Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 18 - Témoignages du 1er mars 2007
OTTAWA, le jeudi 1er mars 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 3 afin d'examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour, honorables sénateurs et témoins. Bonjour à tous les téléspectateurs qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
En mai dernier, le comité a été autorisé à examiner, pour en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada. L'automne dernier, nous avons entendu un certain nombre de témoins experts qui nous ont présenté un aperçu général de la situation au Canada. Sur la base de leurs témoignages, nous avons rédigé un rapport intérimaire, qui a été publié en décembre et qui semble, à notre surprise, avoir suscité une certaine émotion un peu partout dans le pays.
Nous entreprenons maintenant la seconde phase de notre étude. Notre objectif est de rencontrer des Canadiens des régions rurales, des ruraux pauvres et des gens qui cherchent à les aider. La semaine dernière, le comité a tenu des réunions dans les quatre provinces de l'Atlantique et a pris connaissance, d'une façon très directe, des difficultés particulières que connaissent les pauvres du Canada rural.
La semaine prochaine, le comité se rendra dans l'Ouest pour se familiariser avec les préoccupations des ruraux pauvres de cette région. Nous avons l'intention d'aller en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba.
Entre-temps, le comité veut entendre le plus de témoins possible. À cette fin, il tient des réunions préparatoires à Ottawa en prévision de son voyage dans l'Ouest. Ce matin, nous accueillons des témoins d'un organisme qui fait du bon travail, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada.
Diversification de l'économie de l'Ouest a été créé en 1987 dans le but d'agir pour que l'Ouest dépende moins des ressources naturelles et d'accorder une aide économique aux collectivités viables. Nous accueillons donc aujourd'hui, de Diversification de l'économie de l'Ouest, M. Fernandez, sous-ministre adjoint à Ottawa, et Mme Paxton Mann, sous-ministre adjointe en Colombie-Britannique.
Je vous souhaite la bienvenue à tous deux. Votre présence est importante parce que Diversification de l'économie de l'Ouest joue un rôle important dans le progrès de l'Ouest canadien.
Ardath Paxton Mann, sous-ministre adjointe, Colombie-Britannique, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada : Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous présenter l'expérience de Diversification de l'économie de l'Ouest Canada — ou DEO — dans le domaine du développement économique rural et de la diversification.
J'aimerais vous parler aujourd'hui des leçons que nous avons tirées de nos expériences, vous donner des exemples d'initiatives économiques de DEO couronnées de succès et conclure par un résumé des éléments qui, à notre avis, ont permis la réussite de ces initiatives. Comme je dois adapter mon intervention au temps qui m'est alloué, je serai forcément brève. Néanmoins, je donnerai à la greffière des trousses individuelles, pour chacun des membres du comité, contenant le texte complet de nos interventions et des exemples de réussites de DEO dans les deux langues officielles.
J'ai eu l'occasion de lire le rapport intérimaire du comité intitulé Comprendre l'exode : Lutte contre la pauvreté rurale. J'ai également eu la possibilité d'examiner le témoignage de ma collègue, Mme Eleanor King, directrice générale de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA), organisme qui fait le même travail que nous dans les provinces de l'Atlantique, lors de sa comparution devant le comité en février dernier.
J'aimerais commencer par quelques observations préliminaires. Comme le souligne votre documentation et comme d'autres témoins vous l'ont déjà dit, la lutte contre la pauvreté, qu'elle soit rurale ou urbaine, est un défi qui mérite notre attention et notre effort collectif. Mais je voudrais noter respectueusement, comme votre rapport intérimaire le signale d'ailleurs, que c'est un défi auquel aucun ministère ou organisme tel que DEO, l'APECA ou RHDCC, ne peut s'attaquer seul avec succès.
Tout comme notre jumelle l'APECA, nous considérons le développement et la diversification économique comme une importante activité s'inscrivant dans un programme d'ensemble destiné à affronter le problème de la pauvreté rurale. Comme d'autres témoins l'ont noté, la pauvreté prend de multiples formes. Les solutions doivent donc être conçues pour répondre à de multiples besoins.
Nos services s'adressant aussi bien aux environnements urbains que ruraux, DEO doit tenir compte de l'évolution des besoins de ces communautés.
L'exode rural d'aujourd'hui annonce les défis urbains de demain en matière de logement et de services sociaux. Il est intéressant de noter, dans la conclusion du rapport intérimaire, que les communautés rurales elles-mêmes doivent présenter des idées de développement économique et d'atténuation de la pauvreté, qui seront les plus adaptées à leurs besoins précis. Cela correspond tout à fait à la vision des choses qui existe dans certaines régions de l'Ouest où règne un grand esprit d'indépendance.
Dans cette intervention, je partirai de notre mandat pour couvrir nos programmes, nos partenaires prestataires de services et les processus qui nous permettent d'aider les collectivités à identifier leurs besoins économiques et à créer des modèles économiques viables. Nous terminerons par quelques exemples de nos réussites.
Je voudrais également souligner que la majorité des programmes de DEO ne font pas de distinctions particulières entre les communautés urbaines et rurales. Nos programmes sont offerts à tous les demandeurs. Nous considérons comme « rurale » toute communauté extérieure aux sept grands centres urbains de l'Ouest. Je sais qu'on vous a déjà proposé de multiples définitions du rural, mais pour les fins de collecte de données de DEO, c'est cette définition que nous avons adoptée. Nos sept grands centres urbains sont Victoria, Vancouver, Edmonton, Calgary, Saskatoon, Regina et Winnipeg. Je note que cela est différent des descripteurs utilisés par RHDCC, Statistique Canada, l'OCDE et le Secrétariat rural, pour ne nommer que ceux-là.
Comme 80 p. 100 de la population de l'Ouest vit dans ces centres urbains, il faut reconnaître que la majorité des fonds dont nous disposons vont aux grappes d'innovation, aux institutions, aux associations et aux entrepreneurs de ces centres.
Il y a cependant des exceptions. En 2005-2006, 54 p. 100 de nos fonds de programmes destinés à la Colombie- Britannique sont allés à des collectivités extérieures au Lower Mainland et au sud de l'île de Vancouver. DEO consacre de plus en plus d'attention à la mise en place de capacités d'innovation et de développement des compétences dans les institutions de l'Ouest rural.
Mon collègue, M. Fernandez, vous parlera maintenant du mandat de DEO et du contexte de l'élaboration de nos politiques et de la mise en œuvre de nos programmes.
Keith Fernandez, sous-ministre adjoint, Ottawa, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada : Comme vous le savez, DEO est un ministère basé dans l'Ouest qui a pour mandat de promouvoir le développement et la diversification de l'économie de l'Ouest du Canada et de faire progresser les intérêts de l'Ouest au sein de l'économie canadienne. Il se concentre sur un ensemble d'objectifs interdépendants, comme bâtir la capacité novatrice de l'Ouest, valoriser le dynamisme des entrepreneurs régionaux et soutenir le développement économique des collectivités. Nos efforts de défense des intérêts de l'Ouest soutiennent et renforcent notre stratégie générale.
DEO a un budget d'environ 352 millions de dollars, dont près de 54 millions sont consacrés aux salaires de nos 380 employés dans l'Ouest et à Ottawa. Environ 299 millions de dollars vont à des programmes de subventions et de contributions comme le Programme de diversification de l'économie de l'Ouest, les Ententes de partenariat pour le développement économique de l'Ouest et le programme Infrastructures Canada. Ces chiffres sont ceux du budget 2006- 2007.
Sur le montant de 299 millions, environ 123 millions de dollars sont attribués aux subventions et contributions, ce qui permet au ministre de définir les orientations stratégiques et les priorités du ministère. Les 175 millions de dollars restants sont liés aux programmes d'autres ministères que nous mettons en œuvre pour leur compte dans l'Ouest.
