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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 18 - Témoignages du 4 décembre 2006


OTTAWA, le lundi 4 décembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel sont renvoyés le projet de loi S- 1001, Loi concernant Scouts Canada, et le projet de loi S-213, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), se réunit aujourd'hui à 13 h 3 pour étudier les projets de loi.

Le sénateur Donald Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, voici la deuxième réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à propos du projet de loi S-1001, Loi concernant Scouts Canada.

Le sommaire du projet de loi fait voir que ce dernier regroupe et met à jour les diverses lois régissant l'association dénommée Les Boys Scouts du Canada afin de mieux correspondre à sa situation actuelle au Canada. Il remplace le nom de l'association par « Scouts Canada » et apporte d'autres changements techniques ou accessoires touchant l'administration de ses affaires.

Le 8 novembre, nous avons entendu le témoignage de l'honorable sénateur Consiglio Di Nino, parrain du projet de loi, et de M. Robert Stewart, commissaire général et directeur général de Scouts Canada.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui Scout eh!, regroupement de plus de 700 membres dûment inscrits de Scouts Canada dont le but est de faire de Scouts Canada une association plus démocratique.

Michael P. Reid, président, SCOUT eh! : Honorables sénateurs, responsables du comité, invités et estimés collègues, permettez-moi de me présenter. Je m'appelle Michael Reid. Je suis membre inscrit de Scouts Canada, animateur de section et président de la Scouts Canada Ordinary-member Unity Taskforce Association, que nous appelons Scout eh!

L'association en question existe pour servir de tribune à des milliers d'animateurs des scouts qui, partout au Canada, estiment ne pas avoir leur mot à dire dans la forme actuelle de gouvernance que pratique notre association. Je suis venu de Montréal aujourd'hui pour vous faire part des préoccupations que le projet de loi à l'étude devant votre comité suscite chez moi, en tant que membre des scouts et en tant que citoyen canadien.

[Français]

Avant de débuter, j'aimerais dire que cette occasion d'être ici parmi vous aujourd'hui est incroyable pour moi. Je suis un gars ordinaire, né Canadien et fier d'être Canadien. J'ai été bénévole toute ma vie pour rendre service aux communautés et au Canada. Pour moi, le bénévolat me donne la chance de payer ma dette au Canada, une dette heureuse grâce à tous les bénéfices que je reçois comme Canadien.

Maintenant, avant de vous casser les oreilles, je vais retourner à ma langue maternelle.

[Traduction]

Je suis fier de mon pays, que j'ai servi en pratiquant de nombreuses formes de bénévolat au cours de ma vie. C'est pour moi une dette de reconnaissance que j'ai, en tant que Canadien. Le bénévolat est l'une des choses qui font que ce pays est merveilleux. C'est pour moi un plaisir d'ajouter une petite pierre à un grand édifice.

Ce qui m'abasourdit tout à fait, c'est le fait que je puisse venir à Ottawa en tant que citoyen ordinaire, entrer dans les chambres du Parlement et avoir l'occasion et le droit de prendre la parole, de faire valoir mes préoccupations, d'être entendu, d'avoir peut-être un effet sur l'orientation d'une loi qui, une fois adoptée, aura une incidence sur la vie de milliers de bénévoles et de jeunes au pays.

C'est pour moi un honneur que je n'aurais jamais cru possible. Un gars ordinaire, une voix — et le gouvernement qui fait les lois du pays m'écoutera. Voilà la démocratie à son meilleur; voilà pourquoi le Canada est le premier joyau des démocraties dans le monde. En ce moment, je peux dire que je n'ai jamais été aussi fier d'être canadien. Je tiens à vous remercier, tous, de l'occasion qui m'est offerte ici.

Grandir au Canada est une bénédiction. C'est un élément constitutif du tissu canadien, nous savons que nous sommes libres, que nous jouissons de droits inaliénables et que, comme je l'ai déjà mentionné, nous vivons en démocratie.

Durant ma vie d'écolier et de scout, j'ai appris que la démocratie est un droit qu'il faut défendre; ce n'est pas un privilège. J'ai été encouragé à servir mon pays par la voie du bénévolat. J'ai appris qu'une seule personne peut changer les choses. Cela est ancré dans les fondations mêmes de la société canadienne et dans la pensée nationale.

Si vous le voulez bien, imaginez une association dont la mission consiste à former de meilleurs citoyens, une association qui montre aux citoyens en question à apprendre par l'action. Imaginez une association qui encourage les jeunes d'une société à aspirer à quelque chose de noble et qui les met aux défis de montrer la voie, un mouvement qui encourage la libre pensée; l'idée de défendre ce qui est droit et de défendre ceux qui ne peuvent ou ne veulent parler. C'est le mouvement des scouts au Canada, une association considérée comme si importante à ses débuts qu'elle est née grâce à l'adoption d'une charte royale au Parlement.

L'homme ordinaire qui déclare être fier d'être canadien est le même homme qui a toujours été fier de porter l'uniforme que vous voyez. Pour moi, l'uniforme en question représente davantage que 100 ans d'activités des scouts; il représente davantage que les insignes accordés, que le plaisir de camper, que la fraternité; il représente plus qu'une bonne action accomplie tous les jours, que le fait d'aider autrui et d'être l'ami de tous. À mes yeux, l'uniforme symbolise une promesse.

« Sur l'honneur, je promets de faire mon devoir envers Dieu, la Reine et mon pays. » Ce passage de la promesse du scout constitue un engagement, une promesse dont je fais mon credo depuis que j'ai été investi au jeune âge de 12 ans. Je prends au sérieux ma promesse de scout — et cela veut dire que je dois faire mon devoir et défendre la démocratie en tant qu'elle s'applique au projet de loi que vous avez devant les yeux aujourd'hui.

Selon Scouts Canada, il s'agit simplement d'un changement de nom et d'un projet de loi d'ordre administratif, ayant pour effet d'officialiser le changement de nom de Les Boy Scouts du Canada à Scouts Canada. Je trouve cela acceptable, tout comme presque toutes les personnes que je connais. Cependant, il y a, dissimulés dans ce texte de loi, des mots qui ont pour effet d'éliminer pratiquement toute démocratie formelle dans l'institution canadienne que nous appelons scoutisme.

En tant que membre ordinaire de Scouts Canada, je n'ai aucun droit. Je ne peux élire le commissaire de mon secteur, qui me représentera au prochain palier de la direction. Je n'ai accès à aucun moyen d'expression officielle qui me permettrait de me lever pour crier : « Arrêtez ». Je ne peux même pas me lever et poser une question à l'assemblée générale annuelle de Scouts Canada. D'après ce que j'en vois, le projet de loi servira à enraciner une méthode circulaire de nominations des membres votants, qui ne représenteront pas vraiment la base du mouvement de scoutisme. Or, la base, c'est là où le scoutisme se déploie vraiment.

Les membres votants en question sont bien intentionnés, mais les bonnes intentions ne servent à rien si une valeur canadienne fondamentale fait défaut.

Scouts Canada affirme qu'elle forme une institution démocratique et qu'elle compte plus de membres votants que jamais auparavant grâce à la nouvelle méthode de gouvernance ainsi énoncée dans le projet de loi. Un nombre accru de votes ne veut rien dire si les personnes qui votent ne sont pas mandatées par ceux qu'elles représentent, si elles n'ont pas l'autorité morale voulue pour agir ainsi.

Les milliers d'animateurs qui forment la proue du mouvement ont été privés de leurs droits. Les présumés gardiens du mouvement n'ont pas de mode d'expression. Il est vrai que la grande majorité d'entre eux continuera de s'échiner localement pour que le scoutisme perdure, quelles que soient les controverses. Je serais beaucoup plus heureux de les voir faire leur travail en sachant qu'ils ont voix au chapitre dans leur association. Ils devraient savoir qu'ils ont une incidence sur la vie des gens grâce à leur association et non pas malgré elle. Je veux qu'ils soient fiers non seulement du scoutisme, mais aussi du fait que le scoutisme reflète les principes démocratiques d'un mouvement mondial auquel Scouts Canada prétend adhérer. Fait encore plus important, je souhaite qu'ils incarnent les valeurs que nous tenons pour acquises tous les jours, en tant que Canadiens, car elles font partie du tissu social du pays.

Je laisserai le soin à mon estimé collègue, l'animateur Ted, de vous parler des rouages de l'affaire. Je ne prétends pas comprendre tout ce qui se trouve dans le projet de loi. Je comprends tout de même que, sous sa forme actuelle, il ne représente pas une avancée avec un nouveau nom pour un nouveau siècle de scoutisme. S'il est adopté sous sa forme actuelle, il nous ramène à une époque moins éclairée et, pour moi, cela voudra dire que le nom est un peu terni.

Je vous remercie de l'attention que vous m'accordez et je suis disposé à répondre à toutes vos questions.

Edward (Ted) Claxton, trésorier, SCOUT eh! : Je suis avocat et conseiller juridique dans la province de l'Ontario, et ce, depuis plus de 25 ans. J'ai été scout pendant ma jeunesse et j'occupe une fonction de direction au sein du mouvement depuis plus de 13 ans.

Je me suis joint à l'organisation SCOUT eh! pour la même raison que l'animateur Mike Reid.

Pour ce qui est de l'adoption du nom Scouts Canada, le nom a été changé en 1961, au moment où le Sénat a été saisi d'un petit projet de loi semblable. À ce moment-là, le Canadian General Council of the Boy Scouts Association est devenu Les Boy Scouts du Canada. Le projet de loi faisait trois paragraphes. Personne ne s'oppose à l'adoption du nom Scouts Canada. Nous ne sommes pas venus nous opposer à cette mesure. De fait, nous sommes d'accord pour dire qu'il conviendrait de modifier le nom officiel, pour que cela devienne Scouts Canada, au moyen d'une modification, comme cela s'est fait en 1961. Je suis certain que les cinq filles qui font partie de ma troupe seraient très heureuses de savoir que ce ne sont plus les Boy Scouts. La modification tomberait particulièrement bien à l'occasion du centenaire de Scouts Canada.

Pourquoi sommes-nous donc ici, amis sénateurs? Le changement de nom ne pose pas de problème. Ce qui pose un problème, ce sont les autres modifications, qui, même si elles sont subtiles, touchent de fait à quelque chose de fondamental. Elles touchent à la racine même du scoutisme.

Je porterai mon regard sur trois articles : d'abord, celui de l'objet; ensuite, celui de la capacité; enfin, celui de l'abrogation.

D'abord, nous devons étudier la modification de l'article portant sur l'objet de l'organisation, qui se trouve au paragraphe 2 des deux projets de loi. Dans la loi actuelle, l'article 2 s'énonce comme suit : « Les fins et les pouvoirs de la Corporation sont de favoriser et de réaliser au Canada les objets de ladite Association. » Il s'agit de réaliser les objectifs de l'association.

L'article proposé se lit comme suit :

L'Association a pour objet de promouvoir la mission du scoutisme auprès des jeunes.

La loi, elle, parle plutôt d'« enseigner aux garçons ». Nous voudrions que cela devienne les « jeunes ». Plus loin, la loi dit qu'il s'agit de « réaliser au Canada les objets de ladite Association » sous divers rapports, et notamment favoriser et seconder l'établissement d'associations locales, entre autres d'associations locales; publier et vendre des livres; et généralement faire toutes choses nécessaires pour promouvoir et maintenir une organisation efficace.

La capacité de l'association renvoie à la capacité de venir en aide aux associations locales et à l'organisation locale, car il s'agit d'un mouvement — d'un mouvement qui est une association bénévole visant à promouvoir des objectifs sur lesquels les parties se sont entendues. Si nous comparons les objets, nous voyons qu'il est dit : « promouvoir la mission du scoutisme ». Sous sa forme actuelle, bien entendu, la loi énonce le tout. Ensuite, la mission devient modifiable par règlement interne, car le document intitulé Loi concernant Scouts Canada nous tient lieu d'acte constitutif en tant qu'association. Il est bien d'affirmer qu'il s'agit de promouvoir la mission du scoutisme, mais, à ce moment-là, comment pouvons-nous savoir quelle est cette mission? Il n'y a aucune référence à l'organisation mondiale du mouvement du scoutisme, ni à ce qu'il faudrait promouvoir au juste. Comme je l'ai dit, cela est assujetti à la modification des règlements de l'association, qui peut être définie de n'importe quelle façon.

La difficulté que nous y voyons, en tant que membres ordinaires, c'est que nous n'avons plus quelque influence que ce soit sur notre organisation.

Ensuite, je veux comparer les articles sur la capacité. C'est l'article 3. L'article 3 se lit comme suit : « L'association a la capacité d'une personne physique et, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, elle en possède les pouvoirs, les droits et les privilèges. »

D'après la loi actuelle, un grand nombre d'éminences à l'époque au Canada — nous sommes en 1914 — et leurs ayants droit à l'égard de l'association créée sont constituées en société sous le nom de Canadian General Council of the Boy Scouts Association, « ci-après appelée la Corporation». Cette appellation est établie par souci de commodité. Le législateur dit « la Corporation » de façon à ne pas avoir à répéter sans cesse la « Canadian General Council of the Boy Scouts Association ». Le projet de loi énonce les pouvoirs d'une personne. La Loi sur les corporations canadiennes comporte une définition à cet égard, et la Loi sur l'interprétation énonce les pouvoirs d'une telle entité aux paragraphes 21(1), (2) et (3).

Seul le paragraphe 21(1) importe vraiment. Il renferme le passage suivant : « La disposition constitutive d'une personne morale comporte [...] »; c'est ce qui se trouve en ce moment dans la loi. Une corporation est ainsi créée.

La suite se lit comme suit : « l'attribution du pouvoir d'ester en justice, de contracter sous sa dénomination, d'avoir un sceau et de le modifier, d'avoir succession perpétuelle, d'acquérir et de détenir des biens meubles dans l'exercice de ses activités et de les aliéner ».

Puis, il est question des noms français et anglais; ensuite, et c'est très important, l'alinéa c) du paragraphe 21(1) énonce « l'attribution à la majorité de ses membres du pouvoir de lier les autres par leurs actes ».

En ce moment, nous sommes tous censés être membres de l'association, mais par voie de règlement — à mon humble avis, le règlement représente probablement un excès de pouvoir, et il pourrait être modifié [...] c'est un aspect fondamental qui est modifié quand il est dit qu'il existe deux catégories de membres. Il y a les membres votants, qui sont au nombre de 100, puis il y a les membres ordinaires, catégorie dans laquelle nous avons été classés. Or, nous ne pouvons élire les membres votants en question. Les membres votants sont effectivement nommés selon une formule circulaire.

Je ne sais pas si vous avez encore reçu le colis, mais j'ai transmis de la documentation au greffier du comité. J'espère que vous allez pouvoir regarder la formule circulaire en question pour voir en quoi nous sommes exclus de toute possibilité de participer à la démarche. L'évocation de la « capacité d'une personne physique » vise uniquement à concentrer en une seule personne, pour ainsi dire, les qualités de l'ensemble des membres. C'est là le vocabulaire des sociétés commerciales, et non pas celui des établissements de bienfaisance.

Dans la mesure où la loi dit de l'association qu'« elle en possède les pouvoirs » — ceux d'une personne physique —, le conseil des gouverneurs doit réfléchir à son obligation fiduciaire. Dans la mesure où il est question d'une personne physique et d'une société constituée en personne morale, l'obligation fiduciaire est envers l'entité elle-même.

Le président : C'est entendu.

M. Claxton : Sinon, c'est envers les membres. Voilà pourquoi nous affirmons qu'il s'agit là d'une modification fondamentale, qui touche la nature même de l'organisation.

Le président : Vous vouliez parler de l'article portant sur les abrogations.

M. Claxton : Oui, lorsqu'une loi est abrogée, la vieille loi n'a plus cours, sauf pour les points déjà établis. La question de l'association, à notre avis, disparaîtra ainsi, car il n'est nullement mentionné dans le projet de loi que les scouts forment une association composée de membres. Il s'agit maintenant d'une personne « physique ». À notre avis, cette modification aura pour effet de fixer ce qui est énoncé dans le règlement, à l'heure actuelle, car, une fois adoptée au Parlement, la loi est établie : on ne peut y mettre la main ou revenir en arrière. Les tribunaux l'ont affirmé de manière répétée.

Scouts Canada affirme qu'il s'agit d'une modernisation de la loi, en vue du XXIe siècle, mais, pour la plus grande part, le projet de loi reprend le texte de la loi de 1914. Les modifications proposées touchent non pas simplement des questions d'ordre administratif, mais plutôt des questions de fond et servent seulement à priver davantage les membres de leurs droits.

À notre avis, dans la loi qui est actuellement en vigueur, le recours aux règlements s'est révélé abusif; il s'est fait au détriment des membres, qui n'ont plus de véritable tribune où s'exprimer. Le changement apporté par la voie des règlements en question est allé bien au-delà de l'établissement des catégories de membres — membres honoraires, jeunes membres, membres adultes : élément central de la question, la distinction a été faite entre membres votants et membres ordinaires.

Je vous demanderais d'envisager ce fait : plus que jamais, les Canadiens exigent de la transparence de la part de leurs organisations. La gouvernance de l'association doit être ce qu'il y a de mieux : nos jeunes ne méritent rien de moins. La loi représente l'acte constitutif de Scouts Canada. Pour que le document convienne au XXIe siècle, il faut y inscrire des concepts fondamentaux, par exemple la démocratie, la transparence et les droits des membres.

Le président : Monsieur Claxton, merci de nous avoir présenté cette introduction et d'avoir signalé les trois articles de la loi qui vous préoccupent.

Vous vous en souviendrez : la dernière fois où nous avons siégé pour discuter de ce projet de loi particulier, nous avons entendu le sénateur Di Nino et M. Rob Stewart, commissaire général et directeur général de Scouts Canada. À ce moment-là, ils ont exprimé le souhait d'amener avec eux M. Robert Laughton, leur conseiller juridique. Il est là aujourd'hui; nous espérons que, autour de 13 h 55, il pourra se présenter à la table et répondre à certaines des questions qui ont été soulevées.

Dans l'intervalle, nous allons commencer le tour de table par le sénateur Milne.

Le sénateur Milne : Si nous regardons le projet de loi dont nous sommes saisis [...] vous souhaiteriez que les articles 2, 3 et 13, l'article d'abrogation, soient supprimés — sinon, que souhaiteriez-vous que nous fassions au juste de ce projet de loi?

M. Claxton : Je ne crois pas que les diverses modifications en question puissent remédier au problème que pose ce projet de loi, car les questions en jeu sont trop fondamentales. Je dis ceci : si nous souhaitons nous donner le nom de Scouts Canada, personne ne s'opposerait à un projet de loi simple qui rebaptise ainsi l'association, mais rien de plus. Tant et aussi longtemps que nous ne sommes pas arrivés à une certaine entente générale, au sein de Scouts Canada, sur la véritable orientation de l'affaire, le projet de loi devrait être mis en suspens. Voilà notre proposition, pour l'essentiel.

Le sénateur Milne : Voici l'article 6 du projet de loi — laissez-moi voir si je peux bien saisir ce qui y est dit : je lis le passage et j'essaie de trouver les 100 membres votants. L'article 6 se lit comme suit :

À chaque assemblée générale annuelle, l'Association élit un comité exécutif parmi ses membres [...]

Ce sont des membres de l'association. Est-ce que ce sont les 100 membres votants ou des membres au sens général du terme?

M. Claxton : Ils sont choisis parmi les 100 membres.

Le sénateur Milne : Ce sont les 100, strictement?

M. Claxton : Essentiellement, n'importe qui peut se faire élire, mais il doit d'abord être nommé. Il y a un comité de nomination qui dresse une liste, liste qui est remise aux 100 membres votants, et ce sont les 100 membres votants qui, essentiellement, si vous me permettez de m'exprimer sans détour, entérinent machinalement l'affaire. L'an dernier, modalités techniques obligent, cinq membres votants ont nommé l'animateur Liam, qui est présent aujourd'hui, mais il m'a fallu des semaines pour en arriver là. Il fallait que je découvre qui étaient les gens en question. J'ai dû travailler avec diligence pour faire nommer une seule personne. Cela n'a servi qu'à prouver que le système est tellement lourd que, en vérité, le vote porte uniquement sur la liste proposée par le comité des candidatures.

Cette année, 40 noms ont été proposés au comité des candidatures. Ils en ont choisi huit ou dix, les vacances, enfin. Ils ont comblé les vacances et signalé : voilà la liste. D'après mon expérience personnelle ... comme il y a des gens parmi les membres votants qui m'ont parlé, je sais qu'il y a de la grogne à ce sujet. Les gens se demandent pourquoi ils n'ont pas la possibilité de choisir les personnes en question. Personne n'a l'occasion de choisir par vote les membres votants.

Dans la documentation que j'ai transmise au comité, vous verrez qu'il y a ce mode circulaire de nomination, qui commence avec le conseil des 23 membres. Le conseil choisit le directeur général. Le directeur général, après avoir consulté le commissaire général, choisit les 20 commissaires des conseils. Ceux-ci composent un comité exécutif. Il y a de 15 à 20 personnes qui siègent à chacun des conseils, suivant sa taille. Aucune personne n'est élue. Chacun est nommé par le commissaire du conseil. Ils choisissent parmi eux trois personnes : le commissaire du conseil, le commissaire jeunesse et un autre. Théoriquement, ce pourrait être n'importe qui, mais, habituellement, c'est l'un des membres de l'équipe du conseil.

Cela comprend les 100 personnes. Il y en a 60 d'entre eux. Il y a les 23 membres du conseil qui peuvent voter pour eux-mêmes, ce qui est très démocratique. Il y en a cinq autres qui proviennent de l'Armée du Salut et de l'Association des scouts du Canada, puis 12 membres votants honoraires.

Il faut maintenant remonter la filière. Les 100 personnes procèdent à l'élection à partir de la liste. Si quelqu'un pouvait m'expliquer en quoi cette démarche est démocratique, je serais heureux de l'écouter. Visiblement, cette façon de faire n'a rien de démocratique.

Le sénateur Milne : C'est la façon actuelle de faire?

M. Claxton : Oui; c'est la façon établie d'après les règlements. C'est par règlement que cette façon de faire a été établie. À mon avis, c'est contraire à la loi, car il en va de nos droits fondamentaux en tant que membres.

Le sénateur Milne : Le projet de loi aurait-il pour effet d'enchâsser cette façon de faire dans une loi? Cela n'aggraverait pas les choses. Est-ce que ça deviendrait permanent?

M. Claxton : Effectivement, oui. L'organisation Scouts Canada a affirmé qu'elle peut modifier les règlements. Il est vrai que les membres ne peuvent proposer de modifications aux règlements. Ce seront les membres votants, qui sont tous nommés, qui présentent les propositions de modifications. Les personnes nommées vont-elles modifier cette façon de faire? Peut-être que oui.

Nous avons remporté certains succès en tant qu'association au sein de notre organisation. Je crois que nous avons fait la lumière sur le problème, au point où, comme le font voir les orientations stratégiques adoptées l'an dernier, un des objectifs consiste à en arriver à une gouvernance plus démocratique. Cependant, le projet de loi ne nous aide pas à cet égard. Tant et aussi longtemps que nous n'ouvrirons pas cette porte, nous n'aurons pas voix au chapitre. Voilà ma position.

Le sénateur Baker : L'assemblée générale annuelle a-t-elle eu lieu la fin de semaine dernière?

M. Claxton : Oui.

Le sénateur Baker : Elle a eu lieu à Winnipeg. Comment est-ce que ça s'est déroulé, pour ce qui est des préoccupations que vous soulevez devant notre comité?

M. Claxton : J'étais l'une des personnes présentes. Quelques-uns parmi nous sont montés en voiture et ont fait tout le chemin de l'Ontario jusqu'à Winnipeg. Une belle promenade en voiture. Puis, nous sommes revenus. Nous sommes même venus jusqu'à Ottawa.

Nous avons pu jouer le rôle d'observateurs. Nous avons assisté à la réunion. Il y a eu une séance sur les finances. C'est un commissaire de conseil, je crois, qui s'est levé et a posé une question qui me semblait facile. Les instructions que nous avons reçues provenaient de notre commissaire en chef. M. Reid l'a interrogé à ce sujet, et la réponse s'est retrouvée dans le site web de Scouts Canada. Il était dit que nous devrions adresser nos demandes de renseignements à nos membres votants.

Le problème, c'est que les renseignements financiers sont considérés comme confidentiels; ils n'ont été mis à notre disposition que le jour même de l'assemblée générale annuelle. Comment est-ce que je peux lire un rapport financier de 15 à 20 pages en quelques minutes et être prêt à poser des questions sensées; il est impossible pour moi de concevoir des questions sensées et de trouver un membre votant que je peux aborder pour qu'il puisse poser les questions. Ce n'est pas raisonnable.

Le sénateur Baker : Dites-le-moi si je fais erreur, mais, à la réunion en question, vous a-t-on accusés d'être responsables d'une fuite de renseignements financiers?

M. Claxton : Oui.

Le sénateur Baker : Pouvez-vous dire au comité pourquoi, et aussi ce qui s'est passé par la suite? Étiez-vous coupable de cela?

M. Claxton : Non, nous n'en étions pas coupables. Nous avons publié des renseignements sur le site web. Il y a un passage qui disait : « Rapport financier du troisième trimestre disponible ». Si vous cliquez sur le lien, cela disait : « Mais pas pour nous : c'est confidentiel ».

Nous avons également publié sur le site web le rapport de notre directeur général en date du 7 novembre. De par la teneur et le ton du rapport, c'était, à mon avis, un document public. Heureusement, j'ai pu m'entretenir avec notre commissaire en chef et notre directeur général, et ils ont pris la décision correcte, à la manière de scouts, je dirais, et corrigé l'information trompeuse qui avait été soumise.

Le sénateur Baker : Est-ce une sorte d'excuse?

M. Claxton : Ce n'était pas une sorte d'excuse; c'était une vraie excuse. Ils se sont excusés. Cela ne me dérange pas de le dire. Ce sont des informations trompeuses qu'ils avaient reçues, et ils ont réagi de manière très correcte et très rapide.

Le sénateur Baker : Vous dites que vous avez fait en voiture le long chemin qui va de l'Ontario à Winnipeg pour vous rendre à l'assemblée annuelle. Je connais quelques personnes qui ont fait tout le chemin de Terre-Neuve à Winnipeg.

M. Claxton : Oui. L'un d'entre eux est venu avec moi en Ontario.

Le sénateur Baker : J'ai eu une conversation avec cet homme, qui est peut-être l'animateur le plus respecté de la région centrale de Terre-Neuve. Quand je lui ai demandé comment la réunion s'était passée, il était troublé, bouleversé. Il a répété certains des mots que vous avez employés. Il n'a pas eu l'occasion de poser des questions, mais la démocratie faisait tout à fait défaut au sein de l'organisation à cette réunion-là.

Jusqu'à quel point est-ce un sentiment général? L'homme en question avait fait tout le chemin en voiture, de Terre- Neuve au Manitoba, puis de retour à Terre-Neuve. Il a 69 ans. Il œuvre dans le mouvement des scouts depuis 40 ans. Je ne savais pas qu'il y avait un mécontentement à ce point généralisé. Le projet de loi ne fait certes rien pour susciter un tel mécontentement. Le mécontentement existait déjà. La démocratie fait défaut dans le mouvement, comme vous l'avez dit. Comme l'homme en question me l'a expliqué, il y a ce problème qui doit certainement être corrigé.

Nous pouvons bien analyser ce projet de loi dans ses moindres détails. Vous êtes avocat; vous l'êtes depuis plusieurs années. Nous pouvons analyser le projet de loi, mais nous ne pouvons nullement nous en servir, comme vous l'avez fait remarquer, pour corriger la situation. Quelle est donc la solution?

M. Claxton : À mon avis, la solution consisterait à avoir, au sein de Scouts Canada, une bonne discussion sur la composition de notre acte constitutif. Lorsque nous en viendrons à un consensus ou à une proposition raisonnable à ce sujet, je serai heureux de m'afficher avec nos dirigeants à bras dessus, bras dessous. Nous sommes tous bénévoles, mais on ne saurait en faire une vertu dans une telle organisation. Tout au moins, nous devrions nous mettre d'accord sur la question; nous ne le sommes pas pour l'heure.

