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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 6 décembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, auquel a été renvoyé le projet de loi C-3, Loi favorisant l'équité entre les sexes relativement à l'inscription au registre des Indiens en donnant suite à la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire McIvor v. Canada (Registrar of Indian and Northern Affairs), se réunit aujourd'hui à 15 h 2 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Nancy Ruth (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous sommes ici cet après-midi, dans le cadre de notre dernière série de rencontres, pour examiner le projet de loi C-3, Loi favorisant l'équité entre les sexes relativement à l'inscription au registre des Indiens en donnant suite à la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire McIvor v. Canada (Registrar of Indian and Northern Affairs).

Notre premier groupe de témoins comprend l'Assemblée des Premières Nations, l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Association nationale des centres d'amitié. Je crois savoir qu'on vous a indiqué que vous disposiez de cinq à sept minutes, alors je demanderais que vous essayiez de vous y tenir. Je vous encouragerai à arrêter ou à poursuivre, selon.

Jody Wilson-Raybould, chef régional, Colombie-Britannique, Assemblée des Premières nations : Bonjour. Mon nom traditionnel est Puglaas. Je suis le chef régional pour la Colombie-Britannique. Je suis ici accompagnée par ma collègue, Karen Campbell. Je suis heureuse de comparaître ici aujourd'hui pour le compte de l'Assemblée des Premières Nations, APN, en ma qualité de chef régional pour la Colombie-Britannique et de titulaire du portefeuille pour les gouvernements des Premières nations. Je tiens à remercier la présidente et le comité de m'autoriser ainsi à vous entretenir du projet de loi C-3.

Les Premières nations vivent réellement une période excitante de construction de nation et elles sont en train de s'éloigner de la gouvernance en vertu de la Loi sur les Indiens. Nous sommes en train d'établir une nouvelle relation avec le Canada, une relation fondée sur la mise en œuvre de nos droits, protégés par l'article 35 de la Constitution, et qui doit maintenant respecter les principes et normes énoncés dans la Déclaration des Nations Unies qu'a récemment endossée le Canada.

Je suis confiante que nos peuples connaîtront un bel avenir au sein de la Confédération. Un travail considérable nous attend cependant, et ce n'est pas tout le monde qui partage l'enthousiasme qui m'habite. Le legs de la Loi sur les Indiens est important et crée pour nous tous de nombreux défis en vue de marquer des progrès réels et d'avancer. Il n'est pas facile de se débarrasser de bien plus de 100 ans de paternalisme et de tutelle et de s'engager dans une véritable autodétermination. C'est dans ce contexte que je vous demande d'envisager le projet de loi C-3 et le défi de la conciliation de la question de savoir qui est autorisé à se faire inscrire en tant qu'Indien aux termes de la Loi sur les Indiens et la question plus vaste de savoir qui a le droit d'être citoyen de nos nations, défi que doivent maintenant relever tant les législateurs pour le Canada que les législateurs pour nos propres nations.

Ce ne sera pas une tâche facile, comme en témoignent la conversation politique et la controverse qui a déjà entouré le projet de loi C-3. L'actuelle confusion et le débat au sujet de la citoyenneté et du statut indien ont leurs origines dans le fait que, depuis le milieu des années 1950, le Canada a essayé de contrôler notre identité en définissant qui est légalement un Indien.

Au départ, la définition d'Indien était plutôt vaste et était davantage le reflet de la façon dont nous nous percevions nous-mêmes. La première définition juridique de qui était un Indien englobait toute personne de naissance ou de sang indien réputée appartenir à un groupe particulier d'Indiens, mariée avec un Indien ou adoptée par une famille indienne. Cette définition est devenue de plus en plus restrictive dans le cadre d'un effort visant à émanciper nos peuples et à nous assimiler dans la culture canadienne, et, depuis 1869, ces définitions étroites ont visé plus particulièrement les femmes des Premières nations. Le leadership s'est opposé à ces restrictions, surtout en ce qui concerne la perte du statut d'Indien inscrit pour les femmes qui épousaient des hommes non autochtones. Cependant, le gouvernement n'a pas réagi à ces objections. Depuis, cette discrimination permanente a eu de nombreux effets néfastes sur nos nations, nos collectivités et nos familles.

Depuis 1985, les modifications à la Loi sur les Indiens, apportées par le projet de loi C-31, ont cherché à contrer cette discrimination, mais elles ont en même temps créé de nouvelles discriminations et divisions. La cause McIvor a cherché à résoudre ces problèmes, et voici maintenant qu'avec le projet de loi C-3, nous avons l'occasion de corriger une discrimination qui perdure.

En conséquence, et nonobstant la question plus vaste relative à la construction d'une nation, permettez que je déclare catégoriquement que l'Assemblée des Premières Nations et les leaders des Premières nations appuient l'élimination de toute discrimination à l'endroit de nos peuples qui existe dans la loi. Toute discrimination quelle qu'elle soit, en cette époque et en ce lieu, est inacceptable.

Cette position a été affirmée par une résolution de l'APN avant le dépôt du projet de loi C-3 et a de nouveau été réaffirmée lors de notre assemblée générale annuelle, tenue à Winnipeg, en juillet. Pour être claire, le projet de loi C-3 aurait dû aller plus loin pour corriger la discrimination plus générale découlant de la Loi sur les Indiens. Des amendements ont été proposés et apportés à l'étape de l'étude en comité. Malheureusement, il a été déterminé par le Président de la Chambre des communes que ces amendements outrepassaient la portée du projet de loi et étaient en conséquence irrecevables.

Advenant que le Sénat juge bon de réexaminer les amendements proposés au projet de loi C-3 et de recommander à nouveau leur adoption à la Chambre, je vous soumettrai respectueusement qu'il y aurait lieu de faire preuve de prudence afin que le projet de loi ne soit pas perdu et que nous ne perdions pas cette occasion de résoudre cette discrimination la plus flagrante conformément à la décision de la cour. Bien que je convienne que le projet de loi C-3 ne constitue pas une solution complète, dans l'intérêt de ceux qui seront directement touchés par le projet de loi, dont les personnes risquant de se voir refuser l'inscription en Colombie-Britannique, le projet de loi, avec ou sans amendements, doit aller de l'avant.

Afin de faciliter une transition harmonieuse pour le projet de loi C-3, il est impératif que soient consenties aux Premières nations des ressources suffisantes pour accueillir le nombre accru d'inscrits. Cela est particulièrement important dans les situations où les Premières nations livrent programmes et services pour le compte du gouvernement du Canada dans leurs collectivités, et où des ressources déjà rares seront davantage encore grevées.

J'aimerais maintenant passer à la question plus vaste qu'est celle de la citoyenneté. À un niveau, cette discussion concerne la discrimination, mais à un niveau plus fondamental, il s'agit d'appartenance, d'association avec un groupe.

Pour les décideurs et administrateurs, la question de l'augmentation du nombre des membres peut être envisagée tout simplement dans le contexte de pressions budgétaires, de prestation de services et d'accès aux ressources. Cependant, au fond, la question est celle de la communauté, ce qui est puissant. Notre peuple est notre plus importante ressource.

En Colombie-Britannique, comme ailleurs au pays, nos nations sont en train de développer leurs propres modèles de citoyenneté. La nation décide qui en fait partie, qui en est citoyen, nonobstant le legs de la Loi sur les Indiens et les règles d'appartenance.

Dans le contexte des revendications modernes, la détermination de la citoyenneté relève d'une conversation fondamentale qui résulte de ce que le collectif fixe les règles et de ce que l'individu élise d'en être un citoyen ou non. Les citoyens sont bénéficiaires des traités et peuvent participer aux institutions politiques créées par le biais du traité ou de l'entente, mais, ce qui est plus important encore pour la collectivité, les citoyens sont, en échange, assujettis aux obligations découlant de la citoyenneté.

En annonçant les amendements proposés à la Loi sur les Indiens, le ministre d'alors, M. Strahl, a également annoncé un processus exploratoire centré sur l'inscription, l'appartenance et la citoyenneté.

Bien que cette annonce ait été favorablement accueillie, je suis très déçue que le Canada n'ait pas fait de progrès quant à ce processus et insiste à dire que cela est fonction de l'adoption du projet de loi C-3. Avec le récent appui de la déclaration, le Canada doit s'engager de bonne foi dans ce processus, avec un engagement clair et des résultats probants. Une discussion sur la citoyenneté dans un contexte plus large de construction de nation serait la preuve d'un virage fondamental dans la relation entre nos nations et la Couronne, dans le respect de l'esprit et de l'intention de nos traités historiques, et est chose nécessaire pour englober les accords de revendication territoriale modernes avec les nations qui jouissent de titres et de droits ancestraux non éteints.

Cela refléterait l'établissement d'une relation plus saine et plus mûre entre nos peuples et la Couronne, ce non seulement en ce qui concerne la détermination de la citoyenneté en dehors de la Loi sur les Indiens, mais également en vue d'une gouvernance, par le biais de nos propres institutions gouvernementales, celles-ci dotées des compétences et des pouvoirs appropriés.

En conclusion, les solutions à long terme ne résident pas dans de nouveaux bricolages de la Loi sur les Indiens. Nos nations ont un droit inhérent de déterminer qui est et qui n'est pas citoyen de notre nation, conformément à nos lois, coutumes et traditions. Il s'agit là d'un élément fondamental de l'autonomie gouvernementale. La véritable et ultime solution à la discrimination continue en vertu de la Loi sur les Indiens réside en une pleine reconnaissance de la compétence des Premières nations quant à notre propre citoyenneté. La contribution qui sera faite par notre population dans son entier, une fois celle-ci reconnue grâce à des processus appropriés de reconnaissance de citoyenneté, appuyés en partie par des mesures législatives provisoires comme le projet de loi C-3, sera énorme.

Enfin, le Parlement se trouve dans une position unique, celle de travailler en partenariat avec les Premières nations pour entreprendre un examen exhaustif de la Loi sur les Indiens, ses politiques et règlements connexes et leur intrusion dans la compétence des Premières nations, et de mettre de l'avant des mécanismes de reconnaissance et de mise en œuvre progressive et appuyée de la compétence des Premières nations.

J'espère que vous appuierez ce travail essentiel à l'appui de la gouvernance par les Premières nations. Merci de m'avoir accordé de votre temps pour vous soumettre mes vues.

La présidente : Merci.

Jeannette Corbiere Lavell, présidente, Association des femmes autochtones du Canada : Meegwetch, bonjour.

[Mme Corbiere Lavell s'exprime dans une langue autochtone.]

J'aimerais également saluer le peuple du territoire traditionnel sur lequel nous nous trouvons présentement, la Nation algonquine. Salutations de la part de la Nation anishinabek, ainsi que de toutes les femmes autochtones du Canada.

Merci d'avoir invité l'Association des femmes autochtones du Canada à venir entretenir le comité de ces questions. Comme vous le savez, ces questions sont d'une importance capitale pour les femmes autochtones, nos familles, nos collectivités et nos nations.

L'Association des femmes autochtones du Canada est une organisation politique représentative nationale composée d'organisations membres provinciales et territoriales de partout au pays, et notre objet est d'améliorer la santé sociale et économique et le bien-être politique des femmes de Premières nations et métisses au Canada.

Meegwetch, encore une fois, de pouvoir m'entretenir avec vous, au sujet, surtout, de cette importante question et de notre perspective en ce qui concerne le projet de loi C-3.

Le gouvernement fédéral a limité qui est et qui n'est pas considéré comme étant un Indien et qui a droit aux avantages selon les dispositions en matière d'appartenance, en vertu de la Loi sur les Indiens, et ce depuis de nombreuses années. Ces limites et interprétations de notre appartenance et citoyenneté, qui étaient fondées sur des valeurs européennes, ont eu des conséquences dévastatrices pour nous autres, femmes des Premières nations, du fait que nous ayons été exclues de nos collectivités et des rôles clés qui nous appartenaient autrefois.

Traditionnellement, nos femmes jouissaient du plus grand respect au sein de nos communautés, en tant que donatrices de vie, gardiennes du savoir quant aux pratiques, langues, traditions et coutumes de nos nations, et protectrices de l'eau. Il est bien compris par tous que les femmes de nos nations ont toujours joué un rôle sacré en amenant de nouvelles vies dans le monde et en étant les porteuses de nos générations futures.

Comme vous le savez, j'en suis certaine, des dispositions clés historiques de la Loi sur les Indiens ont changé tout cela. Il nous faut maintenant explorer ce qui doit être défait. Nous avons pour responsabilité de revenir à notre propre interprétation de ce qu'est la citoyenneté. Dans notre langue, cela signifie e-dbendaagzijig.

Les termes « statut » et « appartenance » sont devenus les mots et le langage de la Loi sur les Indiens. Ces mots ont également servi à nous diviser et à miner notre capacité de discuter de cette question dans une langue qui nous permettrait d'être plus inclusifs et représentatifs de tous nos citoyens.

En 1951, en plus de créer un registraire des Indiens, la loi a maintenu les dispositions privilégiant les personnes du sexe masculin. La loi a par ailleurs introduit ce que l'on appelle aujourd'hui la « règle mère grand-mère ». Cette règle établissait que, si la mère et la grand-mère paternelle d'un enfant n'avaient eu droit au statut d'Indien que du fait d'avoir épousé un Indien après septembre 1951, alors cet enfant ne jouissait du statut d'Indien que jusqu'à l'âge de 21 ans. Dans les années 1970, j'ai moi-même contesté devant la cour les dispositions législatives discriminatoires de la Loi sur les Indiens en invoquant la Déclaration canadienne des droits. La Cour suprême du Canada, en 1973, était divisée et a jugé que la disposition ne résultait en aucune inégalité en vertu de la loi, son raisonnement étant que les femmes indiennes qui épousaient un non-Indien étaient traitées de la même manière que d'autres femmes indiennes qui épousaient un non- Indien. La discrimination, c'est la discrimination.

C'est par suite de situations comme la mienne et celle de nombreuses femmes comme moi que l'Association des femmes autochtones du Canada a vu le jour. Aujourd'hui, plus de 40 ans plus tard, nous sommes toujours confrontés à la même situation.

Au début des années 1980, le sénateur Lovelace Nicholas, une femme indienne qui avait épousé un non-Indien, a obtenu une décision favorable du Comité des droits de l'Homme des Nations Unies, qui a statué que le Canada était en situation de violation de l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui protège le droit de pratiquer sa culture et sa langue dans sa collectivité d'origine.

Suite à l'entrée en vigueur de la Charte en 1982, le projet de loi C-31 a été adopté en 1985. Celui-ci a traité de certaines des questions de genre dans la mesure où il a réinscrit les femmes qui avaient perdu leur statut du fait d'avoir épousé un non-Indien et celles qui avaient perdu leur statut à l'âge de 21 ans du fait de la règle mère grand-mère, et c'est alors que j'ai pu moi aussi regagner mon statut.

Cependant, la loi a continué d'être discriminatoire à l'endroit des femmes indiennes ayant épousé un non-Indien du fait que leurs enfants étaient inscrits en vertu du paragraphe 6(2), leur conférant un statut de deuxième classe, et n'a pas corrigé les pratiques discriminatoires antérieures enchâssées au fil du temps dans la loi. De fait, le projet de loi a instauré toute une nouvelle dynamique discriminatoire, fondée sur le statut et l'appartenance, et dont on continue encore aujourd'hui de ressentir les effets.

Bien que le projet de loi C-31 ait eu pour objet d'éliminer la discrimination fondée sur le sexe des dispositions en matière de statut, après son adoption, il y a eu des différences très réelles entre les Indiens inscrits en vertu du projet de loi C-31 et les autres Indiens inscrits.

Les enfants des femmes ayant perdu leur statut ne pouvaient pas transmettre leur statut à leurs propres enfants s'ils épousaient des non-Indiens ou des Indiens non inscrits. D'un autre côté, les enfants d'Indiens inscrits de sexe masculin, ayant épousé des femmes non indiennes avant 1985, pouvaient, eux, transmettre leur statut d'Indien à leurs enfants.

Les tribunaux sont encore aujourd'hui saisis d'un certain nombre d'affaires découlant des dispositions en matière de statut de la Loi sur les Indiens. L'affaire McIvor n'en est qu'une parmi bien d'autres. L'affaire McIvor a été tranchée par la Cour d'appel sur la base de motifs très étroits, et le projet de loi dont nous discutons ici aujourd'hui vise à rectifier cet aspect très étroit. Le projet de loi C-3 y parvient, mais seulement dans une certaine mesure. Il ne corrige pas les problèmes plus larges de discrimination selon le sexe que renferme toujours la Loi sur les Indiens. Cela ne veut pas dire que l'on n'a pas besoin du projet de loi C-3. De fait, tout allègement de la discrimination sexuelle est à la fois requis et applaudi. Cela fait déjà beaucoup trop longtemps que nos femmes et nos enfants attendent.

Il est cependant également important de dire qu'il reste encore beaucoup de travail à faire pour corriger les préjugés sexuels qui demeurent, et qui imprègnent la Loi sur les Indiens et ses définitions. Par exemple, le projet de loi C-3 ne vise pas et ne peut pas viser les dispositions discriminatoires de la loi qui continuent de privilégier les descendants patrilinéaires.

Pour beaucoup de gens, l'inscription en vertu de la Loi sur les Indiens résulte également en l'acceptation au sein de la communauté des Premières nations. Depuis 1985, les Premières nations peuvent définir l'appartenance à la bande à l'intérieur des paramètres établis dans la Loi sur les Indiens. Les Premières nations sont nombreuses à abandonner la terminologie de la Loi sur les Indiens, et l'emploi du terme « appartenance à la bande », en faveur du terme « citoyenneté », au niveau individuel. Comme je l'ai dit, nous avons, pour cela également, notre propre terme, qui est e- dbendaagzijig.

Les Premières nations sont également en train de s'éloigner du régime de la Loi sur les Indiens par le biais d'ententes en matière d'autonomie gouvernementale, assumant souvent le contrôle sur leurs propres règles de citoyenneté.

Le projet de loi C-3 est le produit de causes cherchant à corriger un petit aspect de la discrimination vécue par Mme McIvor et ses enfants et petits-enfants. En dépit de tous les changements législatifs passés, ainsi que de ceux proposés dans le nouveau projet de loi C-3, le gouvernement fédéral a maintenu le contrôle, en vertu d'articles de la Loi sur les Indiens, de la détermination du statut d'Indien pour l'ensemble des peuples des Premières nations.

Dans l'affaire McIvor, la Cour d'appel a laissé passer une merveilleuse occasion de fournir une solution significative pour infléchir la préférence discriminatoire privilégiant les descendants patrilinéaires. Le principal grief dans l'affaire McIvor est que la Loi sur les Indiens dit, depuis 1876, sur la base de valeurs européennes, que seuls les hommes peuvent transmettre le statut d'Indien. Par exemple, si le père ne signe pas le formulaire d'enregistrement de la naissance, ou si le père n'est pas mentionné sur le formulaire, alors l'on suppose que le père est non-Indien, et la mère ne peut pas transmettre le statut indien approprié à son enfant. Cela demeure.

Les modifications proposées traitent de manière étroite du principal propos dans l'affaire McIvor. Affaires indiennes et du Nord Canada, AINC, prétend que cela garantira que les petits-enfants admissibles, dont la mère a perdu son statut, seront admissibles à l'inscription, mais ce ne sont pas tous les petits-enfants qui seront admissibles.

Au fil du temps, le gouvernement fédéral a changé unilatéralement la définition de qui est Indien et de qui ne l'est pas, tout cela sans le consentement des peuples des Premières nations. La Loi sur les Indiens a créé les dispositions discriminatoires et les différentes classifications de ce que c'est que d'être « Indien » sur la base de ses interprétations.

Nous autres, membres des Premières nations, savons qui sont nos citoyens. Nous savons qui appartient à nos collectivités. Ce sont nos mères, nos tantes, nos enfants et nos petits-enfants.

Nous tournant maintenant vers le futur, étant donné la complexité passée des dispositions en matière de statut, il est difficile de savoir quelles conséquences auront sur nos familles, nos collectivités et nos nations ces changements proposés. Nous savons que la Loi sur les Indiens est une loi archaïque et que la solution maintenant proposée est étroite.

