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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 10 - Témoignages du 8 novembre 2006


OTTAWA, le mercredi 8 novembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 10 pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international (étude sur les fonds de couverture).

Le sénateur Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Messieurs, je vous remercie infiniment de nous avoir attendus. Je suis ravi que vous vous joigniez à nous en ce jour merveilleux de la vie à Ottawa.

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est rendu à New York le mois dernier pour discuter de diverses questions du ressort du comité, dont les fonds de couverture, un secteur dont on estime la valeur à entre 1,5 et trois billions de dollars dans le monde. Selon l'information que nous avons reçue, nous estimons qu'au Canada, ce secteur représente entre 40 et 50 milliards de dollars. Nous avons les chiffres de 2004, mais nous n'avons pas réussi à rassembler les données les plus récentes. Les fonds de couverture connaissent une croissance exceptionnelle.

Compte tenu de l'ampleur et de l'étendue de notre relation commerciale avec les États-Unis et de la nature intégrée des aspects de nos économies, notre comité est d'avis que nous devons accorder la priorité à la stabilité financière mondiale et nord-américaine. Il est impératif que nous, les décideurs, essayions de comprendre ce qui se passe non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis, étant donné que nos deux marchés sont tellement intégrés.

Pendant nos discussions avec les législateurs et les représentants du secteur des services financiers des États-Unis, les fonds de couverture se sont présentés comme un enjeu clé qu'il faut étudier selon les membres du comité, compte tenu des grands ratés médiatisés que les fonds de couverture ont connus récemment et du nombre croissant d'investisseurs avertis et novices qui utilisent indirectement cet outil financier. Comme je l'ai dit, on estimait la valeur des fonds de couverture canadiens à 26 milliards de dollars en 2004, mais selon d'autres chiffres que nous avons reçus, ils augmentent selon un taux composé de 30 p. 100 chaque année. C'est mon estimation. Les fonds de couverture canadiens vaudraient entre 40 et 50 milliards de dollars actuellement, peut-être même plus.

Nous avons entendu parler des fonds de couverture ou spéculatifs dans notre étude récente sur les consommateurs dans le secteur des services financiers. Nous avons alors recommandé la nomination d'une personne compétente pour revoir le cadre de surveillance réglementaire qui régit les fonds de couverture. Quoi qu'il en soit, de grandes questions demeurent sur la mesure dans laquelle il faudrait réglementer et superviser ce type de produit financier pour protéger les consommateurs ainsi que la stabilité des marchés national et mondial.

Aujourd'hui, nous accueillons M. Stephen J. Kangas, président de BluMont Capital; M. Christopher Guthrie, président de Hillsdale Investment Management Inc., et M. Arun Kaul, chef des opérations. Nous souhaitons également la bienvenue aux deux fils de M. Guthrie, qui sont ici pour entendre leur père parler aux sénateurs de cet aspect important de l'économie. Nous tenons à souhaiter la bienvenue à William et à Caleb parmi notre public très avisé. Je vous remercie infiniment d'être ici cet après-midi, messieurs. Dites-nous comment vous voulez procéder.

Christopher Guthrie, président, Hillsdale Investment Management Inc. : M. Kangas et moi avons tous deux préparé un exposé d'environ sept minutes chacun. Je vais prendre la parole en premier, avec l'aide de mon éminent partenaire, puis M. Kangas va enchaîner pour vous parler de la partie de l'industrie dont nous n'aurons pas parlé.

M. Guthrie : Je vous remercie de cette présentation très attentionnée.

Je vais utiliser une présentation en PowerPoint, que vous devriez avoir sous les yeux. C'est ce dont je vais parler pendant sept minutes.

Question de nous présenter un peu, M. Kaul et moi-même comptons entre 19 et 20 ans d'expérience dans l'administration de ce qu'on appelle les titres de positions longues et courtes, c'est-à-dire d'une sous-classe de fonds spéculatifs, l'une des moins risquées. Quand notre entreprise a démarré il y a dix ans, nous étions des pionniers dans le domaine. Il y avait peu de règlements et d'infrastructure. Il y avait très peu d'administrateurs de fonds pour nous aider et peu de ressources du côté des prêts de titres de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, l'ACCOVAM. Nous avons démarré dans un contexte assez rudimentaire. Nous avons dû en apprendre beaucoup aux administrateurs de fonds sur la comptabilité des fonds spéculatifs. Dix ans plus tard, notre industrie a pris de la maturité et commence à se doter d'un code pour se tailler une place parmi les principales classes d'actifs pour les investissements. Nous avons tous les deux eu la chance de nous initier à la gestion quantitative des actions, ce qui nous a permis de former d'autres gestionnaires dans le cadre de notre emploi précédent.

À la page 3 de notre présentation, vous allez voir que nous gérons actuellement 330 millions de dollars, une somme qui semble très petite pour les fonds spéculatifs à l'échelle mondiale, mais qui place probablement notre entreprise parmi les 10 principaux gestionnaires de fonds de placements spéculatifs sur le marché canadien.

Nous faisons partie de l'AIMA, l'Alternative Investment Management Association Limited, avec qui je sais que vous avez déjà fait affaire. C'est l'association de notre industrie. Dans l'une des annexes, j'ai mis cinq ou six pages pour décrire son mandat. Je ne sais pas si ses représentants auront la chance de venir vous parler. Ils représentent 72 membres au Canada, qui sont des gestionnaires, des fournisseurs, des acheteurs et des administrateurs de fonds spéculatifs.

Notre entreprise emploie actuellement 16 personnes, et c'est le personnel dont nous avons besoin pour bien faire notre travail. Le personnel dont nous utilisons les services pour gérer l'argent placé dans des fonds spéculatifs se compose surtout de diplômés en mathématiques, en informatique, en gestion du risque, en commerce, en analyse technique, en vérification, en comptabilité, en marketing, en observation de la loi et en finance. Cela vous donne une idée de ce qu'il faut pour bien gérer des fonds spéculatifs. La plupart de nos stratégies ciblent actuellement l'Amérique du Nord.

Pour la prestation de nos services, nous avons actuellement cinq fonds communs que nous offrons aux résidents du Canada, ainsi que deux fonds communs que nous offrons aux autres clients, puisqu'il s'agit d'un fonds étranger auquel les Japonais ou même les résidents des États-Unis peuvent participer. Nous gérons aussi directement des éléments de fonds distincts pour des fonds de pension. Nous ne vendons pas de produits aux petits épargnants par la voie de prospectus d'émission ni de billets à capital protégé; deux questions qui vous préoccupent. Nous ne vous serons pas d'une grande aide sur ces deux questions.

À la page 5 de notre mémoire, nous exprimons un point de vue particulièrement important sur la contribution potentielle des fonds spéculatifs à la gestion de l'investissement et à l'économie. Le premier élément est le plus important. Les fonds spéculatifs peuvent offrir aux investisseurs un profil de risque constant et personnalisé. La première phrase est un peu le monde à l'envers. La marge de manœuvre dans l'utilisation de leviers financiers et de divers outils permet d'améliorer la gestion du risque. Il serait impossible pour nous de faire ce que nous faisons sans les leviers financiers et hors de la structure d'un fonds spéculatif. Notre objectif est d'harmoniser notre niveau de risque à celui de l'investisseur. Cela nous permet de préciser et de cibler des budgets de risque. C'est de cette façon que les fonds spéculatifs font diminuer le risque systématique. C'est un aspect important. J'ai vu dans les transcriptions de vos délibérations que le risque systématique vous causait bien des maux de tête. Pour les fonds spéculatifs, nous pouvons constater que la structure de ces fonds est suffisamment unique pour que collectivement, ils posent rarement un risque systématique et qu'encore là, ce ne soit absolument rien comparativement aux autres classes d'actif, dont nous allons parler dans les deux prochaines parties.

Les fonds spéculatifs peuvent générer un rendement stable qui diffère de ce qu'on connaît ou qui sont à l'abri du cycle des affaires, du cycle de l'actif ou du cycle de la bulle. Les classes d'actif classiques subissent des bouleversements extrêmes. Ceux-ci peuvent rarement être évités et ne sont jamais de la faute d'une seule personne ou d'une seule industrie. Il y en a, c'est tout. Pourquoi les actions japonaises montent-elles pendant six ans avant de descendre pendant 20 ans? Pourquoi l'action de Nortel connaît-elle des hausses et des baisses comme un yoyo? Pourquoi l'immobilier vaut-il 20 fois plus cher qu'avant à Calgary? À notre avis, ce sont des risques systématiques qui ne sont pas nécessairement attribuables aux fonds spéculatifs.

Notre troisième argument est celui d'une véritable diversité et d'une répartition de l'actif. Avec le temps, les marchés se sont complexifiés, et l'on peut désormais acheter des actions turques offertes en bloc préétabli. Nous pouvons participer à toutes sortes de marchés de façon efficace. La diversification qui était possible grâce à une participation partout dans le monde n'est plus possible. Nos marchés sont désormais liés comme jamais auparavant. Le risque systématique semble s'accumuler dans les classes d'actif courantes, mais pas nécessairement dans les fonds spéculatifs. J'ai joint en annexe des petites fiches que nous avons préparées sur la façon dont les classes d'actif sont de plus en plus interreliées. Les valeurs mobilières européennes et américaines s'échangent essentiellement selon les mêmes modèles exactement.

Le quatrième élément consiste à assurer une meilleure correspondance des responsabilités. Il est important, particulièrement pour tous nos clients qui se battent pour respecter leurs obligations à long terme, fixes ou de faible risque en matière de pension, d'avoir une autre option que les obligations, particulièrement dans un contexte comme celui-ci, où le rendement des obligations est assez bas. Je sais que les sénateurs en ont parlé, mais le Régime de pensions du Canada comprend un programme assez actif qu'ils appellent de « recouvrement actif ». Il s'agit en fait d'un fonds spéculatif, sous un autre nom. Ce n'est rien de nouveau pour n'importe quel participant chevronné du marché.

Nous pensions aussi qu'il était très important de souligner que nous sommes énormément régis par différentes forces. À la diapositive 6, nous mentionnons les investisseurs, les fournisseurs des services, les organismes de réglementation et le public. Plus particulièrement, les organismes de réglementation ont des ressources qu'ils n'avaient pas il y a dix ans. Je pense que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, la CVMO, est maintenant une grande société qui fait beaucoup de profits. Elle a des ressources de vérification et de contrôle comme jamais auparavant et est en mesure de venir comparaître ici, comme elle l'a déjà fait.

Je souligne les éléments que j'estime important de mentionner. À la diapositive 7, nous faisons une observation sur les fonds fiduciaires sans droit de regard. Pour notre part, comme nous sommes enregistrés et que tous nos produits, même s'ils sont exemptés, sont à la vue du public, nous sommes régis par nos documents d'offre; par nos ententes de souscription; par la diligence raisonnable, qui est beaucoup plus présente et forte que dans le contexte de la gestion de l'actif habituel; par nos rapports mensuels aux clients et par les états financiers vérifiés de nos fonds sur la totalité de l'actif comprise dans nos fonds tous les six mois. J'ai mis en annexe un exemple d'état financier que l'un de nos clients reçoit chaque mois.

Le président : Merci. Je ne veux pas vous interrompre, mais nous serions curieux de voir la notice d'offre dont vous parlez. Peut-être pourriez-vous nous en envoyer des exemples. Nous aimerions voir ce que vous offrez et par conséquent, à quoi les investisseurs peuvent se fier si quelque chose arrive.

M. Guthrie : C'est une bonne question, je n'en ai pas apportés.

Le président : Vous pourrez nous en donner un exemple au hasard après la réunion.

M. Guthrie : Oui, nous pourrons vous en envoyer un plus tard. C'est un bon point de départ, parce qu'on trouve beaucoup d'information dans ces documents d'offre. Dans notre cas, la préparation d'un document d'offre est très capitalistique, nous devons prévoir des heures d'honoraires d'avocats, et c'est la raison pour laquelle je ne vous en ai pas donné d'exemple pour divulgation publique.

Le président : Il y a beaucoup d'avocats autour de la table, donc nous comprenons l'intensité de tout cela et nous n'avons pas de conflit d'intérêts. Veuillez nous en faire parvenir pour que nous puissions y jeter un coup d'œil.

Le sénateur Goldstein : Nous respectons beaucoup les principes de la profession en ce qui concerne les honoraires juridiques.

M. Guthrie : Ils ne semblent pas descendre.

Le sénateur Goldstein : C'est bien.

Le président : Ce comité est très économe; nos coûts sont stables.

M. Guthrie : À la diapositive 8, je montre un peu notre modèle de surveillance. Au Canada, nous avons créé un grand modèle de surveillance robuste. Il y a des investisseurs et des fournisseurs de services en général, et il est important de connaître quelques uns de ces participants aux fonds spéculatifs classiques, comme les courtiers principaux et les dépositaires. On appelle « courtiers principaux » les dépositaires de fonds spéculatifs. Ils permettent d'emprunter des actions pour améliorer la vente à court terme ou la marge de profit. Toutes les grandes sociétés de l'ACCOVAM ont des courtiers principaux et font beaucoup d'argent. La clé est qu'ils exercent une surveillance et que ce soit leur capital. Selon les règles de l'ACCOVAM, la marge de profit est restreinte et il est impossible d'emprunter plus que ce que les règles permettent.

Les administrateurs de fonds comme Citigroup Canada, Royal Trust, Citco Group ou CIBC Mellon, des dépositaires courants qui ont enrichi leur arsenal de produits, sont des sociétés de comptabilité de fonds qui nous permettent de calculer nos actifs, de façon quotidienne dans notre cas, et de distribuer les valeurs de l'actif nettes au public ou aux clients.

