux choses se sont produites. Le poste de président de la Commission de la fonction publique a eu de plus en plus tendance à être occupé par un sous-ministre, et les sous-ministres ont formé de plus en plus une équipe qui fonctionne comme un dirigeant. Dans ce contexte, il existe en effet un avantage à connaître ce qui se passe au sein du système. Mais il existe aussi parfois un désavantage à connaître ce qui se passe. Quelquefois, il vaut mieux ne pas savoir.

Il est également plus difficile d'imposer des mesures disciplinaires à vos collègues membres de l'équipe, et c'est pourquoi j'affirme aussi qu'il est plus difficile de le faire si vous êtes en milieu de carrière et le président de la Commission de la fonction publique. Vous occuperez peut-être un poste inférieur un jour, mais entre-temps vous imposeriez des mesures disciplinaires à des gens qui plus tard pourraient être en mesure d'influencer votre avenir. Je crois que cela ne va pas.

Il faut faire des concessions, mais si nous voulons avoir le type de freins et contrepoids dont nous parlons, maintenant que nous déléguons considérablement de pouvoirs aux ministères, nous avons d'autant plus besoin de freins. C'est ce que fournit le projet de loi. Le statut du président de la Commission de la fonction publique sera plus important, non pas l'inverse.

Par ailleurs, quant au fait d'être en fin de carrière, je dirais que le président doit être un gardien. Il ne faut pas un entrepreneur. L'innovation doit avoir lieu au sein des ministères en ce qui a trait à la façon dont les gens gèrent le système de dotation. Il faut quelqu'un qui veille sur l'intérêt public.

Cette personne doit détenir assez d'expérience pour connaître les rouages, être en mesure de faire face à ses collègues et être capable d'appliquer les freins et contrepoids. Comme je l'ai dit plus tôt, les mesures disciplinaires ou les sanctions seront difficiles à imposer. Vous serez sévère à l'endroit de vos collègues, si vous avez le courage de l'être, et je crois que c'est ce que le système exigera.

Pour revenir au point qu'a fait valoir le sénateur Bolduc, je dois dire qu'un gardien est nécessaire, car les concours doivent être la norme. Nous voulons les meilleurs et les plus brillants. La fonction publique se vantait jadis de détenir les meilleurs et les plus brillants.

Je crois encore que nous possédons l'une des meilleures fonctions publiques au monde, mais nous savons que nous nous sommes laissés aller au chapitre du recrutement des meilleurs et des plus brillants. La mauvaise presse qu'a eue la fonction publique et la bureaucratie n'a pas aidé. Il existe un certain nombre d'options dans le secteur privé. Je n'ai exposé que quelques-unes des nombreuses raisons pour lesquelles il a été difficile de recruter des gens pour le secteur public. Je crois que la situation est en train de changer, mais cela signifie qu'il faut un gardien vigilant dans le cadre du processus.

Dans certains cas, il y aura un concours d'entrée dans la fonction publique. Je pense que nous devons y revenir. C'est contraire à certains aspects de la vie publique canadienne parce que c'est très élitiste.

[Français]

Le sénateur Gauthier: J'ai toujours été un peu mystifié par le rôle du greffier du Conseil privé. Cette personne recommande la nomination des sous-ministres. Il est en fait le patron des sous-ministres. On ne parle pas souvent de son rôle. Le greffier du Conseil privé a un rôle important à jouer pour coordonner le travail du gouvernement. Je ne crois pas que le président de la Commission de la fonction publique ait un rôle à jouer dans les sous-comités et les comités des sous-ministres ou des sous-ministres adjoints.

Prenons l'exemple suivant. À mon arrivée au Sénat, en 1972, il y avait une crise au sujet des langues officielles alors que le président de la Commission de la fonction publique s'était livré à un genre de croisade. Vous vous souviendrez qu'entre 1972 et 1975, la formation linguistique et le domaine de la traduction et de l'interprétation représentaient un projet fort ambitieux. À cette époque, le président de la fonction publique avait fait l'objet de fortes critiques de la part des médias. Il a d'ailleurs dû payer une dette à cet égard de façon un peu injuste et pas tout à fait conforme, à mon avis.

Monsieur Aucoin, vous avez indiqué plus tôt que la Commission de la fonction publique devrait reprendre ses fonctions de nomination. Je suis d'accord avec cet énoncé, cependant avec la réserve suivante. Les sous-ministres agissent sous l'autorité du greffier du Sénat. Comment pourrait-on inciter le greffier du Conseil privé à avoir une implication plus dynamique? Le greffier actuel accomplit un très bon travail. Nous avons toutefois eu fréquemment en poste des greffiers moins impliqués, peu visibles et surtout absents des débats publics. Le greffier devrait-il avoir plus de contrôle sur les sous-ministres? Devrait-il jouer un rôle dans la délégation des pouvoirs, la nomination, la dotation?

[Traduction]

M. Aucoin: J'ai parlé brièvement des sous-ministres, mais il faut souligner que les sous-ministres ne font pas partie de la fonction publique, ils ne sont pas nommés par la Commission de la fonction publique. Ils sont nommés par décret et choisis par le premier ministre. La Commission de la fonction publique n'a rien à voir avec les sous-ministres. Quand un employé est nommé sous-ministre, il sort de la fonction publique.

Au Canada, la tradition veut que les sous-ministres soient nommés parmi les fonctionnaires de carrière. Leur nomination est une prérogative du premier ministre au Canada. Dans certains pays, ce n'est pas le cas. Selon une tradition vieille de quelques décennies, notre greffier du Conseil privé est le sous-ministre du premier ministre, si vous voulez, et il le conseille au sujet de ceux qui devraient devenir sous-ministres.

Le greffier du Conseil privé est la tête dirigeante de la fonction publique. Il n'a aucun pouvoir sur elle, parce qu'il agit seulement à titre consultatif, mais son rôle, comme vous l'avez souligné, sénateur, est crucial dans ce contexte. Selon la tradition établie dans notre pays, c'est le greffier qui fait les nominations. Les anciens greffiers à qui j'ai parlé m'ont indiqué que les premiers ministres interviennent rarement; ils acceptent leur décision. Ceux qui veulent devenir sous-ministre ou les sous-ministres qui veulent monter d'échelon savent que c'est le greffier qui prend la décision dans les faits.

Il y a un nouveau guide à l'intention des sous-ministres sur le site Web du BCP. Ce guide et d'autres documents indiquent clairement que le greffier du Conseil privé est le patron des sous-ministres, y compris pour des questions comme les évaluations de rendement et la rémunération. Le greffier est le responsable à cet égard.

Le président de la Commission de la fonction publique a joué un certain rôle à ce sujet en faisant partie du comité de coordination des sous-ministres. J'ai proposé qu'il n'en fasse plus partie. La commission serait, à mon avis, encore moins engagée dans le processus.

Quand j'ai signalé que nous pourrions songer à un nouveau processus de nomination pour les sous-ministres, je pensais aux énormes pressions exercées dans le monde pour politiser la nomination ou le renvoi des hauts fonctionnaires. Dans certains pays, les postes de sous-ministre deviennent très politisés. Il y a eu beaucoup d'allégations en ce sens en Australie dernièrement.

Margaret Thatcher est le premier premier ministre de Grande-Bretagne à jamais avoir mis en question une recommandation concernant la nomination d'un secrétaire permanent. Depuis, on a affirmé que les premiers ministres jouent un rôle plus actif. Ce n'est pas tellement une question de nommer des personnes partisanes que de demander, comme Margaret Thatcher avait coutume de le faire: «Cette personne est-elle une des nôtres?», autrement dit est-ce qu'elle a un style particulier ou les mêmes objectifs que le gouvernement en matière de politiques?

On peut bien voir maintenant, avec ce qui se passe en Grande-Bretagne, qu'il y a eu des pressions pour que le gouvernement présente les faits de façon partisane. Un des principaux acteurs dans cette controverse, M. Alastair Campbell, conseiller de Tony Blair, a été accusé depuis le début d'avoir poussé les attachés de presse du gouvernement à présenter le gouvernement sous un jour favorable. Il en est question depuis le début.

La Nouvelle-Zélande est le seul pays qui s'est écarté de cela. Dans la mesure où il y a un contrôle démocratique dans le régime, c'est une voie que nous pouvons suivre.

Le sénateur Gauthier: Vous avez parlé de la possibilité de ne pas faire de nomination sans concours. Il y a une seule façon d'entrer dans la fonction publique. Actuellement, il y a ce que nous appelons le personnel «exonéré». Après avoir travaillé trois ans pour un parlementaire, on a accès, de façon préférentielle, aux emplois de la Commission de la fonction publique. Je pense que ce n'est pas raisonnable, et vous semblez d'accord, n'est-ce-pas?

M. Aucoin: Oui.

Le sénateur Comeau: Monsieur Aucoin, je voudrais revenir à la question du favoritisme bureaucratique pour savoir ce qui peut se passer concrètement. Quand j'étais député de la Chambre des communes, les gens nous demandaient souvent des emplois dans la fonction publique. Je ne pense pas raconter d'histoires en disant cela. La pression existe toujours. Ce sont de bons emplois, surtout dans les régions rurales où les gens estiment que c'est un bon moyen d'entrer dans la fonction publique. Ils ne savent pas vraiment comment le système fonctionne. Quand j'expliquais aux gens qu'ils devaient présenter une demande à la Commission de la fonction publique et que le recrutement des fonctionnaires échappait à notre contrôle, les gens se rendaient assez bien compte que nous n'avions aucun pouvoir là- dessus.

Je vois un problème si on confie le recrutement aux gestionnaires locaux, aux directeurs régionaux comme ceux de Pêches et Océans, de Patrimoine Canada, de Développement des ressources humaines et d'autres, parce que les gestionnaires locaux — ce qu'on appelle les administrateurs généraux dans le projet de loi — seront les recruteurs locaux, les bonzes des régions. Le député, le ministre et le personnel local du ministre seront alors incités à fraterniser avec eux. Croyez-moi, les députés, les ministres et les employés de ministres peuvent être très créatifs pour flirter avec ces gros bonnets locaux. Ce qui va en fait se passer, c'est qu'on va donner accès aux gens à la fonction publique par la porte d'en arrière.

Le premier ministre lui-même a donné le ton il y a quelques temps quand il a indiqué qu'un député, peu importe son rang, pouvait appeler un fonctionnaire et le pousser à faire certaines choses. Je ne pense pas avoir besoin de donner d'exemple, mais je vais le faire. Le président de la Banque de développement du Canada a reçu un appel. En tant que député, le premier ministre lui a demandé d'accorder un prêt à ses amis.

Jusqu'ici, nous pouvions nous justifier, comme députés et ministres, en disant que c'était la Commission de la fonction publique qui en était responsable. Nous ne pourrons plus le faire. Les députés seront incités à s'acoquiner avec ces fonctionnaires pour obtenir des emplois à leurs amis. Comment contrôler cela?

M. Aucoin: D'après Ted Hodgetts, c'est en fait une des raisons pour lesquelles on a centralisé le système, pour soustraire les gens aux pressions dans les régions.

J'imagine que vous savez tous que les deux tiers des postes dans la fonction publique ne se trouvent pas à Ottawa, mais dans les régions. On parle d'un grand nombre d'emplois.

Si, d'un côté, les députés, les sénateurs ou les ministres veulent éviter les pressions, ils ont simplement à parler du rôle de la Commission de la fonction publique, qui est responsable de cette activité. À cet égard, rien n'a changé. D'un autre côté, s'ils veulent obtenir des emplois pour les gens, s'ils veulent vraiment exercer des pressions, il faut se demander si le système est assez efficace. Vous voulez le comparer au système actuel, qui permet d'exercer des pressions. Le rôle de la Commission de la fonction publique n'est pas négligeable. La plupart des emplois sont dotés dans les régions par les gestionnaires régionaux. Comme Scott Serson vous l'a fait remarquer, il compte maintenant six vérificateurs. La capacité d'enquêter à ce sujet n'est pas importante.

Il y a deux observations à faire. Je présume que, si les politiciens veulent contrer la pression, ils peuvent encore le faire. Je ne vois pas de changement important à ce sujet. Cependant, s'ils veulent exercer des pressions, que font les gestionnaires locaux? Ils doivent savoir que ce sont les sous-ministres qui leur délèguent le pouvoir et que c'est le sous- ministre qui va se retrouver dans l'embarras s'ils commencent à faire des folies avec les nominations. Il faut aussi dire que, si la Commission de la fonction publique, comme son président l'a indiqué, sera plus active, des vérifications et des enquêtes auront lieu et il y aura de réelles sanctions qui vont s'appliquer. Si on découvre que des gestionnaires locaux ont fait preuve de favoritisme dans l'embauche, ils vont être renvoyés, ce qui doit être le cas, je pense. Leur carrière est en jeu. C'est une façon de contrer la pression. Ensuite, il faut se demander ce qu'il est bon de faire. Dans la vaste majorité des cas, il faut faire des concours. C'est un moyen de protection. C'est la raison pour laquelle c'est un bon principe. Vous vous attirez des ennuis quand vous ne faites pas de concours. Les gestionnaires vont être assez intelligents pour s'en rendre compte.

Je crois que le nouveau projet de loi incite à faire mieux, ce que ne faisait pas la loi avant.

Le sénateur Oliver: Monsieur Aucoin, j'aimerais vous remercier de votre excellent exposé. J'ai deux questions courtes et précises à poser.

La première fait référence à la page 3 de votre mémoire. Vous dites clairement que le nouveau système qui est proposé dans le projet de loi C-25 renforce la responsabilité des gestionnaires en distançant la Commission des activités administratives, sans pour autant en réduire les pouvoirs.

C'est justement sur ce dernier bout de phrase que j'aimerais vous interroger. La Commission de la fonction publique comprend actuellement trois commissaires à temps plein. Le projet de loi propose qu'il y en ait qu'un auquel serait associé un groupe de commissaires à temps partiel, ce qui suppose des nominations politiques et de l'ingérence politique. Cela ne va-t-il pas affaiblir le système? Vous dites que ses pouvoirs ne seront pas réduits, mais je pense qu'ils vont l'être en vertu du projet de loi. Pourriez-vous me donner des explications, je vous prie?