Nous sommes sans cesse en train de réagir à des lois qui ont été définies pour nous et de donner suite avec des solutions fragmentées qui ont, historiquement, défini qui nous sommes en tant que peuples et en tant que citoyens de nos nations, et qui continuent de le faire. Au bout du compte, il nous faudra dire qu'une fois encore il est clair que la Loi sur les Indiens est mal équipée et est un instrument médiocre à employer pour résoudre ces questions plus vastes de citoyenneté.

Notre vision à long terme nous verra nous définir nous-mêmes en tant que citoyens de Première nation. Le gouvernement du Canada s'est engagé en faveur d'un processus exploratoire de tenue de ces discussions plus complexes sur le statut et la définition de notre propre citoyenneté à l'intérieur de nos nations. L'Association des femmes autochtones du Canada, nos associations membres provinciales et territoriales et les collectivités des Premières nations doivent recevoir un financement adéquat pour pouvoir discuter et traiter de ces questions afin d'être en mesure d'accueillir les nouveaux membres auxquels donnera lieu le projet de loi.

En tant que Premiers peuples de ce territoire, nous avons le droit de déterminer qui nous sommes, et nous envisageons avec plaisir de veiller à ce que toutes nos femmes et tous nos enfants soient inclus en tant que citoyens à part entière au sein de nos Premières nations et de toutes nos collectivités. Meegwetch.

La présidente : Merci beaucoup.

Conrad Saulis, directeur, Politiques, Association nationale des centres d'amitié : J'aimerais moi aussi souligner que nous nous trouvons ici aujourd'hui sur les terres traditionnelles de la Nation algonquine, et je suis heureux d'avoir ainsi l'occasion de comparaître devant le comité au nom de l'Association nationale des centres d'amitié.

L'Association nationale des centres d'amitié, ou ANCA, est un organisme autochtone national sans but lucratif représentant les opinions et les préoccupations de 120 centres d'amitié et de 7 associations provinciales et territoriales au pays. L'ANCA a pour mission d'améliorer la qualité de vie des Autochtones vivant en milieu urbain, en appuyant des activités autonomes qui encouragent la contribution et l'accès à la société canadienne de façon équitable, tout en respectant et en renforçant le caractère distinct de la culture autochtone.

Dans le cadre du travail qu'a fait l'ANCA relativement à l'affaire McIvor et au projet de loi C-3, en novembre 2009, nous avons organisé, avec nos représentants régionaux, une séance de dialogue nationale. Le rapport sur cette séance de dialogue, avec les recommandations en émanant, a été déposé auprès d'Affaires indiennes et du Nord Canada.

Lors de notre assemblée générale annuelle en juillet, nous avons adopté une résolution reconnaissant que la mise en œuvre du projet de loi C-3 aura comme incidence, sur les centres d'amitié, d'en faire des points focaux auxquels iront les Autochtones pour recevoir aide et information. L'ANCA a déposé auprès d'AINC une proposition détaillant une série de séances de dialogue nationales, régionales et locales au sujet de l'appartenance et de l'identité, et qui s'adresseront aux Autochtones en milieu urbain.

En 1985, le projet de loi C-31 nous a donné un aperçu de ce qu'amènera l'arrivée massive de nouveaux inscrits et l'émergence de nouveaux défis qui découleront de l'adoption du projet de loi C-3. Quelque 45 000 personnes pourraient devenir admissibles au statut en vertu du projet de loi C-3, mais plusieurs fois ce nombre de personnes chercheront à se renseigner et à faire une demande d'inscription. Les centres d'amitié seront lourdement sollicités par des clients dans l'ensemble des 120 bureaux locaux. L'ANCA sait également que les gouvernements des Premières nations feront l'objet de demandes et de pressions accrues, notamment en ce qui concerne l'éducation et le logement.

Le personnel d'AINC doit travailler avec les centres d'amitié pour former nos employés locaux afin qu'ils soient bien préparés pour les questions qui surviendront. Il importe que soit élaborée une solide stratégie de communication nationale, englobant la reconnaissance de l'ANCA et des centres d'amitié. Des ressources financières devront être consenties aux centres d'amitié, compte tenu des ressources humaines et matérielles que ceux-ci devront assurer tout au long de la mise en œuvre du projet de loi C-3.

Notre stratégie d'engagement proposée offrirait une série de séances de dialogue urbaines communautaires, afin que les Autochtones vivant en milieu urbain puissent discuter du statut de nation, de la citoyenneté, d'appartenance et d'identité. Il s'agirait également d'assurer reconnaissance et inclusion de la population autochtone urbaine et reconnaissance de la demande accrue de services, en réserve et hors réserve, qui viendra. Notre stratégie offrirait également à la jeunesse autochtone en milieu urbain la possibilité d'exprimer ses perspectives et de se préparer pour l'avenir.

Le projet de loi C-3 ne règle cependant pas la question de la discrimination selon le sexe que renferme la Loi sur les Indiens. Il demeure des problèmes et des exclusions persistants. L'ANCA estime qu'il existe en ce moment des mécanismes d'étude et d'exploration des problèmes de discrimination sexuelle non encore réglés. Il y a des rôles et responsabilités pour les gouvernements et les peuples autochtones en vue de rechercher les bonnes solutions aux problèmes de genre qui demeurent dans la Loi sur les Indiens.

L'ANCA recommande respectueusement qu'AINC élabore une stratégie précise avec l'ANCA, dans le but d'offrir une formation au personnel de première ligne, ainsi que du matériel documentaire au sujet du processus de demande de statut. Les centres d'amitié devraient par ailleurs être indemnisés pour le travail qui leur reviendra du fait des nouvelles modifications, afin de ne pas subir de conséquences néfastes du fait de ces changements législatifs. La stratégie d'engagement proposée par l'ANCA devrait être approuvée et assortie du financement nécessaire pour que celle-ci soit réalisée, conformément à notre proposition détaillée.

Enfin, l'ANCA recommande que le comité effectue une étude sur l'élimination de la discrimination selon le sexe dans la Loi sur les Indiens et cherche des solutions en vue de corriger l'exclusion et l'aliénation historiques d'Autochtones admissibles, mais ne jouissant pas de leur statut de membre de Première nation, de leur citoyenneté, de leur identité et de leur appartenance.

La présidente : Merci beaucoup.

Madame Campbell, je vous laisserai le soin de faire votre contribution pendant la période des questions, si vous avez un message à livrer.

Le sénateur Baker : J'aimerais tout d'abord féliciter chacun d'entre vous pour vos déclarations et les renseignements détaillés que vous nous avez fournis. Comme vous l'avez chacun souligné, nous sommes un comité sénatorial. Ceci est un exercice de second examen objectif d'un projet de loi émanant de la Chambre des communes. Il sera bientôt fait rapport du projet de loi, et nous discuterons plus tard aujourd'hui de l'avenir du projet de loi.

Comme vous le savez, et comme vous l'avez souligné, il a été proposé par un comité de la Chambre des communes des amendements qui auraient transformé en profondeur le projet de loi et qui, comme cela a été indiqué il y a un instant, ont été jugés irrecevables par le Président de la Chambre des communes.

Je suis à la recherche d'une réponse définitive à la question que voici : que recommandez-vous exactement au comité sénatorial?

À commencer par le congrès, vous avez dit que nous devrions faire preuve de prudence. Vous avez également dit vouloir veiller à ce que, dans l'exercice de cette prudence, nous fassions en sorte que le projet de loi ne soit pas rejeté. C'est le message général que j'ai reçu de chacun des témoins. Pourriez-vous étayer un peu cela?

Chacun d'entre vous a dit que le gouvernement s'est engagé à l'égard d'un processus exploratoire. Vous a-t-on donné quelque garantie que la chose aura lieu? Vous a-t-on donné quelque garantie quant à ce qui en résultera? Premièrement, pourriez-vous confirmer que vous ne voulez pas que nous modifiions le projet de loi comme vous l'avez suggéré? Ma question s'adresse en premier au congrès. Allez-y, je vous prie.

Mme Wilson-Raybould : Juste un petit éclaircissement : Je représente ici l'Assemblée des Premières Nations.

J'apprécie votre question. Je vais développer un peu ma déclaration en ce qui concerne l'avenir du projet de loi et vos délibérations plus tard aujourd'hui.

Pour être claire, nos chefs en assemblée, au moyen de diverses résolutions, ont cherché, et cherchent, l'élimination de toute la discrimination contenue dans les dispositions de la Loi sur les Indiens. Le projet de loi n'accomplit pas cela. Le projet de loi cherche simplement à corriger la discrimination sur laquelle s'est prononcée la Cour d'appel de la Colombie-Britannique.

Je vous soumettrai par ailleurs que l'Assemblée des Premières Nations et nos chefs en assemblée s'intéressent à la discussion plus importante de la citoyenneté, reconnaissant les défis et l'effort énorme déployé par Mme McIvor dans ce dossier. La question du statut est différente de celle de la citoyenneté, et c'est à cette dernière que nos chefs en assemblée nous ont demandé d'œuvrer.

Comme je l'ai mentionné, nous avons, comme tout le monde, été informés du processus exploratoire. Nous avons eu certaines discussions avec le ministre, ainsi qu'avec son personnel, au sujet du processus exploratoire. Nous étions excités à l'idée de nous engager dans ce processus visant à faire avancer le dialogue distinct au sujet de la citoyenneté et de l'appui de la compétence de nos Premières nations relativement à la détermination de notre propre citoyenneté.

À notre grand déplaisir, ce processus n'a pas encore été sérieusement engagé, vu qu'il dépend de l'adoption du projet de loi C-3. Nous y voyons une discussion distincte et plus importante en regard et en faveur de notre droit inhérent de déterminer notre propre citoyenneté. En tant qu'organe national, nous voulons aider nos chefs et appuyer l'autonomie de nos Premières nations dans leurs collectivités aux fins d'une progression individuelle de cette discussion. Partout où cela est possible, si nous pouvons aider en la matière en organisant une tribune nationale qui examine la diversité des questions et des intérêts, c'est ce que nous espérons voir promouvoir à cet égard par le gouvernement fédéral.

Le sénateur Baker : Je vous remercie de ces informations, mais ma principale question est la suivante. Vous avez dit dans votre déclaration — et je l'ai écrit ici — que vous recommandez que nous fassions preuve de prudence. Je devine que ce que vous vouliez dire par là est que, si le projet de loi est modifié, il devra, bien sûr, être renvoyé à la Chambre des communes. Le Président de la Chambre des communes s'est déjà prononcé sur les amendements au projet de loi qui seraient nécessaires pour satisfaire les exigences des témoins ici présents. Ai-je raison de penser que vous êtes en train de nous dire d'être très prudents et de ne pas modifier le projet de loi s'il y a un risque que le projet de loi ne soit pas adopté en dernière lecture à la Chambre des communes?

Mme Wilson-Raybould : Merci encore pour cet éclaircissement. Je conviens que le délai imposé par la cour a, par deux fois, été écourté et que le délai est maintenant le 31 janvier de l'an prochain. Je comprends les réalités du renvoi d'amendements à la Chambre et je sais que les amendements outrepassaient la portée du projet de loi, comme cela avait été déclaré au départ par différents membres.

Ce que j'ai dit dans ma déclaration, et ce que je vais répéter maintenant, est que le projet de loi est une étape provisoire. Il n'élimine bien sûr pas toute la discrimination. Nous chercherions à corriger cela. Cela étant dit, je conviens que, pour éliminer toute la discrimination, la réalité est que le délai imposé par la cour sera de nouveau abrégé, laissant un vide en Colombie-Britannique et un défi pour les personnes choisissant de se faire inscrire en tant qu'Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Merci. Il est bon de revoir tout le monde. J'ai vu certains d'entre vous de nombreuses fois.

Ma première question s'adresse à l'APN. Vous avez mentionné que le projet de loi devrait être adopté tel quel, même si aucun amendement n'y a été apporté. Cela ne causerait-il pas les mêmes problèmes dans 20 ans, la même discrimination à l'endroit des femmes?

Mme Wilson-Raybould : Merci, sénateur Lovelace Nicholas. Je vous entends bien, et je reconnais la réalité de la situation que nous essayons de corriger en apportant une solution partielle aux dispositions qui ont cherché à diminuer nos femmes et nos collectivités. Je conviens, comme vous le soulignez à juste titre, que ce projet de loi n'éliminera pas toute la discrimination renfermée dans la Loi sur les Indiens. Je reconnais parfaitement cela.

Le sénateur Lovelace Nicholas : L'un quelconque d'entre vous proposerait-il le simple retrait, de la Loi sur les Indiens, de l'article discriminatoire?

Mme Corbiere Lavell : Je conviendrais que, en tant que femmes autochtones, nous cherchons toujours l'égalité selon nos traditions. C'est ce que nous avions au sein de nos communautés, ce sentiment d'égalité, de respect et d'harmonie. Si nous pouvions exercer une influence en obtenant que cela soit maintenu dans le cadre d'une loi, alors, absolument, c'est ce que nous devrions rechercher. Le travail qui est en cours et celui qui a été mené sont autant d'étapes pour amener cela. Ce que je vois se dessiner aujourd'hui est qu'il s'agit tout simplement d'étapes supplémentaires dans le processus à long terme.

Si le projet de loi dans son libellé actuel pouvait ramener certains de ces membres qui ont été exclus — pas tous, car nous savons tout que cela ne pourra pas se faire — dans nos nations, alors ce serait acceptable à nombre de nos chefs, de nos collectivités et de nos familles, car ils veulent que les leurs réintègrent nos communautés. Le projet de loi reconnaîtrait certains d'entre eux. Cependant, il continue d'en exclure d'autres. Il y a une autre politique qui exclut les personnes dont la paternité n'a pas été déclarée. C'est le cas de nombre des nôtres.

Au sein de la Nation anishinabek, nous avons établi notre propre structure de gouvernance. Dans le cadre de cette structure de gouvernance, nous avons créé une commission de la citoyenneté. Nous appelons cela la règle pour ceux qui ont leur place. Nous avons mené nos consultations communautaires et la chose a été reconnue. Nous sommes prêts à faire ce travail et nous savons quelles personnes sont des nôtres. Cela éliminerait tous les articles discriminatoires qui sont en place. Ce serait l'idéal.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Nous savons qui sont les vôtres, mais AINC nous demande toujours de présenter des documents, un certificat de naissance, par exemple, ou autre chose qui dit que vous êtes autochtone. Bien avant que tout cela ne soit enclenché, il y a des femmes qui ont été rayées de la liste — et pas seulement des femmes. Certaines femmes sont venues me voir et m'ont dit « Et qu'en est-il pour nous? Nous voulons être reconnues. Nous voulons les mêmes droits. Pourquoi pas nous? » Personne n'a jamais encore mentionné ces femmes qui continuent encore de se faire refuser dans leur communauté. Qu'en est-il pour elles?

Mme Wilson-Raybould : J'apprécie vos commentaires et j'en conviens de l'importance. Je reconnais également l'importance de l'occasion qui a été offerte au gouvernement du Canada d'éliminer une fois pour toutes toute la discrimination en vertu de la Loi sur les Indiens. Je sais que Mme McIvor va témoigner plus tard au sujet de la façon dont cela pourrait être possible, dans la réalité. Ces amendements proposés ont été jugés comme outrepassant la portée du projet de loi. D'autres intervenants clés qui ont comparu devant le comité lui ont dit qu'on pourrait soutenir que les amendements s'inscrivent à l'intérieur de la portée du projet de loi. Il y a eu une occasion de faire quelque chose, mais elle n'a pas été saisie. La réalité de la non-adoption du projet de loi aura-t-elle une plus forte incidence et pénalisera-t-elle encore davantage d'autres personnes dans ma région en Colombie-Britannique?

La plus vaste question que nous examinons est celle de savoir si le gouvernement du Canada va s'engager en vue de résultats conséquents à l'appui des Premières nations, à l'appui de la compétence inhérente de nos Premières nations en matière de citoyenneté et à l'appui de la gouvernance de nos Premières nations. Nous espérons des engagements en vue de faire avancer ce processus exploratoire et qui débouchent au bout du compte sur un appui en faveur de la gouvernance par les Premières nations.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je comprends tout à fait la frustration. Qu'en est-il du dédommagement de ces femmes qui ont souffert? Je ne pense pas avoir jamais entendu quelqu'un soulever cet aspect-là. J'ignore s'il en a été question à la Chambre des communes. Les droits de la personne ne sont pas mon domaine de spécialisation, mais qu'en est-il du dédommagement et de l'infrastructure pour cet afflux de personnes dans les collectivités? Comme l'a dit M. Saulis, les collectivités auront besoin d'argent pour l'infrastructure nécessaire à l'accueil de ces personnes.

Mme Wilson-Raybould : Je vous comprends sur cette question également. Le projet de loi initial, lors de son dépôt, contenait l'article proposé 9, qui protégeait le gouvernement du Canada contre toute poursuite ou demande de dédommagement de la part de certaines personnes. Il avait été proposé de retirer cet article, mais il a été rétabli dans le projet de loi C-3. Malheureusement, je ne peux pas fournir de réponse à ce sujet.

Encore une fois, vous évoquez la question des ressources. Mes amis ici ont également mentionné les défis auxquels se trouveront confrontées nos organisations en matière de ressources et de suivi par suite de l'adoption du projet de loi et, ce qui est plus important encore, les défis auxquels se trouveront confrontées nos Premières nations dans nos collectivités pour réintégrer chez elles les nouveaux inscrits. La prestation de programmes et de services que nous assumons dans nos collectivités sera encore davantage grevée. Pourquoi les programmes offerts par le gouvernement du Canada dans nos collectivités, comme les services de santé non assurés, et ainsi de suite, seront-ils encore davantage grevés?

Le sénateur Lovelace Nicholas : Quelqu'un d'autre?

M. Saulis : Merci, sénateur Lovelace Nicholas. Avec le projet de loi C-31, les gens ont l'occasion de revenir sur l'année 1985 et sur ce qui s'est passé dans la décennie qui a suivi, par exemple les ramifications du fait qu'un si grand nombre de personnes ait voulu retourner dans les communautés et bénéficier du fait d'obtenir le statut d'Indien, qu'il s'agisse d'éducation postsecondaire, de logement ou de n'importe quel autre avantage que confère aux Premières nations le statut.

Nous voulons réexaminer cette époque et voir ce qui s'est passé, tant en réserve que hors réserve, ainsi qu'en région urbaine, car les centres d'amitié ont connu un énorme afflux de personnes venant frapper à leur porte, et c'est ce qui va se passer à nouveau avec cette situation. Il y aura beaucoup de gens, beaucoup plus que les 45 000 qu'on prédit. Cela va beaucoup en imposer aux centres d'amitié. Nous nous efforçons définitivement de nous y préparer. C'est pourquoi nous espérons que le gouvernement fédéral inclura une stratégie de communications saine et solide assurant de la formation à notre personnel de première ligne, afin que celui puisse bien renseigner et aider les gens qui se présenteront à notre porte à la recherche d'information.

Oui, il y aura une forte incidence économique sur les centres d'amitié dans les mois et les années à venir. Cependant, il se présente également ici une occasion de revoir ce qui s'est passé en 1985 et tout de suite après. J'aimerais également répondre en soulignant les autres possibilités qui s'offrent à nous de travailler ensemble pour examiner la discrimination sexuelle, la Loi sur les Indiens, et d'autres lois, où qu'elles se trouvent, mais c'est définitivement le cas de la Loi sur les Indiens, pour chercher en la matière des perspectives communes. Il reste encore beaucoup à gagner par certaines personnes qui continueront d'être exclues par le projet de loi C-3.

La présidente : Merci beaucoup à tous les deux

Le sénateur Brazeau : Bonjour à vous tous, et merci de vos déclarations. Je pense que nous pouvons certainement tous convenir que la Loi sur les Indiens a été le plus gros obstacle, surtout du fait des dispositions qu'elle renferme en matière d'inscription.

Je suis également certain que nous conviendrons tous également que ce projet de loi est une réponse à la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, décision qui a été plus étroite que celle de la Cour suprême de la Colombie- Britannique. Cependant, le projet de loi répond à une partie de la discrimination renfermée dans la Loi sur les Indiens. Je suis tout à fait favorable aux commentaires qui ont été faits; je crois que les Premières nations devraient décider de leurs membres. Cependant, nous vivons en même temps une triste réalité qui s'appelle la Loi sur les Indiens. Tant et aussi longtemps qu'elle n'aura pas été éliminée, il sera difficile d'entamer ces sérieuses discussions sur le statut, l'appartenance et peut-être la citoyenneté.

