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Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 2 - Témoignages du 12 avril 2010


OTTAWA, le lundi 12 avril

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 16 h 06 pour étudier les politiques de sécurité nationale et de défense du Canada sur la souveraineté et la sécurité de l'Arctique, ainsi que pour en faire rapport.

Le sénateur Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, cet après-midi, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense poursuit l'étude des questions relatives à la souveraineté et à la sécurité de l'Arctique.

Nous avons déjà entendu plusieurs témoins intéressants et nous continuons sur notre lancée aujourd'hui. Nous accueillons le brigadier-général D. B. Millar, OMM, C.D., commandant de la Force opérationnelle interarmées (Nord) des Forces canadiennes; le brigadier-général Gary O'Brien, directeur général, Réserve terrestre CEM; et nous commençons par le lieutenant-général J. M. Duval, commandant adjoint du NORAD.

Le vice-président, le sénateur Dallaire, a demandé que nous lui accordions quelques minutes avant d'entamer l'audience.

Le sénateur Dallaire : Merci, madame la présidente. Depuis plus de trois ans, je siège au conseil consultatif des services policiers, dont je suis devenu le président l'automne dernier. Cet organe indépendant conseille le commissaire de la GRC et tous les services policiers du pays dans leurs opérations, pour ce qui est des laboratoires, procédures et processus.

Comme j'examinais le mandat du comité, maintenant que j'en suis le vice-président, j'ai demandé au conseiller sénatorial en éthique s'il était concevable que je puisse siéger ici et faire une analyse d'une ou de plusieurs institutions au plan de la sécurité tout en étant aussi un conseiller direct des dirigeants de ces institutions. J'ai reçu une lettre officielle me conseillant de démissionner du conseil consultatif des services policiers, ce que je ferai lors de la réunion du conseil le 6 juillet. Je vais déposer ce document pour l'indiquer et pour supprimer tout obstacle que cela pourrait constituer à l'exécution de mes fonctions au Sénat.

La présidente : Seriez-vous d'accord pour que, d'ici là, si nous devons entendre le témoignage de la GRC, vous vous retiriez de la discussion?

Le sénateur Dallaire : Oui.

La présidente : Y a-t-il d'autres commentaires ou questions sur le sujet? Tout le monde est d'accord? Merci beaucoup, sénateur Dallaire, d'avoir porté cela à notre attention.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui des témoins qui nous parleront des enjeux liés à la souveraineté et à la sécurité en Arctique. Le lieutenant-général Duval est commandant adjoint du NORAD. Je sais que vous avez préparé des observations que vous souhaitez présenter, et nous pouvons les distribuer si vous le souhaitez. Il y a aussi une carte.

Lieutenant-général J. M. Duval, commandant adjoint, Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) : Honorables sénateurs, merci de l'occasion que vous me donnez aujourd'hui de vous parler et de répondre à vos questions. En tant que commandant adjoint du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou NORAD, je suis responsable, avec le général Renuart, commandant du NORAD, du succès continu de trois missions du NORAD, à savoir l'alerte aérospatiale, le contrôle aérospatial et l'alerte maritime. En sa qualité de commandant du NORAD, le général Renuart, des forces aériennes des États-Unis, occupe un poste unique puisqu'il rend des comptes aux leaders de deux pays, le Canada et les États-Unis, relativement à l'exécution des missions du NORAD.

[Français]

Comme vous le savez, l'énoncé de mission du NORAD précise ce qui suit : « En étroite collaboration avec des partenaires de la défense intérieure, de la sécurité et du maintien de l'ordre, le NORAD assure la prévention d'attaques aériennes contre l'Amérique du Nord et sauvegarde la souveraineté des espaces aériens des États-Unis et du Canada. Cette collaboration assure une réponse efficace à toute activité aérienne inconnue, indésirable et non autorisée, approchant et opérant à l'intérieur des espaces aériens concernés par sa mission. Le NORAD fournit également l'alerte aérospatiale et maritime pour l'Amérique du Nord. »

Pour ce faire, nous avons une vision globale, mais nous nous concentrons sur les approches de l'Amérique du Nord, y compris la région de l'Arctique.

[Traduction]

L'obligation la plus solennelle du NORAD est de défendre nos territoires nationaux, y compris les territoires de l'Arctique. De fait, le NORAD mène notamment des activités d'alerte et de contrôle aérospatiaux en Arctique depuis près de 52 ans. Depuis 2006, le NORAD est également responsable de la collecte, de l'évaluation et du traitement de renseignements maritimes, et dans l'éventualité d'une menace contre l'Amérique du Nord, d'alerter les gouvernements du Canada et des États-Unis.

Notre engagement est de continuer à collaborer avec le « Northern Command » des États-Unis, NORTHCOM, et avec le Commandement Canada pour la défense de la région de l'Arctique et les questions ayant trait à la gestion des conséquences. Par ailleurs, nous continuons de travailler avec nos partenaires stratégiques en vue de mener à bien notre mission en Arctique, notamment la garde côtière des États-Unis, le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis, l'Agence des services frontaliers du Canada, le Commandement Canada, la Garde côtière canadienne et la GRC.

[Français]

Défendre la souveraineté de l'Arctique s'inscrit dans la stratégie de défense « le Canada d'abord », dont quatre des missions de défense ont trait à l'Arctique, et dont la première est directement confiée au NORAD : mener des opérations quotidiennes nationales et continentales, y compris dans l'Arctique et par l'entremise du NORAD.

[Traduction]

Le rôle maritime du NORAD en Arctique est de maintenir une connaissance de la situation maritime en partageant des renseignements avec d'autres intervenants du secteur maritime du Canada et des États-Unis. Le NORAD participe à la mission de surveillance maritime en Arctique au Commandement Canada et à l'USNORTHCOM, mais ne dispose pas de ressources de surveillance maritime. Les ressources de surveillance actuelles du NORAD en Arctique sont consacrées à des missions de défense aérienne et antimissiles.

Le NORAD est un membre permanent du Groupe de travail sur la sécurité de l'Arctique parrainé par Sécurité publique Canada et la Force opérationnelle interarmées (Nord).

[Français]

Le Canada et les États-Unis collaborent étroitement sur les questions ayant trait à l'Arctique. Si l'on compare les politiques canadiennes et américaines concernant l'Arctique, on constate qu'il y a beaucoup plus de choses qui unissent nos deux pays que de choses qui nous divisent. J'estime qu'une collaboration continue est essentielle si nous souhaitons relever de nombreux défis posés par les changements dans le milieu arctique.

[Traduction]

Le NORAD, un partenariat binational, est la pierre angulaire des relations entre le Canada et les États-Unis. C'est une relation de confiance fondée sur plus de 51 ans de coopération mutuelle et sur l'engagement commun à l'égard de la sécurité et la défense en Amérique du Nord. C'est une base solide sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour accroître et améliorer la sécurité de l'Amérique du Nord contre les menaces éventuelles qu'engendrent les changements dans le milieu arctique.

Je suis heureux de pouvoir témoigner devant vous aujourd'hui et je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, lieutenant-général Duval.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Je vous remercie de votre présence. J'ai une question concernant le volet organisationnel, mais ma première question portera sur la menace.

Dans le cadre actuel comprenant le Northern Command et le Canada Command, ainsi que l'étude Tri Command Study; vos analyses de menace ont-elles substantiellement changé avec l'évolution de la situation dans le Nord?

Je remarque que vous établissez des projections allant jusqu'à une durée de 15 années, mais étant donné que vous opérez avec ces deux autres entités, la perspective de menace a-t-elle changé?

Lgén Duval : En ce qui a trait à la naissance des deux commandements que sont le USNORTHCOM et le Canada Command, la mission NORAD n'a pas changé du tout. Elle vise toujours la détection et le contrôle de l'espace aérien; et les frontières de cet espace aérien n'ont pas changé depuis la naissance de NORAD en 1958.

Les changements qui ont eu lieu ne sont pas liés à l'arrivée des commandements USNORTHCOM et Canada Command, mais proviennent plutôt du fait de l'évolution géopolitique, et en particulier du côté russe. On ne peut pas appeler cela vraiment un changement, mais plutôt un niveau d'activité accru depuis août 2007.

Au moment où je prenais le commandement à Winnipeg, l'activité de l'aviation stratégique russe est montée en flèche, de façon très soudaine et le rythme s'est maintenu depuis ce temps.

Le NORAD est en quelque sorte revenu à un niveau d'activité qui n'avait pas été vu depuis l'existence de l'Union soviétique pour ensuite expérimenter un long temps mort; et cela a recommencé en août 2007.

Depuis ce temps, de fréquents déploiements dans l'Arctique ont eu lieu à l'aide de chasseurs, d'avions à détection électronique, de même que d'avions-citernes, et ce, pour justement pallier à cette menace potentielle et confirmer si, oui ou non, il s'agit d'une menace, ainsi que l'identifier et confirmer qu'il s'agit bel et bien d'aéronefs d'aviation stratégique russes avec lesquels nous faisons affaire et non pas une quelque autre entité.

Notre mission a donc évolué dans ce sens depuis deux ans et demi et l'arrivée des commandements USNORTHCOM et Canada Command n'y a rien changé.

Le sénateur Dallaire : Pourtant, ils ont été créés pour pallier ces menaces et pour opérer des ressources afin de contrer ces menaces. Au quartier général, vos responsabilités comprennent les plans de contingences et l'exercice d'une capacité de déploiement opérationnel continue. L'influence de ces deux éléments terrestres a-t-elle changé la nature de vos opérations, à savoir si vous sentez que la menace n'est pas seulement qu'aérospatiale, en surface ou maritime, mais aussi territoriale?

Lgén Duval : Oui. Il est évident qu'il y a eu une évolution au niveau de NORAD et des deux autres commandements nés en 2002 et 2006, respectivement. Il est certain que nous avons eu et sommes toujours dans cette période, bien que ce soit devenu plus expérimenté. Les commandements ont dû apprendre à communiquer et à collaborer. Cela a commencé avec les commandements USNORTHCOM et NORAD, fusionnés en un seul commandant et un état-major principalement intégré. À ceci près qu'en ce qui concerne les opérations NORAD et les opérations de USNORTHCOM, elles sont toujours séparées et c'est un Canadien qui mène les opérations du NORAD.

Cela a donc affecté la façon dont opère NORAD de façon quotidienne, avec une perspective de collaboration nécessaire où, à certaines occasions, les missions se complémentent. Il ne s'agit pas nécessairement d'une mission NORAD et d'une mission NORTHCOM; il y a des points de fusion ou de communication qui se produisent.

Prenons, par exemple, le scénario du 11 septembre 2001. Si cela devait se reproduire ou s'il y avait un événement planifié pour essayer de reproduire ces événements ou quelque chose de similaire; en tout premier lieu, NORAD devrait intervenir avec des conséquences possibles : si cela arrive aux États-Unis, le besoin d'impliquer USNORTHCOM et, au Canada, Canada Command si la même chose se produit au-dessus du territoire canadien.

Dans ce sens, il a fallu apprendre. Il y a certaines autres capacités que NORAD exerce au niveau de la surveillance. Et là, il faut toujours être prudent lors de désastres naturels, et ceci, autant pour le commandement Canada Command que pour celui de USNORTHCOM.

Par exemple, dans le cas des ouragans, en situation post-ouragan ou post-tornade, nous besoin d'images, d'avoir une vision de ce qui s'est passé, de voir les résultats des désastres et, de là, planifier les opérations.

Il y a donc une responsabilité partagée et des occasions pour un appui mutuel. De ce côté, NORAD a été affecté et a changé. Nous avons appris, au cours des six dernières années avec le commandement USNORTHCOM à collaborer et à comprendre ce qu'implique l'existence de ces deux commandements. Les Jeux olympiques de Vancouver ont été une occasion en or de faire évoluer le processus de collaboration entre les trois commandements, et cela a très bien fonctionné.

Le sénateur Nolin : J'ai une question supplémentaire. Général Duval, vous venez de faire référence à une activité accrue depuis les 30 derniers mois, parce que nos voisins du Nord — les Russes — ont augmenté leur capacité aérienne.

Je voudrais savoir en quoi consiste cette recrudescence d'activités. Parce que plusieurs Canadiens nous écoutent à la télévision et je suis certain qu'ils sont curieux de savoir ce dont vous parlez exactement.

Lgén Duval : Je vais essayer d'exposer la situation le mieux possible en commençant en août 2007, avec la déclaration du président Poutine qui disait que l'aviation stratégique russe recommencerait ses activités d'opérations dans l'Arctique.

La justification de la déclaration est multiple. Mais ce qui justifie cette déclaration, c'est l'amélioration des conditions économiques en Russie et l'augmentation du budget militaire. La Russie retrouvait sa capacité de faire ce qu'elle avait été capable de faire à l'époque de l'Union Soviétique. La Russie se considère un joueur majeur sur l'échiquier international. C'est une façon de transmettre le message géopolitique selon lequel ce pays a les ressources nécessaires pour faire ce qu'il fait.

Au début, l'activité a recommencé de façon accrue et assez robuste. En ce qui concerne l'activité elle-même, il s'agit tout simplement de vols sur de longues distances, partant des bases principales russes dans l'Arctique. Il s'agit aussi de bases d'opérations avancées avec des trajets qui vont frôler les îles aléoutiennes, des zones d'identification.

Le sénateur Nolin : Lorsque vous dites « frôler les îles aléoutiennes », est-ce que c'est en territoire américain?

Lgén Duval : Non. En aucun cas les Russes n'ont survolé le territoire américain ou canadien. Ils ont survolé le AADIZ (American Air Defence Identification Zone) et le CADIZ (Canadian Air Defence Identificantion Zone) qui est sensiblement le même espace aérien et qui descend pratiquement jusqu'au Mexique.

Le sénateur Nolin : Finalement, c'est une bande qui englobe toute l'Amérique du Nord?

[Traduction]

La présidente : Est-ce que la carte peut servir? Elle n'est qu'en anglais. Nous allons la faire circuler.

[Français]

Lgén Duval : Ce qui n'est pas représenté sur la carte, c'est l'extension de la côte Est et la côte Ouest américaine. Pour ce qui est du but de la question, la représentation est sur la carte.

Le sénateur Nolin : Quand vous dites robuste, qu'est ce que cela veut dire? Plusieurs fois par jour?

Lgén Duval : Non, parce que ces missions demandent beaucoup de planification à long terme. Ils ont un cycle d'entraînement annuel. Cela peut arriver deux ou trois fois par mois, par périodes.

Le sénateur Nolin : Pour vous, qu'est ce que cela provoque au plan opérationnel?

Lgén Duval : Cela provoque une réaction puisque cela fait partie de notre mission de détection et de contrôle. Tout avion qui approche les zones d'identification devrait normalement suivre un plan de vol international.

