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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 7 - Témoignages du 17 juin 2010


OTTAWA, le jeudi 17 juin 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 6 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare cette séance ouverte. Je vous souhaite à tous, la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, et je suis le président du comité. Ce matin, nous accueillons des représentants de J.D. Irving Limitée. Avant de présenter les témoins, je tiens à mentionner à nos invités que certains sénateurs ont planté des arbres au Nouveau-Brunswick. Je voudrais remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation.

[Français]

C'est un honneur pour nous ce matin de recevoir, de la compagnie JD Irving Ltée, M. Robert Pinette, vice-président des forêts de la grande corporation.

[Traduction]

Nous accueillons aussi Blake Brundson, chef forestier de J.D. Irving Limitée. Nous savons qu'il s'agit de chefs de file dans le secteur de la foresterie.

Le comité poursuit son étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir du secteur forestier canadien. Avant de demander aux témoins de faire leur déclaration, j'aimerais demander aux sénateurs de se présenter.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je suis le sénateur Michel Rivard de la province du Québec.

Le sénateur Eaton : Je suis Nicole Eaton de la province de l'Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je suis le sénateur Don Plett, du Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Je suis Kevin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je suis Fernand Robichaud, sénateur du Nouveau-Brunswick. Je crois avoir déjà entendu le nom J.D. Irving déjà dans mon coin.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Messieurs Pinette et Brundson, j'aimerais vous demander de faire votre exposé, qui sera suivi de questions des sénateurs.

Le greffier m'a dit que le premier porte-parole sera M. Pinette, qui sera suivi de M. Brundson.

Robert Pinette, vice-président de Woodlands, J.D. Irving Limitée : Bonjour, et merci de nous accueillir ici aujourd'hui et de nous permettre de prendre la parole. Nous sommes très heureux d'être ici pour vous faire part de notre vision pour l'avenir de la foresterie et de l'industrie des produits forestiers au Canada. Nous espérons que notre exposé vous sera utile dans vos délibérations et vos travaux.

Nous ferons notre exposé en anglais. Nous laisserons des exemplaires à votre disposition.

Nous allons vous décrire ce que nous faisons et qui nous sommes au sein de l'organisation Irving, de même que les répercussions des exploitations forestières au Nouveau-Brunswick. Nous exerçons des activités ailleurs qu'au Nouveau-Brunswick, mais c'est là que nous menons une importante partie de nos activités et nous engendrons des retombées considérables pour le développement économique de la province. La gestion des forêts, la sylviculture et l'incidence sur les changements climatiques constituent certains des sujets que nous voulons aborder. Nous aimerions discuter de la possibilité de créer un fonds pour le remplacement des machines forestières pour débloquer des crédits destinés aux exploitants forestiers, comme nous le faisons dans le domaine de l'agriculture au Canada. Nous allons parler des investissements dans la recherche et le développement, et de l'efficacité énergétique.

Nous faisons partie d'un grand groupe d'entreprises qui exercent leurs activités dans les Maritimes, bien que la famille Irving soit surtout active dans le Maine. Nous oeuvrons en foresterie et dans le domaine des produits forestiers. Nous travaillons aussi dans le domaine des transports, de la construction navale, de la fabrication, de la distribution, du détail, de la transformation alimentaire et de la construction.

Commençons par les transports. Nous exploitons trois importantes sociétés de transport à l'échelle du pays : Midland Transport, Sunbury et RST, soit Road and Sea Transport. Ensemble, elles possèdent la troisième flotte de camions commerciaux en importance au pays.

Nous exploitons aussi Irving Shipbuilding and Industrial Marine Operations, le plus important réseau de construction navale au Canada. Il est situé principalement dans les Maritimes. Nous possédons quatre installations de fabrication et de réparation dans l'Est du Canada et nous oeuvrons dans le domaine de la construction, de l'ingénierie, de la fabrication lourde, du soutien en service et des services aux installations.

Nous sommes aussi le principal détaillant de rénovation domiciliaire du Canada atlantique et nous nous classons au cinquième rang à l'échelle du pays.

L'entreprise Cavendish Farms, dans le domaine alimentaire, est associée avec nous. Nous produisons des frites. En raison de notre production d'un milliard de tonnes de frites surgelées par année, nous nous classons au quatrième rang en Amérique du Nord.

Notre groupe de compagnies dans le domaine de la construction se compose d'Irving Equipment, le plus important spécialiste de grues pour poids lourds au Canada, de Gulf Operators, un entrepreneur général, et de Kent Homes, un fabricant de maisons et d'abris industriels dans le comté de Kent.

Nous oeuvrons aussi dans le domaine des produits forestiers, le principal sujet de discussion aujourd'hui. Notre compagnie est une chaîne de valeur pleinement intégrée, dont les activités vont des semis d'arbres jusqu'aux produits destinés aux consommateurs. Nous nous attarderons un peu sur les longues chaînes de valeur dans le domaine de la foresterie.

Nous sommes parmi les trois principaux propriétaires terriens privés en Amérique du Nord, avec 3,4 millions d'acres de tenure franche. Nous avons planté plus de 800 millions d'arbres depuis la création du programme en 1957, un record national pour une entreprise privée.

Notre entreprise est une tierce partie qui fait l'objet de vérifications indépendantes, et nous sommes certifiés internationalement en vertu de la norme ISO 14001 et du système de certification pour l'initiative des forêts durables.

Voici une carte générale de nos activités. Vous verrez que nous exerçons une bonne partie de celles-ci au Nouveau-Brunswick, de même que dans le Nord du Maine, où l'on trouve des terrains forestiers exploitables. Les étoiles représentent les scieries, situées principalement au Nouveau-Brunswick. Les diamants représentent les usines de pâtes et papiers que nous exploitons. Les triangles mauves représentent les pépinières où nous produisons les semis d'arbres que nous faisons pousser, et les différentes couleurs représentent les différents types de scieries que nous exploitons dans la région.

Pour revenir aux retombées de nos activités pour le Nouveau-Brunswick, nous représentons 7 p. 100 du PIB, soit le produit intérieur brut, de la province, l'une des plus dépendantes de la foresterie au Canada, comme vous le savez. Le Nouveau-Brunswick est aussi la province qui dépend le plus des exportations, ce qui est un enjeu de taille. Vous ne le savez peut-être pas, mais la foresterie et nos exploitations forestières sont beaucoup plus perfectionnées du point de vue technologique que l'industrie automobile, et ce, dans l'ensemble de notre organisation. En 2007, on comptait 16 500 emplois directs et indirects associés à l'industrie de la foresterie au Nouveau-Brunswick.

Passons maintenant aux chaînes de valeur et aux valeurs ajoutées. Voici ce que nous appelons notre pyramide de valeurs ajoutées, qui est en fait une image de notre façon de faire des affaires pour générer de la richesse dans l'industrie de la foresterie. Au bas de la pyramide, on peut voir les activités associées à la culture d'arbres. C'est écrit en tout petit caractère, mais lorsque les arbres ont fini de pousser, ils valent environ 20 $ par tonne verte. C'est la valeur des arbres sur pied.

Lorsqu'on remonte vers le haut de la pyramide, on passe par les produits à valeur ajoutée, les papiers-mouchoirs, les matériaux de construction, et cetera. La valeur de ces arbres est multipliée par 35 dans la chaîne d'approvisionnement à valeur ajoutée.

Les parties jaunes représentent le transport associé aux différentes phases d'activités. Vous constaterez que le transport représente une partie très importante de la fabrication de produits forestiers. Puis, les différents types de fabrication ajoutent de la valeur à ces produits tout le long de la chaîne de valeur.

Notre vision et notre mission, c'est d'optimiser la quantité d'arbres que nous utilisons au haut de la pyramide pour créer plus de richesse pour tout le monde.

Les retombées économiques de JDI, ou de J.D. Irving, pour la province, comme on le voit sur cette page, s'évaluent en utilisant les 4 800 associés équivalents temps plein employés directement ou indirectement par l'entreprise pour exercer ses activités. Nous versons directement à nos propres employés ou aux entrepreneurs 320 millions de dollars. Les salaires versés à nos employés dans nos installations sont 65 p. 100 plus élevés que les médianes provinciales, et nos employés paient deux fois plus d'impôt sur le revenu aux gouvernements provincial et fédéral.

Nous achetons 453 millions de dollars de fournitures à l'échelle locale. Au cours des cinq dernières années, nous avons investi 442 millions de dollars en dépenses en capital pour nos activités dans le domaine des produits forestiers. Cela représente 1 p. 100 de tout le secteur manufacturier du Nouveau-Brunswick pour cette période.

En 2009, cinq millions de dollars en impôts fonciers ont été payés par notre équipe dans les collectivités locales; sept millions de dollars ont été versés par les employés au titre de la TVH, la taxe de vente harmonisée, pour appuyer les budgets provinciaux; 12,7 millions de dollars ont été payés par la compagnie au titre des impôts fonciers et plus de 22 p. 100 des revenus fiscaux totaux des municipalités, dans certains cas, ont été tirés de nos activités. Au Nouveau-Brunswick, plus de 15 scieries qui n'appartiennent pas à Irving sont approvisionnées par des produits de la forêt que nous gérons.

Pourtant, nous sommes un petit joueur à l'échelle mondiale. Voilà qui vous donne une idée d'où nous nous situons comparativement à nos compétiteurs dans le domaine forestier.

En ce qui concerne le papier, nous en produisons 420 000 tonnes par année, comparativement à 11,5 millions de tonnes produites par une entreprise finnoise, UPM, notre principal concurrent. Dans le secteur des pâtes et papiers, nous produisons 350 000 tonnes par année, par rapport aux 5,5 millions de tonnes associées aux activités brésiliennes de VCP. Nous produisons 220 000 tonnes de papiers-mouchoirs, comparativement à 3,7 millions de tonnes produites par Kimberley-Clark, aux États-Unis. Nous produisons plus de 700 millions de pieds de bois de sciage par année, ce qui se compare aux 6,5 millions de pieds de bois produits par West Fraser Timber, dans l'Ouest canadien. Par ailleurs, nous produisons 200 000 tonnes de cartons-caisses par année, comparativement aux 10,5 millions de tonnes produites par la International Paper Company, aux États-Unis, qui exploite 23 scieries.

Voilà qui fait beaucoup de chiffres, mais il est important de souligner que nous sommes considérés comme un joueur important dans notre région, mais que nous sommes un petit joueur à l'échelle internationale. La foresterie est en fait un secteur mondial des produits de base dans lequel nous devons livrer concurrence.

Qu'est-ce qui rend les entreprises de notre secteur concurrentielles? D'abord et avant tout, dans toutes les provinces où les entreprises de pâtes et papiers sont prospères, l'énergie est offerte à faible coût. L'énergie à des coûts concurrentiels est vitale au succès. Ensuite, nous devons avoir accès à des fibres à des prix concurrentiels. Vous ne pouvez pas exercer vos activités à l'échelle mondiale dans le secteur des produits forestiers si vous obtenez du bois à coût élevé. Cela ne fonctionne tout simplement pas. Ensuite, vous devez avoir accès à une source d'approvisionnement en bois sûre, stable à long terme et croissante, ce qui constitue la base du développement des industries forestières et des investissements dans ces secteurs. Vous devez aussi employer des technologies à jour. Nous devons continuer d'investir dans les nouvelles technologies au fur et à mesure qu'elles sont conçues, pour que nos installations restent concurrentielles. Plus important encore, puisque 50 p. 100 des coûts sont influencés par les politiques publiques, dans toutes les provinces où les entreprises forestières sont prospères, il y a de solides partenariats qui ont été conclus avec le gouvernement. C'est un élément clé du succès.

