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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 2 - Témoignages du 18 mai 2006


OTTAWA, le jeudi 18 mai 2006

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 heures pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte.

Le sénateur Tkachuk : Avant d'aller plus loin, j'aimerais clarifier une chose en réponse aux propos de l'un de nos témoins, M. Friesen, à la réunion du 11 mai. Il a affirmé que son organisation avait « essayé de rencontrer le ministre de l'Agriculture depuis l'annonce du budget, mais sans succès ».

J'ai pris la liberté de faire une recherche sur les dernières réunions qu'a eues la FCA avec le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. En réponse à ma question, le personnel du cabinet du ministre m'a confirmé qu'avant le budget, le ministre avait rencontré Bob Friesen le 30 mars, à 15 heures. Le chef de cabinet du ministre et le sous- ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire étaient présents à la réunion. De plus, le 5 avril, le premier ministre et le ministre Strahl ont rencontré encore une fois des représentants de la FCA. Le personnel du cabinet du ministre a également confirmé que le 2 avril, à 16 heures, le chef de cabinet du ministre avait rencontré M. Friesen de nouveau. Cependant, le personnel du cabinet du ministre m'a informé que le conseil d'administration de la Fédération canadienne de l'agriculture avait demandé le 5 mai, soit trois jours après le dépôt du budget et six jours avant la comparution du président de la FCA devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, à rencontrer le ministre après l'annonce du budget.

En raison d'autres engagements prévus à l'extérieur d'Ottawa, le ministre était dans l'impossibilité de rencontrer les représentants de la FCA avant la réunion du 11 mai du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Les membres du comité prendront aussi note que David Anderson, secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture chargé de la Commission canadienne du blé nous a envoyé un courriel le 15 mai dans lequel il soutient que ni lui ni son collègue secrétaire parlementaire n'ont reçu de demande de réunion de la part de la FCA depuis l'annonce du budget, contrairement à ce que M. Friesen a dit à la réunion. Depuis la réunion du 11 mai, la FCA n'a pas demandé à rencontrer le ministre de l'Agriculture.

La présidente : Merci, sénateur Tkachuk. Nous allons nous assurer de transmettre ces mots à la Fédération canadienne de l'agriculture et espérerons qu'elle pourra réagir de façon productive à vos observations.

Pour nos auditeurs et téléspectateurs qui suivent les délibérations du comité à la CPAC, j'aimerais souhaiter la bienvenue au ministre des Ressources naturelles du nouveau gouvernement, M. Gary Lunn, qui participe aujourd'hui à sa première séance de comité depuis sa nomination au poste de ministre. Nous sommes très heureux de vous recevoir ici, monsieur le ministre, que vous ayez hérité de ce poste et que vous nous accordiez votre première visite.

Nous recevons également M. Richard Fadden, sous-ministre des Ressources naturelles, un habitué de ce comité, ainsi que son collègue, M. Brian Emmett, sous-ministre adjoint. Merci à tous les deux d'être ici.

C'est la seconde séance de notre Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et la première, bien sûr, sur la question des forêts.

Le Canada a la troisième étendue forestière la plus grande au monde, et on y trouve 30 p. 100 de la forêt boréale de la planète. Les forêts sont au cœur d'une industrie de 80 milliards de dollars qui génère plus de 361 000 emplois. C'est une partie importante du noyau industriel du Canada.

À divers degrés, la foresterie a toujours été une industrie clé dans l'histoire du Canada. Bien sûr, le conflit du bois d'œuvre inquiète l'industrie et le reste du pays au plus haut point depuis quelques années. Au cours des dernières semaines, une entente semble avoir été conclue sur ce conflit de longue date entre le Canada et les États-Unis. Je suis certaine que M. Lunn voudra glisser quelques mots sur le sujet.

En plus des enjeux commerciaux, des facteurs comme la valeur élevée du dollar canadien et les coûts croissants de l'énergie continuent de se répercuter sur l'industrie forestière. Ils entraînent des changements structurels. Ainsi, nous constatons de plus en plus de fermetures d'usines; nous l'entendons autour de cette table et partout dans le pays depuis un an. Il y a plus de 300 collectivités où au moins 50 p. 100 des salaires viennent de la foresterie. L'avenir de la foresterie est donc également l'avenir de nos collectivités rurales, que nous avons à coeur.

Aujourd'hui, les membres de notre comité veulent souhaiter bonne chance au ministre Lunn à ce portefeuille certes difficile, mais important pour notre pays. Il passera la première heure et demie de la réunion d'aujourd'hui avec nous, puis devra partir. Cependant, M. Fadden et M. Emmett ont accepté de rester une demi-heure de plus pour répondre à nos questions.

Nous avons deux heures et demie, honorables sénateurs. Je vous invite, comme toujours, à être brefs et concis dans vos questions, de même qu'à faire preuve de respect à l'égard des réponses de nos témoins. Nous permettrons à tout le monde de participer à la discussion aujourd'hui si nous suivons ces consignes.

L'honorable Gary Lunn, C.P., député, ministre des Ressources naturelles : Je vous remercie infiniment. Il est fantastique pour moi d'être ici. Comme vous l'avez dit, c'est l'une de mes premières réunions. Je vois beaucoup de visages amicaux autour de la table.

La présidente : Ils sont tous amicaux.

M. Lunn : Oui. Nous pourrions commencer par raconter l'histoire de certaines de ces amitiés, mais nous ferons mieux de les réserver pour une autre fois. J'ai eu l'occasion de travailler avec des sénateurs des deux côtés, et nous avons entretenu d'excellentes relations de travail au fil du temps. Je suis ravi d'avoir l'occasion de vous parler de foresterie.

Avant de commencer, j'aimerais souligner le travail de mon personnel. Vous avez déjà fait mention du travail du sous-ministre et du chef du Service canadien des forêts. Nous, les élus, nous fions beaucoup à ce qu'ils font, et je suis très impressionné par leur dévouement, leur professionnalisme et les conseils qu'ils nous donnent; ils nous donnent les réponses claires dont nous avons besoin pour faire ce travail. Comme vous l'avez dit, nous sommes parfois confrontés à des enjeux difficiles. Il est important de le reconnaître.

De toute évidence, en tant que ministre, je tiens à travailler fort à toutes les facettes de mon ministère. Cependant, la foresterie est une priorité pour moi. En tant que Britanno-Colombien, je sais à quel point elle est importante pour ma province, où elle crée à elle seule 80 000 emplois.

Cette industrie est confrontée à des difficultés de taille. Nous luttons contre l'infestation du dendroctone du pin ponderosa en Colombie-Britannique depuis une bonne dizaine d'années. En même temps, nous connaissons tous les difficultés que nous avons dans nos relations commerciales avec les États-Unis concernant le bois d'œuvre depuis quelque temps. Comme tout le monde le sait, nous avons conclu une entente à ce sujet, et c'est avec plaisir que je vous en parlerai plus en détail en réponse à vos questions.

La foresterie est une grande priorité de ce gouvernement. Le dernier budget prévoit 400 millions de dollars pour la foresterie au cours des deux prochaines années. Plus particulièrement, 200 millions de dollars serviront à lutter contre l'infestation du dendroctone du pin ponderosa.

Nous pensons que les partenariats sont la meilleure solution pour régler ces problèmes forestiers. C'est pourquoi nous voulons travailler à la fois avec l'industrie et les provinces. Nous voulons chercher des solutions pour que l'industrie forestière du Canada puisse continuer de se développer et avoir un avenir à long terme ici. Nous voulons travailler en partenariat avec l'industrie en vue de sa restructuration. Nous voulons accélérer la R-D. Nous cherchons de nouveaux produits fibreux concurrentiels; nous cherchons de nouveaux marchés.

En bout de ligne, que voulons-nous réaliser? Nous voulons faire en sorte que le secteur forestier soit le plus fort possible et que nous soyons là pour l'appuyer.

Je crois que l'accord récent qui a été signé avec les États-Unis concernant le bois d'œuvre est une grande victoire pour l'industrie. Nous pouvons examiner de plus près pourquoi. Je travaille à ce dossier depuis longtemps. Je vois l'incidence qu'il a eue sur notre secteur forestier, et je pense que nous allons tourner la page.

Cela dit, il reste beaucoup à faire. Nous ne pouvons pas simplement nous imaginer que l'accord sur le bois d'œuvre résoudra tous les problèmes de l'industrie. J'ai rencontré récemment les membres du CCFP pour étudier la compétitivité à long terme de l'industrie forestière. Les forêts sont la plus grande ressource biologique du Canada, et je pense que nous pouvons être un chef de file mondial dans l'élaboration de solutions pour conjuguer la croissance du secteur forestier à des pratiques d'aménagement forestier durables.

Le Canada possède 10 p. 100 des forêts du monde et 30 p. 100 des forêts boréales du monde. Chaque année, nous exploitons 0,3 p. 100 de nos forêts. Nous en perdons une bien plus grande partie chaque année en raison des insectes défoliateurs et des feux de forêt.

Je suis convaincu que le comité accueille favorablement l'investissement budgétaire de 400 millions de dollars au cours des deux prochaines années. Je pense qu'il montre l'importance de ce secteur pour le gouvernement.

Grâce à la petite portion de forêts du Canada que nous exploitons chaque année, le secteur forestier génère plus de 3 p. 100 du PIB du Canada et plus de 2 p. 100 des emplois canadiens, des emplois importants. Madame la présidente, comme vous l'avez indiqué, bon nombre de ces emplois se trouvent dans des collectivités éloignées où il n'y a pas d'autres sources d'emploi. Ce sont des collectivités fondées sur une seule industrie, ce qui la rend d'autant plus importante pour ces petites collectivités.

Il y a plus de 300 collectivités dont la subsistance dépend de l'industrie forestière. J'ai vécu dans ces collectivités en Colombie-Britannique, j'ai grandi dans ces collectivités et je peux attester de l'importance du secteur forestier pour leur survie. Ces collectivités sont très vulnérables aux ralentissements cycliques et aux changements structurels de l'industrie.

En même temps, l'industrie connaît d'autres difficultés. La main-d'œuvre vieillit; les compétences requises changent en fonction des nouvelles technologies et il devient de plus en plus difficile de retenir les jeunes dans bon nombre de ces collectivités. Cependant, ces difficultés ouvrent également la porte à de belles choses. Il y aurait des débouchés pour les collectivités des Premières nations. Je pense qu'elles peuvent nous aider à bien des égards.

