Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 1 - Témoignages du 23 février 2004 (séance de l'avant-midi)
OTTAWA, le lundi 23 février 2004
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 10 heures pour examiner, puis en faire rapport, la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je me fais un plaisir de vous souhaiter la bienvenue au Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense. Le comité entend des témoignages en préparation de sa troisième visite annuelle à Washington, D. C., en mars 2004.
Je m'appelle Colin Kenny. Je suis sénateur de l'Ontario et je préside le comité.
À ma droite immédiate se trouve notre distingué président adjoint, le sénateur Michael Forrestall, de la Nouvelle- Écosse. Ayant débuté sa carrière comme journaliste au Halifax Chronicle Herald et comme cadre supérieur d'une société aérienne, il s'est dirigé vers la politique et a été élu une première fois à la Chambre des communes en 1965. Il a servi les électeurs de Dartmouth pendant plus de 37 ans. Il s'est intéressé aux questions de défense tout au cours de sa carrière de parlementaire et il a siégé à divers comités parlementaires.
Le sénateur Norman Atkins est de l'Ontario. Il est arrivé au Sénat en 1986, fort d'une solide connaissance dans le domaine des communications. Le sénateur Atkins a également été conseiller de l'ancien premier ministre de l'Ontario, M. Davis. Diplômé en économie de l'Université Acadia de Wolfville, en Nouvelle-Écosse, il a reçu en 2000 un doctorat honorifique en droit civil de son alma mater. Depuis qu'il est sénateur, il s'intéresse à diverses questions ayant trait à l'éducation et à la pauvreté. Il s'est également fait le champion des anciens de la Marine marchande du Canada. Le sénateur Atkins est membre du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et de notre Sous-comité des anciens combattants.
Le sénateur Tommy Banks est de l'Alberta. Il est bien connu des Canadiens comme étant l'un de nos artistes les plus accomplis et les plus polyvalents et comme ambassadeur de la culture canadienne. Musicien lauréat, d'un prix Juno, le sénateur Banks s'est fait connaître à l'échelle nationale et internationale comme chef d'orchestre ou directeur musical de nombre d'événements prestigieux, comme par exemple les cérémonies d'ouverture des jeux olympiques d'hiver de 1988. En 2003, il a été coprésident du groupe de travail du premier ministre sur les questions urbaines. En plus d'être membre de notre comité, le sénateur Banks préside le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles ainsi que le groupe parlementaire libéral de l'Alberta.
Le sénateur Jim Munson est de l'Ontario. Il est surtout connu des Canadiens comme journaliste populaire et spécialiste des affaires publiques. Il a été mis en nomination à deux reprises pour un prix Gemini d'excellence en matière de journalisme. Il a été journaliste durant pratiquement 30 ans, et plus récemment comme correspondant pour la télévision à CTV. Après une brève période comme expert conseil, il s'est joint au ministère des Affaires indiennes et du Nord, après quoi il s'est vu confier des responsabilités au sein du cabinet du premier ministre, tout d'abord comme conseiller spécial en communications et ensuite comme directeur des communications. Le sénateur Munson est également membre du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et du Comité sénatorial permanent des langues officielles.
Le sénateur Day est du Nouveau-Brunswick. Il a un baccalauréat en génie électrique du Collège militaire royal de Kingston, un baccalauréat en droit de l'Université Queen et une maîtrise en droit de Osgoode Hall. Avant d'être nommé au Sénat en 2001, il poursuivait une carrière brillante comme avocat de pratique privée. Sur le plan juridique, ses intérêts touchent les brevets, les marques de commerce et les questions relatives à la propriété intellectuelle. Il est également vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, de notre Sous-comité des affaires des anciens combattants, ainsi que membre actif de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.
Notre comité est le premier comité permanent du Sénat ayant pour mandat de se pencher sur les questions de sécurité et de défense. Depuis sa création au milieu de l'année 2001, notre comité a publié une série de rapports, dont le premier s'intitulait «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense». Cette étude a été déposée en février 2002, et faisait état des grandes questions relatives à la défense et à la sécurité pour le Canada.
Le Sénat a ensuite demandé à notre comité de se pencher sur la nécessité d'une politique nationale en matière de sécurité. Jusqu'à maintenant, nous avons publié quatre rapports sur divers aspects de la sécurité nationale. Tout d'abord, «La défense de l'Amérique du Nord: une responsabilité canadienne», en septembre 2002; ensuite, «Pour 130 $ de plus... Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes: une vue de bas en haut» en novembre 2002; puis, «Le mythe de la sécurité dans les aéroports canadiens» en janvier 2003; et, quatrièmement, «Les côtes du Canada: les plus longues frontières mal défendues au monde» en octobre 2003.
Le comité poursuit son évaluation à long terme de la politique canadienne en matière de sécurité et de défense. Cependant, il a interrompu momentanément son travail pour entendre des témoins en préparation d'une visite imminente à Washington, D.C.
Notre premier témoin aujourd'hui sera M. Robert Wright, qui a été nommé conseiller national pour la sécurité auprès du premier ministre le 12 décembre 2003, en plus d'assumer d'autres responsabilités. M. Wright agissait à titre de secrétaire associé du cabinet, de sous-ministre auprès du vice-premier ministre et de coordonnateur de la sécurité et du renseignement au Bureau du conseil privé.
M. Wright est accompagné de M. Graham Flack, directeur des opérations, Groupe de travail sur les frontières. Bienvenue au comité, monsieur Wright. Veuillez commencer.
M. Robert A. Wright, conseiller national pour la sécurité auprès du premier ministre et secrétaire associé, Bureau du Conseil privé: Honorables sénateurs, c'est un plaisir pour moi d'être ici. Vous nous avez déjà présentés, moi et mon collègue M. Flack, qui me soutient non seulement pour ce qui est du programme des frontières intelligentes, mais aussi des conseils que nous élaborons à l'intention du premier ministre et du vice-premier ministre concernant une politique de sécurité nationale pour le Canada.
Si je suis content d'être ici, c'est notamment en raison des rapports que vous entretenez avec vos collègues des États- Unis, vos homologues américains, et de leur importance pour notre sécurité collective.
Si vous m'avez invité ici aujourd'hui, c'est, je crois, en ma double qualité de conseiller national pour la sécurité auprès du premier ministre et de coordonnateur, au Bureau du conseil privé, du processus de la frontière intelligente entre le Canada et les États-Unis. Comme vous l'avez signalé, j'ai été nommé à mon poste de conseiller national pour la sécurité auprès du premier ministre le 12 décembre 2003. Mes principales responsabilités en matière de promotion de la sécurité nationale consistent à assurer la mise en place d'un régime de responsabilisation approprié pour la collectivité de la sécurité et du renseignement, à renforcer notre capacité de collecte, d'évaluation et de communication des renseignements de sécurité, à rehausser la protection civile et à colmater les plus importantes brèches dans la sécurité nationale, y compris certaines de celles qui ont été mises en lumière par votre comité.
Mon mandat de travailler avec la vice-première ministre à l'élaboration et à la coordination d'ensemble d'une politique sur la sécurité nationale est un instrument clé pour la réalisation de ces progrès. Je sais que votre comité s'intéresse à cette question depuis un certain temps. Le récent discours du Trône a réitéré l'engagement du gouvernement à adopter une telle politique.
L'établissement de relations avec nos partenaires et l'amélioration de la coopération avec eux sont des éléments essentiels à l'efficacité des activités de sécurité et de renseignement. Cela comprend travailler sur le plan intérieur avec la collectivité canadienne de la sécurité et du renseignement et collaborer avec nos partenaires aux États-Unis et au sein de la communauté internationale.
Le Canada et les États-Unis, je veux le redire, travaillent plus étroitement que jamais touchant les questions liées à la sécurité nationale et à la coopération en matière de renseignements. Depuis mon arrivée au BCP à titre de coordonnateur de la sécurité et du renseignement, l'été dernier, et depuis mon entrée en fonction en tant que coordonnateur national pour la sécurité, j'ai eu l'occasion de rencontrer des fonctionnaires américains clés à plusieurs reprises pour continuer à superviser ce travail très important. Je peux vous assurer que le Canada et les États-Unis restent résolus à travailler de concert pour assurer la sécurité de l'Amérique du Nord.
Nous apprenons en outre plus de choses au sujet de la façon dont d'autres pays traitent la question liée à la sécurité nationale. Il est certain que les pouvoirs législatifs mis en place par l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni pour améliorer leurs mesures de sécurité respectives nous intéressent, étant donné que nous sommes généralement les alliés traditionnels de ces pays ainsi que des États-Unis. J'ai par ailleurs rencontré les représentants des services de sécurité et de renseignements d'un certain nombre d'autres pays, ce qui aide à montrer combien un effet international intégré dans un monde de plus en plus interdépendant est capital.
Je veux également souligner certains des changements organisationnels annoncés par le gouvernement le 12 décembre 2003 et les engagements liés à l'amélioration de la sécurité de la population canadienne qui ont été pris.
Des ministères ont été réorganisés de manière à accroître la coordination horizontale de la collecte, de l'analyse et de la communication des renseignements de sécurité. Par exemple, le nouveau ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile englobe la nouvelle Agence des services frontaliers du Canada, qui regroupe des agents des douanes, les inspecteurs des aliments sur le terrain et les agents des services de l'immigration responsables des détentions, des renvois, des enquêtes, du renseignement de sécurité et des fonctions de contrôle à l'étranger.
Je crois comprendre que, après ma comparution, vous vous entretiendrez avec M. Alain Jolicoeur, président de l'Agence des services frontaliers du Canada. À ce titre, M. Jolicoeur est le principal responsable d'un grand nombre des initiatives liées à la frontière intelligente, qui donnent déjà des résultats intéressants. Le nouveau ministère réunit donc, sous la direction de la ministre Ann McLellan, la GRC, le SCRS et l'ASFC, ce qui facilitera la coordination horizontale des activités des organismes canadiens clés responsables de la collecte, de l'analyse et de la communication des renseignements de sécurité.
En plus de la réorganisation d'un ministère, le premier ministre a annoncé la création du comité du cabinet chargé de la sécurité, de la santé publique et de la protection civile, qui est présidé par la vice-première ministre. Cette dernière va par ailleurs entamer des consultations touchant l'établissement d'un comité de parlementaires sur la sécurité nationale.
Le 12 février 2004, le gouvernement a déposé de nouveau la Loi sur la sécurité publique, ou projet de loi C-7, à savoir le C-17 de la session du Parlement précédente, afin de contribuer aux efforts visant à améliorer la sécurité aérienne et portuaire. Comme vous le savez, la loi canadienne actuelle ne facilite pas convenablement l'évaluation de sécurité des renseignements relatifs aux passagers de vols en provenance du Canada.
Les renseignements de sécurité révèlent un risque continu d'activité terroriste au moyen d'aéronefs, de sorte que la sécurité des aéronefs reste un élément fondamental de nos relations avec les États-Unis en matière de sécurité. Par conséquent, l'on s'intéresse énormément, de part et d'autre de la frontière canado-américaine, à assurer que le Canada a la capacité d'évaluer la sécurité des vols en provenance de son territoire. Le projet de loi C-7 fournit cette capacité et je sais que cette question sera abordée au cours de votre visite à Washington.
Le Canada a travaillé avec les États-Unis et la communauté internationale pour créer et mettre en oeuvre un régime de sécurité maritime solide. Votre comité a constaté la nécessité de renforcer la sécurité portuaire à divers égards. Le projet de loi C-7 assurera en outre au gouvernement des pouvoirs importants qui lui permettront de compenser certains des coûts auxquels les autorités portuaires devront faire face afin de satisfaire aux nouvelles exigences qu'il met en place. Là encore, il s'agit d'un sujet à propos duquel les États-Unis sont très désireux de se renseigner.
Comme vous le savez, le Sénat est actuellement saisi de ce projet de loi. Compte tenu de l'importance accordée par votre comité aux questions de sécurité nationale, il serait utile que vous aidiez à le faire adopter rapidement par la Chambre haute.
Je continue par ailleurs de seconder la nouvelle vice-première ministre dans ses fonctions de coordinatrice des discussions avec les États-Unis sur la frontière intelligente. La gestion quotidienne des différentes initiatives relève du ministère ou de l'organisme concerné. Si vous avez des questions précises au sujet de ces initiatives, les fonctionnaires du ministère ou de l'organisme responsable sont les mieux placés pour y répondre. Cependant, nous faisons de grands progrès avec les États-Unis, lesquels reflètent l'intensité des rapports que nous avons avec les États-Unis sur les plans de l'économie, de la politique et de la sécurité. En matière d'intégration sur le plan de l'économie et de la sécurité, en effet, il n'existe aucun partenariat comparable entre deux pays.
Lorsque le Canada et les États-Unis ont signé la Déclaration sur la frontière intelligente, en décembre 2001, ils ne visaient pas seulement à ramener le temps d'attente à la frontière à ce qu'il était avant le 9 septembre. Il s'agissait plutôt de remodeler l'infrastructure de sécurité frontalière à l'aide de la plus récente technologie, de partager des renseignements de sécurité et de nouveaux processus, tout en appliquant le principe d'une gestion efficace des risques. De cette manière, nous pouvons accélérer le passage des marchandises et des personnes à faible risque et concentrer nos ressources sur celles qui présentent un risque élevé. Ce que la frontière intelligente a d'«intelligent», c'est qu'il n'est pas nécessaire de choisir entre l'accroissement de la sécurité et l'amélioration de la circulation. Les deux sont possibles. Il faut pour cela travailler de façon continue avec des partenaires clés à l'échelle internationale, et avec le monde des affaires, ici au Canada tout particulièrement.
M. Jolicoeur vous donnera plus de détails sur les initiatives liées à la frontière intelligente qui relève de l'Agence des services frontaliers du Canada. Pour ma part, j'aimerais souligner certains des progrès accomplis à l'égard de quelques- unes de ces initiatives depuis la publication du dernier rapport d'étape sur la frontière intelligente.
Le programme des Expéditions rapides et sécuritaires EXPRES, un programme commercial conjoint avec les États- Unis, est maintenant en place aux 12 postes frontaliers où le volume commercial est le plus élevé et représente plus de 80 p. 100 de la circulation commerciale entre le Canada et les États-Unis. Le programme NEXUS, qui concerne les mouvements de personnes, est maintenant offert à 10 postes frontaliers. Les équipes intégrées des mesures d'exécution à la frontière ont été déployées dans chacune des 14 régions géographiques longeant la frontière canado-américaine afin de contrer les activités terroristes et criminelles possibles entre les points d'entrée situés le long de la frontière terrestre.
Nous avons conclu un accord de principe sur le texte d'une entente bilatérale de coopération scientifique et technologique visant à protéger nos infrastructures essentielles partagées et à accroître la sécurité de la frontière.
Le cinquième élément majeur à l'égard duquel nous avons progressé grâce aux discussions sur la frontière intelligente ne figure pas parmi les 32 points du plan d'action. C'est une des questions que nous avons pu régler à la faveur du renforcement des relations avec les États-Unis dans le cadre du plan d'action concernant la frontière intelligente. Il s'agit du projet américain d'enregistrement des entrées et des sorties de ressortissants étrangers.
En considération de la relation unique existant entre le Canada et les États-Unis, le secrétaire américain à la sécurité intérieure, Tom Ridge, a annoncé en octobre dernier que les citoyens canadiens ne seraient pas assujettis aux dispositions du programme US-VISIT relatives à l'enregistrement des entrées et des sorties. Je sais que cotre comité était très préoccupé par cette question lors de ses audiences de l'année dernière, et nous nous réjouissons des progrès accomplis dans ce dossier. Cela signifie que les Canadiens seront les seuls citoyens du monde, à part les Américains, qui ne seront pas assujettis au programme US-VIST.
Il reste toutefois du travail à faire. Le gouvernement du Canada fait pression pour que l'on mette en oeuvre l'Accord sur les tiers pays sur, négocié avec les États-Unis, et il veut s'assurer que nous ferons les investissements nécessaires dans les infrastructures frontalières pour permettre d'optimiser l'efficacité des programmes NEXUS et EXPRES.
Lorsque la vice-première ministre McLellan a rencontré le secrétaire Tom Ridge, en janvier, ils ont fait le point sur la Déclaration sur la frontière intelligente en vue de déterminer comment continuer à réaliser des progrès dans la mise en oeuvre du Plan d'action. Ils ont en outre discuter de la façon d'approfondir notre coopération dans d'autres domaines connexes. Les fonctionnaires se penchent actuellement sur des propositions relatives à ce programme de coopération élargi.
Le processus de la frontière intelligente a montré ce qu'il serait possible d'accomplir sur les plans de la sécurité économique et de la sécurité publique lorsque le Canada et les États-Unis concentrent leur volonté politique sur un ensemble de résultats précis.
Tout au cours de ce processus, j'ai eu le grand plaisir de travailler avec ma collègue de la sécurité intérieure, Asa Hutchinson et Rob Bonner qui dirigent le programme des Douanes des États-Unis, et également avec les représentants de la Maison blanche, qui se sont intéressés de près à cette question au cours des derniers mois. Il s'agit du général John Gordon et de M. Richard Falkenrath, respectivement conseiller et conseiller adjoint en matière de sécurité intérieure auprès du président.
L'un et l'autre s'appliquent activement à amener les ministères et organismes chargés de la sécurité à penser collectivement en fonction de solutions nord-américaines. Nos citoyens sont plus en sûreté en conséquence de ces efforts de collaboration. Forts des réussites enregistrées jusqu'ici, nos deux pays cherchent à intensifier leur coopération. Cela suppose notamment rechercher des moyens de faire connaître au monde certaines des initiatives que nous avons élaborées conjointement. Nos partenaires de l'Organisation mondiale des douanes et du G-8 pourraient certes avoir profit à constater tout ce que des pays peuvent accomplir en travaillant de concert pour améliorer leur sécurité nationale et leur sécurité économique.
Je vous remercie, honorables sénateurs. Je suis disposé à répondre à vos questions.
Le sénateur Banks: Bonjour, monsieur Wright.
Vous avez parlé de certains de nos travaux antérieurs et de certaines questions qui nous préoccupent. Nous sommes très heureux qu'il existe désormais au cabinet un poste de coordination. Dans l'un de nos rapports antérieurs, nous avions recommandé précisément que cette fonction relève du bureau du vice-premier ministre. Nous constatons avec satisfaction que c'est maintenant chose faite. Nous en avions fait la recommandation à l'époque étant donnée que, selon nous, il s'agissait d'une nécessité urgente et incontournable.
Pouvez-vous nous parler de votre bureau, de vos deux bureaux en fait. Combien de personnes relèvent de vous, que font ces personnes et comment évolue la situation à votre bureau d'une façon générale?
La question est liée à la nature des faits que nous examinons. Notre comité a entretenu certains doutes par le passé au sujet de la coordination et de l'existence d'une politique nationale en matière de sécurité. Comme vous l'avez peut- être constaté, nous étions convaincus que rien de tel n'existait et qu'il y avait des lacunes en matière de coordination. Nous nous penchons sur cette question depuis bien avant le 11 septembre.
Je vous donne deux exemples de situations tout à fait inacceptables: lorsque se sont produits les événements du 11 septembre, les premiers intervenants à Halifax n'ont pas pu obtenir d'information d'Ottawa. C'est le vice-consul américain, qui se trouvait à Halifax, qui a pu obtenir des informations de Washington et les transmettre aux intervenants canadiens à Halifax pour que ceux-ci puissent agir en conséquence. Cela s'est avéré très efficace, mais aussi embarrassant, comme cela a déjà été souligné.
Le deuxième exemple, et les exemples ne manquent pas, c'est celui de la panne généralisée d'électricité pendant laquelle les activités du gouvernement ont été réduites au minimum. Le sénateur Munson, qui était au travail pendant cette période, s'est vu contraint d'envoyer des télécopies rédigées à la main parce que seuls les télécopieurs fonctionnaient. Nous n'avions pas de système de secours. La communication entre les divers ministères était loin d'être bonne. Nous espérons que vous serez en mesure de rectifier cette situation.