Cela étant dit, conviendriez-vous qu'au moins l'adoption du projet de loi conférera à 45 000 personnes, peut-être plus, peut-être moins, le droit d'être identifiées pour ce qu'elles sont véritablement, et qu'elles méritent cela, d'un côté? D'autre part, en ce qui concerne le processus exploratoire, quel est votre degré de confiance, advenant l'adoption du projet de loi, en ce qui concerne la possibilité pour les organisations et les peuples des Premières nations de consulter leurs propres membres en vue de progresser relativement à ces questions d'inscription, de statut et de citoyenneté à l'avenir?

Mme Corbiere Lavell : Je vais partager avec vous une récente résolution émanant de l'assemblée annuelle de l'Association des femmes autochtones du Canada. Nos femmes de partout au Canada ont souligné que nous appuierons l'initiative de l'actuel gouvernement pour corriger certaines de ces pratiques discriminatoires aux termes de la Loi sur les Indiens, comme ce qui doit être réglé du fait de la décision de la cour. Cependant, nous aimerions voir l'engagement continu de nos collectivités, et je suis certaine qu'elles seront là, prêtes à travailler avec le gouvernement sur les questions plus larges pour, nous l'espérons, éliminer toutes ces dispositions discriminatoires que renferme la Loi sur les Indiens. Dans l'intervalle, une fois ces personnes réintégrées, par suite de l'adoption du projet de loi, il devrait y avoir suffisamment de ressources pour nos collectivités, nos Premières nations, pour que nous puissions nous occuper comme il se doit de ces gens. Cet aspect sera critique. Nous ne pouvons pas tout simplement dire « Très bien, la chose va être adoptée », sans comprendre qu'il y aura un poids supplémentaire et sans reconnaître qu'il importera de faire davantage de travail avec les Premières nations, avec nous, qui sommes des organisations nationales, ainsi qu'avec nos femmes et nos familles.

Nous espérons que cette étape sera un premier pas dans une bonne relation de travail avec le gouvernement, pour veiller à l'élimination de la discrimination dans le cadre de cette loi. Cela ramènera également certains de nos citoyens qui ont été perdus. Il nous faut les récupérer. C'est ce que disent nos aînés. D'ici deux ans, certaines de nos collectivités ne compteront plus du tout d'Indiens inscrits. Cela fend réellement le cœur. Il nous faut reconnaître les nôtres. En tant que mères et grands-mères, nous avons pour rôle et pour responsabilité de reconnaître nos enfants et petits-enfants.

Mme Wilson-Raybould : Merci de vos questions, sénateur Brazeau. Je dis à répétition que nos nations vivent une période de transition et souhaitent se retrancher de la Loi sur les Indiens. La réalité est que la Loi sur les Indiens renferme certaines dispositions qu'utilisent à l'heure actuelle nos Premières nations. Nos Premières nations, dans une réalité plus large, sont en ce moment en train de s'aventurer au-delà de la Loi sur les Indiens et de négocier des arrangements d'autonomie gouvernementale ou de gouvernance sectorielle.

Je siège également au conseil dans ma collectivité, et nous nous sommes penchés sur les réalités du projet de loi C-3 et sur l'incidence potentielle des nouveaux inscrits sur notre collectivité. Selon nos estimations, quelque 300 personnes pourraient être inscrites en tant qu'Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens et revenir dans notre collectivité.

Plus important encore, ma communauté s'est engagée dans un dialogue avec notre communauté et œuvre en vue de l'élaboration et de l'instauration de nos propres lois en matière de citoyenneté. C'est là que le dialogue devient quelque peu conflictuel ou confus. Je ne considère, ni ne voudrais jamais voir, mon identité comme m'ayant été attribuée en vertu d'une loi — dans ce cas-ci, la Loi sur les Indiens —, et je ne peux pas non plus m'imaginer que les 300 personnes qui réintégreront ma communauté verraient leur identité comme ayant été attribuée par le biais d'une disposition en matière de statut de la Loi sur les Indiens.

Nous avançons vers le processus exploratoire avec le gouvernement du Canada, et dont vous avez fait état, désireux que nous sommes de mener cet exercice en partenariat, à la recherche de résultats solides et d'un engagement à emprunter le chemin de l'autodétermination de manière à habiliter nos collectivités et nos citoyens sur le terrain à agir, comme ils le font partout au pays, en vue d'exercer leur droit inhérent à l'autodétermination. C'est là que réside notre identité. C'est ainsi que nous avancerons en tant que Premières nations. Cela se fera par le biais de nos lois, fondées sur nos coutumes, traditions et cultures.

M. Saulis : Je remercie le sénateur Brazeau de ses questions. Il nous faut garder à l'esprit les personnes autres que les 45 000 ou 55 000, et essayer de travailler ensemble pour voir ce que nous pourrions faire pour résoudre la question de la discrimination sexuelle dans la Loi sur les Indiens en nous concentrant sur elles. Elles veulent avoir leur statut. Elles veulent être membres des Premières nations. Elles veulent pouvoir dire fièrement qu'elles sont membres d'une certaine collectivité ou d'une certaine nation.

Je pense que le processus exploratoire pourrait offrir quelques occasions en cours de route en vue d'entamer le dialogue. Je ne pense pas qu'il règle forcément tout en même temps, mais il s'agit d'une étape dans le processus. Grâce au dialogue, et d'après ce que je vois, en tout cas je l'espère, il sera possible d'ériger des ponts dans le cadre du processus exploratoire. Quant aux personnes autres que les 45 000 — je vais utiliser ce nombre, car j'ignore combien de milliers d'autres personnes seraient touchées —, je tiens simplement à les garder à l'esprit. J'aimerais que nous gardions à l'esprit ces personnes car elles ont été laissées de côté, et elles sont toujours là, vivant quelque part dans ce pays.

Je crains par ailleurs que les communautés des Premières nations et les centres d'amitié souffrent du fait que les budgets existants soient accablés. Ces budgets sont déjà mis à rude épreuve du fait des personnes qui reviennent et qui veulent bénéficier de différents programmes. Je pense qu'un bien plus grand nombre des communautés des Premières nations vont se trouver en très sérieuse difficulté financière. Il importe de reconnaître que le projet de loi C-3 doit être assorti de mécanismes financiers.

Le sénateur Brazeau : Ma deuxième question est de nature davantage technique. Si l'on songe à ce qui s'est passé en 1985, la majorité des plus de 100 000 personnes qui ont recouvré leur statut ont continué de vivre hors réserve pour diverses raisons. J'imagine qu'en ce qui concerne les 45 000 personnes pouvant recouvrer leur statut si le projet de loi est adopté, la majorité, encore une fois, serait hors réserve. Je comprends certains des défis auxquels se trouveront confrontées les collectivités des Premières nations du fait de l'afflux de personnes. Après 1985, certaines communautés ont en effet vécu des difficultés, mais, encore une fois, la majorité de ces personnes vivent à l'extérieur des réserves.

Pour faire un calcul rapide, 45 000 personnes divisées par 615 collectivités, cela donne environ 75 membres par collectivité qui réintégreraient leur communauté. Cela pourrait, bien sûr, fluctuer, selon la collectivité. Certaines pourraient être davantage touchées que d'autres. En moyenne, 75 membres par collectivité y retourneraient, si tout le monde réintégrait sa communauté.

L'une quelconque de vos organisations a-t-elle fait des recherches pour déterminer où se trouvent ces 45 000 candidats potentiels, et avez-vous une idée de l'équilibre entre ceux qui vivent en réserve et ceux qui vivent hors réserve?

Mme Corbiere Lavell : La Nation anishinabek, dans le Nord de l'Ontario, œuvre à l'élaboration de sa propre structure de gouvernance, et la détermination de notre citoyenneté n'est qu'une des facettes que celle-ci recouvrira. Nous nous penchons sur la démographie, sur l'incidence sur nos collectivités. La Nation anishinabek a mené des consultations communautaires, et, lors de ces consultations, tous ont convenu que, pour que nos nations demeurent fortes, pour que nous puissions recouvrer notre identité, notre culture et notre langage, il devrait revenir à nos propres collectivités de déterminer qui sont nos citoyens, et que nous suivrions la règle du parent unique : tant et aussi longtemps que vous y avez un parent, alors vous seriez membre de cette communauté des Premières nations. La Nation anishinabek s'emploie également à rechercher les personnes qui seraient admissibles à réintégrer nos rangs. Il a également été reconnu que nombre d'entre elles ne retourneraient pas forcément vivre dans les collectivités, mais se trouveraient dans des endroits où elles pourraient obtenir de l'emploi, de l'éducation, et cetera. Nous avons tenu compte de cela.

J'aimerais également vous inviter à prendre contact avec la Nation anishinabek pour lui rendre visite et y constater le genre de travail que les gens y ont fait. Le travail a été fait. Il a été documenté.

Mme Wilson-Raybould : Nos nations ont entrepris de faire cette recherche. J'ai parlé tout particulièrement de ma nation, dont la population est d'un tout petit peu moins de 1 000. Le travail individuel qu'il nous faut faire pour estimer les nombres, dont j'ai dit qu'il était pour nous de 300, j'imagine, refléterait la réalité de chaque collectivité au pays. Cela dépasserait certainement les 45 000, mais ce ne sont que des nombres, et nous ne pouvons pas en faire une estimation très précise. Il nous faut un plan pratique face à cela et les ressources nécessaires pour couvrir les personnes qui réintégreront nos collectivités. Nous comptons sur le gouvernement du Canada pour participer à l'élaboration de ce plan, qui réagira aux besoins de chacune de nos collectivités, et, clairement, l'Assemblée des Premières Nations appuierait ce travail.

La présidente : Merci à vous tous d'être venus. Vous avez fait d'excellents exposés. Votre participation nous a été d'une grande aide.

Nous accueillons maintenant Sharon McIvor, la femme qui a fait preuve de tellement de courage en menant ce combat, et son avocate, Gwen Brodsky, qui se trouvent toutes les deux en Colombie-Britannique. Nous vous invitons à vous présenter à nous, après quoi nous vous consacrerons une heure complète.

Sharon McIvor, à titre personnel : Je m'appelle Sharon McIvor. Je suis une Nlekepmux du Centre-Sud de la Colombie-Britannique. Ma bande est la bande indienne de la basse Nicola, qui se trouve tout à côté de Merritt, en Colombie-Britannique. Assise à ma droite est mon amie et collègue, et sans doute l'une des meilleures avocates spécialisées en contentieux fondé sur la Charte au pays, Gwen Brodsky.

Mme Brodsky et moi faisons ce voyage ensemble depuis quelque temps déjà, et il semble qu'il ne va peut-être pas se terminer de sitôt. Nous avions espéré qu'après la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, nous allions voir aboutir quelque chose de réellement important.

Cependant, je tiens à souligner l'histoire qui a été le fait des femmes fortes qui m'ont devancée. Je tiens à rendre hommage à Mary Two-Axe Earley, à Sandra Lovelace et à Jeannette Corbiere, pour le travail qu'elles ont fait pour nous amener là où nous nous trouvons aujourd'hui. J'aimerais également rendre hommage aux femmes qui ont participé au groupe Indian Rights for Indian Women : Nellie Carlson, Jenny Margetts, pour l'Association des femmes autochtones du Canada, qui est une émanation de Indian Rights for Indian Women; Jane Gottfriedson et Gail Stacey- Moore, qui nous ont toutes quittés sans avoir vu ce pour quoi elles combattaient. Elles sont parties; elles sont passées à autre chose.

Elles ont lutté pendant des années et des années pour obtenir l'égalité pour les femmes indiennes. Ce ne semble pas être une chose énorme, au Canada, que de voir respectés ses droits fondamentaux en tant que personne, de jouir de l'égalité.

Ces femmes et de nombreuses autres sont mortes en espérant que la chose se réalise, mais elle ne s'est pas réalisée. Le projet de loi que vous avez devant vous et que vous examinez — et dont je devine que vous allez simplement l'entériner automatiquement — est, pour être franche avec vous, bon pour la poubelle. La présidente nous a demandé de vous parler carrément. Le projet de loi est très loin de faire ce qu'il devrait faire.

Nous parlons d'un processus exploratoire; or, vous avez un projet de loi qui ne traite même pas de la partie de l'égalité que nous revendiquions. Il ne s'agit pas de quelque chose dont nous devrions avoir à demander la reconnaissance. C'est notre droit fondamental en tant qu'êtres humains d'être égales. C'est notre droit humain fondamental que de pouvoir appartenir à nos collectivités, et voici que nous sommes ici en train de vous supplier d'y faire quelque chose.

Cela paraît totalement scandaleux. Que nous offre-t-on en retour? Ce n'est même pas moi et mes sœurs, celles qui sont touchées. On ne nous offre rien du tout. Certaines d'entre nous seront élevées à un statut différent, et certains de nos petits-enfants seront ajoutés, et toute une foule d'autres personnes ont été laissées de côté, mais qu'est-ce qui est en train d'être offert en échange de la non-reconnaissance de nos droits humains fondamentaux et de nos droits à l'égalité? Un processus exploratoire.

Où d'autre dans le monde vous faut-il explorer la question de savoir si vous pouvez ou non exercer vos droits de la personne fondamentaux et vos droits à l'égalité? C'est bizarre. Au Canada, l'un des pays chefs de file du monde occidental, qui raconte partout à qui veut l'entendre combien il fait bon vivre ici et combien les citoyens y sont tous bien traités, que nous offre-t-on? Un processus exploratoire, afin que d'autres — dont bon nombre ne seront pas directement touchés — aient leur mot à dire quant à savoir si nos droits humains fondamentaux et nos droits à l'égalité sont en train d'être respectés. Cela est à mon sens tout à fait bizarre.

Aujourd'hui, j'aimerais vous entretenir un petit peu de ce que je raconte. Il m'est arrivé une chose étrange sur ma route vers l'égalité. Je suis née à une époque où le régime découlant de la Loi sur les Indiens était plutôt strict. Lorsque je suis née en 1948, je n'avais pas droit au statut d'Indien; je n'y avais pas droit du fait que ma mère n'y avait pas droit. Ma grand-mère était une femme indienne qui s'était liée à un homme non indien, et ma mère et ses frères et sœurs ont été le produit de cette relation.

Je suis la fille d'une femme indienne — une femme indienne non reconnue — et d'un homme indien qui lui non plus n'a pas été reconnu. En conséquence, lorsque je suis née, je n'étais pas admissible au « statut » d'Indien.

En 1985, lorsque la loi a été modifiée et que j'ai revendiqué le statut d'Indien, on m'a accordé le statut en vertu du paragraphe 6(2), mais on a refusé le statut à mes enfants. Les autorités ont, de manière posthume, accordé à ma mère le statut en vertu de l'alinéa 6(1)c), du fait que ma grand-mère était inscrite, et m'ont accordé le statut en vertu du paragraphe 6(2). C'est là que j'ai entrepris mon voyage.

Moi et mes sœurs avons toutes été reconnues comme Indiennes en vertu du paragraphe 6(2). Avance rapide — cela n'a en vérité pas été rapide; il a fallu longtemps pour passer de 1989 à 2006, lorsque nous nous sommes enfin retrouvés devant les tribunaux. Cependant, en juillet 2006, nous avons reçu une lettre du ministère de la Justice du Canada disant qu'il convenait que le registraire s'était trompé. Ce que le registraire avait dit était que moi et mes frères et sœurs étions tous des Indiens inscrits au titre du paragraphe 6(2); en fait, nous aurions dû être inscrits au titre de l'alinéa 6(1)c), alors on a rehaussé mon statut.

Mon fils, lui, est un Indien au titre du paragraphe 6(2). Si vous avez lu et écouté, vous savez qu'un Indien au titre du paragraphe 6(1) est habilité à transmettre le statut à au moins une autre génération. Dans le cas des Indiens en vertu du paragraphe 6(2), vous ne pouvez pas, seul, transmettre le droit; il vous faut avoir comme conjoint une personne qui jouit de ce statut. Quoi qu'il en soit, on a surclassé mon statut et, tout d'un coup, en 2006, bien des années plus tard, on m'a dit que je devrais jouir d'un statut d'Indien en vertu de l'alinéa 6(1)c) et que mon fils devrait être un Indien inscrit en vertu du paragraphe 6(2).

On ne nous a pas dit comment cela avait été réarrangé. Puis, on nous a dit, votre grief est maintenant vide de sens, alors il n'est pas vraiment nécessaire d'aller de l'avant avec le procès. Nous y avons réfléchi pendant, peut-être, 30 secondes, et avons dit « Non, mes petits-enfants ne sont en ce moment pas admissibles, alors nous n'allons pas abandonner la contestation à ce stade-ci ».

La date prévue pour l'audience était en octobre 2006. En septembre 2006, le ministère de la Justice a demandé au tribunal de rejeter notre grief comme étant sans intérêt du fait que mon fils avait obtenu le statut d'Indien.

Une chose dont nous avions discuté était le fait que nous ignorions ce que le tribunal ferait quant au procès, et c'est ainsi que nous nous sommes dit, pourquoi ne pas comparaître devant le tribunal et dire que non, nous ne convenons pas que la question est sans intérêt, mais notre position de repli allait être de tout simplement demander au tribunal et au ministère de la Justice d'accorder par consentement le statut à mon fils, ce qui correspond à l'inscription en vertu du paragraphe 6(2).

Nous y sommes allés en septembre 2006, et le ministère de la Justice n'a pas consenti à accorder l'inscription à mon fils. Les gens du ministère de la Justice ont refusé de donner une ordonnance d'accord et ont demandé que notre prétention soit rejetée comme étant sans intérêt. Comme vous le savez, ce n'est pas ce qui s'est passé, car nous avons plaidé devant la cour en octobre.

Cependant, lors de notre pourvoi en justice en octobre, nous avons également demandé une ordonnance de consentement pour que mon fils obtienne son inscription. Je ne parvenais pas à comprendre pourquoi il était admissible après tout ce temps. Le ministère de la Justice a, en vérité, défendu notre motion pour nous, car nous ne parvenions pas à comprendre comment on avait déterminé le statut de mon fils.

On a dit que j'avais été admissible à l'inscription à ma naissance. Du fait que ma mère était la fille illégitime d'une femme indienne et que j'étais la fille illégitime d'une femme indienne, j'avais en vérité droit au statut d'Indienne à ma naissance. J'avais perdu ce statut en épousant mon mari en 1970, puis je l'avais récupéré.

J'ai réfléchi un instant, et je me suis dit que cela était réellement étrange, car mon frère, qui avait lui aussi été admissible au statut d'Indien à la naissance, n'avait strictement rien fait pour améliorer son statut. Il avait tout simplement vécu gaiement sa vie et n'avait jamais réfléchi à la chose. Il avait un statut supérieur au mien au moment où cette décision a été rendue.

Je vais vous expliquer comment cela fonctionne. Si vous regardez toute cette documentation, on dit de lui qu'il est mon frère hypothétique, mais le nom de mon frère hypothétique est Ernest Bernard McIvor. Il est né le 28 mai 1953. Sa mère est Susan Blankinship, et son père est Ernest Dominic McIvor. Il s'est marié. Sa première femme, Audrey, était une femme blanche, et il a un fils, Jody McIvor, qui est né en 1974. Sa seconde épouse était Kim, elle aussi une femme blanche, et ils ont eu une fille, Jenee, qui est née en 1980, et un fils, Ernest, qui est né en 1983.

Il était admissible à la naissance. Il est admissible au statut d'Indien en vertu de l'alinéa 6(1)a). Son épouse est admissible au statut d'Indien en vertu de l'alinéa 6(1)a). Ses fils et sa fille sont admissibles au statut d'Indien en vertu de l'alinéa 6(1)a). Moi, j'ai obtenu le statut en vertu de l'alinéa 6(1)c), et mon fils est un Indien en vertu du paragraphe 6(2), et tous les petits-enfants de mes frères sont admissibles au statut d'Indien du simple fait de cette décision.

Jody a Samantha et Gemma. Ils ont le statut d'Indien. Jenee a Maria Wyatt et Chelsea. Elles ont le statut d'Indien. Darcy a Kaydance et Kale. Ils ont le statut automatiquement.

