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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 15 - Témoignages du 13 février 2007


OTTAWA, le mardi 13 février 2007

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 19 h 4, afin d'examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada.

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : En mai dernier, le comité a été autorisé à examiner la pauvreté rurale au Canada en vue d'en faire rapport. Ainsi, nous avons entendu l'automne dernier de nombreux témoins experts qui nous ont donné un aperçu de la question. À la lumière de leurs témoignages, le comité a rédigé un rapport provisoire qu'il a publié en décembre et qui, de l'avis de tous, met le doigt sur un très grave problème. Les décideurs et les politiciens ont fait fi pendant trop longtemps des souffrances des démunis vivant en milieu rural. Mais ce temps est révolu. Nous en sommes au début de la deuxième phase de notre recherche.

Notre but est d'aller à la rencontre des Canadiens des régions rurales, des pauvres et des gens qui travaillent avec eux. Nous voulons entendre de vive voix ce que signifie être pauvre dans un milieu rural au Canada et quelles sont les mesures que nous pouvons prendre pour aider ces personnes. À notre connaissance, c'est la première fois qu'un comité, que ce soit du Sénat ou de la Chambre des communes, mène une telle étude.

À cette fin, le comité tient des réunions préparatoires à Ottawa en vue d'une tournée dans certaines régions rurales du pays.

Nous accueillons ce soir, par vidéoconférence, Sue Rickards, coordonnatrice de projets pour la Neighbours Alliance of North York, une association communautaire à vocation multiple du Nouveau-Brunswick, qui porte aussi l'acronyme NANY.

NANY accorde actuellement la priorité à la jeunesse rurale défavorisée. Sue a travaillé pour la Société d'habitation du Nouveau-Brunswick pendant huit ans, dans des collectivités rurales. Son expérience en matière de pauvreté rurale lui a beaucoup appris sur le développement socioéconomique des collectivités marginalisées.

Sue donne un cours sur le changement et le développement des collectivités au département de l'éducation des adultes de l'Université du Nouveau-Brunswick.

Sue Rickards, membre du conseil, Neighbours Alliance of North York : Je suis ravie d'être avec vous. Ma présence ici est accidentelle. L'honorable Claudette Bradshaw, qui devait témoigner, m'a cédé sa place. Le document que vous avez devant vous, que j'ai rédigé à son intention en 2000, porte sur les difficultés des personnes au chômage et des personnes vivant dans la pauvreté au Nouveau-Brunswick; il est malheureusement encore pertinent. Rien n'a été fait relativement aux conclusions de ce rapport, alors j'étais emballée de savoir qu'un comité sénatorial pourrait vraiment le lire et le prendre à cœur. Le document touche à de nombreux aspects que vous examinez.

Je dois ajouter que depuis la rédaction du rapport en 2000, NANY a été très active dans la région de Nackawic, qui a été durement frappée par la faillite de la St. Anne-Nackawic Pulp Company Ltd. il y a environ trois ans. Un nouveau propriétaire a rouvert l'usine, mais certains doutent de sa durabilité. J'ai beaucoup d'expérience auprès des collectivités rurales qui dépendent d'une seule industrie. Vous voudrez peut-être me poser des questions à ce sujet. J'ai cru bon de vous le mentionner.

Je comprends que mon temps est limité et que le sujet est très vaste, alors j'ai choisi les questions qui me tiennent le plus à cœur et celles dont vous entendez peut-être le moins parler.

Parlons d'abord de la dimension et de l'ampleur de la pauvreté rurale. Je ne crois pas que nous saisissions vraiment l'ampleur de la pauvreté rurale, à cause de l'isolement. Tout le monde parle de l'exode; on dit que tous ceux qui ont eu le courage de quitter la campagne du Nouveau-Brunswick l'ont fait. Je suis ici pour vous dire que bon nombre d'entre eux ne partent pas et ne partiront pas, pour un certain nombre de raisons qui ne sont peut-être pas bien comprises.

Je parle des jeunes de 18 à 30 ans. Ceux avec qui NANY travaille ont peur de l'inconnu. Ils n'ont pas été très exposés au monde extérieur de leurs collectivités et de leurs écoles. Ils craignent d'essayer quelque chose de nouveau parce qu'ils craignent l'échec, qu'ils ont souvent vécu, en particulier en milieu scolaire. Ils craignent aussi de réussir, parce que la réussite fait augmenter les attentes. Ils ont tendance à se replier et à rester chez eux, à démonter des motoneiges et à cultiver des plants hydroponiques de marijuana. Ils vont y rester jusqu'à ce que quelqu'un les convainque de s'en aller. Ils sont très attachés à leurs collectivités et à leurs familles. Certains sont partis vers l'Ouest et sont revenus pour cette raison.

Ils vivent dans un petit monde où les horizons sont étroits parce qu'ils sont isolés physiquement. Ils dépendent beaucoup de la télévision et des ordinateurs, qui leur donnent une vue fragmentée et irréaliste du monde. Ils voient des choses pour lesquelles ils n'ont aucun contexte, alors ils ne savent pas comment évaluer l'impact de ces choses sur eux. Le système scolaire ne contribue pas à élargir leurs horizons parce que le programme d'études a peu à leur offrir. Le système scolaire est axé sur ceux qui vont entreprendre des études postsecondaires, ce qui exclut 75 p. 100 de nos jeunes.

En outre, la nature des emplois offerts change. À une certaine époque, les jeunes pouvaient quitter l'école et travailler dans la forêt, ce qui n'est plus possible maintenant. Il faut être plus qualifié pour décrocher un emploi aujourd'hui. Les jeunes doivent avoir un diplôme de 12e année pour empiler des tartes congelées à l'usine McCain. Tous ces facteurs contribuent à les maintenir dans la petite bulle où ils ont grandi et où ils se sentent en sécurité. Même si leur monde n'est pas très beau, au moins c'est ce qu'ils connaissent.

Concernant la dimension et l'ampleur de la pauvreté, parfois les gens ne comprennent pas que dans les Maritimes, du moins au Nouveau-Brunswick, nous avons un point de vue différent sur la pauvreté. Je ne veux pas trop généraliser, mais nous aimons les très petits avantages et nous en profitons. Nous ne considérons pas que nous sommes pauvres simplement parce que nous avons moins d'argent. Nous avons de nombreux avantages qui n'ont pas de valeur monétaire, comme l'air pur, l'eau propre, les beaux paysages, les communautés, les familles et les familles élargies solidaires et les faibles taux de criminalité. Ce sont les choses qui donnent un sens à la vie, même si nous ne roulons pas sur l'or. Nous ne voyons pas notre pauvreté du même œil que les autres. Nous avons une économie souterraine active de commerce et de troc. Nous savons que ces choses ne sont pas légales, mais ce sont souvent les nécessités, en particulier pour le groupe de gens qui nous intéresse.

Les échanges de services et le travail au noir permettent aux gens de subvenir à leurs besoins entre de petits boulots — rémunérés, mais non déclarés — et des chèques quelconques du gouvernement. Les gens comptent aussi sur les gros lots occasionnels du bingo ou de la loterie pour rembourser des dettes ou faire un achat spécial. Nous avons nos propres méthodes pour contrer ce que nous appelons la pauvreté. Toutefois, cela ne veut pas dire que la vie est rose, parce que la pauvreté rurale est difficile et pénible. J'ai vu beaucoup de personnes vivre dans des conditions désespérées, et la violence familiale et la consommation d'alcool est chose courante. Cela découle en grande partie du syndrome de dépendance que nos programmes sociaux perpétuent — mais nous pourrons en parler un peu plus tard, comme vous voudrez sans doute le faire.

Je ne vais pas parler des principaux facteurs et mesures qui contribuent à atténuer la pauvreté, parce qu'ils sont énoncés dans le document, et je suis certaine qu'on vous en a beaucoup parlé, et il n'y a rien de nouveau à dire pour l'instant. Je vais plutôt passer à la conclusion parce que je ne veux pas dépasser la limite de temps dont je dispose ce soir.

Il ne manque pas de possibilités d'emploi dans les régions rurales du Canada. Le problème, c'est de parvenir à rapprocher les pauvres de ces nombreuses possibilités et à les intégrer au flot socioéconomique. On doit d'abord les persuader de sortir de leur collectivité, parce qu'ils ne le feront pas d'eux-mêmes. Pour ce faire, mon expérience m'a appris qu'ils doivent vous faire confiance et, pour cela, vous devez établir une relation avec eux, ce qui prend du temps. Bien souvent, les politiques sont fondées sur la recherche, qui peut être faite si rapidement et de façon si superficielle qu'elle ne touche jamais à l'essentiel et passe à côté de questions importantes. Le comité parcourra le pays pour mener cette étude, et j'espère que vous aurez la chance d'aller sur le terrain et de comprendre vraiment comment les gens vivent et ce que signifient ces questions pour eux.

Le défi consiste à concevoir et à mettre en œuvre des mécanismes qui permettent aux gens de passer du chômage au travail. Le développement économique communautaire, une expression que vous connaissez certainement, peut fournir ce mécanisme. Le développement économique communautaire signifie différentes choses pour différentes personnes. Au Nouveau-Brunswick, nous avons eu un développement économique communautaire vertical, ce qui ne fonctionne pas par définition, mais c'est la seule chose que nous avons réussi à faire démarrer. Lorsqu'une collectivité a besoin d'un développement économique, la stratégie consiste à envoyer un consultant, à tenir des groupes de discussion, à rédiger un rapport volumineux, à élaborer un plan stratégique et à le mettre sur une tablette. Le consultant s'en va et la chose est terminée. Le gouvernement essaie ensuite de convaincre une grande entreprise de venir à la rescousse. C'est ce qui est arrivé à Nackawic.

Il ne s'agit pas de développement économique communautaire, mais bien de développement économique vertical. Or, ce dont nous avons besoin dans les collectivités, c'est un développement communautaire fondé sur les atouts. Quels sont les atouts d'une collectivité qui peuvent être mis à profit? Voilà comment on réussira à établir des économies qui créent des emplois pour tout le monde et des collectivités où les gens pourront délaisser le chômage et l'aide sociale pour travailler ou exploiter leurs propres entreprises.

Il y a trois points essentiels. Premièrement, commencez par voir les régions rurales comme l'élément principal de la durabilité de l'environnement. Deuxièmement, adoptez une politique qui met l'accent sur la gestion plutôt que sur l'épuisement des ressources naturelles. Nous commençons à comprendre à quel point notre eau, nos arbres et nos autres ressources naturelles sont importants pour notre survie. Il nous faut un développement communautaire fondé sur les atouts. Troisièmement, autorisez des organismes sans but lucratif à mettre sur pied des entreprises sociales pouvant servir d'incubateurs pour compléter une formation et acquérir de l'expérience de travail, menant ainsi les gens vers le marché du travail ou la création d'entreprises.

Je dirais également, comme il est écrit dans le document, qu'il faut encourager le secteur privé à embaucher les personnes marginalisées qui ont été jugées inaptes au travail. Ces personnes sont souvent employables lorsqu'on leur offre des conditions favorables et un soutien adéquat.

Si vous voulez parler davantage du concept d'entreprise sociale, n'hésitez pas à me poser des questions.

La présidente : Je vous remercie pour cet exposé unique et engagé. Mesdames et monsieur les sénateurs, nous allons passer immédiatement aux questions.

