LE SÉNAT DU CANADA
Aperçu législatif et historique du Sénat du Canada
Direction des comités et de la législation privée
Révisé mai 2001
1. Introduction
Le présent document vise à faire ressortir les principales caractéristiques du Sénat en tant quinstitution parlementaire et les événements qui ont influencé son évolution. Le Sénat occupe une place importante dans lhistoire du Canada. De fait, sans un accord en vue dinclure le Sénat tel quil se présente actuellement, il ny aurait pas eu de Confédération en 1867. George Brown a déclaré que le Sénat était la clé de la fédération, «lessence même de notre pacte». «Nos amis du Bas-Canada ont accepté de nous donner une représentation en fonction de la population à la Chambre basse à la condition expresse dobtenir légalité à la Chambre haute. Nous naurions pas pu avancer dun pas si nous avions rejeté cette condition.»1 Le Sénat du Canada est une institution unique, puisquil constitue la seule deuxième chambre au sein de la fédération canadienne et la seule dans le monde occidental où tous les membres sont nommés2. Le Sénat ressemble beaucoup à la Chambre des lords britannique à cause de ses nombreuses procédures parlementaires semblables, de ses fonctions de contrôle sur les projets de loi contestés transmis par la Chambre des communes et du fait quil est une chambre non élue. Toutefois, le Sénat se distingue de la Chambre des lords, parce que le nombre de ses membres est fixe et quil nest pas assujetti à des dispositions constitutionnelles comme les Parliament Acts de 1911 et de 1949, qui limitent fortement le pouvoir des lords concernant la durée pendant laquelle ils peuvent retarder des projets de loi. Le Sénat ressemble au Sénat américain par son caractère fédéral, étant donné que dans les deux chambres la représentation se fonde sur légalité géographique. Mais vu que cette représentation repose sur une égalité régionale plutôt quune égalité entre des États ou des provinces et parce que les sénateurs canadiens ne sont pas élus, contrairement à leurs homologues américains, et que le Sénat canadien ne participe pas à la ratification des décisions de lexécutif, ces deux chambres sont assez différentes.
Afin de mieux comprendre le travail du Sénat et son évolution, nous examinerons brièvement les origines du Sénat, ses fondements constitutionnels, ses fonctions et sa composition. Nous ferons ressortir son travail législatif et établirons la chronologie des grands événements historiques de son évolution. Une bibliographie sommaire est également incluse à lintention de ceux qui souhaitent se renseigner davantage sur le Sénat.
2. Les origines du Sénat
À lexception de la Colombie-Britannique3, toutes les colonies de lAmérique du Nord britannique étaient des institutions bicamérales, cest-à-dire quelles possédaient deux corps législatifs, avant 1867. Ce sont ces Conseils législatifs pré-Confédération, en particulier celui de la Province Unie du Canada (lunion de 1840 entre le Haut-Canada [Ontario] et le Bas-Canada [Québec]), qui ont servi de modèle au Sénat. Les origines officielles du Sénat remontent aux Conférences de Charlottetown et de Québec, en 1864, convoquées pour examiner des propositions dunion des colonies de lAmérique du Nord britannique. Une grande partie de la Conférence de Québec a été consacrée à la création dune chambre haute. Le professeur Robert MacKay écrit à ce sujet: «limportance de cette question dans lesprit des hommes dÉtat à Québec peut être mesurée par le fait que presque six jours sur un total de quatorze passés à discuter des détails de lunion ont été consacrés aux problèmes que posait la création de la deuxième chambre»4. Diverses propositions relatives au mode de sélection ont été considérées, y compris lélection directe. Le Conseil législatif de lÎle-du-Prince-Édouard était élu depuis 1862 et celui de la Province du Canada, depuis 1857. Mais une deuxième chambre élue ne suscitait pas un grand enthousiasme. Le professeur MacKay indique que les conseils élus «avaient tendance à être une réplique de lassemblée et, parce quils étaient petits et composés surtout de citoyens ayant déjà fait leur marque dans la vie, ils auraient pu finir par éclipser lassemblée, tout comme le Sénat aux États-Unis a éclipsé la Chambre des représentants»5. Dans le débat qui a suivi au sujet des Résolutions de la Conférence de Québec, John A. MacDonald, qui avait appuyé un Conseil élu en 1856, a admis que le système électif «navait pas réussi aussi bien que prévu au Canada». Un autre Père de la Confédération, Sir Hector Langevin, déclarait quant à lui que «le Bas-Canada était las du système». Sir George Brown a affirmé à la Chambre : «Jai vu une vaste majorité de ceux qui ont pris cette décision souhaiter ne jamais lavoir prise.»6
A. Texte des Résolutions de Québec relatives au Sénat
On trouvera ci-dessous les résolutions adoptées à Québec le 10 octobre 1864 concernant le Sénat. Elles faisaient partie dune série de résolutions adoptées par les Pères de la Confédération et qui ont été transmises par la suite au Parlement impérial en vue de leur adoption législative pour unir les colonies de lAmérique du Nord britannique.
6. Il y aura une Assemblée générale (ou Parlement) des Provinces fédérées, composée dun Conseil législatif et dune Chambre des communes.
7. Aux fins de la création du Conseil législatif, les Provinces fédérées comprendront trois divisions : 1) le Haut-Canada, 2) le Bas-Canada, 3) la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et lÎle-du-Prince-Édouard; chaque division étant représentée également au Conseil législatif.
8. Le Haut-Canada sera représenté au Conseil législatif par vingt-quatre (24) membres; le Bas-Canada, par vingt-quatre (24) membres; et les trois provinces des Maritimes par vingt-quatre (24) membres, soit dix (10) membres de la Nouvelle-Écosse, dix (10) membres du Nouveau-Brunswick et quatre (4) membres de lÎle-du-Prince-Édouard.
9. La colonie de Terre-Neuve pourra entrer dans lunion proposée; elle aura alors droit à une représentation de quatre (4) membres au Conseil législatif.
10. Le Territoire du Nord-Ouest, la Colombie-Britannique et Vancouver pourront adhérer à lUnion aux conditions que le Parlement des Provinces fédérées jugera équitables, après avoir reçu la sanction de Sa Majesté, et, dans le cas des provinces de la Colombie-Britannique ou de Vancouver, après avoir reçu laccord des assemblées législatives de ces provinces.
11. Les membres du Conseil législatif seront nommés à vie par la Couronne sous le Grand Sceau du Gouvernement général. Mais le poste dun conseiller législatif deviendra vacant lorsque ce dernier manquera dassister aux séances du Conseil dÉtat durant deux sessions consécutives du Parlement.
12. Les membres du Conseil législatif seront sujets nés ou naturalisés britanniques, ils sont âgés de 30 ans révolus et posséderont des biens immobiliers continus dune valeur de quatre mille dollars (4 000 $), en sus de toute charge, et leurs biens devront valoir cette somme en sus de toutes dettes et obligations; et, dans le cas des membres de Terre-Neuve et de lÎle-du-Prince-Édouard, les biens pourront être immobiliers ou mobiliers.
13. En cas de litige quant aux qualifications dun conseiller législatif, ces qualifications seront déterminées par le Conseil.
14. Les premiers membres du Conseil législatif, sauf ceux de lÎle-du-Prince-Édouard, seront choisis parmi les conseillers législatifs des diverses provinces, dans la mesure où il est possible de trouver un nombre suffisant de conseillers qualifiés et disposés à assumer cette charge. Ces membres seront nommés par la Couronne sur recommandation de leur gouvernement local respectif, et ces nominations tiendront compte des demandes des membres de lOpposition au Conseil législatif de chaque province, afin que tous les partis politiques soient représentés le plus également possible.
15. Le président du Conseil législatif (à moins de disposition contraire du Parlement) sera nommé par la Couronne parmi les membres du Conseil législatif pour un mandat aussi long quil lui plaira, et il naura droit quà une voix prépondérante en cas dégalité des voix.