Par le budget, nous investissons aussi dans les programmes de perfectionnement des travailleurs et la création d'un conseil sectoriel chargé du développement des compétences en milieu de travail et des ressources humaines à long terme. Nous pouvons également faire une différence en favorisant l'utilisation intelligente des ressources forestières, ainsi que la recherche et l'innovation pour créer des produits à valeur ajoutée nous permettant d'affronter avec succès la concurrence sur le marché international.

Le Canada est le plus grand exportateur mondial de produits forestiers. Nos exportations équivalent au sixième des exportations totales mondiales; en 2004, nous avons produit presque 35 milliards de dollars de la balance commerciale du Canada. Cet accord sur le bois d'œuvre donnera un haut degré de certitude et de stabilité à nos exportations. Je crois fermement qu'il est bon pour le gouvernement du Canada comme pour celui des États-Unis.

Cependant, en même temps, nous devons trouver de nouveaux marchés pour nos produits forestiers. Au fil du temps, nous avons connu des succès énormes dans l'ouverture de marchés au Japon pour les résineux canadiens. Nous devons miser là-dessus. Comme tout le monde le sait, il y a des marchés émergents en Chine et en Corée. Je connais l'industrie et les associations de l'industrie qui font de la recherche. Elles cherchent des façons de participer à la formation des personnes de métier de ces pays pour augmenter notre incidence sur ces marchés.

Les constructeurs asiatiques n'utilisent habituellement pas de bois débité de résineux dans la construction de l'ossature des bâtiments. Je suis compagnon charpentier et j'ai travaillé dans le secteur forestier. Il a eu une énorme incidence sur ma vie. En fait, j'ai travaillé chez Crestbrook Forest Industries et j'ai fini par marier la fille du président, donc cela a eu un effet positif de la plus haute importance sur ma vie.

J'ai travaillé dans l'industrie du logement et du bâtiment. Notre travail a montré comment notre façon de construire peut avoir un effet dans d'autres parties du monde. Nos maisons à ossature ont résisté à des tremblements de terre, contrairement à d'autres types de bâtiments. Les membres de l'industrie d'ici ont une histoire à raconter au monde, et nous voulons les aider à ouvrir de nouveaux marchés.

Beaucoup de produits à valeur ajoutée sont le résultat d'innovation, de recherche et de développement. Je pense que le secteur forestier est un secteur axé sur le savoir. Notre compétitivité dans l'économie mondiale dépendra non seulement de la disponibilité de la ressource, mais aussi de la façon dont nous favoriserons les investissements et créeront de la valeur grâce à l'innovation. Tout dépendra de l'intelligence dont nous ferons preuve dans notre façon de gérer la ressource, dans notre façon de réduire les coûts de production et dans notre façon de créer de nouveaux produits à valeur ajoutée. Je pense que nous pouvons influencer et structurer le secteur de la foresterie durable de façon à favoriser la croissance et la prospérité continue du Canada et de renforcer notre leadership international en matière d'aménagement forestier durable. Le gouvernement va investir dans la recherche, le développement et l'innovation. Nous avons l'intention de regrouper trois instituts de recherche forestière pour améliorer notre rendement et de créer un nouveau centre des fibres pour effectuer de la recherche et trouver des moyens d'utiliser les ressources forestières plus efficacement.

Madame la présidente, je suis impatient de me mettre au travail. J'ai vraiment hâte de travailler avec ce comité au cours des mois et des années à venir. Ensemble, nous pouvons trouver des solutions qui nous permettrons de collaborer avec l'industrie pour l'aider à avancer. J'ai hâte également de répondre aux questions des sénateurs, y compris à celles sur les détails de l'accord signé récemment avec les États-Unis sur le bois d'œuvre. Je crois comprendre qu'il y a un vif intérêt à cet égard.

La présidente : Merci, monsieur Lunn. Vous avez éveillé mon intérêt avec l'une de vos dernières observations sur l'importance de la valeur ajoutée dans l'industrie. Nous favorisons énormément la valeur ajoutée dans d'autres domaines d'étude du comité sur l'agriculture. Vous semblez être bien avancé au sujet de la valeur ajoutée dans l'industrie forestière, donc peut-être pourriez-vous nous en parler un moment donné. Pour commencer, nous allons prendre les questions des sénateurs.

Le sénateur Oliver : Merci, madame la présidente. Monsieur le ministre, je tiens moi aussi à vous souhaiter chaleureusement la bienvenue à ce comité. Nous sommes ravis de vous recevoir ici et nous vous remercions de votre déclaration préliminaire. Vous nous avez donné un vaste aperçu des éléments que vous examinez en détails dans l'industrie forestière, une industrie tellement importante pour le Canada, et je vous en remercie.

J'aimerais particulièrement en savoir plus sur l'infestation du dentroctone du pin ponderosa. Dans votre déclaration, vous avez dit avoir réservé 400 millions de dollars dans le dernier budget pour le secteur forestier, dont la moitié, soit 200 millions de dollars, serviront à la lutte contre le dentroctone du pin ponderosa dans l'Ouest canadien. Je sais que bon nombre des pins touchés par cet insecte peuvent être commercialisés. Pouvez-vous faire le point sur ce sujet? Où en est-on? Quelle est la proportion des pins qui peuvent être commercialisés? Combien pouvons-nous en sauver? Quelles sont les nouvelles activités que vous entreprendrez avec ces 200 millions de dollars pour prévenir la récurrence de cette infestation?

M. Lunn : Merci de vos questions, sénateur. Je commencerai par répondre à votre dernière question, celle sur la prévention des infestations futures. L'ampleur de l'infestation est vraiment alarmante, parce qu'elle équivaut à la superficie du Nouveau-Brunswick. On peut voler longtemps au-dessus de la Colombie-Britannique et voir de vastes étendues de forêts de pins morts. On craint maintenant que le dentroctone migre vers l'Alberta et les forêts boréales. Nous menons des recherches intensives pour essayer de freiner le dentroctone. Quelqu'un m'a fait prendre conscience que même si nous réussissions à éradiquer 98 p. 100 des dentroctones du pin ponderosa, il y aurait tout de même encore des milliards de petits insectes qui grignoteraient notre foret. C'est un problème énorme.

La recherche est axée sur les moyens de l'enrayer, mais la grande question est : pouvons-nous atténuer le problème en freinant le dendroctone du pin ponderosa? Les experts étudient la question. Les scientifiques ne sont pas certains si nous pouvons l'arrêter par la récolte. On se demande comment et quand l'insecte migre vers une autre région. Personne n'en connaît la réponse avec certitude.

Combien de temps le bois conserve-t-il une qualité marchande? Selon la science, ce serait entre cinq et quinze ans. Le pin se détériore rapidement au cours des deux à trois premières années, puis il se stabilise un peu, jusqu'à environ quinze ans, mais ce n'est pas une science exacte. Tout dépend du climat et du niveau d'humidité ou de sécheresse. Plus le temps passe, plus le bois devient sec et fragile, ce qui augmente les dommages pendant la récolte. On fait certaines choses pour atténuer ces dommages grâce à différentes techniques forestières.

Pour ce qui est de la façon dont nous avons l'intention de dépenser ces 200 millions de dollars, la dernière administration a investi environ 140 millions de dollars au cours des dernières années. Je travaille avec mes homologues, particulièrement en Colombie-Britannique, où le chef du Service canadien des forêts et moi avons tenu un appel conférence avec le ministre des Forêts et du Territoire, l'honorable Rich Coleman. Nous avons établi un certain nombre de principes que nous voulons suivre avec cet argent. Certains diraient qu'il y a des pouvoirs provinciaux et fédéraux à garder en tête, mais le plus important, c'est que nous travaillions ensemble et que nous évitions le double emploi.

Quelles sont les priorités de la province? Il y a deux groupes de la collectivité forestière qui luttent contre le dendroctone et travaillent dans différentes régions de la Colombie-Britannique. Il y a un plan d'action auquel nous participons en Colombie-Britannique. Le Centre de foresterie du Pacifique, un établissement fédéral du district saanich de Victoria, en Colombie-Britannique, effectue beaucoup de recherches. Le ministère fédéral continuera de financer ces organismes, mais nous voulons cibler ces fonds pour optimiser les résultats qu'en tireront l'industrie et les membres de ces collectivités.

Le sénateur Oliver : Y a-t-il un prédateur naturel du dendroctone du pin ponderosa?

M. Lunn : Oui, le prédateur naturel n'est pas un autre insecte, mais les enzymes du pin tordu lui-même. L'insecte creuse l'écorce de l'arbre, ce qui cause la mort de l'arbre. Une enzyme naturelle est produite. Elle repousse l'insecte et le tue. Cependant, les insectes sont si nombreux que les mécanismes de défense naturels des arbres ne suffisent pas pour contenir ou enrayer le problème. C'est l'explication que me donnent les scientifiques. Je suis allé au laboratoire de recherche de l'Université de la Colombie-Britannique la semaine dernière, où les chercheurs étudient la génétique comme solution potentielle, bien que ce domaine de recherche comporte encore des lacunes. Cependant, ils ont découvert des méthodes de récolte qui peuvent rendre les nouveaux arbres sont plus résistants au dendroctone du pin ponderosa.

Il y a beaucoup de domaines de recherche. L'un des domaines auxquels la province s'intéresse actuellement est celui des méthodes de récolte. La plus grande valeur qu'on peut tirer de ce bois est en amont, avant qu'il ne soit endommagé. On essaie de mettre davantage l'accent sur les recherches concernant le dendroctone du pin ponderosa dans ces collectivités pour sortir le bois des forêts le plus vite possible, pendant qu'il a encore une valeur élevée.

Évidemment, si nous laissons le bois là longtemps, il est plus susceptible de prendre en feu, puisqu'il sèche. La sylviculture, par exemple, suscite l'intérêt dans la province. Comme je l'ai déjà dit, selon les principes que nous avons énoncés, nous voulons qu'il y ait une équipe unique qui y travaille, une équipe composée de représentants fédéraux, provinciaux et de l'industrie. Nous voulons travailler avec cohésion pour trouver des solutions.

Le bois tué par les insectes représente des défis uniques du côté de la fabrication. Les lames des scies s'émoussent beaucoup plus vite, parce que le bois devient plus dur en séchant. Il faut constamment modifier les usines et je le répète, nous le faisons. Certains grands producteurs investissent beaucoup en ce sens, dans la région de Prince George, pour que le nécessaire soit fait.

