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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 11 - Témoignages du 15 février 2012


OTTAWA, le mercredi 15 février 2012

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour examiner la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (L.C. 2000, ch. 17), conformément à l'article 72 de cette loi.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous continuons cet après-midi l'examen parlementaire quinquennal de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. C'est la quatrième réunion que nous consacrons à ce sujet. Jusqu'à présent, le comité a entendu un certain nombre de témoins dits partenaires du régime qui contribuent à la mise en œuvre de cette loi, notamment le ministère des Finances, le ministère de la Sécurité publique, la GRC, le SCRS, l'ASFC et le CANAFE.

Cet après-midi, nous accueillons des représentants du Bureau du surintendant des institutions financières du Canada, soit M. Nicolas Burbidge, directeur principal à la division de la LRPC et de la conformité, et M. Alain Prévost, avocat général à la Division des services juridiques.

Bienvenue devant le comité, messieurs. Monsieur Burbidge, vous avez la parole.

Nicolas Burbidge, directeur principal, Division de la conformité et de la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité, Bureau du surintendant des institutions financières Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie d'avoir invité le BSIF à participer à l'examen parlementaire de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, et à l'évaluation décennale du régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Je m'appelle Nick Burbidge et je dirige la Division de la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et de la conformité du BSIF. Cette division est responsable du programme de surveillance visant la LRPC-FAT. Elle est également chargée des relations avec les principaux intervenants du régime canadien, nommément le ministère des Finances, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, et les autres ministères et organismes participants.

Comme l'a dit le président, je suis accompagné d'Alain Prévost, avocat général à la Division des services juridiques du BSIF.

[Français]

L'un des principaux volets du mandat du BSIF consiste à développer et à administrer un cadre réglementaire incitant à l'adoption de politiques et de procédures destinées à contrôler et à gérer le risque. C'est dans ce cadre que le BSIF évalue les mesures prises par les banques et les assureurs-vie pour détecter et prévenir le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et qu'il encourage l'adoption par les institutions de pratiques exemplaires, de processus robustes et de structures solides de gestion du risque.

[Traduction]

Les mécanismes de contrôle de la LRPC-FAT sont conformes à notre mandat de gestion prudentielle en raison du risque que court une banque ou un assureur-vie de voir sa réputation entachée s'il ne parvient pas à détecter et à prévenir le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Si elle manque de vigilance, l'entité en cause peut faire fuir sa clientèle et les autres contreparties, et subir ainsi des difficultés financières qui peuvent en fin de compte nuire à sa sécurité et à sa stabilité.

Le BSIF, à l'instar des autres régulateurs financiers importants de par le monde, est membre du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire et de l'Association internationale des contrôleurs d'assurance. Nous souscrivons aux principes fondamentaux de surveillance prudentielle de ces organes, que reconnaît également le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, l'organisme qui établit les normes internationales en matière de LRPC-FAT. Le BSIF exerce également une fonction importante au Conseil de stabilité financière, l'instance qui élabore des politiques efficaces de réglementation et de surveillance, entre autres instruments stratégiques, et en encourage la mise en œuvre à l'échelle internationale, et que préside le gouverneur de la banque du Canada, Marc Carney.

Si la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes ne confère pas de rôle au BSIF, l'organiste est néanmoins habilité à évaluer le respect des exigences « de moralité et d'intégrité » par les institutions financières fédérales. Ces exigences sont définies par les normes internationales sur la LRPC-FAT, lesquelles sont entérinées dans les lois habilitantes au Canada.

Le programme de surveillance du BSIF dans le domaine de la LRPC-FAT cible les institutions que nous jugeons les plus susceptibles de servir au recyclage des produits de la criminalité et au financement des activités terroristes. Le BSIF décide quelles institutions sont à risque en se fondant, par exemple, sur le volume des transactions effectuées et la nature des produits financiers offerts. Les grandes banques et sociétés d'assurances canadiennes sont du nombre. Le BSIF évalue leur situation à intervalles de trois ou quatre ans, mais les soumet à des examens plus fréquents et détaillés si les circonstances le justifient. Nous examinons notamment les affiliés étrangers des conglomérats canadiens pour évaluer les normes de gestion du risque de l'entité complète. Nous appliquons également notre méthode d'évaluation du risque de recyclage des produits de la criminalité aux sociétés qui désirent établir au Canada des institutions financières de ressort fédéral.

La plupart des conglomérats canadiens de services bancaires et d'assurance-vie se livrent à d'importantes activités à l'étranger. Le Conseil de stabilité financière s'attend à ce que l'organisme de surveillance du pays d'origine de grandes banques internationales fournisse sans tarder à l'organisme de surveillance du pays d'accueil des renseignements précis et exhaustifs sur l'institution financière mère en tenant des séances de surveillance et en participant à des accords sur la communication d'informations. À cet égard, le BSIF prépare la tenue de séances de surveillance thématiques sur la LRPC-FAT qui se tiendront plus tard cette année. Ces rencontres offriront au BSIF et aux régulateurs étrangers l'occasion de mettre en commun les risques constatés et les stratégies d'atténuation en usage.

Le Canada resserre les normes de LRPC-FAT depuis 2002, année où le BSIF a commencé à évaluer les programmes des institutions financières en la matière. J'ajoute que nous nous penchions sur ces questions de LRPC avant cette date mais, comme vous le savez, la loi est entrée en vigueur peu avant cette date. Nos interventions à cet égard étaient donc basées sur une évaluation moins systémique, essentiellement fondée sur les informations communiquées au BSIF plutôt que sur une méthodologie d'analyse plus détaillée. Les banques et les autres institutions fédérales canadiennes consacrent des sommes et des effectifs importants à la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Cela dit, la qualité des mécanismes de contrôle et les processus varient grandement d'une institution fédérale à l'autre. Une des tâches les plus exigeantes qui incombent au secteur d'activité est de repérer les clients qui présentent un risque important et de les soumettre, ainsi que leurs activités, à un contrôle rigoureux. Au besoin, le BSIF surveille les mesures correctives prises par une institution et lui signale les lacunes qu'il perçoit.

Le BSIF conjugue ses efforts étroitement avec ceux du CANAFE de façon courante. En 2004, des modifications législatives l'ont autorisé à communiquer au CANAFE les résultats de ses travaux de surveillance, et les deux organismes ont conclu un protocole d'entente à cette fin. De plus, nous collaborons de près avec le ministère des Finances et avec d'autres ministères importants à l'élaboration et à l'application de politiques en matière de LRPC- FAT. À titre d'exemple, le BSIF siège au Comité consultatif public-privé présidé par le ministère des Finances. Comme je l'ai mentionné déjà, nous collaborons directement aussi avec d'autres régulateurs financiers à des dossiers touchant à la LRPC-FAT par l'intermédiaire du CBCB et du GAFI, et nous menons une action bilatérale avec d'autres organismes étrangers.

Le BSIF a assumé progressivement un rôle de soutien en informant les institutions financières fédérales des sanctions imposées par les Nations Unies et le gouvernement du Canada à des personnes et à des organismes désignés. À mesure que ces sanctions entrent en vigueur, nous les signalons aux institutions et assurons un suivi au cours de nos travaux de surveillance, par exemple en évaluant la qualité de la mise en œuvre des mesures imposées.

Pour terminer, j'aimerais souligner que le régime canadien de LRPC-FAT continue d'être perçu comme solide par les pays étrangers, et le BSIF est fier de le soutenir en jouant un rôle décisif. M. Prévost et moi serions heureux d'accueillir maintenant les questions du comité. Merci de votre attention.

Le président : Comme vous le savez, monsieur Burbidge, le CANAFE a comparu devant notre comité jeudi dernier. Si je comprends bien, les établissements de dépôt et les compagnies d'assurance-vie sous réglementation fédérale sont tenus de présenter des rapports au CANAFE. En outre, comme vous venez de nous le dire, ils doivent aussi présenter des rapports au BSIF. Pourriez-vous nous donner une idée de la manière dont vous coordonnez la présentation de ces rapports entre les deux institutions?