Sept cents personnes ont signé pour se joindre à nous. Nous avons communiqué avec de nouveaux membres par Internet. Je ne peux traverser le pays et trouver des gens dans tous les recoins du Canada. J'habite à Kitchener. J'habite dans une petite ville. De nombreuses personnes m'ont dit qu'elles aimeraient se joindre à l'organisation, mais qu'elles craignent que leur adhésion ou leurs motifs soient remis en question. On nous dit de continuer à y travailler et de prendre les coups. C'est ce que je vais faire.

M. Reid : Vous devez savoir aussi que SCOUT eh! a commencé par un seul courriel que j'ai transmis à 36 personnes, puis il y a un effet boule de neige. Au bout d'un mois et demi, nous comptions 200 membres au Canada. On diffusait à la radio anglaise de Radio-Canada une interview, d'un océan à l'autre, où nous disions que quelque chose clochait du côté de la démocratie.

Le président : On vous a interviewé au sujet de ce projet de loi?

M. Reid : En particulier à propos des dirigeants qui se sentaient très lésés.

Le président : À propos de ce projet de loi?

M. Reid : Ce projet de loi est un grand élément à ce sujet.

Le sénateur Baker : C'est un problème très grave que vous mettez sur les épaules du législateur. Vous dites : oui, changeons le nom. C'est ce qui devait être le but principal du projet de loi.

Proposez-vous que le projet de loi soit supprimé et que le Sénat du Canada propose un avis à cet égard?

En prenant le seul cas des représentants de la province de Terre-Neuve auxquels j'ai parlé, il me semble que le mécontentement est largement répandu. Est-ce largement répandu dans les faits ou est-ce juste un petit groupe de personnes qui sont mécontentes face à l'organisation des choses?

M. Reid : Il y a la règle des 80/20. Le segment de 20 p. 100 a fait plus de bruit que l'autre segment, qui compte pour 80 p. 100. Je crois que si vous regardez nos chiffres ... 700 — d'un océan à l'autre ... ce sont des gens qui ont pris le temps de lire notre site web. Nous n'avons forcé personne à se joindre au mouvement. Nous proposons aux gens de prendre connaissance de nos recherches, de lire nos documents et de se décider eux-mêmes. Si vous vous joignez à nous, merveilleux. Sinon, nous demeurons frères de scoutisme, et il n'y a pas de problème à nos yeux.

Si vous regardez la règle des 80/20, vous constatez qu'il y a de nombreux milliers d'animateurs qui ne souhaitent pas s'engager dans le dossier. Ils veulent s'occuper de leur petite affaire, prendre en charge leur colonie de Beavers, leurs louveteaux ou leurs scouts, et rester à l'écart de la rhétorique. Je respecte cela. À mon avis, les 700 en question représentent un nombre qui est beaucoup plus grand.

Le sénateur Baker : Est-ce qu'il est vrai que certains campements sont en voie d'être soit réduits, soit vendus?

M. Reid : Certains des campements dont la fréquentation a baissé et les recettes ont baissé ont été vendus. Certes, on peut justifier l'idée de vendre certaines propriétés, car elles ne sont pas financièrement autonomes.

Nous sommes d'avis que chaque campement devrait faire l'objet d'une évaluation qui se fait localement et non pas par un organisme situé à mille lieues de là. Les gens qui l'utilisent devraient évaluer le campement, puis discuter de ce qu'il faut en faire, plutôt que de remettre la décision à des gens qui sont ailleurs et qui n'utilisent pas le campement en question. C'est notre avis.

Le président : Comme le sénateur Baker vient de le laisser entendre, il n'appartient peut-être pas à un comité sénatorial qui est là pour étudier le projet de loi de se prononcer sur votre situation privée à l'interne. En temps normal, ce n'est pas l'affaire des comités sénatoriaux.

Le sénateur Jaffer : Merci beaucoup d'être venu comparaître. J'apprécie tout à fait le travail que vous faites. J'ai été membre d'une colonie de Beavers, puis animatrice, et je suis heureuse de savoir que l'histoire du nom ne vous pose aucun problème. J'ai amené le premier groupe mixte de scouts au jamboree international de Kananaskis; je suis heureuse de vous révéler que le changement de nom ne me pose aucune difficulté. Je suis enchantée de savoir qu'il y a cinq fillettes dans votre groupe. Le mouvement offre d'excellentes occasions aux filles. Cependant, ce que vous dites me trouble, car j'ai été membre du grand mouvement du scoutisme. Il y a des problèmes. D'après ce que j'en sais, les problèmes en question ne sont pas tout à fait liés à ce projet de loi. Les problèmes sont liés aux règlements internes.Ai- je raison d'affirmer cela?

M. Claxton : Non. Comme j'ai essayé de l'expliquer, la situation est un peu subtile. Le projet de loi vient compliquer les problèmes en question, si bien que notre organisation devient non plus une organisation de membres, mais plutôt une personne, à l'exemple d'une société. Ce n'est plus là le vocabulaire d'une association qui est employé; ce qui a été fait par voie de règlement se trouve dans la loi elle-même. Une fois la loi adoptée, nous sommes pris avec cela.

Il s'agit d'un projet de loi d'intérêt privé qui porte sur un organisme du secteur privé. Il aurait fallu que ce soit présenté de façon unanime. Je suis d'accord avec vous : il n'appartient pas à un comité sénatorial de déterminer si, oui ou non, cela devrait être adopté. Cependant, la question est à ce point fondamentale à nos yeux que nous nous sommes sentis contraints de venir ici pour vous en parler.

Le sénateur Joyal : Si je comprends bien votre proposition, la façon dont vous interprétez la loi précédente — surtout la loi de 1969, la loi elle-même cadre bien avec la nature démocratique de l'association, mais les règlements internes adoptés sont venus modifier cette nature et le projet de loi vient confirmer cette modification. Est-ce bien, selon vous, la séquence des événements?

M. Claxton : Oui.

Le sénateur Joyal : Êtes-vous d'avis que, au départ, le texte de loi était ouvert du point de vue de la vie démocratique de l'association, c'est-à-dire qu'il y avait les membres qui élisaient le conseil d'administration qui, à son tour, élit le conseil exécutif, ce qui est dans l'ordre des choses, d'après la Loi sur les corporations canadiennes?

M. Claxton : Il y avait un système d'échelle en place. Chaque groupe envoyait un certain nombre de représentants à son district, puis les représentants de district élisaient des représentants eux-mêmes, qui se prononçaient à l'échelon suivant et ainsi de suite vers le haut.

Nous ne voulons pas revenir à ce système, car il comportait cinq niveaux, et la communication entre le haut et le bas n'était pas très bonne. Tout au moins, le système se fondait sur une proposition fondamentalement démocratique, soit que chacun des groupes et chacun des membres pouvait déterminer qui représente le district, puis on allait ainsi du district à la région, de la région à la province et de la province au pays. C'était une structure hiérarchique.

Maintenant, comme on peut le voir, il y a un grand point d'interrogation au milieu. J'imagine qu'il est possible de remédier à ce problème. Notre organisation dit qu'il y aura toujours les règlements et que nous pouvons adopter de nouveaux règlements, mais qu'en est-il en réalité?

En Ontario, lorsqu'on dépose des lettres patentes pour créer une entité, il faut déposer en même temps les règlements. Ce n'est pas de cette façon que la chose est envisagée dans le projet de loi en question.

Le sénateur Stratton : Mon vieux chef scout, Charlie Hooey, est à l'écoute : je vais donc faire très attention.

Pourquoi font-ils cela? C'est l'essence même de ce système.

M. Claxton : Ils croient que ce type moderne de structure, celle des grandes sociétés, avantagera le scoutisme. Nous ne sommes pas du même avis. Au contraire, nous croyons que, malheureusement, ils souhaitent adopter une structure centralisée de nature descendante, par souci d'efficacité. C'est comme cela que les choses fonctionnent. Le directeur général national, sur les conseils du commissaire, nomme le commissaire de conseil. Les commissaires de conseil nomment les commissaires de secteur. Les commissaires de secteur nomment les commissaires provinciaux ou commissaires de groupe.

Il n'y a plus de processus d'élection qui relèverait d'un comité, d'un groupe. Il n'y a plus d'élections de conseil. Il n'y a plus d'élections de district. Il n'y a plus de présidents. Plus personne n'est élu, nulle part, sauf l'élection supposée qui est l'œuvre de 100 membres votants.

Le sénateur Jaffer : Ce que vous venez d'affirmer me trouble beaucoup. D'abord, comme l'a dit le président, je ne crois pas qu'il appartient au comité sénatorial ici présent de s'immiscer dans les règlements internes de Scouts Canada. Vous avez décrit une démarche qui est déjà en place, malgré ce qui figure actuellement dans la charte des scouts, et qui, selon vous, est antidémocratique de par sa nature descendante.

S'il fallait modifier la charte et modifier les règlements eux-mêmes, d'abord, cela n'est pas possible pour nous. Ce serait un processus descendant. Nous ne pouvons nous immiscer dans les adhésions et les règlements. Nous appliquons une tradition très ancienne en ce qui concerne des organisations très vénérables qui ont une charte, et nous ne pouvons que modifier une charte. Nous ne pouvons regarder du côté des membres. Ce que vous nous demandez de faire me trouble.

M. Claxton : À mon avis, les sénateurs devraient se poser la question suivante : quelle autorité morale pousse ainsi les gens à agir? Si les honorables sénateurs proposent ce projet de loi sans disposer de l'autorité morale conférée par les membres, alors je vous dirais qu'il est pleinement justifié pour vous de dire que vous n'allez pas adopter ce projet de loi, mais seulement le laisser mourir au Feuilleton. Il arrivera au projet de loi ce qui lui est déjà arrivé deux fois : en fin de compte, au moment de la chute du gouvernement, dans un an ou deux, ce sera la fin de l'histoire. En même temps, les responsables peuvent rappliquer, peut-être avec un bon projet de loi.

Le sénateur Cowan : Si j'ai bien compris, vous avez décrit un système où les membres locaux élisent des représentants suivant une échelle qui comporte sept paliers, jusqu'à l'organe décisionnel donné, et cet organe adopte les règlements qui créent les deux catégories de membres, le groupe des 100, puis tout le reste.

M. Claxton : Oui.

Le sénateur Cowan : En oubliant l'aspect moral de la question, disons que le groupe en question possédait légitimement l'autorité voulue pour adopter les règlements.

M. Claxton : Au contraire, je crois que cela relève de la maxime juridique delegatus non potest delegare. Le délégué ne peut pas poser un acte qui est en dehors des pouvoirs qui lui sont délégués, et les gens à la base n'auraient jamais délégué le pouvoir de modifier les adhésions et d'éliminer leurs droits en tant que membres votants. Si vous voulez mon avis juridique personnel sur la question, c'est ultra vires.

Le sénateur Cowan : Quelqu'un a-t-il contesté cela?

M. Claxton : Non, et si j'avais 200 000 $, je serais heureux d'entamer l'action en justice, mais ce n'est pas le cas.

Le sénateur Cowan : Dans l'éventualité que le projet de loi soit adopté sous sa forme actuelle, vous vous souciez de ce qu'il sert à légitimer une structure qui, à votre avis, est contraire aux volontés des membres généraux du mouvement du scoutisme.

M. Claxton : Oui, je crois que nous devrions rien faire avant que les gens en arrivent à un véritable consensus ou qu'ils trouvent une façon quelconque de concevoir un projet de loi digne de ce nom.

Le sénateur Di Nino : Je veux souhaiter la bienvenue aux deux hommes. Je crois vraiment qu'ils agissent pour les bonnes raisons et que, comme cela a été dit, il n'appartient pas à notre comité d'étudier cette question.

Dans la lettre que vous avez transmise à bon nombre de gens par courriel, vous donnez à entendre que nous essayons d'adopter ce projet de manière accélérée, n'est-ce pas?

M. Claxton : Oui, tout à fait.

Le sénateur Di Nino : Vous dites que, de mai 2003 à novembre-décembre 2006, c'est un mode accéléré?

M. Claxton : Non, je dis que de mercredi dernier à aujourd'hui, c'est en mode accéléré. Le greffier du Sénat m'a téléphoné pour me dire que la réunion du comité aurait lieu aujourd'hui.

Le sénateur Di Nino : Cela vaut pour tous les autres participants. Nous parlons de cette question depuis plusieurs années. Nous communiquons avec vous depuis plusieurs années; vous ne pouvez donc parler de mode accéléré.

Les modifications des règlements dont vous parlez ... avec lesquelles vous n'êtes pas d'accord — et j'applaudis à votre désaccord ... c'est votre droit et ce devrait même être votre devoir.

J'applaudis, mais n'est-il pas vrai qu'il y a eu d'importantes consultations et discussions nationales? Je crois qu'il s'est certainement écoulé bien plus d'un an avant la tenue de l'assemblée générale annuelle, qui a eu lieu il y a un an à peu près. En même temps, à ce moment-là, les règlements et quelque 50 autres modifications ont été adoptés. C'est bien cela?

M. Claxton : Je ne dirais pas que vous avez dit vrai, monsieur le sénateur. Votre affirmation n'est pas juste. J'ai une objection d'importance. J'ai essayé d'obtenir copie du règlement no 2, mais les responsables ne voulaient pas me l'envoyer. L'animateur Liam Morland l'a obtenu et a parlé à quelqu'un, mais on était étonné de l'avoir en main, parce que c'est un document interne relevant de la haute direction, qui n'est pas mis à la disposition des membres.

Le sénateur Di Nino : Convenez-vous du fait qu'il y a eu d'importantes consultations nationales?

M. Claxton : Je ne sais pas. Je ne peux le savoir, car cela s'est déroulé au moment d'une réunion dans les hautes sphères, et je sais qu'il y a eu d'importantes objections et que l'adoption du règlement a été reportée pendant plus de six mois en raison des diverses objections formulées. Si vous voulez mon avis à moi, certains compromis ont été faits, et les gens qui ont accepté l'arrangement croyaient que le règlement comporterait quelques éléments démocratiques, mais aux fruits que cela a donnés on reconnaît bien l'arbre.

Le président : Messieurs Claxton et Reid, je tiens à vous remercier d'être venus.

Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à M. Robert Stewart et à M. Robert Laughton, à M. Glen Armstrong, commissaire en chef et président du conseil. Monsieur Laughton, je présume que vous aviez eu l'occasion de lire les témoignages donnés durant notre dernière audience sur ce projet de loi.

Vous vous rappellerez qu'il a été question de vous convoquer ici pour que vous présentiez quelques observations sur le projet de loi, notamment pour les préoccupations que celui-ci peut susciter. Cela dit, vous avez la parole.

Robert Laughton, conseiller juridique, Scouts Canada : J'aimerais vous donner quelques renseignements biographiques sur moi. Je m'appelle Robert Laughton, c.r. J'ai pris ma retraite en décembre 2004, après avoir pratiqué le droit pendant 42 ans au sein du cabinet Gowling. J'y exerce actuellement les fonctions de conseiller. J'ai de l'expérience concernant les sociétés sans but lucratif, notamment pour les avoir conseillées, et, entre autres, j'ai siégé au conseil d'administration de l'hôpital Royal d'Ottawa, au conseil d'administration de l'Université Carleton et j'ai exercé nombre de fonctions au YMCA/YWCA d'Ottawa.

Je connais bien le droit des sociétés, ayant servi de conseiller principal et négociateur en chef de NAV CANADA au moment de l'acquisition du système canadien de navigation aérienne civile. Pendant 20 ans, j'ai servi de conseiller honoraire de Scouts Canada et j'ai coordonné la prestation sans frais de services juridiques du cabinet Gowling à Scouts Canada.

Ayant lu la transcription, je vous demanderais, à vous et peut-être aux sénateurs, et je suis convaincu que cela sera utile, de me permettre de prendre quelques instants de recul pour m'attarder à la préparation du projet de loi et du contexte où il a été élaboré. Cela aidera les sénateurs à mesurer les réponses que j'ai l'intention d'apporter au débat. L'exercice facilitera nos discussions subséquentes, et pour ce qui est des questions des sénateurs, et, dans la mesure où cela convient au Sénat, pour ce qui est des réponses que je donnerai à certaines des questions soulevées aujourd'hui par M. Claxton.

Le président : Veuillez procéder de cette façon.

M. Laughton : Merci beaucoup. En 1995, nous avons commencé à travailler aux modifications considérées comme nécessaires de la loi existante. C'était la loi de 1914, telle que modifiée en 1917, en 1959, en 1961 et en 1969. Quoi qu'il en soit des modifications en question, en 1995, la loi établie était et demeure aujourd'hui horriblement désuète en rapport avec trois grandes questions seulement.

L'avant-projet de loi que vous avez devant les yeux reflète les modifications proposées en rapport avec les trois grandes questions dont il s'agit, que j'aborderai dans un instant. De même, il regroupe les diverses modifications établies. Comme je l'ai dit, il s'agit de quatre modifications, chacune figurant dans une loi distincte. Elles ont été adoptées sur une longue période et, maintenant, nous proposons d'autres modifications.

En me préparant, j'ai pu compter sur le Bureau du légiste et conseil parlementaire, M. Raymond du Plessis, c.r., qui a su m'aider avec une compétence particulière tout au long du processus.

Le légiste convenait du fait que tout le matériel en question devait être regroupé en une seule et même loi. L'ensemble, de par sa forme, était considéré comme trop lourd; si nous pouvions réunir les morceaux, ce serait beaucoup plus commode pour quiconque y aura accès à l'avenir. Voilà qui justifiait le regroupement. En prévision de nos discussions, je crois qu'il est capital de reconnaître que ce sont seulement ces trois modifications simples qui sont proposées.

En 1996, à l'époque où j'ai écrit au légiste pour présenter les modifications que nous proposions, j'ai exposé ce qui nous paraissait être trois modifications assez simples. Nous y travaillons depuis. Comme le sénateur Di Nino l'a mentionné, à diverses étapes, nous avons eu espoir de le proposer à un comité du Sénat, mais cela a été retardé jusqu'à aujourd'hui pour diverses raisons.

Pour le formuler de façon générale, les trois questions dont il s'agit, comme vous l'avez entendu aujourd'hui, sont, d'abord, de modifier la raison sociale des Boy Scouts du Canada pour que cela devienne Scouts Canada, ce qui est plus simple et qui correspond à l'usage général depuis plus de 10 ans; c'est le même nom qui sera utilisé en français et en anglais.

Ensuite, il s'agirait de modifier le but et les pouvoirs de Scouts Canada de manière à refléter le fait que l'association ne s'occupe plus que des garçons du Canada; l'association est au service des jeunes, y compris les filles, par la voie de divers programmes.

Enfin, il s'agit de supprimer le passage où il est dit que Scouts Canada est une succursale de la Scouts Association of England. C'était le cas en 1914, mais cela fait un bon moment que le Canada est devenu un pays, où s'est établi un mouvement indépendant des scouts.

Scouts Canada ne cherche à faire adopter que trois grandes modifications dans cet avant-projet de loi. Les modifications techniques et accessoires par ailleurs proposées visent à moderniser la loi. Si vous le permettez, je traiterai plus tard des observations formulées par d'autres personnes concernant la nature des modifications. Notre position le fait voir, et je crois que le compte rendu en témoigne, les trois modifications simples en question font l'objet d'une discussion.

À le voir, on constate que le projet de loi est un peu plus long — pourquoi mettre ceci ici et cela là? C'est parce que nous avons regroupé toutes les autres modifications. À la lecture du texte, vous verrez qu'il s'y trouve plusieurs dispositions qui n'ont rien à voir avec la modification du nom. Vous avez bien raison. Elles y figurent seulement parce que le législateur les a regroupées par souci de commodité.

À mon avis, il importe également de faire remarquer que l'avant-projet de loi ne vise pas à traiter sous tous leurs aspects de l'administration et de la gestion de Scouts Canada. Les précisions à cet égard doivent se trouver dans les règlements administratifs de Scouts Canada, à distinguer du projet de loi, et ce qui est conforme aux bonnes pratiques des sociétés.

L'avant-projet de loi prend la forme d'un court document qui témoigne de la création en droit de l'entité baptisée Scouts Canada et en fixe l'objet et les pouvoirs. L'article 7 de l'avant-projet de loi, qui figure à la page 3, habilite l'organisation à adopter des règlements aux fins de l'administration et de la gestion de ses affaires. Je signalerai au sénateur que la disposition en question figure dans la loi relative à Scouts Canada depuis les tout débuts, soit en 1914.

La gestion et l'administration des affaires devaient être prévues par un règlement. Comme je le ferai valoir plus tard, cela est conforme aux bonnes pratiques en la matière. D'après cet usage, Scouts Canada a adopté un règlement de 19 pages, le règlement no 2, auquel il a été fait allusion ce matin. Le document en question dresse une liste complète des questions administratives qui intéresse l'association, notamment l'exercice financier, le siège social, le sceau de la société, les membres, les politiques, la réunion des membres, les dirigeants, le conseil des gouverneurs, les conseils, les comités et les groupes de travail en matière de fiscalité, l'indemnité et l'assurance, l'exécution des contrats, les modifications et ainsi de suite. Il est conçu pour cadrer avec l'orientation et les politiques d'Industrie Canada concernant les sociétés sans but lucratif; la dernière politique en la matière est datée du 29 juin 2004. Le règlement y est adapté.

J'ai en main des exemplaires supplémentaires du règlement en question, que vous allez peut-être vouloir distribuer. En répondant aux questions des sénateurs, je voudrai peut-être souligner des articles pour montrer la manière dont les choses sont prévues. Dans la mesure où un membre souhaite s'y reporter, nous avons les exemplaires ici. C'est le règlement no 2, le règlement qui régit actuellement les affaires de Scouts Canada du point de vue la gestion et de l'administration.

Avec le respect que je vous dois, je vous dirais que ce n'est pas le règlement no 2 qui est soumis à l'étude du comité; c'est plutôt l'avant-projet de loi. Je fais la distinction entre l'avant-projet de loi et le mode d'administration et de fonctionnement prévus par règlement conformément aux bonnes pratiques en la matière. J'essaierai de répondre aux questions du sénateur à propos de l'administration et des références au règlement en question, mais c'est là la principale distinction.

Je crois que plusieurs des objections soulevées auprès des sénateurs touchent principalement le règlement, soit la gestion et l'administration des affaires, et non pas la constitution de l'organisation en personne morale dont il est question dans le projet de loi que vous avez devant les yeux cet après-midi.

Scouts Canada a adopté le règlement no 2 en bonne et due forme à la suite d'une longue consultation menée partout au Canada. M. Claxton et d'autres personnes ont tout à fait le droit d'être en désaccord avec certaines des dispositions qui s'y trouvent, mais le fait demeure que c'est un règlement qui s'applique pleinement et légitimement. S'il y aura toujours des discussions à Scouts Canada, comme dans n'importe quelle autre organisation, au sujet des règlements internes, notamment du point de vue de la gestion et de l'administration, je ne crois pas que nous sommes aujourd'hui à la tribune qu'il conviendrait d'employer pour poursuivre les discussions à ce sujet; d'autres possibilités s'offrent à ceux qui souhaitent faire valoir leurs objections.

Comme dans toute organisation qui se veut en bonne santé et dynamique, il y aura des désaccords et des points de vue divergents sur la façon d'aborder les choses. Le point de vue de SCOUT eh! est bien connu et entendu à Scouts Canada. Comme les représentants l'ont mentionné aujourd'hui, il y a 700 membres. Je dirais simplement, soit dit en passant, que Scouts Canada compte 20 000 membres d'âge adulte et je crois qu'il importe de préserver l'équilibre entre la volonté des 20 000, moins 700, au moment d'adopter des règlements administratifs, pour tenir compte du point de vue de ceux qui ne sont pas d'accord. C'est une organisation tout à fait vivante; les discussions se poursuivent, et il y a depuis plusieurs années déjà des échanges de point de vue.

J'ai pris part à cette consultation pancanadienne à laquelle il a été fait allusion dans l'une des questions, le règlement a été déposé au départ en vue d'être adopté, plusieurs questions ont été soulevées. Scouts Canada a pris un moment de réflexion et mis sur pied un comité qui a tenu des réunions partout au Canada, et auquel j'ai prodigué des conseils durant cette période. Des modifications de fond ont été apportées, et le règlement modifié a été soumis aux membres et dûment adopté. Le règlement no 2, que vous avez devant les yeux, représente le règlement adopté par Scouts Canada dans le cadre de cette démarche, pour régir la gestion et le fonctionnement des affaires.

Je crois avoir abordé toutes les questions soulevées à la dernière réunion. Je sais que les sénateurs n'hésiteront pas à bondir sur mois si j'en ai raté une.

L'effet de l'avant-projet de loi sur les Guides préoccupait le sénateur Ringuette. L'avant-projet de loi n'a pas d'incidence sur les droits de l'organisation en question, qui demeure distincte.

Le sénateur, en parlant de préoccupations soulevées plus tôt par le sénateur Banks, a soulevé des questions concernant la gouvernance de Scouts Canada. Le sénateur Banks a parlé par exemple des dispositions du projet de loi touchant les hypothèques, l'achat et la vente de terrains et ainsi de suite, et il a demandé pourquoi il était nécessaire d'inclure ces dispositions dans un projet de loi qui vise simplement à modifier une raison sociale.

Ce ne sont pas des modifications nouvelles; ce sont plutôt des dispositions existantes qui sont reprises. Nous regroupons ces modifications avec d'autres. Elles figuraient dans les versions antérieures de la loi et, par conséquent, pour répondre à la question de savoir pourquoi il est nécessaire de les inclure, Scouts Canada a été constitué en personne morale en 1914, et était fier et honoré du fait qu'une loi d'intérêt privé lui serve d'acte constitutif. Pour apporter des modifications à une loi d'intérêt privé, nous devons nous adresser au Parlement du Canada.

Ce sont des dispositions qui sont reprises. Il faut les y inclure, car, tant et aussi longtemps que nous sommes constitués en société par la voie d'une loi d'intérêt privé, nous pouvons uniquement apporter des modifications en modifiant la loi existante. Ce que nous faisons en regroupant les diverses lois.

Le sénateur Joyal a soulevé plusieurs questions et observations. J'ai cru qu'il pourrait être utile de distribuer des exemplaires du règlement. Le sénateur Joyal s'est demandé pourquoi notre avant-projet de loi ne mentionnait nullement le fait que la partie III de la Loi sur les corporations canadiennes s'applique à Scouts Canada. La réponse à cette question se trouve à l'article 158 de ladite loi. Il y est dit que, de manière générale, une entité constituée en personne morale au moyen d'une loi d'intérêt privé est assujettie à la partie III. Si vous vous êtes constitué au moyen d'une loi d'intérêt privé, vous y êtes assujetti. Je crois que les rédacteurs législatifs, le légiste et d'autres personnes en ont tenu compte en regroupant les dispositions. Comme c'est déjà prévu à l'article 58, il n'est pas nécessaire d'y faire mention dans l'avant-projet de loi.

L'article 12 du projet de loi précise que l'article 102 de la Loi sur les corporations canadiennes ne s'applique pas à Scouts Canada. Je viens juste de dire qu'il s'y applique, et c'est pourquoi nous n'avons pas eu à inclure cela. Maintenant, nous ôtons cela. Qu'en est-il au juste?

L'article 102 de la Loi sur les corporations canadiennes traite des assemblées annuelles. Comme l'article 5 du projet de loi traite des assemblées générales annuelles de Scouts Canada, le législateur a jugée superflue la mention de l'article 102.

Le sénateur Joyal a fait remarquer que Scouts Canada devrait déposer ses états financiers tous les ans à l'occasion de son assemblée générale conformément aux bonnes pratiques des sociétés. Il a aussi mentionné avec raison que cela n'était pas prévu dans le projet de loi. Cependant, je fais une distinction entre le projet de loi et les règlements administratifs de l'association. La chose est expressément prévue dans le règlement no 2 de Scouts Canada, en rapport avec l'administration et la gestion de ses affaires.

Je sais que vous n'aviez pas ce règlement devant les yeux à votre dernière réunion. Je vous demanderais de vous reporter à l'article III au bas de la page 3 du document, qui a pour titre « Assemblées des membres ». À l'alinéa b. on peut lire le titre de rubrique suivant : « Affaires traitées aux assemblées générales annuelles ». Le sous-alinéa (2) fait voir une des affaires à traiter aux assemblées générales annuelles : « la réception et l'examen des états financiers et du rapport du vérificateur pour l'année qui précède ». La question soulevée par le sénateur Joyal est envisagée et réglée de cette façon dans le règlement interne de l'association.