J'ai sous les yeux une liste de 24 programmes fédéraux qui, à un moment ou l'autre, d'une façon ou d'une autre, doivent intervenir en cas d'urgence. D'autres personnes venues témoigner devant notre comité ont parlé d'une jungle bureaucratique. Bien sûr, c'est dans la nature humaine que de vouloir protéger son domaine, ses informations. Avez- vous commencé et réussirez-vous à mettre de l'ordre dans tout cela pour assurer la coordination horizontale dont vous avez parlé et garantir à notre comité et aux Canadiens que nous avons une véritable politique de sécurité nationale et que tous ces comités — dont certains sont chargés de coordonner les travaux d'autres comités — peuvent mettre de l'ordre dans ce fouillis et nous donner une politique de sécurité nationale fiable?
M. Wright: Mesdames et messieurs les sénateurs, je peux vous le garantir. Mon devoir est de m'assurer de donner les meilleurs conseils possibles au gouvernement et d'assurer une coordination totale en vue de veiller aux intérêts de sécurité nationale du gouvernement.
J'aimerais faire d'autres observations sur votre intervention. Tout d'abord, j'estime que le verre était plus qu'à moitié plein en ce qui a trait aux événements du 11 septembre. Le gouvernement et le pays ont réagi aussi bien que tout autre pays dans les circonstances. Nous avons tiré bien des leçons qui nous ont permis d'apporter des améliorations, mais nous avons fait notre travail et nous l'avons bien fait. La fonction publique compte d'excellents éléments qui protègent les Canadiens et nos voisins. Notre pays a quand même su faire le bilan pour ensuite prendre des mesures radicales dont nous continuons d'assurer le suivi.
En ce qui a trait aux situations d'urgence, le 12 décembre, le gouvernement a décidé de concentrer ses efforts sur la gestion des situations d'urgence qui relevait auparavant du ministère de la Défense dans certains cas et du ministère du Solliciteur général dans d'autres. Le tout a été fusionné. Il y a encore place à des améliorations, mais à cet égard, l'efficacité opérationnelle du système d'intervention d'urgence du Canada est excellente: quand une urgence se produit, on est prêt à intervenir.
Des améliorations sont encore possibles, bien sûr. Vous en avez donné quelques exemples. Tous ces efforts se concentreront dorénavant au ministère de la Sécurité publique et de la protection civile du Canada. C'est là l'autre aspect que je voulais aborder. Le fait que j'ai été nommé conseiller en matière de sécurité nationale auprès du premier ministre s'inscrit dans l'engagement du gouvernement à se doter d'une politique de sécurité nationale. Ça, c'est nouveau pour le Canada.
Pendant sa campagne à la direction du Parti libéral, le premier ministre a insisté sur la nécessité pour le Canada de déployer des efforts intégrés afin que toute menace à notre sécurité nationale suscite une réponse mettant à contribution tout le gouvernement, tout le pays.
Le gouvernement s'est engagé à élaborer une politique de sécurité nationale. Cet engagement prévoyait notamment la création d'un comité du cabinet chargé de s'assurer que tous les éléments compétents du gouvernement — cette «jungle» dont vous avez parlé — étaient reliés et travaillaient à un but commun. C'est ce à quoi travaillent actuellement les ministres sous la direction très compétente de notre vice-première ministre. Voilà aussi pourquoi, de coordonnateur du renseignement de sécurité, je suis devenu conseiller en sécurité nationale.
Je ne compte pas m'entourer d'un personnel nombreux au sein du Bureau du Conseil privé. Je compte faire un usage, peut-être même abusif, de mes liens avec le comité du cabinet, le premier ministre et l'engagement qu'a pris le gouvernement pour concevoir une politique de sécurité nationale qui fera en sorte que tous les éléments compétents du gouvernement travaillent en étroite collaboration. C'est ainsi que fonctionne le Bureau du Conseil privé.
Lors de mon séjour précédent au Bureau du Conseil privé, il y a une quinzaine d'années, huit personnes ont été chargées des priorités et de coordonner les travaux du comité du cabinet sur la planification et du comité du cabinet sur l'examen des dépenses. Nous avons réussi parce que le gouvernement dans son intégralité était prêt à concrétiser les priorités du premier ministre. C'est ainsi que je compte procéder cette fois, en assurant le lien avec un comité du cabinet.
Je peux aussi vous dire que, aux yeux du premier ministre, je suis précisément ce que mon titre indique. Quand quelque chose se produit, il m'appelle et s'attend à des réponses. Je tente de partager l'enthousiasme de ces appels téléphoniques avec le reste de la collectivité du renseignement pour établir de nouvelles tribunes et assurer une coordination efficace.
Quand les États-Unis ont adopté le niveau d'alerte orange pendant la période des Fêtes, un comité constitué de représentants de tous les ministères compétents m'informait au moins une fois par jour des menaces dont le Canada faisait l'objet et de notre intervention éventuelle afin que je puisse à mon tour informer le premier ministre des mesures que nous prenions pour protéger le Canada. Ce sont les concepts sur lesquels nous allons tabler. La présence d'un conseiller à la sécurité nationale auprès du premier ministre, en soi, n'est pas la solution, mais ma nomination s'inscrit dans le cadre d'un engagement beaucoup plus vaste qui témoigne de l'intention du gouvernement. Je suis certain que je peux aider la collectivité à répondre aux préoccupations que vous avez soulevées.
Le sénateur Banks: J'ai l'impression, monsieur Wright, que nous vous reconvoquerons pour en savoir un peu plus à ce sujet. Je terminerai ma question en vous disant que je suis heureux de vous entendre dire que la capacité d'intervention du gouvernement du Canada en cas d'urgence est excellente. Elle ne l'était pas auparavant; j'espère que vous avez raison.
Vous savez, dans le passé, bien des gens nous faisaient part de leur intention et de leur volonté d'assurer la coordination, de mettre de l'ordre dans cette jungle. Or, il n'a pas été prouvé que cela ait réussi. Nous espérons sincèrement que vous réussirez là où les autres ont échoué. Merci, monsieur le président.
M. Wright: Je dirai une chose: vos remarques sont très pertinentes. Je ne voulais pas vous faire croire que tout est parfait. D'ailleurs, le 12 décembre, le gouvernement a bien dit que tout n'était pas parfait. Il faut apporter des changements importants avec une obligation de résultats ce à quoi vous et moi pouvons certainement veiller.
Le sénateur Day: J'aimerais que vous nous en disiez plus long sur les nouveaux éléments de la frontière intelligente — plus particulièrement la biosécurité et les sciences et la technologie — à la lumière de ce qui a été annoncé juste avant Noël.
Pourriez-vous me dire qui coordonne le volet sciences et technologie? De plus, s'agit-il surtout de R et D, ou d'assurer l'interopérabilité de technologies existantes?
M. Wright: Je demanderai à M. Flack de bien vouloir répondre à votre question.
M. Graham Flack, directeur des opérations, Groupe de travail sur les frontières, Bureau du Conseil privé: Mesdames et messieurs les sénateurs, deux éléments ont été ajoutés aux 30 points énoncés dans la déclaration sur la frontière intelligente: l'un sur la biosécurité et l'autre, sur la coopération scientifique et technologique.
À cet égard, l'objectif est de reconnaître ce qui a été et restera un effort soutenu déployé des deux côtés de la frontière dans toutes sortes de domaines de la science et de la technologie. Cela comprend la conception de nouvelles technologies et la R et D nécessaire pour trouver des solutions technologiques à nos problèmes.
Cela peut aussi inclure la commercialisation des technologies existantes ou, dans certains cas, notamment la technologie de la lecture de l'iris que le Canada installe dans les aéroports pour le programme CANPASS-Air. Si les résultats sont concluants nous espérons que les Américains la mettront en place aussi.
Comme on peut s'y attendre, la coordination s'applique à toute une gamme de ministères qui participent à notre programme de science et de technologie relatif à ce que les États-Unis appellent la «sécurité du territoire». Nos activités se concentrent à Recherche et développement pour la défense Canada qui assure la coordination dans divers domaines de coopération en science et technologie, plus particulièrement dans le domaine des explosifs chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires. C'est cet organisme, avec l'aide du Bureau du Conseil privé, qui coordonne les efforts de tous les ministères clés du gouvernement canadien.
Aux États-Unis, au département de la sécurité intérieure, il y a une direction générale de la science et de la technologie qui coordonne tout cela de leur côté.
Ils ont dressé un plan d'action assez ambitieux visant différentes choses. Il nous permettra de multiplier les efforts actuels de nos deux pays en science et technologie et de partager le fruit de nos recherches et nos connaissances d'experts. En étroite collaboration, nos deux pays se penchent sur les domaines où il y a des lacunes ainsi que sur les domaines où il existe des possibilités de commercialisation. Voilà ce qui se passe en science et technologie.
En ce qui a trait à la biosécurité, votre comité connaît probablement les règles qui ont été mises en place aux États- Unis par la FDA, l'Administration des aliments et drogues concernant le préavis. Ces règles auraient essentiellement obligé les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse à donner avis des poissons qu'ils comptaient expédier aux États-Unis une douzaine d'heures avant même qu'ils ne se lèvent pour aller pêcher. Cela nous a beaucoup inquiétés. Nous avons collaboré étroitement avec le service des douanes de ce qui est maintenant la Direction des douanes et de la protection frontalière du département américain de la sécurité intérieure pour élaborer ensemble des règles de préavis raisonnables et faciles à gérer. Nous sommes parvenus à amener la FDA à revenir sur sa décision.
Nous avons compris, il y a un an et demi, que c'était tout un défi étant donné que la FDA n'est pas un organisme qui s'occupe habituellement des questions frontalières. Cependant, depuis que le congrès américain en a fait un des organismes chargés d'appliquer la loi américaine sur le bioterrorisme, ses décisions peuvent avoir des conséquences importantes à la frontière.
La coopération en matière de biosécurité vise en partie à appliquer le principe de la frontière intelligente, soit de gérer le risque le plus loin possible de la frontière pour faciliter les mouvements à la frontière, et de nouer des liens non seulement avec le département de la sécurité de l'intérieur, mais aussi avec la FDA, le ministère de l'Agriculture du Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Nous avons réalisé de gros progrès dans l'élaboration d'un cadre de coopération en science et technologie. Le domaine de la biosécurité est plus problématique, car il touche un grand nombre d'intervenants qui n'ont jamais eu à travailler ensemble auparavant. Toutefois, le fait que la FDA ait fait des compromis concernant le préavis nous semble de très bon augure.
Ce sont là quelques exemples.
Le sénateur Day: Qui coordonne les efforts de divers ministères en matière de biosécurité? Comment assure-t-on cette coordination?
On consacre des sommes considérables à l'achat de nouvel équipement. Nous voulons être certains que ce sont de sages dépenses, qu'il y a interopérabilité de cet équipement avec celui des Américains afin que ceux-ci reconnaissent que notre technologie est acceptable et fiable.
M. Wright: Au Canada, la coordination est assurée par le ministère de l'Agriculture et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Aux États-Unis, c'est la USFDA qui s'en occupe. Nous sommes heureux que cela s'inscrive dans notre programme de la frontière intelligente, car nos collègues des douanes et de l'immigration ont connu un grand succès dans leurs interactions avec leurs homologues américains.
Moins de deux ans après le 11 septembre 2001, nous avions établi des programmes binationaux sans précédent pour la circulation des personnes et des biens entre nos deux pays. Cela traduit la solidité du partenariat qui unit nos deux pays et qui est bien plus important que ce qui les sépare. Nous aimerions appliquer ce partenariat dans d'autres domaines — y compris en biosécurité — afin que nos économies, nos efforts, nos recherches scientifiques et nos employés soient intégrés.
La première version des règles de la FDA nous a beaucoup préoccupés. La FDA a un ensemble de règles qui s'appliquent à 160 pays et qui devaient inclure le Canada. Nous voulons établir un processus reflétant le véritable partenariat qui existe entre nos deux pays — comme dans le cas de l'immigration, des douanes et d'autres aspects de sécurité — qui fera en sorte que la participation du Canada sera considérée importante pour la sécurité des États-Unis et de l'Amérique du Nord et servira les intérêts canadiens.
M. Flack: Vous avez raison de dire que la coordination présente un défi au chapitre de la biosécurité. Peu importe comment nos ministères sont organisés au Canada ou aux États-Unis, ce domaine est si vaste qu'il ne peut relever d'un seul ministère.
Voilà pourquoi nous tenions à ce qu'il n'y ait pas que la USFDA, l'ACIA et Agriculture Canada qui soient mis à contribution, mais qu'il y ait aussi coordination de la part du Bureau du Conseil privé. Nous voulions que ce soit un des éléments de la Déclaration sur la frontière intelligente.
La coordination se fait grâce à l'appui politique de la vice-première ministre. Nous faisons affaire avec nos homologues à la Maison blanche qui doivent relever le même défi de coordination, en ce sens que la FDA n'est pas le seul organisme compétent. Nous avons constaté qu'en assurant la coordination au niveau supérieur au besoin, y compris au niveau politique, nous pouvions mieux faire progresser nos priorités.
Il ne fait aucun doute que c'est un domaine complexe pour tous les pays du monde. Nous tentons de nous doter de structures de coordination qui tiennent compte de cette complexité et qui établisse des repaires nous permettant d'évaluer nos progrès.
Le sénateur Day: Quand vous parlez de coordination par le Bureau du Conseil privé, est-ce en science et technologie et en biométrie? Le domaine de la science et de la technologie ne relève-t-il pas de Recherche et développement pour la défense Canada?
M. Flack: La science et la technologie sont l'un des éléments de la Déclaration sur la frontière intelligente que nous sommes chargés de coordonner. Toutefois, la coordination est plus facile compte tenu du rôle de premier plan que RDDC a déjà joué à d'autres chapitres.
M. Wright: Monsieur le président, dans ce domaine, par l'entremise du Bureau du Conseil privé, nous tentons d'établir des liens avec nos homologues à la Maison-Blanche pour faire en sorte que notre approche en matière de sécurité s'applique au gouvernement dans son ensemble. Nous voulons mettre à profit l'expérience de la Déclaration sur la frontière intelligente pour prouver que, avec de la volonté et beaucoup d'efforts, des changements sont possibles.
Il est essentiel d'adopter une approche regroupant le gouvernement dans son intégralité. Sinon, la réglementation de la FDA pourrait dédoubler la réglementation douanière, dont nous avons déjà traité. Il ne sert à rien de régler seulement certains problèmes de la frontière intelligente si d'autres organismes gouvernementaux se permettent d'en créer d'autres.
Nous pourrions en arriver au même niveau dans notre relation en matière de transport et de sécurité maritime, notamment. Si nous comparons nos approches, nous pouvons dire que la nôtre est à tout le moins aussi rigoureuse et satisfaisante que celle des Américains. En établissant des repères et en élaborant ensemble un programme commun, les progrès s'accéléreront. C'est l'un des principaux aspects que nous aimerions renforcer. La vice-première ministre et M. Ridge ont déjà décrit comment consolider cette relation. Nous pouvons déjà envisager des mesures pour ce faire.
Le sénateur Day: Nous voudrons peut-être étudier cela plus en détail. M. Flack, pourriez-vous m'indiquer qui est responsable de la coordination dans les divers ministères en guise de conclusion à cette série de questions?
Ma dernière question sera brève. J'espère que vous pourrez y répondre tout aussi brièvement afin que mes collègues puissent à leur tour vous interroger.
Nous avons entendu parler de l'Accord sur les tiers pays sûrs en matière de réfugiés. Essentiellement, ce qui nous préoccupe le plus, c'est que bien des demandeurs d'asile arrivent au Canada à notre frontière avec les États-Unis, d'après ce que nous ont dit des témoins précédents. Par conséquent, cet accord devrait avoir une incidence importante sur le nombre de demandeurs d'asile qu'accueille le Canada.
Toutefois, cet accord n'a pas encore été mis en oeuvre. Vous avez dit exercer des pressions pour que tel soit le cas. Quelle forme prennent ces pressions?
M. Wright: C'est en effet un aspect très important de notre plan d'action qui a été négocié en 2002 avec les États- Unis. Vous avez raison. Environ 10 000 réfugiés arrivent chaque année à la frontière canado-américaine.
S'agissant des réfugiés provenant de pays à risque — dans le sens que les Américains donnent à ce terme — environ 80 p. 100 des réfugiés qui arrivent au Canada en provenant des États-Unis sont passés par les États-Unis ou par un pays tiers avec un visa américain. Quand vous serez chez nos voisins du Sud, si on vous parle des procédures d'immigration canadiennes, il sera important de noter que nous voulons corriger la situation, mais que les Américains doivent faire partie de la solution.
Voilà pourquoi nous avons négocié l'Accord sur les tiers pays sûrs disposant que nos deux pays reconnaissent l'application régulière dans la loi dans l'un ou l'autre pays. Quand quelqu'un franchit notre frontière, plutôt que de répéter la procédure, on devrait pouvoir renvoyer l'intéressé au pays d'où il vient, les États-Unis, pour que soit menée à bien la procédure visant à déterminer si cette personne est un réfugié légitime. Nous avons négocié en ce sens et les Américains ont accepté cette façon de faire.
La vice-première ministre a indiqué, après avoir rencontré le secrétaire Ridge, qu'il avait signé l'ordonnance réglementaire à ce sujet. Elle a soulevé la question aussi auprès du ministre de la Justice Ashcroft qui semble apparemment disposé à signer aussi. Nous espérons en finir avec les formalités sous peu afin de pouvoir adopter une approche plus rationnelle dans la gestion du nombre important de réfugiés qui traversent notre frontière. Ce n'est pas encore fait, mais nous avons bon espoir que cela le sera dans les mois à venir.
Le sénateur Day: Je ne suis pas convaincu que nos homologues américains comprennent bien l'importance de cette question. Il se peut fort bien que nous en discutions pendant notre visite à Washington. Ai-je raison de croire que ce sont plutôt les Américains que les Canadiens qui retardent la mise en oeuvre de cet accord?
M. Wright: En effet. Peut-être pourrions-nous remettre au président un résumé d'une page sur l'état de la situation. C'est un enjeu crucial. Je répète, 80 p. 100 des réfugiés provenant de pays à risque entrent au Canada en passant par les États-Unis.
Le sénateur Day: Des notes d'information à ce sujet nous seraient très utiles.
Le président: Monsieur Wright, la dernière fois que nous nous sommes penchés sur cette question, il y avait au Canada 50 000 demandeurs d'asile dont 25 000 faisaient l'objet d'un mandat non encore exécuté. D'après les données de Citoyenneté et d'Immigration Canada, 1 million de réfugiés sont dans la même situation aux États-Unis.
M. Wright: Avez-vous dit 1 million?
Le président: Plusieurs millions.
M. Wright: Oui, je crois que c'est le cas.
Le président: Il nous serait utile d'avoir des données comparatives avant notre départ pour les États-Unis.
Le sénateur Atkins: Comment la Charte s'applique-t-elle aux réfugiés qui arrivent au Canada?
M. Flack: Le ministère de la Justice a établi que l'Accord sur les tiers pays sûrs et les règlements connexes, qui a fait l'objet d'une publication préalable en octobre 2002, sont conformes à la Charte. Par conséquent, les droits prévus par la Charte sont conférés à toute personne demandant asile. Toutefois, si ces demandes d'asile sont traitées de façon comparable aux États-Unis, l'Accord sur les tiers pays sûrs facilitera le traitement de ces demandes d'une façon tout à fait conforme à la Charte.
Je signale aussi que, dans le contexte du droit international, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a été consulté et qu'il appuie le principe qui sous-tend l'Accord sur les tiers pays sûrs.
