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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 5 - Témoignages


[Note de l'éditeur]

CORRECTION

À la page 5:13 du fascicule imprimé, au quatrième  paragraphe l’expression le Conseil national sur le développement de la main-d'œuvre des minorités visibles, devrait se lire Conseil national des minorités visibles.

Les versions html et pdf qui paraissent sur ce site ont été modifiées pour refléter cette correction.


OTTAWA, le lundi 27 avril 2009

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 18 h 30 pour examiner la question de la discrimination dans les pratiques de recrutement et de promotion de la fonction publique fédérale, étudier dans quelle mesure les objectifs d'équité en matière d'emploi sont atteints, examiner les résultats du marché du travail pour les groupes minoritaires dans le secteur privé, et suivre l'évolution des questions de droits de la personne, notamment en examinant les mécanismes du gouvernement relatifs aux obligations nationales et internationales du Canada en matière de droits de la personne (Sujet : Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies).

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, la première partie de cette séance du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sera consacrée à l'examen des questions de discrimination dans les pratiques de recrutement et de promotion de la fonction publique fédérale, l'étude des succès obtenus par rapport aux objectifs d'équité en matière d'emploi et l'examen des résultats du marché du travail pour les groupes minoritaires dans le secteur privé.

Nous accueillons ce soir, du Conseil du Trésor du Canada, la dirigeante principale des ressources humaines, Michelle d'Auray, qui est accompagnée de Marc O'Sullivan, vice-président intérimaire, Renouvellement de la main- d'œuvre et du milieu de travail.

L'étude que nous avons effectuée nous a menés à la Commission des droits de la personne et aux groupes qui s'intéressent au travail de la Commission de la fonction publique du Canada. Nous avons commencé avec la Commission de la fonction publique étant donné que la majeure partie des fonctionnaires relève de sa compétence, mais nous avons maintenant compris qu'il existe une nouvelle capacité qui, depuis notre dernier rapport, a adopté un certain nombre de changements et a abouti au Conseil du Trésor dans le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines.

Madame D'Auray, pourriez-vous nous donner un bref historique de la situation, nous expliquer vos responsabilités et les employés qui relèvent de votre compétence, et faire votre déclaration liminaire? Ensuite, les sénateurs auront des questions à vous poser.

Je dois dire que notre comité est le premier comité, de la Chambre des communes ou du Sénat, devant lequel comparait notre témoin principal depuis qu'elle occupe son nouveau poste.

Je vous souhaite la bienvenue dans votre nouveau poste et devant ce comité.

Michelle d'Auray, dirigeante principale des ressources humaines, Conseil du Trésor du Canada — Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines : Merci, madame la présidente.

[Français]

Bonsoir à tous. J'ai le plaisir d'être ici avec vous et d'avoir l'occasion de faire ma première présentation devant ce comité.

[Traduction]

C'est un honneur pour moi de me présenter devant votre comité pour ma première comparution devant un comité parlementaire étant donné les questions dont il est saisi. Ma brève déclaration liminaire portera sur la représentation des groupes d'équité dans la fonction publique du Canada, mon objectif étant d'indiquer les progrès réalisés jusqu'à présent, les défis que nous avons encore à relever et les méthodes que nous entendons utiliser pour ce faire.

Avant de commencer, comme vous l'avez dit, je vais vous donner un bref aperçu des attributions de mon nouveau Bureau concernant la gestion des ressources humaines de la fonction publique fédérale. Mon bureau s'occupe de ce que j'appelle l'administration publique centrale mais il assume également des responsabilités pour un certain nombre d'employeurs et d'organismes distincts.

[Français]

En février 2009, le premier ministre a annoncé des changements qui visaient à simplifier et à améliorer la gestion des ressources humaines dans la fonction publique du Canada. Ces changements ont mené à la création du Bureau du dirigeant principal des ressources humaines le 2 mars dernier, et ce nouveau bureau rassemble sous la responsabilité d'une seule organisation, qui se trouve maintenant au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor, les fonctions opérationnelles et stratégiques de l'ancienne Agence de la fonction publique du Canada et les secteurs du Secrétariat du Conseil du Trésor chargés des pensions et des avantages sociaux ainsi que des relations de travail et de la rémunération.

Cette initiative répond aussi au rapport de février 2008 du Comité consultatif sur la fonction publique nommé par le premier ministre, qui s'intitule le Comité Tellier-Mazankowski, coprésidé par ces deux illustres personnes.

Cette initiative confirme sans ambiguïté que les administrateurs généraux ont la responsabilité première de la gestion de leurs employés et en sont imputables. Ce sont eux qui sont les mieux placés pour constituer et maintenir une main- d'œuvre diversifiée et représentative qui répond à leurs besoins opérationnels. Ils sont les mieux placés pour savoir quelles compétences et connaissances leurs opérations requièrent, pour choisir les personnes le plus en mesure de répondre à ces besoins, pour veiller au perfectionnement professionnel de leurs effectifs et pour évaluer et gérer le rendement.

[Traduction]

Ces changements reflètent également le fait que le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines ne doit s'occuper que des fonctions pouvant être exécutées à l'échelle de l'ensemble du gouvernement, comme définir le cadre général de gestion du personnel, promouvoir l'excellence dans la gestion du personnel, suivre et évaluer le rendement global et l'état de la Fonction publique, établir des processus et systèmes communs et gérer le cadre de rémunération du personnel.

Voilà, en quelques mots, le mandat de mon bureau.

Ces changements ne concernent pas la Commission de la fonction publique qui continue de veiller à l'impartialité des nominations et au respect du principe du mérite, et à surveiller les activités de dotation des ministères. À certains égards, je dirais que la commission a pour fonction de recruter le personnel de la fonction publique alors que mon bureau est chargé d'intervenir une fois que les fonctionnaires sont engagés. En vertu de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, nos deux organismes sont chargés de veiller ensemble à ce que la fonction publique reflète la diversité de la société canadienne.

La loi et le simple bon sens exigent que la fonction publique fédérale reflète la population desservie. De fait, l'équité en matière d'emploi ne fait pas seulement partie intégrante des valeurs de la Fonction publique, c'est aussi un bon principe de gestion. Dans une économie du savoir, la diversité des points de vue, des origines et des méthodes contribue à la prestation de services de meilleure qualité et de plus grande pertinence pour les citoyens.

En ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, notre dernier rapport, pour 2007-2008, démontre que nous faisons des progrès. Certes, nous n'avons pas encore atteint le degré de représentativité qui s'impose, loin de là. Toutefois, même si l'on compare les taux de représentation aux chiffres du recensement national de 2006, qui ont été divulgués après la publication de notre rapport, force est bien de constater que le taux de représentation des femmes, des personnes handicapées et des Autochtones dans l'administration publique centrale dépasse les estimations de leur disponibilité dans la population active.

Le 31 mars 2008, les femmes représentaient 54,4 p. 100 de l'administration publique centrale, alors que leur taux de disponibilité dans la population active était de 52,3 p. 100.

En ce qui concerne les Autochtones, leur taux de représentation était 4,4 p. 100, soit encore une fois plus que leur taux de disponibilité dans la population active, 3 p. 100. Pour ce qui est des personnes handicapées, les chiffres étaient respectivement de 5,9 p. 100 et 4 p. 100.

En revanche, l'écart entre la représentation des minorités visibles dans la fonction publique — telle qu'elle nous est communiquée par l'auto-identification — et leur disponibilité dans la population active continue de persister.

Cela dit, s'il est vrai que la représentation des minorités visibles, à 9,2 p. 100, est encore inférieure à leur disponibilité dans la population active, qui est de 12,4 p. 100, des progrès ont quand même été réalisés. En effet, pour la période de cinq ans terminée le 31 mars 2008, la population des minorités visibles dans l'administration publique centrale a augmenté de 43 p. 100. Durant cette période, le nombre de cadres supérieurs membres des minorités visibles est passé de 177 à 326, et il est fort possible que nos résultats à l'égard de cette population soient en réalité meilleurs que ce que nous indique l'auto-identification de nos employés.

Comme vous l'a dit Maria Barrados, la Commission de la fonction publique a enregistré un taux de recrutement des minorités visibles de 17,3 p. 100 en 2007-2008 par le truchement des avis de concours. La Commission a tiré cette conclusion du nombre de personnes qui s'étaient identifiées comme membres d'une minorité visible lorsqu'elles avaient présenté leur candidature à un concours. Toutefois, les données recueillies par mon bureau concernent le nombre de personnes qui s'auto-identifient comme membres d'une minorité visible après avoir été engagées.

Nous travaillons donc avec la commission et avec plusieurs ministères pour essayer de mieux comprendre ce qui se passe entre le moment où une personne présente sa candidature et le moment où elle est engagée.

[Français]

Afin de relever le défi d'augmenter la représentation des membres des minorités visibles au sein de la fonction publique, nous continuons de travailler en étroite collaboration avec les conseils sur l'équité en matière d'emploi, les champions de l'équité en matière d'emploi dans les ministères ainsi qu'avec les ministères et les organismes directement.

Nous avons plusieurs moyens d'action que nous voulons utiliser et que nous utilisons pour faire des progrès, entre autres nos responsabilités en matière de formulation de politiques, l'importance que nous accordons à la planification intégrée — et je vais y revenir —, notre responsabilité concernant la gestion des talents et le leadership ainsi que notre rôle de champion de la collectivité de ressources humaines.

Par exemple, en termes de leadership, les programmes de perfectionnement en leadership comme le programme Cours et affectation de perfectionnement, le Programme de stagiaire en gestion et le Programme de perfectionnement accéléré des cadres supérieurs ont connu un très bon succès. Ces programmes affichent un taux exceptionnel de représentation des minorités visibles : 34,5 p. 100 pour le programme Cours et affectation de perfectionnement, 30,6 p. 100 pour le Programme de stagiaire en gestion et 27, 5 p. 100 pour le Programme de perfectionnement accéléré des cadres supérieurs.

[Traduction]

Permettez-moi de mentionner aussi une initiative de la Commission de la fonction publique dont vous avez déjà entendu parler : 30 personnes hautement qualifiées, bilingues et membres d'une minorité visible ont été choisies pour faire partie d'un bassin de candidats au niveau EX-1 et elles sont rapidement recrutées par les ministères. Voilà un excellent exemple de la manière dont l'assouplissement des méthodes de dotation permet de constituer et de maintenir un effectif diversifié et représentatif.

Ce genre de flexibilité est inhérent à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qui permet aux administrateurs généraux et à leurs gestionnaires de faire des nominations fondées sur le mérite tout en fixant des objectifs d'équité en matière d'emploi qui peuvent être atteints par le processus de sélection.

Dans le cadre de l'initiative de renouvellement de la fonction publique lancée par le greffier du Conseil privé, les administrateurs généraux sont également tenus d'actualiser les plans intégrés d'activité et de ressources humaines de leurs ministères afin d'y inclure une stratégie de recrutement, de perfectionnement et de promotion des membres des minorités visibles ainsi que des Autochtones et des personnes handicapées, en indiquant clairement comment ils entendent assurer à tous les niveaux un taux de représentation reflétant la disponibilité dans la population active.

La conjugaison de la flexibilité législative et d'une bonne planification nous donne à tous la possibilité d'améliorer la représentativité de notre effectif.

Dans le contexte plus large du renouveau de la Fonction publique, les administrateurs généraux ont reçu l'instruction, pour 2008-2009, de recruter des diplômés d'études supérieures membres des minorités visibles en proportion plus élevée de leur disponibilité dans la population active, ce qui leur a permis de déclarer que 550 des 4 200 diplômés qui ont été recrutés se sont identifiés comme membres d'une minorité visible. Voilà un exemple concret de la manière dont la flexibilité de la dotation, conjuguée à une bonne planification, nous permet de constituer et de maintenir un effectif diversifié et représentatif.

Il s'agit-là de quelques exemples des mesures que nous prenons pour faire avancer l'équité en matière d'emploi dans la Fonction publique.

Nous avons aussi réitéré, dans le dernier rapport du greffier sur l'état de la Fonction publique, que l'un de nos objectifs fondamentaux est toujours d'assurer une représentativité complète du personnel de la Fonction publique. Cet engagement pris à l'échelon le plus élevé de la fonction publique constitue pour chacun un encouragement et un aiguillon à l'égard de cet objectif. L'un de nos objectifs fondamentaux est d'établir et de créer une fonction publique vraiment représentative, à tous les niveaux de la diversité de la population canadienne.

Voilà ce qui met fin à ma déclaration liminaire, madame la présidente, et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions. Permettez-moi d'ajouter aussi que mon collègue a plus d'expérience que moi dans ce domaine et qu'il pourra certainement compléter certaines de mes réponses. S'il y a des questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre ce soir, nous vous enverrons bien sûr les réponses un peu plus tard par écrit.

La présidente : Merci de cet aperçu de la situation. J'ai besoin de quelques précisions. Les chiffres figurant à la page 3 ou à la page 4 sont-ils les vôtres ou ceux de la Commission de la fonction publique? Vous avez sans cesse parlé des deux organismes et je voudrais m'assurer que ces chiffres sont les vôtres.

Mme d'Auray : Ceux qui commencent au 31 mars 2008 sont les nôtres. Les chiffres de la Commission de la fonction publique sont ceux que je mentionne après avoir dit : « Comme vous l'a dit Maria Barrados... »

La présidente : Vous dites aussi que vos données sont recueillies auprès des membres des minorités visibles qui se sont auto-identifiés après avoir été recrutés. Mme Barrados nous a dit qu'une personne peut présenter sa candidature par Internet et s'auto-identifier de cette manière.

Comment peut-on s'auto-identifier après avoir été recruté? S'agit-il du même formulaire ou y a-t-il un autre processus que nous devrions connaître?

Mme d'Auray : Quand un ministère engage une personne, le superviseur ou le responsable des ressources humaines — il y a dans les ministères des personnes différentes qui prennent contact avec les candidats retenus — remettent un formulaire dont la teneur et les éléments descriptifs sont les mêmes que ceux du formulaire de candidature de la Commission de la fonction publique. On demande aux personnes de bien vouloir remplir le formulaire si elles veulent s'auto-identifier. Une personne qui vient d'être recrutée peut choisir de remplir le formulaire ou non. C'est purement volontaire.

La présidente : Ce sont la même information et le même formulaire?

Mme d'Auray : Exactement.

La présidente : Nous ne nous intéressons pas seulement aux personnes qui arrivent dans la Commission de la fonction publique mais aussi à celles qui obtiennent des promotions car c'est également un facteur important. Vous nous avez dit que vos statistiques concernent les personnes qui ont été engagées. Qui a la responsabilité de veiller à ce que les membres des minorités visibles et des autres groupes cibles — mais ce sont les minorités visibles qui ont du retard — obtiennent du succès à l'étape des promotions autant qu'à l'étape du recrutement? Est-ce vous, est-ce Mme Barrados ou est-ce quelqu'un du Bureau du Conseil privé?

Mme d'Auray : Les informations figurant dans la base de données d'auto-identification nous permettent de suivre la carrière de ces personnes. Nous pouvons suivre les promotions mais seulement sur la base de l'auto-identification.

Dans ce contexte, les femmes ont obtenu 61,6 p. 100 des promotions en 2007-2008, les Autochtones, 4,3 p. 100, les personnes handicapées, 5,3 p. 100, et les membres des minorités visibles, 10,6 p. 100. Ces statistiques sont basées sur les données d'auto-identification que nous avons.

La présidente : Si je comprends bien, votre rôle, celui de la Commission de la fonction publique et, dans une certaine mesure, celui du Conseil privé est un rôle de vérification. Il s'agit de voir ce qui se passe et quels sont les résultats. Autrement dit, la responsabilité de veiller à ce qu'on obtienne des résultats raisonnables appartient aux sous-ministres ou à leurs homologues. Si nous n'obtenons pas les résultats que pourrait attendre une personne raisonnable, c'est aux sous-ministres qu'il faut demander des explications.

Mme d'Auray : C'est exact. L'autre élément est celui des rapports. Quand nous produisons notre rapport annuel, nous donnons une analyse assez approfondie aux administrateurs généraux et aux dirigeants des organismes sur la base des informations que nous possédons. Cela leur permet de se faire une bonne idée de la performance, si je puis m'exprimer ainsi, non seulement de leur propre organisme mais aussi des autres. Autrement dit, cela permet d'établir des points de comparaison.

La présidente : Votre rôle et celui de la Commission de la fonction publique est de faciliter l'évolution et de veiller à ce que les organismes aient les bons outils, comprennent les concepts et procèdent au recrutement et à la promotion de manière à atteindre ces objectifs en fonction des meilleures connaissances disponibles dans ce domaine.

Mme d'Auray : C'est exact. Toutefois, cela confère aussi certaines responsabilités aux administrateurs généraux et aux dirigeants des organismes. Ce sont eux qui connaissent le mieux leurs besoins. Nous pouvons les aider et nous pouvons faciliter la discussion entre les ministères et les organismes pour qu'ils partagent les pratiques exemplaires et tirent des leçons les uns des autres.

Nous avons des politiques et des règlements que nous appliquons aussi, ainsi que l'obligation législative de produire des rapports. Il y a un ensemble d'outils et de prescriptions, en plus du partage des informations et des pratiques exemplaires. Il y a tout un faisceau d'éléments. Je ne sais pas si j'en ai oublié.

Marc O'Sullivan, vice-président intérimaire, Renouvellement de la main-d'œuvre et du milieu de travail, Conseil du Trésor du Canada — Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines : Ce sont les principaux.

Pour revenir à la question d'informations plus détaillées, l'auto-identification peut se faire à diverses étapes. Quand une personne est engagée, on lui demande si elle souhaite s'auto-identifier. Les ministères et organismes sont alors censés actualiser leurs renseignements à intervalles périodiques, mener des campagnes d'auto-identification de leur personnel, expliquer de quoi il s'agit et encourager leurs employés à s'auto-identifier. Cela garantit que les chiffres restent valides avec le temps. Nous surveillons continuellement la manière dont la population de la fonction publique est représentative.

Comme l'a dit Mme d'Auray, nous rassemblons ces renseignements et fournissons des détails d'une manière particulièrement pertinente à chaque ministère ou organisme afin qu'il puisse examiner l'information ventilée par groupe et sous-groupe professionnel.

Le sénateur Jaffer : Je voudrais des précisions sur les chiffres que vous avez donnés. Par exemple, vous avez parlé de 10,4 p. 100 de minorités visibles. C'est 10,4 p. 100 de quoi?