Le sénateur Joyal a fait remarquer aussi qu'une motion portant sur la nomination des vérificateurs est essentielle à l'assemblée générale de toute entreprise. Je vous demanderais de vous reporter à la page 4, là où le sous-alinéa (6) fait voir une des affaires traitées à l'assemblée générale annuelle : « la nomination d'un vérificateur ».

Le sénateur Joyal a aussi traité de certaines des dispositions qui se trouvent dans la version française de l'avant- projet de loi. Je dois admettre que mon français est déficient. À cet égard, je me suis fié au légiste parlementaire. Je crois savoir que vous avez demandé à la Bibliothèque du Parlement de fournir au comité les précisions et les conseils voulus sur ces questions.

Le président : Oui, cela a été fait.

M. Laughton : L'exercice qu'a constitué l'établissement de ce règlement administratif fait ressortir un point très important, et si je tiens à faire la distinction entre une loi et un règlement administratif, c'est que le sénateur Joyal a fait remarquer que la question de l'adhésion à Scouts Canada doit être mieux articulée, car il a noté, dans l'avant-projet de loi, le fait que les membres devaient se charger des nominations et ainsi de suite. En toute logique, il a demandé où le cas des membres était prévu.

Cette question importante est prévue à l'article II, à la page 2. Le titre est « Membres ». Le lecteur y trouve les catégories d'adhésions. Il y est question des membres ordinaires, des dirigeants et membres honoraires, des membres votants, des démissions éventuelles, des révocations et ainsi de suite. Le passage en question se poursuit sur la page 3 et donne toutes les précisions nécessaires sur la nature de l'adhésion à Scouts Canada.

Cela est conforme à l'article 6 de l'avant-projet de loi, selon lequel les membres de Scouts Canada laissent à Scouts Canada le soin de définir la nature de l'adhésion des membres à l'association, s'il y a lieu.

En rapport avec la même question, il y a une autre question importante, soit celle de l'orientation de l'association. Cela est tout à fait conforme à la politique d'Industrie Canada dont j'ai fait mention plus tôt. Il s'agit du sommaire de la politique relative aux sociétés à but non lucratif, daté du 29 juin 2004, publié par Industrie Canada. Sous la rubrique « Les statuts », la politique globale produite par le gouvernement prévoit que les statuts doivent préciser les conditions d'adhésion. Il doit s'agir notamment d'établir qui peut être membre de la société en question. N'oubliez pas que je fais la distinction entre « projet de loi » et « règlements administratifs ». La consigne qui nous est donnée, c'est que cela doit figurer dans les règlements de l'association, et c'est là que la précision se trouve, dans le règlement no 2.

Dans la description des conditions d'adhésion, il faut notamment préciser qui peut devenir membre et de quelle façon le statut de membre est accordé. S'il y a plus d'une catégorie de membres, le règlement doit préciser — encore une fois, c'est impératif — les droits et conditions qui y sont rattachés, y compris les droits de vote rattachés à chacune des catégories.

Deuxièmement, le nombre de catégories de membre n'est nullement limité, dans la mesure où les conditions et droits rattachés à chacune d'entre elle sont énoncés et qu'il existe une catégorie dont les membres ont le droit de vote à l'occasion des assemblées des membres.

Troisièmement, les droits de vote peuvent varier d'une catégorie de membres à l'autre dans la mesure où les statuts le précisent. En effet, Industrie Canada s'est prononcée sur la question : Voici nos consignes à l'intention des sociétés sans but lucratif, dans le cas des règlements à adopter. Vous devez inclure une disposition concernant les membres. Voici les points qu'il faut y inclure et voici les points facultatifs. J'ose croire que les sénateurs ou les légistes parlementaires constateront que les dispositions du règlement no 2 concernant les membres sont parfaitement conformes aux orientations émises par Industrie Canada dans sa politique à l'intention des sociétés sans but lucratif.

Le président : Quel est votre avis?

M. Laughton : Je suis du même avis, ayant préparé moi-même le règlement en question. Je n'ai jamais réussi à remporter un débat contre moi-même.

Je crois bien qu'un examen de l'article 2 du règlement no 2, accompagné de cet autre document, permettra au sénateur d'obtenir la précision qu'il souhaitait obtenir concernant l'adhésion à l'association à la réunion en question.

Le sénateur Joyal a également insisté sur la nécessité d'énoncer clairement les responsabilités d'une organisation comme Scouts Canada. Je crois que c'est lié aussi à l'une des préoccupations soulevées par M. Claxton. M. Claxton nous a parlé plus tôt de l'article 2 de l'avant-projet de loi, qui prévoit ce qui suit :

L'association a pour objet de promouvoir la mission du scoutisme auprès des jeunes.

Voilà donc, en premier lieu, un court énoncé de l'objet, soit « promouvoir la mission du scoutisme auprès des jeunes ». S'il y est question des « jeunes », c'est que, comme je l'ai mentionné plus tôt, une des trois modifications simples que nous voulons apporter concerne le fait que nous ne sommes plus uniquement au service des garçons du Canada; nous sommes au service des jeunes. Le légiste et moi, nous croyions que la mention de jeune devait se retrouver dans le texte.

Le président : M. Claxton semble être d'accord avec cela.

M. Laughton : Oui, mais il a été question aussi d'un point qui le préoccupait en rapport avec l'article en question, et j'y reviendrai plus tard.

Durant l'exercice, le légiste et moi avons discuté de façon approfondie de l'article en question. J'avais dit que nous pourrions étoffer le passage, de manière à préciser la mission du scoutisme, à en faire une disposition beaucoup plus longue. M. Duplessis a réécrit et m'a remercié de la suggestion ainsi faite, tout en exprimant respectueusement son désaccord. En effet, il a écrit et affirmé que, selon lui, l'objet énonçait bien ce que représente Scouts Canada. L'énoncé de mission de l'organisation peut changer de temps à autre, à l'intérieur du champ d'action délimité par l'objet, qui consiste à être au service des jeunes et qui recoupe la façon de s'y prendre — c'est-à-dire votre mission et tout le reste. Songez aux énoncés de mission qui existent dans le monde des grandes sociétés : les gens passent ou perdent un temps incroyable à concevoir ces énoncés, puis ils ne les lisent jamais.

Le sénateur Cowan : Ils facturent cela.

M. Laughton : Oui, et nous en sommes les bénéficiaires.

Voici une partie de ce qu'il a écrit : [Traduction] « À mon avis, il faut faire une distinction entre l'objet d'une société en tant qu'entité juridique et son énoncé de mission en tant qu'organisation. Sous sa forme actuelle, l'article 2 de l'avant-projet de loi décrit l'objet de l'association en termes généraux. L'énoncé de mission, quant à lui, décrit en termes plus précis la façon dont les membres de la société entendent s'y prendre pour réaliser l'objet. L'énoncé de mission est de par sa nature une déclaration administrative interne, qui peut être modifiée ou reformulée au fil du temps sans que cela ait quelque incidence que ce soit sur la raison d'être de la société, prise globalement. Une modification de l'objet ou de la raison d'être de la société exigerait une modification de la loi, mais l'énoncé de mission, étant de nature opérationnelle, peut être mis à jour ou modifié à tout instant. À moins que l'objet global de la société ne soit pas énoncé à l'article 2 du projet de loi, je recommanderais de laisser tel quel le libellé de l'article en question. »

En ce moment, les scouts ont un énoncé de mission qu'ils se sont donné — je ne prendrai pas le temps de le lire — et aussi une loi des scouts, et il n'est pas nécessaire d'en dire plus à ce sujet.

Comme vous n'aviez pas en main le règlement no 2 à votre dernière réunion, le sénateur Joyal a exprimé des réserves sur la façon de fonctionner de l'association. J'espère que les observations que j'ai formulées plus tôt et la distinction que j'ai faite entre le projet de loi et le règlement administratif, ainsi qu'un examen à tête reposée du règlement en question, donnera la réponse voulue. Autrement dit, tel qu'envisagé par le projet de loi et le règlement administratif, le règlement administratif énonce clairement le mode de fonctionnement de la société.

Le sénateur Joyal avait posé une autre question. Il avait fait remarquer que l'alinéa 13e) de l'avant-projet de loi, qui se trouve à la page 5 — il en a été question plus tôt, ce matin — signale que l'ensemble des lois mentionnées aux alinéas a), b), c) et d) sont abrogées. Seul demeure l'article 1 d'une loi qui correspond au chapitre 68 des Lois du Canada. Avec le respect que je vous dois, monsieur le sénateur, je dirais que l'article 1 n'est pas préservé. Il est abrogé lui aussi. Il n'est préservé qu'en apparence, parce que la mention est faite plus bas, mais il y a ce « and », en anglais, qui y conduit pour ainsi dire, de sorte que, à première vue, il semblerait que ce ne soit pas inclus, mais si vous lisez le passage comme il faut, vous voyez que toutes les lois en question sont supprimées.

Elles sont abrogées parce que les dispositions de toutes ces lois, comme je l'ai mentionné plus tôt, sont regroupées. Elles figurent toutes désormais dans l'actuel texte de loi. Une fois approuvées, une fois les dispositions regroupées, il ne peut y avoir une loi qui existe de façon autonome, sinon il y a un problème.

Quant à l'article 1 du chapitre 68, il est abrogé, car il prévoit que le nom français des Boy Scouts of Canada est « Les boy Scouts du Canada ». Comme l'avant-projet de loi que vous avez devant les yeux indique que le nom Scouts Canada vaut en français et en anglais, nous n'avons plus cette situation où Boy Scouts du Canada emploie à la fois Scouts Canada, en français et anglais, et les Boys Scouts du Canada. C'est pour cette raison simple que cela a été supprimé.

À moins que les sénateurs aient des questions à poser, voilà qui met un terme à mes observations sur les points que vous avez soulevés au cours de la dernière réunion; je serai heureux de répondre à toute question posée sous ce rapport.

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, il est 14 h 27, et certains témoins sont arrivés en prévision de la prochaine réunion. Avec votre permission, je proposerais que nous prolongions la séance pendant 15 minutes encore, pour que les sénateurs dont le nom figure sur la liste puissent poser leurs questions. Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

[Français]

Le sénateur Nolin : Monsieur Laughton, il m'apparaît évident que le projet de loi que nous avons devant nous tente de respecter la réalité canadienne. Vous avez mentionné, dans vos remarques, que vous tentiez, sans manquer de respect aux origines historiques du mouvement scout en Angleterre, d'affranchir le mouvement scout canadien de cette réalité historique.

Ceci étant dit, j'ai une première question. Le règlement général du mouvement que j'ai reçu est uniquement en anglais. Avez-vous une version française de ce règlement?

[Traduction]

M. Laughton : La réponse à votre première question est « oui », et la réponse à la deuxième question est « oui ».

[Français]

Le sénateur Nolin : Est-ce que vous avez une copie de la version française avec vous?

[Traduction]

M. Laughton : Non, je n'en ai pas. Nous pouvons vous en fournir une tout de suite après la réunion.

[Français]

Auriez-vous un problème à ce que nous ajoutions dans le préambule de votre projet de loi une référence au bilinguisme canadien? Parce qu'il transpire de vos propos que vous tentez d'affranchir le mouvement scout canadien du mouvement scout britannique, sans y manquer de respect — et c'est tout à votre honneur. Cependant, je pense que le mouvement scout canadien doit respecter la réalité canadienne et les valeurs canadiennes, et le bilinguisme en est une. Auriez-vous objection à ce qu'on introduise ce genre d'amendement ou à ce qu'on y réfléchisse à tout le moins?

[Traduction]

M. Laughton : L'ajout de cette référence ne pose aucun problème pour moi, si l'on considère que cela est souhaitable.

Dans l'ensemble, il va sans dire que je n'ai aucune objection. Au Québec, nous avons l'Association des Scouts, que nous appelons « les scouts », et cette association a sa propre loi et ainsi de suite. L'association vise surtout les scouts francophones et membres de l'Église catholique romaine. Il ne s'agit que d'une observation détachée de ma part, et pour autant que ce qui est dit au début ne laisse pas entendre de quelque façon que ce soit que nous participons à l'Association des scouts ou que nous prenons part à un mouvement francophone; je sais que cette question est très délicate pour eux. C'est la seule raison pour laquelle j'en parle.

[Français]

Le sénateur Nolin : Ne serait-il pas plus approprié qu'il n'y ait qu'un seul mouvement scout au Canada, respectueux des deux réalités culturelles canadiennes? Un mouvement où on n'entretienne pas une dualité qui ne ferait que maintenir l'isolement des deux réalités culturelles canadiennes et qu'au contraire, on tente de favoriser le regroupement des scouts au Canada? Je comprends votre réticence à ne pas vouloir froisser vos concitoyens de langue française qui ont souvent, malheureusement, l'épiderme très mince sur ce sujet et qui s'insurgent face à tout mouvement de rapprochement. Cependant, ne seriez-vous pas disponible pour poser les bases du respect de ces deux réalités culturelles canadiennes?

[Traduction]

M. Laughton : En réponse à votre question, je dirais que le mouvement scout a été dans le passé un mouvement unique, puis, en 1969, l'adoption d'une loi d'intérêt privé a fondé officiellement les scouts du Québec. On a eu l'impression d'avoir affaire à une entité distincte au Québec — composée de francophones et de fidèles de l'Église catholique romaine —, impression suffisamment forte pour motiver l'adoption d'une loi privée accordant au mouvement québécois une existence à part entière.

Scouts Canada et les scouts se réunissent de deux à trois fois par année dans un cadre informel. Ils ont conclu une entente, sous l'égide du gouverneur général du Canada, dans le cadre de laquelle ils ont exprimé leur intérêt commun à servir les jeunes du pays et ils ont rédigé différentes dispositions prévoyant la manière de le faire. Ils ont évidemment consacré du temps à créer deux associations indépendantes et à rédiger cette entente entre les deux organisations, puis à l'appliquer dans le cadre de leurs réunions régulières, que les gens qui connaissent mieux les activités des scouts sur le terrain que moi voient comme une chose souhaitable pour les deux organisations.

[Français]

Le sénateur Nolin : Je présume que nous retrouvons des scouts de langue française dans le mouvement à travers le Canada et pas seulement au Québec. Alors ne serait-ce pas une façon de respecter cette réalité que d'inscrire dans votre loi constitutive la reconnaissance de cette valeur fondamentale du Canada, c'est-à-dire le respect de deux cultures linguistiques différentes? Je présume que la réponse est oui.

En ce qui me concerne, je suis Québécois et de religion catholique. Cela dit, l'identification d'un mouvement relativement aux croyances religieuses n'a plus cours. Je comprends votre réticence à vouloir respecter cette différence entre les scouts d'autres provinces et ceux du Québec, mais les Québécois ne sont pas uniquement catholiques ou francophones. Il serait approprié de votre part de vouloir embrasser dans votre mouvement les réalités linguistiques canadiennes sans pour autant faire de différences religieuses.

[Traduction]

M. Laughton : Vous comprendrez que je suis ici pour répondre à des questions d'ordre juridique, et que les questions que vous me posez portent sur la structure détaillée de ces deux associations indépendantes.

Le président : Ses questions ont trait, en réalité, au préambule de la loi. Sénateur Nolin, savez-vous de quoi parle le préambule? C'est dans le préambule que la référence à la foi catholique romaine et l'histoire des Scouts du Québec est réellement définie.

Il vous pose des questions au sujet du préambule, qui fait bel et bien partie de la loi.

Le sénateur Nolin : Si vous vous rappelez bien, monsieur le président, il y a quelques années, nous avons adopté un amendement à l'article 93 de la Constitution en rapport avec les écoles du Québec; le fait qu'elles appartenaient auparavant à une catégorie confessionnelle et qu'elles appartiennent maintenant à une catégorie linguistique. Je crois que nous avons tourné la page, et qu'un mouvement comme Scouts Canada peut aussi offrir une occasion de tourner la page.

M. Laughton : Sénateur, comme je l'ai déjà dit, je suis ici pour jouer le rôle de conseiller juridique. Il s'agit de deux organisations indépendantes.

Le sénateur Nolin : Sur le plan juridique, vous n'avez pas de problème.

M. Laughton : Sur le plan juridique, nous pouvons tout faire, mais je ne crois pas que, dans le cadre de la loi en question, sans ajout important, nous puissions dire que les deux organisations n'en sont plus qu'une seule. Il s'agit d'organisations indépendantes. En ce qui concerne le bilinguisme, il n'y a certainement aucun problème.

Le sénateur Nolin : Mes questions ont trait au préambule de la loi et à votre ouverture à la réalité canadienne. C'est la nature de ma question.

M. Laughton : Nous serions heureux d'examiner le texte, et de présumer qu'il n'y a pas de problème.

Le sénateur Ringuette : Je vous lis le premier « considérant que » de la deuxième page du projet de loi :

Que l'Association des Scouts du Canada, ayant son siège social à Montréal, province de Québec, a été constituée en personne morale par ce même chapitre afin de répondre aux besoins particuliers des jeunes Catholiques romains francophones [...]

Je suis d'accord avec le sénateur Nolin là-dessus. Quelles sont les particularités du mouvement scout, en particulier dans les provinces du Québec, du Manitoba et du Nouveau-Brunswick?

M. Laughton : Je ne peux rien vous dire là-dessus. Je ne parle pas au nom des scouts. Je ne connais pas le contexte. Ce que vous avez lu figure au chapitre 68 du texte qui a fondé l'Association des scouts. Il s'agit d'un extrait de cette autre loi. Cependant, je ne suis pas qualifié pour vous expliquer ce que cela signifie ou pourquoi cet extrait figure dans le projet de loi.

Le sénateur Ringuette : Ce que vous me dites, c'est que, en pratique, dans un contexte organisationnel, les anglophones du Nouveau-Brunswick et du Manitoba s'adresseraient à votre organisation, et les francophones du Nouveau-Brunswick et du Manitoba s'adresseraient à l'Association des Scouts du Canada?

Rob Stewart, commissaire général et directeur général, Scouts Canada : Nous avons des programmes bilingues, et les jeunes de ces provinces ont le choix. Nous avons des programmes francophones au Québec.

Le sénateur Ringuette : Sont-ils bilingues aussi?

M. Stewart : Oui, comme au Nouveau-Brunswick. Je crois que nous avons un groupe de scouts francophones au Manitoba, mais nous pouvons offrir des programmes bilingues dans ces provinces.

Le sénateur Jaffer : On a soutenu que le projet de loi allait enchâsser un élément que désapprouveraient bon nombre de gens au sein du mouvement. Croyez-vous que le projet de loi nuira à la capacité des membres de modifier le règlement?

M. Laughton : Non.

Le sénateur Baker : Le contenu de votre témoignage est pratiquement le même que celui du sommaire du projet de loi, selon lequel le projet de loi regroupe, met à jour et apporte d'autres changements techniques ou accessoires touchant l'administration de ses affaires.

Monsieur Laughton, les témoins précédents ont dit que le processus administratif auquel nous donnons force de loi est manifestement déraisonnable, que le processus décisionnel est injuste et imparfait, et en outre que, dans toute consolidation, l'un des facteurs qu'on devrait envisager, ce qui n'a pas été fait, est ce qu'ils appellent la « démocratisation de l'administration ».

Nous avons écouté deux exposés complètement différents sur deux sujets n'ayant aucun lien entre eux. Avez-vous des commentaires à faire sur l'exposé précédent, en ce qui a trait aux droits des témoins précédents de remettre la loi en question?

M. Laughton : Je ne remettrais jamais en question le droit dont jouit tout un chacun de poser des questions et de discuter. J'ai écouté les commentaires avec beaucoup d'intérêt, surtout ceux de M. Claxton, et je suis sûr que vous avez tous fait la même chose.

Vous avez utilisé une tournure laissant entendre que nous intégrons au projet de loi, ou que le projet de loi reflète, d'une certaine manière, un processus qui engendrera des préoccupations, un déficit démocratique et ainsi de suite. Comme je l'ai déjà mentionné, le projet de loi ne touche pas la gestion et les activités de Scouts Canada. Le projet de loi adopté en 1914 disait la même chose que le projet de loi dont nous nous occupons aujourd'hui, c'est-à-dire que les scouts peuvent adopter des règlements concernant la gestion et le déroulement des affaires pour l'organisation. Il en est ainsi depuis 1914. En vertu de cela, on a adopté un règlement, qu'on a promulgué en bonne et due forme après de longues discussions. Le règlement a trait au processus de gestion et d'opération.

Avec tout le respect que nous devons à SCOUT eh!, que nous encourageons à s'exprimer, parce qu'il est toujours souhaitable d'avoir une opposition pour des questions du genre, la majorité des 20 000 animateurs scouts d'âge adulte du Canada organisent leurs activités dans le cadre du règlement en question, sans dissension ni préoccupation. D'autres personnes sont préoccupées, et nous les invitons à en discuter, mais le projet de loi ne leur impose rien ni ne leur enlève quoi que ce soit.

On a promulgué le règlement de l'association en 2003. Au bout d'un long processus, c'est ce que Scouts Canada a établi en bonne et due forme comme étant son règlement, conformément aux lignes directrices et directives d'Industrie Canada. C'est comme ça que les choses fonctionnent. Il y aura toujours des gens en désaccord.

Le sénateur Baker : Ce n'est pas la question que je vous ai posée.

M. Laughton : Pardonnez-moi si je ne l'ai pas bien comprise.

Le sénateur Baker : C'est une question simple. Avant votre exposé, nous en avons écouté un autre au sujet d'une question liée à l'administration actuelle, que le projet de loi a pour but de consolider, et dont le processus décisionnel est manifestement injuste et déraisonnable d'après les témoins. La question que je vous pose est la suivante : avez-vous des commentaires là-dessus? Vous avez répondu que le processus décisionnel existe déjà; il n'y a aucun changement. C'est bien, mais que répondez-vous à une personne qui dit que ce qui existe déjà est manifestement déraisonnable?

Comme vous le savez, le fait qu'une décision soit manifestement déraisonnable constitue un motif valable en droit pour renverser cette décision.

M. Laughton : Je croyais avoir répondu à cette question. Ce serait la même réponse. Nous n'envisageons pas de faire quoi que ce soit dans le cadre du projet de loi qui touche les préoccupations de M. Claxton et de son groupe. Le projet de loi propose trois modifications simples.

Les objections soulevées ont trait au vote des membres et à l'endroit où tout un chacun se situe. D'après Industrie Canada, c'est par voie de règlement qu'on doit s'occuper de la situation des membres, c'est-à-dire dont la façon dont une personne devient membre, de la façon de procéder au vote et ainsi de suite. Le règlement précise la situation des membres. Il indique, comme Industrie Canada le permet, que certains membres ont le droit de vote et d'autres non. Le tout est conforme à la loi. Le règlement a été promulgué en bonne et due forme, et il n'a rien à voir avec le projet de loi duquel nous nous occupons aujourd'hui. Il y a chez les scouts un débat continu et sain sur la question, comme il y en a eu un ici aujourd'hui.

À mon sens, nous ne proposons rien de déraisonnable dans le cadre du projet de loi.

Le président : Monsieur Laughton, croyez-vous que le règlement no 2 soit conforme à de bonnes pratiques de gestion modernes?

M. Laughton : Oui. Je crois qu'il s'agit d'une bonne pratique de gestion et que celle-ci respecte la directive d'Industrie Canada dont je vous ai parlé plus tôt.

Le sénateur Joyal : Si je comprends bien votre interprétation de l'alinéa 13e) du projet de loi, il n'y a que l'article 1 du chapitre 68 des Lois du Canada qui est abrogé.

M. Laughton : Oui, sénateur.

Le sénateur Joyal : D'après votre interprétation, tous les autres articles du projet de loi continuent-ils d'exister?

M. Laughton : Oui. Lorsque nous avons convenu, dans le cadre de discussions avec les scouts et avec le greffier, que l'article serait supprimé, le greffier a évoqué le fait de procéder à une nouvelle numérotation des articles. Les scouts ont dit qu'ils pensaient que les gens étaient si habitués à la loi qu'il serait mieux d'enlever un article tout en gardant la numérotation des articles restants, et le greffier n'y a pas vu de problème.

C'est le seul article supprimé. On l'a supprimé parce qu'il précisait un nom français pour les scouts, et Scouts Canada a décidé avec le greffier et avec les scouts que, si le Parlement juge bon de promulguer les amendements en question, Scouts Canada ne va pas utiliser de version française de son nom.

On ne traduit plus maintenant Scouts Canada, comme on l'a fait pendant plus de dix ans. À la suite d'une résolution du conseil des gouverneurs, communiquée au greffier et aux scouts, si le Parlement juge bon d'adopter le projet de loi, on n'utilisera plus le français de façon à ne plus créer de confusion entre les deux organisations.

Le sénateur Joyal : En d'autres termes, tout ce qu'il y a dans la loi de 1968 continue d'exister?

M. Laughton : Oui, mis à part l'article 1.

Le sénateur Joyal : Je vais utiliser le mot le plus neutre possible. Il y a certaines différences entre l'article 4 de la loi de 1968 et l'article 10 du projet de loi, en ce qui concerne le droit de propriété exclusif de vos emblèmes et symboles.

Il y a une différence entre l'alinéa a) de l'article 4 et l'alinéa c) de l'article 4. D'après l'article 10, l'association a seule et à titre exclusif le droit, tandis que, d'après l'article 4, la loi ne reconnaît à l'association que le pouvoir de fabriquer ou de produire ces emblèmes et symboles, ainsi que tout autre élément comme les vêtements qui servent à identifier les membres de l'association. Pourriez-vous revoir cela et effectuer un suivi auprès de nous là-dessus?

M. Laughton : L'article 10 du projet de loi que vous avez devant vous a d'abord figuré dans la loi relative à Scouts Canada en 1917. L'article existait déjà au moment où les scouts sont devenus une personne morale en 1969, et il n'y a jamais eu de problème en ce qui concerne tout emblème ou usage. Les scouts utilisent le français avec leurs symboles, et Scouts Canada a accepté de ne pas le faire dans les différents éléments graphiques et autres choses. Les deux organisations se consultent, et il n'y a pas eu de problème, mais, encore une fois, il ne s'agit pas d'une nouvelle disposition. Elle existe depuis 1917 pour Scouts Canada, et elle existait avant que les scouts ne deviennent une personne morale. En pratique, il n'y a eu aucun problème.

Le sénateur Joyal : Permettez-moi de poser ma prochaine question. La partie III de la Loi sur les corporations s'applique aux associations sans but lucratif. Comme vous le savez, selon la structure des associations sans but lucratif prévue à la partie III, normalement, les membres élisent le conseil, puis le conseil élit le directeur. Il s'agit de la structure normale. C'est l'idée des organisations composées de membres. Il appartient à chaque association de déterminer qui en est membre et de définir les droits de vote et les qualifications des membres et ainsi de suite. Cela d'après les lignes directrices, comme vous l'avez mentionné, d'Industrie Canada.

Dans le cas présent, nous nous trouvons devant une situation particulière. En réalité, d'après la catégorie de membre, la vaste majorité des membres ordinaires n'ont que trois représentants au sein du conseil, et le conseil lui- même peut choisir la majeure partie des membres du conseil. Si vous examinez l'alinéa f) à la page 2, au sujet des membres votants, vous constaterez qu'il s'agit des membres et des dirigeants honoraires, et au sous-alinéa 5, vous vous donnez vous-même la capacité de nommer 12 membres.

Le président : Il s'agit d'actions à droit de vote multiple.

Le sénateur Joyal : Il me semble que, en réalité, les membres votants ont la capacité de choisir la majorité des membres, tandis que la vaste majorité des membres ordinaires n'ont pas la capacité d'être représentés en proportion raisonnable comparativement aux autres membres du conseil.

Le président : C'est aussi le cas de bon nombre de grandes sociétés du Canada à l'heure actuelle, sénateur Joyal.

M. Laughton : Sénateur, pardonnez-moi si je n'ai pas bien entendu, mais vous avez parlé de l'article 2. L'article 3 porte aussi sur les membres votants. Les dirigeants et les membres honoraires font partie des membres votants, mais vous allez voir, si vous lisez l'article, qu'il y a aussi, parmi eux, trois représentants, dont l'un doit être un jeune membre de chacun des conseils, et les conseils sont structurés de manière à servir Scouts Canada à l'échelle du pays. Vous trouverez la liste de ces conseils à l'annexe A, la dernière page du règlement. Si vous regardez l'annexe, vous constaterez qu'il y a trois conseils en Colombie-Britannique, aux Territoires du Nord-Ouest, en Alberta, dans toutes les provinces et huit en Ontario, vu la taille de cette province. Il y a des membres votants qui représentent chacune de ces organisations.