Le sénateur Munson: Monsieur Wright, j'aimerais vous poser une question très générale à laquelle j'espère que vous pourrez donner une réponse précise. Nous avons une stratégie de sécurité nationale. Pourriez-vous nous décrire comment elle se traduit en pratique?
M. Wright: Je crois que nous n'avons pas encore une stratégie de sécurité nationale. Le gouvernement s'est engagé à élaborer un énoncé de politique en matière de sécurité nationale et à le déposer à la Chambre en vue de discussions avec les Canadiens.
Certains éléments du cadre de sécurité nationale sont déjà en place. Le gouvernement nous a demandé d'entamer des travaux avec le comité du cabinet en vue d'en arriver à un énoncé en la matière.
Le sénateur Munson: Quels délais vous a fixé le gouvernement? Cette stratégie de sécurité nationale se fait attendre depuis longtemps.
M. Wright: C'est exact, monsieur le sénateur. La vice-première ministre tient à faire participer pleinement son comité du Cabinet sur la sécurité nationale et la protection civile. Le gouvernement et ce comité comptent des nouveaux ministres dont l'accord est essentiel au cadre de sécurité nationale. Cela prendra donc encore un certain temps. Nous espérons avoir un assez bon cadre d'ici l'été ou le début de l'automne prochain.
Le sénateur Munson: La vice-première ministre a rencontré son homologue, le responsable de la sécurité intérieure, en janvier 2004 pour discuter de l'Alaska et de la coopération canado-américaine en matière de sécurité. Cette rencontre a suscité quelques questions. Le secrétaire Ridge a déclaré que le Canada et les États-Unis pourraient se partager les fonctions de garde côtière et pourraient collaborer dans d'autres aspects de la sécurité de l'Alaska.
Nous nous demandons comment nous pourrions vous aider. Le rapport que notre comité a rendu public en octobre 2003 sur les côtes canadiennes faisait état du fait que la Garde côtière canadienne n'est pas en mesure de bien protéger nos côtes. Je me demande donc si l'idée du secrétaire Ridge est vraiment réelle. Pourriez-vous nous donner d'autres exemples d'efforts communs entre le Canada et les États-Unis pour protéger la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord?
M. Wright: Lors de cette rencontre bilatérale, nous ne sommes pas entrés dans les détails de la situation de l'Alaska. Ce dossier a été mentionné pendant la conférence de presse donnée par la vice-première ministre et le secrétaire Ridge. Quant aux questions soulevées dans le rapport de votre Comité sur la sécurité maritime, nous poursuivons notre dialogue avec les États-Unis à ce sujet.
Je crois devoir noter que le système de protection côtière du Canada lui est propre. Ce système diffère des autres, mais nous n'avons aucune raison d'en être embarrassés, car il nous permet de bien assurer notre sécurité maritime. Nous croyons néanmoins pouvoir progresser avec les États-Unis. Dans le contexte de la biosécurité, nous devrions faire état de notre situation par rapport à celle des organismes américains, déterminer l'objectif que nous voulons atteindre et, collectivement, trouver des solutions auxquelles le Canada pourra contribuer.
C'est un autre domaine où chaque pays pourrait faire mieux et où il pourrait faire mieux en partenariat avec l'autre. Je tiens à mettre l'accent sur le partenariat.
Par ailleurs, nous interagissons souvent avec la Garde côtière. Comme vous le savez sûrement, la Garde côtière américaine est très différente de la nôtre. La Garde côtière canadienne reste une présence extrêmement importante. On pourrait invoquer d'excellents arguments pour accroître cette présence. Toutefois, comme vous l'avez souligné dans votre rapport sur la sécurité maritime, tous les organismes doivent faire un effort d'intégration. Nous tentons d'établir quelle serait la meilleure façon de bien diriger cet effort d'intégration qui nécessitera la contribution de la Marine canadienne, de la Garde côtière canadienne et de notre ministère des Transports.
J'insiste sur l'importance du partenariat et sur notre volonté de nous engager dans un partenariat. C'est clairement ressorti de la rencontre qu'a eue la vice-première ministre avec le secrétaire Ridge, et cela a probablement donné lieu à certaines des discussions qui ont suivi.
Le président: Si vous me le permettez, monsieur Wright, je précise que notre comité ne proposait pas la garde côtière américaine comme modèle pour la nôtre. Vous avez raison de dire que nous souhaitons une meilleure coordination des activités de la garde côtière. Notre comité était d'avis que la Garde côtière canadienne était grandement sous-utilisée et pourrait mieux nous servir si elle était armée. Nous étions aussi d'avis qu'elle était grandement sous-financée, et ce, à un point tel qu'elle ne pouvait pas faire d'exercices. D'ailleurs, nous avons entendu des témoignages selon lesquels la Garde côtière canadienne a dû se retirer en plein exercice avec la garde côtière américaine en raison d'un manque de fonds. Nous estimions que notre garde côtière avait grandement besoin d'une injection de capitaux — que la flotte de la Garde côtière était désuète et que le temps nécessaire à la construction de navires était tel que, si nous décidions d'y consacrer de l'argent dès maintenant, cet investissement ne rapporterait des fruits que dans 10 ans. Voilà ce à quoi le sénateur Munson a fait allusion. Avez-vous des remarques à faire?
M. Wright: J'ai lu le rapport de votre comité et j'ai pris bonne note des observations que vous avez faites. Quand il s'agit de rehausser la capacité du Canada à intervenir en partenariat avec les États-Unis, il ne fait aucun doute que cela comporte de renforcer la capacité de la Garde côtière à servir à d'autres activités.
Pour revenir aux observations de votre comité, nous avons consacré beaucoup de temps à discuter avec nos collègues des conseils à prodiguer à nos ministres sur la meilleure façon de procéder. Je prends bonne note de votre remarque et de l'observation très utile qu'a faite le sénateur Munson.
Le président: Nous avons aussi souligné l'absence quasi totale de capacité dans la Voie maritime du Saint-Laurent et le long des Grands Lacs. Vos propos valent-ils aussi pour ces deux cas-là?
M. Wright: Encore une fois, il est tout à fait censé d'envisager un effort intégré du Canada et des États-Unis pour assurer la sécurité des Grands Lacs. Nous explorons diverses solutions avec nos collègues du ministère des Transports, de la Garde côtière, de la GRC et de la Marine en vue de mieux coordonner les activités des côtes ouest et est et des Grands Lacs, ainsi qu'avec les États-Unis.
Le sénateur Forrestall: J'aimerais aborder deux ou trois questions, dont la plus importante est celle du rapport qu'a publié la Bibliothèque du Congrès sur les pays accueillants pour le crime organisé et le terrorisme. Mais tout d'abord, j'aimerais vous poser une question plus terre à terre sur un sujet qui nous intéresse tous.
Selon les informations que nous avons sous les yeux, au moins 7 p. 100 des conteneurs débarqués dans les ports canadiens font l'objet d'un examen grâce à la technologie utilisée pour les céréales. Nous sommes passés de 2,5 p. 100 à 7 p. 100, ce qui est une augmentation phénoménale. Pourquoi alors ne pas inspecter tous les conteneurs? Où en est ce programme?
M. Wright: J'étais auparavant chargé du programme des douanes et j'ai réussi à faire acheter cet équipement. Je suis étonné de constater qu'on en est déjà à 7 p. 100. Sans moi, je vois mal comment on a pu réaliser de tels progrès.
Le sénateur Forrestall: Surtout, qu'on ne s'arrête pas là.
M. Flack: Vous entendrez sous peu M. Alain Jolicoeur, de l'Agence des services frontaliers, qui assume dorénavant cette responsabilité sur place. Pour ce qui est de la coopération canado-américaine dans ce domaine, d'après notre approche fondée sur la gestion du risque, l'objectif n'est pas d'inspecter tous les conteneurs comme s'ils présentaient tous un risque élevé. Le Canada et les États-Unis emploient tous les deux un système très pointu de ciblage.
Le sénateur Forrestall: Sauf le respect que je vous dois, je sais déjà tout ça et nous n'avons pas de temps à perdre. Je croyais qu'il y avait eu des changements au niveau de la technologie.
M. Wright: C'est simplement qu'on a commencé à utiliser cette technologie. Notre objectif était de 2 p. 100 avant que nous recourions à cette technique. Auparavant, il fallait décharger les conteneurs pour les inspecter. Maintenant, nous pouvons faire un balayage avec l'appareil VACIS pour détecter les anomalies.
L'inspection se fait en trois étapes. Premièrement, nous exigeons à l'avance des informations sur tous les conteneurs entrant au Canada. Cette information est formatée de façon à pouvoir être entrée dans un système de ciblage du risque, ce qui nous permet de bien cibler nos recherches. Puis, nous passons au VACIS ou nous radiographons 7,5 p. 100 des conteneurs, ce qui représente déjà une avancée importante. Quand des anomalies sont détectées, le conteneur est déchargé. C'est ainsi qu'on procède.
Je vous encourage à interroger Alain Jolicoeur et son équipe sur ce pourcentage qui, je l'avoue, est plus élevé que ce à quoi je m'attendais.
Le sénateur Forrestall: C'est ce que je ferai. Je vous remercie.
Nous avons encore des problèmes de poursuites transfrontalières, particulièrement dans les cas de ressortissants étrangers armés. J'aimerais que vous m'en touchiez quelques mots. Sommes-nous en mesure de nous assurer que les traversiers, tels que ceux de Bar Harbor, Vancouver, Victoria et de l'État de Washington, soient exempts d'explosifs? Que faisons-nous dans le cas des voitures, des véhicules et de la marchandise qui traversent notre frontière par bateau?
M. Wright: Nous avons amélioré la sécurité des traversiers et des gares maritimes dans le cadre de notre plan sur la frontière intelligente.
Le sénateur Forrestall: Quelles mesures ont été prises exactement?
M. Wright: Diverses mesures ont été prises. Je reconnais que cela n'a pas été l'une de nos principales priorités, mais des progrès ont été réalisés. Encore une fois, il est bon d'évaluer la situation en fonction des efforts que nous avons faits en commun. Nous pouvons toujours tirer des leçons de l'autre et adopter ses meilleures pratiques, et des améliorations ont été apportées.
Nous tentons aussi de déterminer s'il n'y a pas des solutions technologiques qui pourraient être appliquées et, encore une fois, à cet égard, le nouveau groupe de la technologie peut nous aider.
Le sénateur Forrestall: Qu'est-ce que ça coûterait? Combien d'appareils de ce genre et quelle capacité technique faudrait-il?
M. Wright: Parlez-vous des appareils VACIS?
Le sénateur Forrestall: Oui. Combien en faudrait-il pour assurer la sécurité dans tous nos ports et à tous les points d'entrée et de sortie?
M. Wright: Nous nous occupons de certains points de sortie.
Le sénateur Forrestall: Je l'espère bien.
M. Wright: Nous pourrions en faire plus dans les ports, en effet. Nous le faisons quand l'alerte est de niveau orange aux États-Unis. Cela s'est produit cinq fois; les deux premières fois ont eu une incidence considérable sur notre frontière. Les trois dernières fois, à la demande des Américains, nous avons prévu des vérifications accrues des exportations pour rationaliser la circulation.
Je crois qu'il y a deux appareils VACIS dans les grands ports de Halifax, Vancouver et Montréal et des appareils portatifs destinés aux postes frontaliers terrestres. M. Jolicoeur et Mark Connolly, le chef de la sécurité, seront mieux en mesure de vous répondre.
Le sénateur Forrestall: Pourrais-je revenir à ce rapport sur les pays accueillants pour le crime organisé et le terrorisme?
M. Wright: Parlez-vous du rapport de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis?
Le sénateur Forrestall: Oui, qui a été rendu public l'automne dernier. Même si nous faisons valoir que ce rapport est peu crédible — pour qui se prennent-ils, de quel droit prétendent-ils que nous invitons les criminels et les terroristes chez nous? —quelle est la situation actuelle? Quand nous irons à Washington, comment pourrons-nous réfuter cette accusation?
M. Wright: Cette accusation constitue une condamnation de nos principes démocratiques. Or, le système américain est le même que le nôtre et je ne crois donc pas que vous ayez à réfuter quoi que ce soit. Ce rapport contenait des exagérations, peut-être pas beaucoup, mais il était simpliste à bien des égards.
Je répondrai simplement: regardez ce que nous avons fait. En fait, le 11 septembre, nous avions probablement une meilleure sécurité à certains niveaux des transports, surtout pour le transport aérien; je sais pourtant que vous allez mettre Marc Grégoire, de Transports Canada, sur la sellette. La tragédie d'Air India nous a enseigné quelques leçons terribles, mais qui nous ont permis de gérer notre sécurité aérienne.
Sur un autre plan, le gouvernement est intervenu rapidement, a augmenté les budgets de sécurité de 7,7 milliards de dollars en décembre 2001 et a lancé le programme Frontière intelligente. Nous avons réalisé des progrès énormes. Je tiens à souligner les partenariats que nous avons mis en place, à titre d'exemple, l'Accord sur les tiers pays sûrs et l'inclusion des États-Unis dans la solution adoptée pour assurer la sécurité du Canada. Lorsque 80 p. 100 des réfugiés provenant de pays à risque élevé arrivent au Canada par les États-Unis, les Américains doivent faire partie de la solution. Le président a mentionné certaines personnes qui prolongent leur séjour aux États-Unis sans autorisation et les risques que cela comporte.
Par ailleurs, nous n'essayons pas de les accuser de quoi que ce soit et eux non plus. Ce qui est le plus positif, c'est d'examiner ce qui fonctionne pour les deux pays. Le partenariat fonctionne; la frontière intelligente fonctionne. Le niveau d'efforts intégrés sur les plans du renseignement, des transports, de la question de la frontière et de l'immigration est remarquable. En fait, les États-Unis ont exprimé un intérêt à collaborer encore plus avec nous dans les tiers pays sur nos objectifs communs de sécurité.
Il y aura toujours des plaintes. Nous aurons toujours des choses à apprendre. En fait, je dirais, très respectueusement, que ce comité, à l'occasion, nous a rappelé ce que nous pourrions mieux faire. Il y a toujours quelque chose à améliorer. En définitive, vous avez bien réussi à souligner l'engagement, le partenariat et les résultats obtenus ces dernières années.
Nous sommes heureux de nous comparer à nos collègues américains quant à leurs procédures d'immigration.
Certains aspects sont différents au Canada, et le sénateur Atkins a mentionné certaines de nos obligations au titre de la Charte, une fois que les gens arrivent au Canada. C'est quelque chose qu'il nous faut accepter. Ces protections sont peut-être un peu plus grandes que dans certaines circonstances aux États-Unis. Par contre, les arrivages auxquels nous faisons face sont peut-être moins disséminés.
L'élément essentiel de cette relation globale repose sur la gestion du risque; c'est une question de renseignement. On a augmenté le budget du SCRS de 30 p. 100 en 2001 et on a fait très bon usage de cette ressource. Nos services de renseignement à l'étranger ont vu leur budget augmenter de 25 p. 100. Ils sont maintenant en mesure d'en faire plus. Je dirais que nous avons d'excellents titres de compétence et que les institutions avec lesquelles nous traitons reconnaissent les progrès que nous avons réalisés dans les domaines de l'immigration, du renseignement, des frontières et de la sécurité interne.
Le sénateur Atkins: Quand on déclenche l'alerte orange aux États-Unis, comment prévient-on le Canada et dans quelle mesure sommes-nous renseignés?
M. Wright: Normalement, il y a trois niveaux de contact. Le Bureau du Conseil privé est alerté. Je reçois un message de Richard Falkenrath, de la Maison-Blanche. En général, Chris Hornbarger, qui travaille pour M. Falkenrath, s'adresse à Graham Flack, et nous organisons un entretien entre le vice-premier ministre et le secrétaire Ridge avant que les Américains ne passent au niveau orange. Normalement, dans le cas des services des douanes, on communique avec M. Denis Lefebvre, le deuxième dans ce portefeuille et peut-être maintenant avec Alain Jolicoeur pour le prévenir.
Voilà le genre de contact que nous avons. Nous aimerions quelque chose d'un peu plus formel, mais nous avons eu des échanges très complets de renseignements. Nous avons en fait un partenariat très solide sur l'échange de renseignements avec les États-Unis, qui remonte à la Seconde Guerre mondiale. En fait, lorsque les Américains passent au niveau orange, nous sommes en mesure d'en discuter avec nos spécialistes du renseignement pour avoir une idée de ce qu'ils ont appris pour déterminer si des menaces précises justifient le passage au niveau orange.
Est-ce que nous sommes informés de toutes les menaces en détail? Probablement pas. Il y a toutefois une collaboration considérable sur des menaces précises. C'est certainement le cas de tout ce qui peut concerner le Canada.
Le sénateur Atkins: Nous ne passons pas automatiquement à notre propre niveau orange, n'est-ce pas?
M. Wright: Il faut comprendre que le niveau de menace pour les États-Unis est souvent très différent de ce qu'il est pour le Canada. Nous prenons note du niveau de menace. Nous comprenons ce qui motive les Américains lors d'une menace particulière et nous prenons les mesures appropriées.
Les quelques dernières fois, et particulièrement lors de l'événement de Noël, nous avons fait le point avec nos principaux organismes: le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, le SCRS, la GRC et le ministère des Transports en particulier, à cause de l'importance de la sécurité aérienne. Nous avons constaté qu'il nous fallait prendre des mesures pour améliorer notre sécurité. Nous l'avons fait d'une façon très délibérée et coopérative. Nous avons prévenu les ministres responsables et le premier ministre des mesures que nous prenions.
Le sénateur Banks a souligné la gestion des situations d'urgence. Le gouvernement a fait des démarches importantes le 12 décembre pour réorganiser les procédures à ce niveau et pour coordonner la gestion des situations d'urgence avec le bureau du vice premier ministre. Il existe une procédure qui vise à déterminer si nous sommes à l'aise avec le niveau global des régimes d'alerte au Canada. Jusqu'à présent, vu les menaces auxquelles nous avons été confrontés, nous n'avons pas jugé nécessaire de passer rapidement à un régime d'alerte national, assorti de couleurs.
C'est, par contre, ce qu'ont fait les États-Unis. Certains aspects de la formule fonctionnent mieux que d'autres. Dans toutes les circonstances que nous avons vues jusqu'à présent, nous avons jugé préférable d'adopter une réaction plus appropriée à la situation. Toutefois, je suis persuadé que ce sera un des sujets que notre nouveau ministère va examiner très bientôt pour décider de ce qu'il faut faire dans les situations d'urgence.
Le sénateur Atkins: Ce n'est pas ce que vous recommandez cependant, n'est-ce pas?
M. Wright: Je ne le recommande pas pour l'instant. Je préfère que nous examinions, en profondeur, attentivement, la formule américaine et ce qu'elle implique pour nous. Elle présente des avantages et des inconvénients. Jusqu'à présent, nous avons fait le bilan de chaque situation. Nous avons examiné les renseignements et leur incidence pour le Canada, et nous avons jugé préférable d'adopter une réaction sur mesure et plus ciblée. Toutefois, la question mérite d'être examinée en détail.
Le sénateur Atkins: À d'autres occasions, on nous a parlé des réfugiés qui traversent la frontière, que nous ne retrouvons pas, qui sont probablement 10 000 au pays et que nous ne pourrions pas trouver même si nous essayons de le faire. Est-ce que la situation s'améliore? Est-ce qu'on commence à mettre en place un mécanisme qui nous permette de retracer ces gens?
M. Wright: Nous multiplions nos efforts pour retrouver ceux qui prolongent leur séjour sans autorisation et qui représentent un risque plus élevé. Il y a environ 30 000 de ces personnes qui ont évité l'expulsion ou que nous ne pouvons retracer.