16. Chacun des vingt-quatre (24) conseillers législatifs représentant le Bas-Canada au Conseil législatif de lAssemblée générale sera nommé pour représenter une des vingt-quatre divisions électorales mentionnées à lannexe (1) du chapitre I des Lois consolidées du Canada et chaque conseiller résidera ou sera qualifié dans la division quil représentera.7
B. Extraits des débats de la Confédération dans la Province Unie du Canada
Les extraits qui suivent des Débats de la Confédération sur les Résolutions de Québec illustrent lidée que les législateurs canadiens se faisaient dun futur Sénat et leurs points de vue sur la décision de préférer une chambre nommée à une chambre élue.
M. Alexander Campbell, (conseiller législatif) : «Qui, parmi ceux qui songent à lavenir, soutiendra quune Chambre haute élue durera? Cest lappréhension de la menace à la permanence de cette chambre qui a décidé la Conférence à adopter le principe de la nomination à la chambre supérieure, et cétait le seul moyen évident déviter ce danger... Il estimait que le principe de lélection maintenait le germe dun doute quant à la sécurité des Basses provinces et il était heureux quon ait trouvé un moyen déliminer complètement ce doute.»8
M. Belleau, (conseiller législatif) : «...le principe de lélection, tel quappliqué au Conseil législatif, devient inutile compte tenu de la force numérique du Bas-Canada au Parlement fédéral, car la Chambre des communes est lorgane qui fera et défera les ministres. Pourquoi appliquer ce principe au Conseil législatif, étant donné que nous le ferons à la Chambre des communes et que nous aurons un gouvernement responsable, composé de membres élus par le peuple?»9
Sir E.P. Taché, (conseiller législatif) : «Quand les messieurs qui ont participé à la Conférence (de Québec) se sont réunis, ils ont dû jeter les bases générales de la superstructure. La pierre angulaire était la représentation dans les deux chambres. Il a été convenu quà la Chambre des communes du gouvernement confédératif la représentation serait fonction du nombre, et que, dans lautre chambre de lAssemblée, elle serait égale pour toutes les provinces - autrement dit le Haut-Canada, le Bas-Canada et les provinces des Maritimes, regroupées, pourraient tous envoyer le même nombre de représentants, afin de protéger les droits, les privilèges et les libertés de chaque province.»10
John A. MacDonald, (membre de lAssemblée législative et procureur général) : «Afin de protéger les intérêts locaux et dempêcher des jalousies régionales, on a jugé nécessaire que les trois grandes divisions qui composent lAmérique du Nord britannique soient représentées à la Chambre haute en fonction du principe de légalité. Il y a trois grandes divisions dans cette Confédération proposées. Dabord, lOuest canadien, une région agricole éloignée de la mer et qui comprend la plus grande population ayant surtout des intérêts agricoles à défendre. Il y a le Bas-Canada, ayant dautres intérêts distincts et surtout des institutions et des lois quil veut protéger jalousement contre labsorption par un pouvoir plus nombreux ou plus fort. Et il y a les provinces des Maritimes, ayant elles aussi leurs intérêts régionaux propres, à cause de leur situation, de leurs classes et de leurs intérêts, qui sont inconnus dans lOuest canadien. Par conséquent, à la Chambre haute, - dans la chambre qui possède un pouvoir de contrôle et de réglementation mais non dinitiative (car nous savons quici comme en Angleterre, cest de la Chambre basse quémanent en pratique les politiques de grand intérêt public), dans la chambre qui exerce un pouvoir de second regard sur les lois - il est prévu que chacune de ces grandes régions sera représentée également par vingt-quatre (24) membres. La seule exception à cette règle de légalité est Terre-Neuve, qui a ses propres intérêts, se trouvant à lembouchure du fleuve Saint-Laurent et étant peut-être plus liée au Canada quaux Basses provinces... Elle a donc été considérée séparément et aura une représentation distincte à la Chambre haute, ce qui constitue une exception par rapport au principe de légalité établi entre les autres régions.
Comme on peut facilement limaginer, les opinions divergeaient considérablement au début au sujet de la composition du Conseil législatif. Au Canada, le principe de lélection dominait; dans les Basses provinces, sauf à lÎle-du-Prince-Édouard, cétait le principe de la nomination. Nous avons remarqué que les Basses provinces hésitaient généralement à adopter le principe de lélection; de fait, je pense que la seule voix discordante à la Conférence contre ladoption du principe de la nomination a été celle de lÎle-du-Prince-Édouard. Les délégués du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve favorisaient tous la nomination par la Couronne. Et la nomination par la Couronne ne saurait être plus conforme à la Constitution britannique...
Les arguments en faveur dun Conseil élu sont nombreux et importants; ...je soutiens que ce principe na pas échoué au Canada; mais que des causes - que nous navions pas prises en considération à lépoque - expliquent pourquoi il na pas réussi autant que nous lavions prévu. Une cause importante a été la taille énorme des circonscriptions et limmense travail quont dû abattre par la suite ceux qui avaient recherché le soutien populaire pour se faire élire au Conseil. Pour la même raison... les dépenses légitimes étaient si élevées que des hommes de grande valeur au pays, éminemment doués pour occuper un tel poste, nont pu se porter candidats...
Une Chambre haute ne serait daucune utilité si elle nexerçait pas, quand elle le juge opportun, le droit de sopposer à un projet de loi de la Chambre basse, de lamender ou de le retarder. Elle ne serait daucune utilité si elle se bornait à sanctionner les décrets de la Chambre basse. Elle doit être une chambre indépendante, jouissant de sa propre liberté daction, car elle nest utile que comme organe de réglementation, qui considère calmement les projets de lois proposés par la chambre populaire, mais elle ne sopposera jamais aux souhaits délibérés et compris du peuple».11
H.L. Langevin, (membre de lAssemblée législative et solliciteur général) : «...le principe de lélection dans notre Conseil législatif nétait quune expérience et, au Bas-Canada, nous sommes las de ce régime, non pas parce que les conseillers élus par le peuple ne sont pas dignes de leur charge ni parce que leur choix a été malheureux, mais parce que la nature même du système empêche un grand nombre dhommes de talent, dhommes compétents à tous les égards et dignes de siéger au Conseil législatif, de se présenter aux élections, compte tenu des troubles, de la fatigue et des dépenses énormes quentraînent ces concours électoraux dans des circonscriptions démesurées. Nous savons que le système a épuisé le Bas-Canada...»12
George Brown (membre de lAssemblée législative) : «... On a soutenu que les membres de la Chambre haute ne devraient pas être nommés par la Couronne, mais devraient continuer à être élus au suffrage populaire. Jai souvent exprimé mon opinion à ce sujet. Je me suis toujours opposé à une seconde chambre élue et je my oppose encore, convaincu que deux chambres élues sont incompatibles avec le bon fonctionnement du régime parlementaire britannique... [Q]uand le fait dêtre élu devient la caractéristique suprême, qui osera affirmer que le Conseil ne revendiquera pas, sur les mesures financières, le pouvoir que cette Chambre prétend posséder? Ne pourraient-ils pas prétendre simplement quils représentent le peuple aussi bien que nous, et que le contrôle sur le Trésor devrait donc leur appartenir tout autant quà nous? On a affirmé quils nont pas ce pouvoir. Mais qui les empêchera de lappliquer?»13
3. Le fondement constitutionnel du Sénat
A) Les pouvoirs et le mode de sélection
Le Parlement du Canada est formé du souverain, du Sénat et de la Chambre des communes, et tous les trois doivent donner leur consentement pour quun projet de loi soit adopté. Les pouvoirs officiels du Sénat sont égaux à ceux de la Chambre des communes, sauf dans deux cas : a) larticle 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 stipule que les mesures financières doivent émaner de la Chambre des communes et b) le paragraphe 47(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution peut être modifiée sans laccord du Sénat.
