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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 5 - Témoignages du 19 février 2008 - Séance du matin


YELLOWKNIFE, TERRITOIRES DU NORD-OUEST, le mardi 19 février 2008

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 59, pour examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada.

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, bonjour. Bonjour à tous les gens qui sont venus assister à l'audience du Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts sur la pauvreté et le déclin du Canada rural, et qui, nous l'espérons, vont y participer.

Je voudrais ajouter que nous sommes particulièrement heureux que le sénateur Sibbeston, qui est venu jusqu'ici tout seul en avion, se soit joint à nous. Nous sommes très heureux que vous soyez des nôtres.

Pour commencer, ce matin, nous avons l'honneur de recevoir le maire de Yellowknife, M. Gordon Van Tighem qui est accompagné de deux membres de l'assemblée territoriale, MM. Kevin Menicoche et David Krutko. Je crois savoir qu'ils ont un horaire chargé, alors nous allons leur poser des questions très brèves.

En mai 2006, le Parlement a autorisé le comité à examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada. Depuis, nous avons publié un rapport provisoire, nous nous sommes rendus dans toutes les provinces du pays, nous avons visité 17 collectivités rurales et nous avons discuté avec plus de 260 personnes et organisations, et notamment avec des spécialistes étrangers.

Hier, nous étions à Whitehorse, et les membres du comité ont vraiment été touchés par le récit des difficultés et des problèmes que les gens continuent de vivre, malgré la forte croissance économique. Nous sommes très heureux d'être à Yellowknife aujourd'hui. Nous avons tous apporté des vêtements chauds pour nous assurer de pouvoir nous promener dehors comme notre collègue. Nous sommes très heureux d'être ici, à l'église unie, pour entendre, afin de nous faire une idée de leur situation particulière, le témoignage des gens des Territoires du Nord-Ouest, qui ont connu une croissance économique encore plus marquée qu'ailleurs, grâce à la forte expansion du secteur minier.

Nous sommes en train de terminer notre étude, et nous voulons être certains de bien faire les choses. C'est la raison pour laquelle les membres du comité veulent entendre directement ce que vous avez à dire et vos préoccupations concernant vos collectivités et les gens qui vivent des difficultés au sein de celles-ci.

Là-dessus, je vous cède la parole, monsieur le maire. Merci beaucoup de vous être joint à nous aujourd'hui.

Gordon Van Tighem, maire, Ville de Yellowknife : Pour ce qui est des conditions météorologiques ici, nous n'en prenons pas le crédit. Voyons cela comme quelque chose qui relève du fédéral. Si le temps est vraiment mauvais, nous pouvons le critiquer vertement.

Bienvenue à Yellowknife. Merci beaucoup de nous faire participer à votre étude pancanadienne.

J'ai deux ou trois choses à dire au sujet des récits que vous entendez dans le Nord. Nous reconnaissons tous qu'il y a beaucoup de problèmes, mais j'aimerais me concentrer plutôt sur les solutions.

Il y a plusieurs années, j'ai pris l'avion pour me rendre d'Inuvik à Yellowknife, et la jeune femme qui était assise à côté de moi a commandé un repas inhabituel. Nous avons commencé à discuter, et j'ai appris qu'elle travaillait pour Santé Canada. Elle avait passé six mois auprès des Inuvialuit à chercher des façons d'offrir des soins à domicile aux aînés et à évaluer la répartition de notre population et de nos centres pour personnes âgées et aînés dans chacune des collectivités; on jugeait que cette répartition posait problème. Son ministère l'avait gracieusement autorisée à passer beaucoup de temps — presque un an — à étudier par intermittences auprès des Inuvialuit des façons pour eux d'offrir des soins à domicile à leurs aînés. Avec leur aide, elle a rédigé ce qu'elle jugeait être un rapport exhaustif et détaillé. Ensuite, elle est rentrée à Ottawa et elle a présenté un exposé là-dessus.

Au moment où je l'ai rencontrée, elle était très contrariée, parce qu'elle venait tout juste de rencontrer, pour les conseiller, les gens avec qui elle avait travaillé pendant un an, et, après son exposé, les gens lui ont dit qu'ils avaient accepté un modèle national qui serait fondé sur la situation du peuple Huron, très différente de celle des Inuvialuit.

Lorsque nous examinons les solutions possibles, nous devons avoir en tête le fait qu'il n'y a pas de solution universelle.

Ma seconde observation sera peut-être davantage liée à votre étude. Je suis un banquier à la retraite. J'étais à Leduc, en Alberta, au moment où on a instauré la TPS. Un monsieur est venu d'Ottawa pour dire aux agriculteurs comment ils allaient administrer la TPS. Il leur a assuré que si le gouvernement ne recevait pas leurs remboursements à temps, ils devraient payer une pénalité. L'un des agriculteurs, dans sa sagesse, s'est levé et a dit : « Monsieur, d'où cet argent viendra-t-il? »

C'est donc une très bonne idée de consulter les gens des collectivités rurales, parce que c'est de là que vient la sagesse.

Une autre observation, c'est que nous parlons de ce qu'un boom économique s'accompagne habituellement de difficultés accrues, sur le plan social, pour nos petites collectivités et pour les gens marginalisés. Pendant dix ans, avant d'occuper mon poste actuel, j'ai été membre d'une organisation communautaire de renforcement des capacités qui s'occupait de préparer les gens au travail et qui travaillait auprès des collectivités à trouver des moyens de composer avec la forte croissance économique. Nous avons mis sur pied un programme communautaire d'aide à l'emploi. Les gens de la collectivité ont relevé des problèmes importants, notamment le fait que le seul téléphone qu'ils pouvaient utiliser était celui de l'épicerie. Si quelqu'un avait besoin de confidentialité pour demander des renseignements sur un sujet quelconque, pour confesser quelque chose ou pour obtenir de l'aide, ce n'était pas vraiment possible. Nous avons donc installé des téléphones. Nous avons conclu des partenariats avec des organismes qui fournissaient de l'information. Nous avons été critiqués par une organisation gouvernementale plus régionale, le ministère de la Santé et des Services sociaux, dont les représentants nous ont dit que notre travail nuisait au leur et qu'ils pouvaient très bien se débrouiller tout seul.

Nous travaillions à Fort Liard, qui se trouve tout à fait au sud-ouest des Territoires du Nord-Ouest. Le ministère de la Santé et des Services sociaux travaillait à partir de Fort Simpson, qui se trouve à environ 150 milles au nord. On nous a critiqués devant le sous-ministre et on nous a dit qu'on s'occupait déjà de tout. Notre représentant s'est adressé au directeur régional et lui a dit, à juste titre : « D'accord, ce que nous faisons, c'est que la personne utilise une ligne sans frais, et nous intervenons. Comment fonctionnez-vous? » Les représentants du ministère ont dit au sous-ministre : « Tout ce que les gens ont à faire, c'est de venir à Fort Simpson. » Le sous-ministre savait que les gens en état d'ébriété auraient probablement de la difficulté à faire le voyage, et que cela ne serait pas sécuritaire.

Encore une fois, il est important de consulter les gens des collectivités.

La population de Yellowknife augmente, le taux d'inoccupation a diminué de façon spectaculaire, et les loyers ont augmenté. Malgré la forte croissance économique, il y a des personnes et des familles qui gèlent dehors ou qui vivent dans des situations insoutenables. Cependant, dans le Nord, on ne voit pas nécessairement les sans-abri dans les rues. Ce qui arrive, plutôt, c'est qu'il y a trop de gens dans les maisons; on squatte des divans. C'est donc un phénomène caché. Les femmes et les enfants qui fuient la violence deviennent sans abri aussitôt qu'ils mettent les pieds dans un refuge. Notre collectivité de près de 20 000 habitants compte 826 adultes, jeunes, enfants et personnes âgées qui vivent dans des refuges. C'est une proportion très importante.

La majorité de ces gens, contrairement à la majorité de la population de la ville, est composée d'hommes, mais les femmes et les enfants ont besoin de beaucoup plus de temps pour se réintégrer. Les gens âgés de moins de 19 ans n'ont pas droit au soutien du revenu, alors ils ne peuvent accéder aux programmes d'aide. Ceux qui ont plus de 16 ans ne peuvent être admissibles aux services de protection des enfants. Ainsi, notre défi, c'est le groupe des gens âgés de 16 à 19 ans, qui est un groupe important, puisque ces gens sont sur le point de choisir une carrière et de décider comment ils vont planifier leur vie.

Les personnes âgées comptent pour environ 2 p. 100 des gens qui alternent entre les refuges et le système de santé. Sans filet de sécurité sociale, ces gens sont encore plus marginalisés ou forcés à vivre dans la rue, où personne ne peut se sentir chez soi.

À l'heure actuelle, il y a quatre refuges à Yellowknife : un pour les hommes seuls, un pour les femmes seules, un pour les femmes qui ont des enfants et des unités pour les familles sans abri. On ajoute des lits supplémentaires dans les refuges pendant les mois d'hiver. Il y a également un centre d'accueil où les jeunes peuvent passer une nuit et des appartements pour les familles sans abri qui en ont besoin pour plus longtemps. Nous venons de terminer de construire une unité temporaire pour les hommes seuls. Nous sommes également en train de travailler à des options de logements temporaires pour les femmes seules ou qui ont des enfants.

Beaucoup de gens dépendent des services qu'offrent les différents organismes, et, d'après les projections relatives à la population, il y aura une augmentation de 10 p. 100 de l'utilisation de ces services au cours des cinq prochaines années. Nous sommes tout à fait convaincus du fait que les services actuels vont être maintenus.

Dans le cadre d'une étude publiée en novembre 2007, que vous devez connaître et qui s'intitule You Just Blink and It Can Happen : Women's Homelessness North of 60, on a interrogé des femmes sans abri dans les trois territoires du Canada et établi que les déterminants de l'itinérance chez les femmes sont la pauvreté, la violence familiale, les changements importants de situation, l'absence de systèmes de soutien, le coût de la vie et l'indifférence de la société. Dans certains cas, les programmes et les services sont inaccessibles, source de confusion, peu pratiques et peu accueillants.

La Yellowknife Homeless Coalition a pour vision une collectivité où il n'y aurait ni sans-abri ni personnes marginalisées. Cette coalition a été créée en 2000 pour promouvoir les partenariats et les démarches de collaboration de façon à régler le problème de l'itinérance. Les gens qui forment la coalition croient que leur vision peut devenir réalité avec la collaboration du gouvernement, le soutien du secteur privé et la participation de la population. Des fournisseurs de services comme le YWCA, l'Armée du Salut, les organismes confessionnels connexes et le Centre for Northern Families sont les mailles du filet de sécurité en place. Il est essentiel de les nommer, parce que ce sont toutes des organisations non gouvernementales.

La coalition a été en mesure d'obtenir près de quatre millions de dollars du gouvernement fédéral pour des projets d'immobilisations, ainsi que pour les programmes et les services qu'elle offre aux sans-abri. Parmi ces projets d'immobilisations, il y a deux maisons pour adultes handicapés, une maison de transition pour les femmes et Bailey House, un abri temporaire pour les hommes dont la construction sera bientôt terminée et qui comptera 32 unités.

Le gouvernement fédéral s'est engagé à investir 800 000 $ dans les projets de la coalition au cours des deux prochaines années. Cet argent sera utilisé pour renforcer encore davantage les capacités des fournisseurs de services communautaires et pour accroître la gamme des services offerts, augmenter le nombre de logements temporaires et de soutien pour les femmes seules et les femmes qui ont des enfants, ainsi que pour sensibiliser la population afin de créer un continuum efficace et efficient pour les sans-abri.

Le message fondamental, c'est qu'il est difficile de tenir les activités et d'assurer l'entretien permanent. Vous allez peut-être entendre les représentants de notre gouvernement territorial dire qu'ils envisagent des réductions visant à garantir une saine gestion sur le plan économique. Cela nous préoccupe. Il faut continuer de consulter les gens, de déterminer ce qui fonctionne à l'échelle locale et essayer d'intégrer ces éléments à un plan national.

Au fond, pour moi, tout le monde au pays a un rôle à jouer pour assurer le bien-être de tous les membres de toutes les collectivités.

Kevin Menicoche, membre de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest (Nahendeh), à titre personnel : Je veux souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs et saluer plus particulièrement mon sénateur, M. Nick Sibbeston.

Nous sommes tous très heureux que vous soyez ici. Lorsque j'ai vu l'annonce concernant votre comité et le travail que vous entreprenez en venant dans le Nord, j'ai dit que j'aimerais participer et présenter un exposé; c'est donc pour ça que je suis ici aujourd'hui.

Je voulais être ici pour vous faire part de mes réflexions. À titre de membre de l'assemblée législative, je fais souvent des déclarations à l'occasion de nos assemblées. Les sujets de beaucoup de mes déclarations sont exactement ceux qui vous intéressent — les besoins de nos collectivités. Ma circonscription, celle de Nahendeh, est celle qui compte le plus de collectivités. Il y a dans cette circonscription six collectivités très petites, qui correspondent à la définition classique de collectivités « rurales ».

Je fais des tournées dans les collectivités et je discute avec les gens, et je dirais que nous sommes une région démunie. On a beaucoup parlé du fait que l'économie des Territoires du Nord-Ouest est l'une de celles qui bougent le plus, grâce aux diamants et aux ressources. Cependant, il ne s'agit là que des centres urbains comme Yellowknife, et le maire a parlé des problèmes qui accompagnent cette forte croissance.

L'économie des petites collectivités est fixe; il n'y a pas beaucoup de nouvel argent injecté dans celles-ci. L'économie de ces collectivités repose en grande partie sur les contrats gouvernementaux, que ce soit le gouvernement territorial ou le gouvernement fédéral. Lorsque quelqu'un perd un contrat, c'est parce que son cousin, qui vit de l'autre côté de la rue, l'a obtenu. Il n'y a donc que de l'argent qui reste à la même place. C'est une économie fixe; elle ne connaît pas de croissance. Par conséquent, certains chiffres témoignent de cette situation. Il y a surtout des Autochtones dans ma circonscription : ils représentent environ 80 p. 100 de la population. Comme l'économie est fixe et non en croissance, les chiffres que nous avons fournis aux membres du comité montrent que notre taux de chômage est de 62 p. 100, tandis qu'il est de 82 p. 100 à Yellowknife.

Le besoin le plus important des collectivités, en ce moment, c'est le logement. C'est l'un des problèmes les plus urgents à régler. Il en est ainsi depuis pas mal de temps. Notre gouvernement a beaucoup de difficultés à fournir des logements. Parallèlement, il y a trop d'habitants dans beaucoup des maisons de nos petites collectivités. Certaines de nos politiques relatives à l'expulsion sont inacceptables aux yeux des gens. Je viens d'être témoin du cas d'une jeune femme de l'une de nos petites collectivités qui devait 1 000 $. Elle a été expulsée avec toute sa famille. J'étais très contrarié. J'ai signalé le cas aux intervenants du gouvernement; mais pour une dette de 1 000 $, combien de milliers de dollars va-t-il nous en coûter pour répondre aux besoins de cette famille jusqu'à ce que nous trouvions une solution aux problèmes de la jeune femme en question? Ça aurait coûté moins cher de les laisser occuper leur logement jusqu'à ce que nous arrivions à régler le problème.

Notre gouvernement subit également une autre pression : le gouvernement fédéral fournissait jusqu'à maintenant certains logements sociaux, mais le programme va bientôt se terminer. À mon avis, c'est un programme qui devrait se poursuivre dans les Territoires du Nord-Ouest.

De tous les centres de coût qui ont trait à la vie dans le Nord, le plus évident, c'est le transport, qui vient au second rang après le logement. C'est probablement en grande partie attribuable au prix de l'essence. Cependant, il y a beaucoup de collectivités qui ne sont accessibles que par avion, surtout dans ma circonscription. Il y a aussi beaucoup de collectivités où l'on peut se rendre par la route. Les collectivités rurales sont assez éloignées les unes des autres.

Voilà quelques-unes des questions que je voulais soulever.

Nous avons grandement besoin des services de maintien de l'ordre dans nos petites collectivités du Nord. Notre gouvernement fait ce qu'il peut; nous avons récemment approuvé la création de six nouveaux postes. Cependant, nous avons besoin de l'aide du gouvernement fédéral pour mettre sur pied le plus grand nombre de services de maintien de l'ordre possible. Nous avons grandement besoin de ces services parce qu'il y a beaucoup de causes de stress dans nos collectivités, notamment les problèmes du logement et du trop grand nombre d'habitants dans les maisons. Si nous pouvions commencer à trouver des solutions dans ce domaine particulier, nous aiderions au moins un peu nos citoyens à améliorer leurs conditions de vie et à être plus productifs.

Le passage par le système d'éducation est un obstacle important pour notre population autochtone du Nord. Les Autochtones de notre région comptent en moyenne une neuvième année. Nous avons fait des progrès énormes pour ce qui est d'offrir un accès à l'éducation dans nos collectivités, mais nous avons besoin de plus d'aide pour mettre sur pied des centres d'éducation régionaux. C'est beaucoup mieux lorsque les gens peuvent suivre des cours dans leur collectivité.

Puisque nos collectivités sont petites, dans bien des cas, les gens doivent se rendre dans des collectivités plus grandes, comme Yellowknife ou Fort Smith, pour suivre une formation. C'est souvent une entreprise plus négative que positive.

David Krutko, membre de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest (Mackenzie Delta), à titre personnel : Je m'appelle David Krutko. Je suis MAL des Territoires du Nord-Ouest, et je représente la circonscription de Mackenzie Delta, qui se trouve près de la mer de Beaufort.

Comme M. Menicoche l'a mentionné, l'un des facteurs importants de la pauvreté, sur le plan des coûts, dans les Territoires du Nord-Ouest, c'est l'isolement avec lequel nous devons composer. L'un des facteurs les plus importants, c'est le coût de production de l'électricité et de l'énergie dans nos collectivités. Notre système de production d'électricité est grosso modo ce que nous appelons un système à tarif affiché, au sein duquel nous déterminons les tarifs applicables en fonction de chacune des collectivités; les tarifs sont fondés sur ce qu'il en coûte pour produire l'électricité pour une collectivité donnée.

J'ai distribué un tableau qui montre les tarifs applicables aux collectivités qui ont recours à des centrales hydroélectriques, c'est-à-dire surtout aux collectivités du sud des Territoires du Nord-Ouest. Le tarif applicable à Yellowknife, Hay River et Fort Smith est d'environ 15 cents. Cependant, dans les collectivités isolées, par exemple à Colville Lake, une collectivité d'environ 100 habitants, la production de l'électricité coûte 2,45 $ le kilowatt. Les factures d'électricité sont très élevées lorsqu'il faut payer ce tarif. Les groupes qui nous parlent le plus de ce problème sont les coopératives, les magasins du Nord qui s'installent là-bas pour offrir des services d'épicerie dans ces collectivités. Pour faire leurs frais, les propriétaires de ces magasins refilent la facture aux consommateurs ou aux résidents de ces collectivités. Deux litres de lait, par exemple, coûtent près de 4,66 $ à Tulita, et un gallon de crème glacée coûte 10,15 $ à Norman Wells.

Beaucoup de gens qui partent du Sud pour s'installer dans nos collectivités sont tout à fait déboussolés lorsqu'ils font leur épicerie. Les facteurs de coût les plus importants dans les collectivités sont l'énergie, la nourriture, le carburant et le logement. Pour ce qui est du logement, la société d'habitation doit faire ses frais, vu que les coûts liés à l'énergie nécessaire dans les maisons des collectivités éloignées sont plus élevés que dans les centres régionaux. Les prix sont fondés sur ce qu'il en coûte pour offrir des services dans ces maisons, et la facture est refilée aux locataires des unités en question.

Par conséquent, beaucoup de gens refusent de se rendre dans les collectivités pour offrir les programmes et les services de base. Nous avons de la difficulté à attirer des enseignants et des infirmières. Comme M. Menicoche l'a dit rapidement, dix des 33 collectivités des Territoires du Nord-Ouest n'ont pas de service de police, et il y a beaucoup de collectivités où il n'y a pas d'infirmières. Sans ces organismes chargés d'exécuter des programmes fondamentaux, nos collectivités ne peuvent être viables.

Nous sommes également confrontés au problème qui consiste à donner un fondement économique à bon nombre de ces collectivités. Beaucoup de celles-ci ont été fondées sur une économie axée sur les ressources renouvelables, c'est-à- dire surtout la trappe, la pêche et la chasse. Cependant, l'économie est aujourd'hui axée sur les ressources non renouvelables que sont le pétrole, le gaz et les diamants.

Nous avons constaté que beaucoup d'habitants des petites collectivités en dehors de la région de North Slave, qui est la région où il y a des mines de diamants, ne sont pas embauchés en raison des ententes socioéconomiques conclues avec les entreprises du secteur du diamant. Celles-ci n'embauchent pas de résidents des Territoires du Nord-Ouest en dehors de la région de North Slave, mais elles font venir des gens d'autres régions du Canada, et 300 millions de dollars en salaires vont à l'extérieur des Territoires du Nord-Ouest. Il y a des poches de chômage importantes dans de nombreuses collectivités à l'extérieur de cette région géographique.

Il faut comprendre que toute collectivité, peu importe où elle se trouve, que ce soit dans l'Est ou dans l'Ouest du Canada, pour pouvoir générer une économie, doit avoir des activités économiques viables. Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous dépendons d'activités saisonnières. L'été est la période la plus prospère, grâce à la construction d'habitations et aux contrats gouvernementaux qui sont exécutés pendant celle-ci. En hiver, il y a les activités liées au pétrole et au gaz, dans le cadre des programmes de forage séismique, mais ces programmes ne durent que deux ou trois mois environ. Encore une fois, nous devons trouver des façons de stimuler notre économie pour que l'activité dure toute l'année.

Les chiffres montrent que la population des Territoires du Nord-Ouest est très jeune. Près de 40 p. 100 des citoyens sont âgés de moins de 15 ans. Compte tenu de ce vaste groupe de jeunes, nous devons trouver des façons de stimuler notre économie. Un facteur encore plus important, c'est que les gens qui veulent travailler doivent se rendre là où les activités ont lieu, et nous perdons cette ressource. Nous voyons cela se produire aussi dans d'autres régions du Canada, surtout dans l'Est, que beaucoup de gens quittent pour s'installer dans l'Ouest. C'est un problème fondamental dans les petites collectivités. Cette capacité de bâtir la collectivité est perdue. Les ressources sont perdues lorsque les citoyens de nos collectivités qui dirigent les programmes et les services s'en vont, par exemple les enseignants, les conseillers et les gestionnaires.

