Délibérations du comité sénatorial spécial sur la
Loi antiterroriste
Fascicule 12 - Témoignages - Séance du soir
OTTAWA, le lundi 30 mai 2005
Le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste se réunit aujourd'hui à 19 h 4 pour procéder à un examen approfondi des dispositions et de l'application de la Loi antiterroriste (L.C. 2001, ch.41).
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. C'est la vingt-septième réunion avec témoins du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste. Je vais expliquer le mandat de ce comité à l'intention de nos téléspectateurs.
En octobre 2001, en réaction directe aux attaques terroristes survenues à New York, Washington, D.C. et en Pennsylvanie, et à la demande des Nations Unies, le gouvernement canadien a promulgué la Loi C-36, la Loi antiterroriste. Étant donné l'urgence de la situation à l'époque, le Parlement s'est fait demander d'expédier l'examen de la Loi. C'est donc ce que nous avons fait. L'échéance, pour l'adoption de ce projet de loi, était en décembre 2001.
Cependant, des préoccupations ont été exprimées selon lesquelles il était difficile d'évaluer pleinement l'impact potentiel de cette loi en si peu de temps. C'est pourquoi il a été convenu que trois ans plus tard, le Parlement serait appelé à examiner les dispositions de la loi et son incidence sur les Canadiens, avec l'avantage de la rétrospective et d'un public moins émotif.
Les travaux de ce comité spécial représentent les efforts du Sénat pour s'acquitter de cette obligation. Quand nous aurons terminé l'étude, nous présenterons un rapport au Sénat décrivant tout problème, qui, selon nous, mérite attention. Les résultats de nos travaux seront communiqués au gouvernement et à la population du Canada. La Chambre des communes entreprend une démarche similaire.
Jusqu'à maintenant, le comité a rencontré des ministres et des fonctionnaires, des experts canadiens et étrangers sur le contexte de menaces, des experts juridiques et des personnes participant à l'application de la loi et à la cueillette de renseignements. Ce soir, nous accueillons l'honorable Reg Alcock, le président du Conseil du Trésor. Nous sommes ravis de le recevoir. M. Alcock est accompagné de Mme Helen Mc Donald, dirigeante principale de l'information, et de M. Donald Lemieux, directeur principal de la politique en matière de sécurité. Malheureusement, honorables sénateurs, le ministre n'a qu'une heure à nous consacrer, mais si j'ai bien compris, ses collaborateurs sont prêts à rester plus longtemps pour répondre à d'autres questions que vous pourriez avoir à leur poser. C'est un groupe assez dynamique, donc la discussion sera animée. Monsieur Alcock, je vous laisse la parole.
L'honorable Reg Alcock, président du Conseil du Trésor du Canada : Merci, madame la présidente. Je crois que c'est la cinquième fois que je comparais devant un comité sénatorial dans la courte période depuis que je suis président du Conseil du Trésor du Canada. Je puis vous assurer, sénateurs, que les débats ont toujours été animés, bien que je crois que le sénateur Stratton me poursuit, parce qu'il semble apparaître à chaque réunion à laquelle j'assiste dans ma circonscription. Avant de présenter mes observations formelles, j'aimerais faire un commentaire : je suis ravi d'être ici.
Dans mon rôle de président du Conseil du Trésor, je suis le gestionnaire de « choses » plutôt que le détenteur des politiques sur certaines de ces questions. Cet examen était extrêmement important. J'ai passé en revue les témoignages présentés devant le comité cet après-midi pour comprendre exactement l'objet de l'examen que fait le comité. Je n'ai rien à offrir de très précieux dans les discussions générales sur les politiques. Je vais parler particulièrement de certaines interactions du Conseil du Trésor dans le contexte de la gestion de la Loi sur la protection de la vie privée et de certains des défis que nous a posés le USA Patriot Act. À ce que j'ai compris, c'est un sujet qui intéresse le comité. Cela pourrait donner aux sénateurs un aperçu des défis que nous affrontons, du point de vue du Conseil du Trésor. Nous verrons où les questions nous mèneront de là.
Il me fait plaisir de discuter avec vous de la question de la circulation transfrontalière de l'information, notamment des préoccupations concernant le USA Patriote Acte, ainsi que du plan d'action du gouvernement canadien pour continuer à assurer la protection des renseignements personnels des Canadiens.
Dans mon rôle de président du Conseil du Trésor, je suis responsable de l'administration de la Loi sur la protection des renseignements personnels à l'échelle du gouvernement. Mon ministère est également responsable des politiques du gouvernement concernant la protection des renseignements personnels, la sécurité, les marchés et l'approvisionnement. C'est à ce titre que je dirige le dossier du USA Patriot Act et que je continue de mettre l'accent sur la question qui est peut-être la plus pertinente pour les pays souverains, soit la transmission des renseignements personnels et des données de nature délicate.
La circulation transfrontalière des données est définie simplement comme étant la transmission de renseignements concernant les Canadiens à tout pays étranger. La mondialisation et l'émergence de nouvelles technologies d'information ont eu des répercussions sans précédent sur la transmission de l'information et la rapidité à laquelle l'information traverse les frontières nationales, y compris les renseignements personnels concernant les Canadiens en utilisant les moyens qui sont maintenant considérés comme des activités plutôt banales comme le courriel et le commerce électronique, par exemple.
Pour sa part, le gouvernement du Canada est chargé de protéger les renseignements personnels qu'il détient au sujet des citoyens et de ses employés et d'autres renseignements de nature délicate figurant dans les ententes de sous- traitance. Nous prenons ce rôle très au sérieux. Notre engagement à l'égard de la protection des renseignements personnels est manifeste dans les mesures fédérales de protection actuelles, notamment les lois et politiques sur la protection des renseignements personnels tels que la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE, ainsi que diverses ententes multilatérales avec des administrations étrangères.
Le gouvernement estime qu'il faudrait évaluer plus adéquatement les préoccupations au sujet de la protection des renseignements personnels des Canadiens en tenant compte de la circulation transfrontalière des données au lieu de se limiter au USA Patriot Act. En fait, il est très peu probable que les autorités américaines aient recours à la loi pour avoir accès aux renseignements concernant les Canadiens, étant donné les nombreux autres canaux de coopération entre nos deux pays.
Néanmoins, le gouvernement donne suite aux préoccupations au sujet du USA Patriot Act. Notre plan d'action comporte deux volets : évaluer de façon exhaustive les principales activités d'impartition des ministères, les vulnérabilités, les stratégies d'atténuation et les modèles de dispositions. Les résultats de cette évaluation seront rendus publics au début de l'été, et mèneront à l'élaboration de clauses pour les demandes de propositions et les marchés et offrir des conseils stratégiques par rapport à la vie privée afin de répondre aux préoccupations au sujet des renseignements personnels ou d'autres renseignements gouvernementaux de nature délicate. Le gouvernement du Canada élabore actuellement ces clauses en tenant compte de ses responsabilités au niveau du commerce international.
De nombreuses institutions fédérales ont indiqué qu'elles ont déjà en place une stratégie de gestion des risques alors que d'autres institutions ont précisé que, par suite de cette initiative, elles examineront leurs pratiques actuelles en matière de gestion des risques afin de s'assurer que de tels risques sont adéquatement pris en considération.
Le fait de tenir compte des risques d'entrave à la protection de la vie privée dans le cadre de la stratégie globale de la gestion des risques permettra de s'assurer que toutes les questions de protection de la vie privée sont réglées à l'étape de la planification d'une initiative et cette mesure aidera du coup les fonctionnaires à prendre des décisions éclairées à savoir s'il y a lieu de recourir à des marchés ou à l'impartition pour certains renseignements personnels. Cela permettrait également de s'assurer que les risques éventuels pour la protection des renseignements personnels ou d'autres renseignements de nature délicate peuvent être adéquatement atténués pour la durée du marché.
Jusqu'à présent, le gouvernement a déterminé que le USA Patriot Act n'aura aucune répercussion sur la protection des renseignements personnels de la grande majorité des Canadiens. Cette évaluation est fondée sur nos conclusions jusqu'à présent indiquant que la majorité des institutions fédérales évaluées à ce jour, 84 p. 100, ont indiqué qu'il n'y avait aucun risque, ou un risque faible, pour ce qui est de la possibilité d'application des dispositions du USA Patriot Act.
Les marchés dont les risques sont classés moyens à élevés sont limités et sont souvent étroitement reliés au mandat de l'institution. Par exemple, Affaires étrangères Canada et Exportations et Développement Canada ont des bureaux aux États-Unis et à l'étranger et, par conséquent, ils ont conclu des marchés avec des entreprises dans les pays où ils sont situés.
Dans mon propre ministère, nous avons classé nos marchés comme présentant aucun risque ou un faible risque. Par exemple, le marché pour le régime d'assurance pour les cadres de gestion de la fonction publique est attribué actuellement à La Nationale du Canada, Compagnie d'assurance-vie, qui n'a aucun bureau aux États-Unis. Cette compagnie est une filiale en propriété exclusive de la Industrial Alliance Insurance and Financial Services Inc., une compagnie canadienne constituée en personne morale sous le régime de la loi du Québec. En conséquence, il n'y a aucun risque d'application des lois étrangères pour ce marché. La situation est similaire pour les marchés ayant trait à l'administration du Régime des soins dentaires de la fonction publique ou le Régime de soins dentaires pour les pensionnés.
Un exemple de faible risque d'application des lois étrangères inclut un marché avec la Sun Life du Canada, compagnie d'assurance-vie, pour le régime de soins de santé de la fonction publique et le régime d'assurance-invalidité. La Sun Life utilise les services d'Accès mondial pour le règlement des demandes à l'extérieur du pays, voyages, et les demandes d'assurance générales pour le régime de soins de santé. Même si Accès mondial Canada ne partage pas les données concernant le RSSFP avec ses homologues américains, l'entente actuelle permet que les appels soient transférés au bureau de Richmond en Virginie au cas où il y aurait un sinistre au bureau de Waterloo. Dans de telles circonstances, un accès temporaire serait accordé aux bureaux américains afin d'assurer la continuité des services aux Canadiens.