Je crois que vous avez reçu tous les habitués. Ils ont maintenant des ressources, et pour notre part, nous passons beaucoup de temps à interagir avec eux et à les recevoir dans nos bureaux. Le processus de vérification qu'applique la CVMO est extrêmement long et dure d'un à deux mois, selon le nombre de personnes touchées. Il revient tous les deux ou trois ans, selon le degré de risque de l'entreprise. Tous les gestionnaires de portefeuille conseillers en valeurs ont fait l'objet d'une vérification en Ontario au moins une fois et peut-être même deux.

Au Canada, nous avons le concept des exigences de compétence, que les États-Unis n'ont pas encore dans leur formule d'enregistrement. Selon les règles d'enregistrement de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, il faut être considéré compétent, ce qui sous-entend d'avoir suivi une formation d'analyste financier agréé et d'avoir un grand manuel des normes de pratique qui régissent tous nos comportements quotidiens. Il y a des vérifications annuelles, des vérifications semi-annuelles et des règlements, donc c'est assez vaste. J'ai mentionné le titre d'analyste financier agréé et quelques règlements sur les transactions sur le marché que nous sommes tenus de respecter. De plus, il y a toutes les règles qui s'appliquent à l'occasion : celles du CANAFE, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, sur le blanchiment d'argent; la LPRPDE, la Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques et diverses autres politiques. Les organismes de réglementation viennent dans nos bureaux ou surveillent nos sites Web pour veiller à ce que nous ayons des politiques en place. Nous avons fréquemment des contacts avec les organismes de réglementation.

Le public examine aussi nos activités d'une certaine façon, parce que nos classes d'actif sont publiées dans les journaux chaque semaine.

Je vais céder la parole à M. Kaul. Nous nous sommes dit qu'il serait utile que le comité examine l'industrie des fonds spéculatifs pour comprendre comment l'assiette des fonds spéculatifs se positionne dans l'assiette des investissements. Nous avons apporté des données sur les produits dérivés et d'autres outils du marché pour vous donner une idée de la petitesse de notre part du marché.

Arun Kaul, chef des opérations, Hillsdale Investment Management Inc. : Je vais prendre l'annexe 5, que vous devriez avoir dans vos notes. Ce tableau montre l'importance relative de toutes les classes d'actif dans le monde. La collecte de données est l'un des grands défis de l'industrie. Différents fournisseurs font le suivi des fonds spéculatifs et des actifs. C'est une industrie à déclaration volontaire, il y a donc beaucoup de données disponibles.

Le président : Les données sur la première page indiquent-elles la taille relative du marché des fonds spéculatifs?

M. Kaul : Oui, c'est la page dont je vais vous parler. Mon intention est de vous montrer la taille relative de l'industrie des fonds spéculatifs par rapport aux marchés financiers. Les données que nous utilisons sur les fonds spéculatifs nous proviennent de Hedge Fund Research Inc., une société de Chicago. Elle a estimé les actifs de l'industrie à 1,1 billion de dollars américains à la fin de 2005.

Le président : Les derniers documents que nous avons reçus nous sont parvenus du sénateur Arlen Specter Hatch, qui était, à ce moment-là du moins, chef du Comité sénatorial judiciaire des États-Unis. Dans une audience qui remonte à juin 2006, nous avons entendu les chiffres de 1,5 à 3 billions de dollars. Il y a une grande différence entre 1,5 billion et 3 billions de dollars, mais ce sont les chiffres que nous avons reçus en juin dernier. Si les actifs valaient 1,1 billion de dollars en 2005 et qu'ils ont connu une augmentation cumulative d'un tiers, ils correspondraient au chiffre inférieur de cette estimation.

M. Kaul : Il est difficile de collecter des données. Je dirais aux sénateurs qu'il y a beaucoup de double comptabilité dans l'industrie, en ce sens que les administrateurs des fonds de fonds font un suivi de leurs chiffres, mais qu'il y a aussi des gestionnaires uniques qui les comptabilisent. Il y a donc là une double comptabilité. Les fonds de fonds représentent environ le tiers des actifs dans l'industrie.

Lorsqu'on essaie de définir les fonds spéculatifs, il est difficile de parvenir à un consensus. Je n'ai jamais vu de chiffre aussi élevé que 3 billions de dollars dans nos données. L'avantage de cette entreprise, c'est qu'elle existe depuis 15 ans et que sa classification des fonds spéculatifs est demeurée stable et constante.

L'autre facteur qui entre en jeu, c'est que les fonds de couverture utilisent des leviers financiers. Quand des particuliers déclarent leurs actifs, même dans l'industrie des fonds de couverture, on ne s'entend pas sur la définition exacte de ces leviers. Ainsi, bien des personnes les utilisent, mais ne les qualifient pas de tels. Il existe une certaine marge de manœuvre pour déterminer le montant réel des actifs. Actuellement, nous utilisons le montant de 1,1 billion de dollars. Je vais vous donner une certaine idée de la croissance de l'industrie. En 1990, le taux de croissance calculé sur une année était de 25 p. 100 environ. Au cours des cinq dernières années, il est passé à 15 p. 100 environ à l'échelle mondiale.

De nombreux participants actuels n'ont pas leur siège aux États-Unis. Si l'on recule de dix à quinze ans, l'avantage dont jouissait l'industrie, c'est qu'elle était en grande partie située aux États-Unis, ce qui rendait la présentation de rapports plus facile. Il existe maintenant des fonds de couverture un peu partout dans le monde, par exemple en Europe, au Proche-Orient, en Australie et dans les économies émergentes. Il est donc plus difficile de faire la collecte des données. Il se peut que le total soit plus élevé que celui que je vous ai fourni. Cela étant dit, si vous le situez en contexte, le pourcentage demeure plutôt faible.

D'après la World Federation of Exchanges, la capitalisation boursière du marché mondial des actions est de quelque 41 billions de dollars. Je vous rappelle que cette donnée vaut pour la fin de l'année 2005. Les fonds de couverture représentent donc moins de 3 p. 100 du marché mondial des actions.

Aux États-Unis, le marché obligataire est plus important que le marché des valeurs mobilières, si l'on se fie à la capitalisation boursière. Ces deux marchés réunis représentent 3 billions de dollars à peu près, contre 80 billions de dollars pour les portefeuilles classiques d'obligations et de titres. Par contre, si l'on examine le marché des instruments dérivés, sa valeur théorique actuelle excède 300 billions de dollars. Les fonds de couverture jouent un certain rôle dans le marché des instruments dérivés, mais ils sont loin de compter parmi les principaux participants sur la scène mondiale.

Le président : Si l'on fait une étude comparative de la croissance du marché global de 41 billions de dollars, à quel rythme croît-il par année? Je vois que vous mentionnez 35 p. 100. On nous a cité de 15 à 30 p. 100, mais nous tenons pour acquis que le taux composé pour les fonds de couverture, comme tels, est de 25 p. 100. Quelle est la croissance du marché global?

M. Kaul : Voilà une excellente question. Depuis trois ou quatre ans, le taux de croissance est plutôt élevé.

Le président : Dépasse-t-il 10 p. 100?

M. Kaul : Oui. Un taux variant entre 10 et 15 p. 100 serait raisonnable.

Le président : Serait-il juste de dire qu'il se situe entre 10 et 12 p. 100?

M. Kaul : C'est probablement raisonnable. Je l'ajusterais, du fait que plus de pays participent aux marchés publics internationaux. Donc, le taux de croissance est probablement plus élevé si vous y ajoutez les nouveaux marchés, dont les nouvelles entreprises qui n'ont jamais été cotées auparavant. Prenons comme exemple les premiers appels publics à l'épargne des Chinois. Le taux de croissance est probablement plus élevé dans certaines régions. Un taux de croissance habituel des marchés boursiers de 10 à 15 p. 100 est raisonnable, à condition de tenir compte de certaines particularités régionales.

Du point de vue canadien, les données reprises par tous viennent du Investor Economics de juin 2004. Cela représente 26 milliards de dollars environ d'actifs canadiens répartis entre des fonds de couverture, des fonds de fonds et des fournisseurs uniques de fonds de couverture comme nous.

D'après le Canadian Pension Fund Directory, une publication produite par Rogers, les actifs des fonds de retraite canadiens oscillent aux alentours de 800 milliards de dollars. D'après ces rapports, leur taux d'exposition au risque des fonds de couverture est de 1 p. 100 à peu près, c'est-à-dire de 10 milliards de dollars environ. Ils font des déclarations volontaires. Nous parlons ici des 1 000 plus importants régimes de pension du Canada.

Les actifs des fonds mutuels tels que mesurés par l'Institut des fonds d'investissement du Canada sont de 570 milliards de dollars à peu près. L'Institut est un organisme qui fait des déclarations volontaires. Certaines entreprises l'ont quitté, de sorte que ce montant est probablement sous-évalué.

Pour ce qui est des actifs des instruments dérivés au Canada, les représentants de la Bourse de Montréal ont parlé de 600 milliards de dollars. C'est donc le chiffre que je vais utiliser.

L'essentiel à retenir, c'est que si vous examinez les fonds de couverture comme composante du marché international, leurs actifs ne sont pas très importants. Quand, dans votre étude, il sera question des fonds de couverture plus particulièrement, nous vous demandons de tenir compte de leur importance globale sur le marché.

L'activité du marché est une question tout à fait distincte. Cependant, nous n'avons pas apporté de données statistiques à cet égard. Il est sûr que l'activité du marché serait légèrement biaisée parce que les fonds de couverture, typiquement, ont tendance à s'échanger un peu plus. Voilà pour le contexte des données. Les données sur les instruments dérivatifs dont nous disposons viennent de la Banque des règlements internationaux. On peut facilement obtenir la plupart de ces données sur tous ses sites Web.

M. Guthrie : L'ampleur même des autres classes d'actifs signifie que, si vous tentez de réglementer le contenu de l'une d'entre elles, les autres vont tout simplement annuler l'effort. C'est tout ou rien. Il est impossible de réglementer une classe d'actifs alors que les autres sont exemptes de toute réglementation. La plupart de ces actifs ne sont pas réglementés.

M. Kaul : Il arrive parfois qu'il y ait concurrence entre un fonds de pension ou une banque d'investissement et un fonds de couverture pour le même genre de stratégie. La banque d'investissement, que rien n'empêche d'adopter une stratégie particulière, pourrait le faire alors que le fonds de couverture ne le pourrait peut-être pas, s'il était ainsi réglementé. À nouveau, il ferait la même chose.

Arrêtons-nous quelques instants au risque systématique, dont il est question à la page suivante. Il est important de faire la distinction entre le risque propre à un titre ou un risque non systématique et le véritable risque systématique. Le fait est que le risque particulier à certains titres est diversifiable. L'essentiel à retenir, c'est que, tant que les investisseurs peuvent diversifier leurs risques, le marché sera actif et fonctionnera bien.

J'aimerais parler d'Amaranth parce qu'il en a déjà été question. Il vaut mieux considérer la perte d'Amaranth comme étant propre à certains titres ou à certains émetteurs plutôt que comme étant attribuable à un risque systématique, en ce sens qu'elle engage en réalité simplement une question de risque propre à l'émetteur. Le problème causé par les fonds de couverture, c'est qu'ils disposent d'une très grande latitude dans ce qu'ils pourraient vouloir investir ou pas. L'investisseur, l'autorité de réglementation et le décideur auront peut-être plus de difficultés à connaître exactement les expositions au risque. À nouveau, si vous considérez cela comme un risque non systématique, alors le véritable risque, c'est qu'aussi longtemps que de nombreux participants du marché sont libres d'investir à leur gré, vous aurez un marché plutôt stable où les investissements se font de part et d'autre.

Le point à retenir de l'affaire Amaranth, c'est que vous pourriez examiner d'autres investissements classiques et observer des pertes encore plus lourdes. Or, ces produits d'investissement sont facilement accessibles. Par exemple, je mentionne les actions de Nortel. Le prix de ses actions a reculé de 35 p. 100 en une seule semaine, en septembre 2000, soit une perte de 46 milliards de dollars à peu près en une seule semaine. Il faudrait voir les deux comme représentant le même phénomène, soit un risque particulier à l'émetteur de valeur, tous deux diversifiables, à condition que l'investisseur le comprenne bien.

La seule chose qui n'est pas réglementée est le contenu précis de la stratégie. De notre point de vue, il n'y a pas de règle quant à la façon dont on souhaite élaborer une stratégie, ce qui est très avantageux pour le secteur parce qu'il permet aux investisseurs de choisir exactement ce qui leur plaît. Ce pourrait être un budget à risque, ou encore quelqu'un d'aussi dynamique qu'Amaranth ou dont l'approche est plus uniforme et non diversifiée. Beaucoup de ces caractéristiques existent sur la place du marché actuellement.

Je cède maintenant la parole à M. Guthrie, qui va conclure.

M. Guthrie : Nous avons notre opinion. De toute évidence, nous vous en avons exposé la plus grande partie.

De notre point de vue, sur un cycle de dix ans au Canada, la réglementation a pris de l'ampleur, elle est arrivée à maturité et s'est transformée en force favorable pour l'industrie. Certaines des idées qui émanent depuis quelque temps de la CVMO se fondent sur une certaine vision de la réglementation. Beaucoup d'études s'effectuent dans ce domaine. Elle dispose de ressources qu'elle n'avait pas il y a dix ans. Nous devons lui laisser la chance de poursuivre son travail qui, selon nous, est plutôt bien.

On tente de voir aux lacunes, une à une, du côté de la distribution. Elles retiennent certes l'attention du groupe, soit de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, de la CVMO, des bourses et ainsi de suite.