Pourvu qu'on ait un plan de vol et que l'avion en question suit le plan de vol et à des points précis au temps requis, on accepte que ce soit bel et bien un avion légitime qui est en place et qui est où il devrait être. L'activité d'aviation stratégique russe n'utilise pas de plan de vol.

Qu'ils soient situés sur terre ou dans l'espace, nos radars nous donnent un avertissement. À ce moment-là, on sait qu'il y a une cible quelque part qui se dirige vers la zone d'identification.

Le sénateur Nolin : Qui n'est pas prévue.

Lgén Duval : Qui n'est pas prévue, qui ne figure sur aucun plan de vol. C'est à nous de réagir de façon appropriée en déployant des chasseurs. Si on a assez d'avertissements, on peut les déployer dans nos bases avancées dans l'Arctique. Si on a moins d'avertissements, on peut les déployer directement des bases principales en utilisant des avions-citernes pour rencontrer la cible en question, s'approcher d'elle suffisamment pour déterminer que oui, c'est un avion russe, qu'il ne semble pas y avoir de menaces, de signes agressifs ou quoi que ce soit. On peut rester avec eux quelques minutes et chacun repart de son côté.

Ce que font les Russes est légitime. Ils s'entraînent pour les forces armées qu'ils soutiennent. La zone d'identification n'est pas un espace souverain des États-Unis et du Canada, c'est un espace international. C'est une entente qui existe, qui est approuvée et comprise par tous les opérateurs d'avions, qu'ils soient commerciaux ou militaires, à travers le monde.

Les Russes ont choisi de ne pas suivre de plans de vol.

[Traduction]

La présidente : J'ai passé la fin de semaine à Elmendorf, où ils assument le rôle d'intervention à cet égard. Les Russes ne présentent aucune espèce de plan de vol, et ils ne semblent pas enfreindre bien souvent la limite des 12 milles. Alors, est-ce que ce n'est pas une utilisation contreproductive de nos ressources? D'après vous, est-ce que c'est délibéré de notre part, de prendre tellement de temps à réagir quand ils sont là, bien tranquilles?

Lgén Duval : Je dirais que c'est délibéré à cause de leur désir et de leur besoin de former leurs équipages d'aéronefs. Ils perçoivent une menace, eux aussi, comme n'importe qui d'autre. Elle peut être minimale ces temps-ci, et elle est tout autre qu'à l'époque de l'Union soviétique, mais le bon sens impose d'être préparés. Ils ont un besoin de formation et, pour eux, c'est une façon d'assurer la formation pour cette mission particulière de l'aviation stratégique à long rayon d'action de la Force aérienne russe.

Le sénateur Nolin : Ce qui soulève la question suivante : En faisons-nous autant?

La présidente : Oui.

[Français]

Le sénateur Nolin : Est-ce que nous entraînons nos pilotes à faire la même chose? Je présume que les Russes ont aussi une bande aérienne qui fait partie de leur quasi-territoire. Est-ce qu'on fait la même chose?

Lgén Duval : On a la capacité, mais on n'a pas besoin de le faire. Ce qui ne nous empêche pas de faire un vol au- dessus de l'Arctique tout simplement dans le but de pratiquer. L'année dernière, on a envoyé un avion-patrouille canadien qui a survolé le Pôle Nord. Cela n'a rien à voir avec la proximité des Russes. C'est simplement une mission d'entraînement qui permet de faire un peu de reconnaissance au-dessus des glaciers.

Le sénateur Nolin : Aux dernières nouvelles, c'est une eau internationale?

Lgén Duval : Oui, c'est une eau internationale.

Le sénateur Pépin : Pouvez-vous dire quelles sont les principales mesures que le Canada doit prendre pour maintenir la pertinence et l'efficacité de NORAD? Est-ce qu'il y a des moyens à prendre pour mieux vous aider?

Lgén Duval : NORAD est un utilisateur. Il n'entre pas nécessairement dans le processus de développement de forces des deux pays, mais il s'intéresse au processus de développement de la force, au fait de savoir l'orientation des deux pays en termes de technologie future.

Mon commandant, le général Renuart, a parlé maintes et maintes fois du besoin d'avoir des radars plus efficaces. Les technologies s'améliorent et le plus tôt on aura des radars munis de senseurs qui voient plus loin, plus tôt on pourra bloquer les trous qui peuvent exister avec le présent système. Toute nouvelle technologie sera bienvenue du côté de la NORAD.

Le processus nous intéresse beaucoup. On sait qu'il y a de nouvelles capacités à venir. Il y a par exemple le projet RADARSAT qui nous aidera à mieux exécuter la mission NORAD. Bref, tout ce que les deux pays peuvent fournir en termes de technologies futures, nous l'accepterons de bon gré.

Le sénateur Pépin : Puisqu'il y a collaboration entre les deux pays, dans quelle mesure le Canada dépend-il des États- Unis pour obtenir l'information et les renseignements sur la circulation maritime de l'Arctique?

Lgén Duval : Dans la mission de détection d'activités maritimes, il y a une collaboration et les deux pays ont des informations à fournir.

Chaque pays a sa capacité individuelle, en termes de détection, d'information. La mission de NORAD consiste tout simplement à ramasser cette information de toutes les sources. Il y a beaucoup de sources qui ont de l'information d'activités de commerce maritime. Avant qu'on ait la mission, c'était dispersé, personne n'avait une idée globale de ce qui était disponible. C'est dans cette direction que NORAD poursuit sa mission d'avertissement d'activités maritimes. Il s'agit simplement d'aller chercher toutes ces entités, toutes ces organisations qui ont de l'information à fournir. En fait, il y a quelques semaines, on avait un groupe de quelque 200 participants avec au-dessus de 60 ou 70 organisations qui peuvent jouer un rôle dans l'aspect détection et avertissement maritime.

L'idée est tout simplement de ramasser l'information, de l'analyser et de sortir une fusion, si vous voulez. Il s'agit de sortir un produit qui nous donne une image exacte de ce qui se produit réellement et s'il y a une menace quelconque, d'avertir les gouvernements respectifs, soit les eaux territoriales américaines ou canadiennes. À ce moment-là, notre mission est complétée. C'est à USNORTHCOM ou au commandement du Canada s'il y a une implication de défense qui s'en vient.

[Traduction]

La présidente : Pourriez-vous brosser un tableau de la situation pour notre comité? Quand le Canada a refusé de signer le Traité sur les systèmes antimissiles balistiques, les règles ont changé. Certaines tâches ont été laissées au NORAD et les Américains ont mis sur pied des opérations à part dans certaines régions. Nous n'avons pas accès à une partie de ces renseignements. Nous menons certaines de ces opérations séparément. Alors, pour en revenir à la question du sénateur Pépin, en quoi cela a-t-il changé ce que nous faisons?

Lgén Duval : En ce qui concerne le MDN, comme le NORAD avait les capacités et les capteurs, il a toujours participé à la détection depuis l'époque de la guerre froide, la menace des missiles balistiques intercontinentaux. Le NORAD a toujours possédé la capacité et la technologie de détection. Cette même capacité peut servir pour la défense antimissiles balistiques. Cette expression change tout doucement, pour être remplacée par « défense aérienne intégrée », « défense antimissiles ». Je ne pense pas qu'il était bien clair que le NORAD a toujours eu un rôle dans cette mission à cause de ses capacités de détection.

Je ne sais pas ce que nous réserve l'avenir, parce que cela relève de la sphère politique. Tout ce que je peux dire, c'est que le NORAD a toujours assumé une part de ce rôle. Que ce soit avant ou après la défense antimissiles balistiques, rien n'a changé. Les capteurs sont là pour remplir ce rôle dans la mission. Ensuite, c'est aux États-Unis seulement qu'il incombe d'agir, en quelque sorte. Le NORAD n'intervient pas sur ce plan.

Le sénateur Banks : Général, c'est un plaisir que de vous revoir. Je vais maintenant dévoiler ma candeur sur le plan tant politique que militaire, dont je m'étonne moi-même, puisque je siège à notre comité depuis déjà une dizaine d'années.

J'ai toujours pensé que le NORAD pouvait déployer des avions. J'ai appris récemment que ce n'est pas le cas. Vous avez dit aujourd'hui que vous avez des responsabilités de détection et de contrôle de l'espace aérien. J'ai toujours pensé que, lors des attentats du 11 septembre, le Canadien commandant l'OTAN avait déployé des avions. Est-ce que je me trompais toutes ces années en pensant qu'en fait, le NORAD fait de la détection et, comme vous l'avez dit dans vos observations préliminaires, alerte les gouvernements qui, eux, prennent les mesures par l'intermédiaire soit de Commandement Canada, soit du Northern Command des États-Unis?

Lgén Duval : En ce qui concerne la mission d'alerte maritime du NORAD, nous alertons qui de droit. Nous recueillons, rassemblons, fusionnons des renseignements, nous tirons des conclusions et, si nous concluons à une menace, nous en alertons le gouvernement concerné — Commandement Canada ou USNORTHCOM. Pour ce qui est des avions, le commandant du NORAD a toujours pu et peut encore en déployer, et il le fait. J'ai répondu à la question de ce monsieur, et c'est ce dont nous parlons ici. Nous allons à la rencontre des Russes. En me préparant à cette audience, j'ai lu un témoignage récent qui le niait. C'est faux.

La présidente : J'ai lu les témoignages antérieurs, moi aussi. Je crois que la confusion vient de ce que le témoin disait qu'amener un autre avion au sol, en soi, est autre chose que d'aller à sa rencontre.

Lgén Duval : J'y reviendrai, mais oui, nous déployons des avions, tant pour le type conventionnel de mission, soit aller à la rencontre de l'aviation russe à long rayon d'action, que si une menace interne surgit, comme le 11 septembre, ou ce genre menace en provenance de l'espace aérien international — un appareil pénétrant notre propre espace aérien, que ce soit celui des États-Unis ou du Canada. Nous allons à la rencontre de ces avions.

Des avions du NORAD sont déployés presque tous les jours en Amérique du Nord parce qu'un plan de vol n'est pas respecté, qu'une communication radio échoue ou que le pilote s'est endormi ou joue sur l'ordinateur et a dépassé l'aéroport où il était censé atterrir.

Si un avion de ligne civil ne suit pas son plan de vol et n'entame pas sa descente au moment et au point où il est censé le faire, le système de contrôle de la circulation aérienne, que ce soit de la Federal Aviation Administration ou de NAV CANADA, signale que quelque chose ne va pas. Il nous appelle, et nos ressources interviennent. Il arrive qu'on fasse un « décollage immédiat ». Nous déployons les avions qui vont à la rencontre de l'avion fautif, nous tentons de capter l'attention du pilote par diverses tactiques, et la plupart du temps nous y parvenons.

Ces situations sont toujours résolues, à quelques exceptions près. Il y a quelques années, un pilote qui souffrait d'hypoxie a perdu connaissance et n'a pas pu réagir. C'était un golfeur professionnel. Nous avons eu quelques-uns de ces cas, mais tous sont résolus. Il y a une multitude, des centaines de menaces potentielles contre le Canada et les États- Unis. Les menaces potentielles peuvent prendre n'importe quelle forme.

Pour le contrôle aérospatial, ce dont il est question ici, nous déployons des avions et prenons des mesures, ou à tout le moins nous évaluons la situation et pouvons prendre des mesures au besoin. Dans le cadre de ces activités, de janvier 2007 jusqu'au 1er décembre 2009, nous avons identifié quelque 6 000 aéronefs, ou ce que nous appelons des « pistes d'intérêt », qui ont retenu l'attention du NORAD, et il y a eu près de 600 décollages immédiats. C'est beaucoup d'activités dans les deux pays. Évidemment, le plus gros des activités est aux États-Unis, où la circulation aérienne est beaucoup plus dense. Il a fallu intervenir environ 200 fois, une intervention directe des avions de chasse pour capter l'attention des pilots et les obliger à agir. Il est arrivé que les pilotes soient aiguillés vers d'autres aéroports parce que les autorités, les organismes d'application de la loi, voulaient leur parler. C'est arrivé, et certains ont fait les manchettes des actualités nationales.

Le sénateur Banks : Voilà qui me rassure grandement, parce que je craignais, à cause de l'impression que m'avait laissé l'autre témoignage, qu'assis à votre bureau du NORAD vous deviez faire appel à quelqu'un d'autre pour déployer des avions.

Lgén Duval : Les deux pays affectent des ressources nationales au NORAD, et le drapeau que porte l'avion ne change rien. C'est un drapeau du NORAD. Ils peuvent intervenir n'importe où.

Le sénateur Dallaire : Ils sont sous le commandement du NORAD, n'est-ce pas, pour les opérations?

Lgén Duval : Oui, c'est bien cela.

Le sénateur Dallaire : Seulement pour les opérations, pas pour l'administration. Ils sont sous le commandement du NORAD pour les opérations.

Lgén Duval : Uniquement pour les opérations.

Le sénateur Dallaire : Est-ce qu'il en est de même des ressources maritimes?

Lgén Duval : Nous n'avons pas de ressources maritimes.

Le sénateur Dallaire : L'envisagez-vous?

Lgén Duval : Ce serait aux deux pays d'en décider.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur un de vos commentaires, au sujet des 6 000 interceptions en deux ans, soit environ 3 000 par année.

Lgén Duval : Six mille pistes d'intérêt potentielles, menaces potentielles. Certaines sont résolues. Nous ne commandons pas de décollage immédiat si quelqu'un se réveille et appelle la tour de contrôle pour dire : « Tout va bien, je suis là, tout est sous contrôle. »

Le sénateur Lang : Avez-vous une ventilation des statistiques de ces situations survenues dans l'espace aérien du Canada? Vous dites que la plupart étaient du côté américain.

Lgén Duval : Je n'ai pas ces chiffres avec moi, mais nous pouvons certainement vous les communiquer. Je sais que nous pourrions probablement obtenir des chiffres approximatifs.

Le sénateur Lang : Ce serait intéressant.

Vous avez dit que le Canada ne cherche pas à être — j'utiliserai le terme — « provocateur » à l'égard des Russes. Nous n'intervenons que quand ils pénètrent notre espace aérien et nous sommes appelés à le faire.

Est-ce que les Américains forment leurs pilotes et leurs équipages, vont vers l'espace aérien russe et agissent comme les Russes le font à notre égard?

Lgén Duval : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.

Le sénateur Lang : D'après le document d'information que nous avons reçu, les deux pays ont entrepris de rédiger une étude des trois commandements. Peut-être pourriez-vous nous dire où elle en est et nous indiquer la date prévue de son achèvement.

Lgén Duval : Nous pouvons vous faire parvenir ces renseignements. Je n'y participe pas directement. Mon commandant oui, puisqu'il est à la fois commandant de NORTHCOM et commandant du NORAD. Je suis uniquement du côté du NORAD, mais nous pouvons obtenir cette réponse pour le comité.