Le sénateur Mercer : Merci de votre exposé, madame Rickards. Je suis originaire de la Nouvelle-Écosse et la description que vous faites de North York ressemble à celle que l'on fait d'un grand nombre de régions du Canada atlantique et de l'ensemble du pays. J'ai bien aimé la façon dont vous avez présenté les choses.

Soit dit en passant, lorsque j'ai vu l'acronyme NANY et le nom de Claudette Bradshaw, j'ai confondu les deux. Mme Bradshaw a toujours été d'une grande gentillesse avec nous lorsqu'elle était ici à titre de députée de Moncton- Dieppe et nous lui en étions reconnaissants.

Le renforcement de l'échec est un syndrome que j'ai observé pendant de nombreuses années dans le Canada atlantique, dans ma propre province. Comment peut-on créer des images positives pour les gens dans les collectivités? Vous avez dit que les gens ont parfois peur de réussir, parce que la barre monte alors à un niveau qu'ils ne sont pas certains de pouvoir atteindre. Ceci est arrivé à plusieurs d'entre nous du Canada atlantique au fil des années.

Nous devons trouver une façon d'avoir des modèles de rôle qui pourront inspirer les jeunes et les moins jeunes. Vous pourriez peut-être faire un commentaire à ce sujet.

Mme Rickards : J'ai surtout travaillé auprès d'hommes, de femmes et de jeunes prestataires de l'aide sociale. Ce qui est clair dans tous les cas, c'est qu'ils n'ont aucune confiance en eux-mêmes. Tous nos systèmes leur disent qu'ils ne sont pas à la hauteur.

Comme nos systèmes sont fondés sur le modèle de la charité, nous leur donnons un chèque sans rien exiger d'eux. Nous leur donnons une éducation, des soins de santé, tout, sauf des responsabilités. Ce qu'il leur manque, c'est le sentiment de valoir quelque chose.

Ils ont besoin de participer — et je ne parle pas de travail obligatoire, ce qui est la pire chose que vous pouvez leur faire. La deuxième chose à ne pas faire, c'est de les condamner à ne rien faire. Nous avons réussi à éliminer ce syndrome d'échec quand nous avons fait en sorte que chaque personne dont nous nous occupions avait un rôle à jouer et pouvait bien s'en acquitter.

Le sénateur Mercer : Je crois que c'est très bien.

Le prochain témoin que nous allons entendre aujourd'hui sera un représentant de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, l'APECA. Croyez-vous que l'APECA a réussi à offrir des exemples positifs et les modèles de rôle nécessaires, non seulement pour les gens, mais pour les collectivités? Ce ne sont pas seulement les gens. C'est toute l'attitude que les collectivités ont d'elles-mêmes et de la place qu'elles occupent dans le monde.

Mme Rickards : Non; d'après mon expérience avec l'APECA, c'est totalement inutile.

Le sénateur Mercer : Ce sera la première question que nous poserons à notre prochain témoin. C'est une question importante.

L'assurance-emploi a été créée pour offrir de l'aide, et les gens du Canada atlantique ont été critiqués par le passé parce qu'ils dépendaient de l'assurance-emploi. Premièrement, est-ce vrai? Deuxièmement — et je ne vous dirai pas comment répondre à cette question — est-ce là la forme de revenu que les gens souhaitent dans votre région?

Mme Rickards : Eh bien, personne ne souhaite, comme premier choix, dépendre de l'aide sociale ou de l'assurance- emploi. Toutefois, compte tenu de la nature saisonnière d'un grand nombre d'emplois, c'est bien souvent ce qui arrive. Les gens sont coincés à un endroit ou dans un type de travail, et ce n'est pas facile pour eux de passer d'une saison à l'autre, ou d'un emploi à l'autre.

À mon avis, la solution consiste tout d'abord à établir un système de soutien de revenu continu, pour que les gens n'aient pas à passer constamment d'un système à l'autre. Deuxièmement, il faut encourager le travail en toute saison — et ce pourrait être différents emplois à chaque saison. Ce que nous avons constaté dans le cadre de notre travail, c'est qu'un grand nombre de gens qui reçoivent des prestations d'assurance-emploi durant l'hiver font des choses ou pourraient effectuer d'autres travaux rémunérateurs s'ils avaient le marché ou l'appui nécessaire.

Le sénateur Mercer : Ma dernière question, et j'espère qu'un de mes collègues poursuivra dans ce sens également — porte sur le fait que 75 p. 100 des jeunes n'entreprennent pas d'études postsecondaires. C'est énorme. La province fait- elle quelque chose pour régler ce problème au Nouveau-Brunswick, pour abaisser ce pourcentage?

Mme Rickards : Les autorités provinciales essayent, mais elles ne les atteignent pas, parce que ce sont ces jeunes qui manquent de confiance et d'options. Les études postsecondaires n'ont aucun attrait pour eux parce qu'ils ont vécu des expériences très pénibles à l'école secondaire. La plupart des jeunes avec qui j'ai travaillé et qui sont les plus marginalisés se trouvent dans cette situation parce qu'il n'y avait rien pour eux dans le programme d'études.

Il n'y a plus de formation professionnelle; on offre soit une formation théorique, soit une formation axée sur l'informatique. Ce sont les jeunes qui pourraient vous dire où se trouve le poisson, mais ils ne pourraient pas réussir un test de sciences. Ils ne pourraient pas l'écrire, mais ils pourraient vous dire tout ce que vous voulez savoir sur la culture hydroponique de la marijuana. Ils ne sont pas stupides, mais ils n'ont pas reçu un enseignement qui convenait à leur style d'apprentissage. C'est là le plus grand problème. Lorsque le système scolaire pourra le comprendre, corriger le tir et offrir aux élèves d'autres méthodes d'apprentissage, je crois que nous verrons un net progrès.

Le sénateur Segal : Merci de votre exposé et de votre vibrant témoignage sur les personnes les plus à risque et les plus en difficulté.

J'aimerais me concentrer sur la question de la sécurité du revenu. À la page 4 de votre document, vous dites :

[...] les gains de l'emploi sont annulés par les pertes de revenus de soutien. Par exemple, selon la réglementation du Nouveau-Brunswick en matière d'aide sociale, les gens qui vivent sous le même toit forment une seule unité économique, bénéficiaire d'un seul chèque. Deux adultes habitant dans la même maison ne peuvent donc pas recevoir individuellement un soutien de revenu du gouvernement, même s'ils y auraient droit s'ils vivaient seuls. Bien souvent, une femme avec enfants ne peut recevoir d'aide financière s'il y a un homme dans la maison qui touche un revenu. En milieu rural, il y a des familles élargies, des membres de diverses familles ou plus d'une famille qui vivent sous le même toit parce qu'aucun autre logement n'est disponible, n'est adéquat ou n'est abordable. Or, ces personnes peuvent être privées d'une partie importante de leur revenu parce qu'elles demeurent ensemble — à moins de mentir.

Selon vous, dans quelle mesure est-il nécessaire d'assurer un revenu de base pour permettre aux familles de briser le cycle dont vous parlez — et pour permettre aux jeunes, en particulier, d'aller à l'école et d'essayer d'acquérir certaines compétences?

Je sais que le ministre des Finances, dans le document économique qu'il a produit cet automne, a parlé d'un supplément de revenu pour les gens qui pourraient entrer dans la catégorie des « travailleurs à faible salaire ». Peu importe la manière dont une personne obtient un revenu, si ce revenu est insuffisant pour vivre au-dessus du seuil de pauvreté, pour avoir tout le nécessaire pour vivre convenablement, le gouvernement fédéral bonifierait ce revenu comme il le fait avec le crédit pour TPS offert aux gens qui gagnent moins de 30 000 $.

Croyez-vous qu'un revenu de base est essentiel ou que cette question n'est pas pertinente à la discussion? Ce n'est pas une question de revenu, mais une question de motivation.

Mme Rickards : C'est absolument essentiel. Si on avait un revenu de base, les gens pourraient dire, d'accord je peux compter sur cela pour faire autre chose. Vous verriez des choses étonnantes. Une grande partie de cette peur et de cette préoccupation est attribuable à l'insécurité et au faible niveau de revenu. Toutes ces machinations pour savoir qui reçoit quel chèque et ce genre de choses créent un système très complexe et compétitif.

Je crois que nous faisons les choses à l'envers. Un certain philosophe a dit que pour rendre les gens heureux, vous devez d'abord leur donner un sens moral. Toutefois, quelqu'un d'autre a dit : C'est l'inverse. Pour donner un sens moral aux gens, vous devez d'abord les rendre heureux.

N'est-il pas plus facile de permettre aux gens de vivre confortablement pour qu'ils puissent passer à autre chose au lieu qu'ils se sentent toujours observés, qu'ils craignent constamment que l'électricité soit coupée, qu'ils s'adressent toujours à la banque alimentaire? Pour moi, c'est tout à fait essentiel. Ce serait extraordinaire d'avoir un revenu annuel de base.

Le sénateur Segal : Vous avez parlé des gens qui démontent des motoneiges et qui cultivent de la marijuana de qualité. Nous allons plus loin. Les autres phénomènes que nous associons souvent aux gens qui n'ont pas de revenu — l'alcoolisme, la violence familiale, le taux élevé de maladies, l'obésité et le reste — comportent des coûts sociaux énormes. D'après ce que vous avez observé là où vous travaillez, concernant l'impact de cette insécurité financière sur le système correctionnel, le système de santé et les services de police locaux, pourriez-vous nous parler un peu de ce que serait la dynamique? Serait-ce là un problème marginal ou généralisé, d'après vous?

Mme Rickards : Le problème, qui peut frapper n'importe qui, est que le régime d'assistance sociale ou la dépendance à son égard suce les gens jusqu'à la moelle. Il leur enlève immédiatement toute estime de soi, de même que leur assurance, surtout les hommes. Les jeunes femmes peuvent toujours avoir des enfants, ce qui donne un sens à leur existence et procure une source de revenu. Par contre, que font les jeunes hommes? Nul n'a besoin d'eux. Que peuvent- ils faire? S'ils sont célibataires, ils peuvent toucher une pitance ou ils peuvent avoir une famille et faire de leur mieux mais, en bout de ligne, ils se retrouveront à vivre de l'assistance sociale, peu importe ce qu'ils font. Ils se sentent donc inutiles. C'est alors que la colère et la frustration s'installent. Ils boivent, ils démolissent tout, ils lancent l'enfant contre le mur. Si vous y réfléchissez bien, vous constaterez qu'à la base, tout gravite autour du fait que, dans le cadre des régimes actuels, nous privons les gens de responsabilités.

Le sénateur Segal : Vous avez mentionné le concept du financement reposant sur les atouts. Un débat fait rage dans les cercles de politique sociale aux États-Unis, en Europe et au Canada pour décider s'il faut offrir du soutien social fondé sur le revenu ou sur les atouts.

Par exemple, l'administration Thatcher a institué pour les Britanniques à faible revenu les HLM, en tenant le raisonnement que voici : on leur donne l'habitation dans laquelle ils vivent, on leur en cède la propriété, de sorte qu'ils vont être motivés à la maintenir en bon état et qu'ils auront aussi un certain avoir. Au fil des ans, la vie dans ces collectivités a commencé à s'améliorer.