Nous avons parlé du programme US-VISIT, par lequel on tente de garder la trace de tous ceux qui arrivent aux États-Unis et qui en repartent. Nous n'avons rien de semblable au Canada. Nous améliorons notre capacité à obtenir à l'avance de l'information sur les passagers et les listes de noms, et à noter les visiteurs qui arrivent au Canada par avion, mais nous ne notons pas les sorties.
C'est toujours un problème de garder leur trace, parce que nous n'avons rien à l'heure actuelle. Nous avons mieux réussi sur le plan d'une évaluation précise des risques dans le cas de chaque revendicateur du statut de réfugié. S'il y a un élément à risque élevé d'après la GRC ou le SCRS, nous retenons la personne et si ce n'est pas possible, nous faisons de meilleurs efforts pour suivre la personne et travailler avec les forces policières pour assurer un suivi.
M. Flack: Cette approche est semblable à celle adoptée par de nombreux autres pays. Peu de pays au monde ont essayé de mettre en place un système de surveillance des arrivées et des sorties. Il y a Israël; les États-Unis tentent de mettre quelque chose en place. Dans des pays tels que l'Australie, c'est plus facile à faire parce que presque tout le monde arrive par avion. Il n'y a pas de frontière terrestre.
Les revendicateurs du statut de réfugié sont trop nombreux. Nous avons demandé à plusieurs d'entre eux, qui présentent peu de risque, de partir, mais nous ne pouvons pas vérifier s'ils ont quitté le pays, parce que la seule façon de vérifier, ce serait un système de repérage à la sortie.
Comme l'a dit M. Wright, nous avons mis l'accent sur les individus à risque élevé. En plus des mesures prises pour s'assurer de leur départ, nous avons également coordonné plusieurs vols avec les États-Unis — par exemple, des vols pour les individus à risque élevé qui ne peuvent pas prendre les vols des compagnies aériennes commerciales. Nous avons coordonné des vols pour les transporter vers d'autres pays à partir du Canada et des États-Unis.
La plupart des pays du monde seraient obligés de répondre à cette question en disant: «Si nous n'avons pas de système de surveillance à la sortie, nous ne pouvons pas dire exactement combien d'entre eux ont quitté le pays.» On a concentré les ressources sur les individus à risque élevé.
Le sénateur Atkins: Dans votre déclaration, au sujet de la sécurité et de la consultation, vous avez parlé des États- Unis, du Royaume-Uni, de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie et de 17 autres pays. Est-ce qu'Israël en fait partie?
M. Wright: Je ne pense pas que j'ai parlé de 17 pays. Je pense avoir dit «plusieurs» autres. Nous consultons nos collègues en Israël, oui. En fait, j'ai rencontré cette semaine l'ambassadeur d'Israël au Canada et son spécialiste en sécurité. Nous collaborons en permanence avec le monde entier.
Encore une fois, en ma qualité de conseiller national en matière de sécurité, je ne me concentre pas sur la mise en place de protocoles avec mes homologues dans tous les pays du monde. Toutefois, nos organismes sont très actifs à cet égard. Il est certain que le SCRS et d'autres organismes tels que le ministère des Affaires étrangères mettent l'accent sur une très grande coopération en matière de sécurité avec d'autres pays.
Le sénateur Atkins: Il semble qu'Israël ait la meilleure réputation en ce qui concerne la sécurité à bord des avions.
M. Wright: Oui. Je pense que c'est exact. Les Israéliens sont extrêmement intéressés par la direction que prendra le Canada. En fait, ils cherchent activement à promouvoir certaines technologies qu'ils ont parrainées et à trouver un marché en Amérique du Nord.
Le sénateur Atkins: Vous nous avez aussi exhortés à adopter rapidement le projet de loi C-7. Si je comprends bien, il n'y a pas de disposition de temporarisation dans ce projet de loi parce qu'il contient, je présume, un trop grand nombre de dispositions qui modifient d'autres lois.
De plus, je ne pense pas qu'on y trouve de disposition qui prévoit un réexamen. Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet? De nombreuses personnes s'inquiètent que nous adoptons là une autre loi sur les mesures de guerre qui modifiera l'équilibre entre les droits de la personne et la sécurité.
M. Wright: Il y a un équilibre. Nous devons tenter de trouver le bon équilibre, mais il doit s'agir d'un équilibre canadien entre les droits individuels et les droits collectifs. C'est ce que nous avons toujours fait au Canada et je ne pense pas qu'il faut s'en cacher. Je suis fier de la façon dont nous avons créé cet équilibre au Canada. Le débat va continuer. Il faut que nous trouvions la bonne solution.
Je souhaite que le ministère des Transports et le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile envisagent des mécanismes précis de réexamen. Il est certain qu'un examen continuel de la part d'un comité tel que celui-ci serait utile.
En ma qualité de conseiller national en matière de sécurité auprès du premier ministre du Canada, je voulais vous souligner, monsieur, qu'il existe des menaces précises contre les Canadiens et contre les avions canadiens et nous avons l'obligation de les protéger. Ce projet de loi prévoit des mesures importantes de protection. Je pense qu'il a été beaucoup question, entre la Chambre et le Sénat, de la façon de parvenir au bon équilibre. C'est très important pour la sécurité du Canada.
C'est également important en ce qui concerne les vols. Rappelez-vous que de nombreux vols canadiens empruntent l'espace aérien américain, même pour se rendre d'une ville canadienne à une autre. Nous avons constaté, au cours de la période de décembre et depuis lors, l'annulation de plusieurs vols par crainte d'un manque de sécurité à bord de ces vols. Il est de loin préférable d'avoir des solutions canadiennes et de confier à des organismes canadiens un pouvoir suffisant de surveillance pour s'assurer que le régime canadien est sécuritaire.
C'est pourquoi j'implore les éminents sénateurs de tout mettre en oeuvre pour assurer la sécurité, sachant que nous parviendrons au juste équilibre.
Le sénateur Atkins: Vous ne craignez pas que nous n'allions trop loin?
M. Wright: Je ne pense pas. Lorsque j'étais commissaire de l'Agence canadienne des douanes et du revenu, je me suis longuement entretenu avec le commissaire à la protection de la vie privée. À l'issue de cet entretien, nous avons convenu d'insister sur la sécurité nationale. Il y a d'autres exceptions plus spécifiques en ce qui concerne cet équilibre, et je pense qu'il doit en être de même dans cette loi. L'équilibre existe. J'affirme cependant que la sécurité est essentielle.
Je voudrais ajouter que le Canada perçoit encore des menaces précises concernant certains vols, et il nous faut les outils nécessaires pour y faire face.
Le président: Ma première question fera suite aux propos du sénateur Atkins sur l'arrivée des réfugiés. Je pense actuellement à un agent d'immigration du port de Prescott qui venait de s'occuper d'une réfugiée lorsque le comité l'a rencontré il y a un an et demi. Le comité lui a demandé de dire comment se passait l'entrevue. Il a dit quelles questions il avait posées. On a pris la photo et les empreintes digitales de la personne, et on l'a laissée se rendre à l'adresse dont elle disposait, quelque part à Toronto.
Nous avons demandé à cet agent d'immigration quand son service allait revoir la réfugiée. Il a dit: «Peut-être dans 24 mois, peut-être plus tard.»
Il me semble que c'est un délai bien long. L'entrevue dure à peine plus d'une heure et ensuite, pendant deux ans, on n'a plus aucune idée de ce qu'il advient de cette personne, ni de ce qu'elle fait.
Pensez-vous vraiment qu'on puisse déterminer si une personne présente un niveau élevé de risques en se fondant sur une entrevue d'une heure ou deux, sur des empreintes digitales et sur une photo? Peut-on accepter de ne pas savoir exactement où elle est? On nous dit qu'il n'est pas possible de vérifier si la personne est bien à l'adresse qu'elle a donnée et qu'elle n'a pas à prendre contact avec les services gouvernementaux avant 24 mois, sinon plus. Est-ce que tout cela est bien raisonnable, monsieur Wright?
M. Wright: Il y avait un article important dans le journal d'aujourd'hui. Dans sa déclaration du 12 décembre, le gouvernement s'est dit résolu à modifier la procédure de détermination du statut de réfugié, de façon à permettre à la Commission d'agir plus rapidement. Je considère que plus le système sera efficace et mieux nous pourrons servir les intérêts canadiens.
Nous avons fait des progrès. Le gouvernement souhaite envisager d'autres améliorations, notamment en simplifiant et en accélérant l'étude des dossiers des personnes à faible risque pour résorber l'arriéré des dossiers de ce type et se concentrer davantage sur l'inconnu.
Nous sommes en progrès, sénateur, et nos progrès sont importants. Nous avons encore du chemin à faire. L'Accord sur les tiers pays sûrs devrait nous y aider. Mais je vous invite à poser ces questions à mes collègues, pour voir si nous avons un plan d'action qui nous permette d'avancer.
Je sais que chaque revendicateur du statut de réfugié au Canada fait l'objet d'un contrôle de sécurité. C'est important. Les agents d'immigration de première ligne réussissent à déterminer avec précision le niveau de risque relatif de chacun. Est-il possible de faire mieux? C'est ce qu'espère le gouvernement.
En créant l'Agence des services frontaliers du Canada, nous avons regroupé les contrôles d'immigration de première ligne qui, comme vous le savez, sont réalisés par les agents des douanes, et nous y avons intégré d'autres activités d'application de la loi et de renseignement, qui relèvent du portefeuille de la GRC et du SCRS. Le gouvernement souhaite donc que ce changement administratif permette de créer un nouveau service de la sécurité publique et de la protection civile, grâce à une agence intégrée des services frontaliers, afin de faire des progrès véritables, mais ce changement n'y suffira pas à lui seul. Il faut une action de longue haleine.
Je n'ai pas de solutions miracles à vous proposer, sinon pour dire que nous considérons la surveillance comme une priorité, et nous agissons en conséquence.
Le président: Évidemment, la surveillance est importante. Mais il me semble aussi que les ressources font défaut.
M. Wright: La solution tient en partie aux ressources et en partie à la réforme des méthodes. Il nous faut un plan d'action pour voir comment nous traitons cet aspect de nos besoins en sécurité et c'est ce à quoi nous allons nous consacrer.
Le président: Au début de l'audience, le sénateur Banks vous a demandé de décrire vos activités en termes généraux. Pourriez-vous maintenant nous en donner quelques détails? Quand l'un de vos prédécesseurs, Dick Fadden, a comparu devant nous, il dirigeait une équipe de 55 personnes. Nous aimerions connaître vos effectifs actuels, leur répartition et leur agencement. Nous aimerions également connaître vos rapports hiérarchiques avec Margaret Bloodworth et avec la vice-première ministre. Pourriez-vous nous présenter oralement votre organigramme, votre mode de fonctionnement et vos relations hiérarchiques?
M. Wright: Je vais commencer par les ressources. Lorsque Dick Fadden était coordonnateur de la sécurité et du renseignement, je crois qu'il avait une équipe de 55 personnes. J'en ai un peu plus actuellement. Je crois que l'effectif total est de 70 personnes, car on a recruté au service de l'analyse du renseignement.
J'ai sous mes ordres deux postes de sous-ministres adjoints. L'un d'eux est occupé par Bill Elliott, qui est le secrétaire adjoint auprès du cabinet pour la sécurité et le renseignement. Il coordonne la structure des politiques du renseignement de sécurité et surveille l'ensemble du milieu du renseignement pour constater les progrès réalisés. Actuellement, il est aussi responsable de la coordination des activités frontalières, qui est dirigée par Graham Flack. M. Flack apporte la même perspective stratégique sur la gestion des frontières au sein de la structure de sécurité nationale.
Le groupe a gardé les mêmes dimensions, sauf en ce qui concerne les initiatives frontalières. Je crois qu'on y a ajouté trois ou quatre employés.
Le président: Lorsque M. Fadden était ici, il s'est plaint d'être surchargé de travail et de ne pouvoir maintenir le même niveau d'activité. Pourtant, je n'ai constaté aucun ralentissement.
M. Wright: Non, je pense même que le service est encore plus actif actuellement. J'y reviendrai tout à l'heure. C'est l'un des éléments que gèrent M. Elliott. Le deuxième est le comité d'analyse du renseignement, qui est dirigé par Greg Fyffe. Il gère toute l'analyse intégrée du renseignement sur les menaces étrangères qui pèsent sur le Canada. Son effectif a été porté à 15 employés en juillet dernier.
Le président: Pensez-vous que ce soit à ce niveau qu'on fusionne le renseignement pour l'ensemble des services gouvernementaux?
M. Wright: C'est là qu'on fusionne le renseignement pour l'analyse des données concernant les risques d'origine étrangère.
Le président: Est-ce que le renseignement d'origine canadienne est fusionné ailleurs?
M. Wright: Nous sommes en train de créer une capacité intégrée d'évaluation de la menace et de réaction, qui sera pour la menace intérieure l'équivalent du groupe d'analyse du renseignement.
Le président: Quels seront les rapports entre ces deux entités?
M. Wright: Les deux veilleront à ce que je puisse faire régulièrement rapport au premier ministre, par l'intermédiaire de Greg Fyfe, des menaces que nous avons pu constater.
Revenons là-dessus. Le groupe dirigé par M. Elliott s'occupe de sécurité et de renseignement au sein de la structure générale des politiques de sécurité nationale. Il y a aussi le groupe d'analyse du renseignement, un service très efficace qui travaille dans une relative indépendance par rapport aux ministres et même par rapport à moi, pour donner une évaluation professionnelle du renseignement sur les menaces.
Je suis également en rapport avec les services du renseignement étranger. Comme vous le savez, le centre de la sécurité des télécommunications, qui fait partie du ministère de la Défense nationale, relève de ce ministère aux fins administratives mais relève de moi quant à ses politiques.
Nous envisageons un point de contact pour l'analyse intégrée de la menace, qui permettra de tirer partie de l'excellent travail réalisé en matière d'analyse intégrée de la menace au sein du SCRS. Nous voulons intégrer les ressources de l'ensemble du milieu du renseignement, qui devront présenter au gouvernement du Canada une analyse intégrée des différences menaces. Il s'agira d'un effort intégré, n'impliquant pas uniquement le SCRS. C'est une nouvelle démarche que je veux entreprendre, mais je ne veux pas le faire en plaçant ces ressources à l'intérieur du bureau du Conseil privé. Je préfère créer un centre d'expertise qui en assumera la responsabilité et qui, par notre intermédiaire, fera rapport au premier ministre.
Pourrions-nous utiliser davantage de ressources? En effet, est-ce que je demande des ressources supplémentaires? Effectivement. Lors de ma dernière comparution, j'étais submergé de commentaires par le très énergique président de l'époque, M. Reg Alcock, qui voulait savoir pour ces ressources existaient au Bureau du Conseil privé et me demandait s'il n'y avait pas moyen de nous joindre plus intelligemment à l'effort commun. Je pense qu'il y a moyen de le faire. Nous sommes très occupés, nous essayons de nous concentrer et de nous servir des comités du cabinet pour centrer nos efforts.
Je pourrais utiliser des ressources supplémentaires, mais je ne veux pas concentrer l'essentiel du milieu du renseignement au sein du Bureau du Conseil privé. Je préfère conserver sa capacité stratégique, me servir du comité du cabinet et du grand intérêt que porte le premier ministre à ce secteur d'activité pour obtenir ce dont nous avons besoin.
Vous m'avez posé une question sur mon rôle et sur mes relations avec Margaret Bloodworth, qui est sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile; son service relevait précédemment du solliciteur général. Elle est désormais responsable de l'Agence des services frontaliers du Canada et elle est chargée très précisément de la gestion des situations d'urgence. Elle a en outre reçu du ministère de la Justice des fonctions supplémentaires en matière pénale, qui concerne notamment le rôle de la GRC. La sécurité publique et la protection civile forment un très grand service qui est actuellement en transition, et Mme Bloodworth apporte à la ministre Mclellan un appui remarquable.
Pour le reste, la vice-première ministre préside un comité du cabinet qui est responsable de l'ensemble des politiques de sécurité nationale du gouvernement; il s'agit là en fait, de son ministère élargi. On y trouve les fonctions du ministère de la Défense, du ministère des Affaires étrangères, y compris l'aide étrangère et l'immigration, du ministère des Transports et du ministère des Pêches et des Océans, qui englobe la Garde côtière. Je viens en aide à la vice première ministre, qui couvre l'ensemble du gouvernement, qui préside ce comité du cabinet et qui doit présenter une structure intégrée des politiques de sécurité nationale.
Son ministère en constitue un élément essentiel. Évidemment, il y a un rapport entre la protection civile et les autres éléments essentiels comme la sécurité aux frontières et le SCRS. Il existe par ailleurs un important programme de changement qui doit faire jouer un rôle important au ministère, mais qui pourrait poser problème. Nous sommes en contact chaque semaine — presque chaque jour — sur plusieurs dossiers.
Le président: Comment se fait la coordination entre vous et Mme Bloodworth?
M. Wright: Elle se fait comme avec n'importe quel sous-ministre en fonction des orientations prises par les ministères quant à leur action en matière de sécurité. Je suis tenu au courant de ce qu'ils font et je sais comment leur action s'intègre à la structure de sécurité aux frontières, mais je ne fais pas le travail pour eux. Si je peux intervenir au niveau de la Maison blanche pour évoquer un problème, je le fais. Mon rôle est de coordonner l'ensemble de l'action gouvernementale, et non pas d'agir simplement en tant que sous-ministre, c'est-à-dire pour gérer des programmes essentiels.
Le président: Merci.
Le dernier sujet que je voudrais aborder concerne notre programme de contrôle aux frontières. Il me semble que nos progrès sont actuellement limités par les dépenses importantes qu'il faudrait consacrer aux infrastructures. Tant que nous n'aurons pas dépensé des dizaines ou des centaines de millions de dollars dans des postes frontaliers comme Sarnia, Windsor et Niagara Falls pour créer des files multiples ou des postes d'inspection en dehors de la zone frontalière, notre frontière ne sera pas fonctionnelle. En fait, nous risquons toujours de voir notre frontière fermée accidentellement, ne serait-ce qu'à cause d'un pneu à plat. Les systèmes mis en place pour accélérer le passage à la frontière risquent d'être battus en brèche si les gens n'ont pas accès à la file express à cause d'un manque d'infrastructures.
Le gouvernement a-t-il des plans pour traiter ces dossiers? Quand devrions-nous voir les premiers résultats?
M. Wright: C'est une question importante. Elle comporte trois thèmes. Tout d'abord, comme vous l'avez dit, nous avons ces nouveaux programmes remarquables — comme FAST, par exemple — pour la circulation des camions. L'importateur ou l'exportateur qui s'y inscrit obtient plus rapidement le dédouanement. Cependant, il ne sert à rien d'avoir la carte du programme si on ne peut pas accéder au poste frontalier.
Notre objectif premier doit être la mise en place de files d'accès réservées aux camions participant au programme FAST. C'est déjà ce que l'on propose en Colombie-Britannique. À Sarnia, les camions qui n'ont pas obtenu le dédouanement FAST doivent rester dans la file d'attente pendant plus de deux heures. Lorsqu'un camion a le dédouanement FAST, il peut passer en cinq minutes environ. Le programme ne s'applique pas encore à Windsor. Je vais voir en priorité comment on peut intégrer les investissements nécessaires pour que le prédédouanement accélère l'accès au territoire américain à Windsor.
Deuxièmement, les besoins en infrastructures sont très apparents à Windsor, qui connaît d'énormes problèmes de circulation. Il va falloir trouver une solution intégrée pour progresser dans cette région, même si des progrès ont déjà été réalisés l'année dernière. Le ministre d'État aux infrastructures, M. Andy Scott, le ministre des Transports, M. Tony Valeri et la vice-première ministre, Mme Anne McLellan, s'intéressent au poste frontalier de Windsor. Il et important d'investir non seulement pour accélérer le passage, mais aussi pour servir les intérêts locaux qui vont bénéficier d'une circulation plus rapide des camions. Cette priorité nécessitera des moyens supplémentaires. Des ressources ont été libérées pour renforcer l'efficacité aux frontières, et nous tenons à les utiliser.