Le sénateur Lang : Parlons un peu des données du RADARSAT-2 qui sont recueillies dans le cadre du projet Polar Epsilon. Je voudrais que vous m'éclairiez. Est-ce qu'elles suffisent à nous informer de ce qui se passe le long de la côte de l'Arctique, et de la nature de toutes nos responsabilités?

Lgén Duval : Sénateur, je ne pourrais répondre à cette question parce que je ne participe pas du tout au projet. Le NORAD est un bénéficiaire potentiel de la technologie, mais je ne connais pas la question à fond. J'ai une idée de la nature des capacités, mais c'est une question à poser aux gens du bureau de projet et du développement des Forces canadiennes.

Le sénateur Lang : Il serait très intéressant de savoir où cela en est, parce que c'est censé résoudre beaucoup de nos problèmes en nous permettant de savoir immédiatement si une menace pèse sur nous.

Lgén Duval : J'en sais assez pour pouvoir dire que ce sera utile pour les missions du NORAD, pour le volet de notre mission qui est axé sur l'alerte aérienne et surtout sur l'alerte maritime.

Le sénateur Tkachuk : Avons-nous confiance en notre système de défense antimissiles balistiques? Est-ce qu'il vous inspire confiance?

Lgén Duval : Je ne peux répondre que, d'après ce que je vois aux États-Unis, parce que c'est entièrement un système américain tout à fait distinct du NORAD à part le rôle de détection qu'a toujours eu le NORAD. J'ai l'impression qu'ils ont confiance dans leur système.

Le sénateur Tkachuk : Quand vous dites que le NORAD est capable de détecter...

Lgén Duval : Le NORAD a toujours eu la mission d'alerte en cas d'agression.

Le sénateur Tkachuk : Avez-vous confiance en cette capacité de détection?

Lgén Duval : Tout à fait.

Le sénateur Tkachuk : Comment en êtes-vous certain?

Lgén Duval : Nous avons des exemples. Pour que le système se déclenche, il n'est pas nécessaire que ce soit un missile balistique. Nous surveillons l'activité. La capacité de détection est planétaire, car nous ne savons pas d'où peuvent être lancés les missiles intercontinentaux d'un État voyou, qu'il s'agisse de la Corée du Nord ou de tout autre pays qui pourrait avoir cette capacité. Le système de détection est capable de voir ce qui se passe partout sur la planète. C'est un système très sensible qui est déployé dans l'espace et qui est capable de détecter les points chauds indiquant le lancement d'un engin quelconque. Il peut détecter ou prévoir sa trajectoire et déterminer s'il s'agit d'une menace pour l'Amérique du Nord. C'est un système efficace.

Le sénateur Tkachuk : Il y a des pays, comme la Russie, qui ont ouvertement déclaré qu'ils revendiquent certaines parties de l'Arctique, ce que le Canada a toujours considéré comme son propre territoire. Le NORAD tient-il des discussions sur la manière de traiter de ces questions? Accorde-t-on une attention plus particulière aux pays qui ont manifesté leur intérêt pour l'Arctique qu'aux pays qui n'en ont pas fait part?

Lgén Duval : Le NORAD s'intéresse aux discussions concernant les désaccords sur les frontières, notamment. Prenons l'exemple de la Russie. Si les revendications territoriales et frontalières de la Russie, ou tout autre message politique qu'elle veut transmettre, se traduisent par une activité militaire accrue, le NORAD est alors intéressé. On pourrait soutenir que l'activité accrue en 2007 était liée à des messages géopolitiques que voulait envoyer la Russie. Si les Russes décident d'avoir recours à leur aviation à long rayon d'action pour transmettre ce message, le NORAD s'y intéressera et réagira à l'activité.

Les deux éléments sont-ils liés? Il y a bien sûr lieu de le penser. Notre mission ne consiste pas à s'y immiscer et à faire valoir des arguments pour ou contre les revendications. Elle consiste à réagir aux actions que prennent ces pays qui ont une revendication.

Le sénateur Tkachuk : La souveraineté et la sécurité peuvent s'entremêler, n'est-ce pas? Les Américains eux-mêmes revendiquent certaines parties de l'Arctique.

Lgén Duval : Je vais laisser les deux gouvernements régler cette question entre eux.

Le sénateur Tkachuk : Étant donné que les États-Unis sont notre partenaire de l'OTAN, vous devez évidemment les traiter différemment de la Russie, des Pays-Bas ou d'un autre pays qui revendique une partie de l'Arctique. Une autre nation pourrait envoyer un navire ou un avion pour exercer son contrôle. Un de ces jours, un de ces avions va se poser sur un bout de territoire et le pilote va le revendiquer au nom de son pays. Quelle est la stratégie du NORAD à cet égard?

Lgén Duval : Si un avion est en rapprochement, le NORAD a un rôle à jouer sur le plan de l'alerte et de la surveillance. Il prendra toutes les mesures nécessaires pour que le pilote change d'idée.

Si l'avion se rend à sa destination, en territoire canadien, c'est à Commandement Canada d'intervenir. Le NORAD joue autant que possible son rôle dans le domaine aérospatial. Quels que soient les désaccords politiques relatifs aux frontières et aux revendications de passage dans les eaux internationales ou territoriales, la mission du NORAD n'a jamais été touchée par des revendications et il n'en sera pas ainsi. Il est au-dessus des revendications et des différends. Depuis près de 52 ans, nous avons la mission d'alerte aérospatiale, et les différends constituent des entraves à cette mission.

Le sénateur Tkachuk : Si un avion ou un autre objet volant se dirige vers l'Amérique du Nord avec l'intention de revendiquer sa souveraineté plutôt que dans un but hostile, le NORAD a-t-il le droit de l'abattre s'il dérive dans l'espace aérien? S'il s'agit d'un avion non armé qui vient au pays pour une autre raison, allez-vous poser des questions?

Qu'arriverait-il si cette situation se produisait? Que se passerait-il si les Russes revendiquaient un territoire avec une présence militaire non armée, comme un aéronef qui n'est pas nécessairement un avion de chasse?

Lgén Duval : Vous présentez une situation hypothétique.

Le sénateur Tkachuk : Le fait est que ces pays revendiquent certaines parties de l'Arctique. Je continue de ne pas faire très confiance aux Russes, et c'est pourquoi je pose ces questions.

Lgén Duval : Il s'agit d'une situation hypothétique, et je vous répondrai dans ce contexte. Le NORAD s'acquittera de sa mission d'alerte et de contrôle, dans la mesure du possible. Quand nous allons à la rencontre d'un aéronef digne d'intérêt, un système de conférences est en place pour discuter de ces questions. Parfois, nous allons plus loin. Il y a différents échelons. Au besoin, la question peut se rendre jusqu'à la direction nationale, selon l'évolution de la situation.

Dans une telle situation hypothétique, il faudrait procéder à l'évaluation d'un avion non armé s'approchant de notre espace aérien avec l'intention d'atterrir quelque part et de revendiquer le territoire en y plantant un drapeau. Nous devrions évaluer si cette action pourrait porter préjudice à quelqu'un. La situation comme telle n'est pas susceptible d'être nuisible, même s'il y a évidemment des conséquences politiques, des discussions et des échanges. Interviendrions- nous? D'après moi, je crois qu'après en avoir discuté avec la direction nationale, nous le laisserions atterrir pour ensuite régler la question plus tard. Le NORAD se sera toutefois acquitté de sa mission jusqu'à ce que la décision soit prise. Il ne sert à rien d'être agressif ou d'intenter une poursuite parce qu'il n'y a pas de menace. Il y aura des conséquences qu'il faudra régler par la suite, mais c'est bien au-delà de la mission du NORAD. L'intervention revient à l'échelon politique, aux organismes d'application de la loi, à Commandement Canada ou à NORTHCOM, selon le cas.

La présidente : Permettez-moi de formuler la question de manière légèrement différente. Nos audiences portent sur l'intérêt accru du Canada à l'égard de la souveraineté et de la sécurité de l'Arctique, mais il semble que nous dépendons également beaucoup des Américains sur le plan de l'équipement et du renseignement, pour des raisons dont nous avons parlé. Nous n'avons plus accès à tout ce que nous avions auparavant parce qu'une partie a été retirée du NORAD et intégrée à NORTHCOM, ou peu importe. Ainsi, nous ne sommes peut-être pas plus vulnérables, mais ne sommes-nous pas moins informés et moins capables d'intervenir en raison du manque d'accès à des renseignements ou de l'équipement?

Lgén Duval : C'est une bonne question. D'après mon expérience de tous les jours et de mon emploi précédent, à Winnipeg, comme commandant de la Région canadienne du NORAD pendant deux ans, je peux vous dire que le NORAD reçoit l'information dont il a besoin sur tous les aspects de la mission pour s'en acquitter. Ce n'est pas un problème. Jour après jour, on met à la disposition du NORAD ce dont il a besoin pour mener sa mission. La situation n'a pas changé. D'après moi, cela ne pose pas de problème.

Le NORAD est un commandement binational. Nous partageons les ressources. Les États-Unis ont des capacités que nous n'avons pas ou qui sont limitées au Canada sur le plan de la force aérienne. Nous n'avons pas d'avions d'alerte avancée fournis par l'AWACS, le système aéroporté d'alerte et de contrôle. Nous comptons sur les États-Unis pour fournir ces avions lors de missions du NORAD au Canada si, c'est nécessaire. Nous n'en avons pas besoin chaque jour. Nous avons eu besoin d'une partie de ces ressources pour la couverture des Jeux olympiques d'hiver, car le NORAD avait pour mission de combler les lacunes. Le terrain était difficile et le radar ne pouvait pas tout détecter, mais les avions d'alerte avancée le pouvaient. Ainsi, chaque fois qu'il y avait une lacune dans notre protection, nous étions couverts. Nous comptons sur les Forces aériennes des États-Unis pour fournir cette protection.

La présidente : Je crois que c'est ce que voulait dire le sénateur Tkachuk. Étant donné que nous dépendons de leur équipement et de leur service de renseignement, si les intérêts des Canadiens et des Américains s'opposent, où cela nous mène-t-il?

Lgén Duval : Au sein de l'organisation qu'est le NORAD...

La présidente : Ce n'est pas seulement le NORAD. Cela concerne également le NORTHCOM, où l'on a déplacé certaines ressources.

Lgén Duval : Simplement sur le plan de l'alerte et du contrôle aérospatiaux, l'arrivée de NORTHCOM ou de Commandement Canada n'a rien changé à notre capacité de nous acquitter de notre mission.

[Français]

Le sénateur Nolin : J'aimerais revenir sur la détection balistique. Depuis 1958, vous avez cette responsabilité. Je dirais surtout les années 1970, je pense. C'est vraiment à ce moment-là que cette capacité de détection a été mise en place. Est-ce qu'il vous est possible de détecter le lancement d'un missile où qu'il soit autour du globe?

Précisons un peu ma question. Lorsque des pays — on va les nommer — comme l'Iran et la Corée du Nord, supposément, font des tests de leur capacité balistique, est-ce que vous détectez ces lancements-là?

Lgén Duval : Oui.

Le sénateur Nolin : Dès la phase de l'émission?

Lgén Duval : Oui. Très tôt. Sans aller dans les détails et les périodes de temps précis, oui.

Le sénateur Nolin : Je vous demande juste de répondre ce que vous pouvez répondre.

Lgén Duval : Prenez cela de l'angle de la rapidité d'exécution de la mission de ce missile. On ne parle pas en termes d'heures. Cela implique que le système de détection est capable de détecter assez tôt, sans aller dans les détails.

Je vais me référer à un exemple qui avait été mentionné dans les bulletins de nouvelles. Vous vous rappelez le déploiement des missiles patriotes lors de la première guerre du Golfe et de la protection contre les Scud? C'était discuté librement dans les médias à ce moment-là que l'aspect détection d'un lancement de Scud était à NORAD. Je ne révèle rien, c'était dans les nouvelles à ce moment-là. Alors cela vous donne une idée de la capacité, considérant que les distances étaient beaucoup plus courtes à ce moment-là.

Le sénateur Nolin : Je ne veux pas aller dans les détails tactiques, c'est juste pour nous informer. Lorsqu'un pays, revenons à ces deux pays, l'Iran ou la Corée du Nord, font un test, ils le font au moins une fois par année et je présume qu'ils ne vous avertissent pas d'avance?

Lgén Duval : Pas nécessairement. Il y a processus international.

Le sénateur Nolin : C'est ce que j'essaie de savoir.

Lgén Duval : Il y a un processus d'avertissement international qui existe et le système de détection est tout simplement une confirmation.

Le sénateur Nolin : Mais lorsqu'ils ne vous avertissent pas...

Lgén Duval : La même capacité existe.

Le sénateur Nolin : Je comprends, mais qu'est-ce que vous faites à ce moment-là? Disons que vous n'avez pas été avertis à l'avance, et qu'il y a un missile qui décolle de l'Iran?

Lgén Duval : On est capable de déterminer de façon raisonnable, assez rapidement, si oui ou non c'est une menace pour l'Amérique du Nord. Alors on agirait en conséquence.

[Traduction]

Le sénateur Lang : Pourrions-nous avoir une mise à jour relativement à la capacité d'assurer la surveillance? J'ai remarqué que nous avions remplacé des patrouilleurs Aurora CP-140 pour pouvoir le faire. Est-ce votre responsabilité?

Lgén Duval : Non, pas du tout.

Le sénateur Day : Vous avez dit que vous vouliez revenir aux conditions de la mission. Avez-vous eu une discussion approfondie relativement à ce qu'un appareil peut ou ne peut pas faire quand il est préparé et envoyé par le NORAD?

Lgén Duval : Je sais ce que vous voulez dire. Non, je n'ai pas tenu une telle discussion, mais j'ai fait la moitié du chemin. Si nous préparons un appareil ou nos chasseurs parce qu'un avion civil ou un petit avion n'agit pas comme il est censé faire et que nous recevons une alerte de NAV CANADA ou de la Federal Aviation Administration comme quoi ce qui se passe est anormal, nous allons aller à la rencontre de cet avion.

Sur le plan tactique, les avions de chasse, qui sont habituellement deux, suivent un certain nombre de tactiques pour attirer l'attention du pilote. Ils utilisent des fusées éclairantes si le pilote s'est endormi aux commandes. Ils peuvent prendre des mesures plus radicales, sans qu'elles soient dangereuses. Ils indiquent au pilote, qui n'est peut-être pas en communication, qu'il doit effectuer un virage à droite ou à gauche pour atterrir dans un aéroport donné ou pour qu'il remette l'appareil en route vers sa destination.

Imaginez maintenant un scénario comme celui du 11 septembre, où l'on ignore totalement les mesures d'alerte. Dans une telle situation, une conférence de haut niveau est déjà en cours.

Le sénateur Day : Le pilote renvoie de l'information au NORAD.