J'aimerais faire une dernière observation. Mme la présidente a parlé des produits à valeur ajoutée. Il est intéressant de souligner que lorsque le dendroctone tue l'arbre, il tache le bois de bleu, ce qui présente une difficulté unique. Les scientifiques cherchent des moyens d'en faire une amélioration positive pour ajouter de la valeur aux produits. Ils ont trouvé des solutions dans les domaines des revêtements de sol et des techniques de teinture. Celles-ci sont uniques au bois tué par l'insecte. Encore une fois, il s'agit de valeur ajoutée. C'est le type de recherche qu'effectuent l'industrie, les scientifiques et le gouvernement fédéral. Je le répète, tout n'est pas sombre. Nous devons atténuer les dommages et avancer du mieux que nous pouvons.

Le sénateur Mahovlich : Y a-t-il un oiseau qui serait attiré par cet insecte?

M. Lunn : Je n'en sais rien, mais je vais essayer de le savoir. Je n'en ai jamais entendu parler.

Le sénateur Mahovlich : J'ai un chalet, et la personne qui coupe mes arbres me recommande souvent de laisser quelques arbres morts là parce que les oiseaux sont attirés par les insectes qui vivent dans cet arbre et qu'ils se nourrissent des bêtes qui se trouvent dans les arbres morts. Je n'ai pas entendu parler d'un oiseau qui serait attiré par cet insecte-là.

M. Lunn : Je ne connais aucun prédateur naturel, outre l'arbre lui-même, pour combattre le dendroctone. Il y a diverses espèces d'insectes dans le pays, mais en ce qui concerne le dentroctone du pin ponderosa, j'ai rencontré des scientifiques et des chercheurs, et ils ne m'en ont pas parlé. Je vais vérifier et vous donner une réponse.

La présidente : Brièvement, vous avez mentionné que vous surveilliez attentivement la frontière de l'Alberta. Cet insecte se propage-t-il jusque dans la forêt boréale albertaine ou craignez-vous qu'il le fasse?

M. Lunn : Je pense qu'il l'atteint lentement. La question est la suivante : jusqu'où le dentroctone ira-t-il et se déplace- t-il à des périodes particulières de l'année? Les gens du ministère s'efforcent de faire tout ce que nous pouvons pour protéger la forêt boréale.

Certains disent que si l'infestation a atteint une telle ampleur en Colombie-Britannique, c'est parce qu'il est très difficile d'éradiquer complètement le dentroctone. Il commence à peine à atteindre la forêt boréale de l'Alberta. Notre priorité est de trouver une façon de freiner sa propagation.

Le sous-ministre vient de me tendre une note sur le froid. La meilleure façon de lutter contre le dentroctone est le temps froid. On m'a dit qu'au début de l'automne, trois ou quatre jours de temps froid — de moins quarante degrés, comme nous n'en avons pas eu depuis longtemps — auraient des conséquences énormes sur le dentroctone du pin ponderosa ou que plus tard dans la saison, une période prolongée de temps froid aurait un effet sur lui aussi. Je parle de températures de -30º ou -40º. L'insecte ne peut pas survivre à ces températures, mais nous n'avons pas vu de tels froids depuis des années en Colombie-Britannique.

Le sénateur Segal : L'inverse est-il vrai? L'absence de temps froid attribuable au changement climatique a-t-il pour effet d'aggraver l'infestation du dentroctone, selon votre ministère?

M. Lunn : Je le répète, cela ne fait aucun doute. Le dentroctone ne peut pas survivre au temps froid, donc évidemment que l'inverse est vrai. Quel est l'impact du changement climatique? Je n'ai pas de représentation de ces courants de température.

Lorsque j'étais enfant, en Colombie-Britannique, il y avait des hivers beaucoup plus froids, d'après mes souvenirs. Le changement climatique a-t-il radicalement bouleversé la température en hiver? Je ne connais pas la réponse en détail. Nous pourrons vous en reparler. Je ne pense pas qu'il change la température autant, mais c'est une inquiétude, de toute évidence. Le changement climatique aura une incidence sur l'avenir de la forêt.

Le sénateur Callbeck : Merci, messieurs le ministre et les sous-ministres, d'être ici ce matin pour nous présenter votre point de vue.

J'aimerais vous interroger sur l'avenir de divers programmes importants pour ma province de l'Île-du-Prince- Édouard, dont le programme de Forêt 2020 pour l'évaluation de la démonstration de plantations, en premier lieu. Ce projet faisait partie du plan de lutte contre le changement climatique dans le budget de 2003, qui prévoyait que le Service canadien des forêts travaille avec les provinces et l'industrie à l'établissement de plantations d'arbres. Plusieurs personnes de l'Î.-P.-E. travaillent actuellement à ce programme, puisque nous n'avons qu'un petit territoire et que nous sommes préoccupés par l'utilisation de ce territoire.

Les arbres ont été plantés sur des terres agricoles marginales ou abandonnées. Or, voilà que le plan sur les changements climatiques a été annulé. Comme ce programme en faisait partie, est-ce qu'on prévoit le poursuivre ou mettre sur un pied un projet similaire? J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

M. Lunn : Je vais demander à M. Emmett de répondre à la question. Il peut nous expliquer en détail les modalités du plan.

Brian Emmett, sous-ministre adjoint, Service canadien des forêts, Ressources naturelles Canada : Il s'agissait effectivement, comme vous l'avez mentionné, d'un programme de démonstration. Nous en avons mis sur pied dans chacune des provinces.

Le programme est arrivé à terme. Nous voulions savoir s'il présentait des retombées en termes économiques, connaître les taux de croissance, déterminer si l'initiative constituait un moyen économiquement intéressant de piéger le carbone. Les résultats commencent à rentrer. Selon notre évaluation préliminaire, ils sont peu encourageants. Le programme, à mon avis, ne sera pas renouvelé.

Le sénateur Callbeck : C'est dommage.

J'aimerais maintenant vous parler du programme des forêts modèles qui, même s'il pas encore été implanté à l'Île- du-Prince-Édouard, suscite beaucoup d'intérêt. Ce programme de cinq ans doit prendre fin en 2007. Prévoit-on le poursuivre?

M. Lunn : Je vais laisser mon sous-ministre répondre à la question. Je connais quelques-uns des programmes de forêts modèles qui ont été mis sur pied au Canada, et des changements sont à prévoir. Par exemple, il y a un secteur dans le domaine des forêts qui recèle un potentiel énorme : celui du biodiésel. On a tendance à croire que les biodiesels sont issus des produits agricoles. Or, ils peuvent également provenir des produits forestiers. C'est ce qu'ils font présentement en Europe. Certains pays, comme la Norvège, vont être en mesure, d'ici quelques années, d'utiliser les enzymes provenant du secteur forestier pour produire du biodiésel. Les recherches menées dans ce domaine ont un impact sur l'environnement et les combustibles.

Des possibilités nouvelles qui n'existaient pas il y a quatre ou cinq sont en voie d'être créées. Le ministère se penche là-dessus. Nous comptons mettre en œuvre une stratégie sur les biodiesels très bientôt. Elle va contribuer à aider non seulement le secteur agricole, mais également, au fur et à mesure qu'évolue la science, le secteur forestier.

Les choses vont changer, et le changement est une bonne chose en soi. Il y a parfois des portes qui se ferment, et d'autres qui s'ouvrent.

M. Emmett : Nous sommes en train d'évaluer le programme des forêts modèles. Le comité de vérification et d'évaluation du ministère en a été saisi cette semaine. Le comité est présidé par M. Fadden, un homme exigeant. Cest mon patron. Nous prévoyons étendre le programme au-delà de 2007 et inviter les collectivités à nous faire part de leur intérêt à cet égard. Si nous arrivons à franchir toutes les étapes du processus d'approbation à l'échelle gouvernementale, nous allons maintenir le programme.

Le sénateur Callbeck : C'est là une bonne nouvelle. Merci beaucoup.

Le sénateur Ségal : Bienvenue. Je suis heureux de vous entendre dire que le programme des forêts modèles va être maintenu. J'espère que les propositions venant de l'Est de l'Ontario vont être examinées de façon juste et équitable, et que vous allez tenir compte non seulement de leur mérite technique, mais également du rôle déterminant que joue cette région dans le domaine de l'aménagement forestier depuis de longues années.

Ma première question porte sur l'état de pauvreté des collectivités rurales qui sont touchées par les changements que vit l'industrie forestière. Ma deuxième porte sur l'eau, qui est notre plus précieuse ressource naturelle.

D'abord, vous avez parlé du travail effectué par votre ministère, des fusions et des acquisitions qui ont marqué l'industrie, des fermetures de scieries. Vous avez également parlé de la nécessité d'accroître la productivité et de réaliser des économies pour aider le secteur forestier à soutenir la concurrence à l'échelle internationale. Ces mesures entraînent, par définition, des pertes d'emploi. Les collectivités tributaires de l'industrie forestière comme source d'emploi ont subi des changements radicaux, bien avant que ce gouvernement-ci ne prenne le pouvoir. Les gens qui avaient un niveau moyen de scolarité pouvaient accomplir une journée de travail honnête et toucher un salaire honnête pendant toute leur vie. Or, cela n'est plus possible aujourd'hui, à cause des changements technologiques et des forces économiques en jeu.

Concernant les biodiésels, votre ministère est-il en mesure de créer des avenues de développement économique dans le secteur forestier en vue de réduire, voire d'éliminer la pauvreté provoquée par les changements qu'a connus l'industrie et qui est de plus en plus manifeste dans les collectivités tributaires de l'exploitation forestière?

M. Lunn : La question est intéressante. Nous pouvons certainement faire quelque chose. Quelles sont les solutions, et comment les mettre en œuvre? Je pense que nous avons tourné la page sur une décennie fort difficile pour le secteur forestier canadien. Tout le monde sait que les années qui ont suivi l'expiration, en 2001, de l'ancien accord sur le bois d'œuvre ont été très dures. Les droits compensateurs et antidumping frôlant les 30 p. 100 ont imposé un lourd fardeau à l'industrie. Comme l'a indiqué le président, les fermetures d'usines dont nous avons été témoins ont eu un effet dévastateur sur les collectivités monoindustrielles. Et comme vous l'avez mentionné, les jeunes avaient jadis accès à des emplois fort bien rémunérés dans ce secteur.

Nous allons devoir procéder à des restructurations si nous voulons que ces collectivités retrouvent la stabilité. L'Association des produits forestiers du Canada m'a demandé de siéger à un comité qui a pour mandat de trouver des moyens de venir en aide à l'industrie. Il va y avoir du changement. D'autres fermetures d'usines sont à prévoir à cause de la façon dont le marché évolue. Toutefois, je pense que nous pouvons en atténuer les effets, grâce aux nouvelles possibilités que nous allons créer.