Mme d'Auray : Des promotions dans la Fonction publique.

Le sénateur Jaffer : De toutes les promotions? De toutes les promotions d'un niveau à un autre ou seulement au niveau EX?

Mme d'Auray : De n'importe quelle promotion.

Le sénateur Jaffer : Voulez-vous dire que les minorités visibles représentent 10,4 p. 100 du nombre total de personnes obtenant des promotions?

Mme d'Auray : Oui, mais c'est 10,6 p. 100, pas 10,4 p. 100.

Le sénateur Jaffer : Mais de n'importe quelle promotion.

Mme d'Auray : De la même manière que 61,6 p. 100 des promotions sont données à des femmes. Il s'agit de toutes les promotions, à n'importe quel niveau.

Le sénateur Munson : Merci et bienvenue devant notre comité. Les informations que vous nous donnez sont extrêmement utiles.

L'une de vos fonctions comme dirigeante principale des ressources humaines consiste à aider les sous-ministres et les ministères à recruter de manière efficiente du personnel reflétant la proportion de femmes, d'Autochtones, de personnes handicapées et de minorités visibles dans la population du Canada. Quels sont vos pouvoirs d'intervention ou d'action si un sous-ministre ne prend pas de mesures pour améliorer les pratiques de recrutement?

Mme d'Auray : J'ai le pouvoir d'indiquer aux sous-ministres quelle est la situation de leur ministère par rapport à leurs objectifs. Ce n'est pas le seul mais c'est l'un des éléments de rapport que je peux utiliser pour évaluer le rendement d'un sous-ministre.

Le sénateur Munson : Ce pouvoir de rapport est-il suffisant? Pouvez-vous faire usage de la carotte et du bâton pour ramener les gens dans le droit chemin?

Mme d'Auray : Non. Comme ce sont eux qui ont la responsabilité de gérer leurs ministères en fonction de leurs besoins, ce sont eux qui sont le mieux à même de prendre les mesures voulues.

M. O'Sullivan : Dans le cadre de l'évaluation du rendement des sous-ministres, le Secrétariat du Conseil du Trésor est appelé à évaluer leur gestion d'un point de vue global, dans le contexte de ce qu'on appelle le cadre de responsabilité de gestion. Nous évaluons leur rendement du point de vue des finances, du risque, de la gestion des ressources humaines, et cetera. Un élément important de l'évaluation du rendement de la gestion des ressources humaines porte sur l'équité en matière d'emploi. Cela fait partie de l'évaluation de la capacité de gestion et du rendement des administrateurs généraux des ministères. Cette information est prise en compte dans l'évaluation annuelle des sous- ministres que le greffier du Conseil privé a décrit en détail dans son dernier rapport.

L'évaluation est axée sur les responsabilités globales de gestion, notamment sur l'équité en matière d'emploi en ce qui concerne les ressources humaines, ce qui permet d'attirer l'attention sur cette question.

Le sénateur Munson : Avez-vous des exemples de ministères qui sont des vedettes dans ce domaine, de ministères dont les autres devraient s'inspirer en ce qui concerne le recrutement des femmes, des Autochtones et des personnes handicapées? Je parle de ministères que vous pourriez donner en exemple aux autres.

Mme d'Auray : En ce qui concerne les femmes, je dirais que tous les ministères ont de bons résultats puisque nous sommes au-dessus de la moyenne. En ce qui concerne les minorités visibles, certains ministères font très bien, notamment Santé Canada. Le ministère de la Justice a eu un taux de roulement remarquable. Je peux dire aussi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a de bons résultats sur de nombreux fronts. Nous avons constaté des progrès notables dans plusieurs organismes. M. O'Sullivan a peut-être d'autres exemples à donner.

M. O'Sullivan : Pour vous donner des exemples, nous encourageons le partage d'informations entre les ministères, de plusieurs manières — le Conseil national des minorités visibles, ainsi que le groupe des champions sur l'équité en matière d'emploi. Nous partageons les informations sur ce que font les ministères et nous partageons les pratiques exemplaires.

Le ministère des Anciens combattants a un programme d'affectations de perfectionnement — il s'agit d'affectations pouvant aider les membres des minorités visibles à avancer dans leur carrière. Il a augmenté ce nombre d'affectations. Le programme a été lancé en 2007-2008 avec huit affectations et le chiffre est passé à 12 durant le dernier exercice budgétaire, qui s'est terminé fin mars. Cette année, il veut au moins 12 autres affectations. Ce ministère a un programme de mentorat très développé pour les minorités visibles.

Mme d'Auray a parlé de Santé Canada. Ce ministère a mis au point un service de conseils sur les carrières à l'intention des minorités visibles et fait une promotion active d'ateliers de conseils pour ces personnes. D'ailleurs, le sous-ministre de Santé Canada, M. Rosenberg, est le champion des minorités visibles dans la Fonction publique. Il joue un rôle de leadership dans toute la Fonction publique, notamment en réunissant les champions de l'équité en matière d'emploi de chaque ministère au sein d'un forum pour assurer le partage des pratiques exemplaires et des meilleurs exemples, l'objectif étant de guider les sous-ministres dans l'amélioration de leur rendement.

Le sénateur Munson : J'essaie de comprendre ce que veut dire l'expression « recouvrement des coûts ». Je sais que la Commission de la fonction publique s'occupe du recrutement et de services connexes pour tous les ministères fédéraux, sur une base de recouvrement des coûts, avec intervention appropriée du sous-ministre dans la gouvernance de ces services. Que représente le recouvrement des coûts dans ce domaine et comment se fait-il?

Mme d'Auray : Les ministères peuvent appliquer leurs propres procédures de dotation. La Commission peut offrir des services d'évaluation aux candidats qui souhaitent savoir s'ils sont prêts à atteindre tel ou tel niveau. La Commission peut également gérer un processus de dotation pour les ministères, service qu'elle fait payer. C'est là qu'intervient le recouvrement des coûts. La somme qu'elle fait payer dépend de la nature ou du niveau du poste que le ministère essaie de doter.

Les frais sont établis par la commission pour refléter les coûts réels de prestation du service. Le service doit être offert dans la mesure où il répond aux exigences ou aux besoins des sous-ministres. La Commission a un comité consultatif de sous-ministres qui l'aide à établir le juste coût des services rendus et à vérifier que ceux-ci continuent d'être rendus de manière adéquate et nécessaire. Ce comité est un forum qui permet à la commission de juger si les services sont toujours nécessaires et si les prix demandés correspondent aux coûts réels. Ce n'est pas une obligation. Les ministères peuvent donc utiliser le service dispensé par la commission en payant les frais établis.

Le sénateur Jaffer : J'ai besoin d'une autre précision car ce n'est pas encore clair dans mon esprit. Vous dites que Justice Canada fait bien. La semaine dernière, nous avons reçu un document indiquant que Justice Canada n'a pas un seul membre des minorités visibles parmi ses cadres supérieurs. Comment pouvez-vous donc dire que c'est bien?

Mme d'Auray : Ça s'est amélioré.

Le sénateur Jaffer : Qu'est-ce que ça veut dire?

Mme d'Auray : Le nombre de membres des minorités visibles a augmenté dans le ministère.

Le sénateur Jaffer : Au niveau du recrutement.

Mme d'Auray : À de nombreux niveaux. Cela ne veut pas dire que les résultats sont atteints dans toutes les catégories, qu'il y a des gens au niveau de la haute direction ou dans tous les postes de l'organisation. Toutefois, comme statistique générale, le ministère a rehaussé la représentation globale des minorités visibles. Ensuite, nous procédons à une évaluation.

Le sénateur Jaffer : Très bien. Je regrette, vous êtes nouvelle dans cette fonction et, comme je ne veux pas vous accuser injustement, je ferais mieux de me calmer.

À mon avis, votre rôle consiste à abolir les obstacles, au niveau des politiques ou de la législation, pour assurer un effectif diversifié, flexible et adaptable. Je vous entends parler d'engagement et dire que vous examinez la situation. Tous les gens qui viennent de la fonction publique parlent d'engagement et disent qu'ils examinent la situation.

Il n'y a pas de carotte ni de bâton. On nous a très clairement dit que les sous-ministres décident ce qu'ils veulent. À Justice Canada, par exemple, il n'y a personne dans un poste de cadre supérieur.

Quand la situation va-t-elle commencer à changer? Quand verra-t-on des changements? Nous examinons cette situation depuis des années et rien ne change.

Mme Barrados a parlé de postes non annoncés, de nominations « les mieux adaptées », ce qui me déplaît souverainement. Que voulez-vous dire de ces postes non annoncés et de ces nominations faites par des sous-ministres parce qu'ils les jugent les mieux adaptées? J'ai reçu toutes sortes d'informations de gens disant qu'on commence d'abord par nommer la personne qu'on veut à titre intérimaire et qu'on définit ensuite le poste en fonction de cette personne. Il n'y a pas de concours et la personne obtient le poste. Je ne sais pas si ces informations sont exactes mais je les ai souvent entendues. J'aimerais savoir comment vous allez changer cela.

Mme d'Auray : En restant focalisée, je crois, et en continuant...

Le sénateur Jaffer : Qu'est-ce que ça veut dire? Je ne comprends pas.

Mme d'Auray : Ça veut dire en continuant de fixer des objectifs, en continuant d'exercer les obligations et aussi en cherchant les meilleures approches possibles pour encourager non seulement le recrutement mais aussi l'auto- identification des gens qui sont dans la Fonction publique.

Il y a un certain nombre de pratiques intéressantes et utiles. Comme l'a dit M. O'Sullivan, il y a des obstacles à la progression. Pouvons-nous aider à conseiller et à appuyer les gens qui veulent progresser dans leur carrière? Pouvons- nous créer par exemple la masse critique de cadres supérieurs?

La Commission de la fonction publique a créé un bassin de 30 membres des minorités visibles hautement qualifiés qui peuvent être nommés. Le concours s'est tenu et ces personnes peuvent maintenant être nommées dans un certain nombre de postes de la fonction publique sans avoir à passer d'autre concours. La Loi sur l'emploi dans la fonction publique donne au sous-ministre la souplesse nécessaire pour créer ce qu'on appelle une zone de sélection — pour limiter les candidats que souhaite le sous-ministre pour ce poste aux membres des minorités visibles. Nous pouvons faire ça.

En outre, selon la sélection et le processus, et même en intégrant ça, nous pouvons inclure un critère de sélection disant que, toutes choses étant égales par ailleurs, le sous-ministre peut sélectionner une personne d'une minorité visible pour ce poste, même si tous les autres candidats satisfont également aux critères établis. Il y a une certaine flexibilité que nous pouvons utiliser, qu'il est important que nous utilisions, pour créer des exigences particulières afin de doter un poste.

Le sénateur Jaffer : Je vous suis quand vous parlez de cibles. Je comprends ça. Avez-vous quelque chose qui puisse montrer au comité que vous avez ciblé quelque chose? Comment fixez-vous les cibles? Quelles sont les cibles? Qui en aura combien?

Ce n'est pas si facile de fixer des cibles. Vous ne pouvez pas dire à Justice Canada qu'il doit en avoir trois. Il y a toutes sortes de choses, j'en conviens.

Que voulez-vous dire par cibles? Qu'allez-vous cibler? Comment fixez-vous une cible et comment savez-vous que vous l'avez atteinte? Pouvons-nous obtenir une copie de ça?

Mme d'Auray : Les cibles que nous utilisons sont essentiellement fondées sur la disponibilité de la population active dans un certain domaine et une certaine catégorie ou certains types d'emplois. Par conséquent, nous dirons à un ministère que, considérant votre type d'effectif, voici le nombre ou le pourcentage vers lequel vous devriez viser. Voici le pourcentage que vous devriez viser pour les cadres supérieurs, voici le pourcentage que vous devriez viser pour tel ou tel groupe.

Dans mon ministère précédent, j'avais des infirmières faisant partie d'équipages d'un navire. J'avais des gens sur des navires quatre semaines d'affilée. J'avais une cible à atteindre pour les minorités visibles, les femmes, pour ces types de professions. C'est de cette manière que nous les fixons et que nous les donnons aux ministères.

Le sénateur Jaffer : Pouvons-nous les connaître?

Mme d'Auray : Oui, vous les avez. C'est dans notre rapport.

Le sénateur Jaffer : Le défi pour les gens est d'entrer et il n'y a pas assez de gens qui ont réussi à le faire jusqu'à présent. Madame d'Auray, vous examinez seulement ce qu'il y a dans le ministère. Par exemple, au ministère de la Justice, il y a 33 cadres supérieurs dont aucun n'est membre d'une minorité visible. Au BCP, il y a 81 cadres supérieurs dont aucun n'est membre d'une minorité visible. Quelles sont leurs cibles?

Mme d'Auray : Nous pouvons vous donner les cibles précises parce qu'elles existent dans le rapport.

Le sénateur Jaffer : Pendant que vous cherchez, je pose ma question suivante. Vous occupez le poste de dirigeante principale des ressources humaines. Je vous considère donc comme l'employeur de toute la Commission de la fonction publique?

Mme d'Auray : Oui. Je représente l'employeur à plusieurs niveaux.

Le sénateur Jaffer : Quand vous examinez un ministère, comme vous l'avez dit, y a-t-il un effet de cloisonnement? J'ai toujours pensé que l'on pouvait se déplacer dans la Commission de la fonction publique. Quand vous mettez les ministères dans des silos, en disant par exemple que Justice Canada doit avoir un certain chiffre comme cible, ne devriez-vous pas plutôt tenir compte de l'ensemble de la Commission de la fonction publique pour déterminer quelles devraient être les cibles? Je pense que tout le monde bouge. Je me trompe?

Mme d'Auray : Tout le monde ne bouge pas.

Le sénateur Jaffer : Certaines personnes bougent, notamment au niveau de la haute direction. Vous-même et M. O'Sullivan êtes passés dans plusieurs ministères avant d'arriver où vous êtes. En examinant qu'un seul ministère à la fois, ne craignez-vous pas un effet de cloisonnement?

Mme d'Auray : Nous examinons les deux. Nous tenons compte de la fonction publique dans son ensemble. Les chiffres que j'ai cités sont les cibles et les résultats atteints, dans certains cas pour l'ensemble de la Fonction publique. Nous nous penchons également sur les ministères et les organismes pour leur donner des cibles précises. Lorsque j'étais dirigeante d'un organisme, je donnais toujours à mes directeurs généraux et à mes sous-ministres adjoints des cibles précises.

Le sénateur Jaffer : Vous avez mentionné plusieurs chiffres pour les minorités visibles. Le rapport de la Commission de la fonction publique était une source de confusion car on y disait que l'Agence de la fonction publique du Canada avait admis que le recensement de 2006 allait probablement révéler un écart encore plus large entre les chiffres de disponibilité dans la population active et les taux de recrutement des minorités visibles. On y disait également qu'on encourageait vivement les ministères et organismes à tenir compte de ce facteur dans leur préparation des plans d'équité en matière d'emploi ou de gestion des ressources humaines pour les années à venir. Je ne vous ai pas entendu dire cela mais je vous ai entendu parler des bonnes choses.

Qu'a-t-on précisément mis en place pour le recrutement des minorités et la promotion des minorités visibles dans les ministères? Pouvez-vous préciser votre rôle? Je vous ai entendu dire à mes collègues ce que vous recommandez et demandez mais, si le sous-ministre ne suit pas votre recommandation, que se passe-t-il?

Mme d'Auray : Les sous ministres savent quelles sont leurs cibles. Ils savent s'ils les atteignent. Comme nous l'avons dit, il y a une évaluation du rendement assez rigoureuse qui est communiquée au greffier du Conseil privé lorsqu'il évalue son sous-ministre ou mes collègues autour de la table. Les sous-ministres ont des responsabilités très précises et doivent rendre des comptes.

Le sénateur Jaffer : Comment encouragez-vous le recrutement et la promotion de minorités visibles dans les ministères?

Mme d'Auray : Un objectif précis que nous avons établi l'an dernier pour la fonction publique sera revu cette année en ce qui concerne le recrutement de diplômés d'études supérieures, à partir duquel une composante précise devra provenir des minorités visibles. L'an dernier, sur les 4 200 personnes recrutées, 550 étaient des minorités visibles.

Le sénateur Jaffer : Quel est le pourcentage?

Mme d'Auray : C'est environ le tiers.

M. O'Sullivan : Comme nous le savons, il y a une grosse transformation démographique dans la Fonction publique. Il y aura un nombre croissant de départs à la retraite dans les années à venir. Ce sera une chance à saisir ainsi qu'un défi et un risque de ce point de vue à cause de l'effort accru de recrutement. Les instructions du greffier du Conseil privé aux sous-ministres de dépasser la disponibilité dans la population active pour faire ce recrutement de minorités visibles montrent que nous avons cette occasion de faire des progrès importants dans les années prochaines.

Le sénateur Jaffer : Je ne comprends toujours pas. L'occasion de faire quoi? Des progrès en faisant quoi? Qu'allez- vous faire exactement?

Mme d'Auray : Je vais vous donner quelques exemples de mon ministère précédent.

Le sénateur Jaffer : Non. Parlez de votre emploi actuel. Que faites-vous pour vous assurer qu'il y a des minorités visibles dans des postes de la haute direction, pas dans des postes d'entrée?

Mme d'Auray : Je donne la cible que les sous-ministres doivent atteindre. Les sous-ministres devront prendre les mesures nécessaires pour s'assurer qu'ils recrutent et atteignent les cibles. Ce n'est pas moi qui fais le recrutement, c'est eux. Voilà pourquoi je dis que ce sont eux qui ont vraiment la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour que cela se fasse. Voilà pourquoi j'allais vous donner un exemple. Dans mon ministère précédent, j'ai vu un problème de recrutement de scientifiques, après avoir examiné les prévisions de départ à la retraite. Nous avons pris des mesures précises de recherche dans tout le pays, dans différentes universités, pour essayer d'attirer des biologistes, des techniciens de recherche spéciaux. Nous avons fait cela avec notre système de promotion afin qu'ils puissent obtenir le niveau de chercheur et de gestionnaire de niveau supérieur.

Chaque ministère doit examiner les prévisions de départ à la retraite de ses employés et les éléments particuliers qu'il faudra mettre en place pour s'assurer que son effectif est représentatif à tous les niveaux de l'organisation.