Je cèderai la parole à M. Brundson, qui vous parlera de la gestion durable des forêts.

Blake Brundson, forestier en chef, J.D. Irving Limitée : La gestion des forêts se fait à long terme et nécessite des processus beaucoup plus complexes que les gens ne se l'imaginent. Il ne s'agit pas d'avoir quelques personnes qui conduisent des camions d'une demi-tonne et qui abattent des arbres avec une hache ou une scie à chaîne. Il s'agit d'un secteur de pointe extrêmement complexe dans lequel il faut prévoir pour les 100 prochaines années. Nos plans de gestion nous permettent de le faire, et lorsqu'on abat un arbre, tout est planifié dans les moindres détails. Nous avons besoin d'avoir à portée de main de bonnes quantités de matériaux; nous devons effectuer des myriades d'analyses informatiques complexes pour veiller à ce que les quantités d'arbres que nous abattons soient durables et à ce que nous faisions ce qu'il faut au bon endroit. Nous disposons de plans de gestion sur 100 ans; nous planifions les 25 premières années sur le terrain, puis, nous nous rendons dans les forêts chaque année pour mettre en oeuvre ces plans d'exploitation. L'industrie est assujettie à nombre de règlements. Les vérifications des tierces parties sont la norme dans notre secteur aujourd'hui. Lorsque nous nous sommes lancés dans celui-ci, ce n'était pas le cas, mais aujourd'hui, ces vérifications par des tiers sont devenues la norme.

Il s'agit de veiller à ce que nos sources d'approvisionnement soient durables, à ce que notre industrie puisse prendre de l'expansion et à ce que nos végétaux puissent croître et être concurrentiels dans cette économie mondiale à laquelle nous participons. Il est important de faire ce qui s'impose au bon endroit et de produire davantage de bois tout en préservant cette ressource publique, la biodiversité, l'habitat des espèces sauvages, l'air et l'eau. Tous ces éléments constituent des composantes clés de nos plans de gestion.

Qu'est-ce que la gestion des forêts? Le Canada est un pays fortement boisé qui dépend de son industrie forestière. Au Canada, on compte un milliard d'acres de terrains boisés et environ 600 millions de ces terrains sont exploités de façon productive et représentent une valeur monétaire pour l'industrie et les gens de ce pays. Les activités de gestion des forêts visent à optimiser la production et à favoriser la conservation. Lorsque je pense à la gestion des forêts, je pense aux incendies, à la lutte contre les ravageurs, à la sylviculture, soit l'éclaircissage pré-commercial et la plantation d'arbres, à l'abattage durable et responsable et à la recherche et au développement pour que nous puissions être plus efficaces et mieux faire les choses à l'avenir.

Tout comme dans le secteur de l'agriculture, il existe un énorme potentiel nous permettant d'améliorer les rendements, d'accroître la quantité de bois qui peut être abattu de façon durable tout en protégeant les espèces sauvages, l'air et l'eau. Ce diagramme vous montre la valeur d'une acre ou d'un hectare de terre. Si vous ne faites rien et que vous vous contentez de gérer les terres de façon passive, vous pouvez vous attendre à obtenir environ 17 cordées par acre en 50 ans, ou environ 100 mètres cubes d'hectares pour la nouvelle génération. Toutefois, si vous décidiez de planter des arbres sur ces terres, vous pourriez multiplier la quantité de bois produite par quatre, et ce, pour une seule acre. Cela ne signifie pas que l'industrie des produits forestiers veut exploiter toutes les acres, mais qu'il y a un énorme potentiel nous permettant d'augmenter le rendement et la valeur de la forêt tout en favorisant l'économie canadienne en plantant davantage d'arbres. La production de bois pour une seule acre peut être multipliée par quatre si vous plantez des arbres par opposition à si vous ne faites rien.

Je vais vous donner un exemple concret des avantages de la sylviculture. Au mois d'avril 2009, le gouvernement fédéral a annoncé la création d'un programme amélioré pour la sylviculture dans le cadre du train de relance et il a alloué sept millions de dollars par l'entremise de l'APECA, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, qui devaient être destinés à la sylviculture au Nouveau-Brunswick. C'était il y a plus de deux ans et 3,5 millions de dollars par année avaient été prévus. La moitié de cet argent a été dépensé sur les terres de la Couronne et l'autre, sur les terres à bois privées. Ces sept millions de dollars ont permis de générer 5,5 millions de dollars additionnels en salaire. Des investissements en sylviculture nécessitent beaucoup de main-d'oeuvre. On parle de gens qui plantent ou éclaircissent des arbres, des gens qui font du travail manuel, donc ces sept millions de dollars versés immédiatement en 2009 et 2010 permettront de créer de nouveaux emplois et de verser des salaires se chiffrant à 5,5 millions de dollars. Au total, 375 emplois directs seront créés et des arbres seront plantés sur 10 000 hectares additionnels, ce qui signifie davantage d'arbres plantés, de bois de feuillus et de bois résineux.

Ces sept millions de dollars favoriseront la croissance au bout du compte. En plus de la stimulation économique immédiate qu'il a engendrée, dans 50 ans, ces arbres auront poussé, et le gouvernement du Nouveau-Brunswick recueillera dix millions de dollars de redevances tirées de la vente de ces arbres à l'industrie, des droits de coupe et de la vente des arbres sur pied. Des compagnies du secteur pourront abattre 1,2 million de mètres cubes de bois supplémentaires parce que ces petits arbres ont été plantés. Huit millions de dollars additionnels seront générés lorsqu'on abattra ces arbres, ce qui représente 200 emplois supplémentaires dans 50 ans, lorsque ces arbres seront suffisamment gros pour être abattus. Les retombées économiques sont donc de taille lorsqu'on investit dans la sylviculture aujourd'hui et à long terme.

J'ai parlé du fait qu'on pouvait produire davantage de bois en incluant la sylviculture dans les stratégies de gestion des forêts, ce qui constitue aussi d'excellentes nouvelles au point de vue de la réduction du réchauffement planétaire, de la séquestration du carbone, parce que lorsque les arbres croissent, ils deviennent du carbone. C'est ce que sont les arbres : du carbone, en grande partie. Pour que le Canada respecte ses objectifs en matière de changement climatique, il peut faire différentes choses. La réduction est l'une des options. Tout le monde peut réduire sa consommation d'énergie, utiliser des carburants plus propres et éconergétiques, employer de nouvelles technologies et réduire la demande. C'est une stratégie louable, mais elle entrera en conflit dans une certaine mesure avec la croissance de l'industrie. L'autre possibilité, c'est de séquestrer davantage de carbone en l'ensevelissant dans le sol ou en plantant davantage d'arbres de taille plus importante, ce qui est une façon facile de séquestrer davantage de carbone.

Nous estimons qu'il est d'une importance capitale pour le Canada de s'intéresser à la gestion des forêts comme élément clé de la stratégie de séquestration du carbone. Le diagramme que je vous ai montré au sujet de la valeur que représente la plantation d'arbres qui seront utilisés pour produire du bois nous indique aussi la valeur de ces arbres en ce qui concerne la séquestration du carbone lorsque des investissements sont faits. Vous pouvez séquestrer quatre fois plus de carbone par acre en plantant des arbres qu'en ne faisant rien et en gérant passivement les forêts.

Un rapport de 2006 de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie précise que l'industrie forestière au Canada constitue un puits de carbone pouvant nous permettre d'éliminer 100 millions de tonnes de CO2, de dioxyde de carbone, additionnelles par année en améliorant nos pratiques de gestion, ce qui nous permettrait d'atteindre en partie nos objectifs généraux en matière de changement climatique. Il est crucial que le gouvernement fédéral fasse de la gestion des forêts une composante clé de sa stratégie de réduction du réchauffement planétaire et de séquestration du carbone.

Ce doit être une priorité pour le gouvernement fédéral, et s'il met en place les incitatifs appropriés, la gestion des forêts nous permettra d'éliminer davantage de CO2 dans l'atmosphère. De plus, les propriétaires de forêts et les gestionnaires pourront se voir attribuer le mérite pour leurs efforts environnementaux, leur gestion des terres et leur production accrue de bois.

Je cèderai de nouveau la parole à M. Pinette.

M. Pinette : J'aborderai l'un de mes sujets préférés, soit la disponibilité du crédit pour le réinvestissement dans les exploitations forestières. La plupart des exploitations forestières du pays sont des petites entreprises indépendantes et des entrepreneurs qui possèdent et exploitent leur propre équipement. Cet équipement vaut de 250 000 $ à 700 000 $ par unité. En règle générale, il a une durée de vie de 5 à 7 ans et il doit être renouvelé. Chaque fois que l'on renouvelle l'équipement, celui-ci s'améliore en raison des avancées technologiques, ce qui fait que le renouveler constitue un avantage concurrentiel. Comme dans tous les autres secteurs, il est aussi nécessaire de réinvestir dans l'équipement. Le secteur forestier se trouve dans une situation complexe depuis la récession et la réduction des activités au Canada. Au cours des cinq ou six dernières années d'exploitation, le vieillissement de la main-d'oeuvre dans le secteur forestier s'est accru. Il y a de moins en moins de jeunes qui se lancent dans le secteur, donc l'âge moyen du travailleur augmente. Les travailleurs ou les propriétaires continuent de vieillir et ils ont tendance à moins réinvestir au fur et à mesure qu'ils se rapprochent de l'âge de la retraite. Au cours des dernières années, il y a eu moins de nouveaux joueurs dans l'industrie, puisque les occasions ont été moindres. Par conséquent, l'équipement a vieilli et il doit maintenant être remplacé. Tout comme l'équipement, la main-d'oeuvre vieillissante doit aussi être remplacée en grande partie. On se demande qui exercera des activités dans le secteur forestier à l'avenir. Il est crucial d'avoir accès à une main-d'oeuvre vitale pour assurer notre compétitivité à l'avenir. Le défi, pour nous, c'est d'attirer des jeunes et de nouveaux exploitants dans le secteur de la foresterie et de veiller à ce qu'ils puissent financer leur entreprise et acheter certaines des machines très complexes qui sont nécessaires.

Nous avons travaillé avec nos équipes locales, mais ce défi prend de l'ampleur non seulement pour nous, mais aussi pour tous nos partenaires de l'industrie. Par exemple, au cours des 20 dernières années, nous avons aidé les petits entrepreneurs à investir dans l'équipement et à refinancer leurs exploitations en garantissant des billets de banque pour qu'ils puissent avoir accès au capital à un taux préférentiel plus 1 p. 100. J'utilise cet exemple parce qu'il s'agit d'un élément clé de l'accès au crédit pour les nouveaux exploitants à des taux concurrentiels, le tout dans le but de rester concurrentiels dans le secteur. Il faut avoir accès à du crédit et celui-ci doit être offert à des prix concurrentiels.

Quatre-vingt-quinze pour cent de ces entrepreneurs sont actuellement actifs dans le secteur, et ce, en moyenne depuis huit ans. Cinq cents autres personnes sont associées avec eux, opérant des machines en tant qu'employés de ces entrepreneurs. La plupart travaillent dans des zones boisées rurales de la province. Il ne s'agit pas d'emplois urbains, mais les salaires sont considérablement plus élevés que la moyenne. Ils sont payés en moyenne 18 $ l'heure pour opérer ces machines. Ils sont importants pour nous parce qu'ils fournissent 80 p. 100 de l'approvisionnement en produits forestiers acheminés à nos scieries. Il est extrêmement important qu'ils soient concurrentiels.