J'étais auparavant ministre responsable de la Société d'habitation des Territoires du Nord-Ouest, et j'ai eu l'occasion de travailler avec le ministre Fontana à la mise sur pied d'un fonds pour l'habitation visant la partie nord des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et du Yukon. Grâce à ce fonds, nous avons été en mesure de construire quelque 500 unités de plus pour les familles en situation de besoins impérieux dans les Territoires du Nord-Ouest. Comme dans certaines collectivités, 30 p. 100 des familles appartiennent à cette catégorie, nous savons que ces 500 unités vont contribuer à résoudre le problème, sans pour autant le régler totalement. Le nombre de familles qui se trouvent en situation de besoins impérieux demeure élevé dans les Territoires du Nord-Ouest.

Je pense que c'est en 1994 que nous avons conclu pour la dernière fois un accord sur la croissance économique avec le gouvernement fédéral du même genre que l'Accord atlantique ou le Programme de diversification de l'économie de l'Ouest, qui vise le reste du Canada. Cependant, les trois territoires du Nord n'ont pas conclu d'ententes économiques avec le gouvernement fédéral à Ottawa pour stimuler nos différents secteurs économiques, c'est-à-dire l'agriculture, les ressources non renouvelables et renouvelables, les subventions à la petite entreprise et ainsi de suite. Il y avait un accord du genre en place dans le passé, et je pense que cela nous a aidés en nous permettant de diversifier notre économie, mais, en ce moment, les Territoires du Nord-Ouest sont entièrement tournés vers le secteur des mines de diamants. Nous savons, pour avoir vu tout ce qui se passe dans d'autres régions du pays, que nous ne pouvons fonder notre économie sur les villes monoindustrielles. Il est important de trouver des façons de diversifier notre économie, mais également de jeter un coup d'œil sur les accords conclus dans le passé avec le gouvernement fédéral et qui ont pris fin ou qui n'existent plus pour une raison ou pour une autre.

Un autre problème qui se pose, dans les Territoires du Nord-Ouest, c'est la bataille que nous devons livrer depuis près de 20 ans. Nous avons signé en 1988 une entente avec le gouvernement fédéral en vue de la négociation de l'Accord du Nord, mais, aujourd'hui, près de 200 millions de dollars en redevances vont à Ottawa. Beaucoup de gens sont consternés lorsqu'ils apprennent qu'il n'y a que le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest à qui le gouvernement fédéral ne verse pas de redevances sur les ressources. L'intégralité de ces redevances va à Ottawa. Il faut que cette situation change, de façon que les gens des Territoires du Nord-Ouest conservent ces ressources, afin de stimuler l'économie du territoire.

Une façon de stimuler l'économie du Nord, ce serait de modifier le régime fiscal. Les habitants du Nord profitent d'une déduction fiscale, mais, encore une fois, celle-ci n'a pas été majorée depuis un certain temps. Il faut le faire pour offrir aux gens qui vivent dans les régions nordiques du Canada un allégement fiscal afin de compenser le coût élevé de la vie et de les aider à conserver une part plus importante de leurs revenus.

Pour ce qui est des autres domaines, nous avons abordé la question du coût de la vie, mais il y a un aspect encore plus important, celui de l'infrastructure. Mon collègue, M. Menicoche, en a parlé. À cause du réchauffement de la planète, nous sommes confrontés au problème de l'accès à nos collectivités. Normalement, nous disposons d'une période de six à huit semaines pour nous rendre dans nos collectivités. Cette période est en train de raccourcir lentement en raison du réchauffement de la planète, et, dans certains cas, il faut expédier beaucoup de choses par avion, du carburant, des produits et des services.

Il faut que nous obtenions le moyen de donner de l'ampleur à notre infrastructure de façon à relier nos collectivités par un réseau de transport. En même temps, nous allons trouver une façon de régler les différentes questions liées à l'amélioration de notre infrastructure. À Ottawa, on dit que la souveraineté est un enjeu important. Si on veut l'assurer, il faut construire une route jusqu'à l'océan Arctique. C'est ainsi qu'on peut garantir la souveraineté, parce que c'est ça le problème. Bâtir une route permettrait de faire diminuer le coût de la vie dans bon nombre de nos collectivités qui sont aux prises avec les problèmes, comme gouvernement et comme collectivité, de la viabilité, notamment lorsqu'il s'agit de l'approvisionnement en carburant pour faire fonctionner nos génératrices de courant, chauffer nos installations publiques et également nous assurer que nous sommes en mesure d'exécuter nos programmes et services relatifs à l'habitation. Nous devons donc faire du meilleur travail pour améliorer notre infrastructure.

Pour conclure, je veux vous remercier d'être venus dans les Territoires du Nord-Ouest et d'avoir pris le temps de nous écouter parler des questions que nous avons soulevées aujourd'hui.

La présidente : C'est beaucoup mieux si nous venons ici pour vous écouter que si vous venez à Ottawa. Ce n'est pas la même chose du tout. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici.

Le sénateur Mercer : Bonjour, messieurs. Bienvenue à nos réunions. C'est extraordinaire d'être ici, dans les Territoires du Nord-Ouest. Vous nous avez toujours très bien accueillis.

Nous constatons que les problèmes sont semblables un peu partout au pays, mais l'accent n'est pas toujours mis à la même place. Les transports sont un problème dans ma province, dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse, mais les gens peuvent quand même prendre un autobus pour aller quelque part ou se faire déposer par quelqu'un. C'est différent ici, en raison des grandes distances et de l'absence de routes.

Monsieur Krutko, comme vous vivez dans la partie nord du territoire, j'aimerais que vous me donniez un exemple de ce qui se produit lorsqu'une personne est malade et qu'elle doit être suivie par un médecin. Vous nous avez dit qu'il n'y a pas de service de soins infirmiers dans certaines collectivités, ce qui veut dire qu'il n'y a ni médecins, ni infirmières.

M. Krutko : Dans la plupart des cas, lorsque la personne en question vit dans une collectivité isolée où il n'y a pas de services, elle est transportée par medevac. Dans la plupart des cas, la personne communique avec le chef, un politicien local ou un conseiller, lequel téléphone à un centre régional, par exemple Inuvik, Hay River ou Norman Wells, et explique la situation. C'est le gouvernement qui paie. Dans la plupart des cas, on transporte les gens par medevac.

Le sénateur Mercer : Combien cela coûte-t-il?

M. Krutko : C'est probablement des dizaines de milliers de dollars par transport medevac dans une collectivité. Ça coûte cher. Dans la plupart des cas, ça dépend de l'urgence. On transporte la personne par medevac soit à Inuvik, soit dans un centre régional, soit directement ici, à Yellowknife. Par la suite, si le cas est urgent, on envoie le patient par medevac jusqu'à Edmonton.

Le sénateur Mercer : Vous avez aussi mentionné que les trois territoires n'ont pas d'entente avec le gouvernement fédéral, contrairement aux provinces de l'Atlantique, par l'intermédiaire de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique ou APECA, aux provinces de l'Ouest par l'intermédiaire de Diversification de l'économie de l'Ouest et au Nord de l'Ontario, par l'intermédiaire de FedNor.

Est-ce que les trois députés et les trois sénateurs du Nord — quoiqu'il y a un siège vacant au Yukon, que le premier ministre a choisi de ne pas combler — ont rencontré les représentants des gouvernements territoriaux et leur ont demandé comment procéder pour faire cela ensemble et peut-être tordre ensemble le bras du gouvernement actuel? L'une des solutions, par rapport aux ententes sur la croissance économique, me vient assez rapidement à l'esprit lorsque vous parlez du fait que l'intégralité des redevances sur les ressources va à Ottawa. Je viens de la Nouvelle- Écosse. Nous savons quelque chose de la lutte avec Ottawa en ce qui concerne les redevances sur les ressources, et nous serions heureux de vous faire profiter de notre expertise.

Est-ce que cela a eu lieu? Y a-t-il eu une espèce de grand conseil du Nord où les représentants territoriaux et fédéraux se seraient réunis pour discuter de la façon de régler le problème?

M. Krutko : Je crois que le fait que le conseil gouvernemental et les trois premiers ministres du Nunavut, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest essaient d'obtenir du gouvernement fédéral qu'il rédige un accord fait partie du programme des premiers ministres. Comme je l'ai dit, il n'y a plus d'accord depuis le milieu des années 1990. Toute l'idée des accords conclus dans l'ensemble du Canada concernant les régions à l'économie diversifiée était de disposer d'une entente nous permettant de diversifier notre économie. C'est quelque chose qui manque, et, pour les petites collectivités et les régions isolées du Canada; c'est quelque chose qui peut stimuler l'économie dans les endroits où les citoyens n'ont pas le privilège d'avoir une mine de diamants ou du pétrole et du gaz dans leur cour. Nous devons trouver des moyens de stimuler l'économie de ces collectivités.

C'est une question que nous avons soulevée dans le passé, et je pense que nous allons rencontrer notre député un peu plus tard au cours de la matinée dans notre groupe parlementaire. C'est une question que nous allons soulever, mais, encore une fois, elle est liée à la question du régime fiscal, à un accord sur la diversification et aussi à notre infrastructure.

Le sénateur Mercer : Vous avez mentionné que la principale source de revenu des territoires était détournée vers l'extérieur. Nous avons appris hier à Whitehorse que le gouvernement du Yukon a indexé le salaire minimum et qu'il subit des pressions relativement à l'indexation des prestations d'aide sociale. Il n'a pas encore procédé à cette indexation. L'annonce a été faite, mais c'est tout. C'est un vieux truc que nous voyons constamment les gouvernements utiliser : ils font une annonce, sans jamais y donner suite. Ça paraît très bien dans les actualités. A-t-on parlé de ça dans les Territoires du Nord-Ouest?

M. Krutko : Je crois que l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest a haussé le salaire minimum l'an dernier.

Le sénateur Mercer : Est-ce que c'est réaliste? Nous avons découvert que, au Yukon, hausser le salaire minimum, c'est bien, mais ça n'a aucun effet dans une ville comme Whitehorse, parce que les coûts sont bien plus élevés par rapport au salaire minimum, et parce que même dans la restauration rapide, c'est-à-dire pour les emplois du bas de l'échelle, le salaire est plus élevé que le salaire minimum. Est-ce le cas ici aussi?

M. Krutko : Je vais laisser le maire répondre à cette question, mais je sais que c'est un problème à Yellowknife.

M. Van Tighem : Assurément, un peu comme tout le monde au pays, nous avons de la difficulté avec l'expression logement « abordable ». Yellowknife, ainsi que la région de North Slave, dont on a parlé, avait le revenu familial le plus élevé du Canada jusqu'à ce que Fort McMurray nous dépasse. Ce niveau de revenu permettait tout juste l'accès au logement abordable. Dans les collectivités, c'est moins le logement qui pose problème que les autres coûts, les services et les produits alimentaires de base. Les gens doivent gagner au moins un certain salaire, qui dépasse le salaire minimum.

Le sénateur Mercer : En ce qui concerne le logement — c'est quelque chose dont vous avez tous les trois parlé, et surtout vous, monsieur le maire, par rapport à Yellowknife —, combien d'unités de logement social y aurait-il? Comment se répartiraient ces unités entre celles réservées aux personnes âgées et celles réservées aux familles?

M. Van Tighem : C'est une excellente question, et nous nous penchons là-dessus en ce moment. Depuis que je vis là- bas, c'est-à-dire depuis peu de temps — je ne vis dans le Nord que depuis 16 ans —, nous sommes passés de un à trois complexes pour personnes âgées. J'utilise ce terme vague parce qu'ils sont situés un peu à l'écart. Le nombre de refuges a augmenté de façon spectaculaire, comme je l'ai mentionné, et le nombre de sans-abri qui reçoivent de l'aide sociale est en moyenne de 826. Il y a deux sociétés d'habitation qui possèdent chacune un grand nombre d'unités. Je dirais donc qu'il y en a probablement de 1 500 à 1 750.

Le sénateur Sibbeston : Je tiens à remercier tous les sénateurs du Comité de l'agriculture et des forêts qui sont venus dans le Nord. C'est une bonne chose que des membres du Sénat viennent ici. Cela va leur permettre de mieux comprendre le Nord.

Je suis d'accord pour dire que le fait de visiter les centres les plus importants, comme Whitehorse, Yellowknife et Iqaluit, ne vous permet pas de vous faire une idée précise du Nord, parce que ces centres sont beaucoup plus gros que les autres collectivités et il s'y déroule beaucoup d'activités. Yellowknife est bien sûr le plus grand centre du Nord, et c'est l'un des endroits où les revenus sont les plus élevés au pays, parce que le gouvernement se trouve ici et parce qu'il y a des mines de diamants au nord.

À la lumière de ce que j'ai vécu, je trouve que Yellowknife est un endroit dynamique, où il y a beaucoup d'activités. De façon générale, tous les gens qui vivent ici ont un emploi, en règle générale. Les gens viennent du Sud et aussi des collectivités rurales pour s'installer à Yellowknife, parce qu'il y a des possibilités d'emploi ici. La plupart des Autochtones du Nord qui s'installent à Yellowknife ont un emploi. Malgré tout cela, il y a des gens marginalisés, et je sais qu'il y a aussi des laissés-pour-compte.

Monsieur Van Tighem, vous avez mentionné le fait qu'il y a 826 personnes qui vivent dans les refuges. Pourriez-vous nous en dire davantage là-dessus? Comment se fait-il qu'à Yellowknife, ville prospère et où les revenus se comparent avantageusement au reste du pays, il y a des gens qui ne s'en sortent pas très bien et qu'ils doivent vivre dans des refuges offerts par des organisations caritatives comme l'Armée du Salut?

L'autre question, que je poserais à MM. Krutko et Menicoche, a trait à la pauvreté. La pauvreté est relative, en ce sens qu'il y a beaucoup de grosses maisons, de véhicules et de bureaux à Yellowknife. Dans les collectivités plus petites, par exemple Deline, Trout Lake et Fort McPherson, il n'y a pas autant de grosses maisons. Les gens ont des maisons et ils vivent, c'est tout. Dans certaines régions, ils ont accès à la faune, aux caribous, aux poissons et ainsi de suite.

Est-ce que cela signifie que les gens qui vivent dans les petites collectivités sont pauvres, comparativement aux gens qui vivent à Yellowknife, parce qu'ils n'ont pas de grosses maisons ou de voitures de luxe?

Monsieur Van Tighem, qu'est-ce qui fait qu'il y a à Yellowknife 826 personnes qui n'arrivent pas à se loger elles- mêmes et qui doivent compter sur les organisations caritatives pour leur fournir un abri pour les protéger du froid et leur permettre de survivre?

M. Van Tighem : Ce que vous dites est intéressant. Il y a environ un an, le grand chef tlicho m'a téléphoné, et m'a dit : « Je ne comprends pas ce qui fait qu'il y a maintenant un problème d'itinérance dans notre principale collectivité, Behchoko. Il y a des gens qui n'ont pas d'endroit où vivre. » Je crois que la réponse est là-dedans. Behchoko est devenu le centre régional. C'est là que le gouvernement tlicho s'est installé, et, dans notre cas, le centre régional, c'est Yellowknife. C'est là que les gens ont accès à ce genre de services. C'est un centre important. Les gens y viennent et ils utilisent les services.

La majorité des gens qui composent la population des refuges font partie de l'un ou l'autre des groupes suivants : ceux qui ont suivi des parents, ceux qui ont eu de la difficulté à faire la transition entre l'économie traditionnelle et celle fondée sur les salaires, ceux qui ont des problèmes de toxicomanie depuis longtemps et ceux qui ont besoin d'aide en santé mentale.

Les gens qui vivent ici viennent de Yellowknife, des collectivités du territoire et du Sud. Yellowknife, c'est la fin de la route. Les gens qui viennent dans le Nord pour chercher du travail dans une mine et qui, dans certains cas, ne décrochent pas l'emploi voulu, sont parfois pris ici aussi.

J'aimerais également essayer de répondre à votre question sur le logement à un moment donné.

M. Menicoche : C'est une bonne question, sénateur. Je pense que nos collectivités sont en train de s'urbaniser. Monsieur le maire en a parlé. Les gens quittent les très petites collectivités pour s'installer dans un centre régional, à Behchoko, et c'est la même chose à Fort Simpson. La population de l'une des collectivités de ma circonscription est en déclin. La population totale du Nord augmente, mais il y a trois collectivités dont la population est en déclin. L'une d'entre elles se trouve dans ma circonscription. Ce phénomène est en grande partie attribuable à l'absence de services professionnels dans ces collectivités, par exemple les soins infirmiers et le maintien de l'ordre. Ainsi, les gens déménagent simplement parce qu'ils veulent s'occuper de leurs aînés et les suivre lorsqu'ils s'installent dans des centres plus importants.

Pour ce qui est de la pauvreté, la collectivité la plus importante de ma circonscription, Fort Simpson, d'où je viens, a une population d'environ 1 200 habitants. Le taux d'emploi des Autochtones est d'environ 62 p. 100 dans cette collectivité, mais le taux d'emploi des non-Autochtones est beaucoup plus élevé, parce qu'ils ont pratiquement tous un emploi. Lorsque je rends visite à ces gens, ils me disent qu'ils sont à la recherche d'occasions de formation. Ils cherchent d'autres possibilités, parce qu'il n'y en a pas à l'heure actuelle. Les frigos sont vides parce qu'il n'y a pas d'emplois dans notre région.

Pour en revenir à ce que je disais tout à l'heure au sujet du degré de scolarité, ce sont les gens dont le degré de scolarité est le plus élevé qui occupent la plupart des emplois. Qui sont-ils? Habituellement, ce sont les non- Autochtones qui vivent dans nos collectivités qui occupent la plupart des emplois.

Dans les collectivités les plus petites, les gens vivent frugalement. Nous disons qu'ils sont pauvres, comme le sénateur Sibbeston l'a dit, mais ils sont heureux parce qu'ils vivent des produits de la terre et font ce qu'ils veulent. Leurs maisons sont très petites; ils n'ont jamais rêvé d'avoir de grosses maisons. La classe ouvrière rêve de grosses maisons entourées de clôtures blanches, mais ces gens rêvent d'une belle petite cabane sur le bord d'un lac et de vivre tranquillement leur vie en harmonie avec la nature.

Les problèmes surviennent au moment de la transition entre l'économie fondée sur la trappe et celle fondée sur les salaires, qui découlent nécessairement de la chute du prix des fourrures et de nombreuses autres raisons que je vais laisser de côté. Cependant, cela touche les gens qui veulent vivre des produits de la terre. Ainsi, ce n'est pas une lutte pour eux, mais ils ont quand même besoin d'un revenu pour vivre.

J'ai fait des recherches au cours des deux ou trois derniers jours. Le Canada n'a pas établi de définition de la pauvreté. J'ai remarqué qu'on utilise l'expression « faible revenu », des seuils ou des choses du genre. En ce sens, si nous utilisons cela comme un chiffre ou une ligne de démarcation, beaucoup de gens qui vivent dans ma circonscription ont un revenu correspondant à ce seuil ou peut-être tout juste inférieur à celui-ci. En ce sens, sur le plan statistique, je dirais que la pauvreté existe dans le Nord. Le fait que notre économie est dynamique, ou plutôt instable, selon moi, ne signifie pas que le Nord n'est pas aux prises avec un problème de pauvreté.

M. Krutko : Le salaire annuel moyen est de 31 000 $ dans la plupart de nos petites collectivités. Il n'est pas si facile que cela pour les gens de maintenir leur train de vie avec un revenu annuel de 31 000 $, si on tient compte des facteurs de coût, sur lesquels ils n'ont aucune emprise, comme le coût du diesel, qui est très élevé — à certains endroits, un litre d'essence coûte 1,58 $. Ailleurs, les gens se plaignent de ce que le prix à la pompe est de 1,10 $. Le coût élevé de l'énergie est un facteur dont les gens doivent tenir compte dans les collectivités. Remplir une citerne de diesel ou chauffer une maison coûte 1 700 $. À ce prix, personne ne peut remplir la citerne trop de fois pour aller faire l'épicerie ou pour chauffer la maison, lorsque le revenu annuel est de 31 000 $. C'est là qu'est le problème.

Il est important de prendre conscience du fait qu'un nombre élevé de résidents de nos collectivités dépendent des mesures de soutien du revenu et qu'ils n'ont pas accès au logement social. Beaucoup de gens n'arrivent pas à entretenir leur maison, et il y a beaucoup de gens ici qui n'ont pas les moyens d'acheter une maison. La société d'habitation estimait il y a deux ans que construire une maison coûtait 185 $ le pied carré, et cette estimation est passée à 330 $ le pied carré aujourd'hui. Le prix des maisons a presque triplé. Une même maison coûte trois fois plus cher maintenant qu'il y a deux ans. Il y a une augmentation de 300 p. 100.

Les gens n'ont pas les moyens d'avoir de grosses maisons dans les petites collectivités en raison des coûts de construction. Même les maisons que nous construisons dans nos petites collectivités, pour les bâtir et pour essayer de les vendre sur le marché libre... on vend de petites unités à trois ou quatre chambres autour de 330 000 $. Les gens n'ont pas les moyens de payer ce prix lorsqu'ils gagnent 31 000 $ par année. C'est le problème auquel nous sommes confrontés.

Nous devons trouver une façon de stimuler l'économie des collectivités pour que l'activité économique dure toute l'année. Il y a de l'activité dans le secteur de la construction pendant l'été, ce qui fait qu'il y a des emplois dans le secteur de la construction de maisons dans les collectivités et dans le secteur de l'infrastructure. En hiver, il y a des gens qui travaillent dans le domaine de l'établissement des profils sismiques, ou, s'ils sont chanceux, dans les mines de diamants. C'est ce qui se passe dans de nombreuses collectivités. Comme M. Menicoche le dit, il y a une poignée, peut- être, d'emplois par collectivité, et les gens qui décrochent ces emplois sont très chanceux.

Nous devons trouver des moyens de créer davantage d'emplois dans nos collectivités et des occasions d'affaires dont pourront profiter les gens, dans le secteur des ressources non renouvelables ou dans celui des ressources renouvelables. Nous devons trouver des moyens de stimuler l'économie des petites collectivités en lançant des projets de création d'emplois. À l'heure actuelle, il y a une industrie forestière dans les Territoires du Nord-Ouest, mais il n'y a pas d'industrie produisant des produits forestiers — et le gouvernement dépense plus de 13 millions de dollars pour éteindre les incendies de forêt.

Nous devons trouver le moyen de stimuler davantage les secteurs des forêts, du pétrole et du gaz et des mines. Nous devons examiner tous nos secteurs, notamment le tourisme, et voir comment nous pouvons investir pour leur donner de l'ampleur. C'est la raison pour laquelle il est si important que nous puissions conclure un accord de diversification de l'économie visant à stimuler ces différents secteurs.

Le sénateur Mahovlich : Vous avez parlé du tourisme. Est-ce que le gouvernement déploie suffisamment d'effort pour promouvoir le tourisme dans les Territoires du Nord-Ouest et rendre la région attrayante, pour que les gens viennent ici? Je sais que la rivière Nahanni, à Fort Simpson, est un attrait touristique couru. Le prince Charles a descendu cette rivière une fois, et Trudeau a fait pas mal de canot là-bas.