M. Burbidge : Je crois que les deux types de rapports dont vous parlez concernent deux types de situations différents. Le rapport au CANAFE tombe dans la catégorie des transactions financières qui sont suspectes ou qui dépassent un plancher désigné de 10 000 $. Ces rapports ne sont pas adressés au BSIF. Ce sont les rapports pour lesquels le CANAFE a été conçu : il s'agit de renseignements financiers à analyser. Les rapports qui sont adressés au BSIF, dont j'ai parlé à la fin de ma déclaration liminaire, sont ceux qui doivent être adressés à tous les organismes de réglementation financière du Canada en vertu du Code criminel et de la réglementation des Nations Unies. Dans le secteur réglementé par les autorités fédérales, c'est le BSIF qui est désigné à cette fin.

Ces rapports sont envoyés par chaque établissement financier qui a découvert des biens devant être gelés, selon la loi, et ce sont les montants globaux qui sont communiqués. Nous totalisons ensuite toutes les informations du secteur et calculons le total de jour en jour ou de mois en mois. Il y a donc deux séries différentes de rapports, pour deux choses complètement différentes. J'espère que c'est clair.

Le président : Tout à fait. Merci de cette précision.

Le sénateur Harb : Dans votre déclaration, vous mentionnez votre protocole d'entente avec le CANAFE. Ce protocole d'entente est-il public et, si oui, pourriez-vous en fournir un exemplaire au comité?

M. Burbidge : Oui, c'est public et nous en remettrons avec plaisir un exemplaire au comité dans les deux langues officielles.

Le président : Veuillez l'envoyer au greffier du comité.

Le sénateur Harb : Vous avez dit que le BSIF joue un rôle de soutien en communiquant au secteur financier canadien sous réglementation fédérale les sanctions imposées par l'ONU ou par le Canada à des individus ou organismes désignés. Qui est le chef de file à ce sujet?

M. Burbidge : Tout dépend du règlement dont il s'agit. Dans le cas d'un règlement imposé au titre du Code criminel, le chef de file sera Sécurité publique Canada. Dans le cas d'un règlement imposé au titre de la Loi sur les Nations Unies, le chef de file sera le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Dans les deux cas, nous jouons le rôle d'organisme du gouvernement du Canada portant l'information immédiatement à l'attention du secteur financier.

Le sénateur Harb : Dans ce cas, vous êtes le chef de file, pas un organisme de soutien.

M. Burbidge : Nous ne considérons pas que nous sommes le chef de file, monsieur le sénateur, parce que nous n'avons aucun rôle à jouer dans la détermination des noms qui sont inscrits sur les listes. Cela ne fait pas partie de notre mandat. Dans le cas des Nations Unies, bien sûr, c'est fait par le Conseil de sécurité. Nous n'avons aucun rôle dans ce processus et ne souhaitons pas en avoir un. Nous sommes là simplement pour veiller à ce que le secteur financier sous réglementation fédérale obtienne l'information le plus vite possible une fois qu'une décision est prise, afin de pouvoir commencer à perquisitionner et, s'il y a lieu, à geler les biens découverts.

Le sénateur Harb : Je soupçonne que c'est parce qu'il y a une différence entre un règlement et une loi. Par exemple, comment se fait-il que ce soit vous et non pas le CANAFE qui exerce cette fonction? Est-ce à cause du protocole d'entente que vous avez signé avec le CANAFE, pour répartir les rôles?

M. Burbidge : Non, sénateur, cela n'a rien à voir avec le protocole d'entente mais plutôt avec les mandats respectifs des deux organismes, qui sont assez différents. Cela a commencé, évidemment, parce que le législateur a adopté des dispositions en 2001, immédiatement après les attaques du 11 septembre, lesquelles sont restées dans l'appareil législatif depuis lors. À l'époque, le CANAFE n'existait pas. Il a été créé un ou deux ans plus tard. Je pense que c'est l'explication.

L'autre chose que je peux ajouter est que nous sommes en contact quotidiennement et directement avec tout le secteur sous réglementation fédérale. Le CANAFE a un mandat beaucoup plus large, comme vous savez. Il est probable qu'on estimait à l'époque qu'il serait préférable de confier ce rôle au BSIF puisque nous avions une relation plus directe avec le secteur bancaire.

Le sénateur Harb : Ma dernière question porte sur les membres du régime, qui ont comparu devant le comité. Certaines critiques ont été formulées concernant le niveau de coordination qui existe entre les membres. Je veux savoir si vous pensez qu'il vaudrait la peine pour nous de dire dans notre rapport qu'il conviendrait de renforcer la relation entre les partenaires. Qu'en pensez-vous? Ce régime devrait-il être élargi? Devrait-on y intégrer d'autres partenaires? Y a-t-il des maillons manquants?

M. Burbidge : Vaste question. Je vais tenter de vous répondre. Comme vous le savez, c'est un régime avec plusieurs parties prenantes. Il y a plusieurs organismes différents qui ont un rôle à jouer. Comme je le dis souvent à mes collègues, c'est une création humaine et, comme pour toute création humaine, il y a toujours moyen de faire mieux.

Nous collaborons continuellement avec nos collègues du ministère des Finances et du CANAFE pour faire des ajustements et améliorer les responsabilités opérationnelles et la répartition du travail, et aussi pour travailler le plus possible dans un esprit de collégialité et de collaboration avec toutes les parties concernées. Les parties les plus proches de nous, à cet égard, sont le CANAFE et le ministère des Finances. Tout comme le CANAFE, nous sommes supervisés par le ministère des Finances et le ministre des Finances. Nous collaborons très étroitement avec ce groupe et formulons régulièrement des avis, des suggestions, et cetera.

Comme je l'ai dit, nous faisons partie du comité consultatif public-privé et nous sommes aussi régulièrement appelés à recevoir et à évaluer des communications provenant du secteur privé dans notre rôle de superviseur prudentiel. Nous jouons un rôle solide à cet égard. Lorsque nous repérons une possibilité d'amélioration, nous la communiquons toujours au ministère des Finances et au CANAFE.

Le sénateur Harb : Avez-vous communiqué des suggestions d'amélioration?

M. Burbidge : C'est un processus continu, monsieur le sénateur.

Le sénateur L. Smith : À la deuxième page, concernant l'évaluation décennale, vous dites que la qualité des contrôles et des processus varie considérablement dans le secteur sous réglementation fédérale. Voulez-vous parler des processus internes des groupes qui contrôlent la réglementation ou de ceux des banques et des compagnies d'assurances?

M. Burbidge : De ceux des banques et des compagnies d'assurances, monsieur le sénateur.

Le sénateur L. Smith : Ne devrait-il pas y avoir des processus uniformes entre toutes les banques et les compagnies d'assurances pour que tout le secteur canadien se situe au-delà d'un certain seuil? Je suis surpris qu'il y ait ces différences, surtout avec le nombre de gens dans le domaine de la réglementation. Vous semblez avoir des gens qui font du bon travail, mais il y a beaucoup de gens à l'œuvre pour cette surveillance.

M. Burbidge : Je ne me suis peut-être pas bien exprimé précédemment. Supposons qu'il y a un élément de conformité exigeant de faire telle ou telle chose. Les banques, les compagnies de fiducie ou les compagnies d'assurance-vie afficheront un niveau d'efficacité variable dans le respect de cette exigence, mais l'un des facteurs à prendre en considération sera la taille de la banque ou de l'établissement de dépôt en cause.

Nous ne nous attendons pas à ce que de petits établissements achètent des systèmes coûteux si des systèmes plus économiques peuvent faire l'affaire. En même temps, toutes les entités que mon groupe supervise sont assujetties aux mêmes règles dont l'exécution est assurée par le CANAFE. Le cadre commun est là. Ce qui varie, c'est le degré d'effort que différents établissements financiers consacreront à ces processus et mécanismes sous-jacents de contrôle de la gestion du risque qui permettent aux banques et aux compagnies d'assurance-vie de se conformer à la loi. Voilà ce que je voulais dire.

Le sénateur L. Smith : Dans le cadre de cette évaluation décennale, avez-vous d'autres recommandations à formuler pour améliorer le système?

