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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 5 - Témoignages du 6 mai 2010


OTTAWA, le jeudi 6 mai 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles s'est réuni aujourd'hui à 8 h 7 pour examiner l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil de la présidence.

[Traduction]

Le président : Bonjour, messieurs et mesdames les sénateurs et témoins. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude sur le secteur énergétique et, il faut l'espérer, sur un cadre de travail pour l'élaboration d'une politique nationale dans le domaine énergétique.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à ceux qui nous regardent sur CPAC et à ceux qui suivent nos délibérations sur Internet. Je suis le sénateur David Angus, de la province de Québec, et je suis le président du comité. À ma droite, se trouve le vice-président du comité, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta; Marc LeBlanc, de la Bibliothèque du Parlement, qui nous apporte une aide précieuse tout au long de nos délibérations; et le sénateur Daniel Lang, du Yukon. Nous accueillons également un visiteur aujourd'hui, qui représente le sénateur Brown : le sénateur Yonah Martin, de la Colombie- Britannique. À sa droite se trouvent le sénateur Judith Seidman, du Québec, et le sénateur Robert Peterson, de la Saskatchewan.

À ma droite immédiate se trouve notre précieuse greffière, Mme Lynn Gordon, le sénateur Linda Frum, de l'Ontario, le sénateur Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique, et le sénateur Paul Massicotte, du Québec. Nous avons également un autre visiteur aujourd'hui, le sénateur Wilfred Moore, de Halifax, Nouvelle-Écosse.

J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui, qui représentent l'Académie canadienne du génie. Nous accueillons ce matin Richard J. Marceau, membre du conseil d'administration et président du Comité des nouvelles orientations et politiques publiques, et Michael Ball, directeur général de l'académie. D'après son site web, l'Académie canadienne du génie est l'organisme national par l'entremise duquel les ingénieurs les plus chevronnés et les plus expérimentés du Canada offrent au pays des conseils stratégiques sur les enjeux d'importance primordiale. Je suis surpris que vous ne soyez pas en ce moment à la Nouvelle-Orléans, pour donner des conseils stratégiques à la British Petroleum, mais je suis ravi que vous puissiez comparaître devant notre comité.

Je vois que votre académie est une organisation indépendante, autonome et à but non lucratif, qui a été créée en 1987. Les membres sont nommés et élus par leurs pairs au titre de membres honoraires, en raison de leurs réalisations exceptionnelles et de leurs longs états de service au sein de la profession d'ingénieur. Actuellement, votre organisation compte 307 membres actifs, 125 membres émérites et 3 membres honoraires. Les membres de l'académie s'engagent à faire en sorte que les connaissances expertes en génie du Canada soient appliquées pour le plus grand bien de tous les Canadiens. L'Académie canadienne du génie travaille en étroite collaboration avec les autres principales académies, au Canada et à l'étranger. Elle est membre du Conseil des académies canadiennes, de la Société royale du Canada et de l'Académie canadienne des sciences de la santé, ainsi que d'autres sociétés, instituts et associations professionnelles d'ingénieurs.

Monsieur Ball, je crois que vous suivez attentivement les délibérations du comité sur le secteur énergétique, et que vous avez beaucoup de choses à nous dire, à la fois des choses que vous préparez et des choses que vous êtes prêts à annoncer. Monsieur Ball, vous avez la parole.

Michael A. Ball, directeur général, Académie canadienne du génie : Permettez-moi de vous dire quelques mots sur certains des témoins qui ont comparu devant votre comité. M. Robert Evans, qui a comparu en décembre dernier, est l'un de nos membres, et fait notamment partie du groupe de travail mis sur pied par le Council of Academies of Engineering and Technological Sciences, Inc., le CAETS, et dont le mandat porte sur la génération d'électricité à faibles émissions. J'y reviendrai tout à l'heure. Plusieurs de nos membres ont comparu devant votre comité et ce, à divers titres.

Le président : Nous avons besoin de toute l'expertise et de toutes les contributions que nous sommes capables de mobiliser. Comme vous avez dû l'apprendre au cours de nos audiences, nous approchons de la fin de la phase 1 de notre étude. Nous l'avons entamée il y a un peu plus de neuf mois, et nous avons essayé d'apprendre le jargon de l'industrie et de mieux comprendre ce que sont les changements climatiques et les énergies renouvelables. Nous constatons que, plus nous apprenons, moins nous en savons sur cette question extrêmement vaste. Nous sommes ravis de vous avoir aujourd'hui parmi nous, car votre contribution va nous être précieuse.

Richard J. Marceau, membre du Conseil d'administration, et président, Comité des nouvelles orientations et politiques publiques, Académie canadienne du génie : Je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles de nous avoir invités à comparaître au nom de l'Académie canadienne du génie pour vous parler des avantages d'une meilleure connexion entre les différents réseaux électriques provinciaux du Canada.

Depuis 2005, je suis vice-président, professeur et vice-recteur de l'Institut de technologie de l'Université de l'Ontario, qui a ouvert ses portes en 2003. Auparavant, j'ai été doyen de la faculté de génie de l'Université de Sherbrooke, au Québec, de 2001 à 2004; et président du Département de génie informatique et génie logiciel à l'École polytechnique de Montréal, de 1998 à 2001. De formation, je suis ingénieur en électricité et j'ai travaillé dans l'industrie de 1978 à 1990, avant d'entreprendre une carrière universitaire au Québec et en Ontario.

Étant donné que le président du comité a déjà fait une brève présentation de l'Académie canadienne du génie, je vais sauter les quelques mots d'introduction que j'avais préparés au sujet de l'académie.

En 2007, le groupe de travail de l'académie sur les filières énergétiques a recommandé que le Canada entreprenne trois projets technologiques nationaux : la gazéification des combustibles fossiles et de la biomasse; la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les GES, par la captation, le transport, l'entreposage à long terme ou l'utilisation du dioxyde de carbone; et l'amélioration de l'infrastructure électrique, avec amélioration de l'accès aux sources éoliennes et solaires et de la capacité d'entreposage de l'énergie. Aujourd'hui, j'aimerais vous parler des conclusions tirées par le groupe de travail sur les filières énergétiques, qui a étudié toute la question de l'amélioration de l'infrastructure électrique du Canada.

Permettez-moi de vous expliquer tout d'abord pourquoi cette question est devenue un projet technologique national. On sait qu'au Canada, le réseau électrique s'est construit au niveau de chaque province, et que les interconnexions provinciales n'avaient qu'une importance limitée. Au cours des 10 dernières années, notre sensibilisation accrue à la question des changements climatiques nous a amenés à repenser notre utilisation de toutes les formes d'énergie, y compris l'électricité. L'électricité est perçue non plus comme un simple service réglementé au niveau provincial, mais comme une monnaie énergétique intimement liée à la prospérité économique de notre pays. Malheureusement, dans un monde où les questions économiques, politiques, environnementales, énergétiques et climatiques sont de plus en plus interdépendantes, tout le monde ne s'entend pas sur la façon d'exploiter cette source énergétique dans le meilleur intérêt du Canada.

Par exemple, la Chambre de commerce du Canada a fait remarquer qu'une grande partie de l'énergie électrique du Canada est immobilisée parce qu'il n'existe pas de réseau de transmission adéquat pour exploiter cette ressource et l'acheminer sur les marchés. Hydro Terre-Neuve-et-Labrador a déjà déclaré que, sans une action soutenue pour l'instauration d'un solide réseau est-ouest visant à répondre à une demande croissante en énergie propre, les Canadiens risquent de perdre un avantage compétitif important.

Les États-Unis examinent la possibilité d'ajouter à leurs réseaux un certain nombre de raccordements interrégionaux, poussés en partie par l'expansion planifiée de l'énergie renouvelable. L'an dernier, Hydro Québec a essayé d'acquérir une part importante des avoirs de la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick, dans l'espoir d'augmenter sa part de production électrique à partir de sources renouvelables, notamment l'électricité hydraulique, et de développer ses réseaux de transmission. Même si le Globe and Mail a estimé que cette initiative servait les intérêts des deux parties, la transaction n'a pas abouti.

Le président : Je ne savais pas que les universitaires étaient aussi cyniques que nous, parlementaires, à l'égard des médias nationaux.

M. Marceau : Je rapporte simplement ce que disent les médias, et ça fait partie du domaine public. J'apprécie votre remarque.

Il est évident que le Canada doit se doter d'une structure nationale cohérente, afin que l'exploitation de ses différentes ressources énergétiques se traduise par une richesse accrue, une meilleure qualité de vie et un plus grand respect de l'environnement. De plus, les réseaux électriques font face à toutes sortes de défis, qu'il s'agisse de la planification de la génération électrique à long terme dans une conjoncture économique morose ou de la pénurie appréhendée d'ingénieurs en électricité. Malgré ces perspectives peu réjouissantes, il y a des occasions à saisir. L'Agence internationale de l'énergie, l'AIE, estime que l'infrastructure électrique du Canada nécessitera des investissements de 190 milliards de dollars américains d'ici à 2030.

Étant donné le ralentissement économique que l'on connaît actuellement, le moment serait idéal pour investir dans l'infrastructure énergétique car cela se traduirait par des avantages économiques, sociaux et environnementaux à long terme. Le Canada a une occasion en or de construire un meilleur réseau, de stimuler le développement de technologies électriques de pointe, de réduire de beaucoup son empreinte carbone en gaz à effet de serre et de dynamiser son économie. Le moment est manifestement venu d'examiner l'industrie de l'électricité au Canada et ses relations avec l'avenir énergétique du Canada.

Examinons de plus près ce que nous considérons comme les cinq défis de l'industrie de l'électricité : les changements climatiques; le vieillissement des infrastructures et les limites des systèmes actuels; l'optimisation de la demande; la complexité des juridictions; et la nécessité de renouveler les effectifs.

Parlons d'abord des changements climatiques. Ce n'est plus une hypothèse, c'est une réalité reconnue par les universités, l'industrie et les gouvernements. Surtout à cause de son industrie des sables bitumineux, le Canada est considéré comme un producteur de « pétrole sale », qui hésite à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, au Canada, la production d'électricité ne génère que 34 mégatonnes de gaz à effet de serre par exajoule, grâce à des investissements importants dans les centrales hydroélectriques et les centrales nucléaires. Aux États-Unis, ce chiffre est de 162 mégatonnes, soit cinq fois plus. Il n'en reste pas moins qu'il faut continuer à réduire la pollution et la production de GES, et que ça doit rester un objectif national. Cela a amené les gouvernements à offrir des incitatifs pour la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, comme l'énergie solaire, l'énergie éolienne, la biomasse et les petites centrales hydrauliques. Mais cela présente des inconvénients.

Les incitatifs ont tendance à coûter cher et à exercer des pressions à la hausse sur les tarifs d'électricité. De plus, les énergies renouvelables comme l'énergie solaire et l'énergie éolienne produisent de l'électricité quand elles le peuvent, et pas forcément quand on en a besoin, ce qui se traduit par des coûts structurels plus élevés. Pour accroître la rentabilité des investissements dans la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, il faut que chaque province puisse avoir facilement accès à des marchés extérieurs afin de vendre son électricité à toute heure du jour ou de la nuit. Cela encourage également la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables au niveau national.

Pourquoi ne commençons-nous pas dès aujourd'hui? La réponse appartient au deuxième défi dont je parlais tout à l'heure : le vieillissement des infrastructures et les limites des systèmes actuels.

S'agissant de la production d'électricité, l'avantage du Canada est que 73 p. 100 de son électricité proviennent de centrales à faibles émissions de gaz à effet de serre, à savoir les centrales hydrauliques et les centrales nucléaires. Les deux tiers des 27 p. 100 restants sont produits dans des installations qui datent de plus de 30 ans, ce qui serait donc l'occasion de les remplacer par des technologies à faibles émissions de GES, comme l'hydroélectricité, le nucléaire, l'énergie solaire, l'énergie éolienne, la biomasse et même les centrales alimentées par des combustibles fossiles mais équipées de dispositifs de captage et d'entreposage du dioxyde de carbone. Malgré tout, la nécessité de maintenir et de renouveler notre parc de centrales électriques à faibles émissions de GES est une autre occasion importante à saisir. S'agissant de transmission de l'électricité, la distribution d'électricité à partir de régions ayant des ressources excédentaires ou abondantes, à faibles émissions de GES, vers d'autres régions à forte demande présente des perspectives limitées, et ce, pour de nombreuses raisons.

