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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 3 - Témoignages du 11 mars 2009


OTTAWA, le mercredi 11 mars 2009

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-10, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27Ï janvier 2009 et mettant en œuvre des mesures fiscales connexes, se réunit aujourd'hui à 14 h 33 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, cet après-midi nous poursuivons notre examen du projet de loi C-10, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 janvier 2009 et mettant en œuvre des mesures fiscales connexes, projet de loi qui a été renvoyé au comité jeudi dernier. Nous sommes aujourd'hui mercredi. Le projet de loi est au Sénat depuis moins d'une semaine, et l'on nous accuse déjà de faire traîner les choses et d'obstructionnisme. Nous allons poursuivre notre travail avec toute la célérité possible. Nous aimerions remercier les témoins qui sont ici avec nous aujourd'hui.

[Français]

Hier matin, nous avons entendu les témoignages du ministre des Finances et de son secrétaire parlementaire concernant les éléments du projet de loi qui impliquent le ministère des Finances.

[Traduction]

Nous allons, cet après-midi, avoir l'occasion d'interroger des fonctionnaires d'Industrie Canada, de Transports Canada et du Conseil du Trésor au sujet d'autres aspects du projet de loi, notamment la partie 7 et les parties 10 à 15 inclusivement.

Je sais que nous aurons, comme toujours, des questions à poser. Honorables sénateurs, je vous saurai gré de votre collaboration continue en posant des questions aussi brèves que possible, afin que tous les sénateurs aient l'occasion d'intervenir. Le Sénat siège, et certains collègues se joindront à nous au fil de la réunion.

Pour ce qui est de la marche à suivre, si vous avez le projet de loi C-10 devant vous et y examinez la Table des matières, vous verrez que les premières parties concernent des questions au sujet desquelles le ministère des Finances serait le plus à même de répondre.

Hier, nous avons entendu les explications préliminaires du ministre et du secrétaire parlementaire. Plusieurs sénateurs m'ont dit vouloir creuser davantage le fond et la substance du projet de loi lui-même. Nous allons commencer à la partie 7.

Nous cherchons à comprendre ce que renferme le projet de loi, quelles modifications sont en train d'être proposées et ce que le gouvernement espère ainsi réaliser. Nous pourrons ensuite, au cours de la semaine prochaine et de la semaine suivante, faire venir des membres d'associations, des membres du public et d'autres qui sont touchés par le projet de loi afin qu'ils puissent nous expliquer si son incidence sur eux sera positive ou négative. Il nous faut comprendre ce que le gouvernement espère réaliser avant d'entreprendre la deuxième ronde d'audiences.

Plusieurs sénateurs m'ont dit que nous devrions réinviter les gens des Finances afin qu'ils nous aident avec le processus que nous allons suivre aujourd'hui avec Transports Canada et Industrie Canada. Le ministère des Finances nous aidera avec les quatre premières parties. Des questions découleront peut-être aujourd'hui des quatre premières parties, mais nous tâcherons dans toute la mesure du possible de nous en tenir à notre programme. Si vous êtes en mesure de répondre aux questions qui vous seront posées, alors ce sera formidable. Dans le cas contraire, indiquez-nous simplement qu'il y aurait plutôt lieu de poser ces questions à quelqu'un des Finances, auquel cas c'est ce que nous ferons.

Honorables sénateurs, nous avons déjà convenu de nous retrouver les 23, 24, 25 et 26 mars pour des réunions qui auront lieu toute la journée et jusqu'en soirée. Cependant, du fait que nous n'ayons pas réussi hier à faire tout ce que nous avions espéré en vue de comprendre pleinement les modifications, il a été proposé, et le comité directeur vous soumet la suggestion maintenant, que nous nous retrouvions lundi prochain pour accueillir de nouveau le personnel du ministère des Finances afin qu'il nous aide avec les quatre premières parties du projet de loi avant ces autres séances. Quelqu'un aimerait-il intervenir là-dessus ou bien puis-je avoir une motion en ce sens?

Des voix : D'accord.

Le président : Je n'aurai pas besoin d'une motion s'il y a consentement unanime. Je vais demander au greffier d'essayer d'obtenir que les fonctionnaires soient ici pour 10 heures. Nous siégerons aussi tard que cela sera nécessaire pour comprendre ce que tente de faire le gouvernement en ce qui concerne les parties 1 à 4. Le projet de loi comporte 15 parties, elles-mêmes divisées en de nombreuses sections. Il se peut qu'il y ait d'autres aspects du projet de loi qui relèvent des Finances.

Le sénateur Di Nino : Est-ce parce que nous voulons traiter des différents éléments du projet de loi avec des témoins qui possèdent l'expertise et les connaissances idoines que nous commençons à la partie 7?

Le président : Oui.

Le sénateur Di Nino : Par ailleurs, l'on s'attend de manière générale à ce que les témoins fournissent un document écrit que nous puissions étudier et qu'ils complètent avec d'autres informations. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Y a-t-il à cela quelque raison particulière?

Le président : C'est parce qu'il s'agit d'un budget. Nous avons trois documents devant nous. Nous avons, tout d'abord, le classeur qui a été fourni. Il renferme les renseignements que vous auriez dans le cadre d'un discours, si nous traitions d'autre chose. Deuxièmement, vous avez la table des matières du projet de loi lui-même. Troisièmement, vous avez le travail de recherche qui a été fait pour nous par la Bibliothèque du Parlement.

Le sénateur Di Nino : J'ai tout cela. Vous êtes en train de me dire que les témoins n'ont pas préparé pour nous d'exposé liminaire. Allons-nous tout simplement passer tout de suite aux questions?

Le président : Nous allons faire les présentations et ensuite passer aux questions. Nous n'avons pas demandé aux témoins de préparer quelque documentation, et nous ne nous y étions pas non plus attendus. Peut-être qu'une fois que je vous aurai présentés, vous pourrez nous indiquer, nonobstant cela, si vous avez quelque chose par écrit.

J'aimerais donc, premièrement, vous présenter M. David Osbaldeston, de Transports Canada. Il est le gestionnaire du Programme de la protection des eaux navigables. Nous vous sommes reconnaissants d'être des nôtres. Brigita Gravitis-Beck, directrice générale, Politique aérienne, Transports Canada, devrait arriver prochainement. Nous avons également Hélène Laurendeau, secrétaire adjointe, Conseil du Trésor du Canada, et Collette Downie, directrice générale, Direction générale des politiques-cadres du marché, à Industrie Canada.

Pour revenir à l'intervention qu'a faite le sénateur Di Nino, quelqu'un d'entre vous aurait-il une déclaration ou un mémoire écrit à nous soumettre?

David Osbaldeston, gestionnaire, Programme de la protection des eaux navigables, Transports Canada : Non, je n'en ai pas.

Colette Downie, directrice générale, Direction générale des politiques-cadres du marché, Industrie Canada : Je n'en ai pas non plus.

Hélène Laurendeau, secrétaire adjointe, Relations de travail et opérations de rémunération, Conseil du Trésor du Canada : Je n'en ai pas moi non plus.

Le président : Qui aimerait commencer, et au sujet de quelle partie? J'aimerais que vous suiviez la table des matières, puis que vous parcouriez avec nous les différentes modifications annoncées dans le projet de loi et qui sont de votre domaine. Nous aimerions passer en revue ces modifications et comprendre ce qu'elles visent à faire.

Le président : Monsieur Osbaldeston, aimeriez-vous commencer?

M. Osbaldeston : Oui. Je ne suis pas certain de la marche à suivre. Je suis ici pour répondre aux questions que vous avez au sujet des modifications qui sont devant vous.

Le président : Nous aimerions entendre chacun des témoins, après quoi nous poserons des questions individuellement.

Le sénateur Eggleton : Ils ne sont venus ici que pour répondre à nos questions.

Le président : Ils sont ici, premièrement, pour nous parler des modifications que le gouvernement cherche à apporter à différentes lois qui sont de leur domaine. Nous aimerions en conséquence que vous nous entreteniez du projet de loi et que vous nous expliquiez ce que vous espérez réaliser avec ce qui est proposé. Nous vous poserons ensuite des questions. Qui aimerait commencer?

Mme Laurendeau : Je peux indiquer au comité que je suis ici pour parler de la partie 10, Loi sur le contrôle des dépenses, et de la partie 11, Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public.

Le président : Allons-nous mettre à l'essai avec vous la marche à suivre proposée?

Mme Laurendeau : Comme vous voulez.

Le président : Les parties 10 et 11.

Mme Laurendeau : C'est exact.

Le sénateur Nancy Ruth : Cela se trouve à quelle page?

Mme Laurendeau : La partie 10 commence à la page 335 du projet de loi tandis que la partie 11 commence à la page 362.

Le premier élément est la Loi sur le contrôle des dépenses et le deuxième est la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public.

Le président : La partie 10 traite de la Loi sur le contrôle des dépenses, qui serait une nouvelle loi?

Mme Laurendeau : Oui, il s'agit d'un projet de loi qui prévoit, en gros, la restriction salariale pendant cinq ans pour les fonctionnaires fédéraux. Voilà ce que vise la partie 10.

La partie 11 est la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, et il s'agit d'un projet de loi distinct qui viendrait modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le président : Passez en revue la partie 10.

Mme Laurendeau : La partie 10, la Loi sur le contrôle des dépenses, s'applique aux employés syndiqués et non syndiqués de l'administration fédérale publique au sens large. Cela englobe le noyau de la fonction publique, les organismes distincts, certaines sociétés d'État qui dépendent de crédits parlementaires, le Sénat, la Chambre des communes, les personnes nommées par gouverneur en conseil, la GRC et les militaires. Le projet de loi prévoit, en gros, le plafonnement des augmentations salariales pour une période de cinq ans — les deux prochaines années et les trois dernières années, y compris l'année en cours —, mais seulement pour un nombre limité de personnes.

Le niveau du plafond pour 2006-2007 est de 2,5 p. 100. Pour 2007-2008, il est de 2,3 p. 100. Pour les trois autres années, il est de 1,5 p. 100. L'idée était d'assurer la prévisibilité de l'augmentation de la masse salariale pour le gouvernement fédéral dans son entier.

L'imposition de ces plafonds prévoit le maintien de la négociation collective pour les groupes de travailleurs syndiqués pendant la période de contrôle.

Le président : Pour les questions autres que salariales, je présume.

Mme Laurendeau : Autres que salariales, bien sûr. Le droit de grève demeure accessible, ce qui n'avait pas été clairement établi au départ. Cependant, la loi est claire : le droit de grève demeure accessible pour les parties des conventions collectives pouvant être négociées.

Les arbitres et les commissions de l'intérêt public visés par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique sont liés par le projet de loi. Il leur faut veiller à ne pas dépasser les paramètres en matière de dépenses auxquelles ils sont soumis. D'autres activités patronales-syndicales, comme le Conseil national mixte, sont eux aussi maintenus. Ce ne sont pas tous les éléments visés par les discussions patronales-syndicales qui sont touchés par le projet de loi. Le Conseil national mixte demeure actif et n'est pas touché par le projet de loi.

Les restrictions visent tous les aspects de la rémunération. En d'autres termes, il y a des interdictions spécifiques de faire indirectement ce qu'il n'est pas autorisé de faire directement. Toute formule pouvant donner lieu à des augmentations supérieures à 1,5 p. 100, telle l'offre d'indemnités ou la restructuration de taux de rémunération, est interdite.

Voilà, en résumé, quels sont les éléments clés de la partie 10. Je suis prête à répondre à vos questions.

Le président : Si le projet de loi est adopté, la partie 10 créerait-elle une loi appelée Loi sur le contrôle des dépenses?

Mme Laurendeau : C'est exact. Cela engloberait les années que j'ai indiquées et demeurerait en vigueur jusqu'à l'exercice financier 2010-2011. Cela diffère de la partie 11, dont je vais traiter un peu plus tard, qui est une initiative législative distincte qui demeurerait en place au-delà de cette période.

Le président : Nous traiterons dans un moment de la partie 11. Cependant, plusieurs sénateurs voudront peut-être poser des questions au sujet de la partie 10.

Mme Laurendeau : Ce serait formidable.

Le président : Les sénateurs ayant signalé leur intention de poser des questions, mais qui ne concernent pas la partie 10, sauteront leur tour.

Le sénateur Ringuette : J'ai plusieurs questions à poser là-dessus. Je sais que pendant bon nombre d'années l'on a essayé de fusionner certaines descriptions de fonctions pour les faire correspondre à certaines échelles. Je sais que ce processus se poursuit, malheureusement. Cependant, à l'issue de ce processus, le projet de loi, s'il est adopté, viserait-il les descriptions de fonctions nouvellement fusionnées dans la fonction publique?

Mme Laurendeau : Parlez-vous de la réforme de la classification? En ce qui concerne l'effet direct du projet de loi, l'exercice général de réforme de la classification ne serait pas touché, sauf en ce qui concerne les exceptions prévues qui « opérationnalisent » les réformes en matière de classification déjà en cours. Je vais expliquer de manière un petit peu plus précise.

Si vous regardez les exceptions, il nous a fallu introduire de nouveaux taux de rémunération pour un nouveau groupe. Malheureusement, je ne peux pas vous renvoyer tout de suite à l'article précis, mais je vais vous le trouver d'ici un instant. Il s'agit des garde-frontières aux postes frontaliers. Vous verrez que, pour ce groupe particulier, il y a un élément « opérationnalisation » de la réforme de la classification. Les réformes qui étaient prêtes ou devant être effectuées sont prévues dans le projet de loi. Cependant, il y en aura d'autres à l'avenir et qui ne sont pas couvertes par le projet de loi. En d'autres termes, le projet de loi ne stoppe pas le travail en matière de réforme de la classification, mais « opérationnalise » les changements qui sont prêts en ce moment.

Le sénateur Ringuette : Le projet de loi limite-t-il les augmentations salariales qui pourraient être enclenchées dans le cadre du processus?

Mme Laurendeau : Pour la période s'étendant jusqu'en 2010-2011, mais il n'empêche aucun travail de classification pendant la période de contrôle.

Le sénateur Ringuette : Il est question ici d'obliger des employés syndiqués à se soumettre au contrôle de leur salaire du fait d'une loi. Quels sont les autres groupes syndiqués de fonctionnaires qui ne sont pas visés par le projet de loi de contrôle des salaires dont nous sommes saisis?

Mme Laurendeau : Je dirais que c'est plutôt l'inverse. La loi s'applique aux travailleurs syndiqués et non syndiqués œuvrant dans le noyau de la fonction publique, dans les organismes distincts et dans les sociétés d'État énumérés à l'annexe. Elle couvre également la GRC, les militaires, les personnes nommées par décret en conseil qui ne sont pas syndiquées, le Sénat et la Chambre des communes. Il y a les deux groupes. Un total d'environ 380 000 employés syndiqués et non syndiqués sont visés par le projet de loi.

Le sénateur Ringuette : Cela inclurait-il les directeurs, les sous-ministres adjoints et ainsi de suite?

Mme Laurendeau : Oui.

Le sénateur Ringuette : Cela engoberait-il également le programme de récompenses pour ces groupes? Le programme de récompenses est-il visé par les mesures de contrôle ou bien en a-t-il été exclu?

Mme Laurendeau : Il n'en a pas été exclu. Le projet de loi stipule que les programmes existants, les taux de rémunération et les indemnités demeurent inchangés. Les taux de rémunération ne peuvent être augmentés que selon la grille de pourcentages que j'ai décrite plus tôt.

Pour répondre à votre question, le système de paye au mérite pour les cadres supérieurs demeure, mais n'est pas amélioré par le projet de loi. Ce sera le statu quo, en fait, sauf pour ce qui est des taux de rémunération, qui peuvent être augmentés selon les pourcentages énoncés dans la loi sur le contrôle.

Le sénateur Ringuette : Si le gouvernement souhaite véritablement imposer un contrôle des salaires, pourquoi le système de récompenses pour les sous-ministres adjoints est-il maintenu?

Cela fait partie du revenu de ces personnes. Cela me pose un gros problème qu'à une extrémité de l'éventail, en ce qui concerne la hiérarchie de la fonction publique, l'on conserve le système de primes, qui n'est pas si mal, alors que les employés à l'autre extrémité de la gamme salariale à l'intérieur de la fonction publique voient leur rémunération soumise à la restriction salariale.

Mme Laurendeau : Je devrais peut-être apporter un éclaircissement. Je ne voudrais pas être trop technique, mais il est une chose qu'il faut comprendre. Mettons un instant de côté la rémunération au rendement pour les cadres supérieurs. J'y reviendrai. Le gros des personnes qui sont couvertes par le projet de loi continueront d'être gouvernées par la progression annuelle de leur taux de rémunération. Le gros des employés syndiqués bénéficient chaque année d'une augmentation d'échelon. En d'autres termes, vous entrez dans la fonction publique à un certain niveau, qui correspond généralement au minimum, puis, chaque année, vous bénéficiez d'une augmentation d'échelon jusqu'à ce que vous atteigniez le maximum. C'est ainsi que le salaire progresse pour le gros des travailleurs. Ces augmentations d'échelon ne sont pas touchées par le projet de loi.

Ce qui est touché c'est le montant d'augmentation de la grille salariale. L'augmentation de la grille salariale peut être négociée entre zéro et un chiffre supérieur. Cette augmentation de la grille salariale est plafonnée selon les pourcentages que je vous ai donnés, mais la progression à l'intérieur de la grille salariale demeure.

Parallèlement à cela, dans le cas des cadres supérieurs, ceux-ci progressent à l'intérieur de leur grille de rémunération grâce à la rémunération au rendement et à la gestion du rendement. Les cadres supérieurs sont donc traités de la même manière que les employés syndiqués fonctionnant selon un régime d'augmentations d'échelon. Le système de progression n'est pas touché par le projet de loi, tout comme c'est le cas des personnes soumises à un régime d'augmentations d'échelon. Cependant, l'augmentation de la grille de rémunération est limitée par le pourcentage fixé pour l'année concernée.

Le sénateur Ringuette : D'après ce que je sais, il existe également une grille de rémunération pour les sous-ministres adjoints, selon le ministère où ils travaillent, leur niveau d'ancienneté, et ainsi de suite. Êtes-vous en train de me confirmer qu'il y a bel et bien un traitement différent pour les personnes en haut de la hiérarchie de la fonction publique, comparativement aux personnes qui se trouvent en bas?

Mme Laurendeau : Je ne pense pas que je sois en train de confirmer cela. Ce que je dis c'est que les deux groupes ont des régimes de progression différents et que les deux catégories d'employés conservent leur régime de progression. La seule chose qui est limitée c'est l'augmentation économique pouvant être appliquée à ces régimes de rémunération.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais poursuivre là-dessus. Ceux qui fonctionnent selon le régime de progression et qui ont droit à des augmentations continueront d'y avoir droit, et ils pourraient en plus bénéficier du 1,5 p. 100 à titre d'augmentation en fonction de l'inflation.

Mme Laurendeau : Exactement.

Le sénateur Eggleton : Ceux qui font partie des catégories à plus faible salaire ne vont recevoir que le 1,5 p. 100.

Mme Laurendeau : Non, tel n'est pas le cas. Les personnes qui sont soumises au régime d'augmentations d'échelon comptent pour le gros de la fonction publique. Il y a un régime de paye au rendement pour un nombre très limité de personnes à l'intérieur de la fonction publique, principalement les cadres supérieurs et les tranches supérieures de certains groupes professionnels et groupes exclus.

Si je devais suivre votre logique, la plupart des personnes à salaire faible ou intermédiaire et un certain nombre des personnes à salaire plus élevé, qui relèvent d'un régime d'augmentation par palier, demeureraient intouchées pour ce qui est de la progression.

Le sénateur Eggleton : Ils touchent toujours plus dans la progression.

Mme Laurendeau : Oui.

Le sénateur Eggleton : Ils le font en gravissant les échelons.

Mme Laurendeau : Oui.

Le sénateur Eggleton : Il faut comparer cela à la situation des autres, qui sont maintenus à 1,5 p. 100.

Mme Laurendeau : Non, tout le monde pourra progresser, depuis le CR-1 jusqu'en haut.

Le sénateur Eggleton : Cependant, s'ils sont en haut de la fourchette, alors c'est tout.

Mme Laurendeau : Oui, cela s'applique à tous les membres de n'importe quel groupe, qu'ils soient mieux payés ou moins bien payés.

Le sénateur Eggleton : En ce qui concerne les reclassifications, y a-t-il des règles qui s'appliqueront pour prévenir l'abus de reclassifications pour contourner le 1,5 p. 100?

Mme Laurendeau : Si vous permettez, sénateur, vous avez une très longue mémoire.

Le sénateur Eggleton : J'étais autrefois président du Conseil du Trésor.

Mme Laurendeau : Il existe plusieurs mécanismes grâce auxquels nous pouvons contenir la masse salariale du gouvernement fédéral. L'on peut recourir à de nombreux mécanismes, tels le gel de la classification, de la dotation ou de l'embauche — il y a quantité de gels. Le mécanisme qui a été choisi dans le projet de loi est limité aux augmentations économiques dans la masse salariale globale, qui est le mécanisme décrit ici.

Les autres mesures ayant pu être envisagées comme étant possibles ne sont pas saisies par le projet de loi. Les règles normales s'appliquent; voilà ce que j'essaie de dire.

Le sénateur Eggleton : Surveillez cela de près.

J'aimerais comprendre quelle est la relation entre la partie 11 et la partie 10.

Le président : Nous allons aborder sous peu la partie 11.

Le sénateur Eggleton : Il y a une relation entre les deux. Vous ne voulez pas que je pose mes questions là-dessus maintenant?

Le président : Non, il y a plusieurs personnes qui s'intéressent à la partie 10. Nous aborderons ensuite la partie 11. Nous aurons l'explication, puis les questions, dont l'une pourrait concerner le lien entre cette partie et la partie 10, dont nous aurions tout juste traité.

Le sénateur Mitchell : Je m'intéresse tout particulièrement à la partie 11, mais j'ai une ou deux questions sur la partie 10. La documentation que nous avons reçue du ministère dit que la partie 10 établit les règles régissant les questions économiques, les taux de rémunération des employés syndiqués, et cetera. On y lit également « elle maintient certaines conditions d'emploi à leur niveau actuel », ce qui laisse entendre, me semble-t-il, que ces conditions-là ne pourraient pas être améliorées mais modifiées dans le cadre d'un processus de négociation collective. De quelles conditions pourrait-il s'agit?

Mme Laurendeau : Ce serait celles ayant des ramifications monétaires, par exemple l'augmentation d'une indemnité existante, l'introduction d'une nouvelle indemnité, et ainsi de suite. Toutes les autres conditions de travail n'ayant pas de conséquence monétaire continueraient d'être soumises à la négociation collective.

Le sénateur Mitchell : Vous ne pourriez pas changer les pensions, par exemple, n'est-ce pas?

Mme Laurendeau : Définitivement pas. Les pensions sont régies par la loi, et ce projet de loi ne touche aucunement à ce texte de loi en particulier. Le régime de pensions tout entier demeure intouché.

Le sénateur Mitchell : Vous parlez d'indemnités, mais pourriez-vous me donner un exemple — pourrait-il, par exemple, s'agir d'indemnités pour des déplacements?

Mme Laurendeau : Cela ne serait pas considéré comme une indemnité; ce serait considéré comme un remboursement de dépenses d'emploi. Les indemnités pourraient être des choses comme des indemnités de marché, ou des indemnités de plongée pour des plongeurs. Nous avons, dans la fonction publique, 265 types d'indemnités qui sont liées à des emplois. Vous exécutez une tâche particulière et vous touchez de ce fait une indemnité. Ces indemnités demeureraient telles quelles.

Le sénateur Mitchell : Une indemnité de marché pourrait vous être versée du fait que vous habitez un endroit où le coût de la vie est plus élevé, n'est-ce pas?

Mme Laurendeau : Non. Cela serait couvert par les politiques en matière de remboursement relatives au coût de la vie. L'indemnité de marché interviendrait dans le cas, par exemple, d'un problème particulier de recrutement ou de rétention de pharmaciens. Dans les forces armées, le problème de la rétention des pharmaciens est tout particulièrement aigu. Au-delà, donc, de la solde normale correspondant au rang militaire de pharmacien, il y a des indemnités axées sur le marché. Celles-ci demeureraient, mais ne seraient aucunement augmentées.

Le sénateur Mitchell : Si nous avions davantage de difficulté à obtenir des médecins pour l'Afghanistan et si nous pensions qu'il y aurait peut-être lieu d'augmenter l'indemnité axée sur le marché, le projet de loi dirait non, vous ne pouvez pas le faire?

Mme Laurendeau : Pour les deux prochaines années, c'est exact.

Le sénateur Mitchell : Il ne nous reste plus que deux années en Afghanistan. Je serais curieux de savoir si quelqu'un a pensé à cela.

Mme Laurendeau : Nous examinons tous les aspects de la rémunération lorsque nous envisageons un mécanisme grâce auquel nous pouvons contenir le problème, et nous évaluons le risque lié à tous les éléments de la rémunération. Il a été déterminé que ce qui est proposé ici offre la meilleure combinaison de mécanismes justes, les moins intrusifs et les plus efficients, pour contenir les coûts, ce qui était l'objectif.

Le sénateur Mitchell : Ce ne serait pas juste à l'égard de nos soldats en Afghanistan si nous ne pouvions pas obtenir davantage de médecins. Nous devrions convoquer à nouveau le ministre, car les représentants militaires de haut niveau que nous avons entendus au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense nous ont dit qu'ils étaient en train d'essayer d'attirer des pilotes mis à pied par les compagnies aériennes et que cela occasionnerait des primes et des ajustements au marché. Le marché est en train de s'ajuster très rapidement et nous devrions peut-être quant à nous apporter ces ajustements, mais cela ne sera pas possible.

Mme Laurendeau : J'entends ce que vous dites, sénateur, mais en même temps, les régimes de rémunération existants, notamment pour les militaires, sont régulièrement mis à jour. Nous ne parlons pas des anciennes indemnités reliées au marché immobilier. Celles-ci sont relativement importantes et elles sont ajustées parallèlement à l'augmentation économique du salaire de base. Il y a en la matière un genre d'effet en chaîne.

Le sénateur Mitchell : Nous venons tout juste d'entendre un ministre dire que personne ne peut prédire l'avenir, que personne ne sait ce qui va se passer. Personne ne savait, même si les gens étaient nombreux à le lui dire, qu'il allait y avoir une récession. Quelqu'un peut-il avoir la certitude que nous n'aurons pas à augmenter les ajustements au marché de manière à trouver des médecins à envoyer en Afghanistan? Il s'agit sans doute d'une question qu'il me faudrait poser au ministre. J'ose espérer que nous pourrons obtenir qu'il revienne devant nous afin que le puisse le faire.

Le droit de grève n'est pas touché par le projet de loi, mais il n'est pas non plus protégé par ce dernier. Celui-ci ne dit pas que le gouvernement ne va pas apporter de changements au droit de grève pendant les deux années d'application de cette loi sur le contrôle des dépenses, par exemple.

Mme Laurendeau : Il dit que les processus normaux relevant de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ou du Code canadien du travail, selon le groupe concerné, demeureront intouchés. Il prescrit le niveau des augmentations et les plafonne aux niveaux énoncés; mais tous les processus existants en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique demeurent intouchés. Le droit de grève, le droit de choisir entre l'arbitrage et la grève, demeurent intouchés.

Le sénateur Mitchell : Cependant, le gouvernement était prêt à modifier le droit de grève dans sa mise à jour relative à la situation financière à l'automne.

Mme Laurendeau : Je ne peux que me prononcer sur le projet de loi que vous avez devant vous. Je ne vais pas spéculer sur ce qui aurait pu être fait ou pas fait.

[Français]

Le président : Je cède la parole au sénateur de la région des Laurentides, le sénateur Rivard.

Le sénateur Rivard : Merci monsieur le président, le sénateur Mitchell vient de poser exactement la question que je désirais poser à Mme Laurendeau. Vous avez commencé votre exposé en parlant de quatre augmentations. Vous avez dit que le droit de grève était maintenu. C'est une bonne intention de limiter, mais si les fonctionnaires refusent, ils peuvent aller en grève ou l'arbitrage est aussi possible.

Mme Laurendeau : Tout à fait.

Le sénateur Rivard : Je m'excuse d'avoir posé la question.

Mme Laurendeau : Cela me fait plaisir de l'entendre en français.

Le président : On a la traduction.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : J'aimerais revenir sur les questions qui ont été posées jusqu'ici, car j'estime qu'elles sont importantes à bien des égards. Dans vos observations initiales, vous avez dit que les montants des indemnités sont tous gelés. Est-ce bien cela? Ce qui signifie que, quelles que soient les indemnités, elles n'augmenteront pas de 2,5 ou de 1,5 p. 100 ou autre, n'est-ce pas?

Mme Laurendeau : C'est exact.

Le sénateur Di Nino : Elles ont été plafonnées, gelées, au niveau maximal qui existe en ce moment.

Mme Laurendeau : Oui, au niveau auquel elles étaient lors du dépôt du projet de loi.

Le sénateur Di Nino : Je pense que c'est là un bon éclaircissement.

Quant à la question posée par le sénateur Eggleton, tout cela fait bien évidemment l'objet d'un genre de vérification ou de contrôle. Pourriez-vous nous décrire le processus qui serait suivi pour veiller à ce qu'il n'y ait pas d'abus? Y a-t-il un processus de vérification?

Mme Laurendeau : Je ne voudrais pas donner l'impression au comité qu'il n'y a aucun contrôle quant à ce que l'on appelle le « grimpement de la classification » ou le recours inopportun à des mesures de dotation. J'imagine que c'est à cela que vous vouliez en venir avec vos questions.

Ces aspects sont traités par le biais de délégations de pouvoirs aux sous-ministres dans tous les ministères. Je songe ici tout particulièrement aux systèmes de promotion et de classification. Il existe des politiques régissant la façon dont ces choses sont censées se faire, et il y a dans chaque ministère un cadre de vérification. Chaque ministère est responsable d'effectuer sa propre vérification pour veiller à ce que ces politiques soient appliquées comme il se doit.

Si je vous ai donné l'impression que ces activités ne sont soumises à aucun contrôle, je peux vous confirmer que c'est le contraire, et que cela est assuré tant par le biais des politiques et systèmes qu'au niveau des différentes fonctions d'audit et de vérification.

Le sénateur Di Nino : La vérificatrice générale jouerait-elle quelque rôle à l'avenir pour veiller à ce que ces vérifications soient effectuées, et ce, de manière appropriée?

Mme Laurendeau : Je ne peux pas me prononcer sur le programme de la vérificatrice générale mais, théoriquement, oui, l'une de ces activités peut être vérifiée par la vérificatrice générale. J'ignore cependant si de telles vérifications sont déjà inscrites au programme à court terme du Bureau du vérificateur général.

Le sénateur Di Nino : Je pense que la vérificatrice générale jouit du pouvoir d'en mener.