M. Burbidge : Comme je l'ai dit en réponse au sénateur Harb, c'est quelque chose que nous faisons continuellement. L'évaluation décennale est l'occasion pour toutes les parties prenantes de discuter ensemble des failles possibles du système, et je veux parler surtout ici de questions d'ordre opérationnel et de la meilleure manière de les régler. Nous adressons des suggestions au ministère des Finances, comme je l'ai dit au sénateur Harb, et, comme vous le savez, c'est le ministère qui coordonne le régime. Donc, oui, nous avons formulé un certain nombre de suggestions pour rationaliser, pour mieux collaborer et pour résoudre bon nombre de questions d'ordre opérationnel de cette nature, et nous l'avons fait précisément dans le cadre de cette évaluation décennale.

Le sénateur Massicotte : Évidemment, le but de cette loi, comme son nom l'indique, est de contrôler l'activité criminelle, le blanchiment d'argent ainsi que l'activité terroriste. Je sais qu'on considère qu'une bonne partie du travail du CANAFE consiste à dépister les dépôts ou transactions en espèces de plus de 5 000 $ ou les virements télégraphiques de plus de 5 000 $ vers l'étranger. Considérant l'objectif, c'est une course constante entre notre police, vos services et ceux qui veulent bénéficier de l'activité criminelle. Ils essayent toujours de placer leur argent quelque part. On a un rapport sommaire disant qu'on a gelé en moyenne 200 millions de dollars ces cinq dernières années et obtenu quelque chose comme 36 ou 38 condamnations l'an dernier. Je crois comprendre que l'activité criminelle au Canada représente des milliards de dollars, probablement 40 à 60 milliards selon certains articles que j'ai lus, et je me dis alors que nous ne faisons que gratter la surface. La GRC nous a dit que son budget, pour l'application de cette loi, est de 5 millions de dollars par an, ce qui ne semble vraiment pas beaucoup. Vous connaissez beaucoup mieux les institutions que nous. Sommes-nous dans la bonne voie quand nous nous concentrons sur ces transferts en espèces? Y a-t-il ailleurs un système de criminalité économique plus vaste que nous ignorons complètement?

M. Burbidge : C'est un domaine très vaste. Le seuil à partir duquel il faut présenter un rapport dont vous avez parlé est 10 000 $, je crois, et c'est aussi 10 000 $ pour les virements télégraphiques, ce qui s'applique à la fois aux virements télégraphiques entrant au Canada et aux virements télégraphiques sortant du Canada. Ce sont les flux dans les deux sens qui sont dépistés.

Nous nous concentrons essentiellement sur les informations financières présentées au CANAFE. Nous n'intervenons pas quotidiennement dans certains des domaines dont vous venez juste de parler. En ce qui concerne ce que vous ont dit d'autres témoins, ils sont plus experts que nous pour parler avec vous de certaines des préoccupations et remarques dont ils vous ont fait part.

Le rôle du BSIF consiste simplement à s'assurer du mieux qu'il peut que nos banques satisfont aux exigences et respectent les dispositions législatives, soit qu'elles signalent suffisamment de transactions douteuses. Communiquent- elles effectivement au CANAFE toutes les données qu'elles sont tenues de communiquer en vertu de la loi? Comme je l'ai dit, pour faire ce travail, nous examinons les processus en place pour les aider à présenter les rapports requis. J'espère n'avoir rien oublié d'important dans ma réponse à votre question.

Le sénateur Massicotte : Dans votre supervision des établissements financiers, vous intéressez-vous seulement aux transactions financières au Canada? La plupart des banques canadiennes ont des filiales dans les Antilles, par exemple. Ces filiales sont-elles assujetties à nos lois pour les transactions dans ces pays?

M. Burbidge : Il y a deux manières de répondre à cette question. Je n'essaierai pas de vous parler de l'aspect technique; je vais plutôt demander à M. Prévost de vous parler de l'extraterritorialité des lois dans un instant. Ce qui compte pour nous, c'est de nous assurer que les banques, au mieux de leur capacité, appliquent à leurs opérations à l'étranger les mêmes normes qu'à leurs opérations au Canada. Bien sûr, il y a certaines choses qu'elles sont tenues de faire dans les autres pays à cause d'exigences juridiques locales, et nous devons évidemment respecter cela. Les normes internationales en vigueur sont ce qui compte, et une partie de notre travail consiste à examiner sélectivement les opérations outre-mer et à déterminer si les banques agissent bien à cet égard.

Le sénateur Massicotte : C'est-à-dire du point de vue de la prudence et du point de vue de la solvabilité.

M. Burbidge : Nous faisons cela dans tous les volets de notre opération, pas seulement dans mon groupe.

Le sénateur Massicotte : Cela comprend-il les transactions douteuses?

M. Burbidge : En ce qui concerne les transactions douteuses, nous voulons nous assurer que les organismes de réglementation locaux du pays A, par exemple, sont satisfaits de la manière dont la banque supervise sa filiale et répond aux exigences de ce pays.

Le sénateur Massicotte : Faisons-nous cela au Canada? On entend toutes sortes d'histoires de petits pays où il y a une corruption immense qu'exploitent des chefs de guerre. Ils utilisent le système bancaire de ces pays pour transférer des liquidités dans le monde entier. Exerçons-nous un contrôle à ce sujet? Je pense que le ministre des Finances a le droit d'inscrire ces pays sur une liste noire. Je crois comprendre que nous ne l'avons jamais fait, même si certains organismes internationaux sont très préoccupés à ce sujet.

M. Burbidge : C'est une bonne question. Vous venez de faire allusion aux pouvoirs, en cours de rédaction, qui donneraient au ministre la possibilité de prendre de telles mesures. Cela ne veut pas dire que nous ne faisons rien. Le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux recense régulièrement les pays ayant des déficiences stratégiques dans leur régime de lutte contre le blanchiment de capitaux. C'est d'ailleurs ce qu'il fait en ce moment même, cette semaine, pendant sa réunion régulière à Paris. Lorsque cela arrive, le BSIF examine toute la documentation et, tout comme nous le faisons dans le cas d'un gel de biens ou d'une perquisition, nous communiquons aux membres de notre secteur sous réglementation fédérale ce que dit le GAFI de ces pays, en général, et de quels pays ils devraient surveiller les transferts.

La banque doit faire rapport de ces virements télégraphiques entrants, quel qu'en soit le pays d'origine. En ce qui concerne la surveillance des transactions douteuses, elle examine aussi ces virements de la même manière. Elle prêtera plus d'attention à un virement provenant de l'Iran, par exemple, que d'un pays ne figurant pas sur la liste du Groupe d'action financière.

Le sénateur Massicotte : Vous parlez de virements d'argent. Qu'en est-il des chèques provenant d'un pays n'ayant pas la meilleure réputation? Ces pays ont-ils une responsabilité? Font-ils quelque chose?

M. Burbidge : Tout dépend de la devise du chèque et de la banque d'origine. S'il s'agit d'un compte de transit, le chèque aura été tiré sur une banque au Canada.

Le sénateur Massicotte : Il pourrait s'agir d'une filiale canadienne dans un pays des Antilles. Quelqu'un a-t-il la responsabilité professionnelle de s'assurer que ce n'est pas une transaction douteuse, ou se contente-t-on de dire que la loi est claire et ne s'applique qu'aux virements d'argent et aux espèces?

M. Burbidge : Pratiquement chaque pays dont nous parlons aujourd'hui a la possibilité de s'assurer que la transaction n'est pas douteuse. Les pays des Caraïbes ont des lois similaires aux nôtres, qui obligent les entités de ces pays à pouvoir déterminer si des transactions sont douteuses.

Le sénateur Massicotte : Est-ce notre manière de dire : ce n'est pas notre responsabilité, nous savons qu'ils sont corrompus mais, tant pis, nous avons fait notre travail?

M. Burbidge : Les banques ne sont pas censées être des agents de police. Le critère est de savoir s'il y a des motifs raisonnables d'être soupçonneux. C'est à des services de renseignements financiers comme le CANAFE et FinCEN aux États-Unis, par exemple, qu'il incombe d'analyser les renseignements et de porter ce jugement. S'ils estiment avoir des raisons de croire qu'il y a du blanchiment d'argent, ils communiquent l'information aux organismes d'exécution des lois. Vous avez reçu des témoignages à ce sujet des autres agences.