Quand vous parlez de développement économique communautaire fondé sur les atouts, parlez-vous d'inverser l'espèce d'évaluation des besoins qu'on voit souvent Centraide effectuer — en vue d'évaluer les avantages, les forces d'une collectivité et de voir comment on peut les maximiser? Envisagez-vous plutôt de faire en sorte que les personnes ont les atouts voulus pour disposer d'une certaine marge de manœuvre et de pouvoir prendre part à la vie socio- économique?

Mme Rickards : Nous abordons ici deux sujets distincts. Le développement communautaire fondé sur les atouts dont je parle est axé autour d'un point de vue; ce n'est pas une mesure comme telle. C'est un point de vue sur les atouts dont dispose une collectivité.

Par exemple à Nackawic, nous avons beaucoup de travailleurs qualifiés actuellement au chômage. Naturellement, ce sont eux qui quittent la collectivité. Nous avons un environnement. Nous avons de magnifiques paysages, une pêche abondante, et il existe toutes sortes de possibilités pour des entreprises de plein air. Ce sont là les atouts dont nous disposons. Nous avons aussi des gens qui sont disposés à apprendre et qui connaissent le pays. Quand on les rencontre personnellement, les membres des groupes vraiment marginalisés nous disent : c'est l'ivrogne du coin, il ne vaut rien; par contre, quand il est sobre, c'est un menuisier hors pair. Il faut voir le menuisier, non pas l'ivrogne. Voilà de quoi nous parlons quand il est question de développement microéconomique fondé sur les atouts.

Le sénateur Peterson : Madame Rickards, étant donné tout ce que vous avez dit, croyez-vous que le mode de vie rural a un avenir à long terme? Il n'y a pas de base économique, et la mono-industrie ferme. En Saskatchewan, nos jeunes ne peuvent pas quitter assez vite les régions rurales pour aller vivre en ville. À quoi faisons-nous face? Que cherchons-nous à faire?

Mme Rickards : Il est essentiel pour les collectivités rurales d'être soutenues parce qu'elles sont la base de nombreuses ressources que nous avons; c'est de là qu'elles viennent. Il n'est vraiment pas réaliste, selon moi, de les abandonner à leur sort.

Toutefois, j'estime aussi qu'il faut trouver d'autres moyens de travailler avec elles. Je sais que les problèmes en Saskatchewan sont différents de ceux du Nouveau-Brunswick et des provinces Maritimes. Je ne peux donc pas faire de généralisation. Cependant, nous disposons assurément, dans notre coin de pays, d'autres possibilités dont nous pouvons chercher à profiter, en termes de produits de la forêt et de l'agriculture, qui pourraient assurer l'avenir à long terme de nos collectivités.

Le sénateur Peterson : Pouvez-vous nous en fournir des exemples ou y travaillez-vous encore?

Mme Rickards : Nous y travaillons encore, mais nous étions emballés par l'écotourisme et le sommes encore, jusque dans une certaine mesure. L'enseignement de plein air nous intéressait énormément.

Exclusion faite de tout cela, nous nous intéressons à développer d'autres produits de l'agriculture et de la forêt. Notre région a une valeur historique importante, étant donné tous les loyalistes venus s'installer dans la vallée de la rivière Saint-Jean, de sorte qu'on pourrait y reproduire et y vendre beaucoup de meubles traditionnels.

Il existe des gens qui en savent beaucoup plus que moi à ce sujet, mais d'autres produits peuvent être cultivés dans la forêt et fournir des récoltes payantes. Il existe d'autres moyens que de simplement abattre des arbres.

Le sénateur Callbeck : J'ai une question à vous poser au sujet de ce que vous dites dans votre document — à propos des lacunes de la politique gouvernementale de développement économique. Vous affirmez qu'il ne manque pas de possibilités dans le Canada rural, puis vous parlez de ces lacunes. Vous avez mentionné entre autres qu'il n'existe pas de forme de soutien pour les assistés sociaux qui veulent se lancer en affaires, pendant la période de transition. Cela pourrait s'appliquer à n'importe quelle personne à faible revenu au Canada rural. C'est un refrain que je connais bien parce que j'ai travaillé au sein du Groupe de travail du premier ministre sur les femmes entrepreneures, en 2003. Partout où nous allions, nous entendions des femmes nous dire qu'elles seraient ravies de pouvoir emprunter 300 ou 600 $ peut-être, enfin un petit montant, pour démarrer une petite entreprise.

Quand vous dites que la politique économique du gouvernement comporte des lacunes, j'aimerais entendre vos suggestions pour y remédier. Selon vous, que devrait faire le gouvernement?

Mme Rickards : Deux choses me viennent immédiatement à l'esprit. D'une part, le microcrédit que vous avez mentionné — des fonds dont les femmes qui ont un faible revenu pourraient emprunter. Beaucoup de ces prêts se font actuellement à partir de fonds de prêt communautaires. L'initiative vient de la base — elle est en quelque sorte organique. Débloquer des fonds pour ce genre d'initiative serait un moyen très efficace pour le gouvernement d'avoir une réelle influence. Bien souvent, il suffit de bien peu, de quelques milliers de dollars seulement.

Si l'on se fie aux fonds de prêt qui le font déjà, comme celui de Saint John, ils font du travail remarquable avec des moyens très limités. Donc, un bon moyen serait de supporter des organismes comme celui-là.

Une autre chose qui me vient à l'esprit serait du soutien à l'économie sociale — c'est-à-dire de nous permettre de démarrer des entreprises sociales, des entreprises qui ont une double obligation, celle de réaliser un profit et de former des personnes en cours d'emploi. La Human Resources Development Association ou HRDA, à Halifax, est le doyen de tous ces programmes au Canada. Elle gère des entreprises exploitées par des clients qui vivent de l'aide au revenu pour les aider à passer de l'assistance sociale à l'autosuffisance par le travail.

J'ai participé à quelques-uns de ces projets au Nouveau-Brunswick. Je n'ai pas vraiment le temps de vous en parler maintenant, mais Monquarters at Work, qui est mentionné dans mon mémoire, en est un. Cette petite entreprise a exigé un très faible effort, mais elle a permis de sevrer de l'assistance sociale deux familles au moyen d'un investissement pratiquement nul. Tout ce qu'il faut, c'est du temps et de l'aide à la commercialisation, en plus de pouvoir mobiliser les forces de tous les ministères.

Par exemple, ces femmes fabriquaient des produits à partir de vieux vêtements, mais quand est venu le temps de les vendre, elles ne pouvaient pas sourire parce qu'elles avaient les dents trop gâtées. Elles se sont fait arracher toutes les dents parce qu'au Nouveau-Brunswick, avec l'assistance sociale, vous ne pouvez pas faire réparer les dents — il faut avoir de nouvelles dents. Deux de ces femmes se sont fait arracher toutes leurs dents — parlez-moi de motivation —, après quoi elles ont pu devenir entrepreneures parce qu'elles pouvaient sourire. Où sont les lacunes? Elles sont partout.

Le sénateur Callbeck : L'argent de ce fonds de prêt communautaire venait-il du gouvernement et était-il ensuite géré par la collectivité? Est-ce bien ainsi que cela fonctionne?

Mme Rickards : Non. Les fonds initiaux sont venus de la collectivité. Il s'agissait de levées de fonds communautaires. Il existe, je crois, cinq fonds de prêts communautaires au Nouveau-Brunswick, et l'un d'entre eux est rural. C'est sûr que si NANY, par exemple, avait un fonds de prêt communautaire dans lequel puiser, il aiderait beaucoup plus de personnes qu'il ne le fait actuellement.

Le sénateur Mitchell : J'ai été vraiment impressionné par la passion avec laquelle vous nous avez fait votre exposé. Je me demandais si vous aviez déjà songé à vous lancer en politique.

Mme Rickards : On me l'a déjà proposé.

Le sénateur Mitchell : Nous avons le parti tout indiqué pour vous.

Vous avez mentionné, dans votre déclaration, que de nombreux jeunes avec lesquels vous travaillez pourraient nous dire où se trouve le poisson dans n'importe quel cours d'eau, mais qu'ils auraient de la difficulté à le mettre par écrit. Pourriez-vous nous parler un peu plus de la question de l'alphabétisation et de la façon dont les compressions récentes dans ce secteur ont peut-être affecté votre collectivité?

Mme Rickards : Le Nouveau-Brunswick n'est pas fier de passer pour la province qui a le pire taux d'alphabétisation au Canada — sauf pour le Nunavut, je suppose. Bien sûr, il y a un problème dans les écoles. Elles sont incapables de rattraper le retard qu'ont pris certains enfants quand ils entrent à l'école.

J'ai travaillé avec des enfants d'âge préscolaire, par exemple, qui n'ont jamais vu un livre, jamais tenu un crayon. Souvent, je m'asseyais à l'arrière de ma camionnette avec des quatre et cinq ans et je jouais au huit avec eux pour leur montrer leurs chiffres.

Voilà ce dont je parle quand je parle de richesse de l'environnement. Ils regardent la télévision, c'est tout ce qu'ils font. Je crois qu'il existe des problèmes d'alphabétisation aux deux bouts du cheminement scolaire. Les problèmes d'alphabétisation de la famille des enfants d'âge préscolaire sont énormes, mais il en existe aussi à l'autre bout, lorsque les enfants sortent de l'école incapables de lire ou d'assimiler les connaissances exigées pour occuper bien des emplois actuellement; il faut donc offrir de l'alphabétisation aux adultes. À ce stade-là, quand l'enfant a passé par l'école, qu'il ne sait pas bien lire et qu'il a perdu toute confiance en sa capacité d'apprendre, il faut tout reprendre à la case départ pour l'aider et le persuader qu'il est capable de le faire.

Je ne serais pas prête à jurer que les fonds consacrés à l'alphabétisation ont été utilisés de manière judicieuse. Toutefois, le fait de réduire l'aide à l'alphabétisation à cette étape du jeu revient en réalité à scier la branche sur laquelle on est assis.

Le sénateur Mitchell : Je vais vous citer à cet égard.

Mme Rickards : Je n'y vois pas d'inconvénient.

Le sénateur Mitchell : Je remarque que vous parlez de garderies comme un des problèmes qui empêchent les femmes de travailler. Fait intéressant, ce sont souvent les femmes qui connaissent le plus grand succès dans la petite entreprise, de sorte qu'il faut peut-être y voir là un double effet. Avez-vous remarqué si les 100 $ par mois versés aux parents ont contribué à créer des places en garderie? Quelle vision avez-vous d'un programme réussi d'éducation de la petite enfance? Aurait-on dû s'en débarrasser?

Mme Rickards : Les 100 $ sont inutiles. C'est probablement de la nourriture au congélateur pour les trafiquants d'alcool.

Le sénateur Mitchell : Puis-je vous citer à cet égard également?

Mme Rickards : On m'a dit des choses. Je ne fais rien de bien créateur; j'apprends seulement par l'écoute.

En ce qui concerne les garderies, il faut que le modèle soit différent dans les régions rurales, manifestement, parce qu'il y a trop de problèmes causés par la distance et l'admissibilité. Je ne suis pas vraiment sûre de la façon d'aborder ce problème, mais ce que nous avons fait, c'est soit de trouver quelqu'un qui peut assurer de bons soins à l'enfant, de sorte que la mère peut y laisser son enfant contre rémunération, soit d'avoir une gardienne à la maison — un proche, mais quelqu'un en qui la mère a confiance.