Les investisseurs avertis représentent le moteur de la plus grande partie du marché. Dans ce cas-ci, la croissance des fonds de couverture au niveau institutionnel submergera bientôt tout ce que nous pouvons vendre sur le marché de détail. Au départ, celui-ci est plus petit au Canada. Les institutions y pénètrent, à un rythme sans cesse croissant. Nous n'avons pas à trop nous inquiéter d'elles, à moins que les risques ne se concentrent.

Nous aimons bien l'idée d'évaluer les coûts et avantages de tous les règlements. Cette industrie est probablement la plus compétitive du monde. C'est peut-être un peu intéressé de sa part. Il est difficile de tenir compte des autres quand on peut se lancer en affaires et en sortir uniquement en fonction de sa capacité brute de traitement, tout comme les fonds de couverture voient le jour et disparaissent des raisons évidentes de rendement public.

Au Canada, nous avons une petite industrie naissante qui en est tout juste à ses débuts et qui commence à livrer concurrence sur la scène mondiale, étant donné particulièrement la réduction du taux de contenu canadien et l'élimination des restrictions à l'égard du contenu canadien. Nous faisons actuellement face à la concurrence d'importantes sociétés mondiales de gestion des investissements. Nous ferons un excellent accueil à toute aide qu'on pourrait nous fournir, sur le plan de la réglementation, par rapport à nos concurrents. C'est une autre façon de voir la réglementation. Il n'y a pas de raison pour laquelle nous devons forcément avoir le marché le plus restreint, si nous estimons que l'industrie mérite des appuis. Il n'est pas question simplement des fonds de couverture, mais bien de toute l'industrie de gestion des investissements qui fait face à d'énormes changements au cours des prochaines années.

Le Royaume-Uni est en train de revoir toute sa réglementation afin de la faire reposer sur des principes. Quand on arrive à la taille et à la complexité des instruments qui existent actuellement, il faut savoir mettre de côté la prescription et s'en tenir aux principes, simplement faire respecter un principe universel, que ce soit la distribution, le contenu ou la connaissance du client, quel qu'il soit, plutôt que d'essayer d'appliquer des règles à ces classes d'actifs pour lesquelles on passe d'un régime de réglementation à un autre afin d'en mieux répartir les avantages.

Stephen J. Kangas, président, BluMont Capital : Tout comme mes collègues présents aujourd'hui, je vous suis reconnaissant de nous offrir l'occasion de prendre la parole devant vous à propos d'une question aussi importante. Je sais que vous avez reçu un profil de BluMont. J'aimerais vous informer un peu de qui nous sommes et, en fait, de qui je suis moi-même par rapport à BluMont, après quoi je vous parlerai de nos produits, parce que dans toute la mosaïque, nous représentons probablement une autre composante intéressante pour votre étude, en ce sens que nous ciblons uniquement des investisseurs privés, alors que beaucoup de gestionnaires comme ceux de Hillsdale ou de Front Street Capital se concentrent davantage, dans une certaine mesure, sur les institutions. Nous offrons des produits structurés, y compris des billets à capital protégé. Avec un peu de chance, nous aurons tout le temps voulu pour faire des observations.

Pour compléter ce qui se trouve déjà sur notre site Web, je précise que nous sommes l'une des plus importantes, si ce n'est la plus importante, société de vente au détail de fonds de couverture au Canada. Nous nous concentrons uniquement sur l'offre de portefeuille de fonds de couverture selon diverses combinaisons grâce à nos conseillers financiers, qui sont agréés par l'Association canadienne des courtiers en valeur mobilière, ce que nous appelons les membres de l'ACCOVAM et des courtiers en valeurs mobilières, et ceux qui sont autorisés par l'Association canadienne des courtiers de fonds mutuels, également appelés des conseillers en planification financière. C'est là notre principale cible, et leurs clients seraient des investisseurs à actif net élevé, parfois de petits clients institutionnels ou encore ce que nous ou les spécialistes du marketing appellent les bien nantis — ceux qu'on ne peut peut-être pas qualifiés de riches, mais qui sont en train de s'enrichir, qui ont beaucoup investi dans leurs REER et qui sont clairement préoccupés par l'avenir de leur portefeuille.

BluMont est une société cotée en bourse. Nous figurons parmi les entreprises à risque de la Bourse de Toronto. Notre société mère, qui détient actuellement 55 p. 100 de nos actions, a fait une offre publique d'achat de certaines actions publiques, offre qui expire demain soir, et elle est elle aussi une autre société cotée en bourse appelée Integrated Asset Management. Elle représente l'une des principales sociétés canadiennes de gestion alternative d'actifs, non pas simplement de fonds de couverture. Elle est aussi active dans d'autres secteurs qui ne figurent pas sur votre liste de points à étudier, y compris dans l'immobilier, les souscriptions privées, la dette privée et tout ce qu'utilisent les institutions pour diversifier leurs portefeuilles.

Comme le souligne le deuxième paragraphe du profil de l'entreprise, nous offrons des produits innovateurs conçus pour accroître la diversification, un de nos principaux arguments de vente, et pour offrir des rendements peut-être plus élevés que les fonds classiques d'actions et d'obligations. La société compte une quarantaine d'employés.

Le président : Vous l'avez tous deux mentionné, mais il serait peut-être utile pour le comité de nous dire quel est le taux moyen de rendement net pour vos investisseurs au cours des cinq dernières années. Ce serait net des dépôts et des commissions.

M. Kangas : Nous déclarons toujours nos rendements nets de tous les droits. Le portefeuille de Veronika Hirsch — je vous parle du premier qui me vient à l'esprit — rapporte 13 ou 14 p. 100.

Le président : Au cours des cinq dernières années?

M. Kangas : Oui. Certains portefeuilles plus récents sont des billets à capital protégé, sujet dont nous discuterons beaucoup, j'en suis sûr, et Man Investments obtient des taux de rendement élevés — en deçà de leur moyenne à long terme, et nous espérons qu'ils pourront l'améliorer —, mais quoi qu'il en soit, de 8, de 9 ou de 10 p. 100, net des droits, y compris des droits acquittés pour la protection du capital.

Le président : Monsieur Guthrie, nous aurions dû vous poser la question. Ce n'est pas que je veuille interrompre M. Kangas, mais c'est une question courante, et il serait intéressant d'avoir un tableau plus complet. Quel serait le taux de rendement moyen pour vos clients? Nous parlons de vos entreprises à vous.

M. Guthrie : La plupart des entreprises qui survivent n'auraient pas un taux de rendement de 40 p. 100. C'est là notre raison d'être. La plus grande partie de notre travail entraînerait divers produits, de sorte que nos rendements varieraient entre 2 p. 100 pour notre pire approche, mais la plus prudente, jusqu'à 20 p. 100, sur une base annuelle, pour une approche plus énergique.

Le sénateur Massicotte : J'aurais une autre question à ce sujet. Quel est en pourcentage votre effet de levier quand vous parlez d'un taux de rendement? Donnez-moi aussi le pourcentage de l'effet de levier pour votre fonds.

M. Kangas : Dans notre notice d'offre pour Veronika Hirsch, à titre de principale gestionnaire à long terme, l'effet de levier peut aller jusqu'à 150 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Quelle est la moyenne?

M. Kangas : Elle a rarement été aussi élevée. Au plus, elle serait de 115 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Nous parlons ici de fonds qui sont gérés?

M. Kangas : Qui relèvent de son portefeuille.

M. Guthrie : Typiquement, notre rendement irait de 1,40 $ à 80 cents, ce qui donne 2,20 $ pour chaque tranche de capital de 1 $.

Le sénateur Massicotte : Monsieur le président, pouvez-vous m'aider à comprendre ce qu'il dit?

Le président : Si j'ai bien compris, en réponse à votre question concernant l'effet de levier financier, il a cité des chiffres que je n'ai pas très bien saisis.

Le sénateur Angus : Vous lui avez demandé de vous donner un pourcentage.

Le président : Il lui a demandé de lui fournir un taux de l'effet de levier financier, et le premier chiffre était censé être le capital et le second, le pourcentage d'effet de levier financier sur ce capital. Il est de trois pour un, n'est-ce pas, à peu près?

M. Guthrie : La moyenne dans l'industrie se situe à moins de 3 $.

Le président : De 1 pour 3 à peu près. C'est ainsi que je l'interprète.

M. Guthrie : C'est bien cela, 1 pour 3, 1 représentant zéro.

Le président : D'accord. Poursuivons. Monsieur Kangas, je suis désolé, mais nous tentons de recueillir de l'information tout en écoutant les témoignages.

M. Kangas : C'est compréhensible.

Comme je l'ai mentionné, nous et notre société mère sommes des sociétés cotées en bourse, ce qui signifie qu'en tant qu'émetteurs, nous faisons des déclarations, ce qui signifie également que notre entreprise est soumise à une norme différente de certaines autres entreprises privées. Je vous ai apporté notre plus récent rapport annuel, qui date maintenant d'un an presque parce que notre exercice prend fin le 30 septembre, et j'ai aussi les états financiers pour le trimestre du 30 juin.

Nous sommes comme les gestionnaires que vous avez rencontrés. Veronika Hirsch est une gestionnaire de portefeuille accréditée, qui porte aussi le titre de conseillère en placements. Notre entreprise est également un courtier de fonds mutuels, et selon les décisions que prendra la CVMO, elle pourrait de nouveau être enregistrée comme gestionnaire ou administrateur de ses propres portefeuilles.

Le président : Si vous publiez des prospectus, pourriez-vous nous envoyer les plus récents?

M. Kangas : Certainement. Il y a un certain nombre de choses dont j'aimerais vous faire part.

Notre entreprise s'est fait connaître comme étant une firme de formation et la pionnière d'une industrie, comme mes collègues ici. BluMont est un membre fondateur de l'Alternative Investment Management Association, ou AIMA. J'étais l'un des premiers directeurs du comité lorsque cette association a vu le jour en 2004 et j'ai fait partie du comité exécutif pendant deux ans. Nous cherchons à promouvoir, à encourager et à soutenir financièrement nos employés pour qu'ils adoptent une nouvelle désignation professionnelle, celle d'analyste agréé en investissements spéculatifs. Comme vous connaissez les marchés financiers, pensez qu'il s'agit d'un analyste financier agréé qui s'occupe principalement d'actifs non traditionnels. C'est la désignation professionnelle qui affiche la plus forte croissance dans le monde. J'étais l'un des premiers Canadiens à obtenir cette désignation. Deux de nos employés l'ont obtenue la semaine dernière. On compte environ 50 Canadiens aujourd'hui, et nous sommes très intéressés par cela.

M. Guthrie et son entreprise, ainsi que BluMont, ont contribué à promouvoir une désignation qui n'a malheureusement pas réussi à s'implanter, celle des spécialistes accrédités en fonds de couverture. Nous avons élaboré du matériel de formation, nous avons parlé du programme et nous en avons fait la promotion. Environ 130 ou 140 planificateurs financiers ont suivi la formation, mais l'organisation n'a pas survécu. C'est une chose qui nous tenait beaucoup à cœur.

Personnellement, grâce au parrainage de l'Institut canadien des valeurs mobilières, je me suis adressé à des auditoires partout au pays, en prenant son programme de séminaire, et j'étais plus ou moins accrédité pour enseigner ce contenu aux planificateurs et conseillers financiers partout au pays; je me suis rendu dans 13 villes différentes, chacune recevant neuf ou dix heures de formation continue. Nous croyons que les conseillers doivent en apprendre davantage dans ce domaine, en suivant soit un cours complet d'accréditation, soit un programme maison conçu pour leur entreprise, comme le cours en ligne sur Internet qu'offre CIBC Wood Gundy à ses conseillers. D'autres demandent à leurs conseillers de suivre le cours de l'Institut canadien des valeurs mobilières. Nous appuyons sans réserve le mouvement de formation qui est en cours.

Nous avons environ 800 millions de dollars de biens sous gestion dans une série de portefeuilles et des portefeuilles structurés. Nous avons un portefeuille canadien de participations en capital acheteur/vendeur géré par Veronika Hirsch, offert aux investisseurs par notice d'offre, ce qui ressemble beaucoup à ce que fait Hillsdale. Nous avons aussi des gestionnaires, y compris Hillsdale, un sous-conseiller que nous avons engagé à contrat, dans des portefeuilles multigestionnaires, qui plaisent aux clients qui n'aiment pas le risque potentiel d'un portefeuille à gestionnaire unique — Veronika Hirsch avec Hillsdale Investment Management Inc. Nous avons aussi utilisé la firme de Gary Selke, Front Street Capital, dans un portefeuille distinct, tout cela dans le but d'offrir divers schémas de rendement à nos clients.

Nous offrons nos produits en utilisant divers moyens, dont la notice d'offre. Nous avons aussi des fonds de couverture cotés à la bourse et inscrits au TSX.

À l'heure actuelle, nous sommes un émetteur assujetti pour deux fonds. L'un porte le symbole BSP.UM, le Fonds BluMont Partenaires stratégiques, où l'on retrouve quatre gestionnaires de fonds de couverture canadiens : Hillsdale, Front Street Capital, Sprott Asset Management et Veronika Hirsch. Nous avons un autre produit coté à la bourse, un portefeuille Man Investments, qui combine son fonds vedette parmi les fonds de couverture avec les contrats à terme Man sous le symbole BMY.UN. Je mentionne ceci pour une raison bien précise.