Lgén Duval : Le pilote envoie toujours des renseignements. Nous vérifions si l'avion respecte les instructions du pilote du NORAD, et c'est prédéterminé en fonction des actions que pose le pilote de chasse. Les pilotes exécutent des exercices relativement à ces procédures.

À un moment donné, si l'aéronef en question ne fonctionne pas comme il le devrait ou qu'il n'est pas conforme, nous devons prendre une décision. S'il s'agit d'un avion de ligne et que le pilote a l'intention de s'écraser sur un bâtiment, il faudra déterminer s'il y a lieu d'engager l'avion avant qu'il ne cause plus de dommages.

Le sénateur Day : Quand un pilote décolle de Winnipeg, de Bagotville ou de l'Alaska, il n'a pas le pouvoir d'éliminer cette menace.

Lgén Duval : Non. Cette décision vient du plus haut échelon national.

Le sénateur Day : Je suis ravi que vous nous ayez aidés à clarifier cette question des ressources aériennes sous le commandement du NORAD, car nous avions eu cette impression, mais nous n'avons pas eu l'heure juste à ce sujet pendant un certain temps.

Lgén Duval : Permettez-moi de vous donner un exemple éloquent de ce en quoi consiste le NORAD, ce commandement binational. En novembre 2007, lorsque j'étais commandant de la Région canadienne du NORAD, à Winnipeg, le chasseur principal de la flotte américaine de F-15 a connu une panne catastrophique et s'est désintégré en vol. Ce n'était pas un appareil du NORAD. Le pilote a réussi à s'en éjecter. Tous les F-15 ont été cloués au sol parce qu'on ne savait pas ce qui s'était passé. L'Alaska a été privé de chasseurs parce que sa flotte a été interdite de vol. Nous avons déployé vers l'Alaska un certain nombre de F-18 de Bagotville d'un seul coup, grâce au ravitaillement en vol. Ces appareils ont assuré la sécurité de l'espace aérien de l'Alaska. Ils ont même intercepté un avion russe pendant la période où ils étaient là-bas. Voilà ce qu'est NORAD, et l'inverse peut se produire. Si les F-18 étaient cloués au sol dès demain, le Canada disposerait des ressources du NORAD d'origine américaine pour protéger le pays.

Le sénateur Day : Le comité a appuyé NORAD dans des rapports précédents et a recommandé que son rôle de surveillance maritime soit élargi, mais comme vous l'avez mentionné, il ne s'agit que de l'alerte et de la surveillance maritimes et c'était, surtout dans le passé, la côte ouest et la côte est. Toutefois, nous parlons maintenant du Nord.

Vous avez dit tout à l'heure : « il s'agit d'une base solide sur laquelle nous pouvons accroître et améliorer la sécurité de l'Amérique du Nord contre les menaces éventuelles posées par les changements dans le milieu arctique ». Envisagez-vous d'élargir le rôle maritime de NORAD et en parle-t-on en ce moment?

Lgén Duval : On n'en discute pas à mon niveau, et je ne suis pas sûr qu'on en discute à un autre niveau. En raison de l'expérience positive des 52 dernières années, NORAD est un véhicule qui a certainement le potentiel de diriger les deux pays vers l'expansion. Je ne dis pas que nous le ferons; c'est une décision politique. J'ai le sentiment que le succès de NORAD a quelque chose à voir avec la décision de 2006 d'ajouter l'alerte maritime à notre mission. Est-ce un pas vers la prochaine étape? Je ne suis pas ici pour répondre à cela. J'ai une opinion sur le sujet, mais les chefs politiques de chaque pays peuvent décider ce qu'ils veulent faire à partir de ce qu'ils ont fait jusqu'à maintenant en matière d'alerte maritime. Que nous le fassions ou non, si une décision est prise et qu'on confie cette mission à NORAD, nous ferons tout ce qu'il faut pour préparer des plans d'action et des plans de circonstance appropriés et toute autre chose, comme nous l'avons fait pour les missions précédentes.

La présidente : Merci, lieutenant-général Duval. Merci de vos réponses et merci beaucoup de votre présence aujourd'hui.

Mesdames et messieurs, nous poursuivons notre discussion sur la souveraineté et la sécurité de l'Arctique. Nous sommes heureux d'accueillir notre prochain témoin, le brigadier-général David B. Millar, commandant de la Force opérationnelle interarmées (Nord) des Forces canadiennes.

Les gens du public seront intéressés d'apprendre que le Canada mène des missions dans le Nord pour évaluer les besoins et déterminer si tout fonctionne et si nous collaborons bien avec les autres pays qui sont dans le Nord. Nous allons obtenir des renseignements sur la situation.

Brigadier-général D.B. Millar, OMM, C.D., commandant de la Force opérationnelle interarmées (Nord) des Forces canadiennes, Défense nationale : Honorables sénateurs, permettez-moi d'abord de vous remercier de m'accorder le privilège de comparaître devant le comité. Croyez-moi, j'apprécie cette occasion de m'éloigner du Nord, de la glace et de la neige. Je dois admettre cependant qu'il ne fait pas tellement plus froid qu'ici et que la neige et la glace fondent à une vitesse plutôt inhabituelle pour cette époque de l'année. Rien ne prouve que cette situation se représentera, mais elle témoigne néanmoins des changements climatiques dont nous avons si souvent entendu parler. Voilà qui m'amène ici à vous brosser un tableau des activités menées par la Force opérationnelle interarmées (Nord) (FOIN) en vue de permettre au Canada de s'adapter à ces changements.

Par exemple, en ce moment même, mes troupes sont déployées à la Station des Forces canadiennes Alert, notre lieu habité le plus au Nord au Canada. Elles y mènent des opérations au sol et dans l'océan Arctique mettant à contribution des navires, ainsi que des motoneiges et des traîneaux Komatik.

Comme vous le constaterez lors du visionnement de notre toute nouvelle vidéo que j'ai remise au greffier, la FOIN compte quatre lignes d'opération. Nous nous occupons d'exercer la souveraineté en menant des opérations sur tout notre territoire nordique — l'Opération Nanook étant la plus connue. Nous contribuons à la croissance et au développement des habitants du Nord, notamment par l'entremise de nos deux programmes destinés aux jeunes, les programmes des Rangers juniors canadiens et des cadets du Canada. Nous assurons la gérance de l'environnement et, enfin, nous veillons à ce que la collectivité acquière la capacité de relever rapidement et efficacement les nouveaux défis en matière de sécurité.

L'Arctique étant devenu plus accessible, c'est sur cette dernière ligne d'opération que nous comptons mettre l'accent. Ainsi, nous augmentons notre capacité de nous rendre dans le Cercle arctique et même au-delà. En effet, on constate dans cette région une augmentation de l'activité maritime, au même rythme que l'activité commerciale et industrielle. On remarque également un accroissement notable des projets d'exploration scientifique et d'exploitation minière. De plus, les touristes et les férus d'aventure se lancent à la découverte du Grand Nord. Les Canadiens s'attendent en outre à ce que les organisations de gestion des urgences territoriales et fédérales, comme les Forces canadiennes, soient en mesure d'intervenir aussi rapidement dans l'Arctique que dans les autres régions du Canada.

Parmi les situations d'urgence qui peuvent se manifester, citons entre autres la hausse des niveaux marins, la possibilité que des collectivités se retrouvent coupées de toute source de réapprovisionnement et la fonte du pergélisol, provoquant des défaillances des infrastructures essentielles, comme un pont reliant une collectivité côtière à la partie continentale. Aussi, l'échouage de navires marchands peut causer un incident environnemental et l'éclosion de maladies transmissibles dans les petites collectivités. Il peut y avoir également un nombre accru d'incidents liés à la recherche et au sauvetage (R-S).

Je puis vous citer des exemples récents de chacun de ces types d'urgence, qui démontrent une tendance de plus en plus forte à mesure que l'Arctique s'ouvre. Par exemple, sur quatre incidents de R-S qui ont nécessité notre intervention dernièrement, trois concernaient des Inuits (et non des nouveaux arrivants) qui ont été surpris par des changements dans la configuration des glaces et de la glace en marche, et qui sont demeurés coincés.

En ce qui a trait aux maladies transmissibles, la première vague de la grippe H1N1 a eu des répercussions considérables dans le Nord. Nous nous étions préparés à faire face à la seconde vague en appelant à contribution nos quelque 1 600 Rangers pour appuyer le programme de vaccination.

Conscients de ce que l'avenir nous réserve, nous avons concentré notre attention sur l'accroissement de nos capacités. Les efforts déployés collectivement par les organisations de gestion des urgences territoriales et fédérales, avec l'aide des représentants autochtones et du secteur privé, relèvent de la compétence du Groupe de travail sur la sécurité dans l'Arctique, qu'on appelle le GTSA, que le colonel (à la retraite) Pierre Leblanc vous a décrit.

Ma mission à l'égard de la sécurité collective dans le Nord s'inspire du GTSA et de notre Stratégie de défense, Le Canada d'abord.

Outre les principaux programmes d'immobilisations dont vous avez entendu parler, par exemple, les nouveaux navires de patrouille extracôtiers de l'Arctique, le poste de ravitaillement en carburant de Nanisivik et le Centre d'entraînement des Forces canadiennes dans l'Arctique, nous nous dotons des capacités suivantes. Nous nous dotons d'une force de réaction rapide (NORD), constituée d'unités de Rangers à haut niveau de disponibilité opérationnelle capables d'intervenir à 12 heures de préavis. Nous nous dotons d'un nouveau programme de formation centralisé pour les recrues et les hauts gradés des Rangers. Pour le moment, nous avons recruté et formé 200 nouveaux Rangers dans le Nord et avons mis sur pied une nouvelle patrouille à Faro, au Yukon. Nous développons une capacité de navigation côtière pour nos Rangers. En fait, nous ferons un essai en bordure du fleuve Mackenzie cet été. Nous voulons acquérir une nouvelle technologie de communications par satellite pour le Haut-Arctique. Nous travaillons à l'attribution d'un contrat pour l'établissement d'un camp de base appuyant les opérations de la Force de réaction rapide doté d'installations, y compris la construction d'une piste de glace, de salles à manger et de lieux d'hébergement, ainsi que de centres d'opérations et de communications. Nous allons faire l'essai d'équipement moderne, comme les abris transportables et les dispositifs de localisation GPS. Nous allons établir notre capacité de renseignement au moyen de Radarsat II et Polar Epsilon, la capacité de reconnaissance et de surveillance militaire et, à l'avenir, les produits de surveillance du Projet de démonstration de technologies de surveillance du Nord. Nous mettons en place la participation des forces d'opérations spéciales aux opérations dans le Nord, comme l'Opération Nanook. Nous entraînons nos quatre nouveaux groupes-compagnies d'intervention dans l'Arctique, et enfin, nous officialisons un accord de recherche et de sauvetage aérien civil avec des transporteurs aériens du Nord pour assurer une intervention en cas d'incidents de R-S.

Comme je l'ai déjà dit, j'irai rejoindre mes Rangers à Alert ce mois-ci, car nous participons à des exercices d'affirmation de la souveraineté, c'est-à-dire que nous démontrons notre capacité de nous déployer sur des terrains difficiles et éloignés et nous mettons à l'épreuve de nouvelles capacités nous permettant de mener des opérations dans un milieu en évolution. Nous nous servons de satellites pour déterminer les conditions de la glace. Nous avons déployé un quartier général avancé pour assurer le commandement et le contrôle de l'opération. Nous avons installé un solide réseau de communication fonctionnant au moyen d'une nouvelle technologie satellite et à haute fréquence.

Les nouveaux groupes-compagnies d'intervention dans l'Arctique, dirigés par nos Rangers, travailleront de concert avec les équipes de R-S, nos équipes de plongeurs de la force maritime et la patrouille de chiens de traîneaux des forces danoises dans la conduite d'opérations dans le Haut-Arctique. Nous allons déployer des abris mobiles sur la glace de l'Arctique au moyen d'hélicoptères et d'appareils DC-3 sur skis. Nous allons, avec Recherche et développement pour la défense Canada, étudier les effets que les opérations menées dans le Haut-Arctique ont sur le rendement humain, et nous suivrons les mouvements de nos troupes au sol et sur l'eau dans l'Arctique à partir de Yellowknife au moyen de systèmes de repérage par satellite à la fine pointe de la technologie.

Cet exercice nous permettra de valider les capacités dont je viens de vous parler. Cet exercice et les suivants nous prépareront à faire notre part lorsqu'il s'agira de relever les défis que nous réserve l'avenir au chapitre de la sécurité dans le Nord.

La présidente : Les honorables sénateurs ont entendu le brigadier-général faire référence à une nouvelle vidéo dont nous avons une copie, mais nous éprouvons de petits problèmes techniques. Nous remettons son visionnement à plus tard.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Général, si j'ai bien lu la liste de mutation des officiers supérieurs, vous allez être muté à l'été?

Bgén Millar : Oui, sénateur.

Le sénateur Dallaire : Dans quelle fonction?

Bgén Millar : Ici, au Bureau du conseil privé, comme directeur des opérations.

Le sénateur Dallaire : Le colonel Hamel a-t-il de l'expérience dans le Nord?

Bgén Millar : Pas beaucoup, je pense. Comme vous le savez, c'est un pilote d'hélicoptère — un bon gars — mais il n'a pas encore beaucoup d'expérience. Néanmoins, je suis certain qu'il va en acquérir beaucoup dans les prochains mois.

[Traduction]

Le sénateur Dallaire : Vous avez quatre groupes-compagnies et une réserve à Yellowknife. L'un des groupes- compagnies s'entraîne. Vous procédez à des exercices dans lesquels des troupes du Sud se rendent dans le Nord. J'examine l'importance de la compétence de l'armée canadienne dans les opérations dans l'Arctique. La Marine royale néerlandaise a déjà passé trois mois dans le nord de la Norvège à s'entrainer pour l'Arctique, et nos troupes ont passé trois semaines à le faire. Il leur restera encore des barres de chocolat après cette période. Nos troupes du Sud ont-elles le degré de compétence nécessaire pour faire plus que le strict minimum pour survivre et un minimum d'opérations tactiques dans ce secteur?

Bgén Millar : Non, ce n'est pas le cas. Par le passé, oui. Les Forces canadiennes avaient des capacités phénoménales d'opérer et de se déployer dans le Nord. Nous avons de nombreuses installations partout dans le Nord dans lesquelles nous opérions régulièrement, surtout l'armée. Au fil des ans, et je parle ici de décennies, nous avons changé d'orientation en faisant des opérations expéditionnaires et des opérations à l'étranger.

Après les événements du 11 septembre, nous avons considérablement réorienté nos activités dans des opérations nationales et la protection nationale. À cette époque, Commandement Canada a été créé, de même que les six forces opérationnelles interarmées régionales, dont l'une d'elles, la Force opérationnelle interarmées (Nord), est responsable des opérations nationales pour soutenir d'autres organismes gouvernementaux, comme la GRC et la Garde côtière.