Le fondement constitutionnel définit un mode de sélection selon lequel les sénateurs sont nommés par le pouvoir exécutif du gouvernement central (par le gouverneur général, sur les conseils du Premier ministre) et le nombre de sénateurs est limité en fonction de légalité des divisions régionales. Les sénateurs doivent être âgés de 30 ans révolus, être nés au pays et posséder des biens dune valeur dau moins 4 000 $ dans la province quils représentent. Avant 1965, les sénateurs étaient nommés à vie. En 1965, dans ce qui a constitué la première étape de la réforme du Sénat, la Loi constitutionnelle de 1867 a été modifiée afin que tous les sénateurs nommés après cette date soient tenus de prendre leur retraite à 75 ans. Au début, le Sénat comptait 72 membres, mais sa taille sest élargie à mesure que le pays sest étendu géographiquement et que sa population a grandi. Pendant les 40 premières années de la Confédération, une série daccords visant à permettre la représentation du Manitoba, de la Colombie-Britannique, de lÎle-du-Prince-Édouard, de lAlberta et de la Saskatchewan ont porté à 87 le nombre total de sièges au Sénat. Le nombre de sénateurs a été porté à 96 en 1915, à 102 en 1949, à 104 en 1974 et à 105 en 1999. À lheure actuelle, le nombre de sièges par province sétablit comme suit : Ontario 24, Québec 24, Nouvelle-Écosse 10, Nouveau-Brunswick 10, Île-du-Prince-Édouard 4, Manitoba, Colombie-Britannique, Saskatchewan, Alberta et Terre-Neuve 6 chacun, et Territoires du Nord-Ouest, Territoire du Nunavut et Territoire du Yukon 1 chacun. Conformément aux articles 26, 27 et 28 de la Loi constitutionnelle de 1867, quatre ou huit sénateurs peuvent être nommés, sur instruction de la Reine14. Le nombre total de sénateurs ne peut dépasser 113, mais le nombre normal est fixé à 105.
Quatre aspects du mode de sélection peuvent être soulignés. i) Le Sénat est le seul corps législatif non élu au Canada. ii) Comme le stipule le décret de nomination des sénateurs, le sénateur est nommé «afin dobtenir votre avis et votre aide sur toutes les affaires importantes et ardues de nature à intéresser lÉtat et la défense du Canada». En théorie, les sénateurs ont donc une fonction différente de celle des membres élus par le peuple. iii) Étant donné quil y a un nombre maximum de nominations, le Sénat, contrairement à la Chambre des lords, ne peut être «inondé sans limite» si un gouvernement le trouve obstiné. Cette disposition constitutionnelle a conféré au Sénat une certaine indépendance que les gouvernements ont toujours dû prendre en considération dans la planification de leur stratégie parlementaire. iv) Parce quils doivent posséder leurs biens dans la province où ils sont nommés, les sénateurs se voient accorder, constitutionnellement, un rôle de représentation régionale.
B) Les privilèges parlementaires
Les privilèges parlementaires du Sénat en tant quorgane et des sénateurs, à titre individuel, sont les mêmes que ceux de la Chambre des communes. R. MacGregor Dawson apporte les précisions suivantes au sujet des privilèges au Canada :
Les privilèges inhérents du Parlement du Dominion ont été répartis dans les mêmes proportions modérées que pour les autres organes législatifs coloniaux. LActe de lAmérique du Nord britannique prévoyait toutefois explicitement lajout immédiat de pouvoirs et de privilèges réglementaires importants. Larticle 18 se lit comme suit : «Les privilèges, immunités et pouvoirs que posséderont et exerceront le Sénat, la Chambre des communes et les membres de ces corps respectifs, seront ceux prescrits de temps à autre par acte du Parlement du Canada; ils ne devront cependant jamais excéder ceux possédés et exercés, lors de la passation du présent acte, par la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et dIrlande et par les membres de cette chambre.»
En 1868, le Parlement canadien a adopté une loi qui conférait à chacune des deux chambres, en des termes presque identiques, les pouvoirs, immunités et privilèges dont jouissait la Chambre des communes britannique au moment de ladoption de lActe de lAmérique du Nord britannique «dans la mesure où ils étaient compatibles à ladite loi». Un autre article prévoyait que ces pouvoirs, immunités et privilèges faisaient partie du droit général et public canadien et quil nétait pas nécessaire de les invoquer, mais que tous les tribunaux et tous les juges du Canada en tiendraient compte. La loi protégeait également la publication de tout débat contre des poursuites au civil ou au criminel si ces débats étaient publiés sous lordre ou lautorité du Sénat ou de la Chambre des communes.
La même année, on adoptait une loi visant à accorder au Sénat ou à tout comité sénatorial ou parlementaire spécial sur des projets de loi dinitiative parlementaire le pouvoir dinterroger des témoins sous serment. En 1873, ce pouvoir dinterroger des témoins sous serment a été accordé à tous les comités des deux chambres. Cette loi a été renversée par le gouvernement britannique, qui la jugée inconstitutionnelle du fait quelle essayait de conférer aux chambres canadiennes des pouvoirs dont ne jouissait pas la Chambre des communes britannique en 1867. La loi précédente avait été inconstitutionnelle, elle aussi dans les faits, même si elle navait pas été renversée. La réaction est venue en 1875, par ladoption dune modification à lActe de lAmérique du Nord britannique qui abrogeait larticle 18 et le remplaçait par un autre stipulant que les privilèges, immunités et pouvoirs du Parlement canadien et de ses membres ne devaient jamais excéder ceux de la Chambre des communes britannique. Un autre article confirmait la loi canadienne de 1868. Puisquen 1871 la Chambre des communes britannique avait conféré à ses comités le pouvoir dinterroger des témoins sous serment, le Parlement canadien pouvait, en 1876, conférer légalement ce même pouvoir à ses comités.
Les privilèges, immunités et pouvoirs des Chambres du Parlement du Canada sont donc en puissance ceux de la Chambre des communes britannique, bien que leur fondement principal se trouve dans les lois et non dans une coutume établie ou un droit inhérent. Ils peuvent bien sûr aller plus loin que ceux de la Chambre britannique, si on adopte une modification constitutionnelle qui, en vertu de lActe de lAmérique du Nord britannique de 1949 (n° 2), serait probablement une loi ordinaire du Parlement.
Les privilèges, immunités et pouvoirs du Parlement canadien se répartissent en deux grandes catégories : a) ceux de chacun des membres des deux chambres; b) ceux du Sénat ou de la Chambre des communes en tant quorgane législatif. Ils sont presque identiques, mais pas tout à fait. Ainsi, le privilège de la Chambre des communes de régler des litiges électoraux controversés ne pourrait clairement pas être un privilège du Sénat.15
C) Interdiction de faire émaner des mesures monétaires au Sénat
Larticle 53 de lActe constitutionnel de 1867 stipule que «tout bill ayant pour but lappropriation dune portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou dimpôts, devra originer dans la Chambre des communes». Le libellé de cette disposition reprend celui de larticle 57 de lActe dUnion de 1840, qui avait uni constitutionnellement le Haut et le Bas-Canada pour former la Province Unie. Larticle 57 de lActe dUnion éliminait tout doute quand à lendroit doù devaient émaner les mesures monétaires :
«57. La Province du Canada aura linitiative sur tous Bills pour lappropriation daucune partie du surplus du dit fonds des revenus réunis ou pour limposition daucune nouvelle taxe ou impôt.»