La présidente : On nous a dit il y a quelques années qu'un sous-ministre n'atteignant pas la cible et n'ayant pas d'explication acceptable ferait l'objet d'une évaluation et pourrait ne pas recevoir d'augmentation de salaire ou de prime au rendement. On nous a dit qu'il serait obligé d'atteindre l'un des objectifs essentiels s'il souhaitait obtenir une promotion ou recevoir sa prime. Est-ce toujours en vigueur?

Mme d'Auray : Oui, c'est toujours en vigueur.

La présidente : C'est le bâton, pas la carotte.

Mme d'Auray : Exact.

La présidente : Sans donner de noms, pour protéger les renseignements personnels, connaissez-vous des sous- ministres qui n'ont pas reçu leur prime ou leur augmentation de salaire parce qu'ils n'avaient pas atteint leurs cibles?

Mme d'Auray : Je ne suis pas en mesure de vous répondre car je n'ai pas assez d'informations à ce sujet.

La présidente : Qui pourrait répondre à cette question?

Mme d'Auray : Je peux me renseigner et vous envoyer la réponse.

La présidente : Je vous serais reconnaissante de nous donner une réponse.

Mme d'Auray : Je suppose que c'est un facteur mais pas le seul dans l'évaluation d'un sous-ministre.

Le sénateur Nancy Ruth : Quelle est l'importance de ce facteur?

Mme d'Auray : Plusieurs éléments sont fournis dans le rapport du greffier. Son dernier rapport contient une très bonne analyse des questions prises en considération pour évaluer le rendement d'un sous-ministre. Le contexte en est un élément. En outre, comme l'a dit mon collègue, le rendement est évalué en fonction du cadre de responsabilité de gestion qui englobe une série d'indicateurs. Je ne voudrais pas vous induire en erreur mais peut-on dire qu'un élément particulier, pris dans le contexte global, pourrait amener quelqu'un à ne pas recevoir sa prime au rendement? C'est un ensemble de facteurs pondérés.

La présidente : Notre problème est toujours le même que celui évoqué dans nos rapports précédents, c'est-à-dire que nous n'avons toujours pas d'informations directes sur les personnes qui n'ont pas atteint leurs cibles et celles qui, selon nous, n'ont même pas essayé, dans le sens où je comprends qu'on peut ne pas avoir atteint les cibles pour certaines raisons légitimes, mais je pense que ces cas-là peuvent être identifiés. Nous en sommes presque au point où nous devrions renverser le fardeau de la preuve en disant qu'un sous-ministre n'obtiendra pas sa prime s'il ne peut pas prouver qu'il a atteint les objectifs, au lieu de dire qu'on va évaluer son rendement et qu'on lui donnera le bénéfice du doute parce qu'il semble avoir eu certaines difficultés à les atteindre. C'est toujours le même problème. À moins que quelqu'un trouve une autre méthode, les experts et non-experts que nous avons entendus devant le comité ont tous exprimé le souhait d'atteindre les objectifs et l'espoir d'avoir une société diversifiée. Le seul levier est de retenir le salaire mais ça ne semble pas être appliqué.

Si vous connaissez d'autres leviers que nous devrions recommander pour encourager l'intégration de bonnes pratiques dans la psyché des gens avec qui nous traitons, ce serait utile.

Mme d'Auray : Nous nous sommes récemment penchés sur deux éléments. Le premier est l'aptitude à dresser un plan intégré d'activité et de gestion des ressources humaines dans lequel les sous-ministres ont dû énoncer clairement leurs cibles mais également la manière dont ils avaient l'intention de les atteindre. Le plus grand incitatif est d'essayer d'avoir un effectif représentatif pour assurer la prestation des services car il est crucial, pour un sous-ministre, d'être capable de réaliser son mandat. Si vous n'avez pas un effectif représentatif, il vous est très difficile de pouvoir desservir les citoyens. C'est le plus gros incitatif.

Il y a également des outils permettant de démontrer un effort, par exemple des plans d'activité indiquant comment vous allez atteindre l'objectif et expliquant pourquoi vous ne l'avez pas atteint, parce que cela fait aussi partie de notre évaluation. Nous demandons ça.

La présidente : Depuis combien de temps existe le plan d'activité?

Mme d'Auray : Aussi précisément que je l'indique maintenant, environ deux ans.

La présidente : Nos rapports sont plus anciens. Je regrette d'être intervenue, j'ai beaucoup de noms sur ma liste.

Le sénateur Nancy Ruth : Vous avez donné un exemple de personnes travaillant sur des navires, des femmes et des minorités visibles. Vous parliez de cibles à ce sujet. De quel genre de cibles peut-il s'agir dans une telle situation? Cela concerne-t-il la marine marchande ou les marines d'autres pays ou est-ce encore par rapport à la population canadienne? Comment fixez-vous les cibles?

Mme d'Auray : Par rapport à la population canadienne.

Le sénateur Nancy Ruth : Seulement?

Mme d'Auray : Oui, par rapport à la disponibilité de la population active dans une profession comparable.

Le sénateur Nancy Ruth : Toutes les cibles sont établies par rapport à la population du Canada?

Mme d'Auray : C'est par rapport à la disponibilité dans la population active canadienne. Ce n'est pas la population totale mais la population active.

Le sénateur Nancy Ruth : Vos chiffres sur les minorités visibles m'intéressent car je me demande comment vous pouvez dire, avec ça, combien sont des femmes et combien sont des personnes handicapées? Faites-vous ce genre d'analyse statistique? N'y a-t-il pas double comptage dans les autres catégories?

M. O'Sullivan : Nous ne changeons pas nos statistiques parce que quelqu'un a été compté deux fois. Une personne peut se retrouver dans les trois catégories. Les statistiques prennent cela en compte.

Le sénateur Nancy Ruth : Combien y a-t-il de femmes dans la catégorie des minorités visibles?

M. O'Sullivan : Je n'ai pas le chiffre en tête. Nous devrons vérifier.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce serait bon à savoir, ainsi que pour les personnes handicapées.

Si vos objectifs sont établis par rapport à la disponibilité dans la population active des Canadiens, y a-t-il d'autres modèles, dans d'autres pays, que vous examinez lorsque vous concevez vos stratégies, que vous évaluez vos stratégies, et cetera.? Si oui, quels sont ces pays? Je parle d'États fédéraux.

Mme d'Auray : Notre législation nous oblige à faire ces évaluations et à fixer ces objectifs par rapport à la disponibilité dans la population active. C'est indiqué dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Le sénateur Nancy Ruth : Rien d'autre?

Mme d'Auray : Non.

Le sénateur Nancy Ruth : Savez-vous s'il y a d'autres pays qui font mieux que le Canada?

M. O'Sullivan : Comme l'a dit Mme d'Auray, nous nous sommes concentrés sur ça parce que c'est indiqué dans la législation. Nous n'avons pas examiné récemment de modèles d'autres juridictions. Nous examinons les initiatives prises et les pratiques exemplaires mais pas le cadre global en vertu duquel on établit la disponibilité dans la population active et les objectifs d'équité en matière d'emploi, puis les plans. Nous suivons cela à cause de la Loi sur l'équité en matière d'emploi et de la manière dont elle nous l'impose.

Le sénateur Nancy Ruth : Pensez-vous que ça vaudrait la peine? Je songe à des États qui ont accueilli beaucoup de réfugiés et d'immigrants, comme le Canada, et qui ont aujourd'hui une population mixte alors qu'elle était auparavant blanche, comme la Norvège.

M. O'Sullivan : Indéniablement, les études comparées sont toujours un outil utile.

Le sénateur Nancy Ruth : Savez-vous qui sont ces personnes dans ces ministères de certains des pays scandinaves?

M. O'Sullivan : Pas immédiatement en termes de meilleurs exemples d'autres juridictions.

Mme d'Auray : L'une des sources d'information intéressantes que nous pourrions examiner est l'Organisation de coopération et de développement économique, l'OCDE, qui a peut-être fait des analyses comparées. Cela nous donnerait un bon échantillon de pays qui ont soit une population stable soit une population dont la composition a changé. Nous pouvons certainement nous informer à ce sujet pour voir si des évaluations différentes ou des méthodologies ou approches différentes ont été utilisées.

Le sénateur Nancy Ruth : Des bâtons différents pour obtenir des résultats.

Mme d'Auray : Oui.

Le sénateur Poy : Les questions que je voulais poser l'ont déjà été. Ce ne sont pas les administrateurs généraux des ministères qui fixent les objectifs, n'est-ce pas?

Mme d'Auray : C'est exact.

Le sénateur Poy : S'ils n'atteignent pas les cibles, comme on l'a dit plus tôt, ils n'obtiennent pas de prime au rendement. Quelqu'un a-t-il déjà été rétrogradé pour ne pas avoir fait son travail?

Mme d'Auray : Pas à ma connaissance. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je préférerais indiquer, à nouveau selon ce que je sais, qu'il n'y a pas de lien direct entre le rendement sur l'équité en matière d'emploi et la rémunération au rendement. C'est une partie de l'évaluation. C'est l'un des nombreux facteurs et je ne saurais vous dire précisément que quelqu'un n'a pas atteint son objectif de rendement de ce point de vue, pour un administrateur général. Je ne pense pas être en mesure d'établir ce lien direct.

Je pense qu'il y a dans les ministères et organismes des occasions où des gestionnaires ont peut-être reçu cela comme élément spécifique de rendement, à l'exclusion de certains autres, pour dire que c'est ça que vous devez atteindre. Dans ces contextes, vous pourrez peut-être voir un lien direct entre le rendement, l'obtention de l'objectif et la rémunération au rendement.

Le sénateur Poy : Mais c'est volontaire, n'est-ce pas?

Mme d'Auray : Non, les objectifs ne sont pas volontaires. L'évaluation n'est pas volontaire. C'est une évaluation indépendante de l'administrateur général et de ses efforts. C'est calculé. Les chiffres sont fournis. Il y a une évaluation relativement rigoureuse qui est faite en fonction de toute une gamme de facteurs de ressources humaines. Si un ministère n'obtient pas de bons résultats sur toute une gamme de questions concernant les ressources humaines, cela affectera le rendement et l'évaluation du rendement de l'administrateur général.

Le sénateur Poy : L'évaluation n'est assortie d'aucun bâton, n'est-ce pas?

Mme d'Auray : L'évaluation globale en termes de ressources humaines est accompagnée d'un bâton. Il n'y a pas de bâton particulier, si je peux m'exprimer ainsi, pour les objectifs d'équité en matière d'emploi. Il y a un bâton plus général, si je peux dire, en termes d'une foule de questions de ressources humaines, pas seulement de l'équité en matière d'emploi comme objectif. C'est une série de facteurs qu'on utilise pour évaluer l'administrateur général du point de vue des bonnes pratiques de gestion du personnel ou d'objectifs précis qui sont donnés aux administrateurs généraux.

Le sénateur Poy : Autrement dit, s'ils ne font pas leur travail du point de vue de l'objectif, ils restent là où ils sont, n'est-ce pas? Leur emploi n'est pas touché. C'est ce que vous voulez dire?

Mme d'Auray : C'est exact. Leur rendement est évalué et la manière dont ils sont rémunérés au rendement est évaluée. Toutefois, je tiens à dire clairement que ce n'est pas seulement sur les questions d'équité en matière d'emploi, c'est sur l'ensemble complet des indicateurs. Environ 21 indicateurs objectifs font partie du cadre de responsabilité de gestion et sont utilisés pour évaluer le rendement d'un administrateur général.

Le sénateur Poy : Depuis combien de temps existe cet objectif pour les minorités visibles?

M. O'Sullivan : Depuis la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Le sénateur Poy : Comme l'a dit le sénateur Jaffer, certains ministères n'ont pas de minorités visibles au niveau de la haute direction, ce qui veut dire que ce n'est pas efficace. Ce n'est pas ce que ça veut dire?

Mme d'Auray : Cela veut dire que, sur un objectif global, un ministère peut être efficace, mais cela veut dire aussi que, pour certaines catégories d'activités, nous dirions au ministère ou à l'administrateur général de se concentrer sur ces éléments. Ils ont un objectif global à atteindre et ils ont aussi une série d'objectifs spécifiques. S'ils atteignent les objectifs spécifiques, on considérera qu'ils ont atteint l'objectif global.

Le sénateur Poy : Avec la manière dont vous faites les comptes, s'il y a 44 p. 100 de femmes, et si certaines sont des personnes handicapées ou des membres des minorités visibles, elles sont englobées dans ce chiffre, n'est-ce pas?

Mme d'Auray : C'est juste.

Le sénateur Poy : Le sous-ministre a énormément de latitude mais ce n'est pas lui qui fixe l'objectif, n'est-ce pas?

Mme d'Auray : C'est exact. Si vous me permettez de préciser, l'objectif est également établi par rapport à la disponibilité dans la population active.

Le sénateur Poy : Oui, j'ai compris.

Mme d'Auray : Il y a une mesure objective qui décrit la population active, la disponibilité et notre part de ça pour la Fonction publique.

Le sénateur Poy : Si le sous-ministre veut ne tenir aucun compte de l'objectif, il le peut, n'est-ce pas?

Mme d'Auray : Non car cela fait partie des exigences pour atteindre le rendement comme sous-ministre. Cela fait partie intégrante de la reddition de compte que nous donnons directement aux sous-ministres.

Le sénateur Poy : Qui peut dire aux sous-ministres qu'ils ne font pas un bon travail?

Mme d'Auray : Nous le disons aux sous-ministres car nous fournissons les informations et les rapports pour leur faire savoir qu'ils n'atteignent pas leurs cibles.

Le sénateur Poy : Les sous-ministres sont au-dessus de vous, n'est-ce pas?

Mme d'Auray : Oui, les sous-ministres assument la responsabilité de la gestion de leur organisation.

Le sénateur Poy : Vous êtes en dessous d'eux dans la hiérarchie?

Mme d'Auray : Je suis en quelque sorte en parallèle. J'établis l'orientation, je fixe les objectifs et je fournis aussi le rapport sur ce qu'ils ont réalisé.

Le sénateur Poy : Qui lit ces rapports?

Mme d'Auray : Les sous-ministres, ainsi que le greffier. Les rapports publics sur le rendement sont inclus dans les rapports que notre ministre dépose devant le Parlement.

Le sénateur Poy : Vous avez parlé de consultation spéciale pour les minorités visibles. Dans les ministères où il n'y a pas de minorités visibles au niveau de la haute direction, qui leur donne des conseils?

M. O'Sullivan : Voici un exemple. Santé Canada a pris des mesures pour encourager la promotion de minorités visibles dans un ministère, et beaucoup d'importance a été attribuée à la prestation de conseils sur les carrières aux employés du ministère mais aussi à l'organisation de foires sur les carrières de façon à aider les minorités visibles de ce ministère à avancer et à progresser dans leur carrière.

Le sénateur Poy : Dans des ministères?

M. O'Sullivan : Oui. C'est un exemple d'initiative prise par un ministère, Santé Canada.

Le sénateur Poy : Mais les conseillers ne sont pas nécessairement des membres des minorités visibles, n'est-ce pas? Je songe ici à l'accès à des modèles. S'il n'y a pas de minorités visibles, il ne peut pas y avoir de modèles.

M. O'Sullivan : Je ne sais pas si les conseillers en carrières de ce ministère sont eux-mêmes membres de minorités visibles mais l'objectif est d'aider les membres des minorités visibles dans leur ministère à progresser dans leur carrière et à avancer.

Mme d'Auray : Il y a des exemples de ministères qui ont créé des conseils des minorités visibles au sein de leur propre organisation de façon à aider à créer le soutien et l'élément de conseil, ainsi qu'à guider et à diriger l'organisation et les gestionnaires sur la manière d'agir pour rehausser la représentation dans leur propre effectif.

Il y a cependant un élément, que Mme Barrados a indiqué, je crois, sur lequel je veux revenir : les chiffres que nous avons et dont nous faisons rapport sont tous fondés sur l'auto-identification. Si des gestionnaires et cadres qui sont membres des minorités visibles ne veulent pas s'auto-identifier, nous n'avons aucun moyen de savoir qu'ils sont dans la Fonction publique.

Quand nos statistiques indiquent qu'il n'y a pas de membres des minorités visibles dans ces catégories, elles reflètent les données dont nous disposons. Elles indiquent qu'aucune personne ne s'est auto-identifiée dans ces catégories mais il pourrait néanmoins y en avoir.

Le sénateur Poy : Certes, je comprends.

Mme d'Auray : Toutefois, ce n'est pas une chose que nous pouvons saisir et communiquer. Voilà où les informations et constatations de la Commission de la fonction publique sont en fait très utiles. Si les gens s'auto-identifient lorsqu'ils sont recrutés mais pas lorsqu'ils sont engagés, nous devons essayer de comprendre pourquoi cette auto-identification ne s'est pas poursuivie.

Étant donné l'information trouvée par la Commission de la fonction publique, nous pourrions en fait être au-delà de la disponibilité dans la population active pour la représentation des minorités visibles dans la Fonction publique, mais nos chiffres dépendent totalement de l'auto-identification.

Pouvons-nous dire que c'est un portrait exact ou une représentation de la population active? Oui, sur la base de l'auto-identification.

Le sénateur Poy : Je comprends. L'auto-identification se fait lorsque les gens sont engagés, et à quelle fréquence ensuite?

Mme d'Auray : En règle générale, les ministères renouvellent ou lancent une sorte de campagne d'auto-identification généralement dans un délai de 12 à 18 mois. C'est plus ou moins comme ça qu'ils renouvellent l'information.

Le sénateur Poy : C'est répété tous les 12 ou 18 mois?

Mme d'Auray : Oui, selon le ministère. C'est toujours dans le but d'encourager l'auto-identification mais, comme il s'agit d'un processus volontaire, tout le monde n'accepte pas nécessairement de le faire.

Le sénateur Jaffer : J'ai une question supplémentaire à ce sujet. Je suis sûre que vous avez entendu parler de gens qui ne veulent pas s'auto-identifier parce qu'ils craignent de ne pas être engagés s'ils le font.

Je trouve intéressant que les gens parlent d'auto-identification alors que vous dites que les sous-ministres évalueront leurs besoins. Est-ce qu'ils ne les connaissent pas? Mon patron, assis à côté de moi, sait bien que je suis membre d'une minorité visible. Pourquoi les employés ont-ils besoin de s'auto-identifier?

Mme d'Auray : Oui, ils doivent le faire.

Le sénateur Jaffer : J'ai l'impression qu'on tourne en rond. Mon patron, assis à côté de moi, le sénateur Munson, sait que je suis membre d'une minorité visible. Je n'ai pas besoin de m'auto-identifier.

Le sénateur Munson : Je suis membre d'une minorité invisible.