Nous en sommes à reconstruire la capacité que nous avions autrefois. Il y a plus d'opérations dans le Nord; notre force aérienne mène plus d'opérations et notre marine est déployée dans l'Arctique. Nous avons créé les quatre groupes-compagnies d'intervention dans l'Arctique et, en mai, le premier exécutera un exercice complet au niveau de la compagnie pour pouvoir acquérir les capacités nécessaires pour opérer en Haut-Arctique, par temps froid, et contribuer à assurer la sécurité.

Le sénateur Dallaire : Comme vous êtes commandant, si l'unité des forces spéciales de Petawawa, qui a des parachutistes, ou si d'autres forces spéciales sont nécessaires, elles seraient sous votre commandement. Jusqu'à quel point sont-elles compétentes et disponibles?

Bgén Millar : Elles sont disponibles sur le champ. Actuellement, elles développent elles aussi leurs compétences et leurs connaissances pour mener des opérations dans le Haut-Arctique. Je me suis entretenu avec le général Mike Day et il sera déployé avec moi à la baie Resolute dans le cadre de l'Opération Nanook, avec une section de ses troupes, ainsi que le 427e escadron tactique d'hélicoptères, pour apprendre comment opérer dans le Nord.

Le sénateur Dallaire : En ce moment, nous sommes dans une période d'apprentissage rapide, étant donné que nous avons perdu beaucoup d'expérience. Ce qui me ramène à la question de déployer constamment des troupes du Sud là- bas durant de courtes périodes, ce qui est inefficace. On devrait les déployer durant de plus longues périodes afin qu'elles acquièrent le degré de compétence qu'il leur manque, et même que la couleur de leur graisse corporelle change de manière à subvenir à leurs besoins. Pourquoi ne pas améliorer de façon exponentielle les capacités des Rangers, ce qui signifierait leur donner plus que 17 jours d'entrainement par année comme réservistes de classe A?

Bgén Millar : Le fleuron des Forces canadiennes dans le Nord, les premiers intervenants, ce sont nos Rangers. J'ai 1 600 Rangers sous mon commandement, qui sont répartis dans 57 collectivités sur 71 dans le Nord. Lorsqu'on détermine cela sur une carte, on a une empreinte énorme. Les Rangers ont des aptitudes et des capacités de survie et de navigation considérables, et ce sont vraiment les personnes sur le terrain. À temps partiel, ce sont des soldats citoyens qui travaillent pour les collectivités dans lesquelles ils vivent. Ainsi, ils surveillent pour nous, ou nous font connaître la situation des activités locales. Pour ce qui est de la population, la majorité des collectivités du Nord comptent entre 250 et 1 000 personnes. Lorsqu'il y a une patrouille de Rangers, formée de 35 Rangers, dans chaque collectivité, la capacité de répondre aux situations liées à la sécurité et aux situations d'urgences est importante. Dans le Nord, contrairement à ce qui se passe dans le reste du Canada, il n'est pas nécessaire que des troupes occupent tous les endroits. Dans le reste du pays, nous déployons des troupes aux endroits où nous en avons besoin, comme dans le Nord. J'ai un avantage, car j'ai à ma disposition des Rangers sur appel qui sont prêts à intervenir à tout moment dans les collectivités où il y a un problème de sécurité. Dans cette situation, notre temps d'intervention est immédiat.

Le sénateur Dallaire : À mon avis, vu le nombre de tâches à exécuter, les compétences et l'équipement qui sont envoyés dans le Nord, les besoins en matière de surveillance et d'observation et de réaction dans une région frontalière et non à une frontière, ce que le Nord est en train de devenir, les Rangers doivent jouer un plus grand rôle sous votre commandement. Ne pensez-vous pas qu'ils devraient être déployés durant de plus longues périodes et dans différentes conditions?

Bgén Millar : Non, sénateur, je ne le pense pas. Essentiellement, les Rangers sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain, 24 heures par jour, sept jours par semaine. C'est la fonction qu'ils remplissent pour nous en ce moment, peu importe que nous les payions ou non. Nous faisons appel à eux pour des situations d'urgence précises, que ce soit pour la recherche et le sauvetage ou pour le réapprovisionnement d'une collectivité qui en a besoin. Ils sont à notre disposition en tout temps. L'aspect qui distingue nos Rangers, c'est que ce sont des soldats citoyens. Ils travaillent à temps complet comme enseignants, maires et aînés. Les économies, pour la plupart de nos collectivités en Haute Arctique, sont des économies de subsistance. Nos Rangers pêchent et chassent dans leur milieu pour leur propre survie. Les retirer pour les faire travailler uniquement dans les services des Forces canadiennes entrainerait des effets négatifs. En même temps, les types de problèmes auxquels nous faisons face dans le Nord du Canada sont les mêmes que nous rencontrons dans le Sud, où des réservistes de classe A travaillent à temps partiel. Lorsque nous avons besoin d'eux, nous les mobilisons. C'est exactement la même situation et le même processus dans le Nord.

Le sénateur Lang : Bienvenue. Comme vous, je reviens tout juste du Nord, d'un peu plus loin vers l'Ouest. Il y a encore de la neige, mais je suis heureux de vous signaler qu'il fait très clair et que c'est très ensoleillé.

Nous sommes très satisfaits du Centre d'instruction d'été pour cadets Whitehorse. Je suis heureux de son fonctionnement et de ce qu'il apporte au Canada, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale. Pour ceux qui ne le savent pas, pendant environ trois mois durant l'été, ce camp des cadets de l'armée accueille 300 cadets de partout au pays et au monde sur le territoire. C'est une chose à voir si vous avez l'occasion d'aller là-bas durant la saison estivale.

J'aimerais commencer par parler des Rangers. Bon nombre de personnes au Yukon, des hommes et des femmes, ont relevé le défi de devenir un ranger et de jouer ce rôle, non seulement à Whitehorse, mais aussi ailleurs sur le territoire. Je remarque que dans les notes d'information, on mentionne que les conditions de service des Rangers canadiens font l'objet d'une révision. Que voulez-vous dire?

Bgén Millar : Nous avons lancé un programme qui vise à accroître le nombre de Rangers. Concernant mes Rangers déployés dans le Nord, au cours des quatre prochaines années, j'ai le mandat de faire passer leur nombre de 1 600 à 1 900, environ. Nous avons déjà commencé le processus de recrutement et de formation et nous avons encore ajouté 200 Rangers à la collectivité, la patrouille de Faro étant la première d'un certain nombre de patrouilles additionnelles. C'est là-dessus que nous mettons l'accent pour ce qui est de l'augmentation du nombre de Rangers. Les conditions de service resteront les mêmes. Ce sont des réservistes qui peuvent être appelés en service de classe A et de classe B.

Le sénateur Lang : J'aimerais poursuivre sur la question du nombre. Vous dites de 1 600 à 1 900 Rangers, mais le but est d'en avoir 5 000 partout dans le Nord. Est-ce exact?

Bgén Millar : Nous avons cinq groupes de Rangers au pays. Nous comptons environ 4 000 Rangers au total. Le but est d'en avoir 5 000 pour tout le Canada. Ma contribution consiste à faire augmenter le total de 1 600 à plus de 1 900. Je suis fier de dire, et le général O'Brien en sera heureux, car il me suit, que je dispose de la majorité des meilleurs Rangers au Canada.

Le sénateur Lang : J'aimerais discuter de la question de la modernisation des fusils de calibre .303 et des munitions des Rangers. Pourriez-vous nous donner l'heure juste sur le remplacement des fusils de calibre .303?

Bgén Millar : En ce moment, nous utilisons le Lee-Enfield, une carabine exceptionnelle, exceptionnelle par sa simplicité. Dans le Nord, plus c'est simple, mieux c'est. On veut une arme qui ne s'enrayera pas et qui continuera de fonctionner après l'avoir déposée dans le fond d'un bateau ou à l'arrière d'un cométique et après avoir traversé le territoire.

L'arme est en train de devenir désuète en ce sens qu'au cours des cinq prochaines années, nous allons manquer de pièces de rechange. Par conséquent, l'organisation du général O'Brien la remplacera.

Toutefois, nos Rangers veulent que l'arme demeure simple et solide. Le meilleur exemple que je peux donner d'un véhicule principal est le Ski-Doo. Nous n'utilisons pas les Ski-Doo à quatre temps, parce qu'ils ont des démarreurs électriques et qu'ils sont refroidis par liquide. Lorsque la température atteint moins 50 oC, les batteries se déchargent rapidement et le liquide gèle. Donc, les Ski-Doo à deux temps satisfont à nos exigences. On recherche avant tout la simplicité.

Le sénateur Lang : Vous êtes éparpillés partout dans le Nord et votre tâche n'est pas de tout repos. Peut-être, pourriez-vous parler des lignes directrices qui ont été élaborées afin que les Rangers de n'importe quelle collectivité, que ce soit Faro, Whitehorse ou n'importe où ailleurs, aient accès à des endroits où ils peuvent accomplir leurs exercices et suivre leur formation. Veuillez formuler des observations à propos de l'entreposage des carabines et des autres pièces d'équipement.

Bgén Millar : Ce qu'il y a d'unique à propos de nos Rangers, c'est qu'ils ne sont pas recrutés par les Forces canadiennes. Nous rendons visite aux collectivités et, par l'entremise des maires et des anciens, nous leur demandons s'ils aimeraient parrainer une patrouille de Rangers. Les Rangers sont célèbres au Canada et, par conséquent, chaque collectivité à laquelle nous nous sommes adressés a déclaré vouloir une patrouille de Rangers pour toutes les diverses raisons habituelles.

La collectivité prend alors la responsabilité de soutenir les Rangers et le Programme des Rangers juniors canadiens en leur fournissant les moyens nécessaires pour accomplir leurs exercices ainsi qu'un endroit où le faire et où tenir leurs réunions. La collectivité et les Rangers sont liés. Étant donné que la collectivité choisit les Rangers qui devront la représenter, leur relation est réciproque. Bien que la collectivité compte 35 Rangers, celle-ci s'implique complètement dans la sûreté et la sécurité de la région.

Le sénateur Banks : Merci, général, d'être parmi nous. J'imagine qu'une « patrouille » est l'équivalent d'une « compagnie ». C'est le nom d'une unité, n'est-ce pas?

Bgén Millar : Oui, sénateur, dans le langage militaire, cela se rapproche d'un peloton.

Le sénateur Banks : Il y a 35 personnes dans une patrouille?

Bgén Millar : Oui, c'est exact. La patrouille est dirigée par un sergent qui est secondé par un caporal-chef. Les autres membres sont des Rangers ou font partie des troupes.

Le sénateur Banks : Au cas où il serait nécessaire de dépêcher des troupes dans l'Arctique pour mener une action un peu plus musclée, la FOI 2 est-elle en mesure de fonctionner là-bas pendant une période continue, quelle qu'elle soit?

Bgén Millar : Oui, les Forces canadiennes ont la capacité de fonctionner là-bas de manière continue. Comme je l'ai mentionné dans mes notes, nous améliorons cette capacité quotidiennement. La Deuxième Force opérationnelle interarmées n'a encore jamais été déployée dans le Nord, surtout à cause de son rôle dans le domaine du contre-terrorisme. Toutefois, en raison de l'ouverture de l'Arctique et des enjeux nationaux possibles liés à l'immigration clandestine et au contre-terrorisme, la FOI 2 élargit son rôle pour améliorer sa compréhension des opérations qui ont lieu dans le Nord et accroître ces connaissances dans le domaine.

Le sénateur Banks : Avez-vous prévu offrir de la formation dans l'Arctique à certains effectifs de la FOI 2?

Bgén Millar : Oui, sénateur.

Le sénateur Banks : Pour les raisons que vous venez de mentionner?

Bgén Millar : Oui, des séances de formation sont prévues. En fait, ils ont déjà entamé leur processus de planification. Ils sont allés à Iqaluit, et nous les verrons à Resolute Bay sous peu.

Le sénateur Banks : En tant que commandant d'une force opérationnelle interarmées qui représente une région, il est à espérer que vous commanderez un jour des navires?

Bgén Millar : C'est déjà fait, sénateur. J'ai les NCSM Montreal, Toronto, Shawinigan et Chicoutimi sous mon commandement, même si je suis officier de la force aérienne.

Le sénateur Banks : Parlez-nous des nouveaux navires de patrouille. Où sont-ils? En recevrez-vous bientôt?

Bgén Millar : Je connais la date exacte.

Le sénateur Banks : Le marché a été adjugé?

Bgén Millar : Non, il ne l'a pas été. La demande de propositions n'a pas encore été rendue publique. On s'attend à ce que le premier navire soit livré en 2015 et que la flotte complète soit disponible d'ici 2020.

Le sénateur Banks : Contribuez-vous à l'élaboration des spécifications qui seront utilisées pour obtenir des soumissions? Vous êtes au courant des difficultés que nous avons à trouver des navires de soutien. Personne n'a remporté ce concours. C'était un concours de beauté dont personne n'est sorti vainqueur et qui traîne maintenant quelque part. Avez-vous votre mot à dire dans les spécifications, et prévoyez-vous que nous recevrons des offres acceptables de navires de patrouille pour l'Arctique?

Bgén Millar : Personnellement, je ne participe pas à l'élaboration des spécifications. Notre bureau de gestion de projets qui relève du commandant de la marine est chargé de cette tâche. Cependant, on nous consulte pour connaître les endroits où nous planifions de naviguer et le genre d'opérations que nous planifions d'effectuer avec les navires. Donc, en ce sens, nous avons notre mot à dire.

Je suis certain que nous trouverons un navire pour patrouiller les eaux arctiques qui sera en mesure de briser de la glace d'un mètre d'épaisseur. Il n'y a pas très longtemps, j'étais au Groenland pour rencontrer mon homologue, l'amiral Kudsk, lequel possède un navire semblable qui est capable de se frayer un passage dans des eaux recouvertes d'un mètre de glace. Je suis donc certain que la technologie existe et que ce n'est qu'une question de temps.

Le sénateur Banks : Bien. Au cours de votre déclaration liminaire, vous nous avez récité une litanie d'acquisitions prochaines. Notre comité s'intéresse toujours à l'approvisionnement. Disposez-vous des fonds nécessaires pour faire ces acquisitions?

Bgén Millar : Pour ce qui est des grands programmes d'immobilisation, ce sont les bureaux de gestion de projets qui s'en occupent. En ce qui concerne le genre de capacités dont j'ai parlé, à savoir la technologie de communication par satellite et les dispositifs de localisation, oui, j'ai les fonds nécessaires pour acheter le matériel requis.