Le professeur Elmer Driedger, dans son article intitulé «Money Bills and the Senate», indique trois raisons possibles dempêcher le Sénat de proposer des mesures financières :
«...on peut soutenir que le libellé de larticle 53 assimile tout le privilège de la Chambre des communes de lAngleterre. Cest de cette façon que le privilège a été affirmé au départ et ... la Chambre des communes de lAngleterre a toujours considéré que toute ingérence, au moyen dun amendement ou autrement, dans une mesure financière constituait une atteinte au privilège. Le libellé de larticle 53 a figuré dans nos documents pour la première fois en 1840 et, à cette époque, les lords anglais se soumettaient depuis quelques siècles déjà au privilège de la Chambre des communes et à toutes ses implications. On pourrait avoir pensé que ces mots suffisaient à placer la Chambre des communes du Canada confédéré de 1867 dans la même position que la Chambre des communes de lAngleterre en ce qui concerne les questions financières et à assujettir la Chambre haute aux même contraintes.
Un deuxième argument pourrait être que, en dépit de lhistoire et du précédent créé et compte tenu uniquement du libellé de larticle 53, il faut nécessairement impliquer que le Sénat ne peut nullement amender un projet de loi qui, en vertu de cet article, doit émaner de la Chambre des communes. Si un projet de loi est déposé à la Chambre des communes afin de percevoir des impôts ou deffectuer une dépense, et que limpôt ou le crédit est réduit par un amendement du Sénat, on peut soutenir que le projet de loi tel quamendé némane pas de la Chambre des communes. Ne peut-on pas affirmer que larticle 53 exige que lensemble du projet de loi sur lequel se fonde la loi au bout du compte émane de la Chambre des communes? Et que, lorsquun projet de loi est amendé au Sénat, il devient un projet de loi différent et nest plus le projet de loi qui a émané de la Chambre des communes - même sil peut être rédigé sur le même papier?
Mais largument probablement le plus convaincant en faveur de la Chambre des communes repose sur la théorie que, selon notre Constitution (semblable en principe à celle du Royaume-Uni), la représentation et le consentement sont les fondements du pouvoir de la Chambre des communes de dépenser et de percevoir des impôts. Dès le XIIe siècle, quand la dîme saladine fut établie, limpôt et la représentation étaient reliées; cette dîme était déterminée par un jury représentatif jusquà un certain point du contribuable et de la paroisse où vivait le contribuable, et les villes envoyaient des roturiers les représenter à Westminster afin de négocier avec la Couronne. Au fil des siècles, on a maintenu le principe que limposition nécessite représentation et consentement. Le seul corps législatif canadien qui répond à ces critères est la Chambre des communes. Les représentants élus du peuple siègent à la Chambre des communes, et non au Sénat, et, conformément à lhistoire et à la tradition, ils pourraient bien insister quils sont les seuls à avoir le droit de décider très exactement quelles sommes seront dépensées et quels impôts seront perçus.»16
Il faut souligner que, historiquement, le Sénat a adopté la position quil a le droit constitutionnel damender (mais non de relever) les mesures monétaires que lui achemine la Chambre des communes. Le Rapport du Comité spécial chargé de déterminer les droits que possède le Sénat en matière de lois de finances (le rapport Ross) déposé au Sénat le 9 mai 1918, arrivait aux conclusions suivantes :
1. Le Sénat du Canada possède, et a toujours possédé depuis quil existe, le pouvoir de modifier, en réduisant les sommes mentionnées, les bills qui - émanant de la Chambre des communes - renferment des crédits ou établissent des impôts, mais il na pas le droit daugmenter ces sommes sans le consentement de la Couronne.
2. La concession de ce pouvoir constitue un élément essentiel du pacte de la Confédération.
3. La coutume des Chambres impériales du Parlement en ce qui concerne les bills de subsides nentre pas dans la constitution qui régit le dominion du Canada.
4. À maintes reprises, le Sénat a modifié des bills dits de subsides sans provoquer lopposition des Communes, qui, en dautres circonstances, ont adopté les modifications du Sénat en protestant ou en affirmant que la Chambre haute avait outrepassé ses pouvoirs.
5. Le Règlement 78 de la Chambre des communes du Canada, selon lequel on prétend assimiler les pouvoirs et privilèges de cette Chambre en matière de bills de subsides à ceux que possède la Chambre impériale des communes, ne se fonde sur aucune disposition de lActe de lAmérique du Nord britannique de 1867.
6. Comme le démontre lActe de lAmérique du Nord britannique et ainsi quon la prétendu lors de létude des Résolutions de Québec à lAssemblée législative du Canada, le Sénat, à qui on a confié des pouvoirs et des devoirs généraux, doit en plus sauvegarder les droits des institutions provinciales.
7. Outre la législation générale dont il est saisi, le Sénat doit étudier des questions concernant les subsides aux provinces, les terres publiques des provinces de lOuest, les droits des provinces relatifs aux privilèges en voie dêtre concédés aux compagnies de chemins de fer, la détermination des droits provinciaux à cet égard, et il est important que les pouvoirs du Sénat à cette fin soient clairement définis.
4. Fonctions du Sénat
Le grand constitutionnaliste anglais Walter Bagehot a fait remarquer un jour à propos du régime parlementaire britannique que «si nous avions une Chambre des communes idéale... il est certain que nous naurions pas besoin dune Chambre haute»17. Cette observation est cruciale dans tout débat sur le Sénat tel quil est structuré actuellement et sur les propositions de réforme future. Bagehot nétait quun des nombreux constitutionnalistes qui, tout au long de lhistoire de la pensée politique, ont préféré le «régime mixte» à un régime unicaméral. Les théoriciens du bicamérisme croyaient que les chambres «populaires» élues étaient déficientes; elles risquaient notamment de succomber aux intérêts spéciaux, et la «volonté de la majorité» quelles prétendaient exprimer devait saccompagner dune opinion minoritaire, faisant elle aussi partie intégrante du bien-être de lÉtat. En 1980, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles dégageait dans son Rapport sur certains aspects de la Constitution canadienne quatre rôles pour le Sénat, tous complémentaires des fonctions de la Chambre des communes, soit un rôle de révision législative; un rôle denquête; un rôle de représentation régionale et un rôle de protection des minorités, linguistiques et autres. Ce sont des rôles que le Sénat a toujours joués.
Législation
Le Sénat a toujours joué un rôle actif dans lexamen de la législation. La plupart des projets de loi étudiés par le Sénat émanent de la Chambre des communes, étant donné que la plupart contiennent des dispositions financières et que, conformément à larticle 53 de la Loi constitutionnelle de 1867, les mesures monétaires doivent émaner de la Chambre des communes.
Des projets de loi dinitiative gouvernementale peuvent également être déposés au Sénat. Le nombre de projets de loi de ce genre déposés au Sénat a varié avec le temps. De 1924 à 1945, seulement 36 projets de loi dinitiative gouvernementale ont émané du Sénat, mais de 1946 à 1953, il y en a eu 138. Le professeur F.A. Kunz a écrit ce qui suit :
«Les gouvernements ont invariablement trouvé que le Sénat constituait un bon endroit pour y faire faire un premier examen de projets de loi volumineux, complexes et hautement techniques, tels que les mesures de consolidation, qui nécessitent une grande expérience législative ainsi que des talents juridiques et financiers et une procédure sans hâte. Les services rendus par le Sénat dans ces cas ne se sont pas limités à faire gagner du temps à la Chambre des communes; le Sénat a préparé des projets de loi fiables et durables, qui comptent parmi les lois les mieux rédigées et conçues avec la plus grande compétence de toutes les lois canadiennes.»18
Les sénateurs peuvent déposer des projets de loi dintérêt public dinitiative parlementaire. Au sujet de ces mesures, Kunz fait observer : «À cause de léchéancier moins serré et de la souplesse administrative générale du Sénat, un sénateur semble mieux placé pour déposer un projet de loi quun député de la Chambre des communes. Ses chances de faire adopter son projet de loi sont toutefois très minces, sauf lorsquil sagit de propositions convenues... De fait, depuis la fin de la guerre, un seul projet de loi dinitiative parlementaire émanant du Sénat sest rendu à la Chambre des communes et est devenu loi.»19 Depuis 1965, 4 des 112 projets de loi privés présentés au Sénat ont reçu la sanction royale.