Notre philosophie de fonctionnement est basée sur le partenariat et sur l'obtention par effet de levier d'un maximum de fonds. Pour soutenir un maximum d'initiatives de développement économique, nous travaillons en partenariat avec tous les ordres de gouvernement (provinces et municipalités), avec des universités, des institutions financières, le secteur privé et des organisations sans but lucratif. Il arrive dans de nombreux cas que ces partenaires apportent avec eux des compétences, une expertise, du financement et d'autres ressources nécessaires. Ce qui distingue notre mode de fonctionnement de celui des autres organismes régionaux, c'est l'absence d'assistance directe aux entreprises. Ce n'est pas notre travail de choisir les gagnants et les perdants. Nous y avons renoncé en 1995.
À l'heure actuelle, l'économie de l'Ouest, qui est basée sur les ressources naturelles, connaît des niveaux de croissance et de prospérité sans précédent. Cela a pu donner l'impression, dans certaines régions, que l'Ouest n'a pas besoin d'un organisme de développement régional.
Toutefois, la croissance s'accompagne de pressions à tous les niveaux des gouvernements et des collectivités, qui doivent trouver la meilleure façon de la gérer et de la pérenniser. Cela met également en évidence la nécessité de diversifier l'économie de l'Ouest afin de se préparer au déclin cyclique qu'a déjà connu l'exploitation des ressources naturelles.
Dans le cadre de son mandat économique, DEO participe à des projets variés, qui vont du développement des collectivités et des entreprises au soutien de l'acquisition de capacités institutionnelles et individuelles. J'insiste de nouveau sur le fait que cette action touche aussi bien le secteur rural qu'urbain. De plus, même si notre programme ne cible pas particulièrement les Autochtones, ceux-ci font partie de notre clientèle, qu'ils vivent à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve.
Je vais maintenant céder à nouveau la parole à Mme Paxton Mann, qui vous parlera de la façon dont nous mettons en œuvre nos programmes de développement économique dans l'Ouest rural.
Mme Paxton Mann : Examinons maintenant la façon dont DEO met en œuvre ses programmes de développement et de diversification économique dans l'Ouest rural. Je voudrais consacrer quelques instants à une série de programmes qui ont déjà été mentionnés au cours de vos audiences, les sociétés d'aide au développement des collectivités, ou SADC, qui font du très bon travail au niveau communautaire.
En 1995, DEO a assuré la gestion du Programme de développement des collectivités dans l'Ouest du Canada. J'ai indiqué plus tôt que la plupart des programmes de DEO ne font pas de distinctions entre les collectivités rurales et urbaines. Le Programme de développement des collectivités est l'exception qui confirme la règle.
Comme vous l'ont dit d'autres témoins, notamment les représentants des organismes de développement régional, nous sommes d'accord sur le fait que le Programme de développement des collectivités a réussi à aider les collectivités rurales à se développer et à mettre en place des solutions locales à des problèmes locaux définis par la population locale. Il existe 90 SADC à but non lucratif, quatre associations de SADC et un groupe de SADC couvrant tout l'Ouest. Ces structures couvrent virtuellement tout le territoire de l'Ouest du Canada et desservent environ 3,1 millions de résidants à l'extérieur des régions urbaines. Sur les 90 SADC, quatre sont des organisations autochtones d'aide au développement des collectivités.
Le Programme de développement des collectivités a été établi sur la base des principes du développement économique communautaire, dont vous avez beaucoup entendu parler. C'est un processus communautaire dirigé par et pour ses membres, fondé sur une approche combinée du développement social et économique, et favorisant le bien-être des collectivités.
Les travailleurs bénévoles des collectivités, qui comprennent et reconnaissent les problèmes locaux, sont des éléments clés de la réussite des SADC. En 2005-2006, celles-ci ont employé plus de 2 500 bénévoles locaux, y compris les membres de conseils d'administration, qui ont fait plus de 86 000 heures de travail bénévole.
Une forte capacité d'entreprise est essentielle à des collectivités saines et prospères. Dans les cinq dernières années, les 90 SADC de l'Ouest ont procuré plus de 6 700 prêts, totalisant 220 millions de dollars, qui ont permis, par effet de levier, de trouver 315 millions de dollars supplémentaires auprès d'autres sources.
On estime que ces investissements ont créé ou maintenu plus de 2 100 emplois dans l'Ouest rural.
Les prêts des SADC n'ont pas pour seul but d'aider l'économie dominante. Ces cinq dernières années, 13 p. 100 d'entre eux sont allés à des entrepreneurs autochtones, 5 p. 100 à des entrepreneurs handicapés et 9 p. 100 à des jeunes. Bien sûr, nous voulons augmenter ces pourcentages.
Les prêts sont relativement modestes, leur montant moyen s'étant élevé ces cinq dernières années à environ 32 000 $.
Les SADC sont une composante clé du Réseau de services aux entreprises de l'Ouest canadien, qui fait le lien entre les SADC et les Centres de services aux entreprises du Canada dans chacune des quatre provinces de l'Ouest, l'Initiative pour les femmes entrepreneurs et les Organisations francophones à vocation économique. Ces quatre parties s'allient pour fournir des services intégrés, dans les deux langues officielles, aux petites et moyennes entreprises et aux organismes communautaires, partout dans l'Ouest.
La majorité des services fournis par les autres membres du Réseau de services sont mis en œuvre sur une base provinciale, y compris dans les zones rurales. Beaucoup d'entre eux sont fournis en coopération avec les SADC. Nous avons inclus des exemples d'initiatives rurales dans la documentation. Vous pouvez les examiner quand vous voudrez. Nous serions heureux de répondre à toute question que vous auriez à leur sujet.
Les SADC locales élaborent également de nouvelles approches transférables à d'autres collectivités. Elles peuvent ainsi trouver une pratique exemplaire qui marche bien chez eux. Une fois l'information communiquée à leur collectivité, celle-ci peut l'adapter de façon à établir une pratique pouvant servir dans plusieurs collectivités voisines. Très rapidement, on a cinq ou six SADC qui appliquent le même modèle qui marche bien.
Au Manitoba, par exemple, le projet pilote des travailleurs expérimentés de la SADC de Parkland a aidé des participants âgés de 55 ans et plus à garder le contact avec leur ferme et leur collectivité. Ce projet pilote a connu une telle réussite que le programme du Service canadien de développement des compétences en agriculture l'a utilisé comme modèle partout dans le pays.
Le réseau des SADC a également fourni aux collectivités un système reconnu de mise en œuvre des programmes provinciaux ou fédéraux et a effectivement assuré la mise en œuvre des programmes gouvernementaux spéciaux d'adaptation économique, comme les mesures d'adaptation aux fermetures de pêcheries, au différend sur le bois d'œuvre, aux incendies de forêt et aux inondations. Selon l'endroit où vous vivez dans le pays, vous connaissez probablement tous ces problèmes ou quelques-uns d'entre eux. Ainsi, le sénateur St. Germain est sans doute bien renseigné sur les fermetures de pêcheries et les difficultés relatives au bois d'œuvre en Colombie-Britannique, de même que sur nos mesures d'adaptation aux incendies de forêt.
En 2002, lorsque les États-Unis ont imposé des droits compensateurs sur le bois d'œuvre résineux, 180 collectivités forestières de la Colombie-Britannique ont perdu d'une façon permanente 4 000 emplois directs. Les SADC de la Colombie-Britannique, en partenariat avec DEO, ont mis en œuvre avec succès l'Initiative d'adaptation économique de l'industrie et des collectivités touchées par le différend sur le bois d'œuvre. En 13 mois seulement, ces SADC ont approuvé 145 projets pour un montant total de 50 millions de dollars, qui ont permis de trouver 95 millions de dollars supplémentaires par effet de levier et de créer ou de maintenir entre 2 500 et 3 000 emplois. Je pourrais vous donner des détails sur quelques-uns de ces projets, si vous le souhaitez, au cours de la période des questions.
