Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations
Fascicule 5 - Témoignages
OTTAWA, le vendredi 1er juin 2007
Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 heures pour étudier, en vue d'en faire rapport, les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé.
Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je tiens d'abord à vous remercier tous beaucoup d'être venus participer à cette table ronde. Notre objectif, au moment d'entreprendre notre étude sur la santé des populations, consistait à améliorer de manière générale l'état de santé des Canadiens. Comme vous le savez, l'Organisation mondiale de la santé nous classe au 13e rang mondial pour l'état de santé, et je crois que nous devrions nous situer au premier rang. Comme nous sommes un si grand pays avec une faible population et toute notre richesse, nous devrions être les premiers. La seule façon pour nous d'y arriver, c'est d'étudier l'état de santé de chacun au pays, d'analyser la situation des groupes dont la santé ne semble pas aussi bonne, puis d'aller sur le terrain et de mettre les outils voulus entre les mains des gens, dans leur propre collectivité, afin qu'ils puissent améliorer leur état de santé.
Comme vous le savez, notre seul recours pour améliorer l'état de santé des gens consiste à agir sur une douzaine de variables, dont le revenu, l'emploi, le logement — tout le tralala que vous avez déjà entendu à maintes reprises. À nos yeux, la seule façon d'y parvenir, à l'échelle de la collectivité et avec le concours de l'administration gouvernementale, consiste à mettre les instruments voulus entre les mains des gens localement pour qu'ils puissent régler leurs propres problèmes.
Cela dit, il importe pour nous d'entendre ce que chacun d'entre vous a à dire. Même s'il faudra quelques minutes pour le faire, je vais présenter les gens en commençant à ma gauche et en faisant un tour de table. Je demanderais à chacun d'entre vous de prendre une minute pour dire aux autres qui vous êtes : certains d'entre vous êtes peut-être inconnus des autres.
Dr Malcolm King, professeur, Faculté de médecine, Université de l'Alberta : Je m'appelle Malcolm King et je viens de l'Université de l'Alberta. Je suis membre des Mississaugas de la Première nation New Credit et professeur spécialisé en recherche pulmonaire à l'université.
Le sénateur Cook : Je suis Joan Cook et je représente au Sénat l'île de Terre-Neuve et le segment de terre qui s'appelle Labrador.
Barbara Van Haute, directrice intérimaire de la Santé, Ralliement national des Métis : Je m'appelle Barbara Van Haute et je suis actuellement directrice intérimaire de la Santé du Ralliement national des Métis. Je suis originaire du Manitoba. C'est un plaisir pour moi d'être ici.
Anna Fowler, coordonnatrice de projets, ministère de la Santé, Inuit Tapiriit Kanatami : Je m'appelle Anna Fowler, je suis une Inuk, originaire d'Iqaluit, au Nunavut. Je suis coordonnatrice de projets au ministère de la Santé d'Inuit Tapiriit Kanatami.
Valerie Gideon, directrice de la Santé et du Développement social, Assemblée des Premières nations : Je m'appelle Valerie Gideon, je suis directrice de la Santé et du Développement social à l'Assemblée des Premières nations. Je suis une Micmac, originaire de la Première nation de Gesgapegiag, dans la région de Québec.
Dr Evan Adams, médecin-conseil en santé autochtone, Bureau du médecin-hygiéniste en chef, ministère de la Santé de la Colombie-Britannique : Je m'appelle Evan Adams et je suis médecin de famille rattaché au ministère de la Santé, au Bureau du médecin-hygiéniste en chef. Je suis membre de la Première nation de Sliammon (Salish de la côte).
Dr Chandrakant P. Shah, professeur émérite, Université de Toronto : Je suis Chandrakant Shah. Je suis professeur émérite à l'Université de Toronto, au Department of Public Health Sciences. De même, je fais partie de l'équipe de médecins d'Anishnawbe Health Toronto, centre de santé urbain.
Dre Judy Bartlett, directrice du Centre autochtone de la santé et du bien-être et professeure agrégée, Département des sciences de la santé communautaire, Faculté de médecine, Université du Manitoba : Je m'appelle Judy Bartlett, je suis médecin de famille et professeure agrégée en sciences de la santé communautaire à l'Université du Manitoba. Je suis directrice du service de santé et de bien-être de la Manitoba Métis Federation, où je suis en train de mettre sur pied un service de recherche sur les orientations gouvernementales. J'officie un jour par semaine au Centre autochtone de la santé et du bien-être à Winnipeg, et je suis une Métisse.
Julie Lys, directrice, Région des Territoires du Nord-Ouest, Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada : Je m'appelle Julie Lys, je suis infirmière et métisse, originaire de Fort Smith, dans les Territoires du Nord-Ouest. Je pratique les soins infirmiers dans cette région-là. Aujourd'hui, je représente l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada.
Erin Wolski, coordonnatrice des programmes de politique sanitaire, Congrès des Peuples Autochtones : Je m'appelle Erin Wolski. Je suis membre de la nation crie, signataire du traité no 9, en Ontario. Je suis ici au nom du Congrès des Peuples Autochtones. J'y suis coordonnatrice des programmes de politique sanitaire.
Alfred J. Gay, analyste des politiques, Association nationale des centres d'amitié : Je m'appelle Alfred Gay et je suis analyste des politiques à l'Association nationale des centres d'amitié. Je suis aussi citoyen membre de la Première nation de Gull Bay, qui se trouve en terrain marécageux à 200 milles de Thunder Bay, en Ontario.
Jennifer Dickson, directrice générale, Pauktuutit Inuit Women of Canada : Je m'appelle Jennifer Dickson. Je suis directrice générale de Pauktuutit Inuit Women of Canada, qui représente toutes les femmes inuites du Nord.
Willie Ermine, professeur, auteur-éthicien, Indigenous Peoples' Health Research Centre : Je m'appelle Willie Ermine et je suis chercheur à l'Indigenous Peoples' Health Research Centre. Je suis un Cri, originaire de la Saskatchewan.
Claudette Dumont-Smith, conseillère principale en santé, Association des femmes autochtones du Canada : Je m'appelle Claudette Dumont-Smith. Je suis algonquine, originaire de Kitigan Zibi. Je suis infirmière de métier et j'exerce les fonctions de conseillère principale en santé à l'Association des femmes autochtones du Canada.
Le sénateur Cochrane : Je m'appelle Ethel Cochrane et je suis sénateur, originaire de la province de Terre-Neuve-et-Labrador.
Audette Madore, Bibliothèque du Parlement : Je m'appelle Audette Madore. Je suis analyste rattachée au sous-comité.
Barbara Reynolds, greffière du comité : Je m'appelle Barbara Reynolds. Je suis la greffière du comité.
Le président : Nous allons commencer ce matin par écouter le Dr Malcolm King, professeur à la faculté de médecine de l'Université de l'Alberta.
Dr King : Merci de m'offrir le privilège de prononcer le mot d'ouverture. C'est un grand honneur. Comme je l'ai dit, je suis autochtone. Je suis né à Ohsweken, dans la réserve des Six-Nations en Ontario, et j'ai grandi chez les Mississaugas de New Credit, tout juste à côté. Mon père est né dans la réserve et y a grandi; il y a passé toute sa vie. Ma mère était originaire de Suisse; enfant, j'ai donc bénéficié de deux cultures. J'ai passé la majeure partie de ma carrière dans le domaine de la recherche biomédicale, mais, progressivement, au cours des quelque 15 dernières années, je m'intéresse de plus en plus à la recherche dans le domaine de la santé des Autochtones.
Je vous ai remis des documents, dont le premier fait voir un diagramme des déterminants de la santé. Je ne vais pas y consacrer beaucoup de temps : vous avez déjà entendu bon nombre d'exposés. D'après l'expérience que j'en ai, les Autochtones du Canada sont au moins autant conscients que les membres de la population générale de ces déterminants de la santé. Cependant, je veux vous donner trois exemples brefs de cas où ce sont des facteurs autres que biomédicaux qui entrent en ligne de compte. Je m'attacherai à un seul d'entre eux, soit celui du revenu.
Il y a deux semaines à peine, j'ai assisté à l'assemblée annuelle internationale des gens de mon domaine de recherche spécialisé. C'était à l'initiative de l'American Thoracic Society, qui s'attache aux maladies pulmonaires. Comme c'est le cas à bon nombre des conférences du genre, environ 90 p. 100 des exposés portent sur les facteurs biologiques, pharmacologiques et génétiques liés à la santé respiratoire. Sans aucun doute, au moins 90 p. 100 des budgets de recherche à l'origine des exposés en question portent sur les mêmes déterminants médicaux de la santé.
Cependant, nous avons eu droit à quelques exposés intéressants sur d'autres déterminants, par exemple la race, la culture, le logement et les conditions sociales. Voici une diapositive qui illustre un des exposés qui m'ont particulièrement frappé. C'était l'exposé d'un jeune homme de l'Université Columbia, à New York. Selon son étude, si vous demeurez dans un quartier pauvre de New York, le risque que vous présentez de mourir de la maladie qui l'intéresse, c'est-à-dire l'hypertension artérielle pulmonaire, est quatre fois plus grand que celui que courent les habitants des quartiers les plus cossus de New York. C'est là toute une différence : le risque de décès est quatre fois plus grand selon le revenu.
L'auteur de l'exposé n'a pu me dire pourquoi les personnes qui vivent dans un quartier pauvre courent ce risque accru. Le facteur de pauvreté était défini comme étant la proportion des gens qui vivent sous le seuil de la pauvreté dans le quartier en question, de sorte que ce n'est pas tout à fait le revenu qui est la variable en cause, et je doute que le fait de prendre seulement en considération le revenu suffise pour comprendre. Pouvez-vous imaginer l'enthousiasme que provoquerait un médicament ou un traitement médical capable de ramener de 30 à 7 p. 100 le taux de mortalité en question? Il y aurait aussi des milliards de dollars en profits pour les sociétés pharmaceutiques. En règle générale, celles-ci cherchent à réduire le risque de quelques points de pourcentage.
Je vous fais voir ces données établies à New York parce que, d'une part, elles nous révèlent quelque chose d'important et aussi, d'autre part, parce que les données établies au Canada ne sont pas légion, ce qui s'inscrit dans l'idée que je veux faire valoir. Les données en question ne disent rien sur la santé des Autochtones du Canada. Elles révèlent probablement quelque chose au sujet de la santé des Afro-Américains, mais cela n'était pas dit expressément. Par ailleurs, on ne saurait exprimer avec plus d'éloquence les gains possibles qui seraient les nôtres si nous apprenions à bien agir sur les déterminants sociaux ou de la santé.
La prochaine diapositive traite du même sujet, mais dans le cas de la ville d'Edmonton, où j'habite actuellement. Encore une fois, le domaine traité est celui des maladies cardiovasculaires. Le graphique illustre le risque de mourir au cours de la première année suivant une crise cardiaque à Edmonton. La pente est très clairement liée au revenu. Faire partie du groupe qui se situe dans le quartile inférieur signifie un risque de 30 p. 100 de mourir au cours de la première année à la suite d'une crise cardiaque, mais faire partie du quartile supérieur dénote un risque de 15 p. 100. Le risque de mourir au cours de la première année à la suite d'une crise cardiaque est donc deux fois plus grand chez la personne dont le revenu se situe dans le quartile inférieur, ce qui est effrayant.
L'étude a été réalisée par le Dr Paul Armstrong, éminent chercheur du domaine. L'étude laisse place à un certain espoir, étant donné que les malades ayant survécu à une première crise cardiaque et ayant reçu le traitement approprié — la revascularisation — couraient un risque nettement réduit de mourir au cours de cette première année capitale. Le risque diminuait d'environ 5 p. 100. Ce qui est merveilleux, c'est que la disparité liée au revenu est disparue entièrement. Le risque de mourir pour les gens du quartile inférieur et pour les gens du quartile supérieur était le même : 5 p. 100.
Déterminer ce qu'il faudrait donc faire n'est pas facile. Ce n'est pas aussi simple que le fait de régler la question du revenu ou des conditions sociales; ce n'est pas simplement l'accès variable aux soins de santé qui entre en ligne de compte, car il s'agit ici du système de santé canadien. Cela aurait pu se concevoir dans d'autres pays. La disparité des revenus dissimulait de nombreux autres facteurs. Encore une fois, l'étude ne traitait pas particulièrement de la santé des Autochtones, mais, maintenant, il est plus tentant d'extrapoler. Les gens qui connaissent Edmonton savent qu'il y a très probablement des Autochtones qui vivent dans les quartiers pauvres où le risque est plus élevé, mais nous ne le savons pas, ce qui m'amène à une autre idée que je souhaitais faire valoir.
Il nous faut de meilleures données. Nous devons trouver des données sur les Autochtones et les Métis en milieu urbain. La plupart des données dont nous disposons s'appliquent aux membres des Premières nations qui vivent dans une réserve.
La troisième étude dont il s'agit porte sur les Autochtones, elle. C'est une étude très bien faite qui a été réalisée par l'Université McMaster dans la réserve des Six-Nations, où je suis né. C'était une collaboration entre l'Université McMaster et les membres des Six-Nations, dont les résultats ont été publiés dans The Lancet, revue médicale de grand prestige. L'auteur principal en est le Dr Salim Yusuf, autre très éminent cardiologue.
Les chercheurs ont interviewé des membres de la bande des Six-Nations ainsi que des Canadiens d'origine européenne résidant dans la région de Brantford. Ces derniers formaient le groupe témoin. Ils leur ont demandé quel était leur revenu — question qu'il est peut-être hardi de poser, mais c'était important — et ont prélevé sur eux des échantillons sanguins en vue d'une analyse des facteurs de risque cardiovasculaire, par exemple le taux de cholestérol.
Voici le risque de maladie cardiovasculaire d'après le revenu familial. Les bâtonnets noirs représentent les Canadiens d'origine européenne, le groupe témoin, et pour chaque augmentation de revenu, il est possible d'observer une diminution du risque de maladie cardiovasculaire. Démonstration éloquente de l'effet prédicteur du revenu sur la maladie et, dans le cas qui nous occupe, la maladie cardiovasculaire, par exemple la crise cardiaque et l'ACV.
Une même variation d'après les revenus s'applique aux Canadiens d'origine européenne aussi bien qu'aux Autochtones membres des Six-Nations, mais les données des Premières nations sont élevées par rapport à celles des Canadiens d'origine européenne dans toutes les catégories de revenu. Il existe un risque accru lié au fait d'être autochtone.
Quel est ce risque? L'étude n'a pas permis de répondre à la question et, encore une fois, c'est sans aucun doute un phénomène complexe. Cela pourrait faire intervenir nombre des facteurs qui figurent dans le diagramme des déterminants sociaux. Il pourrait même s'agir de facteurs qui n'y figurent pas, ce dont il nous faudrait parler. Fait encore plus important, ni cette étude ni les deux autres n'ont cherché à établir comment nous pouvons profiter des connaissances acquises grâce aux données en question pour réduire le risque. Or, c'est là la question clé. Comme les deux autres, cette étude est un excellent point de départ. L'étude portant sur les Six-Nations est le meilleur exemple que je connaisse. Cependant, il faut assurer un suivi, pour comprendre la complexité des observations et, ce qui est encore plus important, concevoir, mettre à l'essai et réaliser des interventions susceptibles d'éliminer les disparités. À mon avis, il ne s'agirait pas simplement de régler le problème du revenu, même s'il était possible de le faire.
Je passe aux étapes de la recherche. C'est inspiré de ma vision personnelle en tant que chercheur autochtone. Dans le milieu de la recherche, nous nous sommes surtout attachés à souligner les problèmes; je vous en ai donné quelques exemples. Or, ce n'est là que la première étape de la recherche. La deuxième, que nous avons vu dans une moindre mesure, consiste à comprendre les problèmes. Les problèmes, surtout quand il s'agit de déterminants sociaux, sont toujours complexes, et il est difficile d'en saisir les interactions, mais c'est ce qu'il nous faut vraiment faire.
Enfin, il nous faut passer à la troisième étape de la recherche, celle qui permettra réellement de réaliser des progrès dans le domaine de la santé et d'appliquer nos connaissances au règlement des problèmes en question.
C'est ainsi que les choses fonctionnent dans le domaine biomédical et c'est ainsi qu'elles doivent fonctionner aussi dans le domaine des déterminants sociaux. D'une certaine façon, ce n'est pas vraiment différent à mes yeux. On peut concevoir des expériences, réaliser des essais, en analyser les résultats, qu'il s'agisse d'un déterminant biomédical ou d'un déterminant social. Cependant, la troisième étape ne peut avoir lieu que si les responsables travaillent ensemble directement auprès des gens touchés, c'est-à-dire les Premières nations, les Métis et les Inuits du Canada. C'est un processus continu, et nous ne saurions oublier la quatrième étape, soit la transmission des connaissances à ceux à qui elles peuvent être utiles. C'est peut-être à ce chapitre que nous avons le plus à gagner : il faut faire participer les collectivités autochtones au processus.
Le président : Merci, docteur King. Vous étiez dans l'auditoire vous aussi, au cours des quelques dernières semaines, lorsque nous avons entendu qu'il faut désormais affiner l'étude des populations et aborder la situation des groupes ethniques et ainsi de suite, pour régler certains des problèmes. Il est intéressant de voir comment les choses se déroulent.
Notre prochain témoin est Valerie Gideon, directrice de la Santé et du Développement social à l'Assemblée des Premières nations.
Mme Gideon : Je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de venir comparaître. Je tiens à exprimer ma reconnaissance à cet égard au nom du chef national Phil Fontaine et des membres du conseil de direction de l'Assemblée des Premières nations.
Je vous ai remis une présentation PowerPoint. Les membres du Sénat ont reçu un document volumineux que je ne vais pas résumer en cinq minutes. Il y a des exemplaires en arrière de la pièce pour ceux qui n'en ont pas. C'est le document remis par l'Assemblée des Premières nations à la Commission des déterminants sociaux de la santé de l'Organisation mondiale de la santé. Il porte la signature du Dr Jeffrey Reading, dont je crois savoir qu'il a déjà comparu devant le comité, du Dr Andrew Kmetic, de l'Université de Victoria, et la mienne.
Pendant les cinq minutes qui me sont allouées, je vais faire joliment la transition entre l'exposé du Dr King et le mien, et particulièrement les dernières observations qu'il a formulées quant à l'application des connaissances pour régler les problèmes à relever en ce qui concerne les déterminants sociaux de la santé au sein des peuples autochtones et, plus particulièrement, des Premières nations.
Du point de vue de l'Assemblée des Premières nations, vous pouvez l'imaginer, il est difficile de travailler auprès des ministères fédéraux et de les persuader de reconnaître l'importance de l'adoption d'une approche axée sur la santé des populations au moment d'élaborer les politiques officielles et de mettre en œuvre les programmes et services — c'est là un défi qui touche le réseau canadien de la santé dans son ensemble.
Nous avons essayé de mettre au point une approche d'élaboration des politiques gouvernementales qui s'inscrive dans un modèle global de planification et d'établissement des politiques qui, croyons-nous, est suffisamment concrète et pratiques pour moduler les futurs choix stratégiques du gouvernement. Du moins, c'est notre espoir. C'est ce que je vais présenter ici.
En tant qu'administrations et collectivités des Premières nations, nous nous retrouvons devant des défis stratégiques qui sont uniques. Nous évoluons dans un environnement dynamique et complexe. Il est difficile pour nous de convaincre les organismes fédéraux ainsi que les organismes provinciaux et territoriaux d'adopter une politique globale et durable axée sur le long terme et des programmes comportant les engagements voulus. Nous l'avons constaté, les experts confirment l'importance de la participation publique à l'élaboration des politiques gouvernementales, mais nous sommes d'avis que les approches adoptées dans le contexte ne reflètent pas forcément les intérêts, les droits et les considérations uniques des Premières nations telles que nous les avons fait valoir. Nous ne nous considérons pas comme des acteurs de l'élaboration des politiques gouvernementales; nous nous considérons comme des gouvernements parties à une relation entre nations, relation nouée avec la Couronne, au départ dans les traités. Ce fait est reconnu dans la Constitution canadienne.
Nous croyons à la nécessité d'une réponse stratégique plus globale qui s'articulerait autour de trois grands axes : comprendre les fondements historiques de notre relation; faire preuve de souplesse, c'est-à-dire tenir compte de la diversité des membres des Premières nations au pays du point de vue des lieux géographiques, des caractéristiques culturelles, des traditions et des langues; et faire preuve d'innovation.
Une des grandes difficultés réside dans la façon de s'y prendre pour favoriser une pensée qui sort des sentiers battus et faire reconnaître l'importance des déterminants sociaux de la santé, dont les faits confirment la légitimité, et pour traduire cela en politiques et programmes locaux et régionaux.
Je n'ai pas le temps de décrire en long et en large les fondements historiques de la relation et la nature de celle-ci. Il y a une diapositive qui essaie de saisir certains des principes clés à cet égard. Certes, comme vous le savez, les traités établissent les principes fondamentaux de notre relation. Il y a aussi, fait important, la reconnaissance du caractère distinct des peuples des Premières nations à l'article 35 de la Loi constitutionnelle, qui établit notre compétence inhérente sur le plan de l'autonomie gouvernementale et en rapport avec les secteurs comme la santé, l'éducation, le logement et ainsi de suite. Nous avons éprouvé beaucoup de difficultés à faire reconnaître les fondements historiques de cette relation à l'échelle fédérale ainsi qu'aux échelles provinciales, territoriales et autres, mais nous continuons de plaider cette cause, car c'est l'élément central, fondamental de tout projet de collaboration.
Nous avons également essayé d'illustrer l'importance de cette forme de reconnaissance sous la guise d'un processus d'élaboration des politiques gouvernementales en cinq étapes, que la diapositive permet de voir. La première étape consiste à obtenir des dirigeants des Premières nations un mandat pour l'élaboration des politiques gouvernementales. La deuxième consiste à lancer un dialogue national, et nous entendons par là non pas forcément une tribune nationale, mais l'occasion pour les Premières nations de prendre part à l'exercice à l'échelle régionale ou communautaire.
La troisième étape consiste à recourir à une expertise indépendante, qui déboucherait notamment sur des résultats non biaisés que nous pouvons évoquer pour consolider nos idées et nos propositions. La quatrième étape consiste à obtenir du gouvernement fédéral un mandat clair de changement. Nous avons pris part à beaucoup de tables de concertation au fil des ans. Certaines d'entre elles n'ont pas été très utiles pour stimuler des projets politiques et créer des engagements. De ce fait, il arrive que les rapports soient relégués aux oubliettes pendant des décennies, et malheureusement, il n'y a rien de concret qui n'en ressort. Certes, nous ne souhaitons pas reproduire ce genre de démarche. La cinquième et dernière étape, la plus fondamentale, c'est celle qui consiste à créer des processus conjoints ancrés dans la relation entre nations dont il est question.
Je vais décrire brièvement le modèle stratégique global que nous avons mis au point et situer la question un peu dans son contexte. C'est un modèle que nous avons élaboré durant la négociation de l'accord de Kelowna de 2005. Nous l'avons d'abord présenté au Conseil de la fédération en juillet 2005. L'ingrédient actif de ce modèle, c'est la lutte que nous menons pour nous assurer que les déterminants de la santé figurent parmi les points à l'ordre du jour de la rencontre des premiers ministres sur les questions intéressant les Autochtones, comme cela était prévu au départ en 2004. Nous avons entamé une discussion qui était centrée sur les relations, le logement, l'éducation et la santé. Nous étions d'avis, nous et nos administrations gouvernementales, que le développement économique revêt une importance tout à fait capitale. En présentant ce modèle et en l'expliquant au premier ministre des provinces — et, par la suite, au gouvernement fédéral —, notre but était de faire voir l'importance de ce que les recherches du Dr King font voir et de ce qui est certainement admis par la communauté internationale.