Enfin, en août 2010, je réunis les papiers de mon frère et nous faisons une demande, et c'est ainsi qu'on lui reconnaît le statut en vertu de l'alinéa 6(1)a). Nous avons reçu la lettre un mois plus tard. Il a obtenu le statut d'Indien en vertu de l'alinéa 6(1)a). Sa femme jouit du statut d'Indienne en vertu de l'alinéa 6(1)a). Sa première épouse a droit au statut d'Indienne en vertu de l'alinéa 6(1)a) bien qu'ils aient divorcé. Ses enfants ont tous le statut d'Indien en vertu de l'alinéa 6(1)a), et ses petits-enfants ont le statut d'Indien.

Moi, je suis née en 1948, et ma mère est Susan Blankinship et mon père est Ernest Dominic McIvor. J'ai le statut d'Indien en vertu de l'alinéa 6(1)c), et mon fils a le statut d'Indien en vertu du paragraphe 6(2), et mes petits-enfants n'ont pas le statut d'Indien.

Il est plutôt étrange que mon frère, qui, comme je l'ai dit, n'a strictement rien fait, se trouve tout d'un coup mieux placé, du simple fait d'être du sexe masculin. J'ai deux frères. Ils ne sont en réalité pas des frères hypothétiques. Ils continuent de dire qu'ils sont hypothétiques. Ils sont des vrais frères, et ils ont des vraies familles.

Je pourrais dire que, pour moi, il s'est réellement passé quelque chose d'étrange lorsque j'ai cherché à obtenir l'égalité. Tout d'un coup, mes frères ont joui d'une égalité supérieure à la mienne, ou ont obtenu un meilleur statut que moi, et je ne jouis d'aucune égalité.

En ce qui concerne la question du statut d'Indien en vertu du paragraphe 6(1), je crois que pour vider réellement la question, j'ai droit au statut d'Indien en vertu de l'alinéa 6(1)a) et mon fils a droit au statut en vertu de l'alinéa 6(1)a). C'est la seule possibilité qui puisse amener, dans ma situation, la pleine égalité.

Je sais que vous avez entendu beaucoup de choses de la bouche d'autres personnes. Tout ce que je suis en train de dire est que, en écoutant les autres intervenants et ce dont ils parlent — eh bien, entamons ce processus exploratoire et, bon, quand allons-nous recevoir l'argent pour faire cela? Parlons de l'incidence sur les communautés. Au sujet de la reconnaissance et du droit d'appartenance à la communauté, j'ai entendu dire « Vous obtenez une éducation, vous obtenez ceci, vous obtenez cela ». Il s'agit du droit d'appartenance à une communauté. Il s'agit du droit absolu d'être reconnu comme faisant partie de votre communauté, et ce n'est pas quelque chose dont quelqu'un devrait pouvoir dire « Vous y avez droit mais vous, vous n'y avez pas droit ». C'est un droit de naissance. C'est un droit que j'ai acquis lorsque je suis née. C'est un droit de naissance qu'ont mes enfants et mes petits-enfants, et j'estime que ce processus exploratoire est une esquive.

Je sais qu'ils ont offert cela en vue de la ratification de l'Accord du lac Meech. Ils ont dit « D'accord, si vous obtenez que vos chefs donnent leur aval, et si nous réussissons à adopter l'Accord du lac Meech, nous vous donnerons la Commission royale sur les peuples autochtones ». Ceux d'entre vous qui ont suivi le processus savent que le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones est resté sur l'étagère. Il ne s'est rien passé, et je crois que c'est le sort qui sera réservé au processus exploratoire.

L'Assemblée des Premières Nations, l'Association des femmes autochtones du Canada et d'autres groupes obtiendront d'énormes montants d'argent. Nous autres, les femmes sur le terrain, avons fait tout le travail préparatoire. Je peux vous dire que j'ai fait tout le travail pour en arriver là. L'Assemblée des Premières Nations ne m'a pas aidée, et l'Association des femmes autochtones du Canada ne m'a pas non plus aidée, pour la plupart, et le Congrès des Peuples Autochtones ne m'a pas aidée non plus. J'ai fait avancer le dossier jusqu'ici, et maintenant, ils ont tous sauté dans le train et ont dit « D'accord, peu importe le petit projet de loi que vous voulez mettre en place du fait du délai, nous serons d'accord. Vous pouvez y aller, mais donnez-nous l'argent ».

Je suis scandalisée, comme vous l'aurez compris. Je suis scandalisée par ce qui est en train de se faire.

Je tiens également à dire qu'il y a des gens qui ont été laissés de côté. Toutes les personnes nées avant le 4 septembre 1951 sont maintenant tout à fait écartées. Ce sont les petits-enfants nés avant cette date.

Les filles illégitimes d'hommes indiens ont été laissées de côté, et j'ignore si vous comprenez ce concept. Il y a eu une affaire dont les tribunaux ont été saisis à la fin des années 1950 ou au début des années 1960, et l'arrêt de la cour a décidé que si vous êtes un descendant du sexe masculin d'un homme indien et que vous êtes illégitime, vous avez droit au statut. Si vous en êtes un descendant du sexe féminin, alors vous n'y avez pas droit.

J'ai une nièce et un neveu. Le garçon est né en avril 1979 et la fille en juin 1980. Leur mère est non-Indienne; le père est Indien inscrit. Mon neveu a eu le statut d'Indien à sa naissance. Ma nièce ne l'a obtenu qu'après le 17 avril 1985, avec le projet de loi C-31. Elle a le statut en vertu du paragraphe 6(2), alors que le garçon a le statut en vertu de l'alinéa 6(1)a). Ils ont les mêmes parents; la seule différence est que l'un est un garçon et l'autre est une fille. Cela ne change pas. La fille ne pourra pas transmettre son statut de son propre droit, au contraire de son frère, du fait de son sexe.

Les enfants d'Indiennes inscrites dont le conjoint est un homme non indien ou non inscrit se trouvent dans la même situation.

La paternité non déclarée est là. Bien sûr, avec le projet de loi C-3, même si vous êtes né avant 1985, si vous êtes un petit-enfant, vous n'obtenez que le statut en vertu du paragraphe 6(2). Il y a près de 2 000 enfants visés par la règle mère grand-mère qui ont perdu leur statut avant 1985. Ils sont au nombre d'environ 2 000. Ils obtiennent le statut en vertu du paragraphe 6(1), et ce sont là les petits-enfants de deuxième génération auxquels a été comparée ma situation. Les petits- enfants dans ma situation, s'ils sont nés avant le 17 avril 1985, obtiennent le statut en vertu du paragraphe 6(2).

Vous pouvez y faire quelque chose. Je pense que vous devriez y faire quelque chose. Ces personnes devraient obtenir le statut en vertu du paragraphe 6(1) si elles sont nées avant le 17 avril 1985. Il est étrange que l'on n'ait même pas appliqué la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique : si mes petits-enfants sont nés avant le 17 avril 1985, on ne leur accordera pas le statut au titre du paragraphe 6(1), comme c'est le cas pour les personnes visées par la règle mère grand-mère. On leur accorde le statut en vertu paragraphe 6(2).

La dernière chose que j'aimerais dire avant de céder la parole à Mme Brodsky est que vous avez plusieurs fois souligné que ceci est un exercice de second examen objectif. Je ne veux pas vous voir laisser passer cette occasion de vous acquitter de votre responsabilité envers nous, femmes indiennes, femmes autochtones.

Je ne peux pas croire que vous puissiez adopter, la conscience tranquille, ce projet de loi défectueux et régressif, écartant ainsi un si grand nombre de femmes ayant droit, ainsi que leurs descendants ayant droit. Je ne parviens pas à comprendre comment vous pouvez faire cela, car vous avez pour responsabilité, en tant que participants au Parlement du Canada, d'exécuter vos obligations en vertu de la loi.

Je vous demande d'y réfléchir. Des changements cumulatifs ne suffisent pas. Il a été apporté un changement marginal en 1985. Nous sommes aujourd'hui en 2010, et voici qu'on apporte encore un tout petit changement marginal, et personne ne sait ce qui va se passer. Je peux vous dire que si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, ce sera tout. C'est tout ce que nous obtiendrons jusqu'à ce que quelqu'un se présente et prenne encore 20 ans pour essayer d'obtenir quelque petit changement.

La dernière chose que je tiens à dire est que nous parlons ici de notre droit de naissance, de notre droit fondamental à l'égalité. Nous devrions être autorisées à l'exercer pleinement, et vous avez pour responsabilité de nous aider à le faire.

Gwen Brodsky, avocate-procureure, à titre personnel : Le projet de loi C-3 et l'exercice auquel nous nous adonnons aujourd'hui me font avoir très honte en tant que Canadienne. Il semble que nous soyons en train d'avoir une conversation quant à la question de savoir s'il est acceptable pour le Parlement d'apposer son sceau d'approbation sur une loi discriminatoire. Sommes-nous bien au Canada en 2010?

Il est un principe fondamental du droit international en matière de droit de la personne que le droit d'être libre de discrimination fondée sur le sexe, et d'être protégé par les obligations conséquentes revenant aux gouvernements, est un droit immédiat, et que les obligations sont des obligations immédiates. Le gradualisme n'est pas une défense en matière de discrimination selon le sexe. Nous parlons ici d'un droit immédiat.

D'après ce que je comprends, le comité est sur le point de renvoyer au Sénat quelque chose qui résultera en l'adoption automatique d'un texte de loi qui violera les principes fondamentaux du droit international en matière de droits de la personne, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le Canada est, depuis 1976, signataire, et qui garantit l'égalité aux hommes et aux femmes, y compris la jouissance égale de leur culture.

Pour changer quelque peu de vitesse, envisageons la possibilité qu'il y ait quelque chose de positif quant à une approche graduelle à l'élimination de la discrimination fondée sur le sexe. J'aimerais réfuter cette suggestion sur une base strictement empirique. La situation perdure depuis 150 ans. Pendant combien de temps s'attend-on à ce que les femmes autochtones et leurs descendants patientent? Il y a des gens qui meurent sans jamais jouir d'une reconnaissance égale de leur statut d'Autochtone, chose que le gouvernement fédéral a choisi de conférer dans le cadre de sa relation spéciale avec les Autochtones. Pendant combien de temps les gens sont-ils censés attendre? Cela fait 150 ans déjà.

C'est en 1857 qu'a été introduite la première loi discriminatoire, conférant un statut de seconde classe aux femmes autochtones. Les femmes autochtones épouses d'hommes autochtones qui choisissaient l'émancipation perdaient leur statut, non pas du fait de quelque acte de leur part, mais du simple fait de leur relation avec un Indien affranchi. En 1869, l'on a instauré la règle sur les mariages mixtes, qui ne s'appliquait qu'aux femmes autochtones, et non pas aux hommes autochtones.

À partir de 1906, des dispositions explicitent ont été inscrites dans des lois successives sur les Indiens, définissant un Indien comme étant « mâle », « épouse de mâle », « enfant de mâle ». Des réformes ont été revendiquées aussi tôt qu'en 1872. Comme l'a souligné le juge Ross de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, des organisations autochtones ont protesté contre cette discrimination dès 1872. En 1970, la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada a décrié la discrimination à l'endroit des femmes dans la Loi sur les Indiens. Dès 1978, et tout au long des années 1980, le gouvernement fédéral a reconnu que cette discrimination sexuelle existait. En 1981, est intervenu l'arrêt Lovelace — et je rends humblement hommage au sénateur Lovelace Nicholas, qui est ici avec nous aujourd'hui — du Comité des droits de l'Homme des Nations Unies, qui tranche les plaintes en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et qui a statué que la Loi sur les Indiens violait le droit des femmes autochtones à la jouissance égale de leur culture.

En partie en réponse à la décision Lovelace, le gouvernement a promis, et le ministre Crombie l'a déclaré lors du dépôt du projet de loi en 1985, que la nouvelle loi serait libre de toute discrimination. Eh bien, tel n'a pas été le cas. La promesse faite n'a pas été tenue. La Loi de 1985, celle qui est en vigueur aujourd'hui, a échoué en tant que loi réparatrice. Elle a déclenché une nouvelle ronde de critiques, dont celles de la Commission royale sur les peuples autochtones en 1996.

Depuis, des critiques à l'égard de la discrimination sexuelle persistante ont émané d'organismes internationaux de défense des droits de la personne, dont celui qui surveille l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le comité responsable du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, tous instruments dont le Canada est signataire.

Combien de temps faut-il au Canada pour qu'il élimine une fois pour toutes la discrimination à l'égard des femmes autochtones et de leurs descendants? Si le projet de loi C-3 est adopté dans sa forme actuelle, il ne sera qu'encore une autre loi réparatrice ratée.

Cela nous amène à la pétition dont Mme McIvor a parlé publiquement dans les médias. Il s'agit d'une pétition soumise au Comité des droits de l'Homme des Nations Unies, celui-là même qui a entendu la plainte de Sandra Lovelace, en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette pétition a été déposée auprès du bureau des pétitions à Genève, le 27 novembre 2010. Il en a été accusé réception le 30 novembre 2010. C'est le cœur lourd que nous avons déposé cette pétition, qui, à tellement d'égards, ressemble à celle de Sandra Lovelace — c'est de nouveau du déjà vu. Nous l'avons fait le cœur lourd, car nous savons que cela aurait pu être évité et aurions voulu que les choses se passent autrement.

Le problème devrait être réglé convenablement chez nous, au Canada, par notre Parlement. Cette situation diffère de celle dans l'affaire Lovelace, en ce qu'il n'y intervient pas l'appartenance à la bande ou la citoyenneté dans une bande, comme l'ont dit certains intervenants et comme cela a été reconnu par la représentante de l'APN. Il s'agit d'une question autre. La cause de Sharon McIvor ne concerne que le statut d'Indien inscrit, qui renvoie, comme l'a expliqué le ministre Crombie, à la relation spéciale entre les personnes de descendance autochtone et le gouvernement fédéral.

À d'autres égards, c'est exactement la même chose, une fois de plus. C'est le même combat mené par les femmes autochtones et leurs descendants tentant d'utiliser les processus que le Canada a entérinés pour faire respecter leur droit d'être libres de discrimination fondée sur le sexe. Comme je l'ai dit, en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les femmes ont droit à l'égalité. La discrimination selon le sexe est interdite. En vertu de ce pacte, le Canada, en tant qu'État partie à la convention, a également pour obligation d'assurer un redressement effectif en cas de violation du pacte.

Sharon McIvor et son fils, Jacob Grismer, essaient depuis plus de deux décennies d'obtenir un redressement effectif au Canada. Le projet de loi C-3 n'en offre pas.

En conséquence, nous sommes toujours à la recherche d'un redressement effectif. Sharon McIvor vous a dit que le seul redressement effectif pour éliminer la discrimination selon le sexe serait de mettre sur un pied d'égalité les femmes autochtones et leurs descendants et les hommes autochtones et leurs descendants. En d'autres termes, il s'agirait d'accorder aux femmes autochtones et à la lignée féminine le plein statut au sens de l'alinéa 6(1)a). Le Comité ne devrait appuyer rien de moins que cela.

Le sénateur Kochhar : Merci, madame la présidente, et merci aux témoins. Madame McIvor, j'admire votre courage et votre passion dans la poursuite de votre combat, mais cela n'existe pas, un projet de loi qui soit parfait. Je n'en ai encore jamais vu un seul. La plupart des projets de loi font l'objet de compromis de manière à contenter les nombreux intéressés pour lesquels ils ont été rédigés.

Au tout début, vous avez dit que le projet de loi C-3 est bon pour la poubelle. Selon vous, jusqu'où pensez-vous pouvoir aller? Je ne parle pas ici de l'égalité entre les sexes. Jusqu'où pensez-vous que puisse aller votre statut?

Le sénateur Brazeau est mon mentor en matière d'affaires indiennes, bien que je sois un Indien plus pur que lui. Tout cela étant dit, j'aimerais savoir jusqu'où vous pensez que le statut puisse aller. Si un Indien pur épouse un non-Indien, et que ce non-Indien épouse un autre non-Indien, et que ce non-Indien épouse un autre non-Indien, jusqu'où pensez-vous pouvoir transmettre le statut?

Laissons de côté l'égalité entre les sexes. Je conviens qu'il devrait y avoir égalité des sexes dans tous les cas. Cependant, lorsque j'ai quitté mon pays, j'en ai perdu la citoyenneté. Je suis devenu Canadien, et je suis très heureux d'être un Canadien.

Dans votre cas particulier, j'aimerais savoir jusqu'où devrait se perpétuer le statut d'Indien. D'autre part, si vous avez des réflexions au sujet de l'amendement qui a été déposé à la Chambre et qui a été jugé irrecevable par le Président de la Chambre, j'aimerais que vous nous en fassiez part. Personne n'a parlé de ces amendements particuliers.

La présidente : Avant que les témoins ne commencent, sénateurs, chacun disposera de cinq minutes pour les questions et réponses. Et je suis certaine que ces questions ou aspects seront soulevés à nouveau. J'ignore comment nous allons faire. Nous pourrions encore commencer par mettre toutes les questions sur la table, et vous laisser toutes deux revenir, si vous voulez.

Les sénateurs auraient-ils quelque commentaire à faire à ce sujet? Les membres du comité souhaitent-ils disposer chacun de cinq minutes, ou bien préféreriez-vous regrouper toutes les questions. Bien, ce sera cinq minutes chacun.

Je soulignerai que vous n'avez pas quitté votre pays. Ceci est votre pays.

Mme McIvor : Ç'aurait été là mon premier commentaire. Non seulement je suis née dans mon pays et dans mon territoire, mais je vis et je travaille à moins d'un demi-mille du lieu même où je suis née. Je suis née à la maison, comme cela a été le cas de ma mère, de ma grand-mère et ainsi de suite en remontant aussi loin en arrière que nous le pouvons. Mes enfants et mes petits-enfants sont également nés là. Je ne suis pas partie très loin.

La question dont nous discutons ici aujourd'hui n'est pas celle de savoir jusqu'où nous allons maintenir cette reconnaissance. Nous sommes en train de parler de l'inégalité entre les sexes, qui refuse aux descendants de femmes un statut égal à leurs pendants du sexe masculin. C'est la seule chose dont nous discutons ici aujourd'hui. Le projet de loi ne fait rien en la matière. Ne s'en approche même pas.

Les amendements qui ont été déposés à la Chambre des communes et qui ont été déclarés irrecevables nous auraient beaucoup rapprochés du but. Cependant, ce que je suis en train de dire aujourd'hui est qu'il est tout à fait faisable de rehausser le statut des personnes nées entre 1951 et 1985 pour qu'elles jouissent du statut d'Indien en vertu de l'alinéa 6(1)a) ou du paragraphe 6(1). Cela réglerait, sinon un gros morceau du problème, au moins un petit.

Je n'aime pas le projet de loi, et je ne pense pas qu'il devrait être adopté tel quel, car, en ce qui me concerne, il est bon pour la poubelle. Il ne règle tout simplement pas le problème.

Le sénateur Jaffer : Avant de poser ma question, je tiens à saluer le travail de Mme McIvor, au nom de toutes les femmes. Vous avez fait du merveilleux travail. Étant toutes les deux de la Colombie-Britannique, je rends hommage à Mme McIvor et à Mme Brodsky pour le merveilleux travail que vous avez fait à l'égard de la discrimination envers les femmes. J'ignore d'où vous prenez la force pour faire cela, mais je vous en remercie, au nom de nous tous.

J'aurais tellement de questions, mais je ne vais vous en poser qu'une seule. Je pense que la Cour suprême a beaucoup fait dans le sens que vous souhaitez. La Cour d'appel a resserré la chose. J'aimerais savoir ce qu'a fait la Cour d'appel qui a nui à votre position.

Mme McIvor : Je vais demander à Mme Brodsky de répondre à cette question.

Mme Brodsky : Je vous recommanderais la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. La solution proposée par la juge Carol Ross, si elle était adoptée par le Parlement, réglerait la question de la discrimination sexuelle.

