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Délibérations du comité sénatorial spécial sur la
Loi antiterroriste

Fascicule 8 - Témoignages - Séance du matin


OTTAWA, le lundi 18 avril 2005

Le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste se réunit aujourd'hui à 10 h 30 pour poursuivre l'examen approfondi des dispositions et de l'application de la Loi antiterroriste (L.C. 2001, ch.41).

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste tient aujourd'hui sa 16e séance avec témoins. Je vais expliquer la raison d'être de ce comité pour le bénéfice de nos téléspectateurs.

En octobre 2001, en réaction directe aux attentats terroristes à New York, à Washington, D.C., et en Pennsylvanie, et à la demande de l'ONU, le gouvernement du Canada a déposé le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste. Étant donné l'urgence de la situation à l'époque, le Parlement a été invité à accélérer son étude de ce projet de loi. Nous avons accepté, et la date limite pour l'adoption du projet de loi a été fixée à la mi-décembre 2001. Toutefois, pour apaiser les craintes de ceux qui estimaient qu'il était difficile d'en évaluer pleinement les répercussions en si peu de temps, il a été décidé que le Parlement reverrait au bout de trois ans les dispositions de la loi et ses répercussions sur les Canadiens, en ayant un peu plus de recul et dans un contexte un peu moins chargé d'émotion.

Les travaux de notre comité spécial représentent la concrétisation de cet engagement au niveau du Sénat. Quand nous aurons terminé notre étude, nous présenterons au Sénat un rapport dans lequel nous exposerons les problèmes dont il faudra s'occuper à notre avis, et nous mettrons le résultat de nos travaux à la disposition du gouvernement et du grand public. Par ailleurs, la Chambre des communes se livre actuellement à un exercice analogue.

Le comité a rencontré jusqu'ici des ministres et des fonctionnaires, des juristes et des experts canadiens qui étudient cette menace à l'échelle internationale, ainsi que des responsables des services de renseignement et des organismes d'application de la loi.

Nous nous pencherons plus particulièrement ce matin sur le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent. Nous avons avec nous des représentants du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, CANAFE : son directeur, Horst Intscher, est accompagné de Sandra Wing, la sous-directrice responsable de la gestion des relations externes, et de Josée Desjardins, qui est avocate-conseil.

Comme toujours, chers collègues, nous avons une matinée bien remplie. Je vous prie donc d'être aussi concis que possible dans vos questions, et je demanderais aussi à nos invités de garder leurs réponses aussi courtes que possible, sans toutefois nous priver de l'information dont nous avons besoin, pour que notre dialogue soit vraiment fructueux. Monsieur Intscher, vous avez la parole.

M. Horst Intscher, directeur, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada : Je suis heureux d'avoir été invité à me présenter devant votre comité pour vous parler de CANAFE et des mesures qu'il a mises en oeuvre dans le cadre des dispositions de la Loi antiterroriste portant sur le financement des activités terroristes. J'ai l'intention de faire une courte présentation sur CANAFE, son mandat et son fonctionnement.

Je commencerai par vous décrire le mandat de CANAFE et son évolution à titre d'unité du renseignement financier du Canada, en soulignant tout particulièrement l'importance du rôle qu'a joué la Loi antiterroriste dans cette évolution. Je vous donnerai ensuite un aperçu des activités de détection et de dissuasion de CANAFE relativement au blanchiment d'argent et au financement d'activités terroristes, ainsi que des résultats obtenus jusqu'à maintenant. Je récapitulerai le tout en décrivant brièvement certains des défis que nous aurons à relever et certaines des possibilités qui s'offrent à nous pour l'avenir.

La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes remonte à juin 2000. En adoptant cette loi, le Parlement avait pour principal objectif de faciliter la détection et la dissuasion visant le blanchiment d'argent au Canada et partout dans le monde, premièrement en exigeant que les intermédiaires financiers déclarent les opérations douteuses et certaines autres opérations, et qu'ils tiennent des dossiers sur l'identification des clients; deuxièmement, en exigeant que les personnes et les entités qui traversent la frontière avec des sommes importantes en espèces ou sous forme d'instruments monétaires déclarent ces mouvements aux fonctionnaires des douanes, et troisièmement, en créant CANAFE.

Notre organisation a été constituée en vertu de la loi pour recevoir des renseignements sur certaines opérations, les analyser et, le cas échéant, les signaler aux organismes d'application de la loi et à d'autres organismes d'enquête, y compris aux unités étrangères du renseignement financier. L'expression « unité du renseignement financier » est reconnue internationalement et désigne une unité centrale ou nationale qui recueille, analyse et communique des renseignements sur des opérations financières qui éveillent des soupçons de blanchiment d'argent et, plus récemment, de financement d'activités terroristes.

CANAFE est l'« unité du renseignement financier », ou URF, du Canada. C'est un organisme indépendant qui relève du ministre des Finances, lequel rend compte au Parlement des activités du Centre. Il est également tenu de fonctionner de façon indépendante par rapport aux organismes d'enquête à qui il est autorisé à communiquer des renseignements financiers. Cette indépendance a été voulue expressément afin d'équilibrer la protection des renseignements financiers à caractère personnel et les besoins des organismes d'application de la loi dans le cadre de leurs enquêtes.

Depuis les événements du 11 septembre 2001, les gouvernements accordent plus d'importance à la lutte contre le terrorisme. Ils ont notamment décidé de cibler les activités qui permettent de financer des groupes terroristes et leurs opérations. En octobre 2001, le Groupe d'action financière a établi de nouvelles normes internationales exigeant des pays membres qu'ils abordent la surveillance des opérations et des services financiers sous l'angle non seulement du blanchiment d'argent, mais aussi du financement d'activités terroristes. Deux mois plus tard, le Parlement, en adoptant la Loi antiterroriste, renforçait le système canadien de lutte contre le blanchiment d'argent afin d'empêcher les groupes terroristes d'utiliser le système financier. Les modifications apportées par la Loi antiterroriste à la loi habilitante de CANAFE ont modifié le nom de cette loi, qui a été rebaptisée Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, et ont augmenté de trois façons différentes les exigences concernant les déclarations faites à CANAFE.

Premièrement, les déclarations portant sur des opérations douteuses comprenaient désormais les soupçons de financement d'activités terroristes en plus des soupçons de blanchiment d'argent. Deuxièmement, CANAFE devait recevoir des rapports portant sur les biens appartenant à des groupes terroristes et sur toute opération reliée à ces biens. Et, troisièmement, CANAFE était autorisé à recevoir des renseignements transmis volontairement au sujet de soupçons concernant le financement d'activités terroristes et non seulement le blanchiment d'argent.

Ces modifications exigeaient également que, lorsque CANAFE avait des motifs valables de soupçonner que des renseignements financiers pouvaient être pertinents à une enquête ou à une poursuite portant sur une infraction de financement d'activités terroristes, ces renseignements devaient être fournis à la police. Un pouvoir de même nature a également été créé pour la déclaration au SCRS, le Service canadien du renseignement de sécurité, des renseignements touchant les soupçons de menaces à la sécurité du Canada, ce qui comprend également les soupçons de financement d'activités terroristes.

Les modifications apportées par la Loi antiterroriste ont également élargi notre mandat et augmenté nos capacités dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent, et nous ont permis de jouer un rôle particulier et important dans les efforts pangouvernementaux de lutte contre le financement des activités terroristes.

J'aimerais maintenant vous décrire brièvement ce que nous faisons. La loi qui nous régit exige que les institutions financières et les autres entreprises oeuvrant dans le domaine financier et les services connexes tiennent des dossiers sur leurs clients et leurs opérations, et qu'elles déclarent certaines opérations à CANAFE. Les renseignements que nous recevons au sujet des opérations financières portent premièrement sur les opérations, quels que soient leur nature et leur montant, qui laissent soupçonner un lien avec des activités de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes; deuxièmement sur les opérations en espèces de 10 000 $ et plus, ce qui ne comprend toutefois pas les retraits en espèces; troisièmement sur les télévirements, du Canada vers l'étranger ou inversement, de montants de 10 000 $ et plus; et quatrièmement sur les biens appartenant à des groupes terroristes.

Ces renseignements sont transmis à CANAFE par une vaste gamme d'intermédiaires financiers, que nous appelons « entités déclarantes ». Il s'agit notamment des institutions de dépôt comme les banques et les coopératives de crédit, des entreprises de transfert de fonds et de vente de titres négociables, des courtiers de change, des courtiers en valeurs mobilières, des comptables, des sociétés d'assurance-vie, des courtiers et agents immobiliers et des casinos. De plus, toute personne qui traverse la frontière doit déclarer à l'Agence des services frontaliers du Canada tout mouvement d'espèces ou d'instruments monétaires de 10 000 $ et plus, du Canada vers l'étranger ou inversement, et celle-ci envoie ensuite ces déclarations à CANAFE. L'Agence est également investie du pouvoir de saisir des fonds qui n'ont pas été déclarés ou qui suscitent des soupçons de recyclage des produits de la criminalité. CANAFE reçoit aussi des déclarations sur ces saisies.

En plus de notre pouvoir de recevoir des renseignements transmis volontairement sur des soupçons de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes, CANAFE peut également utiliser des renseignements du domaine public et des bases de données commerciales, ainsi que les bases de données des organismes d'application de la loi ou de sécurité nationale qui oeuvrent à l'échelle fédérale ou provinciale. Après cet aperçu des renseignements que nous recevons, j'aimerais maintenant vous décrire de façon plus détaillée les rouages de nos activités quotidiennes.

Nous sommes un organisme relativement petit, avec un personnel d'environ 180 employés et un budget annuel de 30 millions de dollars. Nous remplissons deux principales fonctions opérationnelles liées à notre mandat de détection et de dissuasion : l'analyse et la conformité. Je parlerai premièrement de notre fonction d'analyse.

CANAFE s'acquitte de son obligation de détecter et de décourager le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes notamment en analysant les renseignements financiers qu'il reçoit. Ces analyses sont effectuées dans le but de communiquer des renseignements de qualité pouvant servir aux organismes responsables d'enquêtes sur le financement d'activités terroristes ou le blanchiment d'argent. Notre capacité en technologie de l'information est un élément essentiel de ce processus. Les différents types de déclarations d'opérations dont j'ai déjà parlé sont reçues électroniquement dans la base de données de CANAFE et deviennent immédiatement disponibles aux fins d'analyse.

Les analyses de CANAFE peuvent être amorcées par différents éléments. Elles peuvent être déclenchées par exemple par la déclaration d'une opération douteuse, par une série de déclarations, par des renseignements que transmettent volontairement des organismes d'application de la loi ou le SCRS au sujet d'un cas auquel ils travaillent, ou encore par des renseignements provenant d'une unité étrangère du renseignement financier. Quelle que soit cette amorce, les analystes consultent la base de données du Cantre au moyen d'outils technologiques conçus précisément à cette fin, pour découvrir des modes d'opération qui pourraient soulever des soupçons de recyclage des produits de la criminalité ou de financement d'activités terroristes. Si CANAFE, après avoir fait une analyse, a des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements seraient utiles à des fins d'enquête ou de poursuites relativement à une infraction de recyclage des produits de la criminalité ou de financement d'activités terroristes, il doit communiquer ces renseignements à la police. En outre, lorsqu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner une menace envers la sécurité du Canada, y compris le financement d'activités terroristes, CANAFE doit communiquer les renseignements pertinents au SCRS.

Dans certains cas, nous devons également communiquer des renseignements à l'Agence du revenu du Canada, à l'Agence des services frontaliers du Canada ou à Citoyenneté et Immigration Canada, en attendant que la Loi sur l'Agence des services frontaliers entre en vigueur. Dans le cas de ces organismes, nous devons répondre à un double critère. Tout d'abord, nous devons soupçonner l'existence d'une opération de recyclage des produits de la criminalité ou de financement d'activités terroristes, et ensuite, nous devons juger l'information pertinente à une infraction relevant du mandat de ces organismes. Nous devons également communiquer de l'information aux unités étrangères du renseignement financier avec lesquelles nous avons conclu une entente de partage de l'information. Ces ententes bilatérales doivent être approuvées par le ministre des Finances; il y en a environ une vingtaine en vigueur actuellement.