Mme Laurendeau : Oui, parfaitement.

Le sénateur Di Nino : L'autre question qui a été soulevée est que l'on ne peut pas, comme cela a été dit, prédire l'avenir. En effet, si le gouvernement devait modifier certaines de ces règles, il lui faudrait revenir au Parlement pour en demander l'autorisation. N'est-ce pas ainsi que les choses se passeraient s'il nous fallait trouver 15 pilotes à envoyer en Afghanistan et si nous y envoyions d'autres soldats, car je pense que lorsque vous allez en Afghanistan, vous touchez une indemnité.

Mme Laurendeau : Oui, l'indemnité demeure.

Le sénateur Di Nino : L'indemnité demeure, mais nous avons parlé d'envoyer là-bas encore d'autres personnes, ce qui nécessiterait peut-être une rémunération supplémentaire. Si le gouvernement devait faire cela, ne pourrait-il pas en demander l'autorisation au Parlement?

Mme Laurendeau : Vous avez tout à fait raison. D'après ce que je comprends, tout ce qui est fait dans ce pays par la voie législative peut être défait, changé, modifié ou ajusté au moyen de modifications aux lois. Le fait que le projet de loi dont nous discutons ici ait une durée d'application fixe signifie que la situation pourrait être modifiée par une autre loi du Parlement ou par un nouveau budget, advenant la nécessité et le désir du Parlement de le faire.

Le sénateur Di Nino : Il me faut un éclaircissement. Nous discutons ici de dépenses aux fins du versement de rémunérations qui, si je vous ai bien compris, pourraient être une combinaison de salaire, d'indemnités, l'un des deux ou les deux à la fois; est-ce bien le cas?

Mme Laurendeau : C'est exact.

Le sénateur Murray : Vous me pardonnerez si vous avez déjà traité de cette question. Je suis en train d'examiner la Loi sur le contrôle des dépenses et la limitation du taux de salaire pour les fonctionnaires fédéraux. Pourriez-vous repasser en revue avec nous, si vous l'avez déjà fait, ce qui se passe dans le cas d'employés appartenant à un syndicat ayant conclu une entente prévoyant une augmentation de 2,5 p. 100 par an en 2008-2009 et au-delà, par exemple? Ces augmentations vont-elles maintenant être annulées?

Mme Laurendeau : Merci de poser cette question, car il s'agit d'un élément important du projet de loi. Non, je n'ai pas encore traité de cela, et je me ferai donc un plaisir de répondre à vos questions.

Pour ce qui est du futur, toute augmentation négociée, supérieure aux pourcentages énoncés dans le projet de loi, serait ramenée pour correspondre au plafond.

Le sénateur Murray : C'est-à-dire 1,5 p. 100.

Mme Laurendeau : Oui. Tout ce qui a pu être fait pour 2006 ou 2007 et qui a déjà été appliqué aux taux de rémunération et, en conséquence, versé aux employés, ne serait pas récupéré. Je ne sais pas si vous saisissez la distinction que j'établis.

Le sénateur Murray : Je comprends. Qu'en est-il pour 2008-2009, c'est-à-dire l'exercice financier se terminant d'ici deux ou trois semaines?

Mme Laurendeau : Tout dépend du moment où ces augmentations sont censées intervenir. Si elles sont entrées en vigueur après le 8 décembre 2008, elles seraient saisies par le projet de loi. Si elles ont été appliquées plus tôt dans l'année, disons avant le 1er mars 2008, par exemple, elles demeureraient, car elles auraient déjà été mises en application.

Le sénateur Murray : Dites-nous donc quelle est la signification de la date du 8 décembre?

Mme Laurendeau : En novembre, lors de l'annonce de la mise à jour économique de l'automne, nous étions convaincus qu'il était de notre devoir d'essayer de négocier avec un maximum d'agents de négociation dans l'espoir d'en arriver à des ententes au lieu d'avoir à contenir les coûts en recourant à un mécanisme plus drastique, comme un projet de loi de contrôle des dépenses. Nous avons, pendant cette période, réussi à négocier de nombreuses conventions collectives. Il y a eu à l'époque un foisonnement d'activités avec bon nombre d'unités de négociations qui étaient désireuses de s'asseoir pour essayer d'en arriver à une entente avec nous. Les gens pouvaient voir que l'économie ralentissait. Nous avions laissé le processus des négociations s'étirer jusque vers fin novembre, début décembre.

Les négociations n'ont pas abouti dans tous les cas, bien évidemment. Il nous fallait toujours aller de l'avant pour ce qui est de tous les travailleurs non syndiqués et des groupes de travailleurs syndiqués restants avec lesquels nous n'avions pas pu nous entendre, pour terminer le travail de contrôle des dépenses. Nous avons travaillé fort pour en arriver à des ententes et nous voulions être sincères avec les groupes qui avaient, de manière générale, négocié avec nous en vue d'en arriver à un règlement, en ne touchant pas à ces derniers. Cependant, nous tenions à demeurer justes à l'égard des autres pour ce qui est de l'avenir. L'heure tournait.

Le sénateur Murray : Je me souviens d'avoir vu les annonces, mais je ne peux pas les situer dans la période précédant le 8 décembre ou suivant le 8 décembre.

Mme Laurendeau : Elles ont été faites dans la semaine du 15 novembre, si ma mémoire est bonne.

Le sénateur Murray : Vraiment? Certaines d'entre elles, une en tout cas, me semble-t-il, est venue après l'énoncé économique de novembre, mais vous me corrigerez si je me trompe. Lorsque j'ai vu qu'il s'agissait d'un très gros syndicat, l'un des plus gros, je me suis demandé pourquoi il avait été décidé d'imposer le contrôle des salaires alors qu'une entente appropriée avait déjà été négociée.

Mme Laurendeau : Nous avons déposé une offre finale aux environs de la semaine du 15 novembre, et avons conclu une entente avec l'Alliance de la fonction publique du Canada le 29 novembre. C'était autour de cette période-là. Dans le cas de quatre groupes de l'Alliance de la fonction publique du Canada, nous avions obtenu un règlement par la voie de la négociation. Vous avez raison.

Le sénateur Murray : Pour en revenir au 8 décembre, rien de ce qui a été négocié et conclu avant le 8 décembre ne sera touché par ces seuils de contrôle, n'est-ce pas?

Mme Laurendeau : Ce qui a été négocié sera touché si, pour les années futures, l'augmentation économique allait être supérieure, mais le gros des augmentations que nous avons négociées en octobre et novembre s'inscrivent à l'intérieur des paramètres. L'entente que nous avons négociée avec l'AFPC s'inscrit dans ces paramètres.

Le sénateur Murray : Vous parlez du 1,5 p. 100 par an.

Mme Laurendeau : C'est exact.

Le sénateur Murray : Pour ce qui est de toute somme devant aller dans la poche des employés après le 8 décembre, il y aura annulation ou récupération. Est-ce bien cela?

Mme Laurendeau : Je ne parlerais pas de récupération, car la récupération va chercher dans vos poches de l'argent que vous avez déjà touché.

Le sénateur Murray : Ce sera fait au prorata, et on viendra vous l'arracher à l'avenir.

Mme Laurendeau : Oui, à l'avenir seulement.

Le sénateur Murray : D'autres voudront peut-être aborder ces questions de manière plus détaillée. J'ai touché au fond de ma compétence dans ce domaine particulier.

Est-ce par un pur effet du hasard que le 8 décembre ait également été la date à laquelle le gouvernement faisait face à un vote de confiance à la Chambre, vote qu'il a par la suite reporté? Encore une fois, pourquoi avez-vous choisi le 8 décembre? Cette date a-t-elle quelque connotation religieuse?

Mme Laurendeau : Non. Elle n'a aucune connotation religieuse. En fait, il s'est agi d'un choix purement pragmatique, et je ne me souviens pas de la date de prorogation. Je ne suis pas dans les secrets des dieux pour ce qui est du choix du moment pour ces choses. Lorsque nous sommes arrivés à la fin du mois de novembre, la simple capacité du système quant à la disponibilité des négociateurs, tant du côté des syndicats que du côté de l'employeur, nous a obligés à envisager de donner un petit peu de mou côté temps, pour laisser le processus de négociation finir sa course. Nous étions d'avis, très indépendamment du reste de l'activité, que, du point de vue purement négociation, il aurait été injuste de couper court aux négociations et de ne pas les laisser aboutir alors que les deux parties étaient si près et que la question était celle de la capacité. Les gens négociaient presque jour et nuit. Nos plus importants agents négociateurs avaient dans leur équipe des personnes qui devaient traiter avec plusieurs unités de négociation. Il était impossible de faire coller les horaires pour toutes les tables.

Le sénateur Murray : J'imagine que nous avons tous reçu un courriel d'une personne qui était membre ou dirigeant syndical, je ne me souviens plus. J'avais relevé le fait que le syndicat représentait, entre autres, les employés du Musée des beaux-arts. L'auteur du courriel disait qu'ils avaient négocié 2,5 p. 100 et que cela allait être annulé pour l'avenir. Il ne sert à rien de traiter ici maintenant de cas particuliers.

Ce qui a été souligné de manière très précise dans l'énoncé de novembre, si mon souvenir est exact, c'est que, de manière générale, les règlements salariaux dans le secteur privé l'emportaient sur ceux du secteur public. Il est difficile de savoir ce que cela signifie — en d'autres termes s'agissait-il d'un cliché correspondant à un moment bien précis, parlait-on de la fonction publique fédérale par opposition au secteur public en général, ou quoi? Je ne me m'attends pas à ce que vous ayez la réponse sur le bout des doigts, mais j'aimerais bien voir des preuves à l'appui de cette déclaration, de la documentation là-dessus, s'il vous serait possible de nous en fournir.

Mme Laurendeau : J'aurais bien de la difficulté à déterminer qui a dit cela.

Le sénateur Murray : Je suis à peu près certain que cela se trouve dans l'énoncé économique de l'automne, dont je n'ai pas le texte devant moi.

Mme Laurendeau : Je ne l'ai pas non plus devant moi.

Le sénateur Murray : Je me souviens d'avoir coché le texte dans la marge, mon idée étant de poser des questions là-dessus si j'en avais l'occasion. Et c'est maintenant mon occasion.

Mme Laurendeau : Je regrette, mais je ne peux pas vous aider.

Le sénateur Murray : Vérifiez, si vous le voulez bien, s'il existe quelque documentation là-dessus.

Une autre chose. Je ne compte pas aller très loin avec ceci, mais j'aimerais bien voir si vous pouvez nous dire quelque chose. L'un des dirigeants syndicaux qui a comparu, je pense, devant un comité de la Chambre des communes, a déclaré — pas au sujet de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, mais relativement à la Loi sur le contrôle des dépenses — qu'ils allaient faire appel aux tribunaux et que les litiges dureraient longtemps. D'après ce que j'ai compris de ses propos, il estimait avoir un assez solide dossier de contestation fondée sur la Charte.

J'ai une assez bonne connaissance générale des décisions de la Cour suprême du Canada, remontant jusqu'à la politique des six et cinq sous le gouvernement Trudeau. Je pense qu'il y a eu un autre cas semblable avec des mesures adoptées par le gouvernement Mulroney.

Outre nous dire, comme je suis certain que vous le ferez, que le gouvernement a confiance dans la constitutionnalité de son projet de loi, y a-t-il d'autres informations générales que vous pourriez nous donner pour nous éclairer en la matière?

Mme Laurendeau : Vous comprendrez, sénateur, qu'il me faut demeurer très générale. Il importe de comprendre une chose. Beaucoup d'efforts ont été déployés pour essayer de veiller à ce que les mesures amènent la prévisibilité des dépenses requises, tout en assurant que le projet de loi demeure aussi peu intrusif que possible. Je pense que votre collègue de Toronto a soulevé la question d'autres mécanismes qui pourraient être envisagés. Toutes ces options ont été examinées dans le cadre des choix effectués aux fins de ce projet de loi en particulier.

Nous avons également déployé d'énormes efforts, dont je viens tout juste de traiter, pour régler, dans le contexte de ces paramètres, avec autant d'agents et d'unités de négociation que possible, qu'il s'agisse d'employeurs distincts ou du noyau de la fonction publique. L'objectif, qui était d'assurer que la dépense s'inscrive à l'intérieur de certains paramètres, est demeuré, et devait être appuyé par d'autres mesures.

L'explication que je vous donne est peut-être un peu longue, mais ce que j'essaie de dire est que d'importants efforts ont été déployés du côté des négociations, avec un niveau d'entente considérable. Comme vous l'avez dit plus tôt, nous avions réussi à régler avec un des gros syndicats à l'intérieur des paramètres des objectifs financiers appuyés par le projet de loi. Pour ce qui est du reste, je ne voudrais pas faire de supputations sur les intentions des dirigeants syndicaux négociateurs ni sur d'éventuelles contestations devant les tribunaux. Les syndicats ont tendance à faire preuve de beaucoup de créativité en la matière.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Combien de millions représente le plan de bonification ou de mérite pour l'année 2007-2008 pour la haute hiérarchie de la bureaucratie?

Mme Laurendeau : Je ne pourrais pas vous répondre.

Le sénateur Ringuette : Allez-vous pouvoir le faire pour ce comité? Je sais que la dernière fois qu'on avait regardé des estimés, c'était aux environs de 20 millions. J'aimerais que vous nous confirmiez un montant.

Mme Laurendeau : Cela me fera plaisir de vous confirmer un montant. J'aimerais être claire sur la nature de la question. Vous aimeriez connaître la dépense annuelle?

Le sénateur Ringuette : Le plan de bonification de la haute direction de la fonction publique, la prime au mérite.

Mme Laurendeau : J'ai des amis à l'arrière qui prennent les questions en note. Je n'ai pas les réponses en tête, mais nous ferons les efforts requis pour vous répondre.

Le président : Aussitôt que possible, nous avons de la pression ici.

Mme Laurendeau : Je comprends, moi aussi.

Le sénateur Ringuette : J'ai une dernière question sur cette partie. Madame Laurendeau, pouvez-vous indiquer aux membres de ce comité comment les diminutions des salaires des employés de la fonction publique du Canada vont stimuler l'économie canadienne?

Mme Laurendeau : Je ne crois pas être en position de répondre à cette question. Je suis une spécialiste en relations de travail et en rémunération. Je ne suis pas une économiste.

Le sénateur Ringuette : Cela fait partie du plan de stimulation économique du gouvernement actuel.

Mme Laurendeau : En même temps, je vous dirais, sans vouloir spéculer sur les choses en dehors de mon domaine, le gouvernement du Canada demeure le plus gros employeur au pays et quand vient le temps de prendre des décisions sur les augmentations nécessaires qui sont d'abord et avant tout des augmentations qui proviennent des contribuables, il y a une décision à prendre. Je ne peux pas vous dire comment le salaire des fonctionnaires stimule l'économie. C'est au-delà de mes compétences. Je peux vous dire qu'il y a une responsabilité d'employeur de prendre des décisions qui vont dans le sens des priorités du gouvernement.

Le sénateur Ringuette : J'aimerais vous faire remarquer que tous les économistes du pays que j'ai eu l'occasion d'entendre depuis les six derniers mois répètent constamment que l'économie va retrouver un certain équilibre au moment où les consommateurs auront confiance dans l'économie et commenceront à consommer à un rythme plus normal.

Si les employés du plus grand employeur du pays ont moins de revenus, comment pensez-vous qu'ils pourront stimuler l'économie? Je ne dis pas cela comme professionnel dans votre domaine, mais essentiellement, on nous propose ce projet de loi comme étant un ensemble d'interventions pour stimuler l'économie. Et si ce point particulier constitue une intervention pour stimuler l'économie, j'aimerais que votre département puisse fournir aux membres de ce comité votre analyse pour confirmer ou infirmer le stimulus économique que cela va produire.

Le président : Êtes-vous capable de répondre?

Mme Laurendeau : Je ne suis pas en position de répondre à cette question, cela tient plus de la politique fiscale que de la question de relations de travail à laquelle je peux répondre.

Le président : Pouvez-vous demander aux autres départements cette information pour le comité?

Mme Laurendeau : Je ne suis pas en mesure de vous dire si je peux nous commettre à donner une réponse à cette question. Mais certainement on note la question.

Le sénateur Rivard : J'avais une autre question, mais je pense à ce que le sénateur Ringuette vient de souligner, il faut quand même se souvenir qu'il y a des augmentations. Il n'y a pas un gel ni une baisse de salaire. On contribue à améliorer la qualité de vie des fonctionnaires qui auront plus d'argent pour pouvoir investir dans l'économie.

Mme Laurendeau : Et plusieurs autres équivalents dans la main-d'œuvre n'ont pas d'emploi au moment où on se parle. Vous avez raison, on parle d'une main-d'œuvre de 375 000 personnes qui vont bénéficier d'augmentation de 6,8 p. 100 au total. C'est quand même une certaine force.

Le sénateur Rivard : Est-ce que la Loi sur le contrôle des dépenses des salaires s'applique aux sociétés de la Couronne comme la Société canadienne des postes?

Mme Laurendeau : Cela ne s'applique qu'aux corporations de la Couronne qui sont complètement dépendantes des fonds publics. Alors, je vous référerais à l'annexe de la législation; celles qui ont des revenus, par exemple, la Société canadienne des postes n'est pas couverte par cette législation. Si vous me laissez trouver la page, la liste compte surtout des musées, des organismes, des corporations de la Couronne qui sont « fully appropriation dependant ». Cela ne couvre pas la Société canadienne des postes.

Le sénateur Rivard : Merci.

Le sénateur Chaput : Monsieur le président, je vous remercie. Mes questions sont assez brèves. Madame Laurendeau, vous venez de dire que la fonction publique est le plus gros employeur du Canada. Je me demandais, quelle a été l'économie, à l'échelle du pays, avec les chiffres que vous avez apportés? Si vous pouvez me répondre et ensuite, sur cette économie à l'échelle du pays, quel est le pourcentage de femmes qui font partie de la fonction publique? Qui n'est pas couvert par cette entente? Qui doit y participer et qui n'y participe pas?

Mme Laurendeau : Vous aviez trois parties à votre question. La première, je ne suis pas sûr de la comprendre. L'économie, vous voulez dire « the savings ».

Le sénateur Chaput : Oui.

Mme Laurendeau : La troisième, c'est la représentation féminine dans la fonction publique.

Le sénateur Chaput : Oui, exactement et de cette représentation féminine, avez-vous une idée du pourcentage de ces personnes qui ont contribué le plus à ces « savings » comme vous dites? Est-ce qu'on a une idée de cela? Ensuite, vous avez mentionné que la Société des postes n'était pas couverte. Est-ce qu'il y en a d'autres? Combien et qui sont-ils?

Mme Laurendeau : Je pourrais répondre à cette question, mais ce sera possible que d'ici les prochains jours. Je voudrais vous donner une réponse claire. Je ne voudrais pas spéculer et vous donner des à-peu-près. On a des données sur la prédominance féminine de la fonction publique. Mais je ne l'ai pas pour les forces armées. Si je veux être juste, je devrais vous donner les chiffres globaux.

En termes d'économie, cela dépend toujours de ce qu'on avait prévu dépenser. Alors, c'est difficile de tenter de déterminer une économie en termes de chiffres par rapport à ce qui avait à un moment donné été prévu de dépenser. Cela dit, ce que je vous dirais, c'est que chaque pourcentage d'augmentation économique sur la population qui est couverte par cette législation correspond à une dépense d'environ 330 millions de dollars. Chaque pourcentage d'augmentation correspond à une dépense d'environ 330 millions de dollars. Alors chaque fois qu'on économise un p. cent, on économise aux fonds publics 330 millions de dollars. J'hésite à appeler cela une économie.

On ne peut pas spéculer sur ce qui aurait été une augmentation économique. On a pris des mesures pour les contenir à la dépense qui est là.

Le sénateur Chaput : Ces mesures n'ont pas été prises avec une volonté d'économiser.

Mme Laurendeau : D'assurer plutôt la prévisibilité de la dépense. S'assurer qu'on aurait un item de dépenses pour l'augmentation de l'enveloppe de rémunération pour toute cette population qui serait connue pour être capable de faire face aux autres défis pour avoir une forme de prévisibilité si vous voulez.

[Traduction]

Le président : Merci, madame Laurendeau. Il a été porté à mon attention que, dans l'énoncé économique et financier de novembre 2008, les initiatives proposées devaient réduire les dépenses fédérales de 0,6 milliard de dollars en 2008-2009, de 0,6 milliard de dollars en 2009-2010, de 0,9 milliard de dollars en 2010-2011 et de 1 milliard de dollars pour chacune des deux années suivantes. Cela est contenu dans l'énoncé économique.

Mme Laurendeau : Je pense que ce sont mes collègues des Finances qui devraient répondre. Cela englobe définitivement certaines des économies découlant de cette initiative législative en particulier, mais il y a peut-être d'autres éléments du projet de loi qui y sont inclus également.

Le président : Merci. Je pensais que nous en avions terminé avec ce tour-ci et étions prêts à passer à la partie 11, mais le sénateur Nancy Ruth a une question au sujet de la partie 10, avant que nous ne passions à la suite.

Le sénateur Nancy Ruth : Lorsqu'il a été décidé d'économiser X dollars, qu'il s'agisse de 330 millions de dollars ou autre, y a-t-il eu quelque discussion quant à savoir comment procéder, autrement que par le biais d'une mesure générale? Je poursuis l'interrogatoire du sénateur Chaput. A-t-on discuté de la possibilité que ceux gagnant, mettons, moins de 50 000 $, obtiennent 2 p. 100, ceux gagnant plus de 100 000 $, 0,5 p. 100, et ainsi de suite, afin qu'il y ait un ratio et un étalement de la douleur, en quelque sorte?

Mme Laurendeau : Il y a définitivement eu des évaluations de différentes options pour en arriver à la cible en matière de dépenses, compte tenu de la croissance et de la distribution de la masse salariale. Diverses options ont été envisagées, mais il n'a pas été question de procéder par seuil, non. Auraient compté parmi les options envisagées la diminution de la taille de l'effectif, ce qui aurait amené des mises à pied, ou des choses comme le gel des augmentations d'échelon ou de la progression des taux de salaire, mesures qui ont été utilisées en période difficile par le passé, mais que les travailleurs avaient eu beaucoup de mal à encaisser. C'est ainsi qu'il a été déterminé que cet ensemble de mesures était celui qui était le plus cohérent, le moins intrusif et le plus productif.

Le président : Cela s'est très bien déroulé, madame Laurendeau, et nous aimerions maintenant faire de même avec la partie 11. Pourriez-vous nous donner un bref aperçu de ce que prévoit la partie 11, avant que nous ne passions aux questions? J'ai déjà une liste de noms, avant même que vous ne nous fassiez votre survol.

Mme Laurendeau : J'avais pensé que nous pourrions traiter d'abord d'une autre partie, afin que j'aie un petit répit, mais je constate que ce n'est pas le cas.

Le président : Vous avez si bien fait avec la première.

Mme Laurendeau : Celle-ci est un petit peu plus corsée.

Ce projet de loi vise essentiellement ce qui est énoncé dans son propre préambule, que vous trouverez à la page 362. Il a pour objet d'instaurer quelque chose que préconisent les experts en matière d'équité salariale dans ce domaine, soit l'établissement d'un régime proactif pour assurer un salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale. Nous avons accumulé des années d'expérience avec l'actuel régime, qui est explicité à l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. L'article 11 prévoit que l'employeur est seul responsable de veiller au respect du principe d'un salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale, et que constitue un acte discriminatoire le fait de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent dans le même établissement des fonctions équivalentes. Les obligations énoncées à l'article 11 de l'actuelle Loi canadienne sur les droits de la personne constituent, soit dit en passant, une obligation internationale que le Canada s'est engagé à respecter.

Cela étant dit, le régime que nous avons en place au niveau fédéral est fondé sur un système de plaintes. En d'autres termes, si vous estimez, individuellement, ou en tant que groupe, qu'un employeur n'a pas respecté le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale, alors vous pouvez déposer une plainte. Il s'ensuit une enquête, un long litige, puis une analyse de part et d'autre, souvent appuyée par de très riches syndicats, et le contentieux peut ainsi s'étirer sur 15 ans. En bout de ligne, vous obtenez un résultat réglant censément l'acte discriminatoire prétendu.

Les problèmes d'un système fondé sur des plaintes sont doubles. Il s'agit d'un processus extrêmement long pour obtenir des résultats. Selon l'expérience vécue dans la fonction publique, le délai pour un règlement a varié entre une moyenne de cinq ans et jusqu'à 15 ans, et, dans le cas de Postes Canada, l'affaire aura duré 21 ans. Il est difficile d'obtenir des résultats. Cela établit également une plate-forme très antagoniste en vue de la réalisation concrète du principe d'un salaire égal pour un travail de valeur égale.

Plusieurs provinces ont expérimenté avec ce que nous appelons un système proactif, en vertu duquel l'équité salariale est accomplie au fil du temps en tant qu'obligation positive au lieu d'être une chose qu'il vous faille affirmer en tant que droit. Cela est plus propice à des relations de travail appropriées. Cela livre par ailleurs plus rapidement des résultats et occasionne moins de confrontation.

Le projet de loi a pour objet d'amener la transition d'un système fondé sur les plaintes à un système proactif. Il existe de nombreuses façons de faire en sorte qu'un système soit proactif. La solution énoncée dans le projet de loi est de marier cela avec le processus décisionnel visant l'établissement des salaires, quel que soit ce processus selon les différentes circonstances.

Laissez-moi vous expliquer ce que cela signifie dans la réalité. Dans le cas d'un milieu de travail syndiqué, où vous réfléchissez périodiquement à ce que devraient être les salaires, vous faites tout de suite intervenir le droit à l'équité salariale, au lieu de le faire plus tard lorsque vous vous rendez compte que vous avez mal fait les choses. Une obligation est imposée aux différents joueurs. Si c'est un employeur seul, cet employeur a pour obligation de veiller à ce que, lorsque les salaires sont fixés, l'on tienne compte de la question d'une rémunération équitable. Si les salaires sont établis par le biais de la négociation collective, lorsque les parties s'assoient à la table, elles ont pour obligation de venir prêtes à discuter des questions de salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale.

Voilà, dans les grandes lignes, ce que fait le projet de loi. Le préambule réaffirme également l'obligation que les femmes membres de la fonction publique au Canada touchent un salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale, ce qui cadre avec nos obligations internationales. Il n'y a aucun doute là-dessus. Il affirme également que cela doit être fait de manière proactive, et non pas ultérieurement, lorsque vous vous rendez compte que les choses ont été mal faites. Il y a également une reconnaissance que le secteur public au Canada fonctionne dans le cadre d'une économie de marché. Lorsque vous déterminez la valeur d'un travail, il vous faut tenir compte du marché.

Le reste du projet de loi établit le processus décisionnel pour veiller à ce que vous teniez compte de l'aspect rémunération équitable en vue d'établir un salaire égal pour un travail de valeur égale lorsque vous fixez la rémunération. Le projet de loi veille à ce que tous les éléments de la rémunération, et pas seulement les salaires, soient englobés dans ce régime proactif. Une partie de la couverture médiatique n'a fait état que du titre « équité dans la rémunération ». Or, le projet de loi crée des obligations de réexamen périodique et de fourniture de preuves transparentes de l'offre véritable d'un salaire égal pour un travail de valeur égale.

En ce qui concerne la mécanique, vous vivez votre processus de négociation, vous vous entendez sur les salaires, et vous devez également — le projet de loi est précis en la matière — être transparent en décrivant, avec vos partenaires syndicaux ou en tant qu'employeur non syndiqué, de quelle manière vous avez établi un salaire égal pour un travail de valeur égale. Lorsque la convention collective est soumise aux membres dans le cadre du processus démocratique de ratification, elle englobe ce rapport sur l'équité dans la rémunération. Les membres peuvent alors voter, signifiant ainsi s'ils conviennent que les parties à la table ont respecté le principe d'un salaire égal pour un travail de valeur égale.

Voilà ce que fait le projet de loi. La chose est très technique. Je suis prête à répondre à vos questions. Compte tenu du niveau d'intérêt, il me faudra peut-être m'engager à vous revenir avec des réponses, car je ne pourrai peut-être pas répondre ici à toutes vos questions.

Le président : Vous nous avez donné un bon aperçu. Nous vous en sommes reconnaissants. Honorables sénateurs, vous trouverez ce projet de loi, le projet de loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, dans la partie 11 du projet de loi C-10, aux pages 362 à 390. Cette partie édicte une toute nouvelle loi distincte. L'une des questions posées plus tôt par le sénateur Eggleton, de Toronto, concernait la relation entre ce projet de loi et l'autre projet de loi, dont l'application est contenue dans le temps. Je vais le laisser poser lui-même sa question.

Le sénateur Eggleton : Vous en avez exposé l'essentiel. Il y a un plafond de 1,5 p. 100 sur trois exercices financiers. Sur la base de ce que vous nous avez fourni comme explications sur la partie 11, la situation n'est pas claire pour moi. Cela vient-il s'ajouter au 1,5 p. 100?

Mme Laurendeau : Non. Est-ce là votre question?

Le sénateur Eggleton : Oui.

Mme Laurendeau : Permettez que je vous dresse la séquence. C'est là l'une des questions auxquelles j'ai tenté de répondre hier, et je n'ai manifestement pas fait un bon travail.

La Loi sur le contrôle des dépenses impose le contrôle des salaires jusqu'en 2010-2011. Cela signifie que les conventions collectives seront bloquées jusque-là. Me suivez-vous jusque-là?

Le sénateur Eggleton : Oui.

Mme Laurendeau : La Loi sur l'équité dans la rémunération constitue un changement. Elle requiert une certaine préparation des deux côtés — du côté des syndicats et de celui des employeurs. Il y a une série de règlements dont nous pensons qu'il faudra un an pour les préparer. Si vous dressez le cadre temporel de l'application du contrôle et du travail préparatoire pour les parties concernées et l'élaboration des règlements, tout cela se rejoint vers la fin de l'année 2011. Lors de la prochaine ronde de négociations collectives, il faudra qu'il y ait un mariage entre ces diverses obligations. Lors du prochain exercice d'envergure en matière d'établissement de salaires par voie de négociation collective, le niveau de préparation, tant pour l'employeur que pour les syndicats, devra être à la hauteur aux fins de l'application de cette nouvelle loi proactive.

Le sénateur Eggleton : Vous êtes en train de dire qu'il n'y aura aucun paiement d'équité salariale pendant les trois années de contrôle. Il s'agit d'une période de préparation.

Mme Laurendeau : En dépit du fait que l'actuel régime fondé sur les plaintes demeurera en place pendant cette période.

Le sénateur Eggleton : Vous parlez du régime découlant de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Mme Laurendeau : Oui. Le régime fondé sur les plaintes demeure. S'il y a des préoccupations quant à ces années, vous aurez accès au système existant.

