Délibérations du comité sénatorial spécial sur la
Loi antiterroriste
Fascicule 20 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 21 novembre 2005
Le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste se réunit aujourd'hui à 14 h 4 pour procéder à un examen approfondi des dispositions et de l'application de la Loi antiterroriste (L.C. 2001, ch.41).
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Il s'agit de la 44e et dernière séance au cours de laquelle le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste entend des témoins. Pour les gens qui nous regardent, je vais expliquer le mandat de notre comité. En octobre 2001, en réaction directe aux attentats terroristes perpétrés à New York, à Washington, D.C. et en Pennsylvanie, et à la demande des Nations Unies, le gouvernement canadien a présenté le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste. Compte tenu de l'urgence de la situation à ce moment-là, on a demandé au Parlement d'accélérer l'étude de cette mesure législative et nous avons accepté. La date butoir pour l'adoption de cette loi avait été fixée à la mi- décembre 2001. Cependant, on craignait qu'il soit difficile d'évaluer en profondeur les conséquences potentielles de cette mesure législative en un si court laps de temps. Ainsi, il a été convenu que trois ans plus tard, on demanderait au Parlement d'examiner les dispositions de la loi et ses conséquences sur les Canadiens « a posteriori », dans un climat moins chargé d'émotivité au sein de la population canadienne. Les travaux de notre comité spécial représentent la concrétisation de cet engagement au niveau du Sénat.
Quand nous aurons terminé l'examen, nous présenterons au Sénat un rapport faisant état des questions qui, selon le comité, devraient être étudiées plus en détail, et permettant de présenter les résultats de nos travaux au gouvernement et à la population canadienne. Je vous signale également que la Chambre des communes mène actuellement une étude similaire.
Jusqu'à maintenant, notre comité a entendu des représentants et des ministres du gouvernement, des experts internationaux et nationaux en matière de menace terroriste, des experts juridiques, des intervenants des forces de l'ordre et du domaine de la collecte de renseignements et des représentants de groupes communautaires; nous nous sommes rendus jusqu'à Washington et Londres pour parler directement à des personnes ayant vécu l'expérience de tels événements, ce qui n'a pas encore été le cas pour nous au Canada.
Cet après-midi, nous allons nous intéresser aux personnes qui ont été les plus directement touchées par le terrorisme : les familles de ceux et celles qui ont été victimes d'actes terroristes. Nous accueillons ainsi Maureen Basnicki, dont le mari a été tué lors des événements tragiques du 11 septembre. Nous recevons également Bal Gupta, président de l'Association des familles des victimes du vol 182 d'Air India, ainsi que Nicola Kelly, membre du comité exécutif de cette association.
Nicola Kelly, membre du comité exécutif, Association des familles des victimes du vol 182 d'Air India : Nous avons apporté avec nous quelques ouvrages commémoratifs. Ils ont été préparés par les familles. N'hésitez pas à y jeter un coup d'œil. Je suis la porte-parole nationale de l'Association des familles des victimes du vol 182 d'Air India. Je vous remercie beaucoup de me permettre de vous présenter cet exposé aujourd'hui.
Notre association représente les membres des familles des personnes décédées dans le plus grand massacre de l'histoire du Canada. Dans le verdict qu'il a rendu en mars 2005 à l'égard de l'attentat contre le vol 182 d'Air India, le juge Josephson a conclu qu'il s'agissait assurément d'un acte terroriste conçu, financé et mené à terme au Canada. Au prorata de la population, plus de personnes sont décédées dans cette tragédie que lors de l'attentat du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Nous ne voulons minimiser ni les pertes subies par les États-Unis ni celles des familles des victimes des attentats du 11 septembre. De fait, nous nous déclarons solidaires d'eux. Ce que je tiens toutefois à souligner, c'est que nos lois et les vues de nos décideurs et de nos politiciens n'ont jamais tenu compte de l'ampleur de la tragédie survenue au Canada. En dépit du fait que des centaines de personnes, dont 86 enfants, ont perdu la vie dans cet attentat, jusqu'à cette année aucun représentant fédéral ou provincial n'était venu nous témoigner son appui le 23 juin. Ce n'est en effet qu'en 2005 que les drapeaux ont été mis en berne le jour anniversaire.
Nous nous sommes montrés incapables de prévenir cette tragédie et de faire condamner les coupables. En outre, nous n'avons pas inscrit cet attentat terroriste dans l'histoire de notre pays, ce qui cause des torts non seulement aux familles mais à la nation tout entière. En conséquence, nous agissons collectivement comme si aucun acte terroriste ne s'était produit chez nous; nous faisons comme si nous étions à l'abri de la menace du terrorisme mondial. Le terrorisme est cependant un fait accompli au Canada, et il vaut mieux que nous ne tardions pas à en prendre conscience.
Notre association aimerait formuler quelques recommandations. La loi ne prévoit aucune mesure pour les victimes et les familles des victimes, qui ont pourtant des besoins bien précis. Il est primordial de fournir aux personnes blessées qui ont survécu des soins médicaux et psychiatriques et de leur assurer une sécurité financière. Or, les victimes de la tragédie d'Air India et leurs familles ne se sont vu offrir aucun service. Aucun représentant du gouvernement canadien n'est venu nous rencontrer lorsque nous avons atterri en Irlande. Le gouvernement a tout simplement été incapable de faire quoi que soit d'efficace pour aider les familles à la suite du désastre. Nous voulons recevoir l'assurance que si une autre catastrophe se produisait, des professionnels dûment formés seraient sur place pour apporter des secours et aider rapidement les familles.
Aucune aide financière n'est versée aux familles. Nous trouvons par ailleurs très injuste que, dans le cas qui nous occupe, les contribuables aient dû acquitter les frais juridiques des accusés alors que les familles des victimes ont été laissées aux prises avec des difficultés financières. Qui a pour rôle de protéger les droits des victimes?
Nous appuyons également le projet de loi d'initiative parlementaire S-35, qui faciliterait les démarches des victimes canadiennes d'actes terroristes qui souhaitent poursuivre au civil au Canada les terroristes et ceux qui les parrainent au pays et à l'étranger.
Cette loi permettrait d'intervenir à deux niveaux. Elle viserait d'abord à indemniser les victimes et leurs familles. À un autre niveau, cette loi constituerait un outil précieux pour désigner les groupes terroristes. Dans d'autres pays, aux États-Unis et en Europe par exemple, les poursuites au civil jouent un rôle important dans la désignation des groupes terroristes. Les procédures d'interrogatoire et de communication utilisées dans ces causes révèlent comment l'argent circule au sein de ces organisations, comment elles sont financées et où elles se procurent les ressources voulues pour mener leurs activités.
J'aimerais aussi attirer l'attention sur la désignation des groupes dont les activités correspondent à la définition de « groupe terroriste », qui y participent en toute connaissance de cause ou qui recueillent des fonds destinés à ces activités. Un des nombreux problèmes qui, nous l'espérons, sera mis en lumière par suite d'une enquête sur l'attentat d'Air India, si nous réussissons à en obtenir une, est que nos politiciens aident sans le savoir des groupes terroristes par des appuis politiques et des dons. Il est inadmissible de laisser des groupes courtiser des électeurs au péril de la sécurité nationale.
Au cours des années qui ont précédé l'attentat à la bombe, des politiciens ont pris part à des rencontres où des personnes parlaient en panjabi de tuer des Hindous. En outre, il est parfois encore question dans les journaux de politiciens canadiens qui assistent à des rencontres d'organisations interdites désignées comme terroristes dans d'autres pays. Je n'affirme pas que ces politiciens le font intentionnellement, mais j'estime que nous ne pouvons nous permettre d'être naïfs devant ce genre de réalité.
Nous devons assurément rendre plus rigoureuses nos lois sur le financement du terrorisme et celles portant sur le statut d'organisme de bienfaisance. Il y a lieu d'examiner de plus près où va l'argent de ces organisations et comment il est dépensé.
J'aimerais aussi aborder les éléments du projet de loi qui conféreraient des pouvoirs accrus aux organismes chargés d'appliquer la loi et à ceux chargés d'assurer la sécurité nationale. Il y a manifestement lieu de se pencher sur la question de la collaboration entre ces organismes et d'élaborer des politiques et des règlements nouveaux pour régir ce genre d'activités. Notre incapacité à prévenir l'attentat à la bombe contre l'avion d'Air India et, par la suite, à condamner les coupables, est en partie attribuable à l'état des relations entre le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC). L'été dernier, il y a eu de nouvelles allégations à propos d'une guerre intestine que se livreraient le SCRS et la GRC. Nous ne pouvons pas laisser de telles batailles administratives mettre en péril notre sécurité nationale.
Un autre facteur qui a nui à l'enquête sur l'attentat contre l'avion d'Air India durant les mois qui ont suivi est le fait que les agents de la GRC se heurtaient à des obstacles linguistiques et culturels lorsqu'ils devaient interroger les témoins et des membres de la communauté sikhe. Nous devons sensibiliser les agents chargés de l'application de la loi aux différences culturelles et favoriser le recrutement parmi divers groupes ethniques.
Nous constatons que le projet de loi contribuera à obliger les personnes qui détiennent des informations sur des groupes terroristes ou sur un acte terroriste à témoigner. Je ne comprends pas du tout pourquoi Mme Reyat, la conjointe de l'homme reconnu coupable d'avoir fabriqué la bombe utilisée pour l'attentat contre l'avion d'Air India, qui reçoit également à l'heure actuelle un soutien financier de Malik et Bagri, n'a pas été obligée de comparaître dans cette affaire. Elle craignait pour sa vie, semble-t-il.