Que faisons-nous pour attirer les gens?

M. Krutko : Pour ce qui est du tourisme, personnellement, je pense que le gouvernement ne fait pas suffisamment d'effort, parce que nous entendons souvent les gens du secteur du tourisme dire que nous ne leur offrons pas suffisamment d'aide financière. Nous les aidons en faisant de beaux gestes, mais, dans la plupart des cas, l'industrie a assuré sa survie elle-même. Cependant, le problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui, c'est que le secteur est devenu un marché compétitif. Auparavant, 10 000 touristes venaient d'Asie chaque année pour voir les aurores boréales. Il y a également des excursions en nature, mais, dans la plupart des cas, ce sont des organisateurs du Sud du Canada qui s'en chargent. Ils vendent leurs produits dans le Sud et amènent les touristes à partir de Vancouver et d'Edmonton, et, dans certains cas, ils passent par Whitehorse pour venir faire du canot sur nos rivières.

Encore une fois, lorsqu'il y avait un accord sur la diversification économique en vigueur, il y avait de l'argent pour ce genre d'entreprise. Cependant, je pense que le secteur du tourisme a demandé un million de dollars à notre gouvernement, et nous lui avons donné quelques centaines de milliers de dollars par-ci par-là. C'est un secteur important de notre économie, et nous devons trouver des moyens d'y consacrer davantage de ressources. Dans la plupart des cas, comme je l'ai dit, ces industries ont survécu par leurs propres moyens. Nous devons trouver une façon de nous occuper de notre économie dans le Nord du Canada.

M. Menicoche : En effet, la rivière Nahanni est l'une des attractions touristiques dont on parle le plus dans le monde. Pour ce qui est de notre gouvernement et du soutien qu'il offre, je reviens tout juste du Yukon, et le gouvernement de ce territoire a doublé son budget pour le tourisme, qui est passé de deux millions de dollars à quatre millions de dollars ou quelque chose du genre. Nous avons doublé le nôtre en même temps; nous sommes passés de 500 000 $ à 1 million de dollars. Ça ne permet pas de faire beaucoup de publicité.

Nous venons tout juste de nous donner une nouvelle image de marque. Le gouvernement utilise beaucoup le mot « spectaculaire », et c'est un très bon choix. Maintenant, comment faire la promotion de cela? Comment diffuser cette idée au pays et dans le monde? Il va falloir beaucoup plus qu'un million de dollars.

Il y a une partie de la question du tourisme qui tient à la stratégie. Tout récemment, un gars qui avait déjà vécu à Fort Simpson est revenu après 15 ans d'absence. Il m'a dit que les gens veulent venir dans le Nord et dans toutes ces autres régions, mais qu'ils ont de la difficulté à s'y rendre. Dans ma circonscription, comme dans celle de M. Krutko, les routes sont en gravier. Les gens qui ont de grosses autocaravanes, qui sont très coûteuses aujourd'hui, rebroussent chemin dès qu'ils s'aperçoivent que les routes sont mauvaises, et, lorsqu'ils rentrent chez eux, ils disent aux gens que l'infrastructure de notre région ne permet pas de se rendre jusqu'ici.

L'une de nos stratégies, c'est d'étendre et d'améliorer notre réseau routier. Bon nombre de nos routes sont touchées par le soulèvement que cause le pergélisol, et cela exige beaucoup d'effort. Nous nous sommes adressés au gouvernement fédéral pour parler du déficit en matière d'infrastructure. Le réchauffement de la planète est réel, et il touche notre infrastructure. C'est l'un de ses effets mineurs sur nous et sur le tourisme.

M. Van Tighem : Vous n'êtes pas la première personne à remarquer cela. Nous allons revenir dans la même salle discuter du tourisme dans le Nord avec la ministre Ablonczy. Peut-être le radar est-il en train de commencer à tourner un peu.

Le sénateur Mahovlich : Je sais qu'en Europe, et notamment en Allemagne, les gens adorent le Nord. Ils aiment beaucoup partir de leur pays pour venir dans le Nord rendre visite à nos Autochtones. Ils ont l'air de trouver le Nord très attrayant. Ainsi, si nous pouvions nous rendre là-bas et les encourager un peu plus, ce serait un bon projet. Il y a beaucoup de choses à voir dans les Territoires du Nord-Ouest, et ceux-ci ont beaucoup à offrir sur le plan touristique.

M. Van Tighem : Ce sont surtout des touristes canadiens qui viennent ici; les touristes américains viennent au deuxième rang, et ceux de l'Asie du Sud-Est, surtout les Japonais, au troisième rang, puis il y a les Européens. Ils viennent bel et bien ici. Il y a sur mon bureau une invitation que j'ai reçue de la Suisse : on voudrait que j'y aille pour parler de nous. Il faudrait que je paie pour participer à une foire commerciale, alors je ne sais pas si je vais y aller.

M. Krutko : Un des problèmes auxquels nous sommes confrontés, c'est que Aurora Tours offre maintenant des vols directs pour l'Alaska. Il est possible de prendre un vol direct pour l'Allemagne à partir de Whitehorse. Il faut envisager d'établir des vols directs dans les Territoires du Nord-Ouest, plutôt que de faire passer les gens par Vancouver ou Edmonton. Ce détour coûte très cher. Les autres administrations ont pris cette décision politique, et c'est ce qui fait qu'ils ont vu le nombre de touristes augmenter.

M. Van Tighem : Ça tombe bien que le ministre des Transports soit ici, parce que nous avons besoin d'une piste d'atterrissage plus longue.

Le sénateur Peterson : Monsieur Krutko, je jetais un coup d'œil sur votre tableau, et plus précisément sur le coût des services publics à Colville Lake et du lait, qui coûte 10 $ le litre. Compte tenu de ces prix, combien les familles qui vivent là-bas doivent-elles débourser chaque mois?

M. Krutko : J'ai administré la société de l'électricité avant le titulaire actuel du poste, et je me suis rendu à Colville Lake à l'occasion d'une de mes tournées. Nous avons organisé une séance publique au cours de laquelle nous avons parlé du coût de l'électricité et des façons de le faire diminuer, ainsi que du remplacement possible des génératrices. Nous avons sensibilisé les gens au fait que, si nous remplacions les génératrices, ce serait eux qui devraient payer. Une femme âgée m'a montré sa facture d'électricité, qui était de 1 600 $. Elle était veuve et elle touchait une pension. Elle utilisait son four pour chauffer sa maison, parce qu'elle n'avait pas de bois à faire brûler. Ça m'a vraiment frappé, et ça m'a fait prendre conscience de ce que nous sommes aux prises avec un vrai problème.

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest subventionne l'électricité pour les 700 premiers kilowatts utilisés, en fonction du tarif en vigueur à Yellowknife, c'est-à-dire environ 10 cents. Cependant, nous dépensons huit millions de dollars pour subventionner l'électricité dans le cadre de ce programme pour les 700 premiers kilowatts. Dans la plupart des cas, des gens des petites collectivités essaient de faire en sorte que cela soit abordable, mais ils font aussi des compressions relativement à certains services essentiels. La plupart des gens utilisent aujourd'hui un poêle à bois pour chauffer leur maison, et, en fonction de la fournaise qu'ils ont, ils essaient de trouver des façons de payer moins cher.

J'ai proposé une motion à la Chambre, dont je vais probablement m'occuper au cours des prochains jours, et qui vise à établir des tarifs uniformes comme dans d'autres régions du Canada où il y a deux systèmes de production d'électricité différents — un système hydroélectrique et un système fonctionnant au diesel — dans bon nombre de collectivités isolées. Dans la plupart de ces régions, notamment à Terre-Neuve, au Québec, au Manitoba et en Saskatchewan, les tarifs sont uniformes. Je suggère que nous jetions un coup d'œil là-dessus.

Un rapport a été publié il y a plusieurs années sur l'établissement d'une zone dans laquelle le tarif serait le même partout, et beaucoup de collectivités qui utilisent le courant provenant de centrales hydroélectriques étaient contre cette idée. Pour établir un tarif unique dans l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest, il y aurait fallu que ce tarif soit de l'ordre de 28 cents le kilowatt. Nous aurions pu utiliser la subvention de huit millions de dollars pour nous assurer d'être en mesure de nous offrir ce système de tarification.

C'est probablement l'un de nos plus importants facteurs de coût. À l'heure actuelle, nous n'avons pas de programme de subventions pour nos clients commerciaux. J'ai discuté avec certains de nos clients commerciaux de la région de Winnipeg, et, dans de nombreuses collectivités, les frais d'exploitation de leurs magasins sont de l'ordre de 30 000 $ par mois. Nous parlons de frais d'environ un demi-million de dollars pour exploiter ces installations dans les collectivités et pouvoir offrir des biens et des services aux résidents. Nous avons demandé une subvention pour les clients commerciaux, mais, à l'heure actuelle, il n'y en a tout simplement pas.

Voilà seulement quelques exemples des coûts véritables dans nos collectivités.

Le sénateur Peterson : Monsieur Van Tighem, vous avez parlé du logement abordable. Bien sûr, nous en parlons depuis des années. Nous n'allons pas arriver à quoi que ce soit avant que les trois ordres de gouvernement abordent cette question sérieusement et proposent des solutions novatrices, parce que nous ne faisons qu'en parler. Les coûts continuent d'augmenter, et nous devrions trouver des façons de supprimer toutes les taxes sur les matériaux de construction et financer la construction de logements abordables d'une façon ou d'une autre.

Quelle est l'ampleur du défi que pose l'infrastructure dans votre ville?

M. Van Tighem : Nous sommes très chanceux ici, parce que la collectivité s'est bâtie autour de 19 mines différentes. Ainsi, il y a eu plusieurs périodes de croissance. Il y a eu une certaine solidification lorsque le gouvernement fédéral est intervenu en 1967. On a construit l'infrastructure pour attirer les gens ici.

Si vous jetez un coup d'œil dehors, vous ne verrez pas en ce moment, mais il n'y a que très peu de routes qui ne sont pas revêtues. Il y a de hauts édifices. Il y a un tunnel de service fait de granit, et nous avons très peu de dettes. Ainsi, nous nous en sortons pas mal.

Cela dit, beaucoup des choses qui ont été construites étaient vues comme étant temporaires, parce que c'est le Nord, alors nous remplaçons ce qui se brise au fur et à mesure. Nous essayons de faire en sorte que notre ville soit très durable et compacte. Nous espérons ne pas avoir de grandes idées d'expansion. Dans notre collectivité, qui est la seule du territoire à avoir une certaine masse critique et à être en mesure de subvenir à ses propres besoins, c'est difficile, mais pas trop. Dans d'autres collectivités, les choses sont un peu différentes. Je dirais que les deux tiers, peut-être, de la population reçoivent ces services par camions, par exemple pour ce qui est de l'eau, ce qui est assez efficace, vu que nous sommes dans le Nord.

Le sénateur Peterson : Quel est l'impôt foncier que doivent payer les propriétaires des maisons qui se trouvent sur le lac? Elles ont l'air d'être sur le lac.

M. Van Tighem : Il faudrait que vous posiez la question à Affaires indiennes et du Nord Canada.

Le sénateur Peterson : Vous ne le savez pas?

M. Van Tighem : Ils ne paient aucun impôt.

La présidente : Merci beaucoup. Je sais que nous avons pris beaucoup de votre temps aujourd'hui, mais nous vous sommes très reconnaissants d'avoir comparu. Je suis très heureuse d'être ici, à Yellowknife.

Nous vous serions très reconnaissants si vous nous faisiez part d'une évolution des dossiers qui vous préoccupent. Bonne chance à tous.

Chers collègues, nous allons maintenant commencer une discussion très intéressante avec les gens du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Nous recevons un groupe intéressant.

L'honorable Bob McLeod, M.A.L., ministre des Ressources humaines, ministre de l'Industrie, du Tourisme et de l'Investissement et ministre responsable de la Régie des entreprises de services publics, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest : Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, bienvenue à Yellowknife et dans les Territoires du Nord-Ouest. Je tiens à remercier particulièrement le sénateur Sibbeston d'être ici, lui qui vient de la région.

Sénateurs, je suis heureux de m'adresser aujourd'hui aux membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts au nom du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Je vous félicite d'avoir entrepris d'effectuer une étude pancanadienne sur les causes et les conséquences du problème de la pauvreté dans le Canada rural ainsi que des solutions à ce problème. Nous sommes heureux que vous ayez pris l'initiative de vous rendre dans les trois territoires pour entendre les points de vue des Canadiens qui vivent dans le Nord.

Les Territoires du Nord-Ouest sont vastes, ils forment une partie importante du territoire du Canada. Notre population de 42 000 habitants peut sembler petite, mais la taille de notre territoire pose un défi. Le territoire est plus grand que la province de l'Ontario. Si la densité de population était la même à Toronto que dans les Territoires du Nord-Ouest, il y aurait environ 200 personnes dans cette ville.

Cela signifie que nos collectivités sont éloignées. Il y a cinq ou six grands centres qui sont les centres économiques de notre territoire. Les 28 autres collectivités ou à peu près sont des collectivités éloignées. La majeure partie des Territoires du Nord-Ouest est formée de régions rurales. Ce ne sont pas les régions rurales auxquelles les gens du Sud sont habitués, celles qui évoquent des routes traversant des campagnes agricoles. Le mot a une signification différente dans les Territoires du Nord-Ouest. Une région rurale, c'est une région isolée, où les options de transport sont limitées, ce qui veut dire qu'il est difficile pour les résidents de ces régions de créer des occasions de croissance économique.

La plupart de nos 33 collectivités ont été fondées sur une économie rurale et reposant sur les activités traditionnelles de récolte. Cette économie est encore importante pour les Autochtones et pour de nombreuses collectivités. On pêche pour se nourrir, on chasse pour la fourrure, qu'on vend ou qu'on transforme en vêtements, et on récolte le bois pour chauffer les maisons.

On peut se rendre dans les collectivités par bateau ou par avion, mais il n'y a pas de route sur l'axe nord-sud au-delà de Yellowknife, outre la route Dempster, qui va jusqu'à Inuvik, en passant par le Yukon. Les collectivités situées au nord de Yellowknife, dans la région du Sahtu et au nord d'Inuvik doivent compter sur des routes d'hiver ou sur le transport aérien ou maritime pour se déplacer et pour s'approvisionner.

Le Nord, et plus particulièrement les Territoires du Nord-Ouest, est plein de ressources. Les Territoires du Nord- Ouest viennent au quatrième rang, en fonction de la valeur, des régions productrices de diamants. Il y a beaucoup de pétrole et de gaz dans les Territoires du Nord-Ouest, et ces ressources sont encore en grande partie sous-exploitées. Les Territoires du Nord-Ouest offrent un grand potentiel d'exploitation minière, et on y trouve l'un des gîtes de métaux communs les plus riches du monde. Notre région offre également un important potentiel hydroélectrique, plus important que celui de la baie James.

L'économie a beaucoup profité de l'exploitation des mines de diamants. Le produit intérieur brut ou PIB a pratiquement doublé, il est presque aussi important que celui de l'Île-du-Prince-Édouard. La valeur élevée de la production et des investissements importants ont fait en sorte que le revenu moyen à Yellowknife et dans la région de North Slave est le plus élevé au Canada. Behchoko, par exemple, et les trois collectivités des environs, profitent de l'expansion des mines de diamants. Les taux d'emploi sont plus élevés qu'ailleurs dans ces collectivités, et les étudiants y sont plus nombreux à terminer leurs études secondaires et postsecondaires. Ce n'est pas le cas partout dans les Territoires du Nord-Ouest.

Beaucoup de collectivités et de régions ont peu d'options sur le plan économique, et certaines de ces régions sont plus grandes que le Nouveau-Brunswick.

À la lecture des documents que je vous ai remis, vous allez constater que c'est dans les collectivités les plus petites et les plus éloignées que les revenus sont les plus faibles. C'est là aussi que le coût de la vie est le plus élevé.

Comme je l'ai dit, le milieu rural des Territoires du Nord-Ouest est différent des milieux ruraux du Sud. J'espère que le comité sénatorial va en tenir compte lorsqu'il formulera ses recommandations.

Les caractéristiques communes à nos petites collectivités sont les suivantes : elles sont éloignées, l'infrastructure et l'accès au transport y sont limités, leur population est de petite taille, ce qui fait que les occasions d'affaires y sont limitées, les perspectives d'emploi et les salaires sont limités, le degré de scolarité des gens est plus faible que dans les collectivités de taille plus importante, la majorité des résidents sont des Autochtones, les gens comptent davantage sur les activités traditionnelles de récolte pour générer un revenu et pour se nourrir, et le coût de la vie est passablement plus élevé que dans les régions rurales du Sud du Canada.

Nous connaissons les problèmes, mais c'est de trouver les solutions à ces problèmes qui est difficile. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest fait des progrès importants dans les domaines comme les soins de santé, l'éducation et l'infrastructure municipale. Cependant, le coût de la vie est élevé, et cela pose encore problème dans nos collectivités. Une amélioration réelle de la qualité de vie dans nos petites collectivités va exiger des investissements importants dans l'infrastructure de base, les routes, les centrales hydroélectriques et l'amélioration des aéroports.

Pour la production d'électricité et pour le chauffage, il faut importer du carburant du Sud du Canada. Les coûts liés à l'électricité et au carburant dans les petites collectivités sont les plus élevés au Canada. Nous devons envisager de nouvelles options pour ce qui est de l'électricité et des services de base dans les endroits si éloignés qu'il est impensable de mettre en place des lignes de transport. Nous ne pouvons pas demander aux gens de payer plus de dix fois le montant que paient les gens en moyenne au pays pour les services de base relativement à l'électricité.

La diversité de l'économie dans les régions rurales et dans le Nord est un autre défi qui se pose. Comme je l'ai mentionné, certaines de nos collectivités de la région de Yellowknife ont connu pas mal de succès en profitant de l'expansion du secteur minier. Dans beaucoup de collectivités autochtones en dehors de la région de North Slave, les revenus sont de beaucoup inférieurs à la norme nationale et à celle des Territoires du Nord-Ouest. Les possibilités de création d'entreprises et d'emplois sont limitées.

Le gouvernement territorial rêve du jour où nos collectivités auront accès aux avantages et au niveau de vie que les Canadiens qui vivent dans les collectivités du Sud tiennent pour acquis. J'entends par là des biens et des services à prix moins élevé qu'à l'heure actuelle, les échanges accrus entre les collectivités et de meilleures possibilités d'expansion du secteur du tourisme. Pour que cela devienne réalité, nous avons besoin d'améliorer notre infrastructure. Un bon exemple d'amélioration, ce serait la construction d'une route dans la vallée du Mackenzie, qui permettrait à l'industrie d'accéder à nos abondantes ressources naturelles. Cela permettrait de créer des possibilités d'emploi et d'affaires dont nous avons grandement besoin.

Nous nous attendons également à ce que le projet de gaz Mackenzie soit un élément très positif. Dans le cadre de ce projet, on fournirait environ six billions de pieds cubes de gaz naturel provenant de la région du delta du Mackenzie au marché nord-américain. On s'attend à ce que de 16,1 milliards de dollars à 37,3 milliards de dollars d'investissements directs soient effectués en lien avec ce projet.

Le projet va donner lieu à un accroissement important de la production de gaz naturel et à des retombées économiques significatives pour la région de la mer de Beaufort et du delta du Mackenzie. On va par ailleurs établir dans le cadre de celui-ci l'infrastructure nécessaire pour acheminer davantage de gaz naturel vers les marchés. Cette infrastructure va jouer le rôle de corridor de transport de l'énergie à partir du delta du Mackenzie, dans le Nord de la vallée, vers l'Alberta. S'il est bien exécuté, ce projet pourrait améliorer l'avenir socioéconomique de tous les habitants du Nord.

Comme je l'ai dit, nous savons que le tourisme offre des possibilités, sur le plan économique, pour nos régions rurales, mais notre capacité de promouvoir le secteur et de mettre en place l'infrastructure de soutien est limitée. La plupart des retombées dans le domaine se limitent actuellement aux grands centres régionaux qui jouissent d'un accès par les routes. Nous avons besoin d'aide pour faire croître le marché, tant sur le plan des chiffres que sur celui des répercussions. Un meilleur accès routier serait une étape importante de l'expansion du secteur. L'une des solutions possibles, c'est la construction d'une route dans la vallée du Mackenzie.

Dans le contexte actuel, les grands projets d'infrastructure dépassent notre capacité budgétaire. Les redevances liées à l'exploitation des mines de diamants et du pétrole vont entièrement au gouvernement fédéral, et nos propres revenus sont limités. La mise en place de cette infrastructure exige un engagement national à long terme. Nous avons besoin du gouvernement fédéral pour faire de ce rêve une réalité.

Merci d'être venus à Yellowknife. J'espère que mes observations et les documents que je vous ai remis pourront vous permettre de vous faire une meilleure idée de la situation économique des collectivités des Territoires du Nord-Ouest. J'ai hâte de lire votre rapport.

La présidente : Merci. Vous avez décidé de prendre une partie de votre temps précieux pour venir ici aujourd'hui. Nous sommes très heureux que vous vous soyez joints à nous.

Jill Christensen, gestionnaire, Services intégrés, Administration des services de santé et des services sociaux de Yellowknife, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest : Bienvenue à Yellowknife. Merci de nous avoir invités à témoigner au nom de l'Administration des services de santé et des services sociaux de Yellowknife.

Personnellement, je suis fière d'être résidente des Territoires du Nord-Ouest depuis 34 ans. J'étais une très jeune professionnelle de la santé lorsque je suis arrivée ici, et j'ai maintenant réorienté ma carrière vers les services intégrés dans notre région.

J'aimerais reprendre ce qu'a dit l'honorable Bob McLeod au sujet des milieux ruraux et urbains. C'est très difficile, ici, parce que Yellowknife est vue comme un centre urbain par les gens des petites collectivités rurales. Cependant, si nous nous comparons à des centres urbains comme Edmonton ou Toronto, nous sommes clairement en milieu rural.

L'Administration des services de santé et des services sociaux de Yellowknife offre des services aux résidents des collectivités de Yellowknife, Dettah, N'Dilo, Denninu Kue, aussi connue sous le nom de Fort Resolution et Lutselk'e. Nos clients forment une population très diversifiée sur le plan culturel et qui compte environ 22 000 personnes, dont des membres de groupes autochtones ainsi que de nombreux résidents d'origine étrangère. Il y a à Yellowknife plus d'une centaine de groupes culturels différents.