Le sénateur Eggleton : Le gouvernement est en train de dire qu'il ne pense pas que l'actuel système fonctionne pour les gens qui ont des préoccupations en matière d'équité salariale. Il souhaite en conséquence modifier le système, mais il ne le fera pas pendant cette fenêtre de trois ans. Vous pouvez faire du travail préparatoire, mais cela ne permettra pas le versement de paiements. Si vous obtenez le versement de paiements, ce sera via l'ancien régime.

Mme Laurendeau : En partie. En même temps, les obligations entreront en vigueur lorsqu'entrera en vigueur le projet de loi. Il y a du travail préparatoire pour la prochaine ronde de négociations collectives. En règle générale, c'est lorsque vous vous assoyez et examinez les salaires que les préoccupations sont mises à jour. Ce qui vient sous-tendre le projet de loi, c'est que chaque fois que vous vous assoyez pour examiner les salaires, vous êtes censé prêter attention au principe du salaire égal pour un travail de valeur égale.

Le sénateur Eggleton : Premièrement, cela ne s'appliquera qu'à partir de 2011-2012, lorsque la négociation collective reprendra. Vous êtes censé y prêter attention, mais d'après ce que je sais de la négociation collective, les syndicats négocieront les choses qui s'appliquent au plus grand nombre de membres. Nombre des aspects qui ne touchent que des groupes de personnes en particulier — qu'il s'agisse des femmes, d'un métier spécialisé ou de quelque autre cas de figure hors normes — ont tendance à être abandonnés lorsque les choses se corsent, chacun voulant obtenir le maximum. Dans le cas qui nous occupe, les employés vont sortir d'une période de contrôle et voudront obtenir le maximum pour tout le monde. Pourquoi les gens seraient-ils incités à régler les cas de disparité salariale?

Mme Laurendeau : Ils le seront car, contrairement à ce qui se passe avec l'actuel régime, ils y seront tenus.

Le sénateur Eggleton : Les syndicats ont-ils cette obligation?

Mme Laurendeau : Ils l'auront en vertu de la nouvelle loi. Il s'agit d'une obligation conjointe de l'employeur et de l'agent négociateur de traiter de la question de la parité salariale pour un travail de valeur égale dans le cadre du processus de négociation.

Il s'agit précisément là de la faille de l'actuel régime que le projet de loi vient corriger, notamment le fait que, lorsque vous vous assoyez à la table de négociation, vous n'y prêtiez pas attention, pour ensuite déposer plus tard une plainte.

Le sénateur Eggleton : Vous voulez dire que vous êtes en train de lier les mains du syndicat en matière de négociation collective? Vous êtes en train de dire que vous avez cette plainte en matière d'équité salariale et qu'il vous faut vous en occuper. Moi, ce que je dis, c'est que la tendance générale est de vouloir plaire au plus grand nombre de membres de l'unité de négociation, et c'est pourquoi nombre de ces choses sont abandonnées.

Vous êtes cependant en train de dire que le syndicat ne sera pas autorisé à faire cela. Le syndicat doit dire : « Oui, vous devez nous donner cela, et cela veut dire que vous nous donnerez », et cetera. C'est la façon de négocier normale : vous regardez les conditions de rémunération dans leur entier. C'est toujours comme cela que les choses se passent. Et cela veut dire que d'autres obtiendront moins.

Mme Laurendeau : Cela veut dire qu'il faudra se pencher très sérieusement et très concrètement sur la question du salaire égal pour un travail de valeur égale dans le cadre du processus.

Le sénateur Eggleton : Je ne sais pas si « très sérieusement et très concrètement » signifie qu'il « vous faut absolument mettre cela en œuvre ».

Mme Laurendeau : Vous devez en traiter.

Le sénateur Eggleton : Vous devez en traiter, oui, mais je ne sais pas si cela est...

Le sénateur Di Nino : Vous ne pouvez pas ignorer la chose.

Le sénateur Eggleton : Je suis d'accord avec vous, mais, en bout de ligne, vous pouvez dire : « Cependant, dans l'intérêt de tous nos membres, nous pensons qu'il vaudrait mieux mettre cela de côté pour cette année ».

Mme Laurendeau : Il vous faudra néanmoins produire votre rapport sur ce que vous avez fait en matière de rémunération équitable. Vous ne pouvez pas tout simplement écarter cela du revers de la main.

Je ne voudrais pas passer trop de temps là-dessus mais, si vous permettez, il est important de comprendre qu'en vertu de l'actuelle Loi canadienne sur les droits de la personne, dans le cas de toute autre condition de travail, exception faite du salaire, il y a cette obligation conjointe. Nous obtenons en fait de très bons résultats en ce qui concerne la situation de la femme et d'autres aspects des conditions de travail, précisément du fait que nous puissions avoir des conversations difficiles mais intelligentes sur ces questions, les deux parties étant tenues d'en traiter ensemble.

Je ne voudrais pas vous donner l'impression d'être trop passionnée par cette question — bien que je le sois —, mais pour ce qui est du salaire, l'obligation revient au seul employeur. Le fait d'apporter la question à la table de négociation fait exactement ce que vous décrivez : « Je ne veux pas en parler; je ne veux tout simplement pas discuter de cela ». Il n'y a rien qui dise que vous le devez.

Le projet de loi dit qu'il vous faut vous asseoir et que, lorsque vous vous occupez de fixer les salaires, vous devez conjointement faire une analyse et vous demander si ce qui est proposé va avoir une incidence négative sur les femmes membres de votre unité de négociation. Si tel est le cas, il vous faudra choisir une autre voie, ce qui est exactement ce que nous avons vécu il y a quelques années avec les groupes dominés par les hommes relativement à d'autres conditions de travail, comme par exemple ce qu'il fallait prévoir en matière de congés de maternité ou pour les femmes enceintes au lieu de travail. Cependant, le fait que Loi canadienne sur les droits de la personne ait établi, comme pratique discriminatoire, de s'entendre conjointement sur des conditions d'emploi discriminatoires à amené dans la discussion une certaine rigueur en la matière. L'on ne pouvait plus s'esquiver. Voilà ce qui sous-tend le projet de loi.

Le sénateur Eggleton : Très bien, il y a une obligation d'y prêter attention, comme vous dites. Or, en bout de ligne, s'il y a désaccord entre les personnes qui sont à la tête du syndicat et une unité — pouvant être dominée par des femmes —, le dossier se voit écarté. Étant donné que cela serait retranché à la Loi canadienne sur les droits de la personne, de quel mécanisme d'appel disposeraient ces femmes ou cette unité de négociation?

Mme Laurendeau : Merci de poser cette question. C'est l'étape suivante. Le processus de négociation lui-même comporte sa propre série de mesures de contrôle par l'intermédiaire de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, par le biais soit de conciliation, soit d'arbitrage.

Cet organe de surveillance, qui est spécialisé dans les questions de négociation et d'établissement des salaires, aura lui aussi pour obligation de veiller à ce que la loi soit respectée. En conséquence, oui, il pourrait y avoir impasse au sujet de la question — il en est ainsi du fait de la nature même du processus de négociation —, mais l'ensemble des intervenants seront alors tenus de veiller à ce qu'en bout de ligne, à l'issue du processus, l'évaluation de la situation en matière de salaire égal pour un travail de valeur égale soit effectuée et aboutisse.

Ce sera l'obligation de tout le monde, au lieu que cela retombe sur un seul participant, soit l'employeur, comme c'est le cas dans le régime actuel.

Le sénateur Nancy Ruth : Je voulais vous demander de nous expliquer un peu mieux le processus d'appel, mais vous avez commencé cet après-midi en disant que les experts en matière d'équité salariale avaient élaboré des modèles. Pourriez-vous nous dire qui ils étaient et d'où provient ce modèle? Vous avez parlé des trois provinces, mais de qui discutons-nous?

Mme Laurendeau : Vous voulez savoir qui a un modèle proactif?

Le sénateur Nancy Ruth : Je ne veux pas connaître le nom des provinces. Vous avez parlé d'» experts en matière d'équité salariale » et j'aimerais savoir de qui il s'agit.

Mme Laurendeau : De manière générale, vous avez eu, au niveau fédéral, le Groupe de travail Bilson, qui a, parmi ses recommandations en 2004, proposé un modèle proactif. Sa recommandation était l'adoption d'un modèle proactif pour l'avenir. Il s'agit certainement là d'un des groupes d'experts qui a consacré un temps considérable à examiner la question.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce rapport remonte-t-il à il y a cinq ans?

Mme Laurendeau : Oui, il a été publié en 2004.

Le sénateur Nancy Ruth : Comment se fait-il qu'il a fallu aussi longtemps pour en arriver à une initiative législative, si c'est là ce que vous vouliez faire?

Mme Laurendeau : Il y avait de nombreuses recommandations et les choses de ce genre doivent être évaluées comme il se doit. Le bon moment, donc, c'est maintenant.

Le sénateur Nancy Ruth : En ce qui concerne le processus d'appel, l'une des préoccupations dont j'ai entendu parler est une crainte que la jurisprudence que possède la commission des droits de la personne ne soit pas transférée aux commissions d'appel. Est-ce bien le cas?

Mme Laurendeau : Je ne suis pas certaine de comprendre votre question.

Le sénateur Nancy Ruth : Il y a toute cette jurisprudence qui a été constituée au fil des ans par les personnes interjetant appel.

Mme Laurendeau : Des personnes engagées dans le processus, oui.

Le sénateur Nancy Ruth : Ainsi que celles qui feront peut-être appel au cours des trois prochaines années. Tout cela s'appuie sur les appels antérieurs. Cela fait partie de la base de la théorie juridique entourant l'évaluation qui en est faite. Ce savoir sera-t-il transféré à la commission d'appel?

Mme Laurendeau : Vous voulez parler de la question de savoir si les personnes seront ou non transférées?

Le sénateur Nancy Ruth : Non, je veux parler de la jurisprudence.

Mme Laurendeau : La jurisprudence est bien évidemment là. Vous voulez parler de la capacité d'effectuer véritablement les évaluations de rémunération équitable. La masse de travail qui a été faite demeurera. Il y a certains changements de définitions qu'introduit le projet de loi, afin de clarifier certaines des choses qui ont été vécues et qui font partie de cette jurisprudence. Il y a une certaine clarification quant à la façon de définir la valeur, de définir des groupes d'employés; il y a des éléments faisant partie du règlement existant et qui seront versés au nouveau projet de loi, qui les tirera au clair.

Le sénateur Nancy Ruth : Pourriez-vous nous en donner un exemple?

Mme Laurendeau : Un exemple précis serait la définition de classe d'emplois. J'ai parlé plus tôt de la définition de rémunération. J'en suis aux définitions, à la page 364 de la version française. La définition de la rémunération est un des éléments qui sont tirés au clair, afin qu'il n'y ait aucun débat quant à ce qu'elle englobe. Nous avons établi très clairement qu'elle englobe tout. L'expression « à prédominance féminine » est définie en haut de la page 363 de la version française...

Le sénateur Nancy Ruth : Cela veut dire que l'effectif comporte 70 p. 100 ou plus de femmes.

Mme Laurendeau : Oui, c'est 70 p. 100, comme au Manitoba. La classe d'emplois est elle aussi définie de manière précise au lieu qu'il faille s'en remettre au règlement. Voilà des choses qui existent déjà mais qui sont incluses et tirées au clair dans le projet de loi.

Le sénateur Nancy Ruth : Je pensais vous demander pourquoi vous êtes si enthousiaste, mais vous nous l'avez dit. L'on pourrait dire que vous travaillez là-dessus depuis cinq ou 10 ans ou peut-être plus.

Mme Laurendeau : J'y travaille depuis 12 ans.

Le sénateur Nancy Ruth : En tant que femme qui occupe un poste plutôt élevé, vous êtes assez convaincue que c'est la chose à faire pour les femmes du Canada.

Mme Laurendeau : Je ne suis pas ici pour exprimer des opinions, mais je peux vous dire que, depuis 1996, j'ai passé beaucoup de temps à réfléchir à ces questions. Comme vous le dites, je suis une femme, je suis professionnelle et je suis membre de cette fonction publique.

Je crois qu'il y avait dans le système en place des failles fondamentales qui n'établissaient pas forcément la bonne vision. Il nous fallait quelque chose d'assez précis pour amener le changement de culture qui est nécessaire pour asseoir véritablement au cœur des pratiques de fixation des salaires le principe du salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale. Je ne suis pas censée donner des opinions. Ce que je vous livre là est une politique.

Le sénateur Nancy Ruth : Permettez-moi d'insister encore, aux fins d'éclaircissement : l'obligation en matière d'obtention de l'équité salariale revient entièrement au syndicat.

Mme Laurendeau : Non.

Le sénateur Nancy Ruth : Quelle est la responsabilité de l'employeur?

Mme Laurendeau : Il s'agit d'une obligation conjointe de l'employeur et de l'unité de négociation dans un lieu de travail syndiqué; c'est la seule obligation de l'employeur lorsque celui-ci n'a pas en face de lui un effectif syndiqué.

Dans le cas de la fonction publique, en ce qui concerne les fonctionnaires qui sont syndiqués, ce sera une obligation conjointe dans le cadre des pratiques d'établissement des salaires par le biais du processus de négociation collective. L'employeur demeurera le seul responsable en matière de réalisation, mais la Couronne devra être transparente quant à ses pratiques, qu'elle devra revoir périodiquement.

Le sénateur Nancy Ruth : Si nous parlons d'un lieu de travail non syndiqué, quels critères externes, quels autres modèles — aux États-Unis, au Canada ou ailleurs dans le monde — seront utilisés aux fins de comparaison avec ce que nous faisons ici au Canada?

Mme Laurendeau : Je ne pense pas pouvoir méditer là-dessus, car il faudra que l'analyse se fasse en même temps que les salaires sont fixés. Cependant, comme vous l'avez souligné, la jurisprudence existante servira de guide. Il le faudra.

Dans le cas des travailleurs couverts par le projet de loi, l'on parle ici surtout des Forces canadiennes et de la GRC. Ce sont elles qui comptent pour le gros de l'effectif non syndiqué. Il leur faudra faire leur évaluation — leur analyse en matière d'équité salariale — et être transparentes quant aux solutions apportées aux problèmes d'équité dans la rémunération ayant pu être relevés.

Tout comme dans le monde syndiqué, les employés auront le droit de déposer une plainte s'ils n'aiment pas la façon dont la situation est traitée dans le cadre du rapport transparent. L'important est de veiller à ce que le processus soit transparent et soit bien ciblé chaque fois que nous nous assoyons pour revoir les salaires.

Le sénateur Nancy Ruth : Je cherche à cerner le contexte intellectuel de « bien ciblé ». Comment définiriez-vous ce terme, « bien »?

Mme Laurendeau : Il sera fait une évaluation des emplois. Cela est prévu dans le projet de loi.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce travail sera-t-il fait par le Conseil du Trésor?

Mme Laurendeau : Il sera fait par quiconque joue le rôle de l'employeur. Dans le cas du noyau de la fonction publique, c'est le Conseil du Trésor qui le fera pour le volet non syndiqué; mais il le fera conjointement avec le syndicat pour le volet syndiqué.

Dans le cas des Forces canadiennes, ce sont les Forces canadiennes, en tant qu'employeur, qui devront faire le travail, guidées par le Conseil du Trésor et par le règlement que nous mettrons en place pour appuyer le processus.

Le sénateur Nancy Ruth : Comme vous le savez, la vérificatrice générale est en train d'effectuer une analyse sexospécifique de certains ministères — dont le vôtre, d'après ce que je comprends. C'est en partie ce pour quoi j'ai demandé, dans le cadre de la discussion sur la partie antérieure, si l'on avait envisagé un modèle d'augmentation salariale étalée. Étant donné que cela n'a pas été le cas, je me suis demandée quel gente d'analyse sexospécifique avait été faite, si même il y en a eu une.

Mme Laurendeau : Sur quoi?

Le sénateur Nancy Ruth : La partie 10.

Mme Laurendeau : Au sujet de la partie 10, l'analyse sexospécifique?

Le sénateur Nancy Ruth : Oui, parce que vous avez un taux unique de 1,5 p. 100. Ceux d'entre nous qui touchent des salaires obtiendront eux aussi 1,5 P. 100, mais ce n'est pas la même chose pour la personne qui nettoie mon bureau.

Mme Laurendeau : Une chose dont il faut tenir compte est que, pour ce qui est du noyau de la fonction publique en tout cas, nous parlons d'un pourcentage relativement élevé de femmes. En traitant tout le monde de la même façon, nous nous assurons d'englober tout le monde de manière identique.

Cela étant dit, en temps normal, lorsque nous fixons les salaires, et je parle du point de vue de l'employeur, nous effectuons des analyses pour veiller à ce qu'il n'y ait aucune incidence néfaste sur quelque condition de travail que ce soit, y compris les salaires, pour les femmes en particulier, ainsi que pour d'autres groupes insulaires.

Le sénateur Nancy Ruth : Mais cela s'applique également aux Forces canadiennes et à la GRC.

Mme Laurendeau : C'est le cas de l'équité dans la rémunération ainsi que du contrôle des salaires.

Le sénateur Nancy Ruth : Mais il ne s'agit pas de forces à majorité féminine.

Mme Laurendeau : C'est exact.

Le sénateur Nancy Ruth : Justement.

Le président : Honorables sénateurs, l'heure tourne, alors je vous demanderais d'être aussi succincts que possible avec vos questions.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Madame Laurendeau, vous parlez avec beaucoup d'enthousiasme de votre plan proactif pour la parité salariale. Je vous écoutais parler et vous sembliez très convaincue du processus. Je me dis : si on est convaincu que le système proactif sera efficace, pourquoi enlève-t-on la législation et la possibilité de loger des plaintes? Si on est si convaincu que le système sera efficace, pourquoi enlever une deuxième solution qui était à la portée des femmes?

Mme Laurendeau : Deux choses sur cette question. D'abord, on n'enlève pas la possibilité de loger des plaintes. La législation permet les plaintes et elle permet que le tribunal administratif, la Commission des relations de travail, évalue ces plaintes et lui donne un pouvoir d'intervenir si besoin est. On maintient un système de plainte, c'est la première chose.

La deuxième chose qu'on fait, c'est d'ajouter à ce système de plaintes tout le support de « oversight mechanism » que vous trouvez dans le processus de négociation collective à travers encore une fois la Commission des relations de travail. En d'autres mots, comme je l'indiquais au sénateur Eggleton un peu plus tôt, si effectivement il y a une impasse dans les négociations collectives et qu'on ne peut pas s'entendre sur une question de rémunération équitable, tous les mécanismes existants en matière de relations de travail en vertu de la Loi sur les relations de travail sont accessibles pour soutenir le processus de négociations, ce qui inclut la médiation, la conciliation, la grève et ultimement, les autres modes de résolution de conflit jusqu'à ce qu'on arrive à un résultat.

Le sénateur Ringuette : C'est dans le cas où il y a une obligation conjointe entre l'employeur et l'unité syndicale, mais lorsqu'on fait affaire avec une entité qui est l'employeur.

Mme Laurendeau : La possibilité de plaintes demeure, elle est là pour l'individu. L'employeur, parce qu'il est dans un milieu non syndical, établit les normes de salaire et va aussi avoir l'obligation de donner un rapport de rémunération équitable pour dire comment il a évalué la rémunération équitable et comment il a identifié les problèmes. La transparence sera là. Ce qui est complètement inexistant présentement.

Vous allez avoir une obligation transparente de démontrer par le biais d'un rapport, parce qu'il n'y aura pas d'agent de négociation ou de processus de ratification, de dire : quand on établit un salaire, voici l'analyse qui l'a soutenu, voici comment on a vu les problèmes de rémunération équitable. Cette obligation demeure si on est un employeur dans un milieu non syndiqué. Mais l'obligation est aussi présente chez un employeur syndiqué, mais elle est conjointe, puisque l'établissement des salaires dans un milieu syndiqué est un exercice conjoint de négociation collective. Dans les deux cas, c'est proactif et il y a un accès à la plainte et on doit faire rapport sur la façon d'évaluer les questions de parité salariale.

Le sénateur Ringuette : Qui reçoit les rapports?

Mme Laurendeau : Cela sera prévu par le règlement. Ce devrait être un rapport public que l'employeur devra remettre. Cette particularité pour l'employeur non syndiqué sera prévue par le règlement.

[Traduction]

Ce sera communiqué aux employés.

Le président : Pour que les choses soient bien claires, il y a toujours possibilité de déposer une plainte, comme vous l'avez indiqué.

Mme Laurendeau : En effet.

Le président : Cependant, une fois la sanction royale donnée pour le projet de loi, la plainte ira à Commission des relations de travail dans la fonction publique et non plus à la Commission des droits de la personne.

Mme Laurendeau : Oui.

Le président : C'est là la principale différence, n'est-ce pas?

Mme Laurendeau : Oui.

Le président : Je tenais simplement à tirer cela au clair. Nous comprenons qu'il peut toujours y avoir une plainte.

Le sénateur Mitchell : Vous avez dit que vous réfléchissez à cette question depuis environ cinq ans; ou plutôt, vous y réfléchissez depuis 1995, mais ce rapport remonte à il y a cinq ans. Vu tout le temps qui s'est écoulé, pourquoi est-il si urgent que cela soit inclus dans une loi d'exécution du budget où la chose n'a pas sa place? Pourquoi est-il si urgent que cela soit réglé d'ici la fin du mois, après un examen bousculé avec presque aucune possibilité de véritable examen public ni d'analyse approfondie de la part de groupes de femmes et d'autres un peu partout au pays? Comment cela se fait-il?

Mme Laurendeau : Je ne suis pas certaine de pouvoir adopter le préambule renfermé à l'intérieur de vos questions; il y a des éléments pour lesquels je ne suis pas certaine d'avoir les réponses. Cependant, il est clair, tant dans mon esprit que du point de vue des politiques, qu'il est important que nous trouvions le bon tir pour cette politique. Il est important que nous utilisions la possibilité que nous offre ce hiatus pour terminer le travail, pour mettre en place le règlement, et pour permettre aux parties de faire les préparatifs nécessaires pendant qu'il y a une certaine certitude quant à ce que seront les salaires pendant les 18 ou 24 prochains mois.

Voilà tout ce que je peux dire là-dessus. Je pense que cela se fait peut-être attendre depuis beaucoup trop longtemps.

Le sénateur Mitchell : Oui, mais cela pourrait faire l'objet d'un projet de loi distinct. Il y a toutes sortes de choses qui n'ont pas été intégrées au projet de loi. Le ministre a déclaré que nous avons au fil des ans versé 4 milliards de dollars au titre de l'équité salariale et que c'était un gaspillage d'argent, comme si rémunérer les gens de manière équitable était du gaspillage.

Avez-vous une idée de la somme qui sera économisée avec le budget au titre des dépenses gouvernementales grâce à ces changements? Cela donnera-t-il lieu à des économies?

Mme Laurendeau : La Loi sur l'équité dans la rémunération?

Le sénateur Mitchell : Ce processus.

Mme Laurendeau : L'objet n'est pas d'économiser de l'argent, mais de veiller à ce que nous planifiions et réglions les problèmes au fur et à mesure. L'idée n'est pas d'éliminer l'évaluation de l'équité dans la rémunération, mais d'assurer de manière égale, tant pour les hommes que pour les femmes, le niveau de rémunération approprié. L'objet est de veiller à ce que le système soit rigoureux et à ce que ce travail soit fait de manière régulière, et non pas après 20 années d'attente du fait d'un litige qui s'est étiré. Les économies sur le plan des frais juridiques, elles, seront cependant très réelles.

Le sénateur Mitchell : Y a-t-il jamais eu quelque indication que vous feriez véritablement ce virage, passant d'un processus axé sur les droits de la personne au Canada à cette idée de responsabilité de l'employeur? Quelqu'un avait-il jamais envisagé cela avant que ce projet de loi ne sorte il y a deux semaines? Dans l'affirmative, alors les gens ont eu deux semaines pour réagir à une chose à laquelle vous œuvrez depuis 1995 et sur laquelle le rapport est sorti en 2005. Pourquoi devoir bousculer autant les choses?

Mme Laurendeau : Vous venez de dire une ou deux choses que je conteste. Je n'ai pas dit — et j'espère que le comité ne pense pas que j'ai dit — que nous œuvrons à ce projet de loi depuis 12 ans. Ce n'est pas le cas. Ce serait erroné. J'ai dit que je m'occupe de questions d'équité salariale depuis 12 ans.

Le sénateur Mitchell : Mais avons-nous reçu le préavis qu'il aurait été justifié de nous donner?

Mme Laurendeau : Le rapport est public depuis 2004. Des observations ont été faites par l'employeur et par les syndicats. Des suggestions voulant que la négociation collective puisse être un mécanisme grâce auquel être proactif avaient été mises de l'avant par l'ETCOF — les Employeurs des transports et communications de régie fédérale — avant le Groupe de travail Bilson en 2003.

Cette idée n'est pas nouvelle. C'est maintenant que nous avons choisi d'aller de l'avant avec cette initiative législative.

Le sénateur Mitchell : Cela semble être un processus unilatéral. L'employeur a beaucoup d'argent, je présume. J'ose espérer que ces différents employeurs ont maintenant une expertise en la matière, car il leur faudra déterminer s'il y a bel et bien salaire égal pour un travail de valeur égale. Consentirez-vous un budget pour cela? Y a-t-il un bassin d'experts? Dans la négative, où les employeurs trouveront-ils ce qu'il leur faut?

La personne qui souhaite déposer une plainte, et il s'agira habituellement d'une femme, ne pourra pas compter sur l'appui de son syndicat, car celui-ci se verra imposer une amende de 50 000 $. Comment cela peut-il être juste? Corollaire intéressant, si le syndicat ne peut pas aider un travailleur syndiqué, imaginez à quel point ce sera pire pour le travailleur non syndiqué. Vers qui se tournera cette femme? Elle ne pourra pas recourir à un syndicat qui risquerait une pénalité de 50 000 $ pour lui venir en aide. Un syndicat pourrait-il venir en aide à une employée et ne pas se faire imposer une amende de 50 000 $? Je ne pense pas que ce soit juste si les dés sont ainsi pipés contre les femmes.

Je pourrais commencer à ajouter à la liste encore d'autres choses qui ne simplifient en rien la situation. Pourquoi avez-vous modifié la définition de « à prédominance féminine » pour qu'elle ne s'applique non plus dès lors que la catégorie comporte 50 ou 60 p. 100 de femmes, mais seulement à partir du moment où l'effectif est composé à 70 p. 100 de femmes? Cela ne rend pas les choses plus faciles, mais plus difficiles. Pourquoi avez-vous réduit la comparabilité d'un groupe par rapport à un autre? Cela ne rend pas les choses plus faciles, mais bien plus difficiles. Vous isolez complètement la GRC. Il existe d'énormes problèmes en matière de représentation des femmes parmi les rangs de la GRC. Il y a six femmes sur 75 postes de haut rang à la GRC.

Pourquoi continuez-vous de dire que la situation sera meilleure alors qu'en fait vous resserrez sans cesse les choses? C'est très unilatéral. C'est limité dans son applicabilité et, pour insister là-dessus, les femmes, qui de manière générale ne disposeront pas de beaucoup d'argent, n'obtiendront aucune aide de leurs syndicats, et ceux-ci seront pénalisés s'ils choisissent de leur venir en aide. Cela me dépasse complètement.

Mme Laurendeau : En ce qui concerne le recours aux syndicats et les pratiques d'établissement des salaires, il nous faut nous rappeler que les syndicats sont des organisations démocratiques. En fait, l'Organisation internationale du Travail est en train de promouvoir la convention collective comme mécanisme efficace pour assurer la qualité dans l'ensemble des conditions de travail, y compris les salaires. J'ai ici un article que je me ferai un plaisir d'envoyer au président du comité. Il y est fait une analyse de cette question. L'article dit que le processus démocratique des syndicats, que le mouvement basiste des syndicats, s'est avéré être un mécanisme très utile, par le biais du processus démocratique, pour soumettre des demandes à un employeur, en vue de la sauvegarde de l'équité.

Voilà l'une des choses qui est reprise ici dans le projet de loi. Dès lors que vous acceptez qu'un partenaire, qui est l'agent négociateur, a une responsabilité positive de faire remonter ces questions à la surface, et le fera, et que vous avez les garanties du processus de négociation et du processus de ratification et la surveillance assurée par un organe de surveillance comme la Commission des relations de travail dans la fonction publique, alors il ne serait pas logique d'autoriser l'une des parties à appuyer ou à déposer une plainte au sujet d'une chose que les deux sont conjointement responsables de réaliser.

Voilà pourquoi ce nouveau régime suit la logique voulant que, si vous êtes responsable d'amener ces choses à la surface et de les résoudre, il ne serait pas approprié que vous ayez le droit de déposer une plainte les visant. Cela étant dit, il était nécessaire de veiller à ce qu'il soit toujours possible de déposer des plaintes. Et c'est ce qui est prévu dans le projet de loi.

Le sénateur Mitchell : Il est malhonnête de laisser entendre qu'il existe un processus d'appel si personne au monde n'aurait les moyens de se permettre de faire appel pour s'opposer à un employeur, un gouvernement disposant de tout l'argent nécessaire pour lutter. En passant, si les syndicats sont si démocratiques, que se passerait-il s'ils votaient pour appuyer un de leurs membres dans une telle démarche? Adieu la démocratie.

Mon dernier point concerne la définition de « rémunération équitable ». Je ne comprends pas et je peux vous dire que je suis plutôt méfiant. Pourquoi devons-nous changer cette définition? D'ailleurs, dans propres notes, vous utilisez les mots « salaire égal pour un travail de valeur égale », ce qui exclut l'idée de l'équité salariale, qui n'est pas la même chose que le salaire égal pour un travail de valeur égale. L'équité salariale ne s'applique-t-elle qu'au travail égal de valeur égale? Cela s'applique-t-il également au salaire égal pour un travail égal? Dans l'affirmative, pourquoi ne pas employer ces termes, qui sont fondés sur une jurisprudence volumineuse et quantité de précédents, et qui fonctionneraient à perfection, il me semble.

Ma crainte est que « rémunération équitable » devienne encore une autre entrave pour les femmes ayant des préoccupations légitimes mais ne disposant pas de l'argent nécessaire pour lutter. Imaginez tous les avocats qui seront employés par le gouvernement pour définir « rémunération équitable»! Pouvez-vous imaginer cela? Cela ne peut pas fonctionner et ne fonctionnera pas. Ce sera très défavorable aux femmes et j'envisage avec plaisir un changement de gouvernement afin que nous puissions corriger cela.

Mme Laurendeau : Je ne sais pas si je suis censée répondre.

Le sénateur Mitchell : Vous pourriez donner une réponse à ma question concernant la définition. Je ne m'attends pas à ce que vous répondiez au reste.