Le sénateur Mitchell : Une initiative courante en matière de soins à l'enfance est l'idée de soutenir l'entreprise pour qu'elle crée des places en garderie. On peut concevoir que la formule soit utile au centre-ville de Toronto, où il y a suffisamment de grandes entreprises dont les travailleurs ont des enfants en bas âge pour faire vivre une garderie. Toutefois, dans votre région, il ne doit pas y avoir trop d'entreprises qui pourraient utiliser ce service.

Mme Rickards : Nous avons de très petites et de très grandes entreprises, mais je crois que la formule conviendrait probablement mieux à un hôpital ou à un organisme gouvernemental. C'est une très bonne idée, en règle générale — particulièrement quand on travaille par poste, parce que beaucoup de femmes n'ont pas d'endroit où laisser leurs enfants lorsqu'elles travaillent en dehors des heures habituelles. C'est un problème très épineux, et je n'ai pas de bonne solution à vous offrir. Tout ce que je peux dire, c'est qu'actuellement, c'est un très gros problème.

Le sénateur Di Nino : Permettez-moi également de vous applaudir pour votre franchise et votre passion. Vous êtes une excellente ambassadrice de cette cause.

Vous avez parlé en termes très forts, avec lesquels il se trouve que je suis d'accord. Vous parlez de dépendance systémique et vous avez dit entre autres que cette dépendance suçait les gens jusqu'à la moelle. Si je vous ai mal citée, je m'en excuse.

Mme Rickards : C'est pas mal ce que j'ai dit.

Le sénateur Di Nino : Je vous remercie. Moi-même, j'utilise des expressions un peu différentes. Ainsi, j'affirme que « l'aide réduit à l'esclavage », mais il s'agit en fait du même phénomène. Le message que vous me transmettez est un peu conflictuel quand vous parlez d'un revenu de base annuel. Comment réglez-vous ce conflit?

Mme Rickards : Pour moi, c'est un point de départ. À un moment donné, nous avions au Nouveau-Brunswick un excellent programme pour les travailleurs de 40 ans à l'âge de la retraite, dans le cadre duquel ils pouvaient obtenir un revenu de base de 12 000 $ par année, sans conditions. Ils pouvaient conserver tout ce qu'ils faisaient de plus jusqu'à un certain seuil — de 20 000 $ environ. L'idée était, à la base, que la personne pouvait compter sur la rentrée de cet argent, que c'était son fonds de démarrage et qu'à partir de là, elle pouvait se concentrer sur le travail. Par exemple, cela signifiait qu'une personne pouvait s'acheter des bottes à embout d'acier, une automobile pour se rendre au travail et des aliments pour avoir l'énergie nécessaire pour faire sa journée plutôt que de la malbouffe. En fait, il ne s'agissait pas tant d'un coussin que d'une catapulte.

Le sénateur Di Nino : En d'autres mots, c'est l'amorce de la pompe à eau qui tôt ou tard pourra être retirée ou dont on n'aura plus besoin.

Mme Rickards : C'est juste. J'aime bien l'analogie.

Le sénateur Di Nino : Vous avez été très sévère à l'égard du système scolaire et avez laissé entendre qu'il n'existe pas de formation professionnelle. À nouveau, qu'aimeriez-vous voir au programme?

Mme Rickards : Je parle de possibilités d'apprendre par la pratique. Auparavant, les étudiants pouvaient apprendre en atelier — la mécanique automobile ou le travail du bois, par exemple. Ces cours ont été retirés des programmes de nos écoles au Nouveau-Brunswick durant les années 1990 pour être remplacés par des cours d'informatique. On a éliminé les cours d'économie domestique et de travail en atelier. À Nackawic, étant donné les taux de décrochage et le nombre élevé d'étudiants dont la vie ne rimait à rien, l'école a institué sa propre version de l'apprentissage pratique, des cours qu'elle ne pouvait pas qualifier de formation technique parce que ce n'était plus à la mode, mais plutôt des cours d'entrepreneuriat, et elle faisait démarrer des entreprises à l'école. Une de celles qu'elle a lancées à Nackawic était la fabrication de canots et d'avirons en cèdre. Elle a acheté le matériel, a lancé un atelier et a enseigné à ces jeunes comment faire des canots et des avirons. Le programme a permis de conserver de nombreux étudiants à l'école. Ce programme produit encore des diplômés impatients de démarrer leur petite entreprise dans ce secteur, mais il n'existe rien pour les aider à passer d'où ils en sont actuellement à ce qu'ils aimeraient devenir.

Le sénateur Mahovlich : Vos collectivités sont-elles actives dans le domaine sportif? J'ai observé que le moral est un problème crucial dans bien des localités où le taux de chômage est élevé. La pratique du sport aide les jeunes.

Mme Rickards : Oui, ils font du sport s'ils ont suffisamment d'argent pour s'acheter l'équipement et s'ils peuvent trouver un moyen de revenir à la maison après les pratiques et les matchs. Certains de nos enfants vivent à 60 kilomètres de l'école. Dans nos collectivités, ce sont les enfants du village qui font du sport, alors que ceux qui vivent dans les rangs sont marginalisés sur ce plan.

Le sénateur Mahovlich : Se rendre là où a lieu le match et en revenir est un problème.

Mme Rickards : Oui. Un autre problème, est de se sentir inclus sur le plan psychologique parce qu'il existe tout un clivage entre ceux qui habitent au village, ceux qui ont habituellement plus d'argent et d'atouts, et les enfants de la campagne.

Le sénateur Mahovlich : Les enseignants participent-ils comme entraîneurs pour encourager les enfants à faire du sport?

Mme Rickards : Certains enseignants et certains parents sont très actifs dans ce domaine, mais le problème est, en partie, que de nombreux enseignants des écoles rurales n'habitent pas dans les collectivités où ils travaillent. Ils font la navette et ils n'ont souvent pas le temps de contribuer autant qu'ils l'aimeraient.

Le sénateur Mahovlich : À Toronto, il y a une forte demande de main-d'œuvre, particulièrement durant l'été quand débutent les travaux de construction. J'ai rencontré de nombreux Terre-Neuviens qui passaient quatre ou cinq mois à Toronto pour travailler, puis qui retournaient chez eux à la fin de la saison.

Les Néo-Brunswickois le font-ils aussi?

Mme Rickards : Oui. Actuellement, ils vont jusqu'à Fort McMurray et Calgary pour travailler.

Le sénateur Gustafson : J'aimerais que vous commentiez les enclaves de pauvreté. Par exemple, quand l'usine de pâtes et papiers de Prince Albert a fermé ses portes, cela a créé un énorme problème dans cette région. En Saskatchewan, quand les agriculteurs n'arrivent pas à bien s'en sortir, ceux qui se trouvent aux échelons inférieurs sont en sérieuse difficulté. Que faites-vous de ces enclaves de pauvreté?

Mme Rickards : Comme j'aimerais avoir la réponse! Chaque saison, il y a un mouvement de la main-d'œuvre vers l'extérieur de ces régions. Ceux qui restent refusent simplement de partir et demeureront jusqu'au bout. Le problème devient de savoir à quoi les employer. De nombreux exemples de collectivités jadis considérées comme défuntes, en Saskatchewan et partout ailleurs au pays, ont été littéralement ressuscitées en se réinventant. La meilleure source de ce genre d'information, si vous ne le connaissez pas déjà, est le magazine Making Waves. Il est produit par la DMC de la Colombie-Britannique. On peut consulter le site Web, dont l'adresse est www.cedworks.com, mais on peut aussi s'y rendre en faisant une recherche sur l'expression « making waves ». Le magazine énumère de nombreux villages et petites villes qui l'ont fait. La DMC travaille en tandem avec eux en temps de crise et les aide à se reconstruire. Il existe de nombreux bons exemples.

Le sénateur Gustafson : L'économie de la Saskatchewan connaît un boom actuellement. L'exploitation des gisements de pétrole a explosé, et nous en entendons parler chaque jour à la radio. Par contre, les usines de pâtes et l'agriculture sont chancelantes. J'ai parlé à un agriculteur qui m'a dit qu'il n'a pas les moyens d'engager quelqu'un pour l'aider sur sa ferme parce qu'il ne peut offrir le même salaire que le secteur pétrolier. Il existe différents niveaux de pauvreté et des raisons qui les expliquent.

Mme Rickards : C'est juste. Au Nouveau-Brunswick, les plus pauvres, ceux qu'on avait renoncé à aider, travaillent au Tim Hortons, par exemple. Auparavant, ils faisaient la récolte des pommes de terre, mais ils travaillent maintenant au Tim Hortons. C'est beaucoup mieux que de travailler dehors, au froid et sous la pluie. Les producteurs de pommes de terre connaissent maintenant de graves difficultés, parce qu'ils n'arrivent pas à trouver de la main-d'œuvre pour récolter les pommes de terre, les pommes et les fraises ou pour rentrer le foin. Par conséquent, ils importent la main- d'œuvre. Notez bien que, si les agriculteurs pouvaient payer plus, de sorte que les gens puissent au moins assumer le coût de leur transport — la main-d'œuvre est là. Elle se trouve au sein de cette population dépendante, mais les incitatifs, la façon dont fonctionne le système et la façon dont les gens sont traités, l'obligent à se cacher. Elle n'arrive pas à se sortir de sa misère et à se mêler à la population active.

Le sénateur Gustafson : Leur seul problème, c'est qu'ils ont été trop productifs.

Le sénateur Mercer : Je vais revenir à la discussion sur les écoles et à la question du sénateur Di Nino. Février est le Mois de l'histoire des Noirs et il est beaucoup question des modèles d'identification au sein de cette communauté. Notre comité a la chance de pouvoir compter parmi ses membres le sénateur Oliver qui est un véritable modèle à suivre pour la communauté noire de la Nouvelle-Écosse. Vous avez dit que de nombreux enseignants ne résident pas dans les collectivités touchées. Une des meilleures façons d'aider les gens est de leur fournir des modèles auxquels ils peuvent s'identifier et un enseignant qui vit parmi eux pourrait fort bien être ce modèle dont ils ont besoin. Est-ce qu'un programme a été mis en place pour apporter des correctifs à cet égard?

Vous avez parlé de microfinancement au moyen de prêts, ce qui est également une perspective intéressante. Est-ce que les caisses populaires et les coopératives de crédit peuvent contribuer à la résolution du problème?

Mme Rickards : Pour répondre à votre dernière question, je dirais que ces institutions peuvent effectivement jouer un rôle. Il ne fait aucun doute que le modèle coopératif est la voie à privilégier pour s'attaquer à bon nombre de ces problèmes.

Pour ce qui est des modèles de comportement, je crois qu'il a toujours été difficile d'inciter les hommes à enseigner au niveau élémentaire, là même où le besoin pour des modèles de ce genre est le plus crucial.

Pour autant que je sache, nous n'avons pris aucune mesure concrète à ce chapitre.

La présidente : Madame Rickards, nous vous remercions. Vous nous avez fourni de précieuses indications au moment où nous nous préparons à visiter le Canada atlantique. Je suis persuadée que nous en apprendrons bien davantage lors de notre tournée des provinces Maritimes.

Nos prochains témoins représentent l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, aussi connue sous l'acronyme APECA, qui a été créée en 1987 afin de favoriser les possibilités de développement économique du Canada atlantique ainsi que la croissance des revenus et des perspectives d'emploi dans la région.

Étant donné qu'entre 39 et 56 p. 100 des Canadiens de l'Atlantique vivent dans des zones rurales, l'APECA a toujours concentré son travail sur ces secteurs.