Nous avons accru l'aide financière versée à ces entrepreneurs de 30 p. 100 au cours des six dernières années. Nous savons que sans cette aide, nous ne pourrions pas demeurer concurrentiels. Nos installations ralentiraient au point qu'elles deviendraient non concurrentielles, ce qui nous obligerait, ainsi que d'autres, à cesser nos activités dans le secteur de la foresterie. Par conséquent, ces investissements nous tiennent à cœur et nous estimons qu'ils sont importants pour l'industrie et le pays. Comme je l'ai dit, chaque nouvelle génération de machines améliore la productivité de 3 ou 4 p. 100. Cette hausse est attribuable à la conception de ces nouvelles machines et non pas à une action délibérée. L'amélioration continue fait partie intégrante du secteur forestier, et le réinvestissement dans l'équipement est capital.

À l'heure actuelle, nous employons une ligne de crédit renouvelable de 12,5 millions de dollars pour les entrepreneurs, qui nous a permis de maintenir nos activités jusqu'ici. Toutefois, l'utilisation de cette ligne de crédit dépasse notre capacité à la financer. Un nombre accru d'entrepreneurs ont besoin de notre aide pour réinvestir dans leur entreprise. C'est notre cas, et je pense qu'il en va de même dans la région de l'Atlantique de façon générale. J'estime que ces entrepreneurs devront avoir accès à du crédit supplémentaire de l'ordre de 30 à 40 millions de dollars si l'industrie veut assurer sa survie à long terme.

En ce qui concerne la productivité, nous tablons sur la compétitivité, et l'emprise constitue un élément clé de cette compétitivité. Nous nous concentrons sur l'accroissement de la productivité grâce à l'utilisation des meilleurs outils et de la meilleure technologie possibles. Nous investissons grandement dans la formation pour que nos employés sachent utiliser ces outils et ces technologies. Nous recueillons des données et nous effectuons des mesures au cours de toutes les phases de nos activités pour que nous puissions savoir ce qui se passe et déceler les problèmes. Puis, nous apportons des améliorations en examinant les variations.

Nous employons des technologies qui étaient associées par le passé aux militaires, soit des outils de navigation GPS nous permettant de contrôler l'équipement, ce qui a entraîné une réduction du nombre d'incidents dans la forêt et de machines utilisées où elles ne devraient pas l'être. De plus, nous avons accru la productivité du processus de planification. Nous sommes formés, et nous entraînons nos employés à utiliser la technologie nous permettant d'améliorer les processus. Nous connaissons tous les processus de fabrication Lean Six Sigma et les outils industriels d'ingénierie nous permettant d'accroître la productivité. Ces formations sont tenues dans la zone de production de semences. Toute la chaîne de valeur emploie des processus Lean Six Sigma. Nous utilisons les pratiques exemplaires dans tous les segments de nos activités. Nous appuyons la recherche et nous mettons en application ce qui en découle grâce à l'Institut canadien de recherche en génie forestier, le FERIC, qui permet aux entrepreneurs d'améliorer leur façon de faire des affaires.

Les compétences et l'acquisition des compétences sont parmi les éléments à prendre en compte dans le cadre du remplacement de la main-d'oeuvre. Une bonne partie de l'équipement nécessite une nouvelle série de compétences, alors l'encadrement et la formation sont essentiels. Nous offrons du soutien et des formateurs professionnels pour aider les gens à acquérir ces compétences avant d'utiliser ces machines. Aussi, nous aidons du côté de l'approvisionnement en achetant de l'équipement pour les entrepreneurs afin qu'ils obtiennent le meilleur prix possible de leurs fournisseurs grâce à notre pouvoir d'achat.

Pour vous donner une idée de ce que cela représente pour nos équipes et du potentiel dont il est question, ce diagramme démontre comment nos équipes de récolte se sont améliorées au cours des cinq dernières années, la moyenne d'augmentation des profits étant de 11,8 p. 100. Il s'agit d'une mesure des gains de productivité, parce que nous payons à l'unité, et plus nos équipes produisent, plus elles gagnent. Voilà le bilan de nos équipes depuis 2004. Au total, cela représente pour ce groupe d'entrepreneurs une amélioration des profits de 40 millions de dollars au cours des cinq dernières années pour le même travail effectué. Ils sont devenus plus productifs.

La prochaine diapo montre les coûts et les épargnes comparativement à aucune amélioration. La ligne rouge sur ce diagramme indique ce qui arriverait si on ne faisait que surcoter les coûts, ce qui est la pratique normale, au taux de 1,75 p. 100 par année. Nos coûts auraient augmenté de 10,1 p. 100 depuis 2004 si nous n'avions pas entrepris cette initiative d'amélioration, mais ils ont en fait été réduits de 7,1 p. 100 au cours de la même période, ce qui représente une différence d'épargne de 17 p. 100 dans notre cas, au même moment que les entrepreneurs amélioraient leurs revenus à un taux de 11 p. 100 par année. Il ne s'agit pas d'un tour de magie. C'est arrivé grâce à l'amélioration du processus. Ils s'améliorent. Ils apprennent des façons efficaces de travailler. Les coûts baissent. Nous partageons les profits. Nous les partageons, et les deux parties gagnent. C'est un partenariat où tout le monde y trouve son compte.

Comment le gouvernement peut-il aider? Nous croyons que le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial, ou les deux en collaboration, devraient mettre à la disposition de ces entrepreneurs des fonds à prix concurrentiel par l'intermédiaire des banques commerciales pour l'acquisition et le remplacement de l'équipement sur une base régulière. Il s'agirait d'une ligne de crédit renouvelable pour les entrepreneurs dans notre région.

Les acheteurs de cet équipement devraient être parrainés par les agences d'acquisition de bois, les acheteurs de bois et d'autres afin que des contrats légitimes étayent la demande de fonds. Je crois que les acheteurs de bois devraient parrainer les emprunteurs dans le cadre de ces programmes, et nous devrions prendre nos responsabilités et assumer toute perte de prêt découlant de ces transactions. Les parrains devraient être responsables des pertes, le cas échéant, afin qu'il n'y ait pas de risque net pour les gouvernements, mais, du même coup, ce serait un avantage clair en matière de crédit pour les petits propriétaires exploitants afin qu'ils puissent avoir accès à du crédit. Les fonds devraient être à prix concurrentiel, et je crois qu'il devrait en fait s'agir d'au plus 1 p. 100 au-delà du taux préférentiel afin qu'il y ait clairement un avantage au départ. On pourrait y arriver dans notre région grâce à l'APECA, si c'est ce que les gouvernements décident de faire.

Je vais maintenant passer à la recherche et à la recherche et au développement. Je vais en parler, et M. Brundson va parler du sujet plus technique qu'est la foresterie.

Nous faisons les investissements annuels les plus importants en matière de recherche en foresterie au Nouveau-Brunswick. Nous investissons environ 5,5 millions de dollars par année dans la recherche. Cette pratique est en place depuis un certain temps, et elle se poursuit. Nous sommes certifiés et appuyés par un comité consultatif scientifique de gens influents composé de scientifiques d'universités locales qui nous conseillent quant aux initiatives de recherche les plus utiles à entreprendre.

Depuis 1995, nous avons terminé plus d'une centaine de projets de recherche en foresterie, et nous avons obtenu des résultats considérables. Nous sommes, à notre connaissance, la seule entreprise dans la région à avoir au sein de son personnel un biologiste de la faune à temps plein. Nous comptons cinq groupes consultatifs publics au Nouveau-Brunswick qui nous donnent activement leur avis sur notre gestion des forêts, et nous contribuons aux modèles de financement.

Nous avons obtenu de bons résultats relativement à la gestion des permis dont nous nous occupons pour la province du Nouveau-Brunswick depuis les cinq dernières années, et nous gérons, pour toutes les choses mentionnées par M. Brundson, des valeurs autres que le bois associé à la nature, à l'eau et à l'air.

M. Brundson : Pour ce qui est d'améliorer la gestion des forêts, nous avons notamment travaillé à la plantation d'arbres. Nous tentons de planter les meilleurs arbres aux meilleurs endroits. Nous tentons de trouver les arbres dans la nature qui poussent plus vite que les autres, et nous plantons les meilleures essences aux meilleurs endroits.

Nous avons un programme d'amélioration génétique de classe mondiale qui vise à cultiver des arbres plus gros, meilleurs et à croissance rapide, qui résistent davantage aux insectes et aux maladies. Nous sommes reconnus pour notre excellence dans le domaine de l'amélioration de la génétique en foresterie. Il y a quelques mois, la NASA a envoyé des arbres dans l'espace. Les responsables ont demandé qui avait les meilleurs arbres dans la région. Ils nous ont demandé d'envoyer des arbres dans l'espace parce qu'ils voulaient savoir comment les arbres poussent sans gravité comparativement à ceux qui poussent sur la Terre. Nous avons des arbres Irving dans la station spatiale qui poussent plus vite que tous les autres arbres que nous pourrions envoyer dans l'espace.

Nous travaillons à améliorer la tolérance aux ravageurs. La tordeuse des bourgeons constitue un problème important au Canada, et elle est présente dans la région du Saguenay, au Québec. Il s'agit d'une infestation qui suit un cycle de 20 ans et qui est dévastatrice pour l'industrie. C'est un peu comme le dendroctone du pin dans l'Ouest, mais il s'agit d'un insecte dévastateur dans le Nord et l'Est du Canada. Notre entreprise lutte depuis longtemps contre la tordeuse des bourgeons.

Nous travaillons avec l'Université Carleton pour ajouter un champignon naturel aux feuilles de ces arbres lorsqu'ils sont encore très jeunes à la pépinière. Ce champignon est présent naturellement, mais nous l'ajoutons au tout début. La tordeuse des bourgeons n'aime pas manger les arbres sur lesquels se trouve ce champignon. Nous croyons pouvoir minimiser la pulvérisation des arbres en rendant ces arbres naturellement résistants à la tordeuse des bourgeons. Il s'agit d'une technologie qui a d'abord été utilisée par l'industrie de la pelouse en plaque. Aujourd'hui, si vous achetez des graines de graminées, elles sont additionnées d'endophytes. Nous implantons des endophytes dans les arbres à la pépinière afin qu'ils soient résistants à la tordeuse des bourgeons, dans l'espoir de ne pas avoir à les pulvériser, ou à ne pas trop les pulvériser, lorsque la tordeuse des bourgeons reviendra dans notre région, ce qui devrait arriver au cours des cinq prochaines années.

Il s'agit de travail de classe mondiale, et nous avons un brevet quant à la façon de procéder. Il s'agit d'un brevet au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Australie relativement à l'application de cette pratique aux arbres. Nous sommes les seuls au monde à avoir pu y arriver avec les arbres et à prouver que cette pratique fonctionne. Il s'agit d'un travail en partenariat avec un professeur de l'Université Carleton.