Le sénateur Dallaire : J'ai un peu de mal à accepter le fait qu'en tant que commandant du Nord, vous ne participez pas à l'élaboration des exigences ou de l'énoncé des besoins opérationnels du directeur du projet. Quelle est la dimension des hélicoptères que le navire pourra recevoir? Y mettrons-nous des Chinook? Combien de troupes pourra- t-il transporter? Un peloton, deux patrouilles de Rangers, trois? Avez-vous une idée des opérations que ces navires appuieraient en plus de patrouiller dans le Nord? Je ne m'efforce pas d'être drôle.

Bgén Millar : Permettez-moi de clarifier ce que j'ai dit. Personnellement, je n'ai pas participé à l'élaboration de l'énoncé des besoins, mais mes prédécesseurs l'ont fait. Les besoins avaient déjà été définis quand j'ai pris le commandement.

[Français]

Le sénateur Nolin : Il y a quelques semaines un témoin nous a déclaré qu'on assistait au début d'une course aux armements dans l'Arctique. Êtes-vous d'accord avec cela? Car dans vos remarques liminaires, vous dites que, conscient de ce que l'avenir vous réserve, vous avez concentré votre attention sur l'accroissement de vos capacités.

[Traduction]

Bgén Millar : Non, sénateur, je ne suis pas d'accord pour dire que nous sommes en train de militariser l'Arctique.

Le genre de capacités dont j'ai parlé dans ma déclaration liminaire et qui me préoccupent sont destinées à résoudre des problèmes de sûreté et de sécurité. Nous ne sommes pas aux prises avec une menace traditionnelle et, par conséquent, nous ne nous armons pas pour nous défendre contre l'attaque d'un pays, quel qu'il soit. La probabilité que nous soyons attaqués dans le Grand Nord est aussi élevée que celle d'une attaque au centre-ville de Toronto.

Notre force est conçue pour répondre à des urgences en matière de recherche et de sauvetage. En raison de l'élévation du niveau de la mer, Tuktoyaktuk sera bientôt coupé de son aéroport et, par conséquent, nous aurons besoin de les aider à se réapprovisionner. Le pont de Pangnirtung s'est effondré à cause de la fonte du pergélisol, et nous avons dû aider les gens de la collectivité à regagner l'Arctique continental. Au cours de l'éclosion de grippe H1N1, les collectivités n'étaient pas en mesure de vacciner les gens, d'enregistrer les patients et de les surveiller. C'est là que nos Rangers sont intervenus. C'est là notre priorité.

[Français]

Le sénateur Nolin : Vous aurez compris que je me fais l'avocat du diable en vous rapportant ce qu'un témoin nous a dit. Plusieurs alliés européens, faute d'information, semblent dire que le Canada est en train de provoquer une course aux armements.

Ma deuxième question porte justement sur l'assistance, la recherche et le sauvetage.

[Traduction]

Nous n'en sommes probablement pas là encore, mais bientôt nous serons confrontés à une activité navale accrue dans le Grand Nord, occasionnée tant par nos navires que par ceux des pays étRangers. Cela viendra. Quel genre de mesures prenez-vous pour être prêt à mener les opérations de recherche et de sauvetage éventuelles que l'utilisation accrue du passage entraînera?

Bgén Millar : Nous suivons de très près ce qui se passe sur le plan situationnel. Pour être en mesure de répondre à une urgence, on doit d'abord savoir qu'il y en a une. En ce moment, nous améliorons notre capacité de repérer ce qui se trouve dans le Nord, tant sur notre territoire que dans nos eaux. Cette capacité englobe l'utilisation de Polar Epsilon et de Radarsat-3 à partir du ciel, le développement de technologies qui, dans le cadre du programme de Surveillance du Nord, détecteront les allées et venues des navires dans le passage du Nord-Ouest, en plus des images radar et du processus de signalement obligatoire actuels qui nous permettent de peindre un tableau maritime connu. Nous voulons une image de tous les bateaux qui traversent l'Extrême-Arctique. Ainsi, nous saurons où intervenir en cas d'urgence.

En ce qui concerne notre capacité tactique actuelle, nous menons chaque année l'opération Nanook qui met l'accent sur notre force navale, de même que sur nos forces terrestre et aérienne, et qui nous permet de nous entraîner à répondre au genre de situations d'urgence maritimes que nous prévoyons. Par exemple, il y a encore beaucoup d'icebergs dans les eaux. Nous simulons des scénarios dans lesquels un navire de croisière entre en collision avec un iceberg, et nous devons évacuer tous les passagers, un feu se déclare à bord d'un navire, ou un des pétroliers qu'on s'attend à voir traverser le Nord dans l'avenir déverse accidentellement du pétrole dans les eaux. Au cours de l'opération Nanook de 2008, nous avons mis en application les mesures que nous prendrions si un navire de croisière échouait et si un navire déversait du pétrole. Nous avons confié à la marine et à la Garde côtière la tâche d'évacuer les passagers. Cet été, à Resolute Bay, nous simulerons un déversement de pétrole. En tant que premier intervenant, la Garde côtière s'occupera du nettoyage. Nous participerons à l'exercice à l'aide de nos deux navires militaires et de nos Rangers qui, sur la terre ferme, uniront leurs efforts à ceux de la collectivité pour nettoyer le déversement de pétrole.

C'est grâce à ces exercices que nous mettons en pratique notre capacité d'intervention.

[Français]

Le sénateur Nolin : Ma dernière question concerne la participation du Canada au Conseil de l'Arctique. Nous développons toute une expertise grâce à vos efforts et ceux de vos prédécesseurs. Est-ce que nous partageons cette expertise avec nos partenaires de l'Arctique?

Bgén Millar : Certainement. Nous avons invité les militaires américains et ceux du Danemark à participer à l'opération Nanook qui eut lieu il y a un an.

[Traduction]

Pour l'opération Nanook, les Danois utiliseront deux de leurs navires alors que les Américains seront accompagnés de deux des leurs ainsi que de la Garde côtière américaine pour s'entraîner à répondre à une urgence maritime telle que l'échouage d'un navire de croisière ou sa collision avec un iceberg. Notre collaboration avec ces pays arctiques fait partie de nos échanges normaux. J'ai visité le général Atkins au Groenland et le contre-amiral Colvin en Alaska. Ce dernier est responsable de la patrouille maritime de l'Alaska. Nous entretenons avec lui une relation de travail très étroite afin d'être en mesure d'utiliser nos capacités collectives en cas d'urgence.

Le sénateur Banks : Veuillez formuler des observations à propos du projet d'acquisition d'aéronefs de recherche et de sauvetage à voilure fixe.

Bgén Millar : La force aérienne donne suite à ce programme d'immobilisation. La capacité de recherche et de sauvetage dans le Nord commence à se développer.

La semaine dernière, j'ai assisté à l'assemblée générale annuelle des transporteurs aériens du Nord à Whitehorse. Vingt pour cent de tous les transporteurs aériens canadiens assurent un service dans le Nord. Le nombre et le type de leurs avions ainsi que les compétences de leurs pilotes sont sans égal. Nous avons conclu une entente avec les transporteurs aériens du Nord visant la création d'une unité appelée recherche et sauvetage aériens civils du Nord, aux termes de laquelle les transporteurs aériens civils commenceront à contribuer à la formation et à répondre officiellement à des demandes de recherche et de sauvetage dans l'Extrême-Nord. Cette capacité existe déjà dans le Sud du Canada. Elle porte le nom d'Association civile de recherche et de sauvetage aériens (ACRSA). Nous ne faisons que l'étendre au Nord.

Comme vous pouvez le comprendre, nos trois territoires ont une superficie totale de quatre millions de kilomètres carrés. Étant donné que 20 p. 100 des transporteurs aériens assurent un service dans le Nord, il est logique que nous tirions parti de cette capacité pour appuyer nos opérations de recherche et de sauvetage.

Le sénateur Banks : Je suis d'accord, mais vous avez besoin d'avions de recherche et de sauvetage. Pensez-vous en obtenir bientôt?

Bgén Millar : Nous en avons déjà, des Buffalo et des Hercules. On les remplace, en raison de leur vétusté et parce que nous disposons de nouveaux moyens. Comme je l'ai dit, cela fait partie officiellement de nos projets.

Entre-temps, nous ne sommes pas restés les bras croisés. Même en étant dotés de nouveaux avions de recherche et de sauvetage, il serait difficile de couvrir quatre millions de kilomètres carrés, si nous ne pouvions pas compter sur la capacité des Autochtones dans le Nord.

Le sénateur Manning : Merci de votre présence parmi nous.

Je viens de la douce province de Terre-Neuve et du Labrador, où la recherche et le sauvetage restent un élément important de notre mode de vie. Sur la côte ouest, nous avons un centre de coordination de la recherche et du sauvetage à Victoria; à Trenton dans le Canada central; à Halifax, dans la région de l'Atlantique, d'où je viens. Envisagez-vous un centre semblable pour le Nord? Pensez-vous que l'un des centres que je viens de nommer devrait être déplacé dans le Nord? Avons-nous besoin de cette capacité dans le Nord?

Bgén Millar : Je possède mon propre centre d'opérations interarmées, qui est chargé de brosser un tableau de la situation dans l'Arctique. Ce centre d'opérations alimente les trois centres régionaux de coordination interarmées que vous avez mentionnés. Ces centres sont en communication constante avec nous. Chacun est chargé de son territoire respectif dans le Nord, et c'est très efficace. Grâce à ce genre de lien et aux technologies dont nous nous disposons, je ne vois pas la nécessité de créer un autre centre régional de coordination interarmées dans le Haut-Arctique.

Le sénateur Manning : Outre les moyens et avions que vous venez de mentionner, quels sont ceux qui sont disponibles pour la recherche et le sauvetage? Pourriez-vous nous donner une idée des moyens disponibles de recherche et de sauvetage dans le Nord?

Bgén Millar : Il existe deux types de recherche et de sauvetage. Le premier, qui s'effectue au sol, relève de la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC. Je mets mes Rangers à la disposition de la GRC, parce que le type de recherche et de sauvetage au sol est appliqué dans les collectivités de ces Rangers ou à proximité. J'affecte immédiatement mes Rangers à la GRC pour effectuer tous les types de recherche.

La recherche et le sauvetage du haut des airs relèvent de l'armée de l'air, laquelle est chargée des trois territoires sous ma responsabilité. Elle emploiera d'abord ses avions et d'autres appareils mis à sa disposition. Elle me contactera pour déterminer si des appareils qui sont à ma disposition immédiate peuvent l'aider. Par exemple, dans le Nord, j'ai des Twin Otter, un modèle aux nombreuses qualités, qui peut atterrir sur toute surface, y compris enneigée et glacée, de sorte que nous l'emploierons également au besoin.

Le sénateur Manning : Avant l'entrée de Terre-Neuve et du Labrador dans la Confédération, il y avait les Newfoundland Rangers, dont la plupart se sont joints à la GRC.

Vous avez mentionné que vous faisiez la promotion des Rangers juniors dans les collectivités. Quel est l'intérêt manifesté pour cette organisation? Quels en sont les effectifs? En prévision de l'avenir, le Programme des Rangers juniors canadiens serait extrêmement important pour la réussite de vos plans ultérieurs.

Bgén Millar : Notre Programme des Rangers juniors canadiens vise les jeunes de 12 à 18 ans. Il s'agit d'abord, par des moyens structurés, de leur permettre de conserver les techniques de survie, les traditions, la langue et la culture. Les Rangers juniors canadiens sont organisés et dirigés par eux-mêmes. J'ai mentionné que 57 collectivités ont des Rangers. De ce nombre, 37 ont des programmes de Rangers juniors canadiens. Le nombre de Rangers juniors, dans une population qui, dans le Nord, est de 100 800 personnes, totalise 1 340; c'est un nombre notable. Nous avons aussi le programme des cadets, que le sénateur Lang a mentionné. Ces deux programmes, qui s'adressent aux jeunes de nombreuses collectivités, sont les seuls à viser la jeunesse, de sorte qu'ils sont très efficaces contre les problèmes sociaux qui touchent nos collectivités, en offrant une structure et une direction et en favorisant l'estime de soi et la confiance en soi.

Le sénateur Manning : Les mots me manquent pour décrire ma propre expérience du programme des cadets et de la transformation qu'il opère chez les jeunes. En outre, c'est formidable de constater qu'il prend racine dans le Nord également.

Je remarque que vous êtes au beau milieu d'une opération. Veuillez me pardonner, mais si j'essayais d'en prononcer le nom, personne ne le reconnaîtrait à cause de mon accent terre-neuvien. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur la mission des opérations et sur ce que vous espérez accomplir? Si je comprends bien, vous avez un effectif de 150, soldats et Rangers canadiens, scientifiques de la Défense en recherche et développement, et un équipage spécial de traîneaux à chiens danois. Je sais que l'opération bat actuellement son plein, du 4 au 26 avril.

Bgén Millar : Nous avons déployé 150 soldats à Alert, notre station dans le Haut-Arctique. Nous déploierons cette force constituée de Rangers, de nos nouveaux Groupes de la compagnie d'intervention dans l'Arctique et de mes propres troupes dans l'île Ward Hunt, qui est une plateforme de glace, puis dans l'océan Arctique, pour mieux comprendre et mieux caractériser l'évolution des glaces dans cette région. Cela nous donne la capacité de fonctionner sur terre et sur la glace, en réponse à d'éventuelles situations d'urgence, qu'il s'agisse d'opérations de recherche et de sauvetage ou d'autres opérations. Par exemple, au début de mars, 15 groupes partis en excursion d'aventure se dirigeaient vers le Pôle Nord. Malheureusement, à cause de l'eau de l'Arctique, ils ne sont plus que neuf.

La capacité de comprendre l'évolution et le devenir de la glace et de développer nos capacités en vue d'une réaction rapide et efficace devient notre principale tâche. Dans le Haut-Arctique, les communications sont extrêmement difficiles, uniquement du fait de la courbure du globe et des orbites équatoriales de la majorité des satellites. Il est difficile, voire impossible, d'établir une ligne de visée entre les satellites et les récepteurs de leurs signaux de satellite, qui ne peuvent pas transmettre. C'est pourquoi nous effectuons des essais de techniques nouvelles. Iridium, qui a 66 satellites en orbite, nous a fourni, à l'essai, un réseau local permettant de se brancher au sol et de transmettre des images, des enregistrements sonores et des données à mon quartier général à Yellowknife, ce qui est simplement un exemple du type de moyens dont nous nous dotons, de même que de notre capacité de les déployer rapidement.

J'espère faire atterrir pour la première fois un appareil C-17 à Alert. C'est une étape importante. À Alert, la piste est en gravier, et, partout dans le monde, les C-17 ont atterri sur ce genre de pistes. Aucun n'a atterri sur du gravier lié par de la glace et de la neige, surface qui présente un problème différent de glissement et de freinage. C'est ce que nous ferons cette semaine et la semaine prochaine. Nous augmenterons ainsi notre capacité de nous déplacer vers les endroits les plus reculés de l'Arctique, rapidement, avec beaucoup de soldats, dans un souci de sécurité et de sûreté pour le Nord. Voilà ce que ces opérations permettent de réaliser.