Presque tous les projets de loi dinitiative parlementaire, cest-à-dire les projets de loi qui portent sur des intérêts privés comme lincorporation dune entreprise ou le prolongement dune ligne de chemin de fer ou qui accordent un statut juridique à des organismes religieux ou charitables, émanent du Sénat, principalement parce quils sont moins coûteux. Les parrains de ces projets de loi doivent assumer tous les honoraires juridiques et tous les frais dimpression et de traduction. Tandis que les droits minimums pour le dépôt dun projet de loi au Sénat sont de 200 $, ils sétablissent à 500 $ à la Chambre des communes, et ce, depuis 1934. Jusquen 1967, le Sénat a été très actif dans le domaine des divorces, adoptant en moyenne depuis la Deuxième Guerre mondiale 340 projets de loi de divorce par année20. Depuis 1968, le pouvoir daccorder des divorces relève des tribunaux provinciaux.
En ce qui concerne le rejet de projets de lois envoyés par la Chambre des communes, James R. Robertson, de la Bibliothèque du Parlement, note ce qui suit : «Sans un examen détaillé des débats et des documents du Sénat canadien, il est impossible de donner une liste définitive des projets de loi émanant de la Chambre des communes que le Sénat a refusés. Même MacKay et Kunz interprètent différemment ce qui constitue un rejet. Cest en partie une question de définition... Le Sénat peut renverser carrément des projets de loi en deuxième ou en troisième lecture, mais il peut aussi prendre dautres mesures qui équivalent à un rejet. De même, les dirigeants du Sénat peuvent menacer de renverser des projets de loi afin dinfluencer le gouvernement ou de lempêcher dagir.»21
Robertson indique que les principaux projets de loi dinitiative parlementaire renversés par le Sénat depuis la Confédération comprennent :
i) En 1875, la Chambre haute a renversé un projet de loi visant la construction dun chemin de fer dEsquimalt à Nanaimo en Colombie-Britannique, considérant quil sagissait dune dépense publique injustifiée.
ii) En 1879, le Sénat a renversé un projet de loi visant à ajouter deux juges en Colombie-Britannique, parce que le gouvernement provincial était en campagne électorale et que, dans ces circonstances, il navait pas le droit de demander cette hausse.
iii) En 1899 et en 1900, le Sénat a renversé un projet de loi visant à rajuster la représentation de lOntario, affirmant quil ne convenait pas dadopter le projet de loi avant le recensement de 1901, année où le rajustement de la représentation serait obligatoire en vertu de lActe de lAmérique du Nord britannique.
iv) En 1909, un projet de loi qui aurais permis, dans certains cas, dinterjeter appel dans les poursuites de la Cour de lÉchiquier auprès des cours suprêmes provinciales a été renversé, parce quil aurait provoqué des poursuites et une confusion inutiles.
v) En 1913, le Sénat a renversé le projet de loi sur lassistance navale et adopté la résolution suivante : «Notre Chambre nest pas fondée de donner son consentement à ce projet de loi tant quil naura pas été soumis au jugement du pays.»
vi) En 1919, un projet de loi qui aurait fait relever lOffice de biologie du Canada du ministre de la Marine et des Pêches a été renversé, parce que la Commission devait être indépendante et libre de toute ingérence politique.
vii) En 1924, le Sénat a renversé sept projets de loi transmis par la Chambre des communes et en a modifié radicalement trois autres au sujet de la construction des lignes secondaires des Chemins de fer nationaux, qui venaient dêtre organisés.
viii) En 1926, le Sénat a renversé le projet de loi sur les pensions de vieillesse, arguant quil ny avait pas de demande publique générale, que les provinces navaient pas indiqué leur accord et quil sagissait dune mesure sociale peu souhaitable.
ix) De 1930 à 1940, treize projets de loi des Communes ont été renversés au Sénat, dont un projet de loi dinitiative parlementaire relatif aux brevets, deux projets de loi dintérêt public dinitiative parlementaire, un projet de loi sur les pensions des juges et un projet de loi prévoyant la reconduction de la Loi sur les arrangements entre cultivateurs et créanciers.
x) En 1961, le Comité sénatorial des banques a recommandé quun projet de loi déclarant vacant le poste de gouverneur de la Banque du Canada soit abandonné après la démission de lancien gouverneur, M. James E. Coyne.
xi) En 1961, le Sénat a insisté pour faire adopter un amendement quil proposait à un projet de loi dinitiative gouvernementale visant à modifier la Loi sur les douanes.
Dans les années 70, linfluence du Sénat sur les projets de loi des Communes sest exercée principalement par des recommandations des comités détude préalable dans leurs rapports sur les projets de loi avant que ces projets de loi ne soient renvoyés au Sénat. Par suite de létude préalable du projet de loi sur les faillites en 1975, par exemple, le Sénat a proposé près de 140 amendements.
À la fin des années 80 et dans les années 90, le Sénat sest opposé officiellement plus souvent et a proposé plus souvent des amendements aux projets de loi des Communes. Parmi les projets de loi qui ont provoqué un affrontement entre le Sénat et la Chambre des communes, citons : i) en 1985, le projet de loi C-11, Loi sur le pouvoir demprunt; ii) en 1986, le projet de loi C-67, Loi sur les pénitenciers (modifications des privations de sortie proposées); iii) en 1987, le projet de loi C-22, Loi sur les brevets pharmaceutiques, et le projet de loi C-84, Loi sur limmigration; iv) en 1988, le projet de loi C-60, Loi sur le droit dauteur, le projet de loi C-103, Loi sur lAgence de promotion économique du Canada atlantique, et le projet de loi C-130, Loi sur le libre-échange; v) en 1989, le projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi sur lassurance-chômage; vi) en 1990, les dispositions de récupération du projet de loi C-28 sur limpôt sur le revenu et le projet de loi C-62, sur la taxe sur les produits et services; vii) en 1991, le projet de loi C-43 sur lavortement, qui a été renversé en troisième lecture; viii) en 1996, le projet de loi C-28, Loi sur lAéroport international Lester B. Pearson, qui a aussi été renversé en troisième lecture; et ix) en 1998, le projet de loi C-220, Loi modifiant le Code Criminel et la Loi sur le droit dauteur (fruits dune uvre liée à la perpétration dun acte criminel), qui a été rejeté à létape du rapport.
Enquêtes
Le professeur Kunz écrit qu«une portion considérable des fonctions du Sénat sont exercées en comité et bien souvent, ce qui se passe en chambre nest quune préparation ou une confirmation des travaux réalisés en comités»22. Le rôle des comités sénatoriaux consiste à étudier les projets de loi, à examiner en profondeur les propositions de dépense du gouvernement (le budget) et à mener des enquêtes sur des questions dintérêt. Un comité particulier peut désigner un comité permanent, dont lexistence est permanente en vertu du Règlement du Sénat, ou un comité spécial nommé pour étudier un ordre de renvoi en particulier et qui sera aboli après avoir achevé ses travaux. Conformément au Règlement, les comités peuvent désigner des sous-comités. Le Sénat peut aussi sunir à la Chambre des communes pour créer des comités mixtes permanents ou des comités mixtes spéciaux.
Un certain nombre de grandes enquêtes sur des questions sociales et économiques importantes ont été menées par les comités sénatoriaux ces dernières années, ce qui a poussé certains observateurs à faire remarquer que «les activités du Sénat dans ce domaine ont parfois rendu inutile la création dune commission royale denquête»23. Parmi les thèmes des études menées ces dernières années, on peut signaler : La politique scientifique (1970); les Médias (1970); La pauvreté au Canada (1971); Le potentiel agricole de lest du Nouveau-Brunswick (1976); Les enfants (1980); Les anciens combattants (1981); Lérosion des sols (1984); Les institutions financières canadiennes (1990) et lAccord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (1990); la Taxe sur les produits et services (1990); Le Système dévaluation des programmes du Gouvernement au Canada (1991); La voie ferrée principale reliant Truro à Sydney, en Nouvelle-Écosse (1992); Le maintien de la paix (1993); (1993); La Bravoure et le Mépris (1993); De la vie et de la mort (1995); Lenseignement postsecondaire au Canada (1997); Les priorités pour lagriculture canadienne (1999); La cohésion sociale (1999); Lautonomie gouvernementale des Autochtones (2000); et La sécurité aérienne (2000).