Il y a beaucoup de recherches en cours sur les changements climatiques, et nous devons continuer et appuyer ces recherches. Un seul arbre peut absorber une tonne de carbone dans son cycle de vie. Il s'agit de bonnes nouvelles pour l'atténuation du réchauffement de la planète. Encore une fois, il y a beaucoup d'occasions d'augmenter la croissance. Sur nos terres au nord-ouest du Nouveau-Brunswick, nous faisons pousser presque 50 p. 100 plus de bois annuellement que les terres publiques dans la région, et c'est en raison du travail d'amélioration que nous faisons et du niveau de plantation d'arbres supérieur à ce qui se fait sur les terres publiques. Au cours des 50 prochaines années, nous pourrons assurer une augmentation d'encore 40 p. 100. Au cours des 30 à 40 prochaines années, nous allons faire pousser deux fois la quantité de bois qui pousse sur les terres publiques aujourd'hui. Sur nos terres privées, nous faisons davantage, et le message que nous voulons vous transmettre aujourd'hui, c'est que tout soutien ou toute coercition de votre part en vue de faire pousser davantage de bois sur les terres publiques serait bon pour l'industrie, bon pour l'économie et bon pour l'atténuation du réchauffement de la planète.

M. Pinette : M. Brundson et moi ne sommes pas les experts quant à la prochaine partie de l'exposé. Nous passons de la foresterie aux exploitations de pâtes et papiers. Nous avons cru bon de vous faire un résumé des innovations en cours dans le cadre de nos opérations industrielles, en commençant par la première application au monde de l'osmose inversé à notre usine de pâtes.

Il s'agit d'une technologie en attente de brevet que notre équipe a élaborée à notre usine de pâtes et papiers en ville. Ceux parmi vous qui connaissent Saint John sauront que l'usine de pâtes est située au coeur de la ville et qu'il s'agit de l'une des seules usines de pâtes au pays située dans une zone urbaine importante. Quand les exigences en matière de temps ont été appliquées pour le traitement de l'eau, il n'y avait pas de place pour des installations de traitement d'eau traditionnelles dans la ville. Ainsi, nous avons adopté une nouvelle approche pas tellement différente pour traiter les effluents d'un site industriel en adoptant ce processus d'osmose inversé.

Heureusement pour nous, le système fonctionne très bien et il s'agit d'une première mondiale dans l'industrie des pâtes et papiers en ce sens que nous n'avons pas de bassin de décantation autour de notre usine de pâtes et papiers à Saint John; tout le traitement de l'eau se fait à l'interne au moyen de ce système d'osmose inversé. Le système est fondamentalement composé de grandes membranes par lesquelles on fait passer les effluents pour nettoyer l'eau avant de la déverser de nouveau dans l'océan.

Il s'agit d'un bon système fermé pour le traitement de l'eau, et nous sommes fiers de la technologie. Nous avons reçu divers certificats de recherche à l'appui.

Il y a une autre technologie à laquelle nous travaillons actuellement dans le domaine de la protection de la qualité de l'eau de ruisseau pour améliorer l'habitat des poissons. Nous utilisons de l'équipement de détection à distance sur certains de nos aéronefs afin de détecter les bassins d'eau de refroidissement qui se situent habituellement le long d'importants ruisseaux abritant des poissons. Ces sources d'eau de refroidissement sont importantes pour maintenir les températures basses pour les poissons migrateurs comme le saumon et d'autres espèces de poissons importantes dans nos rivières.

Nous retrouvons ces bassins d'eau de refroidissement le long des principaux cours d'eau au Nouveau-Brunswick. Ainsi, nous pouvons les mettre dans des endroits protégés et les garder dans cet état pour la protection future des ressources en eau. Cela fonctionne très bien.

Je vais maintenant parler d'une initiative fédérale mise en place il y a plus d'un an, soit le programme de financement fédéral de transformation verte. Il s'agit de bonnes nouvelles pour l'entreprise et de très bonnes nouvelles pour l'environnement. Nous recevons une partie de ces fonds, alors nous pouvons continuer à améliorer la protection environnementale que nous assurons dans le cadre de nos opérations et à réduire les émissions de gaz à effet de serre découlant de nos opérations.

À cette fin, nous faisons des investissements ciblés pour réduire notre consommation d'énergie par tonne de produits de 50 p. 100 de 2008 à 2011. Nous sommes en voie d'atteindre cet objectif. Nous allons ensuite fabriquer des produits forestiers à 2,5 millions de BTU, unité thermale britannique, d'énergie par tonne métrique de produits, ce qui représente une réduction de plus de 50 p. 100 sur trois ans.

En même temps, nous allons continuer de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Vous verrez au tableau que nous avons commencé en 1996. Nous produisions 564 kilogrammes de gaz à effet de serre par tonne de produits. À l'automne 2009, nous produisions 283 kilogrammes de gaz à effet de serre par tonne de produits. Notre production est à la baisse actuellement, alors que nous mettons en oeuvre d'autres projets de réduction de la consommation d'énergie qui sont appuyés par le programme du gouvernement fédéral.

Dix figurent à la liste que j'ai dressée pour vous, mais je ne vais pas tous les souligner. Je voulais seulement noter qu'il y a des investissements très importants en matière d'autonomie énergétique et de projets d'efficacité énergétique visant à la fois à réduire la quantité d'énergie nécessaire pour produire des produits forestiers et pour réduire la quantité de gaz à effet de serre produite par l'énergie que nous consommons. De cette façon, nous avons les produits forestiers les plus verts possible.

Dans l'ensemble, nous avons investi plus de 69 millions de dollars dans ces projets au cours des quatre dernières années. Ainsi, nous avons réduit l'utilisation de pétrole de 400 000 barils et nous avons réduit les émissions de gaz à effet de serre de 163 tonnes métriques au cours de la même période.

La construction et la transformation de ces processus ont assuré du travail à 110 entrepreneurs locaux, et ces projets ont donné lieu à plus de 283 000 heures de travail.

Actuellement, nous mettons rapidement en place des projets de biomasse dans nos scieries de même que dans nos exploitations de pâtes et papiers. Nous visons toujours à réduire la quantité de carburant fossile que nous brûlons. En même temps, nous voulons augmenter la productivité des usines et nous voulons nous concentrer sur la réduction de l'énergie renouvelable sur les sites dans l'avenir, lorsque c'est possible. Nous avons déjà installé trois des chaudières figurant sur la liste à Deersdale, à Grand Lake Timber et à Saint-Léonard, et nous en construisons une à Lake Utopia actuellement.

Parallèlement, nous avons adopté à Saint John un modèle pour améliorer l'efficacité des projets de biomasse en cours. Nous avons une chaudière à biomasse à l'usine de pâtes depuis plus de 25 ans.

Nous continuons d'améliorer l'efficacité de ce système, et nous avons d'ailleurs récemment examiné l'idée de recueillir toutes les eaux usées provenant de ces centrales thermiques ainsi que la chaleur gaspillée dans les eaux usées du système. Ainsi, lorsque l'eau quitte l'édifice, elle est encore très chaude, et nous voulons distribuer cette eau chaude à d'autres utilisateurs et recueillir l'énergie de cette eau chaude en la distribuant d'abord aux sites industriels avoisinant notre usine de pâtes.

Notre usine de papiers minces prend déjà part à ce processus, et il en sera de même pour la Brasserie Moosehead. L'idée est de continuer de raccorder de plus en plus de sites commerciaux et industriels de la ville pour leur assurer un chauffage à partir de cette eau usée. Nous travaillons également avec la ville pour transporter cette eau chaude aux édifices municipaux pour chauffer davantage d'installations et bien utiliser ce qui était auparavant de l'énergie gaspillée.

Ce faisant, nous rendons tout le système plus efficace. Ce feuillet vous explique la façon dont le processus fonctionne. Essentiellement, vous prenez la biomasse qui reste de la production de bois de nos usines de pâtes et papiers. À l'aide d'une chaudière efficace, nous produisons de la vapeur qui est transférée à une turbine pour générer de l'énergie à l'usine de pâtes pour notre utilisation à l'interne. Nous employons aussi l'énergie directement produite par cette chaudière pour sécher les produits dans le système de récupération de la chaleur produite par le gaz de combustion.

Lorsque tout sera prêt, on parle d'un taux d'efficacité de 65 p. 100 pour tout le système de récupération. Toute l'eau associée au processus contient maintenant une certaine quantité d'énergie. Nous la recueillons et nous transférons la chaleur contenue dans l'eau aux édifices industriels, commerciaux ou privés. Lorsqu'on a terminé d'utiliser cette énergie, on a récupéré 85 p. 100 de l'énergie contenue dans la biomasse plutôt que 30, 40, 50 ou 60 p. 100 aux premières étapes du projet.

Plus ces systèmes d'énergie peuvent être intégrés, peu importe où ils sont installés, plus nos activités seront écologiques et plus le coût du processus sera moindre à long terme.

Sur la prochaine page, on voit où se trouve l'usine de pâtes à papier dans la ville ainsi que certaines des installations alimentées en eau chaude provenant de l'usine. À la page suivante, on voit un diagramme global du système de distribution d'eau en cours de planification dans la ville qui nous permettra de chauffer avec une partie de cette eau chaude certains des plus grands édifices municipaux au centre-ville de Saint John.

En résumé, nous aimerions que le comité tienne compte de quatre recommandations. D'abord, comme nous l'avons dit à maintes reprises, il faut investir dans les forêts en plantant des arbres, c'est-à-dire du bois de feuillus et du bois de résineux, pour soutenir un accroissement des fibres dans le secteur forestier et séquestrer une plus grande quantité de carbone afin de réduire le réchauffement climatique. Deuxièmement, pour que l'on puisse réaliser la valeur potentielle de la séquestration, il faut que la gestion des forêts soit la priorité du système de crédits compensatoires que le gouvernement fédéral s'emploie à concevoir. Il est primordial qu'elle fasse partie de ce système de crédits compensatoires.

Troisièmement, de la même façon que des mises de fonds sont accessibles au secteur agricole, nous estimons que les exploitants forestiers et que les camionneurs devraient avoir accès à un crédit à taux d'intérêt compétitif afin qu'ils puissent moderniser et remplacer leur équipement.

Quatrièmement, nous pensons qu'il faudrait accroître la disponibilité des fonds et la rapidité avec laquelle nous pouvons les obtenir pour les activités de recherche et de développement afin de faire avancer la science forestière et la mise en marché de nouvelles technologies et de ses applications dans ce secteur. Si nous souhaitons que le Canada demeure compétitif dans le secteur forestier, il faudra investir davantage en recherche et développement et appliquer la technologie dans nos opérations tout au long de la chaîne de valeur.

Voilà qui met fin à notre exposé officiel. Nous sommes prêts à répondre aux questions dans les deux langues officielles.

Le président : Merci beaucoup. Le sénateur Mercer sera le premier à poser les questions.

Le sénateur Mercer : Merci beaucoup, messieurs, de cet exposé détaillé et informatif. Certains d'entre nous ont visité les installations d'Irving à Saint-Léonard et nous avons été très impressionnés. Comme l'a dit le sénateur Mockler, il y en a certains qui ont planté des arbres. J'ai été intrigué par la démonstration faisant état d'éclaircissage qui a lieu dans la forêt et par le fait que le jeune homme qui faisait fonctionner l'équipement était un entrepreneur privé. Vous avez abordé bon nombre de ces points ici. Vous avez parlé du coût de l'équipement et de l'accessibilité aux capitaux pour permettre aux entrepreneurs d'acheter cet équipement.

J'ai deux questions à ce sujet. Où est fabriqué cet équipement? Est-il fait au Canada ou à l'étranger?

M. Pinette : La plupart de l'équipement est produit à l'étranger. Une grande partie est fabriquée en Scandinavie, en Suède et, plus particulièrement, en Finlande. Ici, en Ontario, il y a en quelque sorte une petite industrie. Le reste de l'équipement provient des États-Unis.