Le sénateur Jaffer : Vous avez dit que le sous-ministre sait qui fait partie de son effectif. Il doit sûrement savoir qui sont les membres des minorités visibles. Ce n'est pas une chose qu'on peut cacher.

Mme d'Auray : C'est exact. Selon le cadre législatif en vertu duquel nous travaillons, nous ne pouvons pas compter les gens qui ne s'auto-identifient pas. Voilà pourquoi les informations de la Commission de la fonction publique nous intéressent. Si les gens sont prêts à s'auto-identifier quand ils présentent leur candidature, une fois qu'ils sont recrutés, ils resteront évidemment dans cette identification.

Le sénateur Jaffer : Vous avez dit qu'ils peuvent s'auto-identifier plus tard.

Mme d'Auray : C'est exact, parce que nous leur demandons de s'identifier une fois qu'ils deviennent des employés, s'ils désirent s'identifier une nouvelle fois. Il n'y a pas report d'un niveau à l'autre.

Le sénateur Jaffer : Le sous-ministre ne peut pas les identifier?

Mme d'Auray : Non. C'est pourquoi, quand nous disons que nous avons 9,2 p. 100 de représentation des minorités visibles avec une disponibilité de 12,4 p. 100 dans la population active — et nous sommes en dessous de cela — , certains collègues diront que leur effectif est en réalité plus représentatif que ne le montrent les chiffres. Toutefois, nous ne pouvons pas dire cela parce que nos chiffres dépendent de l'auto-identification et reposent uniquement là-dessus.

Vous avez raison de dire qu'un sous-ministre, un gestionnaire, peut examiner son effectif et dire qu'il est très représentatif mais, si ses employés choisissent de ne pas s'auto-identifier, nous ne pouvons pas les compter. Nous ne pouvons nous fier qu'aux chiffres qui viennent de l'auto-identification.

Le sénateur Jaffer : Donc, l'étape suivante est que nous devons créer un environnement où les gens auront le sentiment qu'ils ne seront pas punis s'ils s'auto-identifient, qu'ils obtiendront l'emploi. Il nous faut créer cet environnement.

Mme d'Auray : Voilà pourquoi nous voulons travailler avec la Commission de la fonction publique pour comprendre ce qui se passe entre le processus de recrutement et le moment où les gens deviennent des employés, et ce qui les fait changer d'avis sur l'auto-identification. Nous savons que nous avons un effectif plus représentatif mais nous ne pouvons pas à l'heure actuelle le démontrer en utilisant les mesures et les mécanismes que nous avons actuellement.

La présidente : Je vais devoir interrompre cette discussion. Nous avions dans nos rapports précédents l'information que certaines personnes souhaitent peut-être ne pas s'auto-identifier pour des raisons négatives mais nous avons aussi trouvé certaines indications d'autres raisons pour lesquelles elles ne veulent pas s'auto-identifier. Je pense que nous devons être clairs à ce sujet.

Le sénateur Goldstein : J'ai une question relativement brève à vous poser. Je m'interroge sur les chiffres. Vous avez parlé d'un pourcentage de minorités visibles, d'Autochtones, de femmes et de personnes handicapées, par rapport au total. Ce n'est peut-être pas nécessairement la bonne mesure.

Ne serait-il pas préférable d'utiliser une mesure horizontale où vous pourriez identifier pour vous-même et pour nous un pourcentage des gens à différents niveaux de la Fonction publique, plutôt qu'en proportion de la totalité dans un ministère ou dans la Fonction publique? Je me demande quel genre d'information nous pouvons obtenir d'une mesure verticale par rapport à une mesure horizontale.

Mme d'Auray : Nous avons les deux.

Le sénateur Goldstein : Ce n'est pas ce que j'ai vu.

Mme d'Auray : Je ne suis pas entrée dans les détails mais, dans le rapport que nous avons déposé devant le Parlement, les chiffres sont là, à la fois par groupe professionnel ainsi que pour la haute direction. Nous avons les mesures sur la disponibilité dans la population active et sur la situation où nous en sommes, dans la Fonction publique, pour ces différents éléments.

Le sénateur Goldstein : Merci. Je suppose que je ne l'avais pas vu.

Mme d'Auray : Je n'en ai pas parlé dans mon exposé mais c'est disponible dans le rapport déposé devant le Parlement.

Le sénateur Goldstein : Que révèle cet indicateur? Est-ce qu'il révèle une pénétration proportionnelle de ces divers groupes minoritaires ou une concentration de ces groupes aux niveaux inférieurs?

Mme d'Auray : Si je peux prendre les cadres supérieurs comme exemple, nous avons un chiffre proche de la disponibilité dans la population active en ce qui concerne les femmes, mais juste en dessous de la cible. Pour les personnes handicapées, nos chiffres montrent que nous atteignons la cible. Pour les Autochtones, nous sommes proches de la cible. C'est pour les minorités visibles que nous avons le plus grand écart. Les chiffres généraux sont également reproduits, avec certaines variations, dans les chiffres plus spécifiques.

Senator Goldstein : Fait-on quelque chose de spécial pour aider ou encourager le recrutement d'Autochtones dans les ministères, en plus des ministères où ils s'occupent directement de questions autochtones?

Mme d'Auray : En termes de soutien spécifique, nous avons, comme pour les autres conseils, un groupe qui représente les différents ministères et organismes et qui aide à formuler de bonnes pratiques et approches afin de créer une masse critique et de créer les conditions auxquelles les gens voudraient se joindre à ce ministère et y rester.

Il y a la question de la mobilité. Nous avons constaté que des gens viendront dans un ministère mais qu'ils iront aussi d'un ministère au suivant. C'est l'un des défis pour les ministères : garder les gens dans leur ministère. Nous avons constaté que certains ministères se débrouillent mieux pour établir de la stabilité et nous devons donc travailler avec eux pour comprendre quelles conditions ils ont créées, l'environnement de travail, ce qui le rend plus convivial — si c'est le bon adjectif — pour y attirer des gens. Une partie de notre travail est de mettre ces personnes en contact les unes avec les autres afin qu'elles comprennent ce que sont les bonnes pratiques.

[Français]

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie de votre présentation et vous souhaite la bienvenue à notre comité.

Outre votre pouvoir de produire un rapport qui souligne la performance d'un sous-ministre et de son ministère, avez-vous un pouvoir spécifique pour vous assurer de l'imputabilité d'un sous-ministre avant de produire votre rapport?

Mme d'Auray : Pas en tant que tel parce que les objectifs sont fixés par la loi et par les mesures que nous établissons, c'est-à-dire le calcul que nous faisons. En termes d'imputabilité, les sous-ministres sont eux-mêmes imputables de leur propre gestion des personnes et donc de leur rendement vis-à-vis de leurs initiatives, vis-à-vis des objectifs fixés.

Cela dit, notre pouvoir demeure celui de faire rapport, de donner des orientations aux sous-ministres et faire rapport non seulement aux sous-ministres, mais publiquement et également au greffier.

Le sénateur Brazeau : Alors votre rapport c'est votre bâton?

Mme d'Auray : C'est l'outil principal. Fixer les objectifs et faire rapport sur les objectifs sont les deux éléments avec les imputabilités et le rapport parlementaire. Le rapport requis par la loi est non seulement remis aux sous-ministres il est de fait rendu public et publié. Ce sont les mécanismes à notre disposition. Ce sont les mécanismes semblables pour bien des éléments dans la gestion des personnes à l'échelle de la fonction publique.

Le sénateur Brazeau : Si on regarde les chiffres, on peut voir que les personnes autochtones sont limitées à plus ou moins trois ministères tels celui des Affaires indiennes, du Service correctionnel du Canada ainsi que des Ressources humaines Canada. D'après moi, c'est parce qu'il y a un aspect autochtone dans ces ministères. Peut-on conclure que les autres ministères, qui ne touchent pas nécessairement les questions autochtones, ne font pas leur travail en termes d'équité d'emploi pour les Autochtones et pour s'assurer que les Autochtones embauchés par ces ministères restent?

Mme d'Auray : Il ne serait pas tout à fait juste de dire que les ministères ne font pas d'effort. Ils font des efforts. De là à dire s'ils connaissent des succès, certains en connaissent davantage que d'autres. Je vous dirais que la même question se pose pour les personnes. Les personnes doivent s'autodéclarer dans le même principe. Certains ministères commencent à être plus adeptes à recruter et à trouver des programmes non pas de formation, mais d'appui et d'intégration.

On s'est rendu compte que lorsqu'il s'agit d'une ou deux personnes, elles se sentent assez isolées. Donc, comment créer un environnement pour faire en sorte que ces personnes trouvent un appui? Les ministères commencent à le faire. Ceux qui n'ont pas l'habitude d'avoir des liens ou de travailler directement avec les personnes autochtones commencent à avoir cette expérience et à apprendre des expériences des autres ministères. Le ministère des Affaires indiennes a beaucoup aidé les ministères à améliorer leur façon de recruter et continue de le faire.

Mon ancien ministère, Pêches et Océans Canada, a aussi entrepris plusieurs initiatives pour travailler avec les groupes autochtones de façon locale parce qu'on s'est rendu compte que si on faisait quelque chose de trop générique, cela ne marchait pas, qu'il fallait travailler directement avec les collectivités.

Le sénateur Brazeau : Je suis content de vous entendre le dire, parce que ma troisième question est plus idéologique. Je pense qu'on veut tous une fonction publique représentative de la population canadienne. Qu'allez-vous faire de tangible et de spécifique pour nous assurer que dans un futur non déterminé, on pourra être satisfaits des chiffres et de la représentation des minorités, des femmes, des peuples autochtones dans la fonction publique? Cela sonne bien quand on dit qu'on veut une fonction publique représentative, mais qu'allez-vous faire spécifiquement pour y parvenir?

Mme d'Auray : La plupart des activités vont relever directement des ministères et des organismes. Ce n'est peut-être pas la réponse que vous voulez entendre, mais ce sont les organismes qui doivent trouver eux-mêmes les personnes compétentes pour pouvoir livrer leurs propres programmes et initiatives. Chacun de ces organismes doit faire sa planification, faire ses activités de recrutement, avoir les meilleures pratiques, faire ses propres éléments d'innovation et ses propres initiatives. Parce que même si j'avais un contrôle direct là-dessus, ce n'est pas moi sur 250 000 personnes qui pourrai effectuer ce changement. C'est littéralement chacun des administrateurs généraux.

Et je vous dirais au fil des ans, des expériences, des connaissances acquises, qu'on est en train d'améliorer tout cela. Est-ce parfait? Non.

Vous me demandez, dans un certain sens, si on aura terminé. Je vous dirais non, parce que la population canadienne sera toujours en train d'évoluer. On sera donc toujours en train de fixer des objectifs, on sera toujours en train de miser sur l'atteinte de la meilleure représentativité possible.

Le sénateur Brazeau : Pour terminer, on a mentionné que dans les années qui suivront, on aura une opportunité, surtout avec les minorités et les peuples autochtones, que l'on considère la prochaine génération des baby-boomers. J'espère que votre travail contribuera à s'assurer que les minorités, les Autochtones, les femmes, et cetera, feront le saut dans la fonction publique pour offrir le plus de services possible.

Mme d'Auray : C'est une excellente occasion sur deux plans. La première, c'est effectivement la conjoncture économique qui fait en sorte que le marché du travail demeure compétitif, mais une carrière dans la fonction publique devient de plus en plus attrayante.

Le deuxième élément, comme mon collègue l'a mentionné, c'est effectivement la planification des départs à la retraite, tous les plans de succession qui sont en train d'être élaborés, je dirais à grands pas et avec beaucoup de détails. Ce qui nous permet d'augmenter le recrutement et de faire en sorte qu'avec les personnes recrutées, on puisse développer des plans de carrière à plus long terme.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Une question supplémentaire à ce sujet. Je viens d'avoir une idée exceptionnelle que tous les membres de ce comité auraient sans doute pu avoir. Vous avez parlé des occasions et des défis que pose le départ des baby-boomers.

La présidente : Nous pourrions tous partir?

Le sénateur Munson : Non. Je ne vois pas tant de publicités que cela. Il faut dépenser d'argent. Tout le monde parle de réduire les coûts mais il faut dépenser de l'argent. J'ai pensé à un slogan : Les gouvernements passent, la fonction publique reste. Qu'en pensez-vous?

La présidente : Ce sera le titre de notre prochain rapport.

Le sénateur Munson : J'ai simplement pensé que ça pourrait marcher.

Mme d'Auray : Nous en avons un autre que nous utilisons : Un employeur, beaucoup de possibilités.

La présidente : Je crois que le sénateur Munson préfère encore le sien. Voyez ce que vous pourriez en faire. C'est sa spécialité, pas la mienne.

M. O'Sullivan : Pour revenir sur la suggestion du sénateur Munson en matière de recrutement, comme l'a dit le greffier dans son rapport, le recrutement universitaire et l'organisation de foires sur les carrières dans les universités, où l'on fait sur-le-champ des offres d'emplois conditionnelles aux étudiants, sont des exemples d'initiatives prises pour chercher les meilleurs et les plus brillants sur les campus universitaires afin de les recruter. La fonction publique était un peu trop timide dans le passé en ce qui concerne le recrutement. Les foires de recrutement organisées dans les universités sont une méthode permettant d'être plus dynamique et plus proactif pour recruter activement les meilleures recrues des universités.

Le sénateur Martin : Les rapports sont manifestement très utiles pour jeter un éclairage sur les divers ministères et sur leurs objectifs. Qu'ils les atteignent ou non, nous avons toujours ces documents et rapports publics que nous pouvons examiner ensemble.

Cela dit, je comprends le sentiment de frustration de certains sénateurs, sentiment que je partage. Je vous ai écoutée attentivement pour obtenir des informations et vous nous en avez donné certaines. Je voudrais cependant savoir quelles stratégies de recrutement vous utilisez car, en Colombie-Britannique, la province d'où je viens, qui est très éloignée d'Ottawa, on a le sentiment que le gouvernement fédéral est vraiment très loin.

Pour attirer des gens dans la Fonction publique, pour les ministères fédéraux, il faudrait certaines stratégies créatives de recrutement car d'autres employeurs sont très actifs et offrent de nombreux choix aux jeunes les plus brillants.

Le sénateur Poy parlait de l'importance d'avoir des modèles. Je ne sais pas ce qu'en pensent les autres mais, si nous n'avons pas de membres des minorités visibles parmi les cadres supérieurs, ou même de sous-ministres, c'est un peu comme le célèbre plafond de verre. Que cela concerne les nouveaux employés entrant dans la fonction publique ou des recrues potentielles, il pourrait y avoir aussi cette sorte d'obstacle psychologique.

Je voulais poser une question au sujet des stratégies de recrutement. Vous avez parlé de certains ministères qui font certaines choses. Toutefois, étant donné l'heure qu'il est, j'attendrai la prochaine occasion pour obtenir des précisions sur les stratégies de recrutement que vous utilisez. C'est très important. Il est également important d'avoir des employés qui sont membres des minorités visibles dans ces foires dont vous parlez, afin que les étudiants puissent y voir un reflet d'eux-mêmes.

La question portera sur les sous-ministres. Nous avons parlé de leur redevabilité. Quels programmes de perfectionnement en cours d'emploi ou de perfectionnement professionnel existent pour encourager nos sous-ministres à être des participants actifs? S'ils ont le pouvoir de faire le recrutement, nous devons nous assurer qu'ils comprennent l'importance de l'équité en matière d'emploi, qu'ils comprennent les objectifs, même si ce n'est qu'un critère parmi d'autres. Que fait-on avec les sous-ministres pour les aider à être plus sensibles sur le plan culturel, à penser à l'atmosphère qu'ils créent de par leurs pratiques de recrutement et, ensuite, une fois qu'ils les ont, à créer un environnement de travail permettant aux gens de toutes origines de s'épanouir et d'être membres de ce ministère particulier? Quel genre de formation y a-t-il à ce niveau?

Mme d'Auray : Nous nous réunissons trois fois par an comme sous-ministres et au moins une ou deux de ces discussions portent sur la gestion du personnel. Nous avons des discussions très précises sur les meilleures pratiques et sur ce que nous pourrions faire pour améliorer nos résultats du point de vue de l'équité en matière d'emploi. En fait, durant la dernière session, nous avons consacré tout un panel à cette question, ce qui a permis aux sous-ministres d'entendre ce que pourraient être les pratiques exemplaires. Ils ont également eu la possibilité d'apprendre quelles sont les meilleures pratiques en dehors de la Fonction publique.

Je dois cependant dire que mes collègues partagent un niveau de frustration similaire au vôtre. Cela revient à ce que disait le sénateur Jaffer il y a quelques instants. Si les sous-ministres examinent leur effectif, il est souvent plus représentatif que ne l'indiquent les chiffres. Ils ont une frustration à ce niveau parce que nous recrutons réellement, et nous pouvons visiblement voir la nature de l'effectif mais sans que les chiffres la reflètent. Ils ne reflètent pas cette réalité.

Je vous dirais très honnêtement que mes collègues sont très sensibilisés sur ces questions. Ils sont déterminés. Ils prennent ces mêmes cibles et exigences et les traduisent en mesures de rendement de leurs propres gestionnaires. Ils mettent des pourcentages pour le rendement. Ils ont aussi beaucoup d'activités : ils recrutent, ils forment, ils font de l'extension, ils vont parler dans les organisations, ils vont sur les campus. Ils vont dans beaucoup d'endroits pour améliorer leur capacité à recruter, à conserver et à former, mais les chiffres ne l'indiquent pas. Eux aussi ont un degré élevé de frustration car, pour certaines raisons, leurs chiffres ne semblent pas refléter la réalité de leur propre effectif tel qu'ils le voient. Ils partagent votre frustration, mais peut-être pas au même niveau et pour les mêmes raisons.

Ils démontrent, ils présentent leurs plans, ils nous parlent des efforts qu'ils font, et c'est là qu'apparaît la différence entre les chiffres qu'a présentés la Commission de la fonction publique et ce que nous avons en termes d'auto- identification. Nous pensons que les chiffres produits par la Commission de la fonction publique sont probablement un reflet plus exact de la réalité que nous avons dans notre effectif que les chiffres que nous avons actuellement par l'auto- identification. C'est une grande source de frustration.

La présidente : Merci. Nous avons dépassé l'heure prévue. J'avais les sénateurs Munson, Jaffer et Nancy Ruth pour un deuxième tour. Si vous avez une question, peut-être pourriez-vous la poser et attendre de recevoir une réponse par écrit?