5. La composition du Sénat
Le mode de nomination a permis de faire entrer au Sénat un grand nombre de Canadiens émérites. Certains des sénateurs les mieux connus comprennent George Brown, Alexander Campbell, Oliver Mowat, Richard Cartwright, George Ross, George Foster, Allan Aylesworth, Raoul Dandurand, James Lougheed, Arthur Meighen, Ross Macdonald, T.A. Crerar, Léon Mercier-Gouin, Chubby Power, Adrian Hugessen, Grattan OLeary, Maurice Bourget et Eugene Forsey. Historiquement, les sénateurs ont occupé des postes importants au Cabinet. Dans le premier Cabinet canadien, cinq des treize ministres étaient des sénateurs et deux gouvernements du XIXe siècle ont été dirigés par des sénateurs, soit Sir John Abbott (1891-1892) et Sir Mackenzie Bowell (1894-1896). Presque tous les portefeuilles importants sauf celui des Finances ont été confiés un jour à des sénateurs.24
En ce qui concerne la représentation des partis au Sénat, en 1867, les conservateurs et les libéraux étaient représentés assez également. Quand les libéraux ont pris le pouvoir en 1896, le Sénat comptait 63 conservateurs, 10 libéraux et 3 indépendants. En 1911, quand les conservateurs ont pris le pouvoir, il y avait 57 libéraux et 17 conservateurs. Quand les conservateurs ont repris le pouvoir en 1957, il y avait 78 libéraux, 5 conservateurs et 2 indépendants. En 1979, quand M. Clark est devenu Premier ministre (le 4 juin 1979), le Sénat comptait 72 libéraux, 18 conservateurs, 3 indépendants et 1 créditiste. En 1984, quand M. Mulroney est devenu Premier ministre (le 17 septembre 1984), il y avait 73 libéraux, 23 conservateurs et 4 indépendants25. Quelques semaines avant de quitter son poste, M. Mulroney a comblé les quatorze vacances au Sénat en nommant 13 conservateurs et lindépendant. Par conséquent, en 1993, le caucus libéral du Premier Ministre Chrétien affrontait 58 conservateurs et 5 indépendants. La composition actuelle du Sénat (mars 2001) est de 54 libéraux, 33 conservateurs, 1 allianciste, 5 indépendants et 12 vacances.
Le mode de nomination a produit un législateur qui diffère sociologiquement de celui de la Chambre des communes. Les sénateurs sont habituellement plus âgés que les députés et ils sont plus chevronnés, du fait quils ont plus dexpérience parlementaire avant daccéder à leur poste. Il y a eu proportionnellement plus de femmes au Sénat quaux Communes. R. MacGregor Dawson écrit que «les nominations au sénat servent souvent non seulement à assurer une représentation provinciale mais aussi une représentation des groupes économiques, raciaux et religieux de la province.».26
A. La représentation provinciale
On trouvera ci-dessous un bref historique de lentrée de chaque province et de chaque territoire dans la Confédération ainsi que de lévolution du nombre de sénateurs attribués à chacun. Il faut noter, cependant, que la composition du Sénat dépend de la représentation provinciale et de la représentation régionale. Comme le déclarait John A. MacDonald dans les débats de la Confédération, le principe de légalité à la Chambre haute avait pour but «de protéger les intérêts locaux et dempêcher les jalousies régionales». MacDonald entrevoyait trois grandes régions - lOntario, le Québec et les Maritimes - dans les colonies de lAmérique du Nord britannique. Cest sur le principe de légalité régionale et non de légalité provinciale que la représentation au Sénat a été convenue.
i) Québec et Ontario - La seule forme possible dunion des colonies de lAmérique du Nord britannique en 1867, selon le professeur MacKay «était un État fédéral au sein duquel tous les droits du Bas-Canada (Québec) seraient protégés. Le Bas-Canada devait accepter volontairement de participer à toute forme dunion étant donné que, géographiquement, il était la clé de toute union avec les colonies des Maritimes. Et il ne pouvait participer volontairement que si on lui donnait des garanties absolues protégeant ses institutions, sa langue, sa religion et ses lois, garanties qui devaient être évidentes pour tous»27. Le Québec a obtenu une représentation au Sénat égale à celle de lOntario - 24 sièges. Larticle 22 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoyait une représentation spéciale pour la province de Québec : «chacun des vingt-quatre sénateurs la représentant, sera nommé pour lun des vingt-quatre collèges électoraux du Bas-Canada...». Ces collèges électoraux sont définis à lannexe A du chapitre premier des Statuts refondus du Canada 1859.
ii) Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick et Île-du-Prince-Édouard - La première entente conclue à Québec par les Pères de la Confédération stipulait que la Nouvelle-Écosse aurait dix sénateurs, le Nouveau-Brunswick, dix également, et lÎle-du-Prince-Édouard, quatre. Le compte rendu des pourparlers de la Conférence de Québec indique que les délégués de lÎle-du-Prince-Édouard ont vivement fait valoir que la protection des petites provinces résiderait au Sénat et quils ont demandé ardemment une représentation égale de toutes les provinces à la Chambre haute. Cette position, affirme MacKay, «allait plus loin que celle que les autres provinces maritimes étaient prêtes à défendre»28. Prince-Édouard nétait pas daccord avec les Résolutions de Québec et a refusé dentrer dans la nouvelle fédération. Afin de maintenir légalité de la représentation régionale, les 24 membres des Maritimes ont été répartis également entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Quand lÎle-du-Prince-Édouard est entrée dans la Confédération en vertu des Conditions de ladhésion de lÎle-du-Prince-Édouard en 1873, elle la fait selon les modalités des Résolutions de Québec. La représentation au Sénat a donc été rajustée pour donner dix sièges à la Nouvelle-Écosse, dix au Nouveau-Brunswick, et quatre à lÎle-du-Prince-Édouard.
iii) Terre-Neuve - Les Pères de la Confédération considéraient Terre-Neuve comme une région distincte et estimaient que sa représentation à la Chambre haute constituait une exception au principe de légalité. Sir John A. MacDonald croyait que la province avait «ses propres intérêts ... Elle a donc été considérée séparément et aura une représentation distincte à la Chambre haute, ce qui constitue une exception par rapport au principe de légalité établi entre les autres régions». Terre-Neuve nest entrée dans la Confédération quen 1949, conformément à la Loi sur Terre-Neuve, qui a confirmé les conditions dadhésion entre la province et le Canada. Ces conditions prévoyaient une représentation de six membres au Sénat.
iv) Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique - Les Résolutions de Québec stipulaient : «le territoire du Nord-Ouest, la Colombie-Britannique et Vancouver pourront adhérer à lUnion aux conditions que le Parlement des Provinces fédérées jugeront équitables». La Loi de 1870 sur le Manitoba stipule : «Cette province sera représentée au Sénat du Canada par deux membres, jusquà ce que le chiffre de sa population, daprès le recensement décennal, atteigne cinquante mille âmes, alors elle y sera représentée par trois membres jusquà ce que le chiffre de la population, daprès le recensement décennal, atteigne soixante-quinze mille âmes, alors elle y sera représentée par quatre membres.» Les Conditions de ladhésion de la Colombie-Britannique prévoyaient que la province serait représentée par trois membres au Sénat. La Loi sur lAlberta de 1905 et la Loi sur la Saskatchewan de 1905 prévoyaient chacune quatre sénateurs et ajoutaient : «après quaura été complété le prochain recensement décennal, ce nombre pourra être à toute époque augmenté jusquà six par le Parlement du Canada». Par la Loi constitutionnelle de 1915, lOuest a été reconnu comme une division distincte et a obtenu une représentation de vingt-quatre membres, au même titre que les autres divisions, six sénateurs étant attribués à chacune des provinces de lOuest.
v) Les Territoires du Nord-Ouest et le Territoire du Yukon - Conformément à la Loi constitutionnelle de 1975, les deux territoires ont obtenu le droit dêtre représentés au Sénat par un membre chacun. Tout comme la province de Terre-Neuve, les territoires nont pas été ajoutés à une division existante mais plutôt considérés comme une exception à la répartition des divisions.
vi) La Loi sur le Nunavut - de 1993 a séparé le nouveau territoire du Nunavut des Territoires du Nord-Ouest et lui a accordé le droit dêtre représenté au Sénat par un membre.