J'ai déjà parlé des partenariats avec les gouvernements provinciaux et les administrations municipales, qui sont très positifs et couvrent un grand nombre de domaines, y compris le développement économique rural. Cette approche tripartite du développement des collectivités, qui existe depuis une quinzaine d'années, est bien connue dans le cadre des réalisations des trois ordres de gouvernement au niveau des collectivités. Je parlais justement au sénateur Fairbairn de ce qui s'est fait à cet égard en Alberta.
Le Projet de développement économique communautaire rural réalisé en Alberta est un projet pilote de trois ans d'une valeur de 2,1 millions de dollars. Il fait partie de l'Entente de partenariat pour le développement économique de l'Ouest conclue avec la province de l'Alberta et comporte trois volets : les Fonds pour les projets de développement économique des régions rurales, l'engagement de spécialistes du développement économique pour travailler directement avec les collectivités au lancement de leurs initiatives, et le financement des Alliances régionales de développement économique ou ARDE.
M. Fernandez : L'Entente Canada-Saskatchewan pour le développement du Nord (EDN), signée en octobre 2002, prévoit des investissements de 20 millions de dollars sur cinq ans au profit de projets qui font la promotion du Nord de la Saskatchewan et appuient le développement économique des régions septentrionales de la province. Le comité tripartite de gestion de l'Entente, dont Mme Paxton Mann a fait mention, est une structure administrative unique dans laquelle des citoyens du Nord, dont des représentants des Premières nations et des Métis, participent au processus décisionnel lié à la mise en œuvre et à la gouvernance courante de l'EDN.
Mme Paxton Mann : Je voudrais consacrer quelques instants au Fonds sur l'infrastructure municipale rurale car, même si nous avons dit que DEO ne fait pas de distinctions entre les programmes urbains et ruraux, il y a quelques exceptions, aussi bien dans nos propres programmes que dans ce que nous mettons en œuvre pour le compte d'autres ministères fédéraux.
Le Fonds sur l'infrastructure municipale rurale ou FIMR est l'un de ces programmes. Il relève d'Infrastructure Canada, mais sa mise en œuvre dans l'Ouest du Canada est assurée par DEO. Comme je l'ai mentionné, nous administrons des programmes pour le compte d'autres ministères. Le FIMR fait des investissements stratégiques afin d'améliorer et d'augmenter les infrastructures publiques de base dans des domaines tels que l'approvisionnement en eau, le traitement des eaux usées, la culture et les loisirs. Au moins 80 p. 100 des fonds du FIMR sont consacrés à des municipalités de moins de 250 000 habitants. Ces cinq prochaines années, DEO investira 278,3 millions de dollars dans l'Ouest dans le cadre du FIMR.
Le Fonds est conçu pour répondre aux préoccupations des petites collectivités rurales qui avaient l'impression qu'elles ne recevaient pas un financement suffisant à cause de leur taille et de problèmes tels que la dépopulation des régions rurales et peut-être la circulation réduite sur les routes et les ponts. Ces collectivités craignaient qu'on ne les juge pas dignes de recevoir des fonds d'infrastructure. En fait, ce programme a montré que de tels fonds sont nécessaires et qu'ils sont effectivement affectés.
Je voudrais maintenant parler de nos activités en faveur des Autochtones. J'ai mentionné que nos programmes ne ciblent pas particulièrement les Autochtones ou les Premières nations, qui relèvent principalement du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Nous nous occupons des collectivités. Nous ne pouvons donc pas concentrer nos efforts sur certaines et négliger d'autres. Comme partout ailleurs dans le pays, il y a dans l'Ouest des membres des Premières nations qui vivent dans des réserves et d'autres, dans des centres urbains. La majorité d'entre eux se déplacent assez fréquemment d'un endroit à l'autre. À Vancouver, par exemple, nous avons des membres des Premières nations qui passent trois jours par semaine dans leur réserve et quatre jours dans le secteur est du centre-ville. Doit-on considérer qu'ils vivent dans une réserve aux fins du financement et des programmes fédéraux, ou bien faut-il les classer dans la catégorie des Autochtones urbains? Nous nous occupons des besoins et des problèmes des collectivités, dans lesquels s'inscrivent les besoins des Autochtones.
Dans l'ensemble, 62 p. 100 de la population autochtone du Canada, qui compte quelque 800 000 personnes, vit dans l'Ouest du Canada. La majorité de ces Autochtones vivent hors réserve, dans de grandes et de petites villes. En Saskatchewan et au Manitoba, les Autochtones représentent près de 15 p. 100 de la population et leur nombre augmente trois fois plus vite que le reste de la population.
Le taux d'activité des Autochtones reste inférieur à celui du reste du Canada, mais leur taux de chômage est deux fois et demie plus élevé que le taux national. On estime qu'il faudra créer d'ici 2016 plus de 200 000 emplois dans l'Ouest pour répondre aux besoins de la population croissante de jeunes Autochtones. L'un des grands défis du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des Premières nations sera d'augmenter le taux de participation des Autochtones à la population active et de trouver des moyens de se préparer pour l'avenir puisqu'en 2016, ils occuperont 25 p. 100 des emplois d'entrée sur le marché du travail.
Nous participons actuellement à de nombreux projets, allant du développement des collectivités et des entreprises au soutien de la création de capacités institutionnelles et individuelles. Notre stratégie vise particulièrement à augmenter le taux d'activité des Autochtones. Nous serons heureux de vous en donner quelques exemples pendant la période des questions.
J'ai noté, au début de cette intervention, que l'activité de diversification et de développement économique des organismes régionaux est un important outil pour les collectivités et les personnes qui cherchent à améliorer leur situation et leur qualité de vie. Nous reconnaissons que le développement économique a beaucoup moins de chances de réussir s'il est entravé par un niveau d'instruction insuffisant ou de mauvaises conditions de logement, de santé et d'environnement. Le succès du développement économique et de la diversification impose de recourir à des moyens complémentaires pour agir sur le bien-être social, écologique et culturel des collectivités.
Nous avons aussi appris que si nous éparpillons nos activités et tentons de tout faire pour tout le monde, nous risquons de ne pas avoir un impact réel dans les domaines définis par notre mandat. Aussi, pour répondre à ces autres besoins qui conditionnent le développement économique et la diversification, nous nous appuyons sur les ministères et les organismes mandatés à cet effet. En même temps, nous comptons aussi sur notre expérience pour coordonner les mesures prises par plusieurs ministères ou plusieurs ordres de gouvernement pour satisfaire à ces besoins des collectivités.
Tout en reconnaissant que la pauvreté rurale comporte de multiples aspects, nous espérons avoir réussi à vous donner un aperçu de ce que nous croyons avoir accompli à DEO pour atténuer certains des effets de la pauvreté dans les collectivités rurales de l'Ouest.
Nous remercions le comité de nous avoir permis de lui faire part de nos expériences et de nos réalisations. Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup.
J'ai quelques observations à formuler au sujet de la façon dont le développement économique s'est fait dans ma province. L'Alberta a été la première province à signer l'accord. Comme nous avons de grandes villes et que tout le reste est rural, nous avons pu nous organiser pour que les collectivités rurales participent toujours aux activités que vous avez organisées. Cela a été très utile et très réussi.
Certains de vos programmes ciblent les femmes. Vous en avez un qui a beaucoup aidé les femmes entrepreneurs. Est- ce que ce programme existe encore?
Mme Paxton Mann : Oui, c'est notre Initiative pour les femmes entrepreneurs, programme très sain et très dynamique de notre réseau de prestation de services dans l'Ouest du Canada.
Le sénateur Segal : Je vous remercie d'être venus au comité aujourd'hui.