Premièrement, le Canada a davantage de connexions électriques avec les États-Unis qu'il n'y en a entre les provinces — 34, par rapport à 31. De plus, les connexions interprovinciales ont généralement des capacités de transfert limitées, alors qu'un grand nombre des connexions avec les États-Unis ont une capacité équivalente à la production des grandes centrales hydroélectriques ou nucléaires. Sur le plan financier, les systèmes actuels sont assujettis à des limites imposées il y a plus d'un siècle, à une époque où les systèmes de transmission triphasés étaient moins connus qu'ils ne le sont aujourd'hui.

À cause de toutes ces contraintes techniques, sans parler des contraintes d'ordre juridictionnel, dont je parlerai tout à l'heure, les réseaux électriques canadiens se sont développés au niveau provincial, mais pas au niveau national. Or, depuis que les premiers systèmes ont été mis en place, la technologie a progressé. Il existe maintenant du courant à très haute tension, des systèmes de transmission AC et DC et des technologies d'interconnexion, ainsi que différentes possibilités de stocker l'énergie, ce que notre rapport examine en détail.

Nous avons aujourd'hui la possibilité d'optimiser la transmission d'électricité au niveau national, grâce à une plus grande connexion, comme c'est le cas des réseaux de gazoducs et d'oléoducs, et cela devrait nous permettre de mieux planifier la production d'électricité et d'optimiser les coûts, la fiabilité, la sécurité, la rentabilité et l'empreinte carbone. Pour atteindre cet objectif, comment pourrions-nous procéder?

Le Département de l'énergie des États-Unis a publié une feuille de route, National Electric Delivery Technologies Roadmap, selon laquelle « le réseau national de base se développe en suivant un cheminement à prédominance évolutionnaire ou révolutionnaire ».

Notre groupe de travail a estimé que, au Canada, l'approche évolutionnaire était plus sensée, et qu'elle pouvait se traduire dans deux scénarios de base. Le premier scénario consiste à augmenter le nombre et la capacité des interconnexions entre les réseaux provinciaux et à renforcer en même temps les réseaux provinciaux canadiens, ce qui permettra le passage de grands blocs d'électricité tant en direction est-ouest que nord-sud, vers les États-Unis.

Le deuxième scénario reprend le premier scénario, mais avec interconnexions amplifiées vers un réseau électrique est-ouest américain anticipé, afin de constituer un réseau électrique intercontinental. Nous avons vu toutefois que, historiquement, la tendance a été d'optimiser localement.

Cela nous amène au troisième défi : l'optimisation de la demande et le concept du réseau intelligent. Le manque d'optimisation à l'échelle nationale se traduit au bout du compte par des coûts et par une empreinte carbone. Le concept du réseau intelligent est la réponse logique à ce problème, si la seule option est d'optimiser le réseau au niveau municipal ou provincial. Dans cette optique, le réseau intelligent permet d'accomplir trois choses : premièrement, il permet d'établir une relation interactive avec le consommateur, aussi bien pour l'énergie que pour l'information; deuxièmement, il permet d'améliorer la surveillance en temps réel de l'état du réseau et de diagnostiquer plus rapidement les problèmes et les solutions; troisièmement, il permet d'éviter les pannes de courant en cascade, en cas de défaillance technique.

Tout ça est important, mais un réseau plus intelligent est-il la seule solution? La tendance vers les carburants renouvelables pour les automobiles et les transports publics, notamment l'hydrogène et l'électricité, va être un défi pour nos approvisionnements existants et pour notre infrastructure de transmission. De nouvelles idées comme le stockage d'électricité pour les batteries des véhicules hybrides électriques permettraient de faciliter la gestion de la charge.

Toutefois, si la consommation d'électricité continue d'augmenter, il faudra bien augmenter aussi la capacité du réseau. Un réseau intelligent accroît l'efficience du réseau local, mais il a aussi ses limites. Une voiture à deux roues motrices a beau être « intelligente », elle ne peut pas faire ce que fait une voiture à quatre roues motrices.

Pourquoi n'avons-nous pas investi davantage dans l'optimisation de nos réseaux électriques au niveau national?

Voilà qui nous amène à notre quatrième défi : les problèmes de juridiction entravent l'optimisation de la transmission d'électricité. Tous les systèmes provinciaux ou régionaux ont les mêmes objectifs : assurer une distribution fiable et sûre de l'énergie; respecter les normes de transmission nord-américaines; utiliser davantage de technologies à faibles émissions de GES; et réduire le plus possible les coûts.

Au Canada, les systèmes de transmission d'électricité relèvent des gouvernements provinciaux, avec des intervenants de plus en plus nombreux dans la génération et la transmission de l'électricité, et une participation de plus en plus grande du secteur privé. Les entreprises et les régies régionales, de par leurs responsabilités fiduciaires, privilégient généralement les besoins à court terme.

Étant donné les circonstances, il est de plus en plus nécessaire d'avoir un cadre national qui permettrait de faire évoluer l'industrie de l'électricité dans un contexte global qui ne se limiterait pas à un agrégat d'éléments locaux disparates. Cela nécessite un consensus politique à l'échelle nationale, et cela nécessite du leadership.

Pour y parvenir, il faut qu'il y ait un plus grand nombre de gens qui comprennent comment fonctionnent les réseaux d'électricité, qui connaissent bien l'industrie énergétique du Canada et qui aient plus que de simples notions économiques. Autrement dit, nous avons besoin de gens compétents dans le domaine, qui soient en mesure de jouer un rôle de chefs de file, ce qui nous amène au dernier, mais pas au moindre, de nos cinq défis.

Depuis une vingtaine d'années, le nombre d'étudiants inscrits en génie électrique diminue régulièrement au Canada. Si l'on ajoute à ça le départ à la retraite des instructeurs et des spécialistes en activité, on se demande vraiment comment le Canada va pouvoir entreprendre des projets ambitieux de génération d'électricité. Au cours des 10 prochaines années, on sait que nous allons faire face à une pénurie d'ingénieurs en électricité.

L'industrie doit se préparer à former non seulement un grand nombre de professionnels qui seront capables d'entretenir nos réseaux électriques, mais aussi une nouvelle génération de concepteurs de systèmes, d'exécutants et de dirigeants qui sauront injecter une nouvelle vision et un nouveau dynamisme à tout le secteur, à l'échelle nationale, comme l'a fait une autre génération de Canadiens il y a un siècle, province par province.

En conclusion, est-il besoin de rappeler que les réseaux électriques sont les axes fluviaux de notre civilisation? Il est utile, certes, d'optimiser la gestion des petits affluents, mais si l'on sous-estime la capacité globale du réseau d'être plus performant grâce à une approche systémique, on crée des gaspillages et on va à l'encontre de la déontologie de l'ingénieur.

L'électricité va jouer un rôle de plus en plus important dans le système énergétique canadien, d'autant plus qu'elle peut nous aider à réduire notre empreinte carbone, et nous estimons donc qu'il est temps que le Canada repense tout son système de transmission électrique, qui est une infrastructure nationale prioritaire.

Notre groupe de travail a sérieusement examiné l'avantage qu'il y a à construire des infrastructures non seulement pour les besoins à court terme mais aussi pour les besoins à long terme. Nous en avons eu un exemple à Toronto, autour de 1910, lorsque l'architecte Edmund Burke et l'ingénieur Thomas Taylor ont conçu le viaduc de Bloor- Danforth, qui passe au-dessus de la Don Valley. Ils ont fait preuve d'une grande prévoyance lorsqu'ils ont anticipé que Toronto aurait besoin, avant la fin du siècle, d'un métro nécessitant un viaduc au-dessus de la Don Valley. Ils ont donc ajouté un tablier inférieur au viaduc pour que les rames de métro puissent y passer. La construction de ce tablier inférieur a représenté une augmentation modeste des coûts, et quand les premières rames de métro du corridor Bloor- Danforth ont commencé à traverser la Don Valley en 1954, on a rendu hommage à la prévoyance de nos ancêtres.

Pour reprendre cet exemple, certains diront que les ingénieurs ne comprennent rien à l'économie, et que cet argent, même s'il ne représentait qu'une modeste augmentation des coûts, aurait pu être mieux dépensé ailleurs, à cette époque, en 1910. À ceux-là je dirai que, pour construire un pays, il faut adopter une approche systémique, et tenir compte à la fois du contexte et de l'époque, et que l'économie est un instrument important, mais que ce n'est pas le seul.

En conséquence, notre groupe de travail présente deux recommandations au gouvernement fédéral : premièrement, comme projet d'infrastructure immédiat, le gouvernement devrait financer de nouvelles interconnexions du réseau électrique entre deux ou plusieurs provinces, sous forme de projet à coûts partagés avec les provinces et peut-être aussi avec le secteur privé. De cette façon, le gouvernement fédéral sera en mesure de faire preuve de prévoyance pour chacune de ces interconnexions, comme cela avait été le cas pour le viaduc du corridor Bloor-Danforth. Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait préparer, pour le long terme, une stratégie commerciale et technologique pour les investissements qui devront être consentis dans l'industrie de l'électricité au cours des 25 prochaines années, afin de mieux exploiter les occasions de générer de la richesse et de réduire les émissions de GES, d'autant plus que ces investissements devront être faits quoiqu'il arrive.

Le groupe de travail est convaincu que l'énergie est sans doute la dernière chance pour le Canada de se doter d'un avantage concurrentiel durable, vu la mondialisation de l'économie, d'autant plus que c'est quelque chose que nous avons réussi à faire dans plusieurs autres secteurs.

Le président : Merci, monsieur Marceau. Vous nous avez fait un exposé très intéressant, qui touche directement au sujet de notre étude.

Monsieur Ball, vous avez dit que d'autres choses étaient en préparation. Pour qu'elles puissent être consignées au procès-verbal, pourriez-vous nous en faire part dès maintenant? Ensuite, nous passerons aux questions.

M. Ball : On vous a remis plusieurs documents, notamment le rapport de 2007 du groupe de travail sur les filières énergétiques, dont a parlé M. Marceau, ainsi que les projets technologiques qui en ont découlé. Nous vous avons également communiqué le dernier rapport sur les réseaux d'électricité. Nous avons donné l'analyse à Marc LeBlanc. Il s'agit du volume 2 de ce rapport, et ça représente à peu près 170 pages. Ce sont donc les chapitres sur le contexte et l'analyse, et c'est ce que nous lui avons remis.

Le 18 mai, nous allons avoir un autre atelier sur les filières énergétiques. Ce sera le troisième. Le premier a eu lieu à Calgary en 2007, juste après la publication du premier rapport sur les filières énergétiques, et nous avions alors examiné les trois projets technologiques. Le ministre d'alors des Ressources naturelles, Gary Lunn, avait assisté à l'atelier et avait annoncé des projets de séquestration du carbone en Alberta, entre autres.

Nous avons organisé un deuxième atelier à Sarnia en 2008, pour examiner des processus et des projets pilotes de bioconversion. En 2009, le Canada a organisé la conférence du CAETS. Ce conseil international se réunit tous les deux ans, dans un pays différent. C'était sa première réunion au Canada. D'une durée de trois jours, elle avait pour thème la gestion et la viabilité de nos ressources naturelles. Toutes les soumissions et les communications qui ont été faites à cette conférence sont disponibles sur le site Web.

À la suite des conférences du CAETS, le conseil a publié une déclaration de quatre pages, dont vous avez un exemplaire. Il s'agit là d'une déclaration mondiale, qui ne concerne pas seulement le Canada, et par conséquent, les 26 pays devront en avaliser le libellé.

J'ai déjà parlé de la publication, en avril, du rapport du groupe de travail sur les réseaux d'électricité. Le 18 mai, nous aurons l'atelier sur les filières énergétiques dont je vous ai parlé, que nous organisons de concert avec le Research Park, de l'Université Western à Sarnia.

Le président : C'est dans moins de deux semaines; vous avez bien dit le 18 mai?