6. Événements importants de lhistoire du Sénat du Canada
1864 - En septembre 1864 a lieu la Conférence de Charlottetown afin de discuter de lUnion des Maritimes, puis dune union des colonies de lAmérique du Nord britannique. En octobre 1864 se tient la Conférence de Québec. Six des quatorze jours de cette conférence sont consacrés aux discussions sur les pouvoirs et la composition de la Chambre haute.
1867 - La première séance du Sénat a lieu le 16 novembre 1867. Le premier président du Sénat est Joseph Édouard Cauchon. Pendant la session, trois comités permanents sont constitués : Banque, commerce et chemins de fer; Comptes de prévoyance; et Ordres de renvoi et projets de loi dinitiative parlementaire.
1870 - Entrée du Manitoba. La Loi sur le Manitoba prévoit lajout de deux sénateurs de cette province.
1871 - Entrée de la Colombie-Britannique. Les Conditions de ladhésion de la Colombie-Britannique accordent à la Colombie-Britannique trois sièges au Sénat.
1873 - Entrée de lÎle-du-Prince-Édouard. Cette province obtient quatre sièges, et la représentation de chacune des autres provinces de lAtlantique est réduite de douze à dix sièges.
1874 - Le gouvernement britannique répond quil ne peut conseiller à Sa Majesté daccéder à la demande du premier ministre Alexander MacKenzie, qui voudrait faire nommer des sénateurs supplémentaires en vertu de larticle 26 de la Loi constitutionnelle de 1867.
1875 - Première confrontation législative importante entre le Sénat et la Chambre des communes. Le Sénat renverse un projet de loi visant la construction dune ligne de chemin de fer entre Esquimalt et Nanaimo en Colombie-Britannique.
1879 - Les «Territoires du Nord-Ouest» de lépoque obtiennent deux sièges au Sénat, chiffre qui double en 1903.
1889 - Création du Comité permanent du divorce.
1894 - Création du Comité permanent de la régie interne et des comptes de prévoyance.
1905 - Entrée de lAlberta et de la Saskatchewan. Ces deux nouvelles provinces obtiennent chacune quatre sièges.
1909 - Création du comité permanent de lagriculture et des forêts ainsi que du Comité permanent de limmigration et du travail.
1913 - Le Sénat renverse le projet de loi sur lassistance navale, déclarant : «Notre Chambre nest pas fondée de donner son consentement à ce projet de loi tant quil naura pas été soumis au jugement du pays.»
1915 - Adoption de la Loi constitutionnelle de 1915, qui réorganise et rationalise les bases de la représentation en créant une quatrième division, la division de lOuest, formée des provinces du Manitoba, de la Saskatchewan, de lAlberta et de la Colombie-Britannique, chacune représentée par six sénateurs. La même loi prévoit que six sièges au Sénat seront accordés à Terre-Neuve au moment de son entrée dans la Confédération, ce qui se fera en 1949.
1918 - Dépôt du Rapport du Comité sénatorial spécial chargé de déterminer les droits que possède le Sénat en matière de lois de finances (le rapport Ross), qui maintient le droit du Sénat damender des projets de loi de finances des Communes.
1919 - Création du Comité sénatorial permanent des finances.
1926 - Le Sénat renverse le projet de loi sur les pensions de vieillesse.
1930 - Décision du Comité judiciaire du Conseil privé dans laffaire Edwards C. Procureur général du Canada ([1930], C.A. 124) confirmant la possibilité de nommer des femmes au Sénat. Le 14 février 1930, Mme Cairine MacKay Wilson, fille de feu le sénateur MacKay de lOntario, est nommée au Sénat et devient la première sénatrice canadienne.
1930 - La Parlement du Canada confère à la Cour suprême de lOntario les pouvoirs en matière de divorce en Ontario. Seuls les tribunaux du Québec et de Terre-Neuve nont pas encore de pouvoirs semblables. Par la suite, les projets de loi de divorce étudiés par le Sénat ne portent que sur les divorces dans ces deux provinces. À la suite de ladoption de la Loi sur le divorce de 1967-1968, le Sénat nest plus habilité à prononcer des jugements de divorce. Cette loi remplaçait la Loi sur la dissolution et lannulation du mariage en vigueur à lépoque. Toutefois, toute procédure de divorce dont il navait pas été définitivement disposé avant cette date devait être traitée en conformité de cette loi, comme si cette loi navait pas été abrogée. Le Sénat a prononcé son dernier jugement de divorce le 26 novembre 1969.
1934 - À la demande du gouvernement en place, les Communes majorent les droits quelles exigent pour le dépôt dun projet de loi dinitiative parlementaire de 200 $ à 500 $, mais il est convenu que ceux du Sénat demeureront de 200 $. Par suite de cette mesure, les projets de loi dinitiative parlementaire émanent surtout du Sénat.
1938 - Création du Comité sénatorial permanent des relations extérieures.
1946 - Restructuration de quelques comités sénatoriaux. Le Comité des ressources naturelles (aboli en 1969-1970) remplace le Comité de lagriculture et des forêts, et le Comité des transports et des communications remplace le Comité des chemins de fer, des télégraphes et des ports.
1947 - Le Règlement du Sénat est modifié pour permettre à un ministre de la Chambre des communes de participer à un débat du Comité plénier du Sénat lorsque le Sénat examine un projet de loi touchant à son ministère.
1961 - Comparution du gouverneur de la Banque du Canada James E. Coyne devant le Comité des banques au sujet du projet de loi qui déclare vacant le poste de gouverneur de la Banque du Canada.
1965 - Réduction du mandat des sénateurs, conformément à la Loi constitutionnelle de 1965. Aux termes de cette réforme, qui ne sapplique pas aux sénateurs élus avant le 2 juin 1965, les sénateurs doivent prendre leur retraite à 75 ans.
1968-1969 - Restructuration des comités sénatoriaux. Le Comité des affaires extérieures remplace le Comité des relations extérieures et le Comité de la santé, du bien-être social et des sciences remplace le Comité de limmigration et du travail. Création du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Révision importante du Règlement du Sénat.
1970-1971- Création du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des
budgets et de ladministration, qui remplace le Comité de la régie interne et des comptes de prévoyance. Création du Comité sénatorial permanent de lagriculture en 1972.1972 -
1972 - Nomination de la première présidente du Sénat, Muriel McQueen Ferguson.
1975 - Le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest obtiennent chacun un siège au Sénat.
1979 - Le 21 décembre 1979, dans Objet : Pouvoir du Parlement concernant la Chambre haute [1980], 1 R.C.S., la Cour suprême décide que le Parlement ne peut pas modifier fondamentalement le Sénat en vertu du paragraphe 91(1) de lActe de lAmérique du Nord britannique de 1867. Dans ce renvoi au projet de loi C-60, la Cour suprême confirme que le consentement des provinces est nécessaire pour réformer les éléments essentiels de la Constitution et les pouvoirs du Sénat.