Le secteur a grandement besoin de certitude. C'est, d'ailleurs, ce que va lui procurer le nouvel accord sur le bois d'œuvre, puisqu'il va favoriser la recherche, l'innovation, et la création de produits nouveaux et à valeur ajoutée. L'accord va créer des débouchés pour les entreprises présentes dans les collectivités plus petites, si elles ont accès à des marchés stables.

Il est vrai que les emplois dans le secteur forestier étaient bien rémunérés. Personnellement, je ne suis pas tellement en faveur de l'idée de subventionner les industries pour les garder à flot. Ce n'est pas une solution. Cela ne veut pas dire que nous n'effectuerons pas d'investissements, car nous voulons savoir quelles sont les causes profondes du problème. Nous voulons aider le secteur à mettre au point des produits nouveaux. Il existe des quantités énormes de fibres en Colombie-Britannique et au Canada, un domaine qui constitue une source d'emplois. Nous allons, de concert avec nos partenaires provinciaux, l'industrie et divers intervenants, procéder à des investissements et encourager l'utilisation efficace des fibres en vue d'assurer l'avenir du secteur. Voilà comment nous allons gagner la partie.

Le sénateur Segal : Concernant l'eau, les régions aux prises avec les pires feux de forêt sont celles qui connaissent les sécheresses les plus graves et un tarissement de la nappe phréatique.

Vous êtes conscient du débat entourant l'entente sur les ressources en eau du bassin des Grands Lacs qui a été conclue avec les gouverneurs d'États américains. Le dossier de l'eau a un impact sur les réseaux hydrographiques de l'ensemble du pays. Je voudrais vous parler de priorités. En ce qui a trait aux ressources naturelles, est-ce que le ministère, selon vous, maîtrise suffisamment bien le dossier des nappes phréatiques? Êtes-vous satisfait des liens établis entre votre ministère et ceux de l'Environnement et des Affaires étrangères dans le dossier relatif à l'eau? Êtes-vous satisfait du niveau de collaboration qui existe entre les ministères? Avez-vous accès, en tant que ministre, à l'information dont vous avez besoin pour prendre les décisions qui s'imposent et intervenir, au besoin, auprès du cabinet et de vos collègues au sud de la frontière?

Je sais que le gouvernement n'en est qu'à ses débuts. Toutefois, les Canadiens tiennent à ce que non seulement le ministre des Ressources naturelles, mais également ses collègues au sein des autres ministères accordent la priorité au dossier de l'eau. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Lunn : J'ai déjà discuté du sujet avec le ministre de l'Environnement. Je trouve intéressant que vous abordiez ce point. Il est important de regarder vers l'avenir. Vous m'avez demandé si j'étais satisfait de la façon dont le ministère maîtrise le dossier. Là n'est pas la question. En fait, nous n'accordons pas assez d'attention au dossier de l'eau. Pire encore, c'est un domaine que nous avons à toutes fins utiles négligé. Nous pouvons faire encore plus à ce chapitre à l'échelle nationale.

Cela ne signifie pas pour autant que les anciens gouvernements n'en ont pas fait assez. Je ne veux pas regarder en arrière. Je ne veux pas jeter le blâme sur qui que ce soit. C'est un dossier auquel nous devons dorénavant accorder plus d'attention. Il n'est pas uniquement question, ici, de ressources naturelles, d'environnement ou d'agriculture.

Encore une fois, nous avons la possibilité de faire quelque chose, et j'en ai discuté avec le ministre de l'Environnement. Nous devons nous attaquer aux problèmes concernant la nappe phréatique et les réserves d'eau douce au Canada. Est-ce que nous menons assez de recherches dans ce domaine? Est-ce que nous protégeons nos ressources en eau? Est-ce que le gouvernement fédéral a une politique en la matière? La réponse à toutes ces questions est non.

Cependant, comme je l'ai déjà indiqué, nous avons la possibilité de faire quelque chose. Nous commençons à avoir une idée de la situation. Nous nous rendons compte, en fait, qu'il nous faut une stratégie à long terme.

Nous sommes en train, présentement, d'avoir des discussions de haut niveau. Nous devons absolument — et, fait intéressant, vous avez noté la même chose — nous attaquer au problème et élaborer une stratégie à long terme de concert avec les ministères. Comme je l'ai déjà mentionné, nous ne pouvons pas confier la responsabilité de ce dossier à un seul ministère. Ce n'est pas la solution. Cela dit, nous comptons agir dans ce domaine.

Le sénateur Christensen : J'aimerais revenir aux insectes ravageurs. Le Yukon, d'où je suis originaire, est confronté à une importante infestation de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Elle est venue de la côte, en passant par le parc Kluane. Il lui a fallu 15 ou 20 ans pour franchir les chaînes de montagne et les vallées étroites, mais elle commence à s'attaquer à bon nombre des forêts intérieures. Nous luttons contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette, tandis que la Colombie-Britannique, elle, lutte contre le dendroctone du pin. Si la tordeuse commence à se diriger vers le sud, il ne faudra pas beaucoup de temps avant que les deux ravageurs fusionnent.

Les changements de température au nord du 60e parallèle — ces changements sont peut-être plus manifestes ici qu'ailleurs au Canada — favorisent les infestations. Comme vous l'avez mentionné, le temps froid permet de combattre le dendroctone du pin. Or, nous n'avons pas eu, en tout cas dans le sud du Yukon, des températures assez froides pour tuer le ravageur.

On ne semble pas avoir accordé beaucoup d'attention à ce problème. Nous avons une petite industrie forestière au Yukon. Elle est concentrée dans la région du parc Kluane, de Haines Junction. Il y une industrie plus importante à la frontière entre la Colombie-Britannique et le Yukon, dans la région du lac Watson.

Encore une fois, comme il s'agit d'une forêt boréale, les températures y sont plus élevées et le nombre d'orages électriques, plus nombreux. Nous en avons d'ailleurs beaucoup maintenant. Puisque « l'ours Smokey » a si bien rempli son rôle, nous avons des forêts riches en combustibles au niveau du sol. Les feux de forêts, aujourd'hui, brulent également la couche arable parce qu'ils sont très intenses.

Ce phénomène, de même que la hausse des températures, peu importe les facteurs qui en sont à l'origine, devraient préoccuper au plus haut point le secteur forestier, y compris le gouvernement fédéral et les provinces.

Pouvez-vous nous dire quelles sont les prévisions à long terme en ce qui concerne ce secteur? Les incendies, tout comme les infestions, sont beaucoup plus fréquents dans les forêts boréales. Quelles mesures prévoyons-nous prendre pour lutter contre ces fléaux?

M. Lunn : Vous soulevez un point important. Le dendroctone du pin n'est pas uniquement présent en Colombie- Britannique. Par ailleurs, je sais ce qui se passe au Yukon avec le dendroctone du pin et la tordeuse des bourgeons de l'épinette. J'en ai discuté avec le ministre des Forêts du Yukon.

Je tiens à préciser que le Yukon n'est pas le seul à être confronté à ce problème. Le longicorne brun de l'épinette cause des dommages dans d'autres régions du pays. Il existe de nombreux types de ravageurs au Canada. Le dendroctone du pin est également présent dans l'Okanagan.

Notre ministère s'intéresse à la question et a mis au point une stratégie nationale de lutte antiparasitaire. Nos efforts ne se limitent pas uniquement au dendroctone du pin. La présence de ce ravageur a, bien sûr, des répercussions énormes sur l'économie de la Colombie-Britannique et cause des dommages aux forêts. Les infestations de ravageurs, y compris du dendroctone du pin, frappent toutes nos forêts. Elles entraînent plusieurs conséquences : mentionnons, par exemple, une augmentation des incendies de forêts, comme vous l'avez correctement indiqué.

Les scientifiques du ministère se penchent sur le problème. Ils mènent des recherches, essaient de trouver des moyens d'atténuer les effets des infestations, de les maîtriser. J'ai discuté avec eux des mesures que nous pouvons prendre pour contenir les infestations dans les régions touchées.

Autre point : nous sommes en train d'élaborer une stratégie de protection de la faune. Les provinces collaborent ensemble, financent l'initiative et partagent les ressources ainsi qu'une base de données. Les incendies de forêts et les ravageurs ne reconnaissent pas les frontières. Voilà pourquoi nous devons unir nos efforts dans ce domaine.

La stratégie de protection de la faune a été entérinée à l'unanimité par le Conseil canadien des ministres des forêts. Le sujet a été inscrit à l'ordre du jour de nos prochaines réunions. Le Conseil doit se réunir à Whitehorse, en septembre. Nous allons examiner ce dossier en profondeur, dossier auquel notre ministère consacre beaucoup d'énergie.

Le sénateur Tkachuk : Je voudrais aborder deux points, dont celui du dendroctone du pin. Mais permettez-moi d'abord de vous féliciter pour votre nomination et de vous souhaiter la bienvenue au comité. Je viens tout juste de vérifier auprès du président : nous avons mené, en 2002, une étude sur les effets des changements climatiques sur l'agriculture. Nous ne nous sommes pas attaqués aux causes, mais plutôt aux impacts des changements climatiques.

À l'époque, les témoins — et les membres du comité qui étaient présents s'en souviendront — nous avaient dit que les températures plus chaudes favorisaient l'infestation du dendroctone du pin — autrement dit, le nombre de dendroctones du pin augmente de façon excessive.

Toutefois, un scientifique de l'Université de la Colombie-Britannique ou de Victoria, je ne sais plus, avait déclaré avoir lancé une mise en garde au gouvernement de la Colombie-Britannique quand il a adopté, il y a des années de cela, sa politique d'aménagement des forêts, politique qui proposait de contenir les incendies, de les supprimer immédiatement au lieu de les laisser brûler naturellement. Il avait affirmé que cette pratique allait provoquer l'infestation du dendroctone du pin. Les Américains utilisent, depuis des années, une approche légèrement différente. En Saskatchewan, dès qu'un petit feu de broussaille se manifeste, on cherche à l'éteindre avec de l'eau et des avions- citernes. La plupart du temps, ces feux ne sont pas causés par l'homme, mais par la foudre. Il s'agit d'un processus naturel.