Le sénateur Ringuette : Je voudrais poursuivre le débat engagé par le sénateur Massicotte. Vous avez parlé des Antilles et des États-Unis. Quand des agents du CANAFE sont venus devant le comité, ils ont clairement indiqué qu'il n'y a pas aux États-Unis de loi obligeant les banques, les établissements financiers, les compagnies d'assurances et les compagnies de fiducie à faire rapport régulièrement de transactions quelconques. Vous venez juste de mentionner une entité américaine. Quels pouvoirs peut-elle bien avoir en l'absence de loi exigeant la divulgation de toute transaction financière douteuse?

M. Burbidge : J'ai mentionné cette entité dans le contexte de ma réponse au sénateur Massicotte parce qu'il parlait de rapports de transactions douteuses. Aux États-Unis, FinCEN est l'entité à laquelle les banques américaines sont tenues de signaler les activités douteuses. Je ne voulais pas parler de système de rapport systémiques, de virements télégraphiques ou de grosses transactions en espèces. J'espère que cela clarifie la réponse.

Le sénateur Ringuette : Autrement dit, vous affirmez qu'il y a une législation à ce sujet aux États-Unis mais qu'elle relativement édulcorée par rapport à nos exigences législatives.

M. Burbidge : Je ne voudrais pas qualifier ce que j'ai dit, et je n'ai pas dit que leur législation est édulcorée.

Le sénateur Ringuette : C'est moi qui l'ai dit.

M. Burbidge : Il y a aux États-Unis un type différent de régime beaucoup plus compliqué qu'au Canada parce que le secteur bancaire y est structuré très différemment. Les États-Unis ont été jugés très favorablement dans le passé par le GAFI, et l'on peut donc supposer qu'ils font tout ce qu'il faut du point de vue des normes internationales.

Le sénateur Massicotte parlait tout à l'heure d'activités de rapport douteuses. Aux États-Unis, cette exigence existe, tout comme dans les pays des Antilles et au Canada.

Le sénateur Ringuette : Je suppose que le mot-clé est « douteuses ». Il n'y a pas aux États-Unis toutes nos exigences de rapport, comme celles de la loi actuelle pour 10 000 $.

M. Burbidge : Je ne suis pas un expert de la loi américaine, madame le sénateur, et je préfère donc ne pas vous répondre. Je crois comprendre que les États-Unis avancent dans cette voie, mais je ne sais pas où ils en sont du point de vue de leur régime. Je vous recommanderais de poser cette question à un autre expert, car nous ne sommes pas les mieux placés pour y répondre.

Le sénateur Ringuette : Vous avez dit que vos analyses portent aussi sur les opérations étrangères de conglomérats canadiens. Quand vous parlez d'analyses, voulez-vous parler de signalement ou de repérage de transactions douteuses?

M. Burbidge : Non, je voulais parler de leurs activités de supervision sur place. Je pense avoir mentionné cela dans ma déclaration liminaire. Il s'agit en réalité d'évaluer la vigueur et l'efficacité des mécanismes de contrôle sous-jacents que les banques mettent en œuvre pour se conformer aux exigences, notamment des mécanismes de rapports systémiques et de signalement des transactions douteuses au CANAFE.

Le sénateur Ringuette : Dans le pays où elles sont situées?

M. Burbidge : Quand nous sortons du Canada, nous sommes généralement familiers avec le régime de l'autre pays. Là-bas, nous travaillons d'abord avec l'organisme de réglementation local pour voir s'il y a des choses qu'il souhaite porter à notre attention car, bien souvent, nous pouvons accroître la pression sur l'établissement financier s'il y a des choses qui préoccupent l'organisme de réglementation local.

Toutefois, ce qui nous intéresse vraiment, c'est la manière dont la maison-mère de l'entité canadienne travaille avec ses bureaux dans le pays étranger. Elle les supervise et s'assure que le niveau ou la qualité du programme mis en œuvre est conforme à ses normes de groupe. Je parle de normes de groupe qui ne portent pas sur la multitude d'exigences individuelles détaillées de conformité technique mais d'une norme plus générale touchant la qualité de la gestion et l'ampleur des ressources consacrées à ce travail dans le pays étranger.

Le sénateur Ringuette : Combien de ressources consacrez-vous à ce genre d'analyse à l'extérieur du Canada?

M. Burbidge : Puis-je vous demander de préciser, madame le sénateur? Voulez-vous parler des gens que nous affectons à ce travail?

Le sénateur Ringuette : Oui, à l'étranger.

M. Burbidge : À l'étranger? C'est le même groupe. Mon bureau et mon groupe, mon équipe, sont basés à Toronto. Il y a 12 personnes dans mon groupe, moi compris. Je dirais que neuf ou 10 d'entre elles s'occupent à temps plein du programme d'analyse. Le programme d'analyse porte essentiellement, bien sûr, sur les activités intérieures mais, périodiquement, sur la base des divers facteurs que nous prenons en compte, nous choisissons un établissement et examinons de près ses activités outre-mer ou à l'étranger. Nous l'avons fait à plusieurs reprises. Ce n'est pas quelque chose que nous faisons chaque semaine mais nous le faisons certainement à intervalles réguliers. C'est alors la même équipe qui va à la banque ici même, ou parfois un sous-groupe de cette équipe, parce qu'on parle d'un très petit établissement et que ce ne sont donc pas nécessairement les mêmes personnes.

Le sénateur Ringuette : Quand le CANAFE a comparu devant le comité, il nous a dit avoir signé des protocoles d'entente avec 127 pays. En ce qui concerne les conglomérats canadiens présents dans ces 127 pays, pouvons-nous supposer, puisqu'il y a ces protocoles d'entente, qu'ils sont également obligés de faire rapport au CANAFE?

M. Burbidge : Je ne peux répondre à cette question, car je ne peux parler au nom du CANAFE en ce qui concerne qui devrait ou non faire rapport au CANAFE. Toutefois, une partie de la réponse est qu'il y a dans ces pays d'autres services de renseignement financier similaires au CANAFE dans la mesure où ils ont le même genre de mandat de réception et d'évaluation des renseignements financiers. Les rapports seraient adressés à ces services dans ces pays.

Les protocoles d'entente du CANAFE dont vous parlez sont, je crois, des protocoles d'entente avec d'autres services de renseignement financier qui leur permettent de partager des informations en vertu de certains critères et de certains seuils. Je dois dire que je ne suis pas un expert en la matière. Je pense que c'est une question qu'il serait probablement préférable de poser au CANAFE.

Le sénateur Ringuette : Depuis 2002, vous travaillez en partenariat dans le cadre de ce régime. Combien d'événements avez-vous repérés qui ont abouti à des poursuites?

M. Burbidge : Afin de répondre pleinement à cette question, madame le sénateur, je dois vous parler du processus, puisque le BSIF n'est pas directement relié à l'organisme qui intente des poursuites. Le processus veut que les banques soient tenues d'adresser au CANAFE des rapports sur les transactions douteuses. Si le CANAFE pense qu'elles ont atteint un niveau où il peut raisonnablement — je ne me souviens plus du libellé exact du seuil dans la loi — penser qu'il y a probablement du blanchiment d'argent, il adresse cette information à la police, laquelle entreprend alors une enquête régulière, comme toute autre enquête. À un certain moment, si l'enquête aboutit, des poursuites sont intentées. Nous n'avons rien à voir avec l'étape des poursuites.

Le sénateur Ringuette : Je pose la question parce que je suppose que, depuis 10 ans, le BSIF a probablement affecté ces ressources pour s'assurer que les banques canadiennes ou les filiales étrangères de nos établissements financiers se conforment à la réglementation de leurs pays. Du point de vue de l'optimisation des ressources, je me demande si les Canadiens en reçoivent pour leur argent avec ces 12 années-personnes plus leurs dépenses. Si la loi exige que l'établissement financier et la compagnie d'assurances fassent rapport au CANAFE, je m'interroge sur le rôle et la valeur des ressources humaines et des fonds que vous consacrez à essayer de voir si nos établissements bancaires respectent l'obligation de faire rapport. J'avais l'impression que la technologie utilisée pour transférer les données du CANAFE fonctionnait très bien.

Le président : Voulez-vous laisser M. Burbidge répondre? Je vous inscris pour un deuxième tour, si vous voulez continuer.