Le modèle lui-même est propre aux Premières nations. Il est fondé sur le modèle des déterminants sociaux. Cependant, il intègre les approches et les manières de savoir des Premières nations, qui sont variées. Le modèle essaie de créer un équilibre entre les activités économiques concrètes dans certaines collectivités, les approches traditionnelles du savoir et les principes de reconnaissance et de rapprochement appliqués à notre relation avec la Couronne. Il désigne également des secteurs concrets où, à nos yeux, des changements s'imposent pour qu'il y ait une amélioration globale de la santé et du bien-être de notre population.
Par exemple, la politique d'autonomie gouvernementale doit faire l'objet d'une réforme importante. Il faut mettre fin à la discrimination financière à laquelle nos collectivités sont actuellement assujetties, par les plafonds appliqués aux budgets de programme du gouvernement fédéral.
La présentation PowerPoint fait voir quelques exemples de faits qui viennent confirmer que l'autodétermination et l'autonomie gouvernementale, conjuguées à un accroissement de la capacité collective et institutionnelle des administrations gouvernementales des Premières nations, serviront réellement à améliorer l'état de santé et le bien-être des gens à l'intérieur des collectivités des Premières nations. Je n'ai pas le temps de passer en revue les projets de recherche et projets et rapports fédéraux très importants et assez bien connus qui existent, mais voici une diapositive que vous pourrez parcourir pour en savoir plus.
Le modèle peut se passer d'explication. Les collectivités des Premières nations en forment le cœur. Il comporte toutes les dimensions de la vie. Il situe tous les éléments clés de l'autonomie gouvernementale, depuis les compétences jusqu'aux relations financières, en passant par un programme axé sur les droits et, enfin, la capacité d'entreprendre des négociations. Il nous fait voir aussi les principaux déterminants sociaux de la santé que les recherches scientifiques ont servi à reconnaître, que ce soit à propos des peuples des Premières nations à proprement parler ou non, puis il nous fait voir les éléments du capital social que vous connaissez peut-être bien. Il s'agit d'études réalisées par l'Université du Manitoba, où la Dre Bartlett fait partie du corps enseignant. Il s'agit de montrer et de saisir sommairement les impacts des liens entre collectivités des Premières nations, entre les collectivités elles-mêmes et avec les organismes externes comme le gouvernement fédéral; et la manière dont ces liens se répercutent vraiment, concrètement, sur la capacité qu'ont les membres des collectivités des Premières nations d'améliorer leur santé et leur marge de manœuvre, et de régler d'autres questions comme le revenu et l'éducation.
La présentation PowerPoint nous fait voir une idée que j'essaie d'expliquer le plus clairement possible : si nous appliquons à la santé des enfants des Premières nations l'approche des déterminants sociaux de la santé, nous pouvons voir de façon encore plus nette l'écart entre les Premières nations et les autres groupes quant à la santé et au bien-être. La présentation signale les éléments clés parmi nos données à cet égard. Nous avons une enquête nationale sur la santé des Premières nations, qui s'appelle enquête régionale longitudinale sur la santé. Nous pouvons consulter des rapports à ce sujet. Cela sert à faire voir le lien direct qui existe entre le revenu familial des Premières nations ou d'autres indicateurs comme la pauvreté, le surpeuplement, la malnutrition ou l'absence de sécurité alimentaire, les niveaux inférieurs d'activité physique et de réussite scolaire chez les enfants des Premières nations.
Je n'ai pas le temps de vous relater toutes les précisions. Ça se passe plus ou moins d'explications. Lorsque nous nous rendons à une réunion avec les représentants fédéraux, par exemple, nous essayons de faire voir la chose : si vous optez pour ceci, voici la leçon stratégique qu'il faut en tirer. Nous essayons de dépeindre d'une manière concrète la manière de convaincre les responsables fédéraux de réfléchir d'une certaine façon à l'élaboration des politiques et à la mise en œuvre des programmes.
Pour conclure, je dirai que les données le font voir : à moins d'agir sur certains des déterminants fondamentaux, par exemple pour la santé et le bien-être de nos enfants des Premières nations, nous n'arriverons jamais à mettre fin au cycle de pauvreté et de piètre santé qui touche nos collectivités. En termes très simples, nous savons que si nous relevons le niveau de revenu et de scolarité dans nos collectivités et que nous réduisons l'entassement dès aujourd'hui, nous allons améliorer l'emploi, l'éducation et la santé des populations pour les générations à venir au sein des Premières nations. C'est simple comme énoncé, mais la marche à suivre pour y arriver est complexe.
Enfin, nous avons proposé une démarche en trois étapes intitulée « Vers un changement », pour l'instauration d'une approche axée sur la santé des populations appliquée aux politiques, aux programmes et aux services à l'intention des Premières nations. La première étape repose sur les processus conjoints. Encore une fois, pour revenir au fondement historique de la relation, c'est l'approche intergouvernementale qui est respectée. La deuxième étape consiste à reconnaître les considérations stratégiques globales que j'ai exposées, théorie sous-jacente et prémisse y comprise. La dernière étape consiste à établir une information et une capacité solides à l'origine des orientations futures — par exemple, l'enquête nationale sur la santé que nous sommes parvenus à mettre au point. C'est un élément fondamental pour asseoir les processus de responsabilisation du gouvernement fédéral et des Premières nations ainsi que pour jauger nos progrès et nos succès.
Le président : Merci beaucoup, madame Gideon. Voilà des informations encourageantes. J'observe la situation à une certaine distance depuis 15 ans maintenant. Il est intéressant de constater la manière dont les choses se déroulent. Il est intéressant de constater l'évolution de la réflexion, la convergence des éléments de réflexion et la formation d'un système qui peut vraiment fonctionner. Vous nous avez donné un excellent résumé.
Marc LeClair n'est pas encore parmi nous; il y sera plus tard. Barbara Van Haute nous adressera la parole. Elle représente le Ralliement national des Métis.
Mme Van Haute : C'est un plaisir pour moi d'être ici. Je tiens à remercier le Sous-comité sur la santé des populations d'avoir invité le Ralliement national des Métis à présenter un exposé aujourd'hui.
Je veux simplement m'assurer que nous sommes tous sur la même longueur d'ondes : le Ralliement national des Métis, le RNM, représente le peuple métis sur les terres métisses historiques, c'est-à-dire les Métis qui ont habité dans le nord de l'Ontario, dans les trois provinces des Prairies et dans le nord de la Colombie-Britannique. Cette distinction doit être faite au départ.
Depuis deux ans, le RNM essaie de comprendre les conditions et les facteurs qui influent sur la santé des Métis. Nous avons entrepris d'importantes recherches à cet égard et sommes parvenus à certains résultats concrets. Vous allez pouvoir en prendre connaissance sous peu, au moment où le portail de la santé et du bien-être du Ralliement national des Métis est lancé sur le site Web. Vous serez très étonnés des informations que nous avons pu réunir. Vous serez aussi très étonnés de constater l'ampleur des informations qu'il nous faut encore réunir, ce qui suppose beaucoup d'organisation, de renforcement des capacités et de financement.
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de certains des obstacles qui ont nui au développement de notre population et miné l'état de santé des Métis. Comme je le dis dans notre portail, nous avons pu constater jusqu'à maintenant que notre état de santé est bien inférieur à celui des groupes autres qu'autochtones au Canada, à de nombreux égards. Il est également inférieur à celui d'autres groupes autochtones. Notre population croît, elle continue de croître et elle vieillit. C'est un problème qui ne disparaîtra pas de lui-même. Nous voulons continuer à réunir les données nécessaires et essayer de comprendre quelles sont les influences qui entrent en ligne de compte.
Le plus grand obstacle à notre développement tient d'abord — il faut insister sur l'explication historique ici — au fait que les divers ordres de gouvernement n'ont jamais vraiment voulu se pencher sur le cas des Métis, et cela remonte à la politique des certificats du XIXe siècle et à l'échec des revendications territoriales au XXe siècle. Ainsi, les politiques et les refus des divers ordres de gouvernement ont laissé les Métis dans une situation où leur identité s'est érodée et où leur confiance en leurs propres moyens a été minée. De ce fait, la plupart d'entre nous n'ont pu tirer parti des avantages économiques qui se présentaient au fur et à mesure que le Canada se développait, de même que des occasions qui se présentent aujourd'hui.
De ce fait, Ralliement national des Métis salue l'arrivée du rapport récent du comité des peuples autochtones sur le développement économique chez les Autochtones. Il ne fait aucun doute que c'est un facteur clé dans cette histoire, d'après nos propres statistiques et d'après ce que nous disent le Dr King et Mme Gideon. Tout le monde semble être d'accord : la sécurité économique est un facteur important du point de vue des déterminants de la santé. C'est cela qui a conduit à de piètres conditions sanitaires et, si le problème n'est pas réglé dès maintenant, il y aura un prix énorme à payer non seulement du point de vue des Métis et de leur culture, mais aussi du gouvernement canadien et des Canadiens eux-mêmes — un prix énorme.
Nous souhaitons déployer tous les efforts possibles et travailler de concert avec les divers ordres de gouvernement afin de nous assurer que personne n'a à payer ce prix, et certainement pas les Métis eux-mêmes, mais pas les habitants du Canada non plus.
Pour que cela se fasse, Ralliement national des Métis a conçu une série de mesures en cinq volets qu'il faut adopter pour que nous puissions travailler de concert avec les divers ordres de gouvernement afin de nous assurer d'améliorer l'état de santé des Métis dans l'ensemble. La première mesure consiste à reconnaître que tous les ordres de gouvernement — le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires et les Métis eux-mêmes — ont une part de responsabilité en la matière et doivent s'attacher aux besoins en matière de santé des Métis, ce qui suppose une évolution globale des mentalités. L'état de santé des Métis est la responsabilité de tous — des Métis eux-mêmes, des administrations métisses et des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.
En deuxième lieu, il faut appuyer les administrations et les institutions métisses afin de s'assurer que les Métis jouent un rôle efficace dans la conception — à l'échelle fédérale et provinciale —, l'exécution et la mise en œuvre de la politique de la santé. Il est question ici non pas de créer un système distinct, mais plutôt d'améliorer le système en place.
En troisième lieu, il faut s'engager à maintenir le financement sur un certain nombre d'années. Nous sommes heureux de dire que Santé Canada nous a ouvert ses portes. Nous n'avons jamais bénéficié d'un financement prévu sur un si long terme de la part d'un ministère fédéral ou provincial, et nous en sommes heureux. Néanmoins, le financement ne vaut que jusqu'en 2010. À ce moment-là, rien ne laisse présager que ce sera prolongé.
Nous commençons à travailler avec l'Agence de santé publique du Canada et avec Statistique Canada afin de nous assurer que le financement perdure dans d'autres domaines, pour que nous puissions mieux comprendre et mieux quantifier l'état de santé des Métis et les facteurs qui entrent en ligne de compte. Ce n'est pas une mince tâche, car les moyens nous font défaut. Nous ne sommes pas sûrs de la stabilité des fonds, et donc de pouvoir avoir sur le terrain des gens qui collaborent avec les ministères fédéraux et provinciaux afin d'établir les moyens d'agir à cet égard.
En quatrième lieu, nous devons penser à l'aboutissement de tout cela. Que pouvons-nous remettre aux gouvernements fédéral et provinciaux pendant que nous essayons de comprendre l'état de santé des Métis et les facteurs qui y président? À titre d'exemple, il y a l'échange d'informations, si bien que, au moment d'élaborer des politiques, nous sommes renseignés, nous savons de quoi nous parlons et nous avons en tête des plans d'action précis.
En cinquième lieu, il faut bonifier nos connaissances de manière générale. C'est ce que je disais plus tôt à propos de l'idée de travailler avec les divers ministères provinciaux et fédéraux afin d'arriver à mieux comprendre où nous en sommes rendus, pourquoi nous en sommes rendus là et ce que nous pouvons faire pour améliorer notre situation. Cela peut comprendre le maintien ou l'accroissement des appuis à l'égard des projets de recherche et d'échange d'information.
L'idée peut paraître théorique, mais tout cela fait intervenir deux éléments fondamentaux : premièrement, la reconnaissance des Métis par les gouvernements fédéral et provinciaux; et, deuxièmement, l'accroissement du soutien et l'acceptation de la responsabilité, soit que nous sommes tous responsables de la santé de nos gens, des habitants du Canada, ce qui comprend les Métis du Canada.
Mme Fowler : Merci de m'offrir l'occasion de présenter un exposé aujourd'hui. Nous vous avons remis un document produit par Inuit Tapiriit Kanatami à propos des travaux de la Commission des déterminants sociaux de la santé de l'Organisation mondiale de la santé. Nous venons d'ajouter aujourd'hui le plan d'action des Inuits. Les Inuits du Canada et Sa Majesté la Reine du chef du Canada ont conclu un accord de partenariat le 31 mai 2005. Les Inuits du Canada sont représentés à ce propos par Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK, et la Reine est représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord.
Le plan d'action initial doit prévoir des activités et des projets à réaliser sur une période de trois ans avec les révisions qui s'imposent. Les plans d'action subséquents seront examinés, et les priorités, négociées tous les trois à cinq ans.
Comme je l'ai signalé, je suis coordonnatrice de projet au service de santé d'ITK. Nous, Inuits, formons une population jeune et en croissance. Nous sommes environ 53 000 éparpillés dans 35 collectivités isolées et éloignées des grands centres, étalés sur un territoire qui représente le tiers environ de la masse terrestre du Canada. Le rôle premier d'ITK est de veiller à ce que les Inuits aient une place plus équitable au Canada. Nous sommes le représentant national des Inuits au Canada et nous nous attachons à des questions d'une importance capitale pour ce qui est de préserver la culture, l'identité et le mode de vie inuits.
Une des responsabilités importantes d'ITK consiste à promouvoir et à veiller à ce que nous soyons bien renseignés sur les questions et les événements qui touchent leur vie. Le processus est censé garantir que les intérêts des Inuits reposent sur la vision et les perspectives relatives au savoir des Inuits.
Les communautés inuites font face à de nombreux changements en rapport avec les politiques gouvernementales tandis qu'elles essaient d'améliorer leur niveau de vie et leur bien-être familial et individuel. J'aimerais insister sur la nécessité pour nous tous de nous engager à améliorer l'état de santé des Inuits en élaborant et en mettant en œuvre des politiques et des programmes concrets qui répondent aux besoins des Inuits. C'est un élément capital pour s'assurer qu'il y ait des améliorations et que le retard est comblé.
Les Inuits ne dissocient pas la santé mentale et la santé physique; nous parlons plutôt de bien-être global. Les Inuits appuient une approche globale axée sur la santé des populations. À eux seuls, les services de santé ne suffisent pas à assurer le bien-être global. Des améliorations touchant les occasions économiques, le logement, l'éducation, la langue et la culture, l'environnement, la justice et les infrastructures, et les relations avec les nombreux intervenants s'imposent aussi. Ce sont des programmes centrés sur la situation, la culture et les besoins uniques des régions et des collectivités où vivent les Inuits qui serviront à améliorer l'état de santé des Inuits. Les Inuits vivent une évolution fondamentale de leur mode de vie et de leur bien-être.
Il est bien établi que, comme c'est le cas pour d'autres groupes autochtones au Canada, les Inuits sont marqués par de grandes inégalités relatives à la santé, par rapport aux autres Canadiens. Par exemple, l'écart entre l'espérance de vie des uns et des autres est énorme, soit une quinzaine d'années. La population canadienne vieillit et les gens vivent plus longtemps, mais ce n'est pas le cas des Inuits. Il est probable que l'espérance de vie des Inuits ait diminué ces dernières années. Il faudrait établir des statistiques rigoureuses à ce sujet pour que les décisions prises reposent sur des faits confirmés. Des informations que nombre de Canadiens tiennent pour acquises n'existent pas dans le cas des Inuits. Par exemple, le taux de mortalité infantile est l'une des mesures fondamentales de la santé selon les conditions socioéconomiques, les pratiques en matière de santé publique, l'accessibilité et la qualité des soins de santé, et cetera. Cependant, les statistiques de l'état civil ne disent rien de particulier à propos des Inuits. Nous ne connaissons pas le taux de mortalité infantile des Inuits au Canada. Les statistiques qui existent portent souvent sur une région particulière ou sur l'ensemble des habitants des collectivités inuites, de sorte qu'elles excluent les Inuits qui se trouvent dans la partie sud du Canada. Les informations sont souvent tirées d'enquêtes qui portent sur l'ensemble des Autochtones ou des Premières nations. Certaines personnes utilisent les statistiques à tort pour décrire la situation des Inuits.
L'acculturation s'est faite rapidement chez les Inuits du Canada, qui sont passés d'un mode de vie traditionnel à un mode moderne et industrialisé. Le passage des formes traditionnelles de subsistance à une vie marquée par la dépendance à l'égard d'une économie basée sur les salaires a bouleversé radicalement les relations sociales et environnementales chez les Inuits et est reconnue comme un facteur de marginalisation sociale et de stress. Le taux de suicide est notamment plus élevé. Malgré les bouleversements socioculturels qu'ont connus les Inuits, il est un indicateur du bien-être culturel qui demeure fort : l'utilisation de la langue inuite. L'inuktitut demeure l'une des langues autochtones les plus solides au pays. Le gouvernement fédéral est prié instamment de jouer un rôle dans la protection et l'amélioration de l'inuktitut en en faisant l'une des langues officielles du Canada.
La productivité est maintenant considérée comme un important déterminant social de la santé dans le cas particulier des Inuits. La notion est considérée comme étant plus judicieuse que celle de l'emploi : chez les Inuits, bon nombre d'hommes et de femmes travaillent encore de façon informelle en pratiquant la chasse et la pêche, en produisant des biens pour leur famille et en fournissant les services bénévoles au sein de leur collectivité. Ces services ne sont pas habituellement considérés comme une forme d'emploi, mais ils devraient être pris en considération là où il s'agit de penser aux déterminants sociaux de la santé des Inuits et à l'élaboration de nouvelles politiques à leur sujet.
On adopte des mesures concrètes pour accroître les perspectives d'emploi dans les collectivités inuites par le recours à des accords sur les répercussions et avantages, auxquels se trouvent soumis les auteurs de tout grand projet de développement sur un territoire revendiqué par les Inuits. Les ententes sur les répercussions et les avantages sont considérés comme une mesure essentielle qui permet aux Inuits d'en arriver à l'autodétermination, de diversifier leur économie locale, de toucher des revenus et de profiter d'occasions de formation et d'emploi. Il y a un autre programme qui a eu un certain succès du point de vue de l'emploi chez les Inuits : la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones.
Il faut un soutien à l'échelle communautaire pour que les gens puissent bénéficier de programmes d'études et d'autres occasions scolaires qui conviennent, d'une formation professionnelle, d'une orientation professionnelle et d'autres programmes liés à l'emploi. En outre, pour établir des perspectives d'emploi durables, la croissance et la diversification du secteur privé revêt une importance capitale. Les programmes de soutien aux récoltes permettent d'appuyer les activités de récolte et de survie. Il faut un meilleur financement et de nouveaux programmes pour s'assurer que les jeunes Inuits fréquentent l'école.
Un autre déterminant social clé est le filet de sécurité sociale en matière de santé chez les Inuits. Il est question de l'accessibilité et de la qualité des mesures d'appui familiales, communautaires et sociales. Les collectivités s'appliquent à trouver des façons de renforcer les mesures d'appui social de façon à pouvoir combattre les problèmes sociaux qui sont apparus récemment. Comme c'est le cas pour les services de santé, les services sociaux devraient faire participer activement les jeunes et les familles à l'élaboration des programmes à leur intention, intégrer des traditions et des connaissances spécifiques aux Inuits et accroître la connaissance qu'ont les membres de la collectivité des services offerts.
L'aide financière globale consentie par le gouvernement est insuffisante, car elle n'est pas adaptée au coût de la vie élevé dans l'Arctique. En fin de compte, le gouvernement fédéral doit adapter ses programmes d'assistance aux besoins uniques des Inuits qui vivent dans l'Arctique.
Aujourd'hui comme hier, la transition que vit notre société a un impact sur notre bien-être global. Nous demandons au comité d'envisager l'impact des facteurs en question sur le bien-être des Inuits et de reconnaître que, pour améliorer notre santé, il nous faut adopter des stratégies à l'intérieur comme à l'extérieur du système de santé.
Les politiques et les programmes qui conviennent le mieux aux Inuits sont ceux que les Inuits eux-mêmes conçoivent, exécutent et administrent. La culture et le savoir inuits sont des éléments centraux de notre santé et de notre bien-être. Une approche axée sur la santé des populations concorde avec l'approche adaptée aux Inuits que préconisent tous les organismes inuits. Il nous faut promouvoir la vie et le bien-être, et bâtir de solides collectivités. Par exemple, les stratégies globales de prévention du suicide doivent comporter des programmes d'emploi et de transition, des programmes de formation dans les métiers et l'équivalent d'un programme d'études secondaires, sans oublier des logements pour les jeunes adultes et ainsi de suite. Les programmes nouveaux et établis pour la petite enfance servent à renforcer les fondements du bien-être global chez l'enfant. Des campagnes médiatiques à connotation méliorative menées sous la direction de jeunes personnes pourraient servir à encourager la discussion et à réduire la stigmatisation. Les lignes d'assistance régionale en cas de crise et les centres pour jeunes et pour personnes âgées dans chacune des collectivités peuvent donner accès à du personnel de soutien.
En résumé, les Inuits prendront eux-mêmes les décisions qui permettent de maintenir et d'améliorer leur bien-être global, mais ils doivent pouvoir compter sur des gens comme vous, qui écoutent et formulent des recommandations judicieuses. Nous espérons que vous avez compris aujourd'hui que les Inuits sont conscients de ce qui s'impose, qu'ils s'engagent à s'attaquer aux problèmes de santé et de bien-être et qu'ils ont besoin de ressources et de partenariats permettant d'instaurer les changements positifs envisagés.
Pour protéger le mode de vie inuit, nous devons travailler ensemble, entre nous et avec les gouvernements et les organismes en vue de planifier efficacement le long terme. Nous ne pouvons plus admettre que les querelles de compétence servent d'excuses. La façon d'avancer pour les Inuits, c'est de voir la santé dans une optique de santé des populations, où il est d'abord et avant tout question d'améliorer l'état de santé de la population entière.
Comme je l'ai dit au début de l'exposé, nous vous avons remis un plan d'action inuit qui décrit vraiment l'approche des déterminants sociaux et les mesures qui s'imposent pour améliorer le bien-être des Inuits.
Le président : Merci beaucoup, madame Fowler. Vous avez dit quelque chose d'intéressant à la fin. Depuis plusieurs années, j'essaie de trouver une façon d'exprimer cette idée; autrement dit, voir la santé dans l'optique de la santé des populations. Il serait très intéressant que quelqu'un, pour le début de notre rapport, trouve un concept accrocheur comme celui-là, car cela révolutionne notre réflexion classique sur la santé. Peut-être qu'une personne ici saura le faire.
Le prochain exposé sera celui de Mme Claudette Dumont-Smith, conseillère principale en santé, Association des femmes autochtones du Canada.
Mme Dumont-Smith : Bonjour. Merci de m'inviter à prendre la parole devant le groupe aujourd'hui.
J'aimerais d'abord présenter l'Association des femmes autochtones du Canada, l'AFAC. Notre organisme existe depuis 1974. C'est un organisme sans but lucratif qui représente toutes les femmes autochtones au Canada, dont celles des Premières nations, les Indiennes inscrites et non, celles qui habitent dans les réserves ou ailleurs, et aussi des femmes métisses. Notre but consiste à améliorer, à promouvoir et à favoriser la santé et le bien-être social, économique, culturel et politique des femmes autochtones à l'intérieur de la société autochtone et de la société canadienne. Nous comptons 13 associations membres provinciales et territoriales, et nous sommes dirigés par un conseil d'administration composé de 22 personnes.