Est-ce que nous menons des recherches sur la question, afin de voir s'il ne serait pas préférable de laisser brûler les forêts quand la foudre frappe ou, à tout le moins, de les laisser brûler plus longtemps avant d'intervenir?

Richard B. Fadden, sous-ministre des Ressources naturelles, Ressources naturelles Canada : En fait, les feux sont une composante important de la croissance et de l'aménagement des peuplements forestiers. La question qu'il faut se poser est la suivante, et il n'y a pas de réponse parfaite : quels feux doit-on laisser brûler plus longtemps, et à quel endroit? Quand il n'y a pas de feux, les forêts finissent par mourir.

On a tendance à croire, depuis quelques années, qu'il y a trop d'incendies de forêt au Canada. Divers facteurs interviennent dans la décision des provinces, qui sont principalement responsables de la gestion des forêts, de laisser brûler les feux.

La lutte antiparasitaire n'est pas le seul élément qui entre en ligne de compte. Il y a également la proximité des infestations aux collectivités, l'impact qu'elles ont sur les industries et autres questions de ce genre.

Bref, les feux de forêt sont essentiels. Que faire dans les circonstances, voilà la question difficile à laquelle doivent répondre les décideurs.

Le sénateur Tkachuk : J'aurais aimé qu'on trouve le moyen d'exporter les températures de -40 que nous avons connues en Saskatchewan en février dernier. Cela aurait permis de régler le problème.

J'aimerais parler de l'accord-cadre sur le bois d'œuvre qui a été conclu en avril. On a écrit et dit beaucoup de choses à ce sujet. Que pensez-vous de l'accord? Vous pourriez peut-être nous parler non seulement de ses points faibles, mais également de ses points forts. Est-ce que les États-Unis ont été mieux traités que le Canada? En quoi l'accord est-il positif, et en quoi est-il négatif? Comment devons-nous nous préparer en vue de la prochaine ronde de négociations? Est-ce que l'accord est assorti d'une date d'expiration? Je suis certain que les négociations vont se poursuivre une fois l'accord mis en œuvre. Il va permettre à l'industrie de bénéficier d'une certaine stabilité à plus long terme, et entraîner un véritable retour au libre-échange.

M. Lunn : C'est un sujet très intéressant qui mérite d'être débattu.

D'après les médias, j'aurais déclaré que cet accord constitue une bonne nouvelle pour le Canada. Il s'agit, en fait, d'une victoire énorme. Certains de nos adversaires politiques soutiennent le contraire. Or, j'ai travaillé dans le secteur forestier, j'ai vécu dans des villes monoindustrielles, et j'ai été témoin de l'impact qu'ont sur ces collectivités les différends commerciaux qui persistent.

Avant de vous expliquer pourquoi cet accord est si avantageux, je vais vous parler de certaines de ces modalités. À l'heure actuelle, le prix du bois sur le marché libre est d'environ 365 $ le mille pieds-planches. Si le prix dépasse 355 $, nous aurons un accès libre au marché américain. Aucun quota, tarif, droit à l'importation n'est imposé. Le marché est entièrement libre.

La région de l'Atlantique a obtenu l'exemption quelle recherchait et à laquelle elle tenait absolument.

Le Québec avait des différends avec certaines scieries frontalières. Or, quelque 32 scieries frontalières — et deux autres pourraient être visées, un sujet qui fait l'objet des discussions — sont exemptées de l'accord. Il s'agit-là d'un point important pour cette province.

L'Ontario et la Colombie-Britannique voulaient une entente qui leur accorderait une certaine flexibilité, surtout en cas fléchissement dans le marché. Les États-Unis, eux, cherchaient à obtenir des compromis. Diverses régions de la Colombie-Britannique, comme la région côtière, voulaient des garanties différentes. Elles tenaient à protégées. Au même moment, les régions à l'intérieur disaient, « Nous ne voulons pas de quotas, peu importe les circonstances. Si des quotas sont imposés, nous allons rejeter l'accord. »

Les négociateurs avaient donc des défis uniques à relever dans chacune des régions du pays. En gros, chaque province peut, en vertu de l'accord, imposer une taxe à l'exportation, sans quotas, si le prix du bois sur le marché commence à fléchir. Elles peuvent exporter autant de bois qu'elles désirent. Si le prix du marché tombe sous les 355 $, qu'il s'établit à 355 $, elles devront payer une taxe à l'exportation qui pourrait varier de 5 à 15 p. 100. Au pire, elles paieraient moins, avec cette taxe à l'exportation, qu'elles ne font actuellement.

D'autres provinces, comme l'Ontario, ont affirmé pouvoir vivre avec des quotas. La taxe à l'exportation qu'elles verseraient serait moins élevée; elle varierait de 2 à 3 p. 100, selon les conditions du marché. Nous pouvons vous fournir les chiffres précis, si vous voulez.

Le fait est que, dans le pire des scénarios, la taxe à l'importation serait beaucoup moins élevée que celle que nous payons aujourd'hui. L'argent resterait au Canada, et c'est là un point fort important. Voilà pourquoi cet accord est une grande victoire.

Concernant les 5 milliards de dollars, dont on a fait grand cas dans les médias, d'aucuns se demandent pourquoi les Américains gardent une partie de l'argent. Pourquoi leur accorde-t-on 500 millions de dollars?

Une voix : Il s'agissait de 1,2 milliard de dollars.

M. Lunn : Permettez-moi de vous corriger; il s'agit en fait d'environ 5 milliards de dollars. Au moins 80 p. 100, approximativement, est garanti. L'industrie forestière canadienne récupérera à peu près 4 milliards de dollars. Elle a désespérément besoin de cet argent. Les États-Unis n'ont pas reçu 1,2 milliard de dollars, ou 20 p. 100. Ils ont obtenu 10 p. 100, qui a été versé dans un fonds conjoint destiné à aider l'industrie des deux côtés de la frontière. Il y a aussi un fonds réservé à des causes humanitaires, comme le nettoyage des dégâts causés par l'ouragan Katrina. Il existe également un fonds destiné à financer des projets de recherche conjoints sur la façon d'accroître la compétitivité de l'industrie. Cela va dans l'intérêt des deux pays.

Les autres 10 p. 100, soit environ 0,5 milliard de dollars, permettront à l'industrie américaine de récupérer le coût des frais juridiques. C'est la somme qu'elle a obtenue. Elle a reçu 500 millions de dollars, à savoir 10 p. 100, pour récupérer le coût des frais juridiques. La plupart des gens savent que lorsqu'on entreprend des procédures judiciaires, il est rare qu'on obtienne tout ou rien. Ceux qui ont fait de l'argent grâce à cette affaire au cours de la dernière décennie, ce sont les avocats. Ils ont fait des centaines de millions de dollars. Vous savez quelles sont les personnes qui s'opposent à cela.

Nous avons comparu devant des groupes spéciaux de l'OMC et de l'ALENA. Nous avons gagné la majorité de nos causes, cela ne fait aucun doute. Nous avons perdu quelques batailles, car il est impossible de toutes les remporter.

C'est la première fois que nous parvenons à un accord aussi complet et aussi bon.

Je le souligne encore une fois, selon les conditions actuelles du marché, nous bénéficions d'un libre-échange total. Nous avons de la souplesse dans toutes les régions.

Certains ont affirmé que nous avons abandonné notre souveraineté. C'est tout à fait insensé. C'est entièrement le contraire. Nous avons négocié un accord en vertu duquel notre souveraineté est protégée. Il faut se demander à quoi ils s'en prenaient. Ils s'en prenaient à nos politiques forestières provinciales, notamment à la politique des droits de coupe de la Colombie-Britannique. C'est exactement ce que nous avons protégé. Nous avons négocié un accord-cadre qui protège nos politiques provinciales.

Il y a d'autres problèmes qui concernent les droits de coupe en Colombie-Britannique, et si vous le souhaitez, nous pouvons entrer dans les détails à ce sujet. Je peux vous dire notamment que ces problèmes seront réglés.

Vous avez parlé de la certitude et de la durée de l'accord. Cet accord offrira une certitude à l'industrie pendant sept ans, et il peut être prolongé de deux autres années. Cela signifie donc neuf ans de certitude. C'est pourquoi nous avons conclu cette entente. L'industrie peut gérer la certitude, mais pas l'incertitude.

Je suis le plus fervent partisan de cet accord. Il nous le fallait absolument. Je félicite notre nouveau premier ministre d'en avoir fait une priorité. Il a risqué beaucoup pour que cette entente se concrétise, à l'instar du président des États- Unis.

Je ne pourrais pas défendre plus ardemment cet accord. Il ne présente aucun point négatif. Certains membres de l'industrie qui s'y opposent le font parce qu'ils ont un intérêt direct, et je comprends cela. Certaines entreprises canadiennes s'opposent à l'accord parce que cela va dans leur intérêt sur le plan financier. Elles ont investi dans leurs scieries. Il s'agit d'entreprises importantes et modernes. Elles savent qu'elles sont en mesure de chasser des concurrents, et c'est exactement ce qu'elles veulent faire. C'est dans leur intérêt à long terme. Cependant, cela ne va pas dans l'intérêt des Canadiens ni du secteur forestier, et c'est pourquoi le gouvernement a pris cette décision. Nous allons veiller à ce que cet accord soit signé.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que j'étais en train de poser des questions? La réponse était tellement longue que j'ai oublié.

La présidente : Vous l'étiez, en effet.

M. Lunn : Je suis désolé d'avoir été aussi long.

La présidente : C'était certes une réponse complète. Le ministre est avec nous pour un peu moins de 25 minutes. Si vous êtes brefs, nous pourrons lui poser un certain nombre de questions. Le sous-ministre et le sous-ministre adjoint seront là pendant une autre heure encore.

Le sénateur Mahovlich : Je suis désolé d'être intervenu.

Le sénateur Cordy : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. Le premier ministre vous a confié un ministère qui vous passionne, et je vous félicite pour votre nomination. Je voudrais revenir à l'accord sur le bois d'oeuvre. Je ne suis pas un membre de ce comité, mais je crois qu'il faut vivre sur une autre planète pour ne pas être au courant de cet accord.

Pouvez-vous me dire ce qui se passe en ce moment à ce sujet? L'accord-cadre, ou l'accord de principe, a été défini, mais il n'a pas encore été signé. J'aimerais savoir ce qui se passera prochainement et quand vous vous attendez à ce qu'il soit signé. Vous avez mentionné tout à l'heure qu'il y a des procédures judiciaires en cours. Quelle incidence auront-elles sur le moment de la signature de l'accord? Par ailleurs, les médias ont rapporté, et je ne veux pas laisser entendre que je crois tout ce qu'on affirme dans les médias, que le gouvernement fédéral exerce des pressions sur les entreprises pour qu'elles acceptent l'accord et qu'elles mettent fin à leurs procédures judiciaires. Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passera entre maintenant et la signature de l'accord?