Le sénateur Mercer : Vous avez mentionné plusieurs fois, tout au long de votre exposé, la formation des employés. Je suppose, et corrigez-moi si je fais erreur, qu'il s'agit de deux types de formation. Il y a la formation du jeune homme ou de la jeune femme qui fait fonctionner la débusqueuse et qui éclaircit la forêt comme on l'a vu, et il y a aussi la formation offerte aux ingénieurs forestiers qui s'occupent de la planification principale, entre autres.

Si l'on reconnaît que l'éducation est une responsabilité provinciale, mais que certaines formations sont parrainées par le gouvernement fédéral, existe-il un programme sur le terrain au Nouveau-Brunswick dans les écoles secondaires qui présente aux jeunes femmes et aux jeunes hommes de cette province les possibilités d'emploi qu'il y a dans le secteur forestier?

Étant originaire des Maritimes, je sais qu'un de nos plus gros problèmes, c'est que nous exportons notre plus important produit, c'est-à-dire les jeunes. Il me semble que nous avons dans notre région des emplois bien rémunérés — c'est un travail difficile, il ne fait aucun doute. Il faut commencer à former les jeunes dès le secondaire. Y a-t-il des programmes de cette nature au Nouveau-Brunswick, ou bien existent-ils des modèles de bons programmes comme celui-là ailleurs au pays?

M. Pinette : Il n'y a pas de programmes officiels au secondaire pour former les travailleurs forestiers au Nouveau-Brunswick à l'heure actuelle. Il y a eu par le passé divers projets pilotes, je pense que c'était au niveau de la 10e année, et on présentait le métier de travailleur forestier dans différents systèmes scolaires, mais aucun programme officiel n'existe aujourd'hui.

Vous avez raison lorsque vous dites que vous croyez qu'il doit y avoir deux types de formation. Bien sûr, il y a un manque critique de formation professionnelle pour les opérateurs de machines à l'heure où on se parle, et ce problème va croissant, tandis que la formation en perfectionnement professionnel en enseignement supérieur ralentit dans les Maritimes, et la situation doit s'améliorer de façon considérable si nous voulons assurer notre survie au fil du temps.

Le sénateur Mercer : Vous avez mentionné l'utilisation de chaudières dans trois différents endroits. Nous avons eu un certain nombre de discussions ici récemment sur les chaudières et l'accessibilité limitée aux chaudières européennes en raison des normes nord-américaines. Faites-vous face à ce problème ou êtes-vous en mesure d'obtenir des chaudières avec les approbations adéquates? Si je connais bien Irving, je pense que vous auriez tendance à trouver votre propre solution, à construire ce dont vous avez besoin et à commercialiser cet équipement. Avez-vous eu des difficultés à obtenir les approbations?

M. Pinette : Vous avez raison. La demande en chaudières alimentées à la biomasse est très élevée à l'heure actuelle partout dans le monde au fur et à mesure que les gens passent des carburants fossiles au biocarburant. Non, nous n'avons pas eu de problèmes majeurs pour trouver des chaudières pour les projets que nous avons essayé de mettre en place. La livraison des nouvelles chaudières prend plus de temps que nous voudrions, mais nous réussissons à trouver les chaudières dont nous avons besoin pour nos projets à venir.

Le sénateur Mercer : Il est peut-être trop tôt pour me donner une réponse, mais est-ce que le rendement sera aussi élevé avec les arbres inoculés aux endophytes? Ce fut un processus fascinant. Le volume de production sera-t-il aussi bon en fin de compte grâce à l'utilisation des endophytes? Est-ce que cela change le rythme de croissance des arbres?

M. Pinette : Les endophytes en tant que tels ne changeront pas le taux de croissance des arbres, mais ils permettront de réduire au maximum les pertes résultant du dommage causé par les insectes. Comme résultat final, nous obtiendrons davantage de fibres au terme de la rotation grâce aux endophytes, et non pas parce qu'ils auront accéléré la croissance, mais plutôt parce qu'ils auront protégé les arbres.

Le sénateur Mercer : Vous ne pouvez pas introduire ce traitement plus tard dans le processus; vous le faites à l'étape des semis?

M. Brundson : Oui, nous le faisons immédiatement à l'étape des semis. Il y a des endophytes dans chaque aiguille de chaque arbre. Ils y croissent naturellement. Il s'agit d'une relation symbiotique. Un professeur de l'Université Carleton a découvert que certains de ces endophytes répulsent la tordeuse du bourgeon, ainsi, au lieu d'attendre que la nature propage n'importe quel endophyte qui se trouve là par hasard, nous vaporisons les arbres dans la pépinière avec de l'eau et cet endophyte que la tordeuse du bourgeon déteste. Et nous le faisons très tôt afin que l'appartement soit déjà occupé en quelque sorte par l'endophyte, qui est détesté par la tordeuse du bourgeon.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je regrette de ne pas avoir visité les installations de Saint-Léonard, mais j'aurai sûrement l'occasion de me reprendre un jour.

Il y a quelques semaines, l'Association des produits forestiers du Canada a suggéré que le gouvernement crée un fonds pour les énergies renouvelables, soit des prêts à taux compétitif. Cela rejoint un peu la suggestion que vous avez faite. Vous n'êtes donc pas les seuls à le réclamer. Pensez-vous que le fonds en question devrait aussi inclure les bioproduits?

M. Pinette : Personnellement, je crois que n'importe quel investissement qui va accroître la valeur ajoutée des produits de la forêt devrait être encouragé et les projets doivent ajouter à la valeur finale du matériel de ressource. Autrement, cela devient une compétition pour une utilisation de produits déjà en place et si l'investissement est dirigé vers un produit qui a moins de valeur, on va réduire la valeur ajoutée aux produits au pays.

Le sénateur Rivard : On a vu tantôt dans votre présentation que vous faites une bonne utilisation de votre biomasse.

M. Pinette : Oui.

Le sénateur Rivard : Avez-vous déjà pensé produire des granules de bois qui serviraient pour le chauffage ou est-ce que votre système actuel est plus rentable tel qu'il est?

M. Pinette : On sait qu'il y a actuellement des discussions à travers le pays au sujet de la production de granules. Dans certains cas, elle représente une bonne utilisation de la biomasse, mais ce n'est pas nécessairement la meilleure.

Pour élaborer un peu, l'utilisation la plus efficace de la biomasse se fait près de la source; que ce soit les granules, les copeaux et n'importe quoi. Plus c'est proche de la source, plus c'est efficace et on devrait appuyer la régénération de l'énergie de cette biomasse.

Si vous nous demandez si on appuie l'exportation des granules du Canada outre-mer, je dirais généralement non parce qu'on ne voit pas cela comme une valeur ajoutée soutenue pour notre industrie. Si vous nous demandez s'il y a des applications de granules domestiques qui pourraient remplacer des produits pétroliers, la réponse est oui, mais utilisé « domestiquement » pour réduire les dommages de l'utilisation du pétrole.

Le sénateur Rivard : M. Brundson a parlé du fameux problème de la tordeuse d'épinette. L'arrosage est-il aux frais de votre entreprise? Est-ce la province qui en assume les coûts? Est-ce Environnement Canada?

M. Brundson : Normalement, c'est sous la juridiction provinciale et c'est aux frais de la province. L'exception est, par exemple, si la peste est introduite, alors cela devient l'affaire de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

[Traduction]

S'il s'agit d'un parasite que l'on introduit, c'est le gouvernement fédéral qui a la responsabilité.

[Français]

Mais si la peste est indigène, c'est un problème provincial. Les terrains publics appartiennent aux provinces.

M. Pinette : L'autre exception se trouve sur nos terres privées où la tordeuse d'épinette attaque nos forêts privées. On doit faire l'épandage à nos frais. Il ne s'agit pas d'une dépense publique sur des terres publiques, mais bien d'une dépense privée sur des terres privées.

M. Brundson : Pour les propriétaires de boisés privés, c'est le gouvernement provincial qui paie dans presque tous les cas normalement. Mais pour les « industrial forest lands », c'est nous qui devons assumer les coûts.

Le sénateur Rivard : Le produit biologique utilisé pour l'arrosage a été développé à Québec, au centre de recherche d'Environnement Canada et c'est le défunt docteur Vladimir Smirnoff, qui a développé cela, mais aucune parenté avec le producteur de vodka.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Merci, messieurs, de ce merveilleux exposé. J'ai eu la chance de visiter les installations d'Irving et de voir une partie de ce que l'entreprise fait. Non seulement ce nom est-il synonyme de réussite, mais il est évident que vous faites un excellent travail en gestion d'exploitation forestière. Je vous en félicite.

Si vous le permettez, monsieur le président, je dois, aux fins du compte rendu, signaler que j'ai planté un des 800 millions d'arbres qui ont été plantés par Irving et j'ai été dûment récompensé pour ce travail devant 600 personnes. M. Irving m'a présenté mes honoraires de 4,5 cents pour avoir planté un arbre. En fait, il m'a donné 5 cents. Et lorsque j'y ai jeté un coup d'oeil un peu plus tard, je me suis rendu compte qu'il s'agissait de pièces américaines, de sorte que je ne sais plus si j'ai été surpayé ou sous-payé. Toutefois, j'ai les 5 cents américains que M. Irving a dû emprunter de son épouse, soit dit en passant, de sorte que j'estime que j'ai été dûment payé. J'aurais bien aimé que nous étiquetions nos arbres, parce que j'aimerais savoir si le mien pousse davantage que celui planté par le sénateur Mercer. Et je pense que c'est probablement le cas.

J'aimerais revenir rapidement sur la question du sénateur Rivard concernant le crédit. Comme je l'ai dit, j'étais au Nouveau-Brunswick il y a une semaine ou deux et j'ai visité un endroit où l'on fabrique des granulats, un établissement agricole et un centre de compostage. J'ai fait cette visite pour voir s'il était possible de faire de même au Manitoba. Il n'existe aucune usine de fabrication de granulats au Manitoba, et il est difficile d'y composter le lisier. Dans ces trois endroits, le manque d'accessibilité au crédit était une question clé. J'ai aimé le fait qu'aucun de ces entrepreneurs ne disait que le gouvernement devrait leur donner de l'argent. Ils étaient préoccupés par le manque de crédit abordable. Un agriculteur m'a dit qu'il avait dû débourser deux millions de dollars pour construire une grange pour ses 1 300 truies. Il ne s'agit pas d'une exploitation de grande taille lorsqu'on la compare à des établissements semblables au Manitoba. Mais lorsqu'on est obligé d'emprunter de l'argent à la banque au taux d'intérêt habituel en plus de donner un acompte de 65 p. 100, c'est impossible pour un nouvel exploitant de se lancer en affaires. J'appuie certainement ce genre de chose ainsi que les autres initiatives auxquelles, selon vous, le gouvernement devrait participer.

Si je vous ai bien compris, vous avez dit que l'acheteur devrait d'une façon ou d'une autre garantir les pertes sur ses emprunts. Si c'est le cas, pourquoi l'acheteur ne garantirait-il tout simplement pas l'emprunt au lieu du gouvernement?