Nous devons disposer d'instruments plus fermes pour obliger des personnes à témoigner. Les organismes chargés de l'application de la loi doivent aussi être en mesure de faire disparaître la peur qui s'empare de la population lorsqu'un acte terroriste est commis. Ils doivent pouvoir montrer qu'ils possèdent les pouvoirs nécessaires pour protéger les témoins. Nous devons aussi prévoir de nouvelles dispositions pour les programmes de protection des témoins si nous voulons intenter des poursuites fructueuses dans ce genre d'affaires. Les informations recueillies par les services de renseignement doivent être mises en commun et doivent aussi pouvoir être utilisées durant les procès.
Afin d'obtenir une condamnation, les familles des victimes de l'attentat d'Air India recommandent fortement l'adoption d'un système de trois juges dans le traitement des causes d'une telle ampleur. Il existe des antécédents internationaux à cet égard.
Nous demandons instamment que les modifications à la Loi antiterroriste visent à en éliminer les échappatoires et en corriger les lacunes, plutôt qu'à l'affaiblir. Nous devons faire savoir clairement à la communauté internationale que le Canada est en mesure de faire face rapidement et efficacement à la menace terroriste. Par la façon dont nous avons réagi à l'attentat commis contre l'avion d'Air India, c'est toutefois le message contraire que nous avons envoyé.
Dans le monde d'aujourd'hui, on ne trouve pas choquant que des cinglés veuillent faire sauter un avion contenant 300 passagers à bord. Ce que je trouve stupéfiant, en tant que Canadienne, c'est qu'une personne puisse commettre un acte de cette gravité et s'en tirer à si bon compte. Vous êtes toutefois extrêmement bien placé pour changer cette situation.
Je tiens à vous dire que ce genre d'acte peut se reproduire très facilement ici à moins que nous ne soyons extrêmement vigilants. Ma famille et des centaines d'autres au Canada en ont été victimes. Ma mère, Barsa Kelly, qui a perdu la vie dans l'attentat, était la mère et l'épouse la meilleure et la plus aimante qui soit. Ma famille est toujours accablée par sa disparition. Elle était l'amie d'un grand nombre de personnes, dans toutes les couches de la société. Elle était une force créatrice, une éducatrice, une militante, une féministe et, comme elle le disait, une étudiante de la vie. Elle était également une bénévole dévouée. Elle a heureusement laissé une marque indélébile chez tous ceux et celles qu'elle a aimés et elle demeure pour nous une grande source d'inspiration.
Ma sœur Lorna et moi sommes nées et avons grandi au Canada, tout comme ma fille qui ne connaîtra jamais sa grand-mère. On ne peut trouver plus Canadiens que nous. Durant les années écoulées depuis l'attentat, bon nombre de gouvernements différents nous ont toutefois laissées tomber. Ce qui a été très consternant pour moi, qui me considère comme Canadienne, c'est que mon gouvernement ne nous a pas protégées, ma famille et moi, n'a pas condamné les coupables et ne nous a pas fourni le soutien et les ressources nécessaires pour nous remettre. De fait, jusqu'à cette année, le gouvernement n'a aucunement reconnu notre situation et nous a encore moins fourni des réponses. Si l'attentat n'avait pas eu lieu, je n'aurais jamais cru qu'on puisse être traité ainsi au Canada.
Nous ne pouvons plus nous permettre de relâcher notre vigilance. Le coût est trop élevé. Des centaines de personnes ont déjà perdu la vie et des milliers de Canadiens ont été touchés par leur disparition. Nous espérons que la génération actuelle de politiciens sera incitée à adopter de nouvelles lois plus sévères qui feront en sorte qu'il sera plus difficile pour les groupes terroristes d'entrer au Canada et d'y étendre leurs activités. Nous espérons que plus jamais un attentat terroriste ne sera perpétré dans notre pays.
Bal Gupta, président, Association des familles des victimes du vol 182 d'Air India : Je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de témoigner devant votre comité. Je ne suis ni un juriste ni un spécialiste du renseignement ou de la lutte contre le terrorisme. En ma qualité de président de l'Association des familles des victimes du vol 182 d'Air India, j'expose le point de vue des personnes les plus directement touchées par l'attentat terroriste contre le vol 182 d'Air India le 23 juin 1985.
J'ai moi-même perdu la femme avec laquelle j'étais marié depuis plus de 20 ans. Si j'ai pu m'en sortir depuis, c'est grâce à mes deux fils qui avaient 12 et 18 ans à l'époque.
Cette tragédie a été causée par l'explosion d'une bombe posée dans l'avion dans le cadre d'un complot terroriste préparé et exécuté au Canada. La majorité des victimes étaient des Canadiens provenant de différentes provinces. Des Canadiens anglais, des Canadiens français, des Canadiens de presque toutes les confessions religieuses. Quatre-vingt- six victimes étaient des enfants de moins de 12 ans; 29 familles (mari, femme et tous leurs enfants) ont été supprimées. Trente-deux personnes ont perdu leur conjoint et leurs enfants. Six parents dans la quarantaine et la cinquantaine ont perdu tous leurs enfants, et deux enfants de moins de 10 ans ont perdu leurs deux parents.
Il s'agit de l'acte terroriste le plus grave conçu et exécuté au Canada contre des Canadiens. Il continuera de causer pendant des dizaines d'années des souffrances incalculables aux membres de la famille et aux amis des victimes.
Le même jour, un attentat terroriste apparenté a été perpétré à bord d'un vol de Canadian Pacific Air, et l'explosion d'une bombe a tué deux bagagistes au Japon. Cette bombe avait aussi été fabriquée au Canada. À la suite de ces attentats, deux importants témoins potentiels, Tara Singh en Colombie-Britannique et Tarsem Purewal en Grande- Bretagne, ont été assassinés.
L'attentat terroriste contre l'avion d'Air India aurait pu être évité. Il a fallu attendre presque 15 ans pour que des accusations soient portées devant la Cour, et la poursuite a échoué. C'est bien la preuve que des lacunes de notre système ont empêché les services de renseignement de prévenir cet acte terroriste, les services d'enquête d'amener sans délai les terroristes devant les tribunaux, et le système de justice de condamner et de punir les terroristes. Nous ne savons pas si ces lacunes sont attribuables à un manque de moyens, de formation et de ressources ou à l'absence d'un cadre juridique ou d'une volonté politique; nous sommes toujours en quête d'une réponse.
Apparemment, aucune ou très peu de leçons sérieuses ont été tirées de l'attentat terroriste contre l'avion d'Air India. Ce n'est qu'en 2002, soit après les événements du 11 septembre aux États-Unis et 16 ans après l'attentat contre l'avion d'Air India au Canada, que la Loi antiterroriste a été adoptée et que des organisations terroristes ont été interdites.
Pas plus tard que la semaine dernière, soit le 17 novembre, vous avez peut-être vu sur le réseau CBC que l'un des coupables ayant contribué au groupe Babar Khalsa avait perdu sa place au sein du conseil d'administration de Khalsa Credit Union. Pourquoi? Nous l'ignorons. En tant que parlementaires, vous devriez en connaître les raisons.
Les familles des victimes de l'attentat, dont je fais partie, ont connu et continuent de connaître des souffrances incalculables qu'ils souhaitent voir épargner au reste de la population canadienne et mondiale par la prévention des actes terroristes.
Le terrorisme ne connaît pas de frontières et la plupart des terroristes ont des relations dans le monde entier. Les exemples ne manquent pas : l'attentat au Canada en 1985; celui du 11 septembre aux États-Unis; l'attentat à la bombe contre un train en Espagne; celui de Bali en Indonésie; l'attentat du 7 juillet en Grande-Bretagne; les attentats visant les trains, les métros et les transports publics qui ont touché la Russie, l'Inde et, plus récemment, la Jordanie. Nous n'aimons peut-être pas entendre certains dire que le Canada est un refuge pour les terroristes. Il y a toutefois un grand nombre de terroristes qui attendent leur heure au Canada. Tous ceux qui ont comploté l'attentat contre l'avion d'Air India sont toujours en liberté dans notre pays. Les tribunaux canadiens sont saisis de plusieurs affaires importantes mettant en cause des présumés terroristes. Nous savons tous que des terroristes ont été pris en train de traverser la frontière entre les États-Unis et le Canada. Il y a également eu le démantèlement d'une cellule terroriste à Toronto qui a fait la manchette du National Post le 3 novembre dernier.
Pour chaque terroriste identifié, il y en a probablement des centaines d'autres qui se cachent dans l'anonymat au Canada. Des terroristes présents au Canada disposent, semble-t-il, de ressources financières substantielles. Selon un article paru le 5 novembre 2005 dans le National Post, ces ressources seraient de l'ordre de 180 millions de dollars en 2004. Dans bien des cas, les sommes sont réunies par le truchement de blanchiment d'argent ou de dons à des organismes de bienfaisance et des organisations religieuses. Les prédicateurs, qui devraient appeler à la paix, la fraternité et la compréhension, prêchent et appuient le terrorisme, recrutent des terroristes et amassent des fonds pour des activités terroristes. De nombreux religieux ont été soupçonnés, détenus, poursuivis en justice et/ou reconnus coupables de favoriser la violence et le terrorisme : Talwinder Parmar, de l'organisme Babar Khalsa, plusieurs autres aux États-Unis et en Grande-Bretagne ainsi que le religieux qui a brandi une arme à feu un jour saint (Toronto Star, 4 novembre 2005). Des lieux du culte peuvent facilement servir de couverture à des sympathisants et des adeptes du terrorisme ainsi qu'à des recruteurs. Ces activités peuvent favoriser la création d'une culture de l'isolement, de l'intimidation et de la peur dans la population. Si une personne se fait prendre, elle fera sans doute valoir, pour sa défense, que son groupe est l'objet de persécutions et elle obtiendra l'appui des défenseurs des libertés civiles. Le gouvernement devrait être en mesure de mettre fin aux activités abominables des personnes qui encouragent le terrorisme au nom de la religion, peu importe qu'il s'agisse de catholicisme, d'islamisme, d'hindouisme, de sikhisme ou de toute autre religion. Nous sommes bien conscients qu'au cours de l'étude de la Loi antiterroriste, ce comité sénatorial spécial essaie de concilier la protection des Canadiens contre les terroristes et la protection des droits individuels. Ce n'est pas chose facile, mais vous devez y arriver.