Nos objectifs sont les suivants : représenter les femmes autochtones à l'échelle nationale; nous attaquer aux problèmes de manière qui tient compte des besoins changeants des femmes autochtones au Canada; favoriser les buts communs en matière d'autodétermination et d'autosuffisance des femmes autochtones en tant que mères, grands-mères et leaders; promouvoir des chances égales pour les femmes autochtones dans le contexte de programmes et d'activités; servir de ressources aux femmes autochtones et aux membres des communautés autochtones; cultiver et renseigner les caractéristiques uniques de nos traditions culturelles et historiques; aider les autres organismes de femmes autochtones et les auteurs d'initiatives communautaires à mettre en place leurs projets locaux; et faire progresser les causes particulières des femmes autochtones.
Regardons la santé des femmes autochtones du point de vue des déterminants de la santé : la plupart des peuples autochtones croient que, pour être en santé, il faut vivre en équilibre avec la nature — les facteurs externes — et avec soi-même. D'après les peuples autochtones, ce soi-même comprend les sphères spirituelle, mentale, affective et physique. Être en mauvaise santé, c'est ne pas être en équilibre avec soi-même ou avec la nature, sinon les deux. Cette conception de la santé concorde bien avec l'approche axée sur la santé des populations, qui reconnaît que l'état de santé d'une population est modulé tout autant par les facteurs internes que les facteurs externes. Ces facteurs ont été désignés comme étant les déterminants de la santé.
L'approche axée sur la santé des populations est une approche large au sens où elle reconnaît que la santé des populations est influencée par un déterminant de la santé, sinon les interactions complexes entre plusieurs déterminants de la santé.
Pour changer le statu quo, c'est-à-dire pour améliorer la santé des femmes autochtones, qui constituent une population spécifique, les multiples interventions conçues doivent être mises en œuvre simultanément. Par exemple, si on continue de s'attaquer au diabète chez les femmes autochtones en tenant compte uniquement du point de vue médical, sans reconnaître ou essayer de régler les questions qui existent au départ, par exemple en ce qui concerne le revenu et la situation sociale, les activités culturellement adaptées de promotion de la santé et de prévention des maladies, l'accessibilité des services de santé — et la liste ne s'arrête pas là —, l'espoir que ça change demeure mince.
Cependant, si on met en œuvre une approche axée sur la santé des populations ou sur de multiples interventions, les probabilités de voir diminuer le taux de diabète chez les femmes autochtones augmentent sans nul doute. En reconnaissant le fait que les déterminants de la santé ont une incidence sur la santé, il ne faut pas s'étonner de constater que les femmes autochtones au Canada ont un si piètre état de santé. Pour pratiquement tous les facteurs déterminants, elles présentent des résultats nettement en deçà des seuils acceptables par rapport au reste de la population canadienne.
La réalité que vivent la plupart des femmes autochtones tient aux déterminants de la santé suivants. Du point de vue du revenu et de la situation sociale, les résultats des femmes autochtones sont mauvais. Pour ce qui est des réseaux d'entraide sociale, bon nombre de femmes autochtones sont victimes du processus de colonisation et des internats; par conséquent, les réseaux traditionnels d'entraide sociale à leur disposition sont rares, sinon inexistants. Dans l'ensemble, les femmes autochtones sont moins scolarisées. Quant à l'emploi, elles présentent un taux de chômage élevé. Si elles travaillent, elles touchent un salaire modeste. Elles ont été contraintes de quitter leur milieu social et de vivre dans des milieux sociaux instables, dominés par les hommes. Elles connaissent de déplorables conditions matérielles avec une contamination des systèmes d'égout et d'approvisionnement en eau, et l'entassement des unités d'habitation. Elles vivent dans des environnements sociaux marqués par une absence de soutien et où de bonnes pratiques en matière de santé et d'adaptation ne sont pas encouragées. Pour ce qui est du développement des enfants, elles ne disposent pas de soins prénatals adéquats avec tout ce que cela suppose. C'est le patrimoine biologique et génétique qui est touché, car elles sont obligées d'acheter et de consommer des aliments non traditionnels. Elles n'ont pas accès à des services de santé essentiels, surtout dans les collectivités isolées et collectivités du Nord. Il faut instaurer un processus culturellement et sexuellement adapté en rapport avec l'ensemble des politiques et des programmes; cela n'existe guère aujourd'hui. Les femmes manquent de politiques, de programmes et de services de santé convenables et culturellement adaptés. Bon nombre d'entre elles vivent dans des villages ou des localités rurales ou éloignées, où elles n'ont pas accès aux services ou aux programmes. Nous considérons la violence comme un autre déterminant de la santé, et les taux de violence sexuelle, raciale, systémique et conjugale sont très élevés au sein de notre population.
S'il fallait situer le long d'un spectre les déterminants de la santé et les éléments d'une bonne santé, en plaçant à une extrémité une santé optimale, les conditions des femmes autochtones sont telles que leur cas serait sûrement situé à l'autre extrémité du spectre.
L'AFAC appuie sans réserve la mise en œuvre d'une approche axée sur la santé des populations. Ce serait une façon logique et raisonnée d'améliorer la santé des femmes autochtones. L'inefficacité des approches fragmentaires n'est plus à démontrer. La mise en œuvre d'une approche axée sur la santé des populations peut paraître plus complexe et plus coûteuse à court terme, mais, à court aussi bien qu'à long terme, cela permettra bien d'améliorer la santé des femmes et de grever de moins en moins le contribuable. Les taux élevés de maladies chroniques sont tels que le coût des soins de santé augmente de façon marquée.
Pour conclure, disons que le piètre état de santé des femmes autochtones, qui accuse un retard très net sur celui du reste des femmes du Canada, est lié à diverses causes. La toute première est le processus de colonisation. Il est bien établi que, avant la période de colonisation, les femmes autochtones bénéficiaient d'un statut davantage égalitaire par rapport aux hommes de leur groupe. Elles avaient le pouvoir de prendre des décisions à propos de questions qui touchaient leur santé et leur bien-être, ainsi que les membres de leur famille et la collectivité dans son ensemble. Leurs responsabilités décisionnelles ont continué de diminuer avec l'adoption de la Loi sur les Indiens, qui en faisait des citoyens de seconde zone. Les femmes autochtones doivent revendiquer et reconquérir leur pouvoir d'agir sur des questions qui les touchent; autrement, ce sera le statu quo.
Les femmes autochtones doivent toujours être présentes là où les décisions à prendre ont un effet sur elles. Nous croyons qu'il est possible d'améliorer la santé des femmes autochtones en leur permettant de reconquérir l'emprise qu'elles exercent sur tous les aspects qui influent sur leur vie, et cela veut dire l'établissement, la mise en œuvre et l'évaluation de politiques qui s'imposent en matière de santé. Les femmes autochtones doivent participer, à tous les niveaux, aux processus qui permettent d'aspirer à un changement.
Le président : Merci, madame Dumont-Smith. C'est une chose à laquelle vous devez réfléchir plus tard, pendant la discussion. Dans la société, de manière générale, les possibilités d'amélioration sont énormes en ce qui concerne la santé maternelle, pour que des bébés en santé naissent partout et non pas des bébés malades qui causent tant de problèmes pour eux-mêmes, pour leur famille et pour la société.
Mme Wolski : Je suis très honorée d'avoir l'occasion de prendre la parole devant vous tous aujourd'hui. Je tiens à remercier le peuple algonquin sur le territoire duquel nous sommes réunis ici aujourd'hui. Je remercie aussi mes collègues qui témoignent eux aussi aujourd'hui, dont beaucoup, comme moi, ont consacré leur vie à l'amélioration de la santé des peuples autochtones. Notre combat est certainement juste.
Enfin, je veux remercier le comité de donner au Congrès des peuples autochtones, le CPA, la possibilité de présenter son point de vue sur ce sujet des plus importants. Le CPA appuie l'approche axée sur la santé des populations. Nous sommes d'accord avec une approche qui se veut inclusive et ne tient aucun compte du statut.
Le CPA travaille à faire progresser de manière équilibrée et positive les points de vue des Autochtones hors réserve sur la santé en favorisant les partenariats et les projets de collaboration dans le domaine de la santé et de la guérison. Le CPA aborde les questions de santé depuis la base même pour s'assurer d'instaurer des changements réels qui profiteront aux générations futures. Le travail du CPA dans le domaine des déterminants sociaux de la santé a débuté il y a quelques semaines à peine, mais nous espérons que les précieux efforts déployés en ce sens continueront d'être soutenus au point de devenir un jour le fondement de toute l'œuvre dans laquelle est engagé le CPA.
Tout au long de la journée, nous allons établir divers déterminants de la santé et en discuter, en tenant compte de la réalité des gens qui sont représentés ici aujourd'hui. Nous allons examiner le fait que la santé des Autochtones au Canada est beaucoup moins bonne que celle des autres personnes ainsi que les répercussions de cette situation sur les générations futures.
Le CPA reconnaît les faits présentés par mes respectés collègues ici, aujourd'hui et, tandis que certaines questions peuvent avoir des répercussions sur des populations précises à divers degrés, il faut dire qu'elles se font véritablement sentir sur nous tous, en tant qu'Autochtones. Nous partageons tous la même réalité.
À titre d'exemple donné très rapidement, je vous demanderais d'envisager le cas suivant : les Autochtones hors réserve présentent généralement une santé moins bonne que celle des non-Autochtones — ils sont une fois et demie plus susceptibles de déclarer une santé moyenne ou piètre. Trente-quatre pour cent des ménages autochtones hors réserve et 27 p. 100 des ménages métis ont un besoin impérieux de logements, comparativement à 18 p. 100 pour la population générale. Les membres de ces groupes sont moins susceptibles d'être propriétaires de leurs maisons, et plus de la moitié dit avoir été victime de discrimination de la part de propriétaires éventuels. Plus de 55 p. 100 des Autochtones en milieu urbain vivent dans la pauvreté. Cette proportion atteint 66 p. 100 dans certaines zones urbaines. Cinquante-deux pour cent des enfants autochtones en milieu urbain vivent dans la pauvreté. Ces enfants sont quatre fois plus susceptibles de souffrir de la faim et risquent davantage d'avoir des ennuis de santé de ce fait. Quarante-six pour cent des enfants autochtones en milieu urbain vivent dans une famille monoparentale. Les enfants autochtones en milieu urbain sont sept fois plus susceptibles de vivre avec une personne apparentée autre que leur père ou leur mère qu'un enfant non autochtone.
Ces statistiques n'offrent qu'une image ponctuelle du quotidien des Autochtones hors réserve, mais le CAP a pu s'en servir pour établir que le logement, la pauvreté et le développement durant la petite enfance sont les premiers déterminants dont nous devrions nous occuper. En outre, le CPA établit un déterminant qui dépasse tous les autres qui ont été examinés jusqu'ici. J'ai nommé l'exclusion sociale. On entend par exclusion sociale le processus suivant lequel les gens se voient refuser la possibilité de participer aux différents aspects de la vie culturelle, économique, sociale et politique. Cette exclusion se manifeste de trois façons : premièrement, comme tous les Autochtones, les membres du CPA font l'objet de racisme et de discrimination dans leur vie de tous les jours. Les actes en question sont commis par la population générale. Ils contribuent aux stéréotypes négatifs et les aggravent, créant de ce fait des obstacles qui empêchent de nombreux Autochtones d'avoir accès aux services, y compris les services de santé.
Deuxièmement, nous sommes victimes d'exclusion du fait du maintien de politiques, de lois et de dispositions législatives qui contribuent à miner les chances d'épanouissement des Autochtones. Tant que ces problèmes ne seront pas réglés d'une manière qui tient compte des besoins de tous les peuples autochtones et d'une manière qui respecte le droit inhérent des Autochtones à l'autodétermination, il n'y aura pas de changement significatif.
La dernière et peut-être la plus dommageable des formes d'exclusion sociale à laquelle le CPA et ses membres font face est la violence latérale. Ce type de violence se manifeste dans nos familles, dans nos communautés et dans nos structures organisationnelles. Elle peut s'exercer de manière déguisée et subtile, mais je peux vous dire d'après mon expérience personnelle qu'elle représente un obstacle très important aux activités que j'exerce quotidiennement au CPA. Nous avons pour responsabilité d'expliquer le point de vue des Autochtones hors réserve sur la santé au débat qui a lieu, mais nous ne pouvons le faire si nous en sommes absents.
La violence latérale est un produit de la colonisation. Le terme est utilisé d'ordinaire pour décrire la situation de groupes minoritaires opprimés. Pour nous, c'est un cas où l'opprimé devient l'oppresseur. Il s'agit d'un phénomène bien connu qui nous a divisés, nous les Autochtones, en petites factions, nous empêchant finalement de former un peuple plus fort et plus uni. C'est une question très grave qui est rarement abordée ouvertement, encore moins sur une tribune comme celle-ci. Cependant, je crois sincèrement que si nous, les Autochtones, voulons un jour atteindre un niveau de bien-être optimum, nous devons mettre fin à la violence.
Sont présents à la table aujourd'hui certains des plus brillants éléments du monde indien. Nous sommes tous passionnés par notre travail et nous avons à cœur ceux pour qui nous travaillons. Comme nous l'avons entendu ici aujourd'hui, chacun d'entre nous a des arguments valables à présenter, et chacune des questions abordées mérite tout à fait que l'on s'y attarde. Notre compétence, notre statut et notre lieu de résidence ne sont peut-être pas les mêmes, mais nous devrions tous admettre qu'une crise de la santé sévit actuellement dans nos collectivités. Nous ne pouvons empêcher que la colonisation ait eu de graves répercussions sur les gens, mais nous pouvons certainement limiter les impacts à l'avenir, en travaillant ensemble. Joignons nos forces pour livrer un juste combat, formons un front uni, assumons collectivement la responsabilité et allons de l'avant de manière positive et productive.
Nous ferions peut-être bien de nous rappeler un peu notre passé et, si qualifiés que nous sommes, nous rappeler pourquoi nous avons choisi de faire carrière dans le domaine de la santé. Quant on pense à la réalité qui se reflète dans le visage d'un enfant autochtone qui a faim, est-ce qu'on se demande s'il a une carte d'indien inscrit ou s'il vit dans une réserve? Quant à moi, je vois le visage d'un enfant qui compte désespérément sur le fait que je m'occupe de lui. Comme il faut agir, je vous invite tous à appuyer les recommandations suivantes : que le gouvernement agisse immédiatement et en priorité pour créer un environnement qui est propice au développement d'une relation de travail saine entre les peuples et les organismes autochtones et au sein de ces groupes en s'attaquant aux obstacles qui ont été érigés et qui demeurent en place à cause des dispositions législatives et des politiques actuelles — et que les efforts en ce sens incluent tous les peuples autochtones à titre de partenaires à part entière; que le gouvernement agisse équitablement et aide les collectivités et les organisations autochtones à se munir de la capacité de répondre aux besoins en santé de la population, immédiatement et à long terme; que le gouvernement prenne des mesures immédiates pour pallier aux méthodes actuellement utilisées pour recueillir des informations et des données sur la santé, qui ne représentent qu'une faible part de la population autochtone dans le besoin; que le gouvernement mette au point, dans le cadre d'un partenariat avec les organismes autochtones à vocation nationale, un système de bulletin qui nous permettra de suivre les progrès accomplis.
Mme Dickson : Merci de l'occasion que vous m'offrez de contribuer au débat. Je vous transmets les salutations des 14 membres du conseil d'administration de Pauktuutit, surtout de notre présidente, Martha Greig, qui vit à Kuujjuaq, au Québec, et qui vous fait part de ses vœux de succès.
Pauktuutit est l'organisme national qui représente toutes les femmes inuites du Canada. Pauktuutit et ITK ont convenu de profiter de la brève période dont ils disposent aujourd'hui pour se partager les thèmes à aborder. ITK a traité de l'acculturation, de la productivité et des filets de sécurité sociale. Je vais présenter les thèmes de la qualité de vie pendant l'enfance, du logement et de l'analyse comparative entre les sexes, et ce, du point de vue de la santé de la population.
Aujourd'hui, l'âge moyen des Inuits est inférieur à 20 ans. Au cours des 50 dernières années, par suite du changement rapide de notre structure familiale et de notre mode de vie, les parents ont dû travailler à l'extérieur de la famille pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Selon le recensement de 2001 de Statistique Canada — d'où je prends mes statistiques, car ce sont les plus récentes que nous ayons —, la moitié de la population inuite se compose de femmes ou de filles de moins de 15 ans. De plus, près de 20 p. 100 de la population inuite de sexe masculin a moins de 15 ans. D'après ces chiffres, les femmes inuites et leurs enfants constituent près de 70 p. 100 de la population inuite.
En 2000, le Nunavut a enregistré le taux de grossesses chez les adolescentes le plus élevé du pays, soit 161,3 pour 1 000 naissances comparativement à la moyenne nationale de 38,2, ou quatre fois plus que la moyenne canadienne. Selon la conclusion du rapport sur la santé périnatale au Canada de 2003, les jeunes mères sont plus susceptibles de fumer et de consommer de l'alcool de façon excessive à l'occasion, et moins susceptibles que les mères plus âgées de pratiquer l'allaitement maternel, sinon elles allaitent pendant une période plus courte. Selon le rapport, un pourcentage plus élevé de mères adolescentes est victime de violence physique et sexuelle pendant la grossesse.
Aujourd'hui, bien des familles de nos collectivités du Nord font garder les enfants à l'extérieur du foyer ou de la famille élargie. Le personnel des garderies accréditées, du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones et des prématernelles répond aux besoins d'environ 2 000 enfants dans tout le Nord.
Les familles et les collectivités préconisent des programmes d'éducation des enfants et de soutien familial parce qu'elles croient que des familles et des parents en santé sont synonymes de collectivités et d'enfants en santé. Les programmes d'éducation de la petite enfance dans les collectivités du Nord ne se limitent pas à offrir des services de garde pendant que les parents travaillent ou assistent à une formation; ils peuvent transmettre les connaissances, les valeurs et les croyances des ancêtres inuits. Les meilleurs programmes offerts pendant les premières années donnent aux enfants de l'espoir et de la force, et font qu'ils sont fiers d'être des Inuits. Cependant, 29 p. 100 seulement des enfants inuits ont accès à des services de garde accrédités contre 54 p. 100 des enfants canadiens dans l'ensemble.
Le deuxième dossier que je vais aborder est celui du logement. Les statistiques nationales permettent de brosser le portrait de la situation : la moitié des Inuits vivent dans des logements surpeuplés, et près de 40 p. 100 d'entre eux sont considérés comme ayant des besoins impérieux, c'est-à-dire qu'ils ne vivent pas dans un logement acceptable et qu'ils n'ont pas accès à un tel logement. Le Nord est aux prises avec une crise du logement qui s'aggrave tous les jours, car la population augmente rapidement, et le parc de logements vieillit. En 2004, selon les estimations, il aurait fallu aménager immédiatement 3 000 unités de logements seulement pour que le surpeuplement des logements au Nunavut corresponde à ce qui est observé dans le reste du Canada.
Un ensemble particulier de facteurs observés dans le Nord canadien exacerbe la crise actuelle du logement, qui résulte de plusieurs grands facteurs socio-économiques et environnementaux : un climat rigoureux, l'éloignement, une population de base extrêmement peu nombreuse, le manque de routes ou d'accès par chemin de fer, des infrastructures sous-développées et les coûts élevés de la main-d'œuvre et des matériaux se combinent pour empêcher le développement du genre de marché du logement qui encourage les investissements privés dans le Sud du pays. Par conséquent, la construction de nouveaux logements dépend en grande partie de la participation du secteur public.
Plus de 99 p. 100 des résidents des logements sociaux au Nunavut sont inuits, et le nom de bon nombre d'entre eux figure sur de longues listes d'attente pour l'obtention d'un logement public. Bien des gens attendent un logement pendant des années, alors que de multiples familles vivent ensemble et dorment à tour de rôle dans des logements dont la superficie est inférieure à 1 000 pieds carrés. Les listes d'attente renferment toujours le nom de plus de 1 000 familles, soit environ 3 800 personnes. Les surfaces habitables convenables et adéquates sont devenues une ressource rare plutôt qu'un droit fondamental. Quant à quelques mesures destinées aux femmes vivant une transition, ayant été victimes de violence, c'est pratiquement inexistant.
En plus des niveaux de surpeuplement actuels, le Nord canadien fait face à un taux de natalité qui est plus de deux fois plus élevé que la moyenne canadienne. Un autre facteur contribue à la crise du logement : l'âge médian de la population inuite, qui est plus élevé, soit 19,1 ans.
On a établi depuis longtemps un lien entre les logements insalubres, inappropriés et surpeuplés, et le bien-être collectif. Les données portent de plus en plus à croire, par exemple, que le surpeuplement a des effets directs sur la santé des membres des ménages — en particulier les nourrissons. Selon Santé Canada, les logements surpeuplés sont liés directement à la transmission de maladies infectieuses comme la tuberculose.
Le surpeuplement touche également les familles en accroissant les risques de blessures, les problèmes de santé mentale, les tensions familiales et, bien sûr, la violence. Ces facteurs de stress sont de puissants déclencheurs de comportements négatifs à l'origine d'une dépendance à l'égard de l'alcool et des drogues, et du suicide. Le taux de suicide dans le Nord est six fois plus élevé qu'ailleurs au Canada. Ces comportements figurent parmi ceux qui reviennent le plus souvent dans le système de justice — comportements qui ont des effets profonds sur la vie des agresseurs, de leurs victimes et du Nord canadien dans son ensemble. Les enfants qui vivent dans les logements surpeuplés où règne le stress affichent souvent de faibles taux de fréquentation scolaire et de réussite.
La piètre qualité de l'air intérieur dans les maisons surpeuplées est une cause importante de difficultés respiratoires; par conséquent, le taux de tuberculose est de 17 à 25 fois plus élevée que dans le reste du Canada — selon les éclosions — et les collectivités du Nord présentent l'incidence la plus forte de bronchiolite dans le monde. Selon les travaux de la Dre Anna Banerji au Baffin Regional Hospital, le taux d'infection des voies respiratoires chez les enfants inuits en bas âge s'élevait à 306 pour 1 000. C'est du jamais vu pour un pays industrialisé. Une évaluation plus précise de l'état de santé des Inuits n'est possible que si les indicateurs relatifs aux Inuits sont dissociés des indicateurs qui s'appliquent aux autres.
Je voudrais aborder la question des analyses comparatives entre les sexes compte tenu des différences culturelles. Ma collègue de l'AFAC en a parlé aussi. Il s'agit des différences observées entre les femmes et les hommes inuits dans les quatre régions sur les plans médical et social. Les femmes et les familles inuites ont des problèmes et des besoins précis en matière de santé, étant donné que leur situation sociale, culturelle et environnementale peut varier considérablement. Les difficultés sociales et problèmes de santé des Inuits de sexe masculin ne sont pas les mêmes. La principale approche conceptuelle qu'utilisent les décideurs et l'État afin d'examiner et d'expliquer ces différences est l'analyse comparative entre les sexes, ou ACS, soit un outil d'analyse qui tient systématiquement compte des sexospécificités dans l'élaboration de politiques, de programmes et de lois. C'est une politique qui s'applique à l'ensemble du gouvernement du Canada, mais c'est une politique qui n'est mise en œuvre pratiquement nulle part en ce qui concerne les Inuits.