Les renseignements que CANAFE peut communiquer sont décrits de façon précise dans la loi qui régit notre activité. Par « renseignements désignés », on entend les renseignements concernant les opérations, l'endroit où celles-ci ont été effectuées, les personnes qui les ont effectuées, ainsi que tout autre renseignement sur les comptes, les entreprises ou d'autres entités en cause. La communication, par le CANAFE, de renseignements de cet ordre est précieuse pour les organismes d'application de la loi parce qu'elle leur donne des pistes à explorer. Un cas typique de communication peut permettre d'identifier six ou sept personnes, et cinq entreprises, et mettre en cause un nombre considérable d'opérations de différentes sortes, souvent signalées par deux entités déclarantes ou plus.

Néanmoins, les renseignements désignés ne révèlent pas tout aux organismes d'application de la loi, et notre loi habilitante prévoit un mécanisme qui permet à la police ou au SCRS d'obtenir des renseignements additionnels auprès de CANAFE dans le cadre de leurs enquêtes. Lorsque le tribunal émet une ordonnance de production, l'enquêteur peut obtenir de CANAFE une analyse complète du cas relativement aux opérations déclarées. Cette loi interdit toute communication ou utilisation non autorisée des renseignements reçus des entités déclarantes par CANAFE, ainsi que des renseignements que celui-ci prépare à partir de ces déclarations. Les pénalités qu'entraîne cette utilisation non autorisée peuvent atteindre 500 000 $ d'amende ou cinq ans de prison.

Après vous avoir parlé de la façon dont nos analyses nous permettent de nous acquitter de notre rôle de détection, j'aimerais maintenant vous dire quelques mots sur la façon dont nos efforts pour assurer la conformité nous aident à décourager le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes. Nos activités en matière de conformité permettent d'augmenter le niveau et la qualité des déclarations à des fins d'analyse, mais également de nous assurer que les services financiers canadiens respectent les normes mise en place pour empêcher qu'ils deviennent des points de transit pour des fonds illégaux. CANAFE est chargé par ailleurs de veiller à ce que les entités déclarantes se conforment à la loi et à son règlement. Nous avons instauré pour ce faire un programme de conformité moderne et complet fondé sur le risque. La qualité des analyses de CANAFE repose directement sur la qualité des renseignements que nous recevons. Nous accordons donc de l'importance à l'établissement et au maintien de relations de travail solides et fondées sur la coopération avec toutes nos entités déclarantes dans le cadre de l'approche axée sur le risque que nous adoptons afin d'assurer la conformité et d'améliorer le plus possible la qualité et la quantité des déclarations.

Jusqu'ici, nous avons effectué plus de 200 examens de conformité sur le terrain, dans chacun des secteurs d'entités déclarantes. CANAFE reconnaît les problèmes que posent les secteurs non réglementés, c'est-à-dire les entreprises de transfert de fonds ou de vente de titres négociables et les opérations de change. Chaque examen de la conformité vise à révéler les lacunes du programme de conformité des entités déclarantes. La grande majorité souhaitent se conformer aux exigences; elles collaborent et prennent des mesures lorsque des lacunes sont portées à leur attention. Un petit nombre d'entre elles ont toutefois été dénoncées aux organismes d'application de la loi à des fins d'enquête et de poursuites éventuelles, comme le prévoit la loi.

J'aimerais maintenant vous faire part des résultats que nous avons obtenus dans le cadre de nos communications de renseignements sur le financement d'activités financières. Au cours de l'exercice 2003-2004, nous avons effectué 197 communications de renseignements financiers concernant des soupçons de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes, le tout totalisant 700 millions de dollars environ. De ce nombre, 48, représentant 70 millions de dollars d'opérations, étaient liées à des soupçons de financement d'activités terroristes ou d'autres menaces à la sécurité du Canada.

Plus récemment, entre le 1er avril et le 31 décembre 2004, CANAFE a signalé un nombre total de 99 cas, représentant plus de 1,2 milliard de dollars en opérations. De ce nombre, 25 touchaient des cas de financement d'activités terroristes. Comme je l'ai déjà mentionné, pour l'exercice 2003-2004, la valeur des déclarations se rapportant à des soupçons de menaces à la sécurité du Canada ou de financement d'activités terroristes était d'environ 70 millions de dollars. Selon les résultats obtenus au premier trimestre de 2004-2005, cette valeur pourrait doubler d'ici la fin de l'exercice en cours. Cette augmentation marquée de la valeur des opérations déclarées montre que notre expérience croissante et le volume grandissant des opérations versées dans notre base de données nous permettent de communiquer des renseignements sur des cas plus importants et souvent plus complexes. Elle n'indique toutefois pas nécessairement une hausse dans le financement d'activités terroristes.

Selon un examen de nos cas de financement d'activités terroristes pour l'exercice 2003-2004, nous constatons qu'un vaste pourcentage — environ 80 p. 100 — de ceux-ci se rattachent à des télévirements internationaux dont la plupart ont été envoyés vers l'étranger, souvent vers des lieux qui sont considérés comme des points chauds. Nous avons également constaté que, dans un tiers des cas de financement d'activités terroristes, les opérations financières concernent à la fois des dépôts importants en espèces et des télévirements.

Nous sommes très fiers de ce que nous avons été en mesure d'accomplir. CANAFE existe depuis moins de cinq ans et fonctionne à plein régime depuis un peu plus de trois ans. Il a vu le jour en juillet 2000, sans employés, sans bureaux, sans infrastructure et sans systèmes opérationnels, et il a rapidement atteint sa vitesse de croisière, pour devenir un organisme fournissant des renseignements financiers pertinents. Nous avons conçu des systèmes informatiques capables de recevoir d'importantes quantités de déclarations chaque année. Nous avons été la première URF au monde à offrir, dès nos débuts, des moyens de déclaration électronique intégrale. Nous avons également formé nos analystes et nous leur avons donné les moyens d'utiliser les données pour faire leurs analyses.

Chose plus importante encore, les commentaires que nous recevons des organismes d'application de la loi et du SCRS nous indiquent que les renseignements que nous leur fournissons les aident dans leurs enquêtes en cours et leur permettent de lancer de nouvelles enquêtes.

Avant de terminer, je voudrais vous parler brièvement de quelques-uns des défis que nous aurons à relever. Même s'il est relativement jeune, CANAFE a déjà d'importantes réussites à son actif. Nous allons continuer d'améliorer notre capacité à fournir aux organismes de renseignement et d'application de la loi de l'information financière ponctuelle de grande qualité. Nous allons continuer de promouvoir une approche axée sur la coopération afin d'assurer la conformité, et d'effectuer des examens sur les entités déclarantes qui présentent le plus grand risque de non-conformité. Et nous allons continuer de partager nos expériences et de travailler avec nos partenaires afin de créer un environnement peu propice au blanchiment d'argent et au financement des activités terroristes, au Canada et partout dans le monde.

Nous nous efforçons également de mettre en oeuvre les recommandations comprises dans le récent rapport de la Vérificatrice générale. Par exemple, nous travaillons avec le ministère des Finances au document de consultation que celui-ci prépare en prévision de l'examen parlementaire de notre loi habilitante, en juillet 2005. Ce document proposera un certain nombre d'améliorations, dont l'augmentation de la portée des renseignements que pourront comprendre nos communications.

J'aimerais vous remercier de nouveau de nous avoir invités à venir nous présenter devant vous aujourd'hui; je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, monsieur Intscher. Chers collègues, nous allons passer tout de suite aux questions. Encore une fois, je vous demanderais d'être aussi précis et aussi brefs que possible. Je suis sûre que nos invités feront de même.

Le sénateur Lynch-Staunton : Bienvenue, monsieur Intscher. Je veux vous parler d'un sujet en particulier, mais auparavant, j'aimerais avoir une petite précision : attendez-vous que l'information vous soit transmise ou la cherchez- vous vous-mêmes? Vous dites dans votre mémoire que vous recevez des rapports sur les opérations douteuses. Est-ce que vous attendez que cette information vous arrive ou si vous faites vos propres recherches?

M. Intscher : Nous ne sommes pas un organisme d'enquête. Nous sommes un organisme d'analyse du renseignement. L'information relative aux opérations sur lesquelles nous nous penchons nous est fournie en vertu des exigences de déclaration contenues dans la loi qui nous régit. Nous ne sommes pas autorisés à demander de nous- mêmes de l'information sur des opérations à des institutions financières ou à d'autres intermédiaires.

Cela dit, nous n'attendons pas que les choses nous sautent au visage. Nous recevons beaucoup de rapports. Nous faisons un tri, pour voir s'il y a dans les opérations des tendances ou des anomalies qui pourraient nous intéresser. Nous pouvons aussi avoir accès à d'autres bases de données pour notre analyse. Nous tenons compte également des reportages des médias sur certains événements pour pouvoir analyser les renseignements dont nous disposons à partir de diverses sources d'information. Certains éléments nous sont signalés en vertu des exigences de déclaration de la loi, et nous en trouvons d'autres dans les bases de données et les sources d'information auxquelles nous avons généralement accès.

Le sénateur Lynch-Staunton : Et il peut y avoir des rapports sur des opérations douteuses d'un montant bien inférieur à 10 000 $?

M. Intscher : En effet.

Le sénateur Lynch-Staunton : Selon quels critères pouvez-vous déterminer qu'une opération est douteuse? Est-ce que c'est vous qui établissez ces critères ou si vous vous fiez seulement à la bonne foi de l'institution ou de la personne qui vous la signale?

M. Intscher : C'est à l'entité qui signale un cas qu'il appartient de déterminer si une opération est suspecte ou non, et si nous devrions être mis au courant. CANAFE fournit des lignes directrices très détaillées au sujet de ce dont ces institutions devraient tenir compte pour déterminer si une opération est effectivement douteuse. Elles sont affichées sur notre site Web, et nous les envoyons aux entités déclarantes si elles ne semblent pas les comprendre parfaitement.

Cependant, compte tenu des affaires dont elles s'occupent, elles sont les mieux placées pour juger si une opération est douteuse ou non. Nous leur offrons beaucoup d'aide et de conseils sur les transactions qu'elles devraient surveiller, et qui pourraient constituer du blanchiment d'argent ou servir à financer des terroristes, mais c'est dans le cadre de leurs affaires courantes qu'elles peuvent généralement voir si une opération est logique sur le plan commercial, si elle est conforme au profil du client qui l'a effectuée, et ainsi de suite. Il y a toute une liste de facteurs que les institutions peuvent examiner, et qui figurent dans nos lignes directrices.

Le sénateur Lynch-Staunton : J'aimerais avoir une dernière précision sur cette question. Les opérations qui vous sont signalées se déroulent-elles uniquement entre le Canada et l'étranger, ou s'il peut y avoir aussi des opérations effectuées à l'intérieur du Canada?

M. Intscher : Ce sont les opérations douteuses et les opérations concernant d'importantes sommes d'argent qui se déroulent à l'intérieur du Canada. Mais nous recevons aussi des rapports sur des virements télégraphiques internationaux, au sujet de transferts d'argent du Canada vers l'étranger ou de l'étranger vers le Canada.

Le sénateur Lynch-Staunton : Est-ce que toutes les opérations de plus de 10 000 $ vous sont signalées? On peut espérer qu'il y a certaines exceptions; autrement, vous seriez submergés.

M. Intscher : Toutes les opérations en espèces de plus de 10 000 $.

Le sénateur Lynch-Staunton : Les transactions par chèque ou par mandat ne sont donc pas signalées?