Une personne peut être détenue en tant que terroriste présumé. Jusqu'à maintenant, il est survenu seulement cinq ou six cas dans lesquels la Loi antiterroriste s'est appliquée, à ma connaissance. Un présumé terroriste dispose de tous les recours existants, par exemple, la révision judiciaire, l'aide de sympathisants et l'appui des défenseurs des libertés civiles, qui sont payés dans bien des cas avec l'argent des contribuables. Toutefois, lorsqu'un seul terroriste réussit un attentat, des centaines de victimes et les membres des familles connaissent pendant des décennies des souffrances incalculables. En outre, des millions de personnes sont terrorisées pendant très longtemps. Il est manifeste qu'à l'heure actuelle, le système canadien favorise les criminels plutôt que les victimes d'actes criminels. Les terroristes et les criminels ont, semble-t-il, plus de droits que les victimes innocentes du terrorisme. C'est malheureusement ce que nous avons constaté à la suite de l'attentat à la bombe contre l'avion d'Air India. Vous devez corriger cette situation non pas en abrogeant ou en adoucissant la Loi antiterroriste, mais en renforçant davantage les dispositions de la loi par l'élimination des échappatoires. Il vaut bien mieux prévenir que guérir. Il n'existe aucun remède à un attentat terroriste : il faut s'occuper du désastre une fois qu'il s'est produit. La détention et la neutralisation d'un seul terroriste permettent de protéger des centaines d'innocents, d'éviter des souffrances incalculables aux membres des familles et aux amis de victimes potentielles pendant des décennies et d'empêcher des milliers de citoyens innocents d'être exposés à la peur et à la terreur. Les services de renseignement et d'enquête peuvent faire en sorte qu'il n'y ait plus d'attentat terroriste au Canada; ils ne pourront cependant y arriver que si vous, les sénateurs, en tant que législateurs, leur assurez le cadre législatif, les procédures judiciaires, les instruments et la formation nécessaires pour faire leur travail et protéger les droits individuels. Ce n'est pas une tâche facile, mais vous devez le faire. De grâce, ne demandez pas aux services de renseignement et d'enquête de prendre votre défense s'ils doivent travailler les mains liées. Je vais formuler des recommandations à cet égard.
Comme nous l'avons indiqué précédemment, nous ne sommes ni des juristes ni des spécialistes du renseignement ou de la lutte contre le terrorisme. Nous sommes plutôt les victimes qui ont été directement touchées par le plus important attentat terroriste au Canada. Nous faisons les recommandations suivantes : Ne pas abroger ni adoucir la Loi antiterroriste. En renforcer plutôt les dispositions par l'élimination des échappatoires. Imposer des peines plus sévères à l'égard du soutien et de l'encouragement d'activités terroristes. Faire en sorte que les organisations terroristes ou les terroristes ne puissent plus recueillir de fonds auprès des particuliers et des gouvernements. Soumettre les organisations religieuses et les autres organismes de bienfaisance à des vérifications plus poussées afin d'éviter qu'ils appuient des activités liées au terrorisme. Voir à ce que la loi permette aux victimes du terrorisme d'intenter des poursuites contre les organismes de bienfaisance liés au terrorisme, comme on l'a fait contre les églises dont des membres ont agressé sexuellement des enfants. Assurer aux victimes du terrorisme un minimum de soutien psychologique et de ressources financières à la suite d'un attentat. Une partie des fonds confisqués aux organisations terroristes pourraient être affectés à cet usage. Adopter le projet de loi d'initiative parlementaire S-35 afin de désigner les groupes terroristes et d'offrir des recours financiers aux familles des victimes d'actes terroristes. Améliorer la communication et les échanges d'information entre les services de sécurité canadiens. Veiller à ce que plus jamais de divisions entre les services nuisent à la sécurité nationale et à la poursuite efficace des terroristes présents au Canada, comme cela s'est produit dans le cas d'Air India. Modifier les politiques relatives au rassemblement de preuves par les services de sécurité afin que les informations pertinentes réunies puissent servir à intenter des poursuites.
Affecter les nouvelles ressources à la sensibilisation aux cultures au sein des services de sécurité afin d'améliorer les enquêtes sur les activités des présumés terroristes. Il convient que les améliorations portent non seulement sur l'élément linguistique mais aussi sur la sensibilisation aux normes et aux attentes culturelles. Améliorer les relations entre les agents d'application de la loi et les membres des communautés ethniques afin de cultiver la bienveillance, d'atténuer l'impression d'être privé de droits et de créer un contexte dans lequel les citoyens communiqueront plus facilement aux services de police des renseignements sur les activités des terroristes présumés de leur localité. Il suffit de penser à l'affaire d'Air India pour constater les conséquences terribles qui peuvent survenir lorsque les citoyens craignent de communiquer avec les organismes chargés de l'application de la loi.
Créer de nouveaux instruments juridiques obligeant les personnes à témoigner dans les affaires liées au terrorisme. Améliorer les politiques visant à assurer la sécurité des personnes qui communiquent des informations aux agents chargés de l'application de la loi et la protection des témoins d'actes terroristes. Reconnaître les dangers auxquels sont exposées les personnes vivant dans une culture dans laquelle de puissants leaders sont impliqués dans des activités terroristes. Recourir au système de trois juges pour les procès d'attentats terroristes très graves comme celui perpétré contre le vol 182 d'Air India. Dans les cas d'actes terroristes, tenir d'office et sans tarder une enquête afin de déterminer les lacunes de nos systèmes et d'améliorer nos services de sécurité et de renseignements afin d'éviter de nouvelles tragédies. Voir à ce que Transports Canada et les autres organisations intérieures de transport comme la TTC adoptent des règles de sécurité plus strictes.
Maureen Basnicki, à titre personnel : Honorables sénateurs, il est difficile de prendre la parole après Mme Kelly et M. Gupta. Je suis ici par solidarité avec les victimes du terrorisme, mais je suis gênée et triste que mon pays ait mis 20 ans à réagir à l'attentat perpétré contre Air India. Je crois que ce sont les événements du 11 septembre qui ont suscité l'élaboration de la Loi antiterroriste. Je suis très triste qu'une telle loi n'ait pas été mise en place plus tôt.
Honorables sénateurs, les événements du 11 septembre sont très parlants; je n'ai pas à vous exposer les nombreux détails, car nous les connaissons tous. Après son entrée en fonction en tant que directeur de la commercialisation, mon mari devait assister à une conférence au restaurant Windows of the World, situé au 106e étage du World Trade Center. Il y allait pour faire du réseautage et se présenter en tant que nouveau directeur. Quelques minutes après que le premier avion ait frappé la tour nord, Ken a été en mesure de téléphoner à sa mère à Toronto pour lui dire que la pièce était remplie de fumée et qu'il ne savait pas comment il parviendrait à sortir.
À ce moment-là, je faisais une escale en Allemagne et j'ai vu à la chaîne CNN, horrifiée, les événements qui se déroulaient et les immeubles qui s'effondraient, sachant que, pendant tout ce temps, mon Ken bien-aimé était là. Ce n'est que quatre jours plus tard que j'ai finalement pu revoir mes enfants, mon pays, le Canada, et ma ville, Toronto.
Chaque fois qu'on me demande des détails, je réponds que je ne peux pas en parler. La douleur et l'horreur sont bien trop grandes. Je n'ai aucune belle image en tête au sujet de la dernière heure de vie de Ken. J'essaie de penser qu'il a succombé à cause de la fumée tout en essayant d'aider d'autres personnes à s'échapper. Cet homme était un véritable héros pour moi, nos deux enfants, sa famille et ses amis. Je m'efforce de ne pas trop penser au fait qu'il est probable que pendant une heure il était conscient qu'il allait mourir. J'arrive à oublier cette heure de torture quand je suis éveillée, mais malheureusement, je ne peux pas chasser de mon esprit cette image horrible pendant mon sommeil. Je souffre de crises de panique et de dépression.
J'ai été agent de bord chez Air Canada pendant une trentaine d'années, mais je ne suis pas capable maintenant d'exercer cette fonction. Avant de prendre un avion en tant que passagère, je dois dorénavant prendre des médicaments.
Le jour du deuxième anniversaire du meurtre de Ken, on m'a coupé mes prestations d'invalidité. J'ai dû embaucher un avocat et payer des frais juridiques pour contester cette décision de la compagnie d'assurances. Les répercussions émotionnelles ont été énormes. Je continue de voir un psychologue à mes propres frais. Je tiens le coup grâce à ma famille, à mes amis et à ma foi.