M. Ball : Oui. Le thème de l'atelier est : Le Canada, future superpuissance des énergies durables. Il en découlera un rapport qui sera présenté à l'atelier et qui sera disponible sur le site Web de l'académie. Le rapport présentera les progrès réalisés par rapport aux objectifs énoncés dans le premier rapport. Un groupe de personnes a interviewé toutes sortes de gens dans différents types d'activités relatives à la recherche sur l'énergie et le changement climatique, et a fait un rapport sur la situation actuelle.

Le président : Nous avez-vous donné de la documentation sur cette conférence du 18 mai?

M. Ball : Oui, vous en avez. Et si vous voulez y assister, l'entrée est gratuite. Certes, il faudra que vous vous rendiez à Sarnia par vos propres moyens, mais l'entrée est gratuite. Tous ces renseignements sont sur notre site web, dont j'ai donné les coordonnées à Mme Gordon.

Ensuite, nous avons notre assemblée générale annuelle à Toronto, dont une partie sera consacrée à un symposium sur le thème de « La génération à faibles émissions, la distribution de l'électricité et son utilisation dans les transports ». Nous avons des renseignements là-dessus, les noms des conférenciers, et cetera. Vous êtes invités à y assister si cela vous intéresse.

Le président : Quand cela aura-t-il lieu?

M. Ball : Le 4 juin, à Toronto.

J'ai parlé tout à l'heure du CAETS et de la participation de M. Evans, qui a comparu devant votre comité. Le CAETS, à la suite de la rencontre de Calgary et avec l'aide de l'académie australienne et du gouvernement australien, a entrepris une évaluation des stratégies de déploiement de technologies à faibles émissions pour la génération d'électricité, en réponse aux changements climatiques. Sept pays participent à ce projet, à savoir le Canada, l'Australie, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Afrique du Sud, l'Inde et le Japon. Le rapport sera présenté à l'assemblée annuelle du CAETS, à Copenhague, le 30 juin. J'ai tous les renseignements là-dessus, et dès qu'ils seront publics, ils seront sur le site Web.

Le président : Vous parlez du CAETS, c'est-à-dire le Council of Academies of Engineering and Technological Sciences, Inc. Qu'est-ce que c'est?

M. Ball : Le CAETS est un conseil international qui regroupe pour le moment 26 pays.

Le président : C'était tout ce que vous aviez à dire?

M. Ball : Oui. Si vous voulez savoir quels pays en sont membres, vous avez la liste au verso de ce document.

Le président : Je vois. Avant de passer aux questions, j'aimerais vous demander quelques éclaircissements.

Premièrement, vous avez indiqué très clairement, à la fin de votre exposé, que vous aviez deux recommandations concrètes à faire au gouvernement fédéral. Pour que tout soit bien clair, je dois vous dire que ce n'est pas à nous que vous devez les présenter officiellement, car nous ne sommes qu'un des éléments de la structure. Je suppose donc que vous avez présenté ces recommandations à Ressources naturelles Canada, RNCan, et au ministère de l'Environnement?

M. Ball : Oui.

Le président : Nous avons déjà accueilli les ministres Paradis et Prentice devant notre comité, et nous savons qu'ils sont au courant, mais je voudrais être sûr qu'ils ont tous ces documents.

M. Ball : Je vais vous expliquer. Lorsque nous avons publié le premier rapport sur les filières énergétiques en 2007, nous l'avons envoyé à tous les ministres concernés et à leurs sous-ministres. Nous avons également rencontré plusieurs députés à ce sujet, et nous avons l'intention d'en faire autant pour le rapport du groupe de travail sur les réseaux d'électricité.

Le président : Bien. Il est important de bien cibler vos démarches, le ministre Paradis pour l'énergie, et le ministre Prentice pour l'environnement. Les sujets que vous avez mentionnés sont tellement imbriqués les uns dans les autres, par exemple le dialogue sur les énergies propres, le dialogue avec nos amis du Sud et la volonté déclarée du gouvernement de devenir une superpuissance des énergies propres. Cela m'amène au deuxième éclaircissement que je voulais vous demander.

Vous avez dit que le symposium du 18 mai va avoir pour thème : le Canada peut-il devenir une superpuissance des énergies durables, ce qui revient à peu près à la même chose, n'est-ce pas? Tous ces termes ont la même signification : « énergies propres », « durables » et « renouvelables ». Pensez-vous que le Canada puisse devenir une superpuissance des énergies propres, ou bien n'est-ce qu'un vœu pieux? À moins que nous en soyons déjà une?

M. Ball : Voyons un peu. Le premier ministre a parlé il y a quelque temps du Canada et de son rôle de superpuissance énergétique. Nous en avons discuté et avons fait venir plusieurs spécialistes de notre académie et d'ailleurs pour examiner sérieusement la question. À Sarnia, justement, l'atelier va permettre de discuter des progrès qui ont été accomplis au Canada sur ce point précis, et de voir si cette vision est viable. Nous ne disons pas qu'elle l'est, mais plutôt que nous faisons venir beaucoup de gens pour discuter du pour et du contre, des obstacles et des atouts. C'est ça le principal objectif de l'atelier de Sarnia.

Le président : Sénateur Frum, vous avez toutes vos chances si je demande des volontaires pour assister à cet atelier, car ça se passe dans vos terres.

La semaine dernière, l'État du Vermont a fait parler de lui lorsqu'il a décrété, par voie législative, que l'hydroélectricité était un mode de génération propre et renouvelable. Pourtant, il y a encore beaucoup d'États américains qui ne croient pas que l'énergie hydroélectrique du Canada soit renouvelable. Nous trouvons ça curieux, chez nous, mais il faut essayer de comprendre. À votre avis, pourquoi ne considèrent-ils pas que ce type d'énergie est renouvelable?

M. Marceau : Je dirais que c'est une question d'éducation. Le problème remonte sans doute aux grandes tensions qu'il y a eues dans les années 1970 entre les peuples autochtones et les grands projets. C'est dans les années 1960 et 1970 qu'on a commencé à parler d'écologie et que les grandes organisations environnementalistes comme Greenpeace sont apparues sur la scène internationale. Il y a eu toute une période d'adaptation, parfois difficile. Ces organisations sont de plus en plus sophistiquées et de mieux en mieux informées.

Ces questions peuvent déclencher des réactions très passionnées. Toutefois, ces grandes organisations sont de mieux en mieux informées, et elles prennent des décisions à partir de faits réels et non à partir d'émotions. Ce ne sont donc plus les mêmes organisations qu'au début, et elles s'éloignent des vieilles tensions, certaines remontant à plusieurs siècles, pour agir en fonction des faits réels. Voilà où nous en sommes.

Le président : Voulez-vous dire que l'électricité est en soi une énergie renouvelable, mais que ce sont les barrages et les dégâts qu'ils causent à l'habitat et à l'environnement qui font l'objet des controverses actuelles?

M. Marceau : Oui. Parfois, cela entraîne des modifications à la géographie. De toute façon, chaque fois qu'on construit quelque chose, on modifie la géographie. Ça peut être très ponctuel, très local, comme le forage d'un trou ou la construction de fondations, ou bien ça peut être une modification radicale du débit d'un cours d'eau. Beaucoup de gens oublient que, lorsque nous avons construit la Voie maritime du Saint-Laurent, nous avons dû exproprier un grand nombre d'habitants du sud de l'Ontario pour pouvoir construire des génératrices d'électricité le long du lac Ontario et ailleurs. Chaque fois qu'on construit quelque chose, on modifie la géographie.

Le sénateur Massicotte : Peut-être, mais certaines modifications sont pires que d'autres.

M. Marceau : C'est vrai, certains impacts sont plus radicaux que d'autres. Je ne suis pas un spécialiste de l'environnement, et je ne prétends pas l'être. Par contre, je suis ingénieur, et je peux vous dire que nous essayons toujours, avec nos projets, de respecter l'environnement au maximum. Il n'en demeure pas moins que, dans tout projet, la partie la plus délicate est le rapport avec les gens. Si vous devez procéder à des expropriations, les passions vont se déchaîner. Si vous voulez amener l'eau dans des endroits où il y a des cimetières, des zones de chasse traditionnelles ou des terres sacrées pour les Premières nations, ça risque de provoquer de vives réactions. Si nous décidons de ne pas en tenir compte, nous le faisons à notre détriment.

Le président : Merci. Vous avez suscité beaucoup d'intérêt. Le premier sénateur à vous poser des questions sera le vice-président, le sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Vous nous avez fait un exposé extrêmement intéressant. Personne avant vous ne nous a parlé avec autant de détails du réseau électrique est-ouest et nord-sud. C'est pourtant un élément important de toute la structure sur laquelle nous travaillons, et je vous en remercie.

Permettez-moi de vous poser une question que je pose à tous nos témoins, même si ce n'est peut-être pas tout à fait votre domaine d'intérêt. Il existe un consensus général sur la nécessité de fixer un prix pour le carbone, et il y a deux façons de procéder : le plafonnement et l'échange, ou la taxe carbone. Si vous deviez choisir entre les deux, laquelle choisiriez-vous?

M. Marceau : C'est une question très intéressante. J'ai mon opinion là-dessus, mais elle ne correspond à aucune de vos deux propositions.

J'estime que le carbone n'est pas un déchet, et qu'il peut être la matière première principale d'une industrie basée sur la valeur, comme celle qu'on est en train de voir apparaître. S'il devient la matière première de ce type d'industrie, il vaudra alors beaucoup d'argent, et dans ce cas, pourquoi voudriez-vous le taxer comme vous le proposez? Cette table est faite à partir de carbone séquestré. On n'a pas été le chercher dans le sol, on l'a extrait de l'atmosphère grâce à un processus biologique qu'on appelle la photosynthèse. Nous sommes tous composés de carbone séquestré, chacun d'entre nous.

Qu'est-ce que le carbone? Le carbone est la ressource la plus précieuse de la planète. Il suffit de regarder autour de nous. Prétendre que le dioxyde de carbone est un déchet est un abus de langage car c'est l'un des produits les plus précieux sur terre. Toute forme de vie sur terre, qu'elle soit végétale ou animale, capte du carbone de l'atmosphère. L'objectif ici, c'est de ne pas envoyer de carbone dans l'atmosphère, car s'il y en a trop, ça crée beaucoup de problèmes, et nous le savons tous, que nous soyons universitaires, politiques, ingénieurs, scientifiques ou environnementalistes. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Ce qu'il va falloir faire, c'est trouver le moyen de l'extraire de l'atmosphère plus rapidement que nous ne l'y envoyons, et de transformer cette matière première en produits à valeur ajoutée.

Je vais illustrer mon propos en vous donnant l'exemple du St. Marys Cement Group à St. Marys, en Ontario. Vous savez peut-être que, pour fabriquer une tonne de ciment, une usine émet une tonne de dioxyde de carbone. Dans cette cimenterie de St. Marys, ils ont dépassé le stade du prototype puisqu'ils ont déjà commencé à produire du biodiesel. Et ils le font en capturant des émissions de dioxyde de carbone. Ils utilisent la chaleur résiduelle de l'usine pour alimenter un procédé à base d'algues qui capte le dioxyde de carbone de l'atmosphère et le transforme en solide avant de le transformer en biodiesel. C'est la voie de l'avenir. Il est inutile de le séquestrer dans le sol pendant des siècles. C'est un produit tellement précieux qu'on peut le transformer en toutes sortes de produits.

Pour beaucoup de gens, une planche de deux par quatre, c'est une planche de deux par quatre, rien de plus. Aujourd'hui, nous réussissons à construire des avions très sophistiqués à partir de fibres de carbone. Le bois est composé de fibres de carbone liées entre elles par des résines naturelles. Aujourd'hui, nous extrayons le carbone du sol, nous en faisons des fibres que nous mettons dans une matrice et que nous appelons des fibres de carbone.

Ici, l'objectif est de reproduire du bois qui est plus résistant, plus léger et un peu différent. Il y a des chercheurs qui essaient, à partir de procédés basés sur la photosynthèse, de créer des fibres de carbone ayant les mêmes caractéristiques que le carbone que nous utilisons pour fabriquer des avions.

Par conséquent, si le carbone doit devenir une matière première précieuse dans quelques années, pourquoi voudriez- vous le taxer aujourd'hui?