M. Intscher : À l'occasion, une transaction par chèque ou par mandat peut nous être signalée si elle est jugée douteuse. Mais les rapports de routine portent uniquement sur les opérations en espèces, et plus précisément sur les dépôts ou les achats. Ils ne concernent pas les retraits.

Le sénateur Lynch-Staunton : D'après la note que j'ai ici, il s'agit des opérations importantes. Il faudrait plutôt parler des opérations importantes en espèces.

Vous comptez beaucoup sur le fait que les institutions vont faire des déclarations en toute bonne foi et que leurs soupçons vont être fondés. C'est une importante responsabilité que nous imposons là à des gens qui ne sont peut-être pas tous entièrement qualifiés pour l'assumer. J'espère que cela ne pose pas de problèmes, pour cause soit de négligence, soit d'enthousiasme excessif.

M. Intscher : Cela ne semble pas poser de problèmes. Le règlement exige que les institutions financières mettent en place un programme interne de conformité, qui consiste par exemple à élaborer des politiques et des lignes directrices pour leur propre personnel et à former leur personnel, et elles l'ont fait. De notre côté, bien sûr, nous effectuons des vérifications de conformité dans les secteurs les plus à risque pour être certains que les institutions se conforment effectivement au règlement. Mais dans l'ensemble, elles le font.

Nous avons parfois constaté des lacunes, sur lesquelles nous avons attiré l'attention des institutions concernées. Elles ont pris très rapidement des mesures correctives. Il est arrivé, très rarement, qu'aucun correctif ne soit apporté et que l'entreprise semble résister à nos suggestions en ce sens. Dans certains cas, nous avons demandé une enquête criminelle et des poursuites pour non-conformité, et dans d'autres, nous allons le faire. Mais c'est très exceptionnel.

Le sénateur Lynch-Staunton : Le principal sujet qui m'intéresse, après avoir pris connaissance de certains rapports provenant des États-Unis — et d'ici aussi, j'imagine —, le principal sujet de préoccupation relatif à un possible blanchiment d'argent, ce sont les hawalas, dont nous avons entendu parler pas longtemps après le 11 septembre ici, à Ottawa. Si j'en parle, c'est parce que l'homme qui a été condamné à 43 mois de prison tout récemment aux États-Unis, pour avoir blanchi de l'argent par l'intermédiaire de hawalas, a déclaré qu'il appartenait à une organisation criminelle qui envoyait jusqu'à 100 millions de dollars au Pakistan. Il y a un autre homme qui a été arrêté parce qu'il n'avait pas de permis. Ce que j'aimerais savoir, c'est si nous avons des hawalas au Canada et, si oui, est-ce qu'il leur faut un permis? Est-ce que ces gens-là entrent dans la catégorie des courtiers de change, qui figurent sur la liste?

M. Intscher : Ils se classeraient plutôt dans la catégorie des entreprises de transfert de fonds et de vente de titres négociables, c'est-à-dire des entreprises de services monétaires.

Le sénateur Lynch-Staunton : Est-ce que nous en avons?

M. Intscher : Vous serez probablement surpris d'apprendre que les entreprises de services monétaires et les courtiers de change n'ont pas besoin de permis au Canada.

Le sénateur Lynch-Staunton : Pas du tout?

M. Intscher : Ils n'ont pas besoin de permis.

Le sénateur Lynch-Staunton : Ni au provincial, ni au fédéral?

M. Intscher : Non; on peut supposer qu'ils ont besoin d'un permis d'entreprise local pour ouvrir des bureaux, mais ils ne sont réglementés d'aucune façon. Les hawalas entrent généralement dans la catégorie des entreprises de services monétaires; c'est un terme très vague, et inutilement mystérieux à certains égards.

Le terme désigne en fait des entreprises parallèles d'envoi de fonds, mais beaucoup d'entre elles passent par les systèmes et les mécanismes financiers conventionnels pour virer les fonds, même si les virements eux-mêmes peuvent être relativement officieux.

Ces entreprises sont assujetties aux exigences de déclaration et de tenue de dossiers contenues dans la loi qui régit nos activités. Cela dit, il y en a beaucoup qui ne se sont pas précipitées pour se faire connaître de nous, mais nous en avons quand même identifié un assez bon nombre, en surveillant les annonces publiées dans les journaux communautaires, en recevant des rapports d'autres institutions financières au sujet de leurs virements, et ainsi de suite. Quand nous réussissons à les identifier, nous communiquons avec elles et nous attirons leur attention sur nos exigences de tenue de dossiers; nous essayons en quelque sorte de les amener dans notre orbite.

Dans la dernière série de modifications qu'il recommandait, le Groupe d'action financière demandait aux pays membres d'imposer d'une manière ou d'une autre l'inscription ou la réglementation des entreprises de services monétaires, par exemple par l'octroi de permis, et le Canada examine actuellement les moyens à prendre pour appliquer cette recommandation. Il imposera probablement une forme d'inscription à ces entreprises, et des peines spécifiques pour celles qui ne s'inscriront pas.

Le sénateur Lynch-Staunton : Elles n'ont actuellement aucune obligation de ce genre?

M. Intscher : Elles sont assujetties aux dispositions de la loi relativement à la production de rapports et à la tenue de dossiers.

Le sénateur Lynch-Staunton : Y en a-t-il qui se sont déjà inscrites et qui produisent des rapports? Ce sont pour la plupart des entreprises familiales, n'est-ce pas? Elles ont des agents de l'autre côté, avec qui elles communiquent par téléphone. Elles leur disent : « Faites la transaction, et nous réglerons cela à la fin du mois ». Il ne se fait donc jamais rien par les voies officielles, ce qui rend ces opérations impossibles à retracer.

M. Intscher : Il y a généralement des opérations qui se font par télévirement, mais pas nécessairement en ligne droite. Quand il est question de petites sommes d'argent, la conciliation peut se faire bien plus tard. Pour les sommes plus importantes, la conciliation est généralement plus régulière. Quand l'argent est viré vers un pays tiers, nous en sommes avertis parce que le transfert se fait par télévirement ou par envoi en vrac, ce qui doit être déclaré à la frontière.

Il se peut qu'il y ait des hawalas ou d'autres entreprises parallèles d'envoi de fonds qui ne se soient pas identifiées auprès de nous. Je soupçonne qu'elles pourront continuer d'exister même après la mise en place d'un régime d'inscription parce que les gens qui se livrent à ces activités à des fins illégales ne seront probablement pas plus intéressés à s'inscrire qu'ils le sont actuellement à se faire connaître de nous. Nous disposons d'un certain nombre de mécanismes pour identifier ces entreprises, et elles finiront bien par être obligées de se conformer aux exigences, sans quoi elles devront cesser leurs opérations.

Le sénateur Lynch-Staunton : Est-ce qu'il existe à cet égard des lacunes importantes dont le gouvernement devrait être conscient et au sujet desquelles il devrait intervenir un peu plus énergiquement?

M. Intscher : C'est une lacune, mais je ne la qualifierais pas d'importante.

Le sénateur Lynch-Staunton : Elle pourrait l'être. Ce sera tout pour le moment.

M. Intscher : Il y a beaucoup d'autres exigences de déclaration et de tenue de dossiers pour étayer cela, dans le système financier; donc, même s'il était toujours possible que les services de ce genre nous échappent tous, rien ne me laisse croire que ce soit le cas à grande échelle.

Le sénateur Jaffer : Je voudrais vous poser moi aussi quelques questions sur les hawalas. Comme vous le savez, les petites entreprises de services monétaires jouent souvent un rôle très important dans les envois de fonds. Dans un pays comme la Somalie, par exemple, où il n'y a pas de système bancaire, elles jouent un rôle légitime.

Si je comprends bien, vous cherchez un moyen officiel pour les aider à s'inscrire. Est-ce que vous vous intéressez toujours à cette question?

M. Intscher : C'est le ministère des Finances qui doit donner suite à la recommandation relative à leur inscription, mais nous travaillons en étroite collaboration avec lui pour préparer une proposition à cet égard.

Le sénateur Jaffer : Vous avez parlé du Groupe d'action financière. Ce groupe prétend que les hawalas demeurent un important moyen par lequel des particuliers et bon nombre d'entreprises de toutes tailles rapatrient des fonds et achètent de l'or. C'est un moyen populaire parce que cela coûte généralement moins cher que de passer par le système bancaire. C'est un système qui fonctionne 24 heures par jour, tous les jours de l'année. Il est presque parfaitement fiable et exige un minimum de paperasserie.

J'ai vu récemment un communiqué de presse dans lequel on disait que le Canada et la Jamaïque encourageaient les services d'envoi de fonds à faible coût. Ils ont mis en place un partenariat afin de dresser la liste des institutions financières présentes dans les deux pays afin de réduire les coûts des virements de fonds, d'améliorer la qualité et les statistiques relatives aux mouvements de fonds entre le Canada et la Jamaïque, et d'établir des cadres législatifs appropriés.

Je vous ferai parvenir ce communiqué. Je me demande si ce pourrait être un moyen d'aider les gens qui travaillent dans le système des hawalas.

M. Intscher : J'aimerais bien le voir.

Le sénateur Jaffer : Quand vous aurez eu le temps de l'étudier, j'aimerais que vous me fassiez savoir, par l'entremise de notre présidente, si vous jugez que c'est une voie que les institutions financières pourraient prendre pour aider les gens là où il n'y a pas de système bancaire perfectionné.

M. Intscher : Avec plaisir. Je parlerai aussi de ce rapport à mes collègues du ministère des Finances dans le cadre de nos discussions sur un éventuel régime d'inscription.

Le sénateur Jaffer : Il y a des hawalas qui sont de bonne foi. Dans bien des pays, il n'y a pas de système bancaire perfectionné, et les gens font appel aux hawalas pour envoyer des fonds à leur famille restée au pays. Faites-vous du travail de sensibilisation auprès des communautés qui doivent se servir de cette méthode?

M. Intscher : Nous faisons beaucoup d'efforts pour joindre les entités qui se livrent à ce genre d'activités. Vous avez raison de souligner que bon nombre de ces entreprises officieuses d'envoi de fonds remplissent une fonction très utile en ce sens qu'elles permettent à des gens qui se trouvent au Canada d'envoyer de l'argent à des parents et amis dans un autre pays, où il n'existe peut-être pas de système bancaire officiel ou encore où ce système est incapable d'entretenir des liens aussi étroits que les hawalas avec les communautés visées. Beaucoup d'entre elles se servent aussi des systèmes de virement commerciaux pour effectuer ces transactions. Bon nombre de ces entreprises, qui pourraient être considérées comme des hawalas au sens large, effectuent les virements à titre d'agents d'une organisation commerciale mondiale, alors que dans certains cas, cela se fait de manière entièrement officieuse.

Quand nous apprenons l'existence des entreprises de ce genre, nous communiquons avec elles dans le cadre de notre programme de conformité afin de nous présenter, de les informer de leurs obligations en matière de déclaration et de tenue de dossiers, et d'effectuer un suivi auprès d'elles. Dans certains cas, elles deviennent des entités déclarantes ou des entités assujetties à notre programme de conformité. Et dans d'autres, une fois que nous leur avons rendu visite, elles cessent leurs activités de ce genre.

Nous n'avons pas fait d'efforts particuliers pour joindre les communautés qui font appel à ces services, mais je pense que notre existence est bien connue des entreprises qui se livrent à ces activités.

Ce sont généralement des adjonctions à d'autres entreprises qui effectuent des opérations financières de divers types ou qui organisent des voyages. Elles peuvent aussi être associées à des entreprises qui n'ont aucun rapport avec leurs activités, par exemple une épicerie de quartier.

Le sénateur Jaffer : Je vais certainement vous transmettre ce communiqué. J'étais très contente de lire cela parce que, comme vous l'avez dit vous aussi, il y a des gens qui ne peuvent vraiment transférer de l'argent que de cette façon-là. Je sais qu'aux États-Unis, les hawalas sont illégales. Mais quand je vais là-bas et que je regarde ce qui se fait dans certaines communautés ethniques, je constate qu'elles annoncent ouvertement leurs services. Elles ne se présentent pas comme des hawalas, mais elles promettent « des transactions monétaires intéressantes ». Tout le monde sait que ce sont des hawalas.