Ma foi m'a enseigné la valeur de la vie humaine. Elle m'a montré à aimer l'être humain. Je cherche toujours à obtenir des assurances de la part du gouvernement canadien, non pas que le Canada doit être préparé psychologiquement à un attentat terroriste, mais il demeure que des Canadiens ont été tués. Il se peut qu'un attentat ne survienne pas au Canada, mais c'est seulement à cause de la grâce de Dieu que d'autres Canadiens n'ont pas été tués dans les attaques récentes survenues dans le monde.
Des citoyens canadiens qui voyagent à l'étranger pourraient se retrouver sur le mauvais vol, le mauvais métro ou le mauvais autobus. Des Canadiens pourraient tout simplement se trouver dans le mauvais hôtel ou la mauvaise discothèque. Ils pourraient être au mauvais endroit au mauvais moment. Notre religion ou la couleur de notre peau importe peu aux terroristes. Ils ne se préoccupent pas non plus de notre pays d'origine ni de notre allégeance politique.
Avant les événements du 11 septembre, j'étais comme un grand nombre d'entre vous. Je vivais un mariage heureux, j'étais une mère fière de ses deux merveilleux enfants et j'avais une carrière que j'aimais. Tout cela m'a été enlevé par un groupe d'hommes fous qui ne me connaissaient pas, mais qui m'haïssaient quand même.
Je suis ici pour rappeler aux honorables sénateurs ce qui se produit lorsque nous ne faisons pas preuve de vigilance. Je suis ici pour vous rappeler ce qui se passe lorsqu'il y a un déséquilibre entre les droits de la personne et les droits de civils innocents.
Je sais qu'aucun pays, que ce soit le nôtre, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Espagne ou la Jordanie, ne sera jamais à l'abri d'actes terroristes. Cependant, cela ne signifie pas que nous n'avons pas le devoir de faire tout ce que nous pouvons pour cerner les personnes qui pourraient tuer des Canadiens et pour les empêcher de passer à l'action.
Je suis une victime canadienne du terrorisme. Contrairement à la majorité des victimes canadiennes du 11 septembre, Ken, mon défunt mari, a choisi d'habiter au Canada. Je ne veux pas laisser entendre que ma souffrance est pire ou moindre que celle de toute autre famille d'une victime d'un homicide. Nous souffrons tous, peu importe l'identité ou la motivation de l'auteur du crime. Toutefois, comment pouvons-nous admettre que nous vivons dans un monde différent où il existe une « nouvelle » forme de crime qu'on appelle le terrorisme et en même temps ne pas porter attention au nouveau type de victimes? Je dois dire que l'emploi du mot « nouvelle » est incorrect puisqu'on sait que l'attentat perpétré contre Air India s'est produit il y a 20 ans.
Lors de cet attentat, des centaines de citoyens canadiens, représentant la vaste diversité culturelle du Canada, ont été tués. Le Canada s'est joint au reste du monde pour mener la nouvelle « guerre contre le terrorisme ».
Le terrorisme a évolué au fil du temps. Les méthodes qu'utilisent les terroristes sont de plus en plus sophistiquées, ce qui signifie que nos lois pénales doivent être modifiées pour mettre l'accent sur la prévention et la dissuasion en tant que stratégies de lutte contre le terrorisme. Je vous en supplie, n'affaiblissez pas la Loi antiterroriste.
Nous ne parlons pas des vies brisées des victimes canadiennes quand nous discutons des principes de la Loi antiterroriste. Dans son livre, intitulé September 11 : Consequences for Canada, le professeur Kent Roach présente un examen critique des conséquences du 11 septembre. Il écrit ceci :
Le projet de loi C-36 visait à répondre à la victimisation massive liée au 11 septembre, mais il n'a absolument rien fait pour les familles des victimes.
Bien que M. Roach et moi-même ne soyons pas du même avis à propos de certains aspects du projet de loi C-36, je dois dire qu'il fait valoir un point important quand il affirme que la mémoire des 24 victimes canadiennes du 11 septembre aurait été mieux honorée par un monument commémoratif et par une indemnité et un allégement fiscal temporaire pour les victimes plutôt que par des modifications précipitées au Code criminel.
Si un événement comme celui du 11 septembre survenait au Canada, il n'existerait aucun fonds prévu par le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux qui pourrait servir à aider les familles. En Ontario, par exemple, la somme maximale qui peut être versée dans le cas d'un événement de la sorte en vertu du programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels s'établit à 150 000 $. Ce montant doit être réparti parmi toutes les victimes. Par conséquent, s'il y avait demain un attentat contre la Tour du CN et que 500 Canadiens étaient tués, les familles recevraient chacune 300 $. S'il se produit un attentat en Nouvelle-Écosse, les victimes pourraient recevoir 2 000 $ pour des services de counselling.
À Terre-Neuve, les victimes n'auraient droit à aucune somme.
Dans bien des provinces, le versement des indemnités prend beaucoup de temps et les retards sont considérables. Il est irréaliste de penser qu'un programme d'indemnisation provincial pourrait suffire dans le cas d'un attentat qui ferait des centaines ou des milliers de blessés ou de morts. La charge de travail à elle seule représenterait tout un défi, sans penser aux fonds nécessaires pour indemniser toutes les victimes. Vous devez encourager le gouvernement fédéral à élaborer une stratégie nationale visant à soutenir les victimes d'un attentat terroriste.
Mon mari était fier d'être Canadien. Il n'aurait pas été fier par contre de la façon dont le Canada a traité son épouse et ses enfants. Quand j'entends les membres de la famille Khadr revendiquer leurs droits en tant que citoyens canadiens, je me demande où sont passés mes droits en tant que citoyenne canadienne. Où sont passés mes droits en tant que victime?
Je suis très fière de dire que le soutien et le réconfort qu'ont obtenus les familles des victimes des attentats du 11 septembre de la part des Canadiens ont été incroyables. Cependant, nous avons été invisibles aux yeux du gouvernement.
Ce qui est le plus difficile probablement, c'est que je n'ai aucun recours pour faire en sorte que justice soit rendue pour mon mari. Les hommes qui étaient aux commandes des avions sont morts. L'homme qui est l'ultime responsable ne sera peut-être jamais capturé et il est fort probable qu'il n'ait jamais à faire face à la justice.
Je n'aurai pas l'occasion de préparer une déclaration de la victime à l'intention d'un juge. En fait, je ne pourrai probablement rien faire de plus que témoigner devant vous, et j'ai même failli ne pas pouvoir être ici. Je n'assisterai jamais à une audience de libération conditionnelle et je ne verrai jamais les hommes qui m'ont volé ma vie.
Je ne pourrai jamais demander que justice soit faite en engageant une poursuite au civil contre les hommes qui sont responsables du meurtre de Ken. Si j'habitais dans un autre pays, je pourrais, mais c'est impossible au Canada.
Même si cela ne fait pas partie de votre mandat, j'ose espérer que vous prendrez le temps, si vous ne l'avez pas déjà fait, d'examiner le projet de loi C-394, qui porte sur l'indemnisation des victimes d'actes terroristes. Cette mesure législative a été présentée par M. Stockwell Day, et elle a obtenu l'appui de députés de tous les partis politiques. J'espère que tous les députés l'appuieront, notamment M. Ed Broadbent et Mme Susan Kadis.
Je ne sais pas si j'ai le temps de résumer le projet de loi C-394; je vais certes le faire plus tard, si vous le souhaitez.
Nicola Kelly m'a indiqué que ce projet de loi ne porte pas ce numéro-là. À ce stade-ci, les chiffres m'importent peu.
Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes a effectué un examen préliminaire de certains des enseignements qu'ont tirés les groupes de secours des attentats du 11 septembre. Un des principaux problèmes était l'absence de coordination préalable, ce qui a empêché la prestation ordonnée de services aux victimes. Nous avons observé la même chose lors de l'attentat à la bombe contre le vol 182. Après le 11 septembre, il ne s'est rien passé — du moins, pour autant que je me souvienne. D'après l'expérience vécue aux États-Unis, on constate qu'il est clair que les pays doivent élaborer une stratégie visant à faire face aux lendemains d'une crise ainsi que des stratégies destinées à prévenir un attentat. Le Canada a le devoir de protéger les Canadiens contre de futurs attentats. Il a le devoir de s'occuper des familles canadiennes qui souffrent d'une perte terrible.
À la suite d'un attentat, les familles des personnes tuées veulent souvent se rendre sur les lieux de l'événement pour rechercher leurs êtres chers. Les victimes ont besoin d'obtenir rapidement de l'information fiable, d'être informées d'un décès de manière délicate et de recevoir du soutien. Les victimes ont besoin d'être informées, conseillées et soutenues de façon continue. Elles auront peut-être besoin de counselling et de soutien pendant plusieurs années.
Les situations particulières auxquelles sont confrontées les victimes d'actes terroristes concernent entre autres la découverte continuelle de restes humains, l'identification des personnes tuées — il est nécessaire à cette fin de prélever un échantillon d'ADN chez un membre de la famille — la peur constante d'un autre attentat terroriste et la très grande couverture médiatique qui suit toujours un tel événement. Les prestataires de services aux victimes doivent être conscients de ces situations particulières.
Il faut mettre un terme à la glorification ou la condamnation du terrorisme ou des terroristes, que ce soit par les médias, les États, les chefs religieux, les groupes organisés, les ONG ou d'autres entités. Il faut prendre des mesures pour mettre fin à l'incitation au terrorisme, au recrutement de terroristes potentiels, à la légitimation d'actes terroristes et à la promotion ou l'acceptation générale du terrorisme.