Yellowknife est la capitale des Territoires du Nord-Ouest, et sa population est de 20 000 habitants. Selon les critères, Yellowknife peut être vue comme un centre urbain, et, pour beaucoup de gens des petites collectivités, nous sommes certainement la ville où il y a le plus de programmes et de services, sans parler des autres avantages comme la possibilité de magasiner ou de participer à des activités sportives et culturelles. Yellowknife n'est cependant pas accessible par la route pendant toute l'année, puisque cela dépend des conditions météorologiques et du fait que le Mackenzie soit gelé ou non. La période pendant laquelle nous ne pouvons pas le traverser varie, mais elle dure de deux à quatre semaines à l'automne, et c'est la même chose au printemps. Avant, elle durait environ six semaines. On peut se rendre à Yellowknife en avion à n'importe quel moment de l'année. Lorsque le traversier ne peut pas fonctionner et qu'il n'est pas encore possible d'utiliser la route de glace, toutes les marchandises, y compris les fruits et légumes, doivent être transportées par avion. Les prix augmentent toujours pendant les périodes où le Mackenzie gèle ou dégèle, et il arrive souvent que certains aliments se fassent rares ou qu'il n'y en ait plus pendant un certain temps, notamment le lait et les fruits et légumes.

N'Dilo et Dettah sont de petites collectivités dénées près de Yellowknife et qui font partie de la bande des Dénés de Yellowknife. N'Dilo se trouve sur la route principale à quelques minutes du centre-ville de Yellowknife. Dettah est la plus isolée des collectivités. On y accède par la route — en 20 minutes environ — et par la route de glace, en fonction de la saison. Ces deux collectivités comptent chacune environ 200 habitants. Il y a également de 600 à 800 membres de bandes autochtones qui vivent à Yellowknife. Il n'y a pas de magasins dans les deux collectivités en question.

Lutselk'e est une collectivité dénée isolée de 400 habitants, et on s'y rend en avion, en bateau, par le Grand Lac des Esclaves, pendant l'été, en cinq à neuf heures, en fonction du bateau utilisé et en motoneige, pendant l'hiver, en cinq à neuf heures, en fonction de la motoneige. Il y a un seul magasin dans cette collectivité, et le prix de la nourriture est élevé; on paie par exemple 20 $ pour quatre litres de lait.

L'autre collectivité, Denninu Kue, ou Fort Resolution, qui compte 500 habitants, se trouve de l'autre côté du Grand Lac des Esclaves. On peut s'y rendre par la route, les collectivités les plus près étant Hay River et Fort Smith. On peut également s'y rendre en avion, mais il faut prendre un vol nolisé. Pour aller à Yellowknife en avion, les gens doivent se rendre à Hay River en voiture et prendre l'avion de là.

Les services fournis par notre organisation se répartissent en deux catégories principales : les services de santé communautaires, ce qui inclut les cliniques, et les services de soutien à la collectivité et aux familles. À Yellowknife, des organisations non gouvernementales ou ONG communautaires fournissent également des services importants à la même population, par exemple des services de counselling en matière de toxicomanie. L'Administration des services de santé et des services sociaux de Yellowknife est en train d'appliquer un modèle de prestation intégré des services qui permet d'établir des liens et des partenariats avec la collectivité. Il y a un centre de soins de santé à Lutselk'e et à Denninu Kue, et les services d'une infirmière en santé communautaire et d'infirmières praticiennes sont offerts à Dettah et N'Dilo, mais il n'y a pas de clinique dans ces collectivités.

Comme dans de nombreuses collectivités et villes canadiennes, il y a à Yellowknife une population à risque qui est composé de jeunes, d'Autochtones, de familles immigrantes, de personnes ayant des troubles mentaux, de sans-abri ou de travailleurs pauvres, d'enfants ou d'adultes ayant des besoins particuliers, des familles en crise, de femmes enceintes et de personnes atteintes de maladies subaiguës, non urgentes ou chroniques. Comme Yellowknife est la capitale des Territoires du Nord-Ouest, les services sont souvent de nature territoriale, et Yellowknife est souvent vue comme le centre du territoire. Il n'y a pas de maison d'hébergement ni de refuge dans les petites collectivités, mais nous avons constaté que les gens se rendent à Yellowknife pour fuir la violence familiale et d'autres types de violence. De même, les gens viennent à Yellowknife pour accéder aux services des cliniques médicales et des hôpitaux et aux services de counselling.

Les principaux obstacles à la prestation des services sont l'éloignement, les distances, la diversité culturelle et la difficulté de retenir les spécialistes et de combler les postes. Les collectivités du Nord sont souvent privées des services habituellement offerts dans les collectivités du Sud du Canada en raison de ces facteurs géographiques et démographiques. En outre, il y a 11 langues officielles dans les Territoires du Nord-Ouest, ce qui est un autre obstacle à la prestation efficace des services. Les services d'interprétation et de traduction ne répondent pas à la demande d'une population en pleine croissance et en pleine évolution.

À Yellowknife, on voit des sans-abri qui vivent dans la rue. L'Armée du Salut offre un refuge aux hommes, et le Centre for Northern Families en offre un aux femmes. Cependant, ces refuges n'arrivent pas à répondre entièrement à la demande, et n'accueillent pas les gens qui ont consommé de l'alcool ou de la drogue. Le YWCA offre un refuge aux femmes qui ont des enfants et qui vivent une situation de violence. Beaucoup de gens qui vivent dans la rue, tant des hommes que des femmes, dorment dans des tentes. Même à -40o, il y a des couples qui ne veulent pas être séparés.

Il y a aussi des sans-abri qu'on ne voit pas à Yellowknife. Ce sont des gens qui, dans certains cas, occupent un ou deux emplois, mais qui n'ont pas les moyens de payer un logement ou qui n'en trouvent pas. Ils demandent à une autre famille ou à un parent de les héberger à court terme, puis ils vont ailleurs lorsqu'on ne leur offre plus l'hospitalité. Il y a à Yellowknife des enfants qui n'ont pas d'adresse permanente. Les enfants sont particulièrement vulnérables, et cette instabilité peut les empêcher de réussir dans des activités comme les sports, par exemple, et d'aimer ces activités.

Dans les petites collectivités de la région, on ne voit pas souvent les gens qui vivent dans la rue. Il y a des problèmes de toxicomanie, mais les gens ont un foyer, des amis et des parents à qui imposer leur présence. La toxicomanie s'accompagne souvent de la violence, et les gens qui vivent dans ces maisons se retrouvent dans des situations dangereuses, sans endroit où aller. Il n'y a pas de refuges dans nos petites collectivités. Il y a un problème d'itinérance chez les gens qui travaillent, mais qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Les gens qui vivent dans des logements subventionnés voient leur loyer augmenter lorsqu'ils décrochent un emploi, par exemple dans une mine, ce qui fait qu'ils ne s'en tirent pas mieux. L'accès à des logements abordables et corrects pose problème.

La nourriture coûte cher dans le Nord. Dans les petites collectivités où la nourriture doit être transportée par avion, les prix sont encore plus élevés. Les coûts de transport font augmenter le prix des aliments. En plus de la question des coûts, il y a de nombreux problèmes liés à la salubrité des aliments, notamment en ce qui concerne l'accès à des aliments frais, la qualité de ces aliments et leur transport. La salubrité des aliments est vue comme l'un des trois principaux problèmes de santé publique dans le Nord.

Les habitants du Nord continuent de préférer et d'apprécier les aliments traditionnels, notamment la viande de caribou, mais les voies de migration ont été modifiées par les changements climatiques et les activités de mise en valeur des ressources naturelles. Dans bien des cas, les caribous sont trop loin, et la chasse coûte trop cher. Lorsque les chasseurs tuent des caribous, ils partagent la viande avec les membres de leurs collectivités. La transition vers le travail dans les mines a des répercussions sur le mode de vie traditionnel aussi, et il arrive souvent que les hommes ne soient pas à la maison lorsque les caribous sont près de chez eux.

Selon le mode de vie traditionnel, on partage la nourriture et, en fait, on partage tout ce qu'on possède. Lorsqu'une famille a de la nourriture chez elle, il n'est pas rare qu'un membre de la famille ou un ami se présente à la maison pour en demander une partie. Ainsi, il est difficile d'établir un budget, le planifier et d'acheter de la nourriture en vrac, puisque la tradition, c'est de partager la nourriture plutôt que de la garder pour soi. Il n'y a pas souvent de banque alimentaire dans les petites collectivités. À Lutselk'e, le personnel l'Administration des services de santé et des services sociaux de Yellowknife a régulièrement recours à un fonds d'intervention pour fournir des coupons d'alimentation aux familles dans le besoin.

À Yellowknife, il y a deux banques alimentaires, et on donne régulièrement des produits comme le pain de la veille au Centre for Northern Families et à l'Armée du Salut. Les gens sont très généreux lorsqu'il s'agit de soutenir les banques alimentaires et le programme des paniers de Noël. En raison des coûts et des capacités d'entreposage limitées, les banques alimentaires n'offrent pas de fruits et légumes frais, de lait, de fromage et de viande. Les banques alimentaires, comme nous le savons, ne sont pas des solutions à long terme, et ne permettent pas de répondre entièrement aux besoins des gens qui vivent dans des logements qu'ils partagent avec beaucoup de gens et des sans-abri qui vivent dans les rues ou dans les tentes. Parmi les problèmes auxquels sont confrontés les bénéficiaires des banques alimentaires, il y a le transport pour aller chercher la nourriture, la diversité et le contenu nutritionnel des aliments fournis, l'absence de produits frais et la diminution de l'estime de soi. À Yellowknife, plus de la moitié des bénéficiaires des banques alimentaires ont moins de 18 ans.

Bon nombre de gens qui ont besoin des services, notamment des banques alimentaires, font face à beaucoup de problèmes. Certains d'entre eux ont des problèmes de toxicomanie, des problèmes de logement, n'ont pas un degré de scolarité ou des aptitudes à l'emploi suffisants, ne savent pas bien lire et écrire, ont des problèmes de santé chroniques comme, par exemple, des troubles mentaux et ont de la difficulté à gérer leur ménage et à établir un budget. Il est difficile et peu pertinent d'envisager l'un de ces problèmes de façon isolée, puisqu'ils sont tous liés les uns aux autres.

Le rythme de l'urbanisation s'accroît dans les Territoires du Nord-Ouest, et l'économie est de plus en plus axée sur l'exploitation des ressources naturelles. Comme la pauvreté touche beaucoup plus les régions rurales, il devient de plus en plus attrayant de s'installer en ville. Ce phénomène a des répercussions négatives sur les modes de vie et les cultures traditionnels. La vie en ville n'est pas exempte de déceptions et de problèmes. Les initiatives de développement ne devraient pas être axées seulement sur les collectivités les plus importantes, puisque cela accentue le problème de la croissance inégale du Nord. On pourrait faire davantage d'efforts et d'investissements pour renforcer les petites collectivités isolées en améliorant leur infrastructure et les services qui y sont offerts.

L'exode des gens vers les grands centres pourrait être freiné si les efforts étaient davantage axés sur la mise en valeur des ressources locales, les arts et l'artisanat traditionnel, ainsi que le tourisme, par exemple. La durabilité est l'élément le plus important. La diversification de l'économie va aider les collectivités à faire face aux fluctuations des activités d'exploitation des ressources naturelles, du pétrole, du gaz et des diamants, par exemple. Nous pouvons nous attaquer au problème de la pauvreté en milieu rural en utilisant une partie des énormes sommes d'argent provenant de ces activités dans le cadre d'initiatives de recherche et développement dans les nouveaux secteurs — les énergies nouvelles et l'écotourisme.

Nous sommes confrontés à un problème très complexe. Pour prendre des mesures relativement aux liens complexes entre les causes du problème, on devrait adopter une démarche inspirée de celle qu'on utilise en santé publique : se concentrer sur les racines du problème; soutenir les efforts visant à prévenir le problème ou à le régler, améliorer la situation de la société dans l'ensemble tout en tenant compte des besoins des populations vulnérables; mettre l'accent sur les partenariats et la collaboration intersectorielle; trouver des solutions souples et multidimensionnelles; enfin, faire participer la population et la collectivité à tous les aspects de la démarche.

Jeanette Savoie, avocate et procureure, Bureau d'avocats Savoie : Mon cabinet est privé, et je suis heureuse que Mme Christensen ait parlé avant moi, parce que les questions qu'elle a abordées sont la raison pour laquelle je peux parler ici aujourd'hui d'un bureau d'aide juridique communautaire. Tous ces problèmes font que les gens finissent par avoir affaire au système judiciaire, que ce soit le système de justice civile ou le système de justice pénale.

J'aimerais remercier les membres du comité sénatorial de me donner l'occasion de leur faire part de mon expérience de la pauvreté dans les milieux ruraux des Territoires du Nord-Ouest. Je ne viens pas du Nord. Je me suis installée ici il y a un an seulement, mais je trouve les défis auxquels je suis confrontée intéressants. Il y a ici beaucoup d'occasions d'aider les gens.

On ne sera pas surpris si je dis que le fait d'offrir des services juridiques dans des petites collectivités isolées est un défi très important pour les gens dont c'est le travail d'offrir ces services. Cependant, les enjeux juridiques auxquels sont confrontés les gens pauvres des petites collectivités découlent souvent des mêmes problèmes que ceux que connaissent les gens dans les centres urbains, par exemple à Yellowknife. Ces problèmes sont souvent accentués par l'isolement, l'absence de moyens de transport, l'absence de moyens de communications fiables, pour ne nommer que quelques facteurs, dans les petites régions isolées. Ainsi, avec cela en tête, nous avons effectué des recherches dans le but d'élaborer un modèle de bureau d'aide juridique spécialisé en droit de la pauvreté dans la collectivité urbaine de Yellowknife. Le document que j'ai rédigé est assez volumineux. Nous prévoyons la possibilité que ce modèle soit adapté avec une certaine souplesse pour répondre aux besoins des collectivités rurales isolées des Territoires du Nord- Ouest.

Le terme « droit de la pauvreté » désigne le vaste ensemble des besoins de conseils juridiques que les gens ou les groupes ont parce qu'ils sont pauvres. Comme M. le juge Osler le faisait remarquer dans le rapport du groupe de travail sur l'aide juridique publié en 1974 — je crois que ce rapport a été publié en Ontario —, « un grand nombre des problèmes des pauvres leur sont particuliers. » Il poursuit en disant que les pauvres sont « des locataires, et non des propriétaires, des débiteurs, et non des créditeurs, des acheteurs, et non des vendeurs. » De façon générale, les besoins juridiques des pauvres sont liés aux lois relatives au logement, au maintien du revenu, notamment à l'assurance-emploi, au Régime de pensions du Canada, à l'aide sociale, aux prestations familiales et aux indemnités pour les accidents du travail, au milieu de travail, notamment aux normes d'emplois et à la santé et à la sécurité au travail, et, bien entendu, aux problèmes d'endettement liés à la consommation.

L'interprétation des lois et des règlements dans ces domaines, qui sont complexes et qui font souvent l'objet de changements, n'est pas possible sans aide juridique, même si ces programmes sont conçus pour être conviviaux. Contrairement à la plupart des instances civiles, les affaires de droit de la pauvreté ne mettent en jeu que ce qui semble être des sommes modiques. Contrairement aux affaires pénales, elles n'entraînent que rarement la privation immédiate de liberté. Contrairement à la plupart des instances juridiques conventionnelles, la majorité des causes relevant du droit de la pauvreté entraînent des procédures devant des bureaucraties gouvernementales ou les tribunaux administratifs, et non devant les cours.

[Français]

Pour les pauvres, l'accès à la justice peut se traduire par des questions telles que la suivante : est-ce que je mange et paie mon loyer ce mois-ci ou bien est-ce que je paie pour un avocat pour telle ou telle raison? Je pourrais vous donner des exemples.

[Traduction]

Dans la pratique traditionnelle du droit, les clients déterminent eux-mêmes leurs besoins juridiques, confient leurs problèmes à un avocat et lui demandent ce qu'ils veulent. Au contraire, les gens défavorisés sur le plan économique sont souvent peu informés de leurs droits. Ils peuvent aussi ne pas être en mesure de donner suite à leurs revendications juridiques parce que leur vie manque de stabilité, parce qu'ils sont maltraités ou sans abri, parce qu'ils sont analphabètes, parce qu'ils ont un faible degré de scolarité et, souvent, parce qu'ils sont victimes de discrimination dans leur vie quotidienne à cause de ces facteurs, ou encore parce que leur langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français, ou, enfin, parce qu'ils n'ont pas accès aux ressources et aux moyens de communications dans les collectivités isolées où ils vivent. Beaucoup des choses dont Mme Christensen a parlé mènent à cela.

[Français]

Ici, aux Territoires du Nord-Ouest, l'isolement engendré par la distance à parcourir pour accéder aux services juridiques, le manque de moyens de communication qui puissent être efficaces en toutes conditions météorologiques et le manque de ressources obligent souvent les personnes à renoncer à leurs droits.

On compte parmi les plus vulnérables et les plus pauvres, et encore ici, je généralise : les Autochtones, avec une attention spéciale aux femmes autochtones vivant en situation monoparentale ou en situation de violence conjugale, les personnes âgées, les enfants incluant les enfants de la rue, les personnes adultes sans-abri; et Jill a mentionné les travailleurs pauvres, les personnes handicapées et les minorités visibles, souvent de nouveaux venus au Canada.

Comme Canadiens, nous sommes conscients des questions culturelles et systémiques entourant la tragédie des écoles résidentielles et tout l'effet que cette période noire de l'histoire canadienne a eu sur la stabilité, l'estime personnelle et la capacité des Autochtones à prendre leur juste place dans leur société et aussi dans la nôtre. Nous sommes conscients que le processus de réconciliation sera long. Nous sommes aussi conscients que la confiance des peuples autochtones dans le système légal canadien est sérieusement minée et ceci a comme conséquence de rendre l'accès à la justice encore plus difficile.

[Traduction]

Pour offrir des services juridiques qui répondent aux besoins des peuples autochtones en ce qui concerne la justice et les lois, il faut faire preuve de compréhension, de sensibilité et d'un engagement à ne pas répéter l'histoire de la volonté imposée de l'extérieur et à travailler en étroite collaboration avec les peuples autochtones pour trouver des solutions dans le cadre d'une approche holistique qui existe déjà dans la tradition et les coutumes des collectivités autochtones.

Au cours de leur vie, beaucoup de gens vont être en contact avec l'appareil judiciaire, que ce soit à cause de l'état de leur logement, de l'impossibilité pour eux d'accéder aux services essentiels, de la difficulté à payer leurs factures et ainsi de suite. De bons conseils et une aide efficace dès le début du processus peuvent empêcher un problème d'empirer et, c'est à espérer, peuvent mener à sa résolution rapide et au rétablissement de la justice. Une intervention rapide peut faire en sorte qu'il n'y ait pas besoin de faire appel aux tribunaux, ce qui permet d'épargner argent et énergie.

Je vais parler de certains des obstacles particuliers auxquels sont confrontés les Autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest.

Parmi les facteurs socioéconomiques et culturels qui ont une incidence sur la capacité des peuples autochtones d'accéder aux services juridiques et de les utiliser, il y a le faible taux d'alphabétisation. En outre, la violence institutionnelle vécue dans les pensionnats et au sein des régimes du bien-être des enfants et de la justice pénale fait que la difficulté et le manque de confiance sont plus grands lorsque les gens ont affaire aux tribunaux et au système judiciaire. Il y a aussi l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale. Je ne suis pas médecin, mais je sais que c'est une source de préoccupation de plus en plus importante chez les clients autochtones. Cela réduit leur capacité de comprendre les directives et de suivre des conseils juridiques, et c'est tragique. Le taux de pauvreté élevé chez les Autochtones pose des problèmes importants : des problèmes liés à la famille, l'abus d'alcool ou de drogues, la maladie, l'absence de logements corrects, des problèmes de nutrition, de soins de santé et de transport et l'accès limité au téléphone et à l'ordinateur.

Comme le taux d'alphabétisation est faible chez les Autochtones, beaucoup d'entre eux ne sont pas capables de bien utiliser les documents de nature juridique publiés à des fins pédagogiques. Comme on l'a dit tout à l'heure, les gens qui ont un bon degré de scolarité sont souvent en mesure d'accéder à ces documents, mais, malheureusement, il ne s'agit pas de la majorité des Autochtones.

Cependant — il faut que je mentionne ceci — le taux d'alphabétisation est faible chez les Autochtones, mais ils connaissent très bien les traditions orales, et cela laisse croire qu'il faudrait utiliser davantage des moyens audiovisuels et des rencontres en personne pour leur fournir des services juridiques.

Contrairement aux domaines plus traditionnels de la pratique du droit, il est difficile dans celui-ci de calculer les besoins actuels en fonction seulement d'indicateurs comme la demande exprimée ou le nombre de plaideurs non représentés. Il en est ainsi parce que de nombreux clients potentiels des services en droit de la pauvreté ne connaissent pas leurs droits ou sont incapables de les faire respecter.

Le Centre for Northern Families qui relève de la Yellowknife Women's Society, s'est aperçu du manque d'accès à la justice — et je parle précisément de justice civile à ce moment-ci, plutôt que de justice pénale — il a plus de dix ans, et il cherche à aider les gens du Nord depuis sa création. Le centre a essayé de répondre à ces besoins le mieux possible, compte tenu des ressources financières et humaines limitées, surtout en aiguillant les gens et en leur offrant les services de défenseurs profanes. Ceux-ci ne pouvaient cependant pas fournir de conseils juridiques ou des services de représentation, et dans les cas où des questions de droit ont été soulevées, ils ont dû compter sur la disponibilité et sur la générosité de quelques avocats bénévoles prêts à donner de l'information et un coup de main sur demande.

Le centre a également commencé à étudier la façon dont les services relatifs au droit de la pauvreté étaient fournis par des organisations communautaires sans but lucratif ailleurs au Canada, et il a commencé à défendre l'idée de l'établissement d'un bureau d'aide juridique communautaire officiel, sur le modèle du bureau qui existe en Ontario.

Comment nous proposions-nous de faire cela?

[Français]

Nous nous proposons alors d'établir une clinique juridique privée et indépendante, sans but lucratif, qui chapeauterait plusieurs types de services juridiques gratuits, accessibles rapidement. Cette clinique serait dirigée par un conseil d'administration qui établirait différents services et programmes suivant les recommandations d'un conseil consultatif composé d'anciens, choisis par les communautés participantes dans les différentes régions des Territoires du Nord-Ouest.

[Traduction]

Quels sont les services que le bureau d'aide juridique communautaire offrirait?