Troisièmement, il va falloir innover dans les méthodes des douanes canadiennes et américaines. Nous continuons à en parler avec nos homologues de la Maison-Blanche et du Homeland Security. Il faut envisager des mesures comme le prédouanement aérien pour que les investissements à long terme dans les infrastructures permettent aux agents des douanes, de part et d'autre de la frontière, de tirer le meilleur parti des contrôles frontaliers. C'est là une priorité dont nous discutons avec nos collègues américains. Les ministres sont en train d'étudier ces investissements en infrastructures, notamment en ce qui concerne les files réservées, qui constituent la priorité absolue. Les sénateurs pourront évoquer cette question avec M. Jolicoeur, de l'Agence des services frontaliers du Canada.
Le sénateur Munson: Monsieur Wright, vous avez parlé de menaces constantes et vous avez mentionné le SCRS. Ce service va-t-il déployer des agents à l'étranger pour recueillir des renseignements sur d'éventuelles menaces criminelles ou terroristes? Le SCRS coopère-t-il avec son homologue américain en matière de renseignement?
M. Wright: Sénateur Munson, le SCRS a pour mandat de protéger les Canadiens de tout ce qui peut menacer la sécurité nationale. Si cela l'amène à travailler à l'étranger, il le fait. Certains prétendent que le service aurait besoin d'une capacité supplémentaire pour travailler davantage à l'étranger afin d'assurer notre sécurité, et je vais l'envisager. Mais le SCRS a déjà ce mandat.
Nous avons d'autres sources de renseignement à l'étranger. Certaines activités de renseignement à l'étranger sont réparties entre les intérêts de sécurité — l'anti-terrorisme, la non-prolifération et l'appui à nos troupes déployées à l'étranger — et le renseignement économique ou le renseignement de politique étrangère. Au cours des années à venir, j'ai l'intention d'accentuer l'effort sur les besoins de sécurité. Tout le milieu du renseignement est favorable à cette tendance. Depuis le 11 septembre, il y a eu constamment des menaces à la sécurité du Canada et il faut donc accentuer nos efforts au service des besoins de sécurité. Il faut donc également que le SCRS fasse évoluer ses activités à l'étranger.
Le sénateur Munson: Quel type d'expansion recommandez-vous?
M. Wright: Le comité a recommandé qu'on lui accorde des ressources financières supplémentaires pour qu'il puisse étendre son rôle à l'étranger afin de remplir son mandat, qui est d'assurer la sécurité des Canadiens. Si les crédits nécessaires concernent la sécurité des Canadiens, ils seront faciles à justifier. Encore une fois, le SCRS a déjà un rôle à jouer, qu'il assume en fonction des besoins. Je ne prévois pas de changement radical à cet égard dans l'immédiat. Chaque fois que l'on révise la structure de sécurité nationale, plusieurs tiennent à parler du rôle du renseignement à l'étranger. Je suis tout à fait prêt à en parler.
Le sénateur Day: Monsieur Wright, j'aimerais vous demander des précisions dans le prolongement de la question du sénateur Kenny sur votre rôle auprès de la ministre McLellan et de la sous-ministre Bloodworth.
Le directeur du SCRS relève de la ministre McLellan. Est-ce que Mme Bloodworth ou vous-même avez un rôle à jouer au sujet du SCRS considéré comme organisme distinct? Quelle est votre situation et celle de Mme Bloodworth vis-à-vis du SCRS?
M. Wright: La ministre est responsable devant le Parlement du SCRS et de l'Agence des services frontaliers. M. Alcock et M. Jolicoeur relèvent d'elle. Dans la gestion de l'ensemble du portefeuille de ces organismes, Mme Bloodworth donne son avis au ministre responsable. Elle donne donc son avis sur le SCRS.
Mon rôle de conseiller national pour la sécurité auprès du premier ministre consiste à connaître le milieu du renseignement au Canada, au SCRS, à la GRC, au sein du portefeuille de la vice-première ministre ainsi qu'à la Défense, aux Affaires étrangères et à l'Immigration. C'est donc un effort intégré.
Mme Bloodworth offre son soutien à la vice-première ministre en tant que ministre responsable. Comme d'autres membres du Conseil privé, je lui offre moi aussi mon soutien dans ses fonctions de vice-première ministre.
Le sénateur Day: Est-ce que le SCRS effectue lui-même son recrutement, est-ce lui qui détermine ses besoins en ressources humaines et qui élabore son propre budget? Je suppose que vous l'y aidez.
M. Wright: Oui, et Mme Bloodworth aussi. Si le SCRS veut augmenter son budget, il doit passer par le ministère des Finances et par le Conseil du Trésor. Tout d'abord, il doit obtenir l'appui de la ministre et de la sous-ministre, Mme Bloodworth. Il devra aussi obtenir mon appui avant que le premier ministre n'approuve sa démarche. C'est un autre avantage.
Les forces sont équilibrées et efficaces.
Le sénateur Day: Je crois que je commence à comprendre. Merci.
Le président: Merci, sénateur Day.
Quand nous sommes allés à Washington pour la dernière fois, votre service nous a apporté une aide précieuse en nous remettant à l'avance une étude comparative. On y voyait ce qui se passe du côté canadien et du côté américain. Nous aimerions bénéficier à l'avenir de ce genre d'appui, en plus des documents que vous vous êtes déjà engagé à fournir au comité.
M. Wright: Nous vous l'offrirons bien volontiers. C'est un voyage très important. Nous avons toujours eu de bons rapports et nous misons sur le partenariat. Nous estimons que grâce au partenariat, nous pouvons renforcer grandement la sécurité en Amérique du Nord tout en servant les intérêts du Canada. Votre visite à Washington devrait y contribuer.
Le président: Quand nous nous adressons à l'administration américaine, nous avons l'impression de participer à ce genre de dialogue. Quand nous nous adressons à des comités du congrès, il y a davantage de concurrence. Il est parfois essentiel de comprendre chaque argument selon les deux perspectives en présence.
M. Wright: C'est pourquoi votre visite aux États-Unis est essentielle pour nous, et je vous souhaite bonne chance.
Le président: Votre témoignage a été très utile au comité dans le cadre de la préparation de cette visite et nous avons hâte que vous reveniez nous parler de vos activités actuelles.
Pour ceux qui suivent nos délibérations, les prochains témoins du comité seront M. Jolicoeur, Mme Debra Normoyle et M. Connolly, de l'Agence des services frontaliers du Canada.
Alain Jolicoeur a fait ses études à Québec et à Montréal. En juillet 1999, après avoir occupé plusieurs postes dans la fonction publique, il est devenu sous-ministre adjoint du Revenu national et commissaire adjoint de l'Agence canadienne des douanes et du revenu. En septembre 2002, M. Jolicoeur est devenu sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord. Il a occupé ce poste jusqu'au 12 décembre 2003, date à laquelle il a été nommé président de l'Agence des services frontaliers du Canada.
M. Mark Connolly dirige les Services de la contrebande, du renseignement et des enquêtes des douanes à l'Agence des services frontaliers du Canada. Après avoir commencé comme inspecteur des douanes en 1973, M. Connolly a occupé plusieurs postes essentiels de gestion sur le terrain et à l'administration centrale. Il est actuellement responsable des politiques, des programmes, des projets et des systèmes concernant le renseignement, les enquêtes et la répression de la contrebande.
Debra Normoyle a assumé des responsabilités de plus en plus élevées dans divers ministères fédéraux. En décembre 2003, elle est devenue directrice de l'Exécution de la Loi sur l'immigration au sein de l'Agence des services frontaliers du Canada nouvellement créée. À ce titre Mme Normoyle est responsable des programmes nationaux d'exécution de la Loi sur l'immigration, qui couvrent les activités d'investigation, d'audience, de détention et de renvoi.
Soyez les bienvenus au comité. Je crois que M. Jolicoeur a une courte déclaration à nos présenter. Vous avez la parole.
M. Alain Jolicoeur, président, ministère de la Sécurité publique et Protection civile Canada, Agence des services frontaliers du Canada: Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je comparais aujourd'hui pour présenter une mise à jour sur la contribution de l'Agence des services frontaliers du Canada à la Déclaration sur la frontière intelligente et au plan d'action connexe en 32 points.
Je suis heureux que Mme Normoyle, responsable du programme de l'exécution de la Loi sur l'immigration, et M. Marc Connolly, qui dirige les services de répression de la contrebande, du renseignement et des enquêtes des douanes, aient pu se joindre à moi.
L'Agence dirige 11 initiatives du Plan d'action en collaboration avec le U.S. Bureau of Customs and Border Protection. Avant d'entrer dans les détails, j'aimerais vous parler brièvement de la création de l'ASFC et de nos objectifs.
La sécurité constitue un sujet de préoccupation depuis le 11 septembre 2001. Du point de vue de l'application de la loi, l'une des plus précieuses leçons que nous avons apprises depuis est l'importance d'entretenir une étroite collaboration entre les intervenants nationaux et avec d'autres administrations.
L'Agence des services frontaliers du Canada, qui a été créée le 12 décembre 2003, fait partie du nouveau portefeuille de la sécurité publique et de la protection civile. Ce portefeuille porte sur la protection civile, la gestion des situations d'urgence, la sécurité nationale, les services correctionnels, le maintien de l'ordre (la GRC), la surveillance, la prévention du crime et les services frontaliers. L'ASFC relève de l'honorable Anne McLellan, vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
L'Agence des services frontaliers du Canada rassemble la plupart des principaux intervenants qui jouent un rôle dans la facilitation et la gestion du mouvement des marchandises et des personnes qui entrent au Canada. Elle regroupe plusieurs fonctions clés qui étaient auparavant réparties dans trois organismes: le programme des douanes relevait de l'Agence des douanes et du revenu du Canada; le programme du renseignement, de la répression et de l'exécution, de Citoyenneté et Immigration Canada; et le programme d'inspection des importations aux points d'entrée, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Le mandat de la nouvelle agence consiste à gérer les frontières du pays grâce à l'application et à l'exécution de quelque 75 lois nationales régissant les échanges commerciaux et les déplacements, ainsi que d'ententes et de conventions internationales.
Depuis que j'occupe mon poste et depuis le 12 décembre, date de création de l'agence, j'ai eu au moins trois rencontres avec mon homologue américain, le commissaire des douanes et de la protection des frontières, Rob Bonner. Je me suis entretenu avec lui de la collaboration dans la perspective d'un plan d'action intégrée aux frontières.
Quant aux progrès sur les initiatives du plan en 32 points, la création de l'ASFC s'est déjà révélée avantageuse pour nos relations avec le ministère américain de la Sécurité intérieure, et en particulier avec le Bureau des douanes et de la protection des frontières. J'aimerais souligner que nous avons accompli des progrès remarquables dans nos travaux avec les États-Unis sur nos initiatives conjointes du plan en 32 points et dans l'ensemble de nos relations.
Par exemple, au cours des premiers jours suivant la création du plan en 32 points, les deux administrations douanières ont mis en oeuvre conjointement le programme de ciblage des conteneurs en transit dans cinq ports d'Amérique du Nord. Grâce à ce programme, nous pouvons maintenant regrouper nos ressources et nos renseignements afin de mieux cibler les conteneurs et le fret à risque élevé en provenance de l'étranger.
Dans l'immédiat, jusqu'à ce que notre propre système soit en place, nous utiliserons le système américain ATS, Automated Targeting System, qui nous permet d'éviter un processus de ciblage manuel très coûteux en temps et en main-d'oeuvre. L'ATS permet un premier filtrage de l'information sur le fret et isole les expéditions représentant un certain niveau de risque. Nous pouvons ensuite resserrer le contrôle et déterminer les conteneurs qui devront être examinés.
Le programme de ciblage des conteneurs en transit et les leçons que nous avons tirées de cette expérience ont grandement contribué à l'élaboration du programme de l'information préalable sur les expéditions commerciales. Ce programme obligera les transporteurs à transmettre à l'avance les données clés sur le fret par voie électronique à l'ASFC et améliorera considérablement notre capacité à sélectionner les conteneurs et à cibler les marchandises représentant un risque élevé avant leur chargement. Sa mise en oeuvre débutera dans le secteur maritime en avril 2004. Les transporteurs maritimes seront alors tenus de déclarer le fret à l'ASFC 24 heures avant leur chargement à bord du navire dans le port étranger. Le programme sera étendu à d'autres modes de transport à compter d'avril 2005.
Nous avons également été très actifs dans le traitement des personnes. Je suis heureux d'annoncer que la mise en oeuvre du système d'information préalable sur les voyageurs/dossier des passagers se déroule très bien. Nous recevons actuellement des données IPV de 99 p. 100 des transporteurs qui assurent des vols à destination du Canada et nous prévoyons la mise en oeuvre complète des dossiers passagers avant la fin de l'année.
De plus, afin de repousser leurs frontières, le Canada et les États-Unis ont déployé des «agents d'intégrité des mouvements migratoires», ou AIMM, à l'étranger. Ces agents travaillent avec les transporteurs aériens et les autorités locales et partagent des renseignements afin d'intercepter les migrants illégaux qui se dirigent vers l'Amérique du Nord. En 2002, les AIMM ont réussi à intercepter 68 p. 100 des tentatives d'entrée illégale par voie aérienne, ce qui signifie que plus de 6 000 personnes ont été arrêtées avant même d'avoir quitté leur pays d'origine.
De plus, en ce qui a trait aux illégaux, le Canada et les États-Unis ont uni leurs forces pour renvoyer près de 800 étrangers. Nos deux pays collaborent ensemble pour retenir les services de vols nolisés comme méthode de rechange aux transporteurs commerciaux pour les renvois.
Le Centre national d'évaluation des risques du Canada, ou CNER, a ouvert ses portes le 13 janvier 2004. Nous avons également commencé un échange automatisé des avis de surveillance avec les agents américains du CNER, qui sont en service 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et nous entretenons une relation étroite régulière avec le U.S. National Targeting Center. La mise en oeuvre du CNER constitue une étape importante du renforcement de notre capacité de gestion du risque. Maintenant que le centre est en place, nous veillerons à terminer les travaux entrepris avec les États- Unis sur la cotation des risques que représentent les passagers.
À la frontière terrestre avec les États-Unis, les programmes NEXUS et EXPRES ont été mis en oeuvre dans tous les grands ports frontaliers. Le programme EXPRES est opérationnel dans 12 bureaux et les 56 600 participants au programme NEXUS ont accès à un traitement accéléré dans 10 et bientôt dans 11 postes frontaliers terrestres. Étant donné qu'il s'agit là de la plupart de nos bureaux les plus occupés, nous pouvons affirmer que la mise en oeuvre de ces programmes contribue grandement à atténuer la congestion à la frontière.
Malgré nos succès, nous avons toujours d'importants défis à relever. Nous devons nous assurer que les éléments qui entravent présentement l'infrastructure, notamment dans les postes frontaliers occupés du sud de l'Ontario, seront réglés le plus tôt possible afin que nous puissions établir des voies NEXUS et EXPRES qui nous aideront à maintenir la libre circulation des marchandises et des personnes à la frontière.
Depuis notre dernière comparution devant le comité, nous avons réussi à conclure une entente avec le Bureau américain des douanes et de la protection des frontières ainsi qu'avec les principales compagnies de chemins de fer du Canada. L'énoncé de principe quadripartite qui a été signé en avril 2003 permettra l'installation d'appareils de détection VACIS à sept endroits du côté américain de la frontière. De leur côté, le CN et le CP ont accepté de faire de la place pour les appareils VACIS des États-Unis dans leurs gares de triage de Sarnia et de Windsor, en Ontario. Nous croyons que cette entente assurera un bon écoulement du trafic ferroviaire entre le Canada et les États-Unis.
Je suis convaincu que notre relation avec nos homologues américains va rester très positive. Nous continuons à faire d'importants progrès dans nos programmes conjoints. L'ASFC a hâte de travailler avec toutes les parties intéressées pour faire du Canada un pays sûr et prospère.
Je vous remercie de nous avoir donné la parole aujourd'hui et nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le sénateur Forrestall: J'aimerais aborder quelques questions d'ordre administratif, sur lesquelles j'aimerais avoir des précisions.
Des mesures de protection sont mises en oeuvre dans les gares maritimes aux États-Unis et au Canada, sur la côte ouest, sur la côte est, dans les Grands Lacs et sur les cours d'eau frontaliers. J'aimerais que l'on parle du système VACIS et de sa capacité à détecter les bombes sales qui pourraient être placées dans des conteneurs. J'aimerais en particulier savoir si nous sommes passés de 2,5 à 7 p. 100 d'efficacité au sein de ce programme. Nous obtenons d'excellents résultats du côté ferroviaire, je crois. Que faudrait-il pour atteindre le même niveau d'efficacité dans le domaine maritime?
Commencez par la question de la sécurité portuaire, s'il vous plaît. Je l'ai posée à cause des préoccupations soulevées ces dernières semaines par des agents armés qui effectuent des poursuites transfrontalières. Quelles lignes directrices ont été appliquées à cette occasion, et leur action était-elle légale? Les lignes directrices sont-elles adéquates ou font- elles défaut? Que pourrait-il se passer si aucun protocole ne régit les poursuites transfrontalières qui pourraient nécessiter de l'hébergement au Canada?
M. Jolicoeur: La première question concerne notre capacité à vérifier la nature de ce qui peut arriver sur notre territoire dans des conteneurs. Elle porte sur l'efficacité et le taux de vérification de conteneurs. L'honorable sénateur a fait référence au nombre d'appareils VACIS dont nous aurions besoin pour assurer un certain pourcentage de vérification — disons 7 p. 100 — dans l'ensemble du pays.
Il est essentiel pour nous de pouvoir adapter nos stratégies d'une façon que ceux qui sont susceptibles de nous envoyer de la drogue ou des bombes sales ne puissent pas percevoir ni comprendre. Il est essentiel pour nous de pouvoir mener nos actions de façon imprévisible en des points et à des moments différents. Par conséquent, si nous annoncions publiquement que nous allons effectuer exactement tel taux de vérification à tel endroit, nous abaisserions considérablement le niveau de sécurité du Canada. C'est une chose que nous savons déjà, car du côté du contrôle des personnes, nous constatons que certains essaient d'entrer illégalement au Canada en s'adaptant à notre stratégie, et en choisissant leur point d'entrée. Il faut donc, pour ainsi dire, faire preuve de prudence dans l'évocation du déploiement de nos forces.
En ce qui concerne le pourcentage des vérifications effectuées, il était de 3 p. 100, réparti de façon assez uniforme, avant la mise en service des appareils VACIS. Ceux-ci visent certains éléments précis et sont déployés de différentes façons. Certains sont mobiles et peuvent être déplacés d'un endroit à un autre en fonction des renseignements reçus.
Le pourcentage des vérifications que nous pourrions effectuer actuellement grâce aux appareils VACIS n'est pas limité par la disponibilité de ces appareils, encore qu'il serait préférable d'en avoir davantage; la question consiste surtout à déterminer chronologiquement ce qu'il faut faire de chaque appareil. Actuellement, les ressources humaines et la formation sont les facteurs essentiels à considérer si nous voulons avoir suffisamment d'agents à déployer de la façon la plus efficace.
M. Connolly rectifiera si je me trompe, mais je ne pense pas que nous soyons limités par le nombre d'appareils dont nous disposons actuellement. Il s'agit davantage de former un plus grand nombre d'agents à leur utilisation afin d'en tirer pleinement parti.
De façon générale, je pense que nous nous rapprochons de notre objectif. Je ne veux pas donner de détails trop précis sur le nombre d'appareils en service ici ou là, car ces éléments ne doivent pas être évoqués publiquement, mais nous nous rapprochons de l'objectif de 7 p. 100. Je ne sais pas si M. Connolly connaît précisément le chiffre actuel.