La Cour d'appel a offert au gouvernement une porte de sortie qu'il est, semble-t-il, très désireux d'emprunter, mais je vous soumettrai qu'il ne s'agit pas d'une porte de sortie légitime. La Cour d'appel considère que les dispositions en matière d'inscription de la Loi sur les Indiens sont discriminatoires et, qu'en conséquence, elles ne cadrent pas avec l'article 15 de la Charte des droits et libertés. Elles sont discriminatoires selon le sexe. La Cour a cependant accepté la défense mise de l'avant par le gouvernement, à l'effet que la discrimination était justifiée dans l'intérêt de la protection des droits antérieurement acquis par les hommes et leurs descendants.

Je vous soumettrai que le raisonnement est terriblement défectueux en ce que la cause McIvor ne conteste aucunement les droits antérieurement acquis des hommes autochtones et de leurs descendants, comme l'a reconnu la juge Ross. Le grief dans l'affaire McIvor, pour laquelle la juge Ross a élaboré un redressement approprié et effectif, était simplement que les femmes et leurs descendants devraient se voir reconnaître les mêmes droits, sans qu'il soit question d'enlever quelque chose à autrui.

En définitive, l'argument qui ressort est que le Canada est de quelque manière justifié dans son maintien d'une hiérarchie de privilège fondé sur le sexe pour les hommes autochtones et leurs descendants. Cela ne peut pas être justifié et ne devrait pas être une porte de sortie que veuille choisir le Parlement.

Je m'efforce d'expliquer à des collègues et aux auditoires lors de rencontres internationales ce qui est en train de se passer au Canada à l'heure actuelle et comment cette discrimination continue à l'endroit des femmes autochtones et de leurs descendants peut être considérée comme étant justifiée. Les gens trouvent la situation parfaitement incompréhensible et tout à fait troublante.

Le sénateur Jaffer : Nous tous connaissons les paragraphes 6(1) et 6(2). Nous avons eu le bénéfice de bons breffages. Cependant, il y a beaucoup de gens qui nous regardent aujourd'hui qui sont moins au courant. C'est ainsi que je vous demanderais d'expliquer ce que sont les paragraphes 6(1) et 6(2), afin que ceux et celles qui nous écoutent puissent comprendre.

Mme McIvor : Le régime est tel qu'à l'heure actuelle, vous êtes inscrit ou en vertu du paragraphe 6(1) ou en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens. L'inscription en vertu du paragraphe 6(1) est ce que nous appelons la version Cadillac. Cet article établit que quiconque était inscrit ou admissible à l'inscription avant le 17 avril 1985 jouit du statut d'Indien au sens de l'alinéa 6(1)a). Il s'agit de la clause des droits acquis. C'est cette disposition qui a été appliquée à mon frère après qu'ils aient changé d'avis au sujet de l'inscription. Il jouit aujourd'hui d'une inscription Cadillac. Pas moi.

Ce que cela veut dire est que, si vous êtes inscrit en vertu du paragraphe 6(1), vous pouvez en vérité transmettre votre statut à vos descendants, quel que soit l'autre parent. Si vous êtes inscrit en vertu du paragraphe 6(2), il vous faut avoir pour conjoint un autre Indien inscrit pour pouvoir transmettre votre statut, sans quoi celui-ci s'arrête avec vous. Il s'agit en vérité d'un concept plutôt simple.

Le sénateur Baker : Je tiens à féliciter les témoins pour la détermination dont elles ont fait preuve au fil des ans. Madame McIvor, êtes-vous avocate?

Mme McIvor : Oui.

Le sénateur Baker : Vous donnez à l'occasion des cours de droit, n'est-ce pas?

Mme McIvor : Oui.

Le sénateur Baker : Vous êtes professeure de droit. Êtes-vous également avocate plaidante?

Mme McIvor : Oui.

Le sénateur Baker : Avez-vous jamais plaidé devant les tribunaux relativement au paragraphe 11b) de la Charte?

Mme McIvor : Oui.

Le sénateur Baker : Le paragraphe 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés dit qu'un jugement doit être rendu dans un délai raisonnable. Je concède qu'il est question d'affaires pénales, et des lignes directrices sont bien établies.

Mme McIvor : Il s'agit de la décision R. c. Askov.

Le sénateur Baker : Vous avez plaidé dans l'affaire R. c. Morin, et avez-vous récemment remporté des victoires au tribunal?

Mme McIvor : Oui.

Le sénateur Baker : Vous voici ici; cela vous aura demandé deux décennies, pour une affaire de discrimination. Justice différée est justice refusée. Il vous aura fallu deux décennies pour obtenir un jugement qui était rationnel et bien étayé, pour ensuite le voir en partie cassé par la Cour d'appel. Le gouvernement se retourne et se range du côté de la Cour d'appel et non pas de la décision originale. Et maintenant, nous avons une décision du Président de la Chambre qui dit que si l'on s'écarte un tant soit peu du contenu du projet de loi C-3, alors la chose sera considérée comme irrecevable à la Chambre des communes. Le Président de la Chambre des communes a dit que tout amendement serait irrecevable à la Chambre des communes, non seulement s'il est contraire à la décision de la Cour d'appel mais même s'il diverge de ce que renferme à l'heure actuelle le projet de loi C-3.

J'aimerais vous poser la question que voici. Chaque fois que j'entends citer votre nom, cela me vient à l'esprit. Je sais que vous êtes avocate plaidante et professeure de droit. Qu'y a-t-il qui ne tourne pas rond dans le système? Vous avez en face de vous le ministère de la Justice du Canada, et non pas le ministère de l'injustice. J'imagine que, lorsque vous perdez une cause, on court après vous pour que vous payiez les coûts.

Mme McIvor : Oui.

Le sénateur Baker : Est-il vrai que le ministère a délibérément érigé des barrières devant vous chaque fois que vous avez essayé de porter en justice la question de la discrimination?

Mme McIvor : Notre expérience a été qu'il y a bel et bien eu de nombreuses motions d'ajournement, et il nous fallait alors monter une stratégie de manière à pouvoir surmonter l'ajournement et entamer les préparatifs pour la cour. Lorsque nous avons fini par obtenir que soit nommée la juge responsable de la gestion de l'instance, afin que chaque fois que nous allions en cour, nous nous trouvions en face de la même juge, elle a dit « Il y en a assez des ajournements; nous allons en justice ».

L'avocat du ministère de la Justice qui avait demandé les ajournements a disparu du dossier, et une autre femme est venue pour commencer à se préparer pour le procès. Il m'avait semblé que la stratégie visait l'ajournement. L'homme qui avait été l'avocat au départ avait cela pour seule tâche. Il disait toujours qu'il partait ajourner le procès de quelqu'un d'autre.

Le sénateur Baker : Vous parlez de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Vous n'êtes pas passée par la Cour fédérale.

Mme McIvor : Non.

Le sénateur Baker : Y a-t-il une raison à cela? Bien sûr, ce processus est encore plus étiré.

Mme McIvor : Je pense que j'ai déposé mon appel en juillet 1989. La loi disait que je devais faire appel auprès de la cour de comté. Notre cour de comté en Colombie-Britannique a été dissoute, et c'est la Cour suprême de la Colombie- Britannique qui est devenue par la suite la cour par défaut.

Le sénateur Baker : Toute personne alléguant aujourd'hui qu'il y a discrimination ou souhaitant faire corriger une discrimination selon le sexe, ou pour quelque autre motif, se trouvera-t-elle confrontée à la même perspective de devoir attendre pendant encore une autre période indéterminée de 10 ou 20 ans? Des changements ont-ils été apportés en la matière?

Lorsque nous adoptons de mauvaises lois, nous comptons sur les tribunaux pour que la chose soit portée à l'attention des gens. Cependant, si la chose n'est pas portée à notre attention, comment donc la situation peut-elle être corrigée? Auriez-vous quelques suggestions pour le long terme pour quiconque se trouverait dans la même situation que vous?

Mme McIvor : Je me suis trouvée confrontée à plusieurs barrières, dont l'une, bien sûr, a été le facteur coût. Nous avons estimé qu'il nous en aura coûté au bout du compte environ un quart de million de dollars pour en arriver à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. C'est un coût énorme pour quiconque lance une contestation. Il n'existe aucun appui. J'ai parcouru le pays suppliant les gens de nous donner de l'argent pour que nous puissions aller de l'avant.

La stratégie n'a pas du tout changé au ministère de la Justice. Je sais que les autres avocats plaidants qui sont là disent qu'on leur sert la même chose. Ils disent « Attendez l'arrêt McIvor ». Nous avons finalement obtenu un arrêt McIvor, mais c'est la même chose : la compilation de documents et quantité de choses.

Non, je ne pense pas que la situation ait changé. Je commence à me faire vieille maintenant, et je me dis que le changement suivant ne se fera peut-être pas de mon vivant.

Le sénateur Baker : Il existe un manuel des politiques de la Couronne lorsque vous traitez avec des procureurs de la Couronne dans les provinces. Donne-t-on au ministère de la Justice des conseils pour que les avocats plaidants soient encouragés à régler ces affaires de discrimination sur la base de leurs mérites? Existe-t-il ce genre de documents, de règles ou de normes de conduite qui s'appliquent aux avocats du ministère de la Justice, comme il s'en applique aux procureurs de la Couronne, au niveau provincial, pour les affaires pénales?

Mme McIvor : Je n'en connais pas.

Le sénateur Baker : Recommanderiez-vous qu'il en soit adopté?

Mme McIvor : Absolument. Cela n'a pas été notre expérience. Notre expérience a été assez mauvaise. L'on aurait tendance à croire que l'éthique le voudrait. Bien sûr, tout ce qui pourrait faciliter le processus pour que justice soit rendue en temps opportun serait bénéfique.

Mme Brodsky : Puis-je ajouter un point, rapidement? Il n'est pas réaliste de croire que la discrimination sexuelle résiduelle dans la Loi sur les Indiens, si elle n'est pas réglée par le Parlement, le sera par les tribunaux. Outre les problèmes des reports, identifiés par le sénateur Baker et confirmés par Mme McIvor, la décision de la Cour d'appel est une décision plutôt impénétrable, la cour ayant dit que le maintien d'une hiérarchie discriminatoire selon le sexe est, en ce qui concerne les femmes autochtones et leurs descendants, justifié. Cela ne vient qu'augmenter le fardeau du comité pour ce qui est d'exprimer son rejet de ce projet de loi discriminatoire du moyen le plus ferme qu'il connaisse.

Le sénateur Baker : Mais vous connaissez la décision du Président de la Chambre des communes, n'est-ce pas?

Mme Brodsky : Je sais que le gouvernement a cherché à obtenir une décision l'empêchant d'accepter les amendements. Sans revoir la décision du Président de la Chambre, je ne peux pas dire que je conviens que sa décision soit allée aussi loin que vous le dites, mais je vous accorde que vous l'avez peut-être lue plus récemment que moi.

J'aimerais ajouter encore un point. Je ne cesse de lire les déclarations de porte-parole du gouvernement à l'effet que le besoin est urgent et que nous agissions pour combler le fossé législatif qui menace. C'est une esquive. C'est un délai imposé par le gouvernement. Ce n'est pas un délai imposé par un tribunal. Depuis le début, le gouvernement recourt aux tribunaux pour dire combien de temps il lui faut. Si le gouvernement n'a pas prévu suffisamment de temps pour réparer comme il se doit la loi, alors il lui incombe de dire au tribunal qu'il lui faut davantage de temps. Le gouvernement tient un pistolet à la tempe des parlementaires de bonne conscience depuis le tout début, et c'est du pur artifice. Et nous voilà.

Le sénateur Andreychuk : Je suis certaine que le sénateur Baker n'a pas voulu dire que les avocats du ministère de la Justice du Canada retardent délibérément l'affaire au titre de quelque politique gouvernementale. Je n'en connais pas de telle. Si c'est ce qu'il dit, alors j'aimerais qu'il en fasse le dépôt.

D'autre part, les avocats, tant de la défense que de la poursuite, demandent souvent des ajournements. C'est à la cour qu'il revient de déterminer quand un report est juste ou injuste. Les tribunaux peuvent refuser les ajournements. Cependant, cela devrait être poursuivi entre le sénateur Baker et moi-même et avec toutes nos causes de droit.

Le sénateur Baker : Qu'il figure au compte rendu que le sénateur Andreychuk est une ancienne juge.

Le sénateur Andreychuk : C'est parfois moins le propos des avocats; mais c'est à la cour qu'il revient, j'ose espérer, d'en décider dans chaque cas.

Madame McIvor, vous avez livré votre argumentation. Vous nous dites qu'avec ou sans les amendements au projet de loi à la Chambre des communes, le projet de loi C-3 ne répond pas à vos attentes. Votre position est très claire.

Madame Brodsky, je comprends également votre argumentation. Vous n'êtes pas d'accord avec la Cour d'appel. Vous avez préféré et accepté le raisonnement initial de la cour, par opposition à la décision de la Cour d'appel. Je veux bien. C'est ce que font les avocats. Vous contestez par ailleurs les paramètres du Président de la Chambre des communes, et je vous appuie là-dessus.

Cela m'amène en conséquence à ceci : vous dites que nous ne pouvons pas traiter graduellement de la question de l'égalité. Pourtant, je pense que c'est exactement ce que nous faisons, sauf que mon interprétation de « graduellement » est différente de la vôtre. Il ne s'agit pas de dire que, tout d'un coup, tout ce qui est inéquitable, injuste ou inégal doit être corrigé rapidement, car nous avons des opinions différentes de ce qui est équitable, de ce qui est juste et de ce qui est égal. C'est pourquoi il y a eu demande à la cour. La cour a dit certaines choses à un niveau. Au deuxième niveau, elle a dit qu'il fallait régler le problème pour telle catégorie, et elle a resserré la portée de l'inégalité à cette fin.

Le projet de loi C-3 traite de cet aspect, et n'écarte pas les autres questions. Je dirais simplement que ce n'est pas graduel. On a traité pleinement du problème, mais dans un contexte étroit. Ai-je raison?

Mme Brodsky : Merci de vos remarques. Nous ne convenons pas que le projet de loi satisfait aux exigences de la décision de la Cour d'appel. Comme l'a indiqué Mme McIvor, il demeure une asymétrie qui est une inégalité formelle dans la façon dont le projet de loi C-3 traite les petits-enfants de la lignée masculine nés avant le 17 avril 1985, comparativement aux petits-enfants de la lignée féminine nés avant le 17 avril 1985.

Les petits-enfants patrilinéaires jouiront du plein statut d'Indien inscrit en vertu de l'alinéa 6(1)a), et qui est conféré à ceux qui sont généralement reconnus comme étant pleinement Indiens — les « vrais Indiens ». Voilà ce que cela dénote implicitement, sur le plan social et culturel. Cependant, les petits-enfants matrilinéaires nés avant le 17 avril 1985 recevront le statut d'Indien au titre du paragraphe 6(2). Comme vous le savez, le statut en vertu du paragraphe 6(2) est un statut inférieur en ce qu'il ne peut pas être transmis par la personne seule. Du côté masculin, il n'y aura pas d'Indiens en vertu du paragraphe 6(2) nés avant le 17 avril 1985. Même avec une interprétation étroite de la décision étroite de la Cour d'appel, il demeure une inégalité formelle.

Pour ce qui est de l'aspect gradualisme, je comprends, de manière générale, que nous pourrions convenir que la société peut avancer graduellement dans sa prise de conscience de ce qu'est la discrimination, mais nous avons, en l'espèce, autre chose qui se passe : il y a une reconnaissance qu'il s'agit de discrimination. En tant que société, nous en sommes arrivés au stade de la pleine et entière prise de conscience. Je vous soumets que nous tous autour de cette table comprenons. À moins qu'il n'y ait quelque détail technique quant à la façon dont fonctionne le régime que vous ne comprenez pas, vous comprenez, viscéralement en tout cas, que ce projet de loi est discriminatoire. Nous ne pouvons pas dire, au nom du gradualisme, que nous pouvons appuyer ce que nous avons reconnu comme étant discriminatoire, surtout lorsque, comme c'est le cas ici, il n'y a pas d'intérêts compensateurs. Il ne sera fait de tort à personne du fait de l'élimination complète, entière et finale de la discrimination selon le sexe. Il n'y a pas d'intérêts contraires. Il s'agit tout simplement de discrimination formelle ordinaire à l'ancienne, et qui est presque sans précédent ailleurs aujourd'hui dans la loi canadienne.

Le sénateur Andreychuk : Nous pourrions continuer de débattre de ce point. J'accepte le propos du sénateur Baker quant au temps qu'il faut pour passer par le cheminement à la cour. N'en sommes-nous pas rendus au stade où la cour a lancé au gouvernement le défi de changer la loi? Le gouvernement a changé la loi, même si le résultat pourrait laisser à désirer; cela arrive. Le gouvernement a réagi à la situation en disant qu'il nous faut nous asseoir à la table de manière à ne pas procéder cas par cas, dossier par dossier, et intervenir par voie de pleine consultation. Considérez-vous que les organisations de leadership autochtone et d'autres seraient des parties appropriées pour négocier avec le gouvernement du Canada?

Mme Brodsky : Lorsqu'on mélange les torchons et les serviettes, cela sème la confusion dans la conversation, je pense. L'appartenance aux bandes, aussi connue sous l'appellation citoyenneté des collectivités autochtones, est en train d'être assimilée à l'inscription et au statut d'Indien inscrit. Lors de l'adoption de la loi de 1985, le gouvernement fédéral avait séparé ces deux choses, pour en faire des éléments distincts. Il n'est aucune question relative à la discrimination fondée sur le sexe et au statut d'inscription des Indiens qui puisse légitimement faire l'objet de consultation, de négociation ou de débat. Il s'agit purement et simplement de discrimination selon le sexe.

Les questions concernant l'augmentation du nombre de membres des bandes sont tout à fait autres et distinctes de celles du statut d'inscription, qui est la seule question soulevée dans cette cause; et celle-ci pourrait être réglée proprement et complètement. Il est inapproprié de consulter quiconque quant à la question de savoir si c'est la bonne chose à faire. La question a été décidée au Canada. Nous ne faisons pas de discrimination. C'est un engagement que nous avons pris.

Le sénateur Brazeau : J'aurais un rapide commentaire et deux questions. J'aimerais vous rendre hommage, madame McIvor, pour le travail, la patience, la souffrance et les ennuis que vous avez endurés tout au long de ce processus. De nombreux membres des Premières nations de partout au pays, qui seront touchés par ceci et par votre travail si le projet de loi est adopté, m'ont demandé de vous remercier.

Je conviens que le projet de loi C-3 ne corrige pas toutes les inégalités fondées sur le sexe qui sont renfermées dans la Loi sur les Indiens, mais je reviendrai là-dessus dans la deuxième partie de la question. J'aimerais tout d'abord que vous me précisiez, madame McIvor, à quoi le processus exploratoire devrait, de votre point de vue et de celui des femmes qui seraient laissées de côté par le projet de loi s'il était adopté, ressembler. Vous avez parlé de tonnes d'argent que l'on jette aux organisations autochtones; mais qu'est-ce qui, selon vous, devrait être fait?

Mme McIvor : Je ne pense pas que le processus exploratoire devrait être utilisé en échange d'une peine reconnaissance des droits à l'égalité et des droits de la personne. Je ne pense pas que cela ait été fait dans le cas de quiconque, sauf les femmes indiennes. C'est ce qui a été fait à répétition dans le cas des femmes indiennes. Nous ne pouvons pas faire reconnaître nos droits à l'égalité en ce qui concerne les biens matrimoniaux, car il nous faut consulter à ce sujet les bandes. Nous ne pouvons pas obtenir la pleine reconnaissance de nos droits à l'égalité, parce qu'il nous faut consulter. Où d'autre au Canada est-il nécessaire de consulter pour déterminer s'il est acceptable qu'un groupe donné de personnes exercent pleinement ses droits à l'égalité et ses droits en tant qu'êtres humains? Je ne comprends pas pourquoi c'est ce qui se passe avec le processus exploratoire. Je ne comprends pas. Nous parlons de droits de la personne et de droits à l'égalité. Personne ne devrait pouvoir me dire : « Eh bien, nous avons consulté, et ils ne pensent pas que vous devriez pouvoir exercer vos droits à l'égalité ».

Je ne parviens pas à comprendre ce que vous voulez dire lorsque vous parlez d'un processus exploratoire alors qu'il est question, purement, de droits à l'égalité et de droits de la personne. Cela a été enlevé à l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne de 2008. De quoi parlons-nous en ce moment avec la Commission canadienne des droits de la personne? Pour les femmes indiennes vivant en réserve, peut-être qu'il nous faut veiller à ce qu'elles puissent exercer leurs droits au même titre que les autres femmes canadiennes.