Le sénateur Mitchell : Je ne dis pas que je veux le taxer. Par contre, il faut encourager les gens à faire toutes les choses dont vous parlez, car jusqu'à présent, ça ne se fait pas assez pour qu'on constate une différence. Il faut donc des incitatifs, mais je reconnais que ce que vous dites est fort intéressant.

Comment s'appelle la cimenterie qui utilise le procédé à base d'algues? Pourra-t-on l'utiliser à l'échelle commerciale?

M. Marceau : Ils utilisent actuellement le procédé à l'échelle commerciale, à St. Marys. Il s'agit de la cimenterie St. Marys Cement.

Le sénateur Massicotte : J'essaie de comprendre ce que vous venez de nous dire. Comment faisons-nous pour transformer ce produit polluant en matière première pour les avions? Si on ne le taxe pas, pourquoi les gens prendraient-ils la peine d'empêcher qu'il soit libéré dans l'atmosphère? Comment faites-vous pour transformer cet air pollué dans les avions?

M. Marceau : C'est une très bonne question. Si vous voulez bien m'écouter.

Disons d'abord quelques mots de l'énergie et des ressources énergétiques. Les ressources énergétiques comme le pétrole sont-elles de l'énergie? Non. Le pétrole n'est pas de l'énergie, pas plus qu'une chute d'eau, le vent, le gaz naturel, le bois ou le charbon. C'est la matière première d'une technologie qui la transforme en un produit utilisable qui se trouve être, dans certains cas, l'énergie. C'est la technologie qui nous permet d'avoir accès à ce que nous essayons d'obtenir à partir des ressources naturelles.

Le moyen qui nous permet d'utiliser cette ressource, c'est la technologie. Vous pouvez l'extraire d'une mine, la pomper hors du sol ou l'obtenir à partir d'une chute d'eau, le plus important est de trouver la technologie la plus rentable qui permettra d'extraire la matière première et de la transformer en un produit que nous pouvons utiliser. La technologie est la clé de notre avenir énergétique.

Le sénateur Massicotte : Mais comment allons-nous faire? Comme les gouvernements de l'ex-Union soviétique, qui investissaient leur argent comme bon leur semblait? Au Canada, nous avons une économie de marché, et nous utilisons des incitatifs et des mécanismes pour atteindre nos objectifs.

M. Marceau : Les incitatifs, vous devez les offrir à ceux qui mettent au point les technologies qui permettront de transformer le dioxyde de carbone en produits à valeur ajoutée.

Le sénateur Massicotte : Mais qui doit offrir ces incitatifs?

M. Marceau : Les gouvernements, en offrant des abattements fiscaux pour la recherche et le développement.

Le sénateur Massicotte : Vous pensez que ce sont les contribuables qui doivent financer cela? Pourquoi pas le marché?

M. Marceau : Le marché s'y intéresse. Les gens se rendent compte que le dioxyde de carbone est tellement bon marché que c'est une occasion à saisir. Il y en a qui travaillent sur ces technologies. Le président Obama a parlé l'année dernière d'utiliser la nanotechnologie pour convertir le dioxyde de carbone en produits utilisables.

Certains industriels s'y intéressent de près, mais en hommes d'affaires avertis, ils ne tiennent pas à ce qu'il y ait trop de gens au courant, tout au moins tant qu'ils n'auront pas mis au point des procédés opérationnels. À l'heure actuelle, les gens sont prêts à vous donner l'argent pour votre dioxyde de carbone. S'il est possible d'obtenir de l'argent pour acheter du dioxyde de carbone à quelqu'un d'autre qui veut s'en débarrasser, afin de l'utiliser comme matière première pour un procédé à valeur ajoutée qui permet de créer un produit très précieux, croyez-moi, les gens vont l'intégrer dans leur plan d'entreprise. Même si c'est gratuit, c'est toujours valable; il n'est pas indispensable de payer pour pouvoir l'utiliser.

Le sénateur Mitchell : C'est une question d'économie. Ce qui me plaît dans ce que vous dites, c'est qu'il faut parfois investir sans savoir exactement ce que cela nous rapportera. Par ailleurs, il est évident que, dans ce cas, nous devons le faire et que cela nous rapportera beaucoup. C'est ce que vous vouliez dire à propos du réseau est-ouest par rapport au réseau nord-sud.

On nous a souvent dit — tout au moins c'est ce que j'ai compris — que le réseau est-ouest coûterait beaucoup plus cher et que nous devrions nous en tenir à un réseau nord-sud. Pourriez-vous nous préciser votre pensée? Est-ce que, d'après vous, cela nous donnerait la possibilité de développer d'autres types d'énergie renouvelable, par exemple des petites éoliennes? Est-ce que c'est une question de sécurité? Cela signifie-t-il que certaines provinces vont annoncer qu'elles ferment leurs centrales au charbon et cesser de produire de l'électricité de cette façon, et qu'elles achèteront leur électricité au Québec ou ailleurs?

M. Marceau : Vous me demandez de vous dire en cinq minutes ce que des gens mettent des heures à expliquer. Je vais vous faire un petit topo.

Quand on parle d'électricité, les montagnes Rocheuses ne sont pas là où la géographie les situe. Elles se trouvent entre l'Ontario et le Manitoba. C'est une barrière quasi infranchissable, et c'est pour ça qu'on parle des « montagnes Rocheuses électriques », étant donné la distance énorme qui sépare le système manitobain du système ontarien.

Le système de l'Ontario, et tout ce qui est à l'est, est connecté. De façon générale, il est interconnecté, même si c'est limité. De l'autre côté, à partir du Manitoba et en allant vers l'ouest, il y a des interconnexions entre le Manitoba et toutes les provinces jusqu'en Colombie-Britannique. Les interconnexions n'ont pas une capacité très élevée, mais elles existent.

Les deux gros blocs sont donc le système de l'Est et le système de l'Ouest. Ces deux systèmes n'ont que de faibles interconnexions via les États-Unis. C'est comme si vous aviez une autoroute à quatre voies entre l'Ontario et Halifax et une autre autoroute à quatre voies entre le Manitoba et la Colombie-Britannique, mais que vous n'aviez que des routes secondaires entre l'Ontario et le Manitoba. Autrement dit, nous n'avons pas une autoroute à quatre voies tout du long. J'essaie de vous faire comprendre, à l'aide d'une métaphore, toute la question de la capacité.

C'est une question très importante, et tout le monde vous dira que c'est une question économique.

Quand on examine la rentabilité d'un projet de génération d'électricité, qui permettrait d'amener de l'hydroélectricité propre du Manitoba à l'Ontario, on sait bien qu'on peut sans doute trouver une solution moins chère, que ce soit avec une interconnexion aux États-Unis, une centrale alimentée au gaz naturel, qui est censée être préférable à une centrale alimentée au charbon, ou quoi que ce soit d'autre.

La question qu'il faut se poser est celle-ci : s'il n'est économiquement pas rentable d'avoir une ligne de transmission entre l'Ontario et le Manitoba, doit-on appliquer le même raisonnement que lorsqu'on dit qu'il n'y a aucune raison d'avoir une autoroute à quatre voies entre l'Ontario et le Manitoba? Quand on parle de construire un pays, il faut se dire qu'une fois que l'autoroute à quatre voies sera construite, les gens finiront par l'utiliser et qu'on trouvera bien le moyen de la rentabiliser. C'est la même chose pour les lignes de transmission. Alors, oui, évaluer une ligne de transmission d'un point de vue purement économique est une proposition qui a du sens, mais l'évaluer sous l'angle de la construction d'un pays est une proposition qui a encore plus de sens.

Le sénateur Mitchell : Oui.

M. Marceau : Vous pouvez examiner chacune de ces interconnexions sous cet angle. C'est ce que notre groupe de travail a essayé de faire. Nous avons bien pesé l'intérêt économique et l'intérêt supérieur du Canada. C'est un exercice difficile, mais pour chaque interconnexion, on peut faire une analyse de rentabilité. On sait combien de capacité on va produire, combien d'électricité on va transmettre et, donc, combien l'investissement va rapporter.

Cependant, je voudrais vous dire ceci. Quand on construit une interconnexion pour transférer 100 p. 100 de tel ou tel produit, ça coûte 100 p. 100 pour la construire. Si on veut augmenter la capacité de 50 p. 100, la construction va-t- elle coûter 50 p. 100 de plus? Non, il en coûtera peut-être 10 p. 100 de plus, pour construire 50 p. 100 de capacité supplémentaire. Si ce n'est pas une proposition rentable pour le service public local, c'est peut-être un bon investissement pour le gouvernement fédéral, qui doit avoir une perspective nationale. C'est ce que nous voulons dire.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je crois que le marché dicte logiquement la meilleure réponse aux intérêts de tous les joueurs. Cependant, je comprends que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour s'assurer qu'il y a une coordination et que le côté juridiction n'empêche pas de prendre la bonne décision.

Dans vos rapports, vous suggérez souvent une intervention fédérale — je suis d'accord —, mais surtout du côté financier. Vous dites que le plan économique ne fonctionne pas toujours, mais souvent, les entités provinciales agissent dans leur intérêt du côté de la logique. Toutes ces choses imputent de l'argent aux contribuables — des sommes importantes du gouvernement fédéral —, mais seulement pour la coordination. J'assume que ce sont effectivement des subventions. C'est ce que vous proposez?

M. Marceau : Ces investissements sont dans l'intérêt national. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le plan économique. Je suis aussi un adhérent du marché. Je crois en un marché ouvert. Je crois que les forces du marché sont le fondement de notre prospérité, de notre richesse. Je suis d'accord avec vous sur ce plan.

À titre de représentant de notre groupe de travail, j'aimerais vous dire que, de temps en temps, l'idée est de stimuler ici et là. L'idée, ce n'est pas d'être la source des fonds pour réaliser des projets. Si deux compagnies d'électricité décident de réaliser un projet dans l'intérêt économique de deux provinces, un projet d'interconnexion par exemple, c'est peut-être dans l'intérêt national de faire un peu plus, car cela vise la réduction des gaz à effet de serre.

Le problème des sources d'énergie renouvelable tels le solaire et le vent, c'est que ces sources d'énergie produisent de l'énergie électrique seulement lorsque le vent et le soleil sont présents et non lorsqu'on en a toujours besoin. Lorsqu'on en a besoin, ces sources d'énergie ne produisent pas d'électricité. Sur le plan économique, cela coûte plus cher. En fait, ce sont les provinces et, ultimement, les contribuables qui paient les incitatifs pour stimuler la construction de projets solaires et de projets d'éoliennes. Si on pouvait vendre l'énergie en tout temps et avoir accès au marché où l'on aurait besoin de cette énergie à toute heure du jour et de la nuit, cela réduirait le coût de ces projets.

Lorsque, partout à travers le Canada, on décide de faciliter l'accès à cette énergie renouvelable, là où on en a besoin et où on a la capacité d'en produire, sur le plan national, on vient de réduire le « carbon footprint » parce qu'on a réduit la dépendance des réseaux électriques locaux sur l'énergie locale. En somme, c'est la différence entre le besoin d'optimiser localement versus optimiser dans un ensemble plus grand.

Lorsqu'on cherche à optimiser, par exemple en Ontario, on doit suréquiper l'Ontario pour pouvoir répondre à tous les besoins. Cependant, si l'on n'a pas besoin d'optimiser localement, de dépendre d'un ensemble plus grand, on a plus besoin de suréquiper localement pour couvrir tous les besoins, incluant les besoins de pointe.

Le sénateur Massicotte : Dans un de vos rapports, vous parlez de « fusion research ». Aujourd'hui, il y a un débat au Canada sur la vente potentielle des réacteurs CANDU par le gouvernement du Canada. En moyenne, on a investi peut- être 200 millions de dollars par année depuis quelques années. Plusieurs experts ont dit qu'avec 200 millions de dollars par année, on va nulle part. Investissons un milliard de dollars par année ou vendons les réacteurs. Je pense que le gouvernement se dirige vers la vente des réacteurs. Cependant, dans un de vos rapports, vous recommandez fortement de maintenir un niveau de recherche au pays afin de s'assurer de ne pas perdre cette connaissance et cette technologie.