La présidente : N'allez pas endommager les C-17.

Le sénateur Tkachuk : Devrait-il y avoir une présence de la Garde côtière dans le Nord?

Bgén Millar : La Garde côtière est très présente dans le Nord. De fait, je compte beaucoup sur elle pour ouvrir des passages dans les glaces, des passages que nos frégates pourront emprunter. La Garde côtière dispose de huit brise- glace dans l'Arctique, pendant la saison d'activité dans cette région, et ces navires sont notre cordon ombilical.

Le sénateur Tkachuk : Dans le cadre de vos responsabilités, comment coordonnez-vous la recherche et le sauvetage avec la Garde côtière? Est-elle chargée des opérations?

Bgén Millar : Oui, elle l'est. Pour la recherche et le sauvetage en mer, c'est la Garde côtière qui est responsable des opérations, les Forces canadiennes jouant un rôle d'appui.

La présidente : Nous avons dépassé le temps prévu. Avez-vous une petite question, sénateur Dallaire?

Le sénateur Dallaire : Est-ce que nous l'armons ou non?

Bgén Millar : Non, nous ne l'armons pas.

Le sénateur Dallaire : Le faudrait-il?

Bgén Millar : Il faudrait poser la question à la Garde côtière.

Le sénateur Dallaire : Je vous la pose à vous, en votre qualité de commandant des opérations. Devrions-nous armer la Garde côtière dans le Nord?

Bgén Millar : En ma qualité de commandant des opérations, je veille à embarquer des agents de la GRC sur nos navires ou à les embarquer sur ceux de la Garde côtière, parce que, dans ce contexte, il s'agit d'un problème canadien, qui relève d'autorités canadiennes, la GRC.

Le sénateur Day : Je ne suis pas sûr que cela réponde à la question. Vous avez parlé d'un équipage de traîneau à chiens danois. S'agit-il de chiens danois, d'un traîneau danois ou de soldats danois?

Bgén Millar : Tout est danois, sénateur. Les chiens sont groenlandais. Les Danois utilisent des chiens plutôt que des motoneiges. Ils ont énormément de ressources pour assurer leur propre sécurité et celle du Groenland. Nous partagerons les leçons que nous aurons tirées, de façon à favoriser la portabilité avec nos voisins.

Le sénateur Day : N'avons-nous pas de traîneaux à chiens dans le Nord? Faut-il les faire venir du Groenland?

Bgén Millar : Nous avons des motoneiges, qui sont plus rapides.

Le sénateur Day : Le DC-3, s'agit-il de l'appareil des années 1950?

Bgén Millar : C'est un DC-3 flambant neuf, équipé d'un moteur neuf et exploité par Kenn Borek Ltée. À l'appui d'une partie de notre stratégie de soutien de nos opérations, dans le Nord, nous faisons appel à l'Association civile de recherche et sauvetage aériens, l'ACRSA.

La présidente : Merci beaucoup de votre présence parmi nous. Merci aussi pour tous les renseignements que vous nous avez communiqués dans le peu de temps dont nous disposions. Nous vous en savons énormément gré.

Notre prochain témoin est le brigadier-général Gary O'Brien, directeur général, réserve terrestre CEM - réserve terrestre. Il est d'abord conseiller principal de la réserve terrestre auprès du chef d'état-major de l'armée de terre, puis parmi d'autres tâches qui, j'en suis convaincue, sont nombreuses, il est commandant des Rangers canadiens sur lesquels nous nous posons beaucoup de questions. Avez-vous une déclaration préliminaire à faire?

Brigadier-général Gary O'Brien, directeur général, Réserve terrestre CEM-Réserve terrestre, Défense nationale : Je n'ai pas de déclaration préliminaire. Je serai heureux de me présenter, puis de situer le poste que j'occupe dans son contexte.

Je suis chef d'état-major de la réserve terrestre et réserviste supérieur de la force terrestre, chargé, auprès du commandant, des fonctions de gestion et de prestation de conseils d'établissement sur les questions concernant la réserve dans l'armée d'aujourd'hui.

Pour le chef d'état-major de l'armée de terre, je suis chargé, à l'échelle nationale, des Rangers canadiens. Mes responsabilités sont de nature institutionnelle et concernent la mise sur pied d'une force, afin de créer et de mettre en place cette capacité pour les Rangers, pour que des personnes comme Dave Millar puisse les utiliser au moment opportun. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

La présidente : A-t-il vraiment les meilleurs Rangers à sa disposition?

Bgén O'Brien : Tous nos Rangers canadiens sortent de l'ordinaire.

La présidente : Voilà une excellente réponse.

Le sénateur Dallaire : Les cinq régions de Rangers sont-elles commandées par d'anciens réservistes de classe B de la force régulière ou bien s'agit-il d'officiers à plein temps de la force régulière?

Bgén O'Brien : En fait, ce n'est ni l'un ni l'autre. Il s'agit d'une combinaison de membres de la Force régulière, de membres de la Force régulière à la retraite et en service de classe B ainsi que de réservistes en service de classe B. Partout au pays, c'est cette combinaison que l'on observe.

Le sénateur Dallaire : Je veux situer le contexte. Je ne veux pas aller trop loin, en ce qui concerne l'ensemble des réserves, parce qu'il est question, actuellement, de l'Arctique et, surtout, des Rangers, mais les réservistes peuvent détenir jusqu'à des postes de commandants adjoints dans les quatre régions du Canada. Est-ce exact?

Bgén O'Brien : Oui. Aujourd'hui, en vertu des quatre structures régionales de l'armée, Secteur de l'Ouest de la Force terrestre, Ontario, sections du Québec et Canada Atlantique, chacun des commandants adjoints sont des réservistes en service de classe A ayant le rang de brigadier-général.

Le sénateur Dallaire : Les réserves sont commandées par des forces régulières dont les commandants adjoints sont des réservistes, c'est bien cela?

Bgén O'Brien : Je préférerais une vision plus éclairée des choses : nous sommes intégrés.

Le sénateur Dallaire : Oui, sauf que beaucoup de vos amis ont différentes façons de le décrire, particulièrement les colonels honoraires.

Revenons aux Rangers. Fait-on passer les soldats du Sud rattachés à eux pour leur instruction, l'administration, et cetera, par un programme spécial de sensibilisation culturelle, d'emploi à long terme, ou s'agit-il de soldats qui reviennent tout juste d'Afghanistan, qu'on affecte à ces tâches et qui, six mois plus tard, se retrouvent dans un secteur de patrouilles de Rangers?

Bgén O'Brien : Chacun des groupes de patrouilles de Rangers donne une séance d'orientation à chacun des nouveaux soldats affectés à ce groupe, y compris un programme d'intégration culturelle pour les sensibiliser aux cultures particulières des Rangers de ce secteur de groupes de patrouilles de Rangers canadiens, ou GPRC. Ils reçoivent aussi une instruction en matière d'environnement. On leur montre comment survivre dans l'environnement et on leur donne un certain nombre de séances d'information suivies d'une période d'assimilation, pour leur permettre de comprendre à la fois la tâche du groupe de patrouilles de Rangers et les tâches des Rangers eux-mêmes. C'est un processus assez efficace d'intégration.

Le sénateur Dallaire : Il y a, là-bas, beaucoup d'osmose et d'instruction sur le tas pour permettre de s'adapter au travail des Rangers, après une courte période d'initiation.

Vous avez une compagnie à Yellowknife et vous en avez trois ou quatre autres.

Bgén O'Brien : Nous en avons quatre autres. Les Groupes de la compagnie d'intervention dans l'Arctique constituent la réponse de deuxième ligne de l'armée canadienne aux plans d'urgence dans l'Arctique. On les forme dans quatre unités de réserve de chacun des secteurs du pays. Dans le Canada Atlantique, c'est, je crois, le 2e Bataillon, The Royal New Brunswick Regiment, qui fournit le groupe de la compagnie. Au Québec, ce sont les Voltigeurs. En Ontario, c'est le Grey and Simcoe Foresters. Dans l'ouest, The Royal Winnipeg Rifles a les tâches du Groupe de compagnie d'intervention dans l'Arctique.

Le sénateur Dallaire : Ils obtiennent des fonds spéciaux accrus pour pouvoir être efficaces, outre la survie dans l'Arctique, dans une tâche opérationnelle de l'armée, est-ce exact?

Bgén O'Brien : Absolument. Non seulement sont-ils entraînés et pourvus en ressources, mais on a mis sur pied un important projet dans l'armée pour que cette capacité soit maximisée le plus tôt possible. On y a mis les ressources nécessaires; il y a de l'entraînement. Nous réservons des créneaux pour les réservistes dans le cours d'instruction à la guerre dans l'Arctique. De fait, ils ont des priorités, et, comme l'a fait remarquer le général Millar, nous opérons dans les bases d'instruction de l'Arctique.

Le sénateur Dallaire : Ils sont de classe A et non de classe B à temps plein, n'est-ce pas?

Bgén O'Brien : Ce sont des classes A, avec un petit nombre de cadres de classe B, pour s'occuper de la maintenance de l'équipement et de l'administration.

Le sénateur Dallaire : Est-ce qu'ils représentent 10 p. 100?

Bgén O'Brien : Moins que cela.

Le sénateur Pépin : Les Rangers canadiens sont équipés de fusils et de munitions. Combien de fois ces fusils sont-ils utilisés et à quelles fins?

Bgén O'Brien : C'est une bonne question. Chaque Ranger reçoit un fusil Lee-Enfield de calibre .303 et les munitions appropriées, selon la mission du Groupe de patrouilles de Rangers canadiens.

Chaque Ranger reçoit 12 journées d'instructions par année, pendant lesquelles il ou elle est tenue de faire preuve de compétences dans l'utilisation de l'arme. L'arme est fournie principalement pour la protection personnelle, et non pour produire un effet tactique, contrairement à ce que les gens pourraient croire.

Le sénateur Pépin : Vous avez l'intention de porter le nombre de Rangers à 5 000 d'ici 2012. Pensez-vous que cet objectif pourra être atteint? Où les Rangers seront-ils affectés? Les nouveaux Rangers auront-ils un travail particulier à faire?

Bgén O'Brien : Notre objectif officiel est de 5 000 Rangers d'ici 2012, et nous sommes en bonne voie de l'atteindre. Aujourd'hui, nous avons 4 190 Rangers des deux sexes. Notre objectif concerne à la fois l'augmentation de l'effectif et l'augmentation du nombre d'endroits où il y a des patrouilles de Rangers.

Nous avons assez bien rejoint la plupart des collectivités; de fait, il y a un peu de saturation dans certaines collectivités du Nord. Il s'agit d'une augmentation générale des capacités. Il n'y a rien de neuf, en particulier, que nous leur confierions comme tâche, si ce n'est d'assurer une capacité élargie dans tous les groupes de Rangers.

Le sénateur Pépin : Quel est le pourcentage de femmes dans les Rangers canadiens?

Bgén O'Brien : Je suis désolé, mais je ne dispose pas immédiatement de cette information. Je serais heureux de la fournir plus tard au comité.

Le sénateur Pépin : Il y a des femmes dans les Rangers, n'est-ce pas?

Bgén O'Brien : Oui.

Le sénateur Banks : Nous parlons surtout des Rangers dans le Nord, mais il y en a ailleurs. Y a-t-il des Rangers au centre-ville de Toronto? Où les patrouilles de Rangers se trouvent-elles?

Bgén O'Brien : Les patrouilles de Rangers se trouvent principalement à l'extrémité nord de chaque secteur de la force terrestre. Par exemple, dans les Maritimes, on les trouve surtout dans la partie nord de Terre-Neuve-et-Labrador. Au Québec, on les trouve près de la baie d'Ungava. En Ontario, on les trouve un peu partout dans les collectivités autochtones et les autres collectivités des régions nordiques, notamment au bord de la baie d'Hudson et parmi les populations lacustres. Dans l'Ouest, il y en a de la côte de la Colombie-Britannique, où de nombreux membres des Rangers sont des non-Autochtones, jusque parmi les populations lacustres, dans la partie nord de la région frontalière, entre la Saskatchewan et le Manitoba. C'est à ces endroits qu'on trouve les Rangers aujourd'hui.

Les quartiers généraux des groupes de patrouille des Rangers canadiens se trouvent à Goose Bay, un base de Terre- Neuve, pour les Maritimes, à Valcartier pour le Québec, à la BFC Borden pour l'Ontario et à Edmonton pour l'Ouest.

Le sénateur Banks : Le général Dallaire voulait savoir combien il faudrait de temps pour que les troupes stationnées dans le Sud s'habituent au climat du Nord. Les Rangers y sont déjà habitués. Je tiens pour acquis que la plupart des membres sont pleinement capables de survivre et de se protéger dans le Nord. De plus, vous avez dit que, dans le cadre de leur travail, les Rangers avaient 12 jours d'entraînement par année, qui sont obligatoires, je présume.

Bgén O'Brien : Oui.

Le sénateur Banks : Cet entraînement est-il suffisant pour les préparer pleinement à leur travail, au-delà de la survie, ou devrait-il être accru?

Bgén O'Brien : Si je peux me permettre, les membres des Rangers nous arrivent avec des qualités uniques, qu'ils possèdent déjà, pour ce qui est de la capacité de survie et de la connaissance du territoire. La formation qu'ils reçoivent prend habituellement la forme de cours de recyclage sur l'utilisation de l'équipement, comme les téléphones Iridium et les téléphones cellulaires. Ils s'exercent à participer à des opérations militaires. Ils mettent en pratique des méthodes pour accroître leurs capacités.

Compte tenu des politiques actuelles de financement adoptée par le gouvernement, ces 12 journées d'entraînement semblent adéquates pour conserver les compétences que nous leur reconnaissons.

Certains membres des Rangers participent à plus de 12 journées d'entraînement par année, et ce sont eux qui se voient confier des tâches opérationnelles par David Millar, le commandant de la Force opérationnelle interarmées du Nord. En s'acquittant de ces tâches, ils parfont leur entraînement et contribuent à la mission. Les 12 journées d'entraînement que j'ai mentionnées servent à maintenir et compléter la série de compétences que nous leur demandons de posséder.

Le sénateur Banks : Dans les deux cas que vous venez de mentionner, soit les 12 jours d'entraînement obligatoire et les tâches qui sont confiées aux Rangers en plus, sont-ils payés?

Bgén O'Brien : Oui.

Le sénateur Banks : Nous savons qu'ils sont appelés à travailler, soit par un décret du gouverneur en conseil, soit pour répondre à une urgence. Qui a le pouvoir de faire appel à eux en cas d'urgence?