Pourquoi nous autres femmes indiennes devons-nous nous soumettre à un processus exploratoire afin que d'autres puissent dire : « Oui, vous pouvez exercer vos droits » ou, « Non, vous ne pouvez pas exercer vos droits »? Nous parlons d'exercer des droits à l'égalité. Allez-y, explorez toutes sortes de choses; l'appartenance — explorez la question. Cela ne fait pas partie de cette cause. Nous avons été très précis. L'appartenance aux collectivités ne fait pas partie de cette cause. Celle-ci se limite à ma relation et à celle de mes sœurs autochtones avec le gouvernement fédéral. Cela n'a rien à voir avec les communautés.

Le gouvernement fédéral a choisi, en dépit de la décision de madame la juge Ross, qui a séparé ces choses, d'inscrire l'appartenance ici et de renvoyer toutes ces personnes auxquelles il reconnaîtra le statut aux bandes, sans consultation aucune de ces dernières. C'est une esquive, et on est en train de mélanger des torchons et des serviettes. Le plein exercice, maintenant, des pleins droits en matière d'égalité et des droits de la personne, voilà ce que je veux, et rien de moins que cela ne sera acceptable par moi.

Le sénateur Brazeau : Je comprends cela. Ma deuxième courte question s'adresse à Mme Brodsky. Vous avez dit que le projet de loi C-3 est discriminatoire. Je pense qu'il est important de faire la distinction entre une liste de choses que l'on souhaiterait avoir, et que je comprends parfaitement, car le projet de loi n'englobe pas toutes les dispositions discriminatoires ou toutes les dispositions qui traitent les gens différemment selon le sexe, et la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, qui traite expressément du cas de Mme McIvor et de la situation de sa famille. La réponse du gouvernement dans le cadre du projet de loi visait particulièrement cela, et non pas toute la gamme de questions renfermées dans la Loi sur les Indiens. Or, vous déclarez malgré tout que le projet de loi C-3 est discriminatoire.

Conviendriez-vous que peut-être que c'est la Loi sur les Indiens qui est discriminatoire, par opposition au projet de loi C-3?

Mme Brodsky : Je ne pense pas que nous puissions séparer les deux choses, sénateur Brazeau. Le projet de loi C-3 prétend modifier un régime discriminatoire. La Loi sur les Indiens fait de la discrimination en fonction du sexe. Le projet de loi C-3, en tant qu'ajout à cela, permettra le maintien du régime discriminatoire. Il s'inscrit à l'intérieur d'un régime discriminatoire. Il fait de la discrimination contre les femmes autochtones et leurs descendants.

Mme McIvor : Pour être très précise, le projet de loi confère également aux descendants de femmes autochtones, aux petits-enfants de femmes autochtones nés avant le 17 avril 1985, un statut inférieur à celui accordé aux petits-enfants d'hommes autochtones. Les descendants de femmes autochtones se voient accorder le statut d'Indien en vertu du paragraphe 6(2). Ces personnes ne se verront accorder que le statut d'Indien en vertu paragraphe 6(2), ce qui est donc, a priori, discriminatoire sur le plan des droits. Je considère que cela ne cadre pas avec la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Merci encore. Je suis très heureuse de vous voir ici.

Convenez-vous que le projet de loi C-31 et le projet de loi C-3 sont des projets de loi du genre « c'est à prendre ou à laisser »? C'est à prendre ou à laisser, ou alors le gouvernement adoptera ce qu'il veut sans entendre le point de vue des femmes?

Mme Brodsky : Je pense que c'est là une question qu'il me faut en réalité vous renvoyer à vous, ainsi qu'à vos collègues au comité, sénateur Lovelace Nicholas. Nous ne sommes pas ici pour négocier au sujet de la discrimination selon le sexe. Nous ne sommes pas des joueurs dans ce jeu-là. Le gouvernement fait ce qu'il fait, et il nous incombe à nous de vous dire, de la manière la plus convaincante possible, en quoi le projet de loi est une erreur, en quoi il est une sérieuse violation des obligations du Canada relativement aux droits à l'égalité des femmes. C'est tout ce que nous pouvons faire pour vous, et votre travail à vous, en tant que dirigeants démocratiques, est maintenant d'exercer votre devoir selon votre conscience.

Le sénateur Lovelace Nicholas : À votre connaissance, les femmes autochtones dans ce pays sont-elles les seules femmes à avoir perdu leur statut, leur droit de naissance?

Mme McIvor : À ma connaissance, sénateur Lovelace Nicholas, les femmes autochtones ont toujours eu une moindre place que celle des autres femmes canadiennes. Que je sache, nous sommes le seul groupe à voir vécu la perte de notre droit à l'égard de nos communautés, comme vous le savez, du fait de votre expérience, et comme nous, nous le savons, du fait de la nôtre. Nous sommes le seul groupe à nous trouver encore dans l'impossibilité d'exercer nos pleins droits, du fait que la loi traîne derrière.

Mme Brodsky : Je suis par ailleurs en train de me dire que l'actuel Président du Sénat a peut-être quelques souvenirs en ce qui concerne ce qui ne va pas avec le projet de loi C-3. Pendant que je me préparais à venir ici, j'ai lu le dossier officiel des Nations Unies sur votre cas, l'affaire Lovelace, de la fin des années 1970 jusque dans les années 1980, sénateur Lovelace Nicholas. J'ai constaté que Noël Kinsella, l'actuel Président du Sénat, avait préparé pour vous les documents à soumettre aux Nations Unies, il y a de cela 30 ans maintenant, alors qu'il était commissaire de la Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick. Je me demande comment il se sent face au fait que nous soyons ici en train de refaire tout cela à nouveau. Ne pouvons-nous pas apprendre et faire mieux que cela en tant que Canadiens?

Le sénateur Lovelace Nicholas : Merci de vos réponses.

La présidente : Merci beaucoup à toutes les deux d'être venues. Nous avons entendu tout un témoignage de la part de vous deux.

Nous sommes ravis ce soir d'accueillir des représentants des Chiefs of Ontario, des Femmes Autochtones du Québec Inc. et de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, qui comparaissent par vidéoconférence.

Nous allons commencer avec Angus Toulouse. Nous sommes heureux de vous revoir.

Angus Toulouse, chef régional de l'Ontario, Chiefs of Ontario : Merci, et merci de me recevoir. Bonsoir, sénateurs. Je viens de la Nation anishnabek, sur la rive nord du lac Huron.

[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]

Je comparais ici aujourd'hui au nom des Chiefs of Ontario. Je tiens à vous remercier de l'invitation qui nous a été faite de venir comparaître devant vous au sujet de cette question importante.

Permettez-moi de commencer par dire que les chefs en Ontario ne s'opposent pas à l'égalité. De fait, avant le contact avec les Blancs, nos sociétés jouissaient d'un équilibre dans les responsabilités entre les sexes et avaient une révérence et un respect pour les femmes dépassant de loin ce qui existe dans la société d'aujourd'hui. Je sais que c'est sans doute la norme pour les témoins de se concentrer sur certains articles du projet de loi à l'étude, mais je vais, pour ma part, vous entretenir de certaines questions plus vastes qui sont d'importance égale et qui méritent d'être examinées.

Je veux parler, tout particulièrement, de l'approche intrusive et paternaliste continue du gouvernement en ce qui concerne les identités des peuples autochtones du Canada. Les témoignages entendus jusqu'ici au sujet du projet de loi, du côté de la Chambre et devant le comité sénatorial, ont évoqué cette question, mais n'en ont pas traité dans le contexte dans lequel s'inscrit cette situation. Ce contexte est celui de la colonisation. Nos identités, et j'entends par là tous les aspects, qu'ils soient politiques, psychologiques, individuels ou collectifs, ont été sérieusement entamées au cours des derniers siècles. Bien que nous n'ayons jamais cédé notre droit de nous identifier nous-mêmes, des définitions et des concepts étrangers, comme le statut d'Indien et l'appartenance à une bande, nous ont été imposés.

Tristement, ces définitions ont presque complètement usurpé nos propres façons autochtones traditionnelles de nous identifier nous-mêmes, en tant qu'individus et en tant que nations. Je comprends que le gouvernement fédéral considère cette terminologie nécessaire pour déterminer qui peut bénéficier des droits et avantages qui nous sont dus en vertu de traités, de la Constitution et d'autres textes de loi.

Cependant, les effets néfastes qu'a eus cette approche sur notre collectivité, sur notre droit humain à l'auto- identification, demeurent ignorés par le Canada. Je suis ici pour informer le comité que les Premières nations sont en train de se rebâtir, de se revigorer et de guérir, et que l'approche paternaliste et coloniale continue du gouvernement ne nous aide pas dans ce processus en cours.

Le Canada devrait, au minimum, agir conformément à la Déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies, étant donné surtout sa récente soi-disant adhésion à cet important document. Plus précisément, je suggère que le Canada reconnaisse les effets néfastes de la Loi sur les Indiens et d'autres lois visant l'identité des Premières nations, et s'engage à respecter pleinement le droit humain fondamental de déterminer leur propre citoyenneté, que possèdent d'autres peuples indigènes.

Lorsque le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a comparu devant le comité il y a une semaine, il a déclaré qu'il interviendrait un processus d'engagement, dirigé par cinq organisations nationales autochtones, si le projet de loi C-3 était adopté, et que le gouvernement ne serait là qu'à titre d'observateur. Le problème avec ce projet d'engagement sur des questions plus larges est que la prémisse sous-tendante reflète toujours un paternalisme très enchâssé. Malheureusement, les stratégies d'engagement ne fonctionnent pas, et j'utiliserais, à titre d'exemple, l'initiative en matière de BIM, ou biens immobiliers matrimoniaux.

Au bout du compte, le gouvernement fédéral va de l'avant avec son approche préférée, en dépit des vues différentes, et souvent dissidentes, de plusieurs Premières nations ou individus. Les Premières nations se trouvent alors compromises, du fait d'avoir accepté de participer. Le gouvernement fédéral ayant qualifié leur participation de « consultation », ce ne devrait étonner personne que les Premières nations en Ontario aient, encore une fois, refusé de participer, pour éviter une fausse consultation, ainsi que pour éviter une acceptation tacite de la prétendue compétence du Canada dans la détermination de qui est et de qui n'est pas un Autochtone.

Étant donné la nature intrinsèque du rétablissement de l'identité politique, il est préférable que ces questions soient traitées, à la base, par les intéressés eux-mêmes. Il est déraisonnable de s'attendre à ce que ce travail se fasse à l'intérieur d'un processus d'engagement, fonction d'un échéancier parlementaire ou financier de quelques mois. Cela a pris des siècles pour nous coloniser. Il faudra du temps pour guérir les dommages causés.

Il importe également de souligner que, même après un long processus de décolonisation, il est peu probable que les nombreuses Premières nations très diversifiées dans leurs langues et leurs cultures en arrivent à un consensus sur autre chose que des principes clés dans le contexte des questions plus vastes.

Je vais maintenant vous expliquer encore davantage le contexte des Premières nations, qui sont à l'heure actuelle aux prises avec des difficultés en ce qui concerne leurs identités, et la façon dont cela est lié à la Loi sur les Indiens et au manque continu de respect par le Canada de notre droit humain fondamental de déterminer qui appartient à nos nations.

Les questions d'identité et d'appartenance autochtones au Canada ne peuvent pas être examinées sans reconnaître au préalable le contexte de colonialisme qui continue d'exister au Canada et d'avoir une incidence néfaste sur les Premières nations. Nous avons, individuellement et collectivement, vécu l'intrusion de la Loi sur les Indiens dans nos vies quotidiennes, et ce depuis plusieurs générations. Non seulement notre sentiment d'appartenance culturelle a été miné par les définitions imposées à nous par le Canada, mais nos psychologies, spiritualités et structures politiques en ont toujours ressenti les effets.

Une situation qui a servi à appuyer l'effritement de nos identités collectives a été notre dépendance économique à l'égard du gouvernement du Canada, situation qui a découlé de l'ignorance délibérée de nos droits des traités, de notre privation de nos terres et de nos ressources, et de lois paternalistes.

Cette malheureuse réalité sert à illustrer, d'une part, à quel point nous sommes devenus dépendants de l'utilisation de définitions d'« Indiens », de « bandes », de « membres de bande » et d'« Autochtones » qui sont toujours liées aux droits et aux avantages dont nous avons besoin pour vivre. Ces droits et avantages sont souvent rattachés à notre capacité d'accéder à notre mode de vie traditionnel, en lien avec la terre.

Avant la colonisation, c'est ce lien avec la terre qui nous a aidés à forger nos identités. L'interconnexion entre nos identités d'avant la colonisation et la terre est telle que toute ingérence dans cette relation nous causera énormément de tort. C'est pourquoi nous ne pouvons pas envisager d'isoler un morceau du problème à la fois. Le Canada a endossé la Déclaration des Nations Unies, et il est maintenant temps de prendre des mesures concrètes.

À titre de rappel des droits spécifiques en matière d'identité qui se trouvent renfermés dans la déclaration, je vous renverrais à l'article 9 et à l'alinéa 8.2a). L'article 9 dit ceci :

Les autochtones, peuples et individus, ont le droit d'appartenir à une communauté ou à une nation autochtone, conformément aux traditions et coutumes de la communauté ou de la nation considérée. Aucune discrimination quelle qu'elle soit ne saurait résulter de l'exercice de ce droit.

L'article 8 dit ceci :

1. Les autochtones, peuples et individus ont le droit de ne pas subir d'assimilation forcée ou de destruction de leur culture.

2. Les États mettent en place des mécanismes de prévention et de réparation efficaces visant :

a) Tout acte ayant pour but ou pour effet de priver les Autochtones de leur intégrité en tant que peuples distincts, ou de leurs valeurs culturelles, ou leur identité ethnique;

En conclusion, je demanderais au comité de faire les recommandations suivantes au gouvernement fédéral au sujet du projet de loi C-3 et du processus d'engagement proposé en matière de citoyenneté. Premièrement, le Canada doit assurer une reconnaissance et un respect concrets pour le droit des Premières nations de déterminer et de contrôler leurs propres identités et règles d'appartenance. Deuxièmement, le Canada devrait reconnaître son passé colonial et s'engager à mener un processus de décolonisation. Cela devrait servir de fondement pour tous les autres efforts destinés à aider les peuples des Premières nations. Troisièmement, le Canada devrait se plier aux normes en matière de droits de la personne énoncés en droit international relativement aux peuples autochtones, notamment le droit autochtone de déterminer identité et appartenance, ainsi que le droit à un consentement libre, antérieur et éclairé.

Enfin, le Canada, œuvrant aux côtés des Premières nations, devrait se concentrer sur les relations financières en vue de s'écarter des arrangements de contribution insatisfaisants actuels et de traiter de la réalité selon laquelle les ramifications sur le plan du coût sont un intérêt clé sous-tendant l'insistance par le gouvernement pour contrôler le statut.

Enfin, dans l'intérêt d'une information contextuelle plus complète, je recommanderais aux gens de lire First Nation Perspectives on Political Identity, de Taiaiake Alfred, de l'Assemblée des Premières Nations. Je vous en ai remis une copie aux fins de distribution.

Merci.

La présidente : Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Mme Audette, qui comparaît au nom des Femmes Autochtones du Québec Inc.

[Français]

Michèle Audette, présidente, Femmes Autochtones du Québec Inc. :

[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]

Je remercie la nation Anishinabe de m'accueillir dans son territoire. J'ai un peu bafoué lors de ma présentation, c'est parce que je suis heureuse de me retrouver ici parmi vous.

Mesdames, Messieurs et membres du comité, Femmes autochtones du Québec apprécie grandement cette occasion qui lui est donnée de présenter, encore une foi, au gouvernement, la discrimination historique dont sont victimes les femmes autochtones, et surtout nos enfants, une injustice qui, malheureusement, n'a pas été corrigée, en 1985, avec le projet de loi C-31.

Nous reconnaissons qu'il est nécessaire de modifier la nature archaïque de la Loi sur les Indiens. Cette loi paternaliste, désuète et je dirais même passéiste, stipule que le contrôle des terres allouées aux Autochtones revient au gouvernement canadien et met en tutelle juridique les personnes indiennes, ce qui nous rend d'ailleurs inaptes à signer un testament ou à administrer nos biens. Elle définit qui est Indien, qui ne l'est pas.

Elle contrôle même l'entrée et la sortie des gens dans la réserve. J'ai beau essayer toutes les crèmes anti-rides, légalement j'ai 17 ans. Mais dans la vraie vie, mon corps a 39 ans. Comme tous les Indiens inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens, nous sommes reconnues comme des mineures.

C'est dans ce contexte particulier que s'est formée une discrimination systémique envers les femmes autochtones. Aujourd'hui, le gouvernement canadien présente le projet de loi C-3; un projet de loi qui vise à renforcer l'équité des sexes dans les dispositions de la loi qui régit l'inscription.

Il n'y a pas très longtemps de cela, plus précisément le 4 mai dernier, un groupe de femmes, dont une des porte- paroles est ici avec nous, Mme Viviane Michel de la Marche Amun, ont marché de Wendake, près de Québec, jusqu'à Ottawa; 500 kilomètres pour dire au gouvernement que nous exigeons un projet de loi qui corrigerait toutes les formes de discrimination découlant de la Loi sur les Indiens.

Malgré tous les efforts des groupes autochtones et non autochtones, des experts, des juristes et des leaders, nos recommandations n'ont pas été retenues jusqu'à ce jour. Pourtant, le Canada n'est-il pas reconnu comme étant un pays où on est champion de la justice ou de l'équité?

Je vous dirais, honorables sénateurs, qu'encore une fois il a réussi à nous diviser en tant que peuple sur cette question. Vous entendrez des positions complexes, des positions qui rejettent du revers de la main le projet de loi, sinon des positions qui croient que ce projet de loi, malgré ses grandes faiblesses, doit être adopté pour reconnaître enfin nos grand- mères, nos mères, nos pères, nos frères, nos sœurs et nos petits-enfants; ceux qui ont été discriminés.

Que les choses soient claires aussi; Femmes Autochtones du Québec appuie le projet de loi C-3. Cependant, nous déplorons le fait qu'il y ait eu absence de consultation de la part du gouvernement fédéral sur cette question très importante. Nous sommes préoccupées par l'absence de reconnaissance historique et institutionnalisée de la discrimination subie par les femmes et leurs enfants.

Ce qui fait mal, c'est une discrimination permise en vertu de la Loi sur les Indiens, depuis son imposition en 1876, et non seulement depuis 1951 comme le laisse entendre la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique.

Nous déplorons aussi que des pratiques administratives, telles que celles qui ont trait à la paternité non-déclarée, ne seront pas réglées. Si je mets au monde un enfant suite à un viol ou tout simplement parce que mon conjoint décide de s'enlever la vie ou que c'est un homme qui ne veut pas reconnaître sa responsabilité, saviez-vous qu'ici à Ottawa, le Father in Trust For all Indians, notre fameux père, connu aussi sous le nom du ministre des Affaires indiennes, présume que le père de mon enfant est non autochtone? Alors en tant que maman tombant sous le coup de l'article 6(2) de la loi, vous connaissez la suite de l'histoire.

Nous sommes aussi préoccupées par les problèmes d'ordre sociaux et politique reliés à l'intégration sur et hors réserve des nouveaux arrivants dans les communautés et les problèmes reliés à la capacité financière de ces communautés d'intégrer tout ce nouveau monde et surtout de leur fournir des programmes et des services auxquels ils et elles ont droit.

Nous voulons des garanties selon lesquelles, une fois le projet de loi adopté, les préoccupations et recommandations exprimées par les organismes autochtones sur ledit projet de loi seront dûment prises en considération. Nous voulons un groupe d'experts ayant pour mandat de résoudre les questions laissées en suspens qui vont au-delà des spécificités de la décision McIvor.

Nous voulons rappeler aux honorables sénateurs ici présents que cette discrimination ne touche pas seulement les femmes, mais touche aussi nos hommes, nos enfants. Dans mes mots à moi, ceci n'est pas seulement qu'une question de femmes, mais une question de société.