Je ne veux pas vous donner l'impression d'écouter un disque qui saute, mais nous revenons à la question de la structure du conseil, de l'organisation et des consultations dans le cadre desquelles on a essayé de structurer un groupe de bénévoles très important. Parmi les cadres supérieurs de Scouts Canada, il n'y a qu'un seul salarié, un directeur, comme vous vous en doutiez probablement. Aucun des fournisseurs de service ne demande d'argent. On a essayé d'établir une organisation ou une structure de gouvernance fonctionnelle dans le cadre du milieu des affaires à l'heure actuelle et de faire avancer les choses, et quelqu'un a présenté une proposition d'un nouveau règlement. On a effectué des consultations au sujet de ce règlement pendant plus d'un an, comme je l'ai déjà dit. On y a apporté de nombreuses modifications, mais Scouts Canada a promulgué le règlement en bonne et due forme. Vous constaterez, en consultant l'annexe A, que les membres votants comptent des représentants des divers conseils, et la liste qui figure à l'annexe est complète. Ce ne sont pas que des dirigeants honoraires qui s'élisent eux-mêmes.

Le sénateur Joyal : Ce n'est pas ce que je dis. Le fait que des dirigeants honoraires fassent partie du conseil ne pose pas de problème pour moi, en principe. Ils n'ont habituellement pas le droit de vote. Je ne veux pas parler de moi, mais je suis membre et dirigeant honoraire de nombreuses organisations sans but lucratif, sans pour autant avoir le droit de vote. Je peux exprimer mon opinion, mais lorsque vient le temps de voter, je n'ai pas le droit de vote. Je ne fais partie de ces organisations qu'à titre honorifique.

Là où je vois un écart, c'est à l'article 2, au paragraphe 2 : « le nombre de dirigeants honoraires ne peut en aucun temps excéder 12 membres ». Bien sûr, en ce qui concerne l'équilibre des droits de vote au conseil, je me demande ensuite si la structure particulière que vous proposez dans le cadre du Règlement respecte l'esprit de la partie III de la Loi sur les corporations, au chapitre de la composition du conseil, puisque, d'après cette Loi, les membres doivent élire le conseil, puis le conseil doit élire le directeur? C'est, en gros, ce que j'essaie de comprendre.

Le président : Puis-je vous demander de formuler des réponses courtes? Nous avons dépassé le temps alloué de 25 minutes, et le sénateur Milne a aussi une question à poser.

M. Laughton : À l'annexe A, si vous multipliez le nombre de conseils de la liste par trois, puis que vous comparez le résultat au fait qu'il y a 12 dirigeants honoraires, vous constaterez que les proportions sont gardées.

Le sénateur Di Nino : Soixante contre 12.

M. Laughton : La question des membres « honoraires » a fait l'objet d'un long débat. J'ai été un conseiller honoraire. On a cru bon de me donner le droit de vote, en raison de mon engagement. On a aussi cru bon de donner un droit de vote aux bienfaiteurs, aux gens qui s'intéressaient depuis longtemps à Scouts Canada ou issus du monde des affaires, mais pas prêts à faire partie des dirigeants, et le fait de leur donner le droit de vote constitue une façon de témoigner de la reconnaissance à leur égard et de tirer parti de leur expérience.

Le sénateur Milne : Ma question va vraiment dans le même sens, parce que je suis d'accord. Nos témoins précédents étaient tout à fait d'accord pour dire que le problème réside dans le fait que le règlement ne fonctionne pas de façon adéquate. Le problème n'a pas trait à la Loi, il a trait au règlement. Le diagramme circulaire, parce que c'est de cela qu'il s'agit, m'inquiète beaucoup lorsque je le regarde.

Le président : L'avez-vous vu, monsieur Laughton?

M. Laughton : Non.

Le sénateur Milne : Comment les membres ordinaires, les 130 000 membres ordinaires peuvent-ils pénétrer ce cercle? Le règlement ne pose pas problème. Le fait de se doter de bonnes pratiques de gestion ne pose pas de problème. Le projet de loi est conçu en fonction de telles pratiques, mais j'aimerais bien voir davantage de démocratie et que les gens qui se trouvent à la base de l'organisation se fassent entendre des gens qui se trouvent tout en haut. Cela n'a rien à voir avec le projet de loi qu'on nous demande d'adopter, mais il s'agit d'une suggestion que je vous presse de suivre. Je ne vois pas comment les membres ordinaires de Scouts Canada peuvent pénétrer ce cercle. Je ne vois pas comment ils peuvent y arriver, puisque les trois représentants par conseil qui ont le droit de vote sont choisis par le commissaire du conseil, les sous-commissaires et les commissaires des régions. Ils ne sont pas élus; ils sont choisis.

M. Laughton : Je sais que le temps ne le permet pas, mais la personne qui est à ma droite est le président et le commissaire en chef de Scouts Canada, et il pourrait répondre à la question.

Le président : Monsieur Armstrong, souhaitez-vous répondre à la question?

Glenn Armstrong, commissaire en chef, Scouts Canada : Merci d'avoir posé la question. Selon notre règlement, les trois membres votants doivent être élus par leurs conseils. Comme vous l'avez probablement entendu au cours de la dernière réunion, j'ai été moi-même un peu rebelle en ce qui a trait au règlement, et le problème est que nous avons découvert qu'un certain nombre de conseils un peu partout au Canada ne comprennent pas clairement la façon d'appliquer l'article de notre règlement en question.

En fait, nous avons abordé cette question la fin de semaine dernière, à l'occasion de notre assemblée générale annuelle. Il y a 20 conseils; 17 d'entre eux appliquent bien cet article, contrairement aux trois autres. Je m'occupe de ceux-ci, parce qu'ils souhaitent qu'on définisse clairement le processus, de façon que personne ne puisse discuter de la manière dont les choses auraient dû se produire au sein de leurs conseils.

Je suis d'accord pour dire qu'il y a un problème. Je ne suis pas tout à fait d'accord pour dire qu'il s'agit d'un diagramme circulaire, mais je comprends que les gens puissent percevoir la chose de cette manière. Comme nous le savons tous, les perceptions sont souvent ce que forme la réalité.

Le président : Monsieur Armstrong, monsieur Laughton, monsieur Stewart, au nom du comité, je tiens à vous remercier. Monsieur Stewart, merci d'avoir témoigné de nouveau au sujet du projet de loi et d'avoir accepté de répondre à des questions difficiles cet après-midi. Vos réponses nous aident dans nos délibérations au sujet du projet de loi.

Mesdames et messieurs les sénateurs, notre deuxième réunion commence, l'objet est le projet de loi S-213, loi modifiant le Code criminel relativement à la cruauté envers les animaux.

L'objectif du projet de loi semble clair. Il est conçu pour modifier les articles du Code criminel qui ont trait à la cruauté envers les animaux, en vue d'augmenter les sanctions découlant des infractions qui sont décrites. Cependant, comme les parties intéressées le savent, et, surtout, comme bon nombre de membres du comité le savent, il se passe beaucoup de choses dans ce domaine depuis quelques années, et, le moins qu'on puisse dire, c'est que le sujet est plutôt controversé.

On a présenté plusieurs projets de loi au Parlement en vue de mettre à jour les dispositions relatives à la cruauté envers les animaux, qui datent de la première codification du Code criminel, en 1892. Il s'agit des projets de loi C-17, présenté en 1999; C-15, C-15B, C-10, C-10B, C-22 et C-50; dont aucun n'a reçu la sanction royale. Le dernier projet de loi provenant de la Chambre des communes, le projet de loi C-50, donnerait lieu à la création d'un nouvel article du Code criminel qui traiterait de la cruauté envers les animaux, ce qui aurait pour effet que l'article du Code criminel qui porte sur la propriété n'aborderait plus ce sujet. Le 9 novembre, nous avons entendu le témoignage du sénateur John Bryden, le parrain du projet de loi.

Aujourd'hui, mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons entendre deux groupes de témoins. Vous avez devant vous les représentants de l'Association canadienne des médecins vétérinaires, l'organisation nationale qui sert et représente les intérêts des vétérinaires du Canada. L'Association sensibilise la population à la contribution que les animaux et les vétérinaires apportent à la société. L'Association est représentée ici par le Dr Boutet, qui en est le président, et la Dre Alice Crook, présidente sortante du Comité sur le bien-être des animaux de l'ACMV. M. Greg Farrant se trouve à leurs côtés, et il est le directeur des relations gouvernementales de l'Ontario Federation of Anglers and Hunters. La Fédération est l'une des plus importantes organisations de conservation du Canada. Il s'agit d'un organisme de bienfaisance enregistré sans but lucratif qui se consacre à la protection des habitats des zones boisées et humides, à la conservation de nos précieux stocks de poissons et d'animaux sauvages et à la promotion de l'éducation à la nature. Je tiens à remercier M. Farrant d'avoir accepté de témoigner à ce moment précis.

Dr Paul Boutet, président, Association canadienne des médecins vétérinaires : Bonjour. Je suis le Dr Paul Boutet, président de l'Association canadienne des médecins vétérinaires. Je représente plus de 10 000 vétérinaires au Canada. Je suis aussi un vétérinaire en pratique privée à Riverview, au Nouveau-Brunswick.

La défense du bien-être des animaux est l'une des trois priorités de l'ACMV. Par l'entremise de son Comité sur le bien-être des animaux, l'ACMV concentre ses efforts sur l'élaboration de lignes directrices et de normes garantissant le bien-être, le traitement humanitaire et les soins des animaux.

En s'appuyant sur des données scientifiques, l'ACMV a joué un rôle de premier plan dans l'établissement de politiques et de directives pour les propriétaires d'animaux, les agriculteurs et les groupes de l'industrie. Au fil des ans, l'Association a formulé des énoncés de position informatifs sur les enjeux liés au bien-être des animaux à l'échelle nationale et internationale.

[Français]

Le Comité sur le bien-être des animaux de l'ACMV est un groupe dynamique qui se compose non seulement de nos experts vétérinaires, mais aussi de représentants provenant d'organismes nationaux clé dont la Fédération canadienne des sociétés d'assistance aux animaux, le Conseil national de la protection des animaux d'élevage, du Conseil canadien de protection des animaux et l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

[Traduction]

Les organismes de commerce international comme l'Organisation mondiale de la santé animale, anciennement l'OIE, accordent de plus en plus d'importance aux pratiques de manipulation humanitaires dans les pays exportateurs, au chapitre des exigences commerciales. On exerce des pressions sociales de plus en plus importantes pour que les pays deviennent de meilleurs intendants du bien-être de nos animaux.

Les gens accordent beaucoup d'importance à leurs animaux de compagnie, et ce fait a été démontré sans équivoque lorsque l'ouragan Katrina a frappé la Nouvelle-Orléans et qu'ils ont parfois mis en jeu leur propre sécurité plutôt que d'abandonner un compagnon de vie loyal.

Nous sommes tous d'accord sur le fait que nos lois doivent être corrigées de toute urgence. Assurons-nous de faire les choses comme il se doit au moment d'adopter le nouveau projet de loi.

L'ACMV demeure un fervent partisan du projet de loi C-50, ou du nouveau projet de loi C-373, et nous sommes ici pour présenter nos objections à l'égard du projet de loi S-213. Nous croyons que le projet de loi C-373 parvient à un bon équilibre entre la protection des animaux et la protection des pratiques légitimes comme la pêche, la chasse, le piégeage, l'agriculture et la recherche scientifique.

La Dre Alice Crook, qui m'accompagne cet après-midi, est spécialiste du bien-être des animaux, et elle coordonne le Sir James Dunn Animal Welfare Centre du Atlantic Veterinary College. Elle va présenter notre point de vue en détail.

Dre Alice Crook, ancienne présidente du Comité sur la santé animale, Association canadienne des médecins vétérinaires : Dans le but de gagner du temps, je vais présenter certaines sections de notre mémoire. Je vais commencer à la page 4 en présentant un peu le contexte de la violence faite aux animaux dans le cadre plus large de la violence en général dans notre société.

La violence envers les animaux est un enjeu social important qui touche les animaux, les familles et les collectivités. Les chercheurs ont reconnu et documenté le fait que la violence envers les animaux est à la fois un élément et un symptôme de la violence envers les enfants, les conjoints et les aînés, ainsi qu'un indicateur du potentiel d'augmentation de la violence et de la dangerosité chez les contrevenants.

Dans le cadre d'une étude réalisée au Canada en 2004, par exemple, 56 p. 100 des femmes propriétaires d'animaux dans des refuges pour femmes à Calgary ont déclaré que l'auteur de la violence avait menacé ou blessé leur animal de compagnie. Parmi les femmes qui avaient des enfants et des animaux, 65 p. 100 ont dit croire que les enfants étaient témoins de cette violence et qu'elle avait des répercussions sur eux.

L'ACMV croit qu'une loi fédérale efficace en matière de cruauté envers les animaux est un outil essentiel pour aider les sociétés de protection des animaux et les autorités à régler le problème de la violence envers les animaux, et, ainsi, à briser le cycle de la violence dans nos collectivités.

Je vais maintenant parler de ce que nous jugeons être les lacunes du projet de loi S-213.

Comme on l'a déjà mentionné, les articles du Code criminel traitant de la cruauté envers les animaux, soit les articles 444 à 447, ont été initialement promulgués en 1892, avec quelques révisions mineures en 1956. Il y a un besoin urgent d'augmenter les sanctions, ainsi que de modifier le libellé désuet des articles, qui présente certaines échappatoires importantes. Cependant, mis à part des dispositions prévoyant des sanctions accrues, le projet de loi S-213 est formulé exactement de la même façon que le texte du Code criminel actuel. Beaucoup des problèmes que la loi actuelle pose se retrouvent donc dans le projet de loi S-213.

Le projet de loi prévoit une protection différente pour différents animaux. Il conserve le libellé désuet et confus de la loi originale et protège différents animaux de façon différente. Le bétail est traité dans un article différent, l'article 444, de celui visant les « chiens, oiseaux ou animaux qui ne sont pas des bestiaux », dont traite l'article 445. Cela est évidemment illogique.

L'article du projet de loi S-213 qui traite de la propriété conserve les dispositions relatives à la cruauté envers les animaux qui figurent dans l'article sur la propriété du Code criminel. Cela ne reflète pas les valeurs sociétales actuelles, selon lesquelles la cruauté envers les animaux est un crime en soi, et non seulement un crime commis contre des biens.

L'ACMV croit que la loi devrait protéger tous les animaux contre la violence, sans égard à leur statut de bien. Il est nécessaire d'offrir cette protection parce que tous les animaux peuvent éprouver de la douleur et de la peur. Dans la partie relative aux biens, la loi semblerait oublier les espèces férales ou errantes, qu'il s'agisse d'animaux domestiques ou sauvages. L'ACMV estime que le fait de traiter les infractions contre les animaux comme des infractions relatives aux biens a donné lieu à des sanctions inadéquates et à l'absence de force de dissuasion pour les personnes qui commettent des actes de violence envers les animaux.

La négligence volontaire est une autre source de préoccupation. Le projet de loi S-213 conserve le libellé de l'infraction actuel de négligence volontaire. En raison du besoin d'établir la preuve qu'une personne avait l'intention de négliger ses animaux, il est extrêmement difficile de porter des accusations, même lorsqu'une personne laisse les animaux mourir de faim. Malheureusement, c'est trop souvent le cas des animaux de ferme qui sont négligés. On a eu de la difficulté à obtenir des peines d'emprisonnement.

Le projet de loi S-213 n'établit pas l'acte de tuer sauvagement ou cruellement un animal comme une forme de violence. La société reconnaît que le traitement particulièrement violent et haineux des animaux devrait être une infraction criminelle, que la mort de l'animal soit immédiate ou non. Par exemple, il y a plusieurs années, deux hommes ont été accusés d'avoir battu leur chien avec un bâton de base-ball, mais ils n'ont pas été trouvés coupables parce que le chien est mort au premier coup.

Le projet de loi S-213 ne stipule pas que le dressage des animaux pour le combat et la perception d'argent à cet égard constituent une infraction. La société doit faire quelque chose à cet égard, puisque ces activités sont souvent associées au crime organisé.

Contrairement au projet de loi S-213, le projet de loi C-373 aborde chacune de ces questions importantes.

On a présenté le projet de loi C-373 à la Chambre des communes à la fin octobre. Il s'agit du même projet de loi que celui qui est venu avant, le projet de loi C-50, mort au feuilleton lorsque le gouvernement libéral de Paul Martin est tombé, en janvier 2006. La Chambre des communes et le Sénat ont attentivement étudié le projet de loi pendant de nombreuses années, à partir de 1999. On a effectué de vastes consultations auprès des groupes de l'industrie animale et de nombreux organismes, notamment de l'ACMV, qui a témoigné à certaines étapes précises des comités permanents. Cela a donné lieu à certains amendements.

Comme vous le savez, une version antérieure du projet de loi C-373, le projet de loi C-10B, a presque été adopté en 2003. Ce projet de loi jouissait de l'appui de tous les partis représentés à la Chambre des communes, mais n'a pas eu le temps d'être adopté au Sénat et de recevoir la sanction royale avant le déclenchement des élections.

Comme le projet de loi S-213, les amendements au projet de loi C-373 font en sorte qu'on remplacerait les articles 444 à 447 du Code criminel et qu'on augmenterait les sanctions pour les personnes trouvées coupables de cruauté envers les animaux.

Cependant, contrairement au projet de loi C-213, le projet de loi C-373 sortirait la question de la cruauté envers les animaux de la partie relative aux biens du Code criminel, ce qui fait que les animaux errants et sauvages obtiendraient la même protection que les animaux ayant un propriétaire. Par exemple, cela signifie qu'une poursuite pour cruauté envers un chat errant se fonderait sur la cruauté et sur les souffrances subies par le chat, et non sur le fait qu'on puisse déterminer qu'il s'agit du chat de quelqu'un.

Les animaux errants et sauvages n'ont pratiquement aucune protection dans le cadre des lois actuelles. La loi stipule seulement qu'il s'agit d'une infraction de tuer des animaux qui ont un propriétaire sans une excuse légitime. En vertu du projet de loi C-373, l'acte de tuer tout animal sans une excuse légitime constituerait une infraction.

L'ACMV croit que le projet de loi C-373 parvient à un équilibre approprié en faisant de la cruauté envers les animaux un crime de violence, et non simplement un crime commis contre des biens. Parallèlement, il stipule clairement que les activités légitimes et humanitaires réglementées ou autorisées par les lois fédérales ou provinciales ou les codes de pratique applicables, comme les pratiques agricoles normales — la chasse, la pêche, le piégeage et la recherche sur les animaux — ne seront pas touchés. Le projet de loi C-373, comme le projet de loi C-50, précise aussi les droits traditionnels de chasse et de pêche des Autochtones.

Pour conclure, nous avons deux recommandations. L'ACMV recommande au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de rejeter les amendements que comporte le projet de loi C-213 comme étant inadéquats. L'ACMV recommande aussi au comité d'appuyer une nouvelle présentation du projet de loi C-373, qui contient les amendements de l'ancien projet de loi C-50.

Greg Farrant, directeur des relations gouvernementales, Ontario Federation of Anglers and Hunters : Au nom de l'Ontario Federation of Anglers and Hunters, la plus importante organisation sans but lucratif, de bienfaisance et de conservation de l'Ontario, et qui compte 80 000 membres et 650 clubs membres dans la province, je vous remercie de m'offrir l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui et de formuler des commentaires sur le projet de loi S-213, présenté par le sénateur Bryden le 26 avril 2005.

Avant de vous faire part de mes remarques, je veux vous dire que je ne suis pas venu ici aujourd'hui pour parler des articles du projet de loi S-213 dans le détail. Je suis venu ici aujourd'hui pour vous donner une idée des raisons pour lesquelles nous sommes en faveur du projet de loi, ainsi que pour formuler quelques remarques au sujet du débat sur la cruauté envers les animaux des dernières années, du point de vue du milieu du plein air au Canada.

Contrairement à bon nombre de sénateurs membres du comité, je n'ai pas de formation en droit, et, bien que nous ayons profité des conseils d'un spécialiste du domaine juridique dans le passé, je ne me réclame d'aucune expertise en la matière. Tous les membres du comité sont des législateurs qualifiés, qui ont une connaissance approfondie des répercussions du projet de loi, et je ne vais pas vous faire perdre votre temps à cet égard.

Je suis ici aujourd'hui surtout pour représenter la fédération pour laquelle je travaille, mais j'aimerais souligner que mes commentaires reflètent aussi les positions de nos collègues des fédérations provinciales et territoriales de protection de la faune de l'ensemble du pays, qui, collectivement, représentent environ 300 000 membres. Un certain nombre d'organisations canadiennes représentant d'autres intervenants qui utilisent des animaux de façon licite partagent notre point de vue sur le projet de loi S-213, et elles vont certainement faire état de leur point de vue à un moment donné, au cours du processus.

L'OFAH et les fédérations associées partagent le point de vue selon lequel toute personne sensée devrait être en faveur de l'augmentation des amendes et des sanctions dont sont passibles les gens qui commettent des actes de violence envers les animaux. Pour cette raison, nous sommes tout à fait en faveur de l'intention et de l'objectif du projet de loi S-213. En fait, il y a plusieurs années, la fédération et l'Ontario Farm Animal Council ont appuyé l'adoption d'un projet de loi d'intérêt privé en Ontario qui a renforcé la capacité de la SPCA d'obtenir des amendes et des sanctions accrues pour les gens qui commettent des actes de violence envers les animaux, notamment les usines à chiots illicites.

J'ai eu le privilège de témoigner devant le comité la dernière fois le 5 février 2003, pour exprimer notre position au projet de loi C-10B, le troisième projet de loi d'une série de cinq qu'a présentés le gouvernement précédent au sujet de la cruauté envers les animaux. Bon nombre des membres actuels du comité faisaient déjà partie du comité à l'époque, et ils se rappelleront toute l'émotion suscitée par cette tentative de créer une loi, ainsi que par les quatre autres qu'a faites le gouvernement de l'époque pour modifier le Code criminel en ce qui concerne la cruauté envers les animaux.

Comme vous le savez, les tentatives précédentes d'adoption de modifications du Code criminel en ce qui concerne la cruauté envers les animaux ont été vaines. Cela tient entre autres au fait que le libellé de chacun des projets de loi précédents dépassait de loin les intentions déclarées du gouvernement. Ainsi, ces projets de loi constituaient une menace importante pour toute personne se livrant à des activités liées à la pêche, la chasse, le piégeage, l'élevage et la recherche médicale — ce qui n'est pas le cas du projet de loi S-213.

Au cours des sept dernières années, chaque fois qu'on a présenté un nouveau projet de loi portant sur la cruauté envers les animaux, le gouvernement a déclaré que tout ce qui était licite avant l'adoption du projet de loi le serait encore après. Cependant, d'après des avis juridiques rédigés par trois cabinets d'avocats réputés engagés par nous et par d'autres intervenants du milieu, non seulement chacun des projets de loi précédents menaçait la viabilité des utilisations licites des animaux, mais, si on les avait adoptés, ils auraient donné aux défenseurs des animaux les moyens d'intenter des actions en justice frivoles et vexatoires à l'encontre de ces mêmes milieux.

La possibilité d'attaques litigieuses contre le milieu du plein air et les autres milieux existe bel et bien, ce fait étant fondé non pas sur la méfiance et le ouï-dire, mais bien sur les commentaires formulés par des organisations de défense des droits des animaux en vue, ainsi que par leurs conseillers juridiques, qui ont laissé entendre très clairement que, après l'adoption des projets de loi précédents comme les projets de loi C-10, C-15, C-17, C-22 et C-50, ils avaient l'intention de mettre la loi à l'épreuve devant les tribunaux et d'intenter avec vigueur des actions en justice contre les pêcheurs à la ligne, les chasseurs, les agriculteurs et les chercheurs du domaine médical s'adonnant à des activités licites et très réglementées. En d'autres termes, devant l'impossibilité d'avoir gain de cause dans l'opinion publique, il faut faire modifier les lois de façon à peut-être obtenir gain de cause devant un tribunal.

Nos inquiétudes ont été confirmées par les commentaires suivants, formulés par un conseiller juridique spécialiste des droits des animaux en vue, dans la Gazette de Montréal, le 18 mars 2000 :

[...] au cours des dix prochaines années, les changements seront subtils, ils revêtiront le déguisement de la protection des animaux et continueront de se produire sous forme d'annexes morales aux droits de la personne, jusqu'à ce que certains droits des animaux soient inscrits dans la loi. Nous allons assister à la formation des droits des animaux [...] qui se fera par l'intermédiaire de changements progressifs dans la jurisprudence et dans l'attitude des juges [...] nous avons besoin de la protection de la loi et de voir la loi modifier, mais il faut prendre ce qu'on nous donne. Nous n'en sommes qu'au début du mouvement [...]

Chaque fois qu'on a présenté un nouveau projet de loi, le ministre et le conseiller juridique du ministère de la Justice ont tenté de convaincre le Parlement et les groupes opposés à la nouvelle loi que la seule intention du gouvernement était de modifier le Code criminel de façon à permettre l'augmentation des amendes et des sanctions pour les personnes qui commettent des actes de violence envers les animaux, ainsi que de renouveler le libellé des articles du Code criminel ayant trait à la cruauté envers les animaux — selon le gouvernement : « pour clarifier ces choses, de façon que tout un chacun puisse mieux comprendre les exigences réelles de la loi ».

Si c'était vrai que l'objectif principal du gouvernement était à l'époque de répondre à ce qu'il jugeait être un besoin de sanctions plus sévères à l'encontre des gens ayant commis des actes de violence envers les animaux, et non d'élargir ce qui constituait une infraction, on aurait pu faire les choses d'une autre manière. Il est probable que la plupart des groupes qui se sont opposés aux cinq projets de loi auraient été en faveur de ceux-ci si cela avait été le cas, puisque nous croyons sincèrement qu'il faut traiter les cas réels de violence envers les animaux sans pitié.

Pourtant, les projets de loi précédents proposaient des modifications spectaculaires de la loi actuelle, tant en ce qui concerne l'intention que le libellé, une loi qui existe depuis plus de 100 ans et qui a résisté à l'épreuve du temps. Ces projets de loi comportaient des définitions mal faites et des modifications profondes de la loi qui auraient renversé le statu quo, peu importe ce que le gouvernement en disait à l'époque. Notre conseiller juridique, M. Michael Code, du cabinet Sack, Goldblatt et Mitchell, ancien sous-ministre adjoint responsable du droit pénal en Ontario, a soulevé cela dans le cas, par exemple, du projet de loi C-10B. À l'occasion de son témoignage devant le comité au sujet du projet de loi C-10B, M. Code a démontré de façon très concluante que le projet de loi modifiait bel et bien la loi et qu'il était fallacieux de la part du gouvernement de prétendre qu'il en était autrement.

Par exemple, les projets de loi C-17, C-15B, C-10B, C-22 et C-50 comportaient des modifications qui auraient sorti les animaux de la section relative à la propriété du Code criminel, ce qui, selon nous et selon notre conseiller juridique, aurait constitué la première étape vers l'octroi aux animaux de droits semblables à ceux que confère aux êtres humains le Code criminel.

Les groupes de défense des animaux ont ouvertement dit que cette modification, ainsi que d'autres modifications proposées dans le cadre de projets de loi précédents, leur permettrait d'avoir recours aux agents de la SPCA, qui, en vertu de la loi, ont qualité d'agents de la paix, pour intenter des poursuites privées. Certaines des actions types précédemment portées devant les tribunaux ont été déboutées, mais le dépôt d'accusations en lui-même et le fait de devoir avoir recours aux services d'un conseiller et de préparer une défense peuvent exiger beaucoup de temps et d'argent et porter atteinte à la réputation de la personne accusée.

Tout cela semble très alarmiste, mais il s'agit d'une tendance, qu'on a constatée dans d'autres pays, où des lois ont été adoptées qui offrent le même statut aux animaux qu'aux gens aux yeux de la loi.

Comme vous le savez, le projet de loi S-213 ne comporte aucun élément de ce genre. Il ne fait que prévoir de façon claire et concise l'augmentation des amendes et des sanctions pour les auteurs d'actes de violence contre les animaux en augmentant l'amende et la peine d'emprisonnement maximales pour toute personne reconnue coupable d'un tel crime. Parallèlement, le projet de loi maintient bon nombre des articles et des infractions actuels du Code criminel, ce qui donne lieu à des certitudes quant à l'interprétation, vu qu'il existe une jurisprudence bien établie dans le cadre des dispositions actuelles portant sur la cruauté envers les animaux.