Une situation semblable existe pour le système CHESS de la Sun Life utilisé pour le règlement et le paiement des demandes en vertu du régime d'assurance-invalidité. Les employés américains de la Sun Life pourraient éventuellement avoir accès aux données concernant le régime d'assurance-invalidité.
Par ailleurs, les autorités de nos deux pays coopèrent depuis longtemps. Nous demeurons confiants quant à l'efficacité et l'opportunité des ententes multilatérales actuelles entre nos gouvernements pour régler ces questions.
Le gouvernement canadien terminera son évaluation des rapports soumis par les ministères et les organismes au cours des deux prochains mois afin de s'assurer de donner suite adéquatement aux préoccupations concernant le U.S. Patriot Act et afin de déterminer si des directives stratégiques et des outils additionnels sont nécessaires pour ce qui est de la question plus vaste de la circulation transfrontalière des données. Le rapport final de l'évaluation complète sera publié cet été afin de rassurer les Canadiens quant aux mesures de protection en place à l'égard de cette loi étrangère ou d'autres lois étrangères.
Enfin, lors de sa comparution devant ce comité le 9 mai dernier, la commissaire à la protection de la vie privée a mentionné plusieurs mesures visant à renforcer le régime fédéral de gestion de la protection des renseignements personnels. Elle m'en avait déjà parlé auparavant. J'ai depuis répondu à la commissaire en confirmant que le SCT a entrepris ou prévu des travaux dans ce domaine et tentera de faire progresser le concept d'un cadre de gestion de la vie privée.
Tel qu'indiqué précédemment, le gouvernement examine actuellement l'impartition comportant des renseignements personnels et il aborde des directives stratégiques exhaustives incluant certains modèles de clauses contractuelles pour atténuer les risques d'entrave à la vie privée. Le gouvernement continuera de travailler en étroite collaboration avec le Commissariat à la vie privée afin de s'assurer que la vie privée des Canadiens est respectée et que les renseignements personnels ne sont pas divulgués de façon inappropriée.
Le gouvernement travaillera en étroite collaboration avec les gouvernements provinciaux et le secteur privé pour continuer à assurer la sécurité et à protéger la vie privée des Canadiens et les intérêts des entreprises canadiennes. Il maintiendrait également un dialogue ouvert avec les représentants américains en ce qui a trait à la transmission transfrontalière de l'information afin de s'assurer que nos gouvernements parviennent à un juste équilibre entre les droits à la vie privée et l'application efficace de la loi.
Voilà qui termine mes observations. J'espère répondre à vos questions et discuter davantage de ce point avec vous. Merci.
Le sénateur Stratton : Bienvenue monsieur le ministre. Il est bon de vous revoir. J'espère que vous vous portez bien.
Le gouvernement, d'après les notes que j'ai ici, devrait avoir dépensé quelque 6,6 milliards de dollars des 7,7 milliards qui avaient été réservés dans le budget de 2001 jusqu'à la fin du présent exercice.
Pourriez-vous nous dire si ce montant a réellement été dépensé pour accroître la sécurité du Canada et si le Conseil du Trésor fait un suivi des dépenses d'une façon ou d'une autre que nous pourrions connaître?
M. Alcock : Je suis désolé, sénateur Stratton, mais nous ne sommes pas venus préparés à discuter de cet aspect en particulier. On nous a demandé de discuter de protection de la vie privée et des données. Le vice-premier ministre, je pense, serait plus...
Le sénateur Stratton : Si vous êtes ici pour parler de la vie privée, parlez-moi du processus. Vous représentez le Conseil du Trésor. Vous êtes la personne qui agit. Vous avez fait approuver certaines choses par le Cabinet. Ensuite, avec cette approbation du Cabinet, vous mettez la politique en application. Vous dressez un plan pour cela. N'est-ce pas ainsi que vous faites?
M. Alcock : Est-ce que vous parlez du budget approuvé pour les organismes de sécurité, ou du suivi de ce que nous faisons pour la protection de la vie privée et la sécurité?
Le sénateur Stratton : Oui.
M. Alcock : Le deuxième?
Le sénateur Stratton : J'entre dans votre sujet, maintenant. Comment pouvez-vous en faire un suivi et vous assurer que c'est sur la bonne voie? Je m'inquiète un peu des divers rapports qui sont diffusés au sujet de la protection de la vie privée. Comment pouvez-vous l'assurer?
M. Alcock : Permettez-moi d'aborder votre question par la bande. Nous avons une politique pour la protection et la conservation des renseignements personnels concernant les Canadiens au sein du gouvernement du Canada. Le problème qui a été soulevé l'automne dernier, qui s'est manifesté en Colombie-Britannique, était au sujet de l'utilisation potentielle de la U.S. Patriot Act pour accéder subrepticement à des données sur des citoyens canadiens, sans qu'on sache ce qui se passe. Je pense que tout le monde pensait au départ que si c'était vraiment ce qui se passait, il nous faudrait faire enquête et en comprendre les paramètres, quelles répercussions cela pourrait avoir sur les Canadiens, et prendre une décision.
En premier lieu, j'ai rencontré la commissaire à la protection de la vie privée. Selon elle — vous vous rappelez peut- être que certaines questions ont été posées à la Chambre au sujet du transfert potentiel de données par la CIBC aux États-Unis — elle trouvait que la LPRPDE, étant une loi relativement nouvelle, couvrait les compagnies du secteur privé comme il le fallait, et qu'elle avait les outils qui lui étaient nécessaires pour agir si une préoccupation était soulevée à ce sujet.
Cependant, dans le domaine du gouvernement, elle a aussi indiqué que la Loi sur la protection de la vie privée en soi est une beaucoup plus ancienne et qu'il n'y avait pas été question de ces échanges transfrontaliers. En particulier, le problème, c'est que dans un monde où nous passons des marchés des deux côtés de la frontière, les données pourraient être détenues aux États-Unis d'une manière qui permettrait au gouvernement américain d'y accéder en vertu du U.S. Patriot Act.
Nous avons donc entrepris un examen de toutes les lois. Vous pouvez imaginer la quantité de marchés qui sont passés au gouvernement fédéral. Il nous a fallu un bon bout de temps pour examiner tous les ministères et déterminer s'ils ont des contrats pour la conservation des renseignements personnels en dehors de leurs propres ressources; dans l'affirmative, dans quelle mesure, et quelle est la nature du contrat, quelles sont les dispositions relatives à la protection de ces renseignements? C'est l'examen dont je parlais tout à l'heure.
Le sénateur Stratton : Pourquoi le Conseil du Trésor s'en mêlerait-il? Pourquoi, en particulier, votre ministère?
M. Alcock : Nous sommes responsables des politiques pour assurer la protection. La Loi sur la protection de la vie privée est la loi d'application. La commissaire à la protection de la vie privée agit comme chien de garde. Nous avons la responsabilité administrative de veiller à ce que le gouvernement soit conforme à la loi et ait des mécanismes appropriés pour le faire. Nous avons aussi la responsabilité de l'impartition pour la politique sur l'approvisionnement. La solution qu'a trouvée la commissaire à la vie privée, c'est une modification du libellé des dispositions des contrats que nous rédigeons en ce qui concerne la conservation des données.
Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, merci d'être venu nous voir à une heure si tardive. J'ai trouvé votre exposé très intéressant. Je vous félicite. Lorsque cette question de Patriot Act a été portée à notre attention, vous vous êtes mis tout de suite à l'oeuvre.
J'ai plusieurs questions à poser. Je comprends tout à fait que vous ne puissiez pas répondre avant septembre ou octobre, quand nous allons reprendre nos travaux. Je demanderai à la présidente de bien vouloir vous inviter à nouveau une fois que votre rapport aura été publié, en été, et que nous pourrons nous faire une meilleure idée de la situation.
Ma première question concerne l'impartition, et vous en avez un peu parlé. Le 9 mai, j'ai eu l'occasion de poser des questions à la commissaire à la protection de la vie privée au sujet de l'impartition. Comme vous le savez bien, monsieur le ministre, les Canadiens s'inquiètent beaucoup de la possibilité que des renseignements à leur sujet puissent circuler dans les compagnies américaines. D'après ce que je comprends, en vertu du Patriot Act, les compagnies américaines doivent transmettre ces renseignements à leur gouvernement. Comme les renseignements sont détenus par des compagnies américaines, ils ne sont, évidemment, pas protégés par la loi canadienne.
Je sais qu'il existe des traités pour nous permettre de communiquer des renseignements à nos alliés quand c'est nécessaire, mais ces traités donnent encore aux Canadiens un rôle dans la détermination de la manière dont ces renseignements sont communiqués. Ce qu'on craint, c'est que l'impartition les prive de ce rôle. Elle nous enlève ces moyens. La commissaire à la protection de la vie privée nous a dit que vous examinez actuellement le processus, et vous l'avez confirmé. Il nous serait très utile, monsieur le ministre, que vous puissiez nous donner une idée de vos réflexions, ou du processus d'examen qui est en cours. Je suis tout à fait conscient que c'est encore en cours.
M. Alcock : Je vous en remercie, sénateur Jaffer. L'un des problèmes, au sein de ce gouvernement, c'est qu'il existe toute une série d'enjeux intéressants. J'ai aussi des opinions à propos de notre législation sur la sécurité, mais je me garderai de les exprimer étant donné que je ne suis pas un spécialiste en la matière. Je n'ai pas consacré autant de temps que vous à étudier la question.