Êtes-vous d'accord avec la vente potentielle de ce secteur de notre recherche? Pensez-vous plutôt qu'on devrait le garder au Canada, même si cela coûte 200 millions de dollars par année au gouvernement?

M. Marceau : Je ne sais pas si vous le savez, mais Bill Gates a écrit, il y a deux semaines, dans le Washington Post que les États-Unis devraient regarder une technologie nucléaire à base d'uranium non enrichi. On peut traduire ça en disant que c'est le CANDU. Il y a un avenir pour les réacteurs qui fonctionnent avec l'uranium non enrichi. L'uranium enrichi est un produit qui peut être utilisé dans des armes nucléaires et l'uranium non enrichi est beaucoup plus difficile à transformer en des produits néfastes pour l'humanité.

Pour ce qui est de la vente par l'unité qui vend les réacteurs, je n'ai pas de problèmes avec ça. Ce serait peut-être une bonne chose. Une entité qui connaît bien les affaires, c'est-à-dire la vente des réacteurs, va probablement faire mieux qu'une entité gouvernementale.

Ceci étant dit, il y a une chose dont on a rarement parlé dans les médias — je ne sais pas si vous en parlez autour de cette table —, la technologie CANDU est une technologie qui continue d'avancer. On peut la faire avancer petit à petit ou on peut la faire avancer à grands pas. Sans parler de faire avancer la technologie à grands pas, il faut la faire avancer de façon constante afin de maintenir sa compétitivité dans les marchés internationaux. Cela veut dire qu'il faut maintenir une capacité de recherche pour résoudre les petits problèmes, principalement ceux qui ont rapport avec les matériaux dans la technologie CANDU actuelle.

Pour cela, il faut qu'il y ait une capacité de faire les améliorations au plan de la recherche à Chalk River, pour appuyer la vente du réacteur CANDU comme produit sur les marchés internationaux. Si on ne maintient pas une capacité de recherche sur ce produit, toutes les compagnies qui vendent des réacteurs nucléaires à l'échelle mondiale ont un appui direct ou indirect par leurs gouvernements nationaux.

Est-ce le prix du réacteur qui paie pour la recherche en France? Non. Est-ce le prix du réacteur qui paie pour la recherche aux États-Unis? Non. Pour que le réacteur CANDU puisse être compétitif sur le plan international, il faut examiner un ensemble de facteurs sur le plan de la recherche. Je ne dis pas qu'il faut que le gouvernement national paie le tout. Le CANDU Owners Group paie déjà des sommes considérables de l'ordre de 50 à 100 millions de dollars par année, pour la recherche à Chalk River, pour maintenir la technologie.

Je crois que l'essentiel est de maintenir une capacité de recherche pour soutenir la technologie. Pour le reste, je ne peux pas en dire davantage parce que je ne suis pas au courant des sommes impliquées, mais si l'on veut que le produit vive sur le plan international, il faudra maintenir une capacité de recherche.

[Traduction]

Le sénateur Lang : J'aimerais aborder avec vous des questions d'argent. Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit qu'un organisme international avait évalué à 190 milliards de dollars les investissements que nous devrons consentir pour nos besoins énergétiques au coût des 10 prochaines années. Cela fait 20 milliards de dollars par an.

Comment est-il parvenu à ce chiffre? Cela comprend-il toutes les dépenses qui seront nécessaires non seulement pour la construction de nouveaux équipements mais aussi pour la mise à niveau de l'infrastructure actuelle?

M. Marceau : Le Conseil mondial de l'énergie est parvenu à ce chiffre en comptabilisant les projets d'investissements prévus dans les plans stratégiques. Je crois que c'est comme ça qu'il en est arrivé à ce chiffre.

Le sénateur Lang : Le chiffre tient-il compte du réseau est-ouest que vous proposez?

M. Marceau : Non, il ne tient pas compte de la construction d'un réseau est-ouest. Je ne dis pas que nous allons créer un réseau est-ouest. Je dis plutôt que nous allons consolider ce que nous avons et renforcer les interconnexions entre les différentes provinces.

Le conseil en est arrivé à ce chiffre en tenant compte de la croissance démographique au cours des 20 prochaines années, des plans des différentes sociétés de services publics du Canada, des projets qu'elles préparent pour répondre à ces besoins, et du rythme auquel nos infrastructures vieillissantes sont entretenues ou remplacées. C'est un chiffre assez élevé, qui se fonde sur de nombreuses hypothèses.

On pourrait dire que c'est un chiffre assez raisonnable étant donné qu'un grand projet de génération d'électricité coûte généralement entre 5 et 10 milliards de dollars, et je parle d'un projet de taille moyenne. Par « taille moyenne », j'entends 2 gigawatts, par exemple. À mon avis, on arrive facilement à 190 milliards de dollars.

Le sénateur Lang : Quelqu'un a-t-il évalué le coût de l'expansion du réseau est-ouest comme vous le proposez?

M. Marceau : Je crois que M. Ball va pouvoir vous répondre.

M. Ball : Vous voulez parler du rapport de l'Agence internationale de l'énergie, l'AIE. Nous avons remis à Marc LeBlanc le volume 2 du rapport du groupe de travail sur les réseaux d'électricité, qui a servi de point de départ à cette étude. Vous y trouverez des références des sources utilisées pour l'évaluation de certains de ces coûts.

M. Marceau : Nous n'avons pas essayé d'évaluer le coût de construction d'un réseau car il y a beaucoup trop de facteurs en jeu. Si l'on décidait de créer un nouveau corridor d'un bout à l'autre du pays, ça coûterait cher. Ce n'est pas ce que nous proposons. Nous essayons simplement de voir comment on peut faire évoluer naturellement le système, interconnecter tous les éléments et renforcer les réseaux provinciaux afin qu'ils puissent accroître la transmission d'énergies renouvelables d'un réseau à l'autre. C'est ça qui nous a guidés dans notre étude, mais nous n'avions pas les ressources pour en calculer le coût.

La question a été abordée dans plusieurs études du gouvernement fédéral au cours des 20 dernières années. Nous en parlons dans notre rapport détaillé. Toutefois, nous ne les avons pas examinées en détail parce que les paradigmes de cette époque étaient différents de ceux d'aujourd'hui. Nous voulions voir comment, avec ce que nous avons aujourd'hui, nous pouvions passer à l'étape suivante.

Le sénateur Lang : Permettez-moi de vous parler de notre travail à nous. Nous avons beaucoup appris en accueillant devant notre comité des organisations comme la vôtre. Cependant, il nous faut maintenant essayer de faire le lien entre tous les témoignages que nous avons entendus. Au bout du compte, il va nous falloir faire des choix.

J'ai jeté un coup d'œil à vos deux rapports, mais je n'ai pas eu le temps de les lire attentivement. J'ai toutefois constaté que vous ne parlez pas directement des sociétés d'énergie, par exemple, à l'exception d'une ou deux sociétés provinciales. Je n'ai peut-être pas bien regardé, mais il me semble que vos rapports devraient en parler étant donné qu'ils sont très fouillés et très techniques. Les organisations dont je parle, et le sénateur Neufeld pourra le confirmer, ont toute l'expertise voulue et sont bien placées pour contribuer à vos recherches. Pourriez-vous nous donner des conseils sur la façon dont nous devrions procéder pour mener à bien notre étude et pour faire les bons choix le moment venu?

M. Marceau : Je vais vous expliquer comment le rapport a vu le jour. Cela vous donnera une idée de sa portée et de ce qu'il reste encore à faire.

Notre organisation est constituée de spécialistes chevronnés, très compétents, dont les réalisations ont été reconnues. Nous choisissons des sujets importants, auxquels nous demandons à nos membres de réfléchir. Grâce aux contacts de nos membres, nous recevons un peu d'aide pour le personnel de bureau, les directeurs de projet, et cetera.

Le document que vous avez devant vous a coûté 100 000 $. Nous avons recueilli cette somme auprès de nos membres, de nos contacts et de plusieurs entreprises énergétiques du Canada qui estimaient que c'était un projet valable. Sous ma direction et celle du coprésident, M. Clem Bowman, nos membres se sont employés à définir la portée du projet, l'approche à adopter et le principe directeur qui devait nous guider.

Ce principe directeur était le suivant : est-il possible de se servir de l'électricité pour réduire l'empreinte carbone du Canada? C'est essentiellement la question à laquelle nous essayons de répondre, par oui ou par non.

Notre rapport conclut que, oui, nous pouvons réduire l'empreinte carbone du Canada en adoptant une approche systémique pour la conception d'un système électrique canadien. Nous avons fait appel aux compétences de nos membres, qui ont fait leurs propres recherches. Nous avons passé en revue les publications scientifiques pour savoir ce qui était possible. Nous nous sommes rendu compte que nous n'étions pas les seuls à étudier la question. Beaucoup de gens au Canada ont eu cette idée au cours des 20 dernières années, à la fois sous l'angle du service public et sous l'angle de la rentabilité. Ce n'était pas là notre perspective. Nous voulions savoir s'il était possible de se servir de l'électricité pour réduire l'empreinte carbone du Canada. Nous abordons donc cette question sous un angle différent de celui qui a été utilisé dans le passé.

Si l'on envisage l'interconnexion de toutes les provinces et des Territoires du Nord-Ouest dans un seul système, cela coûtera très cher, car il faudra le faire en une seule fois et utiliser une conception moderne. Ce serait une approche révolutionnaire. Nous nous sommes alors demandés si nous pouvions procéder par étapes, selon une approche graduelle qui serait avantageuse pour les réseaux électriques des provinces, sans perdre de vue l'objectif national qui est de réduire l'empreinte carbone du Canada. C'est la question à laquelle nous avons essayé de répondre.

Je sais que je n'ai pas répondu directement à la vôtre.

Le président : Vous le faites par étapes.

M. Marceau : En réponse à votre question, je vous dirai que plusieurs services publics provinciaux étudient actuellement au moins 15 ou 20 projets d'interconnexion. S'ils décident d'aller de l'avant, ce sera parce qu'ils se sont assurés de leur rentabilité économique. Ce que nous disons, c'est que si quelqu'un propose une autre interconnexion entre l'Alberta et la Colombie-Britannique, ou l'Alberta et la Saskatchewan, ou encore la Saskatchewan et le Manitoba, et qu'il décide d'aller de l'avant, ce serait une bonne idée de donner à chacun de ces projets d'interconnexion la possibilité de se doter d'une capacité supplémentaire par rapport à l'analyse de rentabilité qui a été faite pour le projet, afin de participer à cet effort de construction de la capacité du pays en matière d'énergie renouvelable. C'est là le principe qui nous a guidés dans nos réflexions.

Le sénateur Frum : Je vous remercie de nous avoir fait un exposé très instructif. Je vais vous poser une question, non pas sur cet exposé, mais au sujet d'une réponse que vous avez donnée au sénateur Mitchell à propos de cette idée bizarre de capture et de conversion du dioxyde de carbone. Je vous pose la question notamment parce que j'ai lu une critique dans le Globe and Mail d'hier d'un livre intitulé Black Bonanza : Canada's Oil Sands and the Race to Secure North America's Energy Future, d'Alastair Sweeny. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de ce livre.

M. Marceau : Je ne l'ai pas lu, malheureusement.

Le sénateur Frum : On dit dans l'article qu'il y a 1 trillion de barils de pétrole récupérable dans les sables bitumineux de l'Alberta, et 2 trillions de barils en réserve. Vous dites que ce réseau énergétique sert non seulement notre intérêt économique mais surtout l'intérêt supérieur du pays. Nous parlons ici de l'empreinte carbone et de la réduction de l'empreinte carbone. C'est ça notre objectif. Quelle est la position de l'ACG en ce qui concerne l'écologisation des activités d'exploitation pétrolière, et pourquoi n'en faites-vous pas l'un des thèmes principaux de l'étude?

M. Marceau : L'exploitation pétrolière n'était pas le thème de notre étude, mais il est vrai que c'est un secteur qui pourrait être plus vert. Il y a toutefois quelques obstacles.