M. Lunn : Merci, sénateur. Comme vous le savez, nous avons en effet défini un accord-cadre. Les négociateurs sont en train de rédiger le texte final, et ils travaillent avec acharnement. Nous allons nous concentrer là-dessus au cours des prochains mois. Je ne peux pas vous donner une date exacte — j'hésite toujours à faire cela d'ailleurs — mais je peux vous dire que la rédaction du texte final de l'accord-cadre sera une priorité dans les mois à venir. Il est question de mois, mais pas davantage. Nous voulons que cela se fasse le plus rapidement possible. J'ai bon espoir que nous y arriverons.

Certains problèmes existent. Par exemple, la Colombie-Britannique est en train de modifier son système de droits de coupe dans la région de l'intérieur de sorte qu'il soit axé sur les forces du marché. Ce changement n'est pas tout à fait terminé, mais je peux vous dire que ce système de droits de coupe en Colombie-Britannique est en partie à l'origine du différend. Je le répète, ces problèmes seront tous réglés, et cela se fera en l'espace de quelques mois, pas plus.

Pour ce qui est de récupérer les quatre milliards de dollars, il faut remonter dans le temps, et c'est plus facile à faire dans certains cas. Certaines grandes entreprises ont mieux tenu leurs livres, et il est donc plus facile dans leur cas de remonter dans le temps. Il ne fait aucun doute qu'il pourrait falloir six ou neuf mois pour remettre à l'industrie les quatre milliards de dollars. Il faut traiter tous les cas individuellement. Il s'agit toutefois d'un avoir sur lequel l'industrie peut compter et utiliser entre autres pour emprunter. Il est compris dans le résultat net.

Des entreprises des deux côtés de la frontière ont entrepris des procédures judiciaires. Lorsque l'accord sera signé, je m'attends à ce que ces entreprises mettent fin à leurs procédures. Elles concernent des différends commerciaux entre l'industrie et les gouvernements, et les entreprises ont le droit d'entamer des poursuites judiciaires. Je présume que les entreprises n'y mettront pas fin tant qu'elles en verront l'utilité. Ce sont des membres de l'industrie qui ont intenté des poursuites contre divers gouvernements. Ils ont le droit de le faire, et les procédures suivront leur cours. Je ne crois pas que ces poursuites auront une incidence directe sur la signature de l'accord final. Tout le monde sait qu'il s'agit de différends commerciaux, et qu'il y en a toujours.

Le sénateur Cordy : Le gouvernement fédéral exerce-t-il des pressions sur ces entreprises?

M. Lunn : Je prononce mon discours devant leur conseil d'administration. Est-ce que cela équivaut à exercer des pressions? Quand elles s'opposent, je défends l'accord encore plus vivement, car je crois fermement que c'est ce qu'il faut faire. Si cela correspond à exercer des pressions, alors je vous réponds oui. Je ne me gêne pas pour m'entretenir avec elles. Je l'ai d'ailleurs fait. Je rencontre les entreprises forestières, et lorsqu'elles appellent mon bureau, je les rappelle. J'ai dîné avec les membres de l'Association des produits forestiers du Canada, et j'ai été très bien accueilli; la rencontre a été très positive. J'ai aussi téléphoné à des PDG d'entreprises qui s'opposent à l'accord. Je veux obtenir leurs commentaires et en faire part au Cabinet. Il est important de connaître toutes les préoccupations. Vous savez probablement où je veux en venir. Si tout cela équivaut à exercer des pressions, c'est ainsi.

Le sénateur Cordy : Serait-il possible de déposer auprès de la greffière du comité une copie de l'accord de principe, de l'accord-cadre?

M. Lunn : Si c'est possible, je serai ravi de le faire, mais je ne peux pas vous répondre. Est-ce que c'est du domaine public?

M. Fadden : Je crois que oui.

M. Lunn : Si c'est du domaine public, et que nous sommes autorisés à le déposer, je serai ravi de le faire.

Le sénateur Mahovlich : J'aimerais qu'une copie soit envoyée à mon bureau également.

La présidente : La parole est maintenant au sénateur Nolin. Je me demande, sénateur Mahovlich, si vous accepteriez de laisser d'autres membres poser des questions. Merci.

[Français]

Le sénateur Nolin : Merci, monsieur le ministre, d'avoir accepté notre invitation. Je voudrais, moi aussi, vous féliciter pour votre nomination. Je pense que le premier ministre a fait un bon choix. De toute évidence, la passion qui vous anime est une garantie de l'efficacité et du succès que vous allez atteindre.

Il y a deux champs de questions qui m'intéressent ce matin, à savoir la question du développement durable et la question des emplois reliés à l'industrie de la forêt.

En premier lieu, les Canadiens français québécois qui nous écoutent sont familiers avec un débat que nous avons au Québec depuis une dizaine d'années. L'industrie de la forêt est la plus importante industrie au Québec; que ce soit pour le bois ou le papier, c'est là que se génère la plus grosse activité économique québécoise. Et les Québécois sont témoins d'un débat qui dure depuis plus d'une dizaine d'années. D'un côté, vous avez un chanteur populaire, Richard Desjardins, qui est très articulé dans la défense de son point de vue. Il attaque de front l'industrie et l'accuse de ne pas s'employer adéquatement à promouvoir des techniques de développement durable. Il a même produit un film à l'appui de ses prétentions et les Québécois ont été, dans bien des domaines, effrayés de voir cela. En effet, beaucoup de Québécois sont des citoyens urbains, comme je le suis, et les activités forestières sont souvent loin de notre vue. Et lorsque nous voyons un film comme celui de M. Desjardins, cela nous préoccupe.

D'un autre côté, vous avez une association de producteur, très articulée, entre autres, dont le porte-parole est un ancien ministre du parti québécois, M. Chevrette, qui fait bien son travail et qui prétend que l'industrie, au contraire, s'emploie à faire du développement durable.

Est-ce qu'il est de votre responsabilité de guider les Québécois dans cette réflexion? Nous sommes confrontés à des opinions contradictoires, souvent imagées, qui choquent l'opinion publique. Comme il s'agit là de l'industrie la plus importante du Québec, les Québécois veulent avoir des indicateurs. Est-ce que nous avons, au Canada, une stratégie de développement durable de la forêt et si oui, y a-t-il des indicateurs qui sont à la disposition de la population pour nous aider à voir clair dans le domaine?

[Traduction]

M. Lunn : Je vous remercie beaucoup. D'abord, je dois vous dire qu'il s'agit d'une priorité. La durabilité des forêts est essentielle. Si nous ne misons pas là-dessus, nous allons tout perdre. C'est sans aucun doute une priorité pour le gouvernement fédéral et les provinces. Le ministère des Ressources naturelles investit beaucoup dans l'aménagement durable des forêts à l'échelle du pays. Le Canada possède le plus grand nombre de forêts certifiées au monde.

[Français]

Le sénateur Nolin : Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interrompre. Vous nous dites cela et les Québécois vous écoutent. Sur le site du ministère, est-ce qu'il y a moyen pour un citoyen de s'informer, d'aller voir si un arbitre indépendant peut guider les Québécois afin de savoir si c'est M. Desjardins ou l'ancien ministre Chevrette qui dit vrai? Vous pouvez nous faire cette affirmation.

Finalement, est ce qu'il y-a des indicateurs de réussite qui sont à la disposition de la population?

[Traduction]

M. Lunn : Notre ministère utilise 46 indicateurs différents. Nous examinons ces indicateurs pour veiller à la durabilité à long terme des forêts, pour cerner les régions négligées et surveiller la situation. Ils portent sur divers aspects, notamment les aspects environnemental, social et économique.

Certains indicateurs servent par exemple à suivre l'évolution de l'état des forêts dans les zones protégées, à évaluer les populations de certaines espèces et à étudier les régions endommagées par des incendies ou des insectes. Quelles sont les répercussions? Les scientifiques — et je ne prétends pas en être un — étudient tous ces indicateurs pour faire en sorte que nous suivions de près la durabilité à long terme. D'autres indicateurs nous permettent de mesurer les taux de coupes annuels pour assurer la durabilité.

Nous consultons abondamment les Autochtones au sujet de la planification de l'aménagement des forêts. Le Service canadien des forêts accomplit beaucoup de travail à cet égard et il collabore avec l'industrie.

Je suis d'avis qu'il va autant dans l'intérêt de l'industrie que dans celui du gouvernement d'assurer la durabilité des forêts. Les entreprises forestières veulent continuer d'exister à long terme. C'est ce qu'elles m'ont affirmé.

L'exploitation forestière d'il y a vingt ans est très différente de ce qu'elle était il y a cinq ans et de ce qu'elle est aujourd'hui. Il ne fait aucun doute que les pratiques d'il y a vingt ou trente ans ne sont plus acceptables aujourd'hui. Elles ont changé de façon dramatique. Nous avons mis en place des pratiques de coupes sélectives, et les lieux, les conditions et les méthodes d'exploitation ne sont plus les mêmes.

J'ai été étonné d'apprendre qu'à certains endroits sur la côte, on retire les arbres de la forêt par hélicoptère. On ne les fait pas tomber sur le sol. Une personne procède dans l'arbre à l'ébranchage; l'arbre ne touche jamais le sol. On installe ensuite sur l'arbre un grappin qui est relié à un hélicoptère, on coupe la base de l'arbre et l'hélicoptère le monte dans les airs, ce qui cause moins de dommage à la forêt.

[Français]

Le sénateur Nolin : Monsieur le ministre, vous devriez dire que dans votre province, les plus petits arbres ont cinq pieds de diamètre alors que dans ma province, les plus gros arbres ont un pied de diamètre!

[Traduction]

M. Lunn : On veille à utiliser des techniques axées sur la durabilité, ce qui est important. Chaque région du pays comporte ses propres défis. L'aménagement durable des forêts va dans l'intérêt de chacun et nous continuerons d'y consacrer des ressources, selon le niveau actuel, en vue d'assurer la durabilité des forêts.

Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Emmet?

La présidente : Monsieur Emmet, pourrions-nous revenir à cette question après le départ du ministre; si vous n'y voyez pas d'objection, monsieur le sénateur Nolin?