D'après une des observations frappantes des travaux de recherche de Pauktuutit, même si les données sont désagrégées par sexe, il n'y a à peu près pas de recherches qui se fassent en fonction du sexe — sur les rôles sociaux et culturels des femmes et des hommes inuits, et leur effet possible sur la santé. Cette lacune fait ressortir la nécessité d'établir une ACS chez les Inuits et d'appliquer des indicateurs qui révèlent l'interaction entre les rôles des sexes et la santé chez les Inuits. Par exemple, il nous faut un indicateur de la répartition par sexe des activités traditionnelles relatives aux terres — les femmes qui restent au foyer ou au camp et qui sont plus sédentaires, alors que les hommes, plus actifs, pratiquent la chasse. Ce rôle plus sédentaire fait-il courir aux familles inuites un risque plus grand de devenir diabétiques? De même, les indicateurs portant sur le régime alimentaire des hommes et des femmes : les rôles des sexes ont-ils un effet sur la consommation accrue ou réduite par les femmes inuites d'aliments traditionnels? Un indicateur qui pourrait jeter un éclairage sur la violence familiale est celui auquel recourent les chercheurs qui étudient le surpeuplement à Kinngait, dans le territoire du Nunavut. L'étude de Kinngait a révélé que le manque d'accès aux camps éloignés ou à l'équipement de chasse chez les hommes a fait monter considérablement l'anxiété chez les femmes dans les maisons surpeuplées. Selon l'étude en question :
[...] les femmes peuvent craindre l'incidence que le fait de ne pas avoir d'équipement pourrait avoir sur les hommes dans leur vie et les répercussions sur elles de la dépression, de l'ennui et de la colère que cela produit. Les femmes peuvent aussi craindre de ne pas pouvoir nourrir les aînés et les enfants, dont elles sont entièrement responsables.
Cette question et cet indicateur font ressortir une autre différence par rapport à l'analyse entre les sexes qui est faite dans le Sud en ce qui concerne des problèmes comme la violence conjugale et la prévention de la violence. Comme l'a montré le projet national relatif à la violence — le Nuluaq Project —, à la suite de recherches menées auprès des aînées inuites, l'approche de la prévention de la violence chez les Inuits est fondée sur un point de vue différent de celle qui s'applique dans le Sud. Les indicateurs qui ont mis en lumière ces différences devraient également faire partie d'une ASC sur la santé des femmes inuites.
Je vous ai touché un mot de ces trois questions; je suis désolée de devoir les aborder si sommairement.
La santé de la population canadienne est la base de l'avenir du pays. Dans le cas des Inuits du Canada, leur santé précaire mine l'existence même d'une culture ancienne. Je vous remercie d'avoir écouté ce trop bref exposé. Il est souvent difficile de définir les enjeux anciens et nouveaux concernant la santé des Inuits en raison du manque de données précises et de la réticence à utiliser des indicateurs empiriques novateurs dans les études. Les données sur la santé des Inuits sont souvent extrapolées à partir des données plus générales sur les Autochtones recueillies surtout dans le Sud du Canada. Pour que les Inuits puissent planifier adéquatement et établir des priorités en matière de santé, et dégager l'évolution des tendances et des maladies, il faut réunir des données sur les Inuits. Pauktuutit serait heureux de vous aider de quelque façon que ce soit.
M. Gay : Bonjour. Je suis analyste des politiques à l'Association nationale des centres d'amitié, l'ANCA. Aujourd'hui, je voudrais traiter brièvement des thèmes qui marquent le travail que nous faisons en rapport avec les déterminants sociaux de la santé. Je formulerai des observations sur les enfants autochtones en milieu urbain, sur les principaux déterminants, sur la pauvreté et la manière de mieux assurer le départ d'une personne dans la vie, sur les politiques possibles et sur l'avantage du centre d'amitié.
Le comité a déjà reçu un mémoire de l'ANCA, auquel je me reporterai brièvement. Pour des statistiques plus détaillées, voir le document en question, qui remonte au 10 mars 2007.
Le comité a eu droit à d'autres témoignages sur ce qui constituerait les déterminants sociaux les plus convenables. Il existe à ce sujet une abondance d'informations grâce aux efforts déjà déployés, notamment dans le contexte de la Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé et, il y a moins longtemps, de la Charte de Bangkok pour la promotion de la santé sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé.
Fait important, de plus en plus, il est reconnu à l'échelle internationale que les peuples autochtones vivant en milieu urbain forment une communauté distincte dont il faut étudier plus à fond les difficultés et les forces, et pour laquelle il faut imaginer les étapes d'une marche à suivre en vue de l'amélioration de la qualité de la vie, comme en fait la preuve le travail accompli l'an dernier par la Commission des déterminants sociaux de la santé de l'Organisation mondiale de la santé et, ce qui est encore plus important, par l'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones en mai 2007.
L'ANCA est heureuse de venir témoigner devant le comité. Nous croyons que notre expertise, nos connaissances et le point de vue éclairé que nous avons sur la question permettra de faire la lumière, chose inestimable, sur les défis et les occasions qui se présentent au sein de la population autochtone en milieu urbain.
L'Association nationale des centres d'amitié représente le seul élément d'infrastructure pour le service aux Autochtones en milieu urbain qui se consacre à l'amélioration de la qualité de vie des peuples autochtones dans le contexte urbain, c'est-à-dire en favorisant la réalisation d'activités autodéterminées qui encouragent un accès égal à la participation aux affaires de la société canadienne et qui respectent et renforcent le caractère culturel distinct des Autochtones. L'autodétermination est la valeur centrale de notre organisation, et chacun a fait valoir jusqu'à maintenant que c'est probablement le principal déterminant.
Il faut songer au fait que 71 p. 100 des Autochtones du Canada vivent en dehors d'une réserve. Les résultats du recensement de 2006 font voir que la population urbaine des Autochtones a encore augmenté.
Il y a eu une bonne discussion sur la pauvreté et les niveaux de revenu. Plus de 100 000 enfants autochtones ne vivent pas dans une réserve. Ils habitent plutôt dans un centre urbain ou dans une localité rurale et éloignée qui se débat avec un problème de pauvreté. Réalité redoutable : le taux de pauvreté des Autochtones est supérieur à 50 p. 100. Dans les collectivités en question, 52,1 p. 100 des enfants autochtones sont pauvres. Nous pouvons nous entendre pour dire que Statistique Canada a établi des statistiques inquiétantes. Durant l'année, le Conseil national du bien-être social réalisera une étude spéciale sur la pauvreté chez les Autochtones.
S'assurer que les enfants autochtones du Canada naissent en santé, qu'ils peuvent évoluer dans un contexte préscolaire sain grâce à de bons programmes de développement des nourrissons et des petits enfants qui prévoient des mesures permettant de garantir une nutrition adéquate et appropriée, pour que les petits puissent bien croître et apprendre : voilà qui représente indubitablement un investissement positif.
Compte tenu des importantes données scientifiques et économiques les programmes et services d'apprentissage de la petite enfance, bon nombre de centres d'amitié proposent une vaste gamme de programmes du genre, dont le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, le Programme d'action communautaire pour les enfants et le Programme canadien de nutrition prénatale, en milieu urbain. Nous fournissons un ensemble de services ciblés qui s'adressent à nos enfants autochtones. Nous aimerions que les services ciblés en question soient offerts dans un nombre beaucoup plus grand de collectivités.
La persistance d'inégalités ahurissantes en ce qui concerne les possibilités pour les enfants autochtones demeure la honte du Canada. Je vais traiter de certaines politiques possibles à cet égard. J'ai suivi la première discussion que vous avez eue à ce sujet avec Dennis Raphael, John Millar et Ronald Labonté. Fait important : ils ont parlé des obstacles existants au travail que vous souhaitez accomplir du point de vue de la santé. J'offrirai quelques propositions qui s'articulent autour de l'approche thématique. Notre recommandation se décline comme suit : aux petits enfants les grands investissements.
Investir dans les programmes de garde d'enfants et d'éducation de la petite enfance représente une façon de garantir les droits des jeunes enfants, car on améliore ainsi leur bien-être, en partie, et qu'on les prépare à fréquenter une école primaire. Les avantages immédiats et à long terme de tels programmes renvoient à une stratégie rentable de réduction de la pauvreté et de compensation des inégalités. Situer les investissements en question dans un contexte où prime la famille, par exemple dans un centre d'amitié, présente un effet d'entraînement considérable, à la fois pour les répercussions et pour les résultats.
Les tendances sociales et économiques de l'heure, y compris la mobilité, l'urbanisation croissante et l'augmentation de la scolarité et de l'indépendance économique des femmes autochtones ont pour effet de transformer les structures familiales autochtones et de stimuler la demande à l'égard de services mieux organisés pour ce qui est de la garde des enfants et de l'éducation de la petite enfance.
En ce moment, une protection quasi-universelle des groupes autochtones en milieu urbain demeure un rêve lointain. Les programmes d'éducation de la petite enfance sont accessibles pour une petite fraction seulement de la population, le plus souvent des familles nanties en milieu urbain.
Nous vous recommandons aussi de prévoir, étant donné les choix faits, des investissements ciblés. Choisir de cibler les enfants autochtones en milieu urbain et envisager une couverture universelle sont des approches prometteuses pour améliorer l'équité et réduire les inégalités et les disparités, là où les progrès ne viennent pas. De fait, les données font voir que la croissance ne profite pas à tous. Garantir l'universalité des investissements en question permet d'obtenir des gains tant qualitatifs que quantitatifs.
De nombreux centres d'amitié ont acquis une expertise considérable en conception de programmes touchant les services et autres mesures de soutien à l'intention des enfants autochtones en milieu urbain. Plutôt que de réinventer la roue, il vaudrait peut-être la peine d'évaluer les efforts qui produisent déjà un impact positif, puis de déterminer s'il serait possible de les reproduire ailleurs, ce qui donnerait des stratégies appliquées à plus grande échelle, soit l'échelle régionale ou l'échelle nationale.
L'expansion des interventions ainsi envisagées peut reposer sur deux approches, soit l'expansion des programmes financés à même les deniers publics pour les enfants autochtones ou autres en milieu urbain, soit l'inscription des droits inscrits dans une loi. Cela comporterait d'importantes répercussions sur le plan du financement, mais le bienfait serait de forts appuis de la part des gens de la classe moyenne et des pauvres qui ont des enfants. Ce serait plus coûteux.
Une approche consisterait à cibler les enfants autochtones des villes et leur famille. Les données laissent supposer que les gains seraient plus grands si les interventions étaient ciblées sur les enfants autochtones des villes et leur famille. À l'inverse, la perspective du statu quo devrait inquiéter tous les Canadiens.
Nous devons renforcer le travail de surveillance. La plupart des programmes canadiens à l'intention des enfants autochtones en milieu urbain, outre l'école de la maternelle à la 12e année, sont discrétionnaires. Autrement dit, ils sont de plus en plus vulnérables. L'évolution de la donne démographique, politique et idéologique et les priorités gouvernementales contradictoires à tous les niveaux mettent ces ressources en péril.
Certains avancent que des mesures d'incitation de nature fiscale pourraient compenser les réductions ainsi apportées aux budgets gouvernementaux, mais ce sont là des arguments ténus dont les mérites sont certainement contestables. Le passé récent nous le fait voir : les baisses d'impôt et mesures d'incitation déforment la réalité, et on voit périodiquement que de telles baisses se traduisent par une réduction des services et des programmes, et particulièrement ceux qui sont destinés aux citoyens les plus vulnérables du Canada.
J'aimerais parler des pressions financières qui s'exercent sur le Canada, du fait de sa population vieillissante, du besoin accru de services de santé et sociaux chez les personnes âgées et de la diminution du bassin des travailleurs liée à la retraite des membres de la génération de l'après-guerre. Les pressions financières en question nuiront à notre capacité de nous assurer que les Autochtones en milieu urbain sont en mesure d'agir sur toute la série des déterminants sociaux de la santé.
Je sais qu'il existe au Canada une sorte d'avis d'expert commun selon lequel il faudrait se dire : faites fi de vos tracas et soyez heureux. Je suis sûr qu'il y a une bonne raison pour laquelle les Canadiens voient avec optimisme la viabilité de leur système de pensions et de soins de santé. Cependant, je deviens mal à l'aise lorsque le contrôleur général des États-Unis fait le tour de son pays pour présenter des statistiques inquiétantes à propos de l'imminence d'un effondrement économique.
Quels seront les effets d'entraînement du sentiment de panique qui s'emparera des États-Unis? Je me demande quel sera l'impact sur nos professionnels canadiens de la santé, qui sont de plus en plus victimes du maraudage et repêchés dans nos universités, nos collèges et nos collectivités.
Par ailleurs, est-ce que nous agissons de manière responsable lorsque nous recrutons des gens du Tiers monde? Je me demande ce qui arrive à notre réputation lorsque nous disons aux gens de faire une chose que nous ne faisons pas nous-mêmes.
Là où je veux en venir, essentiellement, c'est qu'il y aura une demande plus grande à l'égard de professionnels canadiens de la santé du côté des États-Unis, la conséquence étant que les coûts vont augmenter, que l'accessibilité sera réduite et que les investissements dans les services discrétionnaires en rapport avec les déterminants sociaux de la santé seront de plus en plus vulnérables à la volonté de parlementaires nerveux, s'ils ne disparaissent pas complètement.
Cette réalité macroéconomique étant, les Autochtones en milieu urbain et tous les Autochtones, de fait, seront de plus en plus vulnérables. L'idéologie et l'esprit sectaire ont ajouté une dimension émotive à ce qui serait autrement une discussion mûrement réfléchie reposant sur les faits. L'absence d'analyses économiques indépendantes et rigoureuses des propositions et des dépenses gouvernementales devrait préoccuper tous les parlementaires; cela préoccupe le public.
La nouvelle Loi fédérale sur la responsabilité prévoit la création du poste de directeur parlementaire du budget, chargé expressément d'analyser les budgets du gouvernement pour le compte du Parlement, sans oublier les coûts des projets de loi émanant des députés et du gouvernement. De nombreux observateurs y voient une étape logique d'un certain cheminement qui se fait le miroir du travail du Congressional Budget Office aux États-Unis. Conséquence positive de la chose : les investissements et les plans budgétaires prévus dans le cadre du plus récent budget fédéral feraient l'objet d'un examen attentif, seraient débattus et seraient soumis à une surveillance rigoureuse. Cela aura peut-être pour effet de traduire les bonnes intentions en politiques progressives.
Je vais maintenant parler de l'avantage du centre d'amitié.
Dans un grand nombre de centres urbains, les centres d'amitié sont les établissements auxquels recourent le plus les Autochtones qui vivent en milieu urbain, après les établissements de santé et d'enseignement. Rendez-vous dans une localité autochtone, dans une école secondaire autochtone, demandez aux étudiants ou aux gens s'ils ont déjà visité un centre d'amitié : tous vous diront tout au moins qu'ils savent ce qu'est un centre d'amitié. Notre image de marque est semblable à celle de Centraide; tout le monde sait ce que nous faisons et ce que nous offrons.
De nombreux centres d'amitié appuient les enfants autochtones des villes et leur famille par le truchement d'innombrables programmes au pays. Il ne faut surtout pas y voir des investissements considérables : le financement signalé est de l'ordre de 15 millions de dollars. Les investissements sont inclus dans les 1 200 et quelques programmes et services distincts dont le financement dépasse 89 millions de dollars.
Notre engagement à l'égard de la transparence, de la responsabilité et des résultats nous a valu le soutien continuel des gouvernements de tous les ordres. Nous avons droit aux solides appuis de nos amis de la Fédération canadienne des municipalités et de l'Assemblée des Premières nations quand il s'agit de préconiser l'enrichissement et l'expansion des centres d'amitié.
Pour conclure, je dirais que l'ANCA est heureuse de travailler de concert avec le Groupe de référence autochtone du Groupe de référence canadien à la soumission du Canada à la réunion prévue pour le mois prochain à Vancouver de la Commission des déterminants sociaux de la santé et de l'Organisation mondiale de la santé. Bien entendu, nous nous réjouissons du fait de pouvoir assister à cette discussion importante à titre de délégués, mais nous ne sommes pas parvenus à être reconnus comme tels.
Notre souci demeure que les perspectives uniques des communautés autochtones en milieu urbain ne se trouvent pas être exprimées dans le document final issu des discussions en question. Comme nous l'avons déjà noté, l'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones a tenu une réunion du 14 au 25 mai — occasion historique de s'attaquer aux questions intéressant les Autochtones en milieu urbain du fait qu'il y avait une demi-journée consacrée à l'excellent travail des milliers de membres du personnel, de partenaires communautaires et de bénévoles dévoués des centres d'amitié venus de toutes les régions du pays. Je profiterai de l'occasion pour citer directement le gouvernement du Canada. La déclaration qui suit appartient à Fred Caron, sous-ministre adjoint des Affaires indiennes et du Nord Canada. Il l'a faite le 21 mai 2001, à New York, devant l'instance onusienne.
Tel qu'indiqué plus tôt, les centres d'amitié fournissent d'importants services aux Autochtones qui vivent dans des villes partout au Canada. Les centres ont aussi suscité la création d'autres programmes et initiatives conçus par les gouvernements pour s'occuper des besoins des Autochtones qui habitent les villes.
À partir de plusieurs déterminants clés, nous mettons au point des mesures de soutien et des services culturellement adaptés qui ont mené à des succès reconnus depuis 40 ans. L'histoire des centres d'amitié dans les grandes villes du Canada est marquée par la résilience, l'espoir, le dévouement et l'acharnement au travail — source de fierté pour la communauté autochtone comme elle devrait l'être pour l'ensemble des Canadiens.
Nous espérons que les sénateurs réunis aujourd'hui appuieront les efforts que nous déployons pour agir sur les déterminants sociaux de la santé.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Gay. Voilà une belle façon pour nous de terminer la séance. Je tiens à remercier tous les participants. Nous avons trois discussions thématiques qui découlent directement de ce que M. Gay vient d'évoquer.
Il y a un problème énorme qui se pose chez les Métis et chez de nombreux autres groupes autochtones : vos populations s'éparpillent. Il est bien beau de parler de programmes sur le terrain dans les cas où nous pouvons rejoindre les gens au sein d'un groupe, mais quand le groupe en question se trouve au centre-ville de Toronto, à Winnipeg ou ailleurs, le centre d'amitié est utile, mais le problème devient très complexe.
Le premier thème sera la façon dont une approche axée sur la santé des populations peut s'appliquer aux réalités que vivent les Autochtones. La deuxième discussion tournera autour des lacunes informationnelles qui créent des obstacles aux mesures concrètes relativement aux déterminants de la santé.
La troisième discussion portera sur les changements immédiats qu'il faut apporter aux politiques et aux programmes pour mieux instaurer une approche axée sur la santé des populations dans le cas des Autochtones. Ne vous y méprenez pas : dans notre rapport, nous préconisons une approche axée sur la santé des populations, mais il faut que ce soit une approche qui marche. C'est ce que nous cherchons.
Comme je l'ai dit, nous nous engageons sans réserve à mettre en place cette approche de la santé partout au Canada, y compris dans le cas des Autochtones. Je ne sais pas si nous allons parvenir à convaincre les gens, j'ai des doutes, mais nous y tenons.
Je crois que nous pouvons apprendre beaucoup de choses des peuples autochtones, plus que d'autres groupes de la population au Canada, parce que les Autochtones ont une longueur d'avance pour ce qui est de regarder la santé dans l'optique d'une approche axée sur la santé des populations. Vos documents évoluent en ce sens, et nous pouvons appliquer votre modèle au reste du pays.
Tout de même, pour revenir à la réalité, disons qu'il y a un problème : les Autochtones s'installent de plus en plus dans les grandes villes ainsi que dans les petites localités, mais en dehors de la réserve. Par exemple, les Métis sont éparpillés. La difficulté consiste alors à trouver comment il faut s'y prendre pour régler des problèmes liés aux déterminants de la santé, de manière générale, et élever l'état de santé des gens au point où il devrait être.
Le sénateur Cook : Je m'aperçois qu'il y a un thème qui revient pendant votre exposé, et le terme « politique » me revient à moi. Chacun à sa façon, vous semblez tous parler de la politique gouvernementale. J'ai l'impression que vous vous êtes bien préparés à vous occuper de vos gens et que vous savez quels sont les déterminants et les problèmes en cause. Je cherche les obstacles qu'il nous faudrait éliminer pour que la politique gouvernementale coule de source pour ainsi dire. Vous savez que chacun peut fonctionner lui-même dans son petit coin, mais, pour un instant, je vais revenir à ce qui m'aide à comprendre, soit l'étude que nous avons réalisée sur la santé mentale. Nous avons trimé dur pour comprendre le phénomène, et j'ai été étonné que les gens disent : vous avez fait un merveilleux travail. C'était pour la forme, mais le message était simple. Les gens nous ont dit que nous avons légitimé la santé mentale au pays, et cela est bien. Nous progressons. Nous avons éveillé quelque chose chez les gens; ils nous ont entendus. Pour ce qui est de la politique gouvernementale, de la bonne volonté et de tout le reste, à moins d'amener le reste du pays à voir avec compassion qui nous sommes et ce que nous essayons de faire, notre histoire tombera dans l'oreille d'un sourd, et rien ne changera au niveau de la bureaucratie gouvernementale. Cela, je le crois. J'entends parler de politique gouvernementale, d'innovation et d'habilitation. Je sais que vous travaillez dans différents lieux géographiques, et notamment dans les villes et les campagnes; j'ai entendu mon amie Mme Gideon parler d'une approche entre nations. Voilà qui est louable. À mes yeux, c'était un obstacle, et elle voudra peut-être parler de la question et de la façon dont nous pourrions nous y prendre pour éliminer cet obstacle.
J'ai entendu Mme Fowler parler de l'idée d'appuyer l'approche globale, et cela me dit certainement quelque chose.
Mme Dumont-Smith a parlé d'une vie équilibrée, ce que vous défendez tous à votre façon.
J'aimerais bien entendre la fin, mais je soupçonne que c'est une lecture qui se fera tard en soirée. Je ne l'ai jamais lu; je ne sais pas ce qui s'y trouve, mais il me semble que c'est un obstacle au progrès, que cela vous empêche de réaliser ce que vous souhaitez réaliser.
Pour ce qui est des autres secteurs, par exemple le logement, Mme Dickson a parlé des gens qui dorment à des heures décalées, faute de lit. Cela m'a vraiment touchée, de voir cela à notre époque, qu'il n'y ait pas de logement adéquat où les jeunes — votre population est celle qui croît le plus rapidement — dorment les uns après les autres, faute de lits. Si les gens ne sont pas éveillés à cette question, il faut raconter l'histoire.
Lorsque nous avons effectué les études sur la santé, chaque fois que nous en avons eu l'occasion, le sénateur Cochrane et moi avons parlé, à des conférences, des sommets de la santé, des assemblées annuelles d'infirmières praticiennes, et ainsi de suite — il faut raconter cette histoire. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire, mais vous devez faire votre part.
J'ai entendu dire que vous disposiez de beaucoup de données. Est-ce que les données sont concentrées à un seul endroit, ou se trouvent-elles toutes dans vos propres compartiments? La base de données devrait peut-être faire partie de celle des Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC. Je ne sais pas; je ne fais que parler. À votre tour maintenant; je pense vous avoir donné suffisamment d'éléments pour vous lancer.
Mme Dickson : Je peux dire quelque chose au sujet des données. La raison pour laquelle les Inuits parlent tant de données non regroupées, c'est que Statistique Canada et d'autres organismes qui recueillent des données pour le compte du gouvernement — et même du secteur privé — ont tendance à utiliser le terme « autochtone » pour parler des gens qui appartiennent aux prétendues nations les plus vieilles. Les Inuits sont différents, et, par conséquent, les données recueillies au Canada forment une image fausse à de nombreux égards, ce qui fait qu'on comprend mal ce qui se passe dans le Nord. En réalité, les données commencent à dater. Il s'agit de données de 2001.