Les victimes, ainsi que leurs familles, ont des besoins communs, peu importe où elles habitent. Pour les personnes qui sont blessées et qui ont survécu, la prestation de soins médicaux et psychiatriques et l'aide financière sont primordiales. Il s'agit de personnes innocentes qui se trouvaient simplement au mauvais endroit au mauvais moment. Elles ont besoin d'aide pour retrouver leur vie antérieure, si c'est possible, et il ne suffit pas de simplement gérer cette aide, il faut veiller à ce qu'elle soit fournie par des professionnels qui ont reçu la formation appropriée afin d'être en mesure de bien comprendre les difficultés particulières que vivent les survivants.
Pour conclure, j'aimerais souligner qu'il ne suffit pas de se rappeler des personnes qui ont perdu la vie dans des attaques terroristes. Nous devons concerter nos efforts pour protéger d'autres Canadiens qui pourraient être victimes du terrorisme. Ce serait là le plus bel hommage à la mémoire de mon époux.
Voici une courte liste de recommandations qui pourraient être développées. Premièrement, ne pas affaiblir la Loi antiterroriste. Deuxièmement, adopter le projet de loi S-35 — je crois que c'est le nom qu'on lui donne ici, au Sénat. Troisièmement, encourager le gouvernement fédéral à travailler de concert avec les provinces afin d'élaborer une stratégie nationale à l'intention des victimes d'une attaque terroriste. Quatrièmement, rechercher plus vigoureusement les sommes d'argent recueillies au Canada pour appuyer des activités terroristes. Cinquièmement, encourager le gouvernement fédéral à tenir une conférence ou un sommet national visant à répondre aux besoins des victimes canadiennes du terrorisme. Sixièmement, continuer de promouvoir la communication entre les organismes.
La présidente : Merci beaucoup, madame Basnicki.
Je vous remercie tous d'avoir partagé vos réflexions avec nous. Il est révélateur que vous soyez les derniers témoins à comparaître devant nous dans ce périple entrepris il y a neuf mois. Nous serons certainement ravis de connaître vos réflexions, vos suggestions et vos souvenirs alors que nous avançons dans ce dossier très difficile et que nous nous apprêtons à rédiger notre rapport.
Je dois vous dire, ainsi qu'à tous ceux qui nous écoutent, qu'un changement éventuel d'activités sur la Colline du Parlement dans les prochains jours n'entraînera pas la disparition de tout ce travail et de toutes ces réflexions. Elles seront réanimées et nous allons poursuivre la rédaction de notre rapport en temps voulu, si nous ne pouvons pas le faire immédiatement.
Le sénateur Andreychuk : J'aimerais remercier nos trois témoins d'être venus ici aujourd'hui ainsi que toutes les personnes que vous représentez, et qui se tiennent derrière vous, les familles et les autres victimes. Ayant l'expérience des tribunaux, je sais à quel point c'est difficile pour vous. Vous devez mettre votre peine de côté et essayer de voir plus loin pour que, au bout du compte, il y ait moins de victimes. J'aimerais vous remercier pour votre compassion, les déclarations faites aujourd'hui et la dignité dont vous avez fait preuve.
J'aurais aimé que vous soyez venus plus tôt. J'aurais préféré vous entendre au tout début de sorte qu'en abordant les droits de la personne, j'aurais pu parler des droits des victimes autant que des droits des autres personnes touchées par le terrorisme, que ce soit des personnes accusées injustement ou des victimes innocentes.
Vous parlez de maintenir la loi et même de la renforcer par des moyens auxquels on n'avait pas réfléchi auparavant, par exemple en assurant une plus grande protection aux témoins. Il me semble que notre comité a entendu peu parler de la nature particulière de l'activité terroriste et du fait que les associations représentées sont un peu différentes de l'activité criminelle, sauf peut-être du crime organisé, et nous devrions donc nous intéresser à des programmes de protection des témoins. Vous avez également parlé de la coordination de ressources financières à l'intention des familles alors que nous avons maintenant défini l'activité terroriste comme une entité distincte, tant à l'échelle internationale que nationale. Ce sont tous des points importants dont nous avons entendu peu parler. Votre venue aujourd'hui est donc importante également.
Monsieur Gupta, j'aimerais vous poser une question bien précise. Je crois connaître déjà votre réponse, mais j'aimerais que vous nous parliez de la nécessité d'une enquête sur les procédures entourant l'affaire d'Air India pour que nous puissions en tirer des leçons. J'aimerais que vous nous fassiez part de votre opinion, pour le compte rendu. Notre thème est la prévention. Croyez-vous que notre problème soit un manque de lois ou un manque de renseignements de sécurité efficaces? Autrement dit, où devrions-nous investir pour contrecarrer le terrorisme avant qu'il ne s'organise et passe à l'action?
M. Gupta : Merci beaucoup, madame le sénateur. Nous avons demandé la tenue d'une enquête sur les erreurs entourant la tragédie d'Air India. Nous avons entendu un si grand nombre de déclarations au fil des années, dont celle de l'ancien directeur du SCRS, M. Reid Morden, qui a affirmé que le SCRS semblait avoir abandonné la partie dans ce cas. Ce n'est peut-être pas les mots exacts qu'il a employés. Avec le recul, nous croyons fermement que la tragédie d'Air India aurait pu être évitée, puisque des agents surveillaient les terroristes soupçonnés jusqu'à deux ou trois jours, je crois, avant la tragédie. Qu'il ait été coupable ou qu'il ait été une taupe du SCRS, M. Gill, qui se trouve actuellement au Royaume-Uni, était apparemment un informateur et il a été retiré du groupe quelques jours seulement avant la tragédie.
Les familles croient fermement que le système aurait pu prévenir la tragédie, mais ne l'a pas fait pour une raison quelconque. Nous aimerions connaître la vérité. Évidemment, d'autres aspects sont en cause, comme le fait d'accepter des bagages d'une personne qui ne prend pas l'avion ainsi que les défaillances de diverses machines et du système. Nous ne savons pas. Nous attendons toujours la tenue d'une enquête. Comme vous le savez tous, M. Rae s'occupe de ce dossier.
Je ne sais pas si le gouvernement a essayé de retarder le processus. Malheureusement, nous avons été mal traités, si je peux m'exprimer ainsi, par les conservateurs de M. Mulroney et par les libéraux après leur arrivée au pouvoir. M. Chrétien avait déclaré qu'il commanderait une enquête, mais lorsque les libéraux ont pris le pouvoir, ils ont changé leur fusil d'épaule. C'est malheureux, mais nous n'avons jamais essayé d'en faire un enjeu politique. En tant que Canadiens, nous aimerions avoir des réponses.
Mme Kelly : Je peux peut-être ajouter un mot sur les leçons tirées de la tragédie d'Air India. Dans nos recommandations, nous parlons de divers aspects, en commençant par l'aspect financier et la façon dont les politiciens ont eu vent de cette conspiration dans le cadre de réunions, et ce que nous pouvons en retirer aujourd'hui, jusqu'à la sécurité des aéroports. Tant de bévues ont été commises.
Vous demandez si ce sont les lois ou les renseignements de sécurité qui font défaut, et votre question est pertinente. Les renseignements étaient là. Les deux individus impliqués dans l'affaire d'Air India étaient des personnes d'intérêt, et la surveillance a été relâchée quelques jours avant l'explosion. La question est davantage de savoir comment nous utilisons l'information que nous avons. Comment les organismes partagent-ils cette information? Dans le monde d'aujourd'hui, nous devrions prêter attention à la manière dont les organismes coopèrent sur la scène internationale. Comment travaille-t-on avec les organismes internationaux? La prévention d'éventuels actes terroristes au Canada dépendra du renseignement de sécurité.
Le problème, ce n'est pas tant les lois — des lois musclées existent —, mais bien la manière dont elles seront utilisées. C'est très bien de donner plus de pouvoirs aux agents chargés de l'application de la loi, mais comment vont-ils travailler dans les collectivités où règne cette culture de la peur? Ces collectivités sont isolées. Comment allons-nous nous y introduire et peut-être recruter davantage à même ces groupes ethniques, ou peut-être instaurer une présence policière plus forte dans ces collectivités pour que les gens se sentent plus à l'aise de fournir de l'information? Voilà des aspects de la loi qu'il faut examiner. Comment la loi va-t-elle empêcher des tragédies comme celle que nous avons vécue et changer ce qui se passe aujourd'hui au Canada?
M. Gupta : Du travail doit être fait tant sur le plan de la loi que du renseignement. Dans l'affaire d'Air India, il y a eu bien sûr des problèmes concernant le renseignement. Le juge a affirmé que l'effacement des rubans par le SCRS était une négligence très grave. Certains problèmes dans notre système de renseignement doivent être réglés. Je ne dis pas qu'ils sont intentionnels, mais quelle qu'en soit la cause, l'effet est le même.
Il y a également des lois concernant les personnes qui savent des choses, et je vais vous donner deux exemples. Il y a d'abord l'épouse de M. Reyat, qui est en prison pour avoir fabriqué les bombes utilisées dans l'explosion de CP Air, à Narita, et qui a aussi plaidé coupable d'avoir fabriqué des explosifs pour le vol 182 d'Air India. Son épouse savait des choses, mais notre loi fait en sorte qu'elle ne pouvait pas être appelée à témoigner. Il y a un autre cas semblable. Quelqu'un a habité dans une des familles du même groupe pendant un mois, et il est très surprenant que les gens puissent ignorer qui était cette personne. Cet individu était lié à la tragédie, mais la loi ne pouvait être utilisée pour obtenir son identité. Il y a donc des failles dans le système juridique.