Nous en sommes à l'étape de la planification. Les domaines du droit que la société veut toucher sont ceux qui concernent en particulier les personnes dont le revenu est faible ou les collectivités défavorisées, c'est-à-dire les suivants : la médiation et la négociation par rapport au logement, le maintien du revenu, l'aide sociale et autres programmes gouvernementaux du genre; le droit de l'immigration, le droit de la personne, la santé, l'emploi et l'invalidité, le conseil juridique relatif à l'emploi, ainsi que la représentation et la défense par rapport aux questions d'emploi; la représentation dans les affaires relevant du droit de la pauvreté qui pourrait faire jurisprudence, dans les cas méritant cette représentation; l'enseignement offert à la population en matière juridique, ainsi que la production et la traduction d'information, de documents et d'ateliers sur des questions d'ordre juridique; les conseils juridiques indépendants, la représentation devant un tribunal, les services offerts par les avocats de service, les testaments et les procurations, certains types de contrat, une partie du droit de la famille et du droit relatif au bien-être des enfants — je veux souligner le fait que beaucoup de ces services sont offerts dans le cadre du programme actuel d'aide juridique civile, mais dans une mesure limitée; en droit de la famille, un service d'intervention par une tierce partie serait offert lorsqu'une ordonnance de non-communication, un engagement à ne pas troubler l'ordre public, une ordonnance de protection d'urgence ou une injonction restrictive civile empêcheraient les parties d'entrer en contact direct et que le tribunal formulerait une ordonnance donnant accès à l'enfant au parent qui n'a pas la garde de celui-ci — j'entends par là qu'un tribunal peut formuler une ordonnance permettant l'accès à l'enfant pour le parent qui n'a pas la garde, et que, pour faciliter les choses et éviter les conflits, nous offririons une intervention par une tierce partie, un endroit où le parent qui n'a pas la garde pourrait voir son enfant sans qu'il y ait d'opposition ou de menaces; une composante de promotion, notamment un numéro 1-888 visant à offrir une aide juridique au téléphone aux ménages à faible revenu de l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest; un site web sur le droit de la pauvreté contenant des renseignements d'ordre juridique, pour établir des partenariats avec les collectivités isolées; enfin, chose très importante, un programme de formation de défenseurs communautaires et une politique à cet égard, le tout étant supervisé par un avocat.

[Français]

Nous proposons ainsi des démarches concrètes pour tenter de rendre l'accès à la justice un peu plus facile pour les pauvres. Nous aurons certainement plusieurs défis à relever. Il m'est impossible d'expliquer tout le processus d'organisation et de financement de ce projet dans cinq à sept minutes, mais nous serions heureux de faire parvenir au comité plus de détails ainsi que des mises à jour sur demande.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Simon Lamoureux, président du Conseil du développement économique des Territoires du Nord-Ouest. Il est accompagné de deux de ses collègues.

[Français]

Simon Lamoureux, président, Conseil du développement économique des Territoires du Nord-Ouest : Madame la présidente, au nom du Conseil du développement économique des Territoires du Nord-Ouest, il me fait plaisir de vous présenter ce mémoire sur les causes et les conséquences de la pauvreté rurale telle qu'elle se présente dans nos communautés nordiques et pour les Franco-ténois en particulier.

Le CDETNO est une organisation sans but lucratif fondée en 2003, qui a pour mission de promouvoir, stimuler et appuyer le développement économique chez les francophones et les francophiles des Territoires du Nord-Ouest. Nos champs d'intervention privilégiés sont le développement économique communautaire et l'employabilité, d'où notre intérêt à prendre part au présent exercice.

J'espère sincèrement que cette modeste contribution saura alimenter votre réflexion et contribuera positivement à votre nécessaire exercice de consultation.

L'Eldorado nordique : du mythe à la réalité. Ce n'est pas d'hier que l'immensité hyperboréenne des Territoires du Nord-Ouest alimente l'imaginaire collectif canadien. Depuis le XVIe siècle, nous nous rendons dans ce nord-ouest mythique, poussés par la soif d'aventure, séduits par l'appel de la nature, conquis par l'exaltation de la liberté, mais surtout guidés par l'espoir d'accéder à une prospérité économique qui nous échappe dans nos patelins natals.

Les coureurs des bois d'autrefois sont les travailleurs migrants d'aujourd'hui. Exilés de leur province où l'emploi manque, ils débarquent à Yellowknife, à Inuvik ou ailleurs, souvent sans repères autres qu'une vision idéalisée du Grand Nord, attirés par la promesse d'un PIB par habitant frisant la démesure, des salaires moyens parmi les plus élevés au pays et d'une manne apparemment intarissable de postes à combler.

Mais au-delà de ces attraits alléchants, l'Eldorado nordique est vite relativisé par une réalité socioéconomique qui s'apparente parfois à la misère d'un tiers-monde domestique. Espérance de vie fléchissante, faible taux de scolarisation, criminalité rampante, multiplication des mal-logés, voilà autant de facteurs qui minent la crédibilité de cette prospérité de façade que laissent pourtant supposer les indicateurs économiques traditionnels.

Ce déséquilibre entre la richesse économique et la pauvreté sociale tire ses origines dans une diversité de facteurs que nous nous proposons d'explorer : l'isolement et le coût de la vie, l'inaccessibilité à l'éducation postsecondaire et le manque de main d'œuvre, la situation des Autochtones et la faillite annoncée du modèle boom and bust.

Sur l'isolement et le coût de la vie, l'isolement géographique est probablement le pire facteur de pauvreté aux Territoires du Nord-Ouest. Étant donné l'éloignement de nos communautés et de l'augmentation des coûts de transport qui y est associée, le coût de la vie est prohibitif pour trop d'habitants du Nord.

Historiquement, les consommateurs ténois ont toujours payé et continuent de payer des coûts de carburant entre 5 et 25 p. 100 plus cher que les autres Canadiens. Ces coûts supplémentaires sont assumés en totalité par les entrepreneurs et résidents. À cet égard, chaque hausse du prix de l'essence a une conséquence dramatique sur le pouvoir d'achat de nos résidents.

Le logement aussi coûte cher. Le loyer moyen à Yellowknife pour un logement particulier est de 1 640 $ par mois et cela ne couvre pas les frais de chauffage et d'énergie qui sont bien sûr beaucoup plus élevés ici où nous avons huit mois d'hiver par année.

Pour les 16,3 p. 100 des familles dont le revenu est situé en deçà du seuil de faible revenu, cela signifie qu'elles doivent se priver des biens essentiels, renoncer à un niveau de vie décent et s'enfoncer dans le gouffre de l'endettement.

La qualité des infrastructures de transport laisse largement à désirer en termes quantitatifs et qualitatifs. Plusieurs communautés n'ont pas d'accès routier quatre saisons, n'ayant que l'avion et les routes de glace l'hiver pour les connecter aux autres communautés. En ce qui a trait aux infrastructures aéroportuaires, les Territoires du Nord-Ouest ont 29 petits aéroports, mais n'ont aucun aéroport de calibre international, ce qui limite sévèrement les occasions de développement économique et touristique.

Des pistes de solutions : développer les infrastructures routières et aéroportuaires, portuaires et maritimes, promouvoir la production et l'achat local pour réduire notre dépendance aux produits du Sud, réaliser des plans de développement économique communautaires dans les communautés des Territoires du Nord-Ouest afin de mobiliser plusieurs acteurs dans la même direction et offrir des mesures incitatives fiscales aux entreprises qui choisissent le Nord.

Sur l'inaccessibilité à l'éducation postsecondaire et le manque de main d'œuvre, le Canada est le seul État du monde circumpolaire sans université dans sa zone arctique. La majorité des jeunes ténois désireux de poursuivre des études postsecondaires n'ont pas d'autre choix que de quitter le territoire lorsque les quelques programmes collégiaux offerts localement ne suffisent pas à combler leurs ambitions académiques. Selon les données les plus récentes concernant l'enrôlement des Ténois aux études postsecondaires, 41 p. 100 de nos bénéficiaires de l'aide financière aux études sont inscrits dans des établissements scolaires situés à l'extérieur du territoire.

Nous sommes persuadés que cette situation contribue grandement à l'exode de nos jeunes les plus instruits. Malheureusement, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ne publie aucune donnée concernant le taux de retour des jeunes après leurs études postsecondaires et il ne nous est donc pas possible de mesurer précisément cet impact.

Pour les jeunes francophones, la situation est encore pire étant donné qu'aucun programme de formation postsecondaire en français n'est dispensé aux Territoires du Nord-Ouest. L'an dernier, nous avons célébré la toute première cohorte de finissants de l'école Allain St-Cyr, l'école francophone de Yellowknife. Parmi ces finissants, un seul a manifesté le désir de rester dans le Nord. Nous sommes très préoccupés par cette situation.

Le manque de main-d'œuvre qualifiée est un des enjeux qui limite le plus le développement de nos entreprises. Il faut donc à la fois former nos jeunes et recruter davantage à l'extérieur du territoire. Il importe également de s'assurer que la main d'œuvre ait accès à toute la formation et le perfectionnement en entreprise nécessaire dans la langue officielle de sa préférence.

Pistes de solutions : étendre l'offre de programmes d'études postsecondaires et de formation professionnelle disponibles aux Territoires du Nord-Ouest; appuyer le projet « Formacentre » pour l'éducation postsecondaire en français aux Territoires du Nord-Ouest; réaliser une étude quantitative et qualitative pour mieux cerner le phénomène de l'exode rural; promouvoir les carrières dans le Nord auprès des jeunes ténois; s'ouvrir davantage à l'immigration et offrir de la formation professionnelle aux travailleurs dans la langue officielle de leur choix.

Pour ce qui est de la situation autochtone, quoique leur part relative subit un effritement inexorable au fur et à mesure que nombre de migrants affluant au territoire augmente, les Amérindiens, les Métis et les Inuits comptent toujours pour 50,2 p. 100 de la population ténoise. Un Ténois sur deux est autochtone et, ici comme ailleurs, le fossé socioéconomique qui les sépare de la population non autochtone a des airs inquiétants.

Bien que l'on tende trop souvent de séparer les francophones et les Autochtones, voire de les antagoniser, il appert que le nombre d'autochtones ayant le français comme langue d'usage est trois fois plus élevé ici que dans l'ensemble du pays. Selon le recensement de 2006, les Autochtones forment 11,5 p. 100 du total de parlants français des Territoires du Nord-Ouest et un francophone unilingue des Territoires du Nord-Ouest sur cinq est autochtone. Ces chiffres seraient sans doute encore plus élevés si on ajoutait à ce nombre tous les locuteurs de michif français, une langue autochtone locale tellement apparentée au français qu'il est possible pour un francophone et un locuteur michif de soutenir la conversation sans faire répéter l'autre.

Pistes de solutions : offrir des programmes de lutte à la pauvreté adaptés aux sensibilités culturelles de la population; s'assurer que les programmes sont offerts équitablement dans la langue officielle préférée des bénéficiaires; et dégager du financement pour établir des partenariats entre les organisations autochtones et de CDÉTNO.

Sur la faillite annoncée du modèle boom and bust, l'économie des Territoires du Nord-Ouest repose essentiellement sur un seul secteur d'activités : l'extraction des ressources minières et gazières. En 2006, l'industrie minière et l'industrie du pétrole et du gaz ont contribué au PIB des Territoires du Nord-Ouest à la hauteur de 49,6 p. 100.

Si l'on doit reconnaître l'apport certain de ces industries au développement économique de nos communautés, on est tout de même en droit de se demander comment nous pouvons espérer fonder une économie durable sur des ressources épuisables.

Nous savons d'ores et déjà que nos mines et nos puits ne dureront pas. Nos mines de diamants auront donné leur dernière gemme avant 2030. Les gisements d'ancrage du projet gazier du Mackenzie sont prévus de durer 30 ans. Par le passé, nous avons été habitués par des fins en queue de poisson : Discovery, Port Radium, Pine Point, toutes d'anciennes communautés vibrantes devenues des villes fantômes dès le filon épuisé.

Pour établir une économie durable, il importe que nous diversifiions nos horizons. Le secteur du tourisme offre plusieurs avantages à cet égard. Il repose sur la préservation des écosystèmes plutôt que sur leur exploitation. Il permet à nos gens de travailler sur le territoire, une valeur très prisée par les Ténois. Alors que nos grands espaces sauvages représentent un attrait certain pour les visiteurs, le potentiel de cette industrie reste largement à développer.

Pendant ce temps, on constate une saine culture entrepreneuriale chez la population. De plus en plus de Ténois prennent l'initiative de créer leur propre entreprise dans des domaines divers qui ne se limitent pas aux ressources non renouvelables. Les Franco-Ténois sont particulièrement actifs à cet égard. En 2001, 60 francophones possédaient leur propre entreprise et nous estimons que ce nombre a augmenté depuis. En outre, les PME des Territoires du Nord- Ouest redonnent beaucoup à la communauté. Selon une étude récente de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, la presque totalité des PME du Nord a donné du temps et de l'argent à des œuvres de charité.

Pistes de solutions : favoriser le développement des secteurs durables de l'économie, dont le tourisme, les services et la culture; encourager les entreprises qui ont pignon sur rue dans le Nord; conclure une entente sur le transfert des responsabilités du fédéral au territorial et sur le juste partage des revenus provenant des ressources; offrir des services entrepreneuriaux en français; appuyer les organisations qui œuvrent à la diversification économique des Territoires du Nord-Ouest; et appuyer le renouveau du Plan d'action sur les langues officielles et y inclure une composante spécifique pour le développement économique.

Madame la présidente, honorables sénateurs, je vous souhaite à tous un agréable séjour dans notre communauté.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : J'ai posé au premier groupe de témoins que nous avons reçus ce matin une question sur l'absence d'ententes sur le développement économique régional entre les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut et le gouvernement du Canada pour favoriser la croissance économique. Vous avez tous des idées à ce sujet.

J'ai posé la question aux deux députés provinciaux qui ont témoigné avant vous et au maire. Y a-t-il des idées ou des plans concernant la création d'une espèce de conseil du Nord qui se réunirait et qui conviendrait d'une façon de négocier avec le gouvernement du Canada, conseil qui compterait dans ses rangs les trois députés, les trois sénateurs ainsi que les représentants des trois assemblées législatives territoriales?

Dans les deux territoires que nous avons visités jusqu'à maintenant, ce sont en partie les mêmes problèmes qui reviennent, et je pense que lorsque nous nous rendrons à Iqaluit jeudi, nous entendrons raconter les mêmes choses, sinon des choses pires. Il me semble que, puisqu'il y a l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, FedNor dans le Nord de l'Ontario et Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, cela laisse une lacune importance ici. Nous avons constaté l'existence des problèmes que vous avez tous décrits.

En même temps, je veux ajouter la question qui suit. Monsieur McLeod, vous avez parlé d'une route dans la vallée du Mackenzie. C'est une idée intrigante. Si nous devons construire un pipeline dans cette vallée, ce serait une bonne idée de faire tout le travail en même temps.

Quels sont les coûts estimatifs, et qui devrait les assumer?

Monsieur Lamoureux, j'ai été surpris — même si, j'imagine, je ne devrais pas l'être — et aussi consterné d'apprendre que le loyer moyen est de 1 640 $ à Yellowknife. Il semble que les loyers augmentent à mesure que nous nous déplaçons vers l'est, dans le Nord. Vous avez parlé de l'infrastructure du port. Je joue également un autre rôle au Sénat. Je suis membre du Comité des transports et des communications. Nous effectuons une étude sur les ports. J'aimerais que vous me parliez un peu plus de ça.

Dans l'ensemble, monsieur le ministre, pouvez-vous me parler des possibilités qu'offre l'exploitation des gazière en ce qui concerne la production d'électricité à moindre coût dans les Territoires du Nord-Ouest? Je sais que le fait de produire cette électricité ne signifie pas qu'elle est utilisée par les gens qui en ont besoin. Je ne suis pas assez naïf pour penser que cela se produit instantanément, mais il me semble qu'il y a là des possibilités.

M. McLeod : Je suis content que vous me posiez cette question, parce que je vous me donnez ainsi l'occasion de parler de certaines de mes bêtes noires.

Pour parler d'abord de la croissance économique, à cet égard, le rendement du gouvernement fédéral a été très inégal. Nous avons conclu avec celui-ci des ententes sur la croissance économique dans le cadre desquelles les coûts étaient partagés dans un rapport de 2 pour 1, ou de 70 pour 30, entre le gouvernement fédéral et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, puis, pendant neuf ans, nous avons été la seule région du Canada où il n'y avait aucun programme régional axé sur la croissance économique.

Il y a trois ans, le programme Investissements stratégiques dans le développement économique du Nord a vu le jour, mais il s'agissait d'un programme différent des ententes conclues précédemment avec le gouvernement fédéral au chapitre de la croissance économique, parce que, dans ce cas-ci, le gouvernement gardait l'argent. Il s'agissait d'un processus dans le cadre duquel il fallait présenter des demandes. Cela s'explique par de nombreux motifs de nature politique dont je ne vais pas parler ici.

La croissance économique est une chose très importante pour les Territoires du Nord-Ouest. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues du Nunavut et du Yukon. Cela comporte à la fois des avantages et des inconvénients. L'avantage de travailler ensemble, c'est que cela nous permet de nous exprimer d'une voix plus forte. L'inconvénient, c'est que, de façon générale, on veut appliquer un moule, que les trois territoires soient traités de la même façon, alors qu'ils sont différents.

Il y a d'autres problèmes. La présence du gouvernement fédéral dans les Territoires du Nord-Ouest a diminué de façon importante depuis 15 ou 20 ans. Beaucoup de ministères fédéraux n'ont plus de bureaux dans les Territoires du Nord-Ouest. Ainsi, lorsque nous voulons joindre les représentants d'un ministère, il arrive que nous devions téléphoner à Sarnia ou à Sudbury, par exemple. Ce n'est pas très pratique.

Je suis désolé, j'ai oublié l'autre question.

Le sénateur Mercer : C'était au sujet du gaz.

M. McLeod : Nous voyons le projet de pipeline le long du Mackenzie comme un projet d'ouverture du bassin. En Alberta et en Saskatchewan, on a foré 20 000 nouveaux puits par année. Dans les Territoires du Nord-Ouest, cependant, on a peut-être foré 50 nouveaux puits au cours des 20 dernières années, et c'est probablement une évaluation optimiste.

On n'a pas encore vraiment commencé à exploiter le potentiel des réserves de pétrole et de gaz. Les nappes de pétrole et de gaz qu'on a repérées sont encore là.

Le sénateur Mercer : Qui devrait payer la route?

M. McLeod : Dans le cadre du processus de transfert des responsabilités, le gouvernement fédéral a cédé de larges pans du programme des routes. Cependant, c'est toujours le gouvernement fédéral qui est responsable de la construction des nouvelles routes. Comme vous le savez, notre situation budgétaire fait que nous ne pouvons emprunter que 500 millions de dollars. Ainsi, nous ne sommes pas en mesure de financer la construction de la route de la vallée du Mackenzie.

Au départ, notre estimation, qui figurait dans les rapports Corridors for Canada et Connecting Canada, était d'environ 700 millions de dollars. Selon des estimations plus récentes et plus réalistes, il en coûterait environ deux milliards de dollars pour construire une route jusqu'à l'océan Arctique. Selon nous, il s'agit d'un travail à finir pour établir un lien entre les Territoires du Nord-Ouest et le reste du Canada, et nous pensons que c'est le gouvernement fédéral qui devrait payer.

[Français]

Batiste Foisy, recherchiste, Conseil du développement économique des Territoires du Nord-Ouest : En ce qui concerne le port, en fait, ce qui arrive, c'est qu'avec l'ouverture du passage du nord-ouest, une augmentation du trafic maritime dans l'Arctique est anticipée. On ne peut pas précisément dire quand cela va arriver, mais ce serait bien d'être préparé avant que cela se produise.

Évidemment, s'il y a une augmentation de l'industrie gazière dans la région du delta de Mackenzie et la mer de Beaufort, cela augmentera aussi le trafic fluvial et maritime. Alors, on pense que pour les besoins d'infrastructure, un port dans la région du delta serait judicieux. Par exemple, on peut penser au site de Tuktoyaktuk et également au site de Bathurst Inlet du côté du Nunavut qui sont considérés comme alternatives aux routes de glace pour se rendre aux mines. À partir de là, ils peuvent aller aux mines de diamants.

Évidemment, c'est important d'augmenter la mobilité des marchandises et de la population. C'est un défi vraiment central pour la diminuer le coût de la vie aux Territoires du Nord-Ouest. Cela va de paire évidemment avec, comme M. McLeod disait, la construction d'une route dans la vallée du Mackenzie, l'infrastructure routière et l'infrastructure aéroportuaire parce qu'on n'a pas d'aéroport international aux Territoires du Nord-Ouest.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Madame Christensen, vous avez parlé dans votre exposé du fait que la salubrité des aliments était l'un des trois principaux problèmes de santé publique dans le Nord. Je ne pense pas que vous ayez cité les deux autres. Nous pourrions probablement deviner juste, mais pourriez-vous nous dire quels sont les deux autres problèmes, pour le compte rendu?

Mme Christensen : J'étais auparavant présidente de la direction des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut de l'Association canadienne de santé publique. Nous avons fait une étude au printemps.

Un autre problème, c'est le renforcement des capacités des collectivités. Ainsi, à cet égard, nous nous penchons sur le fait que nos spécialistes de la santé viennent du Sud. Il y a peu de gens dans le Nord qui ont une formation dans les différents domaines de la santé, et nous aimerions nous pencher sur ce problème.

De façon générale, les petites collectivités manquent de ressources communautaires. Nous examinons les problèmes liés à la santé publique, notamment celui du surpeuplement des maisons, celui de l'infrastructure et celui des maladies transmissibles qui en découlent.

Le sénateur Mercer : Ma dernière question s'adresse à Mme Savoie. Si le Programme de contestation judiciaire du Canada, qui a été supprimé par le gouvernement au pouvoir, était encore en place, est-ce que cela aurait été utile, par rapport à certains des services que vous avez parlé de fournir en mettant sur pied un bureau d'aide juridique sans but lucratif, et est-ce que cela aurait comblé une partie des besoins?

Mme Savoie : Oui, surtout en ce qui concerne les contestations judiciaires. Ce programme aurait certainement été utile dans les cas de litiges constitutionnels ou ayant trait aux dispositions de la Charte.

Le sénateur Mahovlich : Lorsque j'étais petit garçon et que je vivais dans le Nord de l'Ontario, j'étais très pauvre, mais c'était la période la plus heureuse de ma vie. Je suis venu ici, et j'ai lu un poème de Robert Service sur les joies de la pauvreté. Il y a peut-être des gens qui aiment être pauvres. Je ne sais pas. Il y a beaucoup de joie dans la pauvreté.

Nous constatons qu'il y a moins de gens pauvres parmi ceux qui ont un bon degré de scolarité dans l'ensemble du Canada. Ici, dans les Territoires du Nord-Ouest, il n'y a pas d'université, mais il y a des mines. Les mines contribuent- elles en quoi que ce soit à l'éventuelle création d'une université à Yellowknife? Pensez-vous que c'est un projet réalisable?

Si nous trouvions le moyen de leur offrir une formation dans le Nord, les jeunes cesseraient de s'exiler.