Je voudrais mentionner deux sujets dans ce contexte. Premièrement, toute cette question d'auto-identification n'est pas nouvelle, elle est déjà revenue plusieurs fois sur le tapis. Avez-vous fait des études récemment? Ceux d'entre nous qui faisons partie de ce comité depuis un certain temps connaissent le contexte des raisons pour lesquelles les gens ne veulent pas s'auto-identifier.

Je voudrais savoir si c'est relié au même dilemme qu'ont connu les collectivités ethniques dans le passé et que j'ai étudié. Vous voulez vous identifier parce que vous voulez faire partie de l'ensemble du Canada. En revanche, vous ne voulez pas vous faire apposer une étiquette. Vous voulez être un Canadien à part entière, par un Canado quelque chose. Nous n'avons pas résolu ça.

Est-ce cela ou est-ce une certaine crainte que, si vous vous auto-identifiez, des choses négatives vous arriveront? Perdez-vous quelque chose professionnellement, d'une certaine manière?

Je ne sais pas si vous avez des études. Je vous laisse le soin de répondre plus tard à la question. À vous de voir. En droit, nous ne pourrons pas obliger les gens à s'identifier et nous ne voudrions certainement pas mettre sur les gens des étiquettes qu'ils ne souhaitent pas avoir, surtout dans certains cas reliés à l'histoire, comme nous le savons. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

Le sénateur Jaffer : J'ai une longue question et je ne vais donc pas la lire. Elle porte essentiellement sur les chiffres. Je me suis peut-être trompée mais j'ai examiné tous les chiffres des différentes organisations. Je vais vous donner du travail. Aurons-nous une méthode à l'avenir? Chaque groupe présente les chiffres de manière différente, ce qui prête à confusion.

La présidente : Pouvez-vous remettre le texte de la question au greffier, qui se chargera de la distribution? Merci, c'est utile.

Le sénateur Nancy Ruth : Je sais qu'il y a une loi mais, si vous cherchiez un certain type de scientifiques, par exemple, et que la moyenne des femmes, des Autochtones et des handicapés dans la population active était très basse dans cette catégorie, comment établiriez-vous vos objectifs? Voilà une question, pour ces groupes dans une catégorie.

Pensez-vous que vous auriez l'obligation d'augmenter le nombre ciblé au-delà de la disponibilité dans la population active de façon à pouvoir offrir des chances aux femmes, aux Autochtones et aux handicapés de progresser et d'exceller dans ce domaine? Comment vous attaqueriez-vous aux causes systémiques de discrimination contre l'entrée dans cette profession? Si ce n'est pas le cas, devrions-nous modifier la loi pour refléter ça, et quelles autres choses changeriez-vous dans la loi?

La présidente : Nous allons nous laisser sur ces questions. Elles figureront au procès-verbal et vous pourrez les examiner attentivement. Si elles ne sont pas claires, veuillez prendre contact avec le greffier pour obtenir des précisions.

Je vous remercie d'être venue et de nous avoir donné ces informations et certaines précisions qui nous seront utiles pour élaborer notre rapport. Vous verrez aussi certaines de nos recommandations. J'espère que nous pourrons continuer le dialogue.

J'espère que votre première comparution devant un comité du Sénat, ou devant n'importe quel comité d'ailleurs, vous amènera à conclure que c'est utile et que vous reviendrez avec plaisir devant nous car, soyez-en certaine, nous vous convoquerons à nouveau.

Honorables sénateurs, nous poursuivons avec le groupe suivant de témoins afin de poursuivre notre travail concernant la surveillance des questions reliées aux droits de la personne, notamment l'examen des mécanismes du gouvernement portant sur les obligations nationales et internationales du Canada en matière de droits humains.

Il s'agit-là d'une question dont nous sommes saisis depuis longtemps, notre souci étant de suivre les traités internationaux, la législation et toutes les questions touchant aux droits de la personne. Nous avons récemment étudié le Conseil des droits de l'homme, des Nations Unies, organisme qui a succédé à la Commission des droits de l'homme, afin de voir comment il évolue et s'il répond aux besoins des gens dont les droits ne sont pas respectés. Nous examinons également l'Examen périodique universel, processus qui a été mis en place dans l'espoir d'assurer un examen plus systématique de la manière dont les différents pays respectent les normes internationales touchant les droits de la personne.

Nous avons déjà entendu des représentants d'instances gouvernementales et de plusieurs organismes non gouvernementaux. Ce soir, nous accueillons Romeo Saganash, directeur, Relations avec le Québec et Affaires internationales, Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee); Beverley Jacobs, présidente, Association des femmes autochtones du Canada, qui a déjà comparu plusieurs fois devant notre comité; Ellen Gabriel, présidente, Femmes autochtones du Québec; et Jennifer Preston, coordonnatrice de programme, Affaires autochtones, Secours quaker canadien.

Nous commençons avec M. Saganash.

Romeo Saganash, directeur, Relations avec le Québec et affaires internationales, Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) : Merci et bonsoir, honorables sénateurs, chefs indigènes présents dans cette salle et autres collègues. Permettez-moi de commencer d'abord par féliciter le comité sénatorial permanent de son dévouement à la cause des droits humains.

Depuis 30 ans, le Grand conseil des Cris participe activement à la promotion et à la protection des droits humains aux Nations Unies et devant d'autres tribunes internationales. C'est avec plaisir que je comparais aujourd'hui devant votre comité pour contribuer à votre examen de l'Examen périodique universel du Canada devant le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.

Près de 70 p. 100 des États ayant participé à l'EPU du Canada ont exprimé des préoccupations concernant les peuples autochtones. Comme le disait l'ex-secrétaire général de l'ONU Boutros Boutros-Ghali, les droits de l'homme sont la langue commune de l'humanité. Dans ce contexte global, le texte fondamental pour mon peuple, les Cris de la baie James, et pour les autres peuples autochtones, est la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cette déclaration est en effet le texte universel le plus complet sur les droits des peuples autochtones. Afin d'illustrer l'appui général qu'elle a reçu, nous avons déposé devant le comité un document intitulé « Supportive Statements Worldwide ».

Vu son importance, la déclaration fut le principal sujet de notre communication conjointe au Conseil des droits de l'homme dans le cadre de l'EPU du Canada. Des organisations autochtones et des organisations de défense des droits de la personne de diverses régions du monde ont appuyé cette communication conjointe. Cela s'explique en grande mesure parce que l'opposition du Canada à la déclaration cause un préjudice aux droits des peuples autochtones du monde entier et mine le système international des droits humains dans son ensemble.

En s'opposant à la déclaration depuis 2006, le gouvernement canadien avance continuellement la même réponse : elle n'a aucun effet juridique au Canada et ses dispositions ne représentent pas le droit coutumier international.

Ces affirmations ne reflètent pas le droit canadien ni le droit international. Une analyse approfondie de la position du Canada par l'avocat Paul Joffe a également été déposée devant votre comité.

Dans les mémoires qu'ils ont adressés au Conseil pour l'EPU du Canada, bon nombre d'organisations ont exprimé des préoccupations au sujet des positions du Canada sur la déclaration de l'ONU mais le gouvernement canadien a omis toute mention de cet instrument des droits humains dans son rapport national de décembre 2008. Lors de la préparation du rapport du gouvernement, les organisations autochtones et de la société civile n'ont pas été consultées.

Les 21 et 22 avril 2009, le gouvernement a convoqué les organisations autochtones et des organisations de droits humains à Gatineau, au Québec, pour faire le suivi de l'EPU. Dans son examen des recommandations des États qui ont été mises en relief dans le rapport de mars 2009 du groupe de travail sur l'EPU, le gouvernement n'a pas inclus la déclaration de l'ONU au chapitre des « Instruments internationaux ». Le gouvernement a fini par permettre aux participants de discuter de la déclaration dans le contexte des instruments internationaux mais les représentants ministériels ont refusé de dire si, selon le gouvernement, la déclaration est un instrument des droits humains.

Lors de ces réunions, le gouvernement du Canada a également refusé de dire s'il considère les droits collectifs des peuples autochtones comme des droits humains. Sans indication claire de la manière dont le Canada interprète la notion de droits humains, il était difficile de formuler des commentaires sur la multitude de recommandations des États. Ce refus d'entériner nos droits collectifs comme droits humains persiste depuis trois ans.

Depuis 30 ans, la pratique a toujours consisté à traiter des droits collectifs des peuples autochtones dans le contexte des systèmes internationaux régionaux de droits humains. Dans son programme de travail, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a inclus de manière permanente les droits des peuples au chapitre de « la promotion et la protection de tous les droits humains ».

La déclaration de l'ONU est de plus en plus fréquemment invoquée par les organismes de surveillance des traités pour interpréter d'autres instruments internationaux touchant les droits humains. Elle sert à garantir que l'application des normes internationales aux peuples autochtones sera pertinente et efficace.

Comme l'affirment de plus en plus fréquemment les représentants autochtones, la déclaration devrait aussi servir à interpréter les traités modernes et autres entre les peuples autochtones et les États. Une telle approche fondée sur les droits humains devrait contribuer à redresser l'échec systématique du gouvernement canadien à mettre pleinement en œuvre ces traités dans le respect de leur esprit, de leur lettre et de leur intention.

Pour s'attaquer à ce grave problème, le Grand conseil des Cris et les autres signataires autochtones des 21 traités contemporains au Canada ont formé une coalition sur les revendications territoriales et ont adressé une communication commune au sujet de l'EPU du Canada. Lors des réunions d'avril, les représentants canadiens ont également refusé d'exprimer un avis sur le devoir constitutionnel de l'État canadien de consulter et d'appuyer les peuples autochtones. Au lieu de cela, un représentant du ministère de la Justice a dit que le gouvernement mettait ces questions constitutionnelles de côté dans son processus d'EPU et n'adoptait pas une approche « étroite ». Le gouvernement canadien ne peut faire fi de ses obligations constitutionnelles à l'égard des peuples autochtones dans les situations où il envisage une conduite qui pourrait avoir une incidence négative sur nos droits autochtones et nos droits issus des traités.

Un bref résumé de ces obligations a été déposé devant le comité. Dans le cadre du processus d'EPU, chaque État est encouragé à préparer son rapport national en menant de larges consultations de toutes les parties prenantes au niveau national.

Le Grand conseil des Cris apprécie l'importance d'une coopération internationale en matière de droits humains. En qualité de membre du Conseil des droits de l'homme, le Canada est tenu de « respecter les normes les plus élevées en matière de promotion et de protection des droits de la personne «.

En ce qui concerne les droits humains des peuples autochtones, nous implorons respectueusement le comité sénatorial permanent d'examiner attentivement les positions du gouvernement du Canada. Ce sont ces positions qui minent l'action du Canada dans le processus de l'EPU et l'empêchent de jouer un rôle principal et de leadership.

Beverley Jacobs, présidente, Association des femmes autochtones du Canada : Bonsoir, honorables sénateurs. Je vais d'abord me présenter dans ma propre langue.

[Le témoin s'exprime en langue autochtone.]

Je viens de formuler des voeux de paix pour vous tous. Mon vrai nom est Gowehgyuseh, ce qui veut dire « elle nous rend visite ». Je suis une Mohawk des Six Nations du Territoire de la Grande Rivière, du Clan de l'ours, et je suis présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada. Je tiens également à mentionner le territoire traditionnel de la nation algonquine qui nous autorise à nous réunir ici sur ses terres.

L'Association des femmes autochtones du Canada est très heureuse d'avoir la possibilité de formuler des recommandations pour améliorer le comportement du pays envers les peuples autochtones. Lors de l'examen du bilan du Canada à Genève, récemment, la plupart des États ont formulé des remarques et des recommandations sur la situation des peuples autochtones. Cela confirme également ce que dit l'Association des femmes autochtones du Canada depuis très longtemps et ce que savent de nombreux Canadiens au sujet de la nature grave des préoccupations des peuples autochtones du Canada, notamment les femmes autochtones, en matière de droits humains, ce qui appelle des changements concrets aux politiques et pratiques en vigueur au Canada. Nous espérons que cet EPU contribuera à l'instauration de la protection des droits humains que tant de gens essaient d'obtenir depuis si longtemps.

À titre d'organisation, nous avons le statut d'ECOSOC aux Nations Unies et, avec d'autres organisations de la société civile, d'autres peuples, nations et organisations autochtones, nous avons adressé des mémoires en septembre 2008. L'ECOSOC est le Conseil économique et social de l'ONU.

La principale question que je veux aborder concerne le processus, après quoi je parlerai des principales recommandations des États dont nous souhaitons l'application, puis des mesures de suivi essentielles qui sont nécessaires si le Canada veut améliorer sa réputation ternie en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne les peuples autochtones et, en particulier, les femmes autochtones.

Il y a tout d'abord un problème de processus relié à la participation de la société civile et des peuples autochtones. Nous pensons que cet aspect est inadéquat depuis le début. Six rencontres nationales ont été organisées dans les trois premières semaines de janvier en prévision de l'EPU du Canada. L'EPU s'est tenu en février. Nous pensons que ces réunions avaient été mal organisées par Patrimoine canadien du point de vue du moment, ce qui avait débouché sur un préavis insuffisant pour les participants et sur l'annulation très tardive d'une session spécifique sur les questions autochtones. Par conséquent, les Autochtones ont été forcés d'assister aux deux autres réunions, avec moins de préavis que les autres.

C'est toujours une source de frustration car, chaque fois que nous participons de bonne foi, nous espérons que le gouvernement fédéral fera de même. Au lieu de cela, on constate que les réunions ont été retardées pendant plusieurs mois, ce qui fait que les membres de la communauté ont finalement exprimé leur point de vue à un moment où le Canada avait déjà déposé son rapport et, littéralement, quelques jours à peine avant l'arrivée de la grande délégation à Genève pour se préparer à l'EPU.

L'engagement de la société civile et des peuples autochtones est censé être un élément central du processus de l'EPU mais cela n'a pas empêché le Canada de faire un long exposé sur son bilan en matière de droits humains sans vraiment reconnaître la gravité des préoccupations au Canada et sans prendre d'engagement de changement. Bons nombre d'États ont explicitement imploré le Canada de corriger ce problème et de lancer un processus de consultation honnête pour examiner les recommandations de l'EPU et les mettre en œuvre. On nous a assuré que cela se ferait mais ce n'est pas ce qui s'est passé.

Au lieu de cela, une session de deux jours s'est tenue à Ottawa les 21 et 22 avril, après une invitation lancée le 9 avril. Encore une fois, le préavis était très court. En outre, il importe de souligner que le gouvernement avait choisi de tenir ces réunions dans une période où il y avait d'autres activités internationales touchant les droits humains, notamment le Troisième sommet des chefs autochtones des Amériques et le Cinquième sommet des Amériques, la semaine du 13 au 19 avril, ainsi que le Sommet mondial des peuples autochtones sur le changement climatique, qui s'est tenu en Alaska du 20 au 24 avril.

Nous estimons que ces réunions tenues les 21 et 22 avril n'ont pas permis de discuter sérieusement avec les représentants autochtones de la manière dont le Canada répondrait aux recommandations. Les fonctionnaires en présence n'ont donné aucune indication des recommandations que le gouvernement acceptait ou rejetait. En même temps, il fut évident que le gouvernement avait déjà pris sa décision et n'était pas prêt à participer à un débat sur ces priorités non énoncées.

Les recommandations formulées par les États lors de l'Examen de février montrent ce qu'il faut faire pour rétablir l'image du Canada comme champion des droits humains. Elles invitent le Canada à s'assurer que sa participation à l'EPU procède d'un processus inclusif, transparent et redevable.

Je passe maintenant aux recommandations concernant la violence faite aux femmes autochtones. Comme vous le savez, bon nombre de femmes autochtones du Canada et d'autres pays sont confrontées à des problèmes de violence. La Norvège a recommandé au Canada d'instaurer un processus exhaustif de rapports et d'analyses statistiques sur la portée et la nature de la violence faite aux femmes autochtones, dans le but d'élaborer une stratégie nationale, et de mener des consultations auprès des représentants autochtones pour réagir à la gravité du problème.

En outre, la République tchèque et le Mexique ont formulé une recommandation au sujet d'enquêtes et de sanctions adéquates à l'égard des responsables de la mort et de la disparition de femmes autochtones, l'adoption de mesures pour assurer la redevabilité de la police à l'égard d'un comportement adéquat, sensible et efficace dans les affaires de violence faite aux femmes, ainsi qu'une meilleure protection des femmes autochtones contre toutes les formes de violence, y compris dans le contexte de leur statut socio-économique et de la discrimination dont elles font l'objet, et un meilleur accès des victimes de violence conjugale à un hébergement de protection.

À titre d'organisation, nous avons coprésidé le Sommet national des femmes autochtones pendant les deux dernières années, lequel a produit de nombreuses recommandations. Étant donné la fréquence élevée des cas de violence envers les femmes autochtones dans toutes sortes de contexte, notamment dans leurs propres collectivités, sous leur propre toit et dans la société générale, il est urgent que le gouvernement du Canada collabore avec l'AFAC et avec les autres organisations de femmes autochtones pour formuler des réponses adéquates, la meilleure solution étant de dresser un plan d'action national comportant des éléments de prévention et d'éducation.

En ce qui concerne l'action de la police, les chefs autochtones de la Colombie-Britannique ont déjà déclaré qu'il est nécessaire de tenir une enquête publique sur le problème des femmes autochtones disparues ou assassinées dans les quartiers de l'est de Vancouver et sur les raisons pour lesquelles il a fallu si longtemps pour avoir une enquête policière. Beaucoup de vies auraient pu être sauvées.

Bridget Tolley est une autre femme de Kitigan Zibi. Sa mère a été tuée par la police du Québec lorsqu'elle a été renversée par un véhicule de la police, et elle réclame une enquête interne à ce sujet.

Bon nombre de ces recommandations concernent l'incarcération et la discrimination reliée à l'incarcération excessive de femmes autochtones. La Nouvelle-Zélande a recommandé au Canada d'accroître ses efforts pour réduire le taux d'incarcération et nous appuyons pleinement cette recommandation. Il s'agit-là encore une fois d'une chose que nous recommandons depuis des années.

Bon nombre d'États, dont le Danemark, la Norvège et la Finlande, ont exprimé leur déception à l'égard de la position du Canada sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et l'ont invité à revoir sa position en endossant et en appliquant la déclaration. Nous considérons que la déclaration est un texte crucial pour répondre aux besoins réels et urgents de protection des droits et de satisfaction des besoins des femmes autochtones au Canada et à l'échelle internationale. Nous croyons fermement que le Canada devrait revoir et renverser sa position injustifiée et immorale au sujet de cet instrument de protection des droits humains.