L'une des étapes cruciales de l'extraction du pétrole des sables bitumineux est l'hydrogénation du goudron, afin de rendre le produit fluide. À l'heure actuelle, on utilise un procédé qu'on appelle le reformage du méthane à la vapeur pour séparer l'hydrogène du carbone contenu dans le gaz naturel; ensuite, avec cet hydrogène, on hydrogène le goudron pour le rendre plus fluide afin qu'il puisse être transporté par oléoduc. C'est un procédé qui coûte cher, eu égard à l'empreinte carbone, car c'est sans doute le procédé qui rejette le plus de carbone et qui aggrave le plus l'empreinte carbone du Canada. D'aucuns prétendent que nous brûlons de l'or pour fabriquer de l'argent. Ce n'est pas complètement faux.

Existe-t-il une meilleure façon de procéder? Est-il possible de produire de l'hydrogène différemment, afin que l'exploitation pétrolière soit un peu plus « verte »? C'est là toute la question. Je dirais que, si nous réussissons à produire de l'hydrogène de façon durable, non pas à partir d'une source de carbone mais à partir de l'eau, nous aurons résolu le problème. Idéalement, l'hydrogène devrait provenir d'une source qui utilise de l'eau, qui recycle les catalyseurs et qui utilise la chaleur résiduelle, de sorte que l'hydrogène est produit de façon durable, comme on le conçoit au XXIe siècle. Il y a des gens qui planchent sur ce genre de projet à l'heure actuelle.

L'Institut de technologie de l'Université de l'Ontario abrite l'une des équipes de chercheurs les plus renommées en Amérique du Nord en ce qui concerne la production durable d'hydrogène. Nous espérons faire la démonstration d'un procédé chimique thermique qui permettra d'amener la chaleur résiduelle à des températures élevées au moyen de pompes à chaleur. De cette façon, on pourra chauffer l'eau à 500 ºC, ajouter les catalyseurs et séparer l'oxygène et l'hydrogène de l'eau. Ensuite, on prend le catalyseur, on le recycle et on l'utilise à nouveau. En fait, l'eau devient la matière première. Le problème qui se pose à Fort McMurray est que l'eau coûte cher parce qu'il en faut beaucoup pour extraire le pétrole du sol. Il va falloir poursuivre les recherches pour réussir à réduire les quantités d'eau extraites de la rivière Athabasca.

Si les procédés dont nous parlons aujourd'hui deviennent opérationnels d'ici 5 ou 10 ans, nous pourrons réduire considérablement les émissions de carbone produites par l'exploitation des sables bitumineux. Les sables bitumineux sont une ressource extraordinaire. Mais c'est grâce à la technologie que nous réussirons à optimiser notre capacité à fabriquer un produit à valeur ajoutée. Si nous réussissons à mettre au point une technologie durable, nous deviendrons vraiment une superpuissance des énergies durables.

Pour répondre à la question du sénateur Angus, l'académie est convaincue — et je suis en train de vous confier une avant-première sur l'atelier qui va se dérouler le 18 mai — que le Canada a les ressources naturelles et les compétences humaines pour créer des technologies durables, qui permettront à notre pays de transformer ses ressources naturelles en richesse accrue et en produits à valeur ajoutée, dans le cadre d'un environnement durable.

Pour l'académie, il ne fait aucun doute que cela est possible. Mais l'essentiel, c'est d'encourager ceux qui sont en train de mettre au point des technologies qui permettront de rentabiliser l'exploitation des sables bitumineux, qu'il s'agisse de technologies qui transforment le carbone sous forme gazeuse avant de le transformer en produits à valeur ajoutée, ou qu'il s'agisse de technologies qui utilisent l'eau pour la transformer, selon des procédés durables, en hydrogène.

Le sénateur Frum : Vous avez fait des choix en ce qui concerne la répartition des fonds et des ressources. Vous dites que nous avons un angle de tir de 5 à 10 ans pour faire une percée. Autrement dit, il s'agit de financer de la recherche. N'est-ce pas potentiellement la solution la plus rentable?

M. Marceau : Oui. Le problème c'est que, au Canada, il n'y a pas toujours une très bonne connexion entre les établissements de recherche et les priorités nationales, et qu'on n'a pas toujours une très bonne idée des vraies priorités du gouvernement et de celles des conseils qui financent la recherche dans les universités et ailleurs.

Il y a un décalage entre les deux. Les priorités finissent par se manifester dans la répartition des crédits à la recherche et dans la formulation des critères de subventions, mais il y a un décalage. Si on réussissait à réduire le décalage entre le moment où vous établissez les priorités nationales et le moment où les conseils de recherches peuvent attribuer des fonds à ces priorités de recherche, alors on pourrait accélérer le processus.

Le sénateur Peterson : Merci, messieurs, de votre exposé. L'une des recommandations de votre groupe de travail consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre par la captation du dioxyde de carbone. J'aimerais savoir si vous êtes au courant des activités du Centre de recherche sur la séquestration du dioxyde de carbone, de l'Université de Regina.

M. Marceau : J'en ai entendu parler, et je crois savoir que leurs recherches ont beaucoup avancé.

Le sénateur Peterson : Vous pouvez le dire, car ils ont pris cinq années d'avance sur le reste du monde, alors que personne n'est au courant. Et quand on parle de subventions, eux, ils n'en ont reçu aucune. Ça me sidère.

Suite aux autres discussions que nous avons eues aujourd'hui, tout ça montre bien qu'il nous faut absolument une politique nationale de l'énergie afin que nous sachions où nous allons et afin de nous assurer que nous sommes tous sur la même longueur d'onde. Je suis convaincu que c'est la technologie qui nous montrera la voie, car c'est de là que viennent les solutions.

On me dit que nous ne répondons pas adéquatement aux besoins de nos étudiants et de nos jeunes en ce qui concerne l'accès à l'enseignement postsecondaire. Étant donné l'émergence de toutes ces nouvelles technologies, et le fait que le Canada essaie d'être une superpuissance internationale, pourquoi les universités ne font-elles pas davantage de promotion?

M. Marceau : Ce que vous dites au sujet du Centre de recherche sur la séquestration du dioxyde de carbone, de l'Université de Regina, est tout à fait pertinent. Cela montre bien le décalage qui existe entre les priorités nationales du gouvernement fédéral et les priorités des subventions de recherche des conseils tripartites et des autres programmes. Vous n'avez fait qu'abonder dans mon sens et je vous en remercie.

Votre question porte sur l'accès à l'éducation postsecondaire. Je préfère, encore une fois, adopter une approche systémique, et je vais répondre à votre question dans une perspective qui ne vous est sans doute pas présentée très souvent à cette table, où vous entendez souvent le point de vue des universités. Je vais vous parler de la perspective des jeunes Canadiens, de ceux qui ont autour de 17 ou 18 ans.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais aujourd'hui, dans les universités canadiennes, deux étudiants sur trois sont des femmes. Si vous assistez à des cérémonies de remise de diplômes dans les universités canadiennes, vous constatez que la liste des lauréats comporte un grand nombre de femmes, et un homme de temps en temps. Nos garçons disparaissent du circuit avant d'atteindre l'âge de 17 ou 18 ans.

C'est le cas dans toutes les universités canadiennes, dans toutes les provinces.

Le président : Vous avez fait une remarque très importante dans vos commentaires préliminaires lorsque vous avez dit qu'il y avait de moins en moins de personnes qui possédaient les compétences en génie technique qui sont nécessaires pour faire ce qu'il y a à faire. Est-ce de cela dont vous parlez en ce moment? Est-ce bien là la raison derrière vos commentaires? J'étais sur le point de vous demander pourquoi.

M. Marceau : C'est une raison. Il y a d'autres raisons qui expliquent encore mieux cette situation.

Le président : Je ne veux pas vous empêcher de présenter votre réponse.

M. Marceau : C'est un des aspects clés de nombreuses questions qui se posent au Canada dans le domaine de la technologie et de la science. Je vais expliquer pourquoi.

Si vous prenez cet étudiant de sexe masculin sur les trois étudiants qui étudient à l'université, savez-vous dans quel domaine il étudie? La moitié d'entre eux vont en science et en génie et l'autre moitié vont dans les huit ou neuf autres facultés. Dans 25 ans, nous serons assis dans des salles de réunion et à cette table et l'immense majorité des femmes qui se trouveront à cette table demanderont où elles peuvent trouver un homme pour leur donner le point de vue des hommes.

C'est notre société de demain et ce n'est pas une question qui touche les Premières nations; nous ne parlons pas uniquement des Premières nations ici. Nous parlons du Canada en général.

Le président : J'aimerais que le compte rendu indique que mes trois collègues de sexe féminin arborent de grands sourires. Vous pouvez poursuivre.

M. Marceau : L'aspect essentiel que je voulais faire sortir de votre question très importante, monsieur le sénateur, c'est que nous perdons nos garçons avant qu'ils atteignent 17 ou 18 ans. Ils ne vont pas à l'université et ils ne vont pas non plus toujours au collège.

Je m'inquiète beaucoup de ce qui arrive à notre population de sexe masculin et de ce que cela va faire pour la science et le génie parce que, malheureusement, ce sont les garçons qui étudient principalement la science et le génie. Certes, les filles étudient le génie chimique, la chimie, la biologie et les sciences de la santé. Je ne suis pas en train de faire un commentaire sexiste. J'essaie simplement de vous décrire la situation qui existe dans les universités aujourd'hui : les femmes ont tendance à aller dans des domaines comme la santé; des domaines où en général il faut aider les autres, comme les sciences de l'environnement, le génie civil, le génie chimique pour fabriquer des médicaments et travailler pour les sociétés pharmaceutiques, la biotechnologie et le génie biotechnologique. Elles choisissent des domaines où elles pensent pouvoir établir des liens avec de vraies personnes et influencer plus directement la société.

Il est plus difficile de les convaincre d'étudier les sciences pures et le génie. Cela ne veut pas dire qu'elles n'étudient pas ces domaines. Nous devons motiver les femmes à faire ce genre d'études parce que le groupe de nos étudiantes n'augmente pas très rapidement. En fait, en génie, il stagne pratiquement depuis 20 ans.

Le sénateur Massicotte : Les ingénieurs ont-ils le droit d'avoir des émotions?

M. Marceau : Je vais faire un mea culpa, et avouer que dans le passé, les études de génie ont comporté des lacunes. Comment se passait l'initiation des ingénieurs pendant leur première année, quel était le moment le plus important et le plus mémorable pour un étudiant en génie de première année? Cela se passe la première semaine, on graisse un poteau et tous les étudiants doivent s'entasser les uns sur les autres pour atteindre le sommet. Cette montagne de chaire humaine essaie d'atteindre le sommet du poteau et pendant des générations, cela a été le moment le plus mémorable des études universitaires.

J'ai le plaisir de vous dire qu'aujourd'hui au Canada, la profession d'ingénieur et les facultés ont beaucoup évolué. Nous avons un problème d'image, mais il est évident que les ingénieurs doivent acquérir d'autres compétences pour devenir des citoyens canadiens plus complets et nous espérons y parvenir à l'avenir.

Le sénateur Massicotte : Ma fille est ingénieure, elle est très bonne. Cela pourrait lui donner un avantage.

Le président : Restons sur notre sujet.

M. Marceau : Je ne parle pas uniquement de génie. Je pense à la science, à la technologie et au génie. À l'heure actuelle, l'enseignement du génie au Canada est en train de subir une profonde transformation et s'inspire d'une stratégie d'apprentissage fondée sur les résultats qui est basée sur ce qu'a fait, il y a des dizaines d'années, l'Université McMaster pour la profession médicale et l'éducation. Les ingénieurs canadiens sont parmi les meilleurs dans les groupes d'ingénieurs des différents pays, grâce au processus d'agrément des facultés de génie. Nous essayons de faire passer les compétences des étudiants diplômés en génie à un autre niveau pour faire d'eux de meilleurs citoyens. Le Bureau canadien d'agrément des programmes de génie travaille sur cet aspect depuis 10 ans. D'ici 2014, nous aurons mis en application une excellente stratégie d'apprentissage du génie dans toutes les facultés de génie du Canada. Cela se traduira par le fait que les jeunes hommes et femmes qui étudient le génie auront des compétences supérieures dans le domaine des relations humaines. C'est un travail de géant.