Il existe une inquiétude qui repose, en partie, sur la crainte de l'inconnu. Ce n'est pas une peur consciente. C'est simplement une peur face à l'incertitude. Dans une certaine mesure, cela ressemble à la crainte habituelle que survienne un problème majeur. Vous avez dit que les compagnies américaines qui conservent des données pouvaient être forcées de les divulguer en vertu du Patriot Act. J'ai discuté de la question pendant assez longtemps et nous avons fait des recherches relativement poussées, tant auprès de la commissaire à la protection de la vie privée qu'à l'interne. Il est indubitable qu'on invoquerait le Patriot Act si les données étaient entre les mains d'une société américaine faisant affaire aux États-Unis. Certains avaient dit craindre que la seule condition préalable fût qu'il s'agissait d'une société ou d'une filiale américaine. La commissaire à la protection de la vie privée et d'autres m'ont assuré qu'il n'en était rien. Les sociétés américaines faisant affaire au Canada sont assujetties aux lois canadiennes. La nouvelle Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques est très claire quant à la possession et à la divulgation de ce genre d'informations.
Il convient de rappeler que la mesure législative que vous êtes en train d'examiner prévoit des mécanismes et des dispositions à appliquer en cas d'accès subreptice à des renseignements confidentiels. Ce n'est pas comme si les Américains faisaient quelque chose que nous ne faisons pas. Nos services de sécurité sont aussi autorisés à le faire, mais nous avons peut-être fixé des conditions plus strictes qu'ils doivent respecter avant d'obtenir les permissions nécessaires.
On nous a également informés que le Patriot Acte est actuellement revue par le Congrès et qu'il pourrait y avoir des changements de ce côté-là.
Si je me fie à une recommandation qui nous a été faite et à ce que m'a conseillé par écrit la commissaire à la protection de la vie privée, il faudrait que nous établissions un libellé modèlepour l'ensemble des contrats gouvernementaux ayant trait à la possession de renseignements personnels, qui définissequelques-unes des conditions dans lesquelles ces renseignements sont conservés et consultés. Il y a eu un débat à ce sujet. À ce propos, le sénateur Austin connaît mieux que moi quelques-unes des conséquences commerciales liées à la limitation de la capacité de garder des informations à l'étranger quand on veut jouer sur deux tableaux à la fois. Nous détenons d'importants renseignements américains, ici au Canada, en vertu de certaines de ces ententes. On considère qu'en apportant des changements simples à la façon de fournir ce service, nous pourrions offrir un niveau de protection accrue.
J'ai la lettre de la commissaire à la protection de la vie privée devant moi. Celle-ci prétend qu'un resserrement des exigences concernant la remise des rapports en vertu de l'article 72 de laLoi sur la protection des renseignements personnels permettrait de donner un avis plus long lorsqu'on a accès à ce genre d'information.
Est-ce un instrument parfait? Je ne crois pas. Est-il aussi bon que nous pourrions l'espérer étant donné les autres préoccupations qui sous-tendent l'examen que vous êtes en train d'effectuer? Où est la frontière entre l'accès à l'information pour des raisons de protection de la population et le droit à la confidentialité des renseignements personnels?
Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, ce qui inquiète les gens qui m'ont approchée, c'est qu'une compagnie américaine peut être établie au Canada, mais faire faire le traitement des données aux États-Unis. Du coup, cette société est assujettie à la fois aux lois canadiennes et aux lois américaines. Dans les circonstances, comment assurer la protection des renseignements personnels?
M. Alcock : Vous soulevez là deux questions. Mme MacDonald me disait que si les renseignements sont conservés par une société canadienne, c'est la nouvelle Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques qui s'applique. Mme MacDonald fait remarquer que même dans le cas d'une compagnie établie au Canada qui conserve les données quelque part aux États-Unis, on peut toujours appliquer la loi. La compagnie sera toujours responsable de la divulgation non autorisée des renseignements qu'elle détient.
Le sénateur Jaffer : Elle ne doit donc pas les divulguer aux États-Unis?
M. Alcock : Il y a un débat à ce sujet.
Le sénateur Jaffer : Selon moi, elles doivent le faire.
M. Alcock : D'après ce que je comprends, aussi, si ces renseignements sont conservés aux États-Unis, il serait difficile à une compagnie d'en refuser l'accès.
Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, je sais que ce sont des questions complexes et que vous les examinez de près, mais beaucoup de Canadiens sont très préoccupés. Des parents m'ont téléphoné pour me dire que leur enfant était allé aux États-Unis, où il avait utilisé sa carte de crédit, et qu'ils avaient ensuite reçu la visite d'agents du FBI chez eux. Certaines de ces personnes ont été retracées au moyen de leur carte de crédit.
Je sais que le travail se poursuit et qu'en septembre il ne sera peut-être pas terminé, mais c'est un grand sujet de préoccupation pour les Canadiens.
Monsieur le ministre, d'autres pays font également affaire avec les États-Unis. Y a-t-il des exemples de la façon dont ils traitent cette question?
M. Alcock : C'est intéressant. J'aimerais rappeler que cette discussion a commencé en Colombie-Britannique, comme vous le savez certainement. À la suite de pressions exercées par les syndicats du secteur public britano- colombien et de discussions avec ceux-ci, le commissaire à la protection de la vie privée de cette province s'est investi dans le dossier et a été le premier à soulever la question, alors que le gouvernement s'apprêtait à recourir à l'impartition pour la conservation de ces données. J'ai rencontré le ministre de Colombie-Britannique à ce sujet.
Dans les tournées que nous faisons un peu partout au pays, on ne nous a pas beaucoup exprimé de préoccupations au sujet de cette question en particulier, pas plus qu'à l'échelle internationale.
Le sénateur Jaffer : Les autres pays non plus?
M. Alcock : Non.
Le sénateur Jaffer : Je suis sûre que vous aurez besoin d'un peu de temps pour répondre à ma prochaine question.
J'ai été ravie de lire dans votre mémoire que vous êtes responsable de l'administration pangouvernementale de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ce que nous avons appris des audiences concernant l'affaire Arar, c'est que lorsque les Canadiens pensent qu'ils parlent en privé à un conseiller, leurs propos sont transmis à la GRC et au SCRS. Est-ce la même chose au sein de votre administration?
M. Alcock : Si vous parlez du partage d'informations écrites ou enregistrées entre deux gouvernements, sachez que les lois et les ententes régissant l'échange de ces renseignements entre les organismes chargés de l'exécution de la loi s'appliquent. L'échange de renseignements personnels et l'accès à ces renseignements conservés par un ministère ou un autre doivent être autorisés en vertu d'ententes législatives ou administratives coordonnées.
Le sénateur Jaffer : Puis-je vous demander de nous expliquer, quand vous reviendrez en septembre, comment est assurée cette protection?
M. Alcock : Je m'efforcerai de vous fournir l'information avant afin que les honorables sénateurs disposent de tout le temps nécessaire pour prendre connaissance du dossier. Nous aurons fini l'examen d'ici là et nous vous transmettrons l'information aussitôt après avoir terminé. Nous ferons la même chose pour le volet administratif.
Le sénateur Jaffer : J'aimerais faire un bref commentaire. J'ai beaucoup apprécié ce que vous nous avez dit, et je suis sûre que les Canadiens qui nous écoutent, aussi.
Je sais que le ministre comprendra ceci : notre but est de protéger la grande majorité des Canadiens; d'assurer la protection de tous les Canadiens. Je vous exhorte à prendre au sérieux la protection de la vie privée de tous nos concitoyens. Il est important que les gens le comprennent bien.
M. Alcock : Il ne fait aucun doute que la protection de la vie privée, même si ce n'est pas un droit inscrit textuellement dans la Constitution, est évidemment un droit que la Cour suprême considère comme implicite dans la Constitution, et nous en tenons compte. Nous prenons cela au sérieux.
Je pense qu'il pourrait y avoir une discussion très intéressante, au sein de ce comité, au sujet de la protection de la vie privée en général. Vous examinez un pouvoir extraordinaire qui englobe toute une série d'enjeux. Vous faites un travail crucial et je crois qu'il est important que nous saisissions bien et que nous fassions comprendre aux Canadiens comment interagissent les différents mécanismes.
Il faut également parler de la protection de la vie privée en tant que telle et de la façon dont nous la gérons au sein du gouvernement. Si nous pouvons partager des données, il peut y avoir beaucoup d'améliorations, notamment des services, ainsi que des progrès, entre autres, et je ne parle pas au plan juridique ou pour le travail d'investigation, mais de la prestation de services.
L'approche utilisée était plutôt archaïque dans le sens où si nous ne partageons rien avec personne, nous ne violerons jamais le droit à la protection de la vie privée. Premièrement, c'est faux. Deuxièmement, nous nous privons des avantages découlant de la façon dont nous conservons l'information.
La manière dont nous assurons la protection de la vie privée et dont se concrétise ce droit constitue un enjeu important dont j'aimerais beaucoup discuter avec les membres du comité.
Le sénateur Fraser : Comme les autres, j'ai été rassurée d'apprendre que pour l'instant, le gouvernement a déterminé que le Patriot Act n'aurait aucune incidence sur la protection de la vie privée de la grande majorité des Canadiens. Toutefois, j'ai trouvé moins rassurant ce que vous indiquez dans le paragraphe suivant de votre déclaration, quand vous expliquez que tout ceci est fondé sur les conclusions que vous avez tirées jusqu'à présent de vos échanges avec les institutions gouvernementales.
Sur quelles bases vous êtes-vous fondé pour extrapoler à partir des informations conservées par les institutions gouvernementales sur la vaste majorité des Canadiens en général? Ai-je mal compris vos propos?