En considérant l'historique des politiques de développement rural au Canada depuis les années 1950, avec la Loi sur l'aménagement rural et le développement agricole, le ministère de l'Expansion économique régionale et tout ce qui a suivi, on peut facilement dire que l'Agence de promotion économique du Canada atlantique a constitué un point tournant : nous nous sommes écartés de l'ARDA et du MEER pour adopter une approche différente. Le DEO fait partie de la même évolution. La politique se fondait sur la prémisse de base du désavantage géographique. Le fait d'être loin du centre économique, des forces du marché et des endroits où la population est la plus dense, c'est-à-dire du Québec et de l'Ontario, entraînait une distribution inéquitable des perspectives économiques. Par conséquent, les organismes gouvernementaux de ces marchés régionaux, tels qu'ils étaient alors considérés, devaient en quelque sorte rétablir l'équilibre en introduisant une certaine équité.
Je comprends que DEO n'a pas un mandat particulièrement rural et doit desservir toute une région du pays. Cela étant dit, il est difficile de considérer l'ouest du Canada sans conclure que, même si certaines parties de l'économie sont très fortes, connaissent des pénuries de main-d'œuvre, ont des taux de croissance et des investissements remarquables, ce qui est tout à l'honneur des intéressés, il existe quand même, par exemple dans les régions rurales du Manitoba et de la Saskatchewan, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des collectivités autochtones, des poches de pauvreté et d'isolement. Je comprends bien que votre mandat est très général. Je peux supposer, d'après votre témoignage de ce matin, que votre mandat ne vous permet pas d'orienter vos priorités budgétaires de façon à remédier à ce problème particulier. Vous pouvez essayer de vous montrer compréhensifs dans le cadre des SADC et d'autres organisations, mais vous ne pouvez pas vraiment dire : « Calgary peut très bien se débrouiller sans nous et peut régler toute seule ses problèmes pendant quelque temps. Vancouver est également dans une bonne situation. Toutefois, comme il y a de petites collectivités qui connaissent des difficultés bien plus importantes, nous allons concentrer sur elles la plus grande partie de notre budget. »
J'ai cru vous entendre dire que vous n'avez pas le mandat de le faire. Vous ne vous montrez pas insensibles, mais vous ne pouvez pas consacrer l'essentiel de votre budget aux petites collectivités. Est-ce que j'ai bien compris?
Mme Paxton Mann : C'est le genre de question à laquelle il faut répondre oui et non. Tout d'abord, on ne trouve pas dans les quatre provinces de l'Ouest la même cohésion que dans les provinces de l'Atlantique. Chacune des provinces de l'Ouest à une géographie différente et, partant, les questions liées à la pauvreté rurale y sont très différentes. Certains diront : « Comment pouvez-vous parler de pauvreté rurale dans une province comme l'Alberta qui est en train d'exploser? » En fait, on peut facilement le faire. Il y a des poches de pauvreté dans la province. Mon collègue de l'Alberta dirait même que malgré l'effervescence économique, la province n'a pas une économie diversifiée. Elle n'a presque rien d'autre que le pétrole et le gaz.
Dans les autres provinces, nous nous servons de nos outils, comme le Programme de développement des collectivités, qui cible exclusivement les régions rurales éloignées. Le critère, c'est que la collectivité doit être extérieure aux zones urbaines. Nous avons beaucoup travaillé pour assurer le succès de ce programme. Nous avons commencé à envisager d'établir des centres d'innovation dans les régions rurales, là où existent des grappes, de concert avec les universités et les collèges communautaires de l'intérieur et du Nord, qui ont réussi à persuader des entreprises privées de participer. Nous commençons à avoir des activités de fabrication et des possibilités d'exportation. Tout cela a des retombées. Voilà une situation dans laquelle nous pouvons, dans le cadre des critères de nos programmes, affecter des fonds, pendant une période donnée, aux besoins particuliers des régions rurales, avec l'accord de notre ministre, du gouvernement provincial et de nos partenaires municipaux. La promotion de l'innovation en milieu rural est un cas classique dans lequel ce scénario peut très bien marcher.
Le sénateur Segal : Vous avez mentionné dans votre exposé le projet pilote d'accès en bande large pour les collectivités autochtones. Nous avons entendu parler au comité d'un problème que connaissent les jeunes en milieu rural. En ville, les jeunes peuvent facilement télécharger des fichiers et avoir accès à toutes sortes de renseignements. Pour diverses raisons, et notamment la faible taille du marché, les compagnies de téléphone ne semblent pas disposées à beaucoup investir dans des installations à large bande dans les régions peu peuplées. De ce fait, les jeunes ruraux, qui doivent faire face à des téléchargements extrêmement longs, ne participent pas autant au monde numérique qui, nous le savons, est extrêmement important. Un ancien premier ministre de Terre-Neuve, qui a été ministre fédéral dans un gouvernement précédent, soutient qu'il a démissionné à cause du manque d'appui pour un programme national d'accès à grande vitesse. Envisagez-vous d'étendre ce projet pilote, actuellement limité aux collectivités autochtones, à d'autres régions rurales isolées non autochtones de l'Ouest, où l'existence de services à large bande serait très utile aux jeunes? Je tiens en même temps à vous féliciter pour cette initiative en faveur de nos frères et sœurs autochtones.
M. Fernandez : Très brièvement, nous travaillons de concert avec Industrie Canada, qui est le premier responsable du projet d'accès à bande large, pour étendre ce service dans la mesure du possible aux endroits où il est rationnel de le faire. Nous appuyons Industrie Canada dans un certain nombre de domaines. Encore une fois, c'est une question de budget et de fonds disponibles. Pour reprendre ce que ma collègue vient de dire, il y a toujours un équilibre à réaliser dans la difficile équation des possibilités et des besoins et dans le cadre d'un budget relativement modeste.
Le sénateur Segal : J'ai été très impressionné lorsque je me suis entretenu avec les représentants d'Agriculture, Alimentation et Initiatives rurales Manitoba. Le ministère a adopté une stratégie prévoyant la création de nombreux petits bureaux dans le Manitoba rural, dotés chacun d'un agronome, d'un économiste et d'un responsable des services sociaux. La communauté agricole a ainsi un point de contact en cas d'urgence. Pour sa part, le gouvernement fédéral a tous ses bureaux à Winnipeg. Vous êtes intervenus avec succès en faveur de l'initiative de la porte d'entrée du Pacifique, ce qui est tout à votre honneur. Avez-vous jamais envisagé de recommander que d'importants bureaux du gouvernement quittent leurs locaux très coûteux des grandes villes pour s'établir dans de petites collectivités, où ils feraient partie de l'infrastructure économique? Mais cela dépasse peut-être le cadre de votre mandat.
Mme Paxton Mann : Sénateur, nous appartenons à un ministère fédéral dont l'administration centrale se trouve à Edmonton. C'est déjà un bon point de départ. C'est une chose que nous envisageons toujours lorsqu'il est question de diversifier l'économie. L'un des premiers facteurs considérés, c'est que le déplacement de bureaux du gouvernement a des répercussions sensibles sur l'économie de la région environnante. Les gouvernements provinciaux de l'Ouest s'intéressent beaucoup à cette question. Le premier ministre Campbell de la Colombie-Britannique a déplacé un certain nombre d'administrations centrales, particulièrement dans le secteur des ressources. La Commission du pétrole et du gaz a maintenant son siège dans la région de Peace River. L'organisme responsable des mines se trouve dans le Nord- Ouest. Par conséquent, quelques déplacements ont déjà eu lieu.
Ayant observé les deux termes de cette équation, je suis d'avis qu'il est avantageux d'avoir des bureaux dans toutes les petites collectivités pour être en mesure de desservir la population locale, mais il y a aussi l'inconvénient du chevauchement des services et de l'accroissement des frais généraux. Il faut donc essayer de trouver un certain équilibre.