C'est mieux d'avoir quelque chose comme ceci. J'ai bien hâte de savoir si, à votre avis, nous pourrions fonctionner de cette façon-là.

Le sénateur Andreychuk : J'aimerais avoir une petite précision sur les casinos. Ils font partie des entités déclarantes. Est-ce qu'ils vous envoient régulièrement des rapports?

M. Intscher : Oui, nous en recevons régulièrement. Ils sont tenus de nous signaler les achats de jetons en grandes quantités. Ils nous envoient régulièrement, et très rapidement, des rapports à ce sujet-là.

Le sénateur Andreychuk : Avez-vous eu connaissance d'irrégularités relatives aux casinos?

M. Intscher : Vous voulez parler des rapports que les casinos nous soumettent ou du contenu de leurs rapports?

Le sénateur Andreychuk : Je veux parler du contenu de leurs rapports.

M. Intscher : Il y a un certain nombre de cas où ce secteur nous a signalé des transactions inhabituelles, mais j'ajouterais que tous les secteurs des services financiers au Canada ont fait la même chose.

Je ne pourrais pas dire que les casinos se démarquent des autres entités. Ils nous envoient régulièrement des rapports, qui nous sont très utiles.

Le sénateur Andreychuk : Dans ma région, un certain nombre de casinos sont exploités par des communautés autochtones. Est-ce qu'elles sont visées par cette loi? Y a-t-il eu des négociations avec les casinos situés dans les réserves?

M. Intscher : Je dois vérifier avant de vous répondre.

Oui, ces casinos sont couverts par la loi qui nous régit.

Le sénateur Andreychuk : Pour les opérations dont vous vous occupez, qu'elles vous soient signalées par les casinos, par les banques ou autrement, est-ce que vous accordez plus d'importance aujourd'hui au terrorisme qu'au crime organisé, ou si les deux sont liés à votre avis? Comment voyez-vous cet aspect-là de votre travail? Qu'en pensez-vous?

M. Intscher : Notre mandat comporte deux volets : le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. Nous accordons de l'importance aux deux. Cependant, en raison de l'angle sous lequel nous envisageons le financement des activités terroristes, nous accordons la priorité à cela parce qu'en définitive, notre travail vise à produire de l'information qui aidera à empêcher qu'un crime soit commis ou, autrement dit, à prévenir les actes terroristes.

Dans le cas du blanchiment d'argent, le crime — qu'il s'agisse d'une fraude ou de la vente de stupéfiants, par exemple — a déjà été commis. Bien qu'il soit important de recueillir les renseignements nécessaires pour décourager ces activités et pour aider les organismes d'application de la loi à faire enquête et à entamer des poursuites, le risque pour la santé publique n'est probablement pas aussi grave que dans le cas du terrorisme. C'est pourquoi nous accordons beaucoup d'importance à cet aspect-là.

J'ajouterai que j'ai été étonné que le financement présumé d'activités terroristes représente une aussi grande part de notre charge de travail. Quand on nous a confié ce mandat, je croyais personnellement que cela représenterait environ 5 p. 100, ou au mieux 10 p. 100, de notre charge de travail. À ma grande surprise, cette proportion se situe maintenant en permanence autour de 25 p. 100.

Le sénateur Andreychuk : Il semble y avoir beaucoup de documents indiquant que les activités illégales internationales se rapprochent aujourd'hui des activités terroristes et que les organisations criminelles, qui étaient là uniquement pour l'argent autrefois — et qui semblent toujours y être pour cette raison-là —, travaillent maintenant main dans la main avec les organisations terroristes. Comment faites-vous la différence entre le financement des activités terroristes et le blanchiment d'argent dans vos statistiques, alors que tous ces gens-là s'aident peut-être les uns les autres, qu'ils travaillent peut-être de concert, ou que le blanchiment d'argent est peut-être le précurseur d'autres activités de nature financière, attribuables à un réseau terroriste?

M. Intscher : Il y a certainement des preuves permettant de croire que des groupes terroristes coopèrent avec des groupes du crime organisé. Quant à savoir jusqu'à quel point, cela demeure du domaine de la spéculation. Il ne fait aucun doute que cela se produit et, en fait, nous avons eu des cas où il était difficile de distinguer si une activité était liée au trafic de stupéfiants ou à une fraude par carte de crédit, ou si elle se rattachait plutôt au financement d'activités terroristes. Dans certains cas, nous avons fait des communications en vertu des deux volets de notre mandat.

Le plus souvent, toutefois, nous pouvons voir assez vite dans quelle direction vont les choses. Les activités terroristes sont en bonne partie financées grâce à de l'argent qui est propre, au départ, même s'il est destiné à servir à des fins criminelles, ce qui fait que la source de cet argent n'est généralement pas cachée. Dans le cas du blanchiment d'argent, cependant, l'argent est déjà sale au départ. Les gens déploient donc des efforts considérables pour camoufler la source de cet argent à toutes les étapes auxquelles il peut y avoir un signalement.

C'est un des éléments qui nous permettent de faire la différence. Mais il arrive que les deux aspects soient présents. Il est parfois un peu difficile de décider de la voie à suivre et il nous est déjà arrivé de conclure qu'il y avait un peu des deux. Que le blanchiment d'argent vise ou non à faciliter des activités terroristes, cela reste du blanchiment d'argent; cela demeure un recyclage des produits de la criminalité, qu'il faut donc signaler aux organisations policières. Cependant, quand nous soupçonnions que cela pouvait aussi servir à soutenir le terrorisme, nous avons également fait une divulgation en ce sens.

Le sénateur Andreychuk : Vous recevez votre information des entités qui sont tenues de vous la communiquer, et d'autres sources également, comme vous l'avez indiqué. Vous êtes tenus à votre tour de transmettre cette information, qu'elle porte sur des activités terroristes ou sur des activités criminelles d'un autre type. Y a-t-il des limites imposées aux organisations auxquelles vous divulguez cette information quant à savoir comment elles peuvent s'en servir, ou si vous vous fiez à leurs protocoles et à leurs pratiques? Autrement dit, une fois que cette information n'est plus entre vos mains, avez-vous un certain contrôle sur ce qu'il en advient et sur ceux qui l'utilisent? Si elle est mal utilisée, est-ce que vous en avez connaissance et est-ce que vous pouvez intervenir?

M. Intscher : Quand nous communiquons des renseignements à la police ou au SCRS, c'est pour des fins d'enquête. Nous le faisons parce que nous croyons que ces renseignements seront utiles à une enquête ou à des poursuites pour blanchiment d'argent ou financement d'activités terroristes.

Lorsque le SCRS reçoit cette information, c'est pour cette raison-là, mais s'il se rend compte, dans le cours de son enquête, que l'information peut également être utile pour enquêter sur un cas de fraude ou de trafic de personnes, il peut s'en servir à condition que cela relève de son mandat.

Une fois que nous transmettons cette information, nous n'en contrôlons plus l'utilisation.

Quand nous divulguons des renseignements à une URF étrangère, nous imposons certaines contraintes. Premièrement, l'information est divulguée uniquement pour des activités de renseignement liées à des enquêtes sur le blanchiment d'argent ou le financement d'activités terroristes. Elle est destinée expressément à notre homologue. Si cette organisation souhaite ensuite la communiquer à une autre entité de son pays, elle doit d'abord obtenir notre accord. Autrement dit, l'organisation ne peut pas transmettre l'information à quelqu'un d'autre sans notre consentement, ce qui fait généralement l'objet d'un accord de réciprocité. Nous faisons la même chose pour l'information qu'une organisation étrangère pourrait nous communiquer. Avant de la transmettre à la police, nous devrions demander son consentement.

Le sénateur Andreychuk : Si vous communiquiez cette information à une autorité internationale et que celle-ci la transmettait ensuite à quelqu'un d'autre pour obtenir plus d'information, dans quel genre de scénarios donneriez-vous votre accord? Est-ce que cela s'est déjà produit?

M. Intscher : Si nous communiquions des renseignements à une URF étrangère et qu'elle nous demandait par la suite l'autorisation de transmettre ces renseignements à quelqu'un d'autre, nous voudrions savoir quelle est la nature de l'enquête à laquelle ils devraient servir; c'est l'évaluation que nous ferions. Si l'enquête visait des fins similaires à celles qui nous auraient amenés à recueillir l'information, autrement dit s'il s'agissait d'une enquête sur du blanchiment d'argent ou sur le financement d'activités terroristes, nous donnerions notre accord. Mais si l'information devait servir à des fins tout à fait différentes, ou encore si nous avions obtenu nous-mêmes cette information d'une autre source sous le sceau du secret, nous pourrions dire par exemple : « Non, désolés. Vous pouvez avoir cette information si elle doit servir à des fins de renseignement, mais nous ne pouvons pas accepter qu'elle soit transmise à quelqu'un d'autre. »

Le sénateur Andreychuk : Y a-t-il des pays auxquels vous ne transmettriez pas d'information ou si vous collaborez, en théorie, avec tous les pays?

M. Intscher : Nous pouvons communiquer de l'information aux pays avec lesquels nous avons signé un protocole d'entente sur les échanges d'information et l'utilisation de cette information. Nous en avons signé une vingtaine jusqu'ici, et nous travaillons actuellement à 18 ou 20 autres. Nous tenons compte d'un certain nombre de facteurs pour décider si nous devons ou non conclure une entente avec un pays. Un des facteurs que nous analysons très attentivement, c'est la volonté et la capacité du pays à protéger l'information que nous lui fournirions et à respecter les restrictions que nous imposons quant à son utilisation.

Y a-t-il des pays avec lesquels nous n'échangerions pas d'information? Si un pays ne répondait pas à certains des critères que nous avons établis à cet égard, nous remettrions la signature d'une entente à plus tard, peut-être indéfiniment.

Le sénateur Andreychuk : Si je comprends bien, les avocats ne sont pas tenus de faire des déclarations pour le moment. Cependant, c'est une question qui préoccupe les sociétés du barreau, et il y a une affaire en instance concernant le secret professionnel des avocats. D'après ce que je peux voir, les avocats ne sont pas protégés s'ils sont en cause dans une activité criminelle. Il y a eu récemment un avocat condamné pour blanchiment d'argent.

Avez-vous eu des pourparlers avec les sociétés du barreau? Pourquoi sont-elles aussi préoccupées puisque les gestes que fait un avocat dans le cadre de sa relation privilégiée avec son client sont confidentiels? Comment pouvez-vous savoir si un avocat outrepasse son privilège et s'il est de mèche avec une organisation terroriste ou criminelle? Comment tracez-vous la ligne entre les deux?

M. Intscher : Comme vous le savez probablement, les avocats étaient assujettis à l'origine aux dispositions de la loi, et les législateurs ont pris bien soin, lors de la rédaction de ces dispositions, de protéger l'information visée par le privilège du secret professionnel des avocats.

En fait, cette information a été exclue explicitement des exigences de déclaration. C'est une question complexe, et les sociétés du barreau contestent la façon dont le gouvernement interprète l'application de ces dispositions. Elles ont obtenu des injonctions, ce qui fait que le Procureur général du Canada a suspendu l'application de cette partie de la loi pour les avocats.

Le ministère des Finances et les différentes sociétés du barreau sont en discussions depuis, dans le but de trouver un moyen par lequel la loi pourrait s'appliquer à la profession juridique. Je pense que ces discussions sont assez avancées, et nous espérons que les avocats seront inclus à nouveau dans un avenir raisonnablement proche.

Le sénateur Cools : J'invoque le Règlement, monsieur le président. C'est un sujet extrêmement important. Pourriez- vous demander au témoin de préciser les articles de la loi auxquels il fait référence, pour le compte rendu et pour que nous puissions tous suivre un peu plus facilement le débat? C'est très important.