Nous accueillons donc ce soir deux représentantes du programme de développement des collectivités de l'APECA, lequel supervise la majorité des efforts de l'agence en milieu rural.

Mme King est directrice générale du Programme de développement des collectivités et Mme Perron est directrice du développement communautaire.

Eleanor King, directrice générale, Développement des collectivités, Agence de promotion économique du Canada atlantique : Ma collègue et moi-même sommes ravies d'avoir l'occasion de vous parler ce soir du travail de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique. J'ai eu l'occasion de lire votre rapport intérimaire qui est fondé sur d'autres exposés et sur vos recherches et qui part d'un principe qui nous interpelle — à savoir, que la façon la plus efficace et probablement la plus directe de réduire la pauvreté consiste à favoriser la croissance économique, l'emploi et une forme de développement économique rural.

Grâce au présent exposé et aux réponses que nous donnerons à vos questions, nous espérons étayer davantage votre examen.

Fondée en 1987, l'agence a pour mandat de favoriser les possibilités de développement économique du Canada atlantique et, plus particulièrement, la croissance des revenus et la création d'emplois dans cette région. Bien que les programmes et les politiques de l'APECA aient changé au cours des 20 dernières années, l'objectif premier de l'agence a toujours été d'aider la région de l'Atlantique à réaliser son plein potentiel au chapitre de la productivité, de la croissance économique et du niveau de vie.

Grâce à ses partenaires provenant de tous les ordres de gouvernement, du secteur privé, du milieu universitaire et d'organisations non gouvernementales, l'APECA s'évertue à stimuler les possibilités économiques et l'innovation afin de mieux répondre aux besoins des entreprises, des organisations, des habitants et des collectivités de la région de l'Atlantique. L'économie du Canada atlantique repose sur les nombreuses collectivités géographiques, linguistiques et culturelles de la région, depuis les petits villages isolés jusqu'aux grands centres urbains. Les possibilités et les défis varient considérablement entre les uns et les autres. L'approche de l'APECA requiert une souplesse axée sur les réalités des collectivités, leurs forces et les défis qu'elles doivent relever, tout en demeurant stratégique à l'échelle régionale pour stimuler et maximiser la croissance économique.

Consciente de la corrélation qui existe entre l'innovation et la productivité, l'agence met l'accent, dans l'exécution de ses programmes, sur la promotion de la recherche-développement, l'adoption de nouvelles technologies et le perfectionnement des compétences, et elle s'emploie davantage à faciliter l'accès aux capitaux dont les entreprises ont besoin pour investir dans l'innovation.

La transformation des provinces de l'Atlantique devrait se poursuivre; des industries de haut savoir voient le jour tandis que les industries traditionnelles s'adaptent à la concurrence imposée par la nouvelle technologie. Par ailleurs, l'économie du savoir s'est élargie, grâce à la naissance d'industries, notamment de la technologie de l'information, des sciences de la vie, des sciences biologiques, des technologies océanologiques, de l'aérospatiale et de la défense.

Le Fonds d'innovation de l'Atlantique permet à l'APECA de cibler bon nombre de ces secteurs en investissant dans d'importants projets de recherche-développement de pointe menés par le secteur privé et par les établissements de recherche de la région. Ces projets visent à mettre au point de nouvelles technologies pouvant être commercialisées et, en retour, stimuler l'élaboration de nouveaux produits ainsi que la croissance de nouvelles entreprises et des entreprises déjà établies. Des 161 projets approuvés jusqu'à maintenant dans le cadre du Fonds d'innovation, 43 sont situés dans les régions rurales du Canada atlantique, ce qui représente un investissement de 104 millions de dollars, soit 24 p. 100 du budget total d'investissement de l'APECA.

Au cours des années 90, 70 p. 100 des emplois créés par de nouvelles entreprises au Canada atlantique étaient attribués à de petites entreprises. Le Programme de développement des entreprises et divers autres programmes de l'APECA aident des entrepreneurs à se lancer en affaires et à prendre de l'expansion, à optimiser leurs débouchés sur les marchés intérieurs et à l'étranger, à mettre au point de nouveaux produits touristiques ainsi qu'à améliorer leurs pratiques de gestion commerciale en vue d'assurer leur croissance et de devenir plus concurrentiels dans l'économie mondiale. Le marché du Canada atlantique est trop petit pour absorber tous les biens et les services que la région peut produire, et c'est pourquoi le commerce est si important pour la croissance économique du Canada atlantique. En fait, un emploi sur trois est directement lié aux exportations.

Une grande proportion des exportations du Canada atlantique sont étroitement liées aux ressources naturelles de la région. De plus en plus, cependant, la croissance des exportations est attribuable aux secteurs non traditionnels. De 1993 à 2000, la région de l'Atlantique était la seule où les exportateurs ruraux surclassaient les exportateurs urbains.

Depuis 2002, l'agence a financé la conception et l'exécution d'un programme de formation axé sur le commerce et les investissements internationaux qui est destiné aux conseillers des PME et aux promoteurs économiques de la région de l'Atlantique. En outre, l'APECA met davantage l'accent sur ses missions sectorielles, tant en Europe qu'aux États- Unis, car elles sont importantes pour les entreprises rurales. Par exemple, les missions du secteur aquacole en Norvège exploitent le rôle accru de l'aquaculture dans le développement rural du Canada atlantique. Il ne faut pas oublier non plus les missions du secteur des produits de la mer aux États-Unis et l'initiative Femmes exportatrices qui prévoit du mentorat et des missions à Boston. Une de vos collègues, le sénateur Callbeck, a d'ailleurs participé à l'une de ces missions commerciales destinées aux femmes. Il est intéressant de noter que presque la moitié des femmes d'affaires du Canada atlantique viennent des régions rurales.

Au Canada atlantique, les PME n'ont pas accès à la vaste gamme de produits et d'établissements financiers qui existent dans les régions urbaines ailleurs au Canada. Or, cela entrave le démarrage et la croissance de certaines PME du Canada atlantique dans une variété de secteurs industriels et de régions géographiques. L'agence s'emploie donc à appuyer des projets qui donnent aux PME de la région de l'Atlantique un accès à des nouveaux capitaux, qui favorisent le maintien des capitaux dans la région et qui permettent d'attirer d'importants investissements en provenance d'autres sources.

J'aimerais maintenant vous parler plus directement des mesures prises au chapitre du développement économique des collectivités rurales du Canada atlantique.

Comme la présidente l'a déjà souligné, une forte proportion de la population du Canada atlantique vit en milieu rural. Selon les statistiques que j'ai consultées récemment, on parle d'une proportion globale de 46 p. 100; c'est à Terre- Neuve-et-Labrador qu'il y en a le plus, et en Nouvelle-Écosse qu'on en compte le moins. Par conséquent, les programmes de développement économique des collectivités de l'agence sont axés surtout sur les régions rurales.

Un certain nombre de collectivités du Canada atlantique sont en transition — ce sont celles qui possèdent une infrastructure et une capacité économique limitées et celles qu'il faut aider à saisir les occasions économiques qui s'offrent à elles. Ces collectivités se trouvent habituellement dans les zones rurales et éloignées de la région. Dans certains cas, elles ont connu un ralentissement économique provoqué par les fermetures d'industries ou un déclin démographique, ou encore une croissance de l'emploi limitée, ce qui a entraîné une réduction de la population et un rétrécissement de la base économique.

Les villes et les centres urbains importants de la région font face à des possibilités et à des problèmes différents. Les possibilités de croissance économique, le pari de la mondialisation et la concurrence internationale influent quotidiennement sur le processus décisionnel. Adopter résolument l'innovation et développer et maintenir une main- d'œuvre spécialisée sont essentiels à la croissance future.

À l'instar d'autres régions du Canada, la promotion de l'activité économique dans les collectivités de l'Atlantique repose en grande partie sur des organismes bénévoles de développement économique à l'échelle locale. De plus en plus également, les municipalités et les administrations locales jouent un rôle important. Dans la région de l'Atlantique, l'APECA dispose de 36 points de service, notamment des bureaux régionaux, des bureaux de district et des agents d'affaires locaux. En outre, l'agence appuie d'autres organismes importants de développement économique des collectivités qui sont également situés à plusieurs endroits dans la région et dirigés par les collectivités elles-mêmes par l'entremise de conseils d'administration locaux. Ce réseau d'organismes travaille de façon concertée dans le but de surmonter les nombreuses difficultés associées au développement communautaire. Le personnel local de l'APECA collabore étroitement avec ces organismes afin de suivre les progrès réalisés et de faciliter la coopération. De plus, il aide les divers groupes locaux à s'y retrouver dans le long processus de développement de projets, en s'assurant que le financement est prévu, en fournissant des outils, en formulant des recommandations pour améliorer la planification, et en facilitant la contribution et la participation d'autres parties prenantes.

Les investissements de l'APECA sont axés sur plusieurs enjeux propres à la région atlantique. Comme notre économie rurale est basée sur les ressources naturelles et les emplois saisonniers, elle a besoin de diversification, de perfectionnement des compétences et de changement transformationnel misant sur les atouts de la collectivité et de la région. L'infrastructure économique limitée dans les localités rurales nécessite des efforts de développement et de renforcement des capacités. Les changements démographiques considérables, tels que l'émigration, ont créé une pénurie de main-d'œuvre compétente dans les petites collectivités.

Le principal programme de l'APECA axé sur le développement des collectivités est le Fonds des collectivités innovatrices (FCI) qui a été lancé en juillet 2005 et doté d'un budget de 175 millions de dollars répartis sur cinq ans. Le but premier de ce fonds est d'améliorer l'infrastructure locale ou régionale grâce au développement de secteurs industriels stratégiques, productifs et compétitifs, de renforcer l'infrastructure économique des collectivités et d'appuyer les mesures axées sur le renforcement de la capacité des localités à surmonter les défis économiques et à faire fond sur leurs forces et leurs atouts. Le FCI vise des projets non commerciaux axés sur les investissements proactifs et le renforcement stratégique des capacités de la collectivité. Les projets sont basés sur les priorités et les plans stratégiques de la collectivité. Depuis sa création, le FCI a versé 86 millions de dollars en aide pour 209 projets.

Votre rapport intérimaire met en lumière l'importance du Programme de développement des collectivités et sa désignation comme pratique exemplaire par l'OCDE. Au Canada atlantique, le Programme de développement des collectivités appuie 41 Corporations au bénéfice du développement communautaire (CBDC), lesquelles consentent des prêts aux petites et moyennes entreprises de divers secteurs, comblant ainsi une lacune sur le plan de l'accès aux capitaux.

Au cours des dix dernières années, les CBDC ont consenti 13 000 prêts totalisant 376 millions de dollars à des entreprises situées dans leurs collectivités respectives. Ces prêts ont eu pour effet d'attirer une somme additionnelle de 360 millions de dollars en investissements du secteur privé. Chaque année, les CBDC investissent dans le démarrage et l'expansion de quelque 1 000 entreprises, ce qui en fait les plus importants promoteurs de l'économie rurale.

Les CBDC servent à combler l'écart financier créé par l'absence de sources de financement traditionnelles dans les collectivités rurales et la réticence des institutions financières à fournir des prêts de faible valeur (jusqu'à 150 000 $) visant des projets à haut risque. Les CBDC investissent surtout dans les secteurs clés du commerce de détail, de la fabrication, du tourisme et des ressources, secteurs que l'on retrouve en forte concentration dans les économies rurales.