M. Alcock : Non, pas du tout. J'aimerais dire deux choses. Mes responsabilités consistent à superviser la gestion des renseignements conservés par le gouvernement; mon monde se limite donc à la fonction publique fédérale. Celle-ci est régie par la loi initiale de 1982 sur la protection des renseignements personnels qui est une mesure législative connexe à la Loi sur l'accès à l'information.
En 2004, nous avons promulgué la nouvelle LPRPDE, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, laquelle est destinée à régir les renseignements personnels détenus par le secteur privé.
Lorsque cette question a été soulevée pour la première fois, j'ai d'abord appelé la commissaire à la protection de la vie privée pour la rencontrer. À son avis, étant donné que cette loi était nouvelle, elle anticipait ou comprenait mieux les enjeux entourant l'échange de données électroniques. La Commissaire estimait avoir les instruments pour faire les enquêtes nécessaires et demander des comptes à des entreprises privées qui détiennent des renseignements personnels au sujet des Canadiens.
Ayant obtenu cette assurance, nous avons concentré nos travaux sur le secteur qui nous concerne. La préoccupation à cet égard tenait simplement au fait que la Loi sur la protection de la vie privée datait de plus de 20 ans et qu'elle avait besoin d'être renouvelée. On a réfléchi à la façon de proposer une nouvelle loi, mais en attendant, on doit se concentrer sur les domaines dans lesquels on a conservé des renseignements et utiliser notre pouvoir, en vertu de la politique d'approvisionnement, pour tenter de régler cette question.
Le sénateur Fraser : Cela m'a particulièrement frappée parce qu'en revenant à Ottawa ce matin, j'ai entendu un reportage à la radio anglaise de Radio-Canada concernant une compagnie d'assurances bien connue établie au Québec qui avait transmis à une de ses filiales américaines, pour une raison que j'ignore, une réclamation en matière d'assurance-maladie. La filiale américaine avait contacté le médecin au Québec pour lui exiger non seulement de donner des détails au sujet de la réclamation, mais aussi pour demander le dossier médical complet du patient, ce qui, d'après ce que j'ai compris en écoutant le médecin interviewé, était une pratique peu courante.
Comme l'a dit l'un des spécialistes interrogés, la première préoccupation qui vient immédiatement à l'esprit des gens est que certains pourraient vouloir utiliser ce genre d'information pour établir des profils de plus ou moins grande précision. C'est probablement une question très sensible. Comme vous l'avez laissé entendre, je pense, une fois que cette information est transmise, on ne peut plus vraiment la protéger.
Je crois que je vous demande votre avis à propos de quelque chose dont vous ne savez rien. En admettant qu'il s'agisse d'une situation hypothétique et non d'un cas réel, est-ce qu'il vous semblerait que c'est un exemple manifeste de violation de la loi ou estimez-vous qu'il s'agit d'une brèche qu'il faille colmater?
M. Alcock : Merci de me laisser une porte de sortie avant de répondre à la question. Je ne connais pas les détails de cette affaire.
Comme pour toute nouvelle loi, il reste encore des inconnues étant donné que nous n'avons pas eu beaucoup de réclamations. L'une des premières choses que m'a dite la Commissaire à la protection de la vie privée est que pour qu'elle puisse agir, il lui faut une plainte formelle. Elle estime disposer des instruments lui permettant de pénétrer dans des établissements privés, obtenir l'information et demander des comptes aux personnes responsables travaillant pour les organisations du secteur privé. À part cela, je ne sais pas quoi vous répondre de plus.
Il est clair que ce comité s'est efforcé de se concentrer collectivement non seulement sur les détails de ce qu'un ministère fait ou de ce que dit un article de la loi, mais aussi sur tout le contexte dans lequel nous évoluons. Cela inclut le type de relations que nous entretenons avec nos voisins américains.
J'espère que vous me direz que j'ai tort, mais il me semble que nos propres sociétés, dans le cadre des relations qu'elles entretiennent avec leurs partenaires américains, n'ont pas modifié leur niveau de confiance depuis les événements du 11 septembre. Il faudrait peut-être que cela change maintenant.
M. Alcock : Il se peut que vous ayez raison. Nous sommes face à deux événements relativement nouveaux. Il y a d'abord la capacité grandement accrue de transmettre des informations rapidement partout et à n'importe quel moment et, ensuite, le vif désir des deux pays de renforcer leur protection contre des actes semblables à ceux qui ont été perpétrés le 11 septembre 2001.
Dans sa déclaration d'ouverture, la présidente a défini une partie du problème. C'était un événement horrible. Les deux pays ont réagi promptement et cette loi est venue rapidement en sachant parfaitement que nous devrions faire exactement ce que vous faites, c'est-à-dire prendre du recul et l'examiner dans un climat plus serein, après s'être donné du temps, pour voir si nous étions allés trop loin.
Il y a là deux problèmes et je dois faire attention de ne pas parler de mes propres dadas. Je tiens absolument à discuter de la protection de la vie privée en soi. Ici, vous êtes en train d'examiner des façons extraordinaires de violer le droit à la vie privée pour servir un objectif national. Encore une fois, je ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour alimenter cette conversation. Je peux simplement dire que je reconnais qu'il s'agit d'une question fondamentale et qu'il convient d'assumer nos responsabilités de conserver des données pertinentes sur les citoyens canadiens au sein du gouvernement fédéral, et que nous nous efforçons d'assurer la plus grande protection possible de ces renseignements.
À part cela, au sujet de l'atteinte au droit à la vie privée, je crois que nous avons eu tendance, en raison de nos craintes face à cette technologie nouvelle et à l'énorme rapidité avec laquelle l'information peut circuler, à réagir en refusant d'échanger les informations plutôt que de voir des façons de mettre en œuvre un régime de sanctions. Je dis souvent, dans le cas des renseignements médicaux, que leur sécurité dépend tout simplement de la solidité de la serrure du conteneur à déchets situé derrière le bureau du médecin, et nous continuons de penser que c'est adéquat. Nous nous privons de toute une série d'avantages dont nous pourrions profiter si nous utilisions l'information différemment. Mais c'est un autre débat. J'aime néanmoins lancer la balle de temps à autre et je voudrais que quelqu'un la prenne au vol.
Le sénateur Joyal : J'aimerais poursuivre dans la même veine. Je suis totalement d'accord avec vous sur le fait que nous vivons dans un monde où les communications se font à une échelle beaucoup plus grande que par le passé. Le problème que j'y vois et que vous avez souligné, c'est que tant que l'information est envoyée à notre propre gouvernement, on est protégé par le système juridique canadien.
M. Alcock : C'est exact.
Le sénateur Joyal : En général, les Canadiens ont confiance dans le système juridique, la primauté du droit et la façon dont les lois sont appliquées au Canada.
Le malaise commence lorsque les informations sont transmises à un autre gouvernement, que les gens l'ignorent et qu'ils n'ont pas le même accès à la protection du système que nous avons dans notre pays. Les règles du jeu sont totalement différentes dans ce cas, si je puis me permettre l'expression. Comme vous l'avez dit, si nous devons continuer de coopérer avec nos amis américains, nous devrions obtenir des assurances supplémentaires que nous serons au courant de ce qui se fait et comment. Ainsi, les citoyens canadiens qui ont confiance dans leur gouvernement en lui fournissant des informations pourront continuer de se fier à lui pour assurer le suivi lorsqu'ils n'auront plus de contrôle sur ces informations.
C'est pourquoi, dans notre dilemme et de la façon dont je vois le dilemme du sénateur Fraser, nous prenons maintenant conscience que les règles du jeu ont changé, parce qu'une entreprise américaine qui contrôle de l'information sur des citoyens canadiens peut se voir intimer l'ordre par une cour de fournir cette information sans informer son client canadien,c'est-à-dire le gouvernement du Canada ou tout autre fournisseur de services au Canada, qu'elle le fait. Par conséquent, ce qui nous préoccupe, c'est le secret qui entoure l'utilisation de l'information.
Mon autre préoccupation, et je parle à titre d'avocat, c'est que si nous devions, comme vous l'avez dit à la page 3 de votre exposé : « Élaborer des clauses pour les demandes de propositions et les marchés », je suis tenté de vous demander comment vous envisagez l'extraterritorialité de votre propre autorité sur ces clauses. Si l'infraction a lieu aux États- Unis, à qui allez-vous vous adresser pour obtenir réparation? Il s'agit d'un autre élément important de l'efficacité du système que vous pourriez contempler de mettre en pratique.
M. Alcock : À moins que les clauses exigent que les données soient conservées au Canada et qu'elles ne permettent pas leur transmission transfrontalière.
Le sénateur Joyal : Quelles seraient les pénalités si une entreprise devait commettre une telle infraction?
M. Alcock : Cela nous amène dans un domaine différent, sénateur Joyal, et vous seriez un expert plus grand que moi, étant donné vos antécédents d'avocat. Je ne peux parler de la pénalité précise. Peut-être que d'autres le peuvent dans le domaine de la LPRPDÉ. La même question s'applique dans le cas de la LPRPDÉ. Ensuite, vous devez faire face au fait d'avoir enfreint la loi ou d'avoir brisé le contrat. C'est arrivé dans le cas de Statistique Canada où on avait rédigé un contrat qui permettait de conserver les données à l'extérieur du pays et lorsqu'on s'en est aperçu, on a rédigé de nouveau le contrat de manière que les données soient conservées au Canada. Une fois qu'elles sont conservées au Canada, la LPRPDÉ s'applique et quiconque envoie cette information à l'étranger, si vous voulez, est alors sujet aux pénalités qui s'appliquent en vertu de cette loi. Je ne sais pas par coeur quelles sont ces pénalités.