Ma deuxième question est aussi précise. Vous n'en avez pas parlé aujourd'hui, mais le plus important problème de la fonction publique au Canada est le fait qu'elle n'est pas représentative. Elle ne représente pas la diversité du Canada et c'est un grave problème pour les fonctionnaires et le reste de la population. Pourriez-vous m'indiquer si le projet de loi devrait traiter de cette question de façon détaillée et pas seulement dans le préambule?

M. Aucoin: Pour répondre à votre première question sur les pouvoirs de la Commission, dans le passage que vous citez, j'ai fait référence aux pouvoirs qui lui sont conférés par la loi. Elle a le pouvoir de faire ce que j'ai dit qu'elle ferait, et je pense que c'est important.

Si on comprend le mot «pouvoirs» dans son sens plus général de capacités, ce qui inclut à la fois son mandat et peut- être ses ressources budgétaires, le nombre d'employés et ce genre de choses, je pense avoir déjà abordé la question. C'est une question de savoir dans quelle mesure le Parlement fait pression sur le gouvernement pour qu'il lui accorde les budgets voulus, c'est-à-dire du personnel.

Pour ce qui est du poste de président à temps plein et des postes de membres à temps partiel, je dois admettre que je ne me rappelle pas quelle en est l'explication. Je me demande même si je l'ai jamais su et, si je l'ai su, je l'ai oublié; il y a des raisons qui motivent cette décision.

Je ne pense pas que les postes à temps partiel vont faire l'objet d'une nomination politique dans le sens péjoratif du terme, c'est-à-dire qu'on va nommer des personnes proches du pouvoir. Il est important de se rappeler que le Bureau du vérificateur général est un organisme assez influent. Il y a un vérificateur général et des employés. Il n'y aurait pas nécessairement réduction des pouvoirs si les commissaires travaillaient à temps partiel. En fait, les pouvoirs pourraient être accrus de bien des façons, surtout s'il y a plus de deux commissaires. Tout d'abord, la Commission pourrait être plus représentative. Elle pourrait réunir des gens de différentes régions du pays qui n'ont pas à être à Ottawa tout le temps. Sa capacité pourrait ainsi être accrue. Cela pourrait atténuer les pressions dont les autres sénateurs ont parlé. Ceux qui travaillent davantage sur le terrain, comme les gestionnaires régionaux, pourraient être fort utiles.

Je ne crains en aucune façon que sa capacité soit réduite.

Le sénateur Mahovlich: On gagne à simplifier.

M. Aucoin: Peut-être.

Vous avez parlé ensuite du fait important que la fonction publique n'est pas aussi représentative qu'elle devrait l'être. Dans un certain sens, on vise toujours un idéal. La fonction publique est représentative à certains égards, mais ne l'est pas dans d'autres cas. Elle s'en sort bien maintenant pour ce qui est des langues officielles. Elle fait des progrès. Si je ne m'abuse, elle est mieux placée que la plupart des autres administrations comparables pour ce qui est de la représentation des hommes et des femmes. Il n'y a pas autant de femmes qu'il le faudrait aux échelons supérieurs, mais aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans d'autres pays, la situation est bien différente. Il y a eu un effort concerté ici, au Canada, à ce sujet.

Vous avez cependant raison de dire qu'il y a des lacunes dans d'autres domaines. Dans certains cas, les compressions budgétaires ont accentué le problème, étant donné que les derniers arrivés sont les premiers à partir. Cela n'a pas aidé. La perception que les gens ont de la fonction publique entre aussi en ligne de compte. Depuis une vingtaine d'années — et c'est, d'une façon, ce dont vous parlez —, il est difficile de recruter des employés, surtout quand d'autres possibilités s'offrent à eux. Qui veut travailler pour une bande de fonctionnaires incompétents?

Comme les témoignages recueillis par la Commission royale sur la réforme électorale vous l'ont appris pour ce qui est de la participation des groupes d'immigrants au processus politique, il faut invariablement attendre une génération ou deux. Nous savons que certains de nos immigrants de récente date viennent de pays où travailler pour l'État est loin d'être une priorité. Il y a des mises au point à faire à ce sujet.

Le projet de loi est extrêmement utile à cet égard par rapport au régime actuel qui essaie d'associer la «représentativité» au mérite, ce que nous ne devrions pas faire parce que ce sont deux aspects différents qui sont tous les deux légitimes. La fonction publique doit être représentative et, pour qu'elle le soit, il ne faut pas faire de la représentation une question de mérite. Ce sont deux aspects distincts. Dans sa forme actuelle, le projet de loi offre plus de latitude pour effectuer certains choix difficiles et la réconciliation dont M. Hodgetts a parlé.

La Loi sur l'équité en matière d'emploi est claire et il n'est pas nécessaire de la reproduire dans le projet de loi. La résumer dans le projet de loi va en réduire la clarté. C'est dans le préambule qu'il doit en être question. Ce n'est pas de la poudre aux yeux; c'est là qu'est sa place.

Le président: Nous allons devoir nous arrêter là-dessus, monsieur Aucoin. Votre témoignage a suscité tellement d'intérêt que nous avons pris 15 minutes de retard. Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant quelqu'un qui a un point de vue unique sur ces questions, et j'ai nommé l'honorable Lloyd Francis. Vous avez son curriculum vitae. M. Francis, qui est détenteur d'un doctorat, a commencé sa carrière comme fonctionnaire. Il a été président de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada; il s'est ensuite lancé en politique et a siégé pendant de nombreuses années à la Chambre des communes comme député de diverses circonscriptions de la région d'Ottawa; il a été vice-président, puis Président de la Chambre des communes, ambassadeur au Portugal, et il est membre du Conseil privé. Les parlementaires de longue date sont enchantés qu'il soit de retour sur la colline du Parlement, même si ce n'est que brièvement.

Bienvenue, monsieur Francis. La parole est à vous.

[Français]

M. Lloyd Francis, ex-président de la Chambre des communes: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'accorder le privilège de me présenter devant vous.

[Traduction]

Monsieur le président, je ne me permettrai pas de formuler des observations détaillées sur le projet de loi dont vous êtes saisi, mais seulement des commentaires généraux sur ce qui me dérange le plus, c'est-à-dire les aspects qui ne figurent pas dans ce projet de loi.

Au début de l'histoire du Canada, les nominations dans la fonction publique étaient faites par favoritisme. En 1908, la Commission du service civil, comme on l'appelait à l'époque, a été créée pour corriger la situation. Au début, la Commission remplissait deux fonctions. Elle faisait les nominations et les vérifiait, ce qui est contradictoire, puisque l'organisme responsable des nominations était aussi chargé de vérifier son propre travail. Au départ, on a mis l'accent sur les nominations. Plus récemment, c'est le processus de vérification qui a acquis de l'importance; on a assoupli le processus de nomination en déléguant beaucoup de pouvoirs pour laisser les gestionnaires faire leur travail.

Les fonctions de la Commission ont évolué. Quand le projet de loi sera adopté, comme je suis sûr qu'il le sera, et le gouvernement attend ce moment avec impatience, la fonction de vérification sera une responsabilité importante de la Commission de la fonction publique. La situation m'inquiète beaucoup, d'abord parce que je pense que la Commission n'a pas les ressources voulues. M. Serson n'a-t-il pas parlé de six ou sept vérificateurs, alors qu'il y en avait beaucoup plus il y a dix ans? C'est le processus budgétaire qui détermine les ressources. Et la Commission de la fonction publique doit présenter son budget au Conseil du Trésor. Aucun parlementaire n'intervient dans le processus.

Comme M. Serson l'a fait remarquer, la Commission a un rôle de chien de garde et le Conseil du Trésor, comme tous les autres services gouvernementaux, n'aime pas être surveillé de près. L'acquisition des ressources et du budget nécessaires à l'exercice de cette fonction doit être examinée directement par les membres de votre comité et par ceux qui examinent le projet de loi.

Il est essentiel que les sénateurs et les députés examinent cette activité, s'assurent que cette fonction est bien exercée et veillent à ce que la Commission dispose des ressources nécessaires pour remplir cette responsabilité extrêmement importante.

Monsieur le président, quand j'étais Président de la Chambre, la prolifération des organismes relevant directement du Parlement me préoccupait énormément. Il y a eu d'abord le vérificateur général, mais il y avait un comité spécial qui s'intéressait de près à son travail. Il y a eu ensuite le commissaire aux langues officielles, puis le commissaire à la protection de la vie privée, toute une série d'organismes relevant du Parlement, et personne pour les superviser. La Commission de la fonction publique était en quelque sorte un hybride. Elle rendait des comptes à un ministre, ce qui n'était même pas le cas pour les autres. Cependant, le ministre est davantage un messager qui transmet le rapport au Parlement. Le ministre n'a jamais donné de consignes concernant les activités de la Commission de la fonction publique, et personne ne s'attendait à ce qu'il le fasse.

Comment corriger une lacune évidente concernant l'administration d'un nombre croissant d'employés qui ne font pas partie de la fonction publique régulière et ne relèvent pas de la Commission de la fonction publique?

Quand j'étais Président de la Chambre, j'ai décidé d'essayer de faire examiner les budgets de ces organismes relevant directement du Parlement par un employé de la Chambre. Je voulais qu'on résume les budgets, qu'on présente un rapport annuel aux députés, et aux sénateurs je pense, et qu'on convoque un représentant à tour de rôle. Quand il a quitté ses fonctions de commissaire à la protection de la vie privée du Canada, John Grace m'a dit qu'il n'avait jamais été convoqué devant un comité parlementaire durant toute la durée de son mandat. On peut se demander qui le supervisait. Il n'avait pas à rendre de comptes à un ministre. C'est grave.

Je crois que la question rejoint aussi un sujet que vous avez vous-même soulevé en juin, monsieur le président, tout comme MM. Franks et Hodgetts l'ont fait au cours des audiences, c'est-à-dire l'existence d'une fonction publique parallèle. Aujourd'hui, Postes Canada, NAV Canada et l'Agence des douanes et du revenu du Canada comptent plus de 100 000 employés. Il est audacieux de prétendre que tous ces organismes respectent le principe du mérite. Monsieur le président, je crois que c'est un aspect qu'il faut examiner, et qu'il faut examiner très sérieusement.

Il y a autre chose qui m'inquiète vraiment, et je n'ai pas de solution facile à proposer. Il est question de M. Radwanski et de M. Cochrane dans les journaux. Je cite leurs noms parce que les médias en parlent. Ils avaient d'énormes comptes de dépenses. Le problème de l'administration financière du Canada va bien au-delà des comptes de dépenses. J'aimerais savoir combien de fonctionnaires au Canada ont le sentiment que le gouvernement doit leur payer un voyage à Calgary durant la semaine du stampede alors que le gouvernement de l'Alberta ne doit normalement pas être aussi actif à ce moment-là qu'à d'autres périodes.

J'aimerais savoir combien de fonctionnaires se sont fait payer des congés qu'ils avaient déjà pris en partie. C'est formidable de dénoncer, et je ne veux pas décourager ceux qui ont l'audace de le faire, mais on ne peut pas compter uniquement sur la dénonciation pour corriger les abus financiers.

Je sais que Mme Robillard a promis des dispositions pour protéger les dénonciateurs. Je ne veux rien leur enlever, mais qu'arrive-t-il après? Les relations personnelles se détériorent vraiment après une dénonciation. On ne peut se fonder là-dessus pour mettre fin aux abus financiers.

Je propose aux membres de votre comité d'examiner les activités des contrôleurs financiers des ministères. Ils sont assujettis aux règles des sous-ministres et des cadres supérieurs du ministère, et un contrôleur financier qui hésite à signer un document ou refuse de le faire parce qu'il a des doutes quant à la régularité d'une dépense peut subir des pressions ou être victime de harcèlement.

On pourrait résoudre le problème en assurant l'autonomie des contrôleurs financiers au sein des ministères et on pourrait peut-être, monsieur le président, songer à ce qu'ils soient des employés du Conseil du Trésor et non pas assujettis aux règles du sous-ministre du ministère.

Il faut consolider d'une certaine façon la situation des contrôleurs financiers. Pour qu'un système fonctionne bien, il vaut mieux prévenir que guérir. Je frissonne chaque fois que j'entends parler de la dénonciation. Il ne faut assurément pas compter sur elle pour assurer le contrôle financier.

Monsieur le président, le comité a entendu les témoignages de MM. Franks et Hodgetts. M. Hodgetts m'a précédé d'un an à l'université, ce qui ne nous rajeunit pas ni l'un ni l'autre. Je suis sûr que ce qu'il a dit sur l'expansion à l'extérieur va vous intéresser, comme elle m'intéresse.

Je ne veux en aucune façon discréditer la fonction publique du Canada. Notre fonction publique est excellente et composée de fonctionnaires consciencieux. Cependant, le principe selon lequel on veut laisser les gestionnaires faire leur travail — principe qui est grandement soutenu dans le projet de loi — sera compromis si on n'accorde pas de ressources à la Commission de la fonction publique pour qu'elle puisse remplir sa fonction de vérification. Il faut donc revoir le mécanisme par lequel la Commission de la fonction publique obtient son budget.

Il faut examiner le processus en vertu duquel ces organismes sont supervisés et doivent rendre des comptes, et peut- être que les membres de votre comité auront des propositions à faire à ce sujet.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Francis. C'était extrêmement intéressant.

Le sénateur Bolduc: Vous nous avez présenté une très bonne analyse institutionnelle de votre expérience et de la façon dont vous avez géré des abus. M. Aucoin nous a lui aussi présenté une analyse institutionnelle très intéressante. J'ai déjà souligné le problème du mérite à de nombreuses reprises. Nous avons fait beaucoup de progrès au Canada depuis 50 ans en ce qui concerne le processus de concours public pour entrer à la fonction publique et les concours d'avancement au sein de la fonction publique. Dans l'ensemble, ce régime a généré de bons résultats. Cependant, je suis un peu gêné du fait que depuis 1993, nous l'avons perdu de vue.