Mme Laurendeau : Je peux certainement me prononcer sur l'objet visé avec la définition. L'idée était d'avoir quelque chose d'inclusif et de veiller à ce que nous nous conformions à l'obligation internationale envers laquelle le pays s'est engagé, notamment la Convention 100 de l'Organisation internationale du Travail concernant le versement d'un salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale. La protection du principe du salaire égal pour un travail de valeur égale demeure inchangée et continuera d'être assurée comme c'est le cas à l'heure actuelle.

Il est important que nous gardions à l'esprit la surveillance assurée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Celle-ci a la capacité de faire de la recherche sur la rémunération et aura une capacité élargie pour appuyer ses obligations en vertu de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. Il s'agit d'un organe de surveillance indépendant qui prendra au sérieux son devoir de veiller à ce que les droits des femmes soient bien protégés par la suite, par l'intermédiaire et du processus de négociation et du processus de plainte.

Le sénateur Mitchell : Quelqu'un d'autre s'occupera de manière condescendante des droits des femmes, mais les femmes elles-mêmes ne disposeront pas des ressources nécessaires. Formidable. Merci.

Le président : Le sénateur Mitchell et Mme Laurendeau ont discuté de l'article 36 du projet de loi, qui dit que l'employeur et l'agent négociateur s'abstiendront de tout comportement pouvant encourager ou aider les employés à déposer une plainte en vertu de la présente loi ou à la continuer. Il est question plus loin dans le texte du projet de loi d'une amende de 50 000 $.

Mme Laurendeau : Oui.

Le président : Est-ce bien cela?

Mme Laurendeau : C'est de cela que j'ai traité indirectement.

Le président : Le sénateur Mitchell a souligné le fait que le gouvernement devra donner suite par l'intermédiaire des avocats de la Commission des relations de travail dans la fonction publique. La CRTFP serait-elle habilitée à attribuer les dépens si le plaignant a en bout de ligne gain de cause, afin qu'il ou elle puisse payer les frais juridiques encourus?

Mme Laurendeau : Il me faudrait, pour répondre à votre question, me renseigner auprès de mon conseiller juridique. Oui, la commission est autorisée à rendre des ordonnances et à attribuer les dépens.

Le président : Cela atténue partiellement le déséquilibre. Elle est autorisée à rendre des ordonnances et à attribuer les dépens, comme ce serait le cas d'un tribunal normal.

[Français]

Le sénateur Chaput : Je veux m'assurer de bien comprendre comment fonctionne cette parité salariale dans le projet de loi C-10. Dans un premier temps, il est affirmé que le projet de loi s'occupe de la parité salariale pour les femmes dans la fonction publique. Le projet de loi définit ce que vous appelez des groupes d'emploi à prédominance féminine et utilise le critère de 70 p. 100.

Mme Laurendeau : C'est vrai.

Le sénateur Chaput : Au lieu d'utiliser à titre d'exemple le critère canadien qui serait plus proche de 50 p. 100 que de 70 p. 100. Ensuite, le projet de loi inclut ce que vous appelez : Évaluation de la rémunération équitable et cette évaluation est faite par l'employeur.

Mme Laurendeau : Et dans le cas des milieux syndiqués, avec les partenaires syndicaux.

Le sénateur Chaput : Quand l'évaluation de la rémunération équitable est faite, c'est uniquement pour les groupes à prédominance féminine, soit 70 p. 100 de présence féminine et cette évaluation doit être complétée avant que les plaintes soient recevables.

Mme Laurendeau : Est-ce que je peux vous corriger? L'obligation de s'assurer d'une rémunération équitable n'est pas limitée au groupe à prédominance féminine de 70 p. 100. C'est une obligation générale. Vous pourriez avoir un groupe insulaire dans un grand groupe à prédominance masculine qui mérite de l'attention, cela serait une catégorie d'emplois plus petite et l'agent négociateur devrait y voir. Cela n'est pas limité à un grand groupe à 70 p. 100 à prédominance féminine. C'est une obligation générale.

Le sénateur Chaput : Alors les femmes qui font partie de groupes qui n'ont pas le 70 p. 100 de prédominance féminine auraient quand même accès à loger une plainte?

Mme Laurendeau : Oui, tout à fait.

Le sénateur Chaput : Est-ce qu'il faudrait qu'il y ait une évaluation au préalable?

Mme Laurendeau : Je vous suggérerais que si c'est un groupe identifiable et insulaire, il serait préférable de s'en occuper au moment où on identifie ce groupe, c'est-à-dire au moment de faire les salaires. Si par contre, parce qu'on parle d'une main-d'œuvre assez large, un groupe de femmes discute entre elles et disent : « We've been forgotten in this ». Là effectivement elles ont la possibilité de s'identifier et de déposer une plainte. Le mécanisme fait en sorte que la Commission des relations de travail dirait : « oui, cette catégorie d'emploi de groupes de femmes a été oubliée dans votre processus, elle peut ordonner aux parties de voir à ce problème ». Elles ont une voix à ce chapitre. On en a des groupes à prédominance masculine qui peuvent avoir des sous-groupes insulaires à prédominance féminine. La première ligne d'action de ces femmes serait de s'assurer qu'elles sont identifiées dès le départ. Mais si par malheur elles ne le sont pas, c'est précisément pour cela que le processus de plainte existe, pour vous assurer que la Commission des relations de travail dise aux employeurs syndicaux ou à l'employeur seul, si on parle des forces armées, par exemple, un instant, vous avez oublié quelqu'un dans votre évaluation. » Go back to the drawing boards ».

Le sénateur Chaput : Et où iraient-elles chercher de l'aide pour l'évaluation qu'elles ont à faire eu égard à leur rémunération si elles ne font pas partie du groupe de 70 p. 100? Est-ce qu'elles ont de l'aide?

Mme Laurendeau : Elles auraient la Commission des relations du travail qui définitivement les aiderait pour voir si effectivement il y a un problème à régler. Et probablement que la Commission des relations du travail dirait rapidement aux parties : il semble y avoir quelque chose ici, allez faire l'analyse parce que c'est votre obligation.

Le sénateur Chaput : Combien de groupes ou de ces catégories d'emploi y a-t-il dans la fonction publique au Canada? Sur ces groupes, combien d'entre eux n'ont pas une prédominance féminine de 70 p. 100? Est-ce que vous pourriez nous le dire?

Mme Laurendeau : Cela recoupe ce que vous m'avez demandé au sujet de la prédominance féminine. Je vais m'assurer qu'on vous remette tous les tableaux nécessaires de tous ces groupes occupationnels pour éviter les erreurs.

Mme Laurendeau : Cela me fait plaisir.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck : Mes questions découlent d'une lettre adressée au premier ministre et signée par plus de 100 experts de renom en matière de droits de la personne et de droits des femmes.

Je pense vous avoir entendu dire que ce projet de loi réaffirme notre observance de nos obligations internationales. Vous ai-je bien entendue?

Mme Laurendeau : Oui.

Le sénateur Callbeck : Ces experts avancent dans cette lettre qu'ils considèrent que le projet de loi ne cadre pas avec les obligations internationales qui reviennent au Canada en vertu de traités que le pays a ratifiés. Est-il possible pour le comité d'obtenir une analyse de ce que le gouvernement a fait en la matière?

Mme Laurendeau : De quelle analyse s'agit-il?

Le sénateur Callbeck : Vous dites que cela cadre avec nos obligations.

Mme Laurendeau : Oui.

Le sénateur Callbeck : Pourtant, ce groupe de plus de 100 experts de renom dit le contraire. J'aimerais voir l'analyse qu'a faite le gouvernement pour se convaincre que le projet n'est pas contraire à ses obligations.

Mme Laurendeau : Je pourrais certainement fournir une explication écrite vous exposant comment, du point de vue de la politique, cela cadre avec nos obligations internationales relativement à l'OIT. Je n'ai cependant pas lu cette lettre, malheureusement.

Le sénateur Callbeck : Je vous en donnerai une copie plus tard aujourd'hui. Les experts maintiennent que le projet de loi viole la Charte, et ils citent la décision rendue dans la cause Terre-Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E., qui est la Newfoundland and Labrador Association of Public Employees. La Cour suprême du Canada a déclaré que l'article 15 de la Charte garantit aux femmes le droit à un salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale. Les droits fondamentaux garantis par la Charte ne sont pas négociables dans le cadre de discussions contractuelles.

Le gouvernement est-il bien certain que le projet de loi est conforme à la Charte?

Mme Laurendeau : Le gouvernement n'en proposerait pas l'adoption s'il ne croyait pas qu'il est conforme à la Charte des droits. Cela étant dit, j'aimerais réagir à l'un de vos commentaires — un droit ne peut pas être négocié car il est un droit. Personne ne conteste cela. Le projet de loi ne laisse en tout cas aucunement entendre qu'un droit peut être cédé par voie de négociation. Cela étant dit, la façon dont vous vous acquittez de vos obligations et reconnaissez les droits peut faire l'objet de discussions et d'une entente conjointe. Je dirais que le projet de loi est là pour veiller à ce que les droits soient respectés de manière conjointe. Il s'agit là de l'un des éléments sous-tendant que nous tenions à couvrir dans le préambule. L'affirmation que les femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale est une expression de ce droit fondamental. Comme vous le savez, sénateur, les préambules sont la clé pour interpréter tout ce qui suit. En effet, négocier le retrait de quelque chose, allant ainsi à l'encontre du droit concerné, ne serait pas approprié, et ce n'est pas ce qui est proposé dans le projet de loi.

Le sénateur Callbeck : Je vais vous donner cette lettre, et j'aimerais entendre votre réponse sur ce qu'y disent ses auteurs.

Mme Laurendeau : Je répondrai à la question de politique que vous m'avez posée.

Le sénateur Callbeck : Il est intéressant qu'il y a environ un mois, aux États-Unis, le président Obama ait apposé sa signature sur la loi en matière d'équité salariale. C'est en fait la toute première loi qu'il ait signée. Nos amis américains semblent aller de l'avant dans ce domaine, tandis qu'à mon sens, nous, nous sommes en train de reculer.

Vous avez mentionné le groupe de travail de 2004. Je pensais que ce groupe de travail avait justement rejeté cette approche axée sur la négociation collective du fait que cela allait amener des femmes à abandonner leur droit à des salaires non discriminatoires lors des compromis qui se font dans le courant de négociations.

Mme Laurendeau : Le groupe de travail a recommandé un modèle proactif et a très vivement recommandé aux syndicats qu'ils prêtent attention aux droits en matière d'égalité dans leurs revendications. C'est ainsi que j'ai compris le rapport.

Le sénateur Callbeck : Votre interprétation est différente de la mienne. Je pensais que le groupe de travail y avait précisément rejeté cette approche axée sur la négociation collective.

Le sénateur Mitchell : Tout à fait. Je l'ai ici.

Le président : Comment allons-nous faire le tri dans tout cela? Si nous laissons les choses comme elles sont, cela ne réglera rien du tout.

Le sénateur Mitchell : J'ai la recommandation du groupe de travail de 2004.

Le président : Pourquoi ne demanderions-nous pas au témoin de confirmer cela pour nous avant qu'elle ne parte aujourd'hui.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais lire, afin que cela figure au procès-verbal, la recommandation du groupe de travail de 2004 que vous avez évoquée pour défendre ce que vous faites et laisser entendre qu'il avait recommandé le processus de la négociation collective comme mécanisme. Vous avez utilisé une expression différente, disant que le syndicat devrait y prêter attention. Voici ce qu'on peut lire au chapitre 16 relativement à l'équité salariale et à la négociation collective : Le groupe de travail recommande que la nouvelle loi fédérale en matière d'équité salariale prévoie que le processus pour réaliser l'équité salariale soit séparé du processus de négociation de conventions collectives.

Le sénateur Di Nino : J'estime que ceci n'est pas approprié.

Le sénateur Mitchell : Je ne suis pas d'accord.

Le sénateur Di Nino : Laissez-moi terminer. Je ne vous ai pas interrompu, sénateur. Nous n'avons pas tout le rapport. L'on en choisit un seul élément. Si nous devons nous pencher là-dessus, alors regardons le rapport dans son entier.

Le président : Que l'on entende le témoin là-dessus.

Le sénateur Di Nino : Nous pourrons siéger toute la semaine prochaine si vous y être prêt, monsieur.

Le sénateur Mitchell : Avec plaisir.

Le sénateur Di Nino : Nous siégerons la semaine prochaine.

Le président : À l'ordre, s'il vous plaît.

Mme Laurendeau : Je dirais simplement que le rapport du Groupe de travail Bilson renferme 49 recommandations. Je n'ai pas dit que le projet de loi intégrait les 49. Il traite des éléments sous-jacents qui ont été identifiés comme étant des problèmes dans l'actuel régime. L'un des aspects était l'introduction d'un système proactif et la reconnaissance du fait que les syndicats ont un rôle à jouer pour veiller à la réalisation de l'équité dans la rémunération.

Le président : Pourriez-vous confirmer que le texte qu'a lu, aux fins du procès-verbal, le sénateur Mitchell correspond bel et bien à l'une des recommandations?

Mme Laurendeau : Il me faudrait vérifier.

Le président : Pourriez-vous le faire et nous revenir là-dessus?

Mme Laurendeau : Je le ferai.

Le sénateur Callbeck : En vertu du projet de loi, un employé pourrait déposer une plainte auprès de la Commission des relations de travail, mais le syndicat ne pourrait pas l'aider à étayer sa plainte comme il peut le faire maintenant s'il souhaite poursuivre l'affaire devant la Commission des droits de la personne. Quelle était l'idée derrière cela?

Mme Laurendeau : L'idée était qu'en tant que partenaire égal, ayant une obligation à respecter et devant utiliser le processus de négociation et le processus démocratique, il serait inopportun, voire même illogique, qu'à l'issue du processus l'agent négociateur puisse véritablement contester une chose qu'il a contribué à élaborer, de bonne foi, et avec le travail préparatoire adéquat. À l'heure actuelle, dans le cas de toute autre condition de travail, une fois une convention collective signée, après avoir été négociée de bonne foi par l'employeur, le syndicat ne peut pas la rejeter. Ce ne serait pas approprié une fois que vous êtes partie, à égalité, dans un processus ayant fourni la preuve que vous avez réalisé le principe d'un salaire égal pour un travail de valeur égale. Ce serait comme être juge et partie à la fois.

Le sénateur Callbeck : Comme l'a dit le sénateur Mitchell, je ne sais pas où les gens vont trouver l'argent pour payer des avocats et préparer leur dossier. Je pense que cela les placera dans une situation impossible.

Mme Laurendeau : En même temps, par contre, le droit d'être représenté par un syndicat impose à ces derniers la responsabilité de veiller à ce qu'ils soulèvent toutes les questions d'intérêt pour ses membres, y compris les membres du sexe féminin qui font partie du processus démocratique. Il est important de comprendre que le but ici est de veiller à ce que les préoccupations des femmes ne soient pas ignorées ni écartées au cœur du processus d'établissement des salaires, mais bien qu'elles y soient traitées. Il incombe à l'employeur et à l'agent négociateur d'enclencher la conversation pour veiller à ce que ces questions soient traitées.

Le président : Madame Laurendeau, vous vous débrouillez fort bien. Si vous êtes toujours suffisamment en forme pour poursuivre, nous pourrons terminer bientôt.

Le sénateur Di Nino : Je pense moi aussi que vous vous débrouillez très bien. Nous avons été durs avec vous, mais vous vous en tirez fort bien. La première question que j'aimerais vous poser concerne les autres gouvernements au pays qui ont adopté des lois semblables. Est-il vrai que le pays compte aujourd'hui plusieurs provinces dont les lois renferment en fait déjà les principes de ce projet de loi-ci en ce qui concerne cette question?

Mme Laurendeau : Quatre provinces ont des régimes proactifs. Il me faudrait cependant mentionner qu'aucune d'entre elles n'a exactement le même régime que celui élaboré ici. Le Manitoba, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Québec ont des lois proactives en matière d'équité salariale semblables au projet de loi.

Le sénateur Di Nino : Je ne veux pas me lancer dans le détail, car ce serait très difficile, mais je veux parler du principe du projet de loi, et celui-ci a été adopté par au moins quatre provinces.

Mme Laurendeau : En effet.

Le sénateur Di Nino : Vous avez également parlé des économies qui seraient réalisées sur le plan des frais juridiques, ou en tout cas quelqu'un a dit que nous économiserions beaucoup à ce chapitre. N'y aurait-il pas également d'énormes économies sur le plan des frais administratifs, des coûts de personnel et d'autres choses du genre, qui n'interviendraient en temps normal pas, si le processus était simplifié comme cela est proposé dans le projet de loi?

Mme Laurendeau : Il serait juste de dire que les frais juridiques seraient une économie, car les contentieux qui se prolongent ont tendance à être coûteux. Cela étant dit, il faudra qu'une quantité appréciable de travail de recherche vienne appuyer cette capacité.

Cependant, le fait que le processus d'établissement des salaires soit un processus unique amènera vraisemblablement une efficience administrative.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais confirmer, afin qu'il ne subsiste aucun doute, que la jurisprudence continuera d'être utilisée même après la transition du système de plaintes de la Commission des droits de la personne à la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Je pensais qu'il persistait encore un certain flou en la matière.

Mme Laurendeau : Oui, dans la mesure où les éléments fondamentaux de l'obligation seront les mêmes, la jurisprudence et les instruments d'interprétation seront eux aussi les mêmes.

Le sénateur Di Nino : Vous avez également fait une observation au sujet de failles fondamentales devant être corrigées. Je devine que vous êtes convaincue que ces failles fondamentales seront corrigées avec le projet de loi. Vous pouvez en traiter plus précisément si vous voulez.

Mme Laurendeau : Du point de vue de la politique, la difficulté que nous avons avec l'actuelle Loi canadienne sur les droits de la personne, qui impose une obligation uniquement à l'employeur et permet que le processus d'examen des plaintes s'étire, va être réglée avec ce système. J'ai qualifié ce problème de faille fondamentale.

Le sénateur Di Nino : Vous avez brièvement fait état d'un mécanisme de surveillance. Pourriez-vous nous expliquer la chose?

Mme Laurendeau : La Commission des relations de travail dans la fonction publique est un organe administratif qui est en place depuis 1967. Il est à l'heure actuelle l'équivalent d'un conseil d'arbitrage et il sera l'organe de surveillance chargé de contrôler l'application de la loi de deux manières. Premièrement, la commission est là pour appuyer les parties en matière de recherche sur les salaires dans le cadre du processus de négociation. Deuxièmement, elle sera l'organe de surveillance qui entendra les plaintes. La CRTFP est un organe administratif et ses décisions pourront être revues par la Cour fédérale.

Le sénateur Di Nino : Vous nous avez également dit que vous œuvrez dans ce domaine depuis environ 12 ans.

Mme Laurendeau : Oui, je regrette presque de le dire.

Le sénateur Di Nino : C'est une longue période dans la vie de n'importe qui à se consacrer à quelque chose.

Mme Laurendeau : Je le pense moi aussi, monsieur.

Le sénateur Di Nino : Nous vous applaudissons pour cela. À ce sujet, vous vous passionnez manifestement pour cette question. Vous avez vu la chose progresser et se développer ces derniers temps et avez dit que cela cadre avec la position de l'Organisation internationale du Travail. Pensez-vous qu'il s'agisse d'un pas en avant dans le cas de l'équité salariale pour les femmes?

Mme Laurendeau : Si je mets ma passion de côté, et je le ferai, sans quoi mon patron m'en voudra, je vous dirai qu'il s'agit d'une amélioration sensible des modèles proactifs existants. Le projet de loi marque un pas en avant de plus. Il traite d'une question dont ne traite aucune des lois provinciales, notamment comment maintenir un salaire égal pour un travail de valeur égale. Nous avons dans les quatre provinces que j'ai mentionnées un robuste système en vue de réaliser l'équité salariale, mais son maintien est encore quelque peu problématique. Le projet de loi est clair quant à la manière de réaliser et de maintenir l'égalité salariale pour un travail de valeur égale. Dans ce sens-là, il s'agit d'une amélioration par rapport aux modèles existants.

Le sénateur Gerstein : Quatre de mes collègues ont, plus tôt dans la réunion, évoqué leurs longues mémoires. Je n'ai aucune mémoire sénatoriale, étant donné que je suis nouveau ici. Je suis nouveau au Sénat et nouveau au comité. Je peux vous dire que je peux reconnaître un bon exposé lorsque j'en entends un. Je vous soumets respectueusement, au nom de nous tous, que cet exposé n'a pas été bon, mais remarquable.

Mme Laurendeau : Merci, sénateur.

Le sénateur Gerstein : Je tiens à vous féliciter, madame Laurendeau, pour votre enthousiasme et vos connaissances ainsi que pour la clarté des réponses que vous nous avez fournies aujourd'hui sur ce sujet fort complexe. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Le président : Cela fait plus de deux heures et demie que vous êtes assise en face de nous.

[Français]

Le sénateur De Bané : Monsieur le président, le système politique que nous avons est un système où la haute fonction publique est là pour expliquer ce que le gouvernement a décidé de faire. Nous n'avons pas accès, bien sûr, aux autres options qui ont été proposées au gouvernement, seulement celles que le gouvernement a choisies. Mme Laurendeau, qui est la secrétaire adjointe du Conseil du Trésor a expliqué avec beaucoup de compétence quelle est cette politique que le gouvernement a retenue.

Je voudrais vous demander, monsieur le président, est-ce que vous avez l'intention d'inviter, comme le sénateur Callbeck a suggéré, d'autres spécialistes pour nous donner d'autres points de vue que celui que doit expliquer la haute fonction publique qui conseille le gouvernement? Mme Laurendeau a bien rempli son devoir d'expliquer tous les mérites de l'option retenue par le gouvernement. On n'est pas en matière de vérité absolue. Il y a d'autres spécialistes.

[Traduction]

Ce que les sénateurs Mitchell et Callbeck ont suggéré va tout à fait à l'encontre de cette approche. Dans le court temps dont nous disposons, pensez-vous que nous allons pouvoir écouter de ceux qui jugent que cette approche est malavisée?

Le président : Sénateur De Bané, je ne peux pas vous dire si nous allons entendre des personnes qui nous diront que la chose est malavisée. L'approche qu'a voulu suivre le comité directeur pour commencer était d'entendre des fonctionnaires, comme vous l'avez dit, nous présenter les modifications et le projet de loi que souhaite mettre en œuvre le gouvernement. Il nous faut comprendre ce que cherche à faire le gouvernement. C'est ce que nous sommes en train de faire dans cette première phase.

Nous avons déjà organisé un panel que nous entendrons une fois que nous en aurons terminé avec le gouvernement, et ce panel réunit des représentants de personnes touchées par le projet de loi. Ces personnes viendront nous dire si elles estiment qu'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise idée.

Le sénateur De Bané : Très bien. J'ai, cet après-midi, entendu une explication éloquente de l'option retenue par le gouvernement. Il y a, bien sûr, de nombreuses autres options. Je suis heureux de savoir que l'on entendra cette autre position. Ce sont des questions dont il faut débattre. Il ne serait pas sain de n'avoir que l'opinion du gouvernement.

Je tiens à dire que Mme Laurendeau a, comme l'a souligné le sénateur Gerstein, fort éloquemment expliqué la politique retenue par le gouvernement. J'espère que nous entendrons d'autres personnes. Il n'est pas question ici d'une vérité absolue, mais d'une chose dont il nous faut discuter.

Le président : Merci, sénateur De Bané. C'est ce que nous comptons faire et nous suivrons en la matière votre conseil.

Nous allons poursuivre et boucler ce tour de table. Nous entendrons ensuite d'autres fonctionnaires qui nous aideront avec deux autres volets complexes du projet de loi dit d'exécution du budget.

Le sénateur Nancy Ruth : Ma première question concerne les économies pour le Conseil du Trésor. D'après ce que je comprends, le Conseil du Trésor doit, à l'heure actuelle, réserver de l'argent dans l'éventualité de la nécessité de faire des paiements advenant que la Commission des droits de la personne donne raison à un plaignant dans une affaire d'équité salariale, dans une situation engageant le gouvernement fédéral.

Savez-vous de quoi je parle? Vous avez l'air troublée.

Mme Laurendeau : Je vous écoute attentivement.

Le sénateur Nancy Ruth : Avez-vous une idée du montant et de l'estimation qu'a pu faire le Conseil du Trésor pour les trois prochaines années, pendant que l'ancien régime demeure en place?

Mme Laurendeau : La question que vous posez est quelque peu délicate en ce sens qu'il y a une évaluation qui doit être faite lorsqu'une action est en cours. Je ne pense pas qu'il soit approprié que je me prononce là-dessus. Une évaluation est faite, mais vous comprendrez qu'une réponse plus détaillée pourrait dévoiler la position du gouvernement en ce qui concerne l'évaluation des risques.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce serait formidable pour les avocats de l'autre côté. Je comprends cependant ce que vous dites et je retire ma question.

Lorsque le sénateur Callbeck vous a interrogée, cela m'a fait penser à cette affaire d'équité salariale à Terre-Neuve, il y a de cela quatre ou cinq ans. Cela concernait différentes catégories de travailleurs d'hôpital. On leur a reconnu le droit à un rajustement paritaire et le gouvernement du jour avait dit « Nous sommes fauchés et ne pouvons pas payer ». Les travailleurs ont intenté une action, la cour a donné raison au gouvernement et les femmes ont perdu leur rajustement paritaire.

Ce genre de chose pourrait-il arriver avec votre nouveau régime, et à quel tribunal des employés pourraient-ils recourir?

Mme Laurendeau : La structure sous-jacente prévoit quelque chose pour éviter une telle situation, qui survient la plupart du temps après un long litige qui se solde par un important paiement. Si vous suivez les choses au fur et à mesure et vous en occupez de manière proactive, l'idée est de veiller à ce que la dépense soit étalée et soit consentie lorsque cela est nécessaire, et non pas bien plus tard, lorsque vos moyens peuvent très bien être différents.

Le sénateur Nancy Ruth : C'était une bonne réponse, mais cela suppose que les gouvernements ne feraient appel qu'à cause du coût du rajustement. Pourriez-vous, avec ce nouveau régime, imaginer un autre moyen de faire? Je suppose que les gouvernements modifieraient tout simplement le règlement. C'est comme cela qu'ils essaieraient de stopper les choses, comme cela a été le cas à Terre-Neuve.

Mme Laurendeau : Terre-Neuve fonctionnait dans le cadre d'un régime axé sur les plaintes. Il est difficile de comparer cela à un régime proactif dans le cadre duquel vous payez au fur et à mesure, au lieu de ne pas payer, puis d'être tenu, plus tard, de payer avec intérêts. Il est difficile pour moi de vous livrer une comparaison directe, car les deux choses sont différentes à dessein. La base est qu'un système proactif veille à ce que vous payiez au fur et à mesure ou au fur et à mesure que surviennent vos obligations. De cette manière, vous n'êtes pas en train d'accumuler quelque part un gros passif qu'il est difficile d'évaluer, car vous vous acquittez de vos obligations au fur et à mesure.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur le président, cela ne sera pas une question que je veux poser à Mme Laurendeau. C'est plutôt à vous que je m'adresse. Comme nouveau sénateur, c'est une de mes premières rencontres au comité. Malgré toute l'amitié et l'estime que j'ai pour mon collègue de droite, le sénateur De Bané, je me permets une question. Est-ce que c'est l'habitude, lorsqu'on traite d'un budget ou de projets de loi, c'est bien sûr qu'on interroge les fonctionnaires, qu'on puisse aller chercher une autre expertise?

Le président : Oui, absolument. C'est important d'avoir les deux côtés de chaque question de politique et on va faire cela. On doit commencer par le projet de loi. On doit comprendre ce qu'il y a dans le projet de loi et après cela, on peut étudier l'impact de ces propos.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Moi aussi je suis un nouveau sénateur, alors je suis en train d'apprendre un petit peu sur le tas. L'on a toujours quelque chose à apprendre. Par ailleurs, je n'ai jamais été élu en tant que député fédéral, mais j'ai passé près de 18 ans à l'assemblée législative de la Colombie-Britannique, dont huit ans au pouvoir.

J'ai pendant ce temps participé à l'élaboration de bon nombre de lois. Je veux revenir ici au commentaire de mon collègue au sujet d'autres opinions et idées. Je ne me souviens d'aucun cas, pendant que mon parti était au pouvoir, ou nous n'ayons pas entendu des défenseurs de positions diverses en vue de la réalisation d'un objectif ultime. En règle générale, mais pas toujours, ces différentes positions sont étayées par des fonctionnaires chevronnés pour les élus, en vue d'expliquer comment faire pour atteindre l'objectif visé.

Je suppose que, par le biais de ce processus, des options ont dû être soumises au gouvernement; que le gouvernement aurait en vérité passé en revue plusieurs moyens d'atteindre le but du projet de loi, que vous avez si bien expliqué. Aurais-je raison de dire cela ou seriez-vous intervenus dans ce genre de choses?

Mme Laurendeau : Voulez-vous parler de discussions en matière de politique?

Le sénateur Neufeld : Oui.

Mme Laurendeau : Oui, dans le cours normal des choses, on fait appel à nous pour proposer des options.

Le sénateur Neufeld : Au bout du compte, le gouvernement du jour, qui a adopté ceci et a dit « Voici ce avec quoi nous allons aller de l'avant », en a véritablement décidé après avoir examiné d'autres lois ou d'autres idées en vue de l'élaboration du projet de loi. Ai-je raison de dire cela?

Mme Laurendeau : C'est exact. Et cela inclut le rapport Bilson de 2004, que j'ai mentionné tout à l'heure, car une quantité appréciable de recherche a été produite lors de l'évaluation de ce rapport, et cela a fait partie de l'analyse qui a débouché sur l'élaboration du projet de loi.

Le sénateur Neufeld : Voilà qui répond à ma question. Lorsque vous vous lancez dans quelque chose du genre, je sais qu'il y aura quantité d'idées et, en bout de ligne, il vous faut prendre une décision quant à ce que vous allez faire.

Vous avez mentionné les provinces qui sont dotées de lois semblables, et il s'agit du Québec, du Manitoba, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, n'est-ce pas?

Mme Laurendeau : C'est exact.

Le sénateur Neufeld : Quand ces régimes ont-ils été adoptés dans ces provinces?

Mme Laurendeau : Dans le cas de certaines, c'était au milieu des années 1980, et pour d'autres, comme c'est le cas du Québec, c'est aussi récent que dans les années 1990. Je pourrai vous donner par écrit des renseignements plus précis quant au moment où ces lois ont été adoptées. L'Ontario, me semble-t-il, était l'une des premières provinces, et j'ai en tête que cela a dû se faire en 1985 ou en 1986. Cela s'est fait à peu près en même temps au Manitoba, mais le Manitoba a été le premier.

Le sénateur Neufeld : Si les lois sont semblables, et s'il y avait tous les écueils dont nous avons entendu parler aujourd'hui, je ne peux pas m'imaginer ces quatre provinces, sachant qui est au pouvoir, maintenir le cap et conserver ces lois. C'est une simple déclaration que je fais là. Je ne vous demande pas de répondre, mais je ne peux pas m'imaginer, si c'est si mauvais que cela, que le Québec, le Manitoba, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick disent : « Nous allons conserver cela. Peu importe à quel point c'est mauvais ou terrible, nous allons maintenir cela en place ».