Je crois que la technologie de l'accès à grande vitesse commence à régler certaines des difficultés dues à la distance et à l'accès. Dans l'Ouest, les gouvernements provinciaux, les gouvernements des Premières nations et le secteur privé collaborent en vue d'assurer à toutes les collectivités, indépendamment de leur taille et de leur population, des liaisons à grande vitesse. À la fin de cet exercice financier, le premier ministre Campbell de la Colombie-Britannique a pu affirmer que toutes les collectivités avaient de telles liaisons, peut-être pas tous les ménages, mais certainement toutes les écoles et toutes les bibliothèques de la province. Je crois qu'il en est de même en Alberta. Je ne suis pas sûre de la situation dans les deux autres provinces. TELUS et d'autres grandes compagnies de téléphone y travaillent.
Le sénateur Callbeck : La présidente a déjà mentionné l'Initiative pour les femmes entrepreneurs. Je viens du Canada atlantique où l'APECA appuie les femmes entrepreneurs depuis un certain nombre d'années. Le sénateur Oliver vient de rentrer des États-Unis où il a dirigé une délégation commerciale de femmes entrepreneurs du Canada atlantique à Boston. Cette mission a eu un grand succès. J'ai moi-même eu l'honneur de diriger une délégation semblable, il y a deux ans.
Le nombre des femmes entrepreneurs augmente chaque année dans notre région. Les statistiques montrent qu'elles réussissent très bien et qu'elles font preuve d'une grande compétence comme chefs d'entreprises. De quelle façon fonctionne l'Initiative pour les femmes entrepreneurs? Comment mettez-vous en œuvre vos programmes? Le faites- vous directement ou bien financez-vous des organisations féminines pour le faire à votre place?
Mme Paxton Mann : Les fonds vont à des organisations féminines, qui reçoivent ainsi près d'un million de dollars chaque année. Elles fonctionnent un peu comme les sociétés d'aide au développement des collectivités, en recourant à des bénévoles et à des modèles de prestation communautaires. Beaucoup des programmes réalisés dans l'Ouest comprennent des vidéoconférences et des ateliers qui permettent de partager les pratiques exemplaires, de former des réseaux de mentorat et d'établir des alliances sectorielles. Tout cela a également eu beaucoup de succès. Malheureusement, nous n'avons pas organisé de missions de femmes d'affaires de l'Ouest, comme vous l'avez fait dans les provinces de l'Atlantique, mais nous envisageons de faire dans le cadre grâce à certaines mesures s'inscrivant dans l'Initiative de représentation accrue, que nous développons de concert avec les nouvelles missions de la côte ouest.
Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé d'ateliers et de mentorat. Vous avez donc des programmes.
Mme Paxton Mann : Oui.
Le sénateur Callbeck : Vous dites que vos programmes sont administrés par l'entremise d'organisations féminines. Combien y en a-t-il? Y a-t-il une organisation ou plusieurs par province?
Mme Paxton Mann : Cela dépend de la province. En Colombie-Britannique, nous avons des bureaux à Vancouver et à Kelowna. Le siège est à Kelowna. Dans la province, l'Initiative pour les femmes entrepreneurs exerce surtout ses activités dans l'intérieur et dans les collectivités rurales, même s'il y a une grande conférence. En Saskatchewan et au Manitoba, l'essentiel des activités a également lieu dans des régions rurales. Au Manitoba, où il y a un grand nombre de collectivités francophones, l'Initiative collabore avec celles-ci afin de permettre aux femmes francophones de se réunir pour parler de leurs réalisations dans le monde des affaires.
Le sénateur Callbeck : Vous avez dit que 80 p. 100 des fonds consacrés à l'infrastructure municipale rurale va à des collectivités de 250 000 habitants ou moins. D'après la définition de Statistique Canada, une collectivité rurale compte moins de 10 000 habitants. Pourquoi cet écart entre 250 000 et 10 000? Quel pourcentage des fonds va aux collectivités de 10 000 habitants et moins?
Mme Paxton Mann : Je n'ai pas ce chiffre tout de suite, mais je serai heureuse de vous le transmettre.
Le sénateur Callbeck : J'aimerais bien disposer de cette ventilation.
Mme Paxton Mann : Je me ferai un plaisir de vous l'envoyer.
Le sénateur Oliver : Je vous remercie de vos deux exposés. Vous nous avez donné un excellent aperçu de la situation, qui m'a beaucoup appris. Je vous en suis reconnaissant.
À mon avis, l'une des plus grandes crises du monde d'aujourd'hui est due non aux changements climatiques, mais à la pénurie de travailleurs qualifiés. Je sais que c'est un grand problème dans l'Ouest du Canada. J'ai prononcé des discours dans de nombreux pays au sujet de cette crise. J'ai abouti à la conclusion qu'il y a suffisamment de gens au Canada et dans les autres pays, mais que nous n'utilisons pas les talents dont nous disposons et ce, pour différentes raisons.
Comme vous le savez, le gouvernement du Canada a défini depuis plus de 20 ans quatre groupes qui ne sont pas traités d'une manière équitable : les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et un dernier groupe qu'on appelle les minorités visibles. Dans votre exposé d'aujourd'hui, vous avez parlé de tous ces groupes, sauf un. Vous avez parlé de la communauté francophone, des personnes handicapées, des Autochtones et des femmes entrepreneurs, mais vous n'avez pas dit un mot du groupe des minorités visibles. L'un des grands problèmes que nous avons au Canada aujourd'hui, c'est que les minorités visibles ont des compétences et des talents qui ne sont pas utilisés pour remédier à la pénurie de travailleurs.
Je me pose donc quelques questions. Premièrement, pourquoi avez-vous exclu ce groupe? Deuxièmement, n'y a-t-il pas de minorités visibles dans l'Ouest? Troisièmement, que faites-vous pour essayer de remédier à la crise imminente de la pénurie de compétences et pour placer les membres des minorités visibles qui possèdent ces compétences dans les postes vacants?
Mme Paxton Mann : Vous avez posé quatre questions. Si j'oublie de répondre à l'une d'elles, je vous prie de me le rappeler. L'oubli des minorités visibles n'était que cela, un oubli. Nous travaillons très fort pour nous assurer de les inclure non seulement parmi nos employés, mais aussi dans les projets dont nous nous occupons. J'ai la chance d'être la sous-ministre adjointe à Vancouver. Vancouver est une ville cosmopolite, qui est un peu comme les Nations Unies. C'est donc une magnifique occasion pour nous d'avoir un personnel qui reflète les communautés que nous desservons et de profiter de la richesse qu'elles représentent. Notre plus grande difficulté a probablement été d'attirer des Autochtones chez nous, mais nous faisons des progrès dans ce domaine.
Je crois que la question suivante portait sur ce que nous faisons pour développer les compétences. Dans ce cas aussi, la situation dans l'Ouest est très différente. La Colombie-Britannique et l'Alberta connaissent des difficultés semblables. La Saskatchewan et le Manitoba aussi, mais pas dans la même mesure. Les besoins futurs des employeurs seront très différents de leurs besoins actuels. Essayer de prévoir la nature et l'importance de ces besoins est extrêmement difficile. Les universités et les collèges y travaillent avec les groupes de l'industrie et les employeurs pour s'assurer que les programmes d'études, au niveau secondaire, dans les instituts de technologie ainsi que dans les universités et les collèges communautaires répondront aux besoins futurs.
En ce moment, notre plus grand problème consiste à répondre aux besoins actuels de compétences. Nous aurons les Jeux olympiques d'hiver en Colombie-Britannique en 2010 et l'Alberta doit exploiter son pétrole. Nous en sommes presque au point où n'importe qui peut demander un emploi et l'obtenir. La pénurie de main-d'œuvre est un énorme problème. Le ministre Solberg était à Vancouver la semaine dernière pour annoncer de nouvelles règles qui permettront à des travailleurs venant d'autres pays de travailler sur les chantiers de construction.