Dans les cas où c'est nous qui attribuons des contrats, ce que nous ferions avec l'information du gouvernement, je supposerais, à tout le moins, que cela entraînerait une violation du contrat ou son annulation. Nous indiquerions également, dans les clauses du contrat modèle, des pénalités, parce que cela dépend du genre d'information que vous avez en votre possession.
Si vous mettez une clause dans une demande de propositions qui exige que les gens disent où l'information sera conservée et si vous ajoutez certaines autres clauses concernant l'utilisation de cette information, on estime que cela pourrait fournir un niveau de protection approprié.
Le sénateur Joyal : En d'autres mots, vous êtes en train d'élaborer — et je ne veux pas utiliser des termes que vous n'avez pas utilisés vous-même — des clauses en langage contractuel qui établiraient expressément une interdiction pour une entreprise étrangère, appelons-la ainsi, de communiquer quelque information que ce soit sans que le client le sache, à savoir le gouvernement, vous ou n'importe quel autre organisme gouvernemental, à moins d'en avoir d'abord obtenu l'autorisation. Si l'entreprise transmet cette information, elle s'expose à la pénalité prévue dans le contrat pour non- conformité.
Je suis désolé, vous faites signe que oui de la tête, mais on ne peut pas enregistrer cela dans le compte rendu.
M. Alcock : Le compte rendu n'indiquera pas que je fais signe que oui de la tête.
Le sénateur Joyal : Je ne veux pas dire à votre place des choses qui décrivent quelque chose que vous n'envisagez pas ou ne contemplez pas vraiment de faire à court terme.
M. Alcock : C'est certainement là le sens de notre réflexion.
C'est également dans le contexte de la nécessité d'une refonte de la Loi sur la protection des renseignements personnels elle-même, qui contiendrait d'autres améliorations une fois que nous l'aurons terminée et qu'elle passera devant la Chambre.
Le sénateur Joyal : C'est une autre approche.
M. Alcock : Oui.
Le sénateur Joyal : Vous avez une responsabilité en tant que client du fait que vous pouvez établir une liste d'obligations que vous voulez que votre cocontractant respecte parce que vous le payez en échange. Il y a un échange de demandes et d'offres. Par ailleurs, vous devez mettre sur pied un système de suivi au cas où l'engagement qu'a pris votre cocontractant est brisé. Il doit s'agit d'un système de suivi réel, autrement, les gens peuvent briser le contrat en toute impunité. En d'autres mots, cela devient une clause pour la forme, qui n'a pas de dents.
M. Alcock : Étant donné que les contrats dont nous parlons concernent les ministères du gouvernement, le Commissariat à la protection de la vie privée peut participer à leur vérification ou à la réalisation d'enquêtes sur les plaintes. Si nous avons des clauses contractuelles qui nous permettent de prendre des sanctions contre l'entreprise, on prétend qu'il s'agit-là de la méthode la plus rapide et la plus efficace de corriger la situation.
Le sénateur Joyal : Par exemple, retenir des paiements, entres autres pénalités.
Jusqu'ici, dans votre étude de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui n'est pas une loi récente, êtes-vous d'avis que cette loi aurait besoin d'être modifiée pour s'assurer que la commissaire à la protection de la vie privée soit en mesure d'assumer cette responsabilité, non pas avec des organismes canadiens, mais avec un organisme qui est extérieur aux opérations gouvernementales?
M. Alcock : Il y a deux textes législatifs, l'un étant la Loi sur la protection des renseignements personnels originale qui, même aux dires de la commissaire à la protection de la vie privée est ancienne, et qui ne tenait pas compte, au moment de son élaboration, de certaines des choses qui sont arrivées depuis. Elle est vieille de 23 ans. Cependant, la commissaire croit que la nouvelle loi est appropriée pour traiter des entreprises qui sont extérieures à la famille fédérale. Au sein de l'enveloppe fédérale, l'amélioration qui a été suggérée était, comme vous l'avez indiqué, d'ajouter des clauses contractuelles qui précisent comment les données doivent être conservées et quelles sont les sanctions prévues pour une mauvaise utilisation de ces données. La commissaire aurait tout de même la capacité en tout temps de faire enquête sur les plaintes concernant la façon dont les renseignements personnels ont été conservés et s'il y a eu atteinte à la vie privée. Elle possède tous les pouvoirs dans la législation actuelle, au sein de la communauté fédérale. La question se pose uniquement une fois que l'information se déplace à l'étranger.
Le sénateur Joyal : Le recours.
M. Alcock : C'est exact. Le recours une fois qu'elle se déplace à l'étranger. La commissaire jouit de pouvoirs considérables si les renseignements sont conservés au Canada. Étant donné que dans le cas qui nous intéresse, c'est le gouvernement, les institutions du secteur public, les institutions du gouvernement du Canada qui sont les dépositaires de l'information, on estime que si on modifiait simplement les conditions contractuelles pour faire en sorte que les renseignements soient gardés au Canada dans les cas où il y a une préoccupation réelle au sujet du genre d'information qui est conservée à l'étranger, cela nous amènerait sous l'autorité de la législation canadienne. Je dis toujours que nous avons beaucoup de lois qui empêchent le vol de voiture, pourtant, les gens continuent de voler des voitures, alors vous devez avoir une façon de reconnaître que la loi a été enfreinte et avoir un régime de sanctions pour faire face à cette situation du mieux possible, dans la mesure où la loi peut fournir une solution.
Le sénateur Joyal : Avez-vous envisagé de revoir les traités de l'ALENA pour que l'on tienne compte de cet aspect maintenant qu'ils ont été rouverts pour permettre aux entreprises américaines de présenter des soumissions en vue d'obtenir des contrats du gouvernement canadien? Dans l'examen de l'ALENA, il pourrait y avoir certaines clauses qui pourraient traiter de ces aspects d'une réalité qui n'existait pas auparavant et que nous n'avons pas envisagée à ce moment-là, pour des raisons évidentes, comme vous l'avez dit. Il y a eu des changements rapides. Est-ce que c'est quelque chose que vous envisagez de faire?
M. Alcock : Nous ne travaillons pas activement sur cette question à l'heure actuelle, bien que nous ayons exploré cette question avec nos collègues américains. C'est de l'information de deuxième ou de troisième main, mais on nous dit qu'aux États-Unis, il y a des groupes qui ont de sérieuses réserves au sujet du Patriot Act et de son application. Cette loi fait l'objet d'un examen, tout comme la nôtre. Nous participons à un certain nombre de tables de discussion concernant une variété de relations transfrontalières avec les États-Unis et le Mexique, alors, il est certainement possible d'inclure cette question dans ces discussions. Cela ne fait aucun doute. Nous n'avons pas entrepris de le faire à l'heure actuelle, sauf soulever la question. Elle a été soulevée au moment de la visite du président Bush ici.
Le sénateur Joyal : Je pense qu'il s'agit d'un élément très important dans toutes ces discussions pour créer le genre de confiance dont nous avons besoin entre les deux pays.
M. Alcock : En toute justice pour votre question, sénateur Joyal, laissez-moi retourner au ministère et discuter avec les gens qui traitent de cette question. Je suis également président du processus de réglementation intelligente, qui comporte un important volet américain. Laissez-moi vous donner une réponse plus appropriée sur cette question, parce que vous avez raison. Cela ouvre un domaine de discussion qui pourrait donner des résultats assez intéressants. Le problème, c'est que dans les deux pays, ici et aux États-Unis, nos services de sécurité, dans le genre de loi que vous examinez, cherchent vraiment à obtenir des pouvoirs extraordinaires que l'on n'envisage pas dans certaines de ces ententes ordinaires.
Le sénateur Smith : Il y a un domaine restreint où j'aimerais avoir votre réaction, monsieur le ministre. Cet après- midi, nous avons entendu le témoignage du commissaire à l'information, M. Reid, et il était accompagné de trois de ses fonctionnaires. Vous avez dit dans votre exposé que vous aviez eu l'occasion d'examiner son exposé. L'avez-vous lu?
M. Alcock : J'en ai lu un résumé.
Le sénateur Smith : Il a défendu très clairement certains amendements qu'il estimait être dans la tradition canadienne et cela concernait à quel moment les choses pouvaient être stoppées net, particulièrement lorsque le gouvernement pourrait avoir de l'information qui a été reçue d'un gouvernement étranger, probablement, dans la plupart des cas, de notre voisin du Sud, mais pas nécessairement, et de divers organismes gouvernementaux. Ensuite, nous avons tenté de savoir s'il avait oui ou non présenté ces éléments aux responsables appropriés du gouvernement et en ce qui concerne le ministre responsable de cette loi et la réponse a été non. Votre nom a été mentionné et d'une manière assez positive. Il n'a pas utilisé le mot « modèle », mais c'est tout comme et il a affirmé que vous aviez été coopératif.
Sans vouloir débattre du bien-fondé de ce qu'il nous disait, vous aviez évidemment un rôle à jouer dans cette question, comme c'est le cas du ministre de la Justice et, très certainement, de la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Lorsque vous avez une question qui relève de l'autorité de plusieurs ministres et ministères, comment coordonnez-vous la politique du gouvernement? Est-ce que vous tracez les grandes lignes qui indiquent ce que vous avez l'intention de faire? Y a-t-il un grand kahuna, qui est un mot hawaïen qui désigne un grand prêtre, qui coordonne cette activité ou êtes-vous tous chacun de votre côté? Certains d'entre nous ont eu l'impression aujourd'hui que ce n'est pas tout le monde dans le domaine de la protection de la vie privée qui regarde dans la même direction. Peut-être pouvez-vous nous donner une réponse au sujet de ce défi?
M. Alcock : C'est une façon intéressante de poser la question, sénateur, parce que vous êtes effectivement pris. Dans mon rôle de président du Conseil du Trésor, je ne suis pas la personne responsable de l'élaboration de la politique dans ce cas, je suis celle qui la met en application. La politique existe et maintenant nous avons à l'appliquer d'une manière efficace. Bien que nous puissions déceler des problèmes avec la politique ou la loi pour étude future, nous ne jouons pas un rôle d'élaboration de la politique dans ce sens.