M. Pinette : C'est une bonne question, et je vous en remercie. La plupart du temps, et comme je l'ai dit, il en va ainsi pour nous, nous garantissons ces emprunts, comme nous le faisons depuis plus de 20 ans, au moyen d'une ligne de crédit renouvelable pour ces personnes. Nous sommes une entreprise de produits forestiers de propriété privée, et notre conseil d'administration est déterminé à gérer la forêt de façon durable à long terme. Bon nombre de nos compétiteurs au Canada ne sont pas dans cette position, et ils doivent prendre des engagements à long terme auprès des banques afin de maintenir leurs garanties pour que les banques leur octroient des prêts à des taux préférentiels. Il faut que le conseil d'administration et les propriétaires soient d'accord pour prendre ces engagements, les respecter et accuser les pertes, le cas échéant. Le garant s'est engagé à ce que si un de ces prêts devient irrévocable, il essuiera les pertes subies par les banques. C'est un engagement financier que les propriétaires d'entreprises doivent être prêts à faire. Dans notre cas, nous avons accepté. Mais ce n'est pas tout le monde qui veut prendre de tels risques.

M. Brundson : Cela va au-delà de la valeur de la machine. La banque veut avoir une garantie dont la valeur est supérieure à celle de la machine.

Le sénateur Plett : Je comprends, mais je suis encore un peu perplexe. Si l'acheteur offre une garantie en cas de perte, s'il a les ressources nécessaires pour le faire, il peut également garantir l'argent à la banque. Si l'acheteur n'a pas les ressources nécessaires pour offrir une garantie contre les pertes, à quoi bon l'inclure?

M. Pinette : C'est la question fondamentale. Nous sommes d'avis que l'acheteur qui veut parrainer une entreprise contractant un emprunt commercial de ce genre doit être disposé à accuser ces pertes. Autrement, il n'est pas admissible. L'industrie, l'acheteur de bois, les banques, et dans ce cas-ci, le gouvernement, peu importe lequel, et l'emprunteur se partagent le risque afin qu'on puisse financer le projet.

Le sénateur Plett : Le sénateur Mercer vous a posé une question au sujet de l'équipement, et j'ai été — comme d'autres sénateurs — étonné par le genre de machines nécessaires et la façon dont elles coupent et écorcent les arbres. Combien doit s'attendre à débourser une personne voulant démarrer une entreprise dans ce domaine? J'imagine qu'elle aura besoin de deux ou trois machines.

M. Pinette : Au moins deux, oui.

Le sénateur Plett : Combien devrait alors en général débourser quelqu'un qui veut se lancer dans ce genre d'affaires?

M. Pinette : La plupart des systèmes semblables à ceux que vous avez vus nécessitent un investissement d'environ 750 000 $, pour deux machines.

Le sénateur Plett : Vous avez dit que vos salaires étaient de 65 p. 100 supérieurs à la médiane provinciale, mais pourriez-vous établir une comparaison avec d'autres provinces et la médiane nationale?

M. Pinette : Malheureusement, je ne peux pas vous répondre. Si vous donniez l'écart entre la moyenne nationale et celle du Nouveau-Brunswick, je le pourrais, mais je n'ai pas ces chiffres.

Le sénateur Plett : C'est de bonne guerre, je le reconnais.

Le filet de sécurité de 30 à 40 millions de dollars pour l'industrie forestière couvre-t-il l'ensemble du Canada atlantique, ou seulement le Nouveau-Brunswick?

M. Pinette : Il s'agissait de notre estimation pour le Canada atlantique, que je définis, pour les besoins de la cause, comme englobant la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. Je ne suis pas au courant de la situation à Terre-Neuve. Toutefois, pour les provinces maritimes, cela suffirait à couvrir le renouvellement nécessaire du matériel de base.

Le sénateur Plett : J'ai quelques questions au sujet des terres publiques et privées. Quelles proportions des forêts du Nouveau-Brunswick appartiennent à la Couronne? Combien de ces terres sont gérées par les Irving? Quelle est la superficie des terres privées qui appartiennent aux Irving?

M. Brundson : Les terres publiques au Nouveau-Brunswick représentent environ 51 p. 100 du territoire forestier, ce qui est un peu l'exception. Au Canada, cette proportion s'élève à environ 91 p. 100, sauf au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, où seulement 30 p. 100 du territoire forestier appartient à la Couronne. Voilà qui répond à votre première question.

J.D. Irving Limitée est propriétaire d'environ deux millions d'acres au Nouveau-Brunswick, ce qui représente environ 15 p. 100 du territoire forestier de la province.

Le sénateur Plett : Quelles proportions des terres publiques gérez-vous?

M. Brundson : À peu près 30 p. 100, de concert avec deux des dix plus grands titulaires de permis au Nouveau-Brunswick.

Il convient de mentionner que, en ce qui concerne les terres publiques, la gestion relève du ministère des Ressources naturelles de la province. Celui-ci délègue le travail sur le terrain aux cinq plus grandes entreprises de la province en se disant qu'elles ont l'infrastructure, les ressources et la volonté nécessaires pour investir à long terme. Toutefois, toutes les scieries au Nouveau-Brunswick se voient allouer une partie des terres publiques. Bien que nous gérions le territoire, nous devons approvisionner en bois les 15 autres petites scieries à qui une partie de ces terres publiques ont été attribuées.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup. Nous devrions veiller à nous tenir au courant de l'état de ces arbres, alors si nous souhaitons que le comité se déplace, il s'agirait peut-être de convenir d'une destination.

Le sénateur Ogilvie : Je tiens à vous remercier tous les deux de ce résumé des aspects les plus importants de l'industrie forestière, que vous avez remarquablement bien organisé et présenté. Je ne suis absolument pas surpris. À une certaine époque, j'ai eu la chance de voir vos installations de près grâce à des visites touristiques aériennes. En survolant le territoire du Nouveau-Brunswick, ce qui m'a vraiment impressionné, c'est que je pouvais déterminer du haut des airs les installations qui appartenaient à J.D. Irving Limitée et celles qui appartenaient à ses concurrents. En survolant vos installations, surtout les scieries, il était facile de savoir lesquelles vous appartenaient. Votre organisation est exemplaire. J'ai également eu l'occasion d'entendre certaines histoires fabuleuses du temps de K.C. Irving, à l'époque où les routes et l'infrastructure étaient en construction. Les histoires étaient fascinantes, mais la conclusion d'autant plus importante : Dans cette industrie, même la qualité des routes et le rayon de courbature des virages sont importants et ont des répercussions sur les intrants énergétiques dans une installation.

Je voudrais revenir au 3,4 millions d'acres dont vous avez parlé dès le début. Vous avez indiqué que deux millions d'acres se situent au Nouveau-Brunswick. Où se trouvent les 1,4 million d'acres restantes? Dans le Canada atlantique ou au Maine?

M. Brundson : Nous sommes propriétaires d'environ 1,25 million d'acres au Maine. Nous sommes le plus grand propriétaire privé de cet État. Presque tout le bois qui y est récolté approvisionne nos usines du Nouveau-Brunswick ou est vendu à des concurrents locaux au Maine. Nous sommes également propriétaires d'environ 250 000 acres en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Ogilvie : Il y a des années, j'ai participé activement au milieu scientifique de la biotechnologie et aux premières étapes de développement de la culture de tissus, notamment. Le Canada a été le premier pays au monde à cloner, par la culture tissulaire, des arbres à feuillage persistant, qui sont beaucoup plus difficiles à cloner que la plupart des plantes.

Vous avez été la première société forestière au Canada à utiliser l'expression « arbres d'élite » pour décrire vos arbres. Ceux-ci étaient choisis sur le terrain, et non pas conçus par culture de tissus. Aujourd'hui, vous avez dit utiliser cette technique pour les arbres d'élite dans la production de semences, j'imagine.

M. Brundson : Pour l'amélioration génétique, notre inventaire provient encore à 98 p. 100 de semences.

Le sénateur Ogilvie : C'était ma prochaine question. Dans vos installations de sélection de genévriers, par exemple, les graines proviennent à 98 p. 100 des semences traditionnelles.

M. Brundson : Oui. Nous essayons d'améliorer les techniques de culture de tissus. Nous utilisons celles-ci pour préserver le matériel génétique disponible. Pour nos opérations, bien plus de 97 p. 100 des semences viennent de nos vergers à graines.

Le sénateur Ogilvie : Vous avez également montré une magnifique pyramide représentant le développement à valeur ajoutée des produits forestiers de base et les valeurs en dollars réels. Je remarque qu'un élément a été omis : l'extraction de produits chimiques de la biomasse. Pourtant, votre société soeur est l'une des meilleures au monde en ce qui concerne la distillation du pétrole en produits raffinés, et la technologie n'est pas si différente. Nombre des principes sont semblables. Est-il possible d'extraire de la sciure de bois ou d'autres produits dérivés des produits chimiques cellulosiques?

M. Pinette : Comme nos concurrents dans cette industrie, nous nous intéressons de près à cette technologie en constante évolution. Pour l'instant, nous ne procédons pas à cette extraction. Nous n'avons aucune installation commerciale qui puisse le faire, et cela n'est pas dans nos plans, bien que nous suivions de près l'évolution de la technologie. Nous pensons que celle-ci soit porteuse d'un grand potentiel, mais nous considérons que pour l'instant, elle ne peut pas être utilisée à des fins commerciales.

M. Brundson : Nous effectuons de la recherche à cet égard. Je suis convaincu que si vous nous invitez à nouveau dans 15 ou 20 ans, cela fera partie de la pyramide.

Le sénateur Ogilvie : Dans une vie antérieure, j'ai eu l'occasion d'étudier la situation particulière de l'Europe et les plantations en Écosse. On a peu tendance à associer l'Écosse à l'aménagement forestier — on pense surtout à la Scandinavie —, mais on y fait des choses fascinantes également.

J'aimerais maintenant discuter de la quantité totale de biomasse que vous récoltez, puisque vous avez montré l'augmentation, par la gestion, du rendement en tonnes de biomasse par acre. J'aimerais établir un parallèle avec certaines des forêts que je vois au Nouveau-Brunswick, qui sont de toute évidence gérées par J.D. Irving Limitée, et les plantations écossaises, très denses et où les étapes de récolte étaient bien planifiées, avant la récolte finale à pleine maturité. Vous avez parlé d'un cycle d'environ 50 ans.

Lorsque vous parliez de la biomasse totale extraite par acre, cela comprenait-il la récolte sélective tout au long de ce cycle de 50 ans, ou était-ce la quantité d'arbres mûrs?

M. Brundson : Il s'agirait du total de la rotation, moins ce qu'on laisse en général en biomasse. Ce qui figurait dans le tableau représentait ce qu'on appelle le bois blanc à hauteur marchande. Il faut augmenter ce volume de 30 p. 100 si l'on tient compte des branches et des cimes.

Le sénateur Ogilvie : Toutefois, si on retranche 20 ans et qu'on récolte ces arbres, calcule-t-on encore ce bois blanc dans les chiffres?

M. Brundson : Oui.

Le sénateur Eaton : Comme vous pouvez le constater, notre comité veut rendre le Canada plus vert en utilisant davantage de bois.

M. Pinette : Merci.

Le sénateur Eaton : Vous avez beaucoup parlé de changements climatiques. Ces changements, qui je crois sont cycliques et à long terme, vous ont-ils poussés à changer les espèces que vous plantez?

M. Brundson : Oui.

Le sénateur Eaton : Quelle est la différence?

M. Brundson : Cela n'a pas changé vraiment les espèces qu'on plante, mais peut-être les arbres parents, l'origine des graines.