J'imagine que le ministère qui a élaboré la chose et qui a appuyé l'élaboration de la politique aurait examiné ces quatre provinces pour s'assurer que les choses y fonctionnent relativement bien. Est-ce exact?

Mme Laurendeau : Il serait juste de dire que nous nous renseignons en examinant les modèles existants, en nous penchant tant sur les aspects positifs que sur les volets qu'il conviendrait d'améliorer.

Le président : Le sénateur Mitchell a une rapide question supplémentaire.

Le sénateur Mitchell : Lorsque vous faites des comparaisons avec les quatre provinces, elles sont plutôt générales. Par exemple, je ne pourrais pas m'imaginer que le Manitoba n'autorise pas le syndicat à aider un travailleur syndiqué à faire appel et limite sa marge de manœuvre en imposant une pénalité de 50 000 $.

J'apprécie le commentaire du sénateur Neufeld, mais je pense qu'il existe probablement des différences très significatives qui font que leurs régimes fonctionnent d'une manière qui sera différente de celui-ci.

Mme Laurendeau : Ils sont différents, mais ils sont proactifs dans leur nature, oui.

Le président : Vous avez, plus tôt dans votre témoignage, indiqué que le maintien de l'égalité était quelque chose de différent et de nouveau.

Mme Laurendeau : C'est exact.

Le président : C'est bien noté. Merci beaucoup, madame Laurendeau. Nous avons eu avec vous une merveilleuse session. Si vous voulez bien quitter la table, je vais maintenant poursuivre avec Mme Downie et passer à la partie 12.

Mme Laurendeau : Merci de me libérer. Nous veillerons à vous transmettre les réponses écrites que nous nous sommes engagés à fournir.

Le président : Nous sommes impatients d'avoir les réponses correspondant aux divers engagements.

Je vous ai déjà présenté Colette Downie, directrice générale, Direction générale des politiques-cadres du marché, Industrie Canada. Nous lui avons demandé de venir avec son équipe, et ils ont patiemment attendu. Nous vous en remercions. Cela vous montre à quel point notre tâche est énorme. Nous allons persévérer, avec votre aide.

Nous avons dans le projet de loi C-10 une partie 12. Nous aimerions procéder avec vous de la même façon qu'avec les témoins précédents. Veuillez nous indiquer ce que le gouvernement espère réaliser dans cette partie et nous aurons ensuite quelques questions.

Colette Downie, directrice générale, Direction générale des politiques-cadres du marché, Industrie Canada : Je suis accompagnée de mon collègue Adam Fanaki, qui est sous-commissaire au Bureau de la concurrence.

La partie 12, qui commence à la page 407, est la première de deux qui concrétisent des recommandations du Groupe d'étude sur la politique en matière de concurrence, qui était présidé par Lynton Red Wilson, et qui a remis son rapport au gouvernement en juin dernier. Il s'est penché sur la Loi sur la concurrence, ainsi que la Loi sur Investissement Canada et d'autres politiques gouvernementales concernant la concurrence en général.

Ces deux parties contiennent les éléments principaux des recommandations formulées par le Groupe d'étude sur la politique en matière de concurrence. Je vais m'en tenir, pour commencer, à la partie 12, et j'aborderai ensuite la partie 13.

La partie 12 contient les modifications de la Loi sur la concurrence. Je vais en décrire brièvement les dispositions principales.

Elles visent à protéger les consommateurs contre la publicité et les pratiques commerciales trompeuses en autorisant les cours de justice ou le Tribunal de la concurrence à ordonner l'indemnisation des victimes de publicité trompeuse. Elles renforcent également la dissuasion en accroissant sensiblement les sanctions applicables à ces infractions. Elles augmentent les peines et amendes et précisent les limites de la concurrence légitime, particulièrement en ce qui concerne les cartels ou ententes entre concurrents, notamment celles visant une fixation des prix.

Les modifications remanient une disposition de portée très large qui était restée relativement inchangée depuis 120 ans, et qui prohibe toutes les ententes entre concurrents qui nuisent substantiellement à la concurrence — « indûment » est le terme employé dans la disposition. La portée est réduite de façon à cibler les comportements les plus graves et les plus frauduleux.

Ces derniers englobent des pratiques telles que la fixation des prix, la répartition des marchés, où les concurrents se partagent un marché ou la clientèle, la restriction de la production, où les fournisseurs nuisent à la concurrence en convenant de fermer une usine, par exemple, en échange de majorations de prix, par exemple.

Cette proposition restreint la portée de la disposition et facilite l'ouverture de poursuites par le Bureau de la concurrence en lui évitant d'avoir à prouver l'existence d'un préjudice économique grave dans le cas des pratiques les plus nocives telles que la fixation des prix. En même temps, elle crée une procédure distincte, non pénale, pour la répression d'autres formes de conduite potentiellement nocives.

Je signale encore qu'elle exclut de la portée certaines pratiques actuellement couvertes, soit les alliances non préjudiciables entre concurrents.

Comme autres éléments importants de la proposition, elle rend plus efficiente et prévisible pour les entreprises l'examen des fusionnements par le Bureau de la concurrence. En particulier, elle réduit le nombre de transactions devant être déclarées au bureau et instaure un mécanisme obligeant le Bureau de la concurrence à faire savoir aux entreprises dans un délai de 30 jours si elles vont faire l'objet d'une enquête. La proposition augmente les sanctions pour abus de position dominante en autorisant le Tribunal de la concurrence à imposer des peines administratives pécuniaires.

Voilà les principaux éléments de la partie 12. Je n'entrerai pas dans les délais, mais je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Votre collègue a-t-il quelque chose à ajouter, ou bien ouvrons-nous la période des questions?

Adam Fanaki, sous-commissaire principal intérimaire de la concurrence, Bureau de la concurrence — Direction générale des fusions, Industrie Canada : Si vous voulez passer aux questions, cela me convient.

Le sénateur Callbeck : Il m'apparaît que ces dispositions représentent le plus gros remaniement que nous ayons connu depuis 1986 et qu'un grand nombre ont fait l'objet d'une concertation avec les juristes et les milieux d'affaires. Cependant, on me dit aussi que tel n'a pas été le cas du mécanisme d'examen des fusions en deux étapes. Est-ce vrai?

Mme Downie : Le mécanisme d'examen des fusions en deux étapes a été recommandé par le Groupe d'étude sur la politique en matière de concurrence et mis en place dans ce projet de loi. Le groupe d'étude a procédé à des consultations poussées. Il a reçu plus de 150 soumissions. Il a organisé un certain nombre de tables rondes avec des spécialistes, notamment une sur la politique de concurrence, et a eu de nombreux entretiens en tête-à-tête avec des gens d'affaires. Il a également reçu les avis des consommateurs et d'autres groupes intéressés.

Je dirais que ces modifications ont fait l'objet d'une concertation très poussée avant d'être recommandées par le groupe d'étude. Le rapport de celui-ci indique quelles étaient les préoccupations exprimées, auxquelles il a réagi en faisant ces recommandations.

Il y avait des doléances des gens d'affaires concernant la lourdeur et la rigidité des outils dont dispose le Bureau de la concurrence pour ses enquêtes sur les fusions. Il doit utiliser un mécanisme d'ordonnance judiciaire qui est rigide. Ils reconnaissaient également qu'il est dans l'intérêt public que le Bureau de la concurrence dispose des renseignements dont il a besoin pour analyser ou évaluer une fusion avant que les parties ne finalisent la transaction, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Le sénateur Callbeck : Je suis sûre que vous savez que l'Association du Barreau canadien a critiqué ce projet de loi, estimant qu'il a été introduit sans consultation publique. De fait, le président de la Section du droit de la concurrence de l'Association du Barreau canadien a déclaré :

La plupart des experts en droit de la concurrence au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde s'accordent à dire que le mécanisme américain de la « deuxième demande » est excessivement lourd, coûteux et long. Après 30 années, ce modèle n'a été repris par aucun autre pays au monde.

Êtes-vous d'accord avec cela?

Mme Downie : Je n'avais pas connaissance de cette déclaration précise, mais je dirais, au sujet d'un de ces éléments, qu'aux États-Unis, un organe appelé Antitrust Modernization Commission, composé de responsables gouvernementaux mais aussi d'experts en droit de la concurrence confirmés, a examiné les systèmes américain et canadien et conclu que le problème résidait surtout dans la mise en œuvre, aux États-Unis, du système américain à deux étapes plutôt que dans les dispositions elles-mêmes.

De ce fait, et anticipant les parallèles qui ont été établis, le Bureau de la concurrence prévoit de publier des lignes directrices, dont je demanderais à M. Fanaki de vous parler, qui devraient régler toutes ces difficultés potentielles.

M. Fanaki : Sénateur, je vous remercie de cette question car j'avais entendu que des réserves étaient exprimées concernant l'adoption de ce que la Section nationale du droit de la concurrence de l'Association du Barreau canadien qualifie de mécanisme de deuxième demande à l'américaine. Je vais prendre un peu de recul et vous faire un bref tour d'horizon de ce qui se passe sur le plan de l'examen des fusions, non seulement au Canada mais aussi aux États-Unis et dans le monde. Nous constatons un besoin croissant de renseignements plus complets et précis aux fins des examens de fusions. Cela est directement attribuable aux changements dans la façon dont les fusions sont analysées dans un régime de droit de la concurrence moderne. Nous avons abandonné la simple présomption qu'une fusion est anticoncurrentielle si les entreprises concernées détiennent une part de marché particulière, en faveur d'une analyse plus nuancée des effets sur la concurrence. Bien que cette analyse produise des résultats plus exacts, elle requiert davantage de renseignements.

En outre, nous utilisons des méthodes d'analyse plus sophistiquées, telles que les simulations de fusion, et cetera. Parallèlement, les parties conservent une grosse somme d'informations et de données du fait des frais d'archivage réduits. Certaines des doléances exprimées sur le fardeau des demandes d'information et examens de fusion tient à la nature du mécanisme d'examen. Cependant, tout le monde convient que, pour effectuer le type d'analyse requis par un régime moderne, il faut du temps pour effectuer l'évaluation et des moyens efficaces de recueillir cette information.

Nous sommes tout à fait conscients de la nécessité d'éviter les demandes de renseignements et évaluations de fusion qui imposent un fardeau indu. Ce n'est pas simplement que nous ne voulons pas imposer un fardeau inutile aux sociétés fusionnantes. La réalité est plutôt que nous n'avons aucun intérêt à demander une pléthore de renseignements qui n'auront pas d'utilité pour notre analyse, car cela nous impose un fardeau à nous aussi. Nous avons un intérêt commun à faire en sorte que les demandes d'information soient étroitement ciblées, dans toute la mesure du possible, tout en nous apportant ce dont nous avons besoin pour examiner correctement la fusion.

Pour en revenir à la question posée par ma collègue, si le projet de loi C-10 est promulgué, le Bureau de la concurrence envisage d'émettre des lignes directrices décrivant son approche du nouveau mécanisme d'examen des fusions. Ces lignes directrices démontreront que le bureau est résolu à autoriser dans les meilleurs délais les fusions qui ne mettent pas en jeu de questions de fond. Cela englobe la vaste majorité des transactions qu'il examine dans le courant d'une année. Dans le nombre limité de cas où il est nécessaire de protéger l'intérêt public et la concurrence, le bureau va demander les renseignements voulus au moyen du mécanisme des demandes d'information, mais il le fera de manière à minimiser le fardeau imposé aux parties. Nous le ferons, par exemple, en limitant le nombre de responsables des sociétés dont les dossiers doivent être soumis et examinés, en limitant la période couverte par des demandes d'information et en collaborant avec les parties pour déterminer les moyens les plus rapides et efficaces de recueillir les renseignements.

Le sénateur Callbeck : J'ai lu l'avis de trois ou quatre personnes différentes qui disent de ces modifications qu'elles vont exiger plus de temps, être coûteuses et plus lourdes. Aucun autre pays n'a jamais suivi cela, hormis les États-Unis, ce qui est un peu troublant.

M. Fanaki : Si vous me permettez de répondre, je suis heureux que vous reveniez là-dessus car je n'ai pas répondu à votre argument qu'aucun autre pays n'a adopté le système américain. Je fais remarquer aussi, pour ce que cela vaut, qu'aucun autre pays n'a adopté le système canadien. Le système canadien est unique en ce sens que nous sommes obligés d'obtenir des ordonnances judiciaires pour nous procurer les renseignements requis pour évaluer les fusions. Pendant tout ce temps, le délai pendant lequel les fusions peuvent être examinées continue de courir. Il n'y a pas de lien entre la production des renseignements et le délai à l'intérieur duquel les fusions doivent être évaluées. Il est certain qu'aucun autre pays n'a adopté non plus le système canadien.

Le sénateur Callbeck : Le fait est que cette procédure à deux étapes pourrait être plus lourde, plus longue et plus coûteuse.

Mme Downie : Je ne le crois pas. La disposition a été conçue de façon à réduire le fardeau actuel des entreprises obligées de donner suite aux assignations, à cause de la rigidité de ce processus et des contraintes de temps.

Les parties peuvent faire traîner les choses jusqu'à la fin du délai et, parfois ont intérêt à le faire. Elles peuvent finaliser leurs transactions au bout de 42 jours, même si la Commission du Bureau de la concurrence n'a pas encore les renseignements nécessaires pour évaluer l'impact de la transaction sur les prix ou le choix du consommateur.

Les modifications ne le permettent plus. Parallèlement, elles permettent au Bureau de la concurrence d'émettre une deuxième demande d'information. Il aura maintenant le temps et il aura des raisons de s'asseoir avec les parties pour écarter certains enjeux de la table et cerner exactement quels renseignements sont requis et quels renseignements existent. Il en ira de même des parties. À l'heure actuelle, le système ne laisse que peu de flexibilité à cet égard.

M. Fanaki : Si je puis ajouter un mot, nous focalisons sur un aspect du mécanisme d'examen des fusions qui ne s'applique que dans les cas relativement rares où il se pose des questions de fond. Le mécanisme proposé sera plus flexible et plus collaboratif car nous le sortons du monde du contentieux, où il faut demander une ordonnance judiciaire pour obtenir l'information, et l'intégrons au monde de la coopération.

Outre ce réaménagement du mécanisme, le projet de loi C-10 va réduire le nombre des fusions devant être déclarées au Bureau de la concurrence en majorant les seuils déclenchant l'obligation de notification; il réduira de trois à un an le délai pendant lequel le bureau peut contester une fusion après clôture; et inscrit en droit son obligation d'aviser les parties dans un délai de 30 jours après réception de l'information pertinente si une fusion va être contestée.

Le sénateur Callbeck : J'ai une question sur les consultations. J'ai dit tout à l'heure que l'Association des banquiers canadiens a dit ne pas avoir été consultée au sujet de ce mécanisme à deux étapes. Je sais que des consultations ont eu lieu sur maints éléments de ce projet de loi, mais cet aspect a-t-il été abordé lors de ces consultations?

Mme Downie : Aucun de nous n'était présent aux consultations en tête-à-tête tenues par le Groupe d'étude sur la politique en matière de concurrence. En outre, des mémoires écrits ont été présentés par certaines parties sur l'examen des fusions. Hormis cela, je ne puis vous dire ce que le groupe d'étude a pu entendre ou non.

Le sénateur Callbeck : La doléance au sujet de la consultation que j'entends est que, sur les nombreux éléments de ce projet de loi, une grande partie a fait l'objet de discussions, mais que ce mécanisme d'examen à deux étapes n'a pas fait l'objet de discussions avec les juristes et milieux d'affaires.

Le président : Y a-t-il d'autres commentaires à ce sujet?

Mme Downie : Comme je l'ai dit, le rapport du groupe d'étude dit que ses recommandations sur l'examen des fusions à deux étapes donnent suite aux préoccupations exprimées par les milieux d'affaires au sujet de la rigidité des outils dont dispose le bureau et du processus en général.

Le président : Pour que ce soit clair, vous avez dit « le rapport du groupe d'étude ». Celui-ci est-il parfois appelé le rapport Red Wilson?

Mme Downie : Oui.

Le président : Je voulais que ce soit clair.

[Français]

Le sénateur Rivard : Est-ce que je dois comprendre que ce chapitre du projet de loi sur la concurrence touche toutes les fusions d'entreprise pour éviter les cartels et collusions ou si cela va couvrir également les détaillants? Par exemple, dans le domaine de la gazoline, dans une ville comme Québec, subitement il peut y avoir 100 stations des services qui, à la même heure, fixent tous les mêmes prix.

[Traduction]

Mme Downie : Je vais parler de l'objectif en ce qui concerne les allégations de fixation des prix. M. Fanaki pourra parler plus en détail de l'affaire sur laquelle travaille actuellement le Bureau de la concurrence et qui met en jeu cette situation précise au Québec.

Comme je l'ai mentionné, les modifications proposées remanient la disposition sur la conspiration, comme on l'appelle, qui est vieille de 120 ans, afin d'en rétrécir la portée de manière à ce qu'elle couvre les formes les plus caractérisées de comportement cartellaire néfaste. La fixation des prix est l'une des plus courantes. À l'heure actuelle, le commissaire est tenu non seulement de fournir la preuve d'un accord de fixation des prix, mais aussi de prouver que ce dernier, par exemple, nuit indûment à la concurrence.

Dans un cas comme celui de la fixation des prix à Québec, j'ai entendu l'ancien commissaire déclarer qu'une fois la collusion de fixation des prix prouvée et avérée, il a fallu encore deux années pour rassembler les preuves économiques, pour que les experts économistes puissent établir que la fixation des prix avait effectivement réduit indûment la concurrence sur ces marchés.

Ces changements visent donc essentiellement à simplifier le processus — c'est-à-dire à criminaliser ce que tout le monde reconnaît être un comportement criminel et frauduleux, et à restreindre le champ de ce qui est actuellement une disposition très large s'appliquant à toutes les formes de comportement collaboratif anticoncurrentiel, tout en imposant aussi ce fardeau au commissaire.

Le président : Avant de commencer, lorsque vous parlez d'une modification comme vous venez de le faire, peut-être pourriez-vous nous indiquer l'article. Nous avons tous la loi sous les yeux. J'essayais de trouver l'article correspondant pendant que vous parliez, mais c'est difficile à faire.

Mme Downie : Veuillez m'en excuser. Je vais trouver l'article.

Le président : Merci beaucoup.

M. Fanaki : C'est l'article 410, page 391 du projet de loi, qui propose de modifier l'article 45, soit la disposition sur la collusion de la Loi sur la concurrence.

Pour donner une réponse complète à votre question, sénateur, vous savez peut-être déjà qu'en juin 2008 des accusations criminelles ont été portées contre 13 personnes et 11 sociétés relativement à la présomption de fixation des prix de vente au détail d'essence dans quatre localités du Québec : Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et Magog. Lorsque ces accusations ont été portées, trois sociétés et un particulier ont plaidé coupable à la Cour supérieure du Québec pour leur rôle dans ce complot de fixation des prix.

Le sénateur Di Nino : Je réfléchissais à la question sur la consultation publique. Vous avez évoqué le Groupe d'étude sur la politique en matière de concurrence. Ce projet de loi reprend également un certain nombre de dispositions qui étaient contenues dans le projet de loi C-19, qui avait été introduit lors de la 38e législature, et qui a aussi fait l'objet de consultations et été soumis à la critique.

Dites-nous dans quelle mesure ce projet de loi est repris dans celui-ci. Est-ce juste une ou deux dispositions, ou bien y en a-t-il davantage?

Mme Downie : Je dirais qu'il y en a beaucoup. De fait, la totalité ou quasi-totalité de ce projet de loi, le projet de loi C-19, est reprise dans cet ensemble de modifications proposées, qui en contient en sus quelques autres recommandées par le Groupe d'étude sur la politique en matière de concurrence. Je ne puis pas dire que le libellé est identique, mais la vaste majorité des modifications de ce projet de loi ont été reprises ou portent sur les mêmes aspects que le projet de loi C-19.

Le sénateur Di Nino : Nous avons entendu des plaintes de diverses sources à l'effet que la consultation sur le projet de loi C-10 n'était pas aussi poussée qu'il aurait fallu. Je pense que vous avez raison de rappeler que le Groupe d'étude sur la politique en matière de concurrence avait effectivement mené des consultations. En outre, il faut rappeler qu'une grande partie de ces mesures figurait dans le C-19, qui lui-même avait fait l'objet de consultations à l'époque.

Mme Downie : Je suis d'accord.

Le sénateur Di Nino : J'ai lu ceci et aussi les explications fournies par nos chercheurs. Il me semble que le projet de loi cherche à rationaliser, à rendre plus efficients et plus efficaces les mécanismes administratifs et leur déroulement. À l'heure où nous faisons face à tant de difficultés économiques, ce serait un changement bien reçu par les milieux d'affaires puisqu'il leur simplifie la tâche.

Je crois aussi que le projet de loi augmente, le cas échéant, les sanctions en cas d'infraction. Ai-je bien saisi? Êtes-vous d'accord?

Mme Downie : Oui, je suis d'accord. Pour ce qui est de la rationalisation du mécanisme d'examen des fusions, j'aurais dû préciser que la vaste majorité des fusions ne seront pas assujetties à ces secondes demandes d'information. On s'attend à ce que, en moyenne, quatre à six transactions par année soient concernées par ce mécanisme. La vaste majorité des fusionnants recevront du bureau un avis s'il doit y avoir une enquête dans un délai de 30 jours.

Le sénateur Di Nino : J'ai trouvé que votre présentation était très bonne et couvrait très bien toutes les dispositions. Cependant, il y en a une qui concerne les lignes aériennes. Vous n'en avez pas fait état. Pourriez-vous nous éclairer?

Mme Downie : Des modifications antérieures avaient ajouté à la Loi sur la concurrence des dispositions applicables exclusivement aux compagnies aériennes. Par exemple, la principale imposait des sanctions administratives pécuniaires pour abus de dominance de la part des compagnies aériennes. Le projet de loi les élargit à toutes les industries.

Dans une affaire d'abus de dominance, le Tribunal de la concurrence peut aujourd'hui imposer des sanctions administratives pécuniaires aux compagnies aériennes. Le projet de loi élargirait cela afin que le tribunal puisse imposer ce type de pénalités pour dissuader l'abus de dominance dans tous les secteurs de l'économie.

Le sénateur Di Nino : Je pensais que cela concernait exclusivement les lignes aériennes, mais c'est l'inverse. Ces dispositions sont maintenant appliquées à l'abus de dominance de la part d'autres entreprises également. Merci beaucoup.

Le sénateur Mitchell : J'ai deux questions qui portent sur la question de savoir pourquoi ces dispositions doivent figurer dans ce projet de loi en particulier. D'abord, quelle est l'urgence? Importerait-il que ces mesures soient adoptées en avril plutôt qu'en mars?

Mme Downie : Je ne puis réellement me prononcer sur la construction du projet de loi d'exécution du budget. Je peux vous parler de l'importance de la réforme du droit de la concurrence et des types de comportement anticoncurrentiel que l'on voit couramment en période de récession économique — c'est-à-dire, d'incertitude économique. Ce type de conduite anticoncurrentielle peut devenir plus fréquent lorsqu'une économie se contracte.

Par exemple, certains concurrents dans un secteur en déclin peuvent être davantage portés à se mettre en collusion avec d'autres pour fixer les prix à des niveaux artificiellement élevés de façon à éviter les pertes dans un tel contexte. Ce type d'ententes nuit à la concurrence en gonflant les prix, réduisant la production et paralysant l'innovation, au détriment des consommateurs et des clients de ces entreprises. Les consommateurs et entreprises canadiens comptent sur leurs fournisseurs pour leur livrer des produits concurrentiels et, en l'absence de concurrence, les entreprises canadiennes ne peuvent rester compétitives.

De même, pour employer un autre exemple, lorsque l'économie se contracte et l'activité baisse, il peut être tentant pour quelques entreprises malhonnêtes de se livrer à des pratiques commerciales trompeuses. Elles peuvent recourir à la publicité trompeuse, par exemple, pour attirer des consommateurs, nuisant ainsi aux consommateurs trompés mais aussi aux concurrents honnêtes qui cherchent à rivaliser avec elles. Ces modifications visent à dissuader ce genre de comportement en accroissant les sanctions et aussi en indemnisant les victimes.

Pour employer un autre exemple en rapport avec certaines des modifications majeures de ce remaniement, la conjoncture économique actuelle conduit manifestement déjà à une importante restructuration dans certains secteurs. Comme je l'ai mentionné, à l'heure actuelle, les parties à des fusions peuvent clore leur transaction sans même donner au Bureau de la concurrence les renseignements dont il a besoin pour déterminer si cette transaction nuit à la concurrence. Ces modifications vont régler ce problème, comme je l'ai déjà expliqué. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Mitchell : Chacun de ces crimes ou excès que vous venez de passer en revue fait déjà l'objet d'une loi ou d'un règlement ou d'une disposition l'interdisant, et donc si nous étions pris avec celle-ci pendant encore deux ou trois semaines, ou trois ou quatre mois, ou jusqu'à au milieu d'avril, cela ne semble pas devoir faire une énorme différence.

Les choses que vous avez mentionnées dans vos réponses sont de la pure réglementation, de la pure remise en ordre, mais en quoi ont-elles le moindre rapport avec la stimulation économique? Ceci ne va stimuler en rien l'économie. Pourquoi retrouve-t-on ces mesures dans ce projet de loi? Pourquoi ne pourrait-on les en retrancher et les adopter dans trois semaines?

Mme Downie : Je ne puis me prononcer sur la construction du projet de loi.

Le sénateur Mitchell : Vous pourriez me dire si vous pensez qu'il y a là un stimulant.

Mme Downie : Je pense qu'il s'agit de renforcer l'économie, et la concurrence et la productivité sont ce qui permet aux entreprises de prospérer et de croître. Si la concurrence était amoindrie du fait de certains des comportements que j'ai décrits, ce serait néfaste pour l'économie et les entreprises. Les amendements proposés visent à assurer que les entreprises et les consommateurs ne soient pas victimes.

Le sénateur Mitchell : Le Barreau canadien, et je pense que vous avez vu sa lettre, fait valoir exactement l'inverse. Il dit que cela va exercer un effet de refroidissement sur les entreprises canadiennes. L'illégalité automatique de certains types d'ententes va absolument refroidir les entreprises canadiennes qui cherchent à livrer concurrence à des entreprises internationales et américaines qui pourront faire la même chose avec une confiance absolue. A-t-on analysé la possibilité que cela ne soit pas aussi simple et pourrait même avoir un effet « dé-stimulant », si je puis employer ce mot? Sur quelle base venez-vous de passer outre à ce que dit le Barreau canadien?

Mme Downie : Des analyses poussées ont été faites de cette question-même, car la dernière chose que nous voulons c'est freiner la concurrence ou entraver des pratiques commerciales légitimes. Les modifications que nous proposons font exactement l'inverse. Elles sont fondées sur des consultations et l'examen d'une grande diversité d'arrangements commerciaux. Nous avons passé toutes sortes d'ententes commerciales différentes au crible de cette proposition pour nous assurer de faire exactement ce que nous avons l'intention de faire pour réprimer les actes criminels que sont la fixation des prix, la répartition du marché et la limitation de la production. En même temps, nous les sortons de la sphère pénale, qui actuellement, et ce que j'ai entendu directement de la bouche des parties prenantes, a un effet de refroidissement sur les comportements commerciaux. Ils ne sont plus soumis à cette disposition pénale très large vieille de 20 ans. En même temps, les changements permettent au Bureau de la concurrence de lutter plus efficacement contre ces délits.

Le sénateur Mitchell : Avez-vous tenu des consultations publiques, oui ou non? Si oui, pouvez-vous nous dire qui vous avez consulté en public ou en privé ou raisonnablement privé, et pourriez-vous nous dire si vous avez consulté l'Association du Barreau canadien au sujet de ces dispositions particulières avant de les introduire? Avez-vous donné la moindre indication que ces changements importants figureraient dans ce projet de loi afin que les gens disposent de plus de deux ou trois semaines pour y réfléchir?

Mme Downie : Un certain nombre de consultations ont été tenues. Les plus détaillées ont d'abord été tenues en privé, en envisageant différents scénarios, les scénarios que je vous ai mentionnés. Deux groupes ont été consultés. Il y avait un groupe de travail interne, composé de spécialistes de la concurrence et d'avocats du ministère de la Justice, et un groupe de travail externe composé d'un grand nombre de spécialistes du droit de la concurrence ainsi que d'économistes spécialisés dans ce domaine. C'était là une très longue discussion passant en revue tous les différents types d'ententes illicites et un certain nombre de modèles différents. Il y avait certainement à ces rencontres des membres de l'Association du Barreau canadien. Ensuite, nous avons également tenu quelques tables rondes techniques sur le texte même. Nous avons organisé trois de ces tables rondes à travers le pays, auxquelles ont participé un grand nombre d'experts en droit de la concurrence, mais aussi des économistes.

Pour ce qui est de l'annonce de ces amendements, je ne puis répondre à cela. C'était une communication politique.

Le sénateur Mitchell : Je vais clore mes questions, mais je suggère d'inviter à comparaître le Barreau canadien, si c'est possible, car il semble y avoir une déconnexion ici.

Le président : Le Barreau canadien et M. Wilson ont tous deux été invités à comparaître, ainsi que beaucoup d'autres organisations qui seront ou pourraient être touchés par cette législation.

Le sénateur Mitchell : C'est une chose de consulter et c'en est une autre de passer outre à tous les avis donnés.

Le président : M. Red Wilson est le président du groupe qui a fait une étude.

Avant de passer au nom suivant sur la liste, monsieur Fanaki, vous avez dit en réponse à une question précédente avoir rédigé des lignes directrices. Est-ce là une disposition de la loi, ou bien est-ce quelque chose que vous faites normalement à l'interne, et sur quoi portent-elles?

M. Fanaki : Le bureau a un certain nombre de lignes directrices décrivant son approche de l'application des principales dispositions de la Loi sur la concurrence. Ma réponse tout à l'heure portait sur les modifications proposées au mécanisme d'examen des fusions. Le bureau émettrait des lignes directrices décrivant de quelle manière il va mettre en œuvre le mécanisme d'examen des fusions et les mesures qu'il prendrait pour minimiser le fardeau des entreprises canadiennes et tailler sur mesure les demandes d'information, de façon à éviter d'exiger des renseignements inutiles, ainsi que la manière dont ces demandes de renseignements seront traitées et comment cette disposition fonctionnera dans la pratique.

Le président : Ce n'est pas un règlement; c'est simplement un document pour aider les gens à comprendre votre façon de fonctionner.

M. Fanaki : C'est exact. La procédure habituelle consiste à publier les lignes directrices sous forme d'ébauche. Nous ouvrirons ensuite une consultation, toujours avec nos amis de la Section nationale du droit de la concurrence de l'Association du Barreau canadien et d'autres parties intéressées, avant de finaliser le texte.