Nous cherchons des moyens de donner une formation plus rapide, de traiter plus rapidement le dossier des travailleurs pour qu'ils puissent être prêts en moins de temps. Nous élaborons des programmes alliant la formation théorique à l'apprentissage pratique pour faciliter l'entrée en fonction des travailleurs.
Le sénateur Oliver : Est-ce que vous vous occupez de la reconnaissance des titres?
Mme Paxton Mann : Oui, c'est une énorme affaire.
Le sénateur Oliver : Quelles initiatives précises avez-vous prises?
Mme Paxton Mann : Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux examinent ces questions partout dans le pays. Le ministre Solberg étudie le dossier avec ses homologues provinciaux. C'est la plus grande priorité des premiers ministres de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. C'est déjà inscrit dans un protocole d'entente
Le sénateur Oliver : Je soulève cette question parce que 70 p. 100 des immigrants qui arrivent au Canada chaque année appartiennent à des minorités visibles. Si leurs titres de compétence ne sont pas reconnus, nous ne réussirons pas à remédier à la pénurie de travailleurs qualifiés. C'est cela qui m'inquiète.
Mme Paxton Mann : C'est un énorme problème.
M. Fernandez : Je vais ajouter quelque chose à la réponse de ma collègue. C'était effectivement un oubli de notre part. Nous ne parlons pas des minorités visibles parce qu'elles sont intégrées à chacune des autres catégories. On en trouve des exemples en Alberta dans le travail que nous faisons avec les Organisations francophones à vocation économique. Nous travaillons avec le collège affilié à l'Université de l'Alberta, qui sert la communauté de langue française. Beaucoup de membres de minorités visibles sont inscrits à ce collège. Nous lui avons donné la possibilité de dispenser ce genre de formation aux collectivités rurales aussi grâce à des moyens de communication à large bande. Les programmes du collège sont offerts aux membres de ces collectivités qui préfèrent rester à la maison tout en profitant des avantages éducatifs ordinairement réservés aux régions urbaines. Il y a là des membres des minorités visibles.
À Vancouver, du côté des entreprises, un organisme chinois appelé S.U.C.C.E.S.S. nous aide à réaliser des progrès sur les marchés de l'Asie-Pacifique. Il aide la communauté chinoise et la communauté des affaires à s'établir sur les marchés d'exportation et les y prépare. Nous travaillons également avec les associations et les organisations indo- canadiennes. Par conséquent, si nous n'avons pas parlé des minorités visibles, c'est qu'elles sont tellement intégrées dans nos programmes que, pour nous, cela va de soi.
La présidente : Vous avez parlé de formation et du besoin de compétences particulières sur le marché du travail. Je crois que l'alphabétisation est à la base de tout cela. Sans alphabétisation, les livres, la formation et tout le reste ne servent à rien. C'est une chose que nous n'avons pas encore bien comprise au Canada. Nous n'en sommes pas arrivés à la conclusion que l'alphabétisation devrait être aussi prioritaire que bien d'autres programmes mis en œuvre par nos gouvernements partout dans le pays. Nous avons encore beaucoup de gens ayant un niveau d'alphabétisme insuffisant. C'est une réalité. Je n'accuse aucun gouvernement particulier.
Quiconque essaie de relever le niveau de la formation et des lieux de travail doit comprendre que si plus de 40 p. 100 des adultes canadiens ne possèdent pas les compétences fondamentales en lecture, en écriture et en arithmétique que nous tenons pour acquises, nous avons un grand problème. Nous avons aussi les moyens de le résoudre, mais nous ne lui avons pas donné jusqu'ici la priorité voulue.
Le sénateur St. Germain : Madame Paxton Mann, vous avez dit dans votre exposé que ces investissements ont créé ou maintenu plus de 2 100 emplois dans l'Ouest rural, mais votre texte parle plutôt de 21 000 emplois. Quel est le bon chiffre?
Mme Paxton Mann : C'est bien 21 000 emplois.
Le sénateur St. Germain : Vous avez également dit qu'en 1995, vous avez renoncé à choisir les gagnants et les perdants. Vous semblez préférer travailler avec des organisations comme les SADC. Si j'ai bien compris, lors de sa création en 1985 ou 1987, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada avait pour mandat de diversifier l'économie de l'Ouest, traditionnellement axé sur l'agriculture et les ressources naturelles, en créant des emplois qui ne dépendraient pas complètement d'une industrie particulière.
Pouvez-vous nous dire si les objectifs de DEO sont atteints?
M. Fernandez : Lors de la création de notre ministère, ainsi que de l'APECA, les organismes régionaux avaient des approches semblables de la mise en œuvre des programmes. En 1995, le gouvernement et le ministre d'alors ont décidé, après mûre réflexion et des consultations avec les intervenants, que le ministère n'offrirait plus d'aide directe aux entreprises, c'est-à-dire n'aurait pas de contacts directs avec celles-ci et ne choisirait pas les projets à financer.
Depuis, nous avons cédé cette responsabilité aux réseaux de prestation des services. Les réseaux doivent se conformer à des paramètres et à des conditions. Nous fixons des objectifs généraux conformes à l'orientation du gouvernement. Ensuite, les réseaux s'occupent avec les collectivités de trouver des idées pouvant profiter de ce genre de financement. Cela explique dans une grande mesure le succès que nous avons eu auprès des collectivités et des particuliers. DEO n'a pas à justifier pourquoi il a choisi tel ou tel projet. Le conseil d'administration de l'association communautaire détermine les projets à financer en se basant sur des consultations avec la collectivité, sur l'apport des intervenants et sur une bonne compréhension de la viabilité et des points forts de la collectivité.
Mme Paxton Mann : Après nous être retirés du domaine de l'aide directe, nous nous sommes naturellement orientés vers la formation d'alliances stratégiques et de réseaux de collaboration. La contribution de DEO a permis à différents ministères fédéraux et provinciaux, à des organismes extérieurs, des universités, des établissements de recherche et des membres du secteur privé de s'asseoir autour de la table comme ils ne l'avaient jamais fait auparavant. Notre contribution a rendu cette situation possible tandis que des projets étaient élaborés pour répondre aux besoins stratégiques de la collectivité.
Nous ne pensions pas que c'était notre rôle de choisir un demandeur plutôt qu'un autre. Les SADC avaient la responsabilité d'examiner les propositions présentées. De notre côté, nous nous occupions de la tâche plus stratégique consistant à former des alliances et des partenariats.
Le sénateur St. Germain : Ne pensez-vous pas que DEO pourrait en venir à financer des services sociaux au lieu de s'occuper de la diversification de l'économie, qui représentait son objectif initial? Je comprends qu'il peut être complexe de choisir les gagnants et les perdants, mais vous risquez de vous transformer en organisme de financement de programmes sociaux, dont pourraient s'occuper en principe des groupes d'intérêts spéciaux, au lieu d'atteindre votre objectif de diversification de l'économie.
Je pense à la crise de l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine, dont notre présidente connaît bien les répercussions sur nos collectivités rurales. La crise a mis des gens dans une situation effroyable. Je me pose des questions sur la réaction de votre organisme aux besoins de ce genre pour lesquels la diversification est une nécessité.
Je crois donc qu'au lieu d'être un moyen de diversification de l'économie, DEO pourrait théoriquement devenir un organisme de financement de programmes sociaux. Je vous prie de me corriger si je me trompe.
Mme Paxton Mann : C'est une excellente question à laquelle nous avons souvent réfléchi. Dans les six ou sept derniers mois, le ministère s'est livré à ce que notre ancien ministre a qualifié d'exercice de vision, justement pour cette raison. Nous nous demandions si, en essayant de tout faire pour tout le monde, le ministère ne s'était pas légèrement écarté de son objectif central de développement et de diversification de l'économie.
Le problème, c'est qu'en cherchant à bâtir des collectivités viables, il est très difficile d'isoler le développement et la diversification de l'économie et de faire abstraction des services sociaux, des services de santé et d'éducation, du logement, et cetera. Il faut trouver un équilibre.