C'est cette différence importante qui fait que le projet de loi S-213 est davantage conforme aux intentions déclarées du gouvernement précédent et du ministère de la Justice.

Ne vous y trompez pas : les défenseurs des droits des animaux ne connaîtront de répit que lorsqu'ils pourront poursuivre toute personne qui, à leur avis, commet des actes de violence envers les animaux. Il s'agit à leurs yeux de toute personne s'adonnant à des activités licites et très réglementées comme la pêche à la ligne, la chasse, le piégeage, l'agriculture et la recherche médicale. La définition de la violence envers les animaux des défenseurs des droits des animaux dépasse de loin notre compréhension, et elle est fondée sur leur opposition à des activités comme la pêche ou certaines pratiques agricoles acceptées. Les défenseurs des droits des animaux n'auront de cesse que lorsqu'ils auront porté un coup fatal à ces secteurs de notre économie et de nos activités traditionnelles, par des moyens politiques ou juridiques.

Dans notre pays, bon nombre de gens voient la pêche à la ligne, la chasse et le piégeage comme des activités traditionnelles, et ces activités sont reconnues à ce titre par les lois de cinq provinces. À l'heure actuelle, il y a au Canada environ 8 millions de titulaires d'un permis de pêche à la ligne, et plusieurs centaines de milliers de titulaires d'un permis de chasse ayant reçu une formation et obéissant à la loi, dont plus de 400 000 dans la seule province de l'Ontario, qui compte une proportion importante d'entre eux par rapport à la population du pays, sans parler des gens qui se livrent à des activités agricoles ou de recherche médicale. D'après les chiffres fournis par le gouvernement, la pêche sportive apporte à elle seule 7 milliards de dollars par année à l'économie canadienne, et, lorsqu'on ajoute à cela les dépenses liées à la chasse et au piégeage, ce chiffre passe à 10 milliards de dollars.

Nous croyons fermement que les sanctions actuelles pour les actes de violence envers les animaux sont inadéquates. Nous sommes d'accord avec cela. Le projet de loi C-213 du sénateur Bryden constitue une amélioration importante de la situation, et il fera progresser la cause de la protection des animaux. Il le fait en répondant à la demande formulée par les Canadiens concernant l'augmentation des sanctions pour les infractions comportant un élément de cruauté envers les animaux de façon à refléter la nature des crimes commis.

Le projet de loi matérialise l'intention souvent citée d'augmenter les sanctions pour les personnes qui commettent des actes de violence envers les animaux. Le projet de loi S-213 réglera rapidement les problèmes relatifs à ces sanctions, qui constituent un point faible important de la loi actuelle, et offrira enfin aux tribunaux les outils nécessaires pour condamner les personnes trouvées coupables d'infractions criminelles à l'encontre des animaux à des peines de prison importantes.

Nous croyons que l'objectif d'améliorer et d'élargir les dispositions du Code criminel prévoyant les sanctions, de faire passer les sanctions à un maximum de cinq ans d'emprisonnement pour les actes de cruauté envers les animaux et de faire passer les amendes maximales de 2 000 $ à 10 000 $ devrait jouir de l'appui de toutes les personnes ayant à cœur d'améliorer la loi de façon raisonnable en ce qui concerne la cruauté envers les animaux.

L'OFAH et les fédérations associées sont en faveur du projet de loi, qui reçoit aussi l'appui important des groupes majeurs d'autres secteurs utilisant les animaux, comme la Canadian Cattlemen's Association, la Fédération canadienne de l'agriculture et nos collègues de l'Association canadienne de la pêche sportive.

Le gouvernement actuel a déclaré qu'il appuierait le projet de loi présenté par le sénateur Bryden. La volonté de changement existe donc clairement. Le débat sur la question s'éternise depuis sept longues années, et le fait que le sénateur Bryden tente de proposer une solution devrait lui valoir des félicitations. Si l'on n'adopte pas le projet de loi, le débat continuera, et la meilleure occasion de faire quelque chose qui se soit présentée depuis longtemps sera perdue.

Encore une fois, je tiens à vous remercier tous de votre temps, de votre courtoisie et de m'avoir offert l'occasion de m'exprimer au sujet du projet de loi au nom de l'Ontario Federation of Anglers and Hunters, ainsi qu'au nom de millions d'amateurs de plein air du pays.

Le président : Merci de vos remarques préliminaires, qui ont porté non seulement sur le projet de loi en question, mais aussi sur les projets de loi précédents que le comité a étudiés.

Docteure Crook, pensez-vous que le projet de loi que nous avons devant nous, qu'on appelle le projet de loi Bryden, même s'il ne tient pas compte de toutes les modifications que vous aimeriez apporter à des définitions comme celles d'« animal », — ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'un premier pas dans la bonne direction?

Dre Crook : Sincèrement, non. Puisqu'il a fallu 100 ans pour modifier la loi adoptée en 1892, je n'ai pas envie de voir cela comme un premier pas. Je préférerais, comme le Dr Boutet l'a dit, que nous adoptions la meilleure loi possible dès le début au chapitre de la cruauté envers les animaux.

J'ai oublié de mentionner que notre mémoire comporte un appendice où se trouve un tableau décrivant les défauts de la loi actuelle et présentant une comparaison entre les projets de loi S-213 et C-373 quant à la manière de régler ces problèmes. Le tableau révèle de nombreux éléments dont il n'est pas question dans le projet de loi S-213. Nous sommes d'accord avec M. Farrant pour dire qu'il faut augmenter les amendes, et les deux projets de loi le font, mais le projet de loi S-213 ne fait rien pour régler bon nombre de problèmes.

Le sénateur Stratton : Je me rappelle que le comité a travaillé fort pour essayer d'atteindre ce but, sans pourtant y arriver. J'examine le projet de loi que nous avons devant nous, et je pense qu'il s'agit peut-être de réaliser ce qui est réalisable à l'heure actuelle. À mon sens, c'est ce que le sénateur Bryden propose. Nous avons déjà essayé de régler tous les problèmes sans exception, et nous avons échoué.

Dre Crook : Comme vous le savez sans doute, le projet de loi C-373, comme avant lui le projet de loi C-50, comporte quelques modifications apportées depuis le dernier projet de loi C-10B, qu'on a presque adoptées et qui précisent les moyens de défense prévus par la common law et les droits confirmés des Autochtones. Il y a aussi, à la toute fin du projet de loi, un article qui porte sur la justification légale de la protection de toute activité régie par un code de pratique ou un règlement, et cela est précisé directement dans la loi. C'est une chose qui s'ajoute au dernier projet de loi. Je ne sais pas si M. Farrant veut faire un commentaire là-dessus.

Je pense que notre principale préoccupation, c'est que beaucoup d'espèces animales ne sont pas encore protégées. La violence envers les animaux est un crime grave dans nos collectivités, parce qu'elle fait partie du problème général de la violence que nous souhaitons tous régler; cependant, nous pouvons nous doter d'un texte législatif efficace au chapitre de la cruauté envers les animaux, qui en fasse une partie des crimes liés à la violence, et il est important de le faire.

Il n'est pas approprié que la cruauté envers les animaux fasse l'objet d'un article dans la partie de la loi qui porte sur la propriété et de protéger les animaux seulement si on peut déterminer qu'ils ont un propriétaire.

Le sénateur Baker : À propos de votre dernier commentaire, le fait que la loi protège seulement les animaux qu'on peut décrire comme étant la propriété de quelqu'un; est-ce ce que vous avez dit?

Dre Crook : Je ne suis pas certaine du libellé exact, mais puisqu'elle figure dans la partie portant sur la propriété, les animaux errants qui n'ont pas de propriétaire ne sont pas protégés contre la cruauté.

Le sénateur Baker : Il y a une jurisprudence importante dans toutes les provinces, même à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick, en ce qui concerne ce genre de poursuites. La jurisprudence est même abondante. Les tribunaux ne sont pas nombreux à imposer la peine maximale; je suis d'accord avec vous là-dessus.

Dre Crook : La jurisprudence existe, mais, d'après mon expérience, on ne juge jamais l'accusé coupable.

Le sénateur Baker : Ce n'est pas parce que les animaux ne sont pas protégés. Vous dites dans votre mémoire que les animaux sauvages ne sont pas protégés. Est-ce exact?

Dre Crook : Oui.

Le sénateur Baker : Dans quelle province les animaux sauvages ne sont-ils pas protégés? On ne peut tuer un animal sauvage dans aucune province, que je sache, sans justification légale, que ce soit un permis ou l'obligation de le faire.

Dre Crook : Oui. Cela ne changerait pas; tout geste justifié par une excuse légitime peut encore l'être dans le cadre de la nouvelle loi. Je parle de la cruauté envers les animaux sauvages qui a lieu à l'extérieur du cadre des activités normales que sont la chasse, la pêche, le piégeage, etc., activités pour lesquelles il y a une excuse légitime.

Le sénateur Baker : Dans le dernier projet de loi ayant joui de votre faveur, je crois qu'il s'agit du dernier projet de loi présenté au comité — avez-vous une idée quelconque des objections importantes qu'on a formulées à l'égard du projet de loi? Quelles sont les objections qui ont poussé le Congrès juif canadien et les représentants canadiens de la Ligue arabe à se présenter devant le comité pour s'opposer au projet de loi proposé? Ces groupes sont venus accompagnés de leurs avocats, et ils ont dit que le projet de loi ne pouvait tout simplement pas être adopté. Avez-vous des commentaires là-dessus?

Dre Crook : Je n'ai pas lu les témoignages en question.

Le sénateur Baker : Vous savez qu'ils ont témoigné?

Dre Crook : J'ai une idée des arguments invoqués. J'ai aussi lu plusieurs avis juridiques très fouillés selon lesquels toute activité projetée ou effectuée est justifiée par une excuse légitime, donc toute activité régie par un code de pratique ou un règlement, est aussi protégée dans le cadre du projet de loi C-373, ou les autres moutures de ce projet de loi sous leur forme actuelle. On ne remettrait pas davantage en question ces activités qu'à l'heure actuelle.

Le sénateur Baker : En d'autres termes, vous n'êtes pas d'accord avec les conclusions du Congrès juif canadien et des organisations de la Ligue arabe qui ont fait un témoignage sur l'aspect juridique de la question devant le comité. Vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec leurs conclusions.

Dr Boutet : Nous faisons confiance à l'appareil judiciaire canadien. Nous ne sommes pas des juristes, mais, en ce qui concerne la définition d'« excuse légitime », nous nous attendons à ce qu'on l'applique de façon appropriée, en toute reconnaissance des activités licites au pays, et dans le respect de la religion et des autres droits, notamment de chasser et de pêcher. En ce qui nous concerne, lorsqu'on affirme que des gens intenteront des actions frivoles, je pense que l'appareil judiciaire est fait pour empêcher ce genre de chose de se produire.

Nous nous attendons à ce que ce qui est défini à juste titre aujourd'hui comme « activité licite » continue d'exister. Ce que nous essayons de faire, c'est d'empêcher les activités qui ne sont pas licites. Nous voulons renforcer notre capacité d'empêcher ce genre d'activités qui est une source de souffrance pour tant d'animaux. Nous voulons que notre pays suive davantage la tendance mondiale qui consiste à reconnaître le besoin de lois assurant davantage le bien-être des animaux. Nous voulons aussi faire reconnaître le fait que de définir certaines espèces comme étant différentes des autres, par exemple, les vaches comme étant différentes des chiens et des chats, n'a pas de sens. Un animal est un animal, peu importe qu'il s'agisse d'une vache, d'un cheval, d'un kangourou, d'un éléphant ou d'un chien. Nous devons le reconnaître. Le projet de loi en question, le projet de loi S-213, ne reconnaît pas ce fait.

Le sénateur Baker : Je cède la parole au sénateur du Québec. Il a une question supplémentaire à poser, mais j'aimerais moi-même poser une autre question lorsqu'il aura terminé.

[Français]

Le sénateur Nolin : Dans l'examen de ce projet de loi, on a dépassé les généralités. Tout le monde semble d'accord sur la question de la répression de la violence envers les animaux. Il n'y a personne autour de la table qui ne soit pas d'accord avec cela.

[Traduction]

Nous devons être clairs à ce sujet. Nous avons dépassé cette étape. Nous avons passé sept ans à essayer de trouver la solution. Comme mon collègue le sénateur Stratton l'a dit, nous essayons de réaliser ce qui est réalisable à l'heure actuelle. Nous savons que cela n'est pas conforme à vos désirs.

[Français]

Nous avons un problème fondamental — une excuse légitime. On va examiner cela. Je comprends que vous n'êtes pas avocat, mais je présume que vous avez lu un peu sur le sujet. Un de nos arguments est le suivant, et c'est la Cour suprême qui nous le dit : si dans une loi fédérale on prévoit une excuse légale — comme c'était le cas dans l'ancien projet de loi qui n'est pas devant nous et que vous voudriez qu'on approuve par anticipation —, la Cour suprême de son côté juge qu'une loi provinciale n'est pas une excuse légale à une loi fédérale. C'est un de nos problèmes.

[Traduction]

L'un de nos problèmes, c'est que la Cour suprême dit que, si une personne a une excuse légitime pour commettre une infraction à une loi fédérale, il faut que cette excuse figure dans la loi en question, et non dans une loi provinciale régissant la chasse et la pêche. Que faire de cela? Si vous pouvez répondre à cette question, cela réglerait bon nombre de nos problèmes.

[Français]

Dr Boutet : Cette notion a été débattue par les deux Chambres. Tout l'aspect légal de cette question a été débattu et trouvé justifiable au point que les deux côtés de la Chambre des communes ont trouvé bon d'accepter le projet de loi comme il l'était et de le renvoyer au Sénat.

Le sénateur Nolin : Vous ne répondez pas à ma question. Nous essayons de rédiger un projet de loi qui passera le test des tribunaux. Cela ne nous donne rien de faire une loi — cela fait déjà sept ans qu'on essaie — qui nous fasse plaisir, mais que dans six mois, les tribunaux nous diront : vous avez oublié une chose — la décision de la Cour Suprême en 1998, dans telle affaire.

On sera obligé de reprendre l'étude du projet de loi et recommencer tout le processus. Cela ne donne rien. On aime autant faire une loi qui soit efficace immédiatement, laquelle visera à réprimer la violence envers les animaux et qui pourra survivre au fameux centenaire du Code criminel.

Que nos collègues de la Chambre des communes aient trouvé le texte satisfaisant, tant mieux pour eux. Cependant, après avoir entendu plusieurs experts, nous en sommes venus à la conclusion qui fallait amender le projet de loi. C'est ce qu'on a fait. Le projet de loi s'est alors promené entre la Chambre des communes et le Sénat. Cela fait sept ans que nous tentons de trouver la solution. Cela ne nous satisfait pas de nous faire dire que les députés avaient jugé qu'il était bon. Excusez-moi, mais on doit respecter la jurisprudence la Cour suprême. Si on ne le fait pas ici, qui le fera? Si on ne le fait pas, le projet de loi sera adopté tel que vous le suggérez, et quelque mois plus tard, les tribunaux vont nous rappeler que la Cour suprême en a déjà décidé autrement.

Dr Boutet : Est-ce que la punition rendrait la loi plus efficace?

Le sénateur Nolin : Pour ce qui est de la punition, chose certaine, on va envoyer un signal aux tribunaux les avisant qu'on est très sérieux sur la question des peines. Mes collègues parlaient de la légèreté des peines attribuées par les tribunaux. Cela ne nous satisfait pas. Au fil des années, nous nous sommes préoccupés des peines trop légères. Cela dit, au sénateur Bryden et à plusieurs d'entre nous, il nous est apparu que la question des peines était le moindre des problèmes dans ce projet de loi. On s'est alors dit : adoptons au moins cette partie du projet de loi, et on verra par la suite.

Nous étions d'accord sur à peu près tout quant à tous ces projets de loi qui traitaient de la cruauté envers les animaux, dont une nouvelle définition pour les animaux — la première n'était pas tout à fait respectueuse du phénomène — et une série de problèmes qui ont été identifiés par les différents projets de loi. On a réglé nos problèmes.

Il reste trois problèmes, dont l'excuse légale. Il faudra trouver une façon de rédiger le projet de loi de façon appropriée — à moins qu'on inclue dans les lois fédérales toutes les excuses, entre autres le permis de chasse, de pêche, les abattoires pour les animaux et toute cette série d'excuses — de façon à démonter qu'on recherche tous le même objectif. Je reçois des courriels — je ne sais pas si ce sont vos amis qui me les envoient, mais vous pourriez peut-être leur dire que j'ai le même objectif qu'eux : réprimer la violence envers les animaux. Me faire accuser de vouloir promouvoir la violence envers les animaux, je n'accepte pas cela!

[Traduction]

Le président : Sénateur Nolin, je vais maintenant lui donner la chance de répondre.

Le sénateur Nolin : Je répondais à sa question.

Dre Crook : Tout d'abord, ni moi ni mes amis ne vous enverrions des courriels pour vous dire que vous essayez de promouvoir la violence envers les animaux. Les vétérinaires ne s'expriment pas de cette manière.

Le sénateur Nolin : Si vous le dites.

Dre Crook : Vous avez évoqué la question de l'excuse légitime. L'une des choses que je ne comprends pas à ce sujet, c'est qu'il n'y ait rien dans la loi actuelle pour protéger de façon explicite les activités comme la chasse, la pêche, la recherche scientifique, et cetera. Ces activités ne sont protégées que si elles sont effectuées par des personnes qui ont une excuse légitime pour le faire. Cela n'est pas formulé dans la loi, alors rien ne changerait à cet égard. Les activités pour lesquelles une personne a encore une excuse légitime et qui peuvent faire l'objet de poursuites dans le cadre de la loi actuelle ne feront pas non plus l'objet de poursuites dans le cadre de la loi modifiée. Je ne comprends pas du tout comment on peut dire qu'il y a un danger que beaucoup plus d'activités fassent l'objet de poursuites.

Le sénateur Nolin : Peut-être M. Farrant peut-il expliquer cela, puisqu'il a parlé de la loi provinciale qui régit les activités qu'il essaie de défendre.

Le président : Il s'agit encore une fois d'une question supplémentaire. C'est le sénateur Baker qui a la parole pour l'instant.

Le sénateur Nolin : C'est le cœur du problème, là où nous l'avons laissé il y a un an et demi.

Le président : Nous nous occupons du projet de loi S-213. Nous n'étudions plus les autres projets de loi. J'aimerais que nous nous en tenions au projet de loi S-213. C'est de cela dont nous parlons. Monsieur Farrant, voulez-vous dire quelque chose? Je reviendrai ensuite au sénateur Baker, qui a encore la parole.

M. Farrant : Merci, monsieur le président. Évidemment, vu les commentaires que vous venez de formuler, le débat sur des termes comme « sauvage et cruel », ou le débat sur l'« excuse légitime », la « justification légale », l'« apparence de droit »; on a abordé toutes ces questions à l'occasion de chacune des cinq incarnations précédentes du projet de loi. Nous n'avons pas pu conclure les débats.

Le sénateur Stratton et le sénateur Nolin ont tous deux dit, au sujet du projet de loi, et je suis tout à fait d'accord avec leur façon de le dire, que nous devrions essayer de réaliser ce qui est réalisable. Pardonnez-moi d'évoquer ce genre de chose, mais il faut arrêter les gens qui mettent un chat dans le micro-ondes ou qui tirent un chien derrière un camion; il faut traiter ces gens sans pitié. C'est sur ça que nous nous concentrons ici, sur les gens qui se livrent à des comportements horribles comme ceux-là, des comportements que tous les êtres humains civilisés de la société ne peuvent tolérer. Le projet de loi S-213 permet d'avancer un peu pour régler ce problème.

De façon tout à fait juste, le sénateur Nolin a souligné que le projet de loi met l'accent sur les sanctions et les amendes, les dispositions concernant les sanctions, ce sur quoi tout le monde peut être d'accord, alors pourquoi ne pas faire un pas en avant à partir de là et essayer au moins de tirer quelque chose du dialogue qui se poursuit depuis sept ans et donc il n'est encore absolument rien ressorti.

Le sénateur Baker : Les documents que nous avons reçus de diverses organisations opposées au précédent projet de loi sur la cruauté envers les animaux contenaient des arguments très convaincants. Il s'agit d'organisations canadiennes. Le projet de loi nous mettait devant le problème suivant : les gens du Nord chassent le phoque à une époque de l'année où la couche de graisse qui entoure l'animal fait qu'il coule si on l'abat d'une balle, alors il faut le harponner. Évidemment, cela aurait été une infraction dans le cadre du projet de loi précédent, et, comme le sénateur Nolin l'a dit, nous devrions alors modifier la loi pour protéger les chasseurs de phoque.

Vous êtes de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick, et je pense que le gouvernement a demandé à votre organisation d'examiner la question de la cruauté en rapport avec la chasse aux phoques. Est-ce que je me trompe? Si j'ai raison, quelles sont vos conclusions en ce qui a trait à la chasse aux phoques dans le golfe du Saint-Laurent et la majorité des activités de chasse aux phoques à l'aide d'armes à feu au large du nord du Québec et de Terre-Neuve? Comment s'inscrivent-elles dans les projets de loi en question?

Dre Crook : Personne ne nous a demandé d'examiner les questions liées à la cruauté et à la chasse aux phoques. Nous l'avons fait par intérêt pour le sujet. L'énoncé de position de l'ACMV à ce sujet est le suivant : lorsque la chasse est effectuée selon les méthodes actuellement en vigueur et conformes au Règlement sur les mammifères marins, il ne s'agit pas de cruauté envers les phoques. C'est l'idée principale. La chasse est régie par le Règlement sur les mammifères marins. Lorsque la chasse est effectuée conformément à ce règlement, il n'y a aucune raison qu'elle fasse l'objet de poursuites.

Le sénateur Baker : Je présume qu'il y a une liste d'éléments à respecter pour s'assurer de tuer les animaux sans cruauté. Est-il exact que la liste inclut des choses comme le réflexe de clignement et d'autres exigences strictes?

Dre Crook : Oui.

Le sénateur Baker : Est-ce que c'est dans ce cadre que vous dites que la chasse aux phoques se fait sans cruauté si le chasseur suit le Règlement?

Dre Crook : Oui.

Le sénateur Baker : Vous êtes-vous penché sur la chasse effectuée à l'aide d'armes à feu au large du nord du Québec et de Terre-Neuve?

Dre Crook : Oui, une partie de notre énoncé de position concerne la chasse effectuée à l'aide d'armes à feu.

Le sénateur Baker : Comment cela s'inscrit-il dans le cadre du projet de loi à l'étude et de l'autre projet de loi dont vous faites la promotion? Comment le fait de tuer les animaux sauvages, dans le cas qui nous intéresse, les phoques, s'inscrit-il dans le cadre de chacun de ces projets de loi?

Dre Crook : Dans les deux cas, la chasse est régie par le Règlement sur les mammifères marins, alors il n'y a aucune raison d'intenter des poursuites à l'encontre des chasseurs de phoques dont les activités sont conformes au Règlement dans le cadre de ni l'un ni l'autre des projets de loi. Si une personne pose un acte très cruel envers un phoque, comme le battre à mort [...]

Le sénateur Baker : Que pensez-vous du fait qu'on les harponne dans le Nord, parce que les chasseurs disent qu'ils doivent le faire pour que le phoque ne coule pas dans le fond de l'océan?

Dre Crook : Si la chasse est faite de manière conforme à des pratiques normalisées, le chasseur ne peut être poursuivi dans le cadre de la loi actuelle, que ce soit le projet de loi S-13 ou le projet de loi C-373.

Le sénateur Downe : J'ai beaucoup aimé cette dernière réponse. J'appuie la cause des pêcheurs et des chasseurs de phoque, et je suis heureux que le projet de loi s'assortisse d'une telle disposition.

Un témoin a dit quelque chose, plus tôt, au sujet de l'appui du gouvernement à l'égard de l'actuel projet de loi S-213. J'aimerais qu'on clarifie cela, car j'ai peut-être mal compris. Je crois savoir que le ministre de la Justice, Victor Toews, a laissé savoir, dans une déclaration diffusée le 29 août 2006, qu'il appuie le projet de loi S-213, et que, deux jours plus tard, il s'est dit disposé à appuyer également le projet de loi C-50. Par conséquent, le gouvernement se montre disposé à accepter l'un de ces deux projets de loi.

Je crains que le projet de loi S-213, même s'il prévoit une augmentation des amendes, ne s'assortisse pas de mécanismes de poursuites permettant l'application efficace des amendes.

J'ai vu un rapport selon lequel la SPCA et les sociétés protectrices des animaux ont mené 29 000 enquêtes en 2000. J'ai appris que les procureurs de la Couronne sont réticents à porter des accusations, mais qu'ils le font tout de même parce que la SPCA et les sociétés de protection des animaux ne peuvent le faire d'elles-mêmes. Sur 29 000 enquêtes, on n'a engagé que 167 poursuites et obtenu environ 63 condamnations.

J'avancerais que nous n'avons rien compris. Convenez-vous du fait qu'une augmentation des amendes sous le régime d'un projet de loi imparfait, assorti de sanctions faibles, n'a vraiment aucune utilité, que nous nous contentons de paroles en l'air lorsque nous manifestons notre opposition à la cruauté aux animaux et nous nous engageons à tout faire pour la prévenir?

Dre Crook : Je suis d'accord. Vous avez très bien décrit la situation. Nous avons tenté de faire passer ce message, mais pas aussi bien que vous.

Le sénateur Milne : Mes questions abondent dans le même sens, mais j'adopte un point de vue plus pragmatique.

Docteure Crook, vous dites que des sanctions plus sévères s'imposent, mais que vous n'aimez pas ce projet de loi. Que reprochez-vous aux sanctions prévues?

Je conviens du fait que des sanctions plus lourdes s'imposent, et c'est pourquoi le sénateur Bryden a présenté ce projet de loi. Vous préconisez l'adoption du projet de loi C-373, dont le Sénat n'a pas été saisi pour l'instant. Il s'agit d'un projet de loi émanant d'un député libéral de la Chambre des communes. Croyez-vous qu'il sera adopté par cette chambre? Le gouvernement a dit qu'il n'appuyait pas ce projet de loi. Si le projet de loi échoue à la Chambre des communes, le gouvernement ne peut, au cours de la même session, mettre de l'avant un autre projet de loi qui dit la même chose.

Pourquoi ne pourrait-on pas faire adopter ce projet de loi, imposer des sanctions plus lourdes et attendre qu'on proposer un projet de loi amélioré dans l'avenir? J'appuie énergiquement ce projet de loi.

Dre Crook : Comme l'a signalé le sénateur Downe — chose que nous n'avons pas mentionné —, j'ai également entendu dire que le ministre de la Justice avait déclaré que son gouvernement appuierait un projet de loi comparable au projet de loi C-50. Le projet de loi C-373 a été déposé, et le gouvernement pourrait très bien l'appuyer.

Au bout du compte, nous n'obtiendrons pas les résultats escomptés si nous augmentons les amendes sans renforcer la capacité d'intenter des poursuites. Si nous adoptons un projet de loi qui se contente d'augmenter les amendes sans corriger les autres problèmes qui ont fait l'objet de recherches étendues et qui ont été mentionnés très souvent depuis de nombreuses années, nous manquons l'occasion qui se présente à nous d'améliorer la loi comme il se doit.

Le sénateur Milne : Vous revenez sur le témoignage de M. Farrant, selon lequel les groupes de protection des animaux disent ouvertement que les changements apportés à ce projet de loi et aux projets de loi antérieurs leur permettraient de miser sur des agents de la SPCA pour intenter des poursuites au privé.

Je suis d'accord avec les chasseurs et les pêcheurs sur ce point. J'ai vu ce que les militants pour la protection des animaux ont fait aux industries avicoles et laitières du Danemark. Je suis très préoccupée par la possibilité que de tels événements aient lieu au Canada.

Dr Boutet : Si le Canada fait preuve de leadership à l'égard de ces choses, si nous montrons que nous allons de l'avant et que nous adoptons des lois efficaces et modernes relatives à la protection des animaux, et si nous montrons que nous jouons un rôle de premier plan à ce chapitre, ces gens n'auront pas la possibilité d'intenter des poursuites au Canada comme on le fait dans des pays où la loi est faible ou inexistante. Il n'y a aucune loi comparable à cela au Canada.