J'espère que ce bref tour d'horizon du travail de l'APECA vous permettra de mieux orienter vos questions. Nous nous réjouissons à l'avance de recevoir votre prochain rapport et les recommandations que vous y formulerez quant au problème de la pauvreté en milieu rural. Si nous pouvons vous aider de toute autre façon, n'hésitez surtout pas à nous le demander.

La présidente : Il est intéressant de noter que le Programme de développement des collectivités a également été bien accueilli dans l'Ouest canadien.

Sadie Perron, directrice, Développement des collectivités, Agence de promotion économique du Canada atlantique : Je vais aider Mme King à répondre à vos questions.

Le sénateur Mercer : C'est bien que vous nous demandiez aujourd'hui, madame King, si vous pouvez faire quelque chose pour nous aider, parce que nous nous préparons à amorcer une tournée du Canada atlantique ce week-end. J'ai grand hâte que mes collègues puissent visiter la plus belle région du Canada.

Je suis un ardent partisan de l'APECA, mais l'agence fait constamment l'objet de critiques quant à son fonctionnement déficient, alors que quelques-uns des chiffres que vous nous avez transmis indiquent le contraire. Tout d'abord, il serait intéressant pour le comité que vous puissiez, pas nécessairement ce soir, nous fournir quelques exemples de programmes qui ont fonctionné et d'investissements de l'APECA qui ont porté fruit dans les différentes provinces. Bien évidemment, certaines interventions n'ont pas connu d'aussi bons résultats et nous aimerions en savoir plus à ce sujet également, car tous ces renseignements nous permettront d'y voir plus clair.

D'autre part, vous avez parlé du développement rural et de l'importance des exportations pour le Canada atlantique. Je ne me souviens pas du pourcentage exact que vous avez indiqué, mais la plus grande partie du Canada atlantique est rurale. Je suis né et j'ai grandi à Halifax, et je sais, de par mon travail au Sénat, que la province de la Nouvelle-Écosse, avec le soutien du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard, appuie la Stratégie de la porte d'entrée de l'Atlantique, surtout via le port d'Halifax qui n'est utilisé qu'à 40 p. 100 de sa capacité. Cela m'amène à parler du problème de la sous-utilisation des capacités. Est-ce que l'APECA a envisagé la possibilité de miser sur quelques-uns des projets fructueux dans les régions rurales du Canada atlantique pour contribuer à développer les marchés d'exportation en vue d'intensifier les activités commerciales dans la Nouvelle-Écosse rurale et d'accroître les exportations à partir du port de Halifax, de manière à tirer partie d'une ressource existante qui n'est pas utilisée à pleine capacité?

Troisièmement, mes collègues seraient peut-être intéressés à en savoir davantage sur les prêts consentis par l'APECA qui sont remboursés. Est-ce que l'APECA utilise une partie des sommes remboursées pour les réinvestir dans les projets actuels et futurs de l'agence?

Mme King : Pour répondre à votre première question, nous avons quelques exemples que nous pouvons fournir dès ce soir; mais il est bien évident que nous en avons d'autres en réserve si ceux-ci ne font que vous ouvrir l'appétit.

Mme Perron peut vous citer des exemples de projets qui ont bien fonctionné au Nouveau-Brunswick.

Mme Perron : Premièrement, dans le cadre de leurs efforts de rapatriement et de rétention des jeunes, les régions organisent chaque année un week-end auquel 20 jeunes sont conviés pour en apprendre davantage au sujet de la région et des possibilités qu'elle offre. Les jeunes participants peuvent ainsi mieux comprendre les points forts de la région et les débouchés qu'elle propose. Pour illustrer le succès de cette activité, disons que 50 p. 100 des jeunes participants étaient de retour dans leur région six mois après l'obtention de leur diplôme. Voilà trois ans que nous organisons une telle activité qui nous a permis de constater qu'une meilleure connaissance des possibilités et des emplois offerts par une région augmentait les chances que les jeunes y retournent.

Par ailleurs, les activités de recherche et de développement occupent une place importante dans le Canada atlantique. Dans une région isolée du nord du Nouveau-Brunswick, l'agence a pu investir dans le renforcement des capacités de l'Institut de recherche sur les zones côtières. Nous avons financé des infrastructures matérielles et logicielles pour permettre la mise en place de trois centres de recherche sur la tourbe de mousse, les pêches et l'aquaculture. Le soutien financier de l'APECA pour ces infrastructures a mené à la création d'un carrefour de concentration des activités de recherche et développement dans le nord du Nouveau-Brunswick qui permet un transfert de technologies et de connaissances à l'industrie, au grand public et aux professionnels. Plus important encore, ce centre a pu obtenir l'aide du Fonds d'innovation de l'Atlantique et déploie maintenant des efforts plus soutenus auprès d'autres conseils subventionnaires afin de financer la recherche dans la région.

Il se fait maintenant de la recherche de pointe de calibre international dans le nord de la province. Le centre a pu attirer des détenteurs de doctorats dans différentes spécialités et a servi de pivot à la création d'un réseau de développement côtier dans le nord du Nouveau-Brunswick. Voilà deux exemples illustrant l'efficacité proactive de l'APECA au Nouveau-Brunswick.

Mme King : Je peux vous en citer d'autres, dont celui d'Hospitalité Terre-Neuve-et-Labrador. Grâce au financement de l'APECA dans le cadre de notre Fonds des collectivités novatrices et par l'entremise de notre bureau de Tourisme atlantique, Hospitalité Terre-Neuve-et-Labrador exploite l'Institut du Gros-Morne pour le tourisme durable. Les exploitants d'entreprises touristiques de la région de l'Atlantique y reçoivent une formation en vue de pouvoir tirer parti de l'intérêt suscité par l'écotourisme. On s'y intéresse à la création et à la mise en service de produits touristiques durables ainsi qu'aux efforts de sensibilisation. Les participants reçoivent une formation où on leur expose des pratiques exemplaires et des modèles à suivre. Jusqu'à maintenant, 286 intervenants du Canada atlantique ont reçu une formation qui leur permet de mieux repérer les possibilités et de prendre de l'expansion au sein de leurs régions respectives. De ce nombre, on compte 165 exploitants d'entreprises touristiques et 121 partenaires du même secteur.

À Terre-Neuve, le Fisheries and Marine Institute de l'Université Memorial a obtenu une aide financière pour la mise sur pied du Safety and Emergency Response Training Centre à Stephenville. On y offre une formation en sécurité et en mesures d'urgence dans les secteurs du pétrole et du gaz, de l'industrie, de la pêche, du transport maritime et de l'aviation. Ce centre était considéré comme une priorité pour le développement économique par la ville de Stephenville ainsi que par le conseil régional de développement économique de Stephenville. Le centre a ouvert ses portes en novembre 2003; on y a formé 529 étudiants en 2004-2005 et 906 autres en 2005-2006. On peut donc parler de croissance exponentielle dans l'utilisation de cette installation qui emploie maintenant huit personnes à temps plein et six autres à temps partiel au sein de son corps enseignant et de son personnel. La collectivité de Stephenville a vu ses perspectives économiques changer de façon considérable au cours des dernières années. Voilà un exemple de projet permettant de miser sur les installations existantes pour produire des résultats très favorables. Il y a bien évidemment d'autres exemples que nous pourrions fournir au comité concernant les différentes régions.

Pour ce qui est de votre question concernant le financement et les réinvestissements, j'ai certaines informations relativement au Programme de développement des entreprises et aux prêts consentis aux PME. Depuis la création de ce programme, des prêts de 854 millions de dollars ont été accordés et 318 millions de dollars ont été recouvrés jusqu'à maintenant. Les sommes remboursées sont réinvesties dans le programme pour permettre des prêts à d'autres petites et moyennes entreprises.

Bien évidemment, comme pour tous les programmes de prêts, il y a certains cas de radiation et de défaut de remboursement, mais les chiffres sont moins élevés que la plupart des gens seraient peut-être portés à croire. Selon les données à ma disposition, la proportion cumulative de prêts non remboursés et/ou radiés atteint 15 p. 100. Ce pourcentage n'est pas élevé si l'on compare aux taux correspondants pour les banques qui consentent également des prêts aux entreprises.

Vous avez aussi demandé si des interventions avaient été menées pour appuyer les activités en région rurale et dans quelle mesure cela pouvait être bénéfique pour d'autres secteurs, en citant notamment l'utilisation du port de Halifax. Je n'ai entendu parler d'aucune initiative particulière, mais je sais, pour avoir discuté avec le personnel de l'APECA en Nouvelle-Écosse, que l'on est bien conscient de l'importance des questions liées à l'utilisation du port et que l'on examine les moyens à prendre pour assurer la complémentarité des activités rurales et urbaines. Je vais essayer de me renseigner davantage à ce sujet et je me ferai un plaisir de vous transmettre l'information voulue.

Le sénateur Segal : Est-ce que le microcrédit est une avenue que vous envisagez?

Mme King : Nous avons contribué au financement de la conférence internationale sur le microcrédit qui s'est tenue récemment à Halifax. C'est une perspective que nous avons examinée. Il va de soi que les CBDC nous offrent la possibilité de consentir de petits prêts. Bien que les prêts d'un petit montant, entre 500 et 1 000 $, dont le témoin précédent a parlé ne soient pas nécessairement courants pour les CBDC, ces corporations permettent certes d'accorder aux entrepreneurs des prêts dont le montant peut varier entre 5 000 et 10 000 $. Nous pouvons également avoir recours à notre Programme de capital d'appoint qui permet des prêts pouvant aller jusqu'à 15 000 $ ou 20 000 $ pour les jeunes entrepreneurs, mais nous n'avons pas de programme de microcrédit à proprement parler.

Le sénateur Segal : Dans quelle mesure estimez-vous que l'APECA est adaptée à la réalité qui se cache derrière votre exposé, lequel était par ailleurs fort constructif et intéressant malgré, pour être bien franc, un optimisme un peu inquiétant? Nous parlons ici de collectivités aux prises avec des niveaux de chômage absolument épouvantables. Nous parlons d'emplois dans la foresterie, les pêches et le tourisme qui ne sont plus aussi nombreux qu'auparavant pour des motifs liés à l'automatisation et aux changements technologiques, avec les exigences qui s'y rattachent en matière d'éducation. Nous parlons de niveaux de pauvreté rurale qui sont parmi les pires au Canada et qui se comparent même à ceux de certaines régions du monde, parmi les plus démunies.

Je comprends bien que vous n'êtes pas une agence de services sociaux. Vous êtes plutôt un genre de mécanisme de levier financier qui utilise des fonds publics pour favoriser la croissance économique et les perspectives locales. Vous ne pouvez toutefois pas être insensibles au sort des collectivités où vous menez vos activités. Lorsque vous vous assoyez pour examiner vos programmes et évaluer les demandes de prêt et vos relations avec les banques et les fondations communautaires, quelles conclusions en tirez-vous en tant qu'intervenants de première ligne? Que pensez-vous de l'écart qui se crée entre quelques-unes des personnes qui se tirent très bien d'affaire, celles que vous aidez à tirer leur épingle du jeu, et ces autres membres de la collectivité, qui ne peuvent pas parvenir au niveau atteint par vos demandeurs, tout simplement parce qu'ils sont aux prises avec des problèmes beaucoup plus criants?