L'Inde a formulé une recommandation au sujet du caractère continuellement discriminatoire de la Loi sur les Indiens. Avec l'appel récent de Sharon McIvor devant la Cour d'appel, le gouvernement se doit de prendre des mesures concrètes pour mettre fin à la discrimination sexuelle issue du système de la Loi sur les Indiens.

En ce qui concerne le suivi, nous avons beaucoup de recommandations. Nous avons évoqué de nombreux problèmes, notamment le fait que les droits des femmes autochtones continuent d'être transgressés quotidiennement. Dans notre examen des recommandations et notre recherche de solutions constructives, nous avons trouvé une solution proposée par le Portugal, consistant à créer ou à renforcer un système transparent, efficace et redevable incluant tous les paliers de gouvernement et la société civile, ainsi que l'établissement d'un mécanisme crédible de reddition de comptes incluant les droits des peuples autochtones.

Jennifer Preston, coordonnatrice de programmes, Affaires autochtones, Secours Quaker Canadien : Merci de votre invitation à comparaître ce soir. Je suis très heureuse que votre comité se penche sur le Conseil des droits de l'homme et l'EPU, notamment sur l'action du Canada à cet égard. Comme certains d'entre vous le savez, les Quakers sont actifs à l'ONU depuis sa création et nous avons des bureaux permanents à New York et à Genève. Certains d'entre vous, lors de votre passage à Genève l'an dernier, avez rencontré ma collègue, Rachel Brett, notre représentante à temps plein à Genève sur les droits de la personne qui travaille à temps plein au Secours et sur l'EPU.

Je travaille pour les Quakers du Canada et je suis donc de près l'EPU du Canada. J'assume également la responsabilité pour les quakers du dossier international des droits humains des peuples autochtones et, par conséquent, de notre engagement dans l'EPU de ce point de vue. Dans le cadre de mon travail et en partenariat avec les peuples autochtones et d'autres représentants d'organisations des droits humains, je discute régulièrement avec des États au niveau international à Genève, à New York et aussi au Canada, notamment en ayant participé à de nombreuses réunions avec de nombreux États différents en vue de l'EPU du Canada.

Je voudrais soulever deux questions devant vous. La première est le processus de participation de la société civile au sujet de l'EPU du Canada et la deuxième, les recommandations reçues par le Canada au sujet de la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones.

Il est important que tout le monde se souvienne qu'il y a environ 370 millions d'Autochtones dans plus de 70 pays. Quand nous parlons du comportement du Canada à l'égard de la déclaration, nous ne parlons pas seulement de son effet sur les peuples autochtones du Canada. Il importe aussi de se souvenir, du point de vue des droits humains, que les peuples autochtones sont considérés comme le groupe le plus défavorisé dans le monde et que leur situation reste généralement extrêmement préoccupante dans de nombreux pays.

Le processus de participation de la société civile et des organisations des peuples autochtones est très faible. Je l'ai suivi de près pendant environ un an. L'an dernier, Affaires étrangères Canada a convoqué une petite rencontre, non, une très petite rencontre avec seulement une poignée d'ONG. En fait, quand la représentante de Patrimoine canadien qui assumait la responsabilité du dossier de l'EPU est arrivée, tout ce qu'elle a pu dire fut : « Je n'ai rien à dire ». Ça a commencé comme ça. La rencontre n'a absolument rien donné. Elle a porté uniquement sur la forme que prendrait l'EPU.

Nous n'avons pas eu d'autres contacts avec Patrimoine canadien avant que le rapport national concernant le Canada soit adressé au bureau du Haut-commissaire. Le rapport a été déposé en retard et, ensuite, en janvier 2009, il y a eu quelques réunions régionales. En fait, ces réunions se sont tenues uniquement parce qu'un petit groupe d'ONG comprenant l'Association des femmes autochtones a exercé des pressions en ce sens et non pas parce que Patrimoine canadien aurait pris l'initiative de les organiser. Lors de ces réunions, une demi-journée a été consacrée à la participation de la société civile et des peuples autochtones, et la deuxième journée, à entendre des représentants du gouvernement.

Lors de la réunion à laquelle j'ai assisté, à Toronto, il n'y a eu aucune participation. Les représentants de la société civile, qui avaient déjà passé plusieurs heures ensemble, ont fait rapport des conversations qu'ils avaient eues et les représentants fédéraux ont pris des notes, ce qui ne saurait constituer un dialogue ou un débat. Et cette réunion s'est tenue quelques semaines à peine avant l'Examen à Genève. Ensuite, je suis allée à Genève pour l'Examen et, immédiatement après, j'ai pu rencontrer le sous-ministre Simms qui avait présenté le rapport du Canada et je lui ai demandé explicitement quel serai le suivi pour assurer la participation de la société civile, ce à quoi il m'a répondu qu'on n'y avait pas encore réfléchi. Personne ne savait encore quel serait le suivi. Bien que notre échéancier ait été très serré et qu'il ait fallu deux mois pour organiser les rencontres d'avril, alors qu'on savait que le rapport était dû en juin, deux mois se sont écoulés sans aucune participation.

Nous avons eu ensuite les réunions de la semaine dernière. La première journée était censée être consacrée généralement à la société civile et la deuxième, aux droits des peuples autochtones. Quatre d'entre nous avons participé aux deux journées, notamment Mme Gabriel et moi-même. Ces réunions furent très frustrantes car, une fois encore, nous nous sommes retrouvées dans une situation où les représentants des organisations autochtones et de la société civile furent les seuls à parler. Il y avait des représentants fédéraux mais il n'y a pas eu de « Voici où nous en sommes, voici où vous en êtes, essayons de parler d'un espace créatif où nous pourrions nous rapprocher », parce que nous ne savions pas où ils en étaient. La réponse qu'ils n'ont cessé de répéter était que le rapport n'avait pas encore été rédigé. On peut supposer qu'ils connaissaient leur position mais ils ne nous l'ont certainement pas communiquée.

Très franchement, je pense qu'ils n'avaient strictement aucune intention d'obtenir la contribution de la société civile si elle ne concordait pas exactement avec leur propre position, et que cette position ne sera pas modifiée ni réexaminée du fait de notre contribution, à moins que ce ne soit dans un espace neutre et qu'ils n'aient déjà l'intention de la modifier. Il n'y a là aucun dialogue et ce n'était pas une situation dans laquelle nous pouvions considérer que nos opinions étaient prises au sérieux.

Je dois dire également que la deuxième journée fut très intéressante car la majeure partie des participants représentait les organisations autochtones. Mon collègue d'Amnistie internationale et moi-même étions les seuls non- autochtones présents. Il y avait par contre un nombre extraordinaire de représentants fédéraux dont la majeure partie n'a pas ouvert la bouche de toute la journée.

Le 30 mars, quand votre comité a rencontré des représentants du gouvernement, Diane Fulford a dit : « Nous écouterons attentivement les informations qui nous seront communiquées. Les contributions seront sérieusement prises en compte pour formuler la réponse. En vertu des lignes directrices de l'EPU, les États ont l'obligation explicite d'assurer la pleine participation de la société civile. »

Je pense que cela doit beaucoup nous inquiéter. Je crois que les représentants du gouvernement ont déjà formulé leurs réponses aux questions et je ne crois pas qu'ils soient autorisés à s'en écarter. Je pense que les réponses ne sont pas toujours factuelles.

En outre, lors de cette réunion du 30 mars, la présidente a demandé si le Canada devrait adopter une approche différente à l'égard de la société civile mais cette question n'a pas vraiment fait l'objet d'une réponse. Je dois dire cependant que, oui, le Canada doit adopter une approche différente avec la société civile. Lors de cette réunion, Patrimoine canadien vous a présenté un tableau montrant comment fonctionne tout le processus de l'EPU. Ce tableau ne nous a jamais été présenté et il ne l'a jamais été non plus lors des réunions dont j'ai parlé.

Lorsque le Canada s'est exprimé à Genève, lorsque John Sims a fait sa déclaration liminaire, il a dit ceci : « Nous considérons que la participation de la société civile est un aspect important du processus de l'EPU ». Si j'en crois ce que j'ai vu personnellement, rien n'est plus éloigné de la vérité.

L'une des recommandations reçues par le Canada lors de l'EPU concerne la déclaration, dont 18 États ont tenu à parler. Pour ma part, beaucoup des États avec qui j'avais parlé auparavant avaient fréquemment soulevé cette question. C'est parce que des États de toutes les régions, notamment beaucoup qui sont des partenaires et des alliés du Canada, sont frustrés par le comportement du Canada à ce sujet et n'acceptent pas ses arguments.

Il importe de savoir que, du point de vue des droits humains, le Canada dit : « Nous avons voté non et ça ne s'applique donc pas à nous ». Très franchement, ce n'est pas comme ça que fonctionne le système international. Nous ne parlons pas ici d'un traité ou d'une convention mais d'une déclaration sur les droits humains. Lorsqu'une déclaration sur les droits humains est adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU, elle est considérée d'application universelle.

Le Canada n'a jamais adopté une telle position auparavant, ce qui inquiète la communauté des droits humains. La position du Canada mine le système des droits humains. Si chaque État commence à dire que telle ou telle déclaration ne s'applique pas à lui parce qu'il a voté non, c'est tout le système international qui risque de s'effondrer. Ce système a besoin que le Canada assume un rôle de leadership sur la question des droits humains, notamment parce que le Canada a passé plusieurs décennies à jouer un tel rôle et à bâtir sa réputation. En rejetant cette déclaration, le Canada mine sa réputation.

Ellen Gabriel, présidente, Femmes autochtones du Québec :

[Le témoin s'exprime en langue autochtone.]

Dans ma culture, nous nous présentons dans notre propre langue. Je suis Katsi'tsakwás du Clan de la tortue, du Peuple du silex, encore appelé le peuple Mohawk. Je rends hommage au Créateur pour tout ce qu'il nous donne, pour le fait qu'il nous permet de vivre encore un jour de plus sur notre terre nourricière, et pour tout ce qu'elle nous donne pour répondre à nos besoins et nous nourrir. Elle nous enseigne chaque jour parce que c'est notre mère.

J'aimerais dire que j'ai participé à la session de janvier et aux deux sessions de la semaine dernière. Très franchement, je dois vous dire que j'étais épuisée lorsque vendredi est arrivé. Willie Littlechild et moi-même — et une représentante de l'AFAC est arrivée l'après-midi — étions là dès le premier jour et notre frustration n'a fait qu'augmenter le deuxième.

Je parle de frustration à cause de ce qu'on a déjà dit : alors que nous demandions et fournissions beaucoup d'informations au sujet des recommandations — nous avons fait beaucoup de bonnes suggestions aux bureaucrates qui étaient présents — , ils n'ont jamais pu répondre à aucune de nos questions. Même le premier jour, je leur ai demandé d'envoyer le lendemain des gens qui pourraient répondre à nos questions.

Ce ne fut pas une session de participation ni même de consultation. Les représentants du gouvernement se sont contentés de recueillir des informations. C'est tout. C'est à ça qu'a servi l'argent des contribuables et c'est ce qu'ils appellent des consultations.

Je dois dire que, pour moi, ce n'étaient pas du tout des consultations. Je suis allée là de bonne foi même si, en janvier, j'avais déjà eu l'impression qu'on ne nous écoutait pas. En outre, nous avons adressé un rapport au greffier vendredi dernier. C'est un rapport rédigé par les Femmes autochtones du Québec. Toutefois, je tiens à dire qu'il y a là, dans l'ensemble, certaines choses sur lesquelles je pense que toutes les organisations autochtones s'entendent, notamment l'idée d'examiner plus attentivement la suggestion concernant la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien — ou quelqu'un des Affaires indiennes ou de Justice Canada — nous a dit que le Canada avait formulé cette réserve conformément aux requêtes des organisations autochtones, il y a bien longtemps. Cette réserve concernait en particulier le devoir d'incarcérer les enfants séparément des adultes. Quand nous avons maintenant plus d'enfants en foyer nourricier que nous en avions dans les pensionnats, nous ne pensons pas qu'il s'agira d'une bonne réserve. Toutefois, nous aimerions examiner de plus près quelle incidence cela pourrait avoir pour nous.

Je suis d'accord avec les témoins précédents au sujet de certaines des recommandations mais je ne suis pas particulièrement enthousiaste au sujet de celle qui concerne les revendications territoriales, notamment parce que le critère retenu fait que le fardeau de la preuve nous incombe. Je pense qu'il y a là des choses qui avantagent plus la Couronne que les nations autochtones, par exemple l'imposition des systèmes de conseil de bande à nos collectivités, ce qui irait à l'encontre du pouvoir et de la souveraineté des gouvernements traditionnels.

Je crois que cela mérite plus de discussion. Lors de nos prétendues consultations, on nous avait promis qu'il y aurait plus de dialogue au cours des quatre prochaines années puisque le Canada devra à nouveau faire l'objet d'un Examen. Par conséquent, j'espère que ce sera sérieux. Il importe de souligner — je sais qu'on vous l'a déjà dit mais je tiens à le répéter — que l'impact de la colonisation, l'existence en 2009 de la Loi sur les Indiens et le fait que le gouvernement fédéral a porté en appel l'arrêt Sharon McIvor prouve que nos droits ne sont pas respectés et qu'il n'y a au gouvernement canadien aucune initiative, aucun processus ni aucun mécanisme pour corriger les effets de la colonisation. Et tout cela malgré les excuses formulées par le premier ministre le 11 juin au sujet des pensionnats. C'est encore le statu quo.

À en juger d'après la Loi sur les Indiens, on continue de nous traiter comme des enfants. J'avais dit aux fonctionnaires participant à ces consultations que s'ils cherchaient quelque chose pour remplacer la Loi sur les Indiens, la solution était toute trouvée : la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En qualité de personne autochtone, et de personne qui a connu des gens nés à la fin des années 1800 — je ne suis pas si âgée que cela mais, quand j'étais petite fille, j'ai connu des Anciens de cette époque — , je me souviens qu'il y avait eu des débats sur la question de savoir si nous devrions accepter l'électricité, par exemple, parce que certains pensaient que cela renforcerait notre assimilation.

Ce sont toutefois ces gens qui m'ont appris pourquoi nous sommes ici. C'est notre terre et nous sommes censés en prendre soin. Nous sommes censés le faire pour ceux qui n'ont pas de voix, comme les animaux, les plantes et les arbres. Telle est notre philosophie autochtone. Je sais que je m'écarte peut-être un peu du sujet mais bien des gens ne comprennent pas ce que représentent les peuples autochtones en Amérique du Nord. Vous ne voyez que la version colonisée de nos peuples, vous ne voyez pas notre identité réelle de peuples autochtones.

Il est vraiment triste que le Canada en soit encore dans ce processus archaïque dans sa relation avec les peuples autochtones. J'attends encore de vraies consultations. On parle de l'honneur de la Couronne mais que vaut-il dans ce processus qui ne respecte pas nos droits humains? Où est l'honneur de la Couronne en ce qui concerne la violence faite aux femmes autochtones? Il y a 513 femmes autochtones qui ont été assassinées ou qui sont disparues. Qu'a fait la Couronne?

Comme notre rôle dans le processus de décision pour nos peuples et nos nations a été dévalorisé et minimisé par la Loi sur les Indiens, après 1985 et l'adoption du projet de loi C-31, il y a aujourd'hui des collectivités tellement colonisées qu'elles n'autorisent même pas les femmes autochtones et leurs enfants à y être enterrés? Voilà jusqu'où va l'impact de la colonisation.

Je conviens qu'il faut se pencher sur les causes profondes. Il y a des recommandations qui ont été formulées et on ne peut pas se pencher superficiellement sur les causes profondes de ce qui arrive aux femmes autochtones et aux enfants. On ne peut pas se pencher superficiellement sur la raison pour laquelle il n'y a pas d'égalité dans les revendications territoriales ou sur ce que font les journalistes. Le gouvernement fédéral est tout aussi coupable de causer du racisme et de promouvoir la haine contre les peuples autochtones. Il parle toujours de dollars en répétant continuellement combien coûtent les peuples autochtones aux contribuables. Il est temps de mettre fin à la relation de dépendance dans laquelle nous nous trouvons.

Le ministère de la Justice et Patrimoine canadien nous ont demandé d'indiquer les instruments internationaux que nous préférerions avoir. Au début du document, on nous a demandé quels instruments internationaux sont prioritaires à nos yeux. Nous sommes tous convenus que nous ne pouvions pas choisir. Nous savons qu'il y a des membres de la société civile qui sont tout aussi marginalisés que les peuples autochtones. Il y a donc beaucoup de travail à faire sur tout ce processus. Nous sommes en tout cas heureux d'avoir au moins la possibilité d'exprimer notre frustration sur le fait qu'il n'y a pas eu de dialogue.

J'espère que votre comité sénatorial ne tombera pas dans le piège des prétendues consultations de Patrimoine canadien, qui n'ont servi qu'à recueillir des renseignements. J'espère que vous n'êtes pas ici uniquement pour recueillir des renseignements et produire un rapport. J'espère que vous êtes aussi préoccupés que nous par le fait que la réputation du Canada a été ternie, que le Canada semble penser que seulement certaines catégories de personnes peuvent avoir des droits humains, et que la Constitution ne s'applique qu'à certaines périodes.

Quelles que soient les lois qu'on voudra nous imposer, nous ne disparaîtrons pas. Nous irons devant la communauté internationale. Le Canada était autrefois l'un des principaux défenseurs des droits humains dans le monde. N'est-il pas honteux que nous soyons maintenant obligés d'aller devant la collectivité internationale pour essayer de faire reconnaître nos droits? Je pense que c'est honteux. Le Canada est un grand pays.

Je vois que vous regardez l'horloge et je vais donc en rester là. J'espère que nous aurons un dialogue ce soir.

La présidente : Merci.

Le sénateur Brazeau : Je remercie tous les témoins d'être venus devant le comité. J'ai deux questions à poser.

La première concerne la consultation, chose qui n'a pas le même sens pour tout le monde. D'après mon expérience, il y a eu des situations où j'ai participé à des réunions dans mes fonctions précédentes. Dès qu'une réunion n'avançait pas comme certaines personnes l'avaient prévu, on disait qu'il s'agissait de partage de renseignements ou de collecte de renseignements. Par contre, quand c'était un succès, on disait qu'il y avait eu une consultation. J'aimerais que vous me disiez, chacun d'entre vous, ce que serait un vrai processus de consultation avec le gouvernement du Canada.