M. Mark Connolly, chef, Contrebande, Service du renseignement et enquêtes des douanes, Agence des services frontaliers du Canada: Honorables sénateurs, nous n'avons pas de chiffre précis par site. Certains sites ont évidemment un volume plus élevé que d'autres. Cela dépend du volume du trafic et du type de risque en cause. Ce n'est pas tant le nombre des examens qui importe, mais plutôt leur qualité. Comme l'a dit M. Jolicoeur, la formation des agents est importante car mieux ils sont formés, moins ils perdront de temps en utilisant les appareils sur des conteneurs qui n'ont pas à être ciblés. Les appareils signalent des anomalies et c'est en déterminant la nature de ces anomalies qu'on peut décider d'effectuer un contrôle.
Nous avons déployé 11 appareils VACIS mobiles dans l'ensemble du pays et nous avons trois autres appareils, de la taille d'une palette, de type stationnaire, qui seront déployés prochainement. L'un d'eux a déjà été installé à Montréal.
Nous avons mis en place d'autres systèmes nouveaux à rayons X et à faible énergie pour les bagages et les marchandises. Nous avons doublé le nombre de nos unités déployées sur le terrain, pour le porter à 104. Nous avons également 120 spectromètres mobiles qui servent à détecter les narcotiques, les explosifs, et cetera.
Par ailleurs, notre programme canin a augmenté de 25 p. 100. Depuis le 11 septembre, nous avons augmenté le nombre de nos chiens détecteurs sur le terrain. Toutes ces mesures relèvent d'une approche plus holistique de la détection de la contrebande.
En ce qui concerne le nombre des examens réalisés, il peut varier d'un site à l'autre et peut également augmenter au besoin. Les appareils mobiles VACIS nous confèrent la souplesse nécessaire pour intervenir dans les zones à risque élevé et pour intensifier au besoin nos contrôles.
Le sénateur Forrestall: C'est intéressant. Mais je ne comprends pas très bien. Nous approchons des 7 p. 100. Y a-t-il eu une augmentation à partir de 2,5 ou 3 p. 100 en un an, ou est-ce à cause de la nature du matériel et de la capacité de détecter les anomalies qui peuvent justifier un examen plus complet? J'ai été assez impressionné par l'amélioration de notre capacité à détecter ce que renferme un conteneur.
M. Jolicoeur: Si vous me le permettez, je ne voudrais pas vous donner l'impression que nous ouvrons un si grand nombre de conteneurs.
Le sénateur Forrestall: Vous n'en ouvrez pas beaucoup, n'est-ce pas?
M. Jolicoeur: Non, mais nous en ouvrons certains. Grâce au VACIS, nous améliorons nos taux d'interception tout en ouvrant un moins grand nombre de conteneurs. Quant au pourcentage des conteneurs contrôlés, il dépend des moyens technologiques mis en oeuvre. Le chiffre le moins élevé est celui des conteneurs que nous vidons complètement pour examiner tous les objets aux rayons X. Que nous utilisions l'appareil VACIS ou une autre méthode, les moyens mis en oeuvre augmentent en fonction du risque. Plus nous avons de renseignements sur un conteneur, plus nous risquons de l'ouvrir et d'en vérifier le contenu.
Le sénateur Forrestall: Je ne sais pas si vous avez entendu le témoignage de M. Wright ce matin. Il a parlé d'un montant important du fonds d'infrastructures qui serait disponible. Est-ce qu'il s'agit d'argent sous-utilisé? Avez-vous le droit de dire que vous croulez sous des fonds que vous ne pouvez pas utiliser alors que tous les autres sont fauchés?
M. Jolicoeur: Nous aussi, nous sommes fauchés. Sénateur, le fonds d'infrastructures relève du ministre Scott. Il concerne essentiellement les infrastructures et les routes. C'est un fonds destiné aux infrastructures frontalières. Six cents millions de dollars ont été réservés à cette fin. Dans plusieurs postes frontaliers, la solution en matière de sécurité, d'économie et de fluidité du trafic dépend essentiellement des infrastructures proprement dites, du nombre de files d'attente et de l'architecture des aménagements.
On trouve au pont Blue Water de Sarnia un bon exemple de la façon d'utiliser plus intelligemment la technologie. J'y suis allé quelques semaines après la création de l'agence, et on voit bien la différence entre le client ordinaire qui doit attendre deux heures un jour normal, et celui qui participe au système FAST, qui n'a que cinq minutes à attendre. Le même jour, avec le même type de défis à Windsor, les durées d'attente étaient de deux heures contre 1 h 55 minutes, car le client FAST devait rester derrière les autres.
Les infrastructures et la facilité d'accès au poste frontalier sont plus déterminantes que la technologie ou le système en service au poste frontalier.
Le sénateur Forrestall: J'aurais une autre question à poser sur les zones de sécurité dans les gares maritimes qui accueillent le trafic transfrontalier entre le Canada et les États-Unis. Pourquoi est-ce qu'on s'intéresse surtout aux importations? N'avons-nous pas l'obligation d'envoyer à l'extérieur des conteneurs de marchandises qui ne présentent aucun risque? Pourquoi est-ce qu'on insiste toujours sur les importations, et pourquoi n'en fait-on pas autant pour les exportations?
J'ai l'impression que si quelqu'un veut faire passer son conteneur par le Canada, il pourra le faire facilement et si le pays auquel le conteneur est destiné n'est pas sur ses gardes, on risque de se retrouver dans la situation qu'évoquait le fameux rapport de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis il y a quelques années. J'espère que ce rapport est désormais périmé et que personne n'en tient plus compte.
M. Jolicoeur: Je vais demander à M. Connolly de m'aider en ce qui concerne le programme actuel des exportations, car les douanes ont aussi une certaine responsabilité en matière d'exportations, mais sur un point précis que je connais moins bien.
Avec les Américains, nous avons opté conjointement pour une orientation commune: nous voulons repousser nos frontières et nous renseigner sur les conteneurs avant qu'ils ne quittent un port étranger en direction du Canada. Pour ce faire, nous sollicitons l'aide des organisations douanières des autres pays.
Le sénateur Forrestall: Est-ce que vous pouvez remonter plus loin en direction du pays d'origine?
M. Jolicoeur: Non, ce n'est pas dans nos plans actuellement. Nous nous intéressons au port d'où le conteneur part à destination du Canada. Nous demandons aux services douaniers du pays en question de faire certaines vérifications pour nous. Voilà notre plan. Un moment donné, nous serons invités à faire la même chose. Autrement dit, pour que le système fonctionne, les douanes canadiennes doivent intervenir davantage du côté des exportations. Nous n'en sommes pas encore là, mais dans certains domaines, nous avons déjà des responsabilités concernant les exportations.
M. Connolly: Notre approche comporte plusieurs volets. Il ne s'agit pas uniquement d'utiliser du matériel, que ce soit à l'importation ou à l'exportation; il s'agit d'obtenir des renseignements et de cibler l'analyse pour se concentrer sur les conteneurs à risque élevé et non pas sur les conteneurs ou les personnes qui présentent peu d'intérêt pour nous. Du coté des exportations, par exemple, nous avons des régimes particuliers applicables aux marchandises contrôlées qui nécessitent des licences d'exportation du ministère des Affaires étrangères. Par exemple, en vertu du Traité international sur la réglementation des armements, le Canada s'engage à ce que les moyens technologiques qui lui parviennent de l'étranger, essentiellement des États-Unis, ne soient pas réexportés vers des pays qui ne doivent pas en disposer. Nous suivons le trajet de ces marchandises. Nous les ciblons afin qu'elles ne soient pas exportées illégalement. Nous vérifions également les licences des marchandises qui sont assujetties à un contrôle des exportations et des importations en vertu de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Nous avons plusieurs programmes, nous effectuons au besoin des vérifications sur les conteneurs ou sur les camions qui transportent des marchandises vers l'étranger.
Les véhicules volés suscitent également notre intérêt. Nous collaborons avec les services de police pour cibler certains conteneurs transportés par bateau. Nous utilisons nos moyens technologiques pour les examiner. Nous avons réussi à retrouver des véhicules, souvent de grand luxe, qui avaient été volés au Canada ou aux États-Unis et qu'on essayait d'exporter.
Dans son exposé liminaire, M. Jolicoeur a parlé du programme qui cible les conteneurs en transit dans les ports. Ils sont importés au Canada et transitent à l'exportation vers les États-Unis. Nous avons mis en place un programme énergique qui s'applique au Canada et aux États-Unis; nous avons des agents aux États-Unis et nous accueillons ici des agents américains qui utilisent divers systèmes et qui échangent de l'information afin de cibler les conteneurs et les marchandises qui transitent au Canada à destination des États-Unis ou qui transitent aux États-Unis à destination du Canada. Voilà un programme qui concerne les exportations. Même si nous n'examinons pas tout ce qui quitte le Canada, nous mettons l'accent sur les conteneurs à haut risque qui nécessitent notre attention.
Le président: Pouvez-vous nous indiquer le nombre d'unités que peut traiter un appareil VACIS en une heure?
M. Connolly: Nous pouvons traiter une trentaine de conteneurs par heure s'ils arrivent avec un débit constant. Ce n'est pas le taux que nous visons, car il y a aussi du travail à faire en amont. Comme je l'ai dit, notre approche comporte plusieurs volets, mais au besoin, on pourrait en traiter 30 par heure.
Le président: En ce qui concerne les appareils VACIS utilisés sur les trains de marchandises, quel est le taux des faux positifs?
M. Connolly: Je n'ai pas ce renseignement, mais je pourrais vous le fournir, sénateur.
Le président: Si vous pouviez le communiquer au comité, il serait intéressant de connaître également les faux négatifs et les vrais négatifs.
Les Américains ont-ils des programmes comparables à nos programmes FAST et NEXUS, et comment s'appellent- ils?
M. Jolicoeur: Ce sont des programmes conjoints.
Le président: Ce sont des programmes conjoints. Un Américain qui veut franchir notre frontière peut recourir à un programme FAST ou NEXUS.
M. Jolicoeur: Nous avons des centres conjoints d'inscription. Nous faisons les mêmes vérifications des deux côtés. On trouve les mêmes cartes FAST ou NEXUS des deux côtés de la frontière.
Le président: Une dernière vérification concernant l'inspection des exportations: il me semble, monsieur Connolly, que vous vous occupez surtout des exigences de la loi. Pourriez-vous nous dire de quel type de loi vous auriez besoin pour obtenir une capacité générale d'inspection sur tout ce qui franchit nos frontières?
M. Connolly: Honorables sénateurs, la loi nous permet déjà d'examiner tout ce qui sort du Canada. Nous mettons l'accent sur les marchandises qui nécessitent une licence et sur les secteurs à haut risque. Évidemment, si nous avons des renseignements sur des exportations illégales, par exemple des produits chimiques précurseurs ou quelque chose du genre, nous allons intervenir. Nous avons les pouvoirs habilitants nécessaires et nous nous en servons. Par exemple, en ce qui concerne les véhicules volés, nous avons décidé de nous y intéresser parce qu'il s'agit d'un domaine à haut risque.
Le président: En ce qui concerne la législation, vous avez tout ce qu'il vous faut pour inspecter tout ce qui quitte le pays. Vous pouvez examiner toutes les marchandises qui sont exportées.
M. Connolly: C'est exact.
Le sénateur Munson: Dans votre exposé, vous avez dit que le Canada et les États-Unis avaient uni leurs efforts pour renvoyer près de 800 étrangers et qu'ils coopéraient afin d'utiliser des vols nolisés plutôt que des vols des compagnies aériennes pour effectuer les renvois. J'aurais quelques questions à ce sujet. Qui sont ces étrangers? Est-ce qu'ils sont répertoriés par pays d'origine? Quels risques présentent-ils pour la sécurité? Au bout de combien de temps ont-ils été renvoyés? Y a-t-il des gardes armés à bord des vols nolisés? Combien ont coûté ces renvois?
M. Jolicoeur: Je vais demander à Mme Normoyle de m'aider.
Je crois savoir que nous renvoyons environ 10 000 personnes par année. La stratégie selon laquelle nous ordonnons à certaines personnes de quitter le pays est fondé sur le risque. Plus le problème de sécurité est grave, plus le délai du renvoi sera court une fois que nous aurons obtenu une ordonnance de renvoi. Dans la majorité des cas, la personne est escortée par des gardes à bord d'un vol ordinaire. À ma connaissance, quand cela se produit, elle est escortée par deux gardes.
Le coût global est réduit par ces vols nolisés qui sont plus économiques pour nous. Je n'ai pas le coût global mais ma collègue l'a peut-être.
Mme Debra Normoyle, chef, Exécution de la Loi sur l'immigration, Agence des services frontaliers du Canada: Depuis 2201, le Canada a participé à 11 vols nolisés avec le Department of Homeland Security des États-Unis. Sur les 800 personnes transportées — 800 pour les deux pays — 130 venaient du Canada. Huit des vols étaient destinés au Nigéria, un à la Somalie, un à la Jordanie et un au Zimbabwe. Sur les 11, les É.-U. en ont organisé 10 et le Canada a organisé le vol à destination du Zimbabwe.
Pour ce qui est des coûts, depuis le 11 septembre 2001, le gouvernement affecte 1 million de dollars par an pour les vols nolisés mixtes Canada-États-Unis. Pour des renvois, nous donnons d'abord la priorité aux cas de sécurité, au crime organisé et aux violations des droits de l'homme. Le renvoi de criminels est notre deuxième priorité. La troisième passerait normalement par les vols commerciaux.
Le sénateur Cordy: J'aimerais savoir exactement comment fonctionne le système d'agents d'intégrité des mouvements migratoires. Cela dépasse nos frontières et nous permet d'éviter que des gens entrent au pays et ainsi qu'on ait à les renvoyer ensuite dans leur pays d'origine.
Le Canada et les États-Unis ont déployé de tels agents à l'étranger. Travaillent-ils ensemble dans ces pays?
M. Jolicoeur: C'est le même concept que pour les marchandises. C'est-à-dire que nous avons une frontière multiple et une frontière extérieure avant que des marchandises ne soient chargées sur les navires et que les gens montent à bord des avions.
Jusqu'à la limite de la frontière terrestre elle-même, pour ceux qui ont réussi à passer, nous avons des centres d'exécution de la loi au Canada qui essaient de repérer ceux qui pourraient être criminels ou autres et qui ont réussi à passer illégalement. C'est un processus continu.
Les AIMM sont essentiellement des agents de renseignement secret. Ils réunissent les informations et partagent leur connaissance et expertise, qu'il s'agisse de compagnies aériennes ou d'autres employés de la CIC à l'étranger afin de faire exactement ce que vous disiez. Étant donné qu'ils sont dans le secteur du renseignement, lorsqu'il y a des cas à haut risque, il y a habituellement une collaboration entre les Services de renseignements canadiens et américains. Je ne pense pas que l'on ait déployé toutefois du personnel de façon mixte. Les deux pays en ont.
Pour les marchandises, nous examinons avec les Américains la répartition du personnel afin de nous compléter et de nous aider mutuellement. Ils pourraient être à certains endroits et nous à d'autres. Le nombre d'AIMM n'est pas tellement important et, essentiellement, ces gens-là ont été répartis en fonction des besoins spécifiques du Canada.
Le sénateur Cordy: Ce ne sont pas des gens que nous verrons aux aéroports. Ils seraient plutôt en coulisse à recueillir des renseignements sur le fait qu'un groupe de personnes ou certains particuliers se préparent à venir au Canada. Pourraient-ils arrêter des gens avant qu'ils arrivent à l'aéroport ou donneraient-ils les renseignements aux agents de douane à l'aéroport? Comment cela marche-t-il?
M. Jolicoeur: Je crois qu'ils partageraient ces renseignements, s'ils ont des inquiétudes, avec les compagnies aériennes qui prennent ces gens-là.
Mme Normoyle: Selon les renseignements qu'ils ont réunis, ils peuvent également travailler avec les autorités aéroportuaires — qu'il s'agisse de l'administration aéroportuaire et des compagnies aériennes elles-mêmes — afin d'intercepter ces individus. Puis, selon les informations qu'ils ont, soit ils renverront ces gens-là à un bureau d'émission de visas, il s'agit d'une question de papier, soit ils les livreront à la police locale. Tout dépend de la situation.
Le Canada a ce système d'agents d'intégrité des mouvements migratoires depuis plus de 10 ans et est à l'avant-garde de ce concept en matière d'immigration. Les États-Unis l'apprécient beaucoup et nous avons partagé avec eux notre expérience de ces 10 dernières années. Comme l'a dit M. Jolicoeur, bien que nous ne travaillions pas conjointement, il est évident que sur le terrain, là où les États-Unis ont eux aussi des agents d'intégrité des mouvements migratoires au même endroit, nous travaillons la main dans la main. Nous avons de tels agents à 38 endroits dans le monde. J'ai la liste si ça vous intéresse.
Le sénateur Cordy: Comment savons-nous que nous avons intercepté 68 p. 100 des tentatives d'entrée illégale? Comment savez-vous que 32 p. 100 sont effectivement entrés au Canada?
M. Jolicoeur: J'ai eu la même réaction que vous. Ce sont des gens que nous interceptons — pour la plupart à l'étranger. Autrement dit, les autres sont interceptés à la frontière, aux aéroports, et cetera. Nous en interceptons plus avant le décollage qu'à la frontière.
Le sénateur Cordy: Je regarde également l'information préalable sur les voyageurs, ou les dossiers passagers que vous avez maintenant. Vous avez dit que les choses se déroulent très bien. Il semble aussi que si 99 p. 100 des transporteurs fournissent maintenant ces données, cela va en effet extrêmement bien. Pour le 1 p. 100 qui ne le fait pas, s'agit-il d'une compagnie aérienne d'un pays particulier ou est-ce 1 p. 100 des renseignements qui ne vous ont pas été fournis?
M. Connolly: Nous pourrions vous donner le lieu exact. Ce chiffre de 1 p. 100 concerne essentiellement une ou deux compagnies aériennes. Ça ne concerne pas l'ensemble.
Le sénateur Cordy: Fait-on actuellement le nécessaire pour que ces compagnies fournissent ces renseignements d'ici à la fin de l'année?
M. Connolly: Oui.
Le sénateur Cordy: Qu'arrivera-t-il si elles ne le font pas?
M. Connolly: Il y a des sanctions monétaires administratives qui s'appliqueront si les renseignements ne sont pas fournis dans les délais requis.
Le sénateur Cordy: Cela devrait en effet beaucoup aider à réunir des renseignements de sécurité nécessaires qui, comme vous l'avez tous dit et le comité en convient certainement, est ce qu'il y a de plus important pour la sécurité de notre pays et de nos frontières. Toutefois, beaucoup de Canadiens s'inquiètent de la question de la protection de la vie privée des Canadiens et des voyageurs par rapport aux besoins d'information des ministères sur les gens qui arrivent au Canada. Comment peut-on équilibrer les deux pour que nous puissions obtenir les informations voulues et garantir aux Canadiens et aux autres que l'on ne s'ingère pas dans leur vie privée?
M. Jolicoeur: C'est une question très complexe qui a déjà été débattue par les comités parlementaires. Dans notre cas l'IPV est simplement un moyen de savoir à l'avance qui va atterrir au Canada. Cela donne aux agents des douanes aux aéroports plus de 12 secondes pour décider qui est et qui n'est pas dangereux. Douze secondes, ce n'est pas beaucoup pour une telle décision.
Du point de vue de la vie privée, le fait que l'IPV puisse donner des renseignements six ou huit heures avant l'arrivée n'est pas tellement une grosse concession puisque ces renseignements doivent de toute façon être donnés quand les gens atterrissent. Nous sommes simplement avertis un peu avant qu'ils n'arrivent. De ce point de vue, ce n'est pas une concession tellement importante si l'on considère l'avantage énorme que cela représente du point de vue de la sécurité.