Nous offrons actuellement un autre fonds comme offre initiale, le BluMont Equity Advantage, qui regroupe Hillsdale, Veronika Hirch, Salida Capital Corp et Vertex. Non seulement il s'agit d'émetteurs assujettis sur le TSX, ce qui assure une certaine reddition de compte et une transparence à nos investisseurs, mais ce fonds est aussi offert comme produit de prospectus. Je n'utilise pas le terme de la même façon qu'il est utilisé dans un fonds mutuel conventionnel puisque, comme les sénateurs le savent, les règles concernant les fonds mutuels interdisent les styles d'investissement que Veronika Hirsch et d'autres font en regard des positions courtes et longues et d'un effet de levier modéré. C'est un produit de prospectus, validé par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Cela ne veut pas dire que son rendement est garanti, mais c'est important pour ce qui est de la publication, et cetera.

Dans notre cas, deux cabinets d'avocats — le nôtre et celui du preneur ferme — ont examiné nos produits. Nos émissions sont dirigées par CIBC World Markets, qui est probablement la maison bancaire d'investissement la plus importante pour ce qui est des contrats de placement; ce sont des émissions consortiales offertes par un certain nombre de courtiers. Dans certains cas, ce sont les produits disponibles les plus examinés et ils peuvent procurer plus de liquidité qu'un fonds de couverture conventionnel, pour lequel on peut exiger un avis de 90 jours et l'immobilisation des capitaux.

Nous sommes dans ce marché. Ce marché rend des fonds de couverture disponibles sans restriction à l'égard de la richesse. La contrainte vient du client et de ce qui lui convient, ce qu'il détermine en discutant avec son conseiller financier. Ces trois produits, ou plutôt deux produits actuellement inscrits et un potentiellement inscrit, sont disponibles seulement par l'intermédiaire d'un courtier autorisé ou d'un membre de l'ACCOVAM, parce qu'ils sont traités comme des valeurs cotées en bourse. Selon la tolérance au risque du client, celui-ci peut les acheter; nul besoin d'avoir un million de dollars d'actifs investissables, ou un revenu annuel de 200 000 dollars. Cela a été rendu possible grâce au groupe de travail de l'ACCOVAM — et Mme Moorehead ainsi que la CVMO vous en parleront — qui a permis d'offrir à un plus vaste public ces produits diversifiés au rendement potentiellement meilleur ou assujetti à moins de variables corrélatives. Nous avons appuyé cela.

Il y a un dernier domaine dont on pourrait parler davantage. Nous avons des billets à capital protégé d'environ 500 millions de dollars, à la fermeture vendredi après-midi. Nous avons eu également un arrangement de distribution et de partenariat avec une entreprise qu'on appelle Man Investments, une division de Man Group plc, une entreprise cotée à la London Stock Exchange dont la capitalisation boursière est de 12 ou 15 milliards de dollars. Elle fait l'objet d'une réglementation rigoureuse dans tous les pays où elle se trouve; elle est notamment la société initiatrice enregistrée d'une catégorie de fonds de couverture susceptible d'être enregistrée à la Commission des valeurs mobilières des États-Unis. Man a des biens sous gestion de 54 milliards de dollars.

Nous avons offert leurs produits. Ils ont été construits partout dans le monde et offerts aux Européens, moins aux Américains, mais partout en Europe et en Asie. Ils viennent d'amener le même véhicule au Canada. Le nôtre est offert par Citibank Canada, et ce sont donc des billets émis par une banque canadienne. Oui, le statut d'investisseur agréé est évité parce que la structure actuelle des billets à capital protégé n'entre pas dans ce régime.

Vous pouvez dire que j'ai un parti pris, mais le problème des billets à capital protégé n'est pas tellement l'exposition potentielle aux fonds de couverture, mais peut-être le manque de connaissance sur la façon dont fonctionnent ces billets. C'est un secteur en pleine expansion sur le marché canadien à l'heure actuelle. M. Guthrie, M. Kaul et moi- même songeons avec envie à ces taux de croissance de 30 p. 100, parce que nous ne les avons pas vus dans notre entreprise. Nous avons été mis au défi, notamment par des investisseurs privés qui ne voient pas la nécessité d'investir dans des fonds de couverture ou qui sont sceptiques à leur égard. Les billets à capital protégé font probablement quatre ou cinq milliards de dollars par année et enregistrent une forte croissance. Très peu sont liés à des fonds de couverture.

Le rapport Investor Economics, qui m'a donné bien des maux de tête, soutient toujours que les billets liés aux fonds de couverture sont de l'ordre de huit à dix milliards de dollars. Je dirais, très modestement, qu'à l'exception de quelques concurrents qui n'ont pas connu autant de succès, nous sommes peut-être le plus grand émetteur de billets à capital protégé liés aux fonds de couverture dans l'ensemble du marché. Certains produits sont peut-être disponibles au Québec, ce qui pourrait fausser un peu les chiffres, mais je n'ai eu aucune preuve de cela.

Nous avons fait 500 millions de dollars. Portus, dont le nom a une certaine notoriété au Canada, était à 800 millions de dollars à son sommet. Tricycle Asset Management, qui serait un fonds de couverture selon certains — il s'agit, selon nous, d'une firme d'investissement spéculatif et une firme de fonds de couverture qui utilise une stratégie différente — était, à son sommet, à un milliard de dollars.

Le président : Monsieur Kangas, allez-vous bientôt conclure votre exposé? Nous avons un autre témoin à entendre et tous les sénateurs veulent vous poser des questions. Pourriez-vous, je vous prie, résumer ou conclure?

M. Kangas : Nous avons certains produits structurés. J'ai apporté des documents avec moi, en anglais et en français, et notre toute dernière émission qui est une émission consortiale. Nos produits doivent être approuvés par toutes les firmes d'agents, les grandes firmes que nous connaissons tous et qui ont maintenant des services ou des personnes attitrées qui doivent approuver tous ces documents et qui nous soumettent à un contrôle préalable rigoureux. Non seulement au niveau de l'entreprise, mais la structure du produit et les exigences en matière de divulgation nous ont amenés à inclure de plus en plus de données dans les documents. Ce que nous présentons au public est très juste. Je vais terminer ici, parce que je suis certain que vous avez des questions.

Le sénateur Angus : Nous essayons de comprendre l'industrie des fonds de couverture au Canada et de déterminer dans quelle mesure il faut exercer une certaine surveillance. J'ai l'impression que tous les témoins — et nous avons la chance d'avoir des experts en la matière — nous disent qu'il ne faut pas plus de règlements, mais moins. Ai-je raison de dire que vous êtes tous d'avis que l'industrie des fonds de couverture au Canada fait actuellement l'objet d'une surveillance réglementaire suffisante?

Le sénateur Angus : M. Kaul dit oui.

M. Kangas : Un oui mitigé. L'aspect qui pourrait nous paraître quelque peu problématique, et qui n'est pas nécessairement réglementé, c'est le niveau de formation et de connaissance des conseillers financiers. Dans de nombreux cas, ce sont des stratégies complexes. Toutefois, les conseillers financiers peuvent prendre le temps d'apprendre et des gens comme M. Guthrie leur diront ce qu'ils font dans leurs portefeuilles. Les firmes reconnaissent cela et incitent de plus en plus leur personnel à suivre des cours-maison. Les gestionnaires sont suffisamment réglementés. Les incidents que nous avons eus au Canada sont davantage des activités frauduleuses que des malversations dans le domaine des fonds de couverture. Portus ne s'occupait pas vraiment des fonds de couverture; il s'agissait davantage d'une entreprise de marketing.

Le sénateur Angus : Exactement. Vouliez-vous dire quelque chose à ce sujet, monsieur Guthrie, concernant la réglementation? En termes simples, faut-il réglementer davantage?

M. Guthrie : J'essaie de penser aux grandes entreprises qui ne sont pas ici, les géants des pupitres de négociation bancaire. Les grosses sommes d'argent circulent dans ces autres marchés, les marchés hors bourse et les marchés swap. C'est là où se trouvent les gros capitaux. Les activités sont réglementées par l'ACCOVAM ou non — voilà une partie de leur problème. S'il y a un risque systématique, c'est peut-être là. Nous avons beaucoup réfléchi à cela et à la manière d'éviter ce risque pour nos clients.

Concernant la distribution et les qualifications requises pour gérer l'argent au Canada, nous exigeons probablement les plus hauts niveaux d'expertise ici.

M. Kaul : Une partie du problème vient des États-Unis, où les activités ne sont pas réglementées à la Commission des valeurs mobilières. La moitié des fonds sont enregistrés et la plupart des fonds importants le sont, mais il y a un secteur qui ne l'est pas — c'est très différent — et c'est ce qui attire l'attention lorsque vous parlez des fonds de couverture.

Le sénateur Angus : Si je devais entreprendre la rédaction de notre rapport, j'écrirais que c'est un domaine très compliqué. C'est un tout nouveau paysage pour l'investisseur canadien. Il y a 25 ans, le paysage était totalement différent. Vous aviez des actions et des obligations. Certains parmi nous pensons encore dans ce contexte.

Après avoir entendu tous les témoignages ici et à New York, je reconnais que les choses sont tout à fait différentes aujourd'hui. Je ne sais pas si mes collègues comprennent plus rapidement que moi, mais je m'y perds complètement. J'ai lu la documentation. C'est la meilleure que j'ai vue jusqu'à présent. Votre photo y paraît, monsieur Guthrie. C'est récent; vous ne l'avez pas vue, j'en suis certain. J'en ai 100 copies. Je vois que vos représentants l'ont. C'est un document très utile.

Les fonds de couverture sont tout nouveaux au Canada pour la plupart — disons, depuis 1999 — en particulier pour les petites entreprises. Ils ont augmenté et continuent de croître à folle allure. Nous avons utilisé ces chiffres impressionnants pour donner une idée de l'argent sous gestion, mais tout dépend de ce dont vous parlez.

Je vais maintenant vous poser ce qui peut sembler être des questions plutôt élémentaires. Commençons avec Hillsdale Investment Management Inc. Nous avons un groupe ici qu'on appelle Front Street Capital. Leur photo paraît ici également. Êtes-vous dans le même secteur d'activité?

M. Guthrie : Oui.

Le sénateur Angus : Si je comprends bien, vos deux firmes se présentent comme des gestionnaires d'investissements. Les gens vous donnent leur argent et vos firmes gèrent cet argent. Dans le cas de Hillsdale, on utilise habituellement les outils les plus conventionnels : États-Unis, Canada, Japon, obligations, actions et actions ordinaires. Vous semblez faire des choses différentes. Nous parlons des fonds de couverture. Si je comprends bien, Front Street Capital et Hillsdale ont un ensemble de fonds que vous avez lancés vous-même. Vous présentez ces produits à vos clients et vous dites « Nous obtenons 10 p. 100 sur celui-ci, qui est du domaine de l'énergie. Nous obtenons 22,7 p. 100 sur celui-là, parce que ce sont des sénateurs », ou peu importe ce dont vous vous occupez. Ai-je raison de dire que vous aurez X nombre de fonds à gestionnaire unique — et je découvre que c'est un mot à la mode — par opposition à des fonds de fonds? Avez-vous des fonds de fonds?

M. Guthrie : Non. Pensez à ce qu'est un fabricant par rapport à un distributeur. Front Street Capital, Hillsdale et Sprott Asset Management sont avant tout des fabricants; BluMont est avant tout un distributeur. Il fabrique quelques produits, une petite quantité de produits internes, avec un gestionnaire, 15 employés et deux personnes qui veillent à la distribution par l'entremise de BluMont.

Le sénateur Angus : Exact. Quelques-uns de vos produits sont vendus par l'entremise de BluMont.

M. Guthrie : C'est juste.

Le sénateur Angus : Vous recevez l'argent et vous décidez, par exemple, si vous avez un million de dollars, d'investir X p. 100 dans un fonds. Nous parlons d'un pouvoir multiplicateur moyen de 1 pour 3, si je comprends bien. Je pense à cela en termes de golf, comme le sénateur Massicotte. Appuyez sur le chiffre 1 signifie que c'est 2, et P3 est 3 pour 1. C'est ce que vous faites.

Combien de fonds y a-t-il chez Hillsdale?

M. Guthrie : Il y en a cinq. Front Street Capital en a 20, selon la taille. Nous les avons créés.

Le sénateur Angus : Vous avez fabriqué ces fonds. Concernant la structure de chacun de ces cinq fonds, il s'agit de votre propriété intellectuelle. Vous avez un modèle. Vous pouvez utiliser le modèle du chaos ou d'autres, mais vous ne voulez pas dire ce qu'il y a dedans, parce que c'est votre invention.

M. Guthrie : Il faut un certain degré de discrétion. C'est là où les fonds de couverture se heurtent au principe de communication. La commission des valeurs mobilières nous autorise à vendre à des personnes riches et futées, ou raffinées, si vous préférez.

M. Kangas : Les qualificatifs « riche » et « futé » ne vont pas toujours de pair.

M. Guthrie : Nous pouvons dire « et/ou » sans nécessairement avoir à afficher nos avoirs en actions dans le site Web à l'intention de tout le monde. Nous avons cette possibilité.

Le sénateur Angus : C'est là où le comité dit qu'il vaudrait mieux examiner cette chose. Vous investissez votre argent. Un de vos clients vous dit « Je veux investir dans des fonds de couverture. Je vais m'adresser à Hillsdale parce que ce sont des spécialistes et ils ont d'excellents fonds de couverture. Tous leurs clients obtiennent un meilleur rendement que ceux de Jarislowsky Fraser avec des actions ordinaires conventionnelles. » Cette personne s'adresse donc à vous et vous confie son argent, mais elle ne sait pas dans quoi vous allez investir. N'ai-je pas raison?

M. Guthrie : Que savons-nous de nos fournisseurs? Je prends un avion; est-ce que je comprends son fonctionnement? Lorsque Jarislowsky Fraser a commencé son ascension, peu de gens savaient ce qu'ils faisaient.

Le sénateur Angus : Non, mais ils vous envoient un état mensuel des stocks indiquant que vous détenez 300 actions de Canadien Pacifique.