M. Burbidge : Merci, monsieur le président. Je laisse mon collègue répondre à la première partie de la question. En fait, je vais le laisser répondre à toute la question.

Alain Prévost, avocat général, Division des services juridiques, Bureau du surintendant des institutions financières Canada : Ceci sera peut-être utile pour cette question et pour d'autres qui ont déjà été posées. Vous verrez probablement dans l'exposé de M. Burbidge des références à un organisme de réglementation prudentiel. Je conviens que ce que cela signifie n'est pas nécessairement évident. C'est un terme technique qui signifie que le mandat du BSIF, le surintendant des institutions financières — je pense que le sénateur Massicotte y a fait allusion — est un organisme de réglementation de la solvabilité. Le mot « prudentiel » signifie que nous essayons de nous assurer que les établissements ont mis en place des procédures pour limiter leur prise de risque de façon à minimiser le risque de faillite et, par conséquent, à accroître les chances des citoyens canadiens d'obtenir leur argent à terme, et des établissements, de rester solvables.

Il n'est pas évident de faire le lien avec la lutte contre le blanchiment d'argent et contre le terrorisme mais, comme l'a dit M. Burbidge, le risque concerne la réputation de l'établissement. La plupart des citoyens canadiens refuseraient probablement de faire affaire avec une banque impliquée dans du blanchiment d'argent. Ils pourraient perdre confiance dans cet établissement. C'est là que le BSIF entre en jeu, en veillant à ce que la banque dispose de systèmes adéquats pour réduire le risque qu'elle soit impliquée dans ce genre de transaction. Par conséquent, le BSIF appuie indirectement les mandats des autres agences qui s'occupent de la question du point de vue de l'exécution des lois.

Le sénateur Moore : À la deuxième page de votre mémoire, monsieur Burbidge, vous parlez au troisième paragraphe des « institutions que nous jugeons les plus susceptibles de servir au recyclage des produits de la criminalité et au financement des activités terroristes. Le BSIF décide quelles institutions sont à risque en se fondant, par exemple, sur le volume des transactions effectuées et la nature des produits financiers offerts. » Quels autres facteurs pourraient retenir votre attention?

M. Burbidge : Il pourrait s'agir, par exemple, d'une banque ou d'un établissement financier ayant des relations régulières avec les établissements financiers de pays étrangers, et aussi participant à des activités de financement du commerce. Selon les arrangements financiers, les banques peuvent être tout à fait expertes en commerce international lorsqu'elles voient les transactions individuelles de leurs clients et qu'elles financent ces transactions, par exemple au moyen de lettres de crédit ou d'autres arrangements — autrement dit, lorsqu'elles offrent des services détaillés de financement du commerce au-delà de simples services de traitement de chèques.

Le sénateur Moore : Quelle sorte de volume retiendrait votre attention? Est-ce que ce serait une demi-douzaine de transactions ou est-ce que vous jugez cela au mois ou à la semaine?

M. Burbidge : Il n'y a pas de réponse fixe à cette question. On applique un critère relatif selon la taille globale de l'établissement. Un petit établissement ayant beaucoup d'exposition à ce type de travail monterait certainement dans la liste. Une banque énorme ne faisant que peu d'opérations de cette nature serait jugée moins prioritaire. Tout dépend de la taille relative.

Le sénateur Moore : Vous dites ensuite que « les grandes banques et sociétés d'assurances canadiennes sont du nombre. Le BSIF évalue leur situation à intervalles de trois ou quatre ans, mais les soumet à des examens plus fréquents et détaillés si les circonstances le justifient. »

Allez-vous sur place pour faire ces examens? Allez-vous réellement dans l'établissement lui-même ou examinez-vous seulement les dossiers qu'il vous communique?

M. Burbidge : Nous allons vraiment sur place. S'il s'agit d'une grande banque, nous aurons une équipe de cinq à sept personnes qui sera sur place pendant deux à trois semaines. Il y aura d'ailleurs eu auparavant une période d'étude durant laquelle l'équipe aura analysé les documents fournis à l'avance par l'établissement. Il y aura aussi après la visite une période de durée similaire durant laquelle l'équipe analysera ce qu'elle a vu sur place en matière de contrôle et formulera les recommandations qu'elle estime pertinentes. C'est donc un processus qui prend du temps et ces périodes sont assez habituelles.

Le sénateur Moore : Je reviens sur la question du sénateur Smith. Un peu plus loin, vous dites que « cela dit, la qualité des mécanismes de contrôle et des processus varie grandement... Une des tâches les plus exigeantes qui incombent au secteur d'activité est celle de repérer les clients qui présentent un risque important et de les soumettre, ainsi que leurs activités, à un contrôle rigoureux. » Nous avons entendu dire plus tôt que ni le Canada ni les États-Unis ne sont à la hauteur pour repérer les clients douteux. Quel est le problème? Pourquoi ces institutions ne sont-elles pas capables de repérer les clients à risque élevé afin de respecter les normes établies par le Groupe d'action financière à Paris? Est-ce un problème qui existe depuis un certain temps? Est-ce que nous étions à la hauteur autrefois et que nous avons maintenant reculé? Qu'est-ce que c'est que toute cette histoire de repérage?

M. Burbidge : Il s'agit là d'un thème commun parmi les pays membres du GAFI, et ce n'est pas particulier au Canada. Vous trouverez des remarques similaires dans n'importe lequel des rapports d'évaluation mutuelle publiés par le GAFI.

En ce qui concerne la situation au Canada, l'obligation de pouvoir repérer ces clients à risque élevé existe depuis juin 2008, je crois, lorsque les dispositions législatives concernant le CANAFE ont été modifiées pour intégrer cette exigence. Bien que certains aient des difficultés, d'autres font du bon travail.

Le sénateur Moore : Vous voulez parler de certains établissements?

M. Burbidge : Certains établissements canadiens travaillent mieux que d'autres. Les raisons sont très variables. Elles vont du manque de connaissances pour ce qu'il faut faire au manque de personnel. Il peut y avoir toutes sortes de raisons pour lesquelles un établissement ou un autre ne fait pas un bon travail. Nous essayons de voir si nous pouvons cerner les raisons sous-jacentes. Bien souvent, nous pouvons établir un lien entre leur rendement dans ce domaine et leur rendement dans la gestion d'autres risques. Par exemple, si l'établissement a du mal dans d'autres domaines, il a peut-être un problème plus systémique, auquel cas nous pouvons essayer de le cerner afin de le lui communiquer.

De manière générale, je dirais que le secteur fédéral s'améliore continuellement mais que son rendement n'est pas tout à fait au niveau que nous pouvions espérer. Il y a encore des difficultés et nous collaborons de près avec ces établissements pour communiquer nos attentes plus clairement.

L'un des facteurs de ce travail est que, même si l'on dit dans la loi que cela doit être fait, on ne dit pas comment ça doit l'être. Je pense que c'était délibéré parce que la manière dont les établissements financiers appliquent ces règles varie considérablement de l'un à l'autre. Il n'y a pas de solution toute faite. Tout ce que nous pouvons faire, c'est examiner le résultat et nous demander si, considérant la taille, les produits et les opérations, il est raisonnable que l'établissement ait repéré tel ou tel nombre de clients à risque élevé. Nous examinons sa méthodologie et essayons d'évaluer s'il semble raisonnable qu'il ait repéré ces clients.

Le sénateur Moore : Ce problème de repérage est-il plus fréquent dans les activités d'un établissement canadien au Canada par rapport à ses activités outre-mer? Cela a-t-il un impact ou fait-il monter ou baisser les chiffres? Allez-vous à l'étranger examiner les activités d'un établissement?

M. Burbidge : En réponse à la première partie de votre question, je peux vous dire que c'est très fréquent, bien que ce ne soit pas une chose ou un domaine sur lequel je puisse mettre le doigt. Pour la deuxième partie de votre question, la réponse est oui. Nous avons examiné les activités étrangères dans des pays allant des Antilles à des dépendances du Royaume-Uni ou à d'autres pays.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : On parle ici des principes et de la façon de faire. J'aimerais poser au témoin des questions précises qui vont me permettre de comprendre. D'abord, j'aimerais que vous définissiez les criminels dont on parle. Est-ce que ce sont des gens du crime organisé? Leurs transactions sont-elles liées directement juste à la question de la drogue? Est- ce que le mot « criminel » traite de tous les criminels, à savoir ceux qui commettent des fraudes, probablement qu'il y en a plus ou autant? Je veux savoir de quels criminels on parle. Il faut les identifier. Comment on fait pour le déterminer? Qui est votre criminel?