À titre de membre du cabinet qui siège au sein de certains comités du cabinet discutant de cette question, j'ai certainement mes points de vue personnels, comme la plupart des Canadiens, je pense. Je ne veux pas prendre la question à la légère, mais c'est moins une préoccupation au sujet de l'information que j'ai volontairement accepté de laisser connaître ici ou là. Je renonce volontairement à ma vie privée dans de nombreuses circonstances, mais lorsque le gouvernement prélève de l'information involontairement, la barre est plus élevée pour ce qui est de sa protection, et on peut accéder à cette information sans que nous le sachions. C'est dans ce sens sournois que cela devient une préoccupation et cela nous ramène dans une certaine mesure à la question de la politique. J'ai quelque chose à dire là- dessus, mais nous avons de la difficulté à trouver une manière mécanique d'empêcher que cela se produise. Le mieux que nous ayons pu faire jusqu'ici, c'est ce que j'ai décrit, la famille fédérale agissant sur les règles de passation des marchés et d'approvisionnement, ce qui est essentiellement ce que la commissaire à la protection de la vie privée nous a recommandé de faire.
Le sénateur Smith : Au moins, vous les avez rencontrés. Nous avons eu le sentiment que ce n'est pas le cas de tous les autres.
M. Alcock : Il est juste de dire que dans tout groupe de plus de deux personnes, il y aura plus d'une opinion. Le plus grand kahuna finira par emporter la décision. Et il s'agit du premier ministre.
Cependant, il s'attend à ce que nous travaillions sur ces questions dans la plus grande collégialité possible, et vous êtes témoins d'un débat vigoureux entre les ministres au sujet de cette loi. De nombreuses personnes ressentent le problème qui est à l'origine même de l'étude entreprise par le présent comité. Il s'agit d'une nouvelle situation pour la population canadiennes. Il y a un malaise parce qu'il s'agit d'une mesure de contrôle plus forte que ce à quoi la population canadienne était habituée dans le passé, et qui est mue par un ensemble de craintes plus fortes.
Vous le verrez quand certains ministres comparaîtront devant vous sur cette question. Nous nous en remettons à la sagesse du Sénat pour démêler tout cela.
Le sénateur Smith : Nous allons méditer là-dessus.
Le sénateur Stratton : Nous avons entendu des représentants du Conseil canadien pour les réfugiés et de l'Association du Barreau du Canada cet après-midi. Il y a cinq non-Canadiens qui sont actuellement détenus en vertu de la Loi sur l'immigration. Comment protégeons-nous leur droit à la vie privée?
Vous devez envisager non seulement ce qui arrivera dans l'avenir, mais également ce qui arrive en ce moment. Peut- être devriez-vous examiner cela, parce que c'est assez important par rapport aux questions que nous avons posées cet après-midi.
M. Alcock : La question, c'est si ces non-Canadiens ont les mêmes droits en matière de protection de la vie privée qu'un citoyen canadien. Je crois que c'est le cas, n'est-ce pas?
Le sénateur Stratton : C'est là la question. Personne ne le sait vraiment. Ces gens sont détenus depuis près de trois ans. On a l'impression que de l'information a été partagée avec d'autres pays à leur sujet. Quel est leur statut? Nous devrions examiner cela. Vous dites que vous regardez vers l'avenir. Mais pourquoi ne pas regarder le présent et ces cas en particulier?
M. Alcock : Comme je ne sais rien de ces cas, je ne ferai pas de commentaires, sauf pour dire que je vais vérifier immédiatement si les mêmes dispositions s'appliquent à eux qu'à un citoyen canadien. La loi dit qu'ils sont protégés par la Charte des droits et libertés, comme n'importe qui d'autre qui se trouve en sol canadien.
Je vais vérifier cela. Pour une discussion plus détaillée de ces questions, c'est le ministre de la Justice que vous devriez inviter à comparaître devant vous. Je n'ai pas le degré de connaissance nécessaire.
Le sénateur Stratton : Je ne veux pas qu'on se passe trop la balle et je sais que vous reviendrez.
M. Alcock : Je suis assez à l'aise de dire que le ministre de la Justice est beaucoup plus intelligent que moi sur ces questions.
La présidente : Nous désirons vous remercier d'être venu, monsieur le ministre. Nous prévoyons avoir une réunion plus longue et peut-être plus animée avec vous à l'automne une fois que certaines de ces questions auront évolué pendant l'été et que des changements auront été apportés.
M. Alcock : Merci beaucoup. Il est toujours intéressant de comparaître devant les comités du Sénat.
Nous allons partager avec vous dès maintenant l'information dont j'ai parlé et nous travaillerons avec vous pendant que nous finirons cet examen. J'ai noté que nous avions fini à 84 p. 100 et nous allons vous obtenir cela immédiatement.
Nous aimerions que vous nous fassiez part de vos réflexions ou de vos recommandations sur cette question. Si vous avez besoin d'information quelconque de la part du Conseil du Trésor, demandez-le et je verrai à ce que vous l'ayez.
La présidente : Je crois comprendre, honorables sénateurs, que les fonctionnaires sont prêts à rester ici et à répondre à nos questions.
Le sénateur Fraser : Je veux reformuler mon observation précédente et ensuite, j'aimerais que vous fassiez de la recherche et que vous nous donniez une réponse par écrit.
Pouvons-nous être assurés que la législation existante, que je suppose être la LPRPDÉ, peut protéger les Canadiens et les Canadiennes dans les circonstances suivantes : une entreprise canadienne a une relation d'affaires avec une entreprise étrangère et le gouvernement de ce pays dans lequel l'entreprise étrangère est située utilise cette entreprise comme un canal pour obtenir de l'information au sujet des Canadiens et des Canadiennes. Avons-nous une protection suffisante contre cela?
Plus tôt, j'ai parlé de la santé, mais il y a de nombreuses industries qui ont des liens très étroits avec les États-Unis, y compris les industries aérospatiale et automobile. Il y a toutes sortes d'industries pour lesquelles il ne serait pas difficile pour le gouvernement américain de le faire. Il y a d'autres entreprises qui ont des liens étroits avec des entreprises dans d'autres pays. Je ne m'arrête pas uniquement au gouvernement américain.
Dans le climat d'aujourd'hui, pensons-nous que nous avons une protection suffisante contre cela? Cela peut être complètement hypothétique, mais mon attention a été retenue par cette possibilité et j'aimerais savoir quel est le cadre juridique qui régit cette situation, s'il en existe un.
Mme Helen McDonald, dirigeante principale de l'information, Conseil du Trésor du Canada : Je ne suis pas une experte de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais je crois savoir qu'elle oblige toute entreprise privée à s'assurer lors du transfert de ses opérations, processus, données et cetera à une autre entreprise du maintien du même niveau de protection durant ce processus de passation des contrats. On peut supposer que lorsqu'une entreprise canadienne a des liens avec une entreprise étrangère, il appartient toujours à l'entreprise canadienne de s'assurer du transfert des protections. Cela s'applique aussi à la sécurité des renseignements. Il ne doit pas y avoir de possibilités d'accès illicites.
Dans votre exemple, si un gouvernement étranger devait demander à l'entreprise étrangère concernée de publier des renseignements sans le dire à qui que ce soit et peut être fait de façon à ce que l'entreprise canadienne n'en ait pas connaissance, il est alors difficile de dire si nous pourrions être au courant et agir. C'est la raison pour laquelle nous avons mis l'accent sur des solutions contractuelles qui posent la question de savoir si ces renseignements devraient être transférés, si des renseignements devraient être transférés à un pays étranger et si les risques sont tellement grands qu'il vaut mieux les garder secrets.
Mme Fraser : Je ne pensais pas seulement au transfert qui est comparativement faciles à contrôler si les premiers contrats sont faits de manière appropriée. Je pensais plus aux liens commerciaux très étroits que s'établissent de plus en plus dans beaucoup de secteurs industriels. C'est peut-être une préoccupation tout à fait bizarre, mais j'aimerais bien entendre des commentaires à ce sujet.
J'ai une question portant sur la comparaison des données dans les divers organismes fédéraux. La comparaison des données peut-être un outil d'investigation très utile. Je crois savoir qu'il n'y a pas de loi demandant aux organisations fédérales qui peuvent faire des comparaisons de données de le signaler au commissaire à la protection de la vie privée, mais le Conseil du Trésor a une politique sur la comparaison des données. Pouvez-vous nous décrire cette politique?
Mme McDonald : Nous avons une politique qui exige que la comparaison des données soit signalée au commissaire à la protection de la vie privée. M. Lemieux vous décrira en détail son fonctionnement.
M. Donald Lemieux, directeur principal, Conseil du Trésor du Canada : Si un organisme du gouvernement projette de comparer des données, il doit faire participer le commissaire à la protection de la vie privée. Il y a aussi la politique d'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée qui est une politique beaucoup plus récente du Conseil du Trésor et qui prévoit la participation du commissaire à la protection des renseignements de la vie privée à toute activité impliquant les renseignements personnels d'individus ou d'employés.
La politique de la protection des renseignements personnels a un cadre de travail, mais vous avez raison de dire que cela n'entre pas dans le cadre d'une loi.
Mme Fraser : Est-ce que cette politique s'appliquerait, par exemple, à la saisie de données, dont on entend parler beaucoup, par les compagnies aériennes, qui n'a pas encore commencée, pour les comparer aux banques de données du SCRS ou de la GRC?
M. Lemieux : Oui, c'est possible.
Mme Fraser : Dans ce cas, la loi établit un nombre de critères très bien définis. Je me demandais si elle avait dérogé à la Loi sur la protection des renseignements personnels.