Vous devez garder à l'esprit qu'un crime habituel fait une ou deux victimes.
L'époque où nous combattions avec des massues et des pierres est révolue. Aujourd'hui, un seul acte terroriste peut coûter la vie de centaines, voire de milliers de personnes. Le terrorisme doit être traité différemment des autres crimes.
Le sénateur Andreychuk : Je crois qu'on a bien fait valoir la nécessité d'un programme de protection des témoins. J'espère que notre comité trouvera un moyen plus systématique d'aider les victimes immédiatement. Si nous disons que l'activité terroriste isolée est un crime atroce, nous devons alors instaurer des systèmes de soutien pour les victimes. Voilà une chose sur laquelle nous allons nous pencher.
Est-ce que vous dites que la loi ou le fardeau de la preuve doit être différent pour les chefs religieux, ou bien que le traitement doit être le même pour quiconque commet un acte terroriste et incite au terrorisme? Il me semble que l'un d'entre vous a insisté sur le fait que les dirigeants religieux avaient une certaine emprise sur leurs fidèles. Je ne sais pas exactement si vous dites que nous devrions les surveiller. Est-ce que vous dites que nous devrions les traiter différemment?
M. Gupta : Je ne veux pas dire qu'il faut les traiter différemment. J'ai mentionné à la fois les organisations religieuses et les organisations sociales ou de bienfaisance. J'ai choisi les groupes religieux parce que nous avons de nombreux exemples où la religion a servi de prétexte pour promouvoir, soutenir et faire avancer d'autres activités.
Je vous ai donné un très bon exemple : Talwinder Parmar s'est servi de Babar Khalsa. Vous avez également l'exemple du World Trade Center. Un chef religieux a été condamné aux États-Unis. Je ne sais pas si le Royaume-Uni a déporté un autre religieux ou s'il s'apprête à le faire. Un chef religieux très influent en Indonésie a comparu devant les tribunaux relativement aux explosions de Bali.
Les autres groupes sont tout aussi importants, mais la religion offre une couverture facile. Comme je l'ai dit devant le sous-comité des Communes la semaine dernière, la religion est une force très puissante. Elle était censée élever les hommes et les femmes au-dessus des animaux. Malheureusement, c'est parfois l'inverse qui se produit. La religion est puissante parce qu'elle peut vous faire entrevoir le ciel si vous devenez un martyre de la cause, ou elle peut brandir la menace de l'enfer si vous êtes un hérétique et que vous ne faites pas ce qu'elle vous dicte de faire. C'est pour cette raison que j'ai choisi la religion comme exemple.
Je ne dis pas qu'on doit faire fi des autres organisations. Peu importe que ce soit une organisation religieuse, politique ou sociale; nous devons être prudents parce qu'elles utilisent l'argent des contribuables.
En fait, quelques-unes des organisations de la Colombie-Britannique mentionnées dans l'affaire d'Air India ont reçu des sommes d'argent des caucus fédéral et provincial. Je ne dis pas que ces organisations étaient directement impliquées, mais l'un de leurs membres a été renvoyé de la direction de la Khalsa Credit Union le 17 novembre.
Mme Kelly : Comme dernier argument en faveur d'un système à trois juges, certains d'entre vous savent peut-être qu'une des raisons invoquées par le juge Josephson pour expliquer pourquoi il ne croyait pas le témoin vedette de la poursuite, c'est qu'une femme, à son avis, ne peut pas être en amour avec un homme qui pourrait être un meurtrier. Il est tout à fait honteux que le meurtrier de centaines de gens puisse s'en tirer parce qu'une seule personne croit cela.
Le sénateur Fraser : Merci beaucoup d'être ici. Ce fut une expérience de grande humilité et un exercice utile de vous écouter. Vous avez fait valoir des aspects que personne n'avait présentés auparavant et vous avez ajouté du poids à ce que d'autres témoins avaient dit.
Vous pouvez être assurés que notre objectif n'est pas de moins bien protéger le Canada contre le terrorisme. Notre objectif est de voir s'il y a des façons d'améliorer la loi. C'est une distinction importante à faire.
Dans ce contexte, bon nombre de personnes qui ont comparu devant nous étaient grandement troublées par la définition d'« activité terroriste » qui se trouve dans la loi. Comme vous le savez, toute une série de choses constitue maintenant une activité terroriste, ce qui cause un tort parce qu'on oblige des personnes, des gouvernements ou des organisations à faire certaines choses qu'ils ne feraient pas autrement, etc.; une activité qui comporte l'une de ces caractéristiques et qui est menée pour un motif idéologique, politique ou religieux.
Un certain nombre de personnes nous ont dit que les collectivités minoritaires au Canada en étaient tout particulièrement troublées parce que, à leur avis, le droit criminel s'étend maintenant à des domaines qui ne le concernaient pas auparavant, et elles se sentent vulnérables. On nous a dit également que d'une façon étrange, la loi est devenue plus difficile à utiliser; en effet, comment peut-on prouver devant un tribunal qu'un acte a été commis pour un motif religieux?
Est-ce que quelqu'un d'entre vous a une opinion sur cette définition? C'est ma seule question. Il me semble que vous aurez peut-être un point de vue légèrement différent à ce sujet.
Mme Basnicki : Je crois comprendre que l'Organisation des Nations Unies tente toujours de définir le terrorisme, ce qui est effectivement une tâche difficile.
Lorsqu'un être cher est tué et qu'il faut tout ce temps pour définir le terrorisme... ne niez pas le fait qu'il y a cette victime. On ne semble pas en tenir compte dans l'équation.
Ce n'est pas que ce meurtre importe peu; au contraire. Il importe beaucoup si nous voulons éviter qu'il ne se reproduise. J'insiste pour dire qu'il semble y avoir un déséquilibre ici. Si nous voulons parler de définitions, je vous rappelle qu'il s'agit du crime le plus horrible qui soit. Il vise des civils innocents de n'importe quel pays, n'importe quel milieu, n'importe quelle nationalité. La définition ne doit pas cibler une nationalité ou un groupe ethnique en particulier. Toutes les victimes sont unies dans ce contexte. Nous disons simplement que des personnes ont été tuées ici dans une certaine attaque et nous nous demandons comment faire pour empêcher qu'un acte pareil ne se reproduise.
M. Gupta : Nous comprenons tous ce qu'est le terrorisme. Lorsque des victimes innocentes sont tuées ou blessées, peu importe que la cause soit politique, religieuse ou sociale, les problèmes dans le système demeurent. Ils ont toujours été là; ils le seront toujours. Il n'y a pas de système religieux, politique ou social parfait. Il y a peut-être une utopie qui n'existe pas sur la terre. Lorsque des personnes innocentes sont blessées au nom d'un système religieux, politique ou social, c'est du terrorisme. J'ai examiné la liste des témoins qui ont comparu devant le comité, et je peux vous dire quels groupes ont fait cette affirmation.
Soyons réalistes : nous faisons tous partie de groupes minoritaires. Je suis hindou. Je viens de l'Inde. Je suis d'origine indienne. Je n'ai aucune objection à ce que vous cibliez un Indien ou un hindou si cette personne est impliquée activement dans une activité terroriste. Le multiculturalisme est une bonne chose, mais ne permettez pas à des gens de s'en servir comme prétexte pour mener leurs activités terroristes. Leurs propres collectivités en souffriront si vous leur permettez de faire cela. Leurs propres collectivités deviennent des victimes de la peur, du terrorisme et de l'intimidation. Je ne vais pas trop loin. Même Ujjal Dosanjh, ministre de la Santé du Canada, a été battu et laissé pour mort.
Le problème, c'est qu'il y a des groupes, que je ne vais pas nommer — vous pouvez le faire si vous voulez — qui sont très stricts dans leurs attitudes. Ils croient dans la suprématie de leur religion. Là où ils sont majoritaires, ils n'accordent aucun droit aux minorités. Ils ne revendiquent pas seulement l'égalité des droits, mais aussi plus de droits que les autres.
Oui pour le respect des droits de la personne, mais non pour des droits supérieurs à ceux des autres.
Mme Kelly : Les groupes visés par les forces de l'ordre ne devraient pas se sentir menacés s'ils ne discutent pas de choses qui pourraient nuire à d'autres Canadiens ou s'ils ne commettent pas d'actes de violence envers un autre groupe. Je ne peux pas le dire aussi bien que vos deux autres témoins, mais en tant qu'ancienne étudiante en science politique, j'aimerais dire que pour ce qui est d'élargir la définition ou de savoir quand un acte est commis pour des raisons religieuses ou idéologiques, cela revient toujours à l'argent et au pouvoir. Vous voudriez peut-être inclure une disposition législative pour préciser que ces actes sont parfois commis pour des raisons financières.
Le sénateur Day : Je me joins à mes collègues pour vous remercier tous de votre présence, ainsi que pour vos mémoires écrits que vous nous avez remis pour que nous prenions le temps d'y réfléchir. On y retrouve de nombreux bons points de vue, auxquels nous souscrivons, comme vous n'allez pas manquer de vous en apercevoir. C'est une question d'équilibre et c'est ce que nous envisageons au sein de notre comité depuis quelque temps déjà.