Patrick Lachapelle, agent de développement économique, Conseil du développement économique des Territoires du Nord-Ouest : Je vais répondre en anglais du mieux que je peux.

C'est sûr que les mines offrent une formation aux gens des différentes collectivités. Comme mon collègue l'a mentionné, nous pensons que les mines pourraient servir de levier de croissance économique dans nos collectivités. Cependant, nous devons envisager les choses à plus long terme; nous devons penser à la diversification de l'économie.

Une université permettrait aux gens de la région d'acquérir des connaissances différentes et les aiderait à assurer leur propre croissance en leur donnant les moyens de lancer différentes initiatives.

Je ne veux pas parler à la place des sociétés minières, mais j'ai l'impression que la formation qu'elles offrent n'a trait qu'aux métiers pertinents dans le cadre des projets en cours. Est-ce qu'il sera possible d'utiliser les compétences acquises dans d'autres domaines, si nous savons que les mines vont fermer un jour? C'est une autre question que nous pourrions poser.

Le sénateur Mahovlich : C'est vrai, parce que nous devons assurer la durabilité dans le Nord de l'Ontario, et nous devons envisager l'avenir. Nous avons entendu dire que les sociétés minières mettraient peut-être fin à leurs activités en 2030. Nous devons donc faire en sorte qu'elles ne partent pas d'ici sans que l'avenir du Nord soit assuré. À Sudbury, je pense que l'Université Laurentienne est bien établie. C'est en pleine expansion. Il y a maintenant des hôpitaux à Timmins, les gens du Nord se tournent vers Timmins lorsqu'ils envisagent la durabilité.

M. Lachapelle : Le maintien de la population est très important. Pour ma part, j'habite ici depuis quelques années, et maintenant, je pars parce que je n'ai aucun moyen de poursuivre mes études ici. C'est en partie pourquoi tant de gens s'en vont.

Le sénateur Mahovlich : C'est une très bonne raison.

M. McLeod : C'est l'un des inconvénients de la vie dans le Nord : nous n'avons pas d'établissements d'enseignement supérieur. En revanche, nous avons le Collège arctique du Nunavut et le Collège Aurora, en plus de partenariats avec des universités et des collèges communautaires au sud qui octroient des crédits.

Les responsables des mines de diamants ont fait preuve d'imagination pour soutenir l'effectif. Ils ont introduit des programmes d'alphabétisation pour certains employés autochtones. Cette mesure a vraiment contribué à leurs progrès. Ils ont négocié avec les gouvernements autochtones des ententes sur l'accès et les avantages dans le cadre desquelles ils offrent des bourses d'études. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, la collectivité de Behchoko, en cinq ans, est passée de 5 à 148 étudiants de niveau postsecondaire. Elle a fait beaucoup de chemin.

En ce qui concerne les universités, l'Arctique circumpolaire s'est doté d'une université virtuelle, fruit d'une collaboration entre les pays circumpolaires.

Quant à l'établissement d'une université et de l'infrastructure connexe, j'estime, vu notre population, que l'ouverture d'une université dans le Nord n'aura probablement pas lieu de sitôt.

Le sénateur Sibbeston : Je veux seulement souligner que les témoins ici présents ont donné des renseignements sur Yellowknife. Je ne voudrais surtout pas que les sénateurs ou le public pensent que la situation de Yellowknife reflète celle de tout le Nord. La situation à Yellowknife est, selon moi, très différente de celle des collectivités éloignées.

Pour ce qui est de la pauvreté, je crois qu'il s'agit d'un concept bien relatif. Le revenu moyen à Yellowknife en 2004 s'établissait à 51 506 $. Dans une petite collectivité comme Wrigley, ce chiffre est de 21 500 $. À Good Hope, il est de 28 000 $. Je suis certain que dans les collectivités encore plus éloignées, comme Trout Lake et Deline, le revenu moyen est inférieur.

Lorsque je vais à Trout Lake ou à Deline, j'ai l'impression d'arriver dans une terre d'abondance. J'estime que les gens y vivent comme des rois. C'est peut-être la même chose dans la collectivité de Lutsel K'e, puisqu'elle est située près du Grand lac des Esclaves. Les habitants des régions éloignées du Nord ne se sentent pas privés, et ils ne se sentent pas pauvres.

Je vois qu'une dame me fait les gros yeux. Je ne veux surtout pas laisser entendre que Yellowknife est l'apothéose de la vie dans le Nord et que tous ceux qui font de l'argent regardent de haut ceux qui en font moins.

À Trout Lake et à Deline, les gens vivent au bord d'un lac où ils peuvent installer un filet. Parfois, ils regardent par la fenêtre et voient passer tout près de la maison des caribous qu'ils peuvent abattre. Dernièrement, des gens de Fort Simpson sont venus et m'ont donné du caribou en échange d'une chambre. Il est arrivé que des gens me donnent du poisson en échange d'une chambre. Je me tourne vers ces collectivités éloignées pour obtenir des aliments qu'on ne peut pas trouver ailleurs.

Peut-être que tout le monde pourrait dire quelque chose sur le sujet. Ce dont vous parlez, c'est non le Nord, mais bien Yellowknife. Comme l'a dit le sénateur Mahovlich, une personne peut très bien vivre dans une collectivité éloignée, gagner un revenu beaucoup plus bas, mais être très heureuse. Ainsi, il ne faut pas envisager la situation des collectivités éloignées en disant : « Ces pauvres gens, ces pauvres Autochtones misérables qui ne gagnent même pas 51 000 $ en moyenne par année. » Ce serait une erreur imputable au fait que notre culture — celle des Blancs, en l'occurrence — valorise les gens qui possèdent une grande maison, qui touchent un salaire de 100 000 $ par année, qui ont accès à des moyens de transport et à des services et qui se rendent souvent à Edmonton, au sud.

Les habitants de Willow River, par exemple, et de ces petites collectivités éloignées, vivent très heureux. Ils sont absolument satisfaits. Je n'aime pas l'idée selon laquelle, parce que ces gens ne gagnent pas 51 000 $ par année comme ceux de Yellowknife, on devrait les prendre en pitié, les regarder de haut et les plaindre de vivre dans un monde de pauvreté.

J'irais jusqu'à dire qu'ils sont plus heureux. Leurs circonstances sont meilleures que celles de la plupart des habitants de Yellowknife. Ils subissent moins de stress. Ils sont près de leur famille. Ils ne s'ennuient pas des membres de leur famille. Ils ne s'ennuient pas d'une terre au sud parce qu'ils vivent déjà sur la leur, au bord du lac ou dans la région.

Pensez-y bien. Qu'en dites-vous? Ai-je raison, ou ai-je fait fausse route quelque part? Je suis peut-être à Ottawa depuis trop longtemps.

Mme Christensen : Avec le respect que je vous dois, permettez-moi de signaler que, lorsque j'ai préparé mon exposé, j'ai effectivement consulté les habitants de Lutsel K'e au sujet de certaines des situations là-bas, et ils ont l'impression que, comme je l'ai dit, bien qu'ils n'utilisent pas le terme « pauvreté » pour décrire leur situation, ils sont certainement aux prises avec un exode des jeunes de la collectivité. Personne ne peut empêcher l'influence de la télévision, entre autres choses, sur leur vie.

Lorsque j'ai préparé mon exposé, j'ai effectivement parlé aux habitants des collectivités que nous représentons. Je sais que la pauvreté est un bien grand mot, et que la richesse prend de nombreuses formes. C'est pourquoi j'ai formulé des suggestions concernant le maintien de la culture et des moyens de subsistance traditionnels, car cet aspect est d'une grande importance pour les collectivités.

[Français]

M. Lamoureux : Je trouve les commentaires du sénateur Sibbeston très intéressants. C'est vrai qu'on n'a pas besoin, comme il a dit, d'être riche pour être heureux, sauf qu'il y a beaucoup de problèmes que Mme Christensen a mentionnés et elle pourrait m'appuyer là-dessus.

J'ai un ami qui est infirmier et il y a beaucoup de problèmes d'alcool et de toxicomanie dans les communautés. Il y en a qui peuvent vivre sans argent et être heureux, mais le problème d'alcoolisme et de toxicomanie, par contre, je pense qu'il faudrait en parler, faire le pour et le contre, mais il y a un point à regarder là-dessus.

[Traduction]

M. McLeod : Le sénateur Sibbeston et moi avons grandi dans de petites collectivités, je n'ai donc pas besoin de débattre la question avec lui. Parmi les gens les plus heureux que je connaisse, certains ont grandi dans de petites collectivités. Toutefois, comme il est question des politiques du gouvernement, je ne veux pas donner au comité l'impression que tout va bien dans les collectivités et que les gens sont heureux, et qu'ils n'ont donc pas besoin de soutien.

Notre gouvernement offre beaucoup de soutien du revenu aux collectivités. La vie dans ces collectivités suppose bon nombre de difficultés. À Sachs Harbour, par exemple, une personne qui gagne 95 000 $ par année a encore besoin d'aide pour joindre les deux bouts.

Au fil des années, les populations d'animaux sauvages ont diminué. Les caribous sont gravement en danger. Il ne faut pas oublier que la population des petites collectivités adhère toujours à un tel mode de vie, mais le pratiquer devient de plus en plus difficile.

Mme Savoie : Il se trouve que je suis d'accord avec les remarques du sénateur. Dans les collectivités, nous constatons que les gens sont beaucoup plus heureux lorsqu'ils adoptent un mode de vie simple.

J'ai étudié la dynamique de ce phénomène et tenté de mettre au point et d'adapter un modèle clinique, étudié surtout à Yellowknife, aux collectivités. Je crois que, pour mobiliser ces collectivités, il faudra effectuer des visites et s'asseoir autour d'une table, comme on le fait aujourd'hui, pour déterminer quels sont les problèmes. Pour certaines collectivités, il peut s'agir de drogues et d'alcool ou de problèmes économiques, tandis que d'autres doivent peut-être encore se pencher sur le problème des pensionnats indiens, et cetera. Nous pourrions fonder nos cas types sur les problèmes propres à chaque collectivité. Si elles n'ont pas de problème, nous leur offrons les services disponibles. Nous espérons que, ce faisant, les habitants des collectivités croiront à notre sincérité et voudront participer.

Le sénateur Peterson : Monsieur McLeod, pourquoi envoyez-vous vos redevances sur l'exploitation des ressources à Ottawa? Comment pourrait-on changer cette pratique?

M. McLeod : Nous n'envoyons pas de redevances sur l'exploitation des ressources. Nous sommes un territoire, et non une province. Une province est propriétaire de ses terres et de ses ressources, c'est pourquoi elle peut établir et percevoir ses propres redevances. Dans les Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement fédéral est propriétaire des terres et les gère jusqu'à ce que les revendications territoriales soient réglées et que la dévolution prenne place. Comme l'a déclaré un ancien premier ministre fédéral, le rôle du gouvernement fédéral est de délivrer des permis et de percevoir des redevances. Ainsi, toutes les redevances vont au gouvernement fédéral.

Nous négocions le transfert des responsabilités et le partage des recettes tirées de l'exploitation des ressources et depuis quelque 20 ans, et c'est le dernier gouvernement de la quinzième Assemblée législative des Territoires du Nord- Ouest qui est passée le plus près de conclure une entente. Quatre questions financières devaient être réglées, mais nous n'avons pas réussi à le faire. Ainsi, avec la présente Sssemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, nous tenterons notre chance à nouveau.

On a intégré le partage des recettes tirées de l'exploitation des ressources aux négociations relatives à la péréquation. Le gouvernement fédéral a conçu une nouvelle formule pour la péréquation dans le cadre de laquelle il inclut 50 p. 100 des recettes tirées de l'exploitation des ressources au processus de péréquation avec les provinces, et il a étendu cette formule pour l'appliquer aux Territoires du Nord-Ouest. Les recettes tirées de l'exploitation des ressources, de par leur nature, varient d'une année à l'autre; parfois, elles sont élevées, parfois, basses. Il y a deux ans, Ottawa recevait 250 millions de dollars par année en redevances sur l'exploitation des ressources. Dernièrement, le gouvernement fédéral n'a reçu qu'environ 150 millions de dollars selon les Comptes publics du Canada. Si l'on ne tient pas compte du montant reçu de Norman Wells, somme que le gouvernement fédéral a indiqué ne pas considérer comme une redevance pour les ressources, les chiffres diminuent considérablement.

Le sénateur Peterson : Il semble qu'on vous demande de fournir les services d'une province; pourtant, vous êtes aux prises avec des contraintes financières. La péréquation parvient-elle même à aider à rétablir l'équilibre?

M. McLeod : Non, ce n'est pas le cas. Nous avons négocié une entente relative à la formule de financement des territoires. En tant que nouveau gouvernement, nous effectuons actuellement un exercice de réduction budgétaire, parce qu'elle ne va certainement pas assez loin.

La présidente : Nous entendrons maintenant la représentante du Conseil sur la condition de la femme des Territoires du Nord-Ouest.

Sharon Thomas, directrice exécutive, Conseil sur la condition de la femme des Territoires du Nord-Ouest : J'ai tenté de raccourcir mon exposé, mais le sujet est vaste.

J'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de présenter nos préoccupations et nos recommandations en ce qui concerne la pauvreté rurale au Canada et, particulièrement, la pauvreté dans les Territoires du Nord-Ouest.

La pauvreté n'est décidément pas un nouveau problème aux yeux du Conseil sur la condition de la femme des Territoires du Nord-Ouest. Depuis la constitution de notre organisme, suivant l'entrée en vigueur de la Loi portant création du conseil sur la condition de la femme, en 1990, qui lui a conféré le mandat de promouvoir l'égalité sur les plans politique, économique et social dans les Territoires du Nord-Ouest, nous nous efforçons de trouver des moyens de réduire la pauvreté.

Le conseil travaille en étroite collaboration avec des femmes et des organismes communautaires pour cerner les obstacles et mettre au point des solutions visant à améliorer la condition de la femme et à promouvoir l'égalité des sexes. Voici des exemples d'objectifs du conseil : accroître l'accès à des services de garde abordables, de bonne qualité et accrédités dans les collectivités des Territoires du Nord-Ouest; lutter contre la pauvreté et intervenir à l'égard du Programme d'aide au revenu, y compris militer en faveur de changements importants au programme; accroître le nombre de femmes dans les métiers et les domaines techniques; réduire la violence familiale et la violence contre les femmes et les filles; soutenir le perfectionnement des aptitudes au leadership des femmes et des filles; atténuer les impacts socioéconomiques découlant d'importants projets d'exploitation des ressources; régler les cas de harcèlement au travail qui échappent aux dispositions législatives relatives aux droits de la personne; militer pour la création et la mise sur pied de la Commission des droits de la personne des Territoires du Nord-Ouest, établie le 1er janvier 2004.

Le conseil a également donné naissance à de nombreux projets qui ont contribué à la lutte contre la pauvreté, y compris des projets touchant l'emploi et la formation. Le conseil croit fermement qu'il faut mettre en place des programmes pour s'assurer que les femmes intéressées peuvent bénéficier d'une formation et être recrutées et embauchées dans ces secteurs. Une telle démarche sera en harmonie avec les politiques fédérales et territoriales visant la promotion de l'égalité de la femme sur le plan économique et augmentera également le nombre d'habitants des Territoires du Nord-Ouest en mesure de combler les nombreux nouveaux emplois actuellement créés.

On doit immédiatement commencer à se préparer aux impacts socioéconomiques de l'augmentation des activités se rattachant au développement des pipelines en prêtant une attention toute particulière aux collectivités les plus touchées. Nous sommes ravis d'apprendre que le gouvernement fédéral concrétisera son engagement à consacrer cinq millions de dollars à la création d'un fonds d'atténuation des retombées socioéconomiques. Nous militons pour la mise sur pied dans les collectivités de comités qui surveilleront les progrès au chapitre de la préparation aux impacts.

En mars 2007, nous avons obtenu 1,7 million de dollars de Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC) pour l'exécution d'un projet de recherche triennal relatif à la présence des femmes du Nord dans les secteurs miniers, pétrolier et gazier. D'autres fonds ont été obtenus d'Affaires indiennes et du Nord Canada, AINC, du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, GTNO, du Collège Aurora et des trois mines de diamants, soit De Beers Canada Inc., BHP Billiton Diamonds Inc. et Diavik Diamond Mines Inc. Nous offrons actuellement des programmes de formation dans les métiers pour débutantes et des services de soutien globaux destinés aux femmes défavorisées qui souhaitent pratiquer un métier.

Les femmes sont encore exclues du boom économique des secteurs minier, pétrolier et gazier. Le manque de services de garde, le fait que le recrutement ne cible pas les femmes et que les programmes de formation sont inadéquats demeurent sources de préoccupation. Le projet portera sur la question de recherche suivante : compte tenu du nombre actuel de femmes sans emploi ou sous-employées dans les Territoires du Nord-Ouest, une approche stratégique consacrée exclusivement aux femmes et axée sur des partenariats visant la formation et le perfectionnement réussira-t- elle à hausser le niveau d'intérêt et le taux de participation et de maintien en poste des femmes qui exercent des professions industrielles et des métiers dans les industries minière, pétrolière et gazière du Nord?

Le conseil sait que, afin d'aller de l'avant avec son mandat visant à promouvoir l'égalité de la femme sur les plans politique, économique et social dans les Territoires du Nord-Ouest, de nombreuses autres femmes doivent être en mesure de jouer un rôle de leadership au sein des ordres de gouvernement régional, territorial et fédéral et être disposées à le faire. Nous encourageons tous les ordres de gouvernement à participer à la concrétisation de ce projet.

Le Conseil sur le statut de la femme croit que la violence familiale est un facteur de risque important en matière de pauvreté. Selon l'étude de 2006 intitulée Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques, une femme autochtone sur quatre est maltraitée par son conjoint. Au bout du compte, la violence conjugale est cinq fois supérieure à la moyenne nationale. Nous encourageons le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest à continuer d'offrir les ressources nécessaires pour mettre en œuvre le cadre pour l'étape II de son plan d'action sur la violence familiale et à continuer à travailler de pair avec les ONG pour trouver des façons de réduire l'incidence élevée de violence familiale dans les Territoires du Nord-Ouest.

Le gouvernement fédéral doit aussi jouer un rôle dans tout ça. L'argent destiné aux initiatives sur la violence familiale devrait être accessible aux populations hors réserve comme à celles dans les réserves. On a souvent attiré l'attention du gouvernement fédéral sur ce sujet.

Le conseil a toujours reconnu l'existence d'un obstacle important à l'instruction, à la formation, à l'emploi, à la guérison et au rétablissement des femmes, soit le manque de services de garde abordables. Nous avons sans cesse fait valoir au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest l'importance d'accroître les subventions d'exploitation octroyées aux centres de garde pour qu'ils soient viables, pour s'assurer que les immeubles sont adéquats, pour augmenter le salaire des éducateurs en garderie et leur offrir une formation adéquate. Cela ne s'est toujours pas produit.

En 2007, le conseil a assisté à une consultation qui traitait de l'Initiative sur les places en garderie et a présenté des recommandations semblables à celles mentionnées ci-dessus. Nous n'avons toujours pas vu le rapport qui devait nous être acheminé, et le gouvernement conservateur tarde toujours à mettre en œuvre l'une ou l'autre des recommandations présentées dans le cadre de la consultation. Nous croyons que les services de garde sont la principale ressource dont les femmes ont besoin pour trouver un emploi, et que le manque de services de garde abordables et de bonne qualité est le principal obstacle à l'emploi des femmes.

Le conseil est toujours frustré par l'absence d'analyses comparatives entre les sexes aux fins de l'élaboration et de l'exécution des programmes du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. En vertu des engagements internationaux du Canada à l'égard de l'égalité des femmes et de la politique du GTNO relative à l'égalité des hommes et des femmes aux Territoires du Nord-Ouest, le GTNO est tenu d'examiner tous les programmes et toutes les politiques en fonction des deux sexes. Le conseil croit que le GTNO ne suit pas sa propre politique et n'a pas intégré l'analyse comparative entre les sexes à ses travaux courants. Ce travail, qui devait être financé par Condition féminine Canada, a été retardé parce que l'organisme a perdu son financement destiné à la recherche et à la défense des droits des femmes sous le régime de l'actuel gouvernement conservateur. Nous sommes convaincues que l'analyse comparative entre les sexes devrait être pleinement intégrée à tous les aspects de la planification et de la l'exécution de programmes gouvernementaux.

Le conseil est persuadé que toutes les questions mentionnées pendant mon exposé ont un impact colossal sur la pauvreté et continuent à désavantager les femmes en général, et les mères seules en particulier, y compris les adolescentes. Pendant bien des années, le conseil a exprimé des inquiétudes concernant le taux d'itinérance et le manque de logements abordables, de refuges adéquats, de services de garde abordables et de qualité et, enfin, de financement permettant de corriger ces lacunes. Nous observons un lien incontestable entre la pauvreté et le logement et d'autres besoins, comme les services de garde et le transport.

La recherche financée par Condition féminine Canada a montré que les problèmes liés à l'emploi et les épreuves vécues pendant l'enfance et à l'âge adulte sont des facteurs qui entrent en jeu dans le cycle de la pauvreté. La recherche sur l'incidence des épreuves vécues pendant l'enfance et l'adolescence sur la vie adulte est loin d'être exhaustive, mais peu nieraient l'existence d'un lien.

Ces conclusions de recherche reflètent très fidèlement la situation d'un grand nombre d'habitants des Territoires du Nord-Ouest. Le taux de troubles liés au stress post-traumatique et aux traumatismes est excessivement élevé et a de graves répercussions non seulement sur la santé et le bien-être des personnes aux prises avec ces problèmes, mais aussi sur le développement socioéconomique des Territoires du Nord-Ouest.

Un coup d'œil sur les statistiques des Territoires du Nord-Ouest fournies par le Bureau de la statistique des Territoires du Nord-Ouest permet de bien mesurer l'ampleur des problèmes auxquels nous sommes confrontés. En 2001, les familles monoparentales représentaient 20 p. 100 des familles des Territoires du Nord-Ouest. Aux Territoires du Nord-Ouest, 75 p. 100 des chefs de famille monoparentale sont des femmes. Les femmes des Territoires du Nord- Ouest ont des enfants à un plus jeune âge que les Canadiennes en général. En 2002, le taux de naissance d'enfants dont la mère est âgée de 15 à 19 ans était trois fois supérieur au taux national. En moyenne, les frais de garde pour un enfant s'établissent entre 600 et 700 $ par mois. En 2002, 15 p. 100 des femmes actives des Territoires du Nord-Ouest travaillaient à temps partiel, contre 8 p. 100 chez les hommes.