La présidente : Merci, sénateur Cools.

Le sénateur Cools : Le Procureur général a suspendu l'application de certaines dispositions; pouvez-vous nous dire à quels articles de la loi vous faites référence?

M. Intscher : L'article 11 de la loi exclut spécifiquement des exigences de déclaration le secret professionnel du conseiller juridique.

Bien que les membres de la profession juridique ne soient pas tenus actuellement de déclarer les opérations qu'ils jugent douteuses, par exemple, cela ne veut pas dire qu'ils échappent complètement aux exigences de déclaration. Si, par exemple, un avocat dépose une grosse somme d'argent dans son compte en fiducie, l'institution financière qui administre ce compte devra nous signaler cette importante opération en espèces.

De la même façon, s'il effectue une opération que son institution financière juge douteuse, celle-ci va nous en faire rapport. Mais les avocats eux-mêmes ne sont pas tenus de déclarer ces opérations pour le moment, qu'il s'agisse de leurs propres opérations ou de celles de leurs clients.

Le sénateur Andreychuk : Je suis convaincu que les sociétés du barreau, et tous les autres, ne cherchent pas à soustraire les avocats aux exigences de reddition de comptes en cas de comportement criminel, comme nous l'avons vu récemment; il s'agit plutôt de protéger le secret professionnel. Cela ne vous a pas empêchés d'obtenir et d'utiliser, sans porter atteinte à ce secret professionnel, de l'information qui a pu être communiquée à une autre instance au sujet d'une opération donnée.

M. Intscher : Exactement.

Le sénateur Andreychuk : Seriez-vous satisfaits de maintenir le statu quo établi par suite de l'injonction?

M. Intscher : Je préférerais qu'il y ait certaines exigences de déclaration pour les avocats parce que les renseignements que nous obtenons actuellement ne viennent pas d'eux; ils nous sont fournis à leur sujet par d'autres institutions financières.

Si quelqu'un dépose 500 000 $ en espèces dans des comptes en fiducie, la banque va nous signaler la transaction, mais nous n'aurons aucune information sur la propriété effective de cet argent. Autrement dit, nous n'aurons aucune idée de l'identité du client au nom duquel l'opération a été effectuée.

Le sénateur Andreychuk : Vous avez déjà travaillé dans ce domaine-là. Pensez-vous qu'il faudrait inclure ces opérations d'un point de vue pratique ou si vous abordez plutôt la question d'un point de vue générique, en disant que c'est aussi un secteur que vous aimeriez surveiller?

Avez-vous des raisons de croire qu'il pourrait y avoir des opérations sérieuses et importantes de nature terroriste ou criminelle qui se déroulent par l'entremise des cabinets d'avocats? Il me semble qu'il faudrait viser les rares personnes malhonnêtes, où qu'elles se trouvent, plutôt que toute une profession.

M. Intscher : Vous avez raison, mais c'est vrai aussi pour les banques et toutes les autres professions.

Le sénateur Andreychuk : À mon avis, les banques ne sont pas dans la même catégorie que les avocats.

Le sénateur Cools : Et les comptables.

Le sénateur Andreychuk : S'il vous plaît, je pose la question au témoin.

M. Intscher : C'est également vrai pour les comptables, les courtiers en assurance ou les agents immobiliers. Nous avons vu des cas concrets où des membres de la profession juridique avaient effectué des opérations qui auraient dû faire l'objet de déclarations. Nous aurions aimé que ces déclarations soient obligatoires parce qu'il y avait des doutes quant à l'origine et à l'utilisation des fonds.

De façon plus générale, en autorisant les avocats à ne pas faire de déclarations, nous les exposons en quelque sorte à se faire rechercher ou cibler par des individus peu recommandables pour qu'ils effectuent des opérations qui devraient être déclarées si elles passaient par d'autres institutions. Du point de vue de CANAFE, ce n'est pas souhaitable. De la même façon que nous sommes à l'affût d'autres types d'entreprises ou d'opérations susceptibles d'être exploitées pour le blanchiment d'argent ou le financement d'activités terroristes, nous voulons aussi combler les lacunes concernant les types d'entreprises et d'opérations existantes.

Le sénateur Andreychuk : Allons-nous entendre des représentants des sociétés du barreau qui ont fait valoir que le privilège du secret professionnel était différent pour les avocats et pour les autres professionnels? Il serait intéressant d'entendre leur point de vue là-dessus, puisque les sociétés du barreau et le gouvernement du Canada ne sont manifestement pas sur la même longueur d'onde à ce sujet-là.

La présidente : Merci, sénateur Andreychuk. Nous nous pencherons sur cette question en mai.

Le sénateur Cools : Pourrions-nous aussi inviter un témoin à venir nous parler du secret professionnel de l'avocat? C'est censé être un privilège très restreint, mais il est maintenant appliqué à toutes les sauces. Ce n'est pas la première fois. Très souvent, de nos jours, dans un projet de loi après l'autre, il y a des exceptions pour les avocats, ce qui fait que nous créons un nouveau groupe d'aristocrates, ou de gens immunisés. Je ne pense à aucun témoin en particulier pour le moment, mais il y a bien des gens qui étudient les pouvoirs croissants des avocats dans la société. Nous pourrions peut- être entendre des témoins là-dessus, parce que je suis d'avis que les avocats n'auraient absolument pas dû être soustraits à l'application de la loi. Nous avons créé de cette façon-là un groupe de personnes intéressées. Je pense qu'il est grand temps que nous entendions des témoignages sur cette question importante.

Comme l'affaire Enron nous l'a montré à tous, nous vivons à une époque où les professionnels ne sont plus au- dessus de tout soupçon. Cette mesure législative accorde un traitement préférentiel aux avocats, mais nous pourrions aussi voir ce qu'il en est des directeurs de banque, des conseillers financiers et des médecins. Il pourrait y avoir une foule d'autres professions visées.

Il serait intéressant d'examiner l'ensemble du phénomène que je viens de décrire. Il y a tout un domaine de spécialisation qui s'est créé autour de la profession juridique; c'est ce qu'on appelle la sociologie du droit. Nous devrions entendre des témoins plus objectifs et moins intéressés que les sociétés du barreau, qui ont évidemment des intérêts à défendre. Leur position n'est pas objective.

La présidente : Nous allons certainement nous pencher sur cette question, sénateur Cools. Compte tenu du mandat de notre comité, nous ne pouvons pas faire une étude complète là-dessus, mais nous allons certainement examiner cela dans le cadre de notre enquête.

Le sénateur Cools : Cela se voit de plus en plus souvent. On place les avocats au-dessus de la loi. C'est ce qu'on appelle la gouvernance extrajuridique.

La présidente : Il nous reste moins d'une heure avec nos témoins, honorables sénateurs; nous allons donc passer à la deuxième ronde.

Le sénateur Joyal : Merci, madame la présidente.

[Français]

Le sénateur Joyal : Madame Desjardins, je voudrais revenir, à la page cinq de la présentation de ce matin, sur le nombre de cas qui ont fait l'objet d'une déclaration et sur les 197 cas qui ont été communiqués en 2003. M. Intscher nous a mentionné qu'en 2004-2005, ce serait probablement le double, et également aux 48 cas de financement d'activité terroriste. Plus particulièrement, est-ce qu'on doit comprendre que sur les 194 cas, il y en avait 48, donc 25 p. 100, qui étaient reliés à des activités terroristes. Est-ce que les trois quarts des cas sont reliés à des activités reliées au crime organisé?

[Traduction]

M. Intscher : Oui, vous avez raison. Les autres cas se rattachaient à des affaires présumées de blanchiment d'argent, la plupart du temps par des groupes appartenant au crime organisé.

Le sénateur Joyal : Quand vous communiquez de l'information sur les cas de ce genre, combien d'entre eux se retrouvent chaque année devant les tribunaux? Autrement dit, dans combien de cas les gens dont l'argent a été saisi se présentent-ils devant les tribunaux pour essayer de le récupérer? Quel est le pourcentage des cas dans lesquels les gens se battent pour ravoir leur argent?

M. Intscher : Il serait prématuré que nous répondions à cela. Premièrement, nous nous demandons toujours quel serait le meilleur moyen de faire du suivi auprès des organismes d'enquête au sujet de l'utilisation des renseignements que nous leur transmettons et du rôle que jouent ces renseignements dans leurs enquêtes. Les investigations de ce genre sont généralement très longues et très complexes, et il n'est pas rare qu'il se passe deux ou trois ans entre le moment où elles commencent et celui où des accusations sont portées. Quand les procureurs ont l'intention de geler des fonds, ils ne peuvent pas le faire avant qu'il y ait des accusations.

C'est une chose que nous pourrions voir dans un an ou deux. Dans la plupart des cas où nous leur avons communiqué des renseignements, les organismes d'application de la loi en sont encore aux premières étapes de leur enquête, quand ils ne l'ont pas carrément mise de côté parce qu'ils travaillent à plein temps pour terminer des enquêtes déjà en cours.

La question du gel et de la saisie de biens ne se posera pas avant un certain temps. Pour le moment, je ne pense pas que nous ayons d'information utile à fournir sur les affaires de ce genre.

Le sénateur Joyal : Trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, sur les quelque 200 cas où vous avez communiqué des renseignements, dans combien de cas la personne qui avait fait l'objet d'une dénonciation a-t-elle pu récupérer ses droits ou ravoir son argent?

M. Intscher : Jusqu'ici, il n'a jamais été question d'argent. C'et seulement lorsque la police a terminé son enquête qu'on peut entamer les procédures visant à geler les biens, en attendant le résultat des poursuites.

Le sénateur Joyal : Autrement dit, vos activités ne se rattachent pas à une des agences des douanes du Canada, n'est- ce pas?

M. Intscher : En effet.

Le sénateur Joyal : Si des douaniers canadiens saisissent de l'argent à la frontière ou lors de l'embarquement à bord d'un avion, cela se passe indépendamment de vous, n'est-ce pas?

M. Intscher : En effet.

Le sénateur Joyal : Est-ce qu'ils vous transmettent l'information ou s'il l'envoient directement à la police?

M. Intscher : Quand des douaniers canadiens saisissent de l'argent à la frontière, ils nous envoient une copie de leur rapport. Nous recevons aussi automatiquement des copies des déclarations remplies par les voyageurs qui entrent au pays et qui en sortent.

La partie 2 de la loi, qui est actuellement administrée par l'Agence des services frontaliers du Canada, prévoit un processus très clair et des délais bien définis à l'intérieur desquels les gens dont les fonds ont été saisis peuvent demander de les récupérer.

Nous obtenons des rapports généraux sur la proportion des fonds abandonnés et de ceux qui sont retournés au propriétaire, mais nous n'avons rien à voir dans ce processus. Nous recevons seulement l'information.

Le sénateur Joyal : Êtes-vous tenus de transmettre cette information à un des 20 pays avec lesquels vous avez signé un protocole d'entente?

M. Intscher : Si nous recevons une demande de divulgation d'une agence étrangère comme la nôtre et que nous devons lui répondre, nous pouvons lui transmettre uniquement l'information que nous pourrions communiquer aux organismes d'application de la loi. Si nous avons de l'information sur des opérations, ou sur les gens et les institutions qui ont participé à ces opérations, nous pouvons la divulguer. Ce serait le cas par exemple si une personne avait déclaré qu'elle traversait la frontière avec 60 000 $ et si nous en avions été avisés; c'est le genre d'information que nous pourrions divulguer. Mais nous ne pourrions divulguer aucune autre information relative à des poursuites à l'intérieur du Canada, aux soupçons de la police, et ainsi de suite — en supposant que nous en ayons, ce qui n'est pas souvent le cas.