Le sénateur Peterson : Je remercie les témoins. Je suis originaire de la Saskatchewan, dont les forêts sont touchées par la maladie hollandaise de l'orme. Mais ma question ne porte pas là-dessus.

Je veux revenir sur le sujet du bois d'œuvre. Je félicite les négociateurs d'avoir obtenu la mise en place d'une taxe à l'exportation. Ce n'est pas la taxe la plus souhaitable, mais elle signifie au moins que l'argent restera au Canada.

La cause première du problème semble être la propriété de cette ressource naturelle, surtout au Canada, car elle se trouve sur des terres de la Couronne. N'y a-t-il pas moyen de modifier la structure pour qu'elle soit acceptable aux yeux de nos voisins, ce qui nous permettrait ainsi de rester dans la course et de bénéficier d'exemptions? Il doit bien y avoir une façon d'y parvenir.

M. Lunn : Je vais probablement m'attirer des ennuis parce que je vais vous donner mon point de vue à cet égard.

Le sénateur Tkachuk : C'est ce que veulent les libéraux, monsieur le ministre.

M. Lunn : Le sous-ministre me donne des coups de pied sous la table.

Il s'agit-là d'un réel problème, mais je ne crois pas que ce soit la cause principale. Les terres de la Colombie- Britannique, d'où provient 50 p. 100 du bois d'œuvre, sont principalement des terres de la Couronne. Comme vous le savez, au Canada atlantique, les terres sont privées, et cette région bénéficie d'une exemption. On accusait la Colombie- Britannique de subventionner lourdement l'industrie du bois, alors qu'a-t-elle fait? Elle est passée à un système de droits de coupe axé sur les forces du marché.

Les États-Unis ont accusé cette province d'utiliser certaines pratiques, et la Colombie-Britannique a essayé de prendre des mesures à l'égard de chacune d'elle. Elle a mis en œuvre des lois au cours des quatre dernières années visant à modifier son système de droits de coupe de sorte qu'il soit davantage axé sur les forces du marché pour essayer de régler les différends.

Je ne crois pas que ce soit là le problème; je pense que c'est plutôt la part du marché. C'est mon opinion personnelle. Au-delà de 34 p. 100, l'industrie américaine commence à s'effondrer. C'est ce qui s'est produit dans d'autres secteurs aux États-Unis, par exemple, dans les domaines des pommes de terre et de l'acier. Ce n'est pas nouveau. L'industrie américaine du bois d'œuvre constitue l'un des groupes de pression les plus puissants aux États-Unis. À mon avis, le problème tient plutôt à la part de marché, et c'est pourquoi cet accord nous confère de la certitude.

Il nous permet d'aller au-delà des 34 p. 100 selon les conditions actuelles du marché. Notre part de marché s'est toujours située entre 28 et 32 p. 100, mais à mesure que ce pourcentage augmente, l'industrie américaine commence à s'en ressentir.

C'est la Colombie-Britannique qui est visée en particulier parce que 50 p. 100 des exportations de bois d'œuvre aux États-Unis provient de cette province. L'industrie américaine s'en prend à la Colombie-Britannique, qui a modifié considérablement ses politiques en matière de droits de coupe pour qu'elles soient davantage axées sur les forces du marché. D'autres changements seront apportés, et il est fort probable qu'ils soient inclus dans la version finale de l'accord, ce qui sera dans l'intérêt de chacun.

Le sénateur Peterson : Je suis d'accord avec vous pour ce qui est de la part de marché. Une fois que nous atteignons ce pourcentage, est-ce que les régions exemptées, comme celle de l'Atlantique, sont exclues?

M. Lunn : Les quatre provinces de l'Atlantique bénéficient d'une exemption complète. Elles ont donc libre accès aux marchés américains, peu importe les conditions, je crois. C'est la situation qui existe depuis toujours; il est important de le souligner. Ce n'est rien de nouveau.

Le sénateur Mitchell : J'ai deux brèves questions à poser. J'aimerais obtenir une copie de l'accord, mais vous avez affirmé que vous ne savez pas si c'est du domaine public. Je voudrais savoir pourquoi et quand pensez-vous que nous pourrions en recevoir une copie?

M. Lunn : Lorsque j'ai participé à l'émission de Mike Duffy, le ministre ontarien des Forêts en a lu des extraits. À ce moment-là, nous n'avions pas encore conclu un accord comme tel, mais il en lisait des extraits à la télévision. Je n'ai cessé de répéter qu'un accord n'avait pas encore été conclu. Pour l'instant, il n'y a qu'un accord-cadre. Il contient les principes sur lesquels on s'appuie en ce moment pour négocier le texte final. Un certain nombre de questions ont été soulevées. Les négociateurs travaillent avec acharnement à la rédaction du texte final en se fondant sur l'accord-cadre.

Le sénateur Mitchell : On a laissé entendre que le Canada devrait obtenir l'approbation de Washington, en vertu des modalités de l'accord, quant à tout changement concernant la politique forestière. Est-ce vrai? Si oui, quelle serait l'incidence sur notre souveraineté?

M. Lunn : Vous faites référence à la disposition anticontournement. Elle vise à établir que l'accord sera en vigueur pendant sept ans, durée qui peut être prolongée de deux années, et que les règles ne peuvent pas être modifiées en cours de route. Cela vaut pour les deux pays. Cette disposition protège le Canada également. Les États-Unis ne peuvent pas non plus effectuer des changements.

Il s'agit d'une disposition assez courante. Elle contribue à protéger notre souveraineté sur le plan de nos politiques forestières, que critiquent les États-Unis. Quant à l'approbation, il s'agit d'une disposition courante dans les accords, et cela vaut pour les deux pays. Tout ce qu'elle signifie, ce qu'il est impossible de modifier les règles; c'est ce sur quoi repose l'accord qui sera en vigueur au cours des sept prochaines années. S'il existe une bonne raison de modifier la politique forestière, et que la modification va dans l'intérêt de chacun, nous allons collaborer à cet égard. Cette disposition concerne les deux pays et elle est nécessaire.

Le sénateur Mitchell : Les forêts peuvent donner lieu à deux avantages sur le plan de l'environnement. Premièrement, elles constituent des puits de carbone et, deuxièmement, les produits forestiers peuvent servir à produire des biocarburants. Quel rôle jouez-vous avec le ministre de l'Environnement à ce chapitre-là? Connaissez-vous l'organisme BIOCAP, qui effectue de nombreux travaux de haut niveau à l'Université Queen's? Travaillez-vous avez lui?

M. Lunn : Je ne sais pas si nous travaillons avec lui. J'ai entendu parler de cet organisme, car je m'intéresse vivement aux recherches qu'il effectue.

M. Emmett : Nous travaillons avec cet organisme.

M. Lunn : Je crois que nous finançons ses travaux, mais je ne savais pas que nous travaillions avec lui. Pour ce qui est des biocarburants, la ministre de l'Environnement, le ministre de l'Agriculture et moi-même allons annoncer la semaine prochaine en Saskatchewan notre initiative en matière de biocarburants. Il s'agit là d'une annonce importante.

D'après mes lectures, je peux affirmer que le secteur forestier mène des recherches dans ce domaine. Le Brésil, quant à lui, effectue depuis longtemps des travaux sur la canne à sucre, qu'il est facile de transformer en biocarburant. Au Canada, nous transformons des produits agricoles en sucre pour en faire ensuite du biocarburant. Dans le secteur forestier, c'est relativement nouveau. L'Europe nous devance à ce chapitre; il y a beaucoup de potentiel. Je crois que la Norvège est en train de mettre sur pied une usine d'éthanol fabriqué à partir de produits forestiers, ce qui montre donc le potentiel qui existe dans ces marchés.

Durant la campagne électorale, notre parti s'est engagé à faire en sorte que d'ici 2010, l'essence contienne en moyenne 5 p. 100 d'éthanol. Nous allons respecter cet engagement et nous sommes en voie d'atteindre cet objectif.

La présidente : Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons sans aucun doute vous inviter de nouveau. Nous pourrions peut-être tenir une séance en soirée qui pourrait être plus longue.

M. Lunn : Je vous remercie beaucoup, j'ai bien aimé mon expérience.

La présidente : Les deux hauts fonctionnaires du ministère sont disposés à rester avec nous pendant une demi-heure encore. Continuons.

Le sénateur Oliver : J'ai une question pour M. Fadden. Lors de son exposé, le ministre a déclaré qu'il avait l'intention de regrouper trois instituts de recherche forestière afin d'améliorer le rendement. Pouvez-vous nous dire lesquels et comment cela s'effectuera — est-ce que certains seront éliminés? Pouvez-vous nous dire aussi où sera situé cette nouvelle entité et où se trouvera le nouveau Centre de la fibre virtuel et ce qu'il fera?

Je vais demander à M. Emmett de répondre à cette question, car c'est lui qui est à l'origine de cette initiative.

M. Emmett : Si vous me le permettez, sénateur, je vais d'abord vous répondre au sujet du Centre de la fibre virtuel. C'est le Service canadien des forêts qui l'a mis sur pied. Nous avons décidé d'accroître la transparence de nos activités visant à appuyer l'industrie et la rentabilité commerciale et de faire en sorte qu'elles soient beaucoup plus étroitement liées aux priorités de l'industrie.

C'est pourquoi nous avons créé un institut virtuel au sein du Service canadien des forêts, qui disposera de cinq laboratoires au pays. Il n'y aura pas de changements ni de pertes d'emploi. Nous aurons une sorte de conseil d'administration qui nous aidera à établir les priorités, à orienter nos recherches et à veiller à ce que nos activités favorisent la rentabilité de l'industrie.

En tant que ministère, il nous incombe de mener de recherches sur les politiques publiques également. Nous ne voulons pas négliger cela. Environ 80 p. 100 de nos ressources continueront d'être consacrées à la recherche sur les politiques publiques. Les 20 p. 100 qui restent seront affectés à cet institut virtuel qu'est le Centre de la fibre. Nous avons embauché un directeur exécutif qui travaille avec acharnement pour faire démarrer le centre et former un conseil d'administration et une équipe de conception. Il travaille à Ottawa, mais les employés sont répartis dans les cinq laboratoires établis au Canada.