Une occasion s'offre maintenant au Canada de revoir ses politiques en matière de collecte de données, et de commencer à recueillir ce que nous appelons des données « non regroupées » ou « propres aux Inuits », de façon que les gens puissent parler avec certitude de la situation en ce qui concerne le logement ou au chapitre des naissances, du nombre de personnes âgées qu'il y a ou de l'incidence de la violence. Il faut pouvoir parler de ces choses avec certitude, puisque c'est le genre de questions que le décideur pose. Lorsque vous faites une déclaration spectaculaire, ils sont impressionnés comme si vous l'aviez fait pour les divertir, mais ils veulent avoir accès aux données pour prendre des décisions, et nous n'avons pas beaucoup de données non regroupées pertinentes et exactes. C'est la raison pour laquelle vous allez en entendre parler souvent.
Le sénateur Cook : Ce sont les données qui vont déterminer votre politique. Est-il possible de recueillir les données et de les garder intactes, c'est-à-dire de ne pas les mélanger à toutes sortes d'autres choses avant de les utiliser pour élaborer les politiques? Est-ce une possibilité qui s'offre? Comment pensez-vous que cela pourrait fonctionner? Tôt ou tard, la santé des populations va devenir la responsabilité de Santé Canada, responsabilité qui sera fragmentée encore un peu plus et dont les provinces s'acquitteront en pratique. C'est ce qui se passe, n'est-ce pas? Est-ce que préserver l'intégrité des données, ne pas les mélanger, est une possibilité qui s'offre?
Mme Dickson : Oui, bien sûr, cela pourrait permettre de faire beaucoup de progrès. Le problème, c'est que recueillir des données chez les Inuits, population qui est isolée et éloignée, et dont les collectivités mêmes sont éloignées et isolées les unes des autres, coûte très cher et est très difficile à faire.
Au cours du siècle écoulé, on a vu les Inuits comme une espèce de — je ne veux pas utiliser un terme péjoratif. Ils ont fait l'objet des recherches de tellement d'étrangers qu'ils sont maintenant fatigués et n'ont pas envie qu'un autre Blanc du Sud débarque de l'avion, leur pose des questions personnelles et intimes avant de reprendre l'avion. Ils ne savent pas ce qu'il advient des renseignements ainsi recueillis. Déterminer quelles sont les données exactes et les désagréger pose problème. Faut-il former les Inuits pour qu'ils puissent recueillir eux-mêmes leur données ou savent-ils quelle recherche ils veulent faire faire sur eux? Il faut conclure et financer un partenariat. Tout coûte cher. Je crois qu'il s'agit d'abord et avant tout des enjeux stratégiques touchant l'ensemble du Canada, ainsi que de comprendre l'importance de toute cette culture et de s'engager à se mettre à son service.
Le sénateur Cook : Avec votre permission, je pense que nous ne devrions pas parler d'argent; nous allons parler de ce qui est juste. Nous allons faire ça comme ça, et nous verrons ensuite qui fournira l'argent. Je dois vous dire que, lorsque le sénateur Kirby présidait le comité et que nous examinions la question de la santé mentale, il a dit un jour qu'il faudrait que nous déterminions comment financer les mesures proposées. Il a réussi à le faire. Il a recommandé l'instauration d'une taxe de 0,05 $ pour toute bouteille d'alcool ou de bière vendue, et il a dit que cette taxe permettrait d'obtenir suffisamment d'argent. Nous ne nous sommes pas contentés de formuler une proposition qui engendrerait des coûts; nous avons montré aux gens comment financer l'application de cette proposition, et ça été la joie.
Si vous recueillez des données pour le compte de votre peuple, à cause des changements climatiques, vous n'aurez plus de pays où vivre. Le paysage évolue, plus rapidement que nous arrivons à le voir. Vous disposez de beaucoup de temps. J'aimerais que vous disiez quelque chose là-dessus. Que pouvons-nous faire avec vos données? Devrions-nous les regrouper et en faire un seul ensemble? Devrions-nous les mettre en lieu sûr et essayer d'élaborer des politiques? Qu'allons-nous faire avec ces données?
Mme Van Haute : Je voulais répondre précisément à la partie de la question concernant la collecte, l'analyse et la diffusion des données. La source que nous utilisons tous le plus couramment, c'est le recensement. Le problème que cela pose, cependant, c'est que ce n'est que le long formulaire qui porte sur les Autochtones. Seulement 20 p. 100 des gens au Canada reçoivent le long formulaire. Les renseignements qu'on peut en tirer sont limités; qu'il s'agisse de données regroupées ou non, elles sont limitées. L'analyse qu'on peut en faire est en quelque sorte limitée aussi. Lorsqu'on fonde les politiques fédérales, et peut-être aussi provinciales, sur ces données, il est clair qu'il manque quelque chose.
Nous avons proposé, dans le cadre des discussions que nous avons tenues avec des représentants de Statistique Canada, que la question sur l'appartenance à une Première nation soit posée dans le petit formulaire, pour que nous disposions à tout le moins de statistiques de base exactes. Il semble que c'est un long processus, et que la chose doit passer par Statistique Canada avant d'être présentée au Cabinet, qui pourra rendre une décision.
Quant à nous, nous aimerions obtenir du soutien, puisque c'est la première chose dont nous avons besoin pour être en mesure de recueillir des données plus précises et plus exhaustives. C'est quelque chose de fondamental, parce que, au fur et à mesure que nous recueillons davantage de données précises sur le point de vue global, nous pouvons utiliser ce fondement pour peut-être encourager les gouvernements provinciaux et territoriaux à intégrer ces identificateurs aux formulaires provinciaux. Il n'y a par exemple aucun identificateur pour ce qui est de l'utilisation des services de santé dans les provinces — et certainement pas d'identificateurs métis —, ce qui fait que les chiffres que nous obtenons là-dessus seront aussi limités. Si les politiques provinciales en matière de santé sont fondées sur ces chiffres, cela pose un double problème quant à la mesure dans laquelle ces politiques sont le produit d'une élaboration éclairée.
Tout ce que nous essayons de faire, en essayant de faire passer cette idée et en demandant du soutien, c'est d'obtenir de l'aide pour mieux comprendre notre situation. Voilà ce qui est propre aux Métis, et voilà ce qui peut s'appliquer à tous les Autochtones, mais aidez-nous à mieux comprendre notre situation, pour nous permettre de partager cette information avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans un vocabulaire qu'ils comprennent et respectent. Ainsi, au bout du compte, nous allons pouvoir élaborer des politiques sociales et en matière de santé plus éclairées et plus efficaces, et, essentiellement, quelque chose de plus pratique qui fonctionne et qui donne des résultats positifs que nous pourrons évaluer et mesurer
Dre Bartlett : Je voulais répondre à la première question, ainsi qu'à celle qui a été posée au sujet de notre façon d'envisager la santé des populations. Qu'entendons-nous par cette optique de la santé des populations? Que pourrions-nous dire pour la décrire? Il est important, dans le cadre de notre discussion, d'avoir une idée de la santé des populations et de son évolution, parce que nous devons définir clairement ce que nous voulons dire par là. Nous parlions déjà de santé des populations dans les années 70, avec le rapport Lalonde. Nous sommes passés par des mouvements très intéressants qui visaient à faire adopter tout le concept. Au départ, c'était quelque chose dont on parlait au gouvernement, puis on en a parlé dans le milieu universitaire. Les gens du milieu ont commencé à écrire davantage d'articles là-dessus. J'ai commencé à être actif dans le domaine des politiques de santé. J'ai participé au mouvement relatif à la santé communautaire au Manitoba. J'ai ensuite abordé la question des soins primaires, en introduisant des idées qui venaient de l'Organisation mondiale de la santé, et j'ai fini par revenir travailler auprès des assemblées législatives pour proposer des modèles de santé des populations et des déterminants de la santé. Nous en sommes exactement au même point qu'en 1974, et nous essayons encore de comprendre de quoi il s'agit.
Du point de vue indigène ou autochtone, il ne peut être question de santé des populations sans qu'il soit aussi question de santé personnelle. Il faut s'occuper des deux choses en même temps. Peu importe ce que nous proposons, d'après mon expérience des cadres de promotion de la santé des populations, nous sommes passés de la santé des populations à la promotion de la santé, c'est-à-dire au marketing social, pour ensuite passer à la promotion de la santé des populations. Nous avons élaboré ces manières complexes de décrire la chose.
D'après mon expérience de travail en clinique, la personne qui se trouve en face de moi entend une version différente de l'histoire chaque fois qu'elle entre en interaction avec un fournisseur ou un secteur. Le seul choix rationnel qui reste, c'est de n'écouter personne, parce que, sur le plan cognitif, la personne à qui on présente toutes ces versions ne peut les intégrer. Nous devons réfléchir à notre façon de travailler non seulement avec la population, mais aussi au sein de celle-ci, ainsi qu'à notre façon d'élaborer des mécanismes et des cadres, de façon que tout un chacun se fasse une idée du cadre général, et, par conséquent, que les gens puissent se faire une idée de cela à leur échelle. Aucun être humain ne se jettera en bas d'une falaise parce qu'on dit que c'est ce qu'il faut faire. Les gens ne vont pas s'orienter en fonction d'un modèle logique d'un type précis qui a été élaboré dans un milieu universitaire s'ils ne comprennent pas le sens de ce modèle. Ils n'ont ne vont simplement pas le faire. Nous devons réfléchir à ce que nos cadres généraux signifient pour les gens. Arrivent-ils à s'en faire une idée? Comment le cadre reflète-t-il leur identité, ce qui est nécessaire pour qu'ils se sentent suffisamment en sécurité pour accepter de se laisser guider? Nous devons mettre ce dont nous parlons en contexte.
Mme Gideon : Du point de vue des Premières nations, les chefs ont adopté des résolutions et des mandats dans dix de nos régions. Ils ne sont pas en faveur de processus externes de collecte de données. S'ils privilégient les modèles qui établissent des capacités et des établissements propres aux Premières nations, en collaboration avec le milieu de la recherche universitaire et des organismes fédéraux-provinciaux-territoriaux, parce qu'il est très important de pouvoir comparer les données sur les Premières nations avec les données sur le reste de la population, et aussi de pouvoir arriver à la table avec l'expertise qui permet d'entreprendre les travaux.
Aux États-Unis, il y a des gouvernements tribaux qui gèrent leurs propres centres de collecte de données sur la santé des populations. Ce n'est pas le modèle idéal, mais c'est celui auquel nous avons travaillé avec le bureau du ministre Clement pour essayer d'élaborer un plan conjoint pour l'avenir dans le domaine de l'information et de l'infrastructure de la santé des Premières nations. Nous nous appuyons sur les bases que nous avons jetées avec succès dans le cadre de l'enquête nationale sur la santé dont j'ai parlé plus tôt.
Pour notre part, nous sommes plus ou moins intéressés à améliorer les processus de Statistique Canada, parce que nous ne sommes pas en faveur de ce genre de processus. Nous voulons que les Premières nations effectuent les recherches en santé et recueillent des données dans ce domaine qui vont les aider à faire des plans et à fournir des services, parce que la majorité des Premières nations ont pris la responsabilité des soins de santé dans leurs collectivités.
C'est une distinction que je voulais porter à l'attention du comité.
Dr Shah : Nous avons parlé de l'approche globale. Je lis la plupart des rapports, mais je n'ai pas vu grand-chose au sujet de la spiritualité comme l'un des déterminants de la santé. Pour la population autochtone, la santé a des racines mentales, physiques, affectives et spirituelles. Je travaille auprès des collectivités depuis près de 33 ans. J'ai entendu l'expression « capital social » à quelques reprises. Il manque de capital social pour donner de l'ampleur à l'élément spirituel, que ce soit des étuves, des endroits spéciaux pour les cérémonies ou d'autres choses. C'est une partie très importante des déterminants de la santé. C'est quelque chose qui est enraciné dans la culture autochtone, ainsi que dans de nombreuses cultures non autochtones.
Je suis un immigrant de première génération. La première chose que les gens qui se sont établis au pays ont faite, ça a été de construire une école et une église. À une certaine époque, c'était la règle au pays que toute nouvelle collectivité ait son église. Aujourd'hui, les nouveaux venus construisent des mosquées ou des temples pour se donner des racines spirituelles.
Je vous ai fourni un article sur l'Inde. Si vous remplacez le mot « Inde » par le mot « Canada », l'article continue d'être fidèle à la réalité. Nous avons systématiquement détruit les établissements culturels et spirituels de la population autochtone.
Il y a un grand appétit pour ce genre de chose à l'heure actuelle. La semaine dernière, j'ai jeûné avec un groupe d'Autochtones. Il y a un énorme besoin réprimé en ce qui concerne le capital social qui représente ces établissements. Nous devrions déterminer cela comme une partie des déterminants sociaux de la santé.
M. Gay : Les données ne vont pas nous permettre à elles seules de surmonter l'obstacle. Nous l'avons constaté dans le cadre du débat sur les garderies, et nous le constatons encore dans le cadre du débat sur la justice pénale qui est en cours aux deux chambres du Parlement. Nous avons parlé des mesures, mais malheureusement, même cette idée a été récupérée par le milieu universitaire et de l'élaboration des politiques. Il y a les indices du développement humain et du bien-être des enfants. La Fédération canadienne des municipalités calcule des indices de la qualité de la vie. Nous faisons la même chose; nous créons nos propres compartiments en fonction de nos priorités et de nos particularités. Il n'y a pas de consensus, et nous devons réfléchir au consensus qu'on pourrait obtenir autour de ces mesures.
Les collectivités autochtones fonctionnent comme beaucoup d'autres collectivités. Il arrive parfois que nous n'obtenions pas le consensus au moment où nous en aurions besoin. C'est quelque chose à quoi nous travaillons, et c'est pour cette raison que nous nous tournons vers le partenariat.
L'accès a aussi une incidence sur les données. Il y a des tonnes de travaux de recherche sur les collectivités autochtones, mais, malheureusement, les travaux sont publiés dans les revues spécialisées, trop chères pour la plupart des gens ordinaires, et même pour certaines des organisations autochtones qui ont plus de moyens.
Le Journal de l'Association médicale canadienne est l'une des rares ressources gratuites. Je suis heureux de ce que les gens qui le publient aient adopté cette politique de gratuité, qui gagne en popularité, à l'échelle mondiale, pour les revues en ligne. La Société canadienne de pédiatrie permet aux lecteurs d'acheter les articles de sa revue intitulée Canadian Paediatrics and Child Health, comme l'American Journal of Public Health. Ce sont des outils précieux. Ils contiennent des renseignements pour lesquels les contribuables ont déjà payé. Ces données doivent être rendues accessibles aux collectivités autochtones.
Nous parlons de données et d'indicateurs. Bon nombre des organisations du pays ont à leur portée quantité de données inutilisées. L'an dernier, dans chacun de nos 117 centres d'amitié, nous avons recueilli des données sur 4 200 éléments précis. C'est un travail énorme. Que faisons-nous avec toutes ces données? Les utilisons-nous ou ne faisons-nous que les recueillir pour les recueillir? Durant l'année, nous avons procédé à un exercice de rationalisation de la collecte de données, et nous avons décidé de ne recueillir que les données dont nous avons besoin et de nous concentrer là-dessus à l'échelle nationale. Nous avons réduit le nombre d'éléments à 280, et nous devons maintenant collaborer avec nos partenaires à cet égard.
En ce qui concerne la définition du cadre stratégique des déterminants de la santé, à partir de l'Accord de Kelowna, le gouvernement fédéral a déjà beaucoup réfléchi à la question. Il a créé le Cadre horizontal autochtone, qui répartit toutes les dépenses et tous les programmes fédéraux en cinq ou six domaines. Voilà qui vous offrirait une image assez étonnante, alors je vous encourage à vous retirer pour laisser libre cours à votre incrédulité.
La Dre Bartlett a parlé du besoin de s'occuper des approches en matière de santé qui ont pour objet les personnes et les populations, et c'est à la base de ce que les centres d'amitié font. Chaque année, 1,1 million de gens nous rendent visite, et ils discutent parfois avec plusieurs personnes. Une fois qu'une personne a discuté de la santé des populations avec quelqu'un, elle s'est approprié l'idée. Cette appropriation engendre un sens des responsabilités envers soi-même et envers la collectivité. Ce sont les meilleures ressources dont nous puissions disposer, parce que, à partir de là, nous pouvons favoriser la prise de mesures. C'est quelque chose que bon nombre d'entre nous faisons très bien, et c'est déjà une force de la collectivité autochtone. Ce n'est pas comme si le gouvernement devait faire quelque chose. Tout ce qu'il faut faire, c'est briser les liens qui nous retiennent.
Le président : Voilà une idée extrêmement intéressante.
Mes idées à ce sujet ont évolué, et je veux que vous me pointiez dans la bonne direction. Pendant 35 ans, j'ai participé à l'établissement d'un système de santé sur lequel les gens s'appuyaient lorsqu'ils tombaient malade. Dans ce genre de moment, les gens sont complètement absorbés par l'idée de guérir. Nous sommes maintenant confrontés au fait que nous ne pouvons plus nous permettre d'entretenir ce système. Nous ne pouvons plus offrir un accès équitable à tout un chacun, et le système ne fonctionne plus, puisque, dans de nombreux segments de la population, les gens ne conservent pas la santé grâce à ce système. Cependant, nous ne pouvons pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous devons préserver le système de prestation des soins de santé. Dans le contexte de la santé des populations, nous devons trouver un moyen de maximiser les avantages du système de prestation de soins de santé, de faire en sorte qu'il n'y ait plus de répercussions négatives sur les gens, comme par exemple lorsqu'on leur donne des médicaments dont ils n'ont pas besoin ou qui peuvent être nocifs pour eux. Nous devons pouvoir mettre les gens sur la voie de la guérison.
Je suis extrêmement impressionné par ce qui se passe dans les centres d'amitié. J'ai écouté les exposés qu'ont présentés leurs représentants plus tôt. Le sénateur Cook et le sénateur Cochrane ont parlé, pendant la pause, de ce qu'il s'agit d'un excellent modèle communautaire qui pourrait être appliqué à la question que j'ai abordée plus tôt, c'est-à-dire les Autochtones ou les Métis qui vivent à l'extérieur des réserves. Voilà une grande idée qui peut être appliquée pour bâtir d'excellents centres d'accès communautaire pour tous les services sociaux.
M. Ermine : Je voulais ajouter quelque chose par rapport à vos questions. Je songe de façon générale aux déterminants de la santé et à la santé des populations. En ce qui concerne une idée cadre, les Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC, ont effectué un travail considérable dans le contexte du programme des Cadres de développement de la capacité autochtone de recherche en santé, qui porte sur la santé des peuples indigènes et autochtones. Ils ont effectué un travail considérable pour déterminer des processus pertinents que nous devrions suivre pour mieux comprendre la santé autochtone. Je sais que le Dr King a participé à ce programme en Alberta, que la Dre Bartlett l'a fait au Manitoba et que d'autres l'ont fait dans l'ensemble du pays. Il y a eu beaucoup de discussions sur la manière dont nous pouvons formuler nos idées et comprendre cette idée de la santé.
L'idée cadre qui a été fournie aux IRSC — l'idée d'un dialogue — fait l'objet d'une discussion avec les responsables de l'Énoncé de politique des trois conseils. Nous parlons des peuples autochtones. J'aimerais revenir sur l'exposé de Mme Gideon sur le fondement historique et les relations qui existent dans le cadre de traités. On affirme que les sociétés et les cultures indigènes sont issues d'un autre système de connaissances et de santé. L'idée cadre propose un dialogue. Comment comprenons-nous les différents points de vue présentés? L'un de ceux-ci concerne la santé. À titre de chercheur de la Saskatchewan, j'ai effectué beaucoup de travail auprès des collectivités, en réfléchissant comme les Cris et comme les indigènes, sur le fait d'en finir avec l'idée de la santé. Lorsque nous parlons de santé, par exemple, le premier réflexe, c'est d'examiner les chiffres concernant les maladies chez les gens. On nous présente des chiffres sur l'ampleur de la maladie chez nous. Ce n'est pas vraiment une discussion sur la santé. C'est une discussion sur la maladie.
Comment, dans ce cas, parler de la santé? Nous devons parler du meilleur état dans lequel peuvent se trouver nos peuples. Nous partons de là. Le Dr Hampton, qui m'a envoyé ici aujourd'hui, et moi terminons tout juste un article sur la santé du point de vue de la langue crie. Qu'est-ce que la langue crie peut nous apprendre sur la santé, et à quoi reconnaît-on une personne en santé?
Le dialogue porte sur l'espace éthique. Vous pouvez consulter des documents publiés par les IRSC là-dessus. Ces documents prônent un dialogue sur la santé et parlent de ce qui est important au sujet de la santé indigène. Les idées indigènes sont les idées que contiennent nos langues et nos systèmes de savoir et de culture. C'est quelque chose que nous n'avons pas encore fait au pays. Nous n'avons pas encore réussi à déterminer quelles sont ces idées sur la santé. Comment accéder à ces idées?
Dans le cadre de travaux de recherche, nous commençons à le faire. Nous commençons à vouloir discuter avec des personnes âgées qui parlent du système des connaissances et de la façon de préserver la santé des gens. Nous avons atteint le point où nous commençons à discuter de ces idées très importantes qui circulent dans nos collectivités, chez nos peuples et qui sont nos idées sur la santé.
Tout le monde a dit que les déterminants de la santé font l'objet de débats sur les politiques. Il est très clair qu'une politique importante qu'il faut envisager, c'est l'idée de dialogue. Les gens eux-mêmes doivent commencer à parler de la santé. Comment faire en sorte que les gens se réapproprient un discours sur la santé? Voilà ce que j'avais à dire.
Le président : C'est tellement vrai. La santé est une responsabilité personnelle. Il arrive que nous l'oubliions et que nous blâmions les gouvernements et tout le monde sauf nous lorsque nous ne sommes pas en santé. Notre santé est notre propre responsabilité.
Hier, j'ai eu le privilège de rencontrer des gens de Cuba, parce que le programme de santé des mères et des enfants de ce pays m'intéresse beaucoup. Par l'intermédiaire du genre de choses dont vous venez tout juste de parler, ils ont un superbe programme de santé des mères et des enfants et de développement des enfants, même si leur système de prestation de soins de santé, comparativement au nôtre, serait jugé très faible.
Par exemple, il y a 100 fois plus de cas d'autisme au Canada qu'à Cuba. C'est absolument fascinant de voir que les travaux de recherche les plus complexes qui soient, qu'on effectue dans un laboratoire de Toronto où l'on étudie par encéphalographie le développement neurologique des enfants à partir de la naissance et ainsi de suite, permettent d'obtenir les mêmes renseignements que ceux que les médecins de famille de Cuba découvrent simplement en s'occupant de femmes enceintes, en suivant le développement des jeunes enfants et en apprenant à connaître les familles en les visitant chez elles.
Il y a une profonde sagesse dans ce que vous venez de dire. C'est ressorti autour de la table. Dans le prochain segment, nous allons parler du processus de collecte de renseignements, qui n'est que la moitié de l'initiative. L'autre moitié, il faut que ce soit de retourner sur le terrain pour mettre en place les systèmes qui vont permettre de faire bouger les choses.
Excusez-moi : je parle trop pour un président. Je devrais faire l'objet d'un rappel au Règlement.
Mme Lys : J'aimerais ajouter à quelques-unes des choses qui ont été dites au sujet d'une vision globale de la santé. Mes collègues de l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada ont des principes de base qui forment une vision de la santé différente de ce qu'on trouve ailleurs au sein du système de santé du Canada. Notre vision est une vision plus globale, qui intègre la santé affective et spirituelle.
En ce qui concerne une vision globale et équilibrée de la santé, lorsqu'une personne n'est pas en santé sur les plans mental, affectif et spirituel, si elle n'est pas en santé à ces différents égards, il arrive souvent que les symptômes soient physiques. Le système médical du Canada ne traite que les symptômes physiques — un peu la santé mentale, peut-être, mais pas la santé spirituelle ou la santé affective. La santé spirituelle et affective des peuples autochtones a beaucoup été affectée par notre rôle historique au sein du pays et ce qui nous est arrivé. La perte culturelle a été très importante, et on ne parle pas suffisamment du rapport qu'il y a entre cette perte et la santé.