M. Guthrie : Il est important de le savoir. Tous nos clients reçoivent le même rapport, sinon plus.

Le sénateur Angus : Qu'indique-t-il? Est-ce le nom de votre fonds?

M. Guthrie : Non, ils reçoivent tous les six mois chaque titre dans le fond. Ce sont les mêmes informations.

Le sénateur Angus : Le fonds comprend donc des actions?

M. Guthrie : Oui.

Le sénateur Angus : Je pensais qu'ils faisaient des transactions tous les jours, des dérivés et les produits de structure.

M. Guthrie : Certains le font; pas ceux-là.

Le sénateur Angus : Les vôtres ne le font pas.

M. Guthrie : Les fonds de négociation sont une catégorie de fonds de couverture. Un volume de transactions élevé ou faible — il y a différentes façons de gérer la même stratégie. Même au niveau des fonds communs de placement ou de la gestion des placements, même de Jarislowsky Fraser à Phillips, de Hager & North à GBCA Asset Management, les compétences sont encore différentes. C'est tout simplement parce que nous disposons d'une plus grande marge de manœuvre. La plupart sont des positions longues, pour le moment, car les positions longues/positions courtes sont plus difficiles à notre avis. C'est quelque chose que je mettrai dans le compte rendu. Il faut travailler doublement pour y arriver. Il faut plus de personnel et de ressources.

Le sénateur Angus : Et c'est plus risqué?

M. Guthrie : Non. Vous avez failli m'avoir.

M. Kangas : Quand j'ai commencé à analyser les fonds communs de placement et les gestionnaires de positions longues comme Jarislowsky — je l'ai fait pendant 10 ans — j'ai dit à ma mère que j'allais travailler dans les fonds communs de placement. Elle m'a dit : « Il y a trop de risques, n'est-ce pas? » On les voit des marchés financiers jusqu'aux marchés émergents où un fonds de marchés émergents peut perdre 50 p. cent de l'argent du client, pourtant ils ont tous des prospectus et Mme Smith peut en avoir pour cinq mille dollars.

Vous pouvez avoir quelqu'un d'aussi directe — je ne veux pas la qualifier de simple — que Veronika Hirsch, reconnue comme l'une des meilleures gestionnaires de fonds communs de placement, qui est devenue gestionnaire de fonds de couverture. Nous la présentons comme une gestionnaire d'actions canadiennes, mais aujourd'hui elle peut faire les transactions de position longue grâce à ses connaissances des stocks et des sociétés qu'elle connaît très bien et des transactions de positions courtes pour les sociétés qui à son avis ne s'en tireront pas très bien. C'est peut-être l'exemple le plus simple. Elle peut dire : « Il y en a une dans ce secteur qui, à mon avis, réussira. Voici la plus mauvaise société dans ce secteur pour laquelle il vaudrait mieux adopter une position neutre. Voici une société médiocre dont les gestions et le bilan sont horribles. Tout ce que je peux vous dire c'est qu'elle va couler et je peux faire de l'argent, comme pour Nortel ». Il peut y avoir des stratégies très compliquées et des boîtes noires et des choses occultes, il y a toute une gamme d'instruments disponibles. L'objectif premier de tous les gestionnaires est de gagner de l'argent dans les limites qu'ils se sont imposées. Si vous leur permettez d'utiliser une plus grande palette, pour utiliser un terme artistique, ils essaieront de trouver quelque chose d'inefficace dans le marché où ils auront un avantage et ils gagneront de l'argent. Toutefois, Jarislowsky s'est limité aux actions canadiennes pour, par exemple, un dossier à position longue. C'est un énorme dossier; il ne peut pas effectuer beaucoup de transactions intéressantes à cause du montant considérable du portefeuille.

M. Guthrie : Soixante-douze milliards de dollars.

M. Kangas : Oui, 72 milliards de dollars, ce qui est bien. Puis il est obligé de détenir les 100 stocks les plus élevés, ce qui est bien. Les marchés des titres ont évolué avec le temps, mais le système est différent. Il n'est pas donné à tout le monde de comprendre car le monde est beaucoup plus complexe aujourd'hui.

Le sénateur Angus : Mais on le l'appelle pas un fonds de couverture et aucun de ses portefeuilles ne le sont, alors que le vôtre l'est. Est-ce en raison de la position courte? Que c'est un fonds de couverture. Vous vendez à découvert parce que vous pariez.

M. Guthrie : Non! Voilà qu'il recommence.

Le sénateur Angus : Oui; c'est exactement cela.

M. Kangas : Le gestionnaire à position longue mise sur l'augmentation des actions. Veronika Hirsch parie qu'elles baisseront. Les deux font des paris.

Le sénateur Angus : Ils ne font pas de paris. Ils portent un jugement. Ils achètent un titre, et l'investisseur est au courant. Vous faites une vente à découvert parce que vous pensez que le prix va baisser, que vous le rachèterez et ferez un énorme profit.

M. Kangas : Mais pourquoi acheter les actions? Vous pensez que c'est une excellente société, que ses actions vont augmenter et que vous ferez à d'énormes profits.

Le sénateur Angus : C'est logique.

Le sénateur Goldstein : Ça nous dérange.

M. Kangas : Ça dérange les PDG des entreprises qui sont vendues à découvert.

Le président : Nous avons convenu qu'aller de l'avant est un pari et que reculer ou de faire une opération de couverture est aussi un pari.

Le sénateur Harb : Vous êtes pratiquement tous des avocats. Je suis probablement le seul ingénieur présent, donc je vais poser des questions. Lorsque nous étions aux États-Unis, des témoins nous ont dit maintes et maintes fois qu'i semblait que tout le monde pariait sur la même chose, pratiquement, je ne suis pas sûr si j'utilise le mot approprié. Comme un troupeau, ils pariaient tous ceux sur la même chose. Tout était surchargé et, en cas de problème, ce n'était pas un seul qui coulait, mais tout le monde. Est-ce pareil ici au Canada ou est-ce différent?

M. Kangas : Je ferai un commentaire global. Les statistiques de la recherche des fonds de couverture indiquent que la stratégie de couvertures d'actions (en compte/à découvert) constitue la plus grande partie des fonds de couverture. Oui, des négociateurs intéressants comme Amaranth font des transactions qui font les gros titres des journaux. Je suppose qu'il peut arriver qu'ils achètent tous les mêmes actions, par exemple Microsoft et vendent Cisco, mais ils croient avoir leur propre capital intellectuel dans leurs créneaux ou leur propre mine de renseignements. D'autres stratégies d'opérations, les contrats à terme géré en sont une, utilisent un modèle similaire, c'est ce que nous appelons une tendance. Ils constatent tous la même tendance et la suivent tous.

Toute l'industrie en tant que sous-ensemble est d'environ 120 à 150 milliards de dollars, ce qui est petit et équivaut au cinquième du secteur canadien des fonds communs de placement. Oui, il peut y avoir une situation où tous suivent la même tendance, mais je ne pense pas qu'à 1,5 billion de dollars en tout ou même 3 billions de dollars — le plus grand chiffre jamais entendu — ils soient tous sur la même affaire.

M. Kaul : Ma réponse à cette question va être un peu plus dramatique. Non, ils ne sont pas sur la même affaire. Il est facile de le dire, mais ce n'est pas vrai. Prenons la position longue par exemple; aujourd'hui, 30 p. cent de l'indice penchent vers les actions du secteur énergétique. Celui qui est propriétaire de l'indice est propriétaire des mêmes actions. Ils sont effectivement aussi tous sur la même affaire, pour garder la même expression. Ce raisonnement est valable pour n'importe quelle classe d'actifs. Quiconque a des biens réels à Toronto ou Ottawa est dans la même affaire. Il est facile de le dire, mais cela ne signifie pas vraiment grand-chose.

Un fonds de couverture peut contrôler son exposition aux risques. Vous avez demandé tout à l'heure quels étaient nos rendements. Vous auriez dû aussi demander, quel était le degré de risque et la corrélation à d'autres classes d'actifs? Ces deux questions, qui attirent beaucoup l'attention de la presse relativement à la gestion des risques et à la diversification par la corrélation, sont deux incroyables avantages obtenus dans la préparation d'un portefeuille d'un genre différent.

Le sénateur Harb : Un gestionnaire de fonds de couverture peut aussi être gestionnaire de fonds communs de placement; n'est-ce pas?

M. Guthrie : Oui.

Le sénateur Harb : Il peut gérer deux portefeuilles. Pour les fonds de couverture, c'est le rendement qui compte. Si le fonds de couverture gagne de l'argent, vous aussi. Pour ce qui est des fonds communs de placement, il y a des honoraires. Que ce soit dans des pays développés, des pays en voie de développement, quoi que vous fassiez, il est garanti que vous recevrez des honoraires.

Est-il possible qu'un gestionnaire ait du mal à se regarder dans le miroir un jour ou l'autre? Peut-être avez-vous un petit parti pris car vous pensez pourquoi ne pas faire cela? Pourquoi ne pas vendre à découvert les actions, puis revenir et acheter? Pensez-vous qu'il y ait un risque de conflit d'intérêts? Aux États-Unis, d'après The Wall Street Journal du 1er novembre, 124 gestionnaires de portefeuilles individuels s'occupent à la fois de fonds communs de placement et de fonds de couverture. L'année précédente, il y en avait 112, mais l'année d'avant il n'y en avait que 60, donc le nombre de gestionnaires d'un portefeuille mais qui s'occupent de deux aujourd'hui a considérablement augmenté. Le président- directeur général de Clover Capital Management a déclaré que ce secteur comporte de grands risques de conflit d'intérêts. Êtes-vous d'accord et, dans ce cas, est-ce que la situation est similaire ici au Canada? Si c'est le cas, que pouvons-nous faire en tant que Canadiens pour régler ce problème?

M. Kangas : Le risque potentiel se situe au niveau d'un gestionnaire de portefeuille individuel plutôt qu'au niveau de l'entreprise qui vend différents produits. Le service des fonds de couverture peut se trouver au bout du couloir à un autre étage et il y aura un service qui ne s'occupe que de la vente des actions. Les responsabilités peuvent être distinctes. C'est ce que perçoit le public. Il y a conflit direct si le gestionnaire de portefeuille s'occupe des fonds communs de placement à position longue et d'un fonds de couverture. Les honoraires en fonction du rendement posent le problème le plus évident car si je vais recevoir 20 p. 100 des honoraires en fonction du rendement du fonds de couverture, c'est là que je vais proposer mes meilleures idées avant de le faire pour mon fonds commun de placement.

Le sénateur Harb : Exactement.

M. Kangas : Il devrait y avoir des politiques et des procédures à ce sujet et du respect et de l'équité envers les clients. C'est lorsque le gestionnaire s'occupe de deux portefeuilles que l'entreprise entre dans une zone plus grise. C'est devenu un conflit d'intérêts, surtout aux États-Unis, car des gestionnaires de fonds qui ont très bien réussi veulent travailler dans le secteur des fonds de couverture. S'ils sont bons, ils peuvent gagner beaucoup plus d'argent.

Le président : Dans le sens des propos du sénateur Harb, il n'y a pas de cloisonnement à l'intérieur des entreprises.

M. Kangas : Je ne sais pas si ce risque existe au Canada. Il faudrait voir ce que font les sociétés de fonds communs de placement.

Le sénateur Massicotte : Que feriez-vous?

M. Kangas : Pour répondre rapidement, il faudrait interdire la pratique et la séparer physiquement ou faire quelque chose. Il est difficile de la cloisonner ou de la réglementer.

M. Kaul : Notre entreprise s'occupe de positions longues et aussi de fonds à position longue/position courte. Si nous effectuons des transactions des mêmes actions dans les deux fonds, nous les négocions ensemble. Nous suivons une politique d'utilisation équitable pour les transactions de tous nos clients.

M. Guthrie : C'est la politique de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Elle est rigoureuse. Pour ceux qui se prendre, c'est un crime grave, pas une petite infraction.

M. Kaul : Il en est de même pour la charte des analystes financiers agréés, c'est aussi une politique très importante.

Le sénateur Angus : Procèdent-ils à des examens?

M. Kaul : Oui, ils font des vérifications.

Le sénateur Angus : La synchronisation du marché et les opérations hors délai sont des points qui ont été soulevés relativement aux fonds communs de placement; c'est ce dont vous allez parler, n'est-ce-pas, sénateur Harb?

Le sénateur Harb : En physique, il y a un principe direct et qui s'applique partout. Tout ce qui monte continuer à monter jusqu'au point ou il doit redescendre. En ce qui concerne les fonds de couverture, d'après ce que j'ai entendu dire, ici au Canada nous avons un régime solide et nous pouvons faire quelque chose ou non. Cependant, en Europe ainsi qu'aux États-Unis, on nous a dit que ce secteur augmentait à un taux de croissance incroyable de 30 p. cent. Il a commencé petit, il fait aujourd'hui des transactions de billions de dollars et il s'intéresse aux petits épargnants et à toutes sortes d'investissements très évolués, et cetera. Pendant combien de temps va durer la fête? Que pensez-vous que le gouvernement ou vous en tant qu'organisation ou la Commission des valeurs mobilières à Toronto devraient faire pour préparer un système de sécurité au cas où la fête prendrait fin, si elle prend fin?

M. Guthrie : Il se passe beaucoup de choses. Si vous nous demandez ce que deviendra le secteur dans cinq ans, nous vous répondrons qu'éventuellement les fonds de couverture se fusionneront à la gestion principale des investissements.

Nos plus grands concurrents du secteur des fonds traditionnels, peut-être pas Jarislowsky, parce qu'il n'est pas encore intéressé, mais Barclays Investment Counsel a un gros fonds de couverture, une distribution énorme et un produit de haute qualité, c'est pareil pour Goldman Sachs, qui tous avaient tous auparavant des fonds traditionnels et qui sont passés maintenant aux fonds de couverture.