Les tables rondes organisées par le ministre dans l'Ouest ont abouti à de fermes recommandations des participants, qui souhaitaient que le ministère concentre davantage ses efforts sur le développement et la diversification de l'économie et ne se laisse pas détourner par des questions sociales dont beaucoup d'organismes ont déjà la charge.
Le sénateur St. Germain : Vous avez parlé dans votre exposé de la réaction aux incendies de forêt et aux inondations. Notre comité s'intéresse essentiellement à la pauvreté rurale. Dans le cas de l'ESB, qui a eu d'énormes répercussions sur les collectivités rurales agricoles, est-ce que DEO a des moyens de réaction à de telles crises? A-t-il effectivement réagi dans ce cas particulier?
Mme Paxton Mann : Oui dans les deux cas.
M. Fernandez : L'une de nos fonctions les plus importantes à Ottawa consiste à intervenir auprès des ministères qui ont leur siège dans la capitale fédérale. Mon bureau joue un rôle de premier plan à cet égard.
L'autre aspect important de notre rôle régional, que joue par exemple le bureau de Mme Paxton Mann, consiste à représenter le gouvernement fédéral. Mme Paxton Mann préside ainsi le conseil fédéral régional de la Colombie- Britannique, qui se compose de hauts fonctionnaires fédéraux. Le conseil se réunit pour s'occuper de crises telles que les incendies de forêt. Nous nous occupons de la défense d'intérêts ici, à Ottawa. Le groupe de Mme Paxton Mann définit les besoins, que je transmets à mes collègues des ministères centraux. D'ordinaire, nous n'intervenons pas directement à moins que le gouvernement ne décide qu'il y a un problème de prestation. Dans ce cas, notre réseau de SADC nous aide en nous renseignant sur les besoins précis de la collectivité. Par exemple, lors des incendies de forêt, les SADC des zones touchées ont été en mesure de nous transmettre, par l'intermédiaire de Mme Paxton Mann, de l'information que j'ai communiquée à Sécurité publique et Protection civile Canada sur les besoins de la collectivité, par opposition aux besoins liés à la lutte contre l'incendie et aux répercussions sociales. Notre rôle consistait alors à intervenir pour qu'Ottawa réponde à ces besoins.
Nous nous efforçons de concentrer nos efforts sur les questions économiques et la création de capacités par l'intermédiaire des SADC, mais nous avons également un rôle de coordination lorsqu'il faut persuader d'autres ministères et organismes fédéraux d'intervenir.
Le sénateur St. Germain : Je vous remercie. Je précise pour la gouverne de nos téléspectateurs que les SADC sont les sociétés d'aide au développement des collectivités.
Le sénateur Mahovlich : Je remercie les témoins. Les renseignements que vous nous avez présentés sont très intéressants.
Au sujet de l'Entente Canada-Saskatchewan pour le développement du Nord, des témoins qui ont comparu devant le comité nous ont dit que les jeunes des collectivités du nord de la Saskatchewan sont tous partis pour Fort McMurray à la recherche d'un avenir meilleur. Cela me fait mal au cœur de voir les jeunes partir. Cet exode causera un grand problème. Avez-vous fait les mêmes observations en Saskatchewan?
Mme Paxton Mann : Je ne suis pas de la Saskatchewan, mais je sais que mon collègue qui vient de cette province l'a constaté. En fait, les deux fils de notre ancien ministre ont quitté la Saskatchewan pour aller travailler dans les champs de pétrole de l'Alberta.
Je ne crois pas que le phénomène dure depuis assez longtemps pour que nous puissions parler de déplacements permanents. Dans beaucoup de cas, les jeunes décident de prendre congé de l'université pendant un an ou deux pour amasser un petit pécule en Alberta. Ensuite, ils reviennent, reprennent leurs études et peuvent payer leurs frais de scolarité au fur et à mesure pour ne pas avoir une énorme dette lorsqu'ils décrochent leur diplôme. Ils peuvent ainsi prendre un meilleur départ dans la vie.
Je n'ai pas l'impression que beaucoup des jeunes qui travaillent dans les champs de pétrole de l'Alberta vous diront qu'ils ont l'intention d'y rester plus que quelques années. Je crois que les gens qui sont là pour de bon sont ceux qui viennent d'endroits comme Terre-Neuve-et-Labrador et qui ont de bonnes raisons de rester assez longtemps parce qu'ils ont une famille ailleurs.
J'ai un commentaire intéressant à faire au sujet des jeunes, puisque j'en ai moi-même élevé quelques-uns toute seule dans une petite collectivité de l'intérieur de la Colombie-Britannique. Je crois que l'exode des populations rurales vers les centres urbains, particulièrement en Alberta et en Colombie-Britannique, a commencé à s'inverser. Les régions rurales se repeuplent parce que les jeunes familles avec des enfants n'ont plus les moyens de vivre en ville. Elles sont à la recherche d'une bonne qualité de vie. Elles veulent de l'air pur, une eau propre, des terrains de jeux sûrs pour les enfants, un accès peu coûteux à des loisirs tels que le ski, le golf, le camping et les activités récréatives pour les enfants. On ne peut plus avoir tout cela à Vancouver ou à Calgary. Voilà pourquoi ces familles commencent à emménager dans des régions rurales. Au fur et à mesure que cela se produit, la qualité de vie des collectivités en cause s'améliore, ce qui attire d'autres gens. Tout à coup, une collectivité qui croyait être dans l'impasse voit surgir une étincelle qui commence à tout changer. Je peux vous citer l'exemple de Mount Pearl à Terre-Neuve, de Kimberley, la ville bavaroise des Rocheuses, de Chemainus qui se réveille et de Trail, petite ville auparavant dotée d'une fonderie assez déplaisante qui est en train de devenir la capitale touristique de la Colombie-Britannique. Ces collectivités ont trouvé de l'espoir, quelque chose à quoi se raccrocher.
La décision du gouvernement provincial d'établir des universités et des instituts de formation à l'extérieur de Vancouver et de Victoria a joué un rôle clé en Colombie-Britannique. Nous avons l'Université du Nord de la Colombie-Britannique, qui offre surtout des programmes pour les Premières nations et des programmes de foresterie, le campus de l'Okanagan de l'Université de la Colombie-Britannique, qui a une liaison vidéo avec les salles d'opération de Vancouver, l'Université Thompson Rivers à Kamloops qui enseigne les sciences appliquées et l'University College of the Fraser Valley, qui enseigne surtout l'agriculture à valeur ajoutée. Je connais tous ces exemples de la Colombie- Britannique, mais mon collègue me rappelle qu'il y a aussi le Red River College au Manitoba et d'autres dans les provinces voisines.
Ces établissements attirent des professionnels dans les collectivités voisines. Ils attirent des médecins, des dentistes, des thérapeutes, des professeurs de musique, des entraîneurs ainsi que toute la série de petites entreprises et de services qui suivent les familles allant à l'université. Tout à coup, on voit surgir des entreprises de fabrication et d'exportation. Nous avons assisté à ce phénomène dans des régions telles que les Kootenays, dans le sud-est de la Colombie- Britannique. Ces collectivités plutôt ennuyeuses où j'ai vécu dans les années 1970 se sont transformées en véritables attractions touristiques pour les petites et moyennes entreprises.
Le sénateur Mahovlich : Vous avez mentionné le bois d'œuvre et les emplois perdus. Nous rentrons des provinces de l'Atlantique, où nous avons aussi constaté les effets de cette crise.
Les choses se sont-elles améliorées depuis que le gouvernement a signé cet accord? Vous avez dit que vous avez trouvé du travail pour 2 500 personnes lorsque le problème s'est produit, mais il reste encore beaucoup de chômeurs. Ont-ils trouvé un emploi depuis la conclusion de l'accord?