En 2000, les femmes étaient propriétaires majoritaires de 16 p. 100 des commerces dans le Nord. En 2000, le revenu moyen des femmes des Territoires du Nord-Ouest, toutes sources combinées, s'établissait à 29 911 $, soit à 75 p. 100 du revenu moyen des hommes, qui s'élevait à 39 795 $. En 2000, les femmes des Territoires du Nord-Ouest, dans une proportion de 38,8 p. 100, touchaient un revenu inférieur à 15 000 $, et 15,5 p. 100 gagnaient 50 000 $ ou plus. En 2000, le revenu moyen des familles monoparentales dirigées par une femme dans les Territoires du Nord-Ouest s'établissait à 34 178 $, comparativement à 44 366 $ pour les pères seuls et à 94 637 $ pour les familles dirigées par un couple marié.

En 2005, aux Territoires du Nord-Ouest, 13 p. 100 des femmes âgées de plus de 15 ans n'avaient pas terminé leur neuvième année, 21 p. 100 avaient un diplôme d'études secondaires, 29 p. 100 avaient un autre diplôme ou certificat, et 15 p. 100 avaient un diplôme universitaire. Le taux de chômage dans les grands centres s'élève à environ 6,8 p. 100, mais peut atteindre des sommets de 50 p. 100 dans les plus petites collectivités. Aux Territoires du Nord-Ouest, 35 p. 100 de la population âgée de plus de 15 ans n'a pas de diplôme d'études secondaires, et le taux d'obtention de diplôme est de 40 p. 100, comparativement à 74 p. 100 pour tout le pays.

Les Territoires du Nord-Ouest ont connu un essor économique au cours des dernières années, et le revenu disponible par habitant a augmenté; pourtant, bien des femmes n'ont pas goûté à la prospérité découlant de cette augmentation, et beaucoup d'entre elles n'ont pas même atteint un niveau de vie adéquat. Le coût extrêmement élevé de la vie signifie que, dans bien des cas, le salaire est consacré aux loyers élevés et aux services publics coûteux, y compris le chauffage, le prix élevé de l'épicerie, du transport, des services de garde, de l'essence et d'autres choses essentielles, comme les vêtements et autres nécessités de la vie.

Les femmes à faible revenu voient leurs occasions d'emploi limitées et, la plupart du temps, occupent des postes à temps partiel au salaire minimum assortis de bien peu d'avantages sociaux. Les possibilités d'emploi qui s'offrent aux mères seules sont limitées, voire inexistantes, dans certaines collectivités des Territoires du Nord-Ouest et, en général, ces débouchés ne leur offrent pas de moyen réaliste d'être économiquement autonomes et de le rester. Les emplois les plus facilement accessibles sont essentiellement des postes au bas de l'échelle salariale, notamment le travail en garderie, les postes de serveuse, de concierge et de femme de ménage. Les occasions de travailler pour des organisations non gouvernementales sont plus nombreuses dans les Territoires du Nord-Ouest, mais ces postes n'offrent pas des salaires beaucoup plus élevés. Pour augmenter leurs revenus, beaucoup de femmes sont contraintes à prendre plus d'un emploi, ce qui met en péril leur santé et leur bien-être.

Les résidents permanents, les employés temporaires, les aides familiaux résidants, les réfugiés et d'autres nouveaux arrivants au Canada se heurtent à de nombreux obstacles lorsqu'ils s'installent aux Territoires du Nord-Ouest avec leur famille. Ceux-ci comprennent l'accès à l'emploi, au logement et à d'autres services, la reconnaissance de leurs titres de compétences, l'apprentissage de l'anglais, le racisme et le changement de climat et de culture, pour ne nommer que ceux-là. Citoyenneté et Immigration Canada partage la responsabilité avec le gouvernement territorial à l'égard des nouveaux arrivants. La capacité d'offrir les services nécessaires est minime, et le GTNO n'est doté d'aucun organe ayant pour mandat d'examiner et de régler les questions relatives aux nouveaux arrivants. Bien des personnes qui profitent de nos services sont aux prises avec des problèmes propres à l'immigration et au statut de réfugié.

Comme nous n'avons pas de réserves dans les Territoires du Nord-Ouest, il est difficile de trouver des collectivités où la pauvreté est aussi flagrante que dans les réserves et les collectivités rurales éloignées dans le Sud. Même lorsque ces groupes viennent à Yellowknife ou entendent parler du boom économique des Territoires du Nord-Ouest, on ne reconnaît pas le fait qu'il existe de petites collectivités, principalement autochtones, où la pauvreté fait partie du quotidien. Dans bien des cas, les coûts liés au transport, à l'expédition de biens entre le Nord et le Sud et l'absence de routes dans le Nord font gonfler le coût de la vie, ce qui augmente le niveau de pauvreté. Les besoins fondamentaux, comme l'alimentation et le logement adéquat, dans bien des cas, ne sont pas comblés. Les problèmes sociaux tels que la dépendance et les troubles de santé mentale ne font qu'aggraver la situation de nombreuses collectivités. Il existe peu de ressources, voire aucune, pour régler ces problèmes. Certaines collectivités n'ont pas accès à des agents de la GRC, à des travailleurs sociaux, à des infirmières et à des conseillers.

Le coût élevé de la vie et le manque de logements abordables minent la capacité d'un grand nombre de personnes de combler leurs besoins fondamentaux liés à l'alimentation, au logement et aux vêtements. Selon une récente étude sur l'itinérance, des milliers de femmes et leurs enfants au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut vivent soit une itinérance absolue — c'est-à-dire qu'elles vivent dans la rue ou dans un refuge d'urgence —, soit une itinérance relative ou non recensée, n'ayant d'autre choix que de vivre dans un logement non sécuritaire, insalubre ou dangereux.

Comme l'indique le rapport territorial intitulé L'itinérance commence à devenir normale : Une étude de l'itinérance des femmes itinérantes au Nord du 60e parallèle dans les Territoires du Nord-Ouest, « peu d'entre elles comprennent la constellation complexe de facteurs convergents », notamment les pleines répercussions des pensionnats indiens et la perte de la culture et de la langue autochtone pour bien des familles.

À l'époque où la plupart des habitants du Nord vivaient de la terre et se déplaçaient pour travailler dans des réseaux de piégeage et accomplir d'autres travaux saisonniers, les gens n'avaient pas l'occasion de constituer un fonds de pension et de cotiser au Régime de pensions du Canada. Aujourd'hui, ces personnes âgées sont privées de cette ressource lorsqu'ils atteignent l'âge de 60 ans. Si une personne âgée ne peut plus travailler à 60 ans à cause d'une quelconque circonstance personnelle, elle n'a aucun autre recours que l'aide sociale. Il s'agit d'une mesure qui, dans le meilleur des cas, n'offre que le strict minimum pour vivre.

En guise de conclusion, j'aimerais faire valoir que, même si les Territoires du Nord-Ouest vivent une prospérité grandissante et beaucoup de personnes profitent d'une réussite financière énorme, il y a un fossé qui s'élargit sans cesse entre les gens qui ont un revenu élevé et ceux qui ont un revenu faible ou nul. Les peuples autochtones, les personnes handicapées, les familles monoparentales, les immigrants récemment arrivés au Canada et les personnes âgées, surtout les femmes, continuent de compter parmi les groupes démographiques les plus touchés par la pauvreté continue à comprendre.

Aux Territoires du Nord-Ouest, cela se traduit par de graves problèmes qui ont des effets néfastes sur la santé et le bien-être de beaucoup d'habitants. Il faudra des ressources financières énormes, certes, mais les dirigeants autochtones, territoriaux, fédéraux et régionaux devront également faire preuve de vision, de leadership, ainsi que d'une détermination et d'une persévérance soutenues pour que nous puissions nous attaquer à ces problèmes complexes et parfois insaisissables. Il faut concevoir des approches audacieuses et originales pour aborder ces questions sociales complexes. Cela devrait devenir une priorité, non seulement pour le gouvernement territorial, mais aussi pour le gouvernement fédéral.

Voici nos recommandations : il est essentiel que le Canada mette au point une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, assortie d'une vision à long terme et de cibles et d'objectifs mesurables. Des consultations avec les gouvernements territoriaux et autochtones des Territoires du Nord-Ouest devraient être organisées dans un avenir proche.

Le gouvernement fédéral doit absolument travailler avec diligence pour régler les questions en suspens liées aux revendications territoriales et aux droits issus de traités des Premières nations et d'autres groupes autochtones. On a démontré, dans les Territoires du Nord-Ouest, que le règlement de ces revendications permet aux gouvernements autochtones de se concentrer davantage sur la résolution des problèmes de leurs collectivités. On devrait accorder plus d'attention à ces initiatives positives et faire plus de recherches sur ce sujet.

Le gouvernement fédéral doit absolument majorer la part des revenus versée aux Territoires du Nord-Ouest. Le nouveau gouvernement territorial est en train de réduire le budget de 135 millions de dollars. Les groupes communautaires et les organisations non gouvernementales se démènent pour continuer à offrir leurs services. Ils ont besoin d'un soutien financier supplémentaire pour dispenser les seuls services actuellement offerts aux sans-abri et aux petits salariés, aux victimes et aux laissés-pour-compte. Sans ces organismes et le secteur bénévole, la situation s'aggraverait encore davantage. Il faut accorder plus de reconnaissance aux groupes qui se dévouent corps et âme à ces gens pour s'assurer qu'ils ne restent pas au froid dans la rue ou dans les bois parce que le coût de la vie est trop élevé dans les Territoires du Nord-Ouest.

Le gouvernement fédéral doit absolument mettre en œuvre un programme national relatif aux services de garde. Des consultations pancanadiennes ont déjà eu lieu. Des mesures devraient être prises dès la publication du rapport.

Il faut arrêter de pénaliser les Territoires du Nord-Ouest parce qu'ils n'ont pas de réserves. Les Autochtones des Territoires du Nord-Ouest devraient être en mesure d'accéder à l'argent du gouvernement fédéral destiné aux réserves. Par exemple, l'argent consacré à la prévention de la violence familiale devrait être distribué aux territoires pour qu'ils puissent mettre en œuvre les programmes et les services qui s'imposent dans le domaine de la violence familiale.

Il faut renforcer les régimes de pensions fédéraux pour que les gens ne vivent pas sous le seuil de la pauvreté.

Il faut encourager d'autres ordres de gouvernement à offrir des avantages à ceux qui tentent de vivre de façon autonome. La Société canadienne d'hypothèques et de logement, Santé Canada et l'Agence de santé publique du Canada sont autant d'exemples d'organismes susceptibles de prêter main-forte.

Il faut continuer d'établir des partenariats avec des organismes des Territoires du Nord-Ouest qui travaillent à améliorer la qualité de vie des habitants. Le projet relatif à la présence des femmes dans les secteurs minier, pétrolier et gazier du Nord est un excellent exemple de la façon dont tous les ordres de gouvernement — y compris le fédéral —, les organisation non gouvernementales et l'industrie peuvent travailler de concert pour s'attaquer à des questions complexes, comme l'offre de soutien et de formation aux femmes qui ont tendance à être marginalisées, mais qui ont pourtant la volonté d'apprendre si elles ont la chance de profiter d'un environnement propice à l'apprentissage. Il faut absolument réduire ou éliminer les obstacles qui ont nui à leur réussite par le passé. Nous devons travailler continuellement pour aplanir les obstacles systémiques qui empêchent les femmes de participer à l'essor économique et de profiter de la sécurité financière et de la prospérité qui en découlent.

Il faut revenir sur la décision d'imposer des restrictions budgétaires à Condition féminine Canada pour que le travail de recherche et de défense des intérêts qui s'impose puisse se poursuivre. Des travaux de recherches supplémentaires sont nécessaires pour que l'on puisse comprendre les causes premières de la pauvreté et que trouver des solutions. Il faudrait établir un bureau de Condition féminine Canada dans les Territoires du Nord-Ouest pour que l'organisme puisse facilement accéder aux ressources dont il a besoin pour mener des recherches et d'autres projets et pour que les programmes et les services, y compris les analyses comparatives entre les sexes, puissent être mis en œuvre et évalués. Les programmes et services qui se révèlent efficaces pour ce qui est de réduire l'incidence de la pauvreté et de l'itinérance pourraient ensuite être offerts à ceux qui en ont le plus besoin.

Il faut appuyer les recommandations présentées par les partenaires de recherche qui ont rédigé le rapport intitulé L'itinérance commence à devenir normale : Une étude de l'itinérance des femmes itinérantes dans les Territoires du Nord- Ouest. Ce rapport a été préparé par le YWCA de Yellowknife et la Yellowknife Women's Society en mars 2007.

Mira Hall, présidente, Comité des femmes et représentante territoriale, Organisation nationale anti-pauvreté : Je me présente devant vous en tant qu'exemple concret de la nécessité de mettre en œuvre les recommandations présentées par Mme Thomas. Je suis la représentante territoriale de l'Organisation nationale anti-pauvreté. J'occupe ce poste parce que j'ai passé la plus grande partie de ma vie à vivre dans la pauvreté la plus extrême. J'ai habité dans les ghettos clôturés que constituent les logements sociaux de Yellowknife. J'ai visité les collectivités et discuté avec des gens qui vivent eux aussi dans la pauvreté. Je suis ici pour transmettre ce qu'ils m'ont dit.

Ce n'est pas une tâche joyeuse, ni facile. J'ai habité des logements bondés et attrapé des maladies transmissibles parce que nous étions de 15 à 20 personnes à vivre dans une maison à deux chambres à coucher. J'ai quitté la maison de mes parents à l'âge de 15 ans et eu des enfants à 20 ans. J'ai dû, à ce moment-là, envisager de quitter le foyer où j'étais victime de violence pour vivre dans la rue avec mes enfants. J'avais très peu de ressources pour faire des études. Je prends actuellement des cours à l'université. Je peux me les payer parce que j'ai souvent eu plus d'un emploi à la fois. J'ai quelquefois travaillé plus de 100 heures par semaine dans le cadre d'un emploi rémunéré, au détriment de mes enfants.

Pour démontrer l'importance d'un programme national de garde d'enfants abordable, laissez-moi vous dire que mon fils a perdu le bout de l'index gauche parce que je ne pouvais pas payer de services de garde de qualité. J'ai dû faire un choix entre priver mes enfants de nourriture et les amener au travail avec moi.

Assise dans des parcs des ghettos de logements sociaux, j'ai senti l'odeur du crack qui parvenait aussi jusqu'aux enfants. J'avais peur, trop peur pour chasser les trafiquants et les toxicomanes. Cette situation est la même dans toutes les collectivités où les taux de toxicomanie sont en croissance constante. Ce problème est reconnu comme étant l'un des désavantages de la croissance économique liée à l'exploitation minière.

Je suis en butte à des obstacles structurels à l'emploi : je ne peux trouver une emploi qui améliorerait ma situation parce que j'ai des enfants et que personne ne peut en prendre soin. Je ne peux pas obtenir du travail dans les mines parce que je ne connais personne qui peut passer deux semaines complètes à prendre soin de mes enfants 24 heures sur 24. Par conséquent, je dois chercher un emploi à Yellowknife ou à Behchoko. Cependant, les emplois qui sont disponibles dans cette région ne sont pas suffisants pour me permettre de subvenir à mes besoins et à ceux de mes deux enfants. Je reste dans une relation parce que j'ai besoin d'un logement; c'est une situation courante parmi mes semblables.

Dans les supermarchés, j'ai vu d'autres parents remplir les poches de leurs enfants de boîtes de jus et de barres granola afin que les petits aient quelque chose à manger à l'école le lendemain. On apprend à des enfants de cinq et six ans à faire du vol à l'étalage pour que les responsables de l'Administration des services de santé et des services sociaux de Yellowknife ne les appréhendent pas parce que la direction de l'école a signalé un manque de nourriture appropriée.

Dans le cadre de mon emploi rémunéré en tant que travailleuse des services d'approche dans une clinique médicale, j'ai côtoyé des personnes âgées et handicapées qui ont été envoyées à Yellowknife par les membres de leur collectivité parce que ces dernières n'ont pas les ressources en matière de santé nécessaires pour prendre soin des leurs. Ils les envoient ici parce qu'ils pensent que Yellowknife est un endroit où on a les ressources nécessaires pour prendre soin d'eux. Il n'y a pas d'établissements pour les personnes atteintes de démence, et l'hôpital a parfois manqué de personnel et été bondé à un point tel que les personnes âgées souffrant de démence ont été logées dans notre aile psychiatrique. Dans ces cas-là, les responsables de l'aile psychiatrique n'ont pas voulu accepter de personnes souffrant de maladie mentale parce que ces dernières pouvaient causer du tort aux personnes âgées.

Nous manquons de ressources. Cette situation donne lieu à de graves problèmes sociaux qui ont des répercussions sociales extrêmement néfastes sur la collectivité. La situation à Yellowknife est complètement différente de celle des collectivités. Cependant, nous ressentons les effets de ce qui se passe dans les milieux isolés parce que les membres de ces collectivités qui sont incapables de pêcher, de chasser et de subvenir à leurs besoins en tirant profit des ressources naturelles sont envoyés ici.

L'absence de la GRC dans chaque collectivité donne lieu à des problèmes. Par exemple, un grand nombre de femmes appellent à mon bureau parce qu'elles cherchent à obtenir une ordonnance de protection d'urgence. Elles ont appelé des représentants de la GRC, qui leur ont dit qu'on prendrait des mesures au moment de leur prochain voyage en avion à Yellowknife. Cette situation met ces femmes en danger. Je suis très étonnée de voir que notre taux de meurtre n'est pas plus élevé.

J'ai rencontré des femmes qu'on a emmenées à Yellowknife après qu'elles ont été victimes de beaucoup de violence. Elles n'avaient pas pu trouver de soutien au sein de leur collectivité parce que leur conjoint violent était apparenté à tous les autres habitants.

J'ai rencontré des femmes qui avaient eu de la difficulté à obtenir un soutien du revenu dans leur collectivité parce qu'elles devaient avoir affaire à un agent du soutien du revenu qui était le frère, la sœur ou la grand-mère d'un conjoint violent qu'elles avaient quitté.

Le gouvernement fédéral ferait preuve d'une grave négligence s'il continuait à faire comme si ces problèmes n'existaient pas et à croire que les collectivités survivent de cette manière depuis longtemps et ont trouvé des façons de régler ces problèmes par elles-mêmes. Ce n'est pas vrai. Lorsque les membres d'une collectivité isolée sont incapables de régler un problème social, la personne perçue comme étant à l'origine de ce problème est envoyée à Yellowknife. Les foyers d'accueil de Yellowknife sont déjà bondés. J'ai moi-même travaillé dans l'un de ces foyers et j'ai dû m'occuper toute seule de 30 femmes, dont un grand nombre étaient toxicomanes et souffraient de troubles psychiatriques; ce n'est pas une situation sécuritaire. Le gouvernement fédéral doit fournir des fonds plus importants afin que l'on puisse offrir des services appropriés à ces personnes.

L'un de nos agents de libération conditionnelle est décédé il y a quelques années. Depuis, on a mis en place un plus grand nombre de mesures de sécurité pour les travailleurs. Cependant, les ressources nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures ne sont pas toujours disponibles, et on doit répondre aux besoins de la collectivité, que ces ressources soient disponibles ou non.

Je suis désolée. Je saute du coq à l'âne. J'ai écrit mon discours, mais je l'ai laissé quelque part dans toute cette confusion.

Je voudrais insister sur le fait que les ONG ont besoin de plus de fonds. Nous, les intervenants de première ligne, nous devons aider les gens qui ont des besoins urgents. Nous ne pouvons pas laisser les gens geler dans la rue. Nous avons souvent vu un résident d'un foyer d'accueil en attaquer un autre. Dans ces cas, l'un d'entre eux doit être mis à la porte. Nous ne pouvons pas laisser les gens dehors quand il fait -52.

À Behchoko, il y a longtemps, il est arrivé quelque chose qui m'est toujours resté dans l'esprit. Une femme se sauvait de son conjoint. Elle était nue et courait dans la rue en cherchant refuge chez quelqu'un, n'importe qui. Le problème a été réglé par des justiciers parce que la GRC n'était pas disponible. J'ai vu la même chose se reproduire deux fois au beau milieu de l'hiver au cours de mes années à Yellowknife. J'ai moi-même été dans la même situation.

Nous avons besoin de fonds supplémentaires pour régler ces problèmes. Selon moi, le Canada ne respecte pas les promesses qu'il a faites à l'ONU relativement aux droits de la personne puisqu'il continue de laisser des résidents canadiens vivre dans ce type de pauvreté, sans aucune sécurité.

La présidente : Merci beaucoup, madame Hall. Vous nous avez exhortés à passer à l'action de manière très persuasive. Nous inclurons votre témoignage dans notre rapport lorsque nos audiences seront terminées. Nous vous remercions, et nos meilleurs vœux vous accompagnent.

Spencer Heslep, coordonnateur de programme, SideDoor Youth Centre : Je dois avouer que j'ai le cœur un peu lourd, en partie en raison de certaines des histoires qu'a racontées ma collègue, Mme Hall, mais également à cause des expériences que j'ai moi-même vécues et que je partagerai avec vous. Je parlerai du lien entre la pauvreté chez les jeunes et la criminalité.

J'ai moi-même été touché par ces deux problèmes particuliers en tant qu'adolescent à Yellowknife. J'ai fugué à l'âge de 15 ans. C'est alors que j'ai commencé à vendre de la drogue et à en consommer. Je valorisais la drogue et le mode de vie qui y était rattaché. J'ai obtenu mon diplôme et je suis devenu lieutenant dans un réseau criminel vietnamien. J'ai vécu des choses très difficiles — troubles émotifs, physiques et financiers — et j'ai vu ma famille s'effondrer. Malgré tout cela, j'ai eu la chance de vivre une expérience spirituelle, qui m'a donné un sentiment de complétude grâce à une relation personnelle avec Jésus.

Cependant, mon expérience à Yellowknife m'a permis de remarquer que certaines des causes couramment associées à la pauvreté et à la criminalité chez les jeunes sont liées à la manière dont ils ont été élevés. Je crois que vous connaissez bien les effets des internats, du racisme et de divers autres problèmes sur les gens d'ici. Les gens du Nord dans leur ensemble, et pas seulement les Autochtones, ont fait face à certains problèmes, comme la toxicomanie, l'alcoolisme et la violence familiale, qui ont des répercussions sur les jeunes d'aujourd'hui. Les gens qui vivent dans la pauvreté et les victimes ont une mentalité particulière, qu'ils transmettent à leurs enfants.

De plus, en raison de la pression des pairs, les jeunes sont de plus en plus nombreux à être coupables de crimes et à être impliqués dans le crime organisé. Bon nombre de nos jeunes subissent l'influence des réseaux de crime organisé — je suis certain que je ne vous apprends rien, mais, dans les Territoires du Nord-Ouest, la situation va en s'aggravant.