Le président : Ces lignes directrices sont-elles publiées dans la Gazette du Canada?

M. Fanaki : Elles sont disponibles sur notre site Internet et aussi sur papier.

Le président : Pour que les choses soient claires, dans au moins sept endroits du projet de loi C-10 il est fait mention de règles, lignes directrices, appelez cela comme vous voudrez, qui ne sont pas considérées comme instruments statutaires et donc non soumis à l'examen parlementaire de la réglementation. Ces lignes directrices n'entrent pas dans cette catégorie.

M. Fanaki : C'est juste. Ce sont des lignes directrices que le bureau rédige de sa propre initiative.

Le président : À la page 419, et vous connaissez probablement bien cette disposition, on lit :

123.1 (1) S'il conclut, à la suite d'une demande du commissaire, qu'une personne sans motif valable et suffisant dont la preuve lui incombe...

Il semble qu'on inverse là le fardeau de la preuve et impose à une personne d'apporter une preuve, alors qu'il vous suffit d'alléguer quelque chose. Mon interprétation est-elle la bonne, et est-ce là une disposition que l'on rencontrait traditionnellement dans votre législation, inversant le fardeau de la preuve?

M. Fanaki : Il faudrait que je regarde cela de plus près. Je crois que cela reprend le libellé actuel imposant le fardeau de la preuve à la personne. Cela est fondé sur le fait que les renseignements sont facilement accessibles à la personne pour expliquer pourquoi elle n'a pas respecté cette disposition.

Le président : Selon ma lecture, cela s'applique à un projet que la personne peut avoir. L'Association du Barreau canadien s'inquiète habituellement de toute inversion de la charge de la preuve, l'imposition du fardeau à la personne, alors qu'il suffit au gouvernement d'alléguer quelque chose, et d'exiger que la personne concernée prouve son innocence. Lorsque le Barreau comparaîtra la semaine prochaine, l'entendrais-je nous dire que c'est l'une des dispositions qui l'inquiète?

M. Fanaki : Je ne peux spéculer sur ce que l'Association du Barreau canadien vous dira. Cette disposition concerne le cas où une partie a omis de notifier le commissaire de la Concurrence d'une transaction exigeant préavis. C'est ainsi que le système fonctionne actuellement. Il n'y a pas de changement à cet égard. Dans le cas où une partie a omis de notifier, elle est obligée de justifier l'omission.

Le président : Merci de cette explication. J'interprète votre réticence à spéculer comme signifiant que l'Association du Barreau canadien ne vous a fait part d'aucune réserve concernant cette disposition particulière.

M. Fanaki : C'est juste.

Le sénateur Ringuette : Quel pourcentage de parts de marché faut-il pour qu'une entreprise soit considérée comme non concurrentielle ou monopolistique?

M. Fanaki : La deuxième partie est facile. Un monopole, c'est 100 p. 100 du marché. Nous avons des lignes directrices traitant des parts de marché. Tout dépend des circonstances et les critères ne sont pas gravés dans la pierre. Par exemple, dans les lignes directrices relatives aux fusions, nous tendons à examiner de plus près une transaction lorsque la part de marché combinée des parties dépasse 35 p. 100 du marché concerné. Les poursuites pour abus de dominance intentées jusqu'à présent tendent à concerner des parts de marché supérieures à cela.

Le sénateur Ringuette : Par exemple, est-ce que les sociétés de cartes de crédit seraient assujetties à cette loi?

M. Fanaki : La loi s'appliquerait aux sociétés de cartes de crédit.

Le sénateur Ringuette : S'appliquerait-elle aux institutions bancaires?

M. Fanaki : Oui. Parlez-vous de la loi en général?

Le sénateur Ringuette : De la fixation des prix et des comportements anticoncurrentiels, et cetera. Seraient-elles couverte par cela?

M. Fanaki : Il existe actuellement dans la loi une disposition expresse, l'article 49, régissant les ententes entre institutions financières fédérales. Cette disposition resterait intacte.

Le sénateur Murray : Veuillez m'excuser d'entrer et de sortir pour me rendre à d'autres réunions et faire des appels téléphoniques, mais c'est ce qui se passe lorsque nous avons ces séances marathons.

Le président : C'est lorsqu'on nous pousse à précipiter les choses.

Le sénateur Murray : J'espère que cela n'a pas déjà été abordé. Cela fait longtemps que je n'ai pas eu à me pencher sur ce domaine de la politique publique. Je suis tellement vieux que je me souviens de l'époque où il existait un directeur de la recherche et des enquêtes sous le régime de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions et une Commission des pratiques commerciales restrictives, tous deux relevant du ministre de la Justice. C'était il y a longtemps et je sais que cette législation a connu plusieurs remaniements depuis. Je ne me souviens plus qui est qui dans cet univers aujourd'hui.

Qui administre cette loi? Est-ce vous, monsieur Fanaki ou madame Downie?

Mme Downie : La loi a été modifiée en 1986 et la Commission des pratiques commerciales restrictives abolie. Elle a cédé la place au Bureau de la concurrence, qui administre et contrôle l'application de la Loi sur la concurrence.

Le sénateur Murray : Ce n'est donc pas vous, monsieur Fanaki, dont je vois ici que vous faites partie d'Industrie Canada. Est-ce exact, monsieur Fanaki?

M. Fanaki : Oui, c'est juste. Mon titre est sous-commissaire principal intérimaire de la concurrence, Bureau de la concurrence — Direction générale des fusions. Le Bureau de la concurrence est un organe d'Industrie Canada.

Le sénateur Murray : Le Bureau de la concurrence semble avoir ce qu'un profane qualifierait de pouvoirs quasi judiciaires.

M. Fanaki : Je ne les qualifierais pas de pouvoirs quasi judiciaires en ce sens que le commissaire n'a pas le pouvoir de décréter un redressement, d'émettre des ordonnances ou des directives mettant en jeu les droits fondamentaux des parties. Le commissaire est plutôt un litigant demandant un redressement au Tribunal de la concurrence.

Pour prendre l'exemple d'une fusion, le commissaire du Bureau de la concurrence n'a pas la faculté d'empêcher une fusion. Il ou elle doit plutôt saisir le Tribunal de la concurrence et présenter une demande de redressement au tribunal.

Le sénateur Murray : Est-ce que les sanctions administratives sont imposées par le tribunal?

M. Fanaki : Dans le cas des pratiques commerciales trompeuses, elles sont imposées par le tribunal ou les cours de justice.

Le sénateur Murray : Est-ce que le tribunal va comparaître? Le tribunal, c'est quoi ou qui?

M. Fanaki : Le tribunal est composé d'un groupe de juges de la Cour fédérale ainsi que d'économistes et de profanes. Je ne suis pas sûr de comprendre le sens de votre question. Nous pourrions vous communiquer les noms des membres.

Le sénateur Murray : Sont-ils des juges de Cour fédérale en exercice, d'anciens juges de Cour fédérale ou ayant le statut de juges de la Cour fédérale?

M. Fanaki : Certains des membres sont des juges de la Cour fédérale en exercice.

Le sénateur Murray : En exercice. Par conséquent, ils ne siègent qu'à temps partiel au Tribunal de la concurrence.

M. Fanaki : Oui, il me semble.

Le sénateur Murray : Les articles 410, 429 et 442 entrent en vigueur un an après la date de sanction de cette loi. Quelle en est la raison et cela est-il totalement expliqué par la disposition transitoire de l'article 440?

La disposition transitoire vous donne un an pour demander un avis sur l'applicabilité de certains articles à un accord ou un arrangement, et cetera.

M. Fanaki : Je peux essayer de répondre à votre question. Je comprends ce que vous demandez.

Le projet de loi comprend une disposition transitoire à l'article 444, qui est celui que vous citiez, je crois. Il dispose que les changements proposés à...

Le sénateur Murray : Excusez-moi, l'article 444 porte sur l'entrée en vigueur. Il dit que les articles 410, 429 et 442 entrent en vigueur un an après la date de sanction de la présente loi. Puis-je présumer que tout le reste entre en vigueur à la date de la sanction?

M. Fanaki : C'est juste. La disposition transitoire concerne les modifications à la disposition sur les complots dont nous avons parlé plus tôt.

Elle reporte l'entrée en vigueur de ces dispositions pendant un an. Dans le courant de cette année, le bureau pourra émettre des avis concernant l'application de la disposition modifiée relative aux complots à tout accord particulier, sans que la personne demandant l'avis n'ait à verser de droits. Voilà comment cette disposition est conçue.

Le sénateur Murray : Est-ce pour cette raison que les article 410, 429 et 442 entrent en vigueur un an après la sanction de cette loi, ou bien existe-t-il d'autres raisons pour lesquelles les articles 410, 429 et 442 entrent en vigueur un an après la sanction?

Mme Downie : Comme M. Fanaki l'a indiqué, c'est pour donner aux entreprises une année pour se préparer à l'entrée en vigueur des dispositions, et aussi donner au Bureau de la concurrence le temps de se préparer.

Le sénateur Murray : Je ne veux pas accaparer trop de temps, mais j'aimerais me familiariser avec tout cela. Chaque jour nous apporte quelque chose à apprendre. C'est certainement mon cas.

Qu'est-ce que la Direction générale des politiques-cadres du marché? Que fait-elle? Vous êtes à sa tête, n'est-ce pas?

Mme Downie : Je suis la directrice générale des politiques-cadres du marché et je suis responsable des trois lois fédérales sur la propriété intellectuelle, de la Loi sur Investissement Canada, de l'Accord sur le commerce interne et d'un certain nombre de lois régissant les sociétés. Cela fait environ 15 lois en tout. En outre, j'apporte mon concours au remaniement de la Loi sur la concurrence.

Le sénateur Murray : Bien, dans ce cas nous allons peut-être vous revoir. Les politiques-cadres du marché en question représentent réellement le cadre législatif.

Mme Downie : C'est juste. C'est le cadre législatif fédéral régissant le fonctionnement des marchés, soit l'objet de toutes ces lois dont j'ai donné la liste.

Le sénateur Murray : Depuis combien de temps occupez-vous ce poste, madame Downie?

Mme Downie : Depuis décembre.

Le président : Cela a été très utile, sénateur Murray. Êtes-vous également le commissaire aux brevets et le registraire des marques de commerce?

Mme Downie : Non.

Le sénateur De Bané : Mon collègue, le sénateur Rivard, a fait allusion à ces stations-service de la région des Bois-Ronds poursuivies pour entente illégale, et cetera. J'imagine que le Canada compte maintenant plus d'un million d'entreprises. Si je vous demandais combien d'entreprises canadiennes ont un chiffre d'affaires supérieur à 10 millions de dollars par an, quel chiffre me donneriez-vous?

Mme Downie : Je suis désolée, je ne sais pas. Je n'ai jamais vu ce genre de chiffre.

Le sénateur De Bané : Ils existent. Nous savons qu'il y a plus d'un million d'entreprises car on peut les classer en catégories et voir combien il y en a.

Dites-moi combien d'enquêteurs vous avez à votre disposition pour superviser les activités commerciales dans ce pays.

M. Fanaki : Le Bureau de la concurrence compte actuellement environ 450 employés, qui n'ont pas tous des fonctions d'enquête. Je peux essayer de vous trouver un chiffre plus précis, si cela est important pour vous, sénateur.

Le sénateur De Bané : La chose qui m'a frappé c'est que, si l'on regarde la Loi de l'impôt sur le revenu, elle est fondée essentiellement sur le respect volontaire. Évidemment, l'envers de la médaille est l'existence d'un système tel que, à mes yeux — et à ceux de la majorité des Canadiens — chaque dollar que nous gagnons est automatiquement comptabilisé dans la banque de données du fisc. Chaque contribuable sait combien il doit payer. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des contribuables paient ce qu'ils doivent parce qu'ils ne peuvent pas cacher leur revenu, de toute façon.

Je vais vous parler de quelque chose que j'ai vécu comme ancien fumeur. Le prix de tous les paquets de cigarettes était identique. Évidemment, ce n'est pas un produit réglementé comme le lait, le beurre ou d'autres. Comme fumeur, je me demandais toujours pourquoi toutes les cigarettes étaient exactement au même prix. Est-ce que quelqu'un ne fait pas son boulot?

J'ai un autre exemple contemporain : pourquoi toutes les banques vous facturent-elles 1,50 $ pour utiliser leurs guichets automatiques si vous n'êtes pas leurs clients? Pourquoi n'y a-t-il pas de concurrence et pourquoi le Bureau de la concurrence ne dit-il rien? C'est tellement évident.

Le sénateur Ringuette : Cela a commencé avec les fermetures de succursales.

Le sénateur De Bané : Je me souviens d'un porte-parole d'une institution financière qui a déclaré il y a quelques années : « Je ne comprends pas pourquoi nous facturons ce montant ». Évidemment, c'est un gros centre de profit. Toutes les banques facturent exactement le même montant. Il n'y a pas de concurrence. Quelqu'un doit ne pas faire son boulot.

Madame Downie, vous êtes responsable des politiques-cadres. Qu'en est-il de la publicité trompeuse? Regardez les milliards de dollars que les Canadiens gaspillent en produits d'amaigrissement. C'est une véritable escroquerie. Comme vous le savez, les gens qui mettent leur argent là-dedans sont désespérés; ils veulent faire quelque chose et ils croient à ces miracles qu'ils voient à la télévision : « J'ai perdu 100 livres au cours des deux derniers mois » et cetera. Cela ne préoccupe personne? Vous êtes responsables du marché et vous laissez faire. Cela se passe depuis des années et c'est notoire. Ce n'est pas normal.

J'ai vu récemment un article disant qu'une de ces cliniques allait être poursuivie pour publicité trompeuse. Cette société existait depuis des années.

Quoi qu'il en soit, vous avez 400 personnes pour superviser des millions de transactions. L'autre groupe, en charge de l'inspection des poids et mesures, compte davantage d'effectifs que vous. Tout ce qu'ils font c'est veiller à ce que les consommateurs ne soient pas trompés lorsqu'ils achètent quelque chose sur la base du poids et de la quantité. Il y a beaucoup plus d'inspecteurs sur les routes pour vérifier l'exactitude des balances. Je ne pense pas que vous ayez la main-d'œuvre ou la capacité des autres institutions du gouvernement fédéral, comme le service des poids et mesures ou l'Agence Revenu Canada. Si vous faites un sondage demandant aux Canadiens s'ils se considèrent protégés contre les activités illégales et la fixation des prix, et cetera, s'ils pensent être adéquatement protégés — je parierais que la plupart diraient que non.

J'aimerais poser une question, monsieur le président.

Le président : Vous nous tenez tous en haleine.

Le sénateur De Bané : Nous sommes tous consommateurs. Nous avons devant nous deux personnes importantes responsables du marché et des pratiques anticoncurrentielles.

J'aimerais que vous m'expliquiez ou vous me rappeliez une chose pour commencer : au cours des 10 dernières années, combien de poursuites devant le Bureau de la concurrence avez-vous gagnées?

M. Fanaki : Dans un domaine particulier?

Le sénateur De Bané : On me dit que, si l'on prend les chiffres, très peu de sociétés ont été condamnées pour infraction à la loi au cours des 10 dernières années.

M. Fanaki : J'aimerais dire plusieurs choses en réponse à vos remarques, si je puis. Je vais peut-être les prendre dans l'ordre.

J'apprécie que vous reconnaissiez l'importance d'une application active des règles de concurrence et l'ampleur de la tâche qui nous incombe au Bureau de la concurrence.

Vous avez commencé par souligner l'importance de la conformité volontaire. C'est un point important que je demanderais aux membres du comité de ne pas perdre de vue en écoutant les témoins qui viennent parler de cette législation. Certaines dispositions visent précisément à assurer une dissuasion efficace, à mettre en place les sanctions voulues pour que la loi soit respectée.

Votre question portait plus particulièrement sur les affaires de publicité trompeuse criminelles. Je crois que vous avez qualifié cela d'escroquerie. Je suis d'accord avec vous, sénateur. C'est escroquer les consommateurs et c'est escroquer le marché canadien en général, car il devient alors plus difficile aux entreprises qui font de la publicité honnête de soutenir la concurrence. Cependant, notre loi ne traite pas actuellement ces agissements comme un délit de fraude en vertu du Code criminel.

Les modifications proposées au projet de loi C-10 vont justement accroître considérablement les sanctions frappant cette forme criminelle de publicité trompeuse — une publicité trompeuse en ce sens que les annonceurs savent qu'elle est mensongère — pour les aligner sur le délit de fraude du Code criminel.

L'autre pratique que vous avez évoquée est celle de la fixation des prix, lorsque vous voyez un prix commun. Cela témoigne de la difficulté de notre tâche dans le domaine de la lutte contre les cartels. Il ne suffit pas de prouver que le prix est identique. Nous devons prouver au-delà de tout doute raisonnable, selon la norme de preuve pénale, qu'il y avait une entente entre les concurrents pour fixer les prix à ce niveau.

Selon la loi actuelle, cela ne suffit cependant pas. Il nous faut ensuite prouver que cette entente a eu un effet anticoncurrentiel sensible sur le marché. Les modifications proposées sont conçues pour autoriser un contrôle d'application plus efficace des dispositions relatives aux cartels et à encourager un meilleur respect des règles concernant la publicité trompeuse, afin que nous puissions faire plus avec les ressources limitées à notre disposition pour administrer la loi et poursuivre les contrevenants de manière plus efficace.

Le sénateur De Bané : Avez-vous idée de la taille comparative de l'effectif d'inspecteurs des poids et mesures, comparé à vos 400 employés?

M. Fanaki : Non, désolé.

Mme Downie : Je n'ai pas non plus ce renseignement.

Le sénateur De Bané : Madame Downie, pourriez-vous nous fournir ultérieurement les chiffres sur le nombre d'entreprises au Canada, si possible ventilé par catégories entre zéro et 10 millions de dollars, 10 et 20 millions de dollars, et cetera, afin que nous puissions déterminer si nous sommes en mesure d'assurer un contrôle et une surveillance adéquate?

Le sénateur Di Nino : Vous devriez peut-être préciser si ces chiffres de ventilation représentent le capital de la société, ou le chiffre d'affaires ou autres indicateurs. Il est évident que vous obtiendrez des réponses différentes selon le critère utilisé.

Le sénateur De Bané : Vous en savez beaucoup plus que moi dans ce domaine. Peut-être le sénateur Di Nino pourra-t-il vous indiquer quelques paramètres.

Le sénateur Di Nino : Je pensais que vous demandiez le nombre de sociétés ayant un capital de base de 10 millions de dollars ou plus, par opposition à un chiffre d'affaires de 10 millions de dollars au plus. Il me semblait que c'était ce que vous demandiez — ou bien des profits de 10 millions de dollars ou plus.

Le sénateur De Bané : Je m'en remets à vous. Quel est le critère le plus révélateur, le plus pertinent?

Le sénateur Di Nino : Je ne sais pas exactement quel renseignement vous recherchez. C'est pourquoi je pose la question.

Le président : Il appartient aux témoins de le déterminer.

Le sénateur De Bané : Je ne pense pas que nous leur demandions de surveiller les pratiques commerciales du dépanneur au coin de la rue, mais certaines entreprises pèsent d'un grand poids sur le marché. Je ne sais pas quelle devrait être la ligne de démarcation.

Le sénateur Di Nino : Le capital serait sans doute le critère le plus utile.

Mme Downie : Nous verrons quelles données existent. Je ne sais pas ce qu'il existe, mais je ferais de mon mieux pour me renseigner.

Le président : Sénateurs, cela nous amène à la fin de ma liste. Nous avons vu la partie 12. Mme Downie, qui a passé tout l'après-midi avec nous, m'a indiqué qu'elle sera avec nous aussi pour la partie 13, la Loi sur Investissement Canada. Cela pourrait aller assez vite.

Nous voulions nous pencher sur trois autres parties encore ce soir. Cependant, une fois que nous aurons terminé avec Investissement Canada, je pense que nous pourrions laisser partir Mme Downie et son équipe. Nous tiendrons un petit caucus rapide pour décider ce que nous voulons faire au sujet du restant du travail que nous espérions abattre ce soir.

Madame Downie, si vous pouviez poursuivre avec la Loi sur Investissement Canada, la partie 13? Elle figure à la page 421 du projet de loi C-10. Pourriez-vous nous donner les mêmes explications générales?

Mme Downie : Je vais vous présenter les collègues qui se sont joints à moi. Il s'agit de Richard Saillant, directeur de la politique d'investissement, Groupe de planification des politiques, Direction générale des politiques-cadres du marché, Industrie Canada. Il y a également Eric Dagenais, directeur général, Direction générale de l'examen des investissements et de la planification stratégique, Industrie Canada.

Je vais tâcher d'être brève et de vous indiquer les éléments saillants des modifications proposées dans la partie 13 de la loi d'exécution du budget. Là encore, les changements donnent suite aux recommandations du Groupe d'étude de la politique en matière de concurrence. Ils abaissent les obstacles à l'investissement étranger en focalisant mieux les examens des avantages nets actuellement menés par Eric et son personnel. Ces examens ne porteraient plus que sur les grosses transactions, au moyen d'un relèvement du seuil.

Ils améliorent la transparence et l'administration de la loi en permettant au ministre de l'Industrie de publier les décisions rendues dans le cadre du processus d'examen de l'avantage net et autorisent le gouvernement à effectuer des examens relatifs à la sécurité nationale, c'est-à-dire à déterminer si des transactions ou transactions potentielles sont préjudiciables à la sécurité nationale, ce qui nous aligne sur la plupart des autres pays industrialisés.

Vu les contraintes de temps, je me limite à cet aperçu général et me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Votre survol était si rapide que je n'ai pas de sénateur désireux de poser des questions, hormis le sénateur Di Nino.

Le sénateur Di Nino : Le seuil d'examen dans le cas d'investisseurs OMC augmentera chaque année au même rythme que le produit intérieur brut nominal. Je pense que vous prévoyez une formule de calcul. Quelle est cette formule? Sera-t-elle établie par règlement ou bien en existe-t-il déjà une aujourd'hui?

Mme Downie : Il existe actuellement une formule qui majore le seuil selon le PIB hors inflation.

Le sénateur Di Nino : Existe-t-il une formule déjà ou bien va-t-elle être prescrite par règlement? Cela fait une différence. Si la formule existe, ils peuvent nous dire en quoi elle consiste.

Mme Downie : Il existe une formule, que nous pouvons expliquer brièvement. Pour que les choses soient claires, ces changements proposent également d'accroître le seuil d'examen de l'avantage net graduellement au cours des quatre prochaines années.

Le sénateur Di Nino : C'est une formule différente.

Mme Downie : Oui.

Le sénateur Di Nino : Donnez-nous les deux, afin que nous puissions comprendre.

Eric Dagenais, directeur général, Direction générale de l'examen des investissements et de la planification stratégique, Industrie Canada : La première n'est pas vraiment une formule; c'est plutôt un calendrier de majoration fixe au cours des quatre prochaines années. Ensuite, il y aura une formule.

Il existe actuellement dans la loi une formule que nous utilisons pour majorer chaque année le seuil. C'est le PIB nominal actuel aux prix du marché divisé par le PIB nominal aux prix du marché de l'année précédente. C'est aussi simple que cela; c'est fondé sur le chiffre de PIB de Statistique Canada et nous prenons celui de l'année précédente et celui de l'année courante.

Le sénateur Di Nino : D'aucuns ne sont pas satisfaits du mécanisme de consultation. Avez-vous sollicité l'opinion des milieux d'affaires sur ce changement?

Mme Downie : Je vais vous donner la même réponse que sur les dispositions d'examen des fusions de la Loi sur la concurrence, à savoir que les consultations ont été poussées, qu'elles ont été menées par le Groupe d'étude de la politique en matière de concurrence. Il a sollicité des observations, organisé des tables rondes avec des spécialistes, ainsi que des rencontres individuelles avec des parties prenantes, dont des gens d'affaires. Ces propositions donnent suite aux avis exprimés lors de ces consultations.

Le sénateur Di Nino : Elles émanent du groupe d'étude.

Mme Downie : C'est juste.

Le sénateur Di Nino : Quelle est la pratique générale dans les pays de l'OMC? Le seuil proposé est-il similaire à celui d'autres pays, ou bien nous écartons-nous nettement de la moyenne dans un sens ou dans l'autre?

Richard Saillant, directeur, Groupe de planification des politiques-cadres du marché, Direction de la politique d'investissement international et de la planification, Industrie Canada : C'est une bonne question car le Canada est l'un des rares pays possédant une loi formelle imposant un examen des transactions principalement sur la base de considérations économiques. L'Australie et la Nouvelle-Zélande possèdent également de telles lois. De manière générale, la plupart des autres pays se limitent à des examens sur la base de la sécurité nationale. La Loi sur Investissement Canada actuelle impose l'examen des investissements sur la base de considérations d'ordre économique. Certains des changements proposés autoriseraient le gouvernement à examiner les investissements sur la base de considérations de sécurité nationale, c'est-à-dire à identifier des menaces potentielles.

Le sénateur Callbeck : J'ai plusieurs courtes questions. Dans vos remarques liminaires, vous avez dit que le groupe d'étude a recommandé de majorer le seuil, de publier les décisions et d'autoriser le gouvernement à procéder à un examen du point de vue de la sécurité nationale. Je me demande en quoi chacune de ces mesures améliorerait la conjoncture économique aujourd'hui, voyant qu'elles sont englobées dans ce projet de loi de stimulation économique. Pourriez-vous nous expliquer en quoi chacune de ces trois mesures relancerait l'économie aujourd'hui?

Mme Downie : Le Groupe d'étude sur la politique en matière de concurrence a mené des consultations et parlé à des représentants de gouvernements étrangers et s'est rendu outre-mer. Il a conclu que les seuils actuels dans la Loi sur Investissement Canada donnent la perception aux investisseurs potentiels que le Canada n'est pas ouvert à l'investissement étranger. Il a recommandé de majorer les seuils de façon à signaler l'ouverture du Canada aux investissements étrangers. De toute évidence, le lien avec la conjoncture actuelle et la relance est notre besoin d'investissements étrangers.

Parallèlement, le groupe a recommandé de nous aligner sur d'autres pays disposant d'un outil de sécurité nationale, et c'est une considération importante dans le monde d'après le 11 septembre. Les autres changements que j'ai mentionnés sont d'ordre administratif et visent à accroître la transparence et à communiquer aux investisseurs le fondement des décisions rendues par le ministre.

Le sénateur Callbeck : Cela n'a pas grand-chose à voir avec la relance de l'économie aujourd'hui. On parle de projets prêts à démarrer et de crédits d'infrastructure, et cetera, et tout cela se retrouve dans le même projet de loi. Il paraît étrange que nous majorions les seuils alors que les bourses dans le monde entier s'effondrent. Pourquoi faire cela maintenant? Quelle est l'urgence?

Mme Downie : Nous sommes une économie ouverte et nous dépendons de l'investissement étranger et du commerce avec d'autres pays pour prospérer. Le but est d'envoyer un signal au monde pour rectifier cette perception fausse que le Groupe d'étude sur la politique en matière de concurrence a constatée et assurer notre accès aux capitaux étrangers et ne plus dissuader ces placements.

Le sénateur Callbeck : J'accepte votre réponse, mais je ne comprends toujours pas l'urgence de faire cela maintenant.

Le sénateur Ringuette : Mes questions portent sur le même sujet que celles du sénateur Callbeck. Je mets en doute l'opportunité de ces mesures. D'une part, la valeur boursière des entreprises canadiennes est en chute et, d'autre part, vous proposez d'augmenter, sans examen, des prises de contrôle étrangères jusqu'à hauteur de 1 milliard de dollars. Cela devient un double péril. À l'heure où les sociétés canadiennes sont fragiles sur le marché boursier, le gouvernement porte le seuil d'examen de 212 millions à 1 milliard de dollars — une hausse de 300 p. 100 ou plus. Je ne comprends pas pourquoi vous faites cela maintenant.

Mme Downie : Comme je l'ai déjà expliqué, l'investissement étranger apporte maints avantages, notamment des emplois bien rémunérés.

Le sénateur Ringuette : Je vous ai entendu dire qu'un investissement étranger de 1 milliard de dollars dans une entreprise est une chose, mais qu'un investissement étranger de 1 milliard de dollars dans 200 à 400 entreprises canadiennes est un sujet entièrement différent. Nous parlons ici d'une entité commerciale canadienne faisant l'objet d'un investissement de 1 milliard de dollars. Nous ne parlons pas ici de 500 entreprises. Ce que vous dites et ce que vise ce projet de loi sont deux visions différentes de l'investissement étranger.

À l'heure actuelle, nos sociétés canadiennes cotées en bourse sont à leur plus vulnérable depuis 15 ans et le deviendront encore plus dans l'année qui vient. Or, vous augmentez le risque de prises de contrôle étrangères en passant de 312 millions à 1 milliard de dollars. C'est un périple triple si l'on ajoute la dévaluation du dollar canadien.

Je m'inquiète du résultat final de ces mesures pour les Canadiens. La présence de cette proposition dans ce projet de loi n'est pas un enjeu politique mais une source véritable d'inquiétude. J'ai bien compris vos arguments et ils seraient valables si l'on parlait d'une société X allemande, par exemple, venant investir 1 milliard de dollars dans 500 entreprises canadiennes. Cependant, ce ne sont pas des arguments valables si nous parlons d'une société allemande investissant 1 milliard de dollars dans une seule société canadienne. Cela n'a pas de sens à mes yeux, à l'heure où nous devrions soutenir nos entreprises canadiennes, ce que ne fait pas ce projet de loi. Il ouvre la porte à d'autres pour qu'ils viennent nous exploiter.

Peut-être ne comprenez-vous pas mon point de vue à ce sujet, ou bien le rejetez-vous. J'aimerais avoir vos réactions.

Mme Downie : Merci. Je pense que ces changements reposent sur une prémisse différente, à savoir que l'investissement étranger profite aux Canadiens et que les entreprises canadiennes ont besoin d'accéder à des capitaux canadiens.

Le sénateur Ringuette : À des capitaux canadiens?

Mme Downie : À des capitaux étrangers. C'est un lapsus.

Le gouvernement reconnaît qu'il faut avancer prudemment dans le climat économique actuel. La proposition dans le projet de loi est une majoration graduelle du seuil à 1 milliard de dollars sur une période de cinq ans.

Le sénateur Ringuette : Je nourris néanmoins de graves réserves.

Le président : À titre de précision, à la page 426, le paragraphe 448(3) de ce projet de loi modifie les paragraphes 14(4) et 14(5) de la Loi sur Investissement Canada. De quoi est-ce que l'investisseur OMC est exempté?