Au pays, pour faire avancer les choses en santé, nous devons comprendre ce qui est arrivé aux peuples autochtones. Tout le monde doit le comprendre. La population, les peuples autochtones, les politiciens, les travailleurs du domaine de la santé — tous les gens qui vivent au Canada doivent comprendre cette histoire et comment elle nous a affectés.
Je travaille au sein du réseau de la santé depuis plus de 20 ans. Ce qui a le plus modifié ma pratique, c'est une rencontre avec une femme de médecine qui m'a expliqué ce qui est arrivé à notre peuple au Canada. Une fois que vous avez pris connaissance de la vraie histoire de notre peuple, il devient impossible de rester assis et de ne rien faire. Les politiciens et les professionnels de la santé du Canada doivent le comprendre. Ils doivent entendre le même message. Ils doivent comprendre nos origines pour comprendre où nous allons.
Pour que les peuples autochtones soient en santé, nous devons pouvoir guérir. Nous devons pouvoir faire venir des guérisseurs dans nos collectivités. Les peuples autochtones doivent guérir d'abord. Nous ne serons pas en santé, physiquement, avant de démêler les conséquences affectives, sociales et spirituelles de la perte presque complète de notre culture, au pays. C'est à cet égard que nous avons besoin d'aide. Nous avons besoin d'aide pour faire venir des guérisseurs dans nos collectivités; nous avons besoin de soutien pour le faire. Dans ma collectivité, on pourra avoir une ordonnance de consultation d'une femme de médecine. Ainsi, les médecins sont les gardiens de notre processus de guérison. Bon nombre de médecins n'étaient pas en faveur de cette méthode, alors ils ne donnaient pas d'ordonnances de consultation d'un guérisseur. Nous avons réussi à faire changer cela. Cependant, le gouvernement voulait que les guérisseurs traditionnels s'inscrivent dans le cadre du régime d'indemnisation des accidentés du travail. Ils voulaient qu'ils aient des assurances avant de pouvoir travailler avec les gens, ce qui n'a pas de sens, vu qu'il s'agit de deux systèmes différents. Ce n'était pas une bonne idée. En un sens, cela ne nous pousse pas à soutenir les guérisseurs traditionnels dans nos collectivités, mais c'est eux que nous devons soutenir, parce qu'il s'agit des intervenants les mieux placés pour modifier la situation de la santé autochtone au pays.
S'il y a un message à communiquer au gouvernement, c'est qu'il faut faire en sorte d'appuyer les méthodes de guérison autochtone dans nos collectivités. C'est quelque chose d'extérieur au système de santé traditionnel, mais nous devons penser d'une façon créative. Ce que nous faisons à l'heure actuelle ne fonctionne pas.
La cause fondamentale de la perte de culture qu'ont subie les Autochtones, un des principaux déterminants de la santé, et probablement le plus important, c'est la relation entre le peuple autochtone et le gouvernement fédéral. On entend toujours dire dans les actualités que les Autochtones attendent des excuses. Dans notre collectivité, quand une personne en blesse une autre, elle s'excuse. Il est clair que les gestes posés par le gouvernement fédéral ont fait du tort aux Autochtones, mais il n'y a pas eu d'excuses. C'est quelque chose que je ne comprends pas, parce que j'imagine que ce serait assez simple, et c'est la voie de la guérison. Pour une raison quelconque, il y a un gros blocage. Je ne comprends probablement pas la politique, mais c'est ainsi que j'ai été éduqué, comme Autochtone d'une collectivité autochtone. Lorsqu'on fait du tort à quelqu'un, il faut dire qu'on est désolé et réparer le tort qui a été fait. La relation entre le peuple autochtone et le gouvernement fédéral doit changer. C'est là qu'il faut que le processus de guérison commence à modifier la santé des Autochtones.
Le sénateur Cochrane : Madame Lys, je crois au bien-fondé des pratiques de guérison de peuples autochtones. Lorsque j'ai visité les Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Sibbeston, qui vient de là-bas, se rendait à la montagne pour guérir — je ne sais pas si c'est le bon terme —, mais pour faire part de toutes ses préoccupations à un homme plus vieux que lui, avec qui il restait un bout de temps, jusqu'à ce qu'il se sente guéri. J'ai pensé que c'était fabuleux. Ce sont de bonnes pratiques.
J'aimerais maintenant obtenir de vous des renseignements qui vont nous permettre de terminer notre étude sur la santé des populations. J'aimerais savoir comment les pratiques de guérison traditionnelles des Autochtones s'inscrivent dans ce cadre. Comment l'approche de la santé des populations et le cadre traditionnel de la santé sont-ils liés? Est-ce que les approches du domaine de la santé des populations tiennent compte du savoir traditionnel indigène? Pouvez-vous nous donner des exemples où ça a été le cas? Pouvez-vous nous parler des avantages de l'intégration des pratiques traditionnelles en matière de santé et de guérison à l'approche de la santé des populations?
Mme Lys : Lorsque vous envisagez les choses du point de vue traditionnel sur la guérison et la santé, vous les envisagez d'une façon globale. Quel effet mental, affectif et physique les événements historiques comptent-ils produire sur le peuple autochtone? Il est utile d'avoir une idée générale de la chose. En santé, nous avons tendance à n'envisager que la santé physique. Même lorsqu'il s'agit de la santé des populations, nous examinons les problèmes physiques, les choses qui nous touchent physiquement. Nous ne savons pas suffisamment de choses sur la part qui est spirituelle. C'est là que la guérison intervient. Les femmes et les hommes de médecine travaillent avec nous pour nous faire comprendre que chaque geste que nous posons a une composante spirituelle et que nous sommes liés à tout ce qui nous entoure. Les Autochtones sont très liés au gouvernement. Nous sommes tous liés. Tous les gens qui sont ici sont liés d'une manière ou d'une autre.
Nous abordons les choses de façons différentes, et nous traitons les gens de façons différentes lorsque nous sommes tous égaux et liés. Personnellement, je travaille avec une femme de médecine. Comme guérisseuse, et comme infirmière praticienne, je constate que je dois être forte pour travailler avec les gens et les aider à guérir et à être en santé. Je travaille moi-même avec un guérisseur traditionnel pour me ressourcer.
Le sénateur Cochrane : Peut-être d'autres personnes veulent-elles intervenir.
Dr Shah : Je vais commencer par vous présenter les faits. Nous avons passé en revue la documentation concernant les répercussions de la spiritualité sur la santé, pas nécessairement la religion, mais la spiritualité. En 2000, nous avons présenté quelques exposés, et il a été dit que nous pourrions « éviter 42 000 décès par année » si nous nous occupions davantage des choses spirituelles. Ce chiffre vaut pour l'ensemble de la population canadienne. Il équivaut au nombre de décès liés à la cigarette. La documentation montre aussi qu'une plus grande spiritualité fait décroître l'incidence de la maladie mentale, le nombre d'admissions dans les hôpitaux psychiatriques et la quantité de médicaments pris. Voilà ce qui concerne la santé mentale. Sur le plan de la santé physique, beaucoup de données indiquent que c'est lié à une diminution des cas de maladie. Je peux vous fournir le cadre en question. Voilà pour l'aspect scientifique.
J'ai travaillé pendant les dix dernières années dans une clinique affiliée au Centre de santé autochtone, et il y a un guérisseur traditionnel trois portes plus loin. Nous nous recommandons mutuellement des patients. Il y a eu une perte ou une suppression de l'idée de spiritualité. Les gens ont tendance à l'éviter. Il y a beaucoup de colère et de ressentiment chez les patients que je rencontre. La médecine occidentale n'a pas beaucoup à offrir à cet égard. Nous avons beaucoup de chance de disposer de lieux de guérison au centre-ville de Toronto, et j'y ai envoyé des patients pour qu'ils rencontrent le guérisseur ou l'aîné qui se trouve là-bas. Les patients en question sont revenus guéris.
Je veux établir une importante distinction. La guérison et le traitement sont deux choses différentes. En médecine, on traite les gens. Si vous avez une angine streptococcique, je peux vous prescrire de la pénicilline, et tout va bien aller. Cependant, il y a des cas où le traitement ne peut permettre un rétablissement complet, mais où il est tout de même possible de « guérir ». Ainsi, les gens se sentent résolus.
J'envoie mes patients voir des guérisseurs, mais j'en envoie aussi beaucoup participer à des cérémonies de dénomination, par exemple. La chose la plus importante que je peux accomplir avec mes patients, c'est de leur permettre de retrouver leur identité propre.
Le sénateur Cochrane : Où envoyez-vous les gens dont vous vous occupez?
Dr Shah : Les centres dont nous parlons se trouvent à la clinique ou près de celle-ci. Au Centre de santé autochtone, il y a des aînés, des guérisseurs traditionnels et l'aide que j'offre, que j'appelle des services paratraditionnels. En médecine, on dit « services paramédicaux ».
C'est ce que nous faisons là-bas. Ce sont des éléments importants au regard de l'ensemble du processus de guérison, parce que c'est important que les gens retrouvent leur identité. Lorsqu'ils retrouvent leur identité propre, ils sont beaucoup plus en santé.
Le sénateur Cochrane : Ces jours-ci, je lis un livre et j'écoute des enregistrements au sujet de quelque chose qu'on appelle The Secret, et c'est de ça dont il s'agit.
Mme Wolski : Je veux commencer par dire deux ou trois choses au sujet de la façon traditionnelle d'aborder le processus de guérison, puis je veux répondre à la question sur les données.
En ce qui concerne les moyens pratiques de régler les questions soulevées, Santé Canada a mis en œuvre l'Initiative des ressources humaines en santé pour les Autochtones. Le ministère envisage une augmentation du nombre de médecins, d'infirmières et des autres professionnels de la santé au Canada. Bien entendu, on ne parle pas de la médecine traditionnelle. Il y a beaucoup d'argent pour aider les gens à devenir médecins ou infirmières, mais il n'y a rien pour permettre à quelqu'un de suivre un guérisseur traditionnel dans sa collectivité et apprendre des choses de lui. On ne fait rien pour encourager les étudiants et les jeunes à suivre cette voie. On ne soutient d'aucune façon les guérisseurs autochtones de nos collectivités pour garantir la transmission de l'information et des connaissances. À l'heure actuelle, il n'y a donc rien, même si on aurait pu rendre certaines choses accessibles dans le cadre de l'initiative.
La deuxième chose dont je voulais parler, c'était de la question des données. Je voulais dire un mot sur ce que l'Assemblée des Premières nations, l'APN, a dit, ainsi que sur ce que la nation métisse et les Inuits du Canada ont dit. Pour ce qui est des Premières nations et des Inuits, on les a étudiés jusqu'à ce que mort s'ensuive. Cependant, dans le cas des Métis et des Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves, on voudrait pratiquement les ramener à la vie en les étudiant. Comme vous le savez, l'élaboration des politiques s'appuie sur les données. S'il n'y a pas de données, il n'y aura pas de politiques visant les Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves ou qui n'ont pas le statut d'Autochtone au Canada. Je voulais que cela soit clair.
Je sais que le Dr Kue Young de l'Université de Toronto a témoigné devant vous, en avril ou en mai, je crois. Je vais le citer :
Les articles ne sont pas répartis en fonction de la situation démographique des Autochtones du Canada, les Métis, les Autochtones qui vivent en milieu urbain et les membres des Premières nations qui ne vivent pas dans les réserves étant vraiment sous-représentés [...]
Cet homme qui est un éminent chercheur du Canada depuis 35 ou 40 ans nous dit que nous devons obtenir des données sur la population à l'extérieur des réserves, parce que, à l'heure actuelle, l'absence de données semble indiquer qu'il n'y a pas de besoins à l'extérieur des réserves.
Le président : J'espère pouvoir mieux comprendre cette question avant la fin de la réunion d'aujourd'hui.
Dr Adams : Je suis agent de l'hygiène publique en Colombie-Britannique et j'ai été formé à la médecine familiale dans le système occidental, alors je vais vous donner le point de vue d'une personne qui œuvre au sein du réseau de la santé.
Nous sommes peut-être confrontés aux limites de l'approche de la santé des populations. Adopter une approche de santé publique, c'est-à-dire se pencher sur la situation de populations autochtones réparties dans une vaste région, est vraiment très complexe. Il a certainement été difficile pour moi, dans le cadre de mon travail, de déterminer les priorités. Nous en avons déjà mentionné tout un lot.
Pour essayer de se concentrer sur l'objectif, envisager à la fois la santé des collectivités et celle des gens est difficile. Cependant, c'est quelque chose que les Autochtones font depuis toujours. Il est sensé d'adopter une approche de santé des populations du point de vue autochtone.
J'espère que nous comprenons tous que la santé, c'est davantage que les services de santé. Dans le contexte de la santé des populations, nous luttons pour établir la distinction entre les deux.
Les principes de la santé des populations ne tiennent pas encore tout à fait compte de la diversité des populations autochtones. Nous formons un groupe hétérogène. Nous avons parlé du fait que nous vivons dans les villes et dans les milieux ruraux, du fait que nous sommes des Métis, des Inuits ou des membres d'une Première nation. Certains d'entre nous travaillent sur le terrain, d'autres sont des spécialistes qui travaillent dans les centres urbains, parfois dans des centres de savoir ou dans des compartiments.
En Colombie-Britannique, nous avons réussi à travailler avec les gouvernements provincial et fédéral dans un esprit de confiance, de reconnaissance et de respect pour les droits et les titres autochtones. J'espère que l'époque des décisions concernant la santé autochtone prises sans consulter les Autochtones est révolue. Nous ne sommes pas que des conseillers, en ce qui concerne notre santé. Nous sommes les partenaires à part entière des gouvernements provincial et fédéral. Ainsi, notre façon d'aborder les connaissances sur la santé doit occuper une place prépondérante. Il faut que l'idée d'une consultation et d'un dialogue continu occupe une place importante.
Malheureusement, les données dont nous disposons sur les Autochtones sont de piètre qualité. La santé publique, c'est la médecine fondée sur des données, et c'est un échec total dans les collectivités autochtones, parce que les données sur les Autochtones sont vraiment de mauvaise qualité. Nous ne savons pas, par exemple, quel est l'effet des médicaments pour l'hypertension sur les Autochtones. Ont-ils le même effet sur nous que, par exemple, sur les participants à l'étude Framingham, réalisée au Royaume-Uni? Nous ne le savons pas. Nous ne savons pas quelle est la situation des femmes autochtones par rapport au diabète. Nous ne savons même pas combien il y a d'Autochtones au Canada.
Même si Statistique Canada essayait de nous aider — et c'est ce que l'organisation fait — comment pourrions-nous accéder à ces données? Par exemple, il y a trois ans que Affaires indiennes et du Nord Canada n'a pas publié ses données sur le nombre de Métis et sur l'argent qu'on nous verse en Colombie-Britannique, et encore moins sur l'argent qu'on verse à l'ensemble des Autochtones.
Les principes de santé publique demeurent des principes. Ce sont les intervenants de première ligne des collectivités autochtones qui ont effectué la majeure partie du travail pour les Autochtones. Je détesterais voir l'idée de santé publique redevenir réductrice et mettre de côté la réalité autochtone, c'est-à-dire notre manière de préserver notre santé, et je détesterais voir la santé publique devenir si limitée qu'elle exclurait les intervenants.
Je suis agent de l'hygiène publique en Colombie-Britannique. Je conseille tous les travailleurs autochtones de la province. Il est malheureux que les principes de la santé publique aient pour conséquence que les aînés et les travailleurs des collectivités ont l'impression de ne pas comprendre le travail qu'ils font. Ces travailleurs jouent un rôle important, et je ne voudrais surtout pas minimiser leur autorité et leur efficacité. Il faut les habiliter. En même temps que nous adoptons une approche de santé publique, nous devons renforcer les capacités, et c'est une idée importante.
Deuxièmement, nos relations et la gouvernance en collaboration avec les autres agents et organisations de la santé doivent se poursuivre. Malheureusement, nous avons travaillé de façon relativement isolée, quelques agents de la santé seulement ayant mis leur matière grise au service de la santé autochtone, et il faut que cette situation change.
Le président : Permettez-moi de préciser ce que vous avez dit. J'avais l'impression que, pour que vous preniez votre destin en main comme vous l'avez décrit, nous avons besoin des centres communautaires de services sociaux et de santé, parce qu'il est possible de les adapter pour qu'ils répondent aux besoins des collectivités, tandis que les gros programmes et les grands hôpitaux — qui voient la santé publique de haut, pour ainsi dire — n'atteignent pas les gens sur le terrain et n'ont pas l'attitude nécessaire pour faire passer une collectivité de la mauvaise santé à la santé.
Y a-t-il une structure du genre en Colombie-Britannique? Quelle est votre interface avec le terrain, en Colombie-Britannique? Par « le terrain », j'entends les gens avec qui vous travaillez, en pratique.
Dr Adams : L'idée la plus importante que je souhaite communiquer, c'est celle des relations et de la gouvernance, celle selon laquelle nous sommes des joueurs à part entière et qui siègent à part entière dans les réunions avec notre ministre provincial de la Santé, George Abbott, ainsi que notre ministre fédéral de la Santé, Tony Clement. Il faut qu'on reconnaisse les dirigeants autochtones qui défendent nos intérêts par rapport aux lacunes en matière de service de santé et d'information, et il faut qu'on reconnaisse les façons autochtones de constituer un savoir. C'est quelque chose qu'il est essentiel que nous fassions avant de nous attaquer aux questions plus complexes qui ont été soulevées aujourd'hui, celles de la santé autochtone, des ressources humaines, de l'expansion de services comme ceux offerts par les centres d'amitié, de la façon de régler le problème du manque d'information au sujet des Métis et de la façon de faire occuper à la question de la santé des femmes autochtones une place à l'avant-plan. C'est quelque chose que nous ne pourrons faire à moins d'être des intervenants à part entière. Il faut qu'il y ait reconnaissance de notre gouvernance avant que nous abordions dans le détail les principes de santé publique. Il y a longtemps que les Autochtones s'occupent eux-mêmes de leur santé. Malheureusement, notre expertise n'est pas reconnue, tout comme le fait que ce sont les intervenants de première ligne qui font la majeure partie du travail n'est pas reconnu.
Le président : Vos services ne sont pas intégrés aux services provinciaux et fédéraux.
Dr Adams : Exactement, et c'est à cet égard que nous avons besoin de meilleurs liens.
Le président : Ce que je dis, c'est que, peu importe votre structure de gouvernance au sein de la grande mosaïque canadienne, je ne pense pas que vous puissiez prendre votre destin en main, en ce qui concerne la promotion de la santé et les services de santé, à moins que vous ne vous attaquiez à cette question à cette échelle.
Dr Shah : Le Québec l'a fait. J'ai visité la collectivité crie de la Baie James la semaine dernière. Il y a là-bas ce qu'on appelle un centre local de services communautaires ou CLSC. Il y a des services de santé très bien organisés pour l'ensemble de la collectivité crie. C'est peut-être un modèle que vous pourriez envisager.
Le président : Je connais les CLSC. Quand j'étais jeune médecin, j'ai travaillé dans un CLSC pendant l'été. Ces centres existent depuis plus de 35 ans.
Dr Shah : Les collectivités autochtones n'ont aucun modèle combinant la santé publique et les services sociaux et de santé, et j'ai été impressionné de voir ce modèle là-bas.
Le président : C'est un très bon modèle; Vous avez raison.
Cynthia Stirbys, recherchiste et analyste des politiques, Assemblée des Premières nations : Je remplace Mme Gideon. Je suis heureuse d'avoir l'occasion d'intervenir.
Beaucoup de gens ont posé la question de savoir s'il est possible d'intégrer les méthodes traditionnelles au modèle de la santé des populations et ont parlé des approches globales de la santé. Nous avons parlé des lacunes en santé, et le Dr Adams a parlé des façons autochtones de constituer un savoir.
J'aimerais vous donner un exemple. Le travail de recherche final pour ma maîtrise portait sur la profession de sage-femme chez les Autochtones. Je pense que mon exemple va illustrer beaucoup de choses qui ont été dites aujourd'hui.
Tout à l'heure, Mme Dumont-Smith a parlé des sexes. À l'Assemblée des Premières nations, nous élaborons un processus d'analyse fondé sur l'équilibre entre les sexes. C'est quelque chose de très différent de l'analyse comparative entre les sexes. Nous parlons de trouver un équilibre entre les rôles des hommes et des femmes, mais la santé fait partie de cela. Nous parlons de quatre domaines : spirituel, mental, physique et affectif.
Je veux donner le modèle de la profession de sage-femme comme exemple d'une approche globale de la santé et pour illustrer certaines des lacunes actuelles. La santé commence à la naissance. Ce n'est pas quelque chose qui vous arrive lorsque vous êtes à la maternelle ou au primaire, ou encore à la puberté; c'est quelque chose qui commence tôt. Lorsque nous nous penchons sur la santé, les différences entre les sexes et les répercussions chez les hommes et chez les femmes, nous constatons que c'est souvent les femmes et les enfants qui sont davantage marginalisés par les lois et les politiques, qui, malheureusement, créent les lacunes dont ils sont victimes.
Dans le passé, les femmes autochtones étaient fortes. Elles travaillaient ensemble à préserver la santé de leur collectivité. Si les femmes des collectivités ne sont pas en santé, toute la collectivité se désintègre, les enfants y compris. Les pensionnats indiens sont un bon exemple de ce qui s'est produit dans nos collectivités, de la désintégration de nos relations.
Dans le passé, on formait les filles pour qu'elles deviennent sages-femmes, on leur transmettait le savoir traditionnel et la connaissance des remèdes traditionnels très tôt. À l'âge de 10 ou 12 ans, elles connaissaient déjà des centaines d'herbes médicinales. À l'adolescence, elles mettaient des enfants au monde. Rendues à 20 ans, elles étaient déjà très expérimentées. Les normes sont élevées dans nos collectivités.
Le problème, aujourd'hui, c'est la politique d'évacuation. Lorsque les femmes autochtones sont évacuées à la 36e semaine de leur grossesse, on les enlève à leur famille et à leurs enfants, et on leur enlève l'accès aux systèmes de soutien, et lorsqu'on les amène à l'hôpital, c'est un endroit qu'elles visitent peut-être pour la première fois. Elles passent des semaines seules, elles mangent de la nourriture à laquelle elles ne sont pas habituées, elles ne comprennent pas ce qui se passe et elles se trouvent en milieu urbain. Encore aujourd'hui, lorsque j'entre dans un hôpital, je suis un peu craintive, à cause des bruits et des odeurs. Imaginez à quel point ça peut rendre nerveuse une personne qui ne s'est jamais trouvée dans ce genre de milieu.
Dans le cadre de ce travail de recherche, j'ai adapté le modèle socio-écologique Bronfenbrenner à un modèle socio-écologique de la profession de sage-femme, et j'ai montré que, par l'intervention de la loi, les systèmes médicaux et tous les autres éléments ne s'agencent pas de façon globale pour créer un milieu dans lequel une femme peut donner naissance de façon saine. Lorsque les femmes sortent de leur collectivité, par exemple, elles sont confrontées à beaucoup plus de facteurs de stress, par exemple le fait d'être privées des systèmes de soutien et de ne pas être habituées à ce qui les entoure. Il arrive souvent, dans ce milieu stressant, que les femmes aient du mal à accoucher. Avant l'arrivée du modèle médical et l'abandon par les femmes de la profession de sage-femme. Beaucoup de femmes accouchaient sans douleur et sans aide, parce que c'est un processus facile et naturel. Dans le milieu hospitalier, où il y a des horaires, beaucoup de femmes sont forcées. Elles ne peuvent pas dire : « Je veux accoucher de façon traditionnelle et naturelle », ou encore « J'aimerais combiner le modèle occidental et le modèle traditionnel, de façon à obtenir le meilleur des deux mondes. » C'est souvent un choix qu'on ne leur offre pas. Beaucoup de femmes accouchent par césarienne, et certaines d'entre elles ne savent pas très bien si elles ont accouché parce qu'elles ne sont pas tout à fait éveillées lorsque cela se produit.