Je travaille dans une maison de jeunes, à Yellowknife, et nous les voyons participer à diverses activités; ils pensent que c'est cool et qu'il n'y a pas de mal à ça. Nous avons parlé à des parents dont le fils de 13 ans vend maintenant de la drogue. Les répercussions de ces activités sur la famille et sur l'entourage sont des facteurs importants qu'il faut prendre en considération lorsqu'on étudie les causes de la pauvreté et de la criminalité chez les jeunes d'ici.

Les crimes les plus courants sont les introductions par effraction — de nombreux jeunes participent à ces crimes afin d'avoir accès à un logement, à de l'argent et à de la nourriture; il y a également beaucoup de vol à l'étalage, car ils ont besoin de vêtements et d'objets divers à échanger contre de la drogue et de l'argent; les cas de prostitution sont également courants, surtout chez les jeunes femmes, qui utilisent le sexe comme moyen de faire de l'argent ou de trouver un endroit sûr où rester, ou pour obtenir de la drogue de façon à entretenir leur dépendance.

J'ai le cœur lourd, mais j'ai également beaucoup d'espoir parce que je crois qu'il existe une solution à tout problème. Je crois qu'en discutant de ces problèmes, nous travaillons ensemble pour trouver des solutions. L'une des choses qui me tiennent à cœur est la participation du gouvernement. Le financement est important, mais je crois aussi que nous sommes devenus égoïstes en tant que société. Il est très facile de toujours attendre que le gouvernement agisse, mais je ne nie pas ce que mes collègues ont dit en ce qui concerne l'importance de la participation du gouvernement. Néanmoins, je voudrais souligner que la situation ne peut pas changer sans la participation de la collectivité dans son ensemble. L'argent n'est pas la seule solution. Nous avons besoin de la participation de la collectivité et de gens qui sont prêts à dire à nos frères et sœurs que nous ne pouvons plus attendre avant d'agir. Ces problèmes sont réels, et nous devons nous rassembler et contribuer, non seulement financièrement, mais en donnant de notre temps afin de régler ces problèmes et de voir des vies changer.

Je vous fais les recommandations suivantes pour la prévention de la criminalité et la diminution de la pauvreté chez les jeunes. Nous devons, en premier lieu, reconnaître que chaque jeune a des besoins. Nous oublions que les jeunes font parfois de mauvais choix parce qu'ils ont de vrais besoins. Je n'ai pas volé pour le plaisir. J'ai volé parce que j'avais des besoins et que j'essayais de les combler. Voler n'est évidemment pas la seule solution, mais nous devons reconnaître que ces besoins sont réels.

Nous devons également promouvoir des relations saines chez les jeunes. Je crois que les jeunes subissent une influence négative et sont poussés à faire des choix négatifs, et que cette situation doit être renversée. Nous pouvons apporter des changements en organisant plus d'ateliers de sensibilisation dans des centres comme le Centre for Northern Families ou le SideDoor Youth Centre afin de souligner l'importance des relations saines dans les écoles. Nous devons enseigner aux jeunes l'importance de côtoyer des gens qui les aideront à faire des choix sains.

Nous n'en faisons pas assez dans ce domaine, et les jeunes se tournent donc vers les mauvaises sources, comme les gangs et divers types d'organisations, ou des gens qui les détourneront du bon chemin.

Je crois que le mentorat est essentiel. L'une des choses qui m'ont sauvé était l'encadrement de personnes qui étaient prêtes à consacrer de leur temps pour investir dans ma vie, pour m'aider à devenir la personne qui est assise devant vous aujourd'hui. Si les jeunes n'ont pas l'occasion de créer des relations de mentorat, ils se buteront toujours à un mur.

Dans les écoles, il y a des événements sportifs, des entraîneurs et des conseillers en orientation, ainsi que diverses manières dont les jeunes peuvent créer des relations de mentorat. Cependant, nous devons porter une attention particulière aux jeunes qui passent à travers les mailles du filet, car ce sont eux qui sont le plus susceptibles d'être touchés par la pauvreté et la criminalité. Nous devons davantage promouvoir les relations de mentorat au sein de notre collectivité et des Territoires du Nord-Ouest.

Nous devons continuer de donner l'occasion à nos jeunes d'acquérir des connaissances de base nécessaires dans des domaines comme l'alimentation, l'élaboration d'un budget, l'hygiène et les relations saines, entre autres. S'ils n'acquièrent pas ces connaissances à la maison, il nous incombe de leur fournir cette information et ces outils. Sinon, nous serons à blâmer.

Nous devons en faire davantage pour assurer leur éducation. Les jeunes, surtout ceux qui passent à travers les mailles du filet, ont besoin d'une éducation et d'outils. Ils ont besoin d'acquérir l'expérience et les connaissances qui leur permettront d'intégrer le marché du travail et d'y rester. L'un des jeunes qui fréquente notre centre en est un bon exemple. Il a décroché et commencé à consommer de la drogue et de l'alcool, et est devenu très déprimé. Sa mère est venue nous parler. Nous avons travaillé avec elle, et l'un de nos employés est devenu le mentor de ce jeune. Nous l'avons aidé à s'inscrire au programme de formation dans les métiers du Collège Aurora. Il fréquente toujours cette école. Il fait maintenant de l'argent, et nous avons pu constater qu'il a apporté des changements importants dans sa vie. Il s'agit d'un seul exemple de ce que nous devons tenter d'accomplir en ce qui concerne la vie de nos jeunes pour les aider et les encourager à faire les bons choix.

Nous avons besoin de fonds pour former les personnes qui sont prêtes à prendre le temps d'aider les jeunes qui souffrent de la pauvreté et qui finissent donc par participer à des activités criminelles. Nous devons rassembler les gens qui veulent avoir une influence sur la vie des jeunes, leur offrir une formation en leadership et créer des occasions pour ceux qui sont prêts à investir de leur temps et de leur argent dans la vie de ces jeunes afin de les pousser à changer.

Je crois que les intervenants de première ligne des organisations comme le Centre for Northern Families, l'Armée du Salut et le SideDoor Youth Centre ont ce qu'il faut pour être des mentors. Cependant, ces organisations ont besoin de plus d'argent pour la formation dans ce domaine.

Il est important pour nous, habitants du Nord, de continuer de tirer parti des organisations et des agences qui ont plus d'expérience dans ce domaine afin que nous puissions apprendre et bénéficier de cette expérience au lieu de procéder par tâtonnements et de tenter de réinventer la roue.

En conclusion, je voudrais souligner que les jeunes sont ce que nous avons de plus cher, que ce soit dans les Territoires du Nord-Ouest, au Canada ou ailleurs dans le monde. Nous devons faire notre part en vue de les influencer à faire des choix sains. Sinon, la pauvreté et la criminalité chez les jeunes continueront de croître, et nous, en tant que société, aurons manqué à notre mission, qui est de les aider à réaliser leur plein potentiel.

La présidente : Je vous remercie tous. Vous avez fait quelque chose d'extraordinaire ici aujourd'hui. Vous pouvez être certains que vos voix resteront gravées dans la mémoire du comité. Il y aura sûrement une partie de notre rapport, quand nous en serons rendus là — même si nous aurons probablement besoin d'un chariot pour porter toute l'information que nous avons — qui inclura vos pensées, vos idées et votre souffrance. Nous vous remercions d'avoir participé.

Le sénateur Mercer : Il est très frustrant que nos collègues de l'autre parti ne soient pas ici aujourd'hui. Ces présentations font en sorte que le voyage aura valu le coup, et je vous en remercie.

Vous ne nous avez peut-être pas appris beaucoup de nouveaux faits, mais vous nous avez rappelé beaucoup de choses. Comme de fait, madame Hall, je crois que ce que vous avez dit en ce qui concerne le fait de laisser les gens dehors reviendra souvent, et j'espère que ce commentaire sera inclus dans notre rapport.

Tout le monde a mentionné les services de garde. Madame Thomas, mis à part l'argent nécessaire pour créer des places en service de garde, il existe également un problème lié au manque de formation pour les éducatrices de la petite enfance. Y a-t-il assez d'éducatrices qualifiées ici? Y a-t-il un programme de formation dans ce domaine dans les Territoires du Nord-Ouest?

Mme Thomas : Il n'y a pas suffisamment d'éducatrices qualifiées. Il y en a très peu, et cela est en partie dû au fait que les salaires de ces personnes sont très peu élevés. Cette situation n'encourage pas les gens à travailler dans ce domaine. J'ai deux enfants, et je ne voudrais pas avoir à m'occuper d'un grand groupe de petits comme eux. C'est un travail extrêmement difficile, mais très important. Nous n'avons pas fait beaucoup de choses dans ce domaine; nous devons en faire davantage.

Le Collège Aurora offre un programme de formation. Il me répugne de le dire, mais c'est un peu n'importe quoi. Ce n'est pas un programme de qualité; il est mal coordonné.

Le sénateur Mercer : Donc, s'il y avait du financement pour les programmes, la formation s'ensuivrait peut-être.

Mme Thomas : C'est difficile à dire. Ça ressemble à la question de l'œuf et de la poule.

Le sénateur Mercer : J'aimerais renvoyer nos chercheurs à vos dix recommandations, dont certaines nous a déjà été présentées sous d'autres formes. J'aimerais qu'elles soient incluses dans le compte rendu pour que nous soyons obligés de les relire et pour qu'elles ne se perdent pas. Certaines d'entre elles sont très importantes.

Madame Hall, vos commentaires concernant une femme maltraitée qui se fait maltraiter par toute la collectivité se font l'écho de certaines choses que nous avons entendues hier à Whitehorse. Le terme utilisé par l'intervenante était celui de « harcèlement collectif », et il restera. Elle a utilisé ce terme parce que les membres de la collectivité, qu'ils le veuillent ou non, participent aux actes de violence en soutenant l'agresseur.

Nous avons parlé de l'occurrence de ce problème dans les petites collectivités. Est-ce que c'est un problème qui existe dans une collectivité de la taille de Yellowknife?

Mme Hall : C'est parce que nous avons très peu de foyers d'accueil dans le Nord. Il peut y avoir de la violence au sein d'un couple de lesbiennes, par exemple — on a vu des exemples de cela dans le foyer d'accueil où je travaillais — les deux conjointes habitaient le même foyer. Quand il y a de la violence dans ce type de relation, nous devons faire sortir l'une des conjointes pour la sécurité de l'intervenante qui travaille seule. L'une des conjointes doit partir et finit par rester dehors. Elle doit dormir dans les vestibules de banques.

Pendant longtemps, nous aménagions chaque matin un petit campement sous le porche de notre foyer pour que les gens qui devaient sortir de l'immeuble pour une raison quelconque puissent ramper sous le porche et y trouver des sacs de couchage et des couvertures.

Récemment, vous avez peut-être remarqué que la température a atteint moins 54 degrés avec le refroidissement éolien, et il y a eu des avertissements pour informer les gens que leur peau gèlerait en 30 secondes si elle était exposée à ce froid. Je ne peux pas m'imaginer avoir à dormir dehors dans de telles circonstances, même si j'ai déjà eu à vivre des situations semblables.

Le sénateur Mercer : Monsieur Heslep, vous ne nous avez pas dit d'où proviennent les fonds du SideDoor Youth Centre. En passant, le nom du centre est magnifique; j'aime ce nom. Dites-moi, comment le centre est-il financé? Où obtenez-vous l'argent?

M. Heslep : L'Administration des services de santé et des services sociaux de Yellowknife nous fournit de l'argent pour le financement de notre programme pour jeunes sans abri. Nous sommes financés par le secteur des entreprises, les compagnies minières, diverses entreprises au sein de la collectivité de Yellowknife, des églises, la Ville de Yellowknife et toute autre personne qui veut nous aider financièrement à poursuivre nos programmes.

Le sénateur Mahovlich : Madame Thomas, avez-vous parlé de former les femmes pour qu'elles travaillent dans les mines?

Mme Thomas : Oui, c'est de ça que je voulais parler. Il y a un certain nombre d'organisations qui offrent ce genre de formation à Yellowknife. Il y a la Mine Training Society, qui travaille actuellement avec des sous-traitants pour offrir une formation dans les mines. Il y a de plus en plus de femmes qui participent à ces programmes de formation.

Nous avons un programme relatif à la présence des femmes du Nord dans les secteurs minier, pétrolier et gazier. Les responsables des compagnies minières espèrent que les femmes descendront dans les mines, mais je sais qu'elles ne le feront pas toutes. Pour un grand nombre d'entre elles, comme l'a mentionné Mme Hall, il faut travailler deux semaines pour prendre deux semaines de congé, et aucun service de garde n'est disponible. Bon nombre de femmes ne pourraient donc pas accepter ce genre d'emploi.

Par contre, elles s'intéressent à d'autres domaines non traditionnels, comme la menuiserie, le soudage, la réparation de petits moteurs, et cetera. Récemment — mais je ne sais pas si vous les entendrez — il y a des publicités à la télé et à la radio pour des cours intensifs. Il y a des cours de menuiserie, et environ 50 femmes se sont inscrites pour combler les 10 places disponibles. Nous tentons de travailler avec notre Kimberlite Career and Technical Centre, qui est relié à l'école secondaire, afin d'offrir un plus grand nombre de ces cours aux femmes. Ce qui est sûr, c'est que leur intérêt pour ces programmes est de plus en plus grand.

Le sénateur Mahovlich : C'est intéressant.

Dites-moi, monsieur Heslep, dispensez-vous une instruction religieuse aux jeunes?

M. Heslep : Comme, je crois, l'a déjà dit un chrétien, « enseignez à tout moment l'Évangile et, à l'occasion, utilisez des mots. » Je crois que l'Église doit, maintenant plus que jamais, montrer plus souvent l'exemple par des gestes plutôt qu'enseigner par la parole. Je ne crois pas qu'il faut imposer la Bible à tous, mais je suis d'avis que les principes et la parole de Dieu constituent un excellent fondement sur lequel bâtir sa vie. Nous faisons tout notre possible pour inculquer ces principes aux jeunes que nous aidons.

Le sénateur Sibbeston : Vos présentations donnent à réfléchir et nous ramènent à la réalité de ce qu'est la pauvreté à Yellowknife. Je vous félicite. Nous avons entendu parler des représentants du gouvernement et des députés provinciaux, et, même si elles étaient bonnes, leurs présentations ne nous ramenaient pas à la vie terre à terre et au véritable sens de nos discussions. À cet égard, vous m'avez tous ramené à une réalité qui donne à penser et fait réfléchir à l'enjeu.

Je loue particulièrement Mme Hall et M. Hesplep, qui ont tous les deux vécu dans la pauvreté. Vous savez de quoi il retourne. La situation ressemble à l'alcoolisme puisqu'il faut un alcoolique pour en aider un autre; un professeur ou un intellectuel ne peut pas aider ce genre de personne puisqu'il se fonde seulement sur la théorie. Ces gens connaissent la théorie, mais ils n'ont pas l'expérience. J'apprécie votre expérience et je suis heureux que vous ayez pu nous en parler. Je dirais que cela a plus d'effet sur moi que d'entendre parler des gens qui ne l'ont pas vécu. Je vous en remercie.

Je vais vous poser une question à tous. Pour Mme Thomas, tout ce que l'on doit connaître sur les femmes est contenu ici. C'est la déclaration définitive des femmes du Nord. J'apprécie le fait qu'il y ait des gens comme vous, qui défendent exclusivement la cause des femmes. Notre société a évidemment besoin de vous.

Je me suis toujours posé des questions sur les services de garde. Le gouvernement conservateur — et je ne veux pas être partisan en posant cette question — a adopté une approche linéaire en ce qui concerne les services de garde. Il a donné 100 $ par mois par enfant aux familles. D'un point de vue rationnel, il est censé donner 100 $ à chaque femme afin qu'elle fasse ce qu'elle veut de l'argent pour l'enfant au lieu de demander à l'État ou au gouvernement de fournir des places en service de garde. Les effets de cette mesure ont-ils été positifs ou négatifs?

Mme Thomas : Si nous tenons compte du fait que les services de garde coûtent de 600 à 700 $ par enfant par mois, comment est-il possible d'aller travailler si on a quatre enfants et qu'on ne fait pas 100 000 $ par année? Les 100 $ imposables qui nous sont donnés ne vont pas très loin. Je ne trouve tout simplement pas que ce système fonctionne du tout.

Mme Hall : À cause de ces 100 $ imposables, je ne suis pas admissible à la subvention pour les services de garde. Il est essentiel que la politique gouvernementale cible le groupe qu'on tente d'aider. Ces 100 $ n'aident pas. À mon avis, c'était une mesure insensée de la part du gouvernement.

Comme j'ai vécu dans un ghetto clôturé, j'en suis venue à apprendre comment les gens composent avec la pauvreté. Si on ne leur fournit pas les outils nécessaires pour combattre la pauvreté d'une manière concrète, ils trouveront leurs propres façons de s'en sortir. Je connais des femmes qui ont quatre ou cinq enfants et qui vendent de la drogue pour acheter du lait. Ce n'est pas un choix. Elles ne peuvent pas travailler. Elles ne peuvent pas se payer ce luxe. Le soutien du revenu n'est pas suffisant pour faire le plein d'essence. On crée donc une situation où les gens doivent choisir de faire du vol à l'étalage, de quêter, d'emprunter de l'argent et de voler pour joindre les deux bouts et subvenir aux besoins de leurs enfants.

Le sénateur Sibbeston : Ma question s'adresse à la fois à Mme Hall et à M. Heslep, et elle porte sur l'abus d'alcool et la toxicomanie — je ne connais pas très bien les problèmes liés à la toxicomanie parce que je suis né il y a longtemps, à une époque où les gens buvaient de l'alcool, mais où la drogue n'était pas chose courante. Une personne qui a connu la détresse liée à l'alcoolisme, à la toxicomanie et à des problèmes semblables peut-elle surmonter ses problèmes et réussir dans la vie? L'alcoolisme et la toxicomanie écrasent les gens, mais s'ils réussissent à se relever, ont-ils de bonnes chances de se remettre sur leurs pieds et de se débrouiller dans la vie? Je serais curieux de vous entendre tous les deux puisque vous avez évidemment été dans cette situation.

Vous avez l'air bien même si vous avez eu des problèmes. Vous vous êtes relevés et vous êtes exactement le genre de personnes qui doivent travailler avec les autres parce qu'ils ont plus de chances de réussir avec vous qu'avec quelqu'un qui n'a pas vécu lui-même ces expériences. Vous avez réussi. Est-ce que c'est possible pour d'autres habitants du Nord de réussir comme vous l'avez fait?

M. Heslep : Oui. Je crois que c'est possible. Si j'ai été capable de le faire, je crois qu'il y a de l'espoir pour tout le monde. Je suis mort deux fois parce que j'ai fait une overdose. J'ai complètement perdu ma famille. Dans tous les aspects de ma vie, je n'avais plus rien. J'ai retrouvé ma famille et me suis remis sur pied financièrement. Je suis maintenant marié et heureux, et je n'ai pas touché à de la drogue ou à de l'alcool depuis quatre ans.

Je dirais donc que c'est tout à fait possible. Pour moi, c'est un véritable honneur et un privilège de pouvoir servir d'exemple aux jeunes, et c'est une mission qui rend humble. Je remercie également le Bon Dieu, qui, selon moi, m'a aidé à l'accomplir.

Mme Hall : Je vais me faire l'écho du témoignage de M. Heslep, car je connais des femmes qui se prostituaient à Edmonton ou à Vancouver, qui sont revenues à Yellowknife pour repartir à neuf et qui ont obtenu de très bons postes au sein du gouvernement.

Je considère les drogues et l'alcool comme des chaînes qui nuisent à la croissance et au développement d'une personne. En conséquence, une personne qui a commencé à consommer de la drogue et de l'alcool à 18 ou 20 ans et qui a passé cinq ans dans ce mode de vie au moment où elle aurait dû fréquenter l'université et s'épanouir professionnellement accuserait un certain retard par rapport à ses semblables, qui n'ont pas abusé de ces substances.

Notre passé demeurera toujours avec nous, et nous devons en être conscients, mais je ne crois pas qu'il causera du tort toute notre vie. Je connais beaucoup de gens qui ont surmonté ces problèmes. Ils doivent cela en grande partie à de solides fondements au sein de leur foyer et dans la collectivité, c'est-à-dire les personnes vers qui ils peuvent se tourner pour un encadrement, des conseils et un soutien.

Le sénateur Sibbeston : Les gens dans le Nord sont-ils plus bienveillants? Est-ce qu'on a de meilleures chances de survivre, de se relever dans le Nord que dans une grande ville dans le Sud?

Mme Hall : Dans les petites collectivités, cela dépend de la famille de la personne. À Yellowknife, c'est selon qu'on est né et qu'on a été élevé ici. Les gens de Yellowknife ont des préjugés. Nous portons le fardeau de notre passé parce qu'une grande partie de la population a été témoin de tout ce que nous avons vécu.

Il y a des gens dans la collectivité qui me voient comme j'étais il y a cinq ans, et, pour eux, je ne serai jamais rien de plus. Cela limite donc mes possibilités d'emploi. J'ai aussi de la difficulté à trouver un logement. Cependant, il y en a qui m'ont vu grandir et changer et qui sont prêts à me donner un coup de main. Dans les grands centres urbains, j'imagine qu'un bon nombre de gens ne remarqueraient pas ces situations. J'ai été dans ces grands centres urbains, et il y avait toujours des gens dans ces collectivités qui étaient prêts à m'aider.

M. Heslep : L'expression qui me saute à l'esprit, c'est « Vouloir, c'est pouvoir ». Je crois que les gens ont partout la possibilité de rencontrer des gens qui les aideront à se libérer.

Je ne peux pas parler de toutes les petites collectivités, mais je sais que dans un grand nombre d'entre elles, il y a des programmes comme Alcooliques Anonymes et Narcotiques Anonymes. Il y a également des églises et d'autres lieux spirituels que les gens peuvent fréquenter pour obtenir l'appui et l'encouragement nécessaires à leur délivrance.

Je crois que si l'on veut, l'on peut. Je ne connais pas les différences particulières entre Yellowknife et les grandes villes parce que je n'ai pas d'expérience personnelle en la matière.

Le sénateur Sibbeston : Vous avez seulement de l'expérience dans le Nord.

M. Heslep : Dans le Nord, oui.

Mme Hall : M. Heslep m'a fait penser à quelque chose quand il a mentionné, dans sa conclusion, qu'il a fait faillite à une époque. Je suis actuellement en faillite parce qu'on me doit des milliers de dollars en versements rétroactifs pour le soutien de mes enfants. Je le mentionne parce que je voudrais inclure dans mes recommandations la nécessité d'une mise en œuvre fédérale du Programme d'exécution des ordonnances alimentaires. Il est presque impossible pour les mères d'obtenir des pensions alimentaires des pères absents, qui vont de province en province. Il y a des lacunes en ce qui concerne les lois qui sont appliquées dans chaque province et territoire. C'est un problème très réel auquel doivent faire face de nombreuses mères monoparentales.

La présidente : Merci à tous.

La séance est levée.


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