M. Ball : Pour faire suite aux questions posées par le sénateur Lang et le sénateur Frum au sujet des services publics, en particulier ceux qui sont reliés au réseau électrique, qui font du parrainage, s'il n'y a qu'un seul service public, Hydro-Manitoba, qui est intervenu, en envoyant un de ses membres siéger au comité directeur et en faisant un investissement, il y a quand même de nombreuses personnes travaillant pour d'autres services publics qui participent à des consultations intersectorielles permanentes.

Pour ce qui est des sables bitumineux, une partie du rapport d'étape qui sera rendu public à l'atelier de Sarnia dresse la liste de toutes les universités et sociétés qui ont travaillé dans tous ces domaines, dont le moindre n'est pas le projet de captage et de stockage du carbone de Regina, et les sables bitumineux ainsi que la valorisation du bitume exploitable. On trouvera cette information dans le rapport, ainsi que les personnes-ressources et une analyse de la situation de départ, de la situation actuelle et de la situation future. Une bonne partie du rapport portera sur ce domaine.

Pour la grande question des études de génie, nous, du milieu universitaire, travaillons avec nos collègues des autres pays par le truchement du CAETS. La formation des ingénieurs n'est pas un problème qui touche uniquement le Canada, mais tous les pays. Un groupe de travail d'ingénieurs, formés sous l'égide du CAETS, dont nous faisons partie, examine cette question d'un point de vue prospectif, notamment.

Le sénateur Lang : Monsieur Ball, je crains qu'un rapport de ce genre soit simplement un coup d'épée dans l'eau, s'il n'y a pas de stratégie pour l'avenir. Quelqu'un va-t-il préparer une étude générale du coût d'un réseau pancanadien? Avant que qui que ce soit puisse s'engager sur le plan politique à créer un tel système, il faut connaître son coût, qui n'est qu'un élément du projet.

M. Ball : On parle de cette question dans la description de la situation et dans l'analyse. Comme je l'ai mentionné il y a un instant, nous avons rendu public un rapport. Pour répondre à la question du sénateur Angus, nous sommes en train de le transmettre non seulement aux politiciens, mais également aux autres organisations de l'industrie et aux services publics. Nous allons entendre des intervenants représentants d'autres services publics, ce qui va créer une liaison permanente. Je doute fort que nous allions jusqu'à effectuer une analyse précise du coût. Nous communiquerons tous les renseignements que nous avons.

Nous avons travaillé avec Hydro-Manitoba pour examiner ce qui était rentable. Cela fait de nombreuses années que l'on parle des rapports entre Hydro-Manitoba et Hydro-Ontario. Les deux services publics ont examiné les façons d'améliorer les interconnexions. Le travail qui a été effectué par la suite a déclenché d'autres négociations qui semblent plus réalistes. Le Canada a beaucoup d'énergie qui se perd et une partie de ces pertes vient de l'arrimage entre le Manitoba et l'Ontario. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Neufeld : J'ai été rassuré d'entendre votre explication au sujet d'un réseau national lorsque vous avez dit, il y a quelques minutes, que vous ne préconisez pas ce genre de chose pour le Canada. Vous avez plutôt parlé d'optimiser les réseaux existants et de construire des interconnexions seulement là où c'est nécessaire.

Pour être franc, en tant que ministre responsable d'un grand service public, BC Hydro, pendant pas mal d'années, j'entends souvent parler les gens de construire un réseau national, parce que cela serait bon pour le pays. Je pense à l'époque où les réseaux électriques du Québec et de la Colombie-Britannique ont été construits. Celui de la Colombie- Britannique a été construit comme un projet Canada-É.-U.-Colombie-Britannique dans le cadre du Traité sur le fleuve Columbia, qui existe toujours et qui est composé d'un acheteur intéressé et d'un producteur intéressé. Je pense, comme l'a déclaré le sénateur Massicotte, qu'il faut toujours que l'acheteur et le vendeur soient tous les deux intéressés pour qu'un échange soit fructueux. Il n'est pas possible de se contenter de faire des plans sur papier et d'attendre ensuite que le gouvernement fédéral vienne construire le projet. Êtes-vous à peu près d'accord avec moi sur ce point?

M. Marceau : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je n'ai rien à ajouter.

Le sénateur Neufeld : Je vais aller un peu plus loin. La Colombie-Britannique se lance dans la production d'électricité verte, notre objectif depuis huit ans. En fait, la Colombie-Britannique a complètement exclu la Commission des services publics de la prise de certaines décisions qui sont maintenant confiées au gouvernement. Cela n'est toutefois pas facile à faire, parce que les gens veulent savoir pourquoi le gouvernement veut inonder leur cour ou construire une autre ligne de cinq kilovolts pour fournir de l'électricité aux États-Unis ou à l'Alberta alors qu'ils pensent que la Colombie-Britannique produit déjà suffisamment d'hydroélectricité pour la province.

J'ai été un peu surpris par votre affirmation au sujet de l'optimisation de la demande. Vous avez dit que la notion de réseau intelligent était la réponse logique si l'autre alternative consistait à optimiser les réseaux municipaux et provinciaux. J'ai une vue légèrement différente de la situation et je vais vous dire pourquoi. Les réseaux intelligents font beaucoup plus. Ils optimisent la production, la transmission et la distribution à l'intérieur de votre province, ainsi que dans la zone avec qui vous avez des relations commerciales. Le gouvernement fédéral devrait examiner la notion de réseau intelligent entre les provinces et entre le Canada et les États-Unis de façon à optimiser les infrastructures existantes.

Cela fait 10 ans que l'Alberta essaie de construire une nouvelle ligne de 500 kilovolts entre Edmonton et Calgary. L'Alberta accepte en général assez facilement ce genre de projet, mais elle n'a pas encore réussi à le faire. La Colombie- Britannique voulait moderniser une ligne de transmission située sur une emprise qui existait depuis 50 ans. Mais des gens ont construit leurs maisons autour de l'emprise et j'ai dû acheter 135 maisons pour pouvoir procéder à cette modernisation.

La construction de réseaux est une entreprise de longue haleine. Je peux vous donner beaucoup d'exemples en Colombie-Britannique où cela est impossible, même si cela se traduit par des pertes d'électricité. Un bon exemple est Revelstoke qui produit 1 000 mégawatts. Il est impossible de reconstruire un réseau qui est situé sur une emprise et de transmettre cette électricité. J'aimerais que vous m'expliquiez ce qu'est votre réseau intelligent, parce que je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point. Cela nous est beaucoup plus utile que ce que vous dites.

M. Marceau : Nous ne sommes pas du tout en désaccord. Il faut juste nous entendre sur le sens des mots. L'expression « réseau intelligent » s'applique de nos jours uniquement à la distribution. Si nous parlons de réseau intelligent dans le contexte de la distribution, qui est le sujet dont nous discutons, je maintiens ce que dit notre rapport.

Par contre, si on utilise l'expression « réseau intelligent » dans un autre contexte, celui de la transmission — et des systèmes de gestion de la production, bien sûr — il faudra aussi renforcer les mécanismes intelligents de ces systèmes. C'est simplement que l'expression « réseau intelligent » s'applique uniquement à la distribution dans la plupart des études récentes. C'est dans ce sens que nous l'utilisons.

Il y a des gens qui commencent à appliquer cette expression à la transmission et au réseau de production, mais dans le rapport et dans les études que nous avons examinés, elle est principalement utilisée dans le contexte de la distribution. Nous sommes entièrement d'accord avec tout ce que vous avez dit.

J'aimerais également revenir sur une de vos premières déclarations que vous avez faites au sujet du bassin du fleuve Columbia et de l'approche systémique que vous avez adoptée. Nous disons simplement que nous aimerions adopter une approche systémique comparable pour le réseau canadien.

Le sénateur Neufeld : Je suis d'accord avec vous sur ce point. Je sais que l'interconnexion très importante qui existe entre le sud de la Colombie-Britannique et l'Alberta n'est utilisée que pendant les périodes de pointe et non pas de façon permanente. Lorsque j'ai dit qu'il faut un acheteur intéressé et un vendeur intéressé, cela va également avec la volonté, à mon avis, d'étendre le réseau. Je pense que vous serez tout à fait d'accord avec moi.

Pour être tout à fait franc, nous pourrions examiner beaucoup d'autres endroits, comme ceux dont a parlé le sénateur Frum, pour ce qui est de la réduction des gaz à effet de serre ou même de l'expansion de nos ports sur la côte ouest pour accueillir les biens et les services qui seront fabriqués dans la partie centrale du Canada et qui devront être expédiés en Asie. Cela peut se faire également ailleurs.

J'aimerais en rester avec le réseau intelligent. Il y a un certain nombre de gens qui sont ici qui ont visité la nouvelle installation qui se trouve en Colombie-Britannique pour optimiser le système de contrôle.

M. Marceau : J'en ai entendu parler.

Le sénateur Neufeld : Cela ne concerne pas simplement la distribution ou les compteurs intelligents. Cela touche la transmission — la transmission en gros — tout. Cela concerne la production — tous les aspects. Tout le monde ici sera d'accord avec moi.

Je ne suis pas un ingénieur, mais j'ai de l'expérience. Pour moi, simple citoyen, un réseau intelligent veut dire beaucoup plus qu'avoir un petit compteur chez soi pour savoir à quel moment on va pouvoir obtenir de l'électricité. Cela veut dire optimiser l'ensemble du système, y compris la transmission. Je voulais savoir si vous étiez d'accord avec moi.

M. Marceau : Je suis tout à fait d'accord avec tout ce que vous avez dit. Il n'y a absolument aucune divergence d'opinions. Nous avons simplement un petit problème avec l'expression « réseau intelligent ».

Nous voulions en fait dire dans le rapport — et vous l'avez dit de façon plus éloquente que je l'ai fait plus tôt et même peut-être que dans notre rapport — qu'il faut beaucoup de technologie intelligente pour faire fonctionner un système complexe. Il se trouve que les réseaux électriques sont beaucoup plus complexes que beaucoup d'autres systèmes. En fait, dans une province comme la Colombie-Britannique, par exemple, nous parlons de transmettre des dizaines de millions de HP à des personnes qui ont besoin de cette puissance et de la distribuer sur un territoire de milliers de kilomètres. Du nord au sud, le système de 500 kilovolts de la Colombie-Britannique fait au moins 1 000 kilomètres, si ce n'est pas davantage aujourd'hui. Ce système fonctionne de façon fiable, 24 heures par jour, 365 jours par an pour qu'on puisse allumer une ampoule d'une pichenette alors que l'électricité vient de milliers de kilomètres de là — et elle est toujours là et fonctionne de façon fiable. C'est une puissance considérable et ce système travaille de façon synchrone. Il faut beaucoup de technologie et d'intelligence pour que cela fonctionne bien.

Si vous appliquez l'expression « réseau intelligent » à la production, à la transmission et à la distribution d'électricité, nous sommes tout à fait d'accord. L'expression « réseau intelligent » vise principalement la technologie de la distribution dans la plupart des études et des congrès. C'est la seule différence.

Le président : On nous a dit qu'un des éléments du dialogue conjoint au sujet des énergies propres auquel participent actuellement le Canada et les États-Unis est une table de consultation qui étudie les réseaux intelligents. Je ne sais pas quelle est la définition qui est utilisée, mais nous allons le savoir bientôt.

M. Marceau : J'aimerais également signaler qu'il ne faut pas seulement une technologie intelligente pour faire fonctionner correctement le système de transmission. Il faut une capacité. Il y a toujours un moment où quelle que soit la technologie intelligente utilisée, il faut une autre ligne de haute tension, un voltage plus élevé et une autre technologie. Il arrive un moment où la capacité atteint sa limite.

M. Ball : Je voudrais revenir sur ce dont parlait le sénateur Neufeld. Tout le travail que nous avons fait sur les interconnexions, les réseaux électriques et tout le reste montre qu'on ne peut rien faire si l'on n'adopte pas une approche systémique à tout cela.

Le président : Ce message est très clair aujourd'hui.

M. Ball : Vous constaterez que, dans tous nos rapports, nous parlons de la nécessité d'adopter une approche systémique. Il ne sert à rien de mettre au point une technologie particulière dans un domaine donné. Il faut absolument adopter une approche systémique si l'on veut que nos décisions soient avantageuses et rentables pour tous les Canadiens.