Il y a aussi le fait que l'on garde ces renseignements après l'arrivée. Nous avons débattu de la façon de les conserver et du temps pendant lequel les conserver. Quelles mesures de sécurité peuvent nous assurer que ces informations ne seront pas communiquées à d'autres? Il est important pour les renseignements et la gestion des risques de conserver ces renseignements un certain temps.
Nous examinons et discutons de la question avec le Commissaire à la protection de la vie privée qui nous a donné sa bénédiction. Très franchement, c'est un peu plus difficile pour ce qui est des renseignements du DT qui donne plus de détails tels que où, quand et comment les gens achètent leurs billets. Là encore il y a des limites à ce que nous pouvons faire de ces renseignements et au nombre de données que nous sommes autorisés à conserver. Cela a été considérablement réduit par rapport à la proposition initiale. Ainsi, nous satisfaisons aux exigences du Commissaire à la protection de la vie privée et, évidemment, de tous les Canadiens.
Il est plus difficile de mesurer le niveau de risque qui justifierait de partager certains de ces renseignements avec d'autres pays — en particulier les États-Unis, mais également les pays européens — qui ont des préoccupations similaires quant au respect de la vie privée. Sur la scène internationale, nous essayons de parvenir à un équilibre entre le raisonnable, le possible et le niveau de risque qui justifierait de partager certains renseignements. C'est une question d'ordre social difficile.
Le sénateur Cordy: En effet. Il semble que vous discutiez à fond de la question tant au palier national qu'international.
Le comité doit aller à Washington en mars. Vous avez dit que vous avez eu trois rencontres depuis décembre avec vos homologues américains. Nous devrions aussi voir des membres du Congrès et du Sénat. Y a-t-il des questions clés ou des messages importants que nous devrions présenter de la part du Canada à cette occasion? Quelquefois les messages passent mieux lorsqu'il s'agit d'entretiens personnels ou en petits groupes avec des législateurs américains. Y a-t-il un message particulier que le comité devrait transmettre à ses collègues américains?
M. Jolicoeur: À mon avis, l'une des plus grandes difficultés que nous rencontrons actuellement ne relève pas tellement de la science de la sécurité et de la façon dont nous opérons que de la façon dont les États-Unis perçoivent une faiblesse dans notre système. C'est une perception qui disparaît lorsque nous effectuons des comparaisons avec nos collègues. J'en ai parlé avec M. Bonner et il est d'accord.
Il faut continuellement répéter que nous nous référons continuellement à ce qui se pratique chez eux. Lorsque nous sommes un peu en retard sur un point, nous opérons les ajustements nécessaires et ils en font autant. La plupart des actions stratégiques que nous avons eues depuis le 11 septembre sont venues du Canada et les États-Unis ont dû finir par adopter notre perspective à la frontière.
Toutefois, qu'il s'agisse du Congrès, du Sénat ou de tout autre palier politique ou encore des journaux, on dit que les problèmes viennent du Canada. À mon avis, la population américaine semble croire que notre niveau de sécurité n'est pas ce qu'il devrait être.
Le sénateur Cordy: Nous avons déjà essayé de faire passer ce message et je suppose que nous allons devoir continuer.
Le président: À ce propos, monsieur Jolicoeur, pourriez-vous préparer une note à l'intention du comité en exposant, point par point, les domaines dans lesquels le Canada a montré la voie ainsi que ceux dans lesquels nous continuons à devancer les États-Unis? L'expérience nous a montré que, de façon générale, le gouvernement américain est assez au courant mais que les informations ne semblent pas passer au Congrès.
Pourriez-vous préparer une telle note d'information pour le comité?
M. Jolicoeur: Certainement.
Le président: Vous pourriez indiquer les choses point par point et nous montrer où en sont les États-Unis et le Canada et qui fait et ne fait pas les choses.
Le sénateur Banks et moi-même avons eu une rencontre avec le représentant américain Bart Stupak du Michigan. Il s'inquiétait beaucoup de l'équipe intégrée de la police des frontières (EIPF), dans sa circonscription frontalière. Or c'est l'un des coprésidents du groupe frontalier Canada-États-Unis. Êtes-vous en mesure tout d'abord de créer des équipes ou pouvez-vous nous donner des renseignements qui satisferaient M. Stupak lorsque nous irons à Washington et l'assureraient que sa partie de leur frontière est bien protégée?
M. Jolicoeur: Pour ce qui est des détails touchant les EIPF, je demanderais à M. Connolly de répondre.
M. Connolly: D'où est le représentant Stupak, s'il vous plaît?
Le président: Du nord du Michigan, de l'autre côté de Sault Ste. Marie.
M. Connolly: Il n'y a pas d'EIPF à Sault Ste. Marie.
Le président: Il en veut une.
M. Connolly: Les EIPF sont des services de police mixte dont s'occupe la GRC. Il y a évidement d'autres activités à Sault Ste Marie et d'autres opérations militaires mixtes menées de temps à autre en fonction des risques.
L'idée, à propos de ces EIPF le long de la frontière est qu'elles doivent être placées d'abord dans les régions où le risque est le plus élevé. Il y actuellement 14 équipes en place le long de la frontière. Vous avez raison, il n'y en a pas à Sault Ste. Marie. Toutefois, plusieurs services de police de la région surveillent la frontière.
Le président: En dehors de lui dire qu'il se trouve dans une région sûre, pourriez-vous nous donner des renseignements qui le réconforteraient un peu plus? Nous poursuivrons la question des EIPF avec la GRC lorsque nous en aurons l'occasion.
M. Connolly: Certainement, monsieur le président, je ferai cela.
Le sénateur Banks: Je me rappelle que le représentant Stupak s'inquiétait de l'accès par l'eau.
J'aimerais quelques précisions sur ce que vous nous avez déjà répondu. Vous avez parlé des différences entre nos systèmes. À Washington, on nous signale des différences pour ce qui est des demandeurs de statut de réfugié et de la façon dont nous les traitons en attendant que leurs demandes aient été réglées par rapport à la façon dont les États- Unis s'y prennent. De façon générale, le sentiment est qu'aux États-Unis, les demandeurs de statut de réfugié sont internés jusqu'à ce que leur cas soit réglé et que nous ne faisons pas cela ici. Ils nous critiquent donc. Si vous pouviez traiter cela dans l'analyse que vous a demandé de préparer le président, cela nous aiderait.
Je voudrais aussi que l'on revienne sur certains chiffres. Mme Normoyle, si je ne m'abuse, vous avez dit que nous expulsons environ 10 000 personnes par an?
Mme Normoyle: Au cours des sept dernières années, je crois que la moyenne a été de 8 200 par an.
Le sénateur Banks: Je crois que M. Jolicoeur a dit que nous avons coopéré avec les États-Unis pour en expulser 800. Parlait-il spécifiquement de la façon de les sortir d'Amérique du Nord?
Mme Normoyle: Ce sont les 800 personnes qui ont été expulsées d'Amérique du Nord. Sur ces 800, il y en a 130 qui venaient du Canada.
Le sénateur Banks: Mais vous avez dit que l'on en expulse 8 200 par an. Qu'en est-il des 7 600 autres; comment sont- ils sortis du pays? Nous avons là 800 puis vous dites 8 200. Je ne comprends pas.
Mme Normoyle: Il y a eu un total combiné de 800 expulsés qui ont été renvoyés sur des vols nolisés mixtes avec les États-Unis. Nous utilisons autrement les compagnies aériennes commerciales.
Le sénateur Banks: Pour les 7 600 autres?
Mme Normoyle: Oui. Il arrive fréquemment que les gens que nous expulsons soient accompagnés par nos agents d'escorte.
Le sénateur Banks: Quant à la raison pour laquelle on a utilisé un avion nolisé pour emmener quelqu'un au Zimbabwe, j'ai eu l'impression que l'on parlait d'efficacité et d'économie.
Mme Normoyle: Dans ce cas, il s'agissait d'un cas sérieux de criminel.
Le sénateur Banks: C'est ce que je voulais voir confirmé. Il ne s'agit pas d'économiser de l'argent. Sauf si l'on envoie 150 personnes au Zimbabwe, il est plus économique de transporter une seule personne par vol commercial. Ce devait donc être une question de sécurité.
Mme Normoyle: Certainement. C'est là que ces vols mixtes sont précieux parce que nous combinons nos ressources avec les États-Unis et qu'ils ont plus de monde à envoyer dans ces divers pays.
Le sénateur Banks: Aussi, les considérations vont au-delà des économies, et il s'agit de sécurité?
Mme Normoyle: Oui.
M. Jolicoeur: Quand on décide d'utiliser un vol nolisé, c'est essentiellement pour une raison de sécurité; toutefois, si nous le faisons avec les États-Unis, c'est pour une raison d'économie, parce que nous ne pouvons tout faire nous- mêmes.
Le sénateur Banks: Et c'est la raison pour laquelle nous avons organisé le vol nolisé à destination du Zimbabwe.
Le sénateur Banks: Monsieur le président, vous avez parlé des AIMM qui réussissent à intercepter 68 p. 100 des tentatives d'entrée illégale. Je suppose que vous faites allusion aux «tentatives connues» parce que nous ne savons pas combien se sont fait prendre.
Vous avez aussi dit que vous utilisez actuellement le système de reconnaissance automatisée des cibles des États-Unis pendant que nous mettons le nôtre au point. Je suis pour que tout soit canadien. Toutefois, si ce système fonctionne bien, et si nous l'utilisons actuellement et que nous parlons d'intégrer nos systèmes, en quoi notre système sera-t-il différent ou mieux que le système américain?
M. Jolicoeur: Un système contient deux éléments. Il y a la plate-forme électronique et la logique interne du système. Il y a également des profils spécifiques intégrés au système. Par exemple, dans un port à un certain endroit, nous pouvons décider de cibler des zones précises en fonction du trafic qui passe par là ou d'autres caractéristiques. Dans d'autres secteurs, nous ciblerons autre chose, selon les caractéristiques des différentes localités. Quoi que nous fassions, il faut ajuster les systèmes au profil de risque. La question n'est pas tellement de savoir quel système de base on utilise en fait, c'est plus comment nous l'utilisons et comment nous l'adaptons à nos risques locaux en temps réel.
Le sénateur Banks: D'accord.
Madame Normoyle, quand vous avez répondu au président, vous avez dit que vous pourriez nous donner des renseignements concernant le nombre d'AIMM et le lieu où ils se trouvent. Pouvez-vous nous le dire déjà?
Mme Normoyle: Nous avons 45 AIMM à 38 endroits différents. J'ai une liste de ces endroits que je peux vous laisser.
Le sénateur Banks: Ce serait très utile.
Y en a-t-il beaucoup aux États-Unis?
Mme Normoyle: Non.
Le sénateur Banks: Essentiellement en dehors des États-Unis?
Mme Normoyle: Oui.
Le sénateur Banks: Les services de sécurité des États-Unis, dont il y a encore plus que chez nous, ont-ils des agents semblables au Canada?
M. Jolicoeur: Je ne sais pas s'il y a des équivalents des AIMM, mais nous avons des services mixtes pour les marchandises commerciales. J'ai récemment eu une rencontre avec deux de ces personnes à Montréal.
Le sénateur Banks: Je pensais plutôt à l'immigration qu'aux douanes.
M. Jolicoeur: Je ne sais pas.
Mme Normoyle: En vertu de l'Accord sur la frontière commune entre le Canada et les États-Unis, nous avions un projet visant des services mixtes pour les voyageurs qui nous permettait de travailler avec nos collègues aux États-Unis. Nous avions un service mixte d'analyse des voyageurs à Vancouver et un à Miami. Il y avait là un agent américain qui travaillait au sein d'un service canadien d'analyse des voyageurs. Il ne s'agissait toutefois que d'un projet pilote mixte.
Le sénateur Banks: Cela existe toujours?
Mme Normoyle: Non, c'est terminé.
Le sénateur Banks: Ça ne marchait pas?
Mme Normoyle: Ça marchait très bien.
Le sénateur Banks: Pourquoi y a-t-on mis fin?
Le sénateur Jolicoeur: On y a mis fin lorsque l'on est passé au Centre national d'évaluation des risques où ils faisaient la même chose. Maintenant, nous partageons les renseignements.
En outre, il y a dans certains aéroports canadiens des zones de prédédouanement où les douanes américaines font passer la douane au Canada.
Le sénateur Banks: Je sais cela.
D'autres témoins nous ont parlé d'un programme qui utiliserait des systèmes de détection montés sur grue visant spécifiquement les matériaux radioactifs dans les conteneurs. L'idée était qu'en montant de tels systèmes sur les grues qui sortent les conteneurs des navires, nous pourrions déterminer de façon pratiquement certaine qu'aucun conteneur sortant des navires — en transit ou destinés au Canada — ne contiendrait de matières radioactives de certain type. Je pense en particulier à la bombe sale, qui était une des choses qui inquiétait à propos des conteneurs. Où en est ce programme?
M. Jolicoeur: Je ferai quelques observations générales et M. Connolly pourra peut-être vous donner plus de détails.
J'estime que c'est une excellente idée très intéressante. Si je voulais mettre le système en échec, je saurais exactement comme le faire. De façon générale, si quelque chose n'est pas protégé, on pourrait détecter les radiations qui viennent de ce bateau, à condition d'avoir un appareil suffisamment sensible.
Je ne sais pas si quiconque a prévu cela ou si nous l'avons fait. Monsieur Connolly?
M. Connolly: Merci.
En effet, sénateur, nous en avons parlé à l'audience du comité à Halifax, en Nouvelle-Écosse.
Nous avons fait une série de tests pilotes pour évaluer le matériel de détection de radiation en partenariat avec le port de Halifax. Nous avons testé le détecteur de radiation de portique, monté sur une grue qui sort les conteneurs des navires. Nous avons testé un système appelé «Carborne» qui est essentiellement un système monté sur un véhicule qui parcourt le port en vérifiant divers conteneurs et que l'on peut transporter également ailleurs. Nous avons aussi testé un portique qui ressemble à une porte de l'autre côté de la voie de chemin de fer et qui lit les radiations alors que passe le train.
Nous en sommes à finaliser nos évaluations. Nous avons déjà conclu que Carborne est un assez bon système — c'est le système mobile. Nous avons signé certains contrats pour acheter quelques appareils. Nous avons un protocole d'entente de recherche avec les États-Unis. Nous avons échangé des informations avec eux. Ils achètent aussi certains de ces appareils Carborne qui sont fabriqués au Canada.
Nous avons aussi conclu que les portiques ferroviaires donnent d'assez bons résultats. Lorsque nous aurons fini le rapport d'évaluation, il est possible que nous nous en procurions aussi.
Pour ce qui est du système de détection monté sur grue, nous effectuons d'autres tests sur les portiques et nous examinons d'autres modèles. Il y a eu quelques problèmes au moment de tests et de l'évaluation. Nous essayons de voir ce que l'on peut faire et espérons pouvoir avancer là-dessus rapidement.
Pour le moment, nous examinons différents modèles. Nous effectuerons d'autres tests et évaluation.
Le sénateur Banks: Avez-vous une idée du temps que cela pourra prendre, monsieur Connolly?
M. Connolly: Ces tests seront faits cette année. Il est difficile de savoir quand nous aurons une décision.
Le sénateur Banks: Les responsables de la sécurité dans les ports canadiens et américains nous ont dit que l'on craint qu'une bombe sale arrive à l'un ou l'autre de nos ports nord-américains par bateau. Cela représenterait un danger avant même qu'elle soit déchargée par grue ou déposée au sol où le système Carborne pourrait la détecter.
Si ces systèmes fonctionnent, envisage-t-on de les utiliser pour examiner les conteneurs avant qu'ils soient chargés dans les grands ports internationaux sur des navires à destination de l'Amérique du Nord?
M. Connolly: Évidemment, sénateur, cela dépendrait du pays d'où ils viennent et de ses moyens physiques et autres. Cela coûte cher.
Vous vous souviendrez que nous avons parlé tout à l'heure du système d'information avancé sur les marchandises et du fait qu'il nous faudra recevoir des renseignements détaillés sur les conteneurs maritimes à destination du Canada 24 heures avant qu'ils ne soient chargés sur le navire. Nous espérons que grâce à nos analyses et à nos services de renseignement, nous pourrons détecter une telle menace. Si quelque chose de cette ampleur devait se produire, nous pourrions le détecter avant que le conteneur ne soit chargé sur un navire à destination du Canada.
Le sénateur Banks: Cela ne suppose-t-il pas que le gars qui mettra quelque chose de méchant dans l'un de ces conteneurs vous le dise? Si j'expédiais de la contrebande ou une bombe sale dans ce conteneur, comment en seriez-vous avisé si vous vous en tenez au rapport donné par les gens qui chargent les navires?
M. Connolly: Sénateur, ce n'est là qu'une source d'information parmi d'autres. Nous travaillons avec nos partenaires du monde entier à réunir ce genre de renseignements.
Le Canada va avoir un programme complet de sécurité maritime. Nous avons un groupe qui y travaille. Il s'agit d'un groupe interministériel sur la sécurité maritime qui examine un certain nombre d'initiatives. Cela commence par la principale reconnaissance, à savoir les navires en mer, ce que l'on fait lorsque ces navires sont encore en mer, au bord de l'eau et, évidemment, une fois que les marchandises sont déchargées au Canada.
Nous avons une démarche à plusieurs niveaux. On peut acheter toute la technologie du monde sans que cela ne permette forcément de détecter certaines des choses qu'il faut savoir si on n'utilise pas le matériel au bon endroit. Cela englobe le renseignement de sécurité, les informations, l'analyse et la coopération avec nos partenaires. Cela nécessite aussi de recourir à certaines technologies et d'avoir des gens bien formés pour détecter et intercepter ce que l'on recherche.
Le sénateur Banks: Êtes-vous d'avis que dans tous les domaines dont nous avons parlé ce matin, les choses avancent aussi vite qu'il faut, avec ce nouveau régime de sécurité, qu'il n'y a plus d'entrave administrative ou de cloisonnement qui entrave votre action?
M. Jolicoeur: Nous avons fait des progrès incroyables ces deux ou trois dernières années. Nous avançons très rapidement. Je ne dirai pas que nous ne sommes pas du tout limités par des contraintes bureaucratiques. Nous avançons rapidement avec d'autres pays, y compris les États-Unis. Nous allons continuer à progresser mais nous ne créerons jamais un régime 100 p. 100 sûr parce que nous ne voudrions pas vivre dans une société où tout serait vérifié à ce point-là.
La technologie nous aide beaucoup. Comme M. Connolly l'a dit tout à l'heure, nous recourons de plus en plus aux moyens technologiques. Nous avons trouvé collectivement de meilleurs moyens de répondre aux risques.
Les progrès que nous avons réalisés ne devraient pas déplaire. L'objectif est de continuer à nous améliorer et à identifier tous les points faibles. C'est le but visé par notre gestion des risques.
Le président: Monsieur Jolicoeur, pour en revenir à la sécurité dans les ports, sauf erreur, en mai 2002, vous avez fait un exercice de recherche de points de repère incluant Newark, Seattle, Tacoma, Miami, Montréal, Halifax et Vancouver. Il y a eu des recommandations dont de plus de 42 sont appliquées depuis.
Pourriez-vous nous fournir la liste de ces recommandations?
M. Jolicoeur: Je demanderai à M. Connolly de vous répondre.
M. Connolly: Oui, monsieur le président. Nous avons fait un exercice de recherche de points de repère de concert avec des ministères de l'administration américaine auquel a participé Immigration Canada et d'autres partenaires dont ceux du secteur privé aux points d'entrée. Le but de l'opération était de déterminer les meilleures méthodes en comparant les nôtres aux leurs et de déterminer les domaines dans lesquels nous pourrions coopérer ou dans lesquels nous pourrions mieux faire.