La Commission a toujours eu une certaine fonction de vérification. Par exemple, au cours des dix dernières années, elle a délégué ses activités de recrutement et de sélection. Personne ne nous a dit combien de gens ont subi des sanctions de la Commission parce que les règles n'ont pas été suivies adéquatement. Cependant, je serais porté à croire que bien peu de gestionnaires ont été démis de leurs fonctions pour avoir mal agi.

Avez-vous des observations à faire sur ces deux points?

M. Francis: La Commission de la fonction publique devait s'acquitter de deux tâches: l'affectation de personnel et la vérification du processus d'affectation. À de nombreux égards, ces deux tâches sont contradictoires, et je peux comprendre pourquoi on a eu tendance à vouloir réduire la lourdeur bureaucratique de la sélection par concours public. Cependant, elle a su conserver un processus axé sur le mérite. On fait des compromis, cela ne fait aucun doute. Je peux comprendre pourquoi vous estimez qu'on a fait un sacrifice lorsque la délégation des pouvoirs a dépassé un certain seuil.

Le sénateur Bolduc: La délégation de pouvoirs ne me pose pas problème en tant que telle, mais j'aimerais avoir la certitude qu'il y aura des concours. Ils ne doivent pas nécessairement être menés par la Commission elle-même; l'administration peut s'en charger, comme elle le fait probablement la plupart du temps.

M. Francis: Comment protège-t-on le mérite lorsqu'elle procède à des évaluations? La réponse à cette question ne me semble pas claire ni évidente. Nous devons composer avec cette réalité le mieux possible. Cependant, je suis très inquiet si la Commission n'a pas suffisamment de ressources pour effectuer des vérifications. Le régime va s'effondrer si on ne lui donne pas plus de ressources que maintenant.

Le sénateur Mahovlich: Je veux vous féliciter, monsieur Francis. Vous avez présenté les faits très clairement. J'aimerais aborder la question des dénonciateurs. Le plus grand dénonciateur est celui qui a dénoncé le Watergate et qu'on appelle communément Deep Throat, mais dont on ignore encore l'identité à ce jour. Croyez-vous que c'est la façon dont nous devrions traiter nos dénonciateurs?

M. Francis: Non.

Le sénateur Mahovlich: Que recommandez-vous?

M. Francis: Je n'ai pas de réponse parfaite, monsieur. À ce que je sache, un dénonciateur n'entre en jeu qu'après coup pour dire ce qui s'est passé. Les dommages sont déjà faits lorsque le dénonciateur parle. Or je veux un système préventif plutôt qu'un système d'intervention après coup.

Le sénateur Mahovlich: Le système américain actuel est-il préventif? Est-il à toute épreuve?

M. Francis: Je ne le sais pas, je ne peux répondre à votre question.

Le sénateur Mahovlich: Aucun pays n'est encore doté d'un tel système.

M. Francis: Je suis certain que c'est un problème dans tous les pays du monde, mais cela ne signifie pas que nous n'avons pas le devoir de nous pencher sur la question.

Le sénateur Beaudoin: Vous avez avoué vous inquiéter du nombre d'institutions qui font rapport directement au Parlement sans faire rapport à un ministre de la Couronne. C'est intéressant. Quelle distinction faites-vous entre les deux? Les grands commis de l'État font parfois directement rapport au Parlement. Du moins est-ce la tradition. Comment devrions-nous fonctionner à votre avis? Tous devraient-ils toujours faire rapport à un ministre et jamais directement à l'organe législatif de l'État?

M. Francis: C'est une question fondamentale. À titre d'exemple, le commissaire à l'information présente un rapport au Parlement. Cependant, les députés reçoivent dix ou quinze rapports semblables et ne les lisent pas toujours. Ils ne font pas les gros titres; personne ne les inquiète à ce propos; ils n'obtiennent aucune attention. Je déplore que le processus ne soit pas supervisé, et j'aimerais créer un mécanisme grâce auquel ce type d'institution comparaîtrait à intervalles réguliers devant un comité du Parlement. Je ne crois pas que le Comité des prévisions budgétaires puisse le faire. Ce comité travaille avec la vérificatrice générale, qui lui donne déjà plus de travail qu'il n'en faut. Cependant, il doit y avoir un quelconque comité du Parlement chargé d'examiner périodiquement chacune de ces institutions et de veiller à ce qu'aucune ne fonctionne sans surveillance. Quelqu'un doit les convoquer et leur demander ce qu'elles ont fait de leur budget du dernier exercice, ce qu'elles vont faire au cours du prochain exercice et pourquoi elles existent. Quelqu'un doit les convoquer périodiquement pour leur poser ces questions et examiner leurs activités. Si personne ne le fait, nous en paierons le prix.

Le sénateur Beaudoin: J'aimerais revenir à John Grace, qui est un ancien commissaire à l'information.

M. Francis: Il a fait un très bon travail.

Le sénateur Beaudoin: Je suis d'accord. Cependant, vous estimez qu'il aurait dû être invité à comparaître devant certains comités.

M. Francis: En effet.

Le sénateur Beaudoin: N'a-t-il jamais été invité?

M. Francis: Non.

Le sénateur Beaudoin: C'est à tout le moins étrange.

M. Francis: Je ne crois pas qu'il soit le seul dans cette situation. Divers membres de cette «famille», si je peux m'exprimer ainsi, sont dans la même, mais M. John Grace a été le premier à s'en plaindre. Il a déclaré que quelqu'un devrait vérifier ce qu'il fait.

Le sénateur Beaudoin: Voulez-vous établir une superstructure?

M. Francis: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Je comprends votre point de vue.

Le sénateur Gauthier: J'aimerais vous poser une question sur l'aspect financier, le budget. Vous avez fait allusion aux contrôleurs financiers des ministères. Par qui ces gens seraient-ils financés? Les fonds viendrait-il du Conseil du Trésor?

M. Francis: Monsieur le président, je crois que le ministère fait approuver son budget par le Parlement. Le sous- ministre du ministère exécute son programme de sorte que ses fonds doivent être approuvés par vote du Parlement. Il incombe au contrôleur financier, si je ne m'abuse, de vérifier que les montants demandés par le ministère figurent dans le budget.

Le sénateur Gauthier: Nous avons cinq hauts fonctionnaires, soit la vérificatrice générale, le directeur général des élections du Canada...

M. Francis: Il y en a plus que cinq, monsieur.

Le sénateur Gauthier: Il n'y a que cinq hauts fonctionnaires du Parlement, les autres ne sont pas obligés de faire rapport chaque année au Parlement. Ces cinq hauts fonctionnaires sont la commissaire aux langues officielles, la vérificatrice générale, le commissaire à l'information...

M. Francis: Le commissaire à la protection de la vie privée et le directeur général des élections du Canada.

Le sénateur Gauthier: Il n'y a que cinq hauts fonctionnaires qui doivent faire rapport chaque année au Parlement, les autres n'ont pas à le faire chaque année. Êtes-vous d'accord?

M. Francis: Malgré tout le respect que je dois à mon collègue, je ne suis pas d'accord.

Le sénateur Gauthier: Vous avez raison de dire que ces cinq hauts fonctionnaires ne sont pas souvent invités à comparaître devant le Parlement, sauf la vérificatrice générale. Nous avons dû modifier la réglementation dans les années 80 pour permettre au vérificateur général de déposer quatre rapports par an plutôt qu'un seul. Nous avons tous deux travaillé à cette modification.

M. Francis: La vérificatrice générale a son propre comité, qui a déjà amplement de choses à faire.

Le sénateur Gauthier: C'est juste, comme c'est le cas du Comité de la commissaire aux langues officielles. Les trois autres — le commissaire à l'information, le commissaire à la protection de la vie privée et le directeur général des élections du Canada — n'ont pas de comité permanent. Autre fois, il y avait un comité des prévisions budgétaires en général. Le premier ministre y a même déjà été invité à comparaître. Nous convoquions un certain nombre de témoins chaque année, ce qui assurait une certaine reddition de comptes à l'époque. En 1984, ce comité a été aboli pour une raison que je ne comprends pas. Maintenant, je vois que la Chambre des communes a rétabli ce type de reddition de comptes en rencontrant périodiquement ces hauts fonctionnaires. Qui, selon vous, devrait être chargé d'examiner le travail des hauts fonctionnaires du Parlement? Croyez-vous que c'est le Sénat qui devrait le faire?

M. Francis: Monsieur le président, je ne connais pas bien la structure actuelle des comités de la Chambre des communes, mais il me semble que c'est une question de structure des comités. On pourrait très bien établir des comités spéciaux chargés de s'en occuper ou prendre des mesures pour garantir que les personnes voulues comparaissent devant le comité. De cette façon, chacune de ces cinq institutions devrait comparaître à une fréquence prédéterminée — au plus deux ans — pour justifier son budget de programmes et tout le reste.

Le sénateur Gauthier: Que pensez-vous de la possibilité d'exempter du personnel, comme on le propose dans le projet de loi, et de continuer d'appliquer l'ancien régime? Seriez-vous favorable à cette façon de faire ou préféreriez- vous l'éviter?

M. Francis: Pensez-vous aux anciens employés des ministres?

Le sénateur Gauthier: Oui.

M. Francis: Il y a place à l'abus. Le projet de loi à l'étude vise à conférer à la Commission de la fonction publique des pouvoirs lui permettant de refuser les affectations inconvenables. Je ne sais pas jusqu'où on peut s'attendre à ce que le projet de loi aille pour l'instant. Il est bien clair que j'approuve son contenu.

Le président: Monsieur Francis, à quel point est-il important de prendre des mesures pour accroître l'autonomie des contrôleurs financiers des ministères dont vous parlez? Est-ce vraiment là le problème?

M. Francis: Je crois que c'est essentiel, mais c'est évidemment hors de la portée du projet de loi C-25.

Le président: Je vous le concède. Nous avons pour objectif la bonne administration publique, et il nous reste quelques minutes pour en discuter. Je vais donc utiliser le privilège de la présidence pour le faire.

Prenez quelques-uns des abus récents — des problèmes qui sont apparus au jour, pour employer un meilleur euphémisme — à DRHC et au sein du programme de commandites, par exemple, et ce ne sont pas les seuls. Je suppose que ces situations proviennent d'abord d'une attitude voulant que l'objectif importe à tout prix et qu'il faut le réaliser. Cette instruction, ou cette philosophie, vient de la classe politique, et peut-être pour une bonne raison. La philosophie de réaliser l'objectif à tout prix a poussé les fonctionnaires à tourner les coins ronds. Ainsi, on n'a pas suivi les étapes qui s'imposaient.

M. Francis: C'est juste.

Le président: Par conséquent, les fonctionnaires ont fini par devoir en assumer la responsabilité en partie, comme c'est de mise. Les ministres, dans une certaine mesure, ont réussi à y échapper en fin de compte. Cependant, il semble qu'en mettant l'accent sur l'autonomie des contrôleurs financiers, il faudra fouiller les paliers inférieurs pour trouver des responsables, alors que les causes du problème se trouvent à un niveau bien supérieur.

M. Francis: En effet.

Le président: Peut-être le contrôleur financier est-il la dernière personne à prévenir le désastre avant qu'il ne survienne, mais il ne fait aucun doute qu'il faudrait mettre l'accent sur le respect des règles du début à la fin. Certains incidents découlent de cette manie de laisser les gestionnaires gérer et de tout décentraliser, entre autres. Ma prochaine observation vous intéressera sûrement. L'autre jour, j'ai lu un excellent article d'un chroniqueur déplorant le départ d'un député, M. Dennis Mills, qui ne se portera pas candidat aux prochaines élections. Ce chroniqueur disait que Dennis Mills était un homme impatient à l'égard du processus et qu'il se concentrait sur l'objectif. Je partage son admiration envers Dennis Mills, mais il me semble terriblement erroné de frapper sur le processus parce que le fait qu'il ne soit pas respecté finit toujours par nous causer des ennuis.

M. Francis: Je suis d'accord, monsieur le président, mais comment voulez-vous mettre un frein à tout cela? En appelez-vous à la conscience des hauts gestionnaires, parce qu'ils savent qu'en optant pour une certaine mesure, ils tournent peut-être les coins ronds? Pourquoi fonderions-nous notre système sur la conscience pour lutter contre les abus?

Le président: Non, je pense plutôt à la reddition de comptes, peut-être au Parlement pour commencer. Si notre dernier espoir reposait sur les épaules d'un contrôleur financier au sein du ministère, je crois que nous aurions un très grave problème.

M. Francis: Monsieur le président, c'est la seule chose à laquelle je puisse penser, et je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Lorsqu'on craint un problème, le contrôleur financier devrait avoir à signer avant que l'argent ne soit dépensé. C'est là où il faudrait exercer des pressions. Si le contrôleur avait le pouvoir de dire: «Je ne signerai pas cela, peu importe ce que vous me dites; je ne relève pas du sous-ministre de ce ministère, mais du Conseil du Trésor», alors le rôle du contrôleur financier serait immensément plus grand. C'est mon avis personnel.

Le président: Je vous remercie de me donner votre avis. Comme je m'en attendais, le sénateur Bolduc veut ajouter quelque chose.

Le sénateur Bolduc: Je suis d'accord avec vous. Autrefois, le représentant du contrôleur travaillait au ministère, mais il est ensuite devenu un employé du ministère. La structure française est intéressante à cet égard. Comme vous le savez, il n'y a pas de sous-ministre comme ici en France. Il y a surtout des directeurs généraux des diverses directions, qui se comparent à nos sous-ministres adjoints, puis il y a le ministre tout en haut. Parfois, il y a aussi un secrétaire général du ministère, mais pas toujours. S'il y en a un, il ne joue pas le même rôle que nos sous-ministres. Cependant, les Français ont également ce qu'ils appellent un inspecteur général.

M. Francis: Sa fonction se rapproche-t-elle de celle de la vérificatrice générale?

Le sénateur Bolduc: Tout à fait, mais l'inspecteur général inspecte les finances. Il jouit de l'indépendance d'un juge. Un inspecteur général ne fait pas rapport au secrétaire général du ministère, mais au ministre. Il y a des supérieurs hiérarchiques, les directeurs généraux des programmes — l'éducation secondaire, les collèges et tout le reste — puis l'inspecteur général, qui fait rapport directement au ministre. Il peut porter à l'intention de quiconque au ministère une erreur financière. Je crois que ce n'est pas une mauvaise idée.