Deuxièmement, je ne considère pas, malgré tout le respect que je vous dois, que la réputation du Canada soit ternie en ce qui concerne les droits humains. D'autres témoins, lors d'autres réunions, ont indiqué que la situation est relativement bonne dans notre pays si on la compare à celle des peuples autochtones dans le reste du monde.

Nous avons une Constitution et des droits qui y sont reconnus. Nous avons un processus de revendications particulières. Nous avons eu les excuses de l'an dernier au sujet des pensionnats. Nous avons des traités. On dépense chaque année plus de 10 milliards de dollars pour les peuples autochtones de ce pays. Je ne vous demande pas si vous êtes d'accord avec moi ou non.

Puisque nous parlons des droits humains, les peuples des Premières nations du Canada n'avaient pas accès à la Commission canadienne des droits de la personne avant juin 2008 s'ils estimaient faire l'objet de discrimination. Bon nombre d'organisations autochtones, de représentants et de chefs du Canada sont allés devant le forum international pour dire que le Canada ne respecte pas les droits humains internationaux puisqu'il n'accepte pas la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Toutefois, je n'ai pas vu ces mêmes chefs et représentants se battre au Canada même pour avoir ces droits.

Mme Jacobs : En ce qui concerne votre première question, il y a consultation lorsque les femmes autochtones ont le sentiment qu'elles se font entendre et lorsqu'elles considèrent non seulement qu'elles se font entendre mais aussi qu'on les a entendues et qu'elles ont participé à un processus débouchant sur de l'action. Ça n'est encore jamais arrivé.

Vous avez parlé de la Commission canadienne des droits de la personne et de l'abrogation de l'article 67. Il n'y a pas eu de consultation. C'était ça le problème, il n'y avait pas de consultation.

Pour les femmes autochtones, il y a quotidiennement transgression de leurs droits humains. Il y a eu cette abrogation pour permettre aux femmes autochtones d'invoquer la Loi canadienne sur les droits de la personne mais le problème que nous avions soulevé concernait l'accès à la justice. Les femmes vivant dans la pauvreté n'ont pas accès à la loi, malgré la modification. Voilà les autres questions auxquelles il fallait s'attaquer en ce qui concerne la transgression des droits humains. Il ne suffit pas de changer la loi pour s'imaginer que tous les problèmes sont réglés. Actuellement, ce n'est pas le cas.

Vous dites que les droits humains des peuples autochtones sont mieux respectés au Canada qu'ailleurs mais la situation n'est pas différente. J'ai passé du temps en Colombie, au Pérou et au Guatemala. Tous les problèmes que connaissent les femmes autochtones là-bas ne sont pas différents de ceux qu'elles connaissent au Canada. Des dirigeantes autochtones sont assassinées ou disparaissent. Ce n'est pas différent de ce qui se passe au Canada où des femmes autochtones sont assassinées ou disparaissent aussi.

Les droits des femmes sont transgressés quotidiennement. Ce n'est pas différent ailleurs. Le problème est le même. Les droits humains des peuples autochtones et des femmes autochtones sont transgressés de la même manière. C'est seulement quand il n'y aura plus de femmes autochtones assassinées ou disparues et quand n'importe quelle femme autochtone pourra se sentir en sécurité dans sa collectivité que nous pourrons dire que les choses ont vraiment changé.

Le sénateur Brazeau : Je suis parfaitement d'accord avec vous là-dessus. Je ne pense pas qu'il y ait de débat à ce sujet. Nous sommes sur la même longueur d'ondes.

Cela dit, ma question portait sur la Déclaration de l'ONU. Beaucoup d'organisations, de chefs et de représentants autochtones demandent au gouvernement fédéral de l'adopter, ce qui soulève deux questions. Quelles mesures avez- vous prises pour tenter de convaincre le gouvernement du Canada de changer sa position et d'adopter la Déclaration? Théoriquement, si le gouvernement du Canada décidait d'adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qu'est-ce que cela changerait dans la vie d'un Autochtone ici même, au Canada?

Mme Preston : Je peux répondre avec plaisir à la partie de votre question concernant ce que nous avons fait pour convaincre le gouvernement du Canada.

Il existe une coalition spéciale d'organisations des droits humains qui collabore avec les organisations autochtones depuis plusieurs années. Vous avez tous reçu une copie de la Déclaration ce soir et vous pouvez constater que nos organisations sont mentionnées au verso. Vous savez qui nous sommes.

Nous avons lancé plusieurs initiatives et stratégies. Il y a eu l'an dernier une motion couronnée de succès à la Chambre des communes, lorsque que le Parlement a estimé que le Canada devrait endosser... Au fait, le Canada ne peut pas adopter la Déclaration mais simplement l'endosser, comme vient de le faire l'Australie, en disant qu'il a changé de position et qu'il endosse maintenant ce document. C'est un détail juridique que je voulais préciser.

Il y a eu un vote favorable au Parlement. Nous avons travaillé avec de nombreux fonctionnaires fédéraux. Vous savez probablement que de nombreux ministères fédéraux, avant le vote, avaient donné à leur ministre de l'instruction que le Canada devrait adopter la Déclaration. Ce que je dis est connu grâce à une demande d'accès à l'information d'Amnistie internationale.

Nous avons beaucoup travaillé avec les fonctionnaires fédéraux avant le vote. Il n'y avait rien que nous puissions faire pour modifier la position du Canada à ce sujet mais, depuis lors, nous travaillons avec tous les partis politiques pour essayer d'amener le gouvernement à appuyer la Déclaration.

Le problème est que nous ne réussissons pas à obtenir de réponse du gouvernement fédéral actuel. Il n'y a eu aucune participation, aucune consultation ni aucun dialogue, que ce soit avec les organisations de droits humains ou avec les organisations autochtones depuis l'adoption de la motion.

Vous avez aussi parlé de consultation. Je suis sûre que vous savez très bien que le devoir constitutionnel de consulter les peuples autochtones est complètement différent de l'obligation de consulter une organisation de la société civile. Ce sont deux choses complètement différentes. Il est bon que l'État dialogue avec la société civile mais il ne faut pas oublier qu'il a l'obligation légale de consulter les peuples autochtones.

La présidente : J'ai beaucoup de noms sur ma liste. Avez-vous d'autres questions?

Le sénateur Brazeau : J'avais demandé en quoi exactement la Déclaration améliorerait la vie d'une personne autochtone du Canada.

Mme Gabriel : Nous pourrions peut-être tous conduire des VUS Porsche.

Je pense que ce serait un signe de respect envers nos peuples. Nous avons des terres, nous avons des territoires, nous avons une culture, nous avons une langue, et cela nous est nié depuis l'arrivée des Européens.

Ayant participé à certaines des réunions auxquelles vous étiez, sénateur Brazeau, je peux dire qu'il est dommage que toutes ces prétendues réunions de consultation n'aient jamais donné satisfaction à personne. Je pense que la consultation doit être un dialogue. Elle suppose qu'on communique sa position à l'autre partie. Je n'ai pas vu ça aux réunions auxquelles j'ai participé sur cette question. Personne n'a pu répondre à nos questions. Personne ne nous a dit quelle était la position du Canada. Le vrai problème est de savoir pourquoi l'honneur de la Couronne n'est pas représenté ici. Ce n'est pas une question de débat.

Je m'excuse de la remarque infantile que j'ai faite au début. C'est parce que j'ai encore de la frustration. À moins que vous n'ayez visité chaque collectivité du Canada, je ne pense pas que vous ayez le droit de dire ce que vous avez dit. Vous pouvez le dire mais je ne pense pas que vous puissiez le justifier. Je préférerais répondre aux questions d'autres personnes.

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie de cette publicité gratuite pour ma concession.

La présidente : Nous devrions éviter ce genre de dialogue. Tout le monde a le droit d'exprimer son opinion au Sénat et je pense que les sénateurs présents dans cette salle souhaitent simplement exprimer leur opinion et participer à un dialogue. Je n'ai pas l'intention de réagir à vos commentaires mais j'espère que nous pourrons continuer à exprimer librement nos points de vue respectifs.

La consultation et le dialogue signifient que nous ne sommes pas toujours d'accord mais, si nous sommes tous prêts à exprimer honnêtement notre opinion, je pense que nous pourrons avancer. J'espère que nous pourrons continuer dans cet esprit.

J'en profite pour poser une question. J'ai participé à certaines des premières consultations d'ONG avec la Commission des droits de l'homme, il y a bien longtemps. On n'attendait jamais de moi, à titre de représentante, que j'expose la position du gouvernement. Il était toujours entendu par les ONG que j'étais là pour recueillir les opinions des participants afin de pouvoir les communiquer au gouvernement. Il est vrai que nous avions eu plus de sessions et plus de temps. Au bout d'un certain temps, le gouvernement produisait sa réponse en annonçant sa position sur les questions soulevées.

Le problème que nous connaissons aujourd'hui ne vient-il pas du fait que nous ne savions pas à quoi ressembleraient le Conseil des droits de l'homme et l'Examen périodique universel? Par exemple, on nous avait dit que le tour du Canada n'arriverait pas si rapidement. Ensuite, on nous a dit le tour du Canada arriverait en novembre et, en fin de compte, il est arrivé en février. Est-ce que ce ne sont pas ce processus et ces changements qui ont causé beaucoup de problèmes?

Je respecte les autres remarques que vous avez faites mais pensez-vous que nous devrions formuler une recommandation — c'est une question que se pose le comité — sur la procédure à suivre dans les quatre années à venir, au lieu de quatre mois?

Je ne voudrais pas être à la place du gouvernement qui reçoit un rapport de 70 nations et qui n'a que quatre mois pour le faire circuler dans le labyrinthe bureaucratique et politique afin de produire une réponse. C'est impossible.

Madame Jacobs, vous et moi avons participé à des consultations sur une question différente. Il avait fallu six mois pour obtenir le rapport, et il ne portait que sur une question. Il n'y a pas eu assez de temps. Comment pouvons-nous nous assurer de ne pas retomber dans ce piège du temps, qui cause des malentendus?

Je sais que, quand nous étions à Genève, nous ne pouvions pas obtenir de réponse d'eux l'an dernier sur la forme que prendrait l'Examen périodique universel — sur ce qu'on pouvait en attendre. Nous nous débattons maintenant avec le nouveau et, au lieu de nous concentrer sur ce qui n'a pas marché, nous devrions peut-être voir comment sortir du dilemme dans lequel nous nous trouvons. Comment pouvons-nous trouver quelque chose de plus efficace, de plus réel, permettant de porter un jugement valide sur le gouvernement, quel qu'il soit, afin de lui dire voici les étapes, voici processus, pourquoi avez-vous fait ceci ou pourquoi n'avez-vous pas fait cela?

Ne devrions-nous pas nous concentrer d'abord sur l'instauration d'un processus adéquat?

Mme Jacobs : Tout d'abord, au sujet des délais, je conviens que c'est toujours un problème quand il y a des changements. Toutefois, ce que nous exprimons ici, c'est la frustration que nous avons ressentie dans ce processus parce qu'il n'y avait pas d'engagement, pas de dialogue, pas de vraie discussion. C'est ça le problème.

Considérant le temps dont on disposait, les gens ont pensé que ce n'était pas respectueux ni honorable. C'est ce qui a causé de la frustration. Certes, nous avons tiré nos leçons de cette situation. Si nous tirons des leçons qui nous permettent de faire mieux, nous aurons au moins tiré quelque chose de ces erreurs.

Si nous apprenons de nos erreurs, nous avons quatre ans devant nous. Essayons donc de voir ce que cela signifie et ce que peut être un vrai processus de participation. Ça ne concerne d'ailleurs pas que le processus des droits humains. Ça concerne aussi tous les autres domaines qui nous préoccupent à l'égard du gouvernement canadien — l'environnement, les biens matrimoniaux, la Loi sur les Indiens. Je parle de toutes les questions au sujet desquelles le Canada devrait participer à un vrai dialogue avec les peuples autochtones. Pour ce faire, comme l'a dit le sénateur Brazeau, quel est le processus de consultation?

Lorsque les gens ont la possibilité de s'exprimer et qu'ils ont le sentiment que ça produit des changements, ils réagissent positivement. Si cela signifie que nous devons parler à chaque membre de notre communauté, c'est ce que nous ferons. Je peux vous dire ceci au sujet de la consultation dans ma communauté : il y a un processus interne qui permet à chacun d'exprimer son point de vue. Chacun devrait avoir la possibilité de présenter son opinion et de participer à un dialogue respectueux. Ça ne devrait pas aller que dans un sens. C'est ça la question.

La présidente : Ce serait utile.

Mme Preston : La semaine dernière, nous avons explicitement demandé si les organisations des peuples autochtones de la société civile auraient la possibilité de voir l'ébauche de rapport du gouvernement, avant sa présentation en juin au Conseil. On nous a dit que non. Nous n'avons pas eu accès au rapport national avant qu'il soit présenté et nous n'y avons pas contribué. Nous ne verrons pas le rapport final avant qu'il soit présenté en juin, bien que je sois sûre qu'il contiendra un paragraphe disant que la société civile et les peuples autochtones ont été consultés.

Cela aussi est problématique. De même, lors de la petite réunion organisée par les Affaires étrangères en juin dernier, qui portait plus sur le processus, on avait fait venir une représentante du Royaume-Uni parce que ce pays avait déjà fait l'objet d'un EPU. Lors de la première session, elle a parlé de l'expérience du Royaume-Uni. Elle a fait un exposé fantastique et j'étais ravie parce que je me disais que c'était ce que le Canada allait faire. Elle a beaucoup parlé de l'engagement de la société civile. C'est dommage parce que les Affaires étrangères avaient fait venir cette personne d'Angleterre pour qu'elle décrive son expérience mais nous n'avons rien fait de semblable. Le Royaume-Uni avait fait l'objet d'un Examen un an avant le Canada et on ne peut donc pas dire que nous n'avions pas eu le temps de nous préparer.

Nous disons que nous avons tiré les leçons de nos erreurs mais l'Examen s'est tenu la première semaine de février. Comme on savait que nous n'aurions que quatre mois pour préparer notre rapport, on n'aurait pas dû attendre deux mois et demi pour organiser les premières réunions. On aurait dû les organiser dès la fin du mois de février, pas la fin du mois d'avril. C'est ce qu'il aurait fallu faire et il aurait été facile de le faire.

Le sénateur Poy : Je voudrais revenir sur ce que vous venez de dire, Mme Preston et Mme Jacobs. Je ne crois pas que ce soit une question de mois ou d'années car, historiquement, les Autochtones ont toujours été mal traités au Canada. Qu'est-ce qui aurait pu changer en quelques mois ou quelques années? Le problème est beaucoup plus fondamental. Il faudrait que le gouvernement réalise pleinement que nous avons des problèmes et que nous avons beaucoup de choses à changer.

Mme Gabriel a parlé de colonisation. Que se passerait-il, à votre avis, si le gouvernement abrogeait la Loi sur les Indiens? Devrait-t-il la remplacer par quelque chose d'autre? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Gabriel : C'est une bonne question. Les représentants autochtones disaient qu'il faudrait remplacer la Loi sur les Indiens, mais par quoi? C'est là qu'un processus de consultation serait utile, de façon à déterminer par quoi on pourrait remplacer cette loi, quel genre de réconciliation il pourrait y avoir entre les Autochtones et l'État canadien au sujet de toutes les questions qui nous sont importantes, et comment nous pourrions coexister pacifiquement avec la société canadienne.

Il a fallu 100 ans pour arriver où nous en sommes aujourd'hui à cause de la Loi sur les Indiens et de la destruction de nos langues. Bon nombre de collectivités souhaitent retrouver leur langue et faire en sorte que les jeunes la parlent. Nous voulons que nos terres soient préservées parce qu'elles sont un élément tellement essentiel de notre identité. Nous nous tournons vers la terre pour trouver la santé et la paix. La décolonisation, c'est plus que retrouver notre identité. Nous ne pouvons pas vivre comme vivaient nos ancêtres parce que nous ne pouvons pas pêcher dans les cours d'eau ni chasser. Tout le processus de décolonisation doit d'abord reposer sur de vraies discussions entre les Autochtones eux- mêmes et ensuite de vraies discussions avec des représentants du gouvernement canadien. C'est ce que nous avons toujours souhaité et c'est ce que nos Anciens nous ont appris. Actuellement, il y a tellement de politiques et de programmes qui, selon moi, contribuent à l'assimilation forcée. Bien qu'il y ait de bonnes choses, cela détruit notre identité et nous détruit comme peuples autochtones. Je ne voudrais certainement pas que les seules choses restant de notre identité soient celles qu'on voit dans les musées.

Nous avons beaucoup parlé de cette question entre nous mais pas assez avec des représentants du gouvernement.

Le sénateur Poy : Pensez-vous que cela résoudrait le problème, au lieu d'avoir recours aux suggestions d'autres gouvernements à l'ONU sur ce que le Canada devrait faire à l'égard de ses peuples autochtones?

Mme Gabriel : Je ne suis pas sûre de bien comprendre.

Le sénateur Poy : D'autres gouvernements ont fait de nombreuses suggestions à l'ONU sur ce que le Canada devrait faire pour améliorer la situation des peuples autochtones. Est-ce qu'on devrait commencer par abroger la Loi sur les Indiens?

Mme Gabriel : Ce serait un bon point de départ mais il faut faire attention. Par quoi la remplacerait-on pour assurer notre réconciliation avec la Couronne? Y aurait-il de nouveaux traités? Quels éléments des vieux traités, en particulier de la Chaîne du pacte d'argent, pourrions-nous conserver? De bonnes recommandations ont été formulées, avec de bonnes intentions, mais nous avons besoin de plus de détails sur le processus et d'une plus grande contribution des peuples autochtones eux-mêmes sur la formulation du changement.

Le sénateur Poy : Nous avons déjà entendu ce message.

Mme Jacobs : La Loi sur les Indiens englobait tout et traitait toutes les nations autochtones de la même manière. Quand vous faites une déclaration généralisée sur la manière de changer les choses, si vous abrogez la Loi sur les Indiens, ce sera différent dans chaque collectivité. Certaines s'appuieront peut-être sur la Loi sur les Indiens et d'autres, non. Certaines s'appuieront sur des gouvernements traditionnels alors que d'autres ont des gouvernements coutumiers. Tout cela doit être examiné dans le processus de consultation parce que toutes les nations ne sont pas les mêmes. Nous avons des langues différentes, des cultures différentes et des histoires différentes sur la Création. Pour moi, tout ça fait partie des différences entre toutes les nations autochtones.