M. Saillant : Pour vous éclairer, tous les investissements effectués par les investisseurs OMC sont actuellement assujettis à un examen en vertu de la loi. Suite à l'adoption de l'ALENA au début des années 1990, le seuil pour ces investisseurs est plus élevé. Les changements à l'article 14 représentent en substance le passage à la valeur d'entreprise. Pour les investisseurs OMC, nous allons passer du seuil général d'examen de 312 millions à 1 milliard de dollars, graduellement sur une période de quatre ans, parvenant à ce niveau la cinquième année. Pour les quelques investisseurs hors-OMC, nous maintenons le régime existant. Cela s'applique également aux investissements dans les entreprises culturelles, reconnaissant les particularités du monde culturel. Les prises de contrôle dans ce domaine resteront examinables à partir de 5 millions de dollars.

Le président : L'exemption des entreprises culturelles figure au paragraphe 14(5) de la Loi sur Investissement Canada?

M. Saillant : Oui.

Le président : Je vois cela à la page 426.

M. Saillant : C'est juste. En substance, toute cette disposition établit la majoration du seuil pour les investisseurs OMC. Pour les investisseurs hors-OMC et les entreprises culturelles, le seuil restera au niveau actuel de 5 millions de dollars pour les acquisitions directes.

Le président : Que signifie le projet de paragraphe 14(4) : « ... l'investissement... qui est effectué... par un investisseur OMC... n'est pas sujet à un examen prévu à l'article 14 »?

M. Saillant : C'est pour préciser une obligation assumée en vertu des accords commerciaux lorsque l'OMC a convenu que les transactions indirectes — lorsqu'une société étrangère est acquise qui se trouve avoir sous son contrôle une entreprise canadienne au Canada — ne seront pas examinés si elles sont le fait d'investisseurs OMC. C'est un changement technique qui confirme cette pratique, qui a cours depuis la négociation de ces accords.

Le président : Cependant, c'est une double négation s'il s'agit d'une entreprise culturelle?

M. Saillant : Oui. L'entreprise culturelle fait l'objet d'un régime spécial qui continue de s'appliquer.

Le président : Cette clarification est utile aux sénateurs.

[Français]

Le sénateur Chaput : J'aimerais parler des investissements étrangers dans nos entreprises et plus précisément des seuils. Certains sont relevés, d'autres demeurent inchangés et d'autres encore qui sont abolis. L'intention de faire l'analyse de ces seuils dans le but de les relever ou de les abaisser, je présume que c'est pour protéger notre pays et aussi son économie.

Ma question est la suivante : sur quels facteurs vous basez-vous pour arriver à recommander que des seuils soient relevés, inchangés ou abolis? Quelle logique sous-tend cette façon de faire?

M. Saillant : Je vais essayer de mettre en contexte les différents seuils existants et ce qu'on fait avec. Présentement, en vertu de la loi, quatre secteurs sont identifiés comme ayant des seuils inférieurs au seuil standard, comme on l'appelle, qui est présentement à 312 millions de dollars. Ces secteurs identifiés portent sur les secteurs de la culture, des transports, des services financiers et de la production de l'uranium. Ces seuils sont à cinq millions de dollars pour les acquisitions directes.

Maintenant, on propose une première modification, qui est d'éliminer les seuils inférieurs pour trois de ces secteurs, sauf pour le secteur culturel. La raison derrière tout cela est qu'on est d'accord avec la conclusion du panel qui indique qu'il existe déjà une panoplie d'outils réglementaires spécifiques à chaque industrie pour proprement faire face aux défis rencontrés par chacune de ces industries. Par exemple, dans le cas de l'uranium, il existe déjà un processus très clair qui régit l'ensemble du secteur de l'uranium. On propose d'éliminer l'identification de ces secteurs et on les traite comme les autres.

La deuxième modification a trait au seuil général, donc le seuil pour toutes les transactions qui ne sont pas identifiées par ces investisseurs. On va l'augmenter de 312 millions à un milliard sur une période de quatre ans. C'est un peu cela les changements des différents seuils.

En terminant, en ce qui concerne la Sécurité nationale il n'existera pas de seuil. Toute transaction pourra être examinée en fonction des menaces potentielles identifiées.

Le sénateur Chaput : Dans le cas des banques ou d'une institution financière, vous avez aboli le seuil?

M. Saillant : On n'a pas aboli le seuil, mais on l'a remonté au seuil général. Il faut noter qu'il y a déjà un processus d'examen des fusions bancaires et qu'en vertu de la loi, présentement, toutes les institutions financières couvertes par la Loi sur les banques ne sont pas examinées en fonction de la Loi sur investissement Canada.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous nous donner la définition de «sécurité nationale»? Est-ce strictement une connotation de défense militaire ou bien cela pourrait-il englober la sécurité alimentaire, financière ou la propriété canadienne de notre industrie pétrolière, par exemple?

Mme Downie : Je vais demander à M. Saillant de compléter ma réponse, mais je dirais que les accords de l'OMC s'appliquent à la façon dont les examens relatifs à la sécurité nationale doivent être effectués. Ils doivent être conformes à ces obligations. Ils définissent une série d'enjeux de sécurité nationale. Cela concerne principalement les facteurs militaires et ceux liés à la sécurité que vous avez esquissés.

M. Saillant : Je vais compléter cette réponse en disant qu'un consensus est apparu entre les pays pour dire que les enjeux de sécurité nationale ont évolué depuis le 11 septembre et continuent d'évoluer. Par conséquent, la tendance est d'admettre l'auto-jugement dans ce domaine.

Les pays sont réticents à contester leurs définitions respectives de la sécurité nationale parce qu'ils admettent, tout d'abord, que la sécurité nationale est une préoccupation majeure mais aussi qu'elle est un concept en évolution. Par conséquent, il n'y a pas de définition explicite du terme « sécurité nationale » dans la loi, mais notre intention est clairement de nous conformer à nos obligations commerciales.

Le sénateur Mitchell : Cela dépend donc de nous. Avons-nous une sorte de matrice déterminant ce que nous allons prendre en considération, ou bien est-ce plutôt une sorte de « jugement au gré du temps »?

M. Saillant : Beaucoup de travaux se sont évidemment penchés, dans le passé, sur les divers enjeux qui pourraient surgir. Cependant, la décision de principe a été prise que, vu que la sécurité nationale évolue constamment, nous avons besoin de flexibilité pour identifier les menaces au fur et à mesure qu'elles surgissent.

Très peu de pays se sont donné une définition explicite de la sécurité nationale. Ainsi, les États-Unis donnent des exemples mais, en fin de compte les listes illustratives fournies couvrent un très large pan de l'économie américaine.

Nous avons dû décider si nous allions définir ou non le terme. La décision finale a été de laisser les choses en l'état.

Le sénateur Mitchell : Est-ce que dans ce mécanisme il existe une certaine limite quant à la portion de notre industrie pétrolière qui devrait être en mains canadiennes plutôt que sous propriété étrangère? Si le dernier rachat revenait à placer 100 p. 100 en mains étrangères, une certaine limite interviendrait-elle?

Mme Downie : Demandez-vous si nous prendrions cela en compte?

Le sénateur Mitchell : Est-ce que, dans ce processus, vous prenez en compte la propriété de certaines industries?

Mme Downie : Je ne puis spéculer sur la façon dont cela s'appliquerait à l'industrie pétrolière et gazière. Je ne sais pas si M. Dagenais a quelque chose à ajouter sur le fonctionnement actuel.

M. Dagenais : Pour la détermination de l'avantage net, on ne prend pas en compte le pourcentage d'un secteur déjà en mains étrangères. La loi énonce six facteurs et nous nous en tenons à cela.

Le sénateur Mitchell : Il n'y a pas de problème du point de vue de l'Accord de libre-échange nord-américain. Tout cela a-t-il été pris en considération?

Mme Downie : Oui.

Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné cette formule de l'accroissement du PIB qui détermine le seuil chaque année.

M. Dagenais : Oui.

Le sénateur Mitchell : Et s'il y avait une diminution du PIB? Le seuil baisserait-il?

M. Dagenais : Oui.

Le sénateur Spivak : Je ne suis pas membre de ce comité. J'ai une très courte question. Y a-t-il quelque chose dans cette loi qui pourrait se répercuter sur les restrictions provinciales à l'achat de biens fonciers par des étrangers?

M. Saillant : Je ne vois rien de particulier qui se rapporte à cela. Évidemment, si la société propriétaire du bien foncier est canadienne et si elle dépasse les seuils déclenchant l'examen de l'avantage net, on peut présumer que la transaction serait examinable.

Le but de la loi est d'examiner les transactions consistant en la prise de contrôle de sociétés canadiennes. Voilà la première chose à faire ressortir.

La deuxième est que la sécurité nationale n'est pas définie dans la loi, mais s'il devait se poser un problème à ce niveau, cela pourrait être pris en compte.

Le sénateur Spivak : Supposons, par exemple, qu'un pays comme l'Arabie saoudite, qui ne peut plus cultiver de blé, cherche à acheter des terres dans divers pays, et les prix fonciers canadiens ne sont pas élevés. Je me demande si les restrictions provinciales continueraient de s'appliquer. En outre, je me demande si cela ne poserait pas une question de sécurité alimentaire, car ce pays cherche des terres pour sa propre consommation.

M. Dagenais : Merci de la question. Si j'ai bien suivi, vous demandez si la modification de la Loi sur Investissement Canada exercera une incidence sur la législation existante au niveau provincial. Non, les gouvernements provinciaux qui ont mis en place des restrictions à l'achat de terres ne sont pas touchés par cela. Du point de vue de la Loi sur Investissement Canada, nous examinerions un projet d'investissement. S'il met en jeu des terres, nous recommanderions au ministre de faire une détermination de l'avantage net.

Cela ne change pas ou ne prend pas le pas sur aucune loi provinciale existante.

Le président : Honorables sénateurs, nous devrions remercier Colette Downie, et ses collaborateurs, Richard Saillant et Eric Dagenais, de nous avoir aidés à comprendre des parties importantes de ce projet de loi. Nous sommes ainsi beaucoup mieux renseignés et mieux en mesure de dialoguer avec l'Association du Barreau canadien et d'autres qui nous ont écrit pour nous faire part de leurs préoccupations.

Nous vous remercions infiniment d'être venus. Je suis sûr que vous suivrez nos délibérations avec intérêt. Vous entendrez le moment venu ce que l'autre partie a à dire à ce sujet.

Mme Downie : Certainement. Merci, sénateur.

Le président : Merci beaucoup. Je vais vous laisser partir.

Honorables sénateurs, une dame attend que nous fassions appel à elle. Je sais qu'il se fait tard, mais il me reste deux parties, les parties 13 et 14. Nous avons avec nous Mme Brigita Gravitis-Beck, directrice générale, Politique aérienne, Transports Canada. Elle pourra, je l'espère, nous aider avec les parties 13 et 14. Elles n'occupent que deux pages de ce projet de loi. Ce ne sont pas des parties majeures du projet de loi.

Si vous êtes d'accord, nous allons nous pencher sur ces deux parties et faire ensuite une pause de 15 minutes et décider comment nous allons procéder ensuite. Nous avions l'intention de recevoir M. David Osbaldeston concernant la protection des eaux navigables. Nous allons décider collectivement si nous allons siéger à 19 heures, sachant que l'équipe a attendu toute la journée.

J'invite donc Brigita Gravitis-Beck à nous parler de la partie 14 en premier, et nous expliquer pourquoi elle figure dans le projet de loi C-10 et quel est son rôle dans les mesures de relance.

Brigita Gravitis-Beck, directrice générale, Politique aérienne, Transports Canada : La partie 14 contribue aux objectifs gouvernementaux de compétitivité sectorielle en réduisant les barrières à l'investissement. Plus précisément, pour ce qui est de la politique qui sous-tend la modification législative que vous voyez ici, le gouvernement du Canada propose d'accroître la limite de propriété étrangère d'actions assorties du droit de vote des transporteurs canadiens des 25 p. 100 actuels à 49 p. 100, l'admissibilité à cette majoration devant être déterminée par des négociations sur le transport aérien avec des gouvernements étrangers.

Cela ne modifierait pas la Loi sur les transports au Canada pour ce qui est du contrôle canadien, et c'est donc une considération importante. Voilà l'objectif de la politique.

La législation permettrait au gouvernement de distinguer entre différentes catégories de non-Canadiens aux fins de l'acquisition d'actions assorties du droit de vote de transporteurs canadiens. Si la loi est adoptée, un règlement sera promulgué qui aurait pour effet de maintenir le plafond de propriété actuelle de 25 p. 100 à l'égard de tout le monde comme point de base et d'autoriser le niveau de propriété à atteindre 49 p. 100 dans le cas d'investisseurs de certains pays, suite à des négociations sur le transport aérien.

Le président : Parlons-nous là uniquement de transporteurs aériens?

Mme Gravitis-Beck : C'est exact, de transporteurs aériens canadiens.

Le sénateur Eggleton : Vous dites que cela change les niveaux de propriété, manifestement — ils passent de 25 à 49 p. 100 — mais cela ne change pas les facteurs de contrôle. Ai-je bien entendu?

Mme Gravitis-Beck : C'est juste. Le contrôle canadien est conservé.

Le sénateur Eggleton : Ce qui signifie que la majorité des actionnaires seraient canadiens.

Mme Gravitis-Beck : Cela signifie que le contrôle canadien doit être déterminé par l'Office des transports du Canada dans le cadre de sa procédure d'octroi de permis.

Le sénateur Eggleton : Si le propriétaire à 49 p. 100 est présent au conseil d'administration, quelle incidence cela a-t-il sur votre réglementation distincte relative au contrôle canadien?

Mme Gravitis-Beck : Rien ne changera l'approche actuellement suivie en vue de la détermination du contrôle canadien. Cette dernière est régulièrement assurée par l'Office des transports du Canada puisqu'il doit attester que le transporteur reste canadien, comme l'exige la loi. L'office n'est pas astreint à des critères ou paramètres particuliers à cette fin, et il conserve donc la flexibilité d'autoriser le type d'arrangements créatifs qui peut avoir lieu dans une transaction commerciale. Cependant, il prendra en compte des aspects tels que la participation au conseil d'administration. Aucun changement n'est apporté à ce mécanisme.

Le sénateur Eggleton : Quelles répercussions voyez-vous sur la concurrence, les liaisons aériennes, l'emploi, et cetera? Quel impact voyez-vous?

Mme Gravitis-Beck : L'intention est d'ouvrir les possibilités d'investissement dans les transporteurs canadiens, pour donner à ceux-ci un plus grand choix de source de financement. Cela ne change rien aux politiques sous-jacentes pour ce qui est des destinations desservies par ces transporteurs ou des liaisons qu'ils assurent. Cela continuera d'être déterminé séparément dans le cadre de leur prise de décisions commerciales.

Le sénateur Eggleton : Existe-t-il quelque chose de similaire aux États-Unis? Comment les Américains réglementent-ils la propriété?

Mme Gravitis-Beck : Tous les pays ont des dispositions déterminant la désignation nationale, c'est-à-dire définissant ce qu'est un transporteur national. Les États-Unis limitent actuellement la propriété étrangère autorisée à 25 p. 100. Pour augmenter ce chiffre, il faudrait une décision du Congrès. C'est un élément qui a beaucoup retenu l'attention dans le contexte des négociations menées par les États-Unis avec divers pays.

Le sénateur Eggleton : Ils sont à 25 p. 100; nous allons passer à 49 p. 100. Pourquoi pensent-ils devoir rester à 25 p. 100?

Mme Gravitis-Beck : Il faudrait poser la question aux États-Unis.

Le sénateur Eggleton : J'entends par-là que si quelqu'un détient 49 p. 100 des actions, cette personne exercera le contrôle effectif. Vous dites que le contrôle canadien sera maintenu; je ne suis pas sûr qu'il en soit bien ainsi sur le plan pratique. Je me demande quel avantage il y a pour nous à passer à 49 p. 100. Quel est l'avantage pour les Canadiens sur le plan des emplois ou des liaisons? Cela va-t-il nous ouvrir de nouvelles liaisons? Quel sera l'avantage pour les Canadiens?

Mme Gravitis-Beck : Chaque fois que nous donnons à notre industrie — en l'occurrence, aux transporteurs canadiens — plus de souplesse et d'accès à des sources de financement, nous créons des opportunités pour ces entreprises. En ce qui concerne les 49 p. 100 — désolé, j'ai perdu le fil de ma pensée...

Le président : Je suppose que la question est de savoir quelle est la dispersion des 49 p. 100 et quelle est la dispersion des 51 p. 100. Si les 51 p. 100 sont dispersés entre un très grand nombre d'actionnaires et qu'une seule entité possède les 49 p. 100, alors comme le sénateur Eggleton l'a fait remarquer, cette dernière exerce le contrôle effectif.

Mme Gravitis-Beck : Ces considérations seront prises en compte par l'Office des transports du Canada, comme à l'heure actuelle, aux fins de la détermination du contrôle.

J'allais faire ressortir que même aujourd'hui, où nous avons une limite de 25 p. 100 sur les actions à droit de vote, les transporteurs ont trouvé des moyens créatifs pour continuer d'attirer des investissements, tout en respectant ce plafond de 25 p. 100. Ils utilisent une technique appelée « structure variable d'actions avec droit de vote ». Cela leur impose de gérer de très près chaque fois qu'ils tiennent une assemblée d'actionnaires ou prennent des décisions, de façon à continuer de respecter le contrôle canadien et le plafond de 25 p. 100 d'actions avec droit de vote chaque fois que des décisions sont prises. Nos grands transporteurs savent gérer ce processus mais c'est une contrainte. Nous avons jugé que c'était une approche plus flexible de permettre de passer à 49 p. 100 des intérêts avec droit de vote tout en conservant le contrôle canadien.

C'est à l'Office des transports du Canada qu'il reviendra de s'assurer que le contrôle canadien est maintenu. L'office a fait savoir qu'il est en mesure de continuer à exercer cette tâche avec la diligence voulue.

Le sénateur Eggleton : Quelle sorte de critères utilisera-t-il pour déterminer cela? Je suppose que le contrôle canadien recouvre également les intérêts canadiens, et j'aimerais savoir quels critères vont servir à l'exercice de cette diligence voulue? Si un seul propriétaire détient 49 p. 100, quelle sorte de critères, de considérations, va-t-on appliquer pour assurer le contrôle canadien?

Mme Gravitis-Beck : Encore une fois, l'Office des transports du Canada adopte une approche très flexible; ce n'est pas une approche rigide. Il considère chaque situation individuellement, en fonction des particularités de cette situation ou du contexte.

Le sénateur Eggleton : Il n'applique de critères d'aucune sorte?

Mme Gravitis-Beck : Il tiendra compte de la prédominance d'un investisseur particulier du point de vue du contrôle ou du pouvoir. Il tiendra compte du degré d'influence sur la prise de décision, la participation au conseil d'administration, les conventions et ainsi de suite qui peuvent être intégrées au financement et qui peuvent imposer des obligations à cet investisseur particulier. La détermination quant au contrôle sera fondée sur un large éventail de considérations.

Le sénateur Eggleton : Qu'en est-il du service au Canadiens et des possibilités d'emploi des Canadiens? Est-ce que cela est pris en compte également? Le propriétaire à 49 p. 100 peut être une autre compagnie américaine qui pourra décider d'effectuer la maintenance à Cincinnati.

Mme Gravitis-Beck : Encore une fois, dans la mesure où le contrôle demeure au Canada, ce ne sera pas un problème. La question est de savoir si le contrôle reste en mains canadiennes, quel que soit le niveau de propriété étrangère ou d'intérêt avec droit de vote.

Le sénateur Eggleton : Est-ce que le « contrôle » exige que la majorité des membres du conseil soient Canadiens?

Mme Gravitis-Beck : L'un des éléments que l'Office des transports du Canada prendra en considération est la participation au Conseil et le degré d'influence des divers actionnaires sur le conseil.

Le sénateur Eggleton : Pourrait-il y avoir des membres du conseil indépendants, par opposition à ceux désignés par les actionnaires à 49 p. 100?

Mme Gravitis-Beck : Je pense que l'Office des transports du Canada fait une évaluation rigoureuse de la manière dont l'influence peut être exercée.

Le sénateur Di Nino : Je pense qu'il faut souligner, et j'inviterais notre témoin à le faire, que 49 p. 100 est le plafond; c'est un maximum. Certes, il pourrait être atteint, mais il s'agit bien là d'un maximum plutôt que d'un chiffre absolu. Ai-je raison?

Mme Gravitis-Beck : C'est juste.

Le sénateur Di Nino : La question de la consultation revient sans cesse sur le tapis. Ceci était une recommandation du Groupe d'étude sur la politique en matière de concurrence.

Mme Gravitis-Beck : Effectivement.

Le sénateur Di Nino : Il a manifestement consulté l'industrie et d'autres parties intéressées?

Mme Gravitis-Beck : Je le crois.

Le sénateur Di Nino : C'est ce que j'ai lu, mais je ne me souviens plus; c'était il y a longtemps.

Air Canada faisait-elle partie de ceux consultés?

Mme Gravitis-Beck : Je ne peux l'affirmer.

Le sénateur De Bané : Vous êtes directrice générale de la politique aérienne. Ce que cette industrie a de particulier, si je comprends bien, c'est qu'il lui faut un point de départ et un point d'arrivée, ces points étant de grands centres urbains. Êtes-vous d'accord?

Mme Gravitis-Beck : Les transporteurs desservent de petites localités aussi bien que de grands centres.

Le sénateur De Bané : Le fait est que 80 p. 100 des Canadiens vivent dans 10 villes. À certains moment de l'hiver, je peux acheter un billet d'avion pour aller d'Ottawa, Montréal ou Toronto en Floride, et retour, pour 200 $-250 $. Si je veux me rendre d'un point du Canada dans une petite localité des Maritimes, cela me coûte beaucoup plus cher. Est-ce là une préoccupation pour la directrice générale de la politique aérienne?

Mme Gravitis-Beck : Merci, sénateur. Si vous le permettez, la question ne s'inscrit pas dans le contexte des dispositions du projet de loi dont nous traitons. Dans un marché canadien économiquement déréglementé, les transporteurs canadiens décident quelles liaisons ils veulent desservir et le marché détermine le prix approprié. Les facteurs concurrentiels déterminent le prix approprié à pratiquer sur toute ligne donnée. Le transporteur considère la totalité de ses liaisons et structures tarifaires pour tenter de rester viable et profitable.

Le sénateur De Bané : Comme vous le savez, un grand nombre de produits et services sont réglementés dans ce pays à d'autres fins. On veut protéger le revenu des agriculteurs ou bien l'on veut atteindre d'autres objectifs souhaitables. Par conséquent, on réglemente ces prix, et vous me dites qu'on laisse les tarifs aériens au gré des forces du marché. Je vous rappelle que non seulement 80 p. 100 des Canadiens vivent-ils dans 10 villes, mais aussi que le taux d'urbanisation de notre pays est le plus rapide du monde occidental. Pourquoi? Les gens ne sont pas idiots — ils réalisent où sont les services et où les déplacements aériens sont possibles, et cetera. Voilà le genre de choses auxquelles vous devriez réfléchir.

Si nous voulons que tous les Canadiens se concentrent dans un petit nombre de villes, très bien. Mais alors ne rêvez pas de services économiques pour une grande partie de notre territoire qui, je vous le rappelle, est le deuxième plus grand au monde. Lorsque vous dites que les forces du marché jouent leur rôle, je vous rappelle respectueusement que maints services, produits et denrées voient leurs prix réglementés dans l'intérêt public. J'aimerais que vous, directrice générale de la politique aérienne, soyez sensible à cela. Tout dépend du lieu où l'on habite et de ce que sont nos valeurs. Peut-être suis-je sensible au problème parce que je représente une région éloignée. J'ai toujours été choqué de voir que je pouvais aller en Europe pour moins cher que dans ma circonscription de la Gaspésie.

Le sénateur Mitchell : J'ai été intéressé par votre réponse au sénateur Eggleton concernant les facteurs et considérations pris en compte par ce groupe s'il apparaît qu'il y a perte de contrôle canadien. Par exemple, disons qu'un actionnaire américain possède 49 p. 100, mais que les 51 p. 100 d'actions restantes soient très largement dispersées. Forceriez-vous l'actionnaire américain à vendre des parts? Serait-ce l'un des remèdes possibles? Vous dites quels facteurs sont pris en compte, mais vous ne nous donnez rien de précis.

Mme Gravitis-Beck : Je vais essayer de répondre à votre question, mais je ne suis pas l'Office des transports du Canada et celui-ci ne relève pas de moi.

Le sénateur Mitchell : Avez-vous jamais vu ce qu'il fait?

Mme Gravitis-Beck : Nous collaborons étroitement avec lui, mais ses décisions et délibérations restent internes. Ses évaluations de contrôle canadien font l'objet d'une déclaration sommaire ou d'un document disponible au public. Dans la plupart des cas, ses délibérations se déroulent à huis clos, et je n'en sais rien de plus que n'importe qui d'autre. Encore une fois, l'Office des transports du Canada se penche de manière générale sur tous les paramètres qui peuvent déterminer l'influence et le contrôle lors de son évaluation.

Le sénateur Mitchell : Quelles mesures prend-il s'il conclut, au vu de tous ces paramètres, qu'il y a contrôle étranger disproportionné? Comment va-t-il diluer ce contrôle?

Mme Gravitis-Beck : Je crois savoir qu'il communique son évaluation au transporteur concerné, et celui-ci décide quelles options il veut envisager pour se conformer.

Le sénateur Mitchell : Cela est-il jamais arrivé, à votre connaissance? Vous devez avoir quelque expérience de cela pour venir ici défendre ce projet de loi. J'imagine que si vous êtes prête à porter ce plafond à 49 p. 100, vous devez avoir la certitude que s'il se pose un problème, il y aura des remèdes. J'aimerais en connaître un ou deux. L'actionnaire est-il forcé de vendre et, s'il ne vend pas, quel est le recours?

Mme Gravitis-Beck : Le remède est que l'Office des transports du Canada peut déclarer qu'un transporteur n'est pas sous contrôle canadien et, par voie de conséquence, pas admissible à une licence canadienne qui lui donne le droit d'avoir des opérations au Canada.

Le sénateur Mitchell : Il supprimerait la licence.

Mme Gravitis-Beck : Habituellement, il s'agit plutôt de l'octroi d'une licence. Nombre de nos grands transporteurs commencent à utiliser une structure à droits de vote variables comme moyen d'attirer des investissements supplémentaires tout en respectant le plafond de 25 p. 100 d'actions avec droit de vote. Aussi, l'Office des transports du Canada travaille très activement et de très près avec ces sociétés pour veiller à ce que les 25 p. 100 continuent d'être respectés.

Le président : Madame Gravitis-Beck, pourriez-vous nous parler de la partie 15, la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, où je soupçonne que les changements sont similaires à ce que nous venons de voir, sauf qu'ils concernent spécifiquement Air Canada. Pourriez-vous nous en parler?

Mme Gravitis-Beck : La Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada relève du ministère des Finances. Des dispositions parallèles en matière de propriété et de gestion des actions avec droit de vote sont proposées pour la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Cela signifie qu'Air Canada serait régi par les mêmes règles de propriété et de contrôle que celles applicables à tous les autres transporteurs dans la Loi canadienne sur les transports.

Le président : Je suppose donc que la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, une fois modifiée, aura des dispositions similaires à celles que nous venons de voir et Air Canada serait traité comme les autres transporteurs.

Mme Gravitis-Beck : C'est juste.

Le président : Avez-vous des questions, honorables sénateurs? Cela semble assez simple.

[Français]

Le sénateur Rivard : On se souvient qu'Air Canada a été privatisée sous le gouvernement Mulroney. À cette époque, le gouvernement avait pris la précaution de s'assurer que dans les statuts et règlements de la compagnie on continue d'offrir des services bilingues. Cela est-il affecté de quelque manière que ce soit par ce changement à la loi?

Mme Gravitis-Beck : Il n'y a aucune implication pour les obligations du bilinguisme.

[Traduction]

Les dispositions linguistiques de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada ne sont pas concernées par ce changement.

Le président : Je comprends. C'est utile. Merci à vous, madame Gravitis-Beck, ainsi qu'à votre équipe, d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui pour nous aider dans nos délibérations sur le projet de loi C-10.

Honorables sénateurs, il nous reste encore un point à traiter, qui concerne le rapport. Les honorables sénateurs savent qu'il y a un budget. De ce budget découle le projet de loi d'exécution du budget et aussi un Budget principal des dépenses. Nous ne sommes pas encore saisis du projet de loi relatif au Budget principal des dépenses, mais notre rapport sur le travail que nous avons effectué à ce sujet jusqu'à présent est prêt et a été distribué. Il devrait être déposé au Sénat lors de la dernière semaine de mars.

Honorables sénateurs, vous avez tous reçu le texte. Quelqu'un aimerait-il voir des changements apportés à ce rapport provisoire?

Le sénateur Gerstein : Je sais que nous sommes pressés par le temps. À plusieurs endroits on retrouve l'expression « les sénateurs ». Si l'on pouvait la remplacer par les termes « quelques sénateurs », je pense que cela refléterait mieux ce qui s'est déroulé.

Le président : La plupart du temps, c'est la formule employée.

Le sénateur Gerstein : Habituellement, oui.

Le président : Le sénateur Callbeck avait quelques changements. Elle n'est pas encore de retour. Sénateur Mitchell, avez-vous des commentaires sur le rapport?

Le sénateur Mitchell : Non.

Le président : Je ne vois pas de modification qui s'imposerait, mais nous devrions attendre le sénateur Callbeck. Nous reviendrons peut-être là-dessus vers la fin de la réunion. Je vais mettre cela de côté jusqu'à son retour, car elle a soulevé la question.

Mes excuses, monsieur Osbaldeston. Nous essayons de faire plusieurs choses à la fois.

Le greffier me dit que nous pourrions expédier une autre chose très vite. Ce budget ne nous mènera que jusqu'à la fin de l'exercice, qui intervient dans deux semaines. Il ne comporte aussi que des fonds d'urgence, rien que des crédits de base.

Le sénateur Di Nino propose l'adoption de ce budget. Ceux en faveur? Opposés?

Des voix : D'accord.

Le président : La motion est adoptée.

Nous allons dresser un budget complet pour le prochain exercice en temps voulu. Cependant, puisque nous nous réunissons nuit et jour, nous avons pensé qu'il nous faudrait quelques fonds supplémentaires pour couvrir des frais que nous n'avons pas normalement. Merci.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais demander au président si je puis introduire la motion dont nous avons parlé antérieurement. Il s'agit des documents relatifs à l'analyse sexospécifique du ministère des Finances portant sur le budget 2009. Serait-ce approprié?

Le président : Cela est-il en rapport avec le projet de loi C-10?

Le sénateur Mitchell : Absolument, car une grande partie du projet de loi C-10 aura des répercussions profondes sur les femmes, en particulier les mesures touchant l'équité salariale.

Le président : Cette motion est recevable car nous sommes saisis du projet de loi C-10.

Pourriez-vous lire le texte de votre motion à l'intention des honorables sénateurs?