M. Francis: C'est très intéressant.

Comment peut-on appuyer un contrôleur financier qui dit qu'on recommande que telle ou telle somme soit versée à la place d'un congé, puis qui demande à consulter les documents relatifs au congé, mais qui n'a pas accès à ces documents. Que peut-on faire pour prévenir de telles circonstances?

Le sénateur Bolduc: Bien sûr, s'il y a des normes pour chaque programme important du gouvernement, il peut toujours soutenir que certaines consignes ne respectent pas les normes. Si le ministre décide d'aller de l'avant de toute façon, il devra alors en demander la permission écrite. Les sous-ministres se prévalaient de cette règle lorsque j'étais sous-ministre. Si le ministre me sommait de faire une chose que je refusais, je pouvais lui demander des instructions écrites du secrétaire général du gouvernement. C'est ainsi que les sous-ministres sont protégés contre les abus de pouvoir des ministres.

Le président: Sur ce, je crois que nous allons conclure la discussion.

Je vous remercie beaucoup, monsieur Francis. Vous nous avez fait part d'observations éclairées sur diverses questions abordées ou non dans le projet de loi.

[Français]

M. Denis Desautels a été vérificateur général du Canada; il est bien connu de tout le monde. Il a été témoin de plusieurs projets de réforme de la fonction publique à partir de 1990, entre autres, si je ne me trompe pas, lors du PS2000, une initiative prise par le greffier du conseil privé, Paul Tellier, et poursuivie par Mme Jocelyne Bourgon.

[Traduction]

Je crois qu'il est juste de dire que la volonté du gouvernement actuel de faire adopter ce projet de loi, parmi d'autres mesures, vient des rapports successifs présentés par M. Desautels lorsqu'il était vérificateur général. J'apprécie beaucoup que vous ayez accepté de venir ici pour nous aider à examiner ce projet de loi, monsieur Desautels. Bienvenu de nouveau parmi nous. La parole est à vous.

[Français]

M. Denis Desautels, ancien vérificateur général: J'ai été un peu surpris d'être invité à témoigner à votre comité pour discuter du projet de loi C-25 qui a été adopté à la Chambre des communes en juin, puisque cela fait maintenant plus de deux ans et demi que j'ai terminé mon mandat de vérificateur général.

Je ne suis pas aussi bien informé des tenants et aboutissants de ce projet de loi que je ne l'étais lorsque j'occupais ce poste, mais j'espère tout de même être d'une certaine utilité à votre comité dans ses délibérations. De toute façon, les préoccupations qui ont mené à ces changements législatifs ne datent pas d'hier et n'ont sans doute pas changé beaucoup au cours des deux dernières années même si les efforts d'amélioration du système en place se poursuivent toujours.

[Traduction]

Permettez-moi de commencer par souligner deux aspects pour vous mettre en contexte avant d'aborder le coeur de mes observations. D'abord, je rappelle au comité que les fonctionnaires responsables de préparer ce projet de loi m'ont consulté en ma qualité de membre du groupe consultatif externe de la présidente du Conseil du Trésor et du greffier du Conseil privé. Ensuite, ma compréhension de la complexité des diverses lois régissant les relations avec le personnel en tant que telles est limitée, et c'est une composante très importante du projet de loi C-25. Je doute donc de pouvoir être d'une grande aide au comité dans ce domaine.

Pendant mon mandat de vérificateur général, mon inquiétude n'a cessé de croître quant à la gestion des ressources humaines, malgré tous les efforts déployés pour réformer la fonction publique dès le début des années 90 et le lancement du projet Fonction publique 2000. De fait, le personnel du Bureau du vérificateur général a pu sentir beaucoup de frustrations chez les sous-ministres, les gestionnaires et les employés concernant la gestion des ressources humaines et on nous a même encouragés à examiner ces questions en profondeur. Le Bureau du vérificateur général a suivi de près les efforts déployés en vue de la réforme et a effectué diverses vérifications et études au cours des années 90, lesquelles ont culminé par un chapitre publié en avril 2000, qui a attiré beaucoup l'attention. Dans ce chapitre intitulé «La rationalisation du régime de gestion des ressources humaines: une étude de l'évolution des rôles et des responsabilités», nous tirions les conclusions générales suivantes.

D'abord, le cadre de gestion des ressources humaines en place était désuet et indûment complexe. Ensuite, il était mal adapté à un environnement qui exigeait de la souplesse et une capacité d'adaptation. Troisièmement, la dotation était une source de frustration immense pour les gestionnaires et les employés aussi. Quatrièmement, la responsabilité de la gestion des ressources humaines était fractionnée et il fallait clarifier les rôles respectifs des sous-ministres, de la Commission de la fonction publique et du Conseil du Trésor. Enfin, les changements démographiques au sein de la fonction publique et d'autres facteurs de stress sur le système rendaient nécessaires des changements on ne peut plus urgents.

Cette étude présentait un historique détaillé des préoccupations suscitées par le régime de gestion des ressources humaines et des tentatives de réforme ratées. On y fournissait des exemples des règles complexes et de la jurisprudence des appels en matière de dotation qui avaient compliqué encore davantage la dotation. Cet historique remontait aussi loin qu'aux années 60 et à la commission Glassco. Il se terminait par la recommandation de nous doter d'un système souple et adaptable favorisant et maintenant une amélioration continue. En bout de ligne, il est dans l'intérêt de tous les Canadiens — et des ministres de la Couronne, qui sont redevables au Parlement et à tous les Canadiens pour leur ministère — que la fonction publique réponde à ces critères et puisse offrir les services auxquels les Canadiens s'attendent.

[Français]

J'aimerais attirer l'attention du comité sur un autre document publié par le bureau du vérificateur général en février 2001 intitulé: « La réforme de la gestion de la fonction publique: progrès, échecs et défis » qui analyse les efforts de réforme depuis fonction publique 2000 et qui comprend trois documents intéressants préparés à la demande du bureau, un par John Edwards qui a dirigé le projet fonction publique 2000 pendant un certain nombre d'années, un autre par le professeur Peter Aucoin de l'Université Dalhousie que vous avez rencontré ce matin et le troisième par Ian Clark, secrétaire du Conseil du Trésor dans les années 1990.

D'autres chapitres sur des aspects particuliers des ressources humaines ont été publiés en décembre 2000. Mon successeur, Mme Sheila Fraser, a continué l'analyse de ces questions, dont les défis du recrutement, dans ses propres rapports.

[Traduction]

Le projet de loi C-25 a pour but de régler la plupart des problèmes soulevés par le vérificateur général. Je suis particulièrement content que le gouvernement déploie cet effort pour modifier la loi sur laquelle se fonde tout le régime. Compte tenu de la complexité de la tâche et des nombreux risques et écueils d'un tel projet, je craignais énormément que le gouvernement choisisse d'éviter de modifier la loi pour essayer plutôt d'apporter des améliorations négligeables par des moyens strictement administratifs. En effet, certaines personnes laissaient entendre que la plupart des problèmes pouvaient être réglés sans qu'on touche à la loi, une position contre laquelle je m'inscrivais en faux et qui nous aurait amenés encore une fois à éviter de nous pencher sur les enjeux essentiels.

Je félicite la présidente du Conseil du Trésor d'avoir choisi cette voie, et j'espère que ce projet de loi recevra l'appui du sénat aussi.

Ce projet de loi est long et complexe, mais il propose des solutions détaillées au grave problème de la gestion des ressources humaines. Ainsi on y propose de simplifier les lois concernant les divers aspects des relations du travail; de moderniser la dotation pour qu'elle s'adapte davantage aux besoins; de revoir le rôle de la Commission de la fonction publique pour le rendre plus logique; de préciser les responsabilités des sous-ministres en matière de gestion des ressources humaines; de rendre obligatoire des rapports périodiques au Parlement par le Conseil du Trésor et de reconnaître la nécessité du perfectionnement professionnel grâce à l'établissement de l'école de la fonction publique du Canada.

Il ne fait aucun doute que d'autres problèmes auraient pu faire l'objet de mesures dans le projet de loi, notamment les procédures à suivre pour exprimer des préoccupations concernant les valeurs ou l'éthique. Cependant, il faudra s'occuper de ces questions dans un projet de loi séparé si on le juge nécessaire. J'espère que ce projet de loi pourra être modifié dans l'avenir, également, en fonction de l'évolution des besoins et de la situation. Par exemple, toute la définition du noyau de la fonction publique devrait être revue à un moment donné à la lumière de l'application du projet de loi et de l'expérience acquise par les divers organismes exclus du noyau de la fonction publique.

[Français]

En résumé, j'espère que ce projet de loi recevra l'appui du Sénat et l'assentiment royal parce qu'il rendra possible une réforme que nous attendons tous depuis trop longtemps. Je vous remercie de votre attention et j'essaierai de répondre de mon mieux aux questions des membres du comité.

[Traduction]

Le sénateur Oliver: Entre autres choses, j'aimerais vous demander comment vous croyez que la Commission de la fonction publique, après l'adoption de ce projet de loi, devrait faire pour trouver les ressources supplémentaires nécessaires pour s'acquitter de ses nouvelles tâches et de son rôle élargi. Plusieurs témoins ayant comparu devant le comité aujourd'hui et hier ont dit que la Commission de la fonction publique demeurait très importante pour l'administration de la fonction publique du Canada, mais qu'elle n'avait pas suffisamment de ressources financières pour s'acquitter de ses tâches. Elle devrait normalement s'adresser au Conseil du Trésor pour obtenir les ressources dont elle a besoin, mais celui-ci pourrait facilement les lui refuser. La Commission de la fonction publique serait alors paralysée. Que recommanderiez-vous afin de nous assurer que la fonction publique sera suffisamment financée pour réaliser son mandat en vertu du projet de loi C-25?

M. Desautels: Monsieur le président, c'est une question qu'on m'a posée à quelques reprises lorsque j'étais vérificateur général, parce que l'on a jamais l'impression d'avoir suffisamment de ressources pour réaliser son mandat dans sa totalité. Tout dépend de la façon dont on fait valoir ses besoins. Dans notre cas, même si nous travaillions pour le Parlement, nous devions suivre le processus établi par la Conseil du Trésor, qui n'était pas idéal, soit dit en passant.

La nouvelle Commission de la fonction publique sera dans la même situation. J'espère qu'elle deviendra, avec ses nouveaux rôles clarifiés, davantage un agent du Parlement qu'elle ne l'était autrefois. Ainsi, elle aura des relations plus étroites avec les comités du Parlement, ce qui l'aidera à obtenir l'appui politique voulu afin d'obtenir les ressources nécessaires pour jouer convenablement son rôle.

En ma qualité de vérificateur général, j'ai eu une relation privilégiée avec le Comité des comptes publics. L'appui de ce comité était essentiel et extrêmement utile pour l'accomplissement intégral du mandat du vérificateur général.

J'espère que la Commission de la fonction publique deviendra, en temps voulu, davantage un agent du Parlement et qu'elle entretiendra des relations étroites avec les différents comités du Parlement. Ainsi, elle obtiendra l'appui voulu.

Le sénateur Oliver: Son financement lui serait-il accordé par les comités plutôt que par le Conseil du Trésor? Laissez- vous entendre qu'elle devrait négliger de s'adresser au Conseil du Trésor pour obtenir des fonds? Vous avez dit que le régime en place n'était pas parfait et qu'il était certainement semé d'embûches. La Commission de la fonction publique devrait-elle s'adresser à deux comités — un comité de la Chambre des communes et un comité du Sénat — pour obtenir du financement?

M. Desautels: Je ne crois pas que ce soit possible en vertu de notre constitution et des règles parlementaires. Tous les organismes doivent suivre le même processus d'affectation de fonds. Cependant, l'appui politique des comités du Parlement peut avoir une certaine influence durant le processus d'examen budgétaire.

Le président: Les gens parlent d'une situation quelque peu analogue quant à la façon dont nous, au Sénat, et nos homologues de la Chambre des communes constituons nos budgets. Nous préparons nos budgets, qui sont soumis au Conseil du Trésor. Ceux-ci sont préparés avec soin et diligence. Il est rare que le Conseil du Trésor nous renvoie un budget. Nous nous consultons beaucoup mutuellement, mais il serait très inhabituel que le Conseil du Trésor renvoie le budget du Sénat en lui disant qu'il est inacceptable.

Nous parlons d'un processus qui touche le Parlement et ceux qui travaillent pour le Parlement, dont la vérificatrice générale, la commissaire aux langues officielles et ainsi de suite.

M. Desautels: Monsieur le président, j'aimerais soulever un autre point en réponse à la question du sénateur Oliver. Je ne connais pas l'ampleur des ressources financières dont la nouvelle Commission de la fonction publique aura besoin dans l'avenir. Je crois que cela reste à déterminer. Cependant, je crois comprendre qu'elle abandonnera certaines des responsabilités qui lui incombaient par le passé. Par contre, elle devra accroître ses capacités dans d'autres domaines, dont la vérification nécessaire pour bien surveiller le système et en faire rapport correctement au Parlement. Il n'y aura pas nécessairement de hausse nette de ses ressources financières, mais une différente combinaison de talents lui sera nécessaire.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Parlons d'imputabilité. Il y a cinq agences ou cinq hauts fonctionnaires: le vérificateur général du Canada, la directrice générale d'Élections Canada, la commissaire aux langues officielles, la Commission aux droits de la personne et la Commission de la vie privée. Ce sont les cinq que l'on identifie comme ayant une relation particulière avec le Parlement.

Comme ex-vérificateur général, avez-vous déjà été invité aux réunions des sous-ministres pour discuter des orientations du gouvernement?

M. Desautels: Non, les sous-ministres, à ma connaissance, avaient des rencontres hebdomadaires avec le greffier du Conseil privé et le vérificateur général. Les autres agents du Parlement, en général, n'étaient pas invités. La seule réunion à laquelle nous étions invités régulièrement était les déjeuners qui se tenaient mensuellement où nous ne discutions pas de politique gouvernementale. C'était une réunion quasi sociale où il y avait des invités, des conférenciers. Le vérificateur général et, à ma connaissance, les hauts fonctionnaires du Parlement ne participaient pas aux réunions des sous-ministres lorsqu'ils discutaient de politique gouvernementale.