M. Lemieux : Il y a une politique, mais elle peut être dérogée s'il y a une loi autorisant une institution à partager des données avec une autre institution.
Le sénateur Fraser : Y a-t-il des lignes directrices sur les comparaisons autorisées et celles qui ne le sont pas?
Mme McDonald : Nous pouvons vous faire parvenir la documentation qui décrit les circonstances dans lesquelles la comparaison est faite et comment nous la définissons. Cela vous serait-il utile?
Le sénateur Fraser : Oui.
Le sénateur Jaffer : Ma question fait suite à l'échange de renseignements par les compagnies aériennes. Je crois comprendre qu'elles ne le font pas encore. La Loi sur la sécurité publique stipule l'échange de renseignements sur les passagers embarquant dans des aéroports canadiens pour se rendre aux États-Unis, par exemple.
Mme McDonald : Je ne peux pas vous dire comment cela se fait.
Le sénateur Jaffer : Pouvez-vous dire au comité comment ces renseignements seront protégés? Je crois savoir que vous n'avez pas la documentation à ce sujet avec vous aujourd'hui, mais j'apprécierais que vous envoyiez au comité les détails sur la façon dont les renseignements sur les passagers des compagnies aériennes seront protégés aux termes de la Loi sur la Sécurité publique. Je suis sûre que ce n'est pas encore mis en application, mais j'aimerais savoir ce qui est prévu à cet effet.
Mme McDonald : Oui.
Le sénateur Jaffer : J'ai une autre question sur la communication de renseignements. Le ministre Alcock a parlé de l'évaluation exhaustive du transfert fait par le ministère et d'un rapport sur ses résultats positifs dans le cas de certains individus. Il est important que nous sachions quelles sont les questions posées, même si je ne m'attends pas à une réponse aujourd'hui. À la page 5 des commentaires du ministre, dans l'avant-dernier paragraphe, on peut lire :
Le gouvernement canadien terminera son évaluation des rapports présentés aux départements et aux organismes au cours des prochains deux mois pour s'assurer que les préoccupations relatives au USA Patriot Act soient étudiées en détail, et pour déterminer si des lignes directrices et des instruments de politique supplémentaires sont nécessaires dans le cadre plus large des échanges de données transfrontières.
Il serait utile que le comité, avant qu'il ne lise le rapport d'évaluation, sache quelles questions sont posées.
Mme McDonald : Nous pourrons les communiquer au comité. Elles se présentent sous la forme d'une lettre envoyée par le secrétaire du Conseil du Trésor de l'époque à ses collègues. Il leur demande d'identifier, d'évaluer et, selon les circonstances, de limiter tout risque possible concernant le USA Patriot Act. Nous pouvons certainement vous les communiquer.
Le sénateur Jaffer : Merci. On m'envoie régulièrement dans mon bureau des questions auxquelles je ne peux pas répondre. Les gens qui me téléphonent s'inquiètent des renseignements personnels bancaires stockés aux États-Unis, surtout les renseignements liés aux cartes de crédit. Quand les gens posent des questions sur cette pratique, on leur répond qu'on ne peut pas faire grand-chose. J'ai suggéré de téléphoner à l'ombudsman de ces banques pour qu'il pose des questions générales sur cette pratique. On m'a dit que les États-Unis pouvaient accéder à ces renseignements de plusieurs façons, mais aux termes du Patriot Act, les personnes concernées et le gouvernement canadien doivent être tenus au courant d'un tel accès à des renseignements personnels. Je crois fermement ce que le ministre Alcock a déclaré à propos du Canada demandant aux Américains comment ils recueillent les renseignements en vertu du Patriot Act, mais ils ne sont pas tenus de répondre. Dans ce cas, en dépit des évaluations que nous faisons, comment allons-nous protéger les renseignements personnels des Canadiens?
Je n'ai su quoi répondre à une femme qui m'a téléphoné à ce sujet sinon de lui suggérer de peut-être changer de banque. Elle a dit que la plupart des banques transfèrent des données aux États-Unis et que cela demeure une préoccupation. Il n'y a pas beaucoup de banques au Canada et il est difficile de demander aux gens de changer de banque. C'est la même chose en ce qui concerne les renseignements sur la santé ou tout autre renseignement personnel.
Mme McDonald : Je dirais qu'il y a deux facteurs. Si les renseignements sont recueillis aux termes de l'article 215 du USA Patriot Act, je ne crois pas que nous pourrions le savoir. D'après ce que nous avons lu sur les audiences américaines, il semble que cela ait été utilisé dans environ 35 cas à la fin de 2001. On ne s'attend pas à ce que les États- Unis nous disent si ces renseignements concernaient des citoyens canadiens et à quoi ils ont servi. Nous utilisons tous les moyens possibles pour exprimer aux Américains les préoccupations des Canadiens concernant la protection de leurs renseignements personnels recueillis pour une raison quelconque.
Il y a un autre facteur. Les gens peuvent volontairement donner des renseignements et s'ils sont détenteurs d'un compte en banque américain, ils tombent automatiquement sous le coup d'une série de règlements qui s'appliquent aux États-Unis où se trouve le siège des entreprises. Je ne peux pas vous parler du niveau de protection dans le territoire des États-Unis.
Le sénateur Jaffer : Il ne s'agit pas simplement de quelqu'un qui donne volontairement des renseignements aux Américains. Il s'agit plutôt de personnes qui donnent volontairement des renseignements à des banques au Canada et que ces renseignements sont transférés. C'est ça le problème.
Mme McDonald : Cela entrerait dans le cadre de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ce n'est pas pour éviter votre question, sénateur, mais la commissaire à la protection de la vie privée devrait pouvoir aider les gens à trouver les recours mis à leur disposition pour régler ce genre de problème.
Le sénateur Jaffer : Je crois comprendre que cela fera partie de l'évaluation que vous allez nous envoyer.
Mme McDonald : Nous mettons l'accent sur les dispositions et les protections disponibles pour les renseignements recueillis sur des personnes par le gouvernement et pas les renseignements recueillis par des banques. Comme le président du Conseil du Trésor l'a dit, le commissaire à l'information croit que la Loi sur la protection des renseignements personnels oblige les entreprises privées à protéger les renseignements qui peuvent être échangés. Le secrétariat s'est concentré sur le transfert des renseignements du gouvernement.
Le sénateur Stratton : J'ai entendu le témoignage du président du Conseil du Trésor et le vôtre. Où est le lien avec l'antiterrorisme? Vous parlez de protection de renseignements personnels et de ce qui se passera à l'avenir en termes de communication de renseignements et de protection des renseignements personnels des citoyens.
Si un organisme gouvernemental, la GRC ou le SCRS suspectait une personne, de quelle protection jouirait cette personne au niveau des renseignements personnels? Notre sujet de discussion est le terrorisme et pas ce que nous ferons pour protéger le citoyen ordinaire à l'avenir. Nous sommes en train d'examiner la Loi antiterrorisme. Si des gens sont suspectés, quels sont leurs droits?
Tout ce que j'ai entendu jusqu'à présent, c'est ce que le citoyen ordinaire peut s'attendre à l'avenir, et rien n'a été dit au sujet de l'antiterrorisme. Que répondez-vous à cela?
Mme McDonald : Je crois comprendre que les lois sur l'antiterrorisme ou le blanchiment d'argent ou toute autre loi ayant un objectif très précis, ont tendance à éclipser ce qui est plus général. Nous sommes chargés de nous assurer que la politique générale sur la protection des renseignements personnels recueillis et utilisés par le gouvernement du Canada soit appliquée par les ministères de façon cohérente et appropriée. Nous n'avons aucune compétence dans le cas de la détention d'un individu à la frontière.
Le sénateur Stratton : C'est bien ce que je dis. Que déclarez-vous ce soir? Ce que j'ai entendu dire ce soir n'a vraiment rien à faire avec l'antiterrorisme. Tout se rapporte à la protection des droits de la personne à ne pas avoir leurs renseignements personnels distribués de manière non voulue, mais pas du tout à l'antiterrorisme, en tout cas pas ce que j'ai entendu.
Le sénateur Joyal : Quel est le nombre de banques de comparaisons de données au sein du gouvernement canadien?
Mme McDonald : Je ne le sais pas de but en blanc. Plus de 30 cas de comparaison de données ont été signalés au Commissaire à la protection de la vie privée, mais j'ignore sur quelle période.
Le sénateur Joyal : La commissaire à la protection de la vie privée pourra peut-être nous le dire. Le sénateur Fraser a posé une question sur les passagers aériens et il y aurait des données du SCRS et de la GRC qui ont, bien sûr, accès aux banques de données de la police provinciale. Ils ont accès aux renseignements sur le contrôle des armes à feu.
Le formulaire du permis de port d'une arme à autorisation restreinte contient toutes sortes de renseignements, y compris le nombre de mariages; si le demandeur est séparé, de quelle façon cette séparation a eu lieu; s'il y a eu des plaintes pour violence dans le mariage, et cetera.
Il est difficile de se faire une idée de ce que tout cela englobe. En vous écoutant, je me suis dit que la responsabilité du gouvernement à maintenir la protection des renseignements personnels pourrait être beaucoup plus grande que nous pensons, car nous ne savons pas où se font toutes ces comparaisons de données. Peut-être qu'en posant deux ou trois questions, on peut se faire une idée générale grâce à toutes ces comparaisons de données; une série de renseignements liée à une autre et en faisant le lien on obtient tout le reste. C'est tout un domaine de renseignements.
Cela suscite ma curiosité. Savez-vous si quelqu'un a déjà fait ce genre d'évaluation?