[Traduction]

M. Burbidge : Il vaudrait probablement mieux poser cette question à une autre agence, comme le CANAFE, la GRC ou le ministère des Finances. Je tiens toutefois à rappeler ce que j'ai dit plus tôt, c'est-à-dire que les banques ne sont pas censées être des agents de police. Elles ne sont pas censées être capables de repérer l'activité criminelle. En revanche, elles doivent avoir mis en place des procédures pour déterminer s'il y a des raisons de soupçonner qu'une transaction puisse être reliée à une activité criminelle.

L'autre chose est que le régime, tel que nous le comprenons au BSIF, repose sur l'idée que le produit de la criminalité résulte d'un certain nombre d'infractions sous-jacentes prédictives. Comme vous l'avez dit, cela pourrait être la vente de substances illégales ou d'autres types d'activité criminelle. Ce n'est pas nécessairement à nous qu'il faut poser cette question sur qui sont les criminels et quelle est leur définition. Je demande à M. Prévost s'il a quelque chose d'utile à ajouter.

[Français]

M. Prévost : Il y a peu de choses à ajouter. Je ne suis pas un expert mais ma compréhension, c'est que toutes les infractions qui constituent des crimes sont automatiquement désignées aux fins de la Loi sur les produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Le sénateur Hervieux-Payette : On a eu un cas au Québec il y a un certain nombre d'années, que vous connaissez peut-être et qui s'appelle Biochem Pharma. Le monde criminel avait investi dans Biochem Pharma et a fait plusieurs transactions. Une émission a été faite par une des filiales d'une banque, ils ont fait une émission de 30 millions de dollars. Éventuellement, ils ont même pénétré par infraction. Vous êtes le seul organisme à avoir accès aux livres des banques? Si la banque ne vous le dit pas, vous êtes les seuls qui peuvent aller vérifier dans tous les documents qui sont à l'intérieur des banques. Il n'y a pas un autre organisme qui peut le faire?

[Traduction]

M. Burbidge : C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Nous ne sommes pas le seul organisme à avoir accès aux dossiers dont vous parlez. Outre le BSIF, il y a bien sûr le CANAFE qui peut examiner n'importe quel document.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je veux parler de votre activité quotidienne au BSIF, de vos visites dans les banques pour vous assurer qu'elles respectent la loi. C'est ce que vous faites dans votre travail quotidien. C'est pourquoi on vous appelle un inspecteur.

[Français]

Il y a une drôle d'inspection. Vous seriez le premier sur la ligne de front pour voir quelque chose de suspect?

[Traduction]

M. Burbidge : Je demanderai à nouveau à M. Prévost s'il aura quelque chose à ajouter après ma réponse, mais je ne peux que réitérer ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire que l'obligation légale qui est faite à nos établissements financiers est de signaler les activités douteuses au CANAFE. Il y a plusieurs autres obligations de rapport mais, pour le moment, je me concentre sur celle-ci.

Notre travail sur place est destiné à nous aider à évaluer si un établissement financier possède ou non une procédure efficace pour lui permettre de faire cela. Je ne saurais vous dire ce qu'une banque ou un établissement financier devrait faire s'il appréhendait une activité criminelle connue, mais je laisserai M. Prévost répondre à cette question. Je suppose qu'il y a une manière de communiquer cette information directement aux services de police. J'espère que cela répond à la partie de votre question qui concernait le rôle de mon groupe qui, je le répète, est exercé selon le principe que nous n'attendons pas de nos banques ou de nos établissements financiers qu'ils jouent le rôle d'agents de police; toutefois, ils ont une obligation de repérage et de dissuasion, ce qui veut dire qu'ils sont tenus de pouvoir repérer l'activité potentiellement douteuse et, s'ils pensent qu'elle est douteuse, de le signaler au CANAFE.

[Français]

M. Prévost : J'ai peu de choses à ajouter si ce n'est que de rappeler le mandat du bureau. Oui, effectivement, le bureau a accès à toutes les informations que les banques possèdent, mais le but pour lequel on a accès à cette information, c'est de nous assurer que la banque est en bonne santé financière. L'objectif n'est pas de rechercher les activités criminelles. Si, par contre, par hasard, on trouve de telles informations, les fois où cela pourrait arriver, on va encourager la banque à les divulguer aux autorités policières.

Le sénateur Hervieux-Payette : Ce qui m'inquiète, c'est que si un groupe criminel achète un bloc d'actions important — et là on parle de toutes les actions à la bourse canadienne — et il ne reste pratiquement plus de courtiers qui sont indépendants, ce sont tous des filiales des banques et que les banques doivent être angéliques et que lorsque quelqu'un est prêt à souscrire une émission de 20, 50 ou 100 millions de dollars, elles n'ont pas de responsabilité plus grande comme vous dites, elles ne peuvent pas être la police. Il me semble qu'il y a une espèce de flou.

On parle d'une industrie de milliards de dollars. Il me semble qu'il est facile pour un groupe de faire un chèque sur une banque suisse et d'acheter un bloc de 50 millions d'actions et, du coup, de faire la lessive sur cet argent et de vendre des actions par petits morceaux éventuellement.

Je me demande qui va trouver ce genre d'infractions? Qui aura le fardeau de trouver, de détecter? On a beau parler de 10 000 dollars, ce n'est pas avec un tel montant que notre économie sera en danger, c'est plutôt avec les millions de dollars. Comment trouve-t-on ce genre de manipulation du marché? Il ne faut pas se conter de peurs. Après, ils interviennent sur le marché, il ne faut pas se leurrer, et ils font monter les actions en faisant de la surenchère, ce qui est arrivé avec la compagnie dont je vous parle. Donc, il y a eu une infraction au début lors de l'émission, et après il y a eu des infractions en cours de l'émission et après ces gens vendaient par la suite les actions.

Il me semble que c'est un champ d'activités où je n'ai jamais vu la GRC s'y intéresser beaucoup. Qui a les effectifs nécessaires pour examiner la chose? Vous avez accès aux livres des banques.

[Traduction]

M. Burbidge : C'est une question très vaste. Voici comment je vais vous répondre. Nous nous attendons, à ce que les banques, pour pouvoir se conformer à ces dispositions législatives, aient pris des mesures pour très bien connaître leurs clients. Il y a une obligation légale, comme nous l'avons déjà vu, qui veut qu'elles doivent être capables de repérer les clients à risque élevé. L'objet de la loi, selon nous, est simplement de faire en sorte que les établissements financiers soient en mesure de signaler l'activité douteuse là où ils pourraient normalement s'attendre à la repérer le plus grand nombre de fois.

Dans la situation que vous envisagez, nous nous attendrions à ce qu'une banque ou un établissement financier ait une connaissance suffisante de son client. S'il découvrait de telles transactions, nous nous attendrions à ce qu'il les signale ou, en tout cas, qu'il les vérifie. Voilà en partie ce que nous faisons. Nous examinons le processus du début jusqu'à la fin en disant : « Dites-nous quel genre d'indicateurs déclencheraient une alerte interne ou vous amèneraient à penser qu'il s'agit peut-être d'une transaction inhabituelle qui pourrait être douteuse mais pourrait aussi ne pas l'être, et que faites-vous pour porter ce jugement? Quelle procédure ou ressource utilisez-vous, et comment consignez-vous ce que vous avez effectivement dit qui est douteux ou non, et pourquoi? » La banque ou l'établissement financier a l'obligation de créer de tels dossiers et de les produire.

Je reviens sur une chose que vous avez dite. Je ne voudrais pas donner l'impression qu'il y a un seuil de 10 000 $ pour signaler l'activité douteuse. Il n'y a aucun seuil pour les rapports d'activité douteuse. Toute somme doit être signalée dans une transaction si elle fait l'objet d'un rapport de transaction douteuse. Bien sûr, cela peut comprendre une grosse transaction en espèces ou un transfert de fonds électronique si, en plus de la signaler de manière routinière et systématique, la banque pense aussi que la transaction est douteuse. La même transaction peut donc être signalée deux fois : une fois comme transaction douteuse, et une fois, de manière routinière ou systémique.