Le sénateur Gauthier: Vous n'étiez relié d'aucune façon aux réunions des comités, des sous-comités ou aux comités des sous-ministres de la Couronne?

M. Desautels: Non.

Le sénateur Gauthier: Cela me satisfait. Quant à l'imputabilité des soi-disant hauts fonctionnaires du Parlement, vous avez répondu au sénateur Oliver que vous aviez un petit problème — je le partage — à trouver une formule correcte pour leur accorder des fonds sans passer par le Conseil du Trésor. Ai-je mal compris?

M. Desautels: Mes propos indiquaient que la situation actuelle n'est pas idéale. Nous aurions avantage à trouver une autre formule. J'ai mentionné en particulier le Bureau du vérificateur général, mais le commentaire pourrait s'appliquer à d'autres hauts-fonctionnaires du Parlement.

Le sénateur Gauthier: Nous savons que le Conseil du Trésor contrôle les fonds. Vous avez occupé pendant 10 ans le poste de vérificateur général. Est-ce que durant cette période vous avez songé à une façon d'obtenir des fonds en empruntant une formule différente?

M. Desautels: Nous nous sommes penchés sur la question à maintes reprises. Mon dernier rapport, dans lequel je résumais les 10 années de mon mandat, soulève la question à nouveau. Je crois qu'il existe quelques formules possibles. Le Parlement de la Grande-Bretagne utilise une méthode différente. Un comité du Parlement décide des crédits à octroyer au vérificateur de la Grande-Bretagne. Il existe donc des précédents, voire des formules dans d'autres pays qui pourraient être utilisées.

Le sénateur Gauthier: Existe-t-il des formules, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, qui fonctionnent de cette façon?

M. Desautels: Il existe d'autres modèles. Si ma mémoire est fidèle, le système en Australie diffère quelque peu du système canadien et du système britannique. Un comité mixte se penche sur les budgets du vérificateur général.

Une étude comparative indique qu'il existe des approches différentes de la nôtre. Ces approches semblent sur cet aspect mieux satisfaire les besoins d'indépendance des hauts fonctionnaires du Parlement.

Le sénateur Gauthier: Cette réponse me satisfait. Il s'agit d'un problème que l'on pourrait étudier.

Le sénateur Beaudoin: Monsieur Desautels, vous avez indiqué que le projet de loi C- 25 répond en grande partie aux points soulevés par le vérificateur général. Vous avez ajouté que l'on pourrait, comme il est toujours difficile de légiférer, pour les autres points, faire appel à des changements administratifs plutôt que législatifs. Je suis tout à fait d'accord avec cet énoncé, dans la mesure où il est possible d'éviter de légiférer. Sur ce point, pourriez-vous nous donner quelques exemples où il serait préférable d'apporter des changements administratifs plutôt que législatifs?

M. Desautels: J'aimerais m'assurer qu'on a bien saisi mes propos. Il est incontournable que l'on modifie la loi. Je ne suis pas d'accord avec l'hypothèse de faire simplement des changements sans modifier la loi. Je crois qu'on a trop longtemps suivi cette approche qui résulte aujourd'hui en un système d'une lourdeur inacceptable.

Dans les relations des patrons et des employés, plusieurs choses pourraient être faites simplement par des mesures administratives afin d'alléger certains problèmes soulevés. Des changements peuvent également être apportés à l'intérieur du mandat de la Commission de la fonction publique sans pour autant modifier la loi. Ces mesures, à mon avis, ne vont toutefois pas assez loin. Si on désire vraiment un changement répondant aux attentes, il est nécessaire de procéder législativement. Je suis heureux de constater que le gouvernement a accepté d'emprunter cette voie plutôt que simplement procéder à des changements administratifs.

Le sénateur Beaudoin: On peut toujours parfaire une loi. Pour ce faire, vous dites qu'il est préférable de procéder autrement que par amendement législatif. Je suis tout à fait d'accord que des changements s'imposent.

Quelques témoins nous ont signalés le risque de judiciarisation si on est trop précis dans certains domaines. Les relations employeurs/employés comportent toujours un certain risque. Par contre, il est souvent difficile d'arriver à des fins satisfaisantes par simple voie administrative. Dans la mesure où cette voie est possible, je suis tout à fait d'accord avec votre énoncé. Existe-t-il des domaines où on aurait avantage à procéder de façon administrative plutôt que législative?

M. Desautels: Je reviens à ma position, les changements législatifs sont incontournables.

Le sénateur Beaudoin: Mais le projet de loi répond à ce besoin.

M. Desautels: Le projet de loi répond, dans l'ensemble, à ce besoin. Voilà pourquoi il faut procéder par voie législative.

La loi prévoit des pouvoirs délégués au Conseil du Trésor afin de réglementer certains aspects législatifs. La réglementation offre donc une certaine souplesse. Ces pouvoirs sont appuyés par la loi, mais il s'agit quand même d'activités plus administratives.

Le Conseil du Trésor dispose d'une certaine latitude pour établir des règlements en matière d'embauche, de nomination et de promotion. La Commission de la fonction publique dispose également d'une latitude. La loi offre donc à ces deux agents une certaine flexibilité sans nécessairement tout spécifier. Cette flexibilité devrait contribuer à diminuer la tendance à judiciariser certaines activités.

Le sénateur Chaput: Les témoins que nous avons entendus depuis quelques jours nous disent que le projet de loi vise une approche holistique dans la mesure où tous les gens impliqués travailleront ensemble à atteindre des objectifs communs. Un autre objectif de ce projet de loi est d'accélérer un processus qui actuellement est trop lent. On a parlé de délégation. La délégation ne présente pas un problème, à mon avis, à condition d'en préciser les lignes directrices.

J'aimerais toutefois que ce projet de loi puisse répondre aux points suivants. Le premier point important est l'accessibilité juste, équitable et transparente à des emplois pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes. À titre d'exemple, l'emplacement géographique ne devrait pas empêcher tout Canadien à postuler un emploi quelconque.

Un autre point important est la question des concours. À mon avis, il est très important que des concours soient ouverts pour les emplois. J'espère que ce projet de loi permettra de résoudre cette question.

En ce qui a trait à la définition du mérite, je crois comprendre que les lignes directrices seront établies par la Commission de la fonction publique. Cette proposition est satisfaisante. Maintenant, il existe à la Commission de la fonction publique une nouvelle commission indépendante. On a le tribunal de la dotation de la fonction publique, et une nouvelle école de la fonction publique fut créée. Dans le cadre de cette approche holistique dont il est question, de quelle façon ces trois institutions travailleront-elles ensemble? Quelle différence fondamentale dans leur mandat permettra une complémentarité? Ma question est-elle claire?

M. Desautels: Je crois que oui. Avant de répondre à votre question, j'aimerais faire un commentaire sur votre préambule, si vous me le permettez. Vous avez fait allusion à certaines questions qui vous étaient chères et vous vouliez vous assurer que cela était inclus dans la loi, entre autres, l'accessibilité aux emplois et les concours. Je vais être clair à ce sujet. Il faudrait faire attention de ne pas retourner à un système qui deviendra à nouveau trop lourd en lui imposant toutes sortes de conditions et d'objectifs.

L'accessibilité des emplois en est un exemple. Il faut une approche assez pratique de tout cela. Si nous sommes obligés de lancer un concours national pour combler un poste clérical à Halifax, cette démarche ralentira le processus d'embauche et c'est inacceptable. Cela prend beaucoup trop de temps pour combler les postes. Ce n'est qu'une mise en garde de ma part. Il ne faut pas alourdir à nouveau le système de cette façon.

Pour ce qui est des différents organismes que vous avez nommés, ils ont tous un rôle assez distinct. En créant l'école de la fonction publique canadienne, on enlève à la Commission de la fonction publique certaines tâches qui lui incombaient et qui n'étaient pas tout à fait compatibles avec son rôle d'agent du Parlement. Cela me semble être une bonne chose. Cette situation fera de la nouvelle école un organisme encore plus viable qu'auparavant. Ce sont deux rôles qui devraient être faits par deux organismes distincts.

Selon ma compréhension, le Tribunal de la dotation de la fonction publique aura un mandat assez précis. On pourrait, à la rigueur, argumenter que la Commission de la fonction publique le pourrait faire. On s'entend pour dire qu'on a besoin d'un mécanisme d'appel, où les gens insatisfaits des décisions qui ont été prises pourront s'adresser.

Comme je l'ai dit plus tôt, je ne suis pas expert dans toutes ces question techniques de relations de travail. On a besoin d'un mécanisme de ce genre qui ne sert qu'à cela. On fera face à des situations où des employés pourront faire appel à un tribunal de la sorte. Ces rôles sont clairement distincts l'un de l'autre et ils ne devraient pas causer de confusion.

Le sénateur Bolduc: Vous avez dit que le président de la Commission de la fonction publique deviendra un agent du Parlement. Dans la loi et dans la réalité, ce n'est pas le cas. La commission a compétence exclusive pour nommer à la fonction publique des personnes relevant d'elle ou non. On donne le pouvoir à la commission, mais elle le déléguera aux différents administrateurs et aux sous-ministres. La commission se gardera un pouvoir de vérification. Son rôle essentiel est de définir des délégations sur les nominations pour les différentes catégories d'emplois, dans les différents ministères.

À mon avis, il restera toujours un agent de l'exécutif, du gouvernement. Sauf qu'on veut qu'il soit indépendant du gouvernement. Je ne vois pas comment on peut s'en sortir. Cela a très bien été expliqué par M. Aucoin ce matin. La commission sera — je reviens à ce que M. Hodgetts a dit hier — un agent du gouvernement, d'une part, et un agent du Parlement, d'autre part. La commission sera l'une des rares machines à être l'agent des deux. Cela ne vous cause pas de problème?

M. Desautels: Je n'ai pas dit que c'était parfait. En comparaison avec ce qui se fait maintenant, ce sera une évolution dans une certaine direction. La Commission de la fonction publique remplit deux tâches. Le matin, elle est agent du Parlement et l'après-midi, elle est agent du gouvernement. La commission est toujours déchirée entre les deux rôles.

Ça va plus loin que cela. Le président de la commission et les commissaires sont souvent des sous-ministres qui feront ce travail pendant des années et ils reviendront comme sous-ministres par la suite. Ce sont des vases communicants. Ces gens sont plus des fonctionnaires du gouvernement d'une certaine façon que des fonctionnaires du Parlement.

Les changements qu'on propose vont dans la bonne direction. Les membres de la commission ne seraient pas nommés par le gouvernement autant que possible. Ce serait des nominations indépendantes.

Si j'avais une critique à faire de la Commission de la fonction publique dans le passé, ce serait que les rapports qu'elle faisait au Parlement n'étaient pas suffisamment utiles et ne répondaient pas adéquatement à leurs obligations vis-à-vis le Parlement. Certains des changements contenus dans le projet de loi amélioreraient ces situations.

C'est un compromis entre les deux. La raison du compromis, telle que je l'entends, est qu'on ne voulait pas donner aux sous-ministres l'entière responsabilité de la dotation. On avait besoin d'un genre de mécanisme de sécurité.

Le sénateur Bolduc: C'est un peu un problème constitutionnel.

M. Desautels: C'est pour cela que la commission a gardé cette fonction.

Le sénateur Bolduc: Depuis 1993, la commission avait un pouvoir de déléguer et cela s'est fait. Or, pourquoi les gens disent que c'est si lourd si cela a été délégué aux ministères? Comment se fait-il que tout le monde est malheureux? Quand vous étiez vérificateur général, vous faisiez votre recrutement. La commission vous déléguait le pouvoir de recruter de bons vérificateurs. Était-ce un long processus?

M. Desautels: Non, ce n'était pas très long. C'était plutôt efficace. On avait une délégation complète, le vérificateur général avait un statut particulier. On avait plus d'autonomie que la plupart des ministères. La délégation, en principe, était là et elle évoluait. Toutefois, le processus prenait du temps à clarifier de façon définitive ce rôle. Le rôle était fait de ministère en ministère. Il s'agit d'une délégation avec une approche plus globale. La commission garde la responsabilité, mais elle doit surveiller ensuite si cette délégation est bien exercée.

Même s'il y avait délégation dans le passé, ce n'était pas égal de ministère en ministère. En plus, la commission remplissait d'autres rôles qui, d'après moi, n'étaient pas tout à fait compatibles avec sa responsabilité de surveiller le principe du mérite.

Le sénateur Bolduc: Tout le monde est d'accord pour une décentralisation additionnelle. Il n'y a pas tellement de débats sur cette question. Cela ne me préoccupe pas dans la mesure où il y a des normes de décentralisation.

Je comprends que dans le projet de loi, en vertu des droits sur le plan des activités politiques, on veuille donner aux hauts fonctionnaires, sauf aux sous-ministres en titre et aux autres, y compris les sous-ministres adjoints, les directeurs généraux et les directeurs, la possibilité de mener des activité politiques.

Cela me préoccupe beaucoup parce que j'ai été président de la commission dans le passé. Je sais qu'il faut donner des droits aux fonctionnaires, ce sont des citoyens comme tous les autres. Toutefois, il y a une obligation de restriction lorsqu'on est haut fonctionnaire. Vous ne pouvez pas donner des conseils au gouvernement et dire le lendemain que ce n'est pas vrai.

On a l'exemple de M. Kelly en Angleterre; j'en profite pour le souligner car c'est très important. Le « deal » dans le fonctionnarisme est que les fonctionnaires ont un régime de carrière et une sécurité d'emploi mais, en même temps, les avis qu'ils donnent au gouvernement sont confidentiels. L'entente est celle-là: on va avoir confiance en vous si vous nous parlez mais vous ne parlez pas aux autres. Les hauts fonctionnaires conseillent le gouvernement, mais ils ne peuvent pas en même temps s'ouvrir la trappe et dire autres choses en dehors. D'après ce que je peux comprendre, en Angleterre — je ne fais pas le procès de M. Kelly — il semblerait que M. Kelly a dit au gouvernement que l'une des façons de régler le problème était d'attaquer l'Irak. D'autre part, il semblerait avoir dit que le gouvernement a gonflé l'affaire et cela a été repris sur la BBC. Ainsi il a dit deux choses différentes, mais quoi qu'il en soit, il a parlé en public et la pression est devenue telle qu'il ne pouvait plus la supporter.