Le sénateur Joyal : Si je comprends bien la nuance que vous faites dans votre réponse, si l'argent est saisi à l'aéroport, cela se passe sur le territoire canadien et ce renseignement reste donc au Canada. Mais si des douaniers saisissent de l'argent d'une personne qui traverse la frontière, est-ce que l'information reste uniquement au Canada ou si elle pourrait être transmise au pays qui se trouve de l'autre côté de la frontière, en l'occurrence les États-Unis?

M. Intscher : Si l'argent est saisi de notre côté de la frontière, l'information reste au Canada et nous ne sommes pas avertis de la saisie.

Mme Josée Desjardins, avocate-conseil, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada : Honorables sénateurs, l'Agence du revenu du Canada, l'ARC, est chargée d'administrer la partie 2 de la loi. CANAFE serait informé de la saisie, et il obtiendrait de l'information non seulement sur la saisie, mais aussi sur le transfert d'argent à la frontière, que cet argent-là entre au Canada ou qu'il en sorte. Il se servirait ensuite de ces renseignements pour exécuter son mandat.

Il est possible que l'Agence du revenu du Canada soit autorisée à divulguer cette information à d'autres agences des douanes; vous feriez sans doute mieux de poser la question à l'Agence du revenu du Canada ou à l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC. Je pense quand même que ce qui se passe à la frontière relève de Revenu Canada, ou plutôt de l'ASFC, devrais-je dire. Celle-ci est peut-être autorisée, en vertu de sa propre loi habilitante, à transmettre cette information, mais nous ne sommes pas responsables de cet aspect-là. Cela relève du mandat de l'ASFC. CANAFE reçoit de l'information et peut la transmettre aussi à des URF étrangères, selon le système qui vous a été expliqué.

M. Intscher : Je pense qu'il n'y a actuellement rien qui permette l'échange de renseignements sur les saisies, mais que l'ASFC et le ministère des Finances cherchent à trouver un moyen de rendre possible ce genre d'échange avec leurs homologues américains.

Le sénateur Joyal : C'est bien ce que je pensais, mais je voulais que ce soit très clair pour le compte rendu. En ce moment, si quelqu'un, au Canada, que ce soit un citoyen canadien ou un étranger, se fait saisir une somme d'argent de plus de 10 000 $, cet argent-là reste au Canada tant que les poursuites judiciaires ne sont pas terminées. À la fin des poursuites, s'il est établi que la personne était en possession d'argent provenant d'une activité criminelle ou ayant des liens avec le terrorisme, l'information peut être communiquée aux États-Unis — si l'argent a été saisi à la frontière canado-américaine — ou à un des 19 autres pays avec lesquels nous avons conclu une entente. C'est ce qui se fait actuellement. Cela pourrait changer si les ministères des Finances et du Revenu modifient leurs règlements. Est-ce que cela résume bien la situation?

M. Intscher : Oui, c'est exact. Je dois préciser également que CANAFE, lorsqu'il transmet des renseignements à l'étranger, ne peut traiter qu'avec ses homologues. Dans le cas des États-Unis, nous ne pourrions transmettre de l'information qu'au Financial Crimes Enforcement Network, le FinCEN, qui relève du département américain du Trésor. Nous ne pouvons pas divulguer d'information à d'autres entités aux États-Unis, par exemple au service des douanes ou à la police.

Le sénateur Joyal : Une fois que vous avez transmis de l'information à votre homologue au département américain du Trésor, cet homologue est libre ensuite de répondre à toute demande de renseignements d'un organisme américain, par exemple le FBI ou un autre service chargé d'enquêter sur ces activités, n'est-ce pas?

M. Intscher : Ce qui est prévu dans notre protocole d'entente, et qui se reflète également dans les principes qui régissent les organisations comme la nôtre à l'échelle internationale, c'est que l'information est échangée entre unités du renseignement financier à des fins de renseignement, et que la transmission à un autre service d'enquête doit être autorisée par l'entité qui a fourni l'information en premier lieu. Nous pouvons divulguer de l'information au FinCEN, à des fins de renseignement, mais s'il veut ensuite transmettre cette information au FBI, aux services secrets ou à qui que ce soit d'autre, il doit nous demander notre accord. Et il l'a déjà fait dans plusieurs cas.

Le sénateur Joyal : C'est ce qui se passe même depuis l'adoption de la Patriot Act?

M. Intscher : Oui.

Le sénateur Joyal : C'est intéressant. L'accès privilégié à l'information de nature confidentielle fournie à des organismes internationaux et devant être divulguée parce qu'elle pourrait se rattacher à des activités terroristes est un aspect qui a suscité bien des questions. Pour le moment, ces ententes ne reflètent pas l'objectif primordial du maintien de la sécurité aux États-Unis.

M. Intscher : Si nous divulguons aux Américains de l'information sur des opérations qui pourraient être liées d'après nous à des activités terroristes ou au financement de ces activités, ils doivent nous demander notre autorisation s'ils veulent transmettre cette information au FBI ou à quelqu'un d'autre. Si c'est pour les besoins d'une enquête sur des activités terroristes, nous acceptons que l'information soit communiquée à des tiers, à condition que nous n'en soyons pas empêchés nous-mêmes par l'organisation qui nous aurait fourni cette information. Autrement dit, si nous avons communiqué de l'information dont certains éléments proviennent de la GRC, du SCRS ou d'une entité d'un pays tiers, nous ne pourrons pas autoriser qu'elle soit transmise plus avant sans consulter d'abord notre source.

Le sénateur Joyal : Pour poursuivre sur l'aspect judiciaire de la question, savez-vous que la constitutionnalité de l'obligation de divulguer la possession de plus de 10 000 $ en espèces est actuellement contestée devant la Cour fédérale du Canada?

Mme Desjardins : Oui, mais c'est une affaire qui concerne l'ASFC.

Le sénateur Joyal : Avez-vous un rôle à jouer dans cette affaire? Avez-vous fourni des arguments dans le cadre de la présentation à la Cour fédérale?

Mme Desjardins : L'affaire a été portée devant le tribunal par le ministère de la Justice, avec l'appui de l'Agence des services frontaliers du Canada. Nous sommes au courant, mais comme je l'ai dit, la partie 2 de la loi ne relève pas de CANAFE. Notre centre n'est donc pas touché directement par ce litige.

Le sénateur Joyal : Mais son résultat pourrait vous toucher directement.

Mme Desjardins : Le résultat nous intéresse, oui, c'est évident.

Le sénateur Joyal : L'argument avancé par les parties, d'après ce que j'ai pu lire sur la substance de l'affaire, c'est que le simple fait d'être en possession de plus de 10 000 $ en espèces oblige à expliquer l'origine de cet argent. Autrement dit, le fardeau de la preuve est inversé. La personne qui a cet argent en sa possession doit se justifier, ce qui est contraire à la présomption habituelle prévue par la Charte des droits et libertés. Si la cour accepte cet argument et que cette disposition est jugée inconstitutionnelle, dans les lois relatives à l'agence des services douaniers et à la lutte antiterroriste, et en attendant d'autres critères ou d'autres aspects que la cour pourrait vouloir définir, cela pourrait avoir des conséquences majeures sur vos activités, à mon avis. Savez-vous s'il y a d'autres causes de ce genre en instance, ou si c'est la seule cause actuellement devant les tribunaux canadiens sur cette question?

Mme Desjardins : Pour le moment, je ne sais pas combien il y a de causes de ce genre. Je devrais en parler à mes collègues du ministère de la Justice qui s'occupent de cette affaire. Je ne suis pas au courant des détails. Nos collègues nous consultent quand ils ont besoin d'aide pour étayer leur cause, ce qui fait que nous sommes au courant, mais je ne connais pas les détails. Nous devrions nous adresser à la section du contentieux du ministère de la Justice.

Le sénateur Joyal : Avez-vous participé à la préparation de la réponse du gouvernement du Canada à la requête présentée à la Cour fédérale?

Mme Desjardins : Pas intimement.

Le sénateur Joyal : Je ne veux pas savoir si vous y avez été mêlée intimement, je veux savoir si vous avez joué un rôle sur le plan juridique. Avez-vous participé à la rédaction de la réponse du gouvernement à la requête qui a été présentée à la Cour fédérale au sujet de la constitutionnalité des dispositions de la Loi sur les douanes et de la Loi antiterroriste relativement à la possession d'argent en espèces?

Mme Desjardins : Non.

Le sénateur Joyal : Vous n'y avez pas participé. Vous collaborez avec 20 pays. Serait-il possible d'obtenir une liste de ces pays, avec un exemplaire des ententes que vous avez conclues avec eux?

M. Intscher : Nous nous ferons un plaisir de vous fournir le modèle que nous avons établi pour nos ententes avec tous les pays et qui nous sert de base pour conclure ces ententes. Il y a des différences de formulation mineures d'un pays à l'autre, mais c'est très similaire quant au fond. Nous nous ferons un plaisir de vous faire parvenir un exemplaire de ce modèle.

Je peux aussi vous énumérer les pays avec lesquels nous avons actuellement des ententes de ce genre : ce sont les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique, l'Australie, le Mexique, l'Italie, la Barbade, les Pays-Bas, le Portugal, la république de Corée, le Salvador, le Panama, la France, la Finlande, la Bulgarie, le Danemark, Monaco, la Lettonie, Chypre et Guernesey.

Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir à deux autres questions, peut-être à l'occasion d'un deuxième tour. Elles se rapportent aux deux critères que vous avez mentionnés au sujet du transfert d'information. Vous avez dit que l'information devait se rattacher au mandat de l'organisme. J'aimerais que vous m'expliquiez le premier critère, parce que j'étais en train de prendre des notes et que je ne suis pas certain d'avoir obtenu toute l'information que je voulais sur ces deux critères.

La présidente : Merci, sénateur Joyal. Voulez-vous avoir la réponse maintenant ou si nous pouvons laisser le sénateur Stratton poser sa question et remettre la vôtre au deuxième tour?

M. Intscher : J'essaie de me rappeler si je parlais des transferts d'information à des entités étrangères.

Le sénateur Joyal : Non, vous parliez des différents organismes auxquels vous divulguez de l'information : le SCRS, l'Agence du revenu du Canada et Citoyenneté et Immigration Canada. Vous avez dit qu'il y avait un double test. Vous devez respecter deux critères, si je peux me permettre de vous rappeler votre réponse.

M. Intscher : CANAFE a été créé en vue de la détection des opérations douteuses liées au blanchiment d'argent, et son mandat a été modifié par la suite afin de nous permettre d'examiner aussi les opérations susceptibles de servir au financement d'activités terroristes. Les infractions entraînant des accusations pour blanchiment d'argent sont toutes des actes criminels, à l'exception de certaines infractions, ou catégories d'infractions, qui sont exclues. C'est le cas par exemple de la fraude fiscale.

Si nous effectuons une analyse et que nous en arrivons à la conclusion que, par exemple, les six personnes qui ont blanchi 2 millions de dollars ont également commis une fraude fiscale, nous pouvons en avertir l'ARC, mais nous devons d'abord établir qu'il y a effectivement eu blanchiment d'argent. Nous devons ensuite respecter un critère distinct, c'est-à-dire que nous devons avoir des motifs raisonnables de croire que l'information pourrait être utile à une enquête sur des soupçons de fraude fiscale. En partie à cause de ce deuxième critère, et en partie parce que notre expérience — et celle des autres organisations comme la nôtre — a démontré qu'il ne faut pas supposer automatiquement que toutes les activités de blanchiment d'argent impliquent aussi de la fraude fiscale, nous devons respecter ce critère distinct avant de pouvoir communiquer de l'information à l'ARC.

De la même façon, avant de divulguer des renseignements à Citoyenneté et Immigration Canada, nous devrions d'abord établir qu'il y a eu blanchiment d'argent ou financement d'activités terroristes, et ensuite déterminer qu'il y a des motifs raisonnables de croire que l'information pourrait se rattacher à une infraction à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Pour la police et les services de renseignement, nous n'avons qu'à tenir compte du critère du blanchiment d'argent ou du financement d'activités terroristes, mais pour tout autre destinataire — les destinataires potentiels étant l'ARC et Citoyenneté et Immigration Canada —, nous devons respecter les deux critères. Nous ne pouvons pas communiquer de l'information à d'autres organismes.