Pour l'avenir, nous prévoyons qu'il n'y aura plus de désignation pour les fonds de couverture; il n'y aura que la gestion des investissements et ce sera une classe d'actifs ou une méthode, comme les placements à position longue en voie de disparition, pas parce que c'est une mauvaise chose. L'investissement à position longue ne pose aucun problème; seulement que vous pouvez maintenant l'acheter gratuitement dans les fonds cotés en bourse, les FCB, ou fonds indiciels, qui coûtent 2 points de base. Ce qui a obligé tout le secteur à se distinguer de ces fonds indiciels. C'est la première étape, et la raison pour laquelle tout le monde a du partir ailleurs, pas à 2 points de base.

L'autre question faisait référence à une fête. Ce n'est pas une fête; c'est seulement une évolution.

M. Kangas : Il n'y a pas eu de fête. J'ai assisté à la conférence internationale sur les fonds de couverture juste en- dehors de Toronto et il y avait un document, un tableau fascinant, que je peux envoyer par courriel aux sénateurs. Le tableau montrait l'indice des fonds de couverture aux États-Unis sur une période plus longue que celle que nous avons aujourd'hui au Canada. Il montrait l'indice des fonds de couverture de Scotia Capitaux qui était pratiquement à l'indice de la Bourse de Toronto pendant les deux ou trois dernières années. À l'exception de ce qui s'est passé la nuit d'Halloween, la Bourse de Toronto a été claire et nette. Beaucoup de Canadiens se sont demandés s'ils avaient besoin d'un fonds de couverture, ils avaient entendu dire que les honoraires étaient plus élevés et ils s'en tiraient très bien.

Si l'indice remontait à l'année 2000 comme le montrait le tableau à long terme pour les États-Unis, on aurait vu qu'avant le marché à la baisse, les fonds de couverture étaient presque en haut de l'indice S&P 500. Puis le S&P s'est effondré et les fonds de couverture ont pu survivre. C'est la raison pour laquelle les autres pays disent qu'ils veulent le quelque chose qui diversifie. J'ai vu cela arriver. On pourrait se retrouver dans une situation où le marché serait à la baisse.

Les fonds de couverture ont poussé comme de la mauvaise herbe. Ils ont eu une fête. Je ne sais pas quand elle se terminera. Ce sera simplement une façon différente d'investir, une meilleure façon. Les fonds communs de placement ont augmenté jusqu'à 15 p. 100 de ventes à découvert pour être encore appelés fonds commun de placement de prospectus. Quand demanderont-ils 20 p. 100? Quand demanderont-ils un facteur d'amplification de 1,5?

Le sénateur Goldstein : Je suis très heureux que vous soyez ici, monsieur Guthrie.

Vous devriez savoir, monsieur le président, — le vice-président le sait — que le père de M. Guthrie est juge à la Cour supérieure de Montréal et est un spécialiste, entre autres choses, de la faillite.

Le président : Alors, nous avons trois générations d'illustres personnages : M. Guthrie, ses fils et le grand-père. Quelle bénédiction.

Le sénateur Goldstein : J'ai eu le plaisir d'en connaître trois.

Je veux revenir, M. Guthrie, sur les risques systémiques. Vous avez indiqué, pour faire une analogie, que tous les investissements sont risqués, ce qui est certainement vrai. Vous avez utilisé, à titre d'exemple, le marché de l'immobilier de Calgary, qui est 20 fois plus élevé que dans le bon vieux temps; et Nortel qui fluctue comme un yo-yo.

Cela est vrai de toutes les classes d'actifs dans le temps; on peut regarder, pour utiliser votre exemple, l'immobilier de Calgary sur une base quotidienne, ou hebdomadaire, ou mensuelle, et voir en ce qui arrive; on peut examiner les actions de Nortel sur une base quotidienne et voir ce qui arrive. Toutefois, on ne peut pas vraiment examiner l'investissement des fonds de couverture. Je parle peut-être un peu moins des fonds à position longue-position courte qui sont relativement faciles à traiter. Je parle davantage des dérivés et de certains autres outils plus évolués faisant partie de l'arsenal de quelqu'un et qui ne sont pas bien connus, et ceci en conjonction avec le fait que tout ce que quelqu'un fait au Canada peut être reproduit, d'une façon que l'on ne connaît pas, par des fonds de couverture étrangers, ce qui a pour résultat que vous pourrez trouver un phénomène semblable à celui d'Amaranth causé non pas par un fonds Amaranth qui a lui-même chuté de manière si substantielle, mais par un groupe de fonds de couverture. Il n'y a aucune façon que les gens puissent savoir que cela arrive si cela se fait partout dans le monde, ce qui est le cas à l'heure actuelle, je pense.

M. Guthrie : Nous avons des mesures des encours totaux, de la Banque des règlements internationaux. C'est pourquoi nous vous avons apporté les données. Nous pouvons dire à quelle vitesse les classes d'actifs croissent. Dans ce tableau, les classes d'actifs dans la croissance était la plus rapide n'étaient pas les fonds de couverture; c'était les dérivés. Nous savons cela et les banques le savent. Au moins, on le mesure. Ce n'est pas nécessairement vrai que nous ignorons où se fait le regroupement des risques.

Le sénateur Goldstein : On le mesure, mais pas sur une base quotidienne. La position à découvert par rapport à la Bourse de New York est publiée une fois par mois.

M. Guthrie : Oui. Cela serait probablement une des mesures les plus primitives. Il s'agit de l'un de ces indicateurs tardifs pour lesquels personne n'a dit à la Bourse de Toronto de se retrousser les manches et de faire les choses rapidement. Les données sur les options et le marché hors bourse sont presque en temps réel, le marché des contrats à terme. Il s'agit de marchés mondiaux, en temps réel, très évolués qui se règlent instantanément, avant même que la transaction soit terminée. Ces données sont connues.

Je suis certain que la Federal Reserve Bank suit ces données de très près. La seule chose que je peux offrir en termes de regroupement du risque, c'est que lorsque nous commençons tous à avoir la même opinion à propos de n'importe quoi, alors, nous avons un regroupement. Lorsque les intérêts de tout le monde s'alignent à la fois par rapport au moment de ma retraite et au budget de risque que je peux avoir, et mon opinion est la même que tous le monde, comme c'était le cas avec Internet, alors nous avons un risque.

Dans le cas des fonds de couverture, nous avons essayé de dire qu'il y a suffisamment d'acteurs différents. Obtenir une bulle coïncidente de paris sur le risque dans cette industrie est moins vraisemblable que dans le cas des industries dont nous avons parlé auparavant, qui sont les classes d'actifs traditionnelles où tout le monde participe, sans le savoir, à une bulle. C'est de celles-là qu'il faut surtout s'inquiéter.

Le fait que nous soyons ici pour parler du marché des options est une bonne chose, mais ce n'est probablement pas dans ce marché que se trouvent les risques à l'heure actuelle. C'est probablement quelque chose que nous n'avons pas encore vu, malheureusement. Je ne pourrais pas dire que c'est uniquement à cause des fonds de couverture que le monde continu d'exister.

Le sénateur Goldstein : Quel rôle joue le gardien? Je crois comprendre qu'il s'agit d'un rôle passif. Il n'y a pas de rôle de surveillance ou de supervision, n'est-ce pas?

M. Guthrie : Non, ce n'est pas le cas avec les nôtres. Ce n'est pas du tout le cas avec l'ACCOVAM.

Le sénateur Goldstein : Dites-nous quel est le rôle.

M. Guthrie : C'est leur capital. Leur rôle serait de surveiller le risque attribué à chacun de leurs clients, c'est-à-dire nous, dans un sens global. Cela s'appliquerait à leur bilan, comme c'est le cas de n'importe quelle autre banque. Dans ce cas, les courtiers de règlement disposent d'une allocation de risques pour le financement d'entreprises et les services bancaires d'investissement et quelque part dans les échelons supérieurs de la banque, il y a quelqu'un qui mesure ce budget de risques. Leur exposition est surveillée très étroitement.

Le sénateur Goldstein : Est-ce qu'ils fixent leurs propres risques?

M. Guthrie : Oui, absolument.

Le sénateur Goldstein : Est-ce qu'ils s'occupent de transactions de contrepartie?

M. Guthrie : Ils le fixent dans le temps, une durée longue par rapport à une durée courte; ils le fixent en fonction des différents clients, en vertu des différentes approches que nous utilisons tous. Ce n'est pas seulement une surveillance; il s'agit d'une véritable occupation axée sur le profit. Ils en profitent.

M. Kaul : Ce sont probablement ceux qui sont le plus réglementés; les Services de réglementation du marché, RS, examinent le gardien, ainsi que la Bourse de Montréal, la CVMO, l'ACCOVAM. Tout le monde réglemente le gardien. C'est là que se trouve le point de contrôle primaire en termes de prêt sur marge et de suffisance du capital. Ils sont hautement réglementés et constituent les centres par lesquels transitent toutes les liquidités.

M. Guthrie : Les appels de marge nous arrivent à nous aussi, comme à tout de monde, tout comme dans le secteur réservé à la position longue, tous les jours.

Le sénateur Massicotte : De toute évidence, le secteur est chaud. Je suis d'accord avec vous. Il s'agit d'une autre classe d'actifs, et je suis d'accord pour dire qu'il faut accorder beaucoup de liberté. Laissez-moi faire une hypothèse. Tous les 10 ou 20 ans, nous avons une nouvelle théorie pour une nouvelle politique monétaire et nous constatons 10 ou 15 ans plus tard que cela n'a pas fonctionné. La façon de voir les choses maintenant, c'est que vous ne pouvez pas perdre. Vous faites évidemment de la couverture. Supposons que dans cinq ans, il y a un désastre. Qu'est-ce qui a mal tourné? Je ne parle pas de fraude, ce qui est difficile. Qu'est-ce qui aura mal tourné si, dans cinq cas d'aujourd'hui, les gens sont bouleversés et que les gouvernements resserrent véritablement la vis sur votre secteur, qui permet une immense liberté, contrairement à de nombreux autres fonds?

M. Guthrie : Nous avons déjà des opinions, alors merci d'avoir posé la question. Le fait que le capital va plus vite que nous tous est la plus grande partie de cette question — ce capital sans entrave fait en sorte que le monde bouge trop rapidement, comme lorsque le fonds de couverture restructurent Stelco à son propre rythme, par opposition au nôtre. Il y a des choses importantes dont nous devons parler ici; et c'est habituellement à ce moment-là que les restrictions commencent à apparaître. Que nous parlions de fonds de souscriptions privées ou de fonds de couverture, lorsqu'ils interviennent dans la restructuration d'entreprises qui touchent des personnes réelles dans un échéancier encore plus rapide que ce que la plupart des gens peuvent s'imaginer, c'est là que l'on commence à résister.

Le sénateur Massicotte : En d'autres mots, du fait que le capital n'a pas de citoyenneté ou de sentiments et étant donné son manque de structures, il pourrait ne pas être nécessairement dans l'intérêt de la société. Est-ce ce que vous dites?

M. Guthrie : Il est très difficile d'être d'accord avec vous, parce qu'il y a d'énormes avantages à laisser le capital nous amener à certains endroits. Nous n'aurions pas bâti l'Internet aussi rapidement que nous l'avons fait sans un accès sans entrave au capital. Nortel a fluctué, mais chemin faisant, nous avons bâti l'Internet. Ce n'est pas le gouvernement qui a dépensé son argent pour le bâtir, alors, cela s'est fait.

Il est difficile d'équilibrer ces deux éléments, mais vous avez besoin des deux. Vous avez besoin du capital pour prendre la tête et vous avez besoin de gens pour dire que, peut-être, c'est trop rapide ou que, peut-être, ce n'est pas au bon endroit.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Kangas, comment répondriez-vous à cette question?

M. Kangas : Je suppose qu'il y a deux choses. Y a-t-il une implosion de ce fonds de couverture en croissance? Une chose, c'est peut-être des rendements qui s'érodent tout simplement — et non pas la détérioration du capital de quiconque, mais les gestionnaires de fonds de couverture ne peuvent justifier leurs frais plus élevés.

Le sénateur Massicotte : À cause de la concurrence?

M. Kangas : Tout le monde est dans le coup; mais ils sont tous dans la position longue-position courte ou faisant quoi que ce soit d'autre, et il n'y a plus de rendements pour lesquelles les investisseurs sont prêts à payer une prime. Il ne fait aucun doute que les frais sont plus élevés dans ce secteur que dans celui des fonds indiciels traditionnels.

Le sénateur Massicotte : Je suis à la recherche de quelque chose de très négatif. Je considère cela comme des bonnes nouvelles, et non des mauvaises.

M. Kangas : Cela changerait l'industrie. Le capital partirait pour trouver de meilleurs rendements. L'autre chose, c'est que peut-être que pour certains des investissements — je pense que vous et M. Guthrie pourriez faire allusion à cela —, des gestionnaires cherchant un rendement, qui sont souvent appelés des actionnaires activistes à l'heure actuelle, deviennent membre des conseils de direction des entreprises parce qu'ils perçoivent que l'entreprise est sous- évaluée. Cela ressemble beaucoup à la folie passagère des acquisitions par emprunt que nous avons connue. Congédiez cette équipe de gestionnaires, mettez en place une nouvelle équipe, relevez l'entreprise, congédiez un paquet d'employés —, est-ce que ce sont de bonnes choses pour nous au plan social? Les libres marchés ont tendance à équilibrer ces choses dans le temps. Est-ce que vous pouvez réglementer les choses pour que cela n'arrive pas? Je ne pense pas que vous puissiez le faire.