Je comprends votre sentiment de frustration en ce qui concerne le procès Air India si vous considérez, après coup, qu'il s'est déroulé dans le cadre d'un système pénal que nous avons depuis longtemps et qui impose de nombreuses règles, comme il le faut d'ailleurs, en vue de protéger les particuliers. Toutefois, la lutte contre le terrorisme met de plus en plus l'accent sur la prévention. De nouveaux outils bien différents apparaissent et nous apprenons encore à les utiliser. Il y en a deux en particulier du côté de la prévention dont j'aimerais vous parler et dont il a été question à plusieurs occasions. Tout d'abord, la détention sans mise en accusation de particuliers qui sont jugés comme présentant un risque de sécurité, lorsqu'il n'y a pas assez de preuves pour les poursuivre au criminel, mais lorsqu'on dispose de suffisamment de renseignements qui portent à croire que s'ils étaient libres de leurs mouvements, ils pourraient causer certains problèmes.
J'aimerais que vous souleviez un autre point dont il a été question à plusieurs reprises, soit le profilage racial. On a ainsi dit que les gens que l'on remarque au sein de la société, peut-être à cause de leur couleur ou de leur religion, font injustement l'objet d'une attention particulière de la part des autorités gouvernementales, policières ou des services du renseignement. Pensez-vous que ce soit le cas, c'est-à-dire que vu le zèle avec lequel nous cherchons à prévenir une catastrophe comme celle du vol Air India ou du 11 septembre, nous allons trop loin et mettons trop l'accent sur certaines minorités ethniques, ou s'agit-il de l'un des effets secondaires de ce nouvel accent mis sur la prévention, au lieu d'accuser les gens après coup, et qu'il nous faut tout simplement accepter?
Mme Kelly : C'est l'un des équilibres délicats auxquels des gens plus avisés que nous doivent parvenir. Toutefois, j'ai l'impression que le milieu canadien du renseignement est devenu plus perfectionné au fil des ans. Si les agents du service de renseignement ont de bonnes raisons de croire à partir du renseignement national et international que certaines organisations sont une menace pour le pays, ils devraient alors agir et prendre les mesures dont ils disposent pour empêcher une tragédie, en fonction de l'information recueillie et non de la couleur de la peau. Il suffit simplement de se rappeler de l'attentat d'Oklahoma pour s'apercevoir qu'il n'était pas le fait d'une minorité ethnique. Nous devons fonctionner sans discrimination fondée sur la race, car nous avons vu par suite de l'affaire Air India jusqu'à quel point une trop grande délicatesse à cet égard a entraîné la mort de 300 personnes. En même temps, il faut parvenir à un équilibre. Nous ne voulons pas aller trop loin dans l'autre sens.
Nous voulons nous fier aux organismes de renseignement, de police et d'application de la loi pour rassembler des renseignements sur des particuliers plutôt que d'envisager la question en termes de groupes ethniques.
Le sénateur Day : Ne nous arrêtons pas là, car les musulmans et les Arabes nous disent qu'ils sont arrêtés et questionnés inutilement et injustement. Que se passe-t-il dans le cas des hindous et des Indiens? Est-ce un problème pour vous? Est-ce que vos collectivités vous disent que leurs membres sont arrêtés injustement?
M. Gupta : Je pense qu'il a été dit très clairement qu'il faudrait appliquer la loi sans distinction raciale. Si une collectivité — j'utilise ce terme de façon assez large, car nous faisons tous partie de collectivités d'une certaine façon; il peut s'agir d'une collectivité d'Indiens, de ressortissants des Indes orientales, de Pakistanais, d'Ukrainiens, d'Irlandais ou d'Italiens — est mise en cause, il est très facile pour les groupes religieux d'invoquer l'argument de persécution raciale. Les mêmes arguments sont avancés, mais il faudrait qu'ils s'auto-examinent. Y a-t-il beaucoup de gens de leur collectivité qui participent à des actes terroristes? Cette question a été posée par un imam ou un religieux d'Arabie Saoudite et je n'aurais pas pu l'avoir mieux posée.
Vous avez utilisé l'expression groupes musulmans et arabes. Qui a dit que tous les musulmans ne sont pas des terroristes, mais que la plupart des terroristes sont des musulmans? Si le chapeau fait, qu'ils le portent. Un tel argument a été avancé — et continuera de l'être — par des minorités qui veulent camoufler leurs actes ou leurs méfaits, selon le cas. N'en soyez pas dissuadés en tant que législateurs. Vous devez travailler, si je puis me permettre de le dire, sans faire de discrimination fondée sur la race.
Récemment, une personne de couleur a été tuée par balle dans une église à Toronto alors qu'elle assistait aux funérailles d'une autre personne qui avait subi le même sort. On ne peut jouer sur les deux tableaux. D'un côté, vous voulez que les gens de votre race soient protégés. De l'autre, lorsqu'un membre de votre collectivité est pris sur le fait, vous parlez de profilage racial. Si je puis me le permettre, il se peut que certains se sentent coupables si l'on en croit les déclarations que vous avez entendues. Il est inutile d'aller très loin pour s'en rendre compte. Il suffit de lire le Toronto Star pour s'apercevoir que ces dernières années, une certaine personne a toujours écrit de façon biaisée. C'est également vrai du Globe and Mail.
En tant qu'Hindou, je n'ai aucun problème. Si un Hindou crée des problèmes, arrêtez-le, car il en crée autant pour vous que pour moi et mes enfants ne sont pas en sécurité. Il suffit de voir les guerres de gangs à Vancouver, en Colombie-Britannique; nos enfants en subissent le contrecoup.
Mme Basnicki : M. Grupta a donné l'exemple des crimes à Toronto, où nous vivons tous les trois. Le taux de criminalité augmente à Toronto, puisque l'on dénombre déjà quelque 50 meurtres; il faut certainement s'en occuper, la situation est inquiétante. Par contre, certains s'indignent en disant que c'est une histoire de profilage racial.
J'aimerais faire deux observations. Premièrement, je suis convaincue que l'augmentation du taux de la criminalité à Toronto doit être freinée, mais un acte terroriste dans cette ville va certainement prendre beaucoup plus d'importance que le taux annuel d'homicides. Si l'on regarde plus loin, il faut alors tenir compte du soit disant profilage racial. Beaucoup au sein de notre collectivité du renseignement et de la police diront : « Non, nous ne faisons pas de profilage racial, nous examinons les faits et les statistiques. Les faits sont là et sont évidents. » Je dirais, si l'on prend du recul, que lorsque l'on traite des actes terroristes et des grands nombres de victimes d'homicides, la même chose s'applique. Nous ne faisons qu'examiner les faits et il n'est pas dans l'intention des membres de la famille des victimes ou d'autres groupes de faire du profilage racial. Il s'agit strictement de savoir qui a commis ces crimes et ce que l'on peut faire pour en venir à bout. Malheureusement, nous n'avons pas les réponses. Nous encourageons simplement tout le monde à chercher des réponses.
Nous avons parlé de la prévention. C'est ce à quoi on pense avant tout. Nous ne voulons pas que quiconque connaisse la même situation que nous et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Nous ne pouvons pas ramener nos êtres chers à la vie; ils sont morts. C'est parce que nous ne voulons pas que d'autres Canadiens soient touchés par le terrorisme que nous considérons que la prévention est très importante.
Cela me ramène à la mesure législative proposée, le projet de loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Le terrorisme nécessite énormément d'argent. Pour les victimes du terrorisme, c'est un moyen de faire de la dissuasion, de la prévention, de mettre l'accent sur la responsabilité et la justice. L'affaire Air India est l'exemple parfait de notre système de justice qui a trahi notre confiance. La législation civile peut combler cette lacune, mais nous n'avons pas le pouvoir de la créer. Par conséquent, je pense être la porte-parole de la plupart des victimes lorsque je dis qu'il faut nous donner la possibilité de saisir les tribunaux, de demander que justice soit faite, de faciliter la dissuasion et la responsabilité que nous recherchons si désespérément. Quant aux groupes qui peuvent penser faire l'objet de profilage racial, ce n'est pas à nous de juger qui ils sont et nous n'avons pas besoin de le faire. Nos services de renseignement et les faits indiquent que tel ou tel groupe ou tel ou tel pays est coupable d'abriter des terroristes et d'appuyer le terrorisme financièrement parlant. Donnez-nous les outils en tant que victimes de ce crime haineux afin que nous puissions en poursuivre les auteurs.
Le sénateur Zimmer : Merci pour vos exposés si sincères; vous êtes tous très courageux. Madame Kelly, vous avez indiqué qu'il est important de promouvoir de meilleures communications et une meilleure coopération entre les organismes, et ce faisant, il est à espérer que l'information ne tombera pas entre les mailles du filet. Vous l'avez dit une deuxième fois en réponse à une question. Vous avez également fait mention du SCRS, de la GRC et, probablement, des autorités de l'immigration. Y a-t-il d'autres organismes, au gouvernement ou à l'extérieur, à l'échelle nationale ou internationale, qui, selon vous, devraient participer à ce processus? Vous avez parlé d'un système judiciaire composé de trois juges. J'aimerais savoir pourquoi vous choisissez trois juges, pourquoi pas cinq? Quelle explication pouvez-vous donner?
Mme Kelly : Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais je crois que n'importe quel genre de coopération entre organismes du renseignement devrait être rendu juridiquement obligatoire, tout comme le partage d'information avec des organismes internationaux ainsi qu'avec nos voisins du Sud, les États-Unis, y compris les services d'immigration, comme vous l'avez indiqué.
Il faudrait quelqu'un qui en sache davantage. Toutefois, il me semble que si l'on apportait des modifications aux lois financières et sur le statut d'organismes de bienfaisance, on pourrait rassembler des informations relatives à des opérations financières qui pourraient être suspectes en termes d'activités terroristes.