Le sénateur Joyal : Mon collègue le sénateur Andreychuk vous a posé une question sur les possibilités d'appel. Si j'ai bien compris votre question, sénateur Andreychuk, vous avez dit — si je me rappelle bien, encore une fois, à partir des notes que j'ai prises — qu'il n'est pas possible d'en appeler des décisions de transmettre de l'information à l'ARC, au ministère de l'Immigration ou à d'autres organismes.

M. Intscher : Je ne suis pas sûr de comprendre votre question, sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : Autrement dit, vous effectuez un double test. Quand vous examinez un dossier et que vous en arrivez à la conclusion qu'il y a suffisamment d'information ou d'éléments pour vous permettre de croire qu'il y a eu effectivement une opération de blanchiment d'argent qui pourrait être liée au terrorisme ou au crime organisé, vous pouvez ensuite faire un pas de plus et conclure que cela pourrait aussi être un cas de fraude fiscale. Vos conclusions sont sans appel. Il n'y a rien dans la loi qui prévoit que la personne, l'entité ou l'entreprise en cause aurait des recours quelconques devant les tribunaux, au moment où elle serait mise en accusation?

M. Intscher : Notre information ne débouche pas directement sur des mises en accusation. Ce que nous divulguons, ce sont des renseignements sur des activités ou des opérations que nous soupçonnons d'être liées au blanchiment d'argent ou au financement d'activités terroristes. Nous les communiquons à un organisme d'enquête pour qu'il puisse faire enquête, justement, et déterminer s'il y a effectivement quelque chose qui se passe et si cela devrait entraîner des accusations et des poursuites.

Il n'y a pas de procédure d'appel concernant la divulgation de l'information dont nous disposons à ces entités, mais s'il y a des poursuites, nous pourrons être appelés à témoigner, et à démontrer que nos conclusions originales étaient raisonnables et que nos soupçons étaient justifiés.

Le sénateur Joyal : Faites-vous part de vos conclusions aux gens du ministère de la Justice ou d'un autre ministère avant de communiquer des renseignements?

M. Intscher : Non. Ces renseignements vont seulement à des organismes d'enquête, pour faciliter leur travail. Il s'agit de la GRC, de la Sûreté du Québec, de la police de Montréal, de Toronto ou d'ailleurs — n'importe quel organisme d'application de la loi — ou encore au SCRS.

Le sénateur Andreychuk : Sénateur Joyal, ce que je voulais dire, c'est qu'à ma connaissance, CANAFE n'a aucune autorité pour savoir comment l'information transmise a été utilisée ou pour tenir les autres organismes responsables. J'imagine que vous vous posez tout naturellement la question qui s'ensuit, à savoir ce qui se passe si l'information est utilisée de manière à faire du tort à quelqu'un. Y a-t-il des recours? Je ne pense pas être allé jusque-là.

J'ai laissé tomber puisqu'ils ne peuvent rien faire. L'information leur échappe.

Le sénateur Joyal : Je sais que mon temps est écoulé.

La présidente : Nous aurons une deuxième ronde, sénateur Joyal. Je voudrais bien que le sénateur Stratton ait la chance de poser sa question. Nous passerons ensuite au deuxième tour.

Le sénateur Stratton : J'aimerais que nous parlions de cela, parce que c'était le sujet de ma question originale. Nous avons discuté longuement ce matin de la façon dont les accusations sont portées et dont les enquêtes sont effectuées, et de ce qui se passe par la suite. Supposons qu'il y ait eu des accusations. Est-ce qu'une personne ou une entreprise qui aurait été accusée, puis jugée innocente aurait des recours contre vous, autrement que devant les tribunaux? Comment protégez-vous cette entreprise ou cette personne qui, en définitive, n'était pas coupable?

Je sais que vous essayez d'être aussi prudents que possible, mais il y a bien des choses qui peuvent arriver. Une fois que les dégâts sont faits, la réputation de la personne ou de l'entreprise est détruite. Sa situation financière est sérieusement dégradée, sinon anéantie. Quels recours cette personne ou cette entreprise aurait-elle contre vous — devrait-elle faire appel aux tribunaux selon les mécanismes habituels, ou s'il existe quelque chose dans la loi qui dit que, si vous ne faites pas bien votre travail, vous pourriez...?

M. Intscher : Les renseignements que nous communiquons à des organismes d'enquête ne sont vraiment que des pistes ou des indices laissant croire à des activités suspectes. Il appartient ensuite à ces organismes d'effectuer une enquête pour établir s'il y a effectivement des motifs raisonnables de croire que des infractions ont été commises, et de réclamer des accusations et des poursuites. Il est inconcevable, à mon avis, que la divulgation de ces renseignements débouche directement sur des poursuites parce que ce ne sont que des soupçons. C'est de l'information incomplète. Elle offre des pistes d'enquête, elle fournit des indices, mais elle ne représente qu'une des sources à la disposition des organismes d'application de la loi qui seraient responsables de faire enquête et de porter l'affaire devant les tribunaux pour que les présumés coupables soient poursuivis.

Le sénateur Stratton : Dans ce cas, à qui devez-vous rendre des comptes? Comment faites-vous pour vérifier et justifier que ce que vous faites est effectivement la chose à faire? D'après ce que vous nous avez dit, vous entendez certaines choses et vous communiquez cette information à d'autres. Il peut s'agir d'une rumeur ou d'une information que vous obtenez d'une source ou d'une autre, et vous la communiquez. Quels sont les mécanismes en place pour garantir que vous le faites de manière responsable?

M. Intscher : Sénateur, je peux vous assurer que nous ne communiquerions pas une information qui serait fondée uniquement sur des rumeurs. Les renseignements que nous sommes autorisés à transmettre à des organismes d'enquête sont des renseignements personnels et financiers qui nous sont communiqués par les entités déclarantes et qui concernent les opérations de leurs clients. Ce que nous pouvons divulguer, c'est l'identité de la personne qui a effectué l'opération et de celle qui en a bénéficié, le lieu où l'opération s'est déroulée — autrement dit, dans quelle institution —, la date, le montant et toute autre information de ce genre. C'est de l'information tirée des rapports que les institutions financières doivent nous soumettre.

Notre organisation est assujettie aux lois relatives à l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels, et s'il devait y avoir des inquiétudes au sujet de l'information que nous possédons et que nous divulguons, ce serait du point de vue de la protection de la vie privée; or, nos activités peuvent être examinées par le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada. N'importe qui peut porter plainte au commissaire au sujet d'une divulgation que nous aurions faite, ou même de peur que nous ayons fait une divulgation à son sujet. Le commissaire devrait alors déterminer si nous avons agi légalement et raisonnablement en prenant la décision de divulguer l'information.

Le sénateur Stratton : Est-ce que ce recours est bien défini, en ce sens que l'entreprise ou la personne qui est mise en accusation en est avisée clairement, ou si elle doit s'en rendre compte par elle-même?

M. Intscher : Comme ce n'est pas nous qui portons des accusations, ni même qui faisons enquête, je ne peux pas répondre à cette question.

Le sénateur Stratton : D'accord.

J'aimerais maintenant que nous parlions de la disposition relative au montant de 10 000 $ en espèces, ce qui est compréhensible. Je me pose plutôt des questions sur les chèques et les sociétés à numéro. Il me semble qu'une personne qui s'occuperait sérieusement de terrorisme se servirait d'autres moyens que le comptant pour transférer de l'argent, par l'intermédiaire d'entreprises du pays ou de l'étranger, ou de sociétés à numéro. Comment travaillez-vous avec les institutions financières dans les cas de ce genre, parce qu'il est permis de penser que c'est la voie que les groupes terroristes choisiraient, plutôt que les opérations en espèces, n'est-ce pas? Et si oui, qu'en pensez-vous?

M. Intscher : Premièrement, il ne faut pas sous-estimer l'importance des opérations en espèces dans le financement des activités terroristes. La moitié environ des divulgations que nous avons faites jusqu'ici portaient sur des opérations concernant d'importantes sommes en espèces, autrement dit des opérations en espèces de plus de 10 000 $. Mais les institutions financières surveillent aussi les opérations qui concernent des sommes inférieures aux seuils établis et qui viseraient à camoufler les activités des gens qui les effectuent.

Vous ne serez pas surpris d'apprendre que la plupart des banques, des coopératives de crédit et des autres institutions de ce genre surveillent les opérations de moins de 10 000 $. Si un client fait constamment des dépôts en espèces de 9 700 $ ou de 9 500 $, par exemple, cela va sans doute attirer leur attention. Elles pourront alors enquêter sur les activités de ce client pour savoir quel genre de transactions en espèces pourraient être raisonnables dans son type d'entreprise ou sa profession.

Il y aussi les transferts d'argent à différents endroits, tant au pays qu'à l'étranger, afin de brouiller les pistes et de réunir des fonds sans attirer l'attention. Les virements de 10 000 $ ou plus, du Canada vers l'étranger et de l'étranger vers le Canada, nous sont aussi signalés par les institutions financières.

Quand nous regardons l'ensemble des rapports que nous recevons — sur les opérations douteuses, les importantes opérations en espèces, les télévirements internationaux, les mouvements transfrontaliers de devises et ainsi de suite —, nous les comparons les uns aux autres pour essayer de voir s'il y a une série d'activités ou de tentatives de dissimulation qui pourrait nous sauter aux yeux.

Est-il possible de faire circuler de l'argent quand même? Oui, mais comme les seuils sont relativement peu élevés même pour les opérations objectives, je pense qu'il est impossible d'en faire circuler de gros montants sans que quelqu'un le remarque et nous le signale, ou sans que nous le remarquions nous-mêmes en examinant les différents types d'opérations.

Si quelqu'un veut blanchir 60 000 $, il peut assez facilement diviser cela en petites parts, se rendre dans différentes institutions financières, et s'en débarrasser ou le cacher de cette façon-là. Mais s'il doit en blanchir 10 ou 20 millions, il devient très difficile de diviser cela en sommes assez petites pour échapper aux exigences de déclaration. En fait, il faudrait des opérations tellement fréquentes qu'au moins une institution financière s'en rendrait compte s'il y avait soudainement une multitude de transactions en espèces, même inférieures aux seuils établis; elle nous aviserait donc de ces opérations parce qu'elle les jugerait douteuses.

Les seuils eux-mêmes signifient que nous ne pouvons pas intercepter absolument tout, mais je pense que nous pouvons nous rendre compte de la plupart des cas importants. Ces seuils ont été mis en place pour éviter que les opérations normales des familles ou des ménages ne doivent être déclarées automatiquement. Si une institution juge une opération douteuse, qu'il s'agisse d'une opération en espèces ou d'un télévirement, elle peut nous la signaler sans se préoccuper des seuils prévus. Mais si j'envoie par exemple 9 000 $ ou 13 000 $ à ma fille qui étudie à l'université dans une autre ville, ce n'est pas vraiment une transaction qui va intéresser le Centre. Dans la plupart des familles, il y a des opérations en espèces ou des virements d'argent qui se rattachent aux affaires familiales et qui n'ont pas à nous être divulgués, parce que cela ne nous intéresse pas. Je pense qu'il y en a beaucoup.

Quand il s'agit d'opérations plus importantes, les probabilités sont plus grandes qu'elles visent à couvrir des activités illicites. C'est la raison pour laquelle le seuil de 10 000 $ a été établi. Il n'y a rien de magique là-dedans. Beaucoup de pays ont adopté un seuil à peu près similaire, et beaucoup d'autres ont fixé le seuil à 25 000 $. En Suisse, il est de 250 000 $.

Le sénateur Austin : Quelles sanctions pourriez-vous imposer à des institutions financières qui ne se conformeraient pas aux exigences de déclaration?