Le sénateur Poy : Après vous avoir tous écouté, je me demande si vous vous sentez très cyniques, notamment en ce qui concerne l'image internationale du Canada comme champion des droits humains.

Mme Jacobs : Je pense que vous avez pu percevoir notre cynisme.

La présidente : Veuillez m'excuser, il y a à la table quelqu'un que je ne connais pas.

Paul Joffe, conseiller juridiques, Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) : Je m'appelle Paul Joffe et je suis avocat pour le Grand conseil des Cris. Romeo Saganash m'a demandé d'aborder certaines de ces questions.

La présidente : C'est un peu inhabituel, je me permets de le dire, et nous allons bientôt manquer de temps. Je ne vois pas bien à quelle question vous aimeriez répondre. Allez-vous revenir sur toutes les questions qui ont été posées ou seulement sur la dernière? Si c'est la dernière, vous pouvez répondre si vous le souhaitez mais nous allons devoir faire vite car d'autres sénateurs souhaitent intervenir.

Mr. Joffe : Si vous voulez continuer, vous pouvez continuer.

La présidente : Vous pouvez répondre à la dernière question si c'est ce qu'on vous a demandé de faire.

Le sénateur Poy : Oui, sur le cynisme.

M. Joffe : Je ne pense pas que ce soit une question de cynisme mais plutôt une question de droits humains. Permettez-moi de vous donner un exemple concret, puisque nous parlons de l'EPU. La 11e recommandation, adressée par le Maroc au Canada, parle de maintenir la politique annoncée au palier fédéral, provincial et territorial pour la promotion et la protection de tous les droits humains.

Le Canada aimerait savoir ce que pensent les peuples autochtones et la société civile. Nous avons posé explicitement la question. Quand on dit « tous les droits humains », cela englobe-t-il les droits collectifs des peuples autochtones? Par exemple, quand le Canada répond oui et dit qu'il assurera la promotion et la protection de « tous » les droits humains, nous n'avons pas beaucoup avancé si nous ne savons pas si cela comprend les droits collectifs des peuples autochtones. Un oui ou un non ne nous dit pas grand-chose. Cela touche au cœur du problème. Nous n'avons pas un discours sur les droits humains. Le devoir de consulter, d'avoir un discours cohérent, suppose, comme le disait M. Saganash, que nous parlons « un langage commun d'humanité », de droits humains. Cela a constamment été répété.

Je vais vous donner un exemple qui ne concerne pas seulement l'EPU. J'ai lu vos rapports annuels des deux dernières années concernant le Canada et le Conseil des droits de l'homme. J'y ai trouvé quelque chose sur le vote en bloc. Vous avez expliqué comment le Canada est isolé et comment on a abusé le Conseil des droits de l'homme. C'est valide, cela affecte tout, y compris l'EPU. Toutefois, l'expérience a montré que le Canada a lui aussi exploité le vote en bloc quand il ne pouvait pas obtenir d'appui et qu'il a vu le groupe africain arriver avec une proposition. Il avait environ 33 amendements à la déclaration de l'ONU, notamment pour retirer le droit à l'autodétermination, ce que le Canada accepte et a ratifié dans les pactes, et pour respecter seulement les traités existants, sans plus parler de traités futurs. Le Canada, y compris la femme assise là-bas au fond avec Willie Littlechild, très harmonieusement, est arrivé avec des dispositions de traités, ce qui fait que ça ne convenait pas au Canada. La proposition disait aussi que chaque pays, chaque État, déterminerait unilatéralement qui est « autochtone ». Les droits fonciers et les droits touchant les ressources, « sujets à la législation nationale », n'existent pas — désolé, pas de droits. Je vous donne juste un aperçu de leur proposition.

Le Canada a rédigé une lettre avec le Suriname, pays qu'on a trouvé coupable de crimes contre l'humanité, la Fédération russe qui, comme vous le savez, n'est pas un modèle, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, deux des États les plus obstructionnistes du processus, la Colombie, qui est peut-être l'endroit le plus dangereux pour les Autochtones à cause des assassinats, et la Guyana, qui n'est pas non plus un modèle. Ils ont écrit au président de l'Assemblée générale de l'ONU que « la nomination d'un facilitateur » — il devait y avoir un facilitateur, chose positive — « et le texte amendé proposé par le groupe africain constituaient une bonne base de discussion. »

Je dis ceci avec le plus grand respect : si vous voulez que le Conseil des droits de l'homme s'améliore, vous ne pouvez pas avoir des États se plaignant d'autres États — cependant, quand c'est dans leur intérêt, ou selon leur perception, qui exploitent le vote en bloc pour porter atteinte aux droits humains d'une manière qui va contre leurs obligations constitutionnelles et leurs obligations internationales. Voilà en partie pourquoi le Canada s'est trouvé isolé, parce qu'il a perdu la confiance des peuples autochtones, de la société civile et de leurs alliés.

Je fais cette remarque parce que, si vous voulez un bon processus d'EPU — et cela n'en est qu'une petite partie; l'EPU porte sur la performance des États — il doit y avoir un dialogue franc sur les droits humains. Ça ne peut pas être autre chose. J'en reste là.

La présidente : Merci. Nous sommes quasiment arrivés à la fin de la séance et j'ai encore trois sénateurs qui souhaitent participer au processus. Le sénateur Jaffer a attendu avec patience, ainsi que le sénateur Goldstein, et le sénateur Munson vient d'ajouter son nom. Ce seront donc les trois derniers intervenants.

Le sénateur Jaffer : Je suis très consciente de l'heure. Lorsque nous avons eu notre dernier rapport, nous avons prévenu Patrimoine canadien que ce processus arrivait et qu'il devait se préparer. Le ministère n'a donc pas été pris par surprise, il a eu un long préavis.

Ce comité était à Genève. Nous avons entendu de nombreux groupes au sujet de la Déclaration et du fait que la réputation de notre pays est entachée.

Quand on parle des femmes disparues à Vancouver, il ne faut jamais oublier qu'il y en avait aussi de Prince George. Je rentre jeudi pour traiter du problème du trafic de jeunes filles autochtones. Les abus continuent. Chaque sénateur est au courant et connaît vos préoccupations.

Comme l'heure est tardive, je vais vous demander une faveur. Nous ne pouvons pas continuellement ressasser le passé. Évidemment, vous savez bien que vous n'êtes pas les seuls à dire que le processus était déficient. Nous le savons. Je ne pense pas qu'on puisse faire quoi que ce soit au sujet du rapport de juin, d'autres groupes ont déjà dit que c'est trop tard. Parlons donc de l'avenir. Que faut-il faire à partir de maintenant? Quelle devrait être notre recommandation? Je n'attends pas votre réponse aujourd'hui, car je sais que d'autres sénateurs ont des questions à poser, mais je vous serais reconnaissante de nous donner une idée de ce que devrait être le processus, selon vous.

La présidente : Voulez-vous une réponse maintenant?

Le sénateur Jaffer : Une réponse rapide maintenant et plus complète plus tard.

Mme Preston : Je pense que cette question a déjà été abordée par d'autres témoins devant le comité. L'un des mémoires de l'EPU, signé par maintes organisations de la société civile, portait sur les carences au niveau de la mise en œuvre. Je pense que vous l'avez tous reçu. On y indique la solution.

La présidente : Voulez-vous parler de « Promesse et réalité »?

Mme Preston : Oui.

La présidente : Il a été déposé devant le comité par Amnistie internationale.

Mme Preston : C'est exact. La première solution consiste à remplacer la culture du secret du gouvernement sur ces questions par l'ouverture et la transparence. Voilà la clé. Il y a deux autres propositions un peu plus longues que vous pouvez examiner mais l'un des problèmes est qu'il n'y a pas de mécanisme efficace pour examiner les recommandations internationales et qu'il n'y a pas de mécanisme efficace pour essayer de travailler ensemble à la recherche de solutions communes. Nous avons besoin d'un tel mécanisme.

Le sénateur Jaffer : Nous l'avons. Ma question n'était pas assez claire, je m'en excuse. Je voulais savoir ce que nous devrions faire différemment lorsqu'il s'agit de la collectivité autochtone, car toutes les collectivités ne sortent pas du même moule. On ne doit pas les traiter toutes de la même manière. Après avoir examiné la suggestion d'Amnistie internationale, s'il y a une chose particulière que nous devrions envisager, selon vous, veuillez nous le faire savoir et nous verrons si nous pouvons la recommander.

La présidente : Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?

M. Saganash : Je répondrai brièvement. J'ai dit dans mon exposé que le comité devrait examiner sérieusement les positions du gouvernement du Canada au sujet de la Déclaration. C'est une chose. En outre, le comité devrait envisager sérieusement d'analyser en profondeur le traitement des droits humains des peuples autochtones dans ce pays. C'est une autre suggestion que je souhaite faire.

La présidente : Selon vous, nous devons nous concentrer sur le gouvernement fédéral mais il faut dire que les gouvernements provinciaux ont également un rôle à jouer. C'est l'une des difficultés de la situation actuelle. Au niveau international, c'est le gouvernement fédéral qui représente le Canada et c'est certainement lui qui fait l'objet de la majeure partie des commentaires mais il s'exprime aussi au nom des provinces dans ce processus.

Nous ne savons pas ce qui s'est passé entre les provinces et le gouvernement fédéral pour arriver à la position qui a été présentée, maintenant que nous savons ce qu'il y a dans le rapport. Il me semble essentiel de réfléchir également au processus des provinces et du gouvernement fédéral. Peut-être pourriez-vous tenir compte de ce facteur dans toute autre remarque que vous pourriez nous adresser pour nos recommandations.

Le sénateur Goldstein : Je ne veux pas poser de question, je veux simplement vous encourager à continuer de vous exprimer, à rester actifs, à continuer de forcer ou d'essayer de forcer le gouvernement à faire ce qu'il devrait faire. Surtout, continuez.

Le sénateur Munson : Il est dommage que nous n'ayons pas deux heures de plus.

La présidente : Il y aura une autre séance. Comme vous l'avez indiqué, nous ne renonçons pas à nos références. Nous produisons des rapports intérimaires plutôt que des rapports définitifs car je pense que quelqu'un a dit qu'il faut persister sur ces questions.

Le sénateur Munson : Nous comprenons tous très bien, après les témoignages de ce soir, qu'un cri vient d'être lancé. Je recommanderais au comité d'inviter le ministre Strahl à comparaître, ainsi que d'autres ministres car, si nous parlons du processus, du Conseil des droits de l'homme et de l'Examen périodique universel, un droit humain est un droit humain. Nous avons parlé de 60 groupes ici et de 30 groupes là mais il n'existe qu'un seul droit humain qui s'applique à chacun d'entre nous. Ce n'est pas non plus une question, c'est une déclaration.

Brièvement, quelles mesures positives le ministre pourrait-il prendre maintenant à ce sujet? Vous avez exprimé vigoureusement votre opinion et avez dit que tous les paliers de gouvernement devraient collaborer à un plan d'action national. Vous avez parlé des femmes, des familles, des tribunaux, de la protection des bandes, et cetera. Il se passe chaque jour des choses horribles dans ce pays et chaque jour, selon moi, les gouvernements, même s'ils ne détournent pas délibérément les yeux, ne prennent pas les mesures nécessaires pour réagir. Nous devons faire plus. C'est essentiellement ce que je voulais dire.

Mme Jacobs : Je souhaite ajouter quelque chose. Je pense qu'une partie du processus de décolonisation concerne la manière dont le processus doit changer avec le gouvernement. À l'heure actuelle, tout fonctionne dans des entités cloisonnées. Il y a les Affaires indiennes, la Santé, la Justice et la Sécurité publique, car tous ont une responsabilité à l'égard des peuples autochtones de ce pays.

Il devrait y avoir un groupe de travail intergouvernemental chargé d'examiner la sécurité des femmes autochtones, les violations des droits humains, la santé et le bien-être. Quand nous venons ici, nous venons dans un état d'esprit holistique en tenant compte de tout ce qui a une incidence sur qui nous sommes comme peuples. Ce mode de pensée holistique doit changer car c'est un élément du problème. La difficulté que nous rencontrons toujours est d'essayer de présenter nos solutions et nos recommandations devant des tribunes différentes et dans des processus différents où nous ne cessons de dire la même chose, continuellement. C'est une frustration permanente.

Il faut qu'il y ait un endroit où nous pourrions présenter toutes ces questions et solutions afin d'aboutir à quelque chose. Nous continuons de présenter des solutions positives et des changements qu'il faut mettre en œuvre mais on ne nous répond jamais. C'est une partie du problème.

La présidente : Si vous lisez notre rapport sur la Convention relative aux droits de l'enfant, vous verrez que nous y avons abordé cette question, c'est-à-dire la nécessité d'agir interministériellement. Nous avons dit aussi qu'il y a un besoin plus vaste. Il faut que la communauté autochtone s'unisse pour aborder ces questions concernant les enfants. Tout ce que je veux dire, c'est qu'on doit se pencher sur les besoins de l'enfant et voir qui peut le mieux y répondre. Nous ferions mieux de faire cela plutôt que de nous demander qui doit assumer la responsabilité et qui doit faire quoi.

Vous vous faites l'écho d'un thème qui a été traité par ce comité sur les enfants, mais il s'applique également à tous les autres problèmes.

Mme Gabriel : Les remarques formulées durant les réunions, pas seulement par les organisations autochtones mais aussi par les membres de la société civile, indiquaient que nous allions jouer un jeu sémantique et parler de quelque chose que doit faire le gouvernement alors que la réalité pourrait être un peu différente. Il pourrait y avoir un fond de vérité dans la Déclaration. On nous a dit que le gouvernement n'a que six pages pour répondre, ce qui limite la possibilité de dire toute la vérité.

Depuis 19 ans que je fais de la sensibilisation culturelle et que je m'exprime en public, j'ai vu toutes sortes de grandes études universitaires sur ces questions. Quand je suis allée à la Conférence sur la recherche en matière de politiques autochtones, j'ai participé à un atelier sur les langues. La femme qui dirigeait l'atelier était une ancienne employée à la retraite du MAINC. Je lui ai dit : « Vous avez toutes ces choses merveilleuses pour faire la promotion de nos langues et de nos collectivités mais c'est presque comme si le gouvernement savait ce qu'il faut faire pour réussir et faisait exactement le contraire ».

Voilà mon sentiment sur les politiques et les programmes. Voilà pourquoi nous avons besoin d'autre chose. Certes, convoquez le ministre Strahl, mais j'aimerais pouvoir discuter avec lui. Il ne faut pas qu'il se contente de faire une déclaration comportant toutes sortes de choses positives ne reflétant pas la réalité de la situation s'appliquant à certaines communautés. Cette approche panindienne, si je peux m'exprimer ainsi, représente ce que fait le gouvernement fédéral et ce que font les provinces.

Je conviens qu'il y a des problèmes de compétence gouvernementale. En ce qui concerne le Principe de Jordan, on m'a dit récemment que le MAINC a des fonds supplémentaires pour en assurer la mise en œuvre, ce qui est une excellente nouvelle, mais il y a tant d'autres choses à faire en même temps. Nous avons parlé d'un processus de décolonisation et de la nécessité de dialoguer.

J'ai dit à une femme du ministère de la Justice durant l'une de ces réunions que nous ne faisions pas cela uniquement pour nous mais aussi pour vous et pour les générations futures. Notre savoir autochtone nous enseigne comment préserver l'environnement pour que les générations futures puissent en bénéficier.

Si j'avais vécu il y a 500 ans, j'aurais voulu assimiler ces gens et leur apprendre ce qu'est la vraie démocratie, ce qu'est une vraie pratique holistique et ce qu'est la paix. C'est ce que j'aurais souhaité si j'avais vécu il y a 500 ans.

La présidente : Sur ces bonnes paroles, je dois dire que notre rôle n'est pas de prendre la place du gouvernement. Nous comprenons fort bien que la consultation doit se faire entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada ou les provinces.

Nous examinons les mécanismes existant au palier international afin de voir s'ils pourraient être efficaces dans notre intérêt à tous, comme vous dites. Voilà ce que nous essayons de faire ici. Nous voulons nous assurer que le processus de l'EPU ne cause de tort à personne au Canada mais contribue plutôt à lancer un dialogue positif, à la fois au sein de notre pays et internationalement.

C'est vraiment dommage. Ils parlaient d'un Conseil des droits de l'homme destiné à créer tout un nouveau concept qui avait été à l'origine vicié et terriblement faussé par la Commission des droits de l'homme. Ils n'ont pas pris le temps de réfléchir à la manière dont il serait mis sur pied. Ce serait simplement une nouvelle chose qui ferait table rase du passé. Nous ne voulons pas tomber dans ce processus ici. Nous voulons nous assurer que nous traitons sérieusement ces questions qui sont tout aussi importantes.

Le processus est important. C'est ce que vous ne cessez de dire. Voilà pourquoi je pense que les processus de l'EPU et du Conseil des droits de l'homme sont tout aussi importants que les droits fondamentaux qui sont énoncés. Si les droits n'existent que sur le papier, ils ne servent à rien. Ils peuvent nous guider mais c'est le processus qui assure leur mise en œuvre et qui donne un certain sens à toutes nos vies.

Nous ne parlons pas ici d'une question d'importance mineure et sachez bien que ce n'est pas un sujet que nous allons abandonner parce que nous voulons qu'il évolue. Nous allons formuler des critiques mais nous voulons aussi commencer à formuler des suggestions positives. Nous ne voulons pas dire que le gouvernement fait mal telle ou telle chose et qu'il la fait mal depuis 20 ans. Il est temps de dire ce qu'on peut faire de bien et de nous assurer ensuite que c'est vraiment fait.

L'une des questions les plus importantes est celle de la transparence. Si nous ne savons pas ce qui se fait, comment pouvons-nous juger? Ce comité permanent, où tant de décisions sont prises, fonctionne toujours à l'abri des regards, ce qui ne devrait pas être le cas, à mon avis, dans une société démocratique moderne. Je n'exprime pas ici ma position personnelle mais la position formulée par ce comité depuis environ sept ans. Nous allons continuer à le dire en espérant être entendus de temps à autre. Petit à petit, nous espérons contribuer à faire changer les choses. Votre présence aujourd'hui a contribué à changer notre dialogue. Merci.

(La séance est levée.)


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