Le régime, au sens large, vise à dissuader le genre d'activité dont vous parlez. Nos procédures sont destinées à évaluer avec quelle vigueur nos établissements financiers mettent ces mesures en application pour faire le repérage et exercer la dissuasion attendue.

Le sénateur Massicotte : Je lisais le rapport que vient juste de publier le CANAFE, daté d'avril 2012. Il sort tout juste de l'imprimerie. Le titre complet de la loi est Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. J'ai été surpris de lire dans le rapport que le CANAFE a tenté de dépister du blanchiment d'argent par le truchement de transactions en espèces ou d'activités criminelles. Près de 36 p. 100 de toutes les transactions douteuses concernent des transactions frauduleuses. Le plus gros pourcentage de transactions frauduleuses concerne l'activité de placement.

Il y a dans le rapport un exemple à ce sujet. Étonnamment, il s'agit de gens qui ont vendu un terrain ou un autre bien qui n'existait pas et qui sont ensuite disparus. La raison pour laquelle ils se sont fait prendre n'a rien à voir avec le blanchiment d'argent. C'est parce qu'ils ont choisi de faire des transferts d'argent au moyen de virements télégraphiques. Une fois que les criminels liront cela, ils sauront qu'ils doivent utiliser des chèques à partir de maintenant. Si ces gens avaient employé des chèques, ils ne se seraient pas fait prendre. C'était le résultat le plus important du CANAFE. Cela n'avait rien à voir avec le blanchiment d'argent ou le trafic de drogue. Il s'agissait de fraude, d'investissement et de valeurs mobilières. Nous croyons avoir mis en place un énorme filet avec beaucoup de gens pour réprimer cette activité mais nous passons en fait la majeure partie de notre temps à rechercher des cas de fraude et des transactions d'investissement. Qu'en pensez-vous?

M. Burbidge : La réponse facile est que la fraude est de toute façon une infraction prédictive. Cela me ramène à ce que l'établissement financier sait de son client. À la fin de la plupart de ces discussions, la question est de savoir si l'établissement comprend bien l'usage que fait le client de ses services bancaires et quel est l'objectif de ses transactions. Les banques ont l'obligation, quand quelqu'un ouvre un compte, de demander à quoi il servira.

L'une des choses sur lesquelles nous nous sommes souvent penchés est la nature parcellaire de cette information. Lorsqu'un établissement financier repère des transactions qui ne concordent pas avec l'objectif annoncé du compte, nous nous attendons à ce qu'il fasse preuve de diligence accrue et fasse une recherche approfondie pour savoir pourquoi le client effectue des transactions qui ne semblent pas concorder avec le but de son compte. Évidemment, c'est un jeu de chat et de souris, car, dès qu'un établissement obtient cette information, les criminels changent simplement d'activité.

Le sénateur Massicotte : Je comprends ce que vous dites, mais ce qu'il y a dans le rapport est différent. On y dit que la majeure partie de la fraude dans les milieux d'investissement n'a rien à voir avec un nouveau compte bancaire ou une personne problématique. On dit qu'il s'agit généralement de personnes de bonne réputation qui détiennent des comptes bancaires au Canada depuis des années et dont le fils, par exemple, a décidé d'usurper et de manipuler les choses pour frauder et prendre l'argent. Cela n'a rien à voir avec la limite de 10 000 $ sur les transactions ou avec de nouveaux comptes bancaires. Ce sont des gens qui se font prendre simplement parce qu'ils ont fait un virement télégraphique et ont essayé de quitter le pays. Vous devriez lire le rapport.

M. Burbidge : Nous l'avons lu. Je n'ai pas entendu de question mais je comprends ce que vous dites. Je pense que notre travail consiste en partie à veiller à ce que les procédures soient en place pour que le CANAFE obtienne les renseignements et tire ses conclusions.

Le sénateur Massicotte : C'est probablement bon pour le Canada. C'est un bénéfice utile, même si ce n'était pas le but visé.

Le sénateur Ringuette : Je reviens aux questions que je vous posais tout à l'heure. Vous avez 12 personnes et je suppose que votre budget d'exploitation est de l'ordre de 3 à 4 millions de dollars, n'est-ce pas?

M. Burbidge : Je regrette, madame le sénateur, je n'ai pas ces chiffres avec moi. C'est un peu gros comme estimation, je pense, mais je ne peux pas vous confirmer les chiffres pour le moment. Je ne les ai pas avec moi.

Le sénateur Ringuette : Quand vous étiez interrogé par un autre sénateur, je me disais qu'une partie du budget du BSIF provient peut-être des droits que vous percevez auprès des établissements financiers que vous réglementez pour assurer la conformité. Est-ce que je me trompe? Pourriez-vous me le confirmer et me donner le pourcentage approximatif de votre budget qui provient de ces droits?

M. Burbidge : Je peux vous dire que le pourcentage est très élevé. Je n'ai pas le chiffre exact. M. Prévost peut peut- être vous donner plus d'informations.

M. Prévost : Quasiment toutes les dépenses du BSIF pour l'application de la loi sont recouvrées auprès des établissements financiers.

Le sénateur Ringuette : Cela comprend-il cette portion, même si vous n'avez pas de rôle législatif?

M. Prévost : Oui.

Le sénateur Ringuette : Ma question précédente était celle-ci : pourquoi devrait-on demander au contribuable de payer la facture pour protéger la réputation des banques? Je suis heureuse que le contribuable ne paie pas la facture.

M. Prévost : Il ne s'agit pas tant de protéger la réputation des banques que de protéger les citoyens canadiens contre le risque de faire affaire avec une banque potentiellement insolvable.

Le sénateur Ringuette : Il y a une différence entre une banque insolvable et une banque susceptible d'effectuer des transactions douteuses, en termes de réputation.

Lorsque le CANAFE a témoigné, la semaine dernière, j'ai demandé combien il y avait eu de sanctions administratives pécuniaires et l'on m'a dit qu'il y en avait eu 15 depuis 2008, c'est-à-dire en trois ans.

Avez-vous participé à la détermination de ces sanctions et à leur imposition à ces établissements financiers?

M. Burbidge : La réponse à votre question est que les sanctions infligées par le CANAFE sont déterminées par des processus internes au CANAFE. C'est lui qui prend ces décisions et le BSIF n'a rien à voir dans cela.

Le sénateur Ringuette : Si des sanctions administratives pécuniaires ont été imposées, c'est parce que ces établissements financiers ne respectaient pas la loi.

Vous nous dites depuis une heure et demie que vous avez 12 personnes qui effectuent une certaine forme de vérification des opérations des établissements financiers au Canada et, parfois, à l'étranger, pour vous assurer qu'ils ont mis en place les procédures nécessaires pour respecter les exigences législatives. Il y a eu 15 sanctions au cours des trois dernières années.

M. Burbidge : Je pense que vous cherchez à savoir si des sanctions quelconques ont été infligées par le CANAFE à des établissements financiers sous réglementation fédérale. Pourriez-vous préciser le genre d'information que vous recherchez, madame le sénateur? Je crains de ne pas comprendre la question.

Le sénateur Ringuette : Votre seule fonction concerne la réglementation des établissements financiers en vertu de la loi du BSIF.

M. Burbidge : Oui.

Le sénateur Ringuette : Voici ce que je vous demande : pour ces 15 sanctions, avez-vous contribué à repérer un manquement d'une banque qui ne se conformait pas à la loi ou encore à obliger et à aider cette banque à satisfaire à ses obligations?

M. Burbidge : La réponse est non car, à ma connaissance, le CANAFE n'a infligé aucune sanction au titre de son régime de sanctions administratives pécuniaires à des établissements financiers sous réglementation fédérale.

Le sénateur Ringuette : Vous dites que ces 15 sanctions ne venaient pas de...

M. Burbidge : Vous pourrez vérifier auprès du CANAFE mais je crois que ces sanctions ont été infligées à d'autres entités qui sont assujetties au régime mais qui ne sont pas des établissements financiers sous réglementation fédérale.