M. Intscher : Avant de vous répondre, j'aimerais vous expliquer rapidement notre approche générale. Nous considérons le programme de conformité en partie comme un outil dissuasif pour décourager le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes, mais aussi comme un moyen d'augmenter au maximum la qualité et la quantité des rapports que nous soumettent les institutions.

Nos rapports avec les entités déclarantes sont marqués par la coopération et l'esprit constructif. Nous fournissons à ces entités beaucoup d'information sur leurs obligations de conformité. Nous leur demandons de remplir des questionnaires d'autoévaluation pour nous donner une idée de la façon dont elles perçoivent ce qu'elles font. Et lorsque les risques de non-conformité sont particulièrement élevés, nous procédons à des examens.

En cas de lacunes ou de transgressions mineures, nous enverrions normalement une lettre pour dire : « Voici quelles sont vos lacunes sur le plan de la conformité; nous vous donnons 30 jours pour nous indiquer comment vous entendez y remédier. » Et nous effectuerions fort probablement une visite de suivi pour nous assurer que l'institution a effectivement apporté les correctifs prévus. Voilà pour la manière douce.

Cependant, si nous pensons qu'il y a une déficience majeure ou que certaines opérations ne nous sont pas signalées, la loi prévoit des peines criminelles assez sévères pour les institutions qui ne déclarent pas certaines choses, qui ne tiennent pas de dossiers, et ainsi de suite. Quand nous pensons qu'une entité déclarante ne se conforme vraiment pas aux exigences et qu'elle n'accorde pas d'importance à nos efforts pour l'amener à s'y conformer, ou encore si elle y résiste, nous pouvons soumettre le cas à la police pour qu'elle fasse enquête et entame des poursuites pour non- conformité.

Les peines prévues sont les suivantes : une institution qui ne signalerait pas une opération douteuse pourrait, si elle était reconnue coupable, écoper d'une peine allant jusqu'à cinq ans de prison et 2 millions de dollars d'amende; pour avoir omis de déclarer une importante opération en espèces, la peine serait une amende pouvant atteindre 500 000 $ pour la première infraction et 1 million pour les infractions subséquentes; et pour une infraction relative à la production de dossiers, la peine de prison pourrait aller jusqu'à cinq ans et l'amende, jusqu'à 500 000 $.

Le sénateur Austin : Les directeurs et les administrateurs de ces organisations seraient-ils eux aussi passibles d'amendes et d'emprisonnement?

M. Intscher : Oui.

Le sénateur Austin : Toute personne ayant un certain contrôle sur ces comportements déficients pourrait se voir imposer une sanction.

Avez-vous déjà eu des plaintes sur le fardeau ou les coûts que les exigences de déclaration représentent pour les institutions financières?

M. Intscher : Je n'ai jamais entendu dire qu'il y ait eu des plaintes, peut-être en partie parce que l'industrie des services financiers appuie dans l'ensemble les objectifs de cette initiative. Ces institutions sont conscientes de leurs responsabilités sociales, et elles l'étaient déjà avant que ce régime soit mis en place. Elles avertissaient déjà les organismes d'application de la loi avant l'adoption de la loi, si elles soupçonnaient des activités criminelles ou du blanchiment d'argent. Elles ont très bien accueilli cette initiative parce qu'elle est plus complète et que les règles du jeu sont maintenant les mêmes pour tous. Tout le monde doit respecter les mêmes exigences, alors qu'avec le système discrétionnaire qui existait avant, certaines institutions se demandaient parfois si leurs concurrentes étaient aussi zélées qu'elles auraient dû l'être.

En outre, quand nous avons mis en place les exigences de déclaration, nous avons eu de longues discussions, pour diverses raisons, avec les entités déclarantes comme les banques, les coopératives de crédit, les agences de change, et ainsi de suite. Nous voulions leur fournir beaucoup d'information sur ce que nous allions leur demander de faire. Nous voulions aussi leur donner un bon préavis. Nous tenions à ce que les mécanismes de déclaration leur rendent la tâche assez facile.

Nous leur avons donné accès directement à un système de déclaration électronique. Elles peuvent ainsi avoir accès au formulaire électronique sur notre site Web; elles peuvent donc le remplir facilement et nous le renvoyer par voie électronique. Dans certains cas, cependant, nous avons dû demander moins d'information que nous l'aurions voulu.

Dans le cas des télévirements internationaux, par exemple, il y a une foule de renseignements que nous aimerions bien avoir, mais pour faciliter le processus de déclaration et réduire les coûts pour les entités déclarantes, nous avons décidé d'accepter l'information transmise avec les instructions relatives au télévirement. Autrement dit, si c'est le système de transmission de messages SWIFT qui est utilisé pour virer des fonds de Londres à Toronto, par exemple, c'est cette information qui est transmise à CANAFE et avec laquelle nous devons travailler.

Le sénateur Austin : Je voudrais poser une question qui amène une réponse très courte. La loi exempte-t-elle les institutions financières de toute responsabilité civile relativement à la divulgation d'information à CANAFE?

M. Intscher : Oui.

Le sénateur Jaffer : Pour faire suite aux questions du sénateur Austin, travaillez-vous aussi en étroite collaboration avec le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, quand des institutions ne se conforment pas aux exigences? Est-ce que c'est un autre moyen à votre disposition en cas de non-conformité?

M. Intscher : C'est une question intéressante. Oui, nous avons été autorisés à échanger des renseignements sur la conformité avec d'autres organismes de réglementation. Nous sommes en train de conclure des ententes avec différents organismes pour qu'ils se chargent de certains aspects des vérifications de conformité en notre nom. Nous en avons conclu une avec le BSIF, et aussi avec quatre organismes provinciaux de réglementation du jeu, il me semble. Et nous sommes actuellement en pourparlers avec d'autres organismes de réglementation en vue de conclure aussi des ententes avec eux.

Le sénateur Jaffer : Madame la présidente, ma prochaine question est longue et détaillée. Si vous me le permettez, je vais vous la soumettre par écrit pour que vous la transmettiez à M. Intscher, de CANAFE, et qu'il nous donne une réponse écrite.

La présidente : Avec plaisir.

Le sénateur Joyal : Monsieur Intscher, vous n'avez pas mentionné dans votre déclaration aucun accord international qui faciliterait les échanges d'information entre pays au sujet du blanchiment d'argent et du crime organisé. C'est bien exact? Sur la liste des 20 pays que vous avez mentionnés, je vois qu'il n'y a dans certaines régions du monde absolument aucun homologue sur lequel vous pourriez compter pour obtenir de l'information de ce genre.

M. Intscher : Il n'existe pas d'accord international pour le moment. Les organismes comme CANAFE s'échangent ces renseignements sur une base bilatérale, avec les partenaires qui sont susceptibles d'avoir de l'information pertinente pour leur travail et en qui ils ont confiance. Les pays avec lesquels nous avons conclu des ententes englobent bon nombre des principales destinations ou des principaux points d'origine des virements financiers, d'après ce que nous pouvons voir à partir des données transmises à CANAFE. Beaucoup d'autres pays nous intéressent aussi, mais, dans certains cas, ils sont moins intéressés à nous parler. Il y en a quelques-uns, par exemple, avec lesquels nous essayons depuis plus de deux ans d'engager des pourparlers en vue de la signature d'un protocole d'entente qui nous permettrait d'échanger de l'information. Pour je ne sais trop quelles raisons, qui se rattachent peut-être à leurs propres règles en matière de protection des renseignements personnels ou de secret bancaire, ils ne veulent pas ou ne peuvent pas divulguer cette information.

Dans certains cas, il y a en quelque sorte un hiatus parce que nous avons besoin d'un protocole d'entente alors que notre homologue n'a pas les pouvoirs nécessaires pour en signer un. Il pourrait échanger de l'information librement, sans protocole d'entente, mais il n'est pas autorisé à conclure une entente. Avec un pays en particulier, nous avons fini par faire une lettre d'intention entre moi et le chef de l'organisation correspondant à la nôtre. Cette organisation souscrit aux mêmes définitions, aux mêmes descriptions et aux mêmes restrictions que nous, mais elle n'était pas autorisée à signer un protocole d'entente.

Il y a une association officieuse qui regroupe des organismes comme le nôtre, et qui a élaboré des normes pour les unités du renseignement financier, en ce qui concerne par exemple leur indépendance et leur capacité de divulguer de l'information et d'en échanger avec d'autres entités étrangères. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale incitent fortement les organismes à adhérer à cette association. Il y a 94 organismes comme CANAFE qui en sont membres, et 20 ou 25 autres qui devraient s'y joindre bientôt.

Quand ils deviennent membres, les organismes s'engagent à respecter les principes du partage et de la protection de l'information. Au sein de l'association, il y a des sanctions prévues pour les membres qui violent la confidentialité de l'information qui leur est transmise. Mais, pour le moment, il n'y a pas d'accord international couvrant ces échanges d'information.

Le sénateur Joyal : Ma dernière question se rattache au rapport de la vérificatrice générale, auquel vous avez fait allusion dans votre déclaration. Vous avez dit que vous cherchiez à augmenter la portée des renseignements pouvant être divulgués. Pouvez-vous être plus précis?

M. Intscher : Ce n'est pas nous qui dirigeons les opérations à cet égard. C'est plutôt le ministère des Finances, qui est responsable de la loi et de son règlement.

Cependant, les préoccupations exprimées par la vérificatrice générale — dont nous étions conscients nous aussi avant son rapport — portaient sur le fait que les organismes d'application de la loi préféreraient que nous puissions enrichir le produit que nous leur envoyons, en leur fournissant plus d'information; ils voudraient de l'information, par exemple, sur nos soupçons concernant l'activité sous-jacente aux opérations que nous leurs signalons, et plus de renseignements sur ce qui nous a amenés à nous poser des questions ou sur les indices de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes sur lesquels nous nous sommes fondés pour en arriver à notre conclusion.

Nous sommes conscients des besoins de ces organismes et nous comprenons qu'ils veulent améliorer l'utilité du produit, mais certaines de ces propositions soulèvent d'importantes questions juridiques et constitutionnelles et doivent donc être étudiées très attentivement. Dans certains cas, l'ajout d'« information désignée » supplémentaire ou d'information permettant des identifications pourrait être utile parce qu'elle permettrait d'établir des liens ou de démontrer certaines choses que nous ne pouvons pas établir ou démontrer pour le moment.

Par ailleurs, indépendamment de cet exercice, nous examinons aussi à l'intérieur de notre propre organisation les moyens à prendre pour rendre l'information que nous divulguons plus accessible et plus vivante. Autrement dit, nous cherchons comment rendre la signification de l'information plus évidente au premier coup d'œil parce que nous avons l'impression que, dans un certain nombre de cas où l'information que nous avions divulguée n'était pas satisfaisante, nous avions inclus une foule de renseignements sur les opérations; c'était donc assez dense. Nous cherchons des moyens de présenter tout cela sous forme de tableaux ou de diagrammes qui rendraient nos renseignements nettement plus clairs pour l'enquêteur qui les reçoit.

L'initiative menée par le ministère des Finances pourrait déboucher sur des propositions législatives et réglementaires. Et notre propre travail interne, à CANAFE, entraînera aussi des changements quant à la présentation du produit — de l'information elle-même et des liens entre ses différents éléments —, pour que tout cela ait immédiatement plus de sens pour la personne qui reçoit ce produit de temps en temps.

La présidente : Merci beaucoup à tous. C'est évidemment une question très difficile, qui intéresse beaucoup le comité. Nous avons eu une excellente séance.

Je tiens à signaler au sénateur Jaffer qu'une fois que sa longue question aura été transmise au témoin et qu'il y aura répondu, le tout sera publié en annexe au compte rendu de notre séance d'aujourd'hui.

Honorables sénateurs, sur ce, nous allons lever la séance. Nous serons de retour dans nos fauteuils à 13 heures pile pour notre séance de l'après-midi.

La séance est levée.


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