On me pose souvent la question suivante : que faites-vous pour contrer le réchauffement climatique? Je répondrais que notre programme d'amélioration des arbres est le meilleur investissement que nous puissions faire pour atténuer le réchauffement climatique. Lorsque nous mettons à l'essai les différentes sources de graines, nous le faisons au climat de Boston. La région de Yarmouth a à peu près le même climat que celui de Boston, qui devrait être celui du Nouveau-Brunswick dans 50 ans. Par conséquent, nous mettons les graines à l'essai au sud comme au nord de la région, et les arbres que nous planterons la semaine prochaine seront ceux qui ont toujours donné un bon rendement dans ces deux zones d'essai.

Le sénateur Eaton : C'est une forme d'hybridation.

M. Brundson : C'est une bonne adaptation.

Le sénateur Eaton : Plantez-vous encore plus de feuillus, ou vous intéressez-vous davantage aux conifères?

M. Brundson : Ainsi, l'épinette noire ne prend pas autant de place dans notre programme de plantation qu'il y a 15 ans. Par contre, les espèces comme le pin blanc sont plus utilisées qu'il y a 20 ans, parce que ces arbres ont tendance à mieux croître dans un climat plus chaud et légèrement plus sec.

Je me dois d'ajouter que les Maritimes ne seront pas touchées autant que la forêt boréale par le réchauffement climatique grâce à l'humidité et à l'effet des côtes.

Le sénateur Eaton : Vous avez là-bas un climat différent d'ici.

M. Brundson : C'est un élément important pour nous au quotidien.

M. Pinette : Nous devrions répondre à la question sur les arbres à feuilles caduques comparativement aux conifères. Nous ne plantons pas d'arbres à feuilles caduques tout simplement parce qu'ils poussent naturellement en abondance.

Le sénateur Eaton : Pourtant, vous avez dit que, en plantant des arbres, vous augmentiez votre récolte, alors pourquoi ne pas l'appliquer aux arbres à feuilles caduques?

M. Pinette : Nous plantons seulement des conifères. Ces régions sont mieux adaptées à ce type d'arbre et nous pouvons accroître notre récolte dans toutes ces zones en plantant des arbres.

Le sénateur Eaton : Cela ne s'applique pas aux arbres à feuilles caduques.

M. Brundson : Le deuxième segment le plus élevé sur le graphique représentait l'éclaircissage pré-commercial. C'est le traitement que nous utilisons dans les peuplements forestiers à différents types d'arbres et dans les peuplements de bois de feuillus.

Le sénateur Eaton : Pourtant, vous ne vous concentrez pas sur le bois de feuillus, n'est-ce pas?

M. Brundson : Non, mais nous nous concentrons sur la sylviculture d'arbres feuillus et d'arbres mixtes.

M. Pinette : Dans les endroits où c'est approprié d'avoir des arbres feuillus.

Le sénateur Eaton : Si vous plantiez des conifères, vous ne laisseriez pas les feuillus croître parmi ceux-ci.

M. Brundson : Parallèlement, nous ne planterions pas d'arbres résineux dans les zones où poussent des érables à sucre de bonne qualité ou des bouleaux jaunes. Nous ne planterions que des feuillus.

Le sénateur Eaton : Je me reporte au sommet de votre pyramide, que je n'ai pas pu lire. Au comité, au cours de la dernière année, nous avons discuté des produits du bois à valeur ajoutée. Mettons de côté la biomasse, qui est en quelque sorte l'utilisation des restes de ce que vous ne pouvez pas utiliser. Le bois d'oeuvre stratifié croisé ou la fabrication de produits pour des édifices non commerciaux, ou même commerciaux, sont-elles des possibilités qui vous permettraient de ne plus vous limiter aux deux sur quatre?

M. Pinette : Non, nous ne disposons pas de programme actif à ce jour nous permettant d'investir dans ce secteur. Il nous intéresse. Encore une fois, il s'agit d'un marché émergent. La technologie y a évolué au point où il est maintenant possible de commercialiser certains de ces produits, mais ce n'est pas notre cas à l'heure actuelle. Nous examinons les occasions qui s'offrent à nous.

Le sénateur Eaton : Les témoins nous ont parlé de la fabrication de composantes préfabriquées pour les édifices. C'est une possibilité pour vous, mais vous n'êtes pas sur ce marché à l'heure actuelle.

M. Pinette : Le secteur de la fabrication domiciliaire modulaire, au sommet de la pyramide que vous avez vue, nous intéresse vivement. Au moment où on se parle, des expériences ont cours dans le domaine de la construction annualisée. Nous construisons nos maisons modulaires avec des produits du bois depuis des années dans les Maritimes. Ces technologies évoluent, et nous restons actuels et concurrentiels.

Le sénateur Eaton : Exportez-vous vos produits principalement aux États-Unis? Avez-vous commencé à vous pencher sur les marchés étrangers ou exportez-vous déjà vers ceux-ci?

M. Pinette : Ma réponse à la première question est oui; nous exportons principalement vers les États-Unis. Ma réponse aux deux autres questions est non. Par le passé, nous avons exporté vers d'autres pays que les États-Unis. Au cours des 10 ou 15 dernières années, par contre, il a été avantageux pour nous d'exporter principalement aux États-Unis, bien que nous exportions différents produits dans d'autres parties du monde et que nous continuions à rechercher les débouchés.

Le sénateur Eaton : Nous avons entendu des témoignages sur le bois d'oeuvre résineux et sur ce que nous ne pouvons pas exporter vers les États-Unis. Serait-il dans notre intérêt de rechercher des débouchés pour les produits à valeur ajoutée sur lesquels vous vous concentrez de plus en plus?

M. Pinette : Je pense qu'il est toujours dans notre intérêt et dans l'intérêt des autres de chercher à percer sur de nouveaux marchés. Cela fait partie du cycle d'affaires continu auquel nous sommes soumis. Nous continuons à rechercher d'autres débouchés partout dans le monde.

Le sénateur Eaton : Merci.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Est-ce qu'il reste encore des questions à poser, monsieur le Président? Des témoins sont venus ici nous dire que pour l'utilisation traditionnelle des fibres, le marché était saturé et qu'il y a beaucoup d'autres producteurs qui sont dans le domaine.

On dit qu'on doit de plus en plus aller chercher — comme le sénateur Ogilvie le mentionnait dans sa question — les matières autres que la fibre. Vous avez répondu que vous n'êtes pas rendu là encore. Mais est-ce qu'à un moment donné le problème ne se posera pas? Vous devrez trouver d'autres utilités pour toute la source de bois plutôt que simplement produire des fibres pour du papier ou de la biomasse, n'est-ce pas?

M. Pinette : Certainement, on cherche toujours de nouveaux marchés, de nouvelles applications pour nos produits et pour la production de nouveaux produits.

On n'est pas opposé à la production et au développement de nouveaux produits forestiers. Mais la réponse à la question initiale, à savoir, est-ce qu'on est en train de faire certaines choses sur des produits spécifiques, la réponse est non. On croit que la commercialisation de ce processus n'est pas encore complète. Il faudra qu'il y ait plus de recherche et de développement avant de pouvoir investir dans des installations commerciales pour recevoir ces technologies.

Le sénateur Robichaud : Êtes-vous associé avec des centres de recherche ou des universités?

M. Pinette : Oui, absolument. On appuie la recherche qui se fait, mais le développement n'est pas là aujourd'hui. Beaucoup de gens parlent des produits biochimiques que l'on peut retirer de la fibre cellulosique. La réponse est oui, on peut le faire, mais ce n'est pas commercialisé encore. On n'est pas prêt à faire ces investissements parce que le processus n'est pas développé commercialement.

M. Brundson : Mais on dépense beaucoup d'argent chaque année à faire de la recherche sur les opportunités biochimiques de notre usine à Saint-Jean. On est obligé de le faire.

Le sénateur Robichaud : C'est la réponse que je cherchais.

M. Pinette : Le développement commercial n'est pas prêt.

Le sénateur Robichaud : Dans combien d'années le prévoyez-vous?

M. Pinette : On espère que ce soit sur la liste dans cinq ou dix ans, cela serait bien.

M. Brundson : On espère qu'on aura l'opportunité dans les cinq prochaines années. On pense qu'on a plus d'avantages que les autres compagnies à cause de nos processus. Mais on va voir.

Le sénateur Robichaud : Surtout qu'Irving a beaucoup d'expérience dans le raffinage, ce devrait être des processus qui se ressemblent un peu comme le sénateur Ogilvie le disait.

Pour la biomasse, au Nouveau-Brunswick, on importe du charbon. Est-ce que vous avez étudié la possibilité de remplacer ce charbon par une biomasse que vous pourriez produire?

M. Pinette : Absolument. On est bien intéressé à ce développement. C'est quelque chose qui pourrait se faire assez vite et facilement dans la province étant donné que les installations de charbon sont déjà là et que la conversion n'est pas très compliquée.

Est-ce la meilleure utilisation de la biomasse? C'est une autre question. Mais relativement à la disponibilité de la fibre et près de ces usines, la réponse est oui. On a regardé, on est intéressé. Si les propriétaires des installations sont prêts à faire la conversion, on est prêt à fournir une partie de la biomasse.

Le sénateur Robichaud : Je comprends que ce n'est pas la meilleure utilisation de la biomasse, mais si on considère les gaz à effet de serre, sauf une personne qui nous a dit que brûler du bois dégageait plus de gaz à effet de serre que le charbon, on est encore incrédule de ce côté. Mais c'est toujours à savoir, si on utilise du bois au lieu du charbon, n'y a-t-il pas un avantage?

M. Pinette : Il y a un gros avantage. La seule raison pour laquelle je fais le commentaire qui va faire suite à l'utilisation, si cela veut dire transporter la biomasse à 200, 300 ou 400 kilomètres pour la transporter à une usine de charbon, la réponse devient moins claire. Si la distance de transport est 40 kilomètres, la réponse est différente parce qu'il y a un impact de la valeur énergétique de la biomasse par la distance au marché. Donc, si la biomasse est près des installations, c'est très bon. Quand elle est loin, on peut se poser des questions.

Le sénateur Robichaud : Alors pour les centrales de charbon, la question se poserait au Nouveau-Brunswick?

M. Pinette : Oui. Et l'autre partie, les centrales de charbon sont des grosses centrales énergétiques et cela prend beaucoup de biomasses pour remplacer moins de charbon. Si vous voulez remplacer une centrale de charbons avec la biomasse, vous devriez aller loin pour satisfaire les besoins de l'installation parce que cela utilisera beaucoup de biomasses.

Le sénateur Robichaud : Il n'est pas question de brûler totalement la biomasse des fibres de bois parce qu'en Europe, on est en train graduellement de remplacer le charbon par une biomasse qui vient soit de l'agriculture ou de la forêt.

M. Pinette : Cela serait une bonne solution de le faire progressivement jusqu'à ce qu'il y ait un équilibre énergétique entre la valeur de la biomasse, le charbon et les gaz associés.

Le sénateur Robichaud : Quel pourcentage de biomasse laissez-vous dans la forêt? Pourriez-vous l'utiliser sans nuire à la régénération du sol dans la forêt?

M. Pinette : Les meilleures informations qu'on peut trouver à travers le monde c'est que, normalement, on ne devrait pas faire plus de 80 p. 100 de l'extraction de la vraie biomasse, les rejets de branche, et cetera. Il faudrait laisser 20 p. 100 de ces volumes sur les terrains pour protéger les sites.

Autrement, sur les sites sensibles, les sites non fertiles où les sols sont minces, on ne devrait pas l'enlever du tout. Mais le reste des sites, maximum, on dirait 80 p. 100 d'extraction de biomasses.