Je voudrais le souligner ici parce que les cadres supérieurs de l'administration, sauf les sous-ministres, pourront participer à des activités politiques. En même temps, on va leur dire — et la règle est un peu spéciale, je l'ai ici devant moi — qu'on leur permet de participer à des activités mais qu'il ne faudrait pas que cela influence leur impartialité. En ce qui trait à l'image de l'affaire, elle est cousue de fil blanc; dans le monde réel, ce n'est pas ainsi. J'aimerais vous entendre là-dessus car vous avez beaucoup observé l'administration, dans votre métier, pendant dix ans.

M. Desautels: Monsieur le président, je dois avouer que je ne me suis pas penché sur cet aspect du projet de loi. Tout ce que je peux dire, c'est qu'on doit dans la fonction publique, investir dans des questions d'éthique et de valeurs. Au- delà des lois, les fonctionnaires doivent respecter certaines normes qui vont dans le sens des préoccupations que vous soulevez. Je ne pense pas que ce soit seulement une question de législation. Je n'ai pas étudié le projet de loi sur ce point, mais il y a une question plus large de valeurs et d'éthique qui devrait avoir un certain impact sur ce genre de décisions.

[Traduction]

Le sénateur Ringuette: Merci, monsieur Desautels. Je reviens à la modernisation de la dotation pour la rendre plus adaptable aux besoins.

[Français]

Effectivement, je suis d'accord pour dire qu'on doit être plus efficace pour satisfaire les besoins. Par contre, pour être plus efficace et avoir plus d'autorité, il faut être plus responsable. Dans le cadre de ces responsabilités, seulement 4 p. 100 des directions des sous-ministres ont la responsabilité de produire un plan, une stratégie de ressources humaines pour les ministères; seulement 4 p. 100 en ont soumis. D'une part, je suis certaine que 100 p. 100 d'entre eux ont rempli les formulaires pour avoir accès aux bonis de rendement, mais il s'agit d'une autre question. Comment peut-on avoir, d'une part, 4 p. 100 des directions qui ont un plan de gestion efficace, stratégique pour satisfaire les besoins de leur ministère et, d'autre part, 96 p. 100 qui n'en ont pas? Je suis presque persuadée qu'on entend dire des 96 p. 100 de ces ministères qu'ils ont besoin de plus de flexibilité pour répondre aux besoins, quand ils ne peuvent pas planifier quels sont ces besoins. C'est là que se pose pour moi un dilemme. D'une part je crois aux besoins d'une plus grande flexibilité, d'une plus grande responsabilité. Mais si on permet à 96 p. 100 de ces ministères d'avoir plus de flexibilité alors que les statistiques nous montrent déjà que 54 p. 100 des postes sont comblés sans compétition, je me demande où on va. Il y a un équilibre à respecter. Si vous voulez avoir plus de flexibilité pour gérer votre affaire, il faut que vous puissiez démontrer que vous avez la capacité de planifier votre gestion. Je suis certaine qu'avec votre expérience vous pourrez répondre à cette longue question.

J'ai une autre question fort importante. On a aussi un problème à l'intérieur de la fonction publique. Vous avez mentionné tantôt qu'il faut faire attention à ne pas alourdir le système, par le recrutement, mais il y a tout un processus d'enchaînement. Premièrement, on a complètement omis et oublié un certain processus qui serait très louable et qui serait la banque d'employés potentiels qualifiés. J'ai rendu visite à la commission; saviez-vous qu'on a au-delà de 400 différents critères pour un poste clérical? Jusqu'à quel point le système peut-il absorber tout cela? D'autre part, on dit: «le système est tellement lourd qu'on ne peut pas donner l'accessibilité à l'ensemble des Canadiens pour postuler des emplois dans la fonction publique».

Ce sont beaucoup de dilemmes. Je vous laisse répondre à mes deux questions très importantes.

M. Desautels: Concernant la question de la gestion ou des plans de gestion des ressources humaines, effectivement, je pense que la plupart des gens ont constaté qu'il y avait un problème systémique de ce côté. Un des objectifs du projet de loi C-25 est de clarifier les responsabilités et les obligations de reddition de compte des sous-ministres vis-à-vis de la gestion des ressources humaines. Donc, à l'avenir, on devrait s'attendre à ce que 100 p. 100 des ministères et 100 p. 100 des sous-ministres fassent rapport sur la gestion des ressources humaines et aient des plans de gestion des ressources humaines qui soient compatibles avec le plan d'affaire de l'organisme qu'ils gèrent. Nous avions noté cette faiblesse dans le système. Le projet de loi C-25 tente de la corriger en clarifiant les responsabilités des sous-ministres sur la question de la gestion des ressources humaines.

C'était la même chose quand vous parliez de postes qui sont comblés sans concours. Dans le travail que le bureau a accompli lorsque j'y étais et aussi sous la direction de Mme Fraser, on a noté qu'à cause de toutes sortes de problèmes, surtout de lourdeur et de recours aux emplois temporaires, on évitait de passer par la voie des concours. Je pense qu'il faut s'attaquer aux racines du mal et pas seulement aux symptômes. Il faut s'assurer qu'à l'avenir les gens ne trouvent pas d'excuses pour passer à côté du processus. Rien n'est parfait, mais c'est un des objectifs du projet de loi.

Quant à votre deuxième question, je pense qu'il faut tout faire pour rendre le système plus fonctionnel, moins lourd et moins coûteux. Au tout début de mon mandat comme vérificateur général, j'avais fait une remarque à un ancien sous-ministre en disant que, selon mon estimation, la gestion des ressources humaines au gouvernement fédéral était deux fois plus coûteuse que dans les bonnes entreprises du secteur privé. On m'a corrigé en me disant que c'était plutôt trois ou quatre fois plus coûteux. Le système est vraiment trop lourd et cela ne sert pas bien les Canadiens. On a besoin d'une fonction publique efficace et meilleure; nous pouvons l'être, nous n'en sommes pas loin mais il faut nous assurer de régler ces questions le plus rapidement possible.

[Traduction]

Le président: Encore une fois, monsieur Desautels, nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps, malgré vos engagements dans le secteur privé, de venir ici pour partager votre expérience avec nous, vos connaissances et vos opinions sur ces enjeux importants.

M. Desautels: Ce fut une bonne expérience pour moi ce matin. Cela me rappelle le bon vieux temps. Merci.

Le président: Nous allons conclure notre séance de ce matin avec la commissaire aux langues officielles, Mme Adam.

[Français]

Je crois que tous connaissent la commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam; elle est une habituée des comités parlementaires, mais à ce comité, nous n'avons pas souvent le plaisir de l'entendre. M. Guy Renaud, directeur général des communications du commissariat, M. Gilbert Langelier, directeur général aux enquêtes spéciales et vérification et Pascale Giguère, conseillère, juridique accompagnent la commissaire.

Mme Adam a une présentation à faire. Ensuite j'inviterai les sénateurs à poser leurs questions; bienvenue madame Adam.

Mme Dyane Adam, commissaire aux langues officielles: Je vous remercie de me donner l'occasion de partager avec vous mon appréciation du projet de loi sur la modernisation de la fonction publique. On sait fort bien que la fonction publique est une institution clé de notre système politique canadien. Elle constitue en effet un lien important entre le Parlement, le gouvernement et la population, tout en assurant une multitude de services qui contribuent au mieux-être de tous.

La fonction publique doit s'adapter pour mieux servir la population mais elle doit aussi refléter les valeurs de notre société qu'elle dessert et, les lois qui l'encadrent doivent permettre de concrétiser ces valeurs.

La dualité linguistique constitue une des valeurs cadres de la société canadienne, puisant ses assises dans la Loi constitutionnelle du pays. La Loi sur les langues officielles précise les obligations des institutions fédérales, notamment en matière de services au public et de langue de travail. De plus, on sait, le gouvernement actuel a réaffirmé son engagement envers la dualité linguistique dans les discours du Trône de 2001 et 2002 et le gouvernement, dans son plan d'action des langues officielles de mars 2003, s'est donné, entre autres, comme objectif de rendre la fonction publique exemplaire en matière de langues officielles.

Il n'est pas étonnant, avec ce préambule, que comme commissaire aux langues officielles, je sois intéressée à ce projet de loi. Nous l'avons, bien sûr, examiné sous l'angle de la dualité linguistique. Je voudrais aujourd'hui démontrer dans ma présentation comment ce projet de loi peut contribuer à la dualité linguistique canadienne.

Je vais vous rendre compte brièvement de la participation du commissariat à cette réforme. Je propose que vous apportiez trois modifications législatives à la nouvelle Loi sur l'emploi dans la fonction publique et ces changements touchent la formation linguistique, le tribunal de la dotation de la fonction publique et les avis de concours. Enfin, puisque la réforme législative va aussi entraîner une mise à jour des politiques et règlements afférents, je vais soulever cette question pour qu'on agisse afin de corriger certaines anomalies.

Depuis que le secrétariat du Conseil du Trésor a décidé de procéder à une réforme de la fonction publique, le commissariat est intervenu pour rappeler que la dualité linguistique est un fondement de l'administration publique. Nous avons produit un document public qui résumait notre approche et les propositions que nous présentions au gouvernement. Ce document est intitulé: «Pour une fonction publique moderne et bilingue». Nos propositions visaient à ce que les langues officielles deviennent une valeur pleinement intégrée aux opérations de la fonction publique et fassent partie de la culture de chaque institution. Les points principaux étaient les suivants: inclure la maîtrise de l'anglais et du français aux compétences de base et les traiter comme tels dans le cadre de classification des postes, viser le recours généralisé à la dotation impérative pour les postes bilingues, exiger le bilinguisme de tous les sous-ministres et intégrer la formation linguistique au plan de formation et de perfectionnement des fonctionnaires.

En mars dernier, je comparaissais au comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes pour proposer des amendements au projet de loi C-25. Comme la dualité linguistique est intrinsèquement liée au travail de la fonction publique, j'ai proposé que l'on intègre cette valeur au préambule de cette loi et en acceptant cette modification, les députés et le gouvernement reconnaissaient que l'ensemble des objectifs de la Loi sur les langues officielles est réaffirmé dans le cadre de cette réforme. La présidente du Conseil du Trésor, à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-25 rappelait que la dualité linguistique était bel et bien l'un des principes directeurs de la nouvelle loi. Puisque la dualité linguistique est si clairement inscrite dans les fondements de la fonction publique, je vous demande de considérer des modifications additionnelles qui pourront concrétiser cette valeur dans la pratique.

[Traduction]

En ce qui concerne certains changements proposés dans le projet de loi C-25, le premier changement que je proposerais concerne la formation linguistique. Depuis le tout début du programme des langues officielles, cette formation vise à accroître la capacité bilingue de la fonction publique tout en assurant aux unilingues des possibilités d'accès et d'avancement dans la fonction publique. Or, le projet de loi C-25 ne reflète pas cela.

Un grand nombre de personnes conviennent que la formation linguistique doit être une partie intégrale du cheminement professionnel. Il ne suffit pas de respecter sur papier les exigences linguistiques des postes. Le plan d'action pour les langues officielles stipule, par exemple, que la formation linguistique doit être améliorée et offerte plus tôt au cours de la carrière des fonctionnaires. Le président du Conseil du Trésor est également favorable à une révision de la formation linguistique, laquelle relève à l'heure actuelle de la Commission de la fonction publique.

Pour favoriser une approche cohérente, je propose que la formation linguistique des fonctionnaires soit confiée à la nouvelle École de la fonction publique du Canada, dont la création est prévue dans le projet de loi C-25. En agissant de la sorte, le gouvernement démontrerait que l'apprentissage de la langue seconde s'intègre pleinement au développement des connaissances et compétences que doivent posséder les gestionnaires et les membres du personnel pour bien s'acquitter de leurs tâches dans la fonction publique fédérale. L'Ecole pourrait transmettre les valeurs rattachées à la langue et à la culture par le biais de ses programmes de développement professionnel.

Par conséquent, je recommande d'ajouter le paragraphe suivant dans la mission et les attributions de la future école: assurer une formation linguistique visant à permettre aux fonctionnaires d'atteindre les niveaux de compétence qu'exigent les postes désignés bilingues en vue d'assurer la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles et permettre aux membres du personnel de réaliser leurs objectifs de carrière.

Le deuxième changement que je proposerais concerne la capacité bilingue du Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le projet de loi C-25 prévoit la création d'un nouveau tribunal indépendant chargé d'examiner les plaintes portant sur les nominations internes. Je note avec intérêt que le non-respect du droit d'être évalué dans la langue de son choix, dans le cadre d'un processus de sélection, fera partie des motifs de plaintes potentielles à déposer devant le nouveau tribunal.

Une étude que nous avons menée en 1999 a révélé que certains tribunaux fédéraux avaient du mal à respecter les droits linguistiques. Les membres de tribunaux fédéraux nommés par le gouverneur en conseil n'ont pas toujours les compétences linguistiques requises pour répondre à la demande des parties en cause. Pourtant, l'article 16 de la Loi sur les langues officielles précise clairement que les tribunaux fédéraux sont tenus de s'assurer que la personne qui entend la plainte soit capable de comprendre la langue officielle choisie par les parties sans l'aide d'un interprète. Autrement dit, tous les tribunaux doivent toujours avoir une capacité bilingue suffisante pour faire en sorte que la langue utilisée au cours de l'audience ne mine pas l'impartialité des procédures ou ne cause pas de délais indus pour les parties. Cela ne signifie pas que chaque membre du tribunal doit être bilingue, mais plutôt que le tribunal, en tant que groupe, doit pouvoir fonctionner efficacement dans les deux langues.