Mme McDonald : Mon collègue a mentionné que nous avons une publication en ligne et un journal appelé Info Source qui est supposé donner la liste des cas de comparaisons de données. Je dois avouer que je ne crois pas que nous connaissons bien le volume des comparaisons de données ou leur effet.
La commissaire à la protection de la vie privée a indiqué que c'était une des questions qu'elle considérait importante, pas seulement l'échange de renseignements transfrontalier, mais le volume des comparaisons de données existant. Nous avions convenu de collaborer pour régler ce problème.
Nous procédons à un examen de nos politiques, y compris celles portant sur la comparaison des données. Nous ne pensons pas que toutes les comparaisons de données sont signalées et qu'il faut apporter une plus grande clarté — la politique est ancienne et doit être mise à jour — ou nous devons mettre à la disposition des gens des instruments qui leur permettent de répondre clairement, est-ce une comparaison de données ou non, et de leur rappeler l'obligation de signaler de telles activités au commissaire à la protection de la vie privée.
Mon collègue a mentionné une trousse d'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée qui visait à s'assurer que lorsque quelqu'un changeait sa façon de recueillir des renseignements — il passait de la collecte directe auprès du sujet des données, par exemple, à les obtenir de notre ministère ou d'apporter un changement à son système qui pourrait avoir un effet sur la sécurité des renseignements personnels — il devra se demander s'il doit considérer un effet sur la vie privée. C'était un processus pas à pas, un outil de formation électronique qui permettait de s'assurer que les gens n'apportaient pas des changements à un système de renseignements sans comprendre et atténuer tout risque pour la protection des renseignements personnels.
Nous avons jugé que cet instrument fonctionnait bien dans ce contexte. Nous devrions peut-être l'utiliser aussi pour la comparaison des données. Je ne peux pas dire que je suis satisfaite de ce que nous savons sur les comparaisons de données. C'est un domaine sur lequel nous avons accepté de collaborer avec Mme Stoddart et son bureau pour mieux comprendre ce qui se passe et voir si des mesures correctives sont nécessaires.
Le sénateur Joyal : Vous souvenez-vous de la célèbre affaire dans laquelle la Cour suprême a accepté la comparaison des données entre Revenu Canada ou l'Agence des services frontaliers de l'époque et les données d'Assurance-emploi. Je suis sûr que s'il y a des renseignements dans les données d'Assurance-emploi, il y en aura probablement aussi dans les données de l'aide sociale, les versements qui sont faits au niveau provincial, à cause de toutes les situations que peut traverser une famille quand l'un des conjoints est au chômage, et cetera.
Il est très important que nous comprenions cela quand nous donnons des renseignements à l'un des secteurs publics — quand je dis « publics », je veux dire demandés par le gouvernement — cela déclenche immédiatement toute une série d'autres renseignements.
Nous n'avons pas compris l'ampleur de la toile d'araignée. À mon avis, en répondant à deux ou trois questions, on peut avoir la plus grande partie des renseignements recueillis sur une personne. Si nous voulons nous assurer d'élaborer une politique qui protège la vie privée, nous devons bien comprendre la façon dont le système fonctionne, la façon dont la comparaison des renseignements fonctionne afin de protéger efficacement la vie privée des citoyens surtout dans le contexte de la comparaison des données que vous avez décrite.
Mme McDonald : Je partage votre avis. Le président s'est dit intéressé à avoir une conversation sur ce que peuvent représenter les nouvelles technologies au niveau de la protection de la vie privée. Puisque nous pouvons offrir des services de manière différente, comment envisageons-nous d'incorporer ces technologies à une bonne politique de protection de la vie privée? Pouvons-nous réutiliser les renseignements pour diminuer des fraudes et pour s'assurer que personne ne passe entre les mailles du filet — vous êtes admissible et vous ne touchez pas les prestations. Ce pourrait-il que la comparaison des données peut être utile d'un côté, mais pas de l'autre?
Les questions que vous soulevez sont toutes importantes.
Le sénateur Joyal : Vous dites, à la page 4 de votre mémoire, que 84 p. 100 institutions gouvernementales évaluées à ce jour ont indiqué qu'elles n'avaient pas de risque ou un risque très faible. Quelles sont les autres 16 p. 100?
Mme McDonald : Elles ont indiqué des risques moyens à élevés. De quelles organisations s'agit-il?
Le sénateur Joyal : Oui. Quelles sont les organisations que vous enquêtez aujourd'hui?
Mme McDonald : Nous essayer d'assurer que celles qui n'ont pas encore répondu le fassent et terminent leur évaluation rapidement afin que tous les organismes aient été évalués. Il en manque encore deux ou trois.
Dans la lettre demandant ces renseignements, vous le verrez puisque nous vous la communiquerons, nous demandons aussi au ministère de considérer les risques. Si vous croyez qu'il y a un risque, moyen ou élevé ou moins que cela, que pouvez-vous faire? Pouvez-vous faire quelque chose sur la façon dont le contrat est structuré ou sur les rapports avec l'entrepreneur? Qu'est-ce qui est possible étant donné qu'il s'agit d'un contrat existant? Va t-il être renouvelé à un certain moment et votre stratégie pour assurer le nouveau contrat sera-t-elle similaire? Notre objectif était d'assurer que les stratégies d'atténuation soient mises en place, d'essayer de faire le suivi avec les ministères au cours de l'été, car c'était un point important dans la demande que nous leur avons présentée.
Le sénateur Joyal : Pouvez-vous nous dire quels organismes ou ministères du gouvernement ne vous ont pas encore envoyé les renseignements?
Mme McDonald : Oui. Si vous insistez, je peux le dire. Il s'agit, dans certains cas, de petits ministères ou organismes qui n'ont peut-être pas le personnel nécessaire ou qui ne savent pas exactement où est le problème, mais il y a d'autres organisations plus grandes et plus distinctes comme Postes Canada.
Le sénateur Joyal : Ce que nous appelons les sociétés d'État.
Mme McDonald : C'est l'une d'elles. L'Agence canadienne d'inspection des aliments n'a pas répondu. Nous croyons savoir qu'ils y travaillent, mais nous n'avons pas reçu de réponse jusqu'à ce matin.
Le sénateur Joyal : Est-ce que votre objectif est toujours de terminer votre examen avant la fin de l'été?
Mme McDonald : Oui. Nous voulons publier un rapport, car je crois que les Canadiens veulent connaître les résultats de cet examen, ceux que nous avons appris et l'ampleur des risques. Notre prochaine stratégie envers les ministères qui ont accumulé un peu de retard est de leur dire : « Nous ne voulons pas publier un rapport et laisser en blanc l'espace qui vous est réservé. Cela donnerait une mauvaise impression. » Nous collaborerons avec ces ministères pour terminer ce processus et avoir un rapport exhaustif. Cependant, je suis un peu tiraillée, car je ne veux pas qu'il y ait aussi trop de retard.
Le sénateur Joyal : Vous vous êtes engagé à faire une déclaration publique cet automne.
Mme McDonald : Les Canadiens veulent aussi des assurances sur ce qui se passe.
Le sénateur Fraser : Dans votre politique sur la comparaison des données, et d'ailleurs vos politiques sur la vie privée en général est ce que votre mémoire inclut le SCRS et la GRC ou ont-ils leurs propres politiques?
Mme McDonald : Oui.
Le sénateur Fraser : Oui, vous incluez le SCRC et la GRC?
M. Lemieux : Ils sont dans l'annexe de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Le sénateur Fraser : Toutes vos politiques s'appliquent à ces deux organismes ainsi qu'à tous les autres. C'est formidable. Que se passe-t-il lorsqu'un service fourni par le gouvernement du Canada est transféré à un gouvernement provincial comme, par exemple, la formation de la main d'œuvre il y a quelques années? Est-ce l'habitude de demander que les politiques sur la protection de la vie privée continuent quand un service passe à un gouvernement provincial? Le savez-vous?
Mme McDonald : Je ne suis pas tout à fait sûre. Je pense que oui. Si un programme est transféré ou cédé, la loi provinciale aura préséance. Je ne peux pas dire que j'ai connu ce genre de situation.
Le sénateur Fraser : C'est ce qui vient à l'esprit aujourd'hui, mais il y a eu d'autres cas. On nous a fait comprendre, qu'au fur et à mesure, de plus en plus de programmes ou d'activités du gouvernement fédéral seront cédés aux gouvernements provinciaux. Je me demande ce qui se passerait, dans le cadre de la politique de protection de la vie privée, si cela arrivait.
Mme McDonald : À mon avis, si quelqu'un devait fournir un service en notre nom, la loi et la politique du gouvernement fédéral s'appliqueraient, car il serait en quelque sorte notre agent. Cependant, si la responsabilité avait été cédée à un autre palier de gouvernement, la loi provinciale s'appliquerait, mais je peux vérifier et vous dire ce qu'il en est au cas où je me trompe.
Le sénateur Fraser : S'il vous plaît. La politique des langues officielles est le parallèle qui vient à l'esprit. Au tout début du processus de dévolution, le gouvernement provincial n'était pas toujours obligé à continuer d'appliquer la politique des langues officielles à laquelle avaient droit les Canadiens dans le cadre d'un service fourni par le gouvernement fédéral. Plus tard, quand les gens ont commencé à remarquer que dans certains cas la politique des langues officielles avait tout simplement disparue, elle est devenue alors un élément des négociations et du transfert. Je me demande s'il y a eu quelque chose de similaire en ce qui concerne la protection de la vie privée.
La présidente : Merci beaucoup d'être resté. Il est évident que cette amitié va durer longtemps. Nous vous reverrons. N'hésitez pas, si vous recueillez des renseignements qui à votre avis pourraient intéresser les membres du comité, de me les communiquer et je les distribuerais aux membres du comité. Nous nous réunirons de nouveau en automne.
La séance est levée.