Pourquoi? Peut-être avons-nous une vision différente des choses, ou peut-être sommes-nous déjà actifs dans le domaine de la protection des animaux. Nous faisons déjà quelque chose, dans une certaine mesure. En tout cas, de nombreux groupes essaient de faire quelque chose. Toutefois, le pays doit se doter d'au moins un instrument législatif efficace qui regroupe tous les codes de pratique relatifs, par exemple, aux animaux d'élevage, aux chenils, au transport, ou à autre chose. Ce sont des choses que l'ACMV tente de promouvoir dans l'ensemble de ces secteurs; nous encourageons les gens à faire preuve de leadership et à considérer la protection des animaux comme une bonne chose pour le pays et une bonne chose pour nous tous.

S'il y a une collaboration à tous les niveaux, ces groupes n'auront pas la capacité de faire cela; ils n'ont pas réussi à faire grand-chose dans notre pays jusqu'à maintenant. Je ne crois pas qu'une telle chose risque d'arriver. Il est facile d'avoir peur de choses que nous ne connaissons pas, mais, par le passé, nous avons été en mesure de contrer la plupart de ces efforts. Oui, cela s'est produit dans d'autres pays, mais le Canada est doté d'un appareil judiciaire efficace, et nous avons réussi à éviter de telles choses.

Le sénateur Milne : Vous aviez parlé en faveur de l'actuel projet de loi assorti de pénalités accrues. Vous dites que cela a fonctionné.

Dr Boutet : Cela dépend : si, pour vous, un projet de loi assorti de pénalités accrues est un projet de loi efficace, ce n'est pas mon cas.

Le président : Docteure Crook, vous vouliez ajouter quelque chose à ce qu'a dit le sénateur Milne.

Dre Crook : Oui. Si les groupes de protection des animaux voulaient engager des poursuites contre les aviculteurs ou d'autres éleveurs à l'égard de ce genre d'activités, ils pourraient le faire sous le régime du projet de loi actuel. Il n'y a aucune exemption.

Le président : Il faudrait qu'un juge rende une ordonnance avant qu'on puisse faire cela en vertu du code.

Dre Crook : Oui, mais une telle ordonnance serait toujours nécessaire sous le régime du projet de loi C-373, alors il n'y a aucune différence. Il ne serait pas plus facile pour eux de faire ce genre de chose. De fait, en attribuant une plus grande gravité aux infractions, il y a une participation plus précoce du procureur de la Couronne, car on doit veiller à réduire la probabilité de poursuites non fondées. Il n'y a pas lieu de croire que le projet de loi C-373 rendrait une telle chose plus probable que le projet de loi S-213 ou la loi actuelle.

Le sénateur Milne : Je ne suis pas d'accord.

Le sénateur Joyal : Mon premier commentaire concerne le diagramme de la page 11. Sous la rubrique « Problem », vous mentionnez les animaux sauvages ou errants. Vous dites que, cependant, il n'y a aucune disposition relative aux animaux sauvages ou errants, avec ou sans excuses légitimes.

Le 9 novembre, la question a été posée clairement au sous-ministre adjoint principal de la Justice, Donald Piragoff, sur l'interprétation de l'alinéa 446.1(1)a) du code actuel, sous la rubrique « cruauté envers les animaux ». On lui a présenté l'alinéa 445.1a) du projet de loi S-213, qui se lit comme suit :

Commet une infraction quiconque, selon le cas :

a) volontairement cause ou, s'il en est le propriétaire, volontairement permet que soit causée à un animal ou à un oiseau une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité;

M. Piragoff estime que l'alinéa 445.1(1)a) vise également les animaux errants, car le mot « ou » de la première ligne du projet de loi proposé a clairement un effet disjonctif. Autrement dit, quiconque cause volontairement à un animal une douleur, une souffrance ou une blessure, sans nécessité, quel que soit le statut de cette personne à l'égard de l'animal — propriétaire, gardien ou responsable — serait tenu responsable, en vertu du Code criminel, d'avoir causé sans nécessité de la souffrance. En d'autres mots, les deux situations sont couvertes par le code.

Je peux également vous citer les réponses de M. Piragoff aux questions que je lui ai posées concernant le Code criminel. Je vous cite le compte rendu de cette séance, où j'ai dit : « J'aimerais revenir au premier commentaire que vous avez fait en répondant à la question de notre président. Vous avez fait remarquer que les dispositions de l'alinéa 446(1)a) sont applicables aux animaux errants. Cet alinéa dit ceci : « volontairement cause à un animal ou un oiseau une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité ».

Cette disposition contient un « ou ». Autrement dit, vous pouvez être accusé en vertu de cette disposition si vous êtes le propriétaire d'un animal ou si vous êtes en possession d'un animal, ou encore si vous causez volontairement une douleur sans nécessité.

Si je comprends bien votre interprétation, il s'agit de l'article du Code criminel qui permet de poursuivre quiconque causerait volontairement et sans nécessité de la douleur à un animal qui se trouvait par exemple dans une forêt ou dans un lieu public et dont il n'est pas le propriétaire. Est-ce bien cela? »

M. Piragoff a répondu ce qui suit :

« Oui, sénateur. Comme vous l'avez mentionné, l'alinéa a), contient deux volets. L'un est que cette disposition est une disposition générale dans laquelle il est question de quiconque cause une douleur, volontairement et sans nécessité. L'autre volet — et c'est peut-être plus clair dans la version française — indique que si vous êtes le propriétaire, vous avez en outre une obligation de ne pas permettre de causer volontairement une douleur. Vous avez une obligation d'un degré supérieur à titre de propriétaire ».

C'est la conversation que nous avions eue à ce moment-là.

Je ne veux pas que nous laissions croire qu'on peut faire tout ce que l'on veut avec un animal qui ne nous appartient pas, car le code dit : « Commet une infraction quiconque volontairement cause à un animal ou un oiseau une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité. »

Votre diagramme devrait s'assortir de précisions ou de restrictions en ce qui concerne l'interprétation de la notion d'animal « sauvage » ou « errant ». Je crois que mon collègue, le sénateur Baker, pourrait vous citer, dans la jurisprudence, des cas où cela peut arriver.

Voulez-vous commenter?

Dre Crook : C'est intéressant, car je n'avais jamais entendu cela, les précisions fournies par l'homme dont vous parlez.

Le sénateur Joyal : Il s'agit du sous-ministre adjoint principal de la Justice.

Dre Crook : Tout ce que je sais, à la lumière des cas signalés par notre propre société de protection des animaux et de certains renseignements fournis par le sénateur Downe, c'est que les poursuites et les condamnations relatives aux animaux errants ou appartenant à des personnes sont rares, et lorsqu'il y en a, les sanctions imposées sont insignifiantes. Vous avez raison de dire que nous devrions reformuler cette partie du diagramme, mais il n'en demeure pas moins qu'il existe un problème bien réel en ce qui concerne l'absence de protection efficace, de mesures dissuasives et de conséquences liées à la maltraitance d'animaux errants.

Le sénateur Joyal : Laissez-moi reprendre le mot « dissuasion », que vous venez tout juste d'utiliser, car c'est sur cela que porte ma prochaine question. L'un des principaux objectifs des sanctions prévues dans le Code criminel consiste à punir les comportements qui, en vertu du Code, sont inacceptables au sein de notre société. Autrement dit, on prévoit que quelqu'un devrait être « puni ». Pour une infraction donnée, on prévoit une sanction. Si je vole un objet qui vaut 2 $ ou 50 cents, alors il y a une sanction liée au geste que j'ai commis, qui est un geste répréhensible. L'autre aspect de la sanction, c'est son effet dissuasif. De fait, le nouveau gouvernement du Canada croit fermement à l'effet dissuasif des sanctions. C'est pourquoi l'autre chambre est saisie d'un groupe de projets de loi visant à punir davantage de nombreuses infractions. Je n'ai aucune objection à ce que nous examinions ces projets de loi. Cela fait partie de notre travail.

Lorsque vous parlez d'assortir le projet de loi S-213 de sanctions équivalentes à celles qui sont prévues dans le projet de loi C-50, cela me porte à croire que vous reconnaissez l'effet dissuasif du projet de loi C-50, mais que vous ne reconnaissez pas l'effet dissuasif du projet de loi S-213. Selon moi, l'effet dissuasif de sanctions accrues tient à la fois à l'aspect punitif et à l'aspect dissuasif. Je ne vois pas comment vous pouvez arriver à la conclusion que ce projet de loi n'accomplit rien. Il accomplit certainement quelque chose. Je conviens du fait qu'il ne correspond pas à ce que vous décrivez à la page 5 de votre mémoire — c'est-à-dire la liste de nouvelles infractions. Je suis tout à fait d'accord avec vous, et j'ai des opinions sur cela, si je dois me prononcer sur chacune de ces nouvelles infractions. Toutefois, il est illogique de nier devant nous le fait que chacune des nouvelles sanctions prévues dans le projet de loi S-213 correspond en tous points à celles qui sont prévues dans le projet de loi C-50 et dans le projet de loi C-373.

Dre Crook : J'en conviens. Je ne voulais pas dire cela. Si j'ai dit cela, je me suis mal exprimée. Je reconnais que les sanctions accrues prévues dans les projets de loi S-213 et C-373 sont similaires et auraient des conséquences dissuasives ou punitives similaires.

Toutefois, je crains qu'il n'y ait moins de poursuites sous le régime du projet de loi S-213, car ces autres problèmes existent, comme toute cette question de la négligence. Bien souvent, on n'arrive pas à étayer les motifs de la poursuite, et il y a eu des affaires où les animaux d'élevage, par exemple, sont morts de faim. Lorsqu'il s'agit de négligence, on ne peut prouver qu'une personne avait l'intention de négliger ses animaux, car on perçoit cela comme une chose accidentelle, comme un malheureux concours de circonstances. Or, le projet de loi C-373 tient compte de ces préoccupations. Il y a aussi la question d'animaux tués brutalement ou méchamment. Je crois que la société a fortement intérêt à reconnaître qu'il s'agit de crimes violents et qu'il faut réagir, même si l'animal meurt très rapidement.

Ce n'est pas que nous ne croyons pas à l'effet dissuasif de sanctions plus sévères; c'est seulement que nous ne croyons pas qu'elles pourraient être appliquées aussi efficacement ou à toutes les situations où on devrait les appliquer, comme le permettrait l'autre projet de loi.

Le sénateur Joyal : Nous nous sommes efforcés de tenir compte du dicton selon lequel « le mieux est l'ennemi du bien ». De nombreux aspects que vous proposez à la page 5 de votre mémoire relèvent du gros bon sens, par exemple, la négligence volontaire. Toutefois, nous sommes confrontés à une série d'autres modifications dont l'incidence est inconnue, comme la deuxième disposition, relative à la propriété. Si vous demandez au Parlement de tout faire en même temps à cet égard — eh bien, vous avez vu quels problèmes nous avons connus au cours des cinq dernières années. Selon moi, il serait plus pragmatique de procéder de façon progressive. Nous devons bâtir progressivement ce consensus, de façon, peut-être, à atteindre, à la fin de cette évolution, dans le cadre d'une initiative, la révolution que vous espérez.

C'est pourquoi j'estime que ce projet de loi est approprié. J'aimerais que nous votions sur cela le plus tôt possible afin que nous puissions continuer d'examiner les autres points que vous avez mis de l'avant à la page 5 de votre mémoire et nous entendre sur les autres dispositions que vous aimeriez voir enchâsser dans le code.

Il semble maintenant que les difficultés soient si nombreuses que nous ne pourrons réaliser nos objectifs, car nous tentons de tout faire en même temps, surtout en ce qui concerne les articles relatifs à la propriété. Comme vous le savez, nous nous sommes penchés sur d'autres lois de partout dans le monde. Cet aspect est le plus problématique. Je ne dis pas qu'il est impossible d'en tenir compte, mais c'est l'aspect le plus problématique, pour les nombreuses raisons mises de l'avant dans le mémoire de M. Farrant. Il avance, notamment, qu'une telle démarche pourrait nous mener ailleurs, et que nous ignorons où exactement cela va nous mener. Cela va mener à la prise d'initiatives dont l'issue est incertaine, et nous tenons à tenir compte de cela maintenant.

Le président : Docteure Crook, je vous vois hocher la tête.

Dre Crook : Je comprends certains de vos arguments, mais laissez-moi vous poser la question suivante : vu le caractère litigieux de cette question et le nombre d'années qu'on a dû mettre pour en arriver où nous en sommes, si le projet de loi S-213 est adopté, combien de temps devrons-nous attendre avant que le Parlement et le Sénat soient de nouveau disposés à se pencher sur la question et à envisager d'autres changements? Ne croyez-vous pas, comme nous, qu'il est préférable d'améliorer le projet de loi le plus possible avant de le faire adopter?

Le sénateur Joyal : Regardez autour de vous. Nombre des personnes ici présentes ont pris part à toutes les démarches antérieures. Je suis prêt à envisager d'autres modifications éventuelles qui permettraient d'obtenir un consensus.

Le sénateur Nolin : Nous le ferons encore.

Le sénateur Joyal : Nous sommes prêts à faire cela à la lumière de ce que nous avons entendu au cours des quatre ou cinq dernières années.

M. Farrant : J'aimerais signaler quelque chose de plus terre à terre. Si ce projet de loi est adopté par le Sénat, il sera ensuite soumis à l'autre chambre, et il doit être adopté par l'autre chambre. Or, on s'attend, de façon générale — et je ne suis pas un expert des prévisions en matière de manœuvres électorales —, à ce qu'il y ait une élection au printemps. Le projet de loi C-373 est un projet de loi émanant d'un député, de sorte qu'il sera encore plus difficile de le faire adopter par la Chambre des communes et par le Sénat d'ici mars ou avril. Nous avons devant nous un projet de loi qui fait déjà son chemin dans la Chambre haute, et tout porte à croire que ce projet de loi bénéficierait d'un certain appui dans l'autre chambre. J'avancerais que, si nous poursuivons cette approche tous azimuts et continuons de nous attacher à ce qui aurait pu être fait, à ce qui aurait dû être fait ou à ce qui pourrait être fait, et si nous continuons de parler du projet de loi C-50 ou du projet de loi C-373 au lieu de nous concentrer sur le projet de loi étroit qui a été soumis, nous allons encore finir les mains vides.

Le président : C'est entendu. Plusieurs personnes ont formulé cet argument. Je crois que tout le monde en convient.

Le sénateur Stratton : Je suis tout à fait d'accord avec les sénateurs Joyal et Milne. Je suis toujours d'avis que nous devons nous en tenir à ce qui est réalisable. C'est un peu comme la question de la réforme du Sénat. Nous avons essayé de le faire au lac Meech et à Charlottetown. Tout le monde frémit à l'idée de revenir sur cette question, alors on le fait petit à petit. C'est réalisable, selon nous. C'est de cette façon que j'envisage le projet de loi. C'est un premier pas.

Si ce projet de loi est adopté, vous craignez que les pressions exercées sur le gouvernement ne disparaissent, et que ce dernier ne fasse rien. Essayez-vous de me dire que vous seriez disposée à exercer moins de pressions afin qu'on puisse continuer d'améliorer la loi? C'est ça que vous dites? Je n'y crois pas. Vous exerceriez des pressions afin que ce projet de loi soit adopté, et ensuite, vous réclameriez une réforme plus poussée. Vous exerceriez des pressions sur les gouvernements, quelles que soient leurs allégeances, afin qu'ils mènent la réforme plus loin. Je ne comprends pas pourquoi vous refusez ce projet de loi tout en exerçant des pressions pour qu'on modifie davantage d'autres projets de loi soumis à l'autre chambre.

Le président : N'est-ce pas un bon premier pas? C'est la première question que je vous ai posée. C'est de cela que nous sommes partis.

Le sénateur Stratton : Oui.

Dre Crook : L'ACMV et d'autres organismes réclameraient une réforme plus poussée, mais il y a fort à parier que le gouvernement serait plutôt réticent à se pencher de nouveau sur la question.

Dr Boutet : C'est notre point de vue de la chose.

Le président : Docteure Crook, docteur Boutet et monsieur Farrant, au nom des membres du comité, je vous remercie beaucoup d'être venus nous rencontrer cet après-midi et de nous avoir fait part de votre point de vue sur un projet de loi qui est bref, mais qui prévoit des sanctions plus sévères.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous accueillons maintenant la Dre Bessie Borwein, conseillère spéciale du vice-président de la recherche à l'Université de Western Ontario. Elle a siégé à de nombreux comités universitaires provinciaux et nationaux. Nous accueillons également des représentants de la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux, organe national regroupant les sociétés d'assistance aux animaux et les sociétés pour la prévention de la cruauté envers les animaux. La Fédération regroupe les personnes qui travaillent auprès des animaux et en prennent soin en vue de promouvoir le respect et le traitement respectueux de tous les animaux. La Fédération est représentée aujourd'hui par Shelagh MacDonald, directrice des programmes, et par Mike Draper, président-directeur général intérimaire. Soyez les bienvenus.

Dre Bessie Borwein, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de m'adresser à vous et d'échanger avec vous. Comme le savent certains d'entre vous, je n'en suis pas à mon premier témoignage. J'ai déjà comparu devant votre comité. J'ai eu le privilège d'échanger avec un sénateur sur cette question, et c'était une expérience merveilleuse. Nous avons eu des conversations privées sur cette question.

Même si je témoigne à titre personnel, je puis vous affirmer que je jouis de l'appui de l'Université, et que j'exerce depuis longtemps les fonctions d'administratrice universitaire au sein de divers organes de recherche. Ce genre de projet de loi soulève de grandes et graves préoccupations dans le domaine des sciences de la vie, y compris en médecine.

Je suis ici pour manifester mon appui à l'égard du projet de loi S-213 et pour féliciter le sénateur John Bryden de la concision et de la clarté de son projet de loi, car il donne suite aux principales préoccupations de la vaste majorité des Canadiens en ce qui concerne l'imposition de sanctions plus lourdes à l'égard d'actes de violence gratuite envers les animaux et l'application améliorée de ces sanctions. Je me réjouis également du fait que ce projet de loi laisse les dispositions relatives à la cruauté envers les animaux dans la partie du code criminel relative aux crimes contre la propriété, où elles se trouvent depuis plus de 100 ans, et où elles se trouvent dans la plupart des lois d'autres pays. Je ne suis pas certaine qu'elles se retrouvent dans toutes les lois. C'est un point très important, car, comme nous l'ont dit les représentants de l'Ontario Federation of Anglers and Hunters, et comme nous l'ont dit à maintes reprises les avocats que nous avons consultés, le déplacement des dispositions relatives à la cruauté envers les animaux aurait une incidence importante, et ces dispositions s'assortissent également de protections dans le domaine des sciences médicales et pour les chercheurs de ce domaine.

Je tiens à signaler que, de façon générale, il y a un fossé entre la vaste majorité de personnes qui s'intéressent au bien- être des animaux — c'est-à-dire qui respectent les animaux et qui veulent qu'on en prenne soin — et les militants pour la défense des animaux, qui adhèrent à une idéologie extrémiste. Ils évoluent vraiment dans un monde fanatisé et s'attendent à la naissance d'une société où les gens n'utiliseront pas les animaux à leurs propres fins. Ils tentent, pas à pas, d'obtenir pour les animaux ce qu'ils appellent la « qualité de personne » et la capacité juridique. La plupart des organismes qui militent pour la protection des droits des animaux ne s'occupent pas d'animaux. Ce sont les organismes qui s'intéressent au bien-être des animaux qui font cela. Nous avons besoin de ces derniers, mais nous n'avons pas vraiment besoin des militants pour la défense des animaux. C'est un mouvement très riche. Il a des ressources financières énormes. Il travaille essentiellement pour promouvoir son idéologie.

Je tiens à répéter ce que je vous ai déjà dit : ici au Canada, dans tous les domaines de recherche en biologie, et la médecine n'est qu'un élément spécialisé de la biologie, les animaux sont bien protégés par le Conseil canadien de protection des animaux. C'est un organisme puissant qui jouit d'une admiration et d'une reconnaissance internationale. Ses évaluations sont très importantes. Les chercheurs doivent satisfaire à ses exigences pour obtenir du financement des principaux organismes de bienfaisance du domaine de la santé et d'autres bailleurs de fonds.

Cette démarche s'inscrit dans un contexte très chargé, et c'est de cela que je veux vous parler. Nous, les membres du milieu de la recherche médicale — et je crois savoir que le sénateur Bryden est dans la même situation —, avons reçu un certain nombre de lettres, par exemple de la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux, du Conseil des universités de l'Ontario, de l'Association des universités et collèges du Canada, et de présidents d'université qui appuient ce projet de loi, et avec raison, car nous avons tous été victimes d'un harcèlement extraordinaire de la part des extrémistes de la défense des droits des animaux, chose qui ne fait pas la une des journaux tous les jours.

Selon moi, les extrémistes de la défense des droits des animaux percevaient le Canada comme une administration douce et conciliante qui pourrait servir de catalyseur dans le cadre de leurs efforts pour distinguer les animaux de la propriété et ainsi promouvoir la qualité de personne, et ensuite, la capacité juridique, pour les animaux. Ils espéraient façonner au Canada le modèle qui servirait de catalyseur international pour leur cause. J'ai écrit un document sur cette question, dont je vous remets copie. Ils ont même déclaré, dans des publications relatives aux projets de loi antérieurs qui ont été présentés au Sénat et au Parlement, que l'adoption du projet de loi mènera à l'émancipation des animaux, car, aux yeux des extrémistes de la protection des droits des animaux, les animaux sont nos esclaves.

L'activité militante pour la protection des droits des animaux est source de problèmes et a un impact important, car c'est l'œuvre d'extrémistes, et nombre d'entre eux sont des terroristes. Si on qualifie de terroriste la personne qui arrive à ses fins par la violence, alors il s'agit de terroristes dont la cause est la protection des droits des animaux. Aucune de ces personnes n'agit seule. Elles doivent bien bénéficier du soutien de quelqu'un. Elles doivent bénéficier d'une base de soutien active ou passive.

Pourquoi la recherche est-elle si importante? Elle est très importante pour la santé des Canadiens et de nos animaux et pour la formation de la prochaine génération de chercheurs, de médecins et de vétérinaires. Les secteurs privé et public investissent énormément de fonds dans la mise en valeur de la recherche. Par exemple, en novembre dernier, le gouvernement fédéral annonçait une subvention de 6,9 millions de dollars pour soutenir un réseau de recherche sur la mammite bovine à l'Université de Montréal. La mammite bovine, qui a manifestement une incidence économique importante, est un problème à l'égard duquel nous n'en savons pas assez. En sciences, nous n'en savons jamais assez.

Je suis très heureuse de vous dire que ma petite-fille a obtenu, avec distinction, son diplôme en médecine vétérinaire de l'Université de Saskatoon, au cours de l'année. J'ai remarqué que ses manuels de microbiologie et de physiologie sont identiques à ceux que nous utilisons dans les écoles de médecine, car le savoir biologique est le même pour l'ensemble des êtres vivants.

La biologie s'intéresse à tous les êtres vivants : nous partageons de nombreuses maladies, et nous sommes souvent affligés par les mêmes virus et les mêmes vers. Par exemple, 60 p. 100 des chiens golden retriever meurent du cancer. Le cancer est une maladie qui s'attaque également aux animaux; c'est une maladie qui attaque la chair animale.

Dans mon mémoire, que j'ai soumis au préalable à votre comité, je décris les persécutions croissantes infligées au cours des 25 dernières années par les extrémistes de la protection des droits des animaux aux chercheurs, aux hôpitaux, aux universités, aux établissements et aux entreprises privées. Parmi les gestes perturbateurs commis par ces gens, mentionnons la tenue de manifestations organisées, des vols, des menaces, des introductions par effraction, du vandalisme, des graffitis injurieux — avec des mots comme « meurtrier » — la destruction de laboratoires, des attaques au cocktail Molotov sur l'automobile d'employés lorsqu'ils sont chez eux, des menaces proférées à domicile — autant de choses qui font très peur aux employés et à leur famille.

Nous avons vu au Canada des menaces concernant l'empoisonnement de dindes, et des menaces concernant l'empoisonnement de barres Cold Buster. De telles choses se produisent, et perturbent les travaux des chercheurs et de tous ceux qui travaillent avec eux. Un chercheur que je connais m'a dit que l'attaque contre ses installations a interrompu pour plus d'un an ses travaux de recherche sur le sommeil, dans le cadre desquels il utilisait des chats et des chatons.

Les militants pour la protection des droits des animaux, dont l'arsenal évolue constamment, ciblent maintenant ceux qui font affaire avec les chercheurs et les établissements de recherche. Ce ciblage, qu'on pourrait qualifier secondaire et tertiaire, et cette intimidation ont tellement d'impact que la Bourse new-yorkaise a récemment refusé de coter les actions de Huntingdon Life Sciences, grande société de recherche privée.

Huntingdon Life Sciences, qui exerçait à l'origine ses activités en Grande-Bretagne, a déplacé son siège social aux États-Unis. Elle a subi pendant sept ans des persécutions planifiées d'un organisme qui s'appelle Stop Huntingdon Animal Cruelty, organe auxiliaire jouissant du soutien de People for the Ethical Treatment of Animals, ou PETA, organisme extrémiste d'envergure qui a beaucoup d'argent, dont les revenus sont supérieurs à 20 millions de dollars par année.

L'attaque contre Huntingdon Life Sciences en Grande-Bretagne a commencé par de petites manifestations qui se sont envenimées : on a frappé le propriétaire sur la tête, et il a dû aller à l'hôpital; on se rendait au domicile des employés; on publiait le nom des écoles que les enfants des employés fréquentaient; on jetait des cocktails Molotov sur les automobiles; et on a fini par cibler les grandes banques et les principaux établissements financiers. Les bailleurs de fonds en Grande-Bretagne étaient si intimidés qu'ils ont retiré le financement qu'ils avaient consenti à Huntingdon Life Sciences et l'ont menée au bord de la faillite, et c'est à ce moment-là que le premier ministre Blair a ouvert un compte pour la société à la Banque d'Angleterre. Il a dit que, si la tendance se maintenait, tous les établissements de recherche de la Grande-Bretagne partiraient. J'ai suivi de près cette saga au fil des ans, et je vous dirai plus tard ce qui est arrivé.

Le président : Pouvez-vous me donner une idée du temps dont vous avez besoin pour terminer votre exposé? J'aimerais également entendre le témoignage de la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux.

Dre Borwein : Je tiens à vous dire que, le 27 novembre passé, la Gazette de Montréal a fait état de plusieurs manifestations bruyantes au cours desquelles on tenait un langage grossier à l'extérieur du domicile de deux membres de la direction de sociétés qui, selon les extrémistes, traitaient les animaux de façon cruelle, ce qui a bien sûr occasionné beaucoup d'anxiété non seulement pour ces gens et leur famille, mais aussi pour leurs voisins.

Tous ces événements ont mené à la prise de mesures. La Grande-Bretagne, qui a été confrontée à une telle escalade, a appris qu'on ne peut apaiser les fanatiques et les extrémistes, et a réagi en proposant la Serious Organised Crime and Police Act 2005, qui a été promulguée et a mené à la création d'une unité policière de coordination nationale des efforts de lutte contre l'extrémisme. On considère maintenant comme une infraction criminelle le fait de cibler les chercheurs, les installations de recherche ou les entreprises qui font partie de la chaîne d'approvisionnement. Je vous fais grâce des détails, car vous les trouverez dans le mémoire. Les États-Unis ont maintenant adopté une loi importante, la Animal Enterprise Terrorism Act, qui prévoit des mécanismes de protection analogues car le problème du terrorisme lié à la protection des droits des animaux a pris beaucoup d'ampleur.

À titre d'information, sachez que deux de ces terroristes de la protection des droits des animaux sont venus au Canada pour nuire à la chasse aux phoques. L'un d'eux, le Dr Jerry Vlasak, est interdit de séjour au Royaume-Uni. Il parlait au nom du Physicians Committee for Responsible Medicine, organe établi par PETA. Je vous le demande : avez-vous déjà entendu quiconque se prononcer en faveur de la médecine irresponsable? C'est un nom trompeur. Il a dit : « Je crois que, avec cinq vies, dix vies ou 15 vies humaines, nous pourrions sauver un million, deux millions ou dix millions de vie non humaine. » Il a répété cela aux membres d'un comité sénatorial américain, qui n'en croyaient pas leurs oreilles.