Je suis donc d'avis que l'on doit tenir compte dès le processus de nomination de la capacité linguistique collective des membres du tribunal. En outre, le projet de loi précise déjà que les candidats doivent posséder certaines qualités pour être nommés membres du tribunal. Je ne préconise pas aujourd'hui que l'on ajoute d'autres qualités. Je propose plutôt l'ajout d'une clause exigeant que le gouverneur en conseil assume une responsabilité à cet égard et c'est pourquoi je recommande d'ajouter une disposition allant dans ce sens à l'article 88 du projet de loi: «Le gouverneur en conseil veille à ce que les membres du tribunal soient capables, en tant que groupe, d'entendre les plaintes dans l'une ou l'autre langue officielle conformément aux dispositions de l'article 16 de la Loi sur les langues officielles».

Enfin, ma dernière suggestion concerne les avis de concours. Depuis que j'ai comparu en mars dernier au sujet du projet de loi C-25, certaines personnes ont soulevé la question des avis de concours. Après un examen attentif, je suis arrivée à la conclusion que les exigences linguistiques doivent être précisées. Comparativement à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique actuelle, la mesure comporte une omission qui risque de menacer certains droits acquis. Le nouveau projet de loi ne stipule pas que les avis de concours doivent être affichés dans les deux langues officielles. Si les employés ont le droit d'être évalués dans la langue de leur choix, il n'est que logique qu'ils puissent également prendre connaissance de la tenue d'un concours dans leur langue de préférence. Cependant, en l'absence d'une disposition explicite à cet égard, le projet de loi laisse place à l'interprétation. Je propose donc qu'un libellé analogue à celui qui figure dans l'ancienne loi soit repris à l'article 33, qui porte sur divers processus de nomination: «Tout processus de nomination annoncé doit être communiqué dans les deux langues officielles.»

[Français]

Un dernier point que j'aimerais aborder avec vous concerne la dotation non impérative. Afin d'offrir un service public dans les deux langues officielles et pour garantir aux fonctionnaires le droit de travailler dans leur langue, un certain nombre de postes dans la fonction publique sont désignés bilingues. Ces postes devraient normalement être comblés par des personnes compétentes, ayant les capacités linguistiques requises. Cependant, par un décret d'exclusion, il arrive que l'on puisse nommer à un poste bilingue une personne qui ne satisfait pas aux exigences linguistiques. On lui accorde, alors, un délai de deux ans pour acquérir, aux frais de l'État, ces compétences. C'est ce que l'on appelle, dans le jargon bureaucratique, la dotation non impérative.

Ce qui devrait être une mesure transitoire est devenue une pratique qui dure depuis longtemps. Selon le rapport annuel de la Commission de la fonction publique de 2001-2002, la dotation non impérative est encore utilisée dans 20 p. 100 des postes bilingues dotés. Il s'agit d'une anomalie importante à laquelle le gouvernement devra s'attaquer dans le cadre de la révision des règlements d'applications et des politiques afférentes.

Je profite de cette comparution pour vous sensibiliser à cette question et je propose donc l'élimination d'une façon progressive de la nomination non impérative en commençant par la dotation interne.

On donnerait ainsi le signal qu'un fonctionnaire doit préalablement acquérir les connaissances requises pour un poste bilingue avant de postuler. Pour les personnes motivées qui veulent s'y préparer, peu importe la désignation linguistique de leur poste, il faudra assurer un accès équitable à la formation linguistique. Il faudra aussi accorder une plus grande priorité au maintien de l'acquis. Cependant, une personne qui ne répond pas aux exigences du poste bilingue qu'elle occupe, doit nécessairement être mutée après un délai raisonnable.

La présidente du Conseil du Trésor, Mme Robillard, a clairement agi en ce sens, en mars dernier, à l'égard des hauts fonctionnaires. Une étude sur la langue de travail publiée récemment par le Centre canadien de gestion intitulée: «Le français à suivre?» formule aussi des recommandations allant dans ce sens. Je propose que la dotation impérative soit une règle pour les cadres, à partir d'avril 2004, et que l'on fasse de même pour les autres postes, à compter d'avril 2006.

Pour ce qui est de l'embauche externe, je propose que l'on maintienne encore pour une certaine période la possibilité de recruter des personnes ne répondant pas aux exigences du bilinguisme. Toutefois, les personnes qui ne répondent pas aux exigences linguistiques de leur poste, après le délai de deux ans prévu pour acquérir la langue seconde par le biais de cours offerts aux frais de l'État, ne pourront être retenues pour une nomination à la fonction publique. La nomination à des postes désignés bilingues devrait donc toujours être conditionnelle à l'acquisition et au maintien de ces compétences. Ceci nécessiterait une modification du décret d'exclusion.

Comme le gouvernement a consenti des investissements importants, récemment, visant à favoriser l'apprentissage des langues secondes dans les écoles, il semblerait raisonnable que la nomination non impérative soit aussi graduellement éliminée pour la dotation externe. Un autre pas important sera ainsi franchi pour faire de la fonction publique une institution bilingue reflétant la valeur fondamentale de la dualité linguistique canadienne.

En conclusion, à l'ère d'une société pluraliste et diversifiée, la fonction publique doit continuellement s'adapter pour refléter l'évolution de la société. Elle doit le faire en continuant d'intégrer les langues officielles. Une fonction publique bilingue peut jouer un rôle crucial en aidant à bâtir des ponts entre nos deux grandes communautés linguistiques et contribuer ainsi à rendre notre société ouverte à l'acceptation des différences, la clé d'un progrès constant dans le respect des droits inscrits dans la Constitution de notre pays.

Je suis prête à répondre à toutes vos questions.

[Traduction]

Le sénateur Kinsella: J'invoque le Règlement. Pourrions-nous demander au témoin à quelle page du projet de loi s'inscrirait le premier amendement qu'elle recommande à l'égard de la nouvelle École? Elle a recommandé l'ajout d'une disposition à cet égard.

Mme Adam: Je suis à la page 172.

[Français]

Le président: Modification à la loi sur le Centre canadien de gestion.

[Traduction]

Mme Adam: Je suis dans la version française.

Le président: «Mission et attributions».

Mme Adam: C'est dans la partie 4.

Le sénateur Kinsella: Merci. J'y suis.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Je dois vous féliciter. C'est un mémoire formidable. J'ai toujours dit que l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1982 rend non seulement les deux langues officielles, mais elle rend les deux langues égales. On ne souligne jamais assez que les deux langues, le français et l'anglais, sont égales dans les domaines fédéraux.

Dans les domaines provinciaux, ce n'est pas le cas, sauf dans certaines provinces, mais dans les domaine fédéraux, c'est le cas. Votre tribunal de dotation de la fonction publique constitue une nouveauté. Je pense qu'il doit être parfaitement bilingue. On est tous d'accord à ce sujet.

Je viens de vérifier le texte la Loi sur les langues officielles que mon collègue Jean-Robert Gauthier transporte toujours avec lui. Il s'agit de l'article 16 de la Loi sur les langues officielles. Mais c'est également l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il y a une chose qui est plus importante que la Loi sur les langues officielles, c'est la Constitution. La Loi sur les langues officielles doit refléter la Constitution. Je suis d'accord avec ce point. J'ajouterais peut-être un paragraphe stipulant qu'on doit se conformer à l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il s'agit de deux articles ayant le numéro 16, c'est un pur hasard. Quand le hasard fait bien les choses, tant mieux. Je ne sais pas si vous êtes d'accord, mais je pense qu'on aurait intérêt à se référer à l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Mme Adam: Mon amendement ne se réfère pas vraiment à la Loi sur les langues officielles ni à la Loi constitutionnelle du pays. Quand j'ai comparu au comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions à la Chambre des communes concernant le projet de loi, j'ai fait une proposition d'amendement touchant le préambule. Il m'apparaissait important qu'on note dès le début dans ce nouveau projet de loi sur la fonction publique que la dualité linguistique était vraiment une valeur fondamentale de l'appareil fédéral et de la fonction publique, donc une valeur cadre.

Je présume que le préambule a été modifié dans ce sens et qu'il reprend les objectifs et les principes de la Loi sur les langues officielles. Bien sûr, je l'ai mentionné dans ma présentation, les assises mêmes de la Loi sur les langues officielles, on le sait fort bien, se retrouvent dans la Loi constitutionnelle du Canada. Mon amendement aujourd'hui ou la proposition que je vous fais ne touche pas vraiment à la loi ni à la Constitution. Je propose que le gouverneur en conseil soit tenu de s'assurer que le nouveau tribunal aura, comme groupe, les compétences nécessaires pour entendre les parties dans la langue officielle de leur choix et ceci, à n'importe quel moment. Je fais cette proposition aujourd'hui car notre étude de 1999 sur les tribunaux fédéraux a démontré qu'effectivement, plusieurs des tribunaux ont des problèmes à offrir des services égaux parce que les nominations à certains de ces tribunaux ne sont pas soumises à des processus établis, soit de consultation entre le Conseil privé et le tribunal, pour s'assurer qu'il y a effectivement une capacité collective suffisante. Cette recommandation a été faite par mon prédécesseur en 1999 au Conseil privé. Elle touche l'ensemble des tribunaux fédéraux. Il n'y a pas eu d'actions posées ou de réponses gouvernementales directes à cette recommandation du commissaire. Dans ce cas, dans une question de langue de la fonction publique et du droit des travailleurs, cela m'apparaît important qu'on le spécifie.

Le sénateur Beaudoin: Je suis tout à fait d'accord et je laisse à mon collègue Jean-Robert Gauthier la question du bilinguisme dans le processus judiciaire.

J'ai écrit, l'autre jour, une lettre spéciale au ministre de la Justice: quand le bilinguisme s'appuie sur la Constitution, cela ne peut pas être plus fort. C'est le cas au Manitoba, au Québec, au Nouveau-Brunswick et dans d'autres province, on s'en va un peu dans cette direction. Je pense que vous avez raison de suggérer non seulement l'égalité des deux langues, mais aussi la question du bilinguisme dans le système judiciaire. C'est fondamental pour un pays comme le Canada.

Le sénateur Gauthier: Un peu dans le même sens que le sénateur Beaudoin, vous avez affirmé qu'il y a eu un amendement au projet de loi. Je ne l'ai pas trouvé encore. Pouvez-vous m'envoyer une copie de l'amendement en question? Dans le document du 3 juin 2003, il n'en est pas question.

Comme tout bon politicien, je n'aime pas poser les questions quand je ne connais pas les réponses. La nouvelle école de formation, l'école de la fonction publique a un mandat spécifique. Est-ce une institution fédérale?

Mme Adam: Oui.

Le sénateur Gauthier: Donc elle relève de la Loi sur les langues officielles. Est-ce que le tribunal dont mon collègue parlait est une institution fédérale? Oui, donc la Loi sur les langues officielles et la Constitution s'appliquent. Les obligations sont claires comme de l'eau de roche: obligations relatives à la compréhension des deux langues officielles.

Votre première recommandation est dirigée vers le gouverneur en conseil. Je ne veux pas être méchant mais ce sont des bonnes intentions et le ciel est pavé de bonnes intentions. Vous avez dit tantôt qu'il y avait plusieurs tribunaux fédéraux qui ne satisfont pas à ces exigences. Est-ce que nous pourrions avoir une liste de ces tribunaux qui ne satisfont pas à ces exigences linguistiques?

Mme Adam: On pourrait vous faire parvenir une copie de cette étude parce qu'on a pris un échantillon des capacités des tribunaux. On n'a pas examiné l'ensemble des tribunaux. Ces tribunaux peuvent être capables de servir dans les deux langues officielles, mais nous examinons le délai raisonnable et ce genre de situations. Alors est-ce que justice est vraiment rendue si un tribunal n'a vraiment pas un nombre suffisant de juges bilingues pour entendre des causes en temps opportun. Alors, c'est une nuance. Mais on peut vous faire parvenir une copie.

Mais on n'a pas répondu à cette question et, à mon avis, elle mérite vraiment l'attention du Parlement. Il s'agit de la différence entre une loi, sa mise en oeuvre pratique et les résultats. Est-ce que je peux ajouter quelque chose? On a organisé un colloque, en avril 2003, conjointement avec le ministère de la Justice et les tribunaux fédéraux pour discuter de la question de la dualité linguistique et de la mise en oeuvre de la loi pour offrir les services dans les deux langues officielles. On a examiné cette problématique, entre autres, et plusieurs tribunaux ont affirmé qu'ils avaient ce problème. Comme vous le savez, les tribunaux n'ont pas le contrôle sur la nomination de leurs propres membres, donc ils subissent ces situations. On pourrait vous faire parvenir des comptes-rendus de ces colloques qui donnent des détails sur la problématique.

Le sénateur Gauthier: Hier, on s'est fait dire par des témoins que le président de la Commission de la fonction publique devrait être un haut fonctionnaire du Parlement. Je suis d'accord avec eux. Cette personne devrait être identifiée dans ces fonctions comme étant responsable de la dotation et tout ce qui s'ensuit.

On nous a parlé de l'école nationale ou de l'école de formation ou de l'école de la fonction publique du Canada, c'est le nouveau titre. Cela sera un amalgame du centre canadien de gestion et de tout ce qui existe actuellement en formation à la fonction publique.

Pouvez-vous me donner des renseignements un peu plus spécifiques sur la formation linguistique? Ce dossier est tout de même assez important à la Commission depuis des années. On n'a pas, dans la loi, touché à cette question. Qui sera responsable de la formation linguistique, pas seulement de la formation des besoins aujourd'hui, mais du perfectionnement des besoins pour demain? Qui sera responsable de cette formation?

Mme Adam: Tel qu'il est présenté dans le nouveau projet de loi, la responsabilité demeurerait à la Commission de la fonction publique. Le projet de loi est silencieux sur la formation linguistique. Une des propositions que je fais à votre comité est que la nouvelle école de la fonction publique prenne la responsabilité de la formation linguistique parce qu'en la séparant plus ou moins de toute la question de la formation et du perfectionnement professionnel des fonctionnaires, elle sera désormais assumée par la nouvelle école. On fait de la formation linguistique une compétence séparée, accessoire, qui n'est pas vraiment intégrée aux compétences des fonctionnaires. Je pense que le milieu de la fonction publique fédérale est non seulement bilingue mais interculturel. On travaille dans au moins deux cultures. On ne parle jamais de cette question.