Le sénateur Ringuette : Et vous n'avez rien à voir avec ces entités?

M. Burbidge : C'est exact, madame le sénateur.

Le sénateur Moore : Pour poursuivre dans le même ordre d'idées que le sénateur Ringuette au sujet de vos activités, vous avez parlé de 12 employés. Quel est votre budget annuel?

M. Burbidge : Le sénateur Ringuette a posé cette question et j'ai répondu que je n'ai pas les chiffres avec moi, malheureusement.

Le sénateur Moore : Pourriez-vous fournir l'information au greffier?

M. Burbidge : Oui, je m'y engage.

Le sénateur Hervieux-Payette : Il serait bon d'avoir une ventilation.

Le sénateur Moore : Oui, plutôt qu'une somme globale. J'aimerais voir ce qu'il y a dans le budget.

Vous avez dit que vos dépenses sont couvertes par les établissements financiers. Comment cela se passe-t-il? Est-ce que ça dépend de la taille de la banque ou du nombre de demandes que vous adressez à telle ou telle banque? Dressez-vous votre budget de manière à ce que, cette année, c'est 10 millions de dollars et, comme vous aurez 10 sociétés ou 10 organisations, chacune prend 1 million? Comment cela fonctionne-t-il? Qu'y a-t-il en premier?

M. Burbidge : Je laisse M. Prévost répondre à votre question car il connaît peut-être mieux le processus que moi. Le processus s'applique évidemment à toutes les activités du BSIF. Il n'y a pas de processus séparé rien que pour ma partie de l'opération. Le processus est complexe et il y a un grand nombre de facteurs en jeu. Monsieur Prévost, pouvez-vous répondre de manière plus détaillée au sénateur?

M. Prévost : C'est exact. Essentiellement, tous les frais engagés par le BSIF sont couverts par les établissements financiers en fonction de leur taille, c'est-à-dire de leur actif, ou du montant net de primes s'il s'agit de compagnies d'assurances. Fondamentalement, plus l'établissement est grand, plus sa part des frais est élevée.

Le sénateur Moore : Voici une question que je me sens obligé de vous poser. Il n'y a pas de conflit d'intérêts ici? Personne n'exerce de pression sur vous en disant : « Écoutez, nous payons une grosse partie de vos frais et vous pourriez donc nous ficher un peu la paix. »

M. Burbidge : Au contraire. Il y a des établissements financiers qui nous téléphonent pour nous demander de venir examiner leur activité. Ils sont très, très favorables à la lutte contre le blanchiment d'argent que nous menons. Donc, certains nous appellent pour que mon groupe aille inspecter leurs services. Le problème que vous évoquez ne se pose donc pas.

Le sénateur Moore : Je sais que vous êtes régis par plusieurs lois. Il y a dans le marché des gens qui travaillent comme conseillers financiers, d'une sorte ou d'une autre, et qui traitent des millions de dollars. Il y a aussi des combines à la Ponzi. Il y a eu la débâcle du papier commercial adossé à des actifs. Jouez-vous un rôle quelconque dans la réglementation de tout cela ou est-ce en dehors de votre mandat? Voudriez-vous y jouer un rôle?

M. Burbidge : Non. En bref, non. Nous rencontrons ces situations indirectement. Il peut arriver qu'un de nos établissements financiers ait été mêlé indirectement d'une manière ou d'une autre mais, dans tous les cas, nous ne faisons qu'enregistrer l'information. Quand arrive le moment de déterminer si l'établissement a été mêlé à du blanchiment d'argent, nous gardons cette information en tête pour planifier notre travail sur place afin de voir s'il y a des faiblesses quelconques à ce chapitre. Ce n'est pas l'objet central de notre travail.

Comme je l'ai dit, nous ne nous attendons pas à ce que les banques soient des agents de police et nous n'allons donc pas aller leur dire : « Donnez-nous la liste de toutes les combines à la Ponzi dans lesquelles vous êtes impliquées. » Cela ne marche pas comme ça.

Le sénateur Moore : Je comprends. Le BSIF émet des lignes directrices sur la lutte contre le blanchiment d'argent et sur la lutte contre le terrorisme, et il diffuse et met volontairement ces listes de terroristes à jour. Nous avons obtenu ceci à la Bibliothèque parlementaire. Vous publiez des lignes directrices. Est-ce vous qui les avez rédigées?

M. Burbidge : Si nous avons rédigé les lignes directrices?

Le sénateur Moore : Oui.

M. Burbidge : Oui.

Le sénateur Moore : Élaborez-vous les lignes directrices à la lumière de vos évaluations, de votre expérience et des connaissances que vous avez acquises au fil des ans, ou encore en fonction des situations qui se présentent?

M. Burbidge : C'est bien le processus, la mise en commun des instructions publiées par les organismes de réglementation prudentiels. L'objectif est de transmettre au secteur notre connaissance des pratiques exemplaires. Comme nous analysons tous les établissements financiers, nous sommes en mesure de voir ce qui marche bien et ce qui ne marche pas bien. Notre objectif est en partie de faire savoir ce qui marche bien et aussi, périodiquement, de revoir et de mettre à jour les lignes directrices à mesure que nous tirons plus d'informations du travail que nous avons accumulé et des connaissances que nous avons acquises sur les menaces nouvelles, la manière dont les banques et les établissements financiers ont répondu à ce genre de menaces, les processus qui semblent marcher et ceux qui ne semblent pas être aussi efficaces. Le but des lignes directrices est de communiquer tout cela à notre secteur.

Le sénateur Moore : Vous mettez à jour et diffusez volontairement des listes de terroristes. Volontairement? Je ne pense pas que ce soit le bon mot.

M. Burbidge : Volontairement signifie que nous n'y sommes pas obligés par la loi, mais nous le faisons parce que nous estimons qu'il est dans le meilleur intérêt du Canada et dans le meilleur intérêt du secteur financier que nos banques soient parfaitement efficaces. Je ne veux pas dire qu'elles ne sont pas efficaces mais nous voulons nous assurer que chaque banque, chaque établissement est immédiatement informé sur ces obligations et qu'il s'est doté des processus requis pour s'en acquitter.

Le président : En vue de cet examen parlementaire, monsieur Burbidge, le ministère des Finances a consulté diverses parties prenantes, et je suppose que vous avez été du nombre, puisque vous nous avez dit lui avoir adressé des recommandations. L'ACPR a produit un document, à sa demande, comprenant un résumé des recommandations. J'aimerais savoir d'abord si vous connaissez ces recommandations.

M. Burbidge : Oui, de manière générale, bien que je n'aie malheureusement pas d'exemplaire de ce document avec moi aujourd'hui.

Le président : Je vous pose cette question parce que je voudrais maintenant savoir si vous êtes à l'aise avec ces recommandations.

M. Burbidge : Oui, tout à fait. Nous avons fait partie du groupe qui a travaillé sur ce dossier pendant environ un an; nous avons donc pleinement participé au processus et avons été écoutés très attentivement. Nous sommes donc satisfaits du résultat.

Le président : Vous avez parlé d'un dialogue continu avec le ministère des Finances mais, en guise de conclusion, y a- t-il quelque chose que vous aimeriez aujourd'hui recommander à notre comité? Y a-t-il une chose sur laquelle nous devrions nous pencher attentivement parce qu'elle n'a peut-être pas encore été soulevée ou parce que vous voudriez la mettre en relief?

M. Burbidge : Je vous remercie de cette proposition. Dans un régime comprenant des acteurs multiples comme celui-ci, où un certain nombre de ministères et d'organismes différents du gouvernement travaillent ensemble, il y a toujours des possibilités d'amélioration. On revoit régulièrement les rôles et responsabilités afin d'essayer d'instaurer le régime le plus efficace possible, eu égard aux limites imposées à chacune de nos agences par le législateur. Nous avons exposé aujourd'hui le mandat qui nous a été confié et la manière dont nous essayons de nous en acquitter pour appuyer ce régime. Nous sommes très heureux de jouer ce rôle et continuerons donc d'œuvrer avec nos partenaires fédéraux, le ministère des Finances et le CANAFE, pour améliorer continuellement ce régime. