Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 11 - Témoignages
WINNIPEG, le mercredi 22 octobre 2003
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 9 h 04 pour étudier l'éducation au sein des communautés minoritaires de langue officielle.
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Nous sommes le mercredi 22 octobre 2003. J'aimerais tout d'abord remercier le Centre culturel franco-manitobain de nous accueillir durant ces audiences publiques du Comité sénatorial permanent des langues officielles.
Le but de ces audiences est d'étudier l'éducation en français dans les communautés francophones en situation minoritaire. Nous débuterons notre journée en examinant la situation chez les jeunes. Nous sommes heureux d'accueillir M. Aimé Boisjoli et Mme Rolande Kirouac du Conseil jeunesse provincial du Manitoba.
Notre matinée se déroulera comme suit. De 9 h 00 à 9 h 45 nous entendrons les témoignages du Conseil jeunesse provincial du Manitoba. Après une pause de 15 minutes, nous visiterons le Centre historique situé dans le présent édifice du Centre culturel franco-manitobain. Cette visite sera suivie d'une table ronde.
Sans plus tarder, je cède la parole à Mme Rolande Kirouac, du Conseil jeunesse provincial du Manitoba.
Mme Rolande Kirouac, Conseil jeunesse provincial: Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de cette occasion de vous présenter notre point de vue. Notre présentation fera un survol des nombreux succès, défis et besoins que vit la communauté des jeunes en situation minoritaire de langue officielle.
Le Conseil jeunesse provincial existe depuis 29 ans. Il a comme mandat de normaliser la vie en français pour la jeunesse au Manitoba. Le mandat a pour but de promouvoir la langue française dans la vie de tous les jours de nos jeunes, de façon à ce que la vie en français devienne la norme.
Le CJP offre des ateliers de formation en leadership et des activités de regroupement pour les jeunes âgées de 14 à 25 ans. Notre budget provient de plusieurs sources, dont environ 50 p. 100 de Patrimoine canadien, 30 p. 100 de sources variées au niveau provincial et 20 p. 100 de nos membres et partenaires du secteur privé.
Notre participation dans le secteur de l'éducation s'effectue à différent niveaux. Nous offrons, depuis 30 ans, le cours Projet étudiant animateur. Ce cours est crédité. Nous travaillons également en partenariat avec la Division scolaire franco-manitobaine. Le rôle que joue le CJP par rapport à l'éducation est principalement celui d'un organisme d'appui. Les activités du CJP visent surtout à développer la fierté chez les jeunes francophones du Manitoba. Pour ce faire, le CJP doit offrir l'opportunité aux jeunes de s'exprimer dans leur langue, que ce soit dans le domaine des arts visuels, du sport, de la musique, ou dans les débats, les jeux, le théâtre, en art culinaire et plusieurs autres domaines.
Notre objectif vise donc à faire vivre les jeunes en français et à appuyer le secteur de l'éducation dans cette démarche essentielle.
Le CJP est fier de ses succès. Le cours Projet étudiant animateur est un cours crédité en animation qui offre aux jeunes l'opportunité d'apprendre à devenir animateurs de groupe.
Des stages en leadership sont offerts. Ces stages enseignent les principes d'organisation et de gestion d'une réunion. Ils enseignent également la gestion du temps et le développement personnel chez le jeune.
L'Association des conseils étudiants regroupe plusieurs jeunes, des écoles françaises, siégeant au conseil étudiant de leurs écoles. Cette association offre à ces jeunes une formation et l'opportunité de faire du réseautage.
Au Manitoba il existe un parlement jeunesse où les jeunes se présentent et font semblant d'être ministres. Des débats ont lieu au sein de ce parlement jeunesse. Les jeunes se présentent ensuite, au niveau régional, dans l'ouest et dans le nord. Un premier parlement jeunesse fut organisé au niveau canadien, et nous travaillons présentement sur un deuxième.
Nous avons les Jeux de la francophonie de l'Ouest et du Nord, ainsi que les Jeux francophones au niveau canadien.
Notre travail auprès des jeunes se fait donc non seulement au niveau provincial mais également avec les régions de l'Ouest, du Nord et au niveau national.
Le Réveillon de Noël est une activité annuelle pour les jeunes et une nouvelle occasion de se réunir. Cette activité vise les jeunes âgés de 18 ans et plus.
Une des activités les plus importantes du Conseil jeunesse provincial est le grand regroupement. Cette activité attire plus de 1 000 jeunes qui se déplacent pour vivre cette expérience. L'activité se déroule à l'extérieur de la ville, dans un village de la communauté. L'événement, au cours des ans, fut intitulé le Show Sont Nous, Foule Faire, Francotonne, Affaire Farouche, et finalement RIFRAF. Cette activité change de nom, d'une année à l'autre, pour permettre à chaque jeune de vivre, en quelque sorte, son événement et non celui de son grand frère ou de sa grande sœur. L'appartenance est un élément d'une grande importance.
Nous travaillons sur de grands dossiers pour la communauté, dont le Directorat des sports. Lorsqu'un dossier se perd dans la communauté, il se voit souvent repris et adopté par les jeunes. Nous encourageons ces dossiers car ils sont importants pour la jeunesse. Le Directorat des sports est une initiative qui vise le sport en français au Manitoba pour la jeunesse et, éventuellement, pour tous. Le Directorat des sports connaît présentement un élan et nous espérons le rendre autonome d'ici quelques années.
Le conseil est impliqué également du côté de l'entreprise chez les jeunes. Dans le cadre des organismes Jeune Entreprise et Junior Achievement Manitoba, le Conseil jeunesse favorise le développement de partenaires francophones et anglophones dans le but d'assurer un développement plus grand pour nos jeunes.
Présentement, nous travaillons sur le Programme d'animation culturelle. Il s'agit d'un nouveau programme visant à développer tout ce qui a trait à l'identité et à la fierté culturelle chez les jeunes.
Nous avons travaillé à remettre sur pied l'organisme 100 Nons. Encore une fois, il s'agit d'un organisme qui avait été mis de côté et que la jeunesse a décidé de reprendre et d'adopter. L'organisme 100 Nons favorise le développement de l'industrie de la musique au Manitoba. Il est aujourd'hui un organisme indépendant.
M. Aimé Boisjoli, Président, Conseil jeunesse provincial: Nos défis sont nombreux. Dans les témoignages entendus lors de la séance publique tenue hier, il fut sans doute question du manque de financement. Nous vivons également ce problème. De plus, nous avons de la difficulté à garder nos employés et éprouvons de la difficulté en recrutement. Nous requérons un personnel assez qualifié et qui est en mesure d'assumer une charge de travail importante. Toutefois, il nous est difficile de rémunérer ces employés à leur juste valeur.
Dans le cadre de notre plan global, nous travaillons en partenariat avec des intervenants de plusieurs secteurs. Cette démarche implique plusieurs rencontres chaque année. Nos commanditaires sont diversifiés. Chaque commanditaire a ses critères auxquels nous devons nous plier.
Nous éprouvons également un problème à garder nos membres. Les jeunes âgées entre 14 et 25 ans traversent, au cours de cette période de leur vie, une certaine révolte. Le problème nous touche et il est difficile de ramener ces jeunes une fois qu'ils quittent. Il s'agit d'un phénomène culturel assez généralisé.
Le CJP se veut un organisme opéré par les jeunes et pour les jeunes. Les membres de notre conseil d'administration sont âgées entre 14 et 25 ans. Notre politique préconise la création des programmes et la coordination de ces programmes par les jeunes et pour les jeunes, et non par les adultes. Notre nouvelle clientèle compte également des autochtones, des immigrants et des individus en immersion.
Il faut créer des occasions de rencontres et d'échanges pour les jeunes. Le financement adéquat doit être obtenu afin de permettre le développement de la jeunesse et la mise sur pied des initiatives jeunesse. Nous devons valoriser le développement de la fierté culturelle. Une centralisation du financement pour les activités de la jeunesse doit être élaborée. Le jeune doit avoir sa place dans la communauté, un endroit physique qui lui appartient. Le jeune doit également avoir son rôle dans la communauté et dans la prise des décisions.
Nous désirons remercier les honorables membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles de cette occasion de faire entendre nos propos.
La présidente: Nous vous remercions de votre présentation. Pourriez-vous nous expliquer plus en détail le financement que vous obtenez? Vous recevez 50 p. 100 de votre financement de Patrimoine canadien sous quelle forme? Est-ce que vous établissez un programme d'abord, puis vous demandez de l'aide financière; ou les fonds vous sont tout simplement versés?
Mme Kirouac: Nous devons suivre toute une procédure afin d'obtenir le financement de Patrimoine canadien. Le fonctionnement de base du Conseil jeunesse provincial doit être présenté ainsi que toute la programmation.
Ce financement de Patrimoine canadien est fort apprécié. Il nous permet d'aller chercher des fonds supplémentaires pour financer les projets et le développement du Conseil jeunesse provincial. L'enveloppe de base de Patrimoine canadien nous permet donc de maintenir l'essentiel. La mise sur pied d'initiatives telles l'organisme 100 Nons, le Directorat des sports, le Programme d'animation culturelle ne pourrait se faire uniquement à partir de l'enveloppe de base de Patrimoine canadien. Cette enveloppe nous permet toutefois d'aller chercher du financement supplémentaire pour les projets.
La présidente: L'enveloppe de base prévoit-elle une partie pour le fonctionnement de votre organisme et une autre partie pour les programmes?
Mme Kirouac: Oui, cette enveloppe prévoit à la fois le fonctionnement de base et la programmation de base. Le fonctionnement de base comprend la fourniture de bureau et l'emplacement comme tel. La programmation de base du Conseil jeunesse provincial comprend le grand rassemblement et les stages en leadership.
La présidente: Vous avez des employés à plein temps?
Mme Kirouac: Oui.
La présidente: Combien d'employés à plein temps avez-vous?
Mme Kirouac: Trois.
Le sénateur Comeau: J'aimerais poursuivre sur la question des fonds. Dans votre présentation liminaire, vous avez indiqué, parmi vos défis, la nécessité de répondre aux critères de vos commanditaires, surtout au niveau des gouvernements fédéral et provincial.
Mme Kirouac: En effet.
Le sénateur Comeau: Vos projets sont-ils conçus en fonction de ces critères, ou est-ce que les fonctionnaires gouvernementaux sont réceptifs et formulent des critères en fonction de vos besoins?
Mme Kirouac: Nous sommes en négociation constante, étant donné que notre enveloppe nous vient de différentes sources. Chaque ministère a ses critères que nous devons respecter et qui reflètent leur mandat respectif. Par conséquent, il y a toujours une négociation.
Bien saisir les critères est un travail détaillé. Il est, par la suite, nécessaire de négocier ces critères en fonction de notre mandat, car on ne veut pas changer notre vocation dans le simple but d'obtenir une enveloppe de 5 000 $, 10 000 $ ou 20 000 $.
Les sources de financement sont diversifiées. Répondre à tous les critères représente un réel défi. Nous devons gérer ces fonds avec soin pour à la fois demeurer redevable et garder une certaine crédibilité. Il faut agir avec discernement dans le cadre de notre programmation pour satisfaire les sources de notre financement. Par exemple, pour le Programme d'animation culturelle, nous devons présenter ce projet en fonction des critères et assurer une gestion pertinente pour demeurer redevable.
Le sénateur Comeau: Vous faites de même au niveau fédéral?
Mme Kirouac: Oui.
Le sénateur Comeau: Vous remplissez leurs formulaires.
Mme Kirouac: Oui.
Le sénateur Comeau: Et il faut cocher les cases appropriées et répondre aux objectifs?
Mme Kirouac: Oui.
Le sénateur Comeau: Puis, vous vous retournez et allez voir le gouvernement provincial?
Mme Kirouac: Oui.
Le sénateur Comeau: Et celui-ci vous présente une différente série de cases avec de légères nuances?
Mme Kirouac: En effet.
Le sénateur Comeau: Vous devenez donc également, en quelque sorte, des fonctionnaires?
Mme Kirouac: Oui.
Le sénateur Comeau: Il faut ensuite aller chercher des fonds pour satisfaire les exigences gouvernementales en termes de «matching».
Mme Kirouac: Oui.
Le sénateur Comeau: Cette tâche doit certes être plus facile auprès des entreprises, leur procédure étant un peu moins élaborée.
Mme Kirouac: En effet. Le Conseil jeunesse provincial a également dû apporter certains ajustements à sa gestion interne afin de devenir un organisme plus crédible et redevable. Nous avons dû augmenter les montants alloués à la comptabilité et à la gestion financière de l'organisme. Par conséquent, nous disposons de moins d'argent pour la coordination et la programmation auprès des jeunes.
Certains efforts ont été menés afin de devenir plus redevables et organisés. Cette approche fut d'ailleurs accueillie de la part de notre conseil. De telles améliorations sont utiles et nécessaires pour obtenir des commanditaires. Il faut investir pour que les organismes à but non-lucratif soient financés adéquatement. Il faut investir également pour être en mesure d'assumer la gestion des fonds et des projets en fonction des différentes sources de financement.
Le sénateur Comeau: Je présume que vous devez faire rapport de vos activités aux commanditaires à chaque année. Toutefois, lorsque vous faites une demande de fonds, devez-vous reprendre le processus du début à chaque année?
Mme Kirouac: Oui.
Le sénateur Comeau: Est-ce le cas pour tous les projets, ou est-ce que certains projets peuvent durer quatre ou cinq ans, par exemple?
Mme Kirouac: Nous pouvons, par exemple, présenter un projet sur trois ans. Le Programme d'animation culturelle est un projet en développement. Pour ce projet, on a présenté trois étapes de développement, donc trois années de financement.
Lorsque le projet est présenté et que la première année est acceptée, on reçoit un certain financement pour la première étape sans savoir si on recevra un financement pour la deuxième et la troisième étape. Nous devons donc présenter à nouveau le projet pour une deuxième année. Toutefois, on sait qu'il existe déjà un historique et qu'une relation est établie. Nous ne sommes donc pas obligé de recommencer l'étude des critères et rencontrer les agents à nouveau.
Le sénateur Comeau: Cependant, vous n'avez pas de garantie lorsque vous entamez votre projet. Le tout pourrait se terminer à la fin de l'année.
Mme Kirouac: D'année en année, la programmation complète du Conseil jeunesse provincial n'est pas assurée. On parle du fonctionnement d'une année à l'autre, des salaires, des contrats avec les employés. Pour ma part, j'ai un contrat d'un an qui s'étend du 1er avril au 31 mars. C'est environ la période de l'année durant laquelle nous recevons les réponses afférents aux différents projets.
Le sénateur Comeau: Est-ce que vous transigez généralement avec les mêmes fonctionnaires, ou ces personnes sont appelées à changer?
Mme Kirouac: Je suis au Conseil jeunesse depuis trois ans et je travaille avec les mêmes agents de projet. Ces agents de projet sont très réceptifs et appuient notre travail. Cet aspect est une composante très importante qui aide notre développement. La relation avec ces agents de projet n'est pas à rebâtir constamment.
Le sénateur Comeau: Si vous deviez nous faire une recommandation dans l'élaboration d'un rapport, quelle serait cette recommandation? Je présume que vous désiriez obtenir plus d'argent.
Mme Kirouac: Oui.
Le sénateur Comeau: Mais, de façon plus importante, votre souhait serait peut-être d'avoir une stabilité à plus long terme? Vous devez négocier à tous les ans, en plus de travailler sur plusieurs projets.
Mme Kirouac: En effet.
Le sénateur Comeau: Ces négociations annuelles monopolisent une partie de votre temps qui, autrement, pourrait être consacré aux projets découlant directement de votre mandat. En ce sens, une stabilité à plus long terme contribuerait à réaliser vos objectifs?
Mme Kirouac: Certainement. La stabilité peut prendre deux formes. Les fonds pour la jeunesse pourraient être centralisés, ce qui nécessiterait un moins grand nombre de commanditaires. Puis, la possibilité de déposer des projets sur une base de cinq ans, par exemple, pour ensuite diversifier et faire le «matching», serait également un pas dans la bonne direction.
Un fonctionnement de base à 50 p. 100, sur une période de plus d'un an, par exemple, sur une période de cinq ans, apporterait une certaine stabilité. De plus, le fait de devoir produire des rapports de suivi plutôt que de devoir soumettre à chaque année de nouvelles demandes ajouterait à cette stabilité. Nous aurions ainsi une planification à long terme, tel qu'on nous le demande, plutôt qu'une année à la fois. Il est difficile de planifier à long terme lorsqu'il faut préparer de nouvelles demandes de financement à chaque année. C'est un peu la contradiction à laquelle nous devons faire face.
La présidente: En guise d'encouragement, je peux indiquer qu'au cours de l'audience publique tenue hier certains témoins ont également soulevé cette question de financement à long terme. Je constate que votre organisme, tel qu'il est structuré, doit continuellement relever ce défi. Vous n'êtes pas les seuls dans cette situation. On peut citer le dicton, «Quand je me regarde, je me désole; quand je me compare, je me console».
Le sénateur Comeau: Cela ne règle pas le problème de base.
La présidente: En effet.
Le sénateur Chaput: Lorsque le CJP fait référence au financement du fonctionnement de base, il s'agit de sommes d'argent reçues dans le cadre de l'entente Canada-communautés?
Mme Kirouac: Oui.
Le sénateur Chaput: Ces ententes sont renégociables en 2004. Dans plusieurs provinces il est question de tenter d'obtenir des fonds de Patrimoine canadien. Le Comité pourrait recommander que les projets soumis par l'entremise des ententes soient acceptés pour une période de trois à cinq ans, avec une évaluation annuelle, et que le financement soit assuré sur cette période de trois à cinq ans. Cela donnerait une base un peu plus solide aux groupes et organismes. Cette initiative pourrait s'appliquer à travers le Canada, là où les ententes Canada-communautés s'appliquent.
La présidente: Ce sont les ententes qui sont en cours d'évaluation actuellement.
Le sénateur Chaput: Ces ententes se terminent d'ailleurs à la fin du mois de mars, et la nouvelle entente commencerait le 1er avril 2004. Un financement par intérim va donc être accordé.
Madame Kirouac, combien de demandes de subventions préparez-vous annuellement?
Mme Kirouac: Vous parlez de demandes pour lesquelles on reçoit de l'argent, ou des demandes pour lesquelles on ne reçoit pas d'argent?
Le sénateur Chaput: Combien en préparez-vous en l'espace d'un an?
Mme Kirouac: Les subventions comportent des demandes pour l'organisme et des demandes pour des projets. Nous pouvons préparer jusqu'à 30 demandes dans une année. La préparation d'une demande implique tout d'abord une phase de recherche afin de déterminer si la demande répond bien aux critères. Puis, nous rédigeons la demande. Nous devons, par la suite, solliciter l'appui de la communauté au niveau du gouvernement pour faire avancer cette demande.
Une fois la demande déposée, nous devons attendre pour savoir si la demande sera acceptée ou rejetée. Pendant ce temps, nous devons faire un suivi pour savoir où en est le traitement de la demande. Lorsque la demande est acceptée, elle l'est rarement pour les objectifs exacts que nous avions exposés. Par conséquent, nous devons entamer un travail d'ajustement et de suivi, suite à l'acceptation d'une demande.
Parfois, une demande déposée relativement à un projet ne nous apportera que 500 $. Dans un tel cas, nous faisons tout de même l'exercice, car ce montant peut nous aider à aller chercher un autre montant.
Le sénateur Chaput: Monsieur Boisjoli, lorsque j'ai fait votre connaissance vous présidiez l'Association des comités scolaires secondaires francophones?
M. Boisjoli: L'Association des conseils étudiants.
Le sénateur Chaput: Cette association comprend nos écoles françaises?
M. Boisjoli: Oui.
Le sénateur Chaput: Pouvez-vous nous parler brièvement de cette association et de ces conseils étudiants? Combien y a-t-il de conseils étudiants, et que font ces conseils?
M. Boisjoli: L'Association regroupe, en principe, les conseils étudiants des écoles secondaires de la Division scolaire franco-manitobaine. Cette division comprend 11 écoles, si ma mémoire est bonne.
Les choses ont bien évolué avec les années. Au début, on examinait les activités des autres écoles secondaires. Lorsque la DSFM a commencé, ce réseau faisait nouvelle figure. Aujourd'hui, le réseau est devenu un forum de discussion et de formation. Les jeunes assistent à une rencontre mensuelle et apprennent la revendication. Ils commencent au stage de leadership, et la formation se poursuit pendant toute l'année. On fait également, bien sûr, du réseautage en général.
La présidente: Disposez-vous de budgets importants?
M. Boisjoli: Non.
La présidente: J'ai eu la chance d'enseigner dans une polyvalente où les conseils étudiants disposaient de très gros budgets. Je présume que tout dépend du nombre d'élèves?
M. Boisjoli: En ce qui a trait au conseil étudiant, je suis d'accord. Par contre, les conseils doivent payer pour faire partie de l'ASC. L'ASC a été créé par le conseil d'administration du CJP, car on croyait qu'il existait un besoin de créer un réseau des écoles. Le budget, aujourd'hui, est plus important. Trois mille dollars par année sont utilisés, entre autres, pour la formation et les repas.
La présidente: Ces 3 000 $ proviennent des activités?
Mme Kirouac: On puise ces 3 000 $ à partir du budget de fonctionnement de base. Ce montant ne comprend pas le salaire de la personne chargée de coordonner les activités de l'Association des conseils étudiants. Le budget à cette fin est plutôt restreint.
La présidente: Il existe également un organisme national des conseils étudiants. Votre organisme doit être affilié à un organisme national?
M. Boisjoli: L'organisme national des conseils étudiants?
La présidente: L'organisme regroupant toutes les écoles à travers le Canada?
Mme Kirouac: Notre partenaire au niveau national est la Fédération jeunesse canadienne-française. Le développement de cet organisme est d'ailleurs un dossier dans lequel nous contribuons. Au cours des deux dernières années, nous avons contribué aux rencontres et à la définition de cet organisme. Nous souhaitons voir l'adhésion de nouveaux partenaires à ce groupe et cherchons à créer des liens avec des organismes équivalents au niveau national.
Le sénateur Chaput: La Division scolaire franco-manitobaine existe depuis combien d'années? Je crois que l'idée de créer cette division est née du fait que nos écoles se trouvent réparties à travers la province aux endroits désignés de populations francophones. On a donc voulu créer un réseau de jeunes francophones qui, tout à coup, ne faisaient plus partie de la division dans laquelle ils étaient auparavant, mais faisaient partie d'une grande division composée d'écoles dispersées à travers le Manitoba.
Je crois que votre objectif, à cette époque, consistait à rassembler ces jeunes en formant un réseau. Car ces jeunes se sont retrouvés, soudainement, détachés de leurs amis et sous le choc psychologique.
M. Boisjoli: Oui.
Le sénateur Chaput: Alors il y avait cet élément, dans un premier temps.
M. Boisjoli: Oui, et c'est le cas particulièrement en régions isolées. Par exemple, l'école à Saint-Claude compte 20 élèves, et il existe une école d'immersion à Saint-Claude qui compte près de 100 élèves. Les élèves de cette petite communauté se sentent donc en minorité. Il s'agit donc d'offrir à ces élèves la possibilité de se joindre à un autre réseau afin de faire en sorte que ces élèves sentent qu'ils font partie d'une communauté.
Le sénateur Léger: Vous êtes président provincial du Conseil jeunesse provincial?
M. Boisjoli: Oui.
Le sénateur Léger: Existe-t-il des subventions spécifiquement destinées à la radio et à la télévision française afin de couvrir votre travail pour le français en milieu minoritaire? Nos médias subissent une forte influence anglo-américaine, étant donné notre proximité aux États-Unis. Une demande de subvention à cette fin serait-elle même entendue? Je sais que cela représente des coûts importants. Toutefois, je considère que les arts et la musique sont des domaines importants. Les médias francophones sont-ils supportés par des subventions?
Mme Kirouac: Il existe une station de radio communautaire du nom de Envol 91 qui diffuse sa programmation à travers le Manitoba. Toutefois, certaines régions ne captent pas les ondes de cette radio communautaire francophone.
Bien que souhaitable, cet objectif ne fait pas partie de notre mandat. Le Conseil jeunesse provincial a déployé des efforts visant à assurer la mise sur pied de radios communautaires tant au niveau provincial que national. Cette initiative fut également appuyée par la Fédération jeunesse canadienne-française. La radio communautaire est très importante.
Certaines écoles ont leur radio communautaire ou radio scolaire. Nous appuyons l'initiative des radios communautaires et des radios scolaires dans le cadre de nos activités. Nous favorisons l'essor de la musique nouvelle et en faisons la promotion. Lors du dernier regroupement RIFRAF, nous avons accueilli le groupe Swing. En collaboration avec la division scolaire, nous nous sommes assurés qu'un cahier pédagogique soit envoyé aux écoles. Les jeunes furent donc initiés à ce groupe et eurent l'occasion d'entendre leurs disques avant la rencontre. Lors de l'événement, la présence du groupe créa alors un émoi.
Ce genre d'événement représente pour les jeunes une riche expérience. Notre rôle est d'alimenter l'intérêt chez les jeunes pour la musique nouvelle en leur procurant des échantillons. Cette contribution a pour but de développer, en quelque sorte, le réseau de la musique française au Manitoba.
L'organisme 100 Nons de l'industrie musicale monte des spectacles. Une fois par année, l'événement la Chicane électrique bat son plein.
Le sénateur Chaput: Il s'agit d'un événement spécial?
Mme Kirouac: Oui. Il s'agit d'un événement estival dans le cadre duquel une formation de jeunes montent un spectacle qui a, croyez-moi, une allure très professionnelle. Une trentaine de jeunes montent sur scène et se produisent en spectacle. Au cours de cet événement, des prix très intéressants sont offerts. Entre autres, on offre l'opportunité de produire un disque au cours de l'année.
Le développement culturel existe donc, et nous appuyons ce genre d'initiatives. La situation n'est cependant pas idéale. Il reste encore beaucoup à faire pour développer les activités culturelles en français au Manitoba dans les domaines audiovisuels. En effet, les jeunes sont très exposés au produit de l'industrie américaine, et nous n'y pouvons rien. Quoi qu'il en soit, notre objectif n'est pas de lutter contre ce phénomène mais d'ajouter à la culture. C'est ce qu'on vise dans le cadre de nos activités.
La présidente: Quelles sont les activités les plus populaires auprès des jeunes? S'agit-il d'activités culturelles ou sportives? Est-ce que l'on retrouve pas mal les mêmes jeunes qui s'impliquent, d'une occasion à l'autre, dans ces événements dont vous avez mentionné le succès?
M. Boisjoli: RIFRAF est certes l'événement qui connaît le plus de succès. Tous les jeunes du niveau secondaire de la DSFM participent à cet événement, ce qui représente environ 1 000 jeunes par année.
Pour répondre à votre question, je crois que le phénomène TLM, «toujours les mêmes», se retrouve dans la plupart des organismes. Toutefois, nous essayons d'impliquer le plus de jeunes possible. Par exemple, nous avons remarqué que l'initiative du Directorat des sports semblait rejoindre d'avantage les jeunes intéressés à la culture. Ayant participé à 100 Nons avant d'arriver au CJP, j'ai pu constater que cet intérêt s'avère une tendance naturelle chez plusieurs jeunes.
Nous avons également constaté que nombres de jeunes impliqués dans les sports étaient appelés à quitter pour aller à l'Université du Manitoba ou vers d'autres destinations. Nous avons donc créé le Directorat des sports afin que des entraîneurs francophones puissent enseigner aux jeunes francophones dans leur langue. Nous avons des entraîneurs francophones dans les écoles. D'ailleurs, j'ai été à une école francophone de la DSFM, et les termes que utilisés étaient en anglais, car telle était la formation de notre entraîneur.
Le sénateur Léger: Pourriez-vous nous parler des Jeux de la francophonie?
M. Boisjoli: Il existe des Jeux de la francophonie du Nord et de l'Ouest. Ce sont des Jeux de la francophonie canadienne. Ces jeux comportent des compétitions d'athlétisme, de volley-ball et de tous les sports pratiqués dans les écoles. Ces jeux comportent également un aspect culturel. Dans le cadre d'un programme d'éveil musical, des groupes se produisent en spectacle. Ces jeux comportent également un volet arts visuels et un volet improvisation. Dans le cadre des Jeux de la francophonie canadienne, un atelier en leadership est offert où les jeunes ont l'occasion de s'épanouir dans leur domaine.
Le sénateur Léger: Ces jeux se déroulent dans l'Ouest en général ou simplement au Manitoba?
M. Boisjoli: Dans toute la région de l'Ouest.
Le sénateur Léger: Et ces jeux se déroulent en français?
M. Boisjoli: Ils se déroulent en français. Les Jeux de la francophonie ont lieu une fois par trois ans, et les Jeux de la francophonie canadienne ont lieu l'année suivante.
Le sénateur Léger: Vos demandes de subventions, en ce sens, répondent-ils à vos besoins? Selon mon expérience, les politiciens n'ont pas l'habitude d'entendre les mots «artiste» ou «arts». Éprouvez-vous ces mêmes difficultés?
Mme Kirouac: À titre d'exemple, nous avons les Jeux du Nord et de l'Ouest. Nous désirons organiser des Jeux en Colombie-Britannique en 2004. Nous avons reçu environ 25 000 $ de l'enveloppe inter-régionale dans le cadre de l'entente Canada-communautés pour l'organisation d'événements. Étant donné le peu de financement pour ces jeux, nous devrons contempler la possibilité que les athlètes voyagent en autobus plutôt qu'en avion.
Le trajet entre le Manitoba et la Colombie-Britannique, pour des athlètes, est de trois jours en autobus. Ces athlètes ne peuvent demeurer assis de façon continue pendant deux jours. Il est donc nécessaire de ponctuer le déplacement. Les athlètes voyagent une journée; on fait escale pour leur permettre de faire de l'entraînement, de bien manger, de dormir; puis, on reprend la route jusqu'à destination. Il faut donc considérer ces facteurs lors du déplacement.
Tous ces événements comportent de telles variantes. Il faut parvenir à réaliser ces projets le plus économiquement possible et résister à la tentation de pousser notre ambition au-delà de nos moyens. Dans l'organisation des Jeux de l'Ouest et du Nord, on se permet parfois d'étirer les limites de nos ressources budgétaires et de pousser un peu l'enveloppe qui nous est accordée. Nos bénévoles deviennent exténués, et les employés doivent alors faire du temps supplémentaire qui, souvent, n'est pas rémunéré, ce qui devient du bénévolat. Cependant, ces jeux nous tiennent à cœur.
Nous ne sommes peut-être pas de bons vendeurs. Il semble que nous ne puissions communiquer la valeur de cette expérience que vivent les jeunes dans nos activités. Notre organisme fait vivre ces jeunes. Comment pouvons-nous décrire cet apport? Comment pouvons-nous le faire le valoir?
M. Boisjoli: Comment le quantifier?
Mme Kirouac: Comment pouvons-nous le quantifier? Voilà le défi. Nous savons l'importance de ces activités. Lorsque l'occasion se présente, nous faisons valoir les mérites de ces activités à qui veut l'entendre. Le défi réside à donner suite aux propos écrits. Nous devrions consigner ces propos sur un papier animé.
Le sénateur Léger: Bien dit.
La présidente: Les Jeux de l'Ouest sont l'équivalent des Jeux de l'Acadie.
Mme Kirouac: Exactement.
La présidente: Je ne sais pas en quelle année ont commencé les Jeux de l'Acadie. Cette année, on a mis sur pied, pour la première fois, une fondation qui sert à la fois comme outil de financement. A-t-on commencé à contempler certains athlètes de l'Ouest pour les prochains Jeux de la francophonie? On se rappellera que l'athlète olympique Joël Bourgeois a débuté aux Jeux de l'Acadie.
Mme Kirouac: De notre côté, l'équipe de volley-ball masculine et féminine se distingue. L'été dernier, un de nos jeunes s'est rendu à Rivière-du-Loup et fut repêché. Il a obtenu une bourse d'études pour poursuivre ses études au Québec.
La présidente: Peut-être se rendra-t-il au Niger l'année prochaine.
Mme Kirouac: Qui sait. Les Jeux sont un lieu d'expression et de rencontre où s'épanouit la vie culturelle. Ils offrent également l'occasion de former une élite regroupant les athlètes qui se distinguent.
[Traduction]
La présidente: Sénateur Keon.
Le sénateur Keon: Quelle entreprise extrêmement intéressante. C'est merveilleux. Expliquez-moi comment fonctionne votre «Parlement jeunesse» et ce en quoi il consiste.
[Français]
Le sénateur Chaput: Vous pouvez répondre en français, si vous le désirez.
Mme Kirouac: Je vais essayer en anglais.
[Traduction]
Je vais essayer en anglais. Le «Parlement jeunesse» est une initiative qui permet aux jeunes de se rencontrer et de reproduire ce qui se passe au Parlement.
Le sénateur Keon: D'accord.
Mme Kirouac: Ils choisissent des ministres et toutes les autres personnes nécessaires pour former le gouvernement. Ils préparent des projets de loi d'avance et en discutent ensuite au Parlement. Toutes les activités parlementaires sont simulées et cela se passe au niveau provincial dans la plupart des provinces du pays.
L'est du Canada nous a devancés dans le domaine des jeux et du sport. Le mouvement est venu graduellement vers l'ouest. Dans le cas du parlement jeunesse, le mouvement est venu d'abord de l'ouest et devient maintenant plus populaire dans l'est. C'est vraiment excellent pour les adolescents parce que les modèles sportifs, parlementaires et culturels sont tous différents. Nous essayons d'offrir tous ces genres d'expériences pour atteindre tous les jeunes et leur permettre de se rencontrer.
Nous aimons bien l'initiative de parlement jeunesse parce que cela permet à tous les genres d'adolescents de participer. Nous avons un parlement jeunesse très actif dans l'ouest et dans le nord.
Il y a chaque année un parlement jeunesse auquel nous envoyons une délégation de 10 adolescents. C'est une initiative à trois niveaux. À l'échelon provincial, les participants sont des adolescents plus jeunes. Au niveau régional, les participants sont âgés de 16 à 18 ans. Au niveau communautaire, nous visons le groupe d'âge de 18 à 25 ans, ce qui est plus difficile. C'est facile de communiquer avec les adolescents qui fréquentent encore l'école, mais une fois qu'ils ont terminé leurs études, ils ont leurs propres activités.
Le parlement devient très professionnel au niveau régional. Les projets de loi préparés à ce niveau sont très bien conçus et les participants de chaque province proposent leurs propres projets de loi et sont prêts à les défendre au niveau régional.
Les nominations pour les postes de ministres sont aussi très intéressantes. Cela se fait chaque année. En plus de notre délégation, il y a aussi les ministres du Manitoba qui ont été élus l'année précédente. C'est une autre façon de favoriser le développement. Les jeunes commencent comme participants au parlement jeunesse et deviennent ensuite ministres à l'échelon provincial, régional et national.
Nous travaillons maintenant à l'échelon national, mais nous accusons un peu de retard. Nous devons nous assurer que le programme se développe suffisamment dans l'est pour que l'on puisse avoir un parlement jeunesse fort au niveau canadien. Pour l'instant, les représentants de l'ouest dominent à l'échelon national parce que le programme a commencé dans l'ouest. C'est intéressant, n'est-ce pas?
C'est une expérience très utile. Pour ce qui est du financement, je pense que nous pourrons obtenir des fonds suffisants parce que le programme est très bien structuré, motivé et favorise le développement.
Nous éprouvons des problèmes du côté des jeux. Je pense que nous sommes un peu à blâmer pour cela. Nous sommes encore au niveau du développement. Nous essayons de garantir que les jeux pourront avoir lieu et font vraiment partie de la scène nationale. Nous travaillons avec divers organismes sportifs à cette fin. Nous sommes aussi en train de créer un partenariat avec Sports Manitoba. Cela veut dire que nous travaillons non seulement avec un organisme professionnel, mais aussi avec le secteur anglophone.
C'est un défi pour les groupes francophones de former des partenariats avec des anglophones. C'est quelque chose de nouveau pour nous et cela présente des défis auxquels nous ne nous attendions pas. Par exemple, quelle langue utiliserons-nous pour nos rencontres? Nous n'avons pas de services d'interprétation. Nous apprenons tout juste à nous connaître. Le processus est à ses tout débuts, mais les choses vont bien.
Le sénateur Keon: Félicitations. Je pense que votre programme est excellent, en effet. Je vous recommande de ne pas avoir de services d'interprétation parce que les choses doivent fonctionner quand il n'y a pas d'interprétation. Les gens peuvent communiquer et se comprendre sans traduction. À mon avis, l'interprétation nuit à la concentration.
Mme Kirouac: Merci.
[Français]
La présidente: Nous vous remercions d'être venus et nous vous souhaitons bonne chance. Ce fut très intéressant. Grâce à votre dynamisme, vous ne pouvez que réussir. Vous nous avez inspirés en ce début de journée.
Nous ferons maintenant une courte pause afin de visiter le musée du Centre du patrimoine.
La séance est suspendue.
La séance reprend.
La présidente: Chers membres du comité, je propose que notre prochain voyage se tienne à Regina, en Saskatchewan. Ce sera une occasion intéressante pour ceux d'entre nous qui n'y sommes jamais allés.
Nous recevons aujourd'hui des représentants de la Saskatchewan. Monsieur Denis Ferré est avec la Division scolaire francophone, Mme Michelle Arsenault est avec les Services fransaskois d'éducation des adultes, et M. Bernard Roy est avec l'Association des parents francophones. Monsieur Roy, vous êtes également directeur d'école, n'est-ce pas?
M. Bernard Roy, l'Association des parents francophones: J'étais directeur. Je suis maintenant surintendant de l'éducation.
[Traduction]
La présidente: Nous accueillons maintenant Mme Karen Taylor-Brown, de Canadian Parents for French.
[Français]
Monsieur Ferré, vous avez la parole.
M. Denis Ferré, Division scolaire francophone: Nos présentations touchent certains points en commun. J'inviterais donc les autres témoins à intervenir s'ils le désirent. Nous avons préparé un exposé visuel. Étant enseignant de nature et de formation, les outils visuels sont souvent très utiles.
Nous sommes ici pour représenter la Division scolaire francophone et l'Association des parents. Pour commencer, nous allons traiter de l'impact des ententes fédérales/provinciales-territoriales sur la petite enfance. Notre présentation suivra un peu le format des questions que vous nous avez fait parvenir.
Les ententes actuelles ne nous donnent aucun accès aux fonds, car nous ne rencontrons pas les critères de la province. Les jeunes Fransaskois de la petite enfance n'ont donc pas un accès direct à ces fonds. La province préconise le concept de l'école communautaire — concept que je vous expliquerai dans quelques instants.
Les interventions visent surtout les enfants à risque. Un enfant est considéré à risque lorsqu'il est exposé à la violence, lorsqu'il est sans abri, ou lorsqu'il éprouve des problèmes d'alimentation. Un faible pourcentage de la petite enfance répond à ces critères, mais pour la majorité le problème ne se pose pas.
Si les ententes sont conçues principalement pour les enfants à risque, que reste-t-il pour la petite enfance fransaskoise? En réalité, la petite enfance fransaskoise est perdue entre les ententes, et il n'existe aucune ressource financière prévue à ses fins.
Cette situation est peut-être négative, mais nous ne sommes pas à court d'idées. Il faut également parler de nos succès. Notre succès vient du fait que nous avons créé un partenariat entre la Division scolaire francophone et l'Association des parents. Pourquoi avoir choisi l'Association des parents comme partenaire? L'Association des parents est en charge du dossier de la petite enfance. Elle s'est donnée ce mandat. Quelle est la raison du partenariat? En Saskatchewan, la seule institution qui existe de façon légitime est l'éducation. Par conséquent, pour jouir d'une visibilité et avoir accès à certaines ressources, nous devons nous rattacher à des institutions. Voilà le bien-fondé d'un partenariat entre l'Association des parents et la Division scolaire francophone. Monsieur Roy va maintenant vous parler des défis que nous avons à relever.
M. Roy: L'Association des parents ne pouvait être présente aujourd'hui. Comme nous travaillons en collaboration, on nous a demandé de faire la présentation en leur nom.
Nous avons des besoins en matière d'accès aux services. Répondre à ces besoins présente plusieurs défis. De façon embryonnaire, nous avons actuellement des centres de la petite enfance. Toutefois, il faut aller plus loin pour répondre aux besoins de la petite enfance. Lorsqu'on parle de petite enfance, on parle de garderies, on parle du niveau préscolaire, on parle d'un centre pour la petite enfance qui peut offrir des services en santé primaire et des services à la famille. Notre objectif est de répondre aux besoins de la famille en faisant de la prévention, de la promotion et en offrant de l'information aux parents. Il est très important d'aider les parents à préparer les jeunes à l'école.
Il existe un manque d'argent et de professionnel qualifié. La Division scolaire francophone forme ses intervenants. Nous disposons de peu de professionnels, et l'accessibilité n'est pas toujours là où les besoins existent au niveau de la petite enfance. Il est important de développer des centres d'accueil pour la famille. Ces centres sont indispensables au recrutement de nos jeunes dans les écoles et pour répondre aux besoins.
Le plan Dion, bien sûr, a permis de développer des projets et a créé la possibilité de faire de la recherche et d'aller plus loin. Telle est la vision du fédéral. Toutefois, l'actualisation de tous nos projets, malheureusement, dépend de la province. Or la vision fédérale et la vision provinciale ne s'harmonisent pas toujours.
Autre défi, la majorité de nos jeunes nous proviennent de familles exogames. Les centres d'accueil doivent recruter les jeunes là où ils se trouvent. Nous devons faire face à un taux très élevé d'assimilation. Au Canada, six enfants sur dix, issus d'une famille exogame où la mère est francophone, sont assimilés; alors que neuf enfants sur dix, issus d'une famille exogame où le père est francophone, sont assimilés. Cela signifie que la culture n'est pas transmise. Actuellement, nous retrouvons en Saskatchewan le taux d'assimilation le plus élevé au Canada. Nous devons donc faire face à un double défi. Ce défi est plus élevé que dans les autres provinces et territoires. La recherche est donc un élément important pour nous.
L'Association des parents fransaskois a pris l'initiative de faire une recherche afin de comprendre la petite enfance fransaskoise. Cette recherche fut possible grâce à l'appui d'Agriculture Canada. Nous sommes très heureux d'avoir obtenu cet appui.
M. Ferré: On a fait preuve d'imagination.
Le sénateur Chaput: C'est l'esprit créatif des Fransaskois.
M. Roy: Il est très important pour nous d'être en mesure d'aller chercher un tel appui. La recherche est un aspect important. Nous voulons déterminer le niveau de préparation de nos jeunes à entrer dans le système scolaire. Les besoins en francisation sont présents et identifiés. Nous voulons mieux préparer nos jeunes en fonction de ces besoins.
Parlons maintenant des besoins en matière de ressources. Nous avons mentionné précédemment qu'en Saskatchewan, un enfant considéré à risque est un enfant exposé à la violence ou un enfant sans abri. Dans notre domaine, l'enfant à risque est l'enfant qui ne possède pas sa langue lorsqu'il arrive à l'école. Cette lacune peut devenir une barrière à l'apprentissage.
Rappelons que la Saskatchewan n'a pas participé, au niveau des tests, au niveau national. Lorsqu'on compare nos résultats avec les résultats obtenus chez les minorités des autres provinces, on constate que nos francophones réussissent moins bien dans certains domaines. Il faut donc mettre l'accent sur la francisation afin de bien préparer nos jeunes. Sans cet accent, les élèves de première année ne pourront répondre aux exigences de leur niveau scolaire.
M. Ferré: Il devient très difficile d'apprendre la physique ou la chimie au niveau secondaire lorsqu'on ne maîtrise pas sa langue maternelle. Voilà pourquoi il est nécessaire d'accorder de l'importance à l'enseignement de la langue au niveau primaire. Les francophones ne sont pas moins intelligents que les autres. Toutefois, nous savons que la langue est une des barrières à l'apprentissage.
M. Roy: D'où l'importance d'avoir les ressources pour appuyer le développement global des jeunes. Le mandat des écoles en milieu minoritaire est d'assurer la réussite scolaire. Les écoles doivent également assurer la réussite identitaire. Il faut donc intervenir en bas âge afin que les parents sachent quoi faire. Il faut guider les parents dans le développement des jeunes.
M. Ferré: De tout ceci, nous devons, par contre, faire ressortir un côté positif. Oui, nous avons besoin de ressources, c'est le message principal. Mais nous avons l'énergie pour y arriver.
Mentionnons que les garderies, dans nos deux centres urbains, sont remplies. Ceci est tout de même bon signe. Nous sommes donc en mesure de réussir à certains points de vue malgré les obstacles. Toutefois, il serait faux de prétendre que nous avons suffisamment de ressources.
Passons maintenant aux études de niveaux primaires et secondaires. Les balises constituent le fondement de l'article 23. Les arrêts Mahé et Arsenault-Cameron ont des éléments-clés dans tout le système éducatif. On parle de la réparation, de la francisation et, encore une fois, de l'égalité des résultats.
Un concept intéressant est préconisé en Saskatchewan. Il s'agit du concept de l'École Plus, mieux connu en Saskatchewan sous le terme «School Plus initiative». Selon ce concept, l'école devient le centre de la communauté. Elle a un centre d'accueil pour les familles. Ce centre offre des services qui répondent à plusieurs besoins de la famille.
En ce qui a trait à la petite enfance, les pré-maternelles en Saskatchewan débutent dès l'âge de trois ans. Nos écoles ont un programme pour les enfants de trois ans. Ce programme est financé à partir des fonds publics. Bien que ce genre de programme appuyé par le ministère soit un élément très positif, il représente des coûts.
Nous avons parlé des services à la petite enfance. Le concept de services intégrés à la famille est un concept qui comprend les services de santé, les services sociaux et de justice. Encore une fois, ces services sont financé par la bourse à l'éducation. Nous arrivons rapidement aux deux millions de dollars que l'on reçoit. L'entente en Saskatchewan produit environ deux millions de dollars par année sur un budget de 11 millions de dollars.
M. Roy: Ces deux millions de dollars sont utilisés pour la francisation. La francisation nécessite des efforts importants. Nous avons un projet visant à rendre la maternelle à temps plein. Malheureusement, nous ne pouvons actualiser ce projet.
M. Ferré: Nous avons parlé de demi-journées pour les enfants âgés de trois à quatre ans. Cependant, nous désirons maintenir les journées complètes pour nos jeunes de cinq ans.
M. Roy: Nous investissons beaucoup d'énergie dans l'animation culturelle dans le but de développer des référents culturels chez nos jeunes et construire l'identité à travers la culture. Nous affectons des enseignants pour travailler avec nos jeunes à la francisation, car il s'agit d'un exercice pédagogique.
Nous avons également des agents en marketing dans chacune de nos écoles pour aller chercher nos jeunes et faire connaître notre produit.
Nous avons développé le contexte de l'éducation à distance. Au niveau secondaire, quelques cours sont offerts à distance. Par exemple, un cours en orientation neuvième année est offert pour initier nos jeunes à ce système. Au niveau de la 10e, 11e, et 12e année, nous avions l'an dernier un programme de 14 cours offerts à la télévision. Ce service existe dans chaque école. Deux professeurs sont affectés à ce service. Nous faisons également le développement de ce service. Certains fonds ont été obtenus pour développer des unités d'enseignement en ligne.
L'année dernière, plus de 125 jeunes ont reçu des cours à distance qui pouvaient être offerts dans nos petites écoles. Nous ne pouvons avoir des spécialistes dans chacune de nos petites écoles secondaires. Nous devons donc recourir à la formation à distance pour offrir les cours de physique ou de mathématiques.
Nos recherches ont révélées que le taux de réussite scolaire ne diffère pas entre les cours en direct et à distance. Chacune de nos écoles a une personne ressource disponible pour assister à la formation à distance. D'ailleurs, ce programme de formation à distance connaît, depuis trois ans, un certain succès. Soit dit en passant, un des gagnants à la foire scientifique fut un élève ayant reçu ses cours à distance.
M. Ferré: Il s'est rendu au niveau national.
M. Roy: En effet.
M. Ferré: Il faut avouer qu'il était tout de même très fort.
M. Roy: Ces matières ne sont pas offertes. Toutefois, on réussit quand même dans ce domaine.
Actuellement, nous devons répondre de plus en plus à ce besoin de formation à distance. Certains élèves ne se trouvent pas dans nos zones scolaires, d'autres élèves résident en régions non accessibles aux écoles. Nous avons des ayants droit qui désirent se prévaloir de services par Internet. Il faudrait offrir ce service. Toutefois, nous n'avons pas le financement pour ce service.
Comment pouvons-nous répondre à ces besoins sans financement? Voilà un défi que nous avons à relever.
En ce qui concerne le recrutement des élèves, il important que nous soyons accueillis par les familles. Il faut travailler auprès des familles pour qu'ils adhèrent à cette mission, à cette vision. Il est également essentiel qu'ils se sentent chez eux. Nous en avons parlé au sujet de la petite enfance, et cet aspect est très important.
Notre marketing se fait là où il y a des gens. Néanmoins, en tant que division scolaire, nous devons répondre à la province. Nous ne connaissons pas de succès dans toutes les régions. Certaines régions n'ont pas d'écoles malgré un certain nombre de francophones. Environ 20 p. 100 de notre population étudiante est de notre région. Il reste quand même 80 p. 100 de la population étudiante à l'extérieur de notre région et que l'on doit aller chercher.
M. Ferré: La question de rétention des élèves est un des points sur le document que vous nous avez envoyé. Sur ce point, le plus grand défi se pose au niveau entre le primaire et le secondaire. Les jeunes arrivent en Saskatchewan surtout au niveau de la huitième année ou au début du secondaire.
Nos taux de rétention, surtout en régions urbaines, est d'environ 60 à 65 p. 100. Nous perdons alors 35 p. 100 de nos jeunes. On explique cette perte en comparant nos institutions avec les institutions voisines. Les jeunes nous ont fait part de quelques éléments motivant le départ: la grandeur des écoles et des groupes, les infrastructures, les beaux bâtiments, les gymnases. Quoique difficiles à accepter, ces pertes font toutefois partie de la réalité. Les élèves ont droit à une éducation dans des installations adéquates pour assurer les meilleurs résultats.
La province a annoncé dernièrement un projet d'agrandissement du niveau secondaire, en principe, pour la ville de Saskatoon. Toutefois, comme vous le savez, nous sommes en période électorale et les choses peuvent changer. S'il se produit un changement pour nous, il est possible que la situation change partout. Dans un tel cas, encore une fois, quel sera notre recours? Pour les francophones, cela signifie des procédures judiciaires et des dépenses. Nous sommes prêts et notre déclaration est prête. On dit qu'il faut des énergies négatives pour faire avancer les choses...
Je suis enseignant de formation et non avocat. Toutefois, nous passons la majeure partie de notre temps à revendiquer. Quoiqu'il en soit, nous allons continuer. Ce sont les risques du métier.
Parmi les raisons entourant cette pertes d'élèves il y a les tensions qui existent et l'infrastructure qui ne se compare pas avec la majorité.
D'autre part, nous aimerions avoir de plus grands groupes et être en mesure d'offrir tous les services. Toutefois, nous n'avons pas une économie d'échelle ni les fonds pour se permettre de belles choses, même si on y a droit. Par conséquent, maintenir un équilibre pour retenir nos jeunes représente tout un défi.
Il existe également une compétition déloyale. En Saskatchewan, l'article 144 de la Loi sur l'éducation fait perdre le privilège à une génération dans les circonstances suivantes. Prenons l'exemple d'une famille où les grands-parents parlent le français, les parents ne le parlent plus, mais désirent envoyer leurs enfants à nos écoles. Ils ne peuvent pas le faire, à moins d'en demander la permission à la division scolaire majoritaire. La Saskatchewan connaît une baisse du nombre d'élèves, une baisse de la population et une baisse dans tous les secteurs. Par conséquent, la majorité n'est pas intéressée à sacrifier ses jeunes au profit de la minorité.
Par ailleurs, nous croyons qu'il est déplorable de devoir demander, encore une fois, à la majorité la permission d'inscrire des jeunes dans nos écoles. Avons-nous la gestion ou non? Cette question importante est devant les tribunaux présentement, et je me permets de vous en parler.
Autre point, nous avons présentement un bon nombre de francophones dans nos écoles d'immersion. Mon commentaire n'est pas une critique des programmes d'immersion — et Mme Taylor-Brown me pardonnera. Les programmes d'immersion sont, pour nos amis francophiles, de très bons programmes. D'ailleurs, leur appui nous est très utile. Toutefois, les divisions scolaires majoritaires ne nous demandent pas la permission pour inscrire nos francophones dans nos écoles? Il s'agit d'une compétition déloyale.
Nous nous plaignons un peu de notre sort. Toutefois, je terminerai avec une note positive.
Poursuivons avec les défis et parlons du recrutement du personnel enseignant. Il existe 32 conseils scolaires francophones en milieux minoritaires à l'extérieur du Québec, et nous sommes tous en compétition pour les mêmes enseignants. Nous connaissons une grave pénurie d'enseignants. On a remplacé combien d'enseignants cette année?
M. Roy: Nous avons embauché 37 enseignants.
M. Ferré: Trente-sept enseignants pour une petite division comme la nôtre! Nous en sommes à un point où il ne reste presque plus d'enseignants. Il est difficile d'expliquer ce fait à nos contribuables.
Il existe également un problème de formation dans les domaines spécialisés, plus particulièrement en mathématiques, en sciences, en orthopédagogie et en éducation spécialisée. Il est difficile de travailler avec des niveaux multiples. Il ne reste plus d'enseignants.
Cependant, tel que promis, je vais terminer sur une note positive. Malgré tous ces obstacles, et malgré une population décroissante en Saskatchewan, notre division scolaire maintient ses effectifs. Elle a même augmenté cette année de 3 p. 100, ce qui n'est pas si mal. Nous connaissons donc un certain succès.
M. Roy: Comment perçoit-on les négociations du programme des langues officielles dans le secteur de l'éducation? En Saskatchewan, nos demandes doivent passer par le ministère. Nous avons une bonne relation avec le ministère. Nos demandes sont traitées, et les fonds demandés suivent. Cependant, la situation est un peu problématique. Lorsque les fonctionnaires changent ou que l'on change de gouvernement, nous ne sommes pas toujours assurés de garder cette complicité. Nous aimerions être à la table de négociations. Nous pourrions ainsi déposer nos demandes et exposer la situation.
M. Ferré: De plus, nous sommes la seule division scolaire francophone de la province. Par conséquent, il ne devrait pas être trop compliqué de nous inclure dans les négociations. Un conseil scolaire est un niveau de gouvernement légitime. Il devrait donc être possible de participer aux négociations.
M. Roy: Permettez-moi de vous illustrer brièvement ce que devrait être le niveau des services par rapport à la majorité.
M. Ferré: Normalement, si le nombre est inférieur, sous forme graphique, nous les indiquons en bas. Lorsque le nombre augmente, les services augmentent. Nous savons que pour la francophonie ce n'est pas le cas. Nous n'avons pas les chiffres. Il faudrait donc, au départ, commencer avec un niveau de services plus élevé pour ensuite augmenter. L'illustration graphique n'est pas pareille et ne se tient pas. Nous devons commencer plus haut. L'article 23 de la Loi sur l'éducation fait la différence. Par conséquent, nous pourrions sans doute avoir notre école.
Parlons du niveau postsecondaire. Je crois que Mme Arsenault aura quelques commentaires sur ce volet.
M. Roy: Tout d'abord, il est important de mentionner l'existence de l'Institut français de l'Université de Regina. Cet institut fut construit dans les années 1990, grâce à un financement accordé à l'université de l'ordre de deux millions de dollars. À cette époque, on l'avait nommé l'Institut linguistique français.
Les Fransaskois ont perdu un peu le contrôle sur cet institut. Toutefois, nous travaillons présentement en collaboration avec l'université pour tenter d'offrir à nouveau certains services et obtenir du financement. À une certaine époque, le financement a diminué et les services s'en sont trouvés affectés. Le problème existe toujours: les chiffres ne sont pas là, ni les services. Tel qu'illustré précédemment, si nous voulons attirer les gens, il faut avoir les services et en faire la promotion.
Le Comité du postsecondaire pour l'éducation française a travaillé en collaboration avec l'Université de Regina pour redéfinir l'Institut linguistique en un institut français de services pour le postsecondaire. Nous avons parlé du secteur de la petite enfance, de l'éducation élémentaire et secondaire. Toutefois, il doit y avoir une suite pour inciter les gens et appuyer nos communautés, sinon nous risquons de perdre nos jeunes. Il est donc important que l'entente avec l'Institut français soit signée très bientôt, car les besoins existent. Chaque jour qui passe nuit à la situation, et nous n'avons toujours pas accès aux sommes d'argent qui pourraient nous permettre d'aller de l'avant.
Nous devons continuer d'offrir des services en français au postsecondaire. Voilà où l'Institut français entre en jeu. Il faut également créer des lieux de rassemblement où seront offerts ces services en français au niveau postsecondaire.
Il est question de faire le suivi de nos jeunes qui vont étudier ailleurs afin de les inviter à faire des stages chez nous. Pour créer un impact sur notre communauté, il est important d'assurer une relève. En allant étudier ailleurs, il se produit un exode de nos jeunes. En ne gardant pas contact avec ces jeunes, nous ne pouvons assurer de relève.
La Saskatchewan ne produit pas suffisamment d'enseignants pour nos besoins actuels. Il faudrait mettre en place certaines mesures pour résoudre le problème. Nos programmes de baccalauréat en éducation produisent quelques enseignants. Toutefois, cela ne suffit pas pour répondre à nos besoins.
M. Ferré: Nous ne voulons pas perdre tous nos jeunes à l'Université d'Ottawa. Par exemple, ma fille poursuit ses études cette année à l'Université d'Ottawa.
M. Roy: J'ai vécu la même expérience. Un de mes garçons est allé étudier à Sherbrooke, au Québec. D'ailleurs, j'ai dû défrayer 800 $ supplémentaires par semestre étant donné qu'il était de l'extérieur de la province.
Nous envoyons donc nos jeunes étudier à l'extérieur, et en plus il faut payer un supplément. Nous devons nous séparer de nos jeunes — ce qui est un sacrifice de part et d'autre, car nos jeunes souffrent également de cet éloignement; une fois à l'extérieur, on se sent parfois un peu dépaysé.
Également, pour assurer la relève et préparer nos jeunes, il faut un système de bourses d'études, il faut être en mesure d'offrir des stages. Faute de programmes postsecondaires, nous pourrions au moins accueillir les jeunes en stages dans divers domaines tels la santé et l'éducation, et assurer un réseautage des services.
Il est de plus en plus important pour nous de vitaliser notre communauté pour créer les ressources nécessaires. Souvent on répond aux demandes sans toutefois avoir les personnes pour offrir les services en français. C'est un cercle vicieux. Il faut préparer nos jeunes et assurer l'accessibilité aux services.
Mme Michelle Arsenault, Services fransaskois d'éducation des adultes: Sans répéter les propos de messieurs Roy et Ferré, j'aimerais maintenant vous parler de deux enjeux que nous avons en commun. Le Service fransaskois de formation aux adultes, qui a son siège social au Collège Mathieu à Gravelbourg, offre des programmes d'éducation en français, à l'échelle provinciale, à toute personne âgée de 16 ans et plus.
Le premier enjeu est celui des programmes en français de qualité, crédités au niveau collégial. Depuis le mois de septembre 2003, SEFFA, en partenariat avec l'Assemblée communautaire fransaskoise, entité gouvernementale pour les Fransaskois, œuvre, selon une démarche structurée, à la mise en place d'un collège fransaskois en Saskatchewan, parallèlement à l'Institut français de l'Université de Regina pour les programmes de premier cycle, deuxième cycle et troisième cycle.
Pour le moment, le travail se limite essentiellement à la recherche d'information et au recensement d'études. Nous avons deux personnes qui, en collaboration avec le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada, sont en train de mettre en place un modèle pour desservir les Fransaskois dans le domaine collégial. Un cheminement critique a été présenté au Réseau des collèges. Toutefois, certaines réticences demeurent quant à son développement à moyen et à long terme. Nous sommes tous de bonne volonté et, comme le disent mes chers acolytes, nous sommes prêts à foncer. Nous ne sommes pas des fonctionnaires. On pourrait dire que nous sommes des mercenaires de contenu.
Les ressources financières allouées, lorsqu'on traite du niveau postsecondaire, sont plutôt maigres. Nous avons besoin d'expertise et de gens qui possèdent une grande capacité de formation. Nous avons présentement un employé qui détient un doctorat en didactique, et je crains que nous le perdions en raison des ressources financières limitées. Il nous est difficile, voire impossible, de le rémunérer en fonction de ses compétence, et nous avons besoin de ce genre d'expertise au niveau collégial et universitaire. C'est pour nous un grave problème.
Pour répondre à ces besoins réels, nous avons quelques suggestions. Première solution, en matière de rétention et d'embauche de ressources humaines nécessaires liées au domaine de la formation collégiale en français en Saskatchewan, il faut mettre en place un système et lui donner une structure. Il faut également aller chercher des formateurs et des formatrices dans les disciplines. Messieurs Ferré et Roy ont soulevé ce point en matière d'éducation spécialisée.
Le domaine collégial nécessite énormément de formation pour offrir les compétences essentielles dans une institution scolaire élémentaire et secondaire.
Nous devons nécessairement assurer un financement adéquat dans la définition d'un modèle de gouvernance, car il n'en existe aucun présentement. Le projet existe depuis de nombreuses années. Il comprend de nouvelles initiatives qui répondent aujourd'hui à un besoin très sérieux pour les Fransaskois et Fransaskoises après la 12e année.
Nous demandons également un financement adéquat dans le développement d'une structure organisationnelle. Nous sommes à la recherche de francophones et de francophiles compétents pour servir les Fransaskois et Fransaskoises.
Il est nécessaire d'assurer un financement à long terme. Il n'est pas question d'un projet de deux ans ou trois ans, mais d'un projet qui, pendant plusieurs générations, oeuvrera à livrer des programmes essentiels à la survie de la communauté fransaskoise et un appui aux apprenants. N'oublions pas que nos jeunes apprenants Fransaskois et Fransaskoises, après la 12e année, ont besoin de bourses d'études.
Il faut assurer un financement à long terme au Centre fransaskois de ressources pédagogiques et culturelles. Le seul centre de ce genre est Le Lien. Le Lien est une bibliothèque provinciale située à Gravelbourg. Cette bibliothèque dessert, à l'échelle de la province, les foyers, les familles et les individus. La division scolaire l'utilise aussi énormément pour le matériel pédagogique aux enseignants. Nous ne disposons que d'une personne et trois-quarts pour assumer les tâches de ce centre. Le centre possède plus de 40 000 ressources et doit desservir quelque 60 communautés. Le travail est énorme.
Deuxième solution, il faut assurer la diversité des technologies de communication et d'apprentissage répondant à une clientèle dispersée en province. Le défi de répondre à toutes les communautés est d'envergure. Nous avons le réseau à distance. Ce réseau fut financé pour trois ans par Patrimoine canadien. Nous avons aujourd'hui le défi d'aller chercher du financement supplémentaire afin de maintenir ce réseau, lui donner du style et s'assurer que les gens l'utilisent.
La formation à distance n'est pas une fin en soi mais un complément essentiel à la formation.
Troisième solution, il faut assurer la liaison intraprovinciale et interprovinciale en un réseau de partenariat pour la formation collégiale en français en Saskatchewan et dans l'ouest du pays. Dans le projet du Collège de l'Ouest, communément appelé le projet «Far West», nous sommes partenaires avec l'Alberta et la Colombie-Britannique, en raison du nombre de francophones. Ce projet a pour but de s'assurer que la Saskatchewan livre des programmes pour desservir non seulement nos Fransaskois mais aussi les Franco-albertains et les francophones de la Colombie- Britannique. Chaque province fait son travail pour répondre aux besoins de sa communauté et pour les bénéfices communs. Il s'agit d'un modèle unique au Canada dans sa structure, pour répondre non seulement aux Fransaskois mais aux francophones hors Québec et hors Ontario. Le défi est immense mais très motivant.
Quatrième solution, l'effort de promotion de la formation collégiale en français en Saskatchewan. Pour ce faire, nous devons assurer un plan de marketing et sa mise en œuvre de façon continue selon une approche visant un investissement à court, à moyen et à long terme.
Souvent, lorsqu'on parle de marketing, on parle de dépenses. Mais de plus en plus, on doit réfléchir en termes d'investissements répondant à nos francophones dispersés un peu partout. Le coût d'un envoi publicitaire, en utilisant le service Média Poste de Postes Canada, est de 170 000 $. On parle d'envoyer un dépliant. Toutefois, en marketing, un dépliant ne suffit pas; il faut utiliser les journaux. Par conséquent, nous ne pouvons utiliser la Société canadienne des postes à un tel coût. Le plan de marketing peut être produit, si vous le désirez.
Le défi est donc réel. Est-il surmontable? Oui, mais non sans moyens financiers. Je ne peux prendre la route et faire du porte-à-porte. D'ailleurs, nous parcourons déjà plusieurs kilomètres par semaine pour rencontrer nos agendas respectifs.
Les compressions budgétaires des dernières années ont eu pour effet de réduire considérablement la qualité des services offerts. À une certaine époque, nous avons obtenu près d'un million de dollars pour répondre aux services du niveau postsecondaire. Nous disposons maintenant d'un budget de 300 000 $. Les effectifs sont donc réduits considérablement.
Le deuxième enjeu est celui de l'alphabétisme chez les adultes francophones en Saskatchewan. Le Service fransaskois de formation aux adultes œuvre dans le cadre de projets en alphabétisation depuis 1990. Un nombre important d'adultes francophones découvrent de plus en plus que les difficultés rencontrées dans la lecture et l'écriture du français les empêchent de s'épanouir et de contribuer à l'économie en général. Les actions mises en œuvre doivent s'enraciner au niveau local, donc au niveau communautaire.
La carte géographique de la Saskatchewan révèle les distances qui séparent les communautés. Lorsqu'un apprenant doit parcourir six heures et demie de route pour suivre un cours de français, on peut présumer qu'il choisira de s'abstenir.
Nous devons nous assurer de mettre en place des services au niveau communautaire. Nous avons la division scolaire et plusieurs écoles. Toutefois, on ne compte que 12 écoles dans la province pour plus de 60 communautés francophones. Nous avons donc de bons éléments, mais il nous faut l'expérience du réseau scolaire également.
Relever le défi du perfectionnement des compétences en lecture, en écriture et en calcul au niveau local est une préoccupation sérieuse dans la mesure où les apprenants et apprenantes ont besoin de l'appui d'intervenants qualifiés, appelés à agir sur un territoire dispersé. La SEFFA doit participer au développement des moyens et des ressources, former et appuyer des intervenants locaux agissant auprès des adultes, et assurer la gestion et l'évaluation.
Nous devons embaucher des intervenants au niveau local. Or nous ne disposons d'aucun fonds pour cette fin. Nous recevons un financement du Secrétariat national en alphabétisation qui nous permet de financer un salaire et trois- quarts. Par contre, nous ne disposons d'aucun fonds pour la formation des intervenants. Nous devons donc trouver d'autres alternatives pour assurer l'embauche de formateurs et de formatrices qualifiés en alphabétisation au sein de la communauté. Je ne parle pas de réseau à distance, car l'adulte a besoin du contact humain à ce stade de sa formation. Le réseau à distance est une option lorsque l'adulte est plus avancé en lecture, soit de niveau trois, quatre ou cinq. Lorsqu'on s'adresse à des élèves de niveaux un et deux — ce qui représente 52 p. 100 de la population francophone hors Québec — il faut que la formation se fasse en direct.
Présentement, deux intervenantes en alphabétisme tentent de répondre aux besoins de formation en alphabétisation pour toute la province. Il s'agit d'un vrai tour de force. Il est paradoxal de se limiter qu'à deux seules intervenants, alors que les études en alphabétisme démontrent clairement que les interventions préconisées ne peuvent se faire à distance. Ainsi, il appert qu'un ensemble de mesures ciblées au sein des communautés francophones doivent être accessibles pour venir en aide aux personnes ayant des compétences de base insuffisantes en français.
Alphabétiser et franciser les fonctionnaires fédéraux à tous les niveaux est une initiative que nous applaudissons, bien sûr. Cependant, qu'en est-il des Fransaskois et Fransaskoises adultes qui désirent améliorer leurs compétences en écriture et en lecture du français ainsi qu'en calcul pour améliorer leur qualité de vie?
La problématique du nombre d'apprenants et d'apprenantes soulève une réflexion encore plus approfondie sur les façons de livrer les programmes en alphabétisation dans le but d'assurer des formations dans les communautés locales par petits groupes.
À titre d'exemple, l'université exige un minimum de 12 personnes pour offrir un cours, sinon le cours n'est pas offert. Dans notre cas, que faire si on a seulement deux personnes? Il faut s'occuper de ces deux personnes, car demain on en aura quatre, et après-demain on en aura six. Si on ne s'occupe pas de ces deux personnes, demain nous tomberons à moins deux, puis moins quatre.
Nous faisons donc partie prenante de l'assimilation. Il est affreux dire une telle chose. Cependant, nous contribuons à l'assimilation, n'ayant pas été en mesure de répondre aux besoins de ces deux adultes qui désiraient poursuivre leurs études et parfaire leur alphabétisation. Et ces deux, quatre ou six individus existent bel et bien dans la communauté. Nous ne pouvons tout simplement pas affecter un formateur ou un tuteur pour deux ou trois personnes.
Les initiatives en alphabétisme existent, les études dans le domaine existent et se poursuivent, bien entendu. Les apprenants et apprenantes existent et sont dispersés à travers la province. Des modèles de concertation et de partage d'information existent. Je crois que nous avons les qualités essentielles, en Saskatchewan, pour se bâtir un réseau et être capable de se parler. Voilà une bonne nouvelle pour les Fransaskois et les Fransaskoises.
Ce qui n'existe qu'en nombre insuffisant sont les ressources humaines et financières pour répondre adéquatement aux besoins en matière d'alphabétisation en milieu familial ainsi qu'en milieu de travail. Agir le plus rapidement possible, voilà notre proposition.
Quelles sont les perspectives d'emploi pour le jeune ayant complété ses études secondaires? Sans vouloir discréditer l'Institut français et le niveau universitaire, 26 p. 100 de la population canadienne seulement poursuivent leurs études universitaires. Qu'en est-il du reste de la population?
On remarque l'importance de l'éducation collégiale. Prenons l'exemple du jeune Fransaskois qui termine ses études, mais qui demeure sur la ferme et désire devenir mécanicien. Nous avons besoin d'électriciens et de plombiers. Nous avons besoin de gens de métiers en français. Ces domaines ont leur importance. Ne pas déployer les efforts nécessaires pour offrir ces formations à nos jeunes Fransaskois et Fransaskoises contribue à l'exode de nos jeunes à l'extérieur de la province et à ce qu'ils ne reviennent pas, sachant qu'il n'existe pas d'issue.
Ceci conclut ma présentation.
La présidente: Nous allons maintenant entendre Mme Karen Taylor-Brown, de l'organisme Canadian Parents for French.
Mme Karen Taylor-Brown, Canadian Parents for French: J'aimerais tout d'abord vous remercier de m'avoir invité à comparaître devant votre comité. Le document que vous m'avez fait parvenir indique que vous êtes de passage dans l'Ouest du Canada afin d'étudier l'éducation au sein des communautés minoritaires de langues officielles. L'organisme Canadian Parents for French est composé essentiellement d'anglophones et de non-francophones qui désirent, pour leurs enfants, une éducation en français.
Où se situe l'organisme à l'intérieur de la communauté minoritaire? En me penchant sur la question, je me suis arrêté sur un extrait du plan d'action que le gouvernement fédéral a lancé au mois de mars. Au chapitre de l'assimilation de la population minoritaire, on indique qu'une donnée complémentaire tout à fait cruciale au maintien de la population francophone est bien la transmission du français à l'enfant et la connaissance de cette langue par le parent non- francophone dans une famille exogame. Le taux de transmission est de 70 personnes sur 100 si il ou elle connaît le français, et seulement 32 personnes sur 100 dans le cas contraire.
La Saskatchewan est une province où la population minoritaire est infirme; 2 p. 100 de la population en Saskatchewan se dit francophone et 4 p. 100 de la population se dit de racine francophone. Nous devons travailler ensemble. Les gens bilingues non-francophones ont besoin d'appuyer l'effort de la population francophone. Pour la réussite de nos objectifs, la force de cette population est absolument essentielle. Voilà où se trouve le défi.
La population vit la même chose que nous vivons. Elle est éparpillée à travers un vaste territoire. Nous avons, en Saskatchewan, seulement 13 communautés qui dépassent le cap des 5 000 personnes. Nous comptons, en même temps, 450 villages et regroupements administratifs pour la population, ce qui n'inclut pas les bandes autochtones ni les communautés rurales. Le défi existe donc également sur ce plan.
En termes d'éducation, la population de la Saskatchewan compte moins de 2 000 jeunes de l'âge scolaire pour 94 commissions scolaires. Ce nombre est le plus élevé parmi les provinces du Canada.
Il existe une certaine concurrence entre ces commissions scolaires. Nous avons des commissions scolaires pour les villes de moins de 500 habitants, des commissions scolaires pour les élèves catholiques et non-catholiques, et des commissions scolaires pour les élèves francophones et non-francophones. Il est donc possible de retrouver, dans une ville de moins de 5 000 personnes, trois ou quatre commissions scolaires, en plus des commissions scolaires qui desservent la communauté rurale adjacente.
Madame Arsenault nous parlait plus tôt des difficultés associées à l'envoi de dépliants à la communauté francophone. Nous devons relever ce même défi. Lorsque je dois envoyer des dépliants ou de la publicité aux commissions scolaires, ma tâche est énorme, en comparaison avec la Nouvelle-Écosse, par exemple, où l'on compte sept commissions pour une population environ équivalente à celle de la Saskatchewan.
La perspective du plan Dion nous pose des inquiétudes à certains points de vue. Tout d'abord, du point de vue politique et économique, nous savons que la Saskatchewan devra faire face à plusieurs difficultés pour obtenir du nouveau financement, et même conserver le financement existant. Il s'agit d'une question politique. Il est possible qu'à la fin du mois nous ayons un gouvernement qui ne soit pas tout à fait favorable à l'épanouissement du français. Nos inquiétudes sont donc légitimes à savoir si nous recevrons ces nouveaux fonds.
Le conseil d'administration de l'organisme Canadian Parents for French, auquel je siège, est un peu comme une famille. Toutefois, lorsqu'il est question des fonds que nous recevons du gouvernement fédéral, certains s'interrogent sur ce que nous réserve l'avenir: pourquoi donner de l'argent à une province qui a tellement de défis, alors qu'on peut donner cet argent à une autre province où les possibilités de réussites sont plus concrètes?
Le plan Dion suggère de doubler le nombre d'effectifs ou de gradués à des programmes secondaires d'ici dix ans. À l'annexe de ma présentation on peut voir l'ensemble des effectifs des écoles francophones et des écoles d'immersion depuis 1971-1972. En 1986-1987, la commission scolaire francophone a commencé à séparer ses écoles des écoles d'immersion. Il est donc difficile de voir exactement où se trouvent ces effectifs.
Les données pour l'année 1990-1991 révèlent que les jeunes inscrits à cette année scolaire ont réussi leur 12e année. Ces deux regroupements d'écoles comptent une population de 540 élèves qui ont réussi la 12e année. Les données pour l'année 2001 révèle que les élèves présentement en deuxième année sont les élèves qui, d'ici dix ans, devront dépasser le niveau de la 12e année. On compte aujourd'hui moins de 1 000 élèves au niveau de la 12e année à l'intérieur des deux groupes d'effectifs. Par conséquent, même en réussissant à garder ces 950 élèves, il serait impossible de doubler le nombre qui existait il y a dix ans. Le taux de pertes, dans ces programmes, s'élève à une moyenne de presque 60 p. 100 de la maternelle à la 12e année. On devrait examiner ces chiffres de plus près.
Les recensements fédéraux démontrent que la Saskatchewan produit les personnes bilingues destinées aux autres provinces. En comparant les recensement de 1976 et de 2001, on remarque une perte de plus de 2 050 jeunes faisant partie du même groupe d'élèves considérés bilingues, âgés entre 15 et 19 ans en 1976 et de 20 à 24 ans en 2001. Ces élèves n'ont pas perdu leur compétence linguistique, ils ont tout simplement quitté la province. Nous remarquons donc une migration de francophones vers l'extérieur de la province et non vers l'intérieur. Voilà le défi.
Sur ce point, j'aimerais retourner à la question de l'éducation postsecondaire. Ce secteur a été touché. Le progrès, en ce qui a trait aux populations francophones et non francophones, est lié aux institutions postsecondaires. Les jeunes qui quittent la province ne reviennent pas. Notre demande en personnel enseignant dépasse de loin le personnel enseignant disponible en Saskatchewan et à l'extérieur de la province. Cette situation est en voie de devenir une véritable crise.
Nos programmes ne suffisent pas. Le problème se pose dans les petites communautés et les grandes villes. Trouver des enseignants suppléants et des spécialistes est une tâche quasi impossible.
Autre élément déterminant, on remarque une diminution importante de la population de jeunes en Saskatchewan. On constate toutefois une croissance énorme de la population autochtone. Par conséquent, les jeunes qui, traditionnellement, étaient la cible des programmes de bilinguisme, soit francophones ou non francophones, diminuent, et la population autochtone augmente.
Que pouvons nous faire pour remédier à la situation? Pour doubler le nombre d'effectifs nous devons faire preuve d'une grande imagination dans nos programmes. Il existe un programme d'immersion à La Ronge, communauté du grand nord de la Saskatchewan. Cette petite ville se situe à cinq heures de Saskatoon. Dans le cadre de ce programme d'immersion, on enseigne le cri. Plus de la moitié des effectifs de ce programme d'immersion est composé de jeunes Autochtones.
En Saskatchewan il n'existe aucun test gouvernemental pour assurer la qualité des programmes. Le programme de La Ronge pourrait peut-être desservir une plus grande population. Toutefois, faute d'évaluation, nous ne sommes pas en mesure de mesurer le taux de réussite de ce programme.
La promotion de ce genre de programme représente toujours une question très politique. Est-ce que nous, qui travaillons pour l'avenir du français, nuisons au développement de cette population autochtone qui connaît tellement de difficulté? En tant que parents qui encourageons l'enseignement des langues secondes, ou du français comme langue seconde, nous faisons l'objet de certains commentaires au sein des commissions scolaires. On dit que nos élèves sont privilégiés, en comparaison aux jeunes Autochtones qui éprouvent tellement de difficulté. Par conséquent, l'enseignement du français n'est vraiment pas important.
Pour avoir en Saskatchewan une population autochtone en plein épanouissement, elle doit posséder les deux langues officielles, ce qui signifie devenir trilingue. Cet aspect n'est pas adressé par notre programmation.
Autre élément, pour le moment, mis de côté par notre programmation est le grand nombre de petits programmes d'immersion. Selon les chiffres que nous avons produits, il existe, en Saskatchewan, probablement le plus grand nombre de très petits programmes d'immersion au Canada. Dans plusieurs de ces programmes on retrouve un enseignement à trois niveaux scolaires dans une seule classe et parfois à quatre niveaux scolaires. Pour les enseignants, cela constitue un défi énorme. Dans différentes écoles, nous avons des enseignants qui enseignent à quatre niveaux scolaires sans consultation d'une école à l'autre. Ces enseignants n'ont pas les ressources nécessaires.
De telles conditions de travail, en milieu francophone minoritaire où il n'existe aucun appui dans la communauté pour la culture et la langue française, mènent au départ de plusieurs enseignants. Nous nous trouvons donc dans un cercle vicieux.
Sur ce point, j'aimerais à nouveau, retourner à la question de l'éducation postsecondaire. L'Université de Regina offre présentement un programme de formation en éducation pour les professeurs et les enseignants. Ce programme n'atteint pas l'inscription maximale pour les enseignants minoritaires, ni pour les enseignants en immersion, ni pour les programmes en français de base. Par conséquent, il devient de plus en plus difficile de répondre à cette pénurie d'enseignants à l'intérieur de la province. Les bourses d'études disponibles à l'extérieur de la province pour l'éducation en français réduisent également les possibilités de voir nos jeunes un jour revenir en Saskatchewan.
Une alternative qui semble échapper à tous serait la mise sur pied de bourses universitaires pour encourager les jeunes à poursuivre leurs études en Saskatchewan. L'Université de la Saskatchewan est la plus importante de la province. Elle a dû annuler ses deux cours offerts en formation des professeurs de langue seconde. Ces cours furent d'ailleurs, durant plusieurs années, enseignés par un professeur anglophone qui ne parlait pas du tout le français. La plus grande université de la province n'offre donc, désormais, aucune formation professionnelle pour les enseignants. Par conséquent, si nous désirons offrir une formation à ces jeunes futurs enseignants, il faut que des bourses leur soit disponible pour aller à l'Université de Regina. Le coût de la vie à Regina ainsi que les droits de scolarité exigés par l'université sont beaucoup plus élevés qu'ils ne le sont à Saskatoon. En l'absence de bourses d'études, les élèves préféreront poursuivre leurs études au Collège Saint-Boniface ou à la Faculté Saint-Jean, en Alberta, ou à l'Université d'Ottawa.
Des bourses d'études sont disponibles aux jeunes leur donnant droit de poursuivre leurs études à l'extérieur. Toutefois, aucune bourse ne leur donne droit des études à l'Université de Regina. Ce genre de question nous pose des difficultés.
L'organisme Canadian Parents for French travaille, depuis quelques années, auprès de la communauté francophone. Étant donné la mince population francophone, il est très difficile pour la majorité de voir le besoin d'apprendre le français.
Nous recevons souvent, de la part de nos enseignants, des demandes de fonds afin de permettre aux élèves d'assister, à prix incroyable, au Festival des Voyageurs de Winnipeg. Pour 10 000 $, 30 élèves peuvent assister à cet événement qui se déroule pendant une journée et demie, alors que pour le même montant ces 30 élèves peuvent assister à l'un de nos camps d'été sur une période de six semaines.
Comme organisme, nous recevons, depuis huit ans, le même montant qu'il y a dix ans pour le développement des programmes pour les jeunes. En fait, nous recevions, il y a huit ans, plus d'argent du gouvernement provincial pour les programmes de jeunesse que nous ne recevons aujourd'hui.
Nous travaillons avec la communauté francophone à l'élaboration d'activités de base suffisantes afin de démontrer à la majorité qu'il existe une population vivante, une culture et une fierté culturelle; pour démontrer également qu'il vaut la peine d'appuyer cette communauté et de continuer à promouvoir l'apprentissage du français.
Je pourrais vous exprimer plus en détail ce besoin de prendre la parole au nom d'une communauté un peu oubliée. Cette communauté de francophiles, ou de gens non-francophones qui parlent le français, a une place très importante dans l'avenir de la francophonie en Saskatchewan.
La présidente: Je vous remercie et je vous félicite pour la qualité de vos présentations. Avant de céder la parole à mes collègues, permettez-moi une question d'ordre technique. Vous avez soulevé à maintes reprises la pénurie d'enseignants. Sans prétendre que le salaire en est la raison principale, les enseignants jouissent-il, en Saskatchewan, d'une convention collective ou d'une échelle salariale au niveau de la province? Dû au nombre important de conseils scolaires, est-ce que cette question se négocie plutôt au niveau provincial ou au niveau des conseils?
M. Ferré: Il existe une convention collective pour les salaires et plusieurs conventions locales pour les conditions de travail. Les deux conventions se ressemblent et prennent un peu la forme d'une fédération des enseignants pour toute la province.
Si je ne m'abuse, on retrouve en Alberta les salaires les plus élevés — ajoutant à la concurrence omniprésente avec l'Alberta.
Cela dit, on remarque d'autres tendances. J'ai assisté au congrès de la SELF tenu à Toronto récemment. Durant ce congrès on a soulevé la pénurie des enseignants. Il s'agit d'un phénomène national. Il est souvent question des conditions de travail, surtout dans les écoles en milieu minoritaire.
Nous ne pouvons nous permettre d'offrir des conditions équivalentes. Nous devons offrir des conditions supérieures. Ceci témoigne des attentes de nos enseignants. La barre est donc très élevée. On s'attend à ce que l'école soit un lieu de communauté. Les tâches reliées à l'enseignement et la façon dont ce mode de vie se compare avec le mode de vie normal d'un individu influence la décision de poursuivre une carrière en enseignement.
Les jeunes font certains choix. Dans ma famille, les deux parents sont enseignants de formation. Notre fille pose parfois la question: «Pourquoi je me dirigerais vers cette profession, alors que vous êtes toujours de mauvaise humeur?» Enfin, ce sont les conditions de travail.
Permettez-moi un dernier commentaire sur la question du salaire. La pénurie existe même chez nos collègues québécois. Lors du congrès de la SELF, nous avons appris que des campagnes de recrutement se font du Québec vers l'extérieur et dans les autres provinces. Voilà un autre signe de vigilance devant nos attentes face à la carrière en soi et aux conditions de travail.
M. Roy: Si vous me le permettez, j'aimerais rajouter le point suivant. Nous nous trouvons en situation de pénurie et devons relever le défi d'attirer les jeunes, les enseignants, et de les garder. Lorsqu'on engage une personne qui ne possède que peu d'expérience dans l'enseignement, surtout en milieu minoritaire, vu le financement limité, nous pourrions limiter ses tâches à 80 p. 100 du curriculum afin de lui permettre d'assimiler les programmes d'études et d'atteindre un certain niveau de performance en enseignement. Une telle approche pourrait ralentir le taux d'enseignants qui quittent durant les premières années de leur emploi.
D'autre part, si nous ne sommes pas en mesure d'attirer les enseignants de la Saskatchewan et des autres provinces, comment pouvons-nous espérer intégrer les enseignants francophones de l'extérieur du pays qui possèdent déjà une formation? Les chances de succès sont minimes, même si on tente de les placer directement en salle de classe. La différence culturelle est trop grande et la préparation n'est pas la même.
Cette année, nous avons dû embaucher des personnes qui venaient de l'extérieur. Ces trois individus ont dû être retirées des salles de classe, car les choses ne fonctionnaient pas. Cela a causé certaines inquiétudes chez les parents qui ne voyaient pas leurs jeunes réussir leurs études.
Nous savons qu'il faut développer des programmes d'accueil pour ces personnes venues de l'extérieur nous appuyer. Toutefois, nous ne disposons pas du financement qui nous permette de le faire. Nous savons faire preuve d'imagination. Cependant, il nous faut un soutien financier pour les programmes d'accueil. Il faut effectuer le travail auprès des universités pour faire en sorte que nos gens soient bien encadrés et pour leur permettre de s'épanouir dans leur profession.
Le sénateur Comeau: J'aimerais tout d'abord vous remercier d'être venus à Winnipeg pour représenter les intérêts de la Saskatchewan.
Je suis sur la colline parlementaire, à Ottawa, depuis 17 ans. Mon expérience à Ottawa m'a permis de constater qu'une échelle d'importance se rattache à nos régions du Canada. La question des langues et des minorités soulève beaucoup d'attention à Ottawa et également au Nouveau-Brunswick. Étant donné la forte population francophone, plusieurs représentants de la province expriment de façon fort compétente les intérêts du Nouveau-Brunswick à Ottawa. Il en va de même pour l'Ontario.
La province de Québec est une région tout à fait spéciale. Les représentants nous offrent la perspective de la minorité anglophone.
Pour ce qui est des autres régions, telles que la Nouvelle-Écosse et le Manitoba, nous avons également des représentants qui font valoir, peut-être pas toujours avec le succès souhaité, les intérêts de ces provinces. Le sénateur Chaput du Manitoba et M. Ron Duhamel sont de très bons représentants. De la Nouvelle-Écosse, nous avons le ministre Robert Thibault.
Toutefois, certaines provinces de l'Ouest, telles la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique, de même que certaines provinces de l'Est, telles que l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve, n'ont pas de ces «champions». Parfois, les représentants de ces provinces ne défendent pas nécessairement leurs intérêts de façon productive. Sans nommer personne, je dirai simplement que les propos tenus par certaines gens de l'Ouest vont tout à fait à l'encontre des points que vous soulevez aujourd'hui. Ces propos nuisent aux services que nous pourrions, à Ottawa, vous amener, car ils donnent l'impression que l'Ouest ne se préoccupe pas de l'intérêt des minorités.
Cette question m'amène au problème suivant. Vous n'êtes pas représentés à Ottawa — ou si vous l'êtes, vous n'avez pas une bonne représentation. Lors de l'élaboration des plans nationaux visant à répondre aux besoins des minorités, une place toute spéciale devrait vous être réservée. Toutefois, les provinces susmentionnées n'ont pas de «champion» à la table de négociations. Il faudrait que cette chance vous soit accordée.
Dans le cadre du plan Dion, qui se veut un peu la panacée du futur, vous a-t-on donné cette place spéciale? Le plan propose-t-il une réponse à vos préoccupations; ou est-ce qu'on se contente, encore une fois, de laisser à Ottawa le soin de répondre à vos intérêts tels qu'on les présume?
Mme Taylor-Brown: En réponse à votre question, j'aimerais soulever le point suivant. Pour avoir droit au financement de la part du fédéral, nous devons tout d'abord obtenir le financement de la province. Or, si on a un gouvernement provincial qui s'oppose au bilinguisme, on ne pourra jamais obtenir ces sommes d'argent.
Le sénateur Comeau: Pour refléter la réalité de l'Ouest, le plan Dion doit donc également prévoir des réponses spécifiques aux besoins de votre région et non uniquement établir le standard sur une base nationale, s'appliquant à la fois au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et ailleurs.
M. Roy: Absolument.
Mme Taylor-Brown: J'aimerais soulever un autre point. Je détiens un doctorat en linguistique. J'ai fait des études comparatives sur le développement linguistique des jeunes francophones en écoles d'immersion et dans les écoles minoritaires en Alberta. Ce fut un projet à long terme.
À mon arrivée en Saskatchewan, je ne pouvais pas trouver un emploi, et ce, malgré mon expertise.
Le Social Science and Humanities Research Council prétend ne pas avoir les fonds disponibles à la recherche. Pour financer la recherche, on doit passer par l'académie. Or, la Saskatchewan compte très peu d'académies qui s'intéressent à ce genre de recherche. N'ayant pas accès au financement, je ne suis donc pas en mesure de poursuivre mes recherches.
La population crie poursuit actuellement un programme d'immersion à La Ronge. Un professeur, par exemple, de l'Université de Toronto qui serait intéressé par la question ne serait sans doute pas en mesure de poursuivre ses recherches, car il n'existe aucune subvention. On ne sait même pas que le programme existe. Il n'existe aucun fonds en Saskatchewan pour ce domaine de recherche.
M. Ferré: D'autre part, le mécanisme de consultation n'est pas évident. D'ailleurs, j'ai soulevé ce point au ministre Dion en juillet dernier. Toutefois, son rapport était déjà rédigé.
Il est très difficile de prévoir quelle sorte de financement sera disponible. Notre propre gouvernement n'est pas nécessairement sympathique à la question des minorités linguistiques.
Le sénateur Comeau: À une certaine époque, j'ai siégé au Comité mixte des langues officielles. J'ai décidé de quitter le comité, car on négligeait certaines questions importantes liées à nos communautés en situation minoritaire. Vous avez soulevé, ce matin, justement ces questions.
Mme Arsenault: L'éducation est de juridiction provinciale — du moins, c'est ce qu'on dit. Je crois que vous êtes, en quelque sorte, les porte-parole de nos communautés pour sensibiliser les provinces, en l'occurrence la Saskatchewan, à ce qu'ils prennent connaissance du facteur fransaskois en éducation.
Lorsqu'il est question d'équivalence en éducation, de la pré-maternelle au postsecondaire, et que l'on parle d'alphabétisation, le facteur fransaskois coûte cher. En fait, les questions d'équivalence coûtent toujours plus cher. Il est important que les gouvernements comprennent ce fait. Ils ne le comprennent pas. Pendant ce temps, on s'évertue, on travaille 14 heures, 18 heures par jour pour rencontrer nos agendas.
Il faut que la politique se fasse. À cet égard, je crois que vous êtes de bons ambassadeurs.
La présidente: Pour reprendre les propos de la Commissaire aux langues officielles, il faut un engagement plus fort du gouvernement fédéral. On ne peut pas constamment laisser sur vos épaules le fardeau de la responsabilité, vous qui êtes déjà en situation minoritaire. On devient vite épuisé d'assumer un tel fardeau. L'engagement doit venir du gouvernement fédéral. Il doit avoir la volonté politique de faire en sorte que la province doive créer des ententes et affecter les sommes d'argent nécessaires.
Le sénateur Chaput: Vos présentations sont excellentes. Elles démontrent votre travail ardu à survivre et le peu d'appui que vous obtenez de la part des gouvernements, en l'occurrence votre province et le fédéral, gouvernement que nous représentons au Sénat.
Fait encourageant, en tant que membre du Sénat, j'ai pu constater depuis un an à quel point le Sénat s'implique pour la protection des minorités. Quel ambassadeur incroyable! Le fait est d'ailleurs très peu connu.
De quelle façon le fédéral pourrait-il vous appuyer en éducation? Bien que l'éducation soit de juridiction provinciale, certaines sommes sont versées du fédéral. En principe, les contributions fédérales doivent être jumelées par la province. Il s'agirait peut-être d'examiner si, dans les prochaines ententes, certains changements pourraient être apportés. Vous sollicitez notre appui pour faire avancer le travail sur les sujets qui vous préoccupent et qui vous tiennent à cœur. Avez- vous des suggestions?
M. Ferré: Tout d'abord, les deux millions de dollars, dans le cadre de l'entente PLOE, ne suffisent pas pour rencontrer nos objectifs. Notre imagination a ses limites. Nous aurions besoin de 1,5 millions à 2 millions de dollars supplémentaires pour réaliser nos objectifs. Nous ne pouvons compter que sur la mince contribution de la part des ministères. Les ministères déterminent leur contribution en se basant sur les contributions offertes normalement à une juridiction majoritaire. Pour nous, cette contribution représente, en quelque sorte, 50 cents sur chaque dollars. La question de financement est donc un élément primordial.
D'autre part, il faudrait faire du lobbying auprès de Patrimoine canadien et de M. Dion.
Mme Arsenault: En ce qui a trait à l'alphabétisation en milieu de travail, la simple tâche de promouvoir le français au sein de nos organismes francophones représente un défi considérable. Nos organismes sont en place. Toutefois, le problème existe. Par exemple, le secrétariat de la division scolaire éprouve des difficultés majeures à lire et à écrire en français. Ce n'est pas une question d'intelligence mais de dignité et d'estime de soi.
Selon nos estimations, il en coûterait près d'un million de dollars pour assurer le service en français pour un an, en ce qui a trait non seulement à la lecture, à l'écriture et au calcul, mais également en informatique. Ce domaine fait désormais l'objet, depuis l'an 2000, de l'alphabétisation. Il n'existe aucun emploi aujourd'hui qui n'exige des compétences en informatisation, et il faut que cela se fasse en français.
Je conçois que la recherche soit un domaine important. Toutefois, la distinction entre l'application concrète et la recherche est considérable.
M. Roy: À mon avis, il est important que nous puissions alimenter votre débat de façon directe.
Autre point, à la division scolaire nous avons une étude sur le sous-financement chronique dont nous disposons actuellement pour répondre à nos obligations en vertu de l'article 23.
Madame Arsenault vous a parlé plus tôt du domaine de la formation professionnelle pour les métiers. Nous avons l'obligation de préparer nos jeunes au marché du travail et de leur offrir une formation en métiers. Sur ce plan, nous nous rapprochons de la réalité. Cette année nous avons mis sur pied un programme dans lequel on offre les cours en arts pratiques et appliqués. Il s'agit de cours en mécanique, en technique de construction, en soins esthétiques, en sculpture et plusieurs autres.
La présidente: Ces cours sont offerts en région ou au collège?
Mme Arsenault: Ils sont offerts en région.
M. Roy: L'horaire est basé sur un cycle de 10 jours. Il comporte deux volets à l'intérieur desquels nous rassemblons nos jeunes. Dans un premier temps, à tous les dix jours, nous rassemblons les jeunes du secondaire de différentes régions pendant une journée pour suivre les cours dans les quatre domaines ci-haut mentionnés. Certains élèves doivent parcourir plus de deux heures de route pour se joindre à nos élèves de Regina. C'est le cas, par exemple, pour les élèves de Bellegarde et de l'école secondaire Collège Mathieu. Dans un deuxième temps, nous regroupons les élèves des régions du nord pour offrir les mêmes cours.
Pour ce faire, il en coûte 33 000 $ par année en transport uniquement. Toutefois, nous savons qu'il serait difficile d'offrir cet éventail de cours sur place, en communautés. Nous demandons donc aux parents le sacrifice de se lever à six heures pour reconduire leurs jeunes à l'école afin qu'ils puissent assister à ces cours. Nous regroupons les élèves environ 15 fois durant l'année.
Voilà donc une initiative que nous avons prise cette année, et je dois vous dire que les élèves en sont ravis. Nous avons 97 jeunes qui assistent à ces cours, et les parents en sont très heureux. Nous espérons, l'année prochaine, augmenter la participation. Toutefois, un tel programme coûte environ 90 000 $.
Le sénateur Chaput: Quel est le financement pour ce programme?
M. Ferré: Il s'agit d'un octroi spécial que nous avons obtenu par l'entremise de notre ministère. Nous avons présenté le projet, et il restait sans doute en réserve quelques fonds. Cependant, nous ne savons pas ce que l'année prochaine nous réserve.
La présidente: Existe-t-il, au gouvernement de la Saskatchewan, une personne responsable des affaires francophones?
M. Ferré: En Saskatchewan, le Bureau de la minorité de la langue officielle, mieux connu sous le sigle BMLO, s'occupe, d'une part, des programmes pour l'immersion, et d'autre part, des programmes pour les francophones.
Le sénateur Chaput: Un peu comme pour le bœuf au Manitoba?
M. Ferré: Oui.
M. Roy: L'OCAF traite également des affaires francophones auprès du ministère. Nous avons donc deux organismes.
Autre recommandation, il faut s'assurer que le financement pour la petite enfance soit en place et que les politiques cessent de nous oublier. On verse de l'argent pour la petite enfance, mais aucune somme n'est reliée à la petite enfance francophone.
M. Ferré: C'est une question de lobbying.
Le sénateur Léger: Permettez-moi un simple commentaire. J'ai aimé les propos de l'honorable sénateur Comeau lorsqu'il a indiqué que certaines provinces n'ont pas leur «champion». Ce sont les grands oubliés.
Je me réjouis de constater chez vous nombre d'ambassadeurs. Je pense à Roger Lavallée qui est, depuis 20 ans, sur les ondes de la radio fransaskoise. Je pense à Hart Rouge, les Campagne et plusieurs autres.
La situation que vous nous décrivez est précaire. Je vous remercie de nous en faire part. Grâce à l'expérience autour de cette table, j'espère de tout cœur que nous pourrons vous aider. Vous êtes également chez nous, et vos représentants sont des champions.
Le sénateur Comeau: Je ne parlais pas des champions dans le domaine des arts mais sur la colline parlementaire.
Le sénateur Léger: J'en conviens.
Mme Taylor-Brown: J'aimerais répondre à votre question à savoir quel pourrait être l'appui de la part du gouvernement fédéral.
Dans l'enjeu des populations minoritaires, le gouvernement fédéral, par le biais de Patrimoine canadien, donne aux organismes comme les nôtres la responsabilité de faire de la publicité pour la francophonie. Toutefois, il ne nous donne pas les moyens suffisants pour remplir cette tâche. Si le gouvernement désire vraiment appuyer la minorité, il doit nous donner les montants suffisants pour le faire, ou il peut tout simplement entreprendre cette tâche lui-même avec les ressources suffisantes.
Je reçois 136 000 $ annuellement de Patrimoine canadien pour desservir, sur un territoire énorme, toute la population non-francophone qui désire apprendre le français. Envoyer des dépliants à 94 commissions publiques représente déjà un coût important. Les fonds ne suffisent pas au développement des programmes de jeunesse. Une annonce publicitaire à la télévision coûte au moins 20 000 $. Même avec la plus grande volonté au monde, je n'ai pas d'argent. Comment alors convaincre la population que le français est important?
[Traduction]
La présidente: Je vais donner la parole au sénateur Keon qui n'a pas encore eu la chance de poser une question.
Le sénateur Keon: Je voudrais simplement faire une observation. Vous avez des problèmes énormes et j'admire votre courage et votre persévérance. D'autre part, le plan Dion et notre groupe existent justement pour régler des problèmes comme le vôtre. C'est pour cela que nous sommes ici.
Le sénateur Comeau a dit que vous n'aviez pas de défenseur dans l'ouest et que vous êtes pris dans une situation politique problématique. Je vous encourage à mettre au point des propositions réalistes et fermes. Continuez vos démarches et nous continuerons de notre côté à exercer des pressions sur M. Dion et peut-être que cela donnera des résultats.
La présidente: J'ajoute que vous devriez continuer à exercer vos pressions sur les élus fédéraux, comme l'a dit le sénateur Comeau.
M. Ferré: En réponse à l'observation du sénateur Keon, je dois dire que nous avons formulé des propositions concrètes. Ce que nous avons présenté à notre gouvernement et à notre ministère de l'Éducation est maintenant à l'étape de la négociation. Nous espérons que la proposition restera la même à la prochaine étape. Les deux millions de dollars que j'avais mentionnés représentent une proposition tout à fait concrète et détaillée. Sera-t-elle acceptée? C'est ce que nous espérons.
Je voudrais poser une question au sénateur Keon. Avec qui devrions-nous rester en contact?
Le sénateur Keon: Avec nous. C'est pour cela que nous sommes là.
M. Ferré: Je veux parler des mécanismes.
Le sénateur Keon: Nous sommes le comité permanent.
M. Ferré: Très bien.
Pour terminer, nous avons l'étude du financement de notre réseau scolaire dans les deux langues officielles. Nous sommes prêts à vous la remettre. J'ai aussi un document de l'Association des parents que nous voudrions vous laisser.
La présidente: Volontiers.
Le sénateur Chaput: Si vous envoyez un exemplaire, nous ferons des copies pour tout le monde. Vous n'avez pas besoin de nous envoyer un grand nombre d'exemplaires.
La présidente: Quelqu'un a-t-il un dernier mot?
[Français]
Mme Arsenault: J'aimerais vous remercier d'avoir pris le temps de nous accueillir. Nous aimerions, à notre tour, avoir la chance de vous accueillir en Saskatchewan lors de votre prochaine visite dans l'Ouest.
La présidente: Peut-être même au Collège Mathieu, dont je garde un bon souvenir. Nous vous remercions de vous être déplacés. Votre témoignage fut pour nous très éclairant.
La séance est levée.