Il y a deux cultures, on le sait, dans le milieu du droit. Il y en a aussi dans la façon de travailler, de penser, propre à la culture anglo-saxonne et à la culture francophone. Ces deux cultures se côtoient au quotidien dans notre fonction publique fédérale et l'on doit plus ou moins tenir compte de cela dans la gestion de nos ressources humaines et dans la gestion de nos dossiers.

Le sénateur Gauthier: Les parlementaires s'inquiètent. Il y a un mouvement vers la privatisation. Allons-nous privatiser la formation linguistique? Allons-nous donner aux fonctionnaires l'obligation d'obtenir la compétence linguistique avant d'avoir leurs postes? Il y a plusieurs questions que je me pose. Dans le projet de loi, il n'en est pas question. Il y a un vide dans le projet de loi. Je vous pose la question. Vous me dites que la Commission de la fonction publique sera responsable. Je sais de bonne source que la Commission est privée dans le moment de cette responsabilité. Elle a été confiée au centre de gestion auquel ces gens se rapportent actuellement. Il y a quelque chose qui s'est passée et que je ne comprends pas.

Mme Adam: Je vous recommande comme commissaire aux langues officielles que la formation linguistique soit intégrée au projet de loi, qu'on ne soit pas silencieux sur cette question et qu'on en fasse vraiment une responsabilité de la nouvelle école. C'est un peu dans le même sens de vos inquiétudes.

[Traduction]

Le sénateur Kinsella: Au sujet de l'École, la commissaire pourrait peut-être m'aider. Dans la version anglaise, à la page 171 du projet de loi, il est question de la «Canada School of Public Service».

[Français]

Dans la version française du projet de loi C- 25, on parle de l'école de la fonction publique du Canada.

[Traduction]

Le sénateur Kinsella: N'y a-t-il pas une différence importante?

Le sénateur Beaudoin: Quelle est-elle?

Le sénateur Kinsella: Est-ce que la «Canada School de la fonction publique du Canada» ou «l'École de la fonction publique du Canada»? Cela semble différent.

Mme Adam: J'ai mon opinion, mais on préfère la version française à la version anglaise.

Le sénateur Kinsella: C'est une question de fond. À mon avis, l'intention est exprimée dans la version française, où il est question de l'«École de la fonction publique du Canada». Ce n'est pas l'école du Canada. Je pense que c'est erroné.

Permettez-moi de passer à une autre question entourant l'École.

Commissaire, votre amendement me plaît énormément, et j'ai l'intention de l'appuyer. Il s'inscrirait probablement fort bien à la page 173 du projet de loi, sous la forme d'un nouvel alinéa i), pour assurer la formation linguistique, et cetera, comme vous le dites si bien.

Vous-même ou vos collègues avez-vous déterminé s'il serait ou non nécessaire, si cela était adopté, d'avoir un amendement transitoire pour que soit cédée à l'École de la fonction publique la fonction de formation linguistique qui relève à l'heure actuelle du Conseil du Trésor?

Mme Adam: Je crois qu'on envisage déjà de transférer d'autres fonctions de formation. D'autres écoles devront fusionner avec le Centre canadien de gestion.

Le sénateur Kinsella: Le projet de loi renferme des dispositions de transition spécifiques en vue de déménager le Centre canadien de gestion dans cette nouvelle école. Ma question est la suivante: advenant l'adoption de votre amendement, que j'appuie, faudra-t-il adopter aussi des modifications corrélatives pour déménager la fonction de formation linguistique assumée par le Conseil du Trésor?

Mme Adam: J'imagine que le même processus devrait être suivi puisque d'autres fonctions sont transférées d'une organisation à l'autre. J'appliquerais d'ailleurs la même période de transition pour faciliter les choses et faire en sorte qu'au cours de cette période, les fonctionnaires obtiennent la formation dont ils ont besoin et ne subissent aucun effet négatif.

Le sénateur Furey: Évidemment, l'objectif de tous les parlementaires — et des fonctionnaires aussi, j'en suis sûr —, c'est que dans un Canada idéal, le bilinguisme devrait être un minimum. J'ai été intrigué par vos commentaires. Je peux comprendre que vous vouliez supprimer «la dotation non impérative» pour ce qui est de la dotation interne, et notamment du programme de deux ans connexe. Cependant, je ne suis pas certain d'être d'accord pour dire qu'il faut l'éliminer pour la dotation externe. Je sais pertinemment que vous essayez de compenser cela en quelque sorte lorsque vous ajoutez que le gouvernement vient d'annoncer des investissements importants visant à favoriser l'apprentissage de la langue seconde dans les écoles. Il n'en reste pas moins que bon nombre de Canadiens unilingues seraient manifestement défavorisés en l'absence d'un tel programme s'ils souhaitaient postuler un poste dans la fonction publique.

À mon avis, ce programme les place davantage sur un pied d'égalité si l'on considère que sur le plan interne, tout cela est financé à même les deniers publics.

Mme Adam: Je ne recommande pas de supprimer la nomination non impérative pour la dotation externe, mais simplement d'imposer un délai au cours duquel ces personnes devront obtenir la formation voulue. Cette formation devra aussi être financée convenablement car nous avons eu dans le passé des problèmes pour assurer la formation. Il devrait y avoir un délai de deux ans, et ce uniquement pour les postes bilingues.

Le sénateur Furey: Je comprends cela. Peut-être vous ai-je mal comprise. Je croyais que vous disiez qu'on devrait mettre fin à ce programme à l'interne et que les personnes concernées auraient deux ans pour acquérir, aux frais de l'État, les compétences linguistiques requises pour les postes bilingues. J'ai cru vous avoir entendue dire — en tout cas c'est l'interprétation que j'en ai faite —, que le programme serait éliminé pour la dotation externe car il ne serait que normal que la dotation non impérative soit supprimée graduellement. Pour contrebalancer cela, vous avez signalé le fait que le gouvernement entend investir davantage d'argent dans les programmes scolaires pour aider les citoyens à devenir bilingues. En outre, le gouvernement injecterait certains fonds au sein de la fonction publique.

Cela défavoriserait manifestement les Canadiens unilingues qui veulent entrer dans la fonction publique à l'heure actuelle, sur le plan économique et autrement. Il y a plus que le financement de ces programmes. Il y a aussi les congés et d'autres mesures d'accompagnement qui confèrent aux fonctionnaires déjà en poste un avantage énorme par rapport aux personnes qui souhaitent y entrer.

Mme Adam: Il nous faut envisager des interventions à différents niveaux. Je propose de conserver la dotation non impérative pour les gens de l'extérieur et de leur fournir la formation requise. Parallèlement, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux investissent et réinvestissent dans la formation en langue seconde dans les écoles.

Hier, j'ai signé des certificats pour des élèves de niveau secondaire. C'est un projet pilote. Ils ont passé le test linguistique de la fonction publique avec succès. À ma connaissance, c'était la première fois que des élèves de niveau secondaire subissaient ce test. Cet exercice s'est fait en collaboration avec une commission scolaire. Ce n'est ni à Québec ni à Ottawa que cela s'est passé. Ce n'est pas non plus dans une zone désignée bilingue du pays. C'est à Edmonton. Et j'ai signé plus de 70 certificats pour des étudiants diplômés des programmes d'immersion et de FLS. À mon avis, c'est la voie de l'avenir.

Il y a 30 ans, lorsque le Parlement a adopté la Loi sur les langues officielles, nous y avons adhéré avec enthousiasme. Nous avons instauré des mesures visant à faire en sorte que tous les Canadiens aient accès à la fonction publique. À l'heure actuelle, nous vivons dans une société différente, pluraliste, diversifiée et internationale, dont les langues constituent une composante. Nous avons deux langues officielles.

Notre gouvernement investit davantage encore une fois. Nous devons agir sur les deux fronts pour qu'un jour, il y ait beaucoup plus d'étudiants de niveau secondaire ayant acquis les compétences nécessaires qui ont déjà passé leur test. Ce sera à nous d'aller les chercher lorsqu'ils sortiront de l'université.

Le sénateur Furey: Je suis tout à fait d'accord avec vous, et j'appuie sans réserve tout programme qui fait la promotion du bilinguisme à quelque niveau que ce soit. Je constate toutefois qu'il existe un groupe de jeunes Canadiens qui n'ont pas eu cet avantage, et je ne voudrais pas qu'ils ratent le coche. Par là j'entends, qui n'auraient pas les mêmes avantages que les fonctionnaires s'ils veulent entrer dans la fonction publique. Je pense que ce programme est un outil qui les aide à atteindre cet objectif. Cela ne fait aucun doute.

Mme Adam: Si nous investissons davantage, les parlementaires sont dans une très bonne position pour promouvoir cette question dans leurs différentes communautés partout au Canada. Quelqu'un qui veut faire carrière dans la fonction publique devrait investir dans la formation linguistique dès son jeune âge. C'est beaucoup plus facile à faire que lorsqu'on a 40 ans. C'est prouvé.

C'est à nous d'agir. La prévention vaut mieux que la guérison.

Le sénateur Ringuette: Je suis ravie de prendre connaissance de votre expérience car j'estime que les compétences linguistiques s'apparentent aux compétences mathématiques ou scientifiques. La maîtrise d'une langue est une compétence qui s'acquiert. Depuis que j'évolue sur la scène fédérale, je n'ai jamais entendu parler de la dotation non impérative qui permet à 20 p. 100 des nouveaux emplois exigeant la bilinguisme d'être exemptés.

Depuis 10 ans, je réclame que l'on supprime les restrictions géographiques en matière d'emploi. Or, en l'occurrence, la bureaucratie a inventé une exemption fondée sur la langue. Autrement dit, on restreint l'accès des Canadiens en raison de la langue. C'est une plaisanterie.

L'accessibilité à l'emploi au gouvernement fédéral pour les Canadiens de Gander à Kelowna, en Colombie- Britannique, n'existe pas. En ce qui concerne la capacité linguistique au sein du système, la bureaucratie s'est forgé une excuse. Vous pouvez certainement comprendre ma frustration en tant que francophone d'une région rurale de l'est du Canada. C'est un double coup dur pour moi.

J'aimerais entendre ce que vous avez à dire au sujet des excuses entourant la dotation non impérative et le fait qu'on se plaint qu'il est trop coûteux ou trop compliqué d'élargir l'accès au système à tous les Canadiens.

[Français]

Mme Adam: C'est un décret d'exclusion depuis 1982 qui rend possible la dotation non impérative, ce n'est pas un droit acquis. Cela devrait être une mesure d'exception au principe du mérite. Ce principe du mérite dans la fonction publique est ce qu'on recherche, à savoir la personne qui a toutes les compétences pour son poste. Le décret d'exclusion rend possible le fait qu'une personne détienne un poste où elle n'a pas toutes les compétences.

Le président: La dotation est faite à condition que le titulaire apprenne la langue. La commissaire suggère que l'on devrait être plus précis sur la question.

Mme Adam: Je dis que dans certains cas, on devrait l'éliminer. Vous connaissez les problèmes que nous avons eus depuis 30 ans avec le bilinguisme. Nos sous-ministres et nos cadres supérieurs veulent toujours prolonger les délais. C'est ce qui arrivait et on les prolongeait toujours.

Le sénateur Bolduc: C'est comme le tabac!

[Traduction]

Le président: Je pourrais faire valoir que la souplesse que confère la dotation non impérative permet à des gens de diverses régions du pays qui n'auraient peut-être pas les compétences linguistiques requises pour occuper un emploi d'entrer dans la fonction publique, à condition qu'ils apprennent la langue.

Le sénateur Ringuette: En pratique, pour 97 p. 100 des nouveaux concours, le système comporte une restriction géographique de 50 km fondée sur le code postal. Par conséquent, si votre code postal ne tombe pas dans ce rayon géographique, le système, et je ne parle même pas de la bureaucratie, rejette automatiquement votre demande d'emploi. Cependant, en raison de l'existence de la dotation non impérative, le système ne rejette pas automatiquement votre candidature pour un poste bilingue si vous êtes unilingue francophone ou unilingue anglophone, et c'est là une disparité supplémentaire.

Le sénateur Kinsella: J'aimerais obtenir une précision aux fins du compte rendu, au cas où j'aurais mal compris vos explications. En réponse à la question du sénateur Furey, vous avez mentionné un programme spécial qui ne s'inscrit pas un district désigné bilingue. Avez-vous dit que Moncton était l'un des endroits en question?

Mme Adam: Non, je faisais référence à une nouvelle initiative menée en collaboration avec une commission scolaire, notre bureau et la Commission de la fonction publique qui a permis à des diplômés de niveau secondaire de subir le test linguistique de la fonction publique. Ils s'en sont tirés brillamment. Mon bureau leur a remis des certificats pour souligner leur succès. Il s'agit d'une nouvelle initiative à Edmonton.

[Français]

Le sénateur Gauthier: J'aimerais poser une question au sujet des trois recommandations que vous nous faites. Suis-je dans une mauvaise voie en pensant que si ce sont des institutions fédérales, elles sont soumises à la loi? Dans ce cas, on n'a pas besoin d'amender le projet de loi avec vos recommandations? Pouvez-vous étudier cette question et me répondre par écrit avant le 16 septembre?

Mme Adam: On peut vous répondre par écrit et j'imagine que je vais transmettre la réponse au président pour l'ensemble des comités?

[Traduction]

Le président: Au début des années 80, le sénateur Gauthier et moi-même étions coprésidents du Comité mixte sur les langues officielles.

[Français]

Il se rappellera une lettre adressée à nous par le premier ministre Trudeau dans laquelle il a rejeté la plupart des recommandations de notre comité invoquant comme raison que tout cela était déjà dans la Constitution et que ce n'était pas nécessaire. C'est très intéressant.

[Traduction]

Le sénateur Comeau a été président de ce comité mixte pendant un certain temps également, de même que le sénateur Ringuette. Le présent exercice est un peu comme une reprise de l'ancien Comité mixte sur les langues officielles.

Madame la commissaire, je vous remercie beaucoup, ainsi que vos collègues.

La séance est levée.


Haut de page