Stephen Best, un autre fanatique de la protection des droits des animaux qui est venu au Canada, a déclaré : « Nous allons violer la loi et détruire la propriété jusqu'à la victoire. Nous sommes des abolitionnistes. Nous ne voulons pas de réforme. Nous allons lutter et, s'il le faut, nous allons mourir pour libérer les esclaves. » Par « esclaves », il veut dire les animaux. C'est clairement de la provocation.

Nous devons nous intéresser à ce problème et, en tant qu'êtres humains, nous devons bien traiter les animaux. Toutefois nous n'avons pas à faire des efforts pour calmer les extrémistes. Nous avons le devoir de veiller à ce que nous traitions les animaux de façon non cruelle.

Le Royaume-Uni et les États-Unis ont pris des mesures pour contrer le terrorisme lié à la protection des droits des animaux, qui menace non seulement les chercheurs, mais aussi le bien-être économique.

Il est très important de veiller à ce que la cruauté envers les animaux demeure parmi les dispositions du Code criminel relatives aux crimes contre la propriété. À la lumière de ce que je viens de vous dire, je tiens à féliciter le Sénat de sa démarche, d'avoir adopté un projet de loi qui, s'il est imparfait, a au moins le mérite, comme quelqu'un ici l'a dit, d'être réalisable.

Le président : Ce sont les paroles du sénateur Stratton.

Dre Borwein : Merci. Je crois également que la loi donne le ton. Elle ne permet peut-être pas de faire ce que tout le monde veut qu'elle fasse, mais on ne saurait nier que l'adoption d'une loi permet de donner le ton à notre société. Je vous remercie beaucoup.

Le président : Vous avez mentionné que vous avez apporté avec vous un document de votre cru. Comment s'intitule ce document?

Dre Borwein : Je vous laisse le document. Je l'ai intitulé « Moving Animals Towards Personhood ». C'est au sujet des attitudes et de l'approche qu'adoptent les extrémistes de la protection des droits des animaux dans leur campagne pour que les animaux obtiennent la qualité de personne.

Le président : Notre greffier se chargera de prendre votre document et de le faire circuler parmi les sénateurs.

Accueillons maintenant les représentants de la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux

Shelagh MacDonald, directrice des programmes, Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux : Bonjour. Tout d'abord, je tiens à faire une petite mise au point : Mike Draper est le président-directeur général intérimaire de la SPCA de l'Ontario, et il a exercé pendant de nombreuses années les fonctions d'inspecteur en chef de la SPCA de l'Ontario.

Le président : Désolé.

Mme MacDonald : Ça va. Merci beaucoup de l'occasion de vous parler aujourd'hui de cette question très importante. Je vais brosser rapidement le portrait de notre organisme.

La Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux, ou FSCAA, est un organisme de bienfaisance nationale qui se consacre depuis 1957 — c'est-à-dire presque 50 ans — au bien-être des animaux. Il s'agit, à vrai dire, de la première et de la principale tribune nationale des sociétés de protection des animaux et des sociétés pour la prévention de la cruauté envers les animaux, ou SPCA, et nous appuyons les efforts de nos organismes membres de partout au Canada pour promouvoir le traitement respectueux et non cruel de tous les animaux.

Je ne saurais trop insister sur le fait que la FSCAA n'est pas un organisme de défense des droits des animaux et qu'elle n'adhère pas à une philosophie axée sur la protection des droits des animaux. Cette philosophie part du principe selon lequel les animaux et les humains sont égaux, et les tenants de cette philosophie s'opposent généralement à l'utilisation de tout animal à toute fin, même si elle n'est pas cruelle, y compris le fait d'élever des animaux pour l'alimentation ou d'avoir des animaux de compagnie. Nous ne partageons pas ce point de vue.

Je vais donner suite à certains commentaires de la Dre Borwein concernant les organismes de protection des droits des animaux. Au fil des ans, une part importante du débat sur cette question a touché ces organismes. Les groupes de protection des droits des animaux ne sont pas habilités à engager des poursuites privées. Il importe de ne pas oublier cela. Ils ont beau faire de nombreux coups d'éclat, ils n'ont aucun pouvoir juridique, contrairement aux SPCA et aux sociétés de protection des animaux, de porter des accusations. Nous pourrions parler de cela plus tard.

Nous adhérons à des principes de protection des animaux qui favorisent l'utilisation responsable et non cruelle des animaux, ce qui reflète les valeurs de la majorité des Canadiens. La FSCAA est un organisme de protection des animaux qui se consacre à l'amélioration du bien-être des animaux de compagnie, d'élevage et de laboratoire ainsi que des animaux sauvages, et, depuis plus de 20 ans, nous collaborons avec divers groupes industriels, les gouvernements et d'autres intervenants à l'élaboration de codes de pratique relatifs à la garde et à la manutention de divers types d'animaux. Nous comptons également parmi les membres fondateurs du nouveau Conseil national de la protection des animaux d'élevage, qui s'efforcent de mettre au point un nouveau système de codes de pratique destiné principalement au bétail ou aux animaux d'élevage.

Nous sommes un membre fondateur du Conseil canadien de protection des animaux, organisme internationalement reconnu qui surveille l'utilisation d'animaux en recherche. Cet organisme est connu partout dans le monde. Le CCPA a appuyé les modifications proposées par le gouvernement précédent concernant la cruauté envers les animaux, y compris la démarche visant à retirer ces dispositions de la section relative aux crimes contre la propriété.

C'est la deuxième fois que la FSCAA témoigne devant votre comité sénatorial, et nous nous réjouissons d'être ici de nouveau. La fédération a toujours entretenu des liens solides avec le Sénat. Un ex-membre de la Chambre haute, le regretté sénateur Frederic McGrand, était médecin de formation. Il était le directeur fondateur de la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux, et il a été président de la Fédération de 1960 à 1965. Il a été l'un des premiers à reconnaître et à comprendre le lien entre la cruauté envers les animaux et la violence faite aux êtres humains. De fait, c'est grâce au sénateur McGrand si, en 1980, le Sénat a produit un rapport intitulé L'enfant en péril, qui portait sur les expériences marquantes de la petite enfance, y compris les mauvais traitements et la cruauté envers les animaux, comme causes du comportement criminel.

On a bien étayé, au cours des dernières décennies, le lien entre la cruauté envers les animaux et la violence faite aux êtres humains. De nombreux tueurs en série et d'autres délinquants violents ont commencé par torturer et martyriser des animaux. Un certain nombre de tueurs en série ont maltraité des animaux pendant leur enfance. De fait, les données cliniques montrent que la cruauté envers les animaux compte parmi les symptômes précurseurs de troubles des conduites.

Quand le Sénat a débattu de ce projet de loi en juin, le sénateur Nolin a décrit en détail le lien entre la cruauté envers les animaux et la violence conjugale, et a cité des études importantes sur cette question. Il a déclaré que les enfants qui maltraitent des animaux sauvages et domestiques ne sont pas tous victimes de violence, mais que, selon les études, les enfants qui maltraitent ou torturent systématiquement des animaux sont plus susceptibles de commettre des crimes graves à l'âge adulte. Il a dit que vous aviez raison de ne pas accepter toutes les propositions présentées auparavant, mais que le projet de loi qui nous intéresse actuellement a le mérite de jouir de l'appui de presque tous les segments de la société.

Je félicite le sénateur Nolin d'avoir mis de l'avant l'information concernant le lien avec la violence. Toutefois, je ne partage pas son opinion en ce qui concerne l'appui. Je crois que le projet de loi précédent jouissait d'un appui beaucoup plus vaste que le projet de loi S-213.

En 2003, le projet de loi C-10B jouissait de l'appui d'une très vaste coalition de groupes industriels ainsi que de groupes de protection des animaux, et il a été adopté à l'unanimité par la Chambre des communes. Comme vous le savez, l'examen de ce projet de loi par le Sénat a tardé.

Malheureusement, le projet de loi S-213 ne jouit pas d'un tel appui. Les groupes de protection des animaux, y compris les sociétés de protection des animaux et les SPCA qui sont habilités, à titre d'agents de la paix, à appliquer les lois relatives à la cruauté envers les animaux, s'opposent à ce projet de loi, car il ne comble pas les lacunes considérables dont nous avons parlé aujourd'hui.

Comme vous le savez, la loi actuelle a été promulguée en 1892. Il y a dans la loi actuelle de graves lacunes qui sont maintenues par le projet de loi S-213. La négligence volontaire est un problème énorme, et il est toujours aussi difficile de porter des accusations relatives aux mauvais traitements contre des animaux sauvages ou errants. Ces situations sont visées par d'autres articles du projet de loi, certes, mais il est difficile d'engager des poursuites.

Le fait de traiter la cruauté envers les animaux comme crime contre la propriété ne reflète pas la réalité d'aujourd'hui. Il y a plusieurs autres choses qui figuraient dans le projet de loi du gouvernement précédent. Je ne vais pas les énumérer, car vous avez le mémoire devant vous.

Le projet de loi S-213 ne comble aucune de ces lacunes, et c'est pourquoi nous ne pouvons l'appuyer. Nous avons parlé de cela en long et en large cet après-midi. Nous avons discuté de cela avec le sénateur Bryden au printemps et au début de l'été. Il a dû admettre que le projet de loi était imparfait. Nous ne croyons pas qu'un projet de loi imparfait soit suffisant. Nous convenons du fait que les sanctions plus sévères s'imposent. Il n'y a aucun doute sur cette question. Personne ne conteste cela. Toutefois, nous accordons beaucoup d'importance à la nécessité de modifier les infractions, et c'est pour cette raison que nous n'appuyons pas le projet de loi. Les problèmes fondamentaux, — les points de détail, les problèmes de formulation, les échappatoires — sont trop importants pour qu'on en fasse fi et que l'on continue de cautionner et de consacrer le droit du XIXe siècle au XXIe siècle.

Lorsqu'il a donné le coup d'envoi aux discussions sur ce projet de loi, au début de novembre, le sénateur Bryden a déclaré que ce projet de projet comble la principale lacune, c'est-à-dire celle qui concerne les dispositions relatives à la détermination de la peine. Nous ne sommes pas d'accord.

Nous estimons que, si ce projet de loi était adopté maintenant, il serait extrêmement difficile de soumettre ultérieurement des modifications à la loi. Je sais qu'un certain nombre d'entre vous avez laissé entendre que nous devrions faire adopter le projet de loi maintenant et corriger le reste plus tard. J'avance qu'il serait très difficile de faire cela. Comme vous le savez, on traîne de la patte sur cette question depuis longtemps.

Le président : Pourquoi cela serait-il si difficile?

Mme MacDonald : Nous craignons qu'il n'y ait pas de volonté soutenue d'envisager un projet de loi si un autre a déjà été adopté. Si ce projet de loi est adopté, je crois que certains parlementaires estimeront que nous avons réglé la question de la cruauté envers les animaux. Or, ce ne serait pas le cas, et nous craignons que les parlementaires soient moins ouverts à un nouveau projet de loi à ce moment-là. Nous croyons qu'il est beaucoup plus important de bien faire les choses maintenant et de ne pas promulguer en 2006 une loi assortie de formules désuètes qui remontent à 1892.

L'un des problèmes que pose la loi actuelle, c'est qu'on ne considère pas comme une infraction le fait de tuer un animal errant ou sauvage. Une personne pourrait tuer un raton-laveur, un chien errant ou les chats sur la colline du Parlement pour une raison ou pour une autre, tout simplement parce qu'elle ne les aime pas, et ce n'est pas une infraction. C'est l'un des principaux problèmes liés aux infractions concernant les animaux errants et sauvages.

Le sénateur Bryden se dit préoccupé par la possibilité que le retrait des dispositions relatives aux animaux de la section portant sur les crimes contre la propriété ne constitue un pas de plus des animaux vers la qualité de personne. Je crois que la Dre Borwein a mentionné cela. Nous ne croyons pas qu'une telle hypothèse soit fondée. Le fait d'écarter les animaux de la section du code criminel relative aux crimes contre la propriété ne conférerait aucun droit aux animaux. Nous avons toujours insisté sur ce fait dans les débats sur cette question. Ni ce projet ni les projets de loi du gouvernement précédent ne concernent les droits des animaux. Certains groupes de l'industrie des productions animales ont laissé entendre que cette mesure allait conférer des droits aux animaux. Ce n'est pas le cas. Elle n'influerait aucunement sur la capacité des gens de posséder des animaux. Les éleveurs continueraient de posséder des animaux d'élevage, et les gens continueraient de posséder des chats et des chiens. De fait, le projet de loi du gouvernement précédent, c'est-à-dire le projet de loi C-50, contenait le verbe « posséder ». C'est seulement que la cruauté envers les animaux ne serait plus considérée comme un crime contre la propriété. Les animaux ne sauraient être assimilés aux autres types de propriété, et ils devraient faire l'objet de dispositions particulières visant à les protéger.

Le fait d'éliminer les animaux de la section relative aux crimes contre la propriété n'influerait aucunement sur des activités légales comme la chasse, la pêche, l'élevage et la recherche scientifique. Ces activités sont considérées comme des excuses légitimes. On entend par « excuse légitime » les activités qui sont légales. Comme l'a mentionné la Dre Crook au cours de la table ronde précédente, les activités visées par des normes de pratique n'ont pas à être réglementées pour être considérées comme légales. La loi tiendrait compte de la réglementation, des normes de pratique et des codes de pratique relatifs à l'utilisation d'animaux dans diverses industries.

Le projet de loi mis de l'avant par le sénateur Bryden n'est pas conforme à la vision de la majorité des Canadiens, y compris les chasseurs et les pêcheurs. Nous sommes impatients de vous présenter — la semaine prochaine, si je ne m'abuse — les résultats du sondage national que nous avons mené très récemment sur cette question. Je ne peux vous en dire davantage pour l'instant, mais sachez que les résultats donnent une idée très claire de l'opinion des Canadiens en ce qui concerne la protection des animaux contre la cruauté.

Le président : Quand a-t-on administré le sondage? Qui l'a mené? De quelle taille était l'échantillon?

Mme MacDonald : Les résultats seront diffusés la semaine prochaine, alors je ne peux pas vous dire grand-chose pour l'instant, mais il s'agit d'un sondage que nous avons mené sur cette question. Nous avons posé quatre ou cinq questions.

Le président : S'agit-il d'un sondage administré à l'interne par votre organisme? Avez-vous retenu les services de professionnels externes?

Mme MacDonald : Je ne me souviens pas du nom de la maison de sondage, mais il n'a pas été mené par nous. Il s'agit d'un sondage officiel, et nous en diffuserons les résultats la semaine prochaine.

Le président : Avancez-vous que les éleveurs, les chasseurs et les pêcheurs n'appuient pas ce projet de loi?

Mme MacDonald : Nous n'avons pas formulé la question de cette façon. Les questions concernaient la protection de divers types d'animaux. Je ne peux vous en dire davantage, car cela ruinerait l'effet de surprise. Vous devrez être à l'écoute la semaine prochaine.

Au cours des sept dernières années, on a pu constater à maintes reprises que le grand public canadien a beaucoup à cœur de protéger les animaux et qu'il veut que son Parlement édicte une loi efficace qui reflète les valeurs canadiennes en matière de cruauté envers les animaux au XXIe siècle. Chacun des ministres de la Justice qui a présenté des modifications relatives à la cruauté envers les animaux a déclaré que le ministère avait reçu, de la part des Canadiens, davantage de témoignages d'appui des modifications que pour tout autre question au cours des dernières années. Je sais que le sénateur Andreychuk a mentionné qu'elle a reçu beaucoup de correspondance sur cette question aussi.

Je vous demande instamment d'accorder à cette question très importante la considération qu'elle mérite au lieu de vous contenter d'un projet de loi imparfait. Les animaux du Canada ne peuvent s'exprimer. Il nous incombe de veiller à ce que les animaux jouissent d'une protection et d'un respect éclairés dans le Canada du XXIe siècle. Nous avons besoin d'une loi qui protège tous les animaux contre toute douleur, souffrance ou blessure inutile, infligée volontairement ou par négligence, et qui interdit qu'on les tue de façon cruelle, sans excuse légitime. Or, le projet de loi C-213 ne fait pas cela.

Le président : Merci beaucoup de cet exposé.

Je ne voudrais pas que les gens qui nous regardent ou qui nous écoutent ou qui lisent le compte rendu croient que la loi canadienne ne procure pas actuellement une certaine protection aux animaux et aux oiseaux. Je tiens à vous rappeler le contenu des articles 445 et 446 du Code criminel. L'article 445 se lit comme suit :

Est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque volontairement et sans excuse légitime, selon le cas :

a) tue, mutile, blesse, empoisonne ou estropie des chiens, oiseaux ou animaux qui ne sont pas des bestiaux et qui sont gardés pour une fin légitime;

b) place du poison de telle manière qu'il puisse être facilement consommé par des chiens, oiseaux ou animaux qui ne sont pas des bestiaux et qui sont gardés pour une fin légitime.

Et le premier alinéa de l'article 446 porte sur les souffrances inutiles :

Commet une infraction quiconque, selon le cas :

a) Volontairement cause ou, s'il en est le propriétaire, volontairement permet que soit causée à un animal ou un oiseau une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité;

Il y a donc dans la loi canadienne actuelle des dispositions qui protègent les animaux et les oiseaux, contrairement à certaines allégations que vous avez formulées.

Le sénateur Downe : Vous avez tout à fait raison. Comme je l'ai déjà dit, le problème est lié à l'exécution de la loi. Des accusations ne peuvent être portées par une SPCA ou une société protectrice des animaux. Les accusations doivent être portées par un procureur de la Couronne. Or, à la lumière de l'information dont on dispose, la Couronne semble très réticente à porter des accusations. La loi est en vigueur, mais en 2000 — je le répète, aux fins du compte rendu —, sur 29 000 enquêtes menées par les SPCA et les sociétés protectrices des animaux de partout au Canada, on a porté 167 accusations et obtenu 63 condamnations. Le problème est lié non pas à l'article que vous venez tout juste de lire, mais bien à la disposition relative à l'exécution de la loi. C'est ça, la grande lacune de la loi actuelle.

Le président : Savez-vous pourquoi nous n'avons pas obtenu un plus grand nombre de condamnations?

Le sénateur Downe : Non. C'est la question que je veux poser aux témoins. Pourquoi n'y a-t-il pas eu davantage de condamnations sous le régime de la loi actuelle? Quelles en sont les faiblesses?

Mike Draper, président-directeur général intérimaire, Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux de l'Ontario : L'une de ses plus grandes faiblesses tient à la formulation. Notre plus gros problème concerne l'utilisation du mot « volontairement » dans la version actuelle du Code criminel. Nous devons prouver qu'une personne a négligé intentionnellement son animal. C'est difficile. Par définition, il s'agit de négligence ou de négligence criminelle, d'un acte involontaire, et il est très difficile de prouver une telle chose. Dans de nombreux cas que nous avons vus, il s'agissait de déterminer non pas si l'animal avait été privé de nourriture ou s'il avait souffert sans nécessité, mais bien si le geste était volontaire. Le mot « volontairement » impose une norme de preuve si rigoureuse que de nombreuses affaires se soldent par un échec, car nous devons prouver qu'il y avait non pas négligence criminelle, mais bien un acte volontaire ou insouciant.

Le sénateur Downe : Les membres de votre organisme doivent être très déçus, car de nombreux parlementaires qui ont pris la parole dans la Chambre des communes et au Sénat ont parlé du fait qu'ils s'opposent, bien sûr, à la cruauté envers les animaux — comme quelqu'un l'a signalé, tout le monde est pour la vertu —, mais les parlementaires font valoir qu'il faudrait accepter ce projet de loi qui, comme vous l'avez dit, est considéré comme médiocre et inefficace par de nombreuses personnes qui s'opposent à son adoption, car on estime que c'est le mieux qu'on puisse faire pour l'instant.

Êtes-vous déçus du fait que les parlementaires ne vont même pas améliorer la loi et faire en sorte que soit considéré comme une infraction le fait d'entraîner des animaux pour se battre avec d'autres animaux et de faire de l'argent avec des combats d'animaux? Je me demande — et les Canadiens se demanderont peut-être — comment les parlementaires peuvent prétendre s'opposer à la cruauté envers les animaux sans même proposer un tel amendement, et vous dire de l'accepter tel quel? Êtes-vous déçus par cela?

Mme MacDonald : Certainement. C'est une infraction qui figurait dans le projet de loi du gouvernement précédent et que nous ne changerions pas. Nous sommes certainement déçus de constater que certaines choses ne figurent pas dans le projet de loi S-213.

M. Draper : Concernant la disposition relative aux combats d'animaux, les combats de chiens sont un grave problème ici en Ontario, et partout au pays. Nous connaissons de nombreuses installations destinées à entraîner les chiens en vue de combats avec d'autres bêtes. Il est difficile de les prendre sur le fait, au moment du combat, mais nous ne possédons pas actuellement les outils dont nous avons besoin pour poursuivre les gens qui élèvent ou entraînent des animaux, en particulier des chiens, en vue de combats avec d'autres animaux. C'est très frustrant.

Le sénateur Joyal : J'ai deux ensembles de questions, l'un pour la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux, et l'autre pour la Dre Borwein.

Madame MacDonald, si nous adoptons ce projet de loi tel quel alors nous pourrions, l'an prochain ou l'année suivante, adopter un projet de loi relatif à la négligence volontaire et considérer comme une infraction le fait de tuer brutalement ou méchamment un animal, et interdire la tenue de combats et l'entraînement d'animaux aux fins que vous avez décrites au sénateur Downe. Nous nous pencherions uniquement sur ces trois nouvelles infractions, et nous vous inviterions à témoigner concernant ce deuxième projet de loi. Si je comprends bien votre témoignage, vous seriez toujours contre ce projet de loi, car il ne porte pas sur les dispositions relatives aux crimes contre la propriété. Autrement dit, vous vous opposez à l'adoption d'une approche évolutive visant à améliorer la loi canadienne de la façon dont vous voulez l'améliorer; c'est bien ça?

Mme MacDonald : Il est difficile de dire ce que nous accepterions l'an prochain ou l'année suivante, en ne mentionnant que certaines choses que nous cherchons à obtenir, mais aucun de ces aspects que nous convoitons ne figure dans le projet de loi du sénateur Bryden, à part les pénalités. Nous avons à cœur de régler de nombreux problèmes touchant les infractions actuelles, et vous en avez mentionné quelques-uns. Il est difficile de se prononcer sur l'avenir, si on ne s'en tenait qu'à certains aspects, nous ne pourrions vous dire si nous accepterions ce changement ou ces deux changements. Pour l'instant, nous disons que les problèmes sont si nombreux que nous ne pouvons nous contenter de sanctions accrues. Si vous changiez les sanctions aujourd'hui et remettiez à un an ou deux l'examen d'un, de deux ou de trois autres problèmes, il est difficile pour nous de déterminer comment nous réagirions. Il y a tellement de choses qui clochent maintenant.

Le sénateur Joyal : Je comprends que vous ayez des objectifs, et vous les avez énoncés très clairement dans votre mémoire. Est-ce que la section relative aux crimes contre la propriété est votre principal objectif?

M. Draper : Je ne dirais pas cela. Notre principal objectif consiste à veiller à ce que le Canada soit doté d'une meilleure loi qui protège les animaux et qui n'offre pas une foule de problèmes et d'échappatoires, comme à l'heure actuelle. Il y a tellement de lacunes dans le Code criminel qui sont reprises dans le projet de loi S-213. Comment pourrions-nous accepter ce projet de loi? Il ne fait que maintenir le statu quo qui existe déjà depuis plus de 100 ans, et qui se poursuivra. Nous sommes très frustrés. Nous devons promulguer une meilleure loi qui procurera aux animaux du Canada la protection dont ils ont vraiment besoin.

Le sénateur Joyal : J'essaie de déterminer comment nous devrions nous y prendre. Selon moi, il vaut mieux adopter une approche pragmatique et commencer là où il y a consensus. Or, d'après ce que je vois, nous nous entendons sur le fait que ces sanctions semblent compatibles avec celles que prévoyait la loi précédente. Jusqu'à maintenant, à la lumière du mémoire que j'ai lu et des lettres qui ont été remises au greffier de notre comité, personne ne demande des sanctions plus sévères. J'ignore si mes collègues ont reçu des lettres de personnes qui estiment qu'on devrait imposer des sanctions plus lourdes en ce qui concerne la déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou la mise en accusation. Il semble y avoir consensus sur cette question.

Je crois comprendre que vous tenez à ce que nous nous penchions dès maintenant sur certaines nouvelles infractions au lieu de remettre l'examen à plus tard. Si vous nous aidiez en décrivant les priorités auxquelles nous devrions nous attacher, à la lumière de votre expérience avec les animaux, alors j'appuierais ce projet de loi, et je conviendrais du fait que nous allons, dans les plus brefs délais, nous pencher sur un autre groupe d'infractions sur lesquelles nous devrons nous prononcer de façon expéditive, comme nous voulons le faire avec le projet de loi dont nous sommes saisis actuellement.

Il y a d'autres enjeux litigieux. Je ne veux ni occulter cette réalité ni en faire fi. La section relative aux crimes contre la propriété est un changement important dans le Code criminel. Nous voulons comprendre tout ce que cela suppose, et déterminer si cela permettra à certains de faire valoir que les animaux ont des droits et, comme l'a déclaré le témoin précédent, de favoriser leur accession à la qualité de personne. Croyez-moi, je veux y penser à deux fois avant d'appuyer une loi qui élèverait les animaux au rang de personnes au Canada. Il est raisonnable de dire cela. Je serai heureux d'en débattre n'importe quand, n'importe où.

Si nous voulons faire en sorte que la loi du Canada reflète l'évolution de notre société, j'ai bien l'impression que c'est dans cette voie que nous devons nous aventurer. En attendant, la Dre Borwein suggère que nous améliorions les codes de pratique et les normes qui s'appliquent à l'industrie agricole et à la recherche afin qu'on impose, peut-être, des codes plus rigoureux, un niveau de soin accru et des sanctions plus lourdes. Cela me semble la façon convenable et logique d'aborder cette question difficile.

Je n'aime pas qu'on me dise d'accepter quelque chose pour la simple raison que certaines personnes y sont favorables et manifestent leur appui. Cependant, il y a de nombreuses incidences. Mon collègue le sénateur Baker a soulevé la question de la chasse aux phoques. De nombreuses personnes s'opposent à cela. Nous le savons tous; nous avons lu les annonces dans les journaux. Nous sommes également préoccupés par le secteur de la recherche. Pour tout dire, si je dois choisir de tuer un animal dans un laboratoire de recherche pour tenter de trouver un remède pour une maladie grave, si l'animal est traité de façon convenable, sans douleur — et peut-être que la Dre Borwein pourra nous expliquer comment on les traite —, alors je dois faire la part des choses et en venir à une conclusion raisonnable.

Nous voulons veiller à ce que notre examen d'un enjeu qui soulève tant de difficultés et de passions soit raisonnable. Nous comprenons que cette question soulève de nombreuses passions. Nous savons que les gens qui prennent soin de leurs animaux sont très attachés à eux. Nous tentons d'adopter une approche qui tient compte de la situation et du bien commun que nous tentons de favoriser au Canada. Je ne crois pas que ces deux idées s'excluent.

Mme MacDonald : Vous avez dit de nombreuses choses auxquelles j'aimerais répondre. Nous avions établi un très solide consensus en 2003, et je crois qu'on avait oublié cela jusqu'à ce que le sénateur Bryden soumette son projet de loi. Le projet de loi que nous avions obtenu, après quelques changements apportés au Sénat, était le résultat d'un compromis. Le caucus des députés libéraux des régions rurales l'a appuyé au nom de 75 organismes de l'industrie des productions animales. On s'est ensuite entendu sur un projet de loi qui a été accepté par tous les partis dans la Chambre des communes et par tous ces groupes de l'industrie qui s'étaient prononcés initialement.