1982 - Adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. Selon la nouvelle formule de modification de la Constitution, le Parlement canadien obtient le pouvoir exclusif de modifier les dispositions de la Constitution canadienne relatives au Sénat. Une formule plus exigeante régit les modifications touchant aux pouvoirs du Sénat, au choix des sénateurs, au nombre de sénateurs auquel a droit une province et aux conditions relatives au lieu de résidence des sénateurs. Dans ces domaines, les modifications peuvent être apportées par proclamation du gouverneur général autorisées par résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et des assemblées législatives de sept provinces comptant au moins la moitié de la population de toutes les provinces. La Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que le Sénat na quun droit de veto suspensif de 180 jours à légard des modifications constitutionnelles. Sans la sanction du Sénat, la Chambre des communes ne doit attendre que 180 jours avant de pouvoir adopter la modification constitutionnelle une deuxième fois.
1983-1984 - Création du Comité sénatorial permanent de lénergie et des ressources naturelles.
1987 - Laccord du lac Meech de 1987 contient une disposition relative aux sièges vacants. La nouvelle procédure proposée garantirait quune personne ne peut être nommée au Sénat sans laccord des deux paliers de gouvernement. Laccord politique accompagnant la Modification constitutionnelle de 1987 proposée contient un engagement garantissant que la nouvelle procédure de nomination des sénateurs prendra effet à la signature de laccord et avant la proclamation des modifications. La procédure temporaire ne sappliquera que jusquà ce que les modifications constitutionnelles concernent le Sénat en général ou jusquà lexpiration du délai prévu pour la ratification de laccord. Six sénateurs ont été nommés en vertu de cette entente. En 1990, le délai prévu pour la ratification de lAccord expire.
1988 - Le Sénat renverse le projet de loi C-130, Loi sur le libre-échange. Des élections générales sont déclenchées. Le gouvernement Mulroney est réélu et le projet de loi est adopté rapidement durant la première session qui suit les élections.
1989 - Création du Comité permanent des autochtones.
1990 - Élu à un suffrage provincial en Alberta, le sénateur Stan Waters est nommé au Sénat le 16 juin 1990.
1990 - Le 25 septembre 1990, le Comité des banques et du commerce recommande au Sénat de ne pas adopter le projet de loi C-62 sur la taxe sur les produits et services. Cette recommandation est renversée et, après un long et turbulent débat, le projet reçoit la sanction royale le 13 décembre 1990.
1990 - Le 27 septembre 1990, huit nouveaux sénateurs sont nommés en vertu de larticle 26 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cette disposition est invoquée pour la première fois.
1991 - Le 18 juin 1991, le Sénat adopte des changements importants à ses règles et pratiques. Il sagit de la plus importante révision de son Règlement depuis 1906.
1992 - Échec de lentente de Charlottetown au référendum du 26 octobre 1992. Il était proposé dans lentente que chaque province aurait six sénateurs et chaque territoire en aurait un. Dautres sièges seraient ajoutés pour représenter les Autochtones du Canada. Les élections se dérouleraient sous la compétence fédérale en même temps que les élections à la Chambre des communes. Les élections pourraient se faire par lensemble des citoyens ou par les assemblées législatives provinciales ou territoriales. Les provinces et les territoires auraient la possibilité de tenir compte de légalité des sexes ou de désigner des sièges à des fins particulières. Le Sénat pourrait bloquer des nominations importantes, dont celles des dirigeants des organismes de réglementation et des institutions culturelles dimportance. Il aurait également un droit de veto en ce qui a trait aux projets de loi qui entraînent des changements fondamentaux aux politiques financières associées directement aux ressources naturelles. De plus, il aurait le pouvoir dagir dans un délai de 30 jours civils pour obliger la Chambre des communes à adopter de nouveau les projets de loi de crédits. Une défaite ou la modification de lois ordinaires conduirait à un processus de séance conjointe avec la Chambre des communes. Lors dune séance conjointe, la question se déciderait à la majorité simple. Les projets de loi touchant de façon appréciable la langue ou la culture françaises nécessiteraient ladoption à la double majorité -- la majorité de tous les sénateurs votants et la majorité de tous les sénateurs francophones votants. Les sénateurs pourraient présenter des projets de loi, à lexception de projets de loi portant sur des mesures financières, et la Chambre des communes devrait les traiter dans un délai raisonnable. Les sénateurs ne seraient pas admissibles à un poste au cabinet.
1993 - Les Territoires du Nord-Ouest sont divisés, et le nouveau Territoire du Nunavut obtient un siège au Sénat, ce qui porte à 105 le nombre normal de sénateurs.
1996 - Le projet de loi C-28, concernant laéroport international Pearson, est rejeté à létape de la troisième lecture.
1998 - Le projet de loi C-220, concernant les fruits dune uvre liée à la perpétration dun acte criminel, est rejeté à létape du rapport.
2001 - Création du Comité sénatorial permanent des droits de la personne et du Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité.
7. Bibliographie sommaire douvrages et darticles concernant le Sénat
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- Ibid., p. 31.
- Ibid., p. 31.
- Cité dans Ross, Sir George, The Senate of Canada: Its Constitution, Powers and
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- Ibid., p. 186.
- Ibid., p. 234.
- Ibid., p. 35-36.
- Ibid., p. 373.
- Ibid., p. 88-89.
- Au sujet de larticle 26, Mollie Dunsmuir écrit que, quand la Loi constitutionnelle de 1867 a été rédigée, "on a longuement discuté de la nécessité dinclure une disposition permettant au gouvernement en place de nommer des sénateurs supplémentaires pour se tirer de limpasse en cas de divergences de vues irréconciliables. Sir John A. MacDonald sopposait à lidée et soutenait quune telle disposition permettant d«inonder» le Sénat de sénateurs détruirait lindépendance et lutilité de cette institution. À la Conférence de Londres de 1866, pendant laquelle la loi fut rédigée, les autres délégués demeurèrent toutefois divisés sur la question.
Le gouvernement britannique tenait absolument à ce quune disposition de ce genre figure dans la loi, si bien que larticle 26 a fini par être rédigé et approuvé. Les délégués des colonies insistèrent cependant pour que les nominations supplémentaires tiennent compte de la représentation régionale, que leur nombre soit strictement limité et que la décision finale relève de la Couronne plutôt que du gouvernement en place. Le gouvernement britannique accepta ces restrictions, même sil sinquiétait pour ces deux dernières." Voir «Le Sénat : Nominations en vertu de larticle 26 de la Loi constitutionnelle de 1867», Document de recherche de la Bibliothèque du Parlement, août 1990, p. 1.
- Dawson, R. MacGregor, The Government of Canada, révisé par Norman Ward,
Toronto, University of Toronto Press, cinquième édition, 1970, p. 339-401. Pour un
examen des questions de privilège soulevées au Sénat depuis 1867, voir W.F. Dawson
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Parlement, 1966).
- Driedger, Elmer A. "Money Bills and the Senate", Ottawa Law Review,
vol. 3, n° 1, automne 1968, p. 40-41.
- Cité dans S.D. Bailey, The Future of the House of the Lords, Londres, 1954, p.
21.
- Kunz, F.A., The Modern Senate of Canada, Toronto, University of Toronto Press,
1965, p. 198. Voir également Coulombe, Françoise, "The Value of a Bicameral
Legislature: The Contribution of the Canadian Senate", Document de recherche de la
Bibliothèque du Parlement, révisé, février 1979.
- Kunz, op. cit., p. 225-226.
- Ibid., p. 214.
- Robertson, James R., "Rejection of Bills by the Canadian Senate", Document
de recherche de la Bibliothèque du Parlement, 5 novembre 1990, p. 3-4.
- Kunz, op. cit., p. 233.
- Coulombe, op. cit., p. 13.
- Ibid., p. 3.
- Voir MacKay, op. cit., p. 58 et Kunz, op. cit., p. 80-82.
- MacGregor Dawson, op. cit., p. 286.
- MacKay, op. cit., p. 34.
- Ibid., p. 37