Cette discrimination va à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi qu'à l'encontre de plusieurs instruments internationaux dont le Canada est signataire, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme; la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes; la Convention relative aux droits de l'enfant et, tout récemment, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

En conclusion, l'organisation Femmes Autochtones du Québec souhaite réitérer son appui à l'adoption du projet de loi C-3, considérant le fait que selon des estimations du ministère des Affaires indiennes, environ 45 000 personnes acquerront le statut d'Indien avec l'adoption de ce projet de loi.

Nous vous demandons la création d'un groupe d'experts. Je dis bien un groupe d'experts ayant pour mandat de trouver des solutions sur les questions laissées en suspens plutôt qu'un simple processus exploratoire.

Je suis fatiguée de me faire « explorer ». Nous sommes intelligents. Nous sommes capables. Nous sommes ceux et celles qui vivons les problèmes. Nous avons les solutions. Ayez confiance en nous. Nous voulons faire partie d'un groupe d'experts; et non un processus exploratoire sans calendrier, tel que présenté par le gouvernement, qui serait restreint qu'aux seules organisations nationales autochtones. L'ensemble des organisations autochtones, des communautés et des individus désirants devraient pouvoir participer à cet important processus, tels que l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador, Femmes Autochtones du Québec; Marche Amun; ou des gens de la base.

Nous avons eu l'appui des leaders au Québec. Oui, le projet de loi C-3 a ses faiblesses, mais les chefs nous ont appuyées dans cette démarche. Nous avons eu aussi des engagements du chef de Cabinet du ministre des Affaires indiennes disant que le groupe exploratoire pourrait devenir plutôt un groupe d'experts au niveau du jargon.

En terminant, je vous dis qu'en tant que mère de cinq enfants, j'ai de la difficulté à croire que mes fils que j'ai mis au monde, comme tous les fils des mères des Premières nations ont plus de droits que nous. Pour moi, c'est une définition d'injustice. Mes droits à l'égalité ne sont pas négociables. Nous voulons travailler avec vous et nous pouvons vous prouver que nous allons le faire de bonne foi.

[Traduction]

La présidente : Nous allons maintenant nous rendre en Saskatchewan, pour entendre le chef Marie-Anne Day Walker-Pelletier, présidente, Saskatchewan First Nations Women's Commission. Faisons d'abord une vérification de l'équipement aux fins de la vidéoconférence.

Chef Marie-Anne Day Walker-Pelletier, présidente, Saskatchewan First Nations Women's Commission, Federation of Saskatchewan Indian Nations : Merci de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître. Je viens de la Première nation okanese, du territoire du Traité 4, et je représente la Saskatchewan First Nations Women's Commission de la Federation of Saskatchewan Indian Nations.

Pour commencer, m'entendez-vous?

La présidente : Oui, et nous entendons également un bruit de friture, et certains sénateurs sont en train de se demander ce qui se passe. Je comprends cependant qu'il s'agit d'un problème technique que nous ne pouvons pas résoudre, comme c'est le cas d'autres problèmes techniques.

Mme Day Walker-Pelletier : Je ferai de mon mieux. Premièrement, il est important de souligner que la Federation of Saskatchewan Indian Nations est en faveur d'efforts visant à promouvoir l'égalité des sexes. De fait, l'égalité entre les sexes est, traditionnellement, une importante pierre angulaire des communautés des Premières nations. Bien que tout effort en vue de corriger des pratiques discriminatoires soit apprécié, il importe de souligner que le projet de loi C-3 ne traite pas des questions centrales que sont la compétence et le droit inhérent des Premières nations de déterminer la citoyenneté.

Clairement, le projet de loi C-3, Loi favorisant l'équité entre les sexes relativement à l'inscription au registre des Indiens, est étroit et limité, en ce qu'il ne vise que le tort fait à un groupe de personnes bien déterminé. Le gouvernement fédéral continuera de définir unilatéralement le statut par le biais des dispositions de la Loi sur les Indiens, une loi qui maintient une classification discriminatoire des Indiens.

La Loi sur les Indiens fait présentement l'objet d'environ 300 contestations du genre McIvor v. Canada. La réaction du gouvernement fédéral sera sans aucun doute de continuer d'être étroit et limité. Plus précisément, il maintiendra son opposition en ce qui concerne la discrimination résiduelle au titre du paragraphe 6(1) et la règle d'interruption après la deuxième génération en vertu du paragraphe 6(2). Ces deux dispositions, qui demeurent, limitent le nombre d'Indiens ainsi que la responsabilité financière en ce qui concerne les programmes et services livrés en vertu de la Loi sur les Indiens.

Depuis 1876, la Loi sur les Indiens et diverses politiques ont été utilisées pour déterminer qui est un Indien et à qui est due une responsabilité fiduciaire. Plutôt que de mettre en œuvre les dispositions de traités, y compris le droit, émanant des traités, en matière d'éducation, de santé et de logement, la Loi sur les Indiens a été utilisée exclusivement pour déterminer la responsabilité fiduciaire du Canada. Il s'agit manifestement là d'un conflit d'intérêt et d'un manquement grave dans la relation de traités de nation à nation.

Avec la mise en œuvre du projet de loi C-3, il a été estimé que le nombre d'Indiens inscrits augmentera d'entre 20 000 et 40 000. Les communautés des Premières nations n'ont à l'heure actuelle aucune assurance d'engagement à augmenter les ressources face à cette demande accrue. Étant donné l'augmentation potentielle de la population, les services d'éducation postsecondaire vivront vraisemblablement une demande accrue, sans pour autant que ne soient prévus des fonds supplémentaires.

À l'heure actuelle, les services de soins de santé sont assujettis à un plafond de financement de 3 p. 100, qui mérite déjà qu'on s'y penche sérieusement. Le logement est encore une autre rubrique qui est sous-financée, et les exigences d'une population encore plus importante sont imminentes.

Tous les aspects que j'ai évoqués sont une lutte au quotidien pour les communautés des Premières nations. Même si nous affirmons notre souveraineté, la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral ne peut pas être oubliée.

Récemment, le Canada a endossé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le Canada a maintenant une obligation morale d'être informé et guidé par la déclaration. Chose intéressante, l'article 33 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones reconnaît aux Premières nations le droit inhérent de déterminer notre propre identité et nos propres règles d'appartenance. Ce droit, qui est un don inhérent conféré par le Créateur, fait partie intégrante de notre souveraineté.

La Federation of Saskatchewan Indian Nations est impatiente de travailler avec notre partenaire au traité, le Canada, pour élaborer des solutions à long terme qui soient équitables et justes pour tous. Il importe d'élaborer une solution durable à long terme, qui assure la transition à partir des dispositions en matière de statut de la Loi sur les Indiens, ce afin de régler toutes les questions constitutionnelles en souffrance.

La Federation of Saskatchewan Indian Nations a élaboré une ébauche de cadre de citoyenneté qui est une solution de rechange viable à plus long terme aux dispositions en matière de statut de la Loi sur les Indiens. Nous aimerions que le gouvernement fédéral jette un deuxième coup d'œil sur ce cadre et identifie pour nous un solide système de soutien afin que nous puissions tendre vers un processus de mise en œuvre pratique.

Nous aimerions également plaider en faveur d'un comité parlementaire spécial qui puisse examiner les questions pertinentes aux Premières nations, dont la citoyenneté, les biens immobiliers matrimoniaux et l'injection dans nos communautés de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans ces trois domaines, des lois qui nécessiteront la fourniture d'information et d'éducation à nos Premières nations au sujet des changements nécessaires dans nos communautés ont été adoptées, sont en train de l'être ou le seront sous peu.

Nous aimerions que ce comité se concentre sur l'élaboration d'un processus pour distribuer de l'information aux leaders et aux membres de notre Première nation, pour établir un projet de budget pour asseoir les ressources et pour discuter du cadre proposé. Nous continuerons de revendiquer des changements plus vastes, car laisser en héritage à nos enfants un legs durable est essentiel à notre existence.

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons commencer les questions avec le sénateur Brazeau.

[Français]

Le sénateur Brazeau : Je vais commencer par vous féliciter, madame Audette, de votre élection à ce nouveau poste de présidente. Je vous remercie également pour votre présentation.

Vous avez mentionné que Femmes Autochtones du Québec appuyait le projet de loi, mais que vous étiez déçue qu'il n'y ait pas eu un processus de consultation — je comprends cela —, cependant, si on regarde un autre projet de loi promulgué en 1999, sous l'arrêt Corbière, une décision de la Cour suprême qui avait à faire avec le droit de vote pour les Autochtones habitant hors réserve et prescrit selon la Loi sur les Indiens quant au processus d'élection, la cour a donné des échéanciers au gouvernement du jour afin qu'il étudie un projet de loi qui devait rectifier la situation, parce qu'il y avait discrimination par rapport au droit de vote.

Aujourd'hui, beaucoup de communautés jouissent d'un scrutin qu'ils appellent « la coutume », mais où subsiste toujours le droit de faire de la discrimination au sein des membres de leur Première nation. Le projet de loi n'a pas corrigé totalement ce problème de la discrimination.

Le projet C-3 que nous avons devant nous ne corrigera pas non plus tous les problèmes de discrimination, par contre, il corrigera tout ce qui est lié spécifiquement au code de Mme McIvor.

Dans un premier temps, avez-vous des commentaires à ce sujet? Dans un deuxième temps, j'aime beaucoup votre suggestion d'avoir un groupe d'experts, mais d'où proviendraient ces membres et quel serait leur objectif?

Mme Audette : Merci, sénateur Brazeau. Par rapport à la façon dont je vois les choses, je tiens à dire que pour avoir été une élève de Mme McIvor dans mon plus jeune temps, de la voir aller et lutter, j'aurais aimé avoir le privilège aujourd'hui de vous dire : c'est tout ou rien! C'est le projet de loi C-3 avec tous ses amendements ou rien du tout.

J'aimerais avoir ce privilège, mais je ne peux pas. Pourquoi? Parce qu'il y a des femmes qui ont lutté pour C-31, en 1985, des femmes qui travaillaient côte à côte avec Mme Lovelace, qui en sont à leur dernier souffle aujourd'hui et qui nous disent : il faut que cela passe. Cela passe mal, mais il faut que cela passe.

Nous avons dû renégocier, revoir nos affaires, parce que tout le monde n'est pas d'accord avec le projet de loi. Par contre, on s'entend pour dire que cela règle en partie un petit bout de problème. Nous voyons cet exercice ainsi : on ne peut pas mettre tout le monde à la même table. Il faudrait, dans un plan d'action, avoir différentes expertises où les gens parleraient de statut, d'autres de membership, d'autres des problèmes de financement. Il ne s'agit pas de tous nous réunir autour de la table, parce que les groupes sont énormes et que de la discrimination, il y en a en masse!

Il faut être très méthodique dans la façon de faire et s'assurer que dans ces manquements, on fasse à des gens experts pas juste au plan académique, mais ayant du vécu, de l'expérience sur le terrain. Comment faire ces choses? Nos organisations nationales sont prêtes à travailler avec l'assemblée des chefs du Québec. J'ai foi en nos organisations politiques. Je n'ai toutefois pas la prétention de parler au nom de toutes les femmes au Québec, mais j'essaie de défendre ardemment les intérêts de celles-ci.

Femmes Autochtones du Québec ne peut pas tout faire, mais il y a une façon de faire qui consiste à s'asseoir ensemble pour trouver les meilleures solutions. Déjà, à ses débuts, Marche Amun, dénommée maintenant Course Amun, existait pour dire au gouvernement qu'on avait besoin aussi des gens faisant partie des organisations de base, même si nos organisations sont importantes. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Brazeau : Absolument. Cela dit, si le projet de loi est adopté, qu'il y a un processus exploratoire financé par le gouvernement fédéral, qui subventionne ce processus pour les organisations nationales, est-ce votre position de tendre la main aux autres organisations pour faire exactement ce que vous venez de dire, travailler ensemble pour étudier spécifiquement le statut, la citoyenneté et le membership, et de le faire en travaillant avec les autres organismes qui recevront des fonds? Est-ce le but?

Mme Audette : Je ne peux pas parler au nom des autres organisations ou entités existantes, mais oui, on devra travailler ensemble. C'est peut-être utopique, je rêve peut-être en couleurs, mais il y a des possibilités intéressantes, et je crois que des solutions existent. Je pense qu'on a tous le même objectif, mais nous devons examiner notre façon de faire et nos stratégies.

Je pense qu'il sera important de respecter la diversité des Premières nations à travers le Canada, la diversité politique au sein des groupes. Mais il faut aussi se respecter dans le travail qu'on doit faire pour atteindre une meilleure justice.

[Traduction]

Le sénateur Lovelace Nicholas : Conviendriez-vous que le projet de loi C-3 n'est qu'une solution symbolique, revenant à mettre un emplâtre sur une jambe de bois? Si vous êtes d'accord, pourquoi? Et si vous ne l'êtes pas, pourquoi? Expliquez-nous cela.

Mme Audette : Pour plusieurs raisons, comme je l'ai expliqué dans ma déclaration, le projet de loi C-3 est une solution symbolique, car de nombreuses autres formes de discrimination ne seront pas réglées par le projet de loi C-3. Cependant, le projet de loi assurera une reconnaissance à mon fils. Il assurera également une reconnaissance à de nombreux fils et à de nombreuses filles d'un bout à l'autre du Canada. Il laissera également de côté de nombreuses femmes et leurs enfants. Il s'agit d'une solution symbolique, et en même temps, il ne s'agit pas d'une solution symbolique. Je veux simplement être franche avec vous. Mes excuses.

Le sénateur Lovelace Nicholas : C'est très bien.

Quelle contribution comptez-vous faire quant au travail sur les conséquences financières internes du projet de loi C- 3? Comptez-vous participer à la discussion?

[Français]

Mme Audette : Je pense que nos préoccupations, notre vécu et notre expertise ont leur place au niveau du financement. Comme vous le savez, les femmes qui sont retournées dans leur communauté, en 1985, n'ont pas subi seulement de la discrimination avec la loi, mais aussi envers leurs propres frères et sœurs. Et souvent, le prétexte était une question d'argent.

Alors, allons-nous refaire subir cette même injustice à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui vont être réinscrits, et demander leur membership? Et vous le savez, dans les communautés, la question d'emploi est plutôt difficile. On est en sous-financement, on est en crise économique. Donc oui, je pense qu'il est important que l'on fasse partie des discussions, d'égal à égal, en matière d'économie et de financement.

[Traduction]

Le sénateur Lovelace Nicholas : Merci.

Le sénateur Jaffer : Madame Audette, j'apprécie votre franchise. Vous avez dit que c'est à la fois bon et mauvais. Que se passera-t-il pour les personnes qui seront laissées de côté? Quand leur tour d'être reconnues viendra-t-il? Dans le cadre des étapes suivantes, que se passera-t-il? Cela aura demandé 20 ans dans le cas de Sharon McIvor. Je pense que vous étiez dans la salle lorsqu'elle a dit qu'elle ne sera plus de ce monde. Nous savons cela, mais que va-t-il se passer au cours des 20 prochaines années? Qui va parler au nom des femmes et des enfants laissés à l'écart, et quand leur tour viendra-t-il?

[Français]

Mme Audette : Sénateur, je ne peux pas le faire seule. Je n'ai pas les moyens financiers pour défier le gouvernement avec le système judiciaire, d'autant plus que le Programme de contestation judiciaire n'existe plus, c'est malheureux. Et les réflexions que nous avons faites, nous avions une ligne très ferme, à l'époque, en disant que nous voulions un projet de loi qui couvrira l'ensemble des problématiques et qui réglera l'ensemble des discriminations.

Ce qui nous a fait réfléchir c'est une de nos rencontres avec les membres du Parti conservateur, du Bloc québécois, du NPD et du Parti libéral, les élus du Canada. Ils nous ont tous dit, à moi et aux personnes qui étaient avec moi, que nous devrons attendre une autre décision de la Cour d'appel, la Cour suprême ou la Cour supérieure. Nous n'avons plus les moyens d'attendre. Par contre, c'est le mandat quotidien de nos groupes de femmes et de nos organisations telles que l'Assemblée des chefs — qu'elle soit nationale, régionale ou territoriale — de défendre nos intérêts.

Et c'est ce que je vais faire tant et aussi longtemps que j'aurai de l'oxygène dans les poumons, je vais me battre pour que mes filles aient le droit à l'égalité autant que leurs frères, et m'assurer que tous ceux qui sont oubliés dans le projet de loi C-3 puissent enfin dire qu'ils sont reconnus.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk : J'aurais une petite question rapide pour la Federation of Saskatchewan Indian Nations. Participerez-vous au processus de consultation s'il est mis en place?

Mme Day Walker-Pelletier : J'ai dit dans ma déclaration que nous reconnaissons et appuyons les efforts visant l'égalité des sexes. Certainement, s'il y avait moyen d'intervenir dans la consultation, cela devrait se faire dans le contexte de ce que nous avons établi en Saskatchewan par le biais de la Federation of Saskatchewan Indian Nations.

Le sénateur Andreychuk : Merci.

La présidente : Merci à tout le monde d'être venu. Cela a été très gentil à vous d'attendre si longtemps, et nous vous en sommes très reconnaissants. C'est terminé.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

La présidente : Honorables sénateurs, à l'alinéa 2(2)a) du projet de loi, à la page 1, la date, en anglais, est le 17 avril, et la date, en français, est le 16 avril.

N'est-ce pas le 17 avril 1985 que la Charte est entrée en vigueur?

Le sénateur Baker : La Charte est entrée en vigueur en 1983, mais l'article 15 a été retardé pendant deux ans, n'est-ce pas?

La présidente : Il y a eu un moratoire de trois ans. Le 17 avril est la Journée du droit.

Le sénateur Jaffer : Il y a une explication.

Martin Reiher, avocat-conseil, ministère de la Justice Canada : Les dates sont justes. La confusion est le fait du libellé. L'alinéa 2(2)a), en anglais, est le suivant :

that person was registered or entitled to be registered immediately prior to April 17, 1985;

La version française dit ceci :

elle était inscrite ou avait le droit de l'être le 16 avril 1985;

En d'autres termes, la personne a été inscrite le 16 avril 1985 ou avait le droit de l'être. La chose est exprimée différemment.

La présidente : Merci de cet éclaircissement.

Y a-t-il autre chose que quelqu'un souhaiterait vérifier auprès du représentant du ministère de la Justice Canada?

Le sénateur Baker : J'aimerais faire une observation au sujet de la décision du Président de la Chambre des communes au sujet des amendements proposés au projet de loi. Devrais-je faire cela maintenant, ou bien attendre que nous entamions l'étude article par article du projet de loi?

La présidente : Pourrait-on ajouter les observations une fois que nous en aurons terminé avec l'étude article par article du projet de loi?

Le sénateur Andreychuk : Je dirais qu'un commentaire serait recevable maintenant. Il ne s'agit pas d'une observation, mais d'une explication.

La présidente : Il s'agit d'une observation?

Le sénateur Baker : Oui, c'est une observation. Elle concerne les amendements possibles au projet de loi. Nous devrions être avisés d'un fait au sujet duquel plusieurs d'entre nous ont eu des discussions. Dans sa décision, le Président de la Chambre des communes a dit que les amendements sont inadmissibles, et je cite :

Certaines personnes, dont le statut n'est aucunement touché par le projet de loi C-3 adopté à l'étape de la deuxième lecture, verraient leur statut changer à la suite de l'adoption de cet amendement.

Le Président de la Chambre des communes poursuit en disant ceci :

[...] mais il ne concerne pas l'inégalité relevée par la Cour d'appel et visée à l'origine par le projet de loi C-3. En conséquence, l'amendement dépasse la portée du projet de loi adoptée par la Chambre à l'étape de la deuxième lecture et est donc irrecevable.

Nous avons discuté de cela à l'extérieur de la réunion. Il est très clair que le Président de la Chambre a limité les amendements au projet de loi qui ajoutent quoi que ce soit à ce qui a été approuvé à l'étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes.

Je tenais à mentionner cela car, comme l'ont dit de nombreux témoins, si nous modifiions le projet de loi, il serait renvoyé à la Chambre des communes, et il est clair, compte tenu de la décision du Président de la Chambre, que nos modifications y seraient irrecevables.