M. Guthrie : Il y a un équilibre naturel. Il n'est pas possible à tous les gestionnaires de gérer avec succès des fonds de couverture. Si vous exécutez un programme fondé sur les compétences, il y a une limite maximale que le marché peut accepter. Si vous avez besoin d'un certain ensemble de compétences pour créer un écart entre votre produit et votre position courte, vous avez peut-être un maximum de 10 à 15 p. 100 de participants dans le fonds de couverture, essentiellement.

Le président : Veuillez m'excuser; il nous reste moins d'une demi-heure pour notre prochain témoin. Je n'ai qu'une question, si vous pouvez y répondre en un mot; c'est une question clé. Nous avons entendu des représentants du marché des dérivés de Montréal dire qu'ils ont une chambre de compensation et une formule pour couvrir les risques là-bas. Est-ce que vous seriez en faveur d'une chambre de compensation dans votre secteur d'activité? Si vous voulez étudier la question, jetez un coup d'oeil sur la transcription de la réunion avec la Bourse de Montréal. Nous avons discuté de cette question en détail et nous ne nous attendons pas à une réponse immédiate de votre part. Vous pouvez nous répondre plus tard pour nous dire oui, non ou peut-être.

Je veux remercier vos fils, M. Guthrie, d'être aussi patients, intelligents et attentionnés. William est parti, mais Caleb est toujours présent. Nous sommes enchantés qu'ils aient pu venir passer du temps avec nous sans tomber endormis. Merci beaucoup.

Notre prochain témoin, Mme Colleen Moorehead, est présidente-directrice générale de Nexient Learning Inc. et est représentante du groupe de travail qui examine la modernisation de la réglementation des valeurs mobilières au Canada. Soyez la bienvenue, madame Moorehead, et merci de votre patience.

Colleen Moorehead, présidente-directrice générale, Nexient Learning Inc. et représentante du Groupe de travail pour la modernisation de la réglementation des valeurs mobilières au Canada : Merci. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de vous parler au nom du Groupe de travail pour la modernisation de la réglementation des valeurs mobilières au Canada.

À titre d'information générale et de contexte pour mes observations, il y a 16 mois, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, l'ACCVAM, nous a chargés d'étudier comment nous pourrions, au Canada, moderniser notre réglementation des valeurs mobilières et comment nous pourrions accroître ou maintenir la compétitivité de nos marchés financiers. J'ai eu assez de chance pour avoir le privilège de siéger à titre de membre d'un comité de ce groupe de travail, sous la présidence de M. Tom Allen, et de travailler avec certains des spécialistes les plus respectés dans le domaine des marchés financiers — non seulement au Canada, mais partout également.

Beaucoup de travail a été consacré à ce projet et nous avons profité d'une quantité de données expertes sans précédent pour étayer et former la base de notre travail. Ce processus a culminé par la publication de notre rapport intitulé Le Canada s'engage. Nous l'avons intitulé ainsi parce que nous voulions qu'il soit davantage qu'un simple rapport sur la situation de nos marchés financiers et davantage qu'un simple recueil de toutes ces recommandations d'experts; nous voulions qu'il soit un appel à l'action pour les intervenants.

Le contexte de mes observations, c'est que nous croyons qu'il existe au Canada un rabais « fait au Canada » qui nous retient. À l'heure actuelle, nos marchés financiers fonctionnent sous le fardeau d'une lourde réglementation en matière de conformité, non coordonnée, dont la mise en application est inégale et, franchement, un trop grand nombre d'investisseurs ne sont pas suffisamment informés. Nous avons appelé cela un rabais fait au Canada parce qu'il vient miner la valeur de nos marchés financiers en augmentant le coût des capitaux pour les émetteurs canadiens.

Le point saillant de ce rapport était de transformer le rabais fait au Canada en une prime faite au Canada. Plus spécifiquement, nous avons formulé 65 recommandations et aujourd'hui, on m'a demandé de parler de nos recommandations sur les fonds de couverture. Voilà le contexte qui entoure la façon dont le travail a été effectué.

Comme vous le savez, les fonds de couvertures sont des produits relativement nouveaux en émergence qui peuvent aider à rendre nos marchés plus compétitifs. C'était le contexte du mandat du groupe de travail. Pour dire les choses simplement, plus il y a de produits parmi lesquelles les investisseurs peuvent choisir, plus la participation des investisseurs sera grande et plus nos marchés seront compétitifs.

L'autre chose qu'il faut noter, c'est que l'industrie des fonds de couverture représente un bon nombre d'acteurs compétents sur les marchés financiers canadiens, et ces derniers doivent être encouragés, plutôt que découragés, à exercer des activités légitimes au pays. Par conséquent, nous sommes d'avis que le groupe d'investisseurs autorisés devrait être aussi étendu que possible. Nous sommes également d'avis que les investisseurs devraient faire des choix d'investissement dans un cadre réglementaire qui favorise la transparence, la protection de l'investisseur, la saine gestion et la saine gouvernance.

De croyons qu'il est temps d'établir un cadre réglementaire pour permettre la vente des fonds de couverture au grand public, tout comme un cadre de réglementation a été créé pour les fonds communs de placement. Nos recommandations sont centrées sur les épargnants et non sur le marché des opérations dispensées.

Nous avons indiqué qu'auparavant, les fonds de couverture étaient réservés aux personnes très fortunées. L'épargnant moyen les voit maintenant comme des produits d'investissement potentiels. Malheureusement, les fonds de couverture ne sont pas réglementés de manière très stricte et sont mal compris par de nombreux investisseurs.

Jusqu'à maintenant, il y a eu peu d'émissions de fonds de couverture au moyen d'un prospectus. À toutes fins pratiques, les sous-groupes d'investisseurs qui peuvent investir dans des fonds de couverture sont des Canadiens fortunés qui répondent à la définition d'investisseur qualifié au sens de la Norme canadienne 45-106 ou qui ont les moyens d'investir plus de 150 000 $.

Une variation importante par rapport à ce qui précède concerne les billets à capital protégé. À l'heure actuelle, les investisseurs canadiens, peu importe leur richesse, sont autorisés à acheter des produits d'investissement structurés complexes, comme les billets à capital protégé, qui sont liées au fond de couverture par la porte arrière sans les protections conférées par les lois sur les valeurs mobilières parce qu'ils sont structurés comme des titres constatant un dépôt et, par conséquent, sont considérés comme des titres dispensés. Par ailleurs, les investissements directs dans les fonds de couverture sont limités aux investisseurs qualifiés pour acheter des titres dispensés — en d'autres mots, les personnes fortunées. Cette situation nous apparaît mal avisée et contradictoire.

Alors, comment le groupe de travail voit-il les caractéristiques du nouveau cadre réglementaire pour les fonds de couverture? À notre avis, il devrait se concentrer, premièrement, sur une information transparente pour permettre aux épargnants de prendre des décisions éclairées. Cela devrait comprendre un certain nombre d'éléments : premièrement, la communication de l'information complète concernant tous les frais et toute la rémunération, notamment la rémunération au rendement, les frais de gestion, les frais administratifs et les commissions d'intermédiaire, y compris la rémunération du conseiller en placement et du gérant; deuxièmement, la description de la relation existante entre le gérant de fonds de couverture, le conseiller, l'administrateur et le courtier de règlement et l'inclusion d'une mise en garde appropriée au sujet de tout conflit d'intérêts entre eux; troisièmement, la communication obligatoire de toute contre-lettre ou d'autres conventions accessoires intervenues entre le fonds de couverture et les épargnants bénéficiant d'ententes particulières en matière de frais ou de liquidité; quatrièmement, la description du mécanisme permettant d'évaluer l'actif du fonds de couverture; cinquièmement, une description de la structure du fonds de couverture et de ses stratégies de placement; et sixièmement, dans le cas de billets à capital protégé liés à des fonds de couverture, une description complète du fonds de couverture et du fonds de fonds de couverture sous-jacent présentant toutes les caractéristiques indiquées ci-dessus.

Le deuxième domaine d'intérêt devrait être de fournir une meilleure protection à l'investisseur en réglementant d'abord la vente des billets à capital protégé dont la valeur économique est fondée sur un fond de couverture sous- jacent selon la nature du placement sous-jacent plutôt qu'en fonction de la dispense relative au billet à capital protégé connexe qui couvre le placement sous-jacent. Cela permettrait la vente sur le marché des opérations dispensées, mais ne permettrait pas de considérer les titres comme des titres dispensés. Deuxièmement, le cadre réglementaire exigerait que tous les conseillers qui vendent des fonds de couverture et d'autres produits structurés répondent à certaines exigences de compétence afin de s'assurer qu'ils comprennent adéquatement les produits qu'ils vendent. En d'autres mots, connaissez votre produit.

En troisième lieu, il faudrait s'employer à intensifier la surveillance réglementaire afin de réduire les risques très concrets associés à une structure du capital inadéquate, des contrôles internes inappropriés et des procédures de gouvernance déficientes.

Les fonds de couverture sont particulièrement vulnérables aux risques opérationnels découlant d'une mauvaise gestion, mais aucune mesure de protection ne permet de s'assurer que le gérant d'un fonds de couverture dispose d'une structure du capital adéquate, de contrôles internes appropriés ou, tout au moins, de gestionnaires aptes à gérer l'argent des investisseurs. En conséquence, nous recommandons que l'on envisage l'inscription des gérants de fonds de couverture afin d'assurer un niveau adéquat de surveillance par les organismes de réglementation à l'égard des activités du gérant, de la structure de son capital et de ses procédures de gouvernance.

Par ailleurs, nous sommes conscients qu'une proposition similaire, exigeant que les gérants des fonds de couverture soient inscrits à titre de conseillers aux États-Unis, a soulevé des réticences et a finalement été soumise à l'intervention du tribunal. Au Canada, comme nous le savons, les conseillers financiers sont assujettis à ce processus d'inscription depuis très longtemps déjà.

Le groupe de travail recommande que tous les organismes de réglementation des valeurs mobilières au Canada réalisent une analyse coûts-avantages rigoureuse avant la mise en œuvre de toute nouvelle réglementation. Nous n'avons pas procédé à une telle analyse — pas plus que le groupe de travail d'ailleurs — et cela devrait être fait avant que de nouvelles règles soient mises de l'avant.

Voilà qui termine mes remarques préliminaires. Je serais très heureuse de répondre à vos questions.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais débuter avec la même question que j'ai déjà posée à un autre témoin. Supposons que dans cinq ans les fonds de couverture déraillent complètement et que les gens en viennent à regretter d'y avoir investi leurs économies, sans que cette situation ne soit attribuable à une fraude. Quel est le maillon faible de la structure des fonds de couverture dans leur forme actuelle?

Mme Moorhead : Les fonds de couverture constituent une classe d'actifs importante qui est en plein émergence au Canada. Notre recommandation visait notamment l'accès à ces fonds à l'intérieur d'un cadre prévoyant la divulgation de l'information. S'il y a divulgation, transparence, saines procédures de gouvernance et contrôles appropriés, nous estimons, dans le contexte de la recommandation que nous avons formulée, que les risques qu'une telle situation se produise seraient réduits étant donné que l'épargnant pourrait faire un choix éclairé à l'intérieur d'un cadre réglementaire.

Le sénateur Massicotte : Comme vous parlez surtout du public investisseur, j'en conclus que vous avez de bonnes raisons de croire que les dispenses prévues pour les investisseurs prospères tels que définies actuellement sont adéquates et n'exigent pas de modalités plus rigoureuses en matière de divulgation. Est-ce bien cela?

Mme Moorhead : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : À votre avis, ces dispositions sont assez précises. Malgré le fait que ces fonds soient assortis d'une marge de manœuvre considérable et de frais importants qui ont un effet de levier énorme, il n'y a aucun problème; leurs gestionnaires sont suffisamment avisés pour savoir de quoi il en retourne.

Mme Moorhead : Pour l'examen de ces questions, notre groupe de travail a fait appel à des experts conseils de l'extérieur. Nous avons eu recours à André Fok Kam et Wes Voorheis, qui se sont également penchés sur les deux incidents survenus au Canada.

À la lumière de leurs travaux, nous avons conclu que l'investisseur bien avisé, l'investisseur institutionnel, est capable de prendre des décisions en faisant montre de toute la diligence voulue. Nous estimons que les fonds de couverture demeurent une classe d'actifs importante à l'échelle planétaire. Pour moderniser nos marchés, il nous faut offrir l'accès à ces actifs à l'intérieur du régime réglementaire proposé. Nos marchés sont mondiaux. C'est la concurrence mondiale que nous devons soutenir pour avoir accès à ces actifs.

Le sénateur Massicotte : Vous parlez de l'offre publique de fonds de couverture. J'ai toujours cru que toute offre publique de valeurs mobilières exigeait l'émission d'un prospectus. Vous énumérez six éléments qui doivent apparaître dans ce prospectus. Je ne suis pas expert en la matière, mais j'en conclus que ces éléments ne sont pas compris dans les exigences actuelles de la Commission des valeurs mobilières concernant les prospectus. Est-ce que je me trompe? J'aurais pensé que ces informations se seraient retrouvées dans le prospectus tel que structuré actuellement. Je suppose que ce n'est pas le cas, sinon vous n'auriez pas fait cette recommandation.

Mme Moorhead : Je vais prendre bien soin de répondre correctement à cette question.

À l'heure actuelle, le public investisseur a généralement accès à cette classe d'actifs par le truchement de billets à capital protégé. Pour l'épargnant investisseur, cette classe d'actifs n'offre donc pas les protections que vous venez d'énumérer.