Le modèle socio-écologique montre que la santé spirituelle est pratiquement absente lorsqu'une personne est évacuée de sa collectivité. L'élément de célébration de la naissance est supprimé. Traditionnellement, donner naissance, dans nos collectivités, était une occasion de célébrer, parce qu'on donnait naissance à de futurs chefs. Sur le plan affectif, les femmes ne se sentent pas en sécurité ou en sûreté, ce qui rend la situation beaucoup plus difficile pour elles. Cela s'applique sur le plan physique aussi. Bien entendu, il est difficile de vivre avec les facteurs de stress que sont le fait de se trouver dans un milieu bizarre et étranger et de n'être pas sûr de ce qui se passe.
La chose la plus importante que je voulais signaler, et c'est quelque chose qu'on a déjà dit, c'est que ce n'est pas avant que les femmes recommencent à accoucher dans leur collectivité, sous la surveillance des femmes et des autres membres de la collectivité, qu'on pourra apporter de grands changements. Dans le cadre de mes recherches, j'ai montré que, lorsque les femmes sont évacuées, les effets durent longtemps, pas seulement deux ou trois semaines. Ça peut prendre jusqu'à trois mois avant qu'on présente l'enfant à la famille. Ainsi, tout ce temps est perdu, comme l'occasion de créer des liens, et les liens à long terme ont des répercussions sur la santé des gens et sur les relations qu'ils vont entretenir dans l'avenir.
La santé commence avec la naissance, et il est possible de travailler avec les collectivités pour s'assurer que les accouchements se font en toute sécurité. Les Inuits sont des chefs de file dans ce domaine. Ils ont montré qu'il est possible de fusionner les deux modèles.
Le président : Ce que vous dites est d'une importance capitale, madame Stirbys. J'ai déjà dit la même chose. J'étais cardiochirurgien. Je ne connais rien au sujet de l'accouchement, mais quand j'ai commencé à y penser, j'avais l'habitude de dire que la vie commence et qu'il faut s'occuper de l'enfant. Puis, Fraser Mustard m'a remis en question pendant une conférence à Toronto. Il a dit que je passais à côté de ce qui est le plus important. La vie commence au moment de la conception. Il faut s'occuper de la mère si on veut s'occuper de l'enfant. L'enfant qui naît d'une mère en santé sur les plans physique et mental fera probablement un enfant en santé, avec un bel avenir. L'enfant qui naît d'une mère en mauvaise santé sur ces plans fait face à des problèmes graves. Ces enfants sont quelque chose comme 12 fois plus susceptibles d'être atteints du cancer avant l'âge de 30 ans, et 12 fois plus susceptibles de souffrir d'une maladie du cœur congénitale, et cetera.
Vous êtes sur la bonne voie. Je pousserais la chose d'un cran, parce que s'occuper des mères dans les collectivités est l'une des choses les plus importantes que nous puissions faire. Je veux que vous remettiez les vieux sénateurs comme nous sur le bon chemin. Je suis convaincu du fait que vous devez prendre votre destin en main à l'échelle communautaire, en ce qui concerne les politiques sociales et de santé.
Là-dessus, nous allons faire une courte pause, et j'aimerais que vous réfléchissiez au genre de modifications qu'il faudrait apporter aux politiques et aux programmes pour faire avancer le dossier de la santé des populations dans vos collectivités. Quels sont les changements nécessaires? Qu'est-ce qui ne va pas, présentement? Comme la Dre Bartlett l'a souligné, il n'y a rien de neuf en santé des populations. Nous en parlons depuis 35 ans. Pourquoi est-ce que ça n'a pas fonctionné?
Le sénateur Cook : J'ai écouté attentivement ce qui s'est dit ce matin pour essayer de comprendre s'il y avait de quelconques déterminants particuliers de la santé, parce que je les voyais comme des obstacles.
Serons-nous jamais pardonnés pour les pensionnats indiens? Combien de temps encore allons-nous être aux prises avec ce phénomène. Je suis membre de l'Église unie, qui a fait des excuses publiques en 1984.
J'ai entendu parler de la question de la violence — familiale, raciale et sexuelle —, c'est une chose courante dans toutes les sociétés. J'ai entendu parler de la colonisation et certains des membres des nos collectivités composent avec cela. J'ai entendu dire que les enfants sont sept fois plus susceptibles de vivre avec un membre de leur famille autre que leurs parents. J'aimerais que vous m'en parliez, pour voir en quoi c'est un problème à vos yeux. Mme Dickson a parlé des filles-mères, et elle a dit qu'il y en a deux fois plus que la moyenne nationale. J'ai entendu parler de logements surpeuplés. Avant hier, un témoin a parlé d'« écoles médiocres », et dans l'un de vos exposés, vous avez utilisé l'expression « écoles de faible qualité ». Voilà qui me trouble profondément. Tout cela semble indiquer que la santé de nos parents aujourd'hui est précaire. Voilà des choses pratiques que nous devons régler, parce qu'il s'agit des gens.
M. Ermine : Les Autochtones — et je pense que ce que je vais dire s'applique aussi au reste de la population — ont laissé l'État définir l'idée de leur santé, et c'est encore plus vrai dans nos collectivités, parce que nous sommes démunis devant le système médical. C'est sans fin. Je n'ai pas à me soucier de ma propre santé si le Dr Keon le fait pour moi.
La situation est la même dans l'ensemble du pays. Elle impose un fardeau important aux structures financières. Les collectivités autochtones, la mienne et les autres, ont essayé de comprendre ce qui permet aux établissements de santé de nos collectivités, qui existaient avant la confédération, d'agir, et ce qui les empêche d'agir, ainsi que de comprendre les connaissances que nous avions au sujet de la santé. Qu'est-ce qui permet à cela de fonctionner? Bon nombre de gens de nos collectivités suivent toujours ces principes, qui existent encore, malgré toutes les années écoulées. La santé dépasse largement le processus d'individualisation que nous avons adopté dans les établissements médicaux, et certaines des questions que nous avons abordées ce matin.
Si votre enfant est malade, cela affecte votre propre bien-être et votre propre santé. Les idées globales qui ont pour objet la manière dont la spiritualité, les émotions et tout le reste de ce qui entoure la santé d'une personne s'agencent n'ont pas encore été explorées. Ce sont là des traditions qui existent dans nos collectivités, mais nous n'avons pas eu les ressources pour recueillir les données nécessaires comme on en a parlé ici ou renforcer les capacités. Nous n'avons pas eu les ressources pour faire le travail de mémoire nécessaire dans nos collectivités afin de bien définir l'idée de la santé comme étant l'état optimal des êtres humains.
Comme collectivités humaines, nous avons ces traditions de savoir dans nos collectivités, mais le système médical, les systèmes de santé, qui sont fondés sur ceux du monde occidental, sur des données scientifiques, ne peuvent être en harmonie avec cette idée de santé spirituelle dont notre tradition parle. C'est une question de contexte.
Pardonnez-moi, sénateurs, mais, en ce qui concerne l'élaboration de politiques, l'idéal — et je parle d'un très grand idéal — ou la meilleure chose, ce serait pour moi que l'on donne aux Premières nations, aux Métis et aux Inuits les ressources nécessaires pour élaborer les politiques concernant notre santé que vous cherchez à élaborer. Les idées et les aspirations non exprimées de nos collectivités pourraient être exprimées.
Le sénateur Cook : Nous n'avons pas bien écouté.
M. Ermine : Comme Mme Lys l'a dit, nous discutons de ces choses depuis de nombreuses années, et c'est une question de renforcement des capacités; d'une manière ou d'une autre, il faut qu'il y ait un dialogue et un partenariat.
Ce matin, Mme Gideon a parlé du Two-Row Wampum, des canots qui avancent côte à côte. Pour moi, c'est la coexistence. Ce qu'il y a, à la place, au pays, c'est une monoculture au sein de laquelle l'un des deux partenaires domine le discours sur les politiques en matière de santé et sur ce que c'est d'être en santé. C'est ce partenaire qui tient les cordons de la bourse et qui possède tout. En attendant, nous languissons dans nos collectivités avec zéro ressource. Nous ne quêtons pas, mais les ressources doivent affluer, d'après la Constitution du pays. Voilà notre combat. Nous devons comprendre qu'il s'agit de partenariats et de dialogues, et il n'est pas nécessaire que tout le monde au Canada comprenne ce qu'est la santé chez les Autochtones. Ce n'est pas nécessaire.
Mme Van Haute : J'aimerais aborder trois questions, en fonction de ce dont nous avons parlé plus tôt, et j'aimerais aussi répondre aux questions du sénateur Cook.
La première question concerne le savoir traditionnel. Il faut qu'on reconnaisse qu'il y a plusieurs types de savoir traditionnel. Ce savoir est fondé sur les movements des Autochtones. Il y a différentes interprétations des mêmes caractéristiques propres à des courants autochtone. Aujourd'hui, les groupes et les collectivités de Métis ne le reconnaissent peut-être pas autant que les collectivités de Premières nations, surtout celles des réserves. Je ne dis pas cela pour minimiser l'idée que les gens s'en font. Il suffit de reconnaître que c'est différent. Ce n'est pas partout la même chose dans toutes les collectivités autochtones.
Deuxièmement, j'aimerais laisser cela de côté pour répondre à la question du sénateur Cook concernant les répercussions sociales des pensionnats. Les répercussions sociales sont des répercussions à long terme. Il faut faire quelque chose dans les collectivités, mais aussi de façon plus générale. En quelque sorte, il s'agit de répercussions sociales courantes, qui seraient les mêmes dans une collectivité autochtone ou dans une collectivité non autochtone. Cependant, en ce qui concerne la prédominance de telle ou telle répercussion chez une collectivité ou dans un groupe précis, il faut que nous effectuions des recherches là-dessus à l'échelle communautaire. Voilà qui nous ramène à ce que la Dre Bartlett nous a dit ce matin. Il faut que nos travaux de recherche, nos activités de collecte de données, notre compréhension, notre façon d'élaborer les politiques et de les appliquer se situent à deux niveaux — le point de vue global et le point de vue des collectivités.
Divers groupes autochtones et non autochtones ont déjà relevé certaines de ces répercussions, comme divers éléments ou ministères des gouvernements fédéral et provinciaux. La première serait la violence familiale ou la violence dans le contexte familial, violence physique, sexuelle ou affective, qui donne souvent lieu, du point de vue de la santé mentale, à la dépression et à l'augmentation de la tension. L'augmentation de la tension conduit à l'hypertension et engendre des troubles cardiovasculaires, ce qui, au bout du compte, entraînent une incidence plus élevée de la dépendance comme mécanismes pour faire face aux problèmes, la dépendance à l'alcool, à la drogue, à la nourriture et à toutes sortes d'autre choses.
Cette combinaison, ou ce cycle particulier, de répercussions doit être reconnue par les gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que par les organisations autochtones et par les Autochtones. Nous devons tous être préparés à faire face à ces répercussions à long terme et à apporter des solutions, c'est-à-dire à faire comprendre aux Autochtones comment ce genre de choses fonctionnent. Les chercheurs autochtones diffusent cette information, non seulement dans les milieux universitaire, social ou communautaire, mais aussi auprès du gouvernement. Puis, lorsque les politiques sont élaborées, tous les rêves des Autochtones sont présentés dans le cadre du processus d'application de ces politiques, pour qu'on puisse s'assurer que ces politiques sont efficaces, témoignent de compassion et d'un respect pour la collectivité, mais, surtout, qu'elles sont pratiques.
Troisièmement, le sénateur Keon a dit plus tôt qu'il voulait que le groupe dise au sous-comité quoi faire. Du point de vue des Métis, permettez-moi de vous dire de but en blanc ce que sont les quatre choses que vous devriez faire : premièrement, encourager le gouvernement à apprécier tous les movements autochtones — pas seulement un ou deux, mais tous les movements — à leur juste valeur, et à supprimer le mot « Autochtone » qui sert à parler de tout le monde en même temps. Les gens qui sont ici pour représenter des organisations autochtones ne sont pas qu'Autochtones. Ils sont tous différents les uns des autres. Deuxièmement, encourager le gouvernement à appuyer les travaux de recherche effectués par les Autochtones sur l'état de la santé et sur les déterminants de la santé. Troisièmement, encourager la diffusion de cette information auprès des sources gouvernementales, et mettre en place un mécanisme de soutien ou de confirmation du fait que ces documents, une fois qu'ils seront communiqués au gouvernement, seront bel et bien lus et compris par les fonctionnaires du gouvernement. S'ils ne les comprennent pas, ils devraient demander davantage de renseignements. Quatrièmement, encourager le gouvernement fédéral à accepter l'idée que l'un des faits évidents, pour la santé des populations, c'est que la pauvreté est un obstacle à la bonne santé de toute population, autochtone ou non. Ainsi, il faut que la croissance économique soit la même partout au pays.
Le président : Merci beaucoup. C'est un bon résumé que vous nous avez fait.
Mme Dumont-Smith : Comme je l'ai dit ce matin, l'Association des femmes autochtones du Canada est tout à fait en faveur d'une approche axée sur les populations en matière de déterminants de la santé. Nous envisageons la santé de façon plutôt compartimentée. Pour améliorer la situation, nous devons intégrer les aspects social et pédagogique. Pourquoi le ministère des Affaires indiennes et Développement des ressources humaines ne participent-ils pas? Ces organismes ont des politiques qui ont une incidence sur le statut social des Autochtones. Ce n'est que lorsque ces gens vont participer à la discussion et que nous allons travailler ensemble à élaborer des politiques complémentaires que nous allons pouvoir faire bouger les choses.
Si notre seule façon de redresser la situation économique des Autochtones, c'est de leur offrir une meilleure éducation, c'est une bonne priorité, et c'est une bonne chose de se concentrer là-dessus, mais il faudra du temps. Il faut quatre ou cinq ans pour obtenir un diplôme universitaire, puis il faut entrer sur le marché du travail. J'aimerais voir davantage d'intervenants de ces différentes organisations participer à une démarche relative à la santé des populations et aux déterminants de la santé, et nous devrions tous adopter cette démarche en même temps de façon à intervenir sur plusieurs fronts. Je serais davantage en faveur de cette démarche.
Je pense que notre identité culturelle devrait chapeauter tout cela. J'entends par là que les Autochtones, les femmes autochtones, participeraient à tous les volets de l'élaboration des politiques. Je crois que c'est à cet égard que nous avons échoué jusqu'à maintenant. Les politiques sont élaborées à l'échelle nationale, sans le concours des Autochtones. Résultat : les politiques élaborées sont peut-être bonnes, mais elles ne sont pas adaptées à notre situation, et nous savons que les conséquences sont la mauvaise santé, le manque d'éducation, et cetera.
Lorsque nous examinons la question de la santé, nous devons chercher à déterminer les causes profondes, et elles sont toutes décrites en fonction des déterminants de la santé. Nous devons nous occuper de chacune de ces causes. Le revenu et le statut social sont des causes de mauvaise santé, alors nous devons élaborer des politiques pour apporter des améliorations dans ces domaines, tout en ne négligeant pas les autres causes. Aborder tous les facteurs ensemble.
Dr King : Je veux à la fois faire une annonce et formuler une recommandation. L'annonce, c'est qu'il y a un processus en cours qui va se poursuivre l'an prochain au Canada et aux États-Unis. On offrira cet été un cours auquel plusieurs des personnes qui sont ici ont contribué, en particulier Mme Gideon, Mme Fowler et Mme Commanda. Il s'agit d'un cours sur les déterminants sociaux de la santé, qui sera offert aux Autochtones en juillet à l'Université Johns Hopkins, puis l'an prochain à l'Université de l'Alberta. Le cours sera donné surtout par des Autochtones, notamment le Dr Jeff Reading. Au total, 20 étudiants autochtones du Canada vont suivre le cours, ainsi qu'un nombre comparable d'étudiants autochtones américains. La moitié de ces étudiants seront choisis par les collectivités autochtones; l'autre moitié viendra des universités. Ils vont apprendre et travailler ensemble, puis ils vont passer la même évaluation.
Le cours portera sur l'approche axée sur les déterminants sociaux de la santé, du point de vue de la recherche. À la fin du cours, les étudiants devraient être en mesure d'appliquer les connaissances acquises à un problème précis dans leur collectivité ou à un projet de recherche. Ils pourront travailler sur le problème de leur choix. Ils pourront décider de travailler sur le savoir et l'alphabétisation en santé, la santé spirituelle, ou encore l'éducation des jeunes enfants.
Si le cours est un succès, les étudiants vont être en mesure d'envisager un projet de recherche dans l'optique des déterminants de la santé. Cela va permettre de régler bon nombre des questions touchant la capacité, la propriété, l'accès et le contrôle. C'est une initiative autochtone. Seulement 20 étudiants vont y participer cette année, et environ le même nombre l'an prochain. Évidemment, c'est loin d'être suffisant. Pour que l'initiative réussisse, ces étudiants vont devoir transmettre leurs connaissances à la prochaine cohorte. C'est ainsi que les choses vont fonctionner.
La recommandation que je veux formuler porte sur la recherche et a trait à ce que j'ai dit ce matin. Il serait possible de faire des gains énormes en santé en réglant la question des déterminants sociaux de la santé. Ce n'est pas une tâche facile. C'est beaucoup plus complexe qu'une figure présentant le revenu comme un déterminant, parce qu'il y a toutes sortes de facteurs qui déterminent le revenu.
Je ne dis pas ça pour nier l'importance de la recherche fondamentale en biologie et en génétique. C'est toujours important. Il faut étudier les cellules souches et faire des travaux de protéomique, mais il n'y a pas d'équilibre au pays, et c'est à cet égard que je pourrais dire quelque chose de provocateur. Il n'y a pas d'équilibre quant à la manière dont nous finançons la recherche. Nous ne répartissons pas les fonds de façon rationnelle, en fonction du fardeau que représentent la maladie et des gains en santé. J'aimerais mieux que nous fassions les choses en fonction des gains en santé que du fardeau qu'impose la maladie, parce que ce serait une démarche positive.
Ce que je dis s'applique non seulement à la santé des Autochtones, mais aussi à la population en général. L'asthme de beaucoup de gens s'aggrave parce qu'on n'élabore pas de lignes directrices. Nous n'avons pas besoin de tant de nouveaux médicaments pour l'asthme. Les médecins et les infirmières doivent apprendre à donner les médicaments qui existent à leurs patients et à permettre à ces patients de dominer la maladie. En santé autochtone, nous avons beaucoup de choses à faire, mais nous devons réviser notre façon de financer la santé. Je sais que ce je dis déplairait à une bonne partie de l'establishment, et ce n'est pas ce que je souhaite. J'aimerais que l'establishment participe à la démarche axée sur les déterminants sociaux de la santé.
Je ne me suis moi-même converti que récemment. J'ai fait la plus grande partie de ma carrière dans le secteur de la recherche biomédicale. Il est possible de combiner les deux. Vous avez la formation de base pour effectuer des recherches en intervention. Pourquoi ne pas appliquer vos connaissances aux déterminants sociaux? Il y a un énorme réservoir de talents, 90 p. 100 du milieu de la recherche biomédicale, dans lequel nous pourrions puiser. C'est ce que je ferais si j'étais président des Instituts de recherche en santé du Canada.
Le président : Beaucoup de gens sont d'accord pour dire qu'il est temps d'adopter un nouveau point de vue sur ce que nous faisons. Il ne fait aucun doute que nous disposons d'une imposante plate-forme de recherche. Je suis en train de rédiger un discours sur la recherche au Canada, que je dois prononcer devant le Sénat. Cette année, le Canada va dépenser près de neuf milliards de dollars pour la recherche, ce qui est énorme. Il n'y a que les États-Unis qui nous dépassent à cet égard.
Nous sommes aussi le premier pays du monde au chapitre des retombées industrielles des travaux de recherche. Il y a plus de jeunes entreprises au Canada qu'aux États-Unis. Sans aucun doute, nous avons fait quelques bons coups, mais, malgré des choses extraordinaires comme les INRSC, nous n'avons pas fait suffisamment de choses pratiques.
Dre Bartlett : Je veux appeler à la prudence au sujet de plusieurs choses et donner quelques conseils sur d'autres choses.
En ce qui concerne les mécanismes de financement, l'un des problèmes de toute initiative d'élaboration de politiques, c'est la tendance à mettre un projet à l'essai pour une très courte période avant d'essayer quelque chose d'autre. On ne fait ainsi que commencer à renforcer les capacités dans les domaines comme la recherche.
Ça nous ramène à la question de savoir si le problème des pensionnats va un jour se résorber. Le problème ne va pas se résorber, parce que les pensionnats sont un symbole du choc des cultures en soi. L'une des deux cultures a imposé sa façon de faire les choses comme si c'était la meilleure. Les chercheurs autochtones du monde entier discutent de ce qui est intrinsèquement différent entre la façon dont nous souhaitons effectuer la recherche et la façon la plus courante de le faire.
Toute l'idée de la concurrence m'horripile. J'ai grandi dans une famille où il y avait 11 enfants. Il n'y avait aucune concurrence; nous ne faisions que vivre. Il y a une dichotomie des cultures. Les organismes de financement, par exemple, disent que nous devons entrer en concurrence. Ils investissent un peu d'argent et essaient d'obtenir le meilleur produit en favorisant la compétition, plutôt que le dialogue et la création de liens. En tant que recherchistes autochtones, nous essayons de nous en sortir par le dialogue et la création de liens, malgré l'esprit de concurrence des IRSC. Nos cultures sont très différentes.
Nous parlons de la nécessité de guérir la collectivité autochtone. Nous devons parler de l'idée de valoriser la collectivité autochtone. Nous sommes comme tout le monde. Nous vivons un stress, le stress, sur le plan cognitif, de toujours se faire dire que nous devrions être différents. Les Métis vivent un stress double, puisque nous sommes pris entre les Premières nations et la culture européenne, et que les Autochtones et les Européens disent tous que nous devrions être comme eux. C'est une question de valorisation plutôt que de guérison.
L'idée de guérison dépasse celle du traitement, qui est la partie physique. L'idée de guérison est de portée beaucoup plus grande. Nous devons réfléchir à l'identité et au sens. Nous devons nous demander si nous comparons des pommes et des oranges. Lorsque nous réfléchissons à la situation des filles-mères, quel est le sens de cette situation? Nous n'avons pas effectué les recherches visant à déterminer le sens réel des choses à nos yeux. Nous prenons un cadre de santé des populations et nous y intégrons 60 ou 70 choses que nous pouvons mesurer et qui peuvent être de bonnes choses à mesurer, mais nous ne savons pas quel est le sens de ces choses. Nous faisons des mesures, puis nous interprétons les indicateurs d'un point de vue occidental, de la même façon que les décideurs.
Nous devons faire attention de ne pas aborder la santé autochtone de façon émotive, que ce soit la santé des Premières nations, des Inuits ou des Métis. La pitié ne mène pas très loin. Elle ne donne pas de pouvoir aux gens. C'est quelque chose qui peut permettre de se faire connaître, mais c'est aussi l'image qui reste. Nous voulons être en mesure de présenter ce qui a de la valeur chez nous et qui peut être une valeur ajoutée pour la société canadienne. Nous voulons adopter une démarche de décolonisation; nous devons poser la question suivante : qu'est-ce qui nous valorise?