Mme King : Nous avons divers programmes et outils que nous pouvons utiliser, mais il est clair que l'APECA ne fait rien toute seule. Nous travaillons constamment avec les gouvernements provinciaux et d'autres partenaires. Bien sûr, comme vous le dites, nous ne sommes pas insensibles aux réalités de la région. Nous constatons un grand exode des jeunes des quatre provinces, et surtout de Terre-Neuve-et-Labrador. Il y a beaucoup de jeunes qui s'en vont, et la population qui reste est vieillissante dans de nombreux petits villages ruraux.

Le Fonds des collectivités innovatrices, qui est véritablement le moteur du travail de l'APECA pour favoriser le développement économique des collectivités, vise à favoriser la collaboration avec ces collectivités, qui ont besoin d'aide même pour l'élaboration d'un projet qu'elles peuvent mener. Notre personnel travaille sur le terrain, dans les collectivités; il connaît la situation et est là, dans bien des cas, avant qu'un changement d'envergure ne s'opère dans la collectivité. Ces temps-ci, nous entendons souvent parler d'entreprises qui envisagent des changements qui risquent d'engendrer une fermeture d'usine dans un village. Il est clair qu'il y a beaucoup de travail qui se fait, et l'APECA est là, dès le premier jour, pour le faire.

Certains de nos projets sont très petits. Ils ciblent des collectivités vivant dans des régions particulièrement rurales et isolées, aux prises avec certaines des difficultés que vous avez mentionnées. Ainsi, nous les aidons à se doter de moyens, à accroître leur leadership, même, et à se doter des compétences nécessaires pour évaluer ce qu'ils peuvent faire. Il s'agit véritablement d'évaluer leurs forces. Chaque collectivité a ses atouts; chaque collectivité est différente. Ce ne sont pas toutes les collectivités qui peuvent avoir un secteur manufacturier ou de haute technologie fort; cependant, pour les collectivités qui veulent connaître les débouchés économiques, c'est possible.

Si l'on prend le lien entre les régions rurales et les régions urbaines, les choses sont beaucoup plus faciles pour les régions rurales adjacentes à des régions urbaines. Cependant, il y a des collectivités de la péninsule nord de Terre- Neuve-et-Labrador qui ne peuvent être associées à aucune région urbaine.

C'est donc tout un défi. Une bonne partie du travail se fait à la base et avec la collectivité, mais également avec des partenaires. Sadie a un excellent exemple de collectivité du Nouveau-Brunswick, où nous avons fait ce genre de travail.

Mme Perron : Il s'agit d'une région près de Bathurst, à l'été 2005. Smurfit-Stone venait de fermer, et la collectivité souffrait déjà de la fermeture de la mine. Aujourd'hui, presque deux ans plus tard, les membres de cette collectivité sont très positifs puisqu'ils se sont serrés les coudes avec tous les partenaires. L'APECA était présente et a intensifié ses efforts dans cette collectivité quand cette fermeture est arrivée.

Nous avons offert aux membres de la collectivité de les aider à étudier les débouchés et à préparer des analyses de rentabilisation. Nous leur avons offert toute notre souplesse, et ils ont réussi à effectuer quelques études puis à déterminer quels étaient les investissements qu'ils voulaient faire dans la collectivité. L'APECA était là pour promouvoir la diversification et aider les petites entreprises touchées, parce que leur marché dépendait de Smurfit- Stone.

Il y a eu beaucoup de travail au cas par cas. Parfois, il s'agit seulement de trouver de l'aide extérieure pour un millier de dollars. Cela ne semble pas beaucoup, mais l'APECA intervient avec beaucoup d'outils et de souplesse. Nous travaillons avec les membres de la collectivité en fonction de leurs besoins. Dans la région de Bathurst, aujourd'hui, la situation est positive et les gens ont confiance en l'avenir, alors que c'aurait pu être la crise. Je dois dire que tout le monde s'est serré les coudes et a fait preuve d'une grande souplesse, de sorte qu'aujourd'hui, la collectivité, bien qu'elle ne soit pas encore très prospère, entrevoit l'avenir avec espoir et est très positive. Les gens de la collectivité en tirent une véritable fierté, sur laquelle nous allons tabler. Les citoyens voient qu'il y a de l'avenir et que nous sommes là pour les aider, avec tous les autres partenaires, mais l'initiative vient de la collectivité. C'est souvent un exemple que nous citons. Il y en a d'autres, mais notre intervention dépend des besoins. Nous nous présentons dans la collectivité avec beaucoup de souplesse, tout comme nos partenaires.

Le sénateur Mitchell : Votre initiative pour les femmes dans le milieu de l'exportation pique beaucoup ma curiosité. Pouvez-vous me la décrire un peu plus, me dire quels sont les éléments du programme et peut-être me parler de certaines de ses réussites?

Mme King : Cette initiative n'est pas de mon champ de responsabilité immédiat, il y a d'autres membres de l'APECA qui pourraient vous répondre beaucoup plus en détail. Cependant, si je comprends bien, cette initiative comprend quelques éléments. Elle vise entre autres à offrir de la formation aux entrepreneuses pour les préparer à l'exportation : pour les aider à voir le potentiel d'exportation de leur entreprise.

Nous organisons des missions commerciales particulières, dans le cadre desquelles nous amenons un groupe d'entrepreneuses à Boston, où nous planifions des entrevues avec des entreprises susceptibles de s'intéresser à leurs produits. Nous travaillons avec le consulat de Boston pour réussir à atteindre les entreprises pertinentes, afin que ces entrepreneuses y aient accès. L'objectif consiste à les intéresser davantage à l'exportation, mais aussi à leur donner accès au marché. Certaines d'entre elles réussissent à signer des ententes pendant ces missions commerciales, de même que pendant nos autres grandes missions commerciales, où nous invitons des entreprises ayant le potentiel de participer davantage à l'exportation.

Le sénateur Mitchell : Quel est l'avantage de rassembler ces femmes de cette façon? Y a-t-il une dynamique qu'on ne retrouve pas dans une mission commerciale ordinaire? Le succès de cette initiative m'intrigue beaucoup.

Mme King : Je vous rappelle que ce n'est pas mon domaine de compétence, mais je pense que bon nombre des entreprises dirigées par ces entrepreneuses sont assez petites que leurs dirigeantes ne croient pas qu'elles pourraient prendre part à des missions commerciales ordinaires. Cette initiative leur permet de profiter du commerce et de l'exportation pour faire croître leur entreprise, au point où elles pourraient très bien avoir envie de participer à nos missions commerciales ordinaires.

Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné dans votre exposé que la croissance des exportations dans votre région venait de plus en plus des secteurs non traditionnels. Peut-être les avez-vous déjà nommés, mais pourriez-vous nous en énumérer quelques-uns?

Mme King : Parmi ceux que j'ai mentionnés dans mon exposé, il y a les biosciences, l'aérospatiale, la défense, les technologies de l'information, les technologies océanologiques et divers autres secteurs qui ne font pas partie de nos secteurs des ressources primaires.

Le sénateur Mitchell : Le secteur de l'aérospatiale est-il concentré à l'Île-du-Prince-Édouard?

Mme King : Oui.

Le sénateur Mitchell : Vous avez indiqué que vous mettiez l'accent sur la recherche et le développement ou que vous l'appuyiez.

Mme King : Oui.

Le sénateur Mitchell : Il est vrai que c'est extrêmement important pour l'avenir, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons été si déçus que le gouvernement diminue l'aide à la R-D dans son dernier budget, si je peux me permettre d'ouvrir une parenthèse. Cependant, qu'est-ce qui a rendu cette technologie possible? Est-ce le niveau d'éducation de la population régionale? Est-ce un certain avantage géographique?

Mme King : Il y a probablement divers facteurs en jeu. Il est clair que le niveau d'éducation a augmenté au Canada atlantique. Comme Mme Perron l'a dit, nous réussissons à attirer beaucoup de personnes très qualifiées lorsqu'il y a des entreprises pour leur offrir du travail.

À l'heure actuelle, le Canada atlantique profite du Fonds d'innovation de l'Atlantique, qui nous a permis d'en faire plus en R-D. Selon des études que j'ai lues et qui n'ont pas été produites par l'APECA, il semble qu'il n'y ait pas beaucoup d'investissements du secteur privé en recherche et en développement au Canada atlantique. Par conséquent, il y aurait certainement place à l'amélioration.

La croissance semble venir de certains de nos avantages naturels : des universités et des recherches effectuées ici. Ces recherches pourraient être des vecteurs de croissance grâce à des projets menés avec le FIA. Cependant, il n'y a pas de R-D à grande échelle ici, comme il y en a en Ontario ou au Québec.

Le sénateur Callbeck : Avant de vous poser des questions, je dois vous dire que l'APECA connaît un grand succès dans ma province, à l'Île-du-Prince-Édouard, où elle stimule un développement économique positif. Il y a beaucoup de projets fructueux qui n'auraient jamais démarré sans l'APECA.

J'aimerais revenir au microcrédit. J'ai ici un document d'une autre source que l'APECA. Il y est écrit que selon des recherches financées et dirigées par l'APECA, qui ont permis de constater des lacunes quant à l'accès au crédit dans les régions rurales, l'agence offre également du microcrédit, soit des petits prêts consentis par des caisses populaires à des petites entreprises.

Mme King : Je ne connais pas bien ce programme.

Le sénateur Callbeck : D'accord. Je voulais moi aussi vous interroger sur les programmes pour entrepreneuses. Vous avez parlé de l'initiative pour les femmes dans le domaine de l'exportation. Comme vous l'avez dit, j'ai participé à la mission à Boston, et je considère que l'APECA a fait de l'excellent travail.

Les programmes qui ont été déployés il y a environ trois ans sont très efficaces dans ma province. Il y a chez nous beaucoup plus d'entrepreneuses qui réussissent en affaires qu'avant la mise en place de ces programmes. Cependant, ils auront une fin, si je ne me trompe pas, et je me demande quand ils se termineront, si le gouvernement a commencé à les évaluer et quand nous saurons ce qu'il en adviendra.

Mme King : J'ai un peu d'information qui devrait répondre à votre question sur l'initiative pour les femmes dans le domaine de l'exportation.

Cette initiative devrait prendre fin en 2009-2010. Elle a un budget de 2,5 millions de dollars par année, et nos contributions à ces projets représentent en moyenne entre 75 et 100 p. 100 des coûts du projet.

Le sénateur Callbeck : Le budget a-t-il toujours été de 2,5 millions de dollars ou a-t-il augmenté ou diminué?

Mme King : C'est le budget prévu pour ce programme. Chaque année, jusqu'en 2009-2010, il y a 2,5 millions de dollars. Cette somme sert à offrir des services d'aide aux entreprises, à les faire participer à de nouvelles activités pour combler les lacunes observées et encore une fois, à aider les entrepreneuses à obtenir ce dont elles ont besoin pour prendre de l'expansion.

Il est intéressant de constater ce qu'ont produit les prêts consentis dans le cadre de l'initiative pour les entrepreneuses. Lors d'une rencontre récente avec les associations de la CBDC, j'ai appris que le montant à payer pour rembourser ces prêts est beaucoup plus bas que celui à payer pour rembourser les prêts ordinaires, de quelques pourcentages de points, si je ne me trompe pas. Il est clair que les entrepreneuses qui profitent de ces prêts, grâce à cette initiative, sont en mesure de rembourser l'argent qu'elles reçoivent, ce qui est un indice évident que leurs affaires vont bien.