Pour ce qui est du système composé de trois juges, il existe un précédent international à cet égard. Je ne le sais pas; je ne suis pas avocate, si bien que cinq juges pourraient convenir. Ce que je voulais dire, c'est que ce n'est pas à une seule personne de prendre des décisions de cette importance.
Le sénateur Joyal : J'ai eu vraiment l'impression en vous écoutant tous les trois que dans le cas de l'attentant Air India et des victimes canadiennes du 11 septembre, le système s'est détraqué. Vingt ans plus tard, vous cherchez encore à obtenir réparation. Après un long procès, la décision rendue n'a pas, de votre point de vue ou du mien, permis de déclarer coupable qui que ce soit, si bien que le problème reste entier. Le fait que vous ayez lutté seuls avec vos propres moyens au fil des années montre l'échec du système. Justice n'a pas été rendue en ce qui vous concerne.
Vous venez de parler en passant du mandat de la Commission d'enquête Rae. Monsieur Gupta et madame Kelly, pourquoi n'avez-vous fait pas mention de la Commission Rae dans votre mémoire? Est-ce que selon vous, il est impossible de s'attendre à des résultats positifs de la part de cette commission? Pensez-vous que cette commission n'a pas le pouvoir de présenter des recommandations qui vous seraient utiles et vous permettraient de chercher à obtenir réparation comme vous le souhaitez depuis 20 ans?
Mme Kelly : Nous espérons que les recommandations de M. Rae nous donneront la réparation que nous espérons. Pour l'instant, obtenir justice ne suffit pas, puisque nous espérons modifier le système afin que d'autres Canadiens ne souffrent pas comme nous.
Les insuffisances du système, à notre avis, auraient dû être corrigées il y a 20 ans. Nous sommes horrifiés de voir que ce n'est toujours pas le cas en ce qui concerne la GRC et le SCRS — le fait que de nouvelles allégations cet été aient fait état d'une division entre ces deux organisations en ce qui concerne l'enquête Arar.
Nous voyons constamment dans les journaux — et récemment, dans une émission du Fifth estate au sujet de la sécurité dans les aéroports — que ces questions qui ont conduit à la mort de nos êtres chers ne sont toujours pas réglées au Canada. Nous essayons de changer les choses. Nous espérons que M. Rae s'en rendra également compte et soulignera les leçons que nous pouvons en tirer et appliquer aujourd'hui au Canada. Nous l'espérons, mais nous n'en sommes pas sûrs.
M. Gupta : Dans le deuxième paragraphe de notre mémoire, nous faisons mention de M. Rae. C'est une personne fort honorable, mais ce n'était pas notre choix, mais plutôt celui du gouvernement de nommer une personne connue pour se pencher sur les questions à poser ou qui doit se demander si elles doivent l'être.
Vous vous rappelez sans doute que le 7 avril dernier, à la Chambre des communes, un projet d'initiative parlementaire a été adopté avec l'appui du Bloc québécois, du NPD et des conservateurs et si je me souviens bien, de cinq ou six députés libéraux, relatif à une enquête publique sur l'affaire Air India. Ne vous méprenez pas à notre sujet; tout ce que nous pouvons faire ne changera pas ce qui s'est passé. Nous sommes les perdants pour le reste de notre vie, mais nous ne voulons pas que ceci arrive à qui que ce soit d'autre. Ces leçons qui peuvent empêcher des tragédies semblables ne peuvent être tirées qu'à partir d'une enquête publique.
Nous ne savons pas ce que Bob Rae recommandera, ni non plus si le gouvernement du jour acceptera ses recommandations ou non. Des questions sont toujours posées et nous n'avons toujours pas de réponses.
Le sénateur Joyal : J'avais l'impression, d'après le mandat de la commission de M. Rae, que ce dernier prêterait davantage attention à l'impact de l'attentat Air India sur les familles des victimes que sur une enquête publique relative à ce qui s'est produit dans le contexte de cette tragédie. Est-ce que je me trompe?
M. Gupta : Je crois qu'il est censé soulever les questions auxquelles il faudra apporter des réponses. En outre, l'appui des victimes à l'avenir peut être un point de peu d'importance — c'est ce que j'ai cru comprendre — mais la plupart de son travail consistera à examiner les documents existants, qu'il s'agisse des rapports du SCRS ou de la GRC, les rapports de la Commission ou du jugement du juge Josephson. Il est censé examiner toute l'information disponible et poser les questions qui restent sans réponse. C'est à tout le moins ce que même le premier ministre a dit en Irlande : « Je veux avoir des réponses. »
Mme Kelly : Nous sommes plein d'espoir, mais après tant d'années, l'espoir disparaît peu à peu. Toutefois, il a été ouvert avec nous et a travaillé de près avec les familles.
Le sénateur Stratton : Je vais essayer d'être rapide. D'autres l'ont dit beaucoup mieux que moi — je veux parler de nos sentiments au sujet du courage que vous avez manifesté pour venir aujourd'hui dire ce que vous aviez à dire.
Il suffit de réfléchir un peu pour s'apercevoir que l'affaire Air India a marqué le début des actes terroristes. Les gouvernements, en particulier, ont dû s'adapter à ce qui se passe constamment aujourd'hui. Je crois que l'erreur que nous avons commise en tant que Canadiens, c'est qu'une fois que nous avons adopté la Loi antiterroriste, nous l'avons tout simplement oubliée. Nous n'avons rien fait de façon continue. Je pense que notre comité devrait poursuivre son étude, pas seulement du projet de loi lui-même, mais du terrorisme et de ses effets; par exemple, ce qu'il en est ressorti pour vous en tant que groupe de personnes qui ont souffert de cette tragédie.
Nous avons recommandé — ou nous espérons recommander — la création d'un comité de surveillance pour que les événements puissent être réglés au fur et à mesure qu'ils se produisent. Par exemple, l'indemnisation des victimes a été complètement mise de côté. Je pense qu'il conviendrait que ce comité de surveillance se penche sur cette question et que notre comité poursuive son étude du terrorisme. Comme je l'ai dit, et je crois que vous en conviendrez, la situation évolue constamment.
Pensez-vous comme moi qu'un tel comité de surveillance serait bénéfique s'il était permanent? Conviendriez-vous également que notre comité devrait être reconstitué une fois l'étude terminée afin de poursuivre son étude sur l'antiterrorisme?
Mme Kelly : Absolument.
Mme Basnicki : Très certainement.
M. Gupta : Cela ne fait aucun doute. Ce sera utile. Comme vous le dites clairement, la situation a évolué assez rapidement et nous assistons en partie à une révolution. Le monde est beaucoup plus petit qu'il y a 20 ou 30 ans comme en témoigne indirectement l'augmentation de l'activité terroriste. Cela aurait dû être le contraire.
Malheureusement, il y a toujours des groupes qui veulent tirer parti de ce monde plus petit. Au lieu de causer du tort à leurs pays d'origine, ils choisissent de le faire à d'autres, parfois simultanément, afin de créer un impact terroriste plus fort. Le concept d'un comité de surveillance est bon. Un sous-comité des communes a fait une proposition semblable le 16 novembre. Toutefois, ce sous-comité a demandé la nomination d'un ombudsman ou d'un fonctionnaire du même genre. Quelle que soit la terminologie, ce serait utile. Je proposerais de le faire en consultation avec les gouvernements provinciaux.
Mme Kelly : En ce qui concerne les membres des familles, il s'agit plus que d'une simple indemnisation financière, qui est utile lorsque le chef de famille a disparu, étant donné qu'une telle tragédie provoque une détresse affective. Il faut aider le membre endeuillé d'une famille à son arrivée dans un pays étranger pour qu'il puisse se débrouiller, obtenir un certificat de décès et aller à la morgue; de retour chez lui doit recevoir de l'aide juridique pour traiter avec les sociétés d'assurances; tout cela doit se faire très rapidement. Nous avons souffert, car nous n'avons pas eu ce genre d'aide. Comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est que lorsque M. Bal Gupta a protesté qu'un représentant canadien est apparu en Irlande; cinq jours plus tard, un représentant de l'ambassade du Canada est arrivé.
M. Gupta : J'ai beaucoup sacré à ce moment-là.
Mme Kelly : Nous ne savions absolument pas comment fonctionner. Heureusement que les Irlandais étaient accueillants. Si on s'était retrouvés dans un milieu plus hostile où, peut-être, nous ne parlions pas la langue, la situation aurait été pire.
Mme Basnicki : J'ai essayé de reconstruire ma vie depuis le 11 septembre. L'un des plus gros obstacles, c'est la réaction de bien des gens; ils pensent qu'une telle tragédie ne pourrait jamais leur arriver; c'est ainsiqu'ils réagissent face à tant de crimes, si bien qu'ils tournent le dos et ne s'occupent plus des victimes. La souffrance causée par mon pays qui m'a tourné le dos alors que je vivais un problème, en tant que Canadienne, qui aurait pu toucher d'autres Canadiens, a été un obstacle insurmontable. Je ferais bon accueil à toute bonne intention, comme j'en suis sûre tous les membres des familles des victimes, visant à régler la véritable menace à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui. Peu importe comment cela peut se faire, que ce soit par l'entremise d'un ombudsman ou d'autre chose, nous demandons simplement qu'une telle recommandation reçoive l'attention qu'elle mérite.
La présidente : Notre comité a entendu toutes sortes de témoignages au cours des neuf derniers mois, mais il a été particulièrement utile de recevoir ces témoins nous rappeler ce qui est au coeur du problème. Le comité va tenir compte des points de vue des témoins dans ses délibérations et élaborer des recommandations pertinentes pour éviter à jamais ces genres de réponses.
Merci à tous.
La séance est levée.