Il y a eu 42 recommandations. Elles sont toutes appliquées aujourd'hui. Certaines sont totalement en place, d'autres sont sur le point de l'être, elles ont toutes été suivies d'action. Par exemple, nos systèmes de dépistage préalable des conteneurs — le programme CSI aux États-Unis et le programme IPEC au Canada — sont considérés parmi les meilleurs et impliquent à la fois la mise en place de nouveaux outils technologiques aux points d'entrée maritimes et la formation et le déploiement des agents responsables. Cette étude nous a permis de découvrir beaucoup de choses. Nous avons déterminé les meilleures techniques d'examen, les moyens de partager ces techniques et les meilleurs moyens de nous informer mutuellement sur la situation dans nos ports. Nous avons étudié ensemble toutes ces questions et nos deux pays ont pris les mesures conséquentes.
Je n'ai pas la liste de toutes les recommandations qui sont déjà appliquées, mais je sais qu'un grand nombre d'entre elles sont encore en cours d'application. Elles ont toutes été mises en place ou sont sur le point de l'être.
Le président: Ma question était: Pourriez-vous nous fournir cette liste et nous dire où en est chaque recommandation?
M. Connolly: Oui.
Le président: Merci. En même temps, notre comité avait déposé un rapport en février 2002 intitulé «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense», qui contenait un certain nombre de recommandations sur la sécurité de nos ports. Pourriez-vous nous dire lesquelles de ces recommandations ont été suivies d'action et lesquelles sont toujours en souffrance?
M. Jolicoeur: Oui, sans problème.
Le président: Merci, monsieur Jolicoeur.
J'aimerais maintenant parler du système d'information avancée sur les marchandises. En vertu de ce système, le Canada est informé 24 heures à l'avance des marchandises chargées dans un port étranger. Pourriez-vous nous dire exactement comment cela se passe? Qui prépare cette information? Comment est-elle transmise au Canada? Qui la reçoit? Qu'en fait-on?
Pourriez-vous nous décrire le fonctionnement de ce système en nous donnant un exemple et en énumérant toutes les étapes de la procédure?
M. Connolly: Je vais vous décrire ce qui se passe aujourd'hui et ce qui se passera demain. Aujourd'hui, quand un bateau arrive au Canada, nous avons été informés 96 heures à l'avance sur ce qu'il transporte, sur son équipage, leur nationalité, et cetera. Ce sont des renseignements d'ordre général. Nous n'avons pas le détail du contenu de chaque conteneur.
Le président: Qu'entendez-vous par renseignements d'ordre général, monsieur?
M. Connolly: Des renseignements d'ordre général sur le contenu exact de chaque conteneur.
Le président: Pour le moment tout ce que vous recevez c'est le nom du bateau, le nom de son armateur et sa grosseur.
M. Connolly: Exactement. Le transporteur nous donne le nom, la quantité de marchandise, le nombre de conteneurs, le nom et la nationalité des membres de l'équipage, et cetera.
En même temps, les transitaires canadiens nous informent sur le contenu de ces conteneurs. Nous ne sommes pas informés de tout à l'avance, mais d'une bonne partie. Quand le bateau arrive et que les marchandises sont prêtes à être déchargées, nous avons une image complète du chargement et de ce que contiennent les conteneurs.
Les transporteurs n'ont pas nécessairement toutes les informations sur le contenu de tous leurs conteneurs. Par exemple, ils peuvent ne pas connaître ni le nom de l'expéditeur ni celui du destinataire. Ils transportent un conteneur, du fret pour la compagnie ABC, et ils n'en savent pas plus.
À l'avenir nous recevrons tous les renseignements que nous pouvons réunir à partir de diverses sources aujourd'hui, sous forme électronique, 24 heures à l'avance. Tous ces renseignements seront reçus au Canada avant que le conteneur ne soit chargé. Ils comprendront tous les renseignements donnés par le responsable du transport des marchandises et tous les renseignements sur l'expéditeur, tous les renseignements sur le transitaire au Canada avec un manifeste détaillé de tous les objets transportés, de leur nombre, tous les détails entourant cette expédition de marchandises. Tous ces renseignements seront réunis électroniquement 24 heures avant que le conteneur ne soit chargé sur le bateau.
Ces renseignements seront alors analysés par nos systèmes automatisés qui permettent de peser les risques, et de déterminer la décision à prendre. Il y aura des archives, des listes qui permettront d'autoriser ou d'interdire le chargement de ce conteneur. En d'autres termes, en l'absence de renseignements suffisants, nous pourrons suspendre le chargement de ce conteneur jusqu'à ce que ces renseignements manquants nous soient communiqués. Nous pourrons interdire un chargement si ces renseignements nous font craindre la présence d'armes de destruction massive ou d'autres risques pour la sécurité dans le chargement concerné. Ils nous permettront également de cibler les conteneurs qui contiennent des produits de contrebande et de nous préparer pour les accueillir à leur arrivée en vue d'une inspection.
En bref, toutes les données venant de diverses sources seront regroupées dans un seul système qui nous permettra de décider en toute connaissance de cause de la nécessité d'un examen ou d'une interdiction de chargement.
Le président: Combien de conteneurs par jour, en moyenne, pensez-vous soumettre à ce système?
M. Connolly: Il y a environ 2 millions de conteneurs qui sont déchargés par an au Canada. Je ne peux pas vraiment vous donner de moyenne par jour.
Le président: Une fourchette? Quel pourrait être votre maximum par jour?
M. Connolly: Il y a des bateaux qui peuvent transporter jusqu'à 6 000 conteneurs.
Le président: Combien de bateaux de ce genre arrivent le même jour?
M. Connolly: Je ne sais pas. Je pourrais me renseigner sur le maximum.
Le président: Ce que je veux connaître, ce sont vos capacités. J'ai l'impression que vous avez toute une somme de renseignements sur le point de départ et toute une somme de renseignements sur le point d'arrivée. Vous avez un système qui permet de comparer les deux et de détecter toute anomalie. Je veux simplement savoir si vous pouvez faire face quand le trafic est à son maximum.
M. Connolly: Monsieur le sénateur, c'est ce que nous faisons tous les jours manuellement ou mécaniquement pour chaque conteneur qui arrive au Canada. Tous les jours nous regardons tous les conteneurs qui passent par nos écrans de travail, et chaque conteneur est examiné, certains plus en détail que d'autres sur la base de critères que nous avons établis et sur la base du risque.
Nous utilisons aujourd'hui le système américain, le système ATS. Nous avons déjà une certaine expérience de son utilisation et des capacités offertes par le ciblage automatisé. Chaque conteneur qui entre dans notre pays aujourd'hui est examiné.
Le président: Interrompez-moi si je me trompe, monsieur Connolly, mais le système que vous venez de nous décrire devait inclure beaucoup plus de renseignements que vous n'en recevez actuellement.
M. Jolicoeur: C'est exact, monsieur le président. Cela pourrait faire 4 000 ou 5 000 conteneurs par jour. C'est énorme. Le ciblage électronique nous permet d'extraire de ce nombre les conteneurs que nous devrions examiner avec plus d'attention. Sans cette technologie, du point de vue de la gestion du risque, ce serait un mode analogue à ce que nous faisions auparavant.
Le président: Vous partez de systèmes de ciblage automatisés américains pour développer le vôtre?
M. Jolicoeur: Nous les adapterons. Nous les adapterons à nos propres risques.
Le président: Quand?
M. Jolicoeur: Avec le temps, sur une base permanente car notre manière de mesurer et d'analyser les risques doit être adaptée aux circonstances quotidiennes et aux circonstances individuelles de chaque port. C'est un système dont l'amélioration sera constante. C'est indispensable.
Le président: Le commandant Flynn, lors de son témoignage, nous a parlé il y a quelque temps d'un système de pistage des conteneurs pendant leur transport. Pour commencer, il faut qu'ils passent au scanner au départ. Combien de pays nous envoient actuellement des conteneurs qui ont été inspectés avant leur départ?
M. Jolicoeur: Très peu, je pense.
Le président: Pas un seul?
M. Connolly: Est-ce que vous me demandez combien de pays nous envoient de conteneurs sans les avoir d'abord inspectés?
Le président: Non, après les avoir inspectés.
M. Connolly: Très peu.
Le président: Très peu. Vos services ont-ils pour objectif d'augmenter ce nombre afin qu'une proportion importante des conteneurs qui arrivent chez nous aient déjà été inspectés par d'autres pays avant qu'ils ne partent?
M. Jolicoeur: Pas une proportion significative, mais nous voulons que ceux qui nous posent vraiment des problèmes soient inspectés avant qu'ils ne partent. Il y a deux méthodes. La première, c'est une entente avec les services douaniers des autres pays. Nous pourrions avoir une entente en vertu de laquelle si nous disons que les conteneurs A, B, C et D devraient être inspectés avant qu'ils ne soient chargés, ils le soient. L'autre méthode, et c'est la méthode actuelle des Américains, est d'envoyer du personnel sur place pour garantir ces contrôles.
Le président: Avec combien de pays avons-nous de telles ententes actuellement?
M. Jolicoeur: C'est notre programme de service d'inspection des navires que nous négocions actuellement avec les pays de la Communauté européenne. Je ne sais pas avec combien nous finirons par nous entendre.
Le président: Combien y en a-t-il actuellement?
M. Connolly: Aucun.
Le président: Et pour l'Asie, que faites-vous?
M. Jolicoeur: Nous discutons actuellement avec nos collègues américains des meilleurs endroits où poster notre personnel pour mettre en place ces ententes. Cela dépend des itinéraires empruntés par les conteneurs pour atteindre l'Amérique du Nord. C'est ce dont nous discutons actuellement.
Le président: Si je vous ai bien compris, nous n'avons pas de personnel posté outre-mer comme les Américains?
M. Connolly: C'est exact.
Le président: Pensez-vous que nous finirons par le faire?
M. Jolicoeur: Nous discutons actuellement de la stratégie à adopter, la collaboration avec les services douaniers des autres pays ou le déploiement de membres de notre personnel dans les ports à l'étranger.
Le président: Notre comité peut-il imaginer qu'un jour viendra où vous pourrez nous dire que vous avez conclu des ententes avec 90 p. 100 des pays qui nous envoient des marchandises et que ces marchandises sont inspectées dans leur pays d'origine, plutôt qu'à l'arrivée, et qu'elles viennent dans des conteneurs scellés?
M. Jolicoeur: Si nous revenions vous dire quelque chose de ce genre, cela concernerait plus les pays d'où la majorité de nos importations viennent, et non pas 90 p. 100 des pays du monde. Nous donnons la priorité aux premiers.
Cela ne veut pas dire que la majorité de leurs conteneurs seraient inspectés, cela voudrait dire que nous avons conclu un accord pour l'inspection des conteneurs qui nous posent problème.
Le président: Cela semble être un exercice compliqué dans la mesure où il est difficile d'imaginer un porte-conteneur vide de toute marchandise. Au fur et à mesure de leur pérégrination ils débarquent des marchandises et en rembarquent d'autres. En conséquence, les manifestes de ces navires ne cessent de changer. N'est-ce pas?
M. Connolly: Qu'un navire décharge ou non des conteneurs dans un port ou dans un autre, il reste qu'ils auront l'obligation de déclarer toutes les marchandises qu'ils ont à bord avant d'arriver dans un de nos ports. Ils doivent le faire 24 heures à l'avance. S'ils ne le font pas et qu'ils arrivent, ou que nous nous en apercevons alors qu'ils sont en mer, nous prenons notre décision en fonction de la détermination du risque. Laisserions-nous, par exemple — c'est une question que je pose — un navire mouiller dans un de nos bassins sans savoir ce qu'il transporte?
Des données précises communiquées à l'avance sont le fondement même de l'information avancée sur les marchandises qui nous permettent de prendre de bonnes décisions fondées sur le risque. Comme je l'ai déjà dit, aujourd'hui nous examinons toutes les données qui nous sont communiquées. Toutes ces données ne sont pas forcément regroupées dans une seule banque de données. L'inconvénient c'est que très souvent nous devons bloquer des marchandises en attendant de recevoir des transitaires les données nécessaires pour autoriser le débarquement — dans certains cas, le conteneur peut rester bloqué à quai pendant trois, quatre ou cinq jours avant que nous n'ayons tous les renseignements nécessaires.
Demain, avec le nouveau système, nous aurons toutes ces données avant que les marchandises ne soient chargées sur le bateau, avant qu'il n'arrive chez nous — toutes les données que nous n'avons pas aujourd'hui — qui nous permettront de prendre notre décision après avoir mesuré le risque.
Quant à savoir si les autres pays voudront bien collaborer avec nous, il est évident qu'il faudra conclure avec ces derniers des ententes pour les conteneurs susceptibles de poser un risque en termes de sécurité. Nous ne parlons pas ici de simples marchandises, voire même de drogues, mais de sécurité, de conteneurs pouvant transporter des armes de destruction massive, des choses de ce genre. Je ne pense pas sérieusement qu'il y aura tant de conteneurs suspectés de transporter ce genre de marchandises. Je ne pense pas que conclure ces ententes sera difficile.
Le président: C'est une question de vérification, monsieur Connolly. Si un navire part de Tanger, de là rallie Rotterdam, puis Anvers et cingle enfin vers Newark, en chargeant et en déchargeant des marchandises à chaque escale, si vous n'avez pas de personnel dans chacun de ces ports pour vérifier les renseignements donnés, comment pouvez- vous être certain de vos informations?
M. Jolicoeur: J'ai moi-même posé la question au commissaire Bonner et je lui ai demandé s'il privilégiait le dernier port d'escale plutôt que le port de départ. Selon lui, cela leur donne la possibilité de faire débarquer quelque chose si un conteneur qui vient d'ailleurs leur pose un souci réel. À cette escale, d'une certaine manière, c'est plus une question d'analyse que d'information donnée sur le point de départ du conteneur. Cela semble répondre à ce qu'ils recherchent.
Le président: Pas pour moi.
Le commandant Flynn proposait d'installer des émetteurs GPS sur chaque conteneur, fermé à l'aide de scellés inviolables, permettant de suivre le cheminement de chaque conteneur.
Ce système ne semble valable ni aux Canadiens ni aux Américains? Y a-t-il des gens qui s'intéressent encore à ce genre de système?
M. Jolicoeur: Je suis certain que si vous pouviez sceller, suivre et inspecter chaque container avant qu'il ne soit chargé, vous auriez un régime dont le niveau serait beaucoup plus sûr que le régime actuel. Quant à savoir si nous pourrions arriver à un tel régime, je ne sais. Je suppose qu'il faudrait pour atteindre ce genre de niveau que tous les pays consentent à investir beaucoup plus. Il faudrait non seulement la collaboration des transporteurs, mais il faudrait également mettre en place les infrastructures de contrôle et d'analyse.
M. Connolly sait peut-être s'il existe des projets de ce genre.
M. Connolly: Il existe un certain nombre d'initiatives mentionnées par le président comme celles des États-Unis et du commandant Flynn, l'Initiative de commerce sans danger avec installation de scellés émetteurs sur les containers. Nous avons eu un échange d'information avec nos collègues américains sur ce sujet. C'est l'élément d'un scénario plus vaste pour la sécurité maritime et l'évolution de cette sécurité maritime. Cependant, le coût des scellés émetteurs est assez important, surtout ceux qui sont localisés par GPS. S'il faut suivre ces containers à la trace, le coût deviendra prohibitif.
Il nous faut une méthodologie permettant de déterminer dans quel cas utiliser ces scellés émetteurs, sur quel type de containers et sur quel type de navires, et d'autres mécanismes qui pourraient être imaginés pour sécuriser ce mode particulier de transport. Il y a aussi les scellés inviolables. Ils disent qu'ils sont inviolables mais il faudrait que j'en aie la preuve scientifique avant de dire s'ils sont ou non inviolables.
Selon moi, il faut opter pour une démarche multiple utilisant tous les outils disponibles en plus de l'information indispensable et essentielle pour pouvoir déterminer quand interdire l'entrée de quelque chose, quand examiner un container et quand laisser passer. Il faut pouvoir mesurer le risque.
Pour ce faire il faut que nos systèmes d'information et la collaboration avec nos partenaires soient très solides. Il n'existe pas de système au monde qui ne puisse être déjoué — que ce soit des scellés inviolables, des systèmes d'information préalables ou des machines d'inspection des containers par rayons X. Il faut donc que notre démarche soit multiple et fasse appel à toutes sortes de ressources pour identifier les risques.
Le sénateur Forrestall: Avez-vous le pouvoir d'exiger qu'un container en route pour Halifax via Singapour et Rotterdam soit fouillé à Rotterdam? Est-ce que nous avons ce pouvoir?
M. Jolicoeur: Ce genre de pouvoir dépend d'ententes avec les autres pays. Nous pouvons en dernier recours interdire l'entrée au Canada. Le pouvoir de fouille, lui, revient aux services douaniers locaux, tout comme nous avons par exemple le pouvoir de faire une vérification de ce qui quitte nos côtes, s'il y a un problème.
Le sénateur Forrestall: Est-ce que ces ententes ou ces accords font l'objet de négociations? Quels problèmes posent le fait que le Canada demandent à ce qu'un container qui est passé par Singapour soit retiré du bateau à Rotterdam?
M. Jolicoeur: Cette question a été évoquée à l'Organisation mondiale des douanes il y a à peu près 18 mois par mon prédécesseur et par le commissaire Bonner des États-Unis. Depuis, certains de mes collègues de l'ASFC ont eu des discussions préliminaires avec certains pays en particulier pour aboutir à des ententes de ce genre. Nous avons également discuté avec les États-Unis de la possibilité d'une stratégie de coopération de nos services dans les ports à l'étranger.
Il n'y a pas de réserves. Les premières réponses que nous avons reçues sont positives. Il n'y a pas de problèmes techniques. Nous parviendrons à un accord. Nous avons commencé par les informations données par l'IPEC. Cela devrait permettre le débarquement ou la fouille de certains containers.
Si nous atteignons le niveau du service d'inspection des navires — c'est-à-dire du personnel à l'étranger — nous pourrons tout simplement vérifier de manière plus directe ce qui se fait dans chaque cas. Cependant, notre pouvoir dépendra des ententes formelles que nous aurons conclues avec ces pays.
Le sénateur Forrestall: Tout à l'heure j'ai posé la question du cas d'un étranger entrant armé au Canada à la poursuite d'une personne qu'il considère avoir commis une infraction. Il y a eu un incident de ce genre.
M. Jolicoeur: Oui, à Windsor, tout dernièrement, un agent de police des États-Unis a poursuivi un individu au-delà de la frontière. C'est un incident regrettable qui a fait un mort. Je crois savoir que normalement ils n'ont pas le droit.
La question de personne armée entrant au Canada à partir des États-Unis a été soulevée lors de nos discussions de collaboration plus étroite avec nos collègues américains. Le sujet a été plus particulièrement abordé dans le contexte de l'addition d'installations communes. Je sais qu'un des projets du plan d'action en 32 points porte sur ce qui peut et ce qui ne peut être fait. Il soulève des considérations juridiques très complexes. Je ne sais pas si ce sera vraiment possible.
Le président: Monsieur Jolicoeur, je tiens à vous remercier, vous et vos collègues, M. Connolly et Mme Normoyle. Votre comparution devant notre comité nous a beaucoup aidés dans la préparation de notre visite à Washington. Nous attendrons avec impatience de recevoir les renseignements que vous nous avez promis et nous vous sommes reconnaissants de nous avoir consacré votre temps aujourd'hui.
Si vous avez des questions ou des commentaires n'hésitez pas à visiter notre site Web, www.sen-sec.ca. Nous y affichons les témoignages ainsi que le calendrier des audiences confirmées. Autrement, vous pouvez toujours contacter la greffière du comité au 1 800-267-7362 pour tout autre renseignement ou pour apprendre comment contacter les membres du comité.
La séance est levée.