En ce qui concerne les politiques, tous les gens qui sont ici ont parlé de l'équilibre spirituel, affectif, physique et intellectuel. Nous voulons équilibrer les émotions positives et les émotions négatives, les éléments spirituels positifs et les éléments spirituels négatifs. Il y a une oscillation perpétuelle entre les deux pôles. Jusqu'à maintenant, le système de santé était axé sur le corps physique, et nous devons rééquilibrer le système.
Il faut se méfier des solutions universelles. Nous ne voulons pas vraiment nous engager dans cette voie. Aucun cadre de santé des populations ne peut être adapté à tous. On a dit assez souvent ici que c'est davantage une question de processus que de produit, et ce processus doit se dérouler à l'échelle locale. Il s'agit d'établir des liens et un dialogue à l'échelle locale.
Nous devons garder en tête la science de la gouvernance. Des documents publiés partout dans le monde disent clairement que l'absence d'autonomie provoque des réactions physiologiques qui prennent la forme de tous les mécanismes du stress. De très bons éléments probants montrent que l'autonomie, non seulement l'autonome gouvernementale, mais aussi l'autonomie personnelle — le fait qu'une personne puisse exprimer son propre destin — est un facteur de la santé aussi important que tous les autres. L'une des choses les plus fondamentales, en santé, c'est la possibilité de choisir. Nous, les Métis, sommes toujours pris entre deux choses. Il y a beaucoup d'exemples auxquels les gens s'accrochent, mais ce sont souvent des exemples qui s'appliquent aux Cris ou aux Micmacs. Les politiques ont tendance à tenir compte de ces exemples, plutôt que d'envisager le processus qui entoure l'élaboration de ces exemples à l'échelle locale. Le processus est tellement plus important que le produit. Le résultat est alors la modification de l'état de santé.
Cela prendra du temps. Nous avons besoin de l'argent pour mettre l'infrastructure en place, pour soutenir nos collectivités, pour discuter avec les intervenants des systèmes de santé et avec d'autres parties intéressées qui vivent dans la même région.
M. Gay : Je voulais aborder la question des politiques et des programmes. Nous parlons aujourd'hui de fédéralisme d'ouverture. J'exhorte le comité à formuler une recommandation visant à faire en sorte que le fédéralisme d'ouverture ne devienne pas un contexte dans lequel on règle les questions à coup de chèque. Nous, les Canadiens, voyons le gouvernement fédéral non pas simplement comme un grand guichet automatique pour les premiers ministres des provinces, mais plutôt comme l'incarnation du leadership, et non seulement le leadership politique, mais aussi le leadership économique et moral. Le leadership moral est peut-être un peu vacillant, mais disons que ça en fait quand même partie.
L'expression « normes nationales » a pris une connotation négative. Je ne crois pas que c'est nécessaire. Nous constatons que l'accès à d'excellents programmes ne s'étend pas au-delà des frontières. Non seulement il s'arrête à la frontière entre la réserve et la ville, mais il y a aussi des différences d'accès entre les provinces du Manitoba, de la Colombie-Britannique et de l'Île-du-Prince-Édouard. Voilà un pouvoir important du gouvernement fédéral.
En ce qui concerne les programmes et les politiques, c'est ce que nous constatons qui se produit, un peu, mais pas suffisamment. Lorsque nous tenons ces grands débats dans le cadre desquels nous négocions des ententes en matière de santé, de garde d'enfants et de logement, notre porte-parole est le groupe d'intérêt. Il faut que nos dirigeants prennent part à ces discussions, et je n'ai entendu aucun argument convaincant pour expliquer que nos dirigeants politiques ne participent pas aux débats ministériels. Je mets le gouvernement au défi d'expliquer cette situation, ou du moins d'ouvrir la porte à cela. Les ententes seraient alors beaucoup plus susceptibles de comporter un volet consacré aux Autochtones et propre à eux, plutôt qu'une simple annexe ou qu'un petit magot réservé à ce groupe.
Je veux que cela soit tout à fait clair au sujet de la collectivité autochtone et je veux vous rappeler que la juge Abella, de la Cour suprême, a dit que l'égalité n'est pas la similitude. Tout le monde pense que les Autochtones se ressemblent tous, mais nous sommes très différents les uns des autres et nous avons des besoins hétérogènes. Reconnaître cette différence permet de parler de notre identité et des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Nous n'avons pas peur de régler ces problèmes. C'est une fausse perception qui fait partie de la vision du monde des Canadiens.
Enfin, j'aimerais dire un mot au sujet de l'accès aux aînés. Un sénateur a abordé cette question tout à l'heure. Qu'est-ce que cela signifie? C'est quelque chose qui a été porté de nouveau à mon attention au printemps, lorsque j'ai sillonné le pays dans le cadre d'une visite éclair. J'ai animé des séances de groupes de réflexion composés de jeunes Autochtones, séances qui portaient sur l'éducation et le fait de rester à l'école. Les jeunes ont parlé de racisme et du manque d'accès aux aînés. Il n'y a pas, dans leur collectivité, d'aînés à qui ils puissent parler. Les aînés peuvent leur communiquer des idées de grande valeur et sont pour eux un lien non seulement avec la collectivité, mais avec qui ils sont, avec leur identité.
D'après mon expérience, il semble que le grand esprit a un grand sens de l'humour. J'ai été adopté, et il a choisi pour moi London, en Ontario, qui est probablement la collectivité la plus uniformément blanche du pays. Comme j'ai été élevé dans cette collectivité et que j'avais un gros nez, des billes noires à la place des yeux et le teint pas mal foncé, j'étais soit une curiosité, soit une tête folle, soit un brûleur de carriole. Il n'y avait pas d'entre-deux. Je ne me suis pas aperçu à quel point mon esprit avait besoin de voir des gens qui me ressemblaient, des gens qui parlaient la langue ojibway, avant d'être rapatrié dans ma collectivité. J'adore la manière dont les gens parlent chez moi. J'ai été élevé par des gens bien intentionnés, mais je n'ai pas pris conscience de l'ampleur de ma solitude avant de faire ce lien. Même si j'en avais l'occasion, je ne ferais pas les choses différemment. C'est une occasion qui, par bonheur, m'a été offerte, et qui a beaucoup façonné ma façon de penser pendant que je vieillissais.
Le président : Voilà qui est très révélateur. Je dois dire que les choses changent à l'heure actuelle. Il y a quelques mois, j'ai entendu John Crosbie parler. Il parlait de la perte des stocks de morue au large des Grands bancs. Il a dit que la morue devenait aussi rare dans les Grands bancs que les Blancs à Toronto. L'univers est en expansion dans d'autres directions aussi, dans certains cas. Ce que vous venez de dire est très révélateur.
Dr Adams : Je voulais ajouter à ce que les autres ont dit et envisager les choses dans une optique différente — celle de l'idée de résilience. Ce n'est pas un nouveau concept; nous en entendons parler dans le domaine de la santé autochtone. Nous sommes constamment évalués en fonction des critères de succès des autres, et nous arrivons derniers. Nous sommes les derniers, au pays, pour beaucoup d'indicateurs de la santé. Bon nombre d'entre nous doivent quitter le milieu qu'ils connaissent, l'endroit où ils sont nés et leur langue pour réussir au sein de la culture dominante. J'espère que nous n'aurons pas à faire cela en santé, du fait d'envisager le principe relatif à la santé dont nous avons parlé.
En Colombie-Britannique, au bureau de l'agent provincial de la santé, nous surveillons environ 200 indicateurs de la santé, du taux d'allaitement à la réussite scolaire des enfants autochtones en placement familial, en passant par le taux d'incidence du cancer, du VIH et de décès liés à l'alcool. Pour ces 200 indicateurs, les Autochtones vont atteindre les moyennes provinciales d'ici 10 ans. Il n'y a, en fait, que six indicateurs qui empirent. Nous les surveillons. Nous arrivons à le faire avec seulement 80 p. 100 des ressources dont dispose la moyenne de la population provinciale.
Les recherches effectuées par Chandler et Lalonde au sujet du suicide chez les adolescents ont montré que 90 p. 100 des suicides se sont produits au sein de 10 p. 100 des bandes, et que la moitié des bandes n'ont pas connu de suicide d'adolescents depuis cinq ans. On peut donc dire que la moitié des bandes de la Colombie-Britannique ont réglé le problème du suicide.
Cette façon de nous voir comme un élément pathologique — l'idée populiste selon laquelle nous sommes le problème indien du pays — doit aller rejoindre les dinosaures. Il faut étudier notre résilience et nos réussites et la façon dont nous réussissons, plutôt que d'investir dans des recherches sur nos échecs. Cela ne va se produire que si on parle aux spécialistes, si on parle aux Autochtones qui font ce travail.
Enfin, j'aimerais recommander la conclusion de protocoles d'entente tripartites visant l'échange de données de qualité accrue entre les provinces, le gouvernement fédéral — surtout la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits ou de Santé Canada et Affaires indiennes et du Nord Canada — et les Autochtones, de façon que nous puissions apprendre des choses et avoir une idée claire de ce qui se passe. Voilà qui rejoint les questions sur le manque d'information qui crée des obstacles aux mesures concrètes au chapitre des déterminants de la santé. Nous ne savons pas exactement de quoi il retourne, et nous devons le découvrir. Ce genre de partage et d'amélioration des données doit figurer au haut de notre liste de recommandations.
Le président : J'ai mentionné, dans ma brève déclaration initiale de ce matin, que nous pouvons apprendre beaucoup de choses en abordant le problème de la santé des populations à l'échelle nationale. Nous pouvons apprendre énormément de choses des Autochtones. Ce qui est frappant, c'est que c'est chez vous, dans certaines régions, que le taux de suicide est le plus bas, et dans d'autres, qu'il est le plus élevé. Si nous étions en mesure de creuser la question et de trouver cette information, nous découvririons des messages d'importance capitale.
Mme Wolski : Je veux ajouter à ce qui a été dit au sujet des politiques et en nommer quelques-unes qui ont contribué à notre situation actuelle. Il y a la Loi canadienne sur les droits de la personne. J'aimerais dire que le projet de loi C-44, qui est devant le Parlement à l'heure actuelle, est un grand pas en avant. Il y a la question des biens immobiliers matrimoniaux. Dans ce dossier aussi, on prend des mesures positives pour régler les problèmes.
Il y a aussi la Loi sur les Indiens. Je ne pense pas être la seule personne à dire que c'est une loi coloniale qui a contribué à notre situation, au chapitre de la santé, et, comme la Dre Bartlett l'a dit, au chapitre de la gouvernance. La Loi sur les Indiens précise que le gouvernement fédéral ne reconnaît que le chef et le conseiller comme étant les représentants d'une collectivité. Je pense que les collectivités qui ont réussi et qui sont résilientes sont celles qui ont retrouvé leurs systèmes de gouvernance traditionnelle et qui ont été en mesure de retrouver leurs façons d'être et leurs processus traditionnels dans leur collectivité. Si cela était permis et que ces lois coloniales n'étaient plus une menace qui plane au-dessus de notre tête, nous pourrions faire de grands pas pour l'amélioration de notre état de santé.
Mme Fowler : Vous nous avez demandé de formuler des recommandations visant à établir des priorités en matière de politiques et de programmes pour faire avancer le dossier de la santé des populations. Je ne vais pas entrer dans le détail, parce qu'on a déjà dit beaucoup de choses là-dessus. Je ne veux pas trop répéter ce que les autres ont dit, mais j'aimerais porter quelque chose à l'attention du comité.
Il faut clarifier les rôles et les responsabilités des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux collectivités inuites, puisque je suis ici pour représenter ITK. Nous devons renforcer les capacités à tous les niveaux, y compris au sein du gouvernement. Nous devons examiner les questions de compétence et de contrôle. La recherche sur les déterminants de la santé est un élément fondamental, comme les données de base sur la santé, les partenariats avec les dirigeants inuits et un financement viable des soins de santé.
J'encourage le sous-comité à examiner le plan d'action inuit qui lui a été fourni. Les Inuits et le gouvernement du Canada ont élaboré ce plan en collaboration, et le plan est axé sur l'atteinte de résultats concrets dans le cadre du travail visant à l'amélioration du niveau de vie des Inuits. Le plan peut être une étape importante de l'établissement d'une relation plus saine, plus efficace et plus viable entre les Inuits et le gouvernement du Canada. Je veux souligner que vous trouverez aux pages 12 et 13 une analyse d'un certain nombre d'importants déterminants sociaux de la santé. De même, chacune des sections présente les principales questions à régler, et les mesures concrètes à prendre dans l'avenir.
Le sénateur Cochrane : Comment allons-nous réagir aux gens — les enfants, les mères, les pères, tous les membres de la famille? Comment allons-nous les aider à modifier leur attitude et leur façon de penser, dans le but qu'ils adoptent un point de vue davantage axé sur la santé?
M. Ermine : Voici un exemple. Nous nous penchions sur les questions de santé mentale dans une collectivité, ainsi que sur la question des remèdes traditionnels. L'une des choses dont nous avons pris conscience, pour revenir à ce que je disais plus tôt au sujet de l'appropriation du système de santé, c'est que la collectivité doit approuver tout ce que le centre de santé essayait de faire.
Le combat le plus difficile à livrer, ça a été de convaincre les gens que les questions relatives à la santé sont entre leurs mains, et non entre celles des gens du milieu hospitalier ou de qui que ce soit d'autre. Ce sont eux qui ont l'emprise sur leur propre santé. Cependant, il faut faire beaucoup de choses pour convaincre les gens de cela. Quels sont les obstacles qui font qu'il est difficile de convaincre les gens qu'ils sont responsables de leur propre santé? Nous avons décidé que, aussitôt rendus là, nous pourrions avoir des discussions très intéressantes au sujet de la façon dont les gens peuvent s'occuper de leur santé.
J'ai prononcé quelques mots cris. Ces mots nous parlent de ce qu'est la santé. Il y a un mot souche qui nous renvoie à la source de la santé. Habituellement, c'est un mot qui renvoie directement aux processus philosophiques et culturels de la collectivité : ce qui nous rend spéciaux, comme collectivités humaines élaborant des idées, ce qui fait que chacune de nos collectivités a une culture riche, ce qui la rend unique, ce qui fait qu'elles sont diversifiées et ce qui nous rend différents. Dans toutes ces questions, quelle est la valeur des collectivités humaines? C'est la question qui s'est imposée à nous. Les politiques, les lois et les règlements ne tiennent pas compte de cette diversité. Quels sont les systèmes de connaissance de ces diverses collectivités?
Il faut que les gens, et surtout les jeunes et les enfants, croient vraiment en eux-mêmes et en qui ils sont. Quand ce sera le cas, le vrai dialogue pourrait avoir lieu dans les collectivités, un dialogue utile, et non pas confiné à la pathologie.
Le sénateur Cochrane : Avez-vous obtenu de quelconques résultats positifs?
M. Ermine : Oui. Les résultats sont là. C'est un peu comme la discussion que nous avons aujourd'hui, c'est-à-dire qu'une fois que nous avons écarté toutes les choses superficielles, nous pouvons tenir un débat de fond sur ce qu'est la santé quand on la voit comme l'état optimal de l'être humain et de la condition humaine, et non comme l'aspect négatif de la condition humaine. La réponse se trouve dans ces processus.
Lorsqu'il s'agit d'offrir aux collectivités les ressources nécessaires pour qu'elles effectuent leur propre travail de mémoire et leur propre recherche, il arrive souvent que nous nous demandions comment faire en sorte que les membres de cette collectivité parlent de leur santé. Comment la recherche peut-elle engendrer un dialogue au sein de la collectivité, de façon que, essentiellement, les membres de la collectivité envisagent leur état optimal comme être humain et renforcent leur capacité dans ce domaine?
Mme Wolski : De toute évidence, il s'agit d'une question complexe. Au cours des 500 dernières années, il y a eu un cycle de dépendance dans lequel le gouvernement a imposé une façon d'être à une population. Résultat : nous avons perdu nos propres façons d'être.
Les éléments importants, ce sont la revitalisation, la restauration des systèmes traditionnels de gouvernance et l'abolition de lois comme la Loi sur les Indiens.
Mme Stirbys : La question a été difficile à entendre. Ce n'est pas tant la question d'un changement d'attitudes chez les gens.
Voici l'une des questions auxquelles vous nous avez demandé de réfléchir : comment le gouvernement fédéral peut-il jouer un rôle de chef de file dans le domaine de la santé de la population en élaborant et en mettant en œuvre une stratégie de la santé des populations visant les Canadiens autochtones concernés par cette stratégie? Cette question nous ramène à ce qui a déjà été dit — l'esprit colonialiste selon lequel un groupe en domine un autre.
Bon nombre des gens qui sont ici ont souligné le fait qu'il faut donner aux Autochtones des moyens d'agir pour qu'il y ait du changement. Nous avons le savoir et la mémoire, mais les politiques et les lois nous nuisent; aussitôt que nous obtenons des moyens d'action et que nous commençons à apporter des changements en vue de l'amélioration de notre collectivité, d'une façon ou d'une autre, ce que nous faisons ne s'inscrit plus dans le cadre d'une entente de financement ou des structures bureaucratiques, et on peut alors retirer les fonds ou nous empêcher de faire certaines choses. Chaque fois que nous faisons un pas en avant, quelque chose nous empêche d'aller plus loin.
Je voulais parler d'un livre écrit par Crystal Ocean. C'est une femme cultivée qui avançait dans la vie. Deux mois avant d'obtenir un double doctorat, un certain nombre d'événements se sont produits qui ont fait qu'elle s'est retrouvée à vivre dans la pauvreté. D'après ce que je sais, elle est toujours pauvre. Son livre s'intitule Social Exclusion, Poverty and Health. Il s'agit de 21 histoires de femmes. Il y a parmi elles des femmes autochtones. Essentiellement, l'auteure nous livre les impressions des gens qui vivent dans la pauvreté.
La principale chose que j'ai retenue du livre, c'est que, lorsqu'on se trouve dans ce genre de situation et qu'on essaie de s'en sortir, le système fait en sorte qu'on n'y arrive jamais. Il vous écrase.
Il y a aussi des mythes au sujet de la pauvreté. Ainsi, lorsque j'ai entendu cette première question, j'ai pensé que nous devions arrêter de blâmer la victime. Les gens ont été victimisés par la colonisation, et ils veulent prouver qu'ils ont beaucoup de choses à offrir et qu'ils ne méritent pas d'être pauvres. Nos collectivités travaillent dur pour montrer ce que nous avons à offrir, mais ce que nous avons à offrir n'est pas reconnu. Je pense qu'on a déjà abordé cette question aujourd'hui.
Je me demandais aussi si les gens qui élaborent les politiques et les lois peuvent comprendre les gens et se mettre à leur place, c'est-à-dire à la place de gens qui vivent dans des conditions qui ressemblent à celles du tiers monde, conditions qu'ils doivent endurer en essayant de composer avec leurs besoins non comblés, notamment le besoin de nourriture nutritive — la sécurité alimentaire est un enjeu important — le besoin de services de santé, d'accès à l'eau potable et de logements convenables. La liste est longue.
Que faire pour modifier la situation des gens qui vivent dans la pauvreté? Ce n'est pas nécessairement une question de changement d'attitude. Il s'agit davantage de changements structurels qu'il est possible d'apporter au sein du gouvernement, par exemple en supprimant la limite de 2 p. 100 pour les services essentiels, en réformant les politiques d'autonomie gouvernementale, en concluant des accords de revendications territoriales et en renforçant les capacités en matière de responsabilisation, d'information claire et de gouvernance.
En outre, comme le Dr Adams l'a dit plus tôt, l'une des choses importantes sur lesquelles il faut se concentrer, c'est le fait de faire participer les gouvernements des Premières nations aux discussions des ministres sur les ententes entre gouvernements.
La solution, ce sera de créer cette ouverture et ce milieu propice aux nouvelles idées. Je pense qu'il y a beaucoup de gens dans les collectivités qui ont aujourd'hui l'impression que nous sommes revenus 500 ans en arrière, au moment où les colonisateurs sont arrivés. Nous présentons nos systèmes d'information et de connaissance, et on les voit comme inférieurs et on en fait fi.
C'est ce qui en train de se produire. Nous créons cette ouverture. Je dois dire que j'en suis heureux C'est un bon début.
Laura Commanda, directrice adjointe, Partenariats, Applications des connaissances et des relations internationales, Institut de la santé des Autochtones : Je tiens à vous remercier de créer cette ouverture. Je suis heureuse que Mme Stirbys ait parlé du fait de blâmer la victime. Au fil des ans, j'ai eu le privilège de discuter avec des gens ici de sujets apparentés et liés aux données et à l'information sur la santé. J'entends constamment les gens dire qu'ils ne veulent pas jouer le jeu de la distribution des blâmes; ils veulent jouer au jeu de l'amélioration de la santé.
Je veux aussi appuyer ce que la Dre Bartlett a dit au sujet du besoin de valorisation des collectivités pour ce qu'elles font de bien, par l'intermédiaire soit des recherches, soit des données. Les collectivités veulent savoir quel genre d'information les gouvernements possèdent sur elles. Ce n'est pas que les gouvernements cachent l'information; c'est seulement qu'il n'y a pas de façon cohérente de recueillir l'information qui ait du sens pour les collectivités, que ce soit à l'échelle nationale, régionale ou communautaire, ou encore à l'échelle des Premières nations, des Métis ou des Inuits. Les données doivent être significatives et descriptives, et le choix des données recueillies doit être fait par la population, de façon que ces données répondent aux besoins d'information de la population.
Dr King : La réunion d'aujourd'hui a été excellente. Dans le même ordre d'idées, je voulais dire au sénateur Cochrane que les gouvernements et les organismes gouvernementaux ne peuvent changer d'attitudes; le changement doit venir des collectivités elles-mêmes.
Un exemple simple, dont j'ai parlé avec le sénateur Keon, c'est celui du fait de fumer à la maison devant ses enfants. Bien entendu, tous les médecins du pays diraient que c'est quelque chose qu'il ne faut pas faire, conseil dont à peu près tout le monde ferait fi. Dans le cas dont je parle, les aînés de la collectivité se sont réunis, et ils ont déclaré que ce n'était plus un comportement acceptable; allez fumer dehors. Ils n'ont pas dit qu'il ne fallait pas fumer; tout ce qu'ils voulaient, c'était que les enfants ne soient pas exposés à la fumée.
Il y a une collectivité au Canada où cela fonctionne, et ça n'a rien à voir avec des mesures prises par un médecin ou un organisme gouvernemental. J'espère que d'autres collectivités autochtones vont tirer la leçon et qu'il va y avoir une transmission du savoir de collectivité à collectivité. C'est ainsi que les choses vont changer.
Le sénateur Cook : Certains des témoins ici présents vont se rendre à Terre-Neuve-et-Labrador pour participer au sommet de la santé autochtone. Nos vœux vous accompagnent. Notre premier ministre sera l'hôte du Sommet national sur la santé autochtone qui aura lieu à Corner Brook en juillet.
Mme Dickson : Le Sommet national des femmes autochtones se déroulera aussi à Corner Brook au même moment.
Le président : Au nom du sénateur Cook et du sénateur Cochrane, et en mon nom personnel, je tiens à vous exprimer notre profonde gratitude pour être venus aujourd'hui et nous avoir aidés à accomplir notre tâche. Non seulement vous nous avez aidé en abordant la santé des populations du point de vue de nos collectivités, mais les renseignements que vous nous avez fournis sont pour nous d'une importance capitale, dans le contexte général, pour l'ensemble du pays. Vous nous avez livré des messages clairs : vous devez reprendre votre destin en main, vous avez besoin d'être autonomes et d'avoir des moyens d'action, et vous avez besoin de conclure des partenariats et de participer aux activités, plutôt que de vous faire dire quoi faire par des pontes qui vous regardent de haut. Vous saurez comment régler les problèmes si on vous offre les outils. Nous en tiendrons compte.
Merci beaucoup.
La séance est levée.