Bgén O'Brien : C'est le commandant de la Force opérationnelle interarmées qui dirige les Rangers. Le commandant du Commandement Canada a le pouvoir de faire appel à eux dans le cadre des opérations désignées qui relèvent de lui.

Le sénateur Banks : Ils se trouvent alors sous son commandement et sont payés en tant que militaires dans l'exercice de leurs fonctions.

Bgén O'Brien : C'est exact.

Le sénateur Lang : Le général Millar a indiqué que les Rangers comptaient 1 600 membres dans le Nord et que ce nombre serait porté à 1 900. Les candidats sont-ils nombreux à vouloir faire partie des Rangers?

Bgén O'Brien : C'est une façon intéressante de présenter les choses, monsieur le sénateur.

Je ne pense pas qu'on puisse parler de « candidats ». Nous procédons de deux manières pour augmenter l'effectif des Rangers. Premièrement, nous demandons aux collectivités où se trouvent des patrouilles si elles sont capables de nous fournir d'autres personnes pour faire partie des Rangers. Parmi les personnes qui nous sont proposées, il y en a qui sont volontaires et qui peuvent être considérées comme des candidats.

À d'autres endroits, où nous voulons nous doter d'une patrouille, nous demandons à la population locale si elle souhaite former une patrouille de Rangers. Les gens nous indiquent combien de personnes sont susceptibles d'en faire partie. Nous n'utilisons pas vraiment notre méthode de recrutement traditionnelle. Personne ne fait la file devant les centres de recrutement pour s'enrôler dans les Rangers.

Le sénateur Lang : Vous trouvez que vous obtenez de bons résultats. De plus en plus de civils se portent volontaires lorsqu'on les sollicite, n'est-ce pas?

Bgén O'Brien : Je suis heureux de pouvoir dire que de plus en plus de Canadiens de partout au pays souhaitent faire partie des Rangers canadiens pour se mettre au service de leur pays.

Les Rangers font œuvre utile. En plus de contribuer à la sécurité du Canada, chaque patrouille constitue un bienfait pour la population locale. À certains endroits, parmi les Autochtones, la patrouille est à coup sûr le ciment qui soude ensemble la population. Un grand nombre de personnes vivant dans des conditions semblables deviennent membres des Rangers canadiens et retirent des bienfaits.

Le sénateur Lang : J'aimerais faire un commentaire général sur les Rangers, en particulier sur l'entraînement et sur la question soulevée par les sénateurs Banks et Dallaire. Dans notre partie du monde, les Rangers possèdent de solides compétences en matière de survie et d'autres compétences qu'ils sont tenus d'avoir avant même d'entrer dans les Rangers. Leur apport est considérable lorsqu'ils se joignent à nous.

Permettez-moi de soulever une question qui concerne en particulier notre partie du monde. Il s'agit des stages de cadets et de leur utilisation à plus grande échelle que c'est le cas actuellement. Vous êtes probablement au courant des stages estivaux à Whitehorse. Il s'y trouve de très bonnes casernes pour loger les cadets et aussi d'autres groupes.

Prévoit-on utiliser ces casernes en hiver ou au-delà des stages estivaux? Je sais qu'il faudrait faire quelques rénovations, mais il me semble que, si vous allez dans le Nord, et s'il s'y trouve déjà une base, il serait bon de s'en servir.

Bgén O'Brien : Malheureusement, cette question ne fait pas partie de mes responsabilités. Les jeunes Rangers et les stages pour les cadets à Whitehorse relèvent du vice-chef d'état-major de la Défense et du général Millar. Ce sont eux qui devraient répondre à cette question et qui sont chargés des installations en question. Je n'en ai pas la moindre idée.

Le sénateur Lang : J'ai remarqué que la question des volontaires avait été soulevée au cours de la dernière année. Les Rangers participaient à l'entretien du parcours de la course de traîneaux à chiens Yukon Quest. On a interrompu leur participation l'année dernière, puis ils ont été nombreux à se porter volontaires. Est-ce qu'on songe à utiliser de nouveau cette course comme programme d'entraînement, à l'avenir?

Bgén O'Brien : Je n'ai pas entendu dire qu'il y avait un engagement de notre part à aider les organisateurs de cette course. Les commandements associés à ce territoire envisagent de le faire, mais je ne peux pas vous dire si nous allons reprendre notre participation cette année.

Le sénateur Lang : Je sais que les Rangers ont mis la main à la pâte pendant un certain nombre d'années, puis, l'année dernière, on a interrompu leur participation. J'encourage fortement les Forces canadiennes à revoir cette décision.

Le sénateur Nolin : Mon général, à vous écouter, vous, le général Millar et notre collègue le sénateur Lang, je constate l'importance des liens entre les Rangers et la population locale. Ces liens sont importants. Ce n'est pas seulement une affaire entre vous et les Rangers, mais également entre eux et la population locale. Est-ce que vous vous attendez à ce que les Rangers se mettent non seulement à votre service et au service du général Millar, mais également au service des gens de leur milieu? Est-ce bien vos attentes à leur égard? Ce ne sont pas des employés à temps plein.

Bgén O'Brien : Comme c'est le cas pour la plupart des réservistes et des citoyens militaires, les compétences, l'expertise ainsi que le sens du devoir et des responsabilités acquis dans un milieu sont transférables à l'autre milieu. Les membres des Rangers sont utiles à l'État canadien et les mêmes personnes sont utiles dans leur milieu de vie civile, en tant que chefs de file. Je crois que, dans la plupart des endroits, en particulier dans les collectivités autochtones, les membres des Rangers font partie des chefs de file locaux.

Selon moi, il s'agit d'une dynamique importante pour le maintien des capacités des Rangers. À mes yeux, leur force leur vient de ce lien avec la population locale et de leur capacité d'intervenir dans les régions les plus rudes du pays, où ils semblent être les seuls à pouvoir survivre.

Le sénateur Nolin : Cette philosophie est-elle particulière aux Rangers ou applicable à la réserve en entier?

Bgén O'Brien : Aux yeux de Gary O'Brien, c'est une perspective importante pour concevoir la nature de la réserve dans son ensemble, au pays.

Le sénateur Nolin : Vous n'êtes pas seul.

BgénO'Brien : Les citoyens militaires, dont la contribution à la sécurité du pays est d'une grande importance, y compris en Afghanistan actuellement, font partie intégrante du milieu dont ils proviennent et forment un lien vital avec les Canadiens aux endroits où la force régulière n'est pas présente. Les Forces canadiennes reconnaissent la valeur de cette contribution. Elles investissent dans la réserve. Les gens investissent localement dans leurs unités de réserve. Je dirais que c'est essentiel à la survie de l'institution qu'est la réserve. Je peux me prononcer seulement pour la réserve de l'armée de terre. Il est crucial d'entretenir les liens avec la population locale. Aux endroits où les liens ne sont plus aussi forts qu'ils l'ont déjà été, un effort doit être fait dans le cadre de la transformation de la réserve de l'armée de terre, qui fait également partie de mes responsabilités.

Le président : Nous sommes passés un peu à côté de la question. Lorsque vous parlez de l'appui à donner aux opérations de défense de la souveraineté et de la frontière entre la sécurité et la défense de la souveraineté, qu'est-ce que vous incluez dans l'entraînement?

Bgén O'Brien : C'est une question difficile, sénateur. La frontière est mal définie entre les opérations de défense de la souveraineté et les opérations de sécurité. Les Rangers ne participent pas aux activités servant à faire respecter la loi. En temps de paix, ils ne peuvent pas participer à l'application de la loi hors du cadre définissant déjà leurs activités. La frontière est très ténue. Les commandants des opérations, en particulier le général Millar, se sont révélés très habiles à situer cette frontière, dans leur travail de concert avec les autres organes de l'État, c'est-à-dire la Garde côtière, la GRC et l'Agence du revenu du Canada. Ils doivent s'assurer qu'on a une vision intégrée de la sécurité et trouver la place des Rangers dans cette vision. Je dirais que ce n'est pas une tâche facile, et je suis heureux de voir comment la Force opérationnelle interarmées du Nord s'en acquitte. Il est certain que les Rangers qui participent aux activités de formation et aux opérations effectuées au sein de la Force opérationnelle interarmées du Nord sont l'occasion d'apprendre à bien voir la frontière entre les opérations de défense de la souveraineté et les opérations de sécurité.

Le président : Vous ne diriez pas qu'il s'agit d'un problème.

Bgén O'Brien : Je ne crois pas que ce soit un problème.

Le sénateur Dallaire : On garantit aux réservistes de classe A, dans le Sud, environ 39 jours d'entraînement par année, en plus de l'entraînement estival, du moins c'était le cas avant et je suppose que c'est encore le cas actuellement. Les réservistes de classe A se trouvent dans le secteur de leur unité, dans un manège militaire, et tout le soutien nécessaire leur est fourni par une base. Ils sont aussi soutenus par leur milieu local, et ainsi de suite.

Or, les Rangers se trouvent dans des régions isolées. Si je ne me trompe pas, en 1995, lorsque j'étais commandant dans le secteur du Québec, ils recevaient 12 jours d'entraînement par année. Nous les payons apparemment 12 jours seulement par année. Pourtant, nous savons qu'il y a un nombre croissant de tâches à accomplir, et Dieu sait ce que nous réserve l'avenir. Ne devrions-nous pas tâcher de renforcer le soutien qui leur est accordé par la société et leur fournir davantage de jours d'entraînement de classe A?

Il semble que les services des Rangers soient une vraie aubaine pour nous, et ce n'est pas particulièrement respectueux de l'éthique. Nous nous servons de leurs aptitudes naturelles, mais ils doivent entretenir constamment ces aptitudes. C'est ce que nous voulons. Nous en profitons gratuitement et nous leur donnons en retour seulement 12 journées par année. Nous devrions plutôt renforcer leurs aptitudes naturelles, les aider à s'occuper des jeunes Rangers et leur accorder 30, 40 ou 50 jours de service de classe A par année. Ne serait-ce pas plus responsable? Je n'irais pas jusqu'à dire que nous les exploitons, mais je pense que nous ne nous montrons pas équitables envers eux.

Bgén O'Brien : Je ne suis pas d'accord. Je crois que c'est une excellente entente. Voici mon point de vue. Ce sont des Rangers parce qu'ils ont des compétences uniques et intuitives dont ils font profiter les FC afin qu'elles améliorent leur capacité. Lorsqu'un Ranger accomplit un travail ou une mission pour l'armée, il reçoit toujours une indemnisation. En fait, nous venons de revoir certaines de nos politiques pour nous assurer que l'indemnisation inclut les motoneiges submergées lorsque la glace cède, le carburant, et cetera.

Il n'y a pas eu d'augmentation importante de la demande opérationnelle pour les Rangers. Nous savons qu'il en faudra davantage pour répondre aux exigences accrues des contextes de sécurité futurs. Nous n'avons pas constaté de changement dans les missions qu'ils effectuent qui nécessiterait un complément d'instruction. Il n'y a rien dans les exigences opérationnelles qui serait susceptible de modifier la dynamique de base de l'apport des Rangers en ce qui concerne la capacité des FC, et il n'y a pas non plus d'orientation qui justifie de modifier cette dynamique.

Je suis persuadé que les Rangers sont bien indemnisés chaque fois qu'ils enfilent leur chandail rouge à capuchon et qu'ils accomplissent un travail pour le gouvernement. Ils reçoivent 12 jours de formation, ce qui semble suffisant pour apprendre à se servir de leur équipement dans le cadre des opérations. Nous faisons de plus en plus appel à eux, à mesure que nous élargissons notre vision des exigences de sécurité. Il y a 10 ans, nous n'avions pas les exercices d'envergure dans l'Arctique que nous avons aujourd'hui. Ils y participent de plus en plus, et nous suivons les choses de près afin de nous assurer que si la situation change, nous pourrons envisager d'offrir davantage de formation et de ressources.

Le sénateur Dallaire : Merci beaucoup. Cependant, quand un mécanicien du centre-ville de Toronto se joint au bataillon des services — et nous avons de plus en plus d'équivalences sur le plan du transfert des compétences techniques —, il arrive avec sa formation de mécanicien et reçoit plus de 39 jours de formation par année. Or, le Ranger nous fait profiter de toutes ses compétences naturelles et il est très qualifié. Nous profitons de cela sans rien payer et nous croyons que 12 jours par année sont suffisants.

Je crois que c'est inadéquat. Je n'essaie pas de dire que nous agissons mal. Cette façon de faire doit être revue, car nous avons besoin des compétences fondamentales qu'ils nous fournissent presque gratuitement.

Bgén O'Brien : Oui, je comprends très bien votre argument. Toutefois, je tiens à souligner que les conditions de service des Rangers sont différentes de celles des réservistes. Il y a deux ensembles différents de conditions de service, et nous avons affecté les ressources que nous estimons raisonnables à chacun.

Le sénateur Dallaire : Lorsqu'un Ranger subit une blessure lors d'un exercice, reçoit-il le même genre de soutien et de pension d'Anciens Combattants Canada qu'un membre des forces régulières ou qu'un réserviste en service de classe B?

Bgén O'Brien : Oui, sénateur.

Le sénateur Banks : On nous dit que les conditions de service sont sur le point d'être changées. Avez-vous entendu parler de cette modification?

Bgén O'Brien : Oui, sénateur. C'est moi qui suis responsable de la révision des conditions de service.

Le sénateur Banks : Veuillez nous en parler.

Bgén O'Brien : Nous nous penchons sur les conditions de service afin d'effectuer un certain nombre de modifications, notamment en ce qui concerne l'équivalence de la couverture. Étant donné les conditions de service dans le contexte d'aujourd'hui et le recours plus fréquent aux réservistes, comme nous venons d'en discuter, nous faisons de plus en plus appel aux Rangers. Il y a des aspects de la politique qui doivent être ajustés afin de tenir compte de leurs attentes raisonnables et d'éviter de les exploiter.

Le sénateur Banks : Pourriez-vous nous donner un ou deux exemples?

Bgén O'Brien : Je peux vous donner un exemple d'indemnisation pour l'utilisation de l'équipement. Nous demandons aux Rangers de venir avec leur propre motoneige, leurs chiens de traîneau ou autres, et s'il y a un dommage, une blessure ou une perte durant ces opérations, nous leur offrons maintenant une indemnité de remplacement. C'est un exemple.

Le sénateur Dallaire : Vous dites maintenant.

Bgén O'Brien : Oui, maintenant.

Le sénateur Dallaire : Et nous faisons appel à eux depuis 50 ans.

Le président : Je vous remercie beaucoup de votre témoignage aujourd'hui, brigadier-général O'Brien. Comme vous le voyez, le comité s'intéresse aux Rangers et à leur rôle dans notre pays. Nous vous remercions d'être venu.

Bgén O'Brien : Merci beaucoup.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


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