Le sénateur Seidman : Je n'avais jamais imaginé que je trouverais un lien entre ce comité et un autre comité dont je suis membre pour ce qui est de l'accès à l'éducation postsecondaire au Canada. Les études démographiques dont on nous a parlé confirment tout à fait ce que vous dites à savoir que dans les études postsecondaires, la diminution de la population du sexe masculin est en train de prendre des proportions extrêmement graves.

Pour avoir de la R et D, il faut mettre au point la technologie nécessaire, et nous devons trouver le moyen d'attirer les étudiants vers ces programmes, dans ce domaine, ce qui est un peu une remarque accessoire.

Je voulais vous poser une question sur ce début de crise et sur l'existence d'un bassin d'ingénieurs professionnels en génie électrique. Je ne sais pas si vous aviez terminé votre réponse ou si vous vouliez y ajouter quelque chose.

M. Marceau : J'aimerais ajouter quelques mots. En 2000, quand j'étais président de la faculté de génie électrique et informatique de l'École Polytechnique de Montréal, j'ai constatél'existence de ce problème au Québec et j'ai créé un consortium regroupant cinq universités, Hydro-Québec et un certain nombre de représentants de l'industrie travaillant pour diverses sociétés. Nous avons réussi à obtenir le financement pour amener le gouvernement à agir. Depuis 2002, l'Institut en génie de l'énergie électrique produit 50 diplômés par an depuis sept ou huit ans. Au Québec, la réponse est en place.

En Ontario, je travaille sur cette réponse depuis 18 mois. J'ai présenté un exposé il y a environ 18 mois à l'Association of Power Producers of Ontario. Un certain nombre de personnes m'ont dit que je semblais comprendre le problème et devrais faire quelque chose. Permettez-moi de vous dire que je ne cherchais pas du travail. J'étais en train de démarrer une nouvelle université et j'avais beaucoup de choses à faire. Cependant, l'appel de ma discipline l'a emporté. Depuis janvier 2009, j'ai constitué un consortium comprenant six universités et six représentants de l'industrie. Je suis heureux de pouvoir vous dire que nous avons finalement négocié un cadre pour un partenariat universitaire. Nous travaillons à l'heure actuelle sur un plan d'affaires. Nous sommes en train d'élaborer un plan de promotion du projet pour demander du financement qui viendra à la fois de l'industrie et du gouvernement. Nous bénéficions d'un large appui. Ontario Power Generation participe à ce projet; Hydro One aussi, tout comme l'Ontario Power Authority et la Society of Energy Professionals ainsi que l'Association canadienne des Réseaux Thermiques. Notre groupe est bien étoffé et il y a beaucoup d'enthousiasme à l'heure actuelle pour le projet.

D'ici septembre 2011, ce consortium que nous appelons le « Power Engineering Education Consortium » sera opérationnel en Ontario. Nous savons que ce problème existe dans d'autres provinces. C'est un problème grave. Les doyens des facultés de génie électrique et informatique du reste du Canada commencent à parler de cette question. Je pense que ce qui a été fait en Ontario et au Québec sera un modèle pour le reste du Canada. Cela se fera province par province. Si nous pouvons résoudre ce problème pour l'Ontario, et je suis certain que nous y parviendrons, alors nous pourrons collaborer avec nos collègues du Québec pour établir des relations étroites avec eux, et ensuite, nous travaillerons avec les autres provinces pour voir ce que nous pouvons faire pour les aider.

Le sénateur Seidman : Dans le même ordre d'idée, un des témoins que nous avons entendus il n'y a pas longtemps, nous a présenté des arguments très convaincants pour montrer que le Canada devait concentrer sa R et D et ses investissements sur une seule source d'énergie renouvelable et y consacrer toutes ses ressources de façon à être très concurrentiel et à la pointe de ce domaine. Qu'en pensez-vous?

M. Marceau : Il est certain qu'il est très avantageux de concentrer les efforts. J'aurais tendance à dire que je ne suis pas favorable à cette approche parce que je ne pense pas qu'il n'y ait qu'une seule solution à ce problème. Nous ne pourrons résoudre ce problème que grâce à un ensemble de solutions. Je ne pense pas qu'il existe une recette magique dans ce cas particulier, pour toutes sortes de raisons. La forme de l'économie varie d'une région à l'autre du Canada. Les régions sont différentes. Il faut respecter cette diversité, notre base économique actuelle ainsi que la façon dont la richesse, l'environnement et notre qualité de vie sont créés dans les différentes régions du Canada.

Le président : Sénateur Seidman, nous avons effectivement entendu ce témoignage, mais seriez-vous prête à admettre que la majorité des témoins ont déclaré que nous devrions utiliser toutes les sources d'énergie qui existent, de façon à être le plus efficace possible pour répondre à la demande d'énergie future?

Le sénateur Seidman : Effectivement. Ce témoignage portait sur la façon dont le Canada devrait concentrer ses efforts en R et D. Ce témoin a affirmé que l'énergie éolienne était assez bien développée et que l'énergie solaire ne convenait pas très bien à la situation canadienne. Si nous voulons concentrer nos énergies sur un aspect, nous devrions le faire dans le but d'élaborer quelque chose.

Lorsque je vous entends parler de transformer l'infrastructure électrique et toute l'industrie de l'électricité, je me demandais s'il n'y avait pas une idée sous-jacente qui pourrait constituer un grand projet pour le Canada. Si nous pouvions concentrer nos efforts sur quelque chose dans notre pays, le perfectionner et élaborer une nouvelle technologie, c'est peut-être ce qu'il faudrait faire.

M. Marceau : C'est une excellente idée. Je peux toutefois vous dire que nous avons étudié cette question de façon approfondie à l'académie. Nous pensons que nous devrions mettre sur pied un certain nombre de projets nationaux plutôt qu'un seul. Si nous lancions un petit nombre de projets bien choisis, précis et d'envergure nationale, cela aurait un effet considérable.

Nous recommandons d'envisager plusieurs projets nationaux parce que nous savons que, d'un point de vue pragmatique, il est difficile d'élaborer une politique énergétique nationale. La politique énergétique qui a été élaborée dans les années 1970 a causé de très graves tensions dans la fédération et ces tensions n'ont pas encore tout à fait disparu dans le secteur de l'énergie. À l'académie, nous pensons remplacer une telle stratégie par un petit nombre de projets nationaux bien conçus et précis qui auraient des retombées sur toute l'économie et dans un large secteur des technologies, ce qui serait avantageux d'un côté pour la fabrication, pour la transformation des ressources énergétiques sous une forme utilisable de l'autre, et pour la prestation de ces services. En concentrant nos efforts sur ces trois aspects, nous obtiendrions de nombreuses retombées positives.

En lançant un projet national dans trois ou quatre domaines, s'il faut de la main-d'œuvre, l'économie produira la richesse qui nous aidera à créer la main-d'œuvre. S'il faut de la technologie, alors les investissements nous permettront d'obtenir la technologie et la possibilité de vendre cette technologie dans le monde entier aura de grandes répercussions sur une très grande partie de l'économie canadienne.

Nous parlons ici en particulier du secteur de l'électricité parce que nous pensons que si nous investissons dans un certain nombre d'interconnexions, si nous renforçons les réseaux de transmission des différents réseaux provinciaux, alors cela pourra contribuer à créer une nouvelle technologie qui sera canadienne. Nous pourrons concevoir et mettre au point de nouvelles technologies pour le secteur de l'énergie électrique. Nous pourrions également créer une capacité de fabrication, parce que nous aurions besoin d'acheter cette technologie. Cela nous offrirait une occasion extrêmement intéressante d'exporter cette technologie dans le monde entier et notre réseau serait un modèle de technologie électrique avancé.

Le président : Voilà qui pourrait alimenter à l'avenir une discussion intéressante.

Le sénateur Martin : Je suis un sénateur invitée, et je suis ici pour le compte du sénateur Brown. Je n'ai pas assisté aux autres discussions du comité, mais celle-ci a été très intéressante et très instructive. Je vais en profiter pour dire quelques mots et vous inviter à répondre à mes commentaires.

Un diamant n'est pas un diamant parce que quelqu'un dit que c'est un diamant. Il est ce qu'il est. Je pense que le Canada est une superpuissance énergétique. Nous sommes l'envie du monde entier. Je viens de la Colombie-Britannique et j'ai eu l'occasion de rencontrer différents groupes d'Asie, en particulier. Je ne peux que les encourager lorsqu'ils disent que le Canada est un pays incroyable qui offre une diversité de ressources et de possibilités uniques et qui leur fait envie. Nous sommes attachés à notre région et il y a ces divisions dans notre territoire parce que notre pays est très vaste et nous n'avons pas toujours une vue d'ensemble, ni une notion de l'identité du Canada, et nous ne savons pas comment les autres nous perçoivent.

J'ai eu des conversations avec des investisseurs potentiels d'Asie et j'ai également assisté à des congrès sur l'énergie et la technologie organisés par les gouvernements chinois et coréens. Pour revenir à ce que vous disiez au sujet des mesures incitatives dont a besoin le Canada, je pense que la sensibilisation à laquelle votre organisme travaille et ce que fait notre comité pour tous les Canadiens est une priorité fondamentale. Notre pays doit utiliser et harnacher tout ce qu'il possède. Le congrès qui va se tenir bientôt à Toronto sera très important.

Il est important d'attirer des investisseurs étrangers parce que, grâce à eux, nous pouvons diversifier nos sources de revenu. Notre pays les intéresse beaucoup. Cependant, certains investisseurs étrangers nous disent qu'ils voient le Canada comme un pays. Cependant, lorsqu'ils arrivent, que ce soit en Colombie-Britannique ou dans une autre province, ils se heurtent à des lois provinciales et à des protocoles de compétence, ainsi qu'à ceux du niveau fédéral.

Nous devons réfléchir non seulement à des mesures incitatives pour le Canada, mais également pour nos investisseurs étrangers, parce qu'ils représentent une grande opportunité et que les autres pays manifestent de plus en plus d'intérêt pour notre pays. Même en se limitant uniquement aux images qu'il y a dans ce rapport, on constaterait qu'il existe d'énormes possibilités.

Le sénateur Seidman et moi sommes membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie où nous examinons l'éducation postsecondaire. Nous pourrions peut-être également penser aux autres pays et aux étudiants que nous pouvons attirer vers un Canada qui va continuer à avoir de nouvelles idées. Nous sommes tout à fait compétitifs sur le plan mondial pour ce qui est de notre éducation. Il faudrait réfléchir à ce genre de mesures incitatives. Je suis convaincue que vous faites un travail extrêmement utile.

Je remercie le comité de l'étude qu'il a entreprise.

Le président : Monsieur Marceau, je vous demande d'être très bref; pensez à conclure.

M. Marceau : J'aimerais faire un commentaire général en faisant une métaphore. Les doyens et les professeurs disent : « J'ai imaginé un projet magnifique. Pouvez-vous me donner les ressources pour le réaliser? » Je comprends donc très bien ce que vous pensez tous.

J'ai introduit une culture axée sur le marché et sur la carrière à l'Institut de technologie de l'Université de l'Ontario, qui est différente de celle qui existe dans les autres universités. Je sais ce que vous êtes en train de faire ici et ce que le gouvernement peut et ne peut pas faire.

La réponse que je donne souvent est que je peux amorcer la pompe, mais je ne suis pas une pompe. Je pense que le gouvernement peut amorcer la pompe. Il ne faut pas mettre beaucoup d'eau dans une pompe pour la démarrer, mais il faut l'amorcer pour pouvoir la faire démarrer. C'est tout ce que nous disons aujourd'hui.

Le président : Mesdames et messieurs, nous avons eu une excellente réunion. Comme vous pouvez le constater, les deux heures ont passé très rapidement et j'ai encore toute une liste d'intervenants. Nous pourrons continuer toute la journée.

Je vous remercie d'être venus ce matin. J'espère que vous avez trouvé la discussion aussi enrichissante que nous. Nous vous demanderons de revenir, car nous allons approfondir notre étude de cette magnifique possibilité nationale que possède notre pays et qui a été décrite de façon si éloquente par certains sénateurs.

[Français]

M. Marceau : Cela fut un privilège de témoigner devant votre comité aujourd'hui et je vous remercie de cette opportunité.

Le président : Je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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