Le sénateur Massicotte : Je pense que cela est uniquement attribuable au fait que les banques jouent le rôle de placeur principal. Elles sont régies par la Loi sur les banques, plutôt que par la réglementation de la Commission des valeurs mobilières, et c'est ce qui explique l'absence de prospectus. Est-ce bien cela?

Mme Moorhead : C'est l'argument de la forme par rapport au fond, effectivement. C'est l'avenue qu'emprunte le public investisseur aujourd'hui.

Le sénateur Goldstein : Savez-vous si les banques s'opposeraient d'une manière ou d'une autre à ce que les billets à capital protégé soient soumis au processus d'inscription et exigent l'émission d'un prospectus? Est-ce que votre groupe de travail s'est penché sur la question?

Mme Moorhead : Je n'ai pas eu connaissance que le milieu bancaire se soit prononcé à ce sujet.

Dans le cadre des consultations menées par notre groupe de travail, une tribune libre a été animée par André Fok Kam. Nous avons eu une discussion ouverte au sujet des billets à capital protégé avec des représentants des firmes de courtage privilégié, des dépositaires de fonds et des banques.

Le sénateur Goldstein : S'est-on interrogé au sujet de la réticence que pourraient avoir les banques à charte?

Comme il est vrai que les banques à charte ne commercialisent pas vraiment ces billets, disons plutôt une réticence de la part de ceux qui le font. Je pense notamment au cas de Portus où l'on menait en fait une opération de mise en marché visant à promouvoir les billets à capital protégé, alors qu'il ne s'agissait pas du tout de tels billets, si j'ai bien compris.

Mme Moorhead : C'est exact.

Le sénateur Goldstein : Sous la réglementation de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, on accordait tout de même une commission de 4 p. 100, je crois, aux gens qui vendaient ces produits. Ceux-ci ont été vendus à des gens qui ne comprenaient peut-être pas exactement ce qu'ils achetaient. Ils croyaient faire l'acquisition de billets à capital protégé, mais ce n'était pas le cas.

Vous parliez ici d'une opération assujettie à la réglementation et au processus d'inscription qui, pour une raison ou une autre, n'a pas été soumise aux examens appropriés. Comment peut-on éviter cela?

Mme Moorhead : M. Voorheis a rédigé un rapport bien étayé sur le cas Portus. De toute évidence, il y avait un certain nombre de questions à régler dans ce dossier. On se demandait notamment si les investissements avaient vraiment été effectués, si les procédures de contrôle requises étaient en place, si le conseiller prenait les décisions d'investissement sans droit de regard ou suivant les règles d'un conseil des investissements.

Je crois que Portus est un cas intéressant à examiner pour nous en vue de déterminer, dans l'éventualité où le public investisseur aurait accès à cette classe d'actifs, s'il est nécessaire de prévoir des mesures de divulgation et tous les autres éléments que j'ai fait valoir dans ma déclaration préliminaire. Je ne veux pas dire par là qu'il ne peut pas y avoir de fraude sur les marchés financiers, mais simplement que le régime réglementaire et le processus d'examen en place permettent de mettre au jour les problèmes qui se présentent.

Le sénateur Goldstein : Un témoin qui vous a précédé nous a parlé de l'adoption d'une réglementation axée sur des principes en s'inspirant à cette fin de l'exemple de l'autorité des services financiers au Royaume-Uni. Selon ce communiqué qui nous a été transmis, il existe un livre de règlements que l'on compte remplacer le 1er novembre 2007; le témoin en question a laissé entendre que ce serait une réglementation qui conviendrait, si je l'ai bien compris.

Mme Moorhead : Dans le cadre de nos travaux, nous avons rencontré des gens du Royaume-Uni. Je comprends bien ce qu'ils ont fait là-bas. Nous avons également parlé à des gens des États-Unis. Je dirais que nos recommandations concernant l'accès pour les épargnants prévoient également une obligation de connaître le produit pour les gens qui en font la distribution et qui fournissent les conseils. Le régime fondé sur des principes comprend notamment des règles touchant la séparation des tâches et l'établissement du prix par un tiers. Nous avons affirmé que le public investisseur devrait avoir accès à cette classe d'actifs, pour autant que de tels principes soient appliqués.

Au Canada, les régimes de ce genre ont traditionnellement été fondés sur des règles. Nous ne formulons pas de commentaire au sujet du cadre réglementaire. Nous nous demandons simplement s'il devrait y en avoir un, peu importe qu'il soit basé sur des règles ou sur des principes.

Le sénateur Goldstein : Je vais vous dire pourquoi je pose la question. Le jour même où l'autorité des services financiers a rendu publiques les propositions en vue de l'adoption d'un régime axé sur des principes, un article de Marietta Cauchi a été publié dans le Wall Street Journal. On pouvait lire dans cet article, que l'autorité de réglementation financière du Royaume-Uni avait sonné l'alarme quant aux risques que posait pour les marchés financiers l'industrie de plusieurs milliards de dollars que représente le marché des souscriptions privées, notamment en raison des effets de levier excessifs et des transactions subséquentes sur les marchés de la dette et du crédit.

L'autorité des services financiers a fait part de son intention d'accroître la surveillance à l'égard de ces deux aspects, et la même autorité des services financiers a aussi dit qu'une réglementation axée sur des principes sera suffisante pour nous, même si les propositions faites le jour-même semblaient laisser entendre que l'on ne soit pas encore prêts à superviser le marché des fonds de couverture d'une manière générale. Il m'apparaît très difficile d'y voir clair, étant donné que les témoins précédents ont pour ainsi dire affirmé que nous pourrions très bien adopter une réglementation basée sur des principes. Toutes les exigences en matière de surveillance pourraient ainsi être remplies. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?

Mme Moorehead : Je pense que l'on parle ici de deux questions très différentes. Permettez-moi d'abord une observation. Le Royaume-Uni utilise déjà un régime de réglementation fondé sur des principes, alors il ne faut pas s'étonner que l'on souhaite poursuivre dans le même sens. Il faut par ailleurs se demander si cette classe d'actifs présente ou non un risque systémique. Le groupe de travail ne s'est pas intéressé directement à cette question, mais André Fok Kam en traite brièvement dans son rapport.

La surveillance du risque systémique et la mise en place des mesures de contrôle requises dans le système ne doivent pas nécessairement passer par le cadre réglementaire. Lorsqu'on examine la situation en Amérique du Nord ou au Canada, on constate que c'est un mécanisme différent qui s'occupe de la surveillance du risque systémique sur les marchés financiers d'une manière générale. Il s'agit vraiment de deux choses distinctes.

Quant aux interrogations de l'autre intervenant à savoir si ces mesures sont suffisantes, il faut dire que des contrôles efficaces permettent de réduire le risque systémique. L'observation étroite d'une réglementation fondée sur des principes a donné de bons résultats au Royaume-Uni et il en a été de même aux États-Unis avec un régime axé sur des règles.

Le sénateur Goldstein : Plus les fonds de couverture perdront leur caractère institutionnel pour devenir davantage accessibles aux petites épargnants, plus nous devrons, et cela inclut les organes de réglementation, nous préoccuper de la qualité des mesures de surveillance, de contrôle et d'information en place. À la lumière de l'exposé précédent et d'autres interventions, j'ai l'impression que l'industrie n'est pas très sensibilisée à cette nécessité. Ces gens nous disent qu'ils savent ce qu'ils font, qu'ils sont prudents, qu'ils comprennent bien la situation, que nous aurions tort de nous inquiéter et que nous devons leur faire confiance.

Mme Moorehead : Je répète que le groupe de travail a recommandé que l'accès à cette classe d'actifs, s'il est ouvert au public investisseur, soit offert à l'intérieur d'un cadre réglementaire offrant les protections requises. Si tel était le cas, nous y serions favorables.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Je vais parler français. Pour notre auditoire du Québec, cela fait du bien d'entendre une autre langue de temps à autre.

Ma question est la suivante. Lorsque le produit réglementé est accessible à tous les investisseurs sur le marché, est-ce que ce produit existe déjà dans ces conditions sur d'autres marchés, que ce soit en Angleterre, aux États-Unis ou à Hong Kong? En d'autres mots, est-ce que ces pays ont rendu les fonds de couverture disponibles au grand public investisseur?

[Traduction]

Mme Moorehead : Dans nos travaux, et André Fok Kam en a parlé dans le rapport ou par la suite, nous avons estimé que Singapour offrait un régime réglementaire permettant l'accès aux fonds de couverture pour les petits épargnants. Le groupe de travail a d'ailleurs constaté avec intérêt que Singapour avait d'abord considéré les fonds mutuels avant de s'intéresser aux fonds de couverture en guise de prolongement de cette classe d'actifs.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : L'absence d'un cadre réglementaire — cadre que vous recommandez — représente-t- il un risque pour le marché même si la clientèle actuelle est supposément éduquée et fortunée? Tenez-vous compte des tristes histoires qui ont résulté des déboires assez importants des fonds de couverture en énergie Amaranth?

Si on ne va pas au fond pour les petits investisseurs, même sans eux, avons-nous besoin d'un cadre réglementaire?

[Traduction]

Mme Moorehead : Le groupe de travail n'a pas formulé d'observations à ce sujet. Nous avons parlé plus précisément de l'accès pour le public investisseur parce que nous estimons que cela pourrait rendre nos marchés financiers plus concurrentiels, ce qui était l'objectif visé. Nous nous efforcions également d'en arriver à une certaine harmonisation par rapport aux autres marchés. Si un épargnant contribue à un fonds qui fait des placements — et je ne parlerai pas ici d'Amaranth —, si les processus établis sont suivis et si tout est clair quant à la capitalisation, aux rapports exigés et à la méthode d'investissement, je ne peux pas vous dire quel sera le résultat, mais je puis vous assurer qu'il n'y aura pas de confusion.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Mon impression est que ce genre de fonds couvre à peu près tous les types de placements. Ils sont différents et très variés.

Selon votre enquête, pour ceux qui reçoivent les fonds, est-ce que cela s'adresse seulement aux très grandes corporations ou si vous pensez qu'un des problèmes structurels au Canada est que les petites et moyennes entreprises ont difficilement accès, spécialement autant de l'équité que de la dette? C'est difficile pour eux d'avoir accès pour assurer la croissance. Et-ce que cet aspect de l'accessibilité des fonds, pas des investisseurs mais de ceux qui reçoivent les fonds, avez-vous regardez la possibilité d'avoir à partager des risques d'un groupe d'entreprises plus petites qui pourraient vous présenter pour les fonds de couverture un attrait intéressant, puisque la croissance pourrait être très importante mais en minimisant les risques par le biais de ce fonds? Plusieurs titres de petites et moyennes entreprises, qui auraient accès à du capital auquel elles n'ont pas accès présentement.

Il ne semble pas y avoir beaucoup de véhicules financiers où autant les grands investisseurs, comme les banques ou les investisseurs privés peuvent investir dans la PME ici au Canada.

[Traduction]

Mme Moorehead : Tout à fait à la base de la pyramide des marchés financiers, on trouve l'accès au capital. Plus l'accès au capital est facile, plus on dispose de fonds pour investir dans les entreprises canadiennes. Peu importe la taille de ces entreprises, il leur est alors possible de prospérer. C'est l'un des éléments très importants du travail effectué par le groupe. Si l'accès aux marchés est possible via les fonds de couverture, l'un des mécanismes envisagés au sein du régime pour permettre indirectement la participation du public investisseur, alors la stratégie de l'investissement serait divulguée. Cela s'inscrirait dans la volonté commune de connaître ses clients et de faire en sorte que ceux-ci connaissent leurs investissements. Et nous estimons que l'accès au capital est tout à fait indispensable au Canada.

Le groupe de travail a formulé 65 recommandations et seulement cinq d'entre elles portent sur les fonds de couverture. Bon nombre des 60 autres traitent de la manière de réduire cette moins-value au Canada et c'est un aspect très important. Toutes les mesures que nous pouvons prendre pour que les entreprises sous-financées aient accès au capital afin de soutenir leur croissance constituent autant de pas en avant.

Le président : J'ai une question pour conclure. Vous vous en souviendrez peut-être, notre comité a produit un rapport sur la productivité. Si l'on examine bien ce nouveau marché en émergence, il semble que nous nous efforcions de trouver le juste équilibre entre la protection du consommateur via l'évaluation des risques et la productivité, tout en permettant une libre circulation des capitaux afin d'attirer de nouveaux investisseurs sur le marché et d'en accroître la liquidité.

Voici donc ma question. Dans le cadre de votre étude, avez-vous examiné les conséquences en matière de productivité si le régime devait intégrer les éléments réglementaires additionnels que vous recommandez?

Mme Moorehead : Non, pas directement. Le groupe de travail s'est intéressé à différents aspects entourant la productivité, mais pas spécialement dans le contexte des fonds de couverture.

Le président : J'aurais une toute dernière question. Le sénateur Angus et moi-même avons tous deux envisagé la création possible d'un bureau central de l'information. Est-ce que le groupe de travail s'est penché sur la possibilité d'instaurer un tel mécanisme comme c'est le cas pour le marché des instruments dérivés afin de permettre la compilation de données et l'évaluation du risque systémique dans toute l'industrie?

Mme Moorehead : Je connais bien le concept.

Le président : Vous êtes-vous penchés sur la question?

Mme Moorehead : Nous l'avons abordée dans le cadre de nos discussions. Nous avons eu des présentations à ce sujet de la part de la Bourse de Montréal ainsi que du ministère des Finances.

Le président : Vous êtes-vous prononcés à ce sujet?

Mme Moorehead : Nous ne l'avons pas fait.

Le président : Merci. S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie nos témoins pour leur patience et pour leurs commentaires. Vous nous avez fourni des informations très utiles.

La séance est levée.


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