Je ne comprends pas en quoi le fait de retirer les dispositions relatives à la cruauté envers les animaux de la section portant sur les crimes contre la propriété ouvre la voie à l'obtention de droits ou de la qualité de personne par les animaux, alors que nous n'avons rien changé aux mots cruciaux qui décrivent les infractions. C'est vraiment important. Le projet de loi du gouvernement précédent n'utilisait pas une foule de nouveaux mots; il conservait ces mots cruciaux qui décrivent les infractions définies sur une période de plus de 100 ans par la Cour suprême du Canada — des expressions comme « sans nécessité », « douleur et souffrance » ou « sans excuse légitime ». Il n'est pas raisonnable d'affirmer qu'il s'agissait d'un projet de loi radical apportant des changements énormes. Il y a tout de même plusieurs endroits dans le monde où la cruauté envers les animaux n'est pas intégrée aux crimes contre la propriété, où le fait de ne pas considérer les animaux comme des biens sous le régime des lois n'influe aucunement sur la capacité des gens de posséder des animaux. Les gens continuent d'exercer leurs droits de propriété à l'égard de leurs animaux; il n'y aurait aucune incidence sur cela si on retirait de la section relative aux crimes contre la propriété les dispositions concernant la cruauté envers les animaux.

Comme l'a signalé M. Draper, le retrait de ces dispositions de la section relative aux crimes contre la propriété n'est probablement pas le plus gros écueil, car nous croyons qu'il y a d'autres aspects importants.

Dre Borwein : Je crois que les gens que je représente et moi-même pourrions appuyer une grande part de ce que vous aimeriez voir adopté. Il est horrible d'entraîner des animaux pour qu'ils se battent entre eux. Je crois que l'ensemble de la population de notre pays bienveillant convient du fait que la cruauté envers les animaux est inacceptable, mais il y a divers points de vue en ce qui concerne la nature de la cruauté. Nous tuons des rats en grand nombre à l'extérieur de nos villes, car ils peuvent occasionner des problèmes importants. Nos diverses règles sont remarquablement pertinentes.

Un philosophe américain s'est rendu dans un établissement de recherche dans le but de se pencher sur le statut d'une souris. Il a dit que, s'il s'agit d'une souris destinée à la recherche, il faut recourir à des vétérinaires, à des comités d'éthique et à des préposés dûment formés pour s'occuper des animaux de laboratoire, et il faut dispenser des soins à cette souris 24 heures sur 24, car il s'agit d'une souris qui sert de cobaye. Mais si cette souris s'échappe et se promène dans l'édifice, elle devient tout à coup un parasite, et on peut la tuer de n'importe quelle façon.

Le sénateur Nolin : Comme celle que j'ai à mon chalet.

Dre Borwein : C'est ça. Si vous possédez un boa constricteur qui doit se nourrir de chair vivante, vous pouvez prendre l'une de ces souris destinées à la recherche — avec grand soin — et l'utiliser pour nourrir votre boa, car elle devient une souris destinée à nourrir un autre animal, et aucune règle ne régit ces souris. Il a également ajouté que, si votre enfant a une souris, vous avez beau déployer tous les efforts pour veiller à ce que l'enfant s'en occupe et en prenne soin, mais il n'y a aucune règle. Il en est arrivé à la conclusion que c'est la fonction de l'animal qui détermine comment on le traite.

J'ai beaucoup apprécié vos remarques, sénateur Joyal. Je crois effectivement que nous accordons beaucoup d'importance au maintien des dispositions relatives à la cruauté envers les animaux dans la section touchant les crimes contre la propriété. Toutes les règles qui, selon nous, devraient être plus strictes peuvent être renforcées dans cette section. Il n'est pas nécessaire de déplacer ces dispositions pour étendre la portée des dispositions que nous aimerions voir adoptées. C'est important. C'est bien réel. Après tout, le bétail que les éleveurs achètent peut être affecté en garantie à la banque. Le bétail appartient à l'éleveur. Votre chien vous appartient. Vous pouvez l'acheter ou le vendre, mais la plupart des gens adorent leur chien familial. Même s'ils ne perçoivent pas leur animal de compagnie de cette façon, il s'agit néanmoins d'un bien. Comme vous l'avez signalé, on utilise beaucoup les mots « posséder » et « propriétaire » dans le projet de loi.

Les extrémistes de la protection des droits des animaux attachent énormément d'importance à la notion de propriété, chose qui échappe aux gens qui n'en voient pas l'importance. En avril 2000, on pouvait lire dans le National Post que des avocats du mouvement de défense des droits des animaux aux États-Unis cherchaient à faire obtenir la personnalité juridique à de grands singes. Joyce Tischler, directrice générale de l'Animal Legal Defence Fund, a déclaré : « Nous allons redoubler d'audace jusqu'à ce que nous arrivions à amorcer une procédure où l'animal est le demandeur. » Ils cherchent à conférer une capacité juridique aux animaux.

À l'époque où le ministère de la Justice a présenté le projet de loi précédent, lorsqu'Anne McClellan était ministre de la Justice, les militants pour la protection des droits des animaux ne cessaient de dire qu'ils ne voulaient pas que les animaux soient considérés comme de « simples possessions ». C'est l'une des expressions qu'ils utilisent. Même si le chien m'appartient, il est tout de même très bien traité. Le chien n'est pas une simple possession juste parce qu'il m'appartient. Ils parlent également des « intérêts des animaux ».

Les termes « intérêts des animaux » et « simples possessions » deviennent alors très chargés. Il s'agit d'outils de propagande, car on les utilise pour promouvoir une certaine vision des choses.

Clayton Ruby, célèbre avocat torontois qui a travaillé pour un certain nombre d'organismes de défense des droits des animaux, prédit que, « au cours des 10 prochaines années, des changements subtils seront apportés au nom de la protection des animaux et continueront, grâce à un discours moraliste, à se greffer aux droits de la personne, jusqu'à ce que certains changements, au moins, soient enchâssés dans la loi ». Il dit que « l'avancement de la cause des droits des animaux se fera de façon hésitante, petit à petit, au fil des changements dans la jurisprudence et de l'évolution de l'attitude des juges, mais nous avons besoin de règlements législatifs et de changements législatifs, mais on prend ce qui passe. Notre mouvement n'en est qu'à ses premiers balbutiements. »

Il n'y a aucun doute quant au fait que l'organisme Animal Alliance, qui a soutenu si énergiquement la démarche d'Anne McLellan, avait la ferme intention de veiller à ce que l'on confère la qualité de personne aux animaux. Joyce Tischler a déclaré ce qui suit : « Pour faire passer les animaux du statut de bien au statut de personne, il faudra miser sur un processus graduel axé sur le recours aux tribunaux, l'adoption de lois et la sensibilisation du public. » Un militant a affirmé que cela allait ouvrir la voie à l'émancipation des animaux.

Pour ceux d'entre nous qui travaillons dans le domaine des sciences de la vie, ce qui regroupe non seulement la médecine mais aussi la médecine vétérinaire et les sciences de la vie en général, il s'agit de décisions très importantes. Dans le domaine de la recherche médicale, nous attendons tous que soient découvert des remèdes pour le sida et la dystrophie musculaire. Même Peter Singer, grand précurseur du mouvement pour la libération des animaux, a tenu de tels propos. D'ailleurs, dans une récente entrevue au cours de laquelle on l'a interrogé de but en blanc au sujet de l'utilisation d'animaux pour guérir la maladie de Parkinson, il a déclaré que, de fait, il approuverait une telle chose. Je me suis demandé — même si, bien sûr, je n'en ai aucune idée — s'il connaît une personne souffrant de la maladie de Parkinson, les effets dévastateurs de cette maladie sur les gens, et si cela l'amène à comprendre pourquoi nous utilisons des animaux pour venir à bout de ces maladies plutôt horribles.

Je ne dirai jamais assez que je suis, comme tous les gens que je connais, tout à fait d'accord avec l'idée selon laquelle on doit traiter les animaux de façon appropriée, avec bonté, sans cruauté, mais que l'idée de leur conférer la qualité de personne ou de supposer que nous pouvons les traiter comme des personnes va trop loin. Parce que nous sommes des personnes décentes, nous tenons à traiter les animaux de la meilleure façon possible.

Le président : Le projet de loi S-213 s'intéresse davantage aux sanctions que l'autre projet de loi.

Dre Borwein : Oui, mais il les regroupe sous la même rubrique. Si d'autres changements peuvent être apportés plus tard, ainsi soit-il. Nous appuierions le genre de changements que Mme MacDonald suggère.

Le sénateur Joyal : Docteure Borwein, savez-vous qu'il existe actuellement au Canada un parti, inscrit auprès d'Élections Canada, qui se consacre à la protection des droits des animaux?

Dre Borwein : Oui, je sais.

Le sénateur Joyal : Le programme de ce parti est axé sur la reconnaissance des droits des animaux, comme vous l'avez déclaré dans votre exposé.

Dre Borwein : Mais le nom de ce parti n'a rien à voir avec les droits des animaux. C'est l'Animal Alliance of Canada qui a mis son soutien et son influence au service d'Anne McLellan au cours d'une campagne électorale, et elle leur a promis, dit-on, de faire quelque chose pour les animaux. Ils ont établi un groupe qu'ils appellent Environmental Voters. C'est un nom qui a beaucoup d'impact de nos jours, car tout le monde veut protéger l'environnement. Qui ne voudrait pas? Le parti ne porte pas le nom de parti pour la protection des droits des animaux, mais vous avez raison : ce n'est qu'une mascarade. Il est inscrit, et il jouit de tous les avantages conférés à un parti politique inscrit. Je crois qu'il a obtenu 49 votes dans le cadre d'une élection à laquelle il a participé.

Le sénateur Joyal : J'aimerais poser une question à la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux. Madame MacDonald, auriez-vous l'obligeance de dresser à notre intention une liste d'infractions qui, selon vous, devraient être enchâssées dans le Code criminel de façon à ce qu'il reflète ce que vous considérez comme les situations les plus courantes qui devraient être prévues par le Code criminel, et nous proposer des sanctions éventuelles que vous considérez comme convenables, afin que nous soyons en mesure de comprendre à quels aspects nous devrions nous attacher au cours des mois et des années à venir?

Mme MacDonald : Nous pouvons faire cela. Vous nous demandez d'établir l'ordre de priorité des éléments de notre liste?

Le sénateur Joyal : Non. Vous connaissez très bien le milieu, et vous avez parlé de la négligence volontaire et de l'entraînement d'animaux en vue de combats avec d'autres bêtes. Comme vous l'avez constaté, les gens ici présents sont certainement disposés à suivre leur conscience et à se pencher sur ces aspects. Je n'ai pas besoin de nommer toutes les préoccupations, car je crois que vous les connaissez. À la lumière de votre expérience, lorsque vous prenez soin d'animaux, quelles sont les préoccupations les plus courantes? Je sais qu'elles devraient toutes faire l'objet de sanctions en vertu du Code criminel, mais j'aimerais savoir quels sont, selon vous, les problèmes les plus courants et les plus prioritaires, si c'est possible.

Le président : Êtes-vous d'accord?

Mme MacDonald : Certainement, oui.

Le sénateur Nolin : Le sénateur Joyal a posé la question que je m'apprêtais à poser.

Le sénateur Joyal : Je suis désolé, je n'ai pas lu dans vos pensées.

Le sénateur Nolin : Dieu merci, pas cette fois.

Vous avez parlé du « grand compromis de 2003 ». Vous savez quoi? Nous ne percevons pas l'adoption d'une loi comme un compromis. Nous n'envisageons pas notre travail de cette façon. Avez-vous lu ce que nous avons dit au sein du comité et au Sénat?

Mme MacDonald : Oui.

Le sénateur Nolin : Lorsque je parlais d'un terrain d'entente, il était question des sanctions, et je suis toujours convaincu d'avoir raison. Vous êtes d'accord avec ces sanctions, n'est-ce pas?

Mme MacDonald : Oui.

Le sénateur Nolin : Les tenants des deux positions s'entendent sur les sanctions. Ce n'est pas grand-chose, mais nous nous entendons tous sur ce point. C'est exactement de cela que je parlais.

Mme MacDonald : D'accord, je m'excuse.

Le sénateur Nolin : Je reviens à la question du compromis. Si vous vous souvenez, notre comité a soumis cinq amendements, et la Chambre en a retenu deux. N'est-ce pas?

Mme MacDonald : Et en a modifié un.

Le sénateur Nolin : Elle en a accepté deux.

Mme MacDonald : Et modifié un.

Le sénateur Nolin : Cela laisse trois problèmes en suspens. Pour revenir à l'entrée en matière du sénateur Joyal, pourquoi ne pas faire le point sur ces trois aspects et les éliminer de votre liste? Vous serez probablement très bien reçue lorsque vous reviendrez avec votre liste. C'est une suggestion que je vous fais. Dans votre liste de préoccupations, vous constaterez qu'il n'y en a pas beaucoup, mais nous ne considérons pas cela comme un compromis. Nous ne pouvons faire de compromis avec la décision de la Cour suprême du Canada. Nous ne pouvons faire de compromis en ce qui concerne les droits des Autochtones.

Mme MacDonald : Ne croyez-vous pas que le projet de loi S-213 est un compromis?

Le sénateur Nolin : Non. Vous dites qu'il y a eu compromis en 2003, quand tous les partis de la Chambre des communes s'étaient entendus. Eh bien, il est tout à fait louable qu'ils se soient entendus sur un compromis, seulement ils ont oublié de lire ce que nous disions.

M. Draper : Je crois que le compromis dont il était question en 2003 concerne la première fois que tous les groupes de protection des animaux et les groupes industriels se réunissaient et s'entendaient sur un projet de loi. C'est de ce compromis-là que nous parlions. Vous constaterez que les organismes agricoles, le Conseil canadien de protection des animaux, la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux et la plupart des groupes de partout au pays ont fini par convenir du fait que ce projet de loi était celui qui nous permettrait d'aller de l'avant en 2003. C'est de ce compromis-là qu'il était question.

Le sénateur Nolin : Et les droits des Autochtones, alors?

Mme MacDonald : Nous étions d'avis que [...]

Le sénateur Nolin : Vous êtes chanceux qu'aucun de nos collègues autochtones ne soit ici. Lorsque vous reviendrez avec votre liste, nous les inviterons à se joindre à nous. Vous verrez qu'ils ont des préoccupations.

Le président : J'aimerais entendre la réponse de Mme MacDonald à cette question.

M. Draper : Nous croyons savoir, à la lumière d'un avis juridique, que la Constitution protège les droits des Autochtones. Nous avons convenu avec le ministère de la Justice qu'il n'était pas nécessaire d'enchâsser ces droits dans ce projet de loi, car, bien sûr, la Constitution l'emporte.

Nous n'avançons certainement pas qu'il ne faut pas protéger les droits des Autochtones. Nous avons adopté, tout comme le ministère de la Justice, la position selon laquelle ces droits sont protégés par la Constitution. Par conséquent, ces droits n'ont pas besoin d'être enchâssés dans le projet de loi.

Mme MacDonald : C'est ça.

Le sénateur Nolin : Je vous invite à prendre connaissance des divers discours prononcés au Sénat en 2003, et cela va vous donner une idée des problèmes auxquels nous sommes toujours confrontés.

Du reste, nous sommes tous d'accord. Nous ne trouvons rien à redire.

Mme MacDonald : Alors, pourquoi sommes-nous ici, à examiner un projet de loi si lacunaire?

Le sénateur Nolin : C'est ça, la question. Nous étions prêts à accepter presque n'importe quoi. Nous avons expliqué, à l'occasion de trois discours particuliers prononcés devant le Sénat, pourquoi nous sommes toujours aux prises avec ces trois problèmes.

Ce n'est pas un compromis. Je ne vois pas cela comme un compromis. Ne dites pas cela à mes collègues du Nord. Si vous êtes aux prises avec un compromis, vous devez l'accepter. Non, nous ne voyons pas la chose de cette façon.

Mme MacDonald : Je ne crois pas l'avoir utilisé dans ce contexte.

Le sénateur Nolin : Vous aurez utilisé ce mot, un point c'est tout.

Mme MacDonald : Je crois que M. Draper a très bien expliqué la chose.

Le président : Aujourd'hui, un certain nombre de personnes ont évoqué la possibilité qu'on prévoie que l'entraînement d'un animal en vue de combats contre d'autres animaux soit une infraction. Je ne voudrais pas que les gens croient qu'il n'y a pas déjà quelque chose dans la loi. Le projet de loi S-213 reprend la disposition actuelle, en vertu de laquelle « commet une infraction quiconque [...] de quelque façon encourage le combat ou le harcèlement d'animaux ou d'oiseaux ou y aide ou assiste ». La disposition est là. On pourrait étendre l'interprétation de cette infraction afin qu'elle englobe l'entraînement d'un animal en vue de combats avec d'autres bêtes. Les tribunaux ont la possibilité de mettre de l'avant une telle interprétation, si c'est ce qu'ils veulent faire.

Si un animal était blessé dans le cadre d'un tel entraînement, cette douleur ou souffrance correspondrait manifestement à l'infraction consistant à faire souffrir inutilement un animal. Cet article englobe une telle chose.

M. Draper : J'aimerais commenter ce point et votre commentaire précédent sur la protection d'animaux errants. Vous avez raison, la version actuelle du Code criminel contient la formule « encourage le combat ou le harcèlement d'animaux [...] ou y aide ou assiste ». C'est en raison de cette disposition que nous avons échoué devant les tribunaux.

L'entraînement de l'animal se distingue de la tenue de combats ou du harcèlement d'animaux, car le libellé actuel dans le Code criminel contient « y », et que le projet de loi S-213 reprend ce libellé. Ce petit « y » suppose que vous assistez à un combat. C'est l'interprétation juridique qu'on nous a donnée. Dans le cadre d'affaires où nous avons intenté des poursuites, la Couronne a déclaré que la disposition ne s'applique pas à l'entraînement d'animaux en vue de combats. Elle s'applique uniquement à la tenue de combats et au harcèlement d'animaux.

Le président : Y a-t-il une affaire où une telle conclusion a été tirée?

M. Draper : Oui, il y en a plusieurs. L'entraînement n'est peut-être pas cruel en soi, mais c'est une activité qui vise à préparer un animal au combat.

Le président : Si l'entraînement est une activité cruelle, la disposition s'applique.

M. Draper : Oui. Le problème, c'est que nous ne trouvons pas généralement ces personnes au moment où se tiennent les combats de chiens. Nous sommes au courant de l'existence d'installations d'entraînement, et nous connaissons leurs méthodes d'entraînement. Ils utilisent des stéroïdes et des poids.

Nous savons où ces activités ont lieu, mais ni les dispositions actuelles ni celles du projet de loi S-213 ne permettent de faire quoi que ce soit.

Le sénateur Nolin : Nous n'avons jamais trouvé à redire à cette question. Je compatis à votre problème de preuve. Nous avons soulevé certaines questions à l'égard de la qualité de la preuve exigée. Nous n'avons jamais trouvé à redire à cette question.

M. Draper : L'autre question dont nous avons parlé concerne les animaux errants et leur protection. Malheureusement, le libellé proposé à l'article 445 du projet de loi S-213 nous impose encore une formulation qui nous empêche de protéger les animaux errants. Le projet de loi interdit de tuer, de mutiler, de blesser, d'empoisonner ou d'estropier des chiens, des oiseaux ou d'autres animaux qui ne sont pas du bétail et qui sont gardés pour une fin légitime. C'est le « gardés pour une fin légitime » qui ne protège pas les animaux errants. On utilise la même formulation relative à l'empoisonnement.

Le président : D'autres témoins nous ont dit cela la semaine dernière.

M. Draper : C'est là que s'estompe toute forme de protection pour le chat errant lorsqu'une personne cherche à l'empoisonner ou décide de tirer sur le chat errant qui n'est pas gardé pour une fin légitime. Nous avons été frustrés par cela dans un certain nombre de cas. C'est une lacune importante.

Le sénateur Baker : Pourrions-nous demander aux témoins qui parlent de jurisprudence de nous fournir des exemples, si c'est possible?

M. Draper : Certainement, si les affaires ont fait l'objet d'un rapport. Vous devez comprendre que les affaires relatives à la cruauté envers les animaux ne font pas toutes l'objet d'un rapport, de sorte qu'elles ne sont pas toutes accessibles. Je vais vous fournir de l'information sur les affaires dont nous avons eu connaissance.

Le sénateur Baker : Elles ne font pas toujours l'objet d'un rapport, c'est vrai. Je présume que vos avocats ont dû obtenir copie d'une affaire n'ayant pas fait l'objet d'un rapport en vue de vous donner un avis juridique.

M. Draper : Il ne s'agit pas des avocats de la société. Il s'agit plutôt des procureurs de la Couronne. Ce sont eux qui plaident en notre nom. Contrairement à ce que d'autres témoins ont laissé entendre, nous ne plaidons pas dans le cadre des poursuites que nous engageons. Nous pouvons certainement vous fournir l'information dont nous disposons.

Le sénateur Baker : En général, lorsqu'une affaire n'a pas fait l'objet d'un rapport, une personne qui a des préoccupations pourra demander une cassette ou une transcription, alors la séance ferait l'objet d'une transcription, des frais modestes seraient imposés au demandeur, et ce dernier pourrait utiliser la transcription à titre de jurisprudence.

Notre comité se réjouira d'obtenir tout ce que vous lui fournirez. C'est le problème auquel nous sommes souvent confrontés avec ce genre de chose.

Nous lisons beaucoup de jurisprudence. Elle nous sort par les oreilles. Pour comprendre une grande part de ce qui est dit ici au sujet de la négligence volontaire, par exemple, on parle d'un « comportement qui s'écarte de façon marquée du comportement normal », formule que vous espérez faire adopter dans le projet de loi S-373. Bonté divine, c'est une expression couramment utilisée pour désigner toute chose qui n'est pas clairement qualifiée de « délibérée » ou pour décrire l'intention criminelle liée à toute infraction de ce genre.

Pourriez-vous s'il vous plaît, nous fournir la transcription d'une affaire, qu'elle ait fait l'objet d'un rapport ou non, afin que nous ayons un peu de matière?

M. Draper : Certainement.

Le sénateur Milne : J'aimerais poser une question, rapidement. Vous dites que cela ne s'applique pas aux animaux errants. Cependant, le paragraphe 445.1(1) du projet de loi prévoit ce qui suit :

Commet une infraction quiconque

a) volontairement cause ou, s'il en est le propriétaire, volontairement permet que soit causée à un animal ou un oiseau une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité;

Selon moi, cela s'applique à tout animal.

Le sénateur Nolin : C'est l'intention criminelle.

Le sénateur Milne : C'est le « volontairement » qui les préoccupe. Néanmoins, la disposition vise tout animal, qu'il soit apprivoisé, sauvage, en fuite ou autre chose.

M. Draper : Vous avez raison. Je faisais référence à l'article 445 proposé, et vous faites référence à l'alinéa 445.1(1)a) proposé. Il s'agit de deux dispositions distinctes.

Oui, je suis d'accord avec vous; l'article relatif à la douleur, à la souffrance et à la blessure causée sans nécessité s'applique à tous les animaux. Toutefois, il est très difficile, dans le cas qui nous occupe, de faire quoi que ce soit en l'absence d'un libellé plus clair, car, bien souvent, les procureurs de la Couronne ne sont pas disposés à engager des poursuites.

Vous avez raison. À première vue, cette disposition s'applique effectivement à l'ensemble des animaux. Mais je parlais d'un autre article.

Le sénateur Milne : Cela s'appliquerait également aux militants pour la protection des droits des animaux qui libèrent des visons d'élevage. Ils ouvrent les cages et les laissent partir. Or, 90 p. 100 de ces pauvres bêtes meurent dans les deux jours qui suivent. Elles meurent de faim. Elles ne savent pas comment se nourrir.

Le sénateur Downe : J'aimerais non pas poser une question, mais bien formuler un commentaire. La discussion d'aujourd'hui est très intéressante.

Vos questions, en particulier, ont permis de mettre en relief certains écarts entre les lois actuellement en vigueur et leur exécution. J'ai cru percevoir, chez les intervenants ici présents, un désir d'examiner certaines de ces préoccupations. J'espère qu'à un moment donné, avant que le projet ne soit adopté, le comité envisagera des amendements visant à améliorer le projet de loi.

Le sénateur Joyal : Docteure Borwein, si je me souviens bien, à l'occasion de votre témoignage antérieur, vous aviez mentionné que le code de pratique s'appliquant aux chercheurs au Canada faisait l'objet d'un examen. Pourriez-vous nous expliquer le processus dans lequel s'inscrit l'examen périodique du code de pratique, sa mise au point par l'entremise de votre organisme professionnel, et son application?

Dre Borwein : Cela ne vise pas que le domaine médical, car vous le sauriez. Le Conseil canadien de protection des animaux, ou CCPA, a été mis sur pied par un vétérinaire de renom, le Dr Harry Rowsell, il y a environ 40 ans. Il était préoccupé par l'absence de directives reconnues relatives à la façon dont les animaux sont traités et transportés. Le conseil a grandi depuis cette époque. Nous avons deux volumes de directives, et tout établissement qui utilise des animaux à des fins de recherche — et pas seulement la recherche médicale — fait régulièrement l'objet d'une évaluation. Le conseil jouit maintenant d'une reconnaissance partielle de la part du gouvernement, même s'il ne s'agit pas d'un organisme gouvernemental, et il regroupe un large éventail d'organismes et de personnes, y compris, bien sûr, la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux. Le CCPA évolue constamment lorsque de nouveaux enjeux prennent de l'importance.

La réputation et l'importance du CCPA sont telles que des organismes bailleurs de fonds, comme le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada, vont retirer le financement consenti à tout organisme qui ne se conforme pas aux directives du CCPA. Il faut émettre un avertissement et consentir à un délai raisonnable, car un établissement peut devoir dépenser un million de dollars pour corriger quelque chose, mais les établissements sont néanmoins tenus de se plier aux directives.

L'influence du conseil est énorme. Les gens qui y siègent savent qu'il est dans l'intérêt de tout le monde d'en assurer la bonne marche et de veiller à ce que ces activités soient appropriées. Il y a toujours des divergences d'opinion lorsque vient le temps de déterminer exactement ce qui constitue de la douleur. On a abordé cette question à l'occasion de la rencontre précédente à laquelle j'ai assisté ici. Je crois que le CCPA, en plus de son importance énorme au chapitre de la normalisation, de l'éducation et de la protection de nos activités de recherche médicale, jouit aussi d'une réputation et d'une influence à l'échelle internationale. De fait, il sert de modèle.

L'expérience de pays comme la Grande-Bretagne, où de nombreuses choses font l'objet de lois, nous a permis d'apprendre qu'il est plus difficile de modifier la loi que de modifier des directives. Le Conseil canadien de protection des animaux peut modifier ces directives avec beaucoup plus de souplesse que si on devait amorcer un processus législatif. L'important, c'est que cela fonctionne. Pour ce qui est de savoir si tout le monde est d'avis que cela fonctionne parfaitement — eh bien, il est tout à fait humain de critiquer.

Nous sommes très fiers du travail du Conseil canadien, et nous sommes très heureux qu'un vétérinaire l'ait créé. On l'a remercié de son excellent travail en lui décernant l'Ordre du Canada, et c'est un honneur tout à fait mérité. Nous sommes chanceux d'avoir le Conseil canadien de protection des animaux et de pouvoir miser sur les normes qu'il fixe pour le bien des animaux destinés à la recherche.

Le président : Madame MacDonald, vous hochez la tête. Voulez-vous ajouter quelque chose aux commentaires de la Dre Borwein?

Mme MacDonald : Je suis certainement d'accord avec l'affirmation de la Dre Borwein selon laquelle le CCPA est reconnu partout dans le monde et est doté d'un système efficace de surveillance de l'utilisation d'animaux en recherche. Toutefois, comme je l'ai déjà mentionné, le conseil ne s'oppose pas au retrait des dispositions relatives à la cruauté envers les animaux de la section du Code criminel relative aux crimes contre la propriété, et il a appuyé le projet de loi du gouvernement précédent.

Dre Borwein : J'ignore si le conseil est d'accord ou non. Il a décidé de ne pas commenter, de ne pas prendre position sur cette question. C'est également une situation en évolution; certaines des discussions antérieures écartaient un certain nombre d'organismes du domaine de la médecine. Le conseil ne figure pas dans la liste des intervenants qui ont appuyé le projet de loi précédent.

De toute façon, nous nous intéressons aujourd'hui au projet de loi qui nous a été présenté, et, comme quelqu'un l'a déclaré plus tôt, nous vivons dans un monde imparfait, et nous devons parfois nous contenter de choses imparfaites.

Le président : Cette dernière intervention nous permettra de terminer sur une bonne note. Monsieur Draper, madame MacDonald, docteure Borwein, au nom des membres du comité, je vous remercie beaucoup de vos interventions intéressantes et de vos explications à l'égard de ce projet de loi et de certains projets de loi qui l'ont précédé.

La séance est levée.


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