Pour ce qui est des trois instituts de recherche forestière, il s'agit de l'Institut canadien de génie forestier, qui possède des laboratoires à Vancouver et à Montréal; de Paprican, qui a lui aussi des laboratoires à Vancouver et à Montréal; et de Forintek, qui mène essentiellement des recherches sur le bois massif et qui détient des laboratoires à Québec et à Vancouver. Ce sont des instituts sans but lucratif, financés par les sociétés forestières qui en sont membres. Nous fournissons du financement de base à deux d'entre eux, à savoir l'Institut canadien de génie forestier et Forintek, et nous siégeons à leur conseil d'administration.

Les grandes sociétés membres de ces instituts, particulièrement, sont d'avis que le fait d'avoir trois instituts distincts contribue à fragmenter la recherche au pays. En outre, cela rend l'innovation dans le domaine forestier complexe et empêche la recherche dans ce domaine d'avoir sa juste place dans le monde de la recherche et du développement au pays. Les entreprises membres et le gouvernement souhaitent rassembler ces trois institutions en une seule dirigée par un PDG, mais qui compterait aussi des chefs de section. Nous souhaitons obtenir en juin un vote en faveur de cette fusion au sein des conseils d'administration. Je ne m'attends à aucune fermeture ni à aucune modification de la structure régionale. J'aimerais que le nouveau Centre de la fibre virtuel du Service canadien des forêts soit géré par le conseil d'administration et le PDG du nouvel institut intégré de sorte que les quatre différents instituts, qui sont actuellement séparés, formeront, à l'été ou à l'automne, l'institut de recherche forestière le plus important au monde. L'innovation est essentielle à la survie de l'industrie. Comme il est impossible de faire pousser des arbres plus rapidement au Canada qu'au Brésil et qu'on ne peut pas créer une forêt plus grande que celle de la Russie, il faut donc être perspicaces, regrouper nos instituts et établir nos priorités avec justesse.

Le sénateur Oliver : C'est passionnant de voir que vous modernisez nos instituts de recherche et que vous en améliorez l'efficacité.

[Français]

Le sénateur Nolin : Je voudrais permettre au sous-ministre adjoint, M. Emmett, de poursuivre sa réponse au sujet du développement forestier durable.

Un citoyen ordinaire qui s'intéresse à la question a-t-il accès à des données en ligne pour voir si son coin de pays est développé de façon durable? Si non, quelles sont les mesures à la disposition de la population qui font en sorte qu'un tel développement durable se fait dans sa région?

[Traduction]

M. Hemmet : Je suggère de commencer par le site Web de Ressources naturelles Canada et de naviguer jusqu'au secteur de la foresterie. Nous sommes en train de rendre ce site plus accessible et plus convivial. Je vous suggère également de visiter le site de l'ACPP. Je serai heureux de vous faire parvenir les adresses de ces sites Web. Je voudrais également regarder deux ou trois adresses d'organismes qui ne font pas partie du gouvernement et qui sont à l'extérieur de l'industrie afin que les sénateurs puissent avoir une idée juste de ce que les personnes pensent de l'industrie.

Votre question au sujet des indicateurs était fascinante. Mon problème, c'est que je ne peux me souvenir des 46 indicateurs. Le meilleur indicateur, c'est le consommateur, car il est extrêmement conscient des pratiques des producteurs qui offrent les produits qu'il consomme. Le consommateur peut aller chez Wal-Mart et lire l'étiquette qui dit qu'un produit a été fabriqué sans exploiter la main d'œuvre enfantine. Les gens ont la même attitude à l'égard de l'industrie. Elles veulent que les arbres soient récoltés d'une manière durable de manière à respecter l'environnement, les collectivités et les Autochtones. Le vrai indicateur, c'est de savoir si l'industrie forestière peut continuer à vendre ses produits dans un marché responsable tout en ayant la permission des citoyens du Canada de récolter les arbres. L'industrie est extrêmement consciente de ces deux exigences et travaille très fort à les respecter. Le ministre a dit que lorsque l'on va dans la forêt aujourd'hui, on peut voir que l'industrie n'est plus la même qu'il y a 20 ans, les choses ayant beaucoup changé. L'industrie est-elle parfaite? Absolument pas. Travaille-t-elle continuellement à améliorer les choses et à apprendre? Je crois que oui. Elle a une bonne réputation parmi les industries canadiennes à titre d'industrie responsable et durable.

[Français]

Le sénateur Nolin : Monsieur le sous-ministre Fadden, nous sortons à peine d'un long conflit commercial avec les Américains et je suis convaincu, comme d'autres Québécois le sont d'ailleurs, que nous avons là une bonne entente.

Tout au long de ce conflit, les communautés locales et les emplois ont été affectés. C'est un fait indéniable. Est-ce que le ministère a suivi l'évolution de cette situation déplorable? Existe-t-il des études qui soutiennent le contenu de l'entente et qui ont pour but de résoudre les problèmes qui se sont accumulés au cours des années qu'a duré cet horrible conflit commercial?

M. Fadden : Il n'y n'a pas grand-chose dans l'entente elle-même concernant les sujets que vous avez soulevés. Toutefois, comme le ministre l'a mentionné il y a quelque temps, environ 200 millions de dollars sont disponibles dans le Budget de 2006 pour les insectes et 200 millions de dollars sont disponibles pour l'ajustement des communautés et l'ajustement sur le plan individuel.

Le sénateur Nolin : Spécifiquement suite au conflit commercial?

M. Fadden : Je ne dirais pas que c'est immédiatement suite au conflit, mais au moment d'octroyer ces sommes, le ministre des Finances était conscient du fait qu'avec ou sans l'entente commerciale, il y avait quand même des difficultés au niveau des communautés et des individus.

Dans sa réponse, le ministre a déclaré que cela prendrait quand même quelque temps pour retrouver les sommes provenant des États-Unis. Le problème est plutôt un problème à long terme. Le Budget a donc prévu la somme de 200 millions de dollars pour encourager la restructuration de l'industrie.

Le ministère est également sur le point de développer des programmes pour aider et les communautés et les individus. Ce n'est pas clair que notre ministère sera responsable de la gestion de ces programmes. Je crois que ce sera plutôt le ministère des Ressources humaines et du Développement.

Hier, j'assistais à une réunion de sous-ministres qui se penchaient sur cette question et on espère fournir des recommandations au ministre très bientôt.

Le sénateur Nolin : Est-ce que des études ont été menées pour examiner l'ampleur des dégâts au niveau des communautés, des individus, des familles et des travailleurs de l'industrie?

M. Fadden : Oui, mais ce sont surtout des études provenant du ministère des Ressources humaines.

Le sénateur Nolin : Ces études sont-elles disponibles?

M. Fadden : Quelques-unes le sont certainement. Il nous fera plaisir de vous les faire parvenir.

Le sénateur Nolin : J'aimerais bien que le comité soit saisi de ce genre d'information. Plutôt que de se fier à des titres ou à des articles de journaux, nous préférons nous référer aux études les plus rigoureuses possibles pour se former une opinion.

M. Fadden : Cela nous fera plaisir, madame la présidente.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Bon nombre des questions que je voulais poser ont déjà été répondues. Cependant, il y a quelque chose qui me préoccupe. Si nous jouions pour la coupe Stanley et que nous perdions, je ne serais pas content. Lorsque je vais aux États-Unis, j'entends les Américains dire que le Canada et que les États-Unis doivent être satisfaits de l'accord sur le bois d'œuvre résineux. Ils semblent assurément contents, mais je me demande qui a vraiment profité de l'accord. Aujourd'hui, le ministre a parlé comme les Américains avec qui j'ai discuté à Charleston, il y a environ une semaine. Les Américains semblaient très satisfaits, mais j'ai des doutes. J'ai de nombreux amis dans l'industrie qui sont établis dans l'Ouest, et je compte aller les voir pour leur demander ce qu'ils pensent de cet accord, car c'est une grosse somme, 1,2 milliard de dollars, qui a va quitter le Canada.

Je suis encore sceptique au sujet de l'accord sur le bois d'œuvre résineux.

Ma deuxièmement est la suivante : êtes-vous satisfaits de l'industrie? J'ai grandi dans le Nord de l'Ontario et bon nombre de sociétés forestières qui existaient à l'époque sont maintenant parties. De grandes industries les ont achetées. Par exemple, Tembec. Ces sociétés coopèrent-elles avec l'industrie forestière et s'acquittent-elles bien de la reforestation? Avez-vous le sentiment qu'elles coopèrent autant qu'elles le devraient?

M. Fadden : Je ne vais pas aller à l'encontre de mon ministre, car je crois qu'il a raison.

Lors d'une négociation commerciale entre deux parties qui détiennent chacune des intérêts importants, il ne faut pas s'attendre à tout remporter. Il faut faire certains compromis. Avec les années, un certain nombre de personnes a essayé d'en arriver à une solution acceptable pour les deux parties. Cela vaut pour toutes les sortes de transactions commerciales. Si quelqu'un risque de faire faillite, il faut négocier, à titre de créancier, un certain pourcentage de retour.

Le ministre a déclaré, et je suis d'accord avec lui, que c'est la meilleure entente dans les circonstances. Tout le monde est-il content? Non. Il le reconnaît et l'industrie vous dira la même chose. Cependant, à notre avis et de l'avis du gouvernement, il fallait surmonter cet obstacle à de bonnes relations avec notre principal partenaire commercial.

Vous avez raison. Nous n'avons pas les 5 milliards de dollars en entier, mais il y a ici un élément de politique. Nous devons reconnaître avec qui nous traitons. Nous aurions pu continuer à nous battre pendant les 10 ou 15 prochaines années.

À mon avis, les États-Unis n'auraient pas abandonné. De l'avis des négociateurs et du gouvernement, c'est la meilleure entente que nous pouvions obtenir, et elle n'est pas mauvaise. Vous avez raison de dire que ce n'est pas tout le monde qui est content de l'un ou l'autre côté de la frontière. Elle reflète cependant un désir de la part des deux gouvernements d'en arriver à une entente qu'ils pouvaient accepter. C'est la meilleure réponse que je puisse donner.

Le président : Merci beaucoup. D'autres honorables sénateurs ont-ils une question ou avons-nous épuisé nos visiteurs?

Je tiens à vous remercier de nous avoir accordé du temps supplémentaire et d'avoir accompagné le ministre. Il est des plus utiles de recevoir les hauts fonctionnaires du ministère à ces audiences.

La question commerciale a toujours été un thème important, et il se passe beaucoup plus de choses dans tout le pays, certainement dans ma province, où les glaciers disparaissent, ce qui touche également l'industrie forestière. Nous voudrons probablement vous rencontrer de nouveau à un moment donné, mais pour l'instant, merci de nous avoir accordé votre temps.

La séance est levée.


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