Le sénateur Callbeck : Comme vous l'avez dit, ce programme est très important pour le Canada rural, parce que la moitié des entrepreneuses viennent du Canada rural.

Mme King : Oui.

Le sénateur Callbeck : J'aimerais vous interroger sur l'infrastructure, dans le contexte du Fonds des collectivités innovatrices. L'un des problèmes relevés dans le rapport est le manque de services de transport dans les régions rurales. Bien sûr, il est juste de dire qu'en région rurale, il y a moins de communications et de technologies de l'information. Que fait l'APECA au Canada rural pour améliorer l'infrastructure des transports et des technologies de l'information?

Mme King : Nous nous occupons d'infrastructure de diverses façons. Bien entendu, grâce au Fonds des collectivités innovatrices, nous participons à des projets axés sur l'infrastructure locale. Nous n'envisagerions pas des projets de routes dans le cadre de ce fonds, mais plutôt la création de centres d'incubation, par exemple, pour que les petites entreprises puissent ouvrir des bureaux et s'établir. Il y a aussi d'autres types de centres de développement de l'infrastructure ou de centres communautaires qui permettent la tenue de conférences ou l'établissement d'une infrastructure de tourisme. Les grandes facettes de l'infrastructure, comme les routes, les systèmes d'eau et d'égout, ainsi que les installations de gestion des déchets sont financées par les programmes d'Infrastructure Canada, que l'APECA administre en son nom en partenariat avec les provinces et les municipalités.

La plupart des fonds octroyés à la région atlantique par Infrastructure Canada sert à des programmes d'infrastructure écologiques, comme des systèmes de gestion des eaux et des déchets. De plus, de l'argent a été rendu accessible pour les routes, le transport, ainsi que le nettoyage des ports à Halifax, à Saint John (Nouveau-Brunswick) et à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador), entre autres. Divers projets d'infrastructure voient le jour sous les auspices des programmes d'Infrastructure Canada.

Le sénateur Peterson : L'APECA fait-elle affaire avec les pauvres des régions rurales?

Mme King : Certainement, nous faisons affaire avec eux par les projets communautaires auxquels participe l'APECA.

Le sénateur Peterson : Comment sont-ils structurés? Quel est le seuil?

Mme King : La majorité des prêts consentis aux petites collectivités rurales sont octroyés dans le cadre du programme d'Aide au développement des collectivités et des Corporations de développement communautaire. Le prêt moyen oscille entre 20 000 $ et 30 000 $, mais il peut s'élever jusqu'à 150 000 $.

Le sénateur Peterson : Comment sont-ils garantis?

Mme King : Les prêts ne sont pas tous garantis.

Mme Perron : Les prêts de l'Aide au développement des collectivités sont garantis, mais la CBDC offre à l'entrepreneur des prêts participatifs privés non garantis qui s'élèvent jusqu'à 20 000 $ dans le cadre de son programme de capital de démarrage. Il s'agit d'un prêt personnel à l'entrepreneur dans le cadre d'un programme de l'APECA administré par la CBDC. Le prêt habituel de l'Aide au développement des collectivités est garanti avec intérêt.

Le sénateur Peterson : Ces prêts sont pour les groupes communautaires, donc les pauvres misérables des régions rurales ne sont pas directement touchés. Ils n'ont pas accès à ce programme.

Mme King : Ils n'ont pas accès à ce programme en ce sens qu'ils ne peuvent pas recevoir de prêt, mais ils peuvent participer à des projets financés par le Fonds des collectivités innovatrices, parce que ces fonds ne sont pas remboursables. Un organisme non gouvernemental qui travaille au nom d'une collectivité peut recevoir des fonds non remboursables. Ces fonds peuvent servir à construire l'infrastructure nécessaire pour permettre aux gens d'une collectivité rurale de participer à des activités ou à des projets.

Le sénateur Peterson : Je crains que les pauvres des régions rurales n'en profitent pas, mais comme vous l'avez dit, ils doivent s'en servir comme fer de lance et chercher à obtenir ce dont ils ont besoin.

Mme King : En général, les projets financés par le Fonds des collectivités innovatrices se fondent sur les plans et les priorités stratégiques établis par les collectivités afin de créer des débouchés pour leur développement. Les fonds ne vont donc pas directement à une personne, mais plutôt à une collectivité dans son ensemble.

Le sénateur Di Nino : Je vais poursuivre dans la même veine. Notre premier témoin, Mme Rickards, qui représentait la Neighbours Alliance of North York, n'a pas été très élogieuse à l'égard de l'APECA dans sa description. Elle nous a clairement donné l'impression que l'APECA ne contribuait pas à régler les problèmes de pauvreté rurale dont elle a parlé avec beaucoup d'éloquence.

Il ne serait peut-être pas très gentil de ma part de vous demander de le faire ce soir, mais j'aimerais que vous envoyiez à notre comité, étant donné qu'il va voyager au Canada atlantique, d'autres exemples de cas où l'APECA lutte contre la pauvreté rurale, qui semble si désespérée dans les petites collectivités rurales des provinces de l'Atlantique.

Mme Rickards et Mme King ont parlé du manque de travailleurs qualifiés pour combler les emplois offerts. Mme Rickards a dit, en gros, que beaucoup des personnes qui partaient laissent derrière elles des possibilités d'emploi pour les travailleurs qui restaient derrière elles, mais que ces travailleurs n'avaient pas les compétences requises pour en profiter.

Le mandat de l'APECA est-il assez souple pour que vous envisagiez de créer un programme en collaboration avec la NANY pour offrir de la formation et de l'aide aux jeunes qui restent dans les collectivités? On peut avoir besoin de ces compétences dans les collectivités, dans les régions avoisinantes ou à l'extérieur.

Mme King : L'APECA intervient dans certains domaines, et Ressources humaines et Développement des compétences Canada est responsable du développement des compétences, en général, et de la formation des personnes à cet égard. Évidemment, pour bon nombre de nos projets, nous travaillons avec des universités et des collèges afin d'accroître l'accessibilité de la formation pour les personnes de ces régions. Évidemment, l'APECA ne voit pas l'éducation comme une responsabilité première de son mandat, bien qu'elle participe à des initiatives en ce sens.

Le sénateur Mahovlich : Il y a des tonnes de bonnes universités sur la côte Est, et vous avez mentionné celle avec laquelle vous avez travaillé. L'APECA travaille-t-elle avec d'autres universités?

Mme King : Nous travaillons avec toutes les universités du Canada atlantique.

Le sénateur Mahovlich : C'est intéressant. Avez-vous déjà aidé des entreprises aquacoles?

Mme King : Oui. Nous travaillons dans divers secteurs. L'APECA a bien sûr participé à divers projets et programmes en aquaculture, en agriculture et en foresterie.

Le sénateur Mahovlich : Y a-t-il beaucoup d'étrangers qui investissent dans les entreprises aquacoles sur la côte Est? J'ai entendu dire qu'il y avait des investisseurs norvégiens.

Mme King : Je ne peux pas vous répondre, mais je pourrais obtenir ce renseignement pour le comité.

Le sénateur Mahovlich : L'APECA investit en aquaculture avec différents investisseurs.

Mme King : Dans ces secteurs, nous travaillons avec les associations sectorielles à accroître le développement technologique et à trouver des occasions de collaboration d'un bout à l'autre du Canada atlantique. Quelques projets de notre fonds d'investissement portent sur l'aquaculture. Il peut s'agir de partenariats avec des universités ou des instituts de recherche privés qui souhaitent élaborer un nouveau produit.

Le sénateur Mahovlich : Vous avez parlé de la tourbe de mousse. Je ne savais pas qu'il y avait une demande pour la tourbe de mousse.

Mme Perron : Il y a une énorme demande dans le secteur horticole, uniquement pour l'exportation, y compris en Asie.

Le sénateur Mahovlich : Il y en a des tonnes en Irlande. Je suis allé en Irlande et j'y ai vu toutes sortes de tourbe de mousse. Allons-nous commencer à cultiver la tourbe de mousse?

Mme Perron : Nous en cultivons déjà beaucoup au Nouveau-Brunswick et au Québec.

Le sénateur Callbeck : Quand l'APECA est née, je pense que vous avez participé à des programmes pour aider les gens des collectivités rurales à parfaire leurs compétences en leadership pour que les collectivités dirigent davantage leur propre développement économique. Est-ce que ces programmes portent fruit?

Mme King : Oui.

Le sénateur Callbeck : Sont-ils un succès?

Mme King : C'est surtout le travail des organismes de développement économique régionaux, que nous appuyons. Ce sont eux qui accompagnent les petites entreprises et les collectivités, qui trouvent des moyens de parfaire leurs compétences et d'accroître leurs débouchés.

Le sénateur Callbeck : Je les connais, c'est donc ainsi que vous procédez. Très bien.

Le sénateur Gustafson : Un organisme comme le vôtre et comme Diversification de l'économie de l'Ouest Canada doit entrevoir l'avenir avec beaucoup d'inquiétude.

Chrysler va faire 2 000 mises à pied, et elle n'est pas la seule. En Chine, les gens travaillent pour 100 $ américains par mois. Nous nous dirigeons vers une période très difficile. Votre organisme en tient-il compte et a-t-il des projets en ce sens pour l'avenir? Nous dépensons combien : 500 milliards de dollars par année ou plus? J'ai l'impression que nous allons connaître de graves difficultés.

Mme King : Évidemment, nous appuyons les recherches et les études qui sont faites pour déterminer quels seront les défis dans 10 ou 15 ans, particulièrement en ce qui concerne la main-d'œuvre et l'accès à des travailleurs qualifiés, compte tenu de l'exode que nous connaissons. Nous analysons tous ces enjeux et travaillons avec nos partenaires pour essayer de trouver des solutions avant la crise.

Nous envisageons notamment des stratégies axées sur la population. Chaque gouvernement provincial du Canada atlantique a une stratégie axée sur la population, et nous collaborons avec eux. Nous nous penchons sur des problèmes comme la rétention des jeunes, comme Mme Perron l'a déjà mentionné, et nous aidons les universités dans leurs recherches et leurs études sur les enjeux de la région.

Le sénateur Gustafson : J'ai l'impression que les jeunes d'aujourd'hui, une fois qu'ils obtiennent leur diplôme, veulent des emplois de cols blancs. Essayez de trouver un plombier ou un charpentier. Même s'ils gagnent un bon salaire, il est difficile d'en trouver. Essayez de trouver un briqueteur. À Winnipeg, nous avons fait venir des briqueteurs d'Europe parce que nous ne pouvions pas trouver de briqueteurs canadiens. Ces pénuries semblent empirer.

Mme King : Au Canada atlantique, je constate qu'il y a beaucoup de personnes de métier qui partent vers Alberta. Cependant, les collèges ont d'excellents programmes et beaucoup d'étudiants; ils forment beaucoup de personnes aux métiers, et c'est la même chose pour les universités. Ils acceptent des emplois ailleurs. Évidemment, nous espérons qu'ils finiront par décider de revenir au Canada atlantique et d'y rapporter leurs compétences et leur expérience.

La présidente : Je vous remercie beaucoup d'avoir participé à notre réunion, et je remercie tous mes collègues de leurs questions.

Vous avez très bien mis la table pour le voyage que nous entreprendrons dès dimanche vers Terre-Neuve-et- Labrador, puis la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. Il a été fantastique de vous recevoir parmi nous, et je vous remercie infiniment.

La séance est levée.


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