Je tenais à soulever cela car, lorsque nous apportons des amendements, nous voulons qu'ils aient un effet. Si nous savons qu'ils n'auront aucun effet, alors pourquoi en proposer?

La décision du Président de la Chambre des communes a limité les amendements à l'iniquité précise ciblée par le projet de loi C-3 lors de sa deuxième lecture.

Le sénateur Kochhar : En d'autres termes, nous ne pouvons pas apporter d'amendements ici, car, si nous le faisons, le projet de loi sera renvoyé à la Chambre, et sera de nouveau soumis à la décision du Président de la Chambre. En conséquence, nous devrions corriger les erreurs mineures qui s'y trouvent et aller de l'avant sans apporter d'amendements.

Le sénateur Baker : C'est malheureux, mais c'est ainsi qu'il en a été décidé par le Président de la Chambre des communes. Il a dit au début du paragraphe antérieur que nous recevons le projet de loi dans un contexte particulier. C'est la décision du Président de la Chambre. En conséquence, si quelqu'un devait modifier le projet de loi au Sénat, comme vous l'avez indiqué, sénateur Kochhar, le résultat serait rien du tout. Le projet de loi retournerait à la Chambre des communes, serait déclaré irrecevable, et nous retournerions à la case départ.

La présidente : Dans une certaine mesure, cela rend nul et non avenu le rôle du Sénat. Cela étant, j'aimerais bien obtenir un genre d'avis du légiste et conseiller parlementaire au Sénat quant à la suite des événements. Pourquoi même perdre notre temps à nous renseigner au sujet du projet de loi si c'est un fait accompli, du fait de la décision du Président de la Chambre?

Je comprends ce que dit le sénateur Baker. Cependant, en principe, si nous ne pouvons rien faire du tout, à quoi cela sert-il?

Le sénateur Kochhar : Nous pouvons corriger des erreurs grammaticales mineures.

Le sénateur Jaffer : La façon dont cela a été rédigé fait en sorte que le Parlement n'est pas souverain, mais c'est là un sujet pour un autre jour.

Le sénateur Andreychuk : Cela fait de la Constitution une instruction de tribunal, ce que la Chambre a accepté. Je pense que vous pourriez modifier le projet de loi, mais il faudrait que les changements s'inscrivent à l'intérieur des paramètres du projet de loi. Les amendements qui ont été envisagés débordent de la portée du projet de loi C-3.

Je discute parfois avec le sénateur Baker lorsqu'il cite la loi. Mais je ne discute jamais avec lui lorsqu'il parle de procédure parlementaire et des règles. Il a souligné, à très juste titre, que la Chambre a établi les paramètres du projet de loi C-3, et ce à la deuxième lecture, et que certains amendements — nous pouvons en prendre note — sortaient de la portée du projet de loi C-3. Théoriquement, s'il y avait un amendement qui s'inscrivait à l'intérieur du projet de loi C-3, celui-ci serait valide. Cependant, nous n'avons entendu aucun témoignage du genre. Le témoignage que nous avons entendu portait sur l'élargissement de la portée du projet de loi C-3. La décision du Président, donc, est telle que nous l'a présentée le sénateur Baker.

Je proposerais que nous allions de l'avant.

Le sénateur Baker : C'est malheureux. Je n'ai jamais rien vu d'aussi spécifique et particulier que cette décision. Cependant, le Président de la Chambre dit que cela s'inscrit dans un contexte particulier. Le Président a dit que, en l'espèce, si l'on ajoutait au projet de loi une seule personne ne s'inscrivant pas dans ce qui a été approuvé à la deuxième lecture, alors le projet de loi serait irrecevable.

Le sénateur Andreychuk : Oui.

Le sénateur Baker : Cette décision est très restrictive. C'est là tout mon propos. Elle rejette d'emblée des amendements majeurs au projet de loi. Les amendements de fond sont le problème.

Le sénateur Andreychuk : En gros, nous disons que cela se situe au niveau de la Cour d'appel, et non pas des cours initiales. En conséquence, le projet de loi C-3 a été rédigé de la manière que l'on sait, et le Président de la Chambre a dit que l'on ne peut pas déborder du projet de loi C-3.

Le sénateur Baker : Vous pouvez sortir de la Cour d'appel, mais vous ne pouvez pas sortir du projet de loi C-3. Voilà quel est le problème.

La présidente : Il s'agit d'une loi favorisant l'équité entre les sexes relativement à l'inscription au registre des Indiens.

Tout le monde est-il d'accord pour que le comité entreprenne l'étude article par article du projet de loi C-3?

Des voix : D'accord.

La présidente : Le titre est-il réservé?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il réservé?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Jaffer : Avec dissidence.

La présidente : Avec dissidence. L'article 3 est-il adopté?

Le sénateur Jaffer : Avec dissidence.

La présidente : M'est-il permis de deviner, honorables sénateurs, que le projet de loi dans son ensemble sera rejeté de ce côté-ci et adopté de ce côté-là?

Le sénateur Andreychuk : Nous sommes à mi-chemin dans un processus. Nous ne voulons pas nous retrouver dans la situation qu'ont connue certains autres comités. Nous devrions aller de l'avant avec l'étude article par article lorsqu'il apparaît que certains seront d'accord et d'autres pas.

La présidente : L'article 4 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 5 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 6 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 7 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 8 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 9 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 10 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Jaffer : Avec dissidence.

La présidente : Le comité souhaite-t-il envisager l'ajout d'observations au rapport?

Le sénateur Andreychuk : Non.

La présidente : Moi, si. Dois-je quitter le fauteuil pour ce faire?

Le sénateur Baker : Non.

La présidente : Bien.

Le sénateur Baker : Allez-y tout simplement.

La présidente : L'une des observations est que le projet de loi C-3 ne traite pas de la discrimination sexuelle renfermée dans l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les Indiens. L'autre observation renvoie à deux éléments du processus exploratoire : il a fallu une éternité pour en arriver là, alors il importe que des structures et des ressources soient fournies aux femmes et à leurs descendants qui ont été privés de leurs droits. En conséquence, ces questions ne devraient-elles pas figurer sur la liste de priorités?

Le sénateur Baker : Je ne vois rien de mal à cela.

Le sénateur Andreychuk : J'ai quelques problèmes, car je n'ai pas étudié le contexte de l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les Indiens, au-delà du projet de loi C-3. Il est dit ici que le projet de loi C-3 ne traite pas de l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les Indiens.

La présidente : Non; cela dit qu'il ne traite pas de la discrimination sexuelle en résultant.

Le sénateur Andreychuk : Je n'ai pas étudié cela. Nous n'avons pas étudié cela; cela n'a pas fait partie du projet de loi C-3.

La présidente : Nous pourrions modifier le texte pour dire que le projet de loi C-3 ne traite pas de la discrimination sexuelle qui a résulté d'autres changements à la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Andreychuk : Je ne le sais pas.

La présidente : Nous avons entendu des tonnes de témoignages cet après-midi, sénateur.

Le sénateur Andreychuk : Oui, mais les témoins exprimaient une opinion. Avons-nous étudié cela et est-ce là ce que renferme le projet de loi C-3? Nous avons laissé les témoins déborder de la portée du projet de loi C-3, et nous l'avons fait pour être justes dans notre audition des témoins que nous avons entendus. Cependant, je ne pense pas que nous soyons liés par leurs témoignages, et nous ne les avons pas non plus contestés. Pour être justes envers la communauté, nous avons laissé les témoins étayer très largement leur point de vue.

La présidente : Le sénateur accepterait-elle une courte phrase disant que le projet de loi C-3 « ne traite pas de discrimination sexuelle », un point c'est tout?

Le sénateur Andreychuk : Non. Je serais d'accord pour que nous disions qu'il y a encore d'autres aspects de la Loi sur les Indiens, comme la discrimination sexuelle, qui devraient être réglés quelque part. Ce serait très bien. J'ignore quel serait le libellé, mais l'important est que nous voulons aller au-delà du projet de loi C-3, mais je ne pense pas que nous puissions définir ce que veut dire « au-delà du projet de loi C-3 ».

Le sénateur Baker : Madame la présidente, je pense qu'il serait très simple d'ajouter un mot seulement. « Le projet de loi C-3 ne traite pas de la discrimination sexuelle dans la Loi sur les Indiens ».

La présidente : Il me faut reconnaître que c'était là ma première ébauche, et j'ai ensuite enlevé cette partie, alors bravo à vous, sénateur.

Le sénateur Baker : Cela réglerait le souci du sénateur Andreychuk.

La présidente : Le projet de loi C-3 ne traite pas de la discrimination sexuelle, un point c'est tout. La question de la deuxième génération est une question différente. On ne dit pas « toute ». Le projet de loi ne traite pas de discrimination sexuelle.

Le sénateur Baker : Dans la Loi sur les Indiens.

La présidente : Non, le projet de loi C-3 ne traite pas de discrimination sexuelle.

Le sénateur Baker : Dans la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Jaffer : Dans la Loi sur les Indiens.

La présidente : Oui?

Le sénateur Jaffer : Oui.

La présidente : Je ne veux pas dire « toute ». Je veux qu'il soit dit que le projet de loi ne traite pas de discrimination sexuelle. C'est une question de bricolage.

Le sénateur Andreychuk : Vous êtes libre de faire ces commentaires. Cependant, je ne me sens tout simplement pas à l'aise avec l'idée de nous prononcer sur quelque chose que nous n'avons pas étudié.

La présidente : J'ai passé beaucoup de temps à lire les témoignages livrés à la Chambre des communes et qui nous ont été envoyés par courriel, ainsi que les documents d'autres intervenants, des lettres de tout un tas de gens et des mémoires qui ont été déposés, comme celui de Mme Palmater, et cetera, et qui ont été fournis à tous les sénateurs.

Le sénateur Kochhar : Cela ne figurait pas à l'ordre du jour. Vu le temps limité dont nous disposons, je pense que nous devrions reporter cela à une autre occasion. Je ne pense pas que vous puissiez apporter beaucoup de changements, si même vous le pouvez.

La présidente : Je ne change pas le projet de loi. J'ajoute quelques post-scriptum en bas.

Le sénateur Jaffer : C'est une observation.

La présidente : Ce n'est pas un changement au projet de loi. Ce n'est pas un amendement.

Le sénateur Kochhar : J'ignore quelles pourraient en être les ramifications.

La présidente : Cela indiquerait à Affaires indiennes et du Nord canadien que ceci ne suffit pas, et qu'il y a un groupe de sénateurs qui le dit.

Le sénateur Brazeau : Dire que le projet de loi C-3 ne traite pas de discrimination sexuelle, un point c'est tout, n'est selon moi pas factuel. Je pense qu'il serait plus factuel de dire que le projet de loi C-3 ne traite pas de toutes les inégalités de genre découlant de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Andreychuk : Oui.

Le sénateur Brazeau : Si ceci est adopté, nous pourrons trouver 45 000 personnes heureuses qui diront...

La présidente : Qui prendront leur argent et se tireront.

Le sénateur Baker : Vous avez tout un processus qui va s'enclencher pour régler le reste des questions.

Le sénateur Jaffer : J'aime ce que vous avez dit.

Le sénateur Brazeau : D'autre part, je pense que nous avons même entendu des témoins dire que, oui, cela traite d'une partie des inégalités de genre, mais disons simplement que cela ne les règle pas toutes.

La présidente : Nous avons également entendu des gens dire qu'on mélange ici des torchons et des serviettes. Cependant, le groupe ne penche très clairement pas de mon côté, alors je m'incline devant votre sagesse.

Le sénateur Baker : Insérer « toutes ».

La présidente : Avez-vous un texte à nous relire?

Shauna Troniak, attachée de recherche, Bibliothèque du Parlement : « Le projet de loi C-3 ne traite pas de toutes les inégalités de genre découlant de la Loi sur les Indiens.''

La présidente : Non. « Discrimination sexuelle ».

Le sénateur Baker : « Discrimination sexuelle », et non pas « inégalités de genre ».

La présidente : « Sexe » est le mot qui figure dans la Charte.

Le sénateur Baker : L'article 15.

Le sénateur Andreychuk : En bon avocat que vous êtes, n'étudiez-vous pas les choses avant de donner votre aval?

La présidente : Ne vous appuyez pas sur votre diplôme en droit pour ce genre de chose.

Le sénateur Andreychuk : Vous, vous vous appuyez sur des points, et je prends ces questions très au sérieux. Les droits des femmes, les droits de la personne et l'égalité me tiennent beaucoup à cœur, tout comme c'est le cas de nombreux autres sénateurs. Dans ce que je fais ici, je tiens à être certaine que c'est positif, et non pas négatif, ni argumentatif. J'aime le compromis du sénateur Brazeau.

Le sénateur Baker : Pourriez-vous ajouter quelque chose à cela, sénateur Brazeau, à la lumière de ce que vous venez tout juste d'entendre? Quelle est votre suggestion quant au libellé?

Le sénateur Brazeau : Étant donné que l'objet du projet de loi C-3 est de favoriser l'équité entre les sexes, je suggérais que le projet de loi C-3 ne traite pas de toutes les questions d'inégalité de genre découlant de la Loi sur les Indiens.

La présidente : Je préférerais toujours que l'on parle de « discrimination sexuelle » plutôt que d'« inégalité de genre », à cause de la Charte. L'on parle de discrimination fondée sur le « sexe » dans la Loi sur les droits de la personne, ainsi que dans le Code criminel. Il s'agit d'une catégorie. Ai-je raison, monsieur le représentant du ministère de la Justice? J'ai raison.

M. Reiher : Il me faut avouer que je ne me souviens pas des termes exacts qui sont employés dans les dispositions.

Le sénateur Andreychuk : Oui, à quoi cela sert-il? Il nous faut consulter le texte.

La présidente : L'expression équité entre les sexes est neutre. Sans aucune référence historique aux tribunaux ou à quoi que ce soit d'autre. Le terme « sexe » renvoie à la catégorie qui est utilisée au moins une fois dans le Code criminel, qui figure dans la Loi sur les droits de la personne, et de nouveau à l'article 15 de la Charte des droits. L'argument ici est un argument en faveur de l'équité.

Pourriez-vous nous relire plus ou moins ce qu'a dit le sénateur Brazeau la dernière fois?

Mme Troniak : « Le projet de loi C-3 ne traite pas de toutes les inégalités de genre découlant de la Loi sur les Indiens.''

La présidente : Tout le monde est-il d'accord là-dessus?

Le sénateur Jaffer : Oui, nous sommes d'accord là-dessus.

La présidente : Bien. Vendu.

Le sénateur Brazeau : J'espère que je suis d'accord.

Le sénateur Andreychuk : Il me faut voir ce sur quoi nous nous disons d'accord. Je n'en ai pas la moindre idée. Je compte sur le sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Eh bien, les deux éléments suivants sont excellents.

Allez-y, madame la présidente.

La présidente : J'ai noté un certain nombre d'autres suggestions pendant que les membres du comité discutaient. Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive, alors sentez-vous bien libres d'y faire des ajouts : le Parlement devrait revoir ce qui se passe dans le cadre de ce processus d'engagement.

Le sénateur Jaffer : Processus exploratoire.

La présidente : Oui, processus exploratoire.

Il doit y avoir des résultats solides et un engagement à appuyer ces résultats; la trame générale est que le gradualisme n'est pas une défense en matière d'égalité — j'ai trouvé cela formidable.

J'aimerais voir une observation faisant ressortir la différence entre le consentement de citoyenneté de bande et ce dont parle Sharon McIvor en ce qui concerne l'inscription en vertu de la Loi sur les Indiens. Je pense qu'il est relativement important de souligner cette distinction, car les stratégies d'engagement sont quelque peu confuses en ce qui concerne la citoyenneté pour les bandes, le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, et cetera. Cependant, la cause de Mme McIvor vise l'inscription au sens de la Loi sur les Indiens.

J'ai trouvé que cet éclaircissement, qui a été apporté cet après-midi, était plutôt important. Je ne veux pas que tout l'argent soit dépensé pour traiter de tous les problèmes dans le monde, même si cela serait très bien aussi.

Le sénateur Baker : Le comité directeur pourrait en vérité s'occuper du libellé.

Le sénateur Jaffer : Je pense que c'est là une bonne idée.

Le sénateur Andreychuk : Je retire toutes les choses gentilles que j'ai dites à votre sujet.

La présidente : Je n'ai pas couché sur papier jusqu'au dernier détail de ce texte. Oui, nous pourrions faire cela demain après-midi.

Tout le monde s'entend-il sur le principe général?

Le sénateur Andreychuk : Je ne souhaite pas traiter plus avant de ce que j'ai entendu la présidente dire, car je ne pense pas que ce soit le rôle du Parlement de s'engager dans des négociations avec les dirigeants autochtones. Il est très clair que notre rôle est un rôle fiduciaire et de surveillance; notre rôle n'est pas de siéger à la table de négociation. La Chambre des communes et le Sénat ne peuvent pas s'asseoir à la table et négocier. Si on va nous faire rapport, alors je pense que ce que nous avons ici va aussi loin que nous le pouvons; tenons-nous-en simplement à cela.

Le sénateur Baker : Qu'on s'en remette au comité directeur.

Le sénateur Jaffer : Ceci me convient. Arrêtons-nous là.

Le sénateur Andreychuk : Nous allons nous arrêter là, et quiconque le souhaite peut se lever au Sénat et ajouter quelque chose.

Nous sommes allés beaucoup plus loin que je ne l'aurais voulu pour ce qui est du numéro un et (A) et (B). Nous pouvons assurer une surveillance au niveau des négociations ou des consultations, tant et aussi longtemps que nous y sommes légalement autorisés et que nous ne participons pas aux négociations. Nous ne voulons pas aller plus loin que cela.

La présidente : Ai-je bien compris, donc, que sous « discrimination fondée sur le sexe » le texte est celui que nous a lu l'attachée de recherche de la Bibliothèque, soit que (A) et (B) demeurent tels quels, et qu'il n'y a pas d'autres ajouts?

Le sénateur Andreychuk : D'accord.

Le sénateur Jaffer : Quel était l'autre ajout que vous souhaitiez?

La présidente : Je voulais faire une distinction entre le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, qui est la question de la citoyenneté des bandes, et la cause de Sharon McIvor, qui concerne l'inscription en vertu de la Loi sur les Indiens. Si l'ensemble des ressources et de l'engagement vont résoudre tous les problèmes de discrimination, ce petit problème avec la Loi sur les Indiens, sur lequel nous nous sommes entendus, avec dissidence, pourrait être perdu dans l'énorme chamboulement qui devra s'opérer.

Le sénateur Kochhar : Je ne veux pas paraître ignorant, mais il ne s'agit en réalité pas de reconnaissance, mais d'obtenir de l'argent. Les gens qui sont inscrits touchent davantage d'argent. Il est question ici d'argent. À mon avis, cela n'a rien à voir avec...

Le sénateur Jaffer : Non, sénateur. La question est celle de savoir qui vous êtes. C'est une question d'identité. Ce n'est pas une question d'argent.

Le sénateur Kochhar : Si vous retirez l'argent, l'identité disparaîtra.

Le sénateur Jaffer : Non, sénateur. La question est celle de votre identité, de qui vous êtes.

Le sénateur Andreychuk : Je pense que nous avons ici suffisamment d'observations et que nous pouvons les accepter. Quiconque veut en ajouter est libre de le faire. N'importe qui pourrait déposer un projet de loi à la prochaine législature pour ajouter n'importe quoi à la Loi sur les Indiens. Allez-y, tant et aussi longtemps qu'il ne s'agit pas de choses que nous n'avons pas entendues, pleinement et carrément. C'est pourquoi je ne vais pas aborder l'aspect appartenance aux bandes, et cetera. Nous avons entendu certains points de vue, mais nous pourrions tout autant entendre d'autres points de vue selon lesquels la Loi sur les Indiens intervient, de manière intrinsèque, sur les plans de la citoyenneté, de la reconnaissance, du statut, et cetera. Je ne pense pas que nous ayons traité de cela. J'estime que nous devrions nous en tenir au projet de loi C-3.

La présidente : Très bien. Nous sommes donc d'accord sur (A) et (B). Il n'y a pas de (C).

Le sénateur Jaffer : Il y a la première observation, puis il y a (A) et (B).

La présidente : Oui. Nous avons terminé.

(La séance est levée.)


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