Le sénateur Robichaud : Ma question était : est-ce que vous retirez 80 p. 100 ou si vous en laissez?

M. Pinette : On n'en retire pas 80 p. 100 en moyenne. On est plus aux alentours de 40 p. 100. Mais comme je le disais, on est en train de bâtir des installations qui vont utiliser la biomasse et à mesure que ces installations seront en place, notre consommation augmentera et dans trois ans, on va utiliser 80 p. 100 de la biomasse sur nos chantiers.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Ils nous ont dit qu'ils avaient de petits arbres, des semis, dans les centres de recherche spatiale. Quels en sont les avantages?

M. Brundson : Ce n'était pas mon idée d'envoyer des arbres dans l'espace, mais puisqu'ils l'ont demandé, nous avons répondu à l'appel et nous avons accepté. Ils essaient de voir quelles seront les qualités de la fibre de bois des arbres qui croîtront en apesanteur. Est-ce qu'ils vont croître plus vite? Est-ce que leur teneur en lignine sera la même? Est-ce qu'ils croîtront tout droit? Voilà les questions auxquelles ils veulent répondre.

Le sénateur Mahovlich : J'ai une autre question en ce qui concerne la biomasse. Si nous utilisons les résidus de bois qui se trouvent dans la forêt pour produire des bioproduits, de la bioénergie et des biocarburants, quelle proportion de ceux-ci devrions-nous laisser sur le sol pour que celui-ci dispose des nutriants appropriés et que nous évitions l'érosion des sols?

M. Pinette : Je pense avoir répondu en partie à cette question en français, mais je répéterai ce que je viens de dire en anglais. Selon les faits scientifiques à notre disposition à l'heure actuelle, nous devrions laisser au moins 20 p. 100 des déchets ou de la biomasse sur le terrain à cette fin.

M. Brundson : Cela dépend du site. Lorsque le sol est mince, on ne devrait probablement pas récolter de biomasse.

Le sénateur Mahovlich : Et être loin des lacs.

M. Brundson : Absolument.

Le sénateur Mahovlich : À quelle distance des lacs?

M. Brundson : Le long de tous les ruisseaux et de toutes les rivières que nous exploitons, nous disposons de zones tampons. Le plus petit ruisseau possède une zone tampon de 100 pieds de chaque côté. Dans le cas d'un lac, elle ferait environ de 300 à 500 pieds, selon le lac et l'utilisation qu'on en fait à des fins récréatives.

Le sénateur Mahovlich : Il y a quelques années, nous nous sommes rendus à Timmins, en Ontario, et la zone tampon mesurait 20 mètres. Les choses ont changé.

M. Brundson : Je viens du Nouveau-Brunswick. Le Nouveau-Brunswick n'a pas beaucoup de lacs, et les gens cherchent à les protéger.

M. Pinette : Nous n'exploiterions pas les terres près d'un lac.

Le sénateur Mahovlich : Alors la pêche y est toujours bonne.

M. Brundson : La pêche au saumon y est excellente.

[Français]

Le sénateur Robichaud : En rapport avec la question du sénateur Mahovlich, on doit respecter une distance de coupe jusqu'aux ruisseaux, rivières et lacs. Je connais beaucoup de chasseurs qui, à l'automne, passent leur temps dans le bois. Ils m'ont dit que dernièrement, les compagnies forestières coupaient jusqu'aux ruisseaux, ce qui enlevait tout habitat pour le chevreuil ou l'orignal.

Vous êtes en train de dire que ce n'est pas le cas?

M. Brundson : C'est contre la loi.

Le sénateur Robichaud : On m'a dit qu'on avait changé le règlement. Vous dites que ce n'est pas le cas?

M. Pinette : Cela n'est pas le cas au Nouveau-Brunswick. Sur les terres de la Couronne, il y a des règlements sévères pour le contrôle des zones fauniques, des protections riveraines et des lacs. Il faut suivre la loi sinon tu perds le droit de coupe. C'est possible que vous parliez des petits lots boisés où des gens font les choses différemment. Les lois sont différentes sur les lots privés.

Le sénateur Robichaud : Mais sur les terres de la Couronne, est-ce que cela s'applique sur les terres qui vous appartiennent?

M. Pinette : On a les mêmes normes sur nos terres privées, les terres industrielles que sur les terres de la Couronne, on suit les mêmes règlements.

Le sénateur Robichaud : Je pourrai les rassurer?

M. Pinette : Oui.

Le sénateur Robichaud : Je ne sais pas s'ils vont me croire. Je vous remercie.

Le président : J'aurais quelques questions à poser afin de faire un suivi sur des questions posées et aussi avoir vos opinions, avec votre expérience et sachant que la compagnie JD Irving Ltée, plus particulièrement sur la vision de M. KC Irving lui-même, sur le premier Nord-Américain à faire la plantation d'arbres dans les années cinquante.

Quel rôle jouent les communautés, étant donné qu'on sait que 300 communautés à travers le Canada, de l'Est à l'Ouest et aussi dans le Nord, sont affectées par des opérations forestières ou dépendent de la création d'emplois pour les opérations forestières?

Quel rôle jouent les communautés dans votre vision et votre décision concernant la foresterie pour s'assurer une qualité à long terme de création d'emplois?

M. Pinette : Merci de votre question, on a deux comités municipaux dans la province du Nouveau-Brunswick, un pour les régions francophones dans le nord de la province et un autre comité semblable dans le sud de la province, surtout les régions anglophones, qui nous donnent leur opinion, leur vision du développement dans leur région. Les demandes de la compagnie sur les deux comités sont complémentaires et toutes les communautés sont représentées, les maires, les agences publiques régionales, les institutions de développement de la région sont à la table et on se rencontre régulièrement. Ils nous fournissent leur information et leur demande régulièrement. Ils nous font des propositions pour différents besoins municipaux et autres qui existent dans les régions. Et puis chaque fois qu'on propose un nouveau dossier, on en discute à ces comités pour s'assurer d'impliquer le plus possible les communautés où on œuvre et aussi pour servir autant que possible les besoins de ces communautés.

Rappelez-vous que 95 p. 100 de ces activités sont dans les communautés rurales où les gens dépendent du succès de nos efforts, et c'est important qu'on ait leur vision du futur et qu'on la prenne en considération à mesure que nos dossiers de développement industriel progressent dans notre secteur. On apprécie beaucoup l'information que ces gens nous fournissent. Ce sont des comités volontaires, les gens assistent à ces séances de travail bénévolement. Leur contribution est très importante.

Le président : Est-ce qu'on peut conclure, monsieur Pinette, en disant que la communauté est partie prenante de vos décisions pour la foresterie?

M. Pinette : Elle n'est pas nécessairement décisionnelle, mais leur vision du futur et leurs besoins sont mis dans les dossiers. Quand on fait l'analyse de nos projets, on prend en considération les exigences et les demandes des communautés.

[Traduction]

Le président : D'autres témoins nous ont dit que les gouvernements devraient chercher à encourager l'utilisation du bois dans la construction non résidentielle. Compte tenu de votre expérience à titre de forestier professionnel et d'analyste et de votre connaissance des marchés émergents, à quoi s'ajoutent vos plans liés aux maisons modulaires et aux maisons Kent, qui était sans doute un leader dans le Canada Atlantique, sinon le joueur principal, que pensez-vous de l'utilisation du bois dans la construction non résidentielle?

M. Pinette : Je vous ferai part de mon opinion à titre de particulier. Je suis ingénieur en plus d'être forestier. En tant qu'ingénieur, je pense que le bois est bon. On pourrait l'utiliser beaucoup plus dans les structures de construction, dans les surfaces industrielles et commerciales pour en soigner l'apparence, ainsi de suite.

Le bois n'a pas vraiment fait partie de la formation et du perfectionnement des architectes et des ingénieurs. On pourrait utiliser le bois dans différentes applications dans le domaine de la construction, au Canada et ailleurs. Il faut modifier les codes de construction qu'on trouve dans ces endroits pour permettre l'utilisation du bois dans les structures. Les architectes doivent être formés et comprendre la valeur du bois pour les surfaces et le fini afin qu'ils puissent mieux l'utiliser et en tirer une plus grande valeur. Les gouvernements devraient faire preuve de leadership et encourager les professionnels de ces secteurs à modifier les codes et à élaborer des applications qui permettront de mieux utiliser les ressources canadiennes.

On pourrait utiliser davantage le bois dans la construction, qu'elle soit résidentielle ou commerciale.

Le président : J'ai remarqué que vous faites beaucoup de recherche et développement. Il y a un secteur qui m'intrigue particulièrement, celui de la recherche et du développement dans le domaine du bois de feuillus. Est-ce qu'il y a suffisamment de recherche et de développement qui se fait au Canada maintenant, ou les gouvernements et le secteur privé devraient-ils favoriser celle-ci dans ce secteur particulier de l'industrie forestière?

M. Pinette : Je ne peux pas parler pour le pays en entier. Je sais qu'il y a beaucoup de forêts d'arbres à feuilles caduques dans le Sud de l'Ontario et au Québec, et donc les gens connaissent beaucoup mieux le bois de feuillus là-bas que dans les Maritimes et dans le reste du pays.

Dans notre pays, nous ne connaissons pas suffisamment la meilleure façon de gérer de façon appropriée nos forêts de feuillus. Je crois que davantage de recherche et de développement, surtout de la recherche et du développement appliqués dans le domaine de la gestion du bois de feuillus, seraient utiles et nous permettraient d'obtenir plus des forêts de feuillus que nous gérons. Alors oui, j'aimerais assurément que l'on favorise la recherche.

M. Brundson : Vous pensez peut-être que nous sommes spécialisés dans le bois d'oeuvre résineux en raison de l'exposé que nous venons de vous présenter, mais nous sommes un grand utilisateur de bois de feuillus. Je pense que nous exploitons la plus importante scierie de bois de feuillus à l'est de Montréal. Quelque 35 p. 100 des terres que nous gérons de façon permanente sont des forêts de feuillus. Nous sommes vivement intéressés par ce type de bois et nous travaillons avec les universités locales pour accroître nos connaissances en matière de gestion du bois de feuillus.

Le président : Pourtant, dans le Canada atlantique, il n'y a pas de recherche et développement qui se fait dans le domaine du bois de feuillus.

M. Brundson : Par autant que nous le souhaiterions. Je dirais que c'est la même chose au Canada. Assurément, il y a de la place pour l'accroissement des compétences au Nouveau-Brunswick. Je ferai la promotion d'un projet récent, mais nous travaillons à l'heure actuelle avec l'Université de Moncton, à Edmundston, au nord-ouest du Nouveau-Brunswick, où on trouve le meilleur bois de feuillus au pays, pour créer un centre d'excellence dans ce domaine.

Le président : Merci. Au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, nous aimerions vous remercier pour les connaissances que vous nous avez transmises. Votre exposé était bien ficelé. Comme l'a dit le sénateur Plett, lorsqu'il a rencontré M. Irving, nous allons assurément lui envoyer une petite lettre pour lui mentionner à quel point vous avez tous deux fait de l'excellent travail ce matin.

S'il n'y a plus de remarque ou de question de la part des sénateurs, je voudrais vous remercier encore une fois de nous avoir communiqué vos connaissances et de nous avoir aidés à réfléchir à notre vision de l'avenir pour que notre secteur forestier soit prospère. Les Canadiens en seront sans doute fiers.

(La séance est levée.)


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