Mme Paxton Mann : Je ne peux pas parler de l'argent restitué aux entreprises après la signature de l'accord. Je n'ai pas fait d'analyse, mais mes collaborateurs l'ont fait. Je serai heureuse de vous en transmettre les résultats.
Je sais que les emplois perdus — je ne parle pas simplement des mises à pied — par suite de l'imposition des droits compensateurs, il y a quatre ou cinq ans, représentaient des pertes permanentes à cause du réoutillage des scieries, des nouvelles compétences nécessaires et de la fermeture des petites entreprises. Ces emplois ont été maintenus ailleurs, ou alors de nouvelles compétences ont été développées grâce à l'Initiative d'adaptation économique de l'industrie et des collectivités touchées par le différend sur le bois d'œuvre, et continuent jusqu'à présent. Il s'agissait d'un programme de deux ans qui a pris fin, mais qui a permis de montrer aux collectivités en cause ce qu'elles pouvaient faire d'autre pour maintenir leur économie, à part exploiter une vieille scierie qui n'aurait pas survécu très longtemps de toute façon.
Le sénateur Mahovlich : Vous avez parlé de prêts et des SADC. Ces prêts sont-ils remboursés? Le taux de succès est-il élevé? Quand j'emprunte de l'argent, je dois le rembourser. Autrement, la banque viendra frapper à ma porte. Fonctionnez-vous de la même façon?
Mme Paxton Mann : Sénateur, notre directeur général des Finances est ici. Le voyez-vous qui jubile?
M. Fernandez : Je n'ai pas tout de suite le chiffre du taux de succès, mais les prêts, qui sont accordés à un taux un peu supérieur au marché, sont sûrement remboursables. Le taux de succès est assez élevé parce que le personnel des SADC aide les emprunteurs.
Nous avons constaté qu'il fallait faire un suivi des prêts. Autrement dit, quand une personne emprunte, il y a quelqu'un qui la suit pour s'assurer qu'elle fait une bonne gestion de l'argent. Les SADC offrent actuellement ce genre d'aide. Mon collègue va me donner une leçon rapide tout de suite.
La présidente : Dites-lui donc d'avancer.
Mme Paxton Mann : Permettez-moi de vous présenter Jim Saunderson, directeur général des Finances à DEO.
Jim Saunderson, directeur général, Finances et Programmes ministériels, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada : Je vous remercie de me donner l'occasion de répondre à cette question, sénateur Mahovlich. Je n'ai pas tout de suite ce chiffre, mais cette note manuscrite quasi illisible dit que le Programme de développement des collectivités a donné en moyenne près de 2 millions de dollars à chacune des 90 SADC que nous avons dans l'Ouest. Dans l'ensemble, les fonds dont elles disposent actuellement pour accorder des prêts sont supérieurs aux montants qu'elles avaient reçu du gouvernement pendant 20 ans.
Comme les banques, elles ont quelques pertes puisqu'il s'agit en général de prêts à risque relativement élevé. Toutefois, elles réussissent à se faire rembourser avec intérêt. Leur capital a donc augmenté par rapport au montant initial versé par le gouvernement au cours des 20 dernières années.
Le sénateur Oliver : Quel est le pourcentage des prêts non remboursés? Est-ce 10, 15 ou 20 p. 100?
M. Saunderson : Nous croyons qu'il se situe aux alentours de 10 p. 100 ou un peu moins.
Le sénateur Mahovlich : Accordez-vous des prêts aux Autochtones?
M. Saunderson : Oh, oui. Un certain nombre de SADC s'occupent exclusivement ou en grande partie des Autochtones, particulièrement dans le nord des provinces. D'une façon générale, les SADC prennent tous les clients qui se présentent, y compris les Autochtones.
Mme Paxton Mann : Elles collaborent aussi étroitement avec les sociétés de financement des Autochtones.
Le sénateur Callbeck : Quel est le montant moyen d'un prêt?
M. Fernandez : La moyenne est de 32 000 $.
Mme Paxton Mann : Il y a beaucoup de prêts moins importants. Nous avons aussi des programmes de microcrédit, dans lesquels les prêts moyens s'élèvent peut-être à 4 000 $ ou 5 000 $. Il arrive aussi, dans les petites collectivités, que des femmes demandent des prêts de 600 $ à 1 000 $ pour commencer à travailler à leur propre compte.
Le sénateur Callbeck : Depuis combien de temps avez-vous un programme de microcrédit?
M. Saunderson : Le Programme de développement des collectivités remonte au milieu des années 1980. Il relevait à l'origine d'Emploi et Immigration Canada. Il a été transféré à notre ministère en 1995.
Le sénateur Callbeck : J'ai posé une question au sujet du microcrédit.
M. Saunderson : L'Initiative pour les femmes entrepreneurs, qui accorde les petits prêts dont Mme Paxton Mann a parlé, sont en place depuis le milieu des années 1990. Les ententes de financement des prêts que nous avons avec les coopératives de crédit ont aussi commencé au même moment.
M. Fernandez : Les quatre organisations de l'Initiative pour les femmes entrepreneurs — il y en a une par province — ont été établies en 1995 et ont géré depuis des prêts de 20 millions de dollars.
Le sénateur Callbeck : Vous avez mentionné les coopératives de crédit. Ces organisations féminines s'occupent-elles du programme de microcrédit de concert avec les coopératives de crédit?
M. Fernandez : Elles disposent en fait de leurs propres fonds pour financer les prêts parce que nous leur avons donné 20 millions de dollars à cette fin. Il est cependant possible, dans le cadre des services consultatifs qu'elles donnent aux femmes entrepreneurs, qu'elles les mettent en contact avec une coopérative de crédit, comme Vancity ou une autre institution du même genre, si les besoins de capital augmentent.
La présidente : Madame Paxton Mann, j'ai été très heureuse de vous entendre parler de la croissance des petits établissements d'enseignement, collèges et universités, qui a eu des effets extraordinaires. C'est le cas dans ma ville natale. De mon temps, il n'y avait ni université ni collège communautaire. Aujourd'hui, ces établissements ne cessent pas de grandir et attirent beaucoup de jeunes et même de moins jeunes dans des régions rurales qui n'auraient jamais eu cette possibilité autrement et qui ne l'avaient pas à mon époque. Leur présence attire donc dans la collectivité des gens qui viennent ouvrir de petites entreprises. Parfois, de très grandes sociétés, venant même des États-Unis, s'y établissent parce qu'elles ont l'assurance de trouver une main-d'œuvre qualifiée. Comme vous l'avez dit, cela a changé la situation du tout au tout dans l'intérieur de la Colombie-Britannique.
Mme Paxton Mann : Si vous allez dans l'intérieur de la Colombie-Britannique, vous voudrez peut-être poser des questions sur ce qui est arrivé dans les collectivités de Cassiar, Logan Lake et Gold River. Elles étaient menacées de disparition parce qu'elles comptaient exclusivement sur une seule industrie. Elles sont revitalisées et rétablies.
Dans un cas, le prix des logements était devenu tellement abordable que la localité s'est transformée en collectivité de retraités. Ceux-ci ont créé toutes sortes de nouveaux emplois. C'est en fait une collectivité d'entrepreneurs âgés, ce qui en a fait une attraction touristique. Des choses vraiment intéressantes se sont produites à certains de ces endroits qui auraient pu autrement disparaître.
La présidente : Merci beaucoup. Nous avons eu aujourd'hui une séance très intéressante. Nous savons tous que ce que vous faites est là-bas, mais comme nous nous apprêtons à partir pour l'Ouest, il était important pour nous de tenir cette réunion. Je vous remercie ainsi que tous vos collaborateurs pour ce que vous faites. Encore une fois, je ne peux pas parler d'autres régions du Canada, mais il est certain que dans l'Ouest, en Alberta, il y a tout un monde différent par suite des programmes que vous administrez. Nous vous en remercions.
La séance est levée.