Le sénateur Mitchell : Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales demande au ministère des Finances l'analyse sexospécifique du Budget 2009 et que la réponse du ministère des Finances soit communiquée à tous les membres du comité.

Le président : Nous n'avons pas besoin d'un comotionnaire en comité.

Le sénateur Eggleton : C'est la même motion que celle à la Chambre des communes.

Le sénateur Gerstein : Le document a-t-il été fourni?

Le sénateur Nancy Ruth : Il est en train de l'être. Il est au bureau du Cabinet en train de se faire mettre en pièces.

Le président : Honorables sénateurs, tous ceux en faveur, dites « oui ». Ceux opposés, dites « non ».

Des voix : D'accord.

Le président : La motion est adoptée.

Nous avons convenu de lever la séance dans environ une demi-heure pour vous permettre de rentrer chez vous et de voir vos familles.

Nous avons la présence de M. David Osbaldeston, directeur du Programme de la protection des eaux navigables, Transports Canada, et Brigit Proulx, conseillère juridique, Services juridiques, Transports Canada. Vous avez fait preuve d'une grande patience pendant tout l'après-midi et une grande partie de la soirée.

Cette partie de notre examen va porter sur la partie 7 du projet de loi C-10, relative à la Loi sur la protection des eaux navigables. Vous avez vu la procédure que nous suivons. Nous vous demandons de nous donner un aperçu général, en mentionnant le cas échéant les articles du projet de loi lui-même. Nous avons tous le projet de loi sous les yeux et cela nous aide à comprendre de quoi il retourne.

Je peux vous dire d'emblée que c'est là sans doute la partie du projet de loi sur laquelle les honorables sénateurs ont reçu le plus grand nombre de courriels de protestation. Nous comptons inviter à comparaître les groupes et particuliers qui nous l'ont demandé. Cependant, il nous faut comprendre d'abord la position du gouvernement, et c'est pourquoi vous êtes là.

M. Osbaldeston : Merci de votre invitation. J'espère faire un bref tour d'horizon de la Loi sur la protection des eaux navigables telle qu'elle est aujourd'hui, ainsi que de son historique, avant d'aborder les modifications. Nous espérons vous donner un aperçu, selon la perspective du profane, des avantages pour les Canadiens dans leur ensemble des changements que le gouvernement espère apporter.

La Loi sur la protection des eaux navigables remonte à 1882 et c'est effectivement l'une des lois les plus anciennes du Canada. Elle concilie le droit de naviguer de la common law avec la nécessité de construire des ouvrages dans les eaux navigables. Malheureusement, elle n'a pas été remaniée depuis 1886. Elle n'a tout simplement pas suivi l'évolution des besoins.

La loi telle qu'elle se présente aujourd'hui est devenue une entrave au développement économique et au développement de l'infrastructure de transport canadienne. Cela a amené les pouvoirs publics, le secteur privé et le grand public à réclamer un remaniement de la loi afin qu'elle reflète les besoins économiques actuels et le volume croissant et la diversité des usages faits des voies navigables du Canada.

La loi a été conçue à une époque où les eaux navigables étaient utilisées pour le transport, le commerce et la pêche. De fait, nos voies navigables étaient les autoroutes de l'époque, en 1882. Nul ne songeait à grimper dans un canoë ou un kayak pour le plaisir. Ces embarcations servaient au travail.

Les interprétations judiciaires au fil de 100 années et quelque ont élargi la portée de la loi afin d'y englober tous les usages des voies navigables, y compris des cours d'eau où l'on peut à peine circuler en canoë et kayak. Durant tout ce temps, rien n'a été retranché de cette loi, les tribunaux n'ont fait que l'étoffer.

Je vais passer en revue les changements, en particulier ceux proposés dans ce projet de loi. Nous aimerions ajouter une disposition spécifiant que la Loi sur la protection des eaux navigables est contraignante pour Sa Majesté du chef du Canada, les provinces et les territoires.

Avant 1992, la Couronne ne se considérait pas comme assujettie à la LPEN pour les ouvrages construits par elle. Un arrêt de la Cour suprême a tranché en 1992 que cette interprétation était erronée et que les ouvrages construits pour la Couronne au cours des 100 dernières années étaient assujettis à la loi. Cette dernière est ainsi devenue rétroactivement contraignante.

Cette nouvelle disposition va clarifier la loi en spécifiant expressément qu'elle lie Sa Majesté.

Les modifications proposées consistent en la création de nouveaux règlements et de nouveaux pouvoirs réglementaires. La loi actuelle est de nature prescriptive. En 1882, les lois vous disaient non seulement quoi faire mais aussi comment le faire. De fait, dans cette loi-ci, par exemple, on dit non seulement à un promoteur, lorsqu'il va y avoir une gêne sensible à la navigation, qu'il doit annoncer les travaux proposés dans les journaux locaux, mais aussi dans combien de journaux locaux il doit passer ces annonces. Nous lui disons également où il doit déposer les plans. Du fait que notre loi n'a pas été remaniée depuis de nombreuses années, elle dit au promoteur qu'il doit déposer ses plans au bureau d'enregistrement des terres domaniales. Or, dans certaines provinces et certains territoires, de tels bureaux n'existent plus.

Des pouvoirs de réglementation sont nécessaires dans la Loi sur la protection des eaux navigables afin de donner au ministre une plus grande flexibilité et lui permettre d'administrer la loi de manière plus efficiente et efficace de façon à satisfaire les besoins des Canadiens et mieux refléter les méthodes de gouvernance modernes. Ces règlements comprendraient la délivrance, la modification, le renouvellement, la suspension et l'annulation d'agréments; les exigences de notification d'un changement de propriété d'un ouvrage; l'établissement de catégories d'ouvrages et d'eaux; la construction, l'entretien, l'exploitation, la sécurité, l'utilisation et le démantèlement d'ouvrages; les consultations à mener sur leur application.

Alors que les changements proposés donneraient pouvoir au ministre de promulguer des règlements concernant l'exclusion de catégories définies d'eaux et l'exclusion de catégories définies d'ouvrages de l'application des procédures d'agrément de la partie 1 de notre loi, ces règlements ne peuvent être promulgués assez vite pour répondre à la crise économique actuelle. Or, une action rapide est nécessaire pour accélérer la conception et la réalisation de projets d'infrastructure essentiels immédiatement après la sanction de la loi d'exécution du budget.

À cette fin, nous proposons d'instaurer des ordonnances. Ces ordonnances couvriraient ces catégories spécifiées d'eaux et d'ouvrages.

Il circule beaucoup d'informations erronées. Celles-ci sont le sujet d'un grand nombre des courriels que nous recevons tous. Je vais donc essayer de clarifier un peu ce que cela recouvre.

Selon le concept proposé par le gouvernement, les eaux dans une catégorie spécifiée d'eaux sont des eaux sur lesquelles un ouvrage peut être construit sans approbation préalable des conditions d'agrément. D'aucuns prétendent que ces ouvrages n'auraient plus besoin de l'agrément du gouvernement. C'est faux. Ces ouvrages continueraient d'être réglementés par nous, mais les critères d'agrément seraient prédéterminés. Ils ne seraient pas exonérés de notre loi, ils resteraient assujettis à notre loi. Simplement, ils n'auraient plus à demander l'agrément préalable à condition d'être construits de la manière prescrite dans l'ordonnance.

Les ordonnances définiront clairement des catégories d'eaux et, en substance, indiqueront quelles eaux ne sont pas raisonnablement navigables par le public. De quel type d'eaux s'agit-il? Les eaux mineures sont des eaux trop étroites, ce qui signifie que si vous essayez d'y circuler en canoë, votre pagaie heurterait la rive. Des eaux trop peu profondes sont des eaux où vous tomberiez de votre canoë si vous cherchiez à y passer. Des eaux à trop forte pente sont des eaux trop escarpées et trop obstruées d'obstacles naturels — vous passeriez plus de temps dans l'eau que dans votre canoë ou kayak. Des eaux trop sinueuses sont des eaux trop sinueuses — vous avanceriez davantage latéralement que vers l'avant.

Tout cela porte sur des parties spécifiques d'un cours d'eau. Ce sont des parties de rivière. D'aucuns prétendent que nous éliminerions de la couverture de la loi des rivières actuellement pratiquées par des canoéistes ou des kayakistes. Ce n'est pas le cas. Nous désignerions certaines parties du cours d'eau présentant ces caractéristiques particulières, c'est-à-dire qu'il ne serait pas raisonnable d'utiliser cette partie du cours d'eau pour la navigation.

Sont couverts également par cette rubrique les terres inondées saisonnières, les canaux et fossés d'irrigation artificiels et les petits lacs privés entièrement inscrits dans un terrain privé à propriétaire unique sans accès public par air, terre ou eau.

Quelles seraient les catégories d'ouvrages spécifiés? Ce sont des ouvrages qui peuvent être construits dans des eaux autrement navigables sans demande préalable d'exigence d'approbation. Nous avons actuellement en place une politique sur les ouvrages mineurs qui établit une catégorie initiale d'ouvrages, appelée « ouvrages mineurs » telle que, du moment que nous pouvons dire au promoteur par avance comment le construire, nous avons l'assurance que si l'ouvrage est bien construit de la manière prescrite, sur le type de plan d'eau décrit dans un arrêté donné, il n'y aura pas de gêne pour la navigation.

De quelles sortes de choses parlons-nous ici? Les ouvrages couverts seraient un ponton à votre chalet, qui ne pourrait être plus long que celui de votre voisin; un pipeline foré horizontalement ne touchant jamais l'eau — c'est-à-dire qui passe littéralement sous le lit du cours d'eau sans jamais en toucher la surface, ou un câble aérien à une hauteur de 100 pieds traversant un ruisseau navigable par canoë ou kayak en Colombie-Britannique.

Ces sortes d'ouvrages et d'eaux mineures, ces catégories d'eaux que nous proposons, ne seraient pas exclus de l'application de notre loi. Au contraire, ils seront examinés et agréés. Simplement, les choses seront faites différemment, au moyen d'une procédure de préapprobation fondée sur des critères que nous, experts de la navigation, aurons établie et publiée.

Le gouvernement propose de modifier la définition d'» ouvrage » afin de la rendre plus claire pour les requérants et donner une plus grande flexibilité administrative au ministre. Un exemple clé dans ce scénario est celui des « ouvrages temporaires ». À l'heure actuelle, sur un chantier de construction donné, s'il faut installer un pont temporaire pour une période aussi courte que 48 heures pour faire passer du matériel d'une rive à l'autre, du fait que c'est un pont l'ouvrage doit faire l'objet d'une évaluation d'impact sur la navigation complète par nos agents. En outre, vu que l'ouvrage sera qualifié de pont, il devra faire l'objet d'une évaluation environnementale complète aux termes de notre loi actuelle. Il n'y a aucune disposition spéciale pour des ouvrages temporaires.

Les modifications proposées recommandent également la suppression de la mention des quatre ouvrages spécifiques « nommés » dans la LPEN, à savoir les ponts, les estacades, les barrages et les chaussées. Votre correspondance reprend des renseignements circulant sur l'Internet prétendant que nous proposons d'exonérer les ponts, les estacades, les barrages et les chaussées de l'application de notre loi.

Tel n'est pas le cas. Nous proposons plutôt que tous les ouvrages visés par notre loi, y compris les ponts, les estacades, les barrages et les chaussées, seront examinés et évalués en fonction du degré d'impact potentiel pour la navigation.

Peut-être n'est-il pas utile de soumettre au même examen la passerelle qui enjambe un ruisseau de terrain de golf sans toucher à l'eau vive qui circule en dessous et le pont de la Confédération reliant l'Île-du-Prince-Édouard au continent. À l'heure actuelle, il n'y a pas de différence.

Les modifications proposent de renforcer les pouvoirs d'inspection et accroissent les amendes maximales, de façon à créer une disposition d'infraction continue dans notre loi. À l'heure actuelle, vous ne trouverez nulle part dans notre loi le mot « inspection »; la loi actuellement ne prévoit pas d'inspections. L'amende la plus lourde possible est de 5 000 $. Très souvent, les entreprises que nous confrontons, qui réalisent des travaux sans agrément préalable, nous demandent simplement à l'ordre de qui libeller le chèque et considèrent l'amende comme un simple coût d'exploitation.

Des pouvoirs d'inspection et amendes réellement dissuasifs sont essentiels si l'on veut que les sites et ouvrages puissent être examinés et approuvés en temps opportun, assurer le respect des exigences sécuritaires une fois construits, et imposer des sanctions mesurables et dissuasives en cas d'infraction. L'amende que nous proposons est de 50 000 $ par jour et par infraction continue.

Les modifications proposent l'agrément rétroactif des ouvrages de la Couronne. Comme on l'a vu, un arrêt de la Cour suprême de 1992 a invalidé l'interprétation voulant que la LPEN ne s'applique pas aux ouvrages de la Couronne. Par conséquent, il en existe un grand nombre qui n'ont jamais été approuvés au titre de la LPEN.

Nous avons pris coutume, lorsque de tels ouvrages doivent être réparés ou modifiés, de demander l'agrément de l'ouvrage existant avant l'examen de la demande de modification ou de réparation. Pour remédier à cette situation, les amendements que nous proposons feraient bénéficier ces ouvrages de la Couronne de l'antériorité des droits — ouvrages dont beaucoup existent depuis de nombreuses décennies — qu'ils appartiennent actuellement à la Couronne, aient originalement été construits par la Couronne ou ne soient plus la propriété de la Couronne, à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Toute réparation, modification ou reconstruction ultérieure de ces ouvrages sera ainsi accélérée sans diminution des responsabilités de supervision du gouvernement.

En outre, il existe dans le projet de loi une disposition permettant d'ordonner la modification d'un ouvrage rétroactivement agréé même en l'absence d'une demande de modification ou de réparation d'aucune sorte. Si nous, après examen, déterminons qu'il y a un problème sécuritaire, nous pouvons ordonner la modification de ces ouvrages.

Les modifications proposent l'approbation complète de l'article 13 de notre loi, soit l'approbation des ponts sur le fleuve Saint-Laurent. La LPEN exige actuellement que tous les ponts construits au-dessus du fleuve Saint-Laurent, à l'exception des ponts internationaux, reçoivent l'approbation officielle du Parlement. Les ponts internationaux sont couverts par la Loi sur les ponts et tunnels internationaux.

Les ponts ailleurs que sur le Saint-Laurent sont actuellement couverts par la LPEN. Malheureusement, avec le passage du temps et vu que notre loi n'a pas été remaniée pour refléter la législation plus récente telle que la Loi sur les ponts et tunnels internationaux, il se pose un problème. Pour reconstruire, remplacer ou même construire un pont nouveau ne franchissant pas des eaux internationales — par exemple, un pont pour relier l'île de Montréal, qui ne franchit que les eaux canadiennes du Saint-Laurent — il faudrait une loi expresse du Parlement.

À l'heure actuelle, il existe à Cornwall un projet de réfection d'un pont reliant la réserve Akwesasne et continuant jusqu'à la rive américaine. La première section du pont, qui relie Cornwall à l'île, surplombe des eaux exclusivement canadiennes et doit être remplacée d'urgence. À l'heure actuelle, pour refaire cette section du pont, il faudrait une loi expresse du Parlement.

Nos propositions comprennent également une clause d'examen après cinq ans de la nouvelle loi. Cela nous permettrait de cerner dans un rapport au Parlement les avantages et les inconvénients des modifications proposées ici, et de formuler des recommandations en vue de les adapter. En bref, voici donc les modifications que le gouvernement propose dans ce projet de loi.

En résumé, j'aimerais dire qu'une loi modifiée centrerait la surveillance législative sur les eaux qui ont vraiment une valeur pour la navigation et les ouvrages qui gênent sensiblement la navigation. Les changements instaureront une procédure plus rapide et plus prévisible d'examen et d'approbation des projets de construction et de rénovation d'éléments d'infrastructure essentiels dans le cadre du Plan Chantiers Canada récemment annoncé et de l'effort de développement infrastructurel. Ils atténueront la pression toujours croissante exercée sur les ressources dont nous avons besoin pour analyser des projets d'exploitation des ressources naturelles complexes, faire face aux exigences croissantes en matière d'évaluation environnementale et mener les consultations requises, le tout de manière rapide et efficiente.

Le président : Monsieur Osbaldeston, merci de ce survol. Ce n'est qu'à la toute fin que vous avez relié ces propositions à l'exécution du budget et aux mesures de stimulation. Cette loi n'a pas été remaniée depuis 1886. Existe-t-il une raison majeure qui fait que ces changements devaient être intégrés aujourd'hui dans une loi d'exécution du budget?

M. Osbaldeston : Je ne peux que parler du processus de révision lui-même. Je sais que quatre équipes de projet distinctes ont tenté de faire modifier cette loi au cours des 20 dernières années. Chaque équipe de projet a vu ses efforts entravés par les circonstances, qu'il s'agisse de campagnes électorales ou d'autres priorités gouvernementales.

Nous avons lancé le processus publiquement en soumettant des modifications au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes. Dans le courant de l'examen du comité et de la préparation de notre réponse, des élections ont été déclenchées. Lorsque le nouveau gouvernement a pris les rênes, nous avions de nouveaux problèmes sur les bras.

Il se trouve simplement que les recommandations que nous formulions, dont un grand nombre sont reprises ici, représenteraient une réponse positive à la crise économique et au programme infrastructurel actuellement en cours.

Le président : Merci de ce survol. Plusieurs sénateurs m'ont fait savoir qu'ils aimeraient des compléments d'explications sur certains points. Il serait bon que vous indiquiez les numéros d'articles de la loi, que nous avons tous sous les yeux. Au lieu d'avoir simplement une explication générale, il serait utile pour nous de nous reporter au texte. Mme Proulx pourrait nous aider à cet égard, comme conseillère juridique.

M. Osbaldeston : Elle m'aidera.

Le sénateur Callbeck : Ces modifications retranchent les « eaux mineures » de la loi. Le gouvernement affirme que cela fera beaucoup pour stimuler les projets infrastructurels, mais j'ai du mal à le concevoir.

Si l'on prend les derniers chiffres du ministère des Transports, il dit recevoir environ 2 500 demandes par an. D'après les derniers chiffres en date du 31 mars, dans 361 cas une évaluation environnementale a été déclenchée, soit environ 14 p. 100 sur les 2 500. Étant donné que 355 sont allés directement à l'évaluation préalable, la décision aura été rendue très rapidement, et vous n'en aviez que six qui ont fait l'objet d'un examen complet.

Ces six-là, crois-je savoir, représentent des projets de très grande envergure qui n'ont rien à voir avec ces eaux mineures. Dans ces conditions, pourquoi retrancher les eaux mineures de votre loi?

M. Osbaldeston : Premièrement, je veux souligner que nous ne retranchons pas les voies navigables mineures de cette législation. Toutes les eaux navigables du Canada sont couvertes par cette législation. Nous proposons un format différent pour le mécanisme formel de demande et d'examen.

Nous disons qu'il devrait être possible de définir clairement les types de voies navigables se prêtant raisonnablement à la navigation. Même si vous pouvez faire flotter un canoë ou un kayak dans un cours d'eau, si vous y naviguiez vous racleriez le fond avec votre kayak ou canoë ou érafleriez vos pagaies.

Un tel cours d'eau ne se prête pas raisonnablement à la navigation. Nous devrions pouvoir définir cela et dire simplement que si votre ouvrage concerne un tel plan d'eau, il n'est pas nécessaire de nous demander l'approbation préalable.

Si nous découvrons que, pour quelque raison, le plan d'eau sur lequel vous avez construit n'est pas de ce type, vous êtes mis à la porte de la classe et le mécanisme complet de demande et d'approbation prévu par la loi est déclenché. Nous n'excluons pas ces ouvrages de l'application de la loi.

Le sénateur Callbeck : Je ne vois pas de problème à l'heure actuelle, si l'on considère les chiffres.

M. Osbaldeston : Notre problème en ce moment, sénateur Callbeck, c'est que nous avons un si grand nombre de ces ouvrages mineurs dont le sort est prédéterminé, pourvu qu'ils soient construits d'une certaine manière ou positionnés d'une certaine façon dans l'eau. Pourvu qu'ils répondent à tous ces critères, nous allons vous donner l'agrément. Toutes ces petites demandes nous sont soumises et reçoivent toutes la même réponse. L'idée est de leur dire par avance ce qu'ils doivent faire pour éviter les procédures administratives ultérieures. Ainsi, les promoteurs économisent du temps et construisent de la manière requise. Nous y gagnons également, car en l'absence de toutes ces paperasses concernant les petites choses, nous pouvons utiliser nos ressources pour nous pencher sur les plus gros projets ayant davantage de conséquences sur la navigation et l'environnement.

Le sénateur Callbeck : Est-ce que ces projets feront l'objet d'un examen au titre d'une autre loi, par exemple par le ministère des Pêches et Océans?

M. Osbaldeston : De par la nature de notre domaine, soit la construction de choses sur, par-dessus, sous ou au travers de l'eau, la réponse est oui. Dans 99,9 p. 100 des cas, Pêches et Océans examine le projet, de concert avec les autorités provinciales qui ont également un mécanisme d'agrément.

Le sénateur Callbeck : Vous placerez les eaux mineures dans un mécanisme différent, qui va raccourcir les délais, mais ces projets devront néanmoins subir une évaluation par d'autres ministères. Ou bien est-ce que cela va changer aussi?

M. Osbaldeston : Je ne puis parler au nom des autres ministères, sénateur, mais la rationalisation, du point de vue de l'accélération des projets d'infrastructure, supprime une strate redondante d'examen et d'évaluation dans nos bureaux et au sein du gouvernement en général.

Le sénateur Callbeck : Lorsque je regarde ces chiffres, je ne vois pas en quoi les eaux mineures posent un problème.

M. Osbaldeston : Si vous le permettez, sénateur, nous ne voyons pas beaucoup de demandes pour ces ouvrages mineurs dans des eaux mineures. Les gens ne prennent pas la peine de nous les soumettre. La loi actuelle encourage la non-observation. Par exemple, si un type veut reconstruire un ponton de chalet qui est là depuis 40 ou 60 ans, normalement notre autorisation serait nécessaire. Avec l'avènement de l'Internet, la législation est bien connue et les avocats qui s'occupent des ventes de propriétés demandent si tous les documents d'autorisation existent, et la réponse est non. Il existe une quantité innombrable de ces propriétés qui ne présentent absolument aucun problème du point de vue de la navigation. À ce titre, nous pensons pouvoir les couvrir par ces règles sur les ouvrages mineurs.

Le sénateur Callbeck : Dans quelle mesure le public a-t-il été consulté sur les mesures proposées? C'est l'une des principales doléances qui revient sans cesse. Le Canadian Rivers Network a exprimé cette doléance et j'ai reçu probablement 2 000 courriels sur ce thème commun. Je veux savoir quelle a été la concertation avec le public.

M. Osbaldeston : Notre processus a consisté à formuler nos recommandations sur la base d'un examen interne de notre politique, sur la base de nos dossiers écrits et de l'expérience de notre bureau de gestion régional. Ensuite, nos propositions ont été soumises au Comité permanent des transports et à d'autres examens gouvernementaux. En ce qui concerne la consultation du public, nous n'en avons pas mené d'autre que celle consistant à rassembler dans nos fichiers les commentaires transmis par le public au fil de 20 à 40 années.

Le sénateur Callbeck : Pourquoi ne pas soumettre cela au public pour écouter ses réactions?

M. Osbaldeston : Je n'ai pas de réponse, sénateur. Malheureusement, cela a été une décision stratégique.

Le sénateur Mitchell : Je partage l'étonnement du sénateur Callbeck. Il semble que très souvent le gouvernement nous dit une chose, et vérification faite, la réalité s'avère différente. On ne cesse de nous dire que la justification de cette initiative, et de sa présence dans une loi budgétaire, est l'existence d'une grande duplication dans le processus d'évaluation environnementale. Les provinces et le gouvernement fédéral rendent très difficile l'approbation d'un méga projet, les choses traînent et rien ne se fait jamais, nous dit-on. On dit que si seulement nous pouvions surmonter ce problème, cela relancerait l'économie.

Il semble que vous ne parliez de rien de cela. Au lieu de cela, vous nous parlez de choses mineures comme de ruisseaux que l'on ne peut descendre en canoë et de câbles à 100 pieds au-dessus de notre tête. Nous ne parlons pas là d'un processus qui va changer les délais des méga projets. Pourriez-vous étoffer un peu cela pour moi et dire si cela va réduire la duplication. Si oui, quelle est la conséquence de cette duplication aujourd'hui? Combien de projets sont retardés et pendant combien de temps?

M. Osbaldeston : Je vais vous donner un exemple de méga projets et de la façon dont les petites choses peuvent causer des problèmes. Une route d'une vingtaine de kilomètres peut comporter deux grands ponts et une dizaine de petits ponceaux. Chacun de ces ponceaux est classé comme un pont en vertu de la loi actuelle, car il sert à transporter quelque chose par-dessus et, du moment que l'eau en dessous est navigable, il faut un examen. Nombre de ces ponceaux sont associés à des fossés de drainage, qui ne verront jamais passer un canoë ou un kayak ou un bateau à moteur. Chacun de ces franchissements requiert un examen et une évaluation environnementale. D'accord, évaluons les deux grands ponts, mais avons-nous besoin, du point de vue de la navigation, d'évaluer les ponceaux, même si un canoë ou un kayak pourrait éventuellement y flotter?

Vous avez mentionné les câbles aériens. De nombreux barrages hydroélectriques sont en projet dans diverses provinces. Ils alimenteront un grand nombre de lignes de transmission électrique et chaque fois qu'une de ces lignes franchit des eaux navigables — canoë, kayak ou eau majeure — chaque franchissement par chaque ligne requiert actuellement notre examen. Si nous pouvons stipuler que sur tel type de cours d'eau où circule tel type d'embarcation, il faut une hauteur minimale de tant, alors je ne vois pas pourquoi nous ne le ferions pas. Ce serait plus efficient et plus efficace. Les promoteurs pourraient alors concevoir leurs projets en fonction des normes de sécurité connues, similaires au code de la construction pour vos maisons.

Le sénateur Mitchell : N'est-il pas vrai que les évaluations environnementales requises en vertu de cette loi ne se penchent pas seulement sur les obstacles à la navigation, mais aussi sur les répercussions sur l'habitat, la faune et la destruction éventuelle d'un habitat?

On peut penser aussi qu'il y a une relation entre un plan d'eau et la nappe phréatique. Il s'agit donc de savoir non seulement si le plan d'eau reste navigable, mais aussi s'il va être pollué. Qui effectue ces vérifications, si vous ne le faites pas?

M. Osbaldeston : Les dispositions qui déclenchent une évaluation environnementale dans notre loi actuelle sont celles portant sur une entrave sérieuse à la navigation. C'est cela qui déclenche l'évaluation environnementale de Transports Canada.

La même chose reste vraie dans la nouvelle loi. Le paragraphe 5(1) de la loi actuelle fait état d'une gêne sérieuse. Le paragraphe 5(2) de la nouvelle loi fait exactement la même chose.

Tout ouvrage qui représente une gêne sérieuse à la navigation, que ce soit selon l'ancienne loi ou la nouvelle, si ces modifications sont adoptées, va non seulement faire l'objet d'un examen à ce titre mais va aussi déclencher une évaluation environnementale qui va porter sur des aspects autres que la navigation.

Le sénateur Mitchell : S'il n'y a pas de problème de navigation, vous n'examinez pas les répercussions environnementales. Si vous ne le faites pas, qui le fait?

M. Osbaldeston : Les provinces le font au titre de leur mécanisme d'approbation propre. Pêches et Océans Canada le fait à l'égard du poisson et de l'habitat. L'évaluation environnementale d'autres organismes de réglementation peut être déclenchée aussi.

Le sénateur Mitchell : Les retards dont on nous dit qu'ils précipitent cette initiative sont si importants qu'ils retardent des projets majeurs alors que la cause est simplement un petit ponceau ici ou là. Est-ce vrai, même si ces ouvrages vont être examinés par une province?

M. Osbaldeston : Je vous renvoie aux déclarations faites par virtuellement toutes les provinces et tous les territoires lorsqu'ils ont comparu au Comité permanent des transports, ainsi qu'à celle de la Fédération canadienne des municipalités. Leur réponse serait un oui retentissant.

Le président : Monsieur Osbaldeston, nous apprécions que vous soyez venu nous aider à comprendre la nature de ces changements.

[Français]

Madame Proulx, je vous remercie pour votre présence à notre Comité sénatorial des finances nationales.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je vais lever la séance prochainement. La journée a été longue. Nous siégeons depuis pas mal d'heures. Nous avons encore beaucoup de travail à faire, mais je suis sûr que nous sommes tous de taille à l'abattre. Merci de votre compréhension, pour ce qui est de l'impératif, dans l'intérêt public, d'adopter au moins la partie de ce projet de loi comportant la stimulation économique. Nous devons adopter cela.

Honorables sénateurs, je vous demanderais une motion d'adoption du rapport sur les crédits provisoires rédigé sur la base des deux réunions que nous avons tenues sur le Budget principal des dépenses. Nous sommes saisis du Budget principal des dépenses pour tout l'exercice 2009-201. J'ai une demande d'ajouter une note à l'effet que l'APECA, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, le Centre national des Arts et le Programme d'aide à la remise en état des logements ont également été évoqués. Nous allons revenir sur ces aspects. Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Il y a aussi une demande de préciser « quelques honorables sénateurs », là où il pourrait sembler que tous les sénateurs étaient exactement du même avis, ce qui est rarement le cas. Nous allons apporter ces petits changements.

Pourrais-je avoir d'abord la motion? Une motion pour permettre au comité directeur d'apporter ces rectificatifs mineurs et de déposer le rapport au Sénat lorsque qu'il sera prêt?

Le sénateur Neufeld propose, merci.

Le sénateur Callbeck : Au sujet du PAREL, il faudrait préciser « PAREL et réparations d'urgence ». Les deux choses ont été mentionnées.

Le président : D'accord. Est-ce noté? Tout le monde se souvient de la discussion.

Le sénateur Callbeck : J'ai une copie du procès-verbal.

Le président : J'ai vu le procès-verbal également. Cela a été mentionné, mais non noté. Nous avons l'intention de le faire de toute façon. Maintenant nous noterons dans le rapport que nous allons le faire.

Y a-t-il quelque chose d'autre concernant la motion? Tous ceux en faveur, dites « oui »? Opposés?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci. Votre comité directeur va apporter ces changements en conjonction avec la Bibliothèque du Parlement. Le rapport sera déposé et formera le fondement des crédits provisoires, que nous verrons dans une semaine environ.

Je vais demander au greffier de prendre contact avec M. Osbaldeston et Mme Proulx pour déterminer quand ils auront loisir de revenir. J'espère que vous êtes disponibles lundi. Nous avons l'intention de tenir une journée complète d'audience lundi. Cette fois-ci ce sera à votre loisir. Vous nous direz quand ce sera commode pour vous et nous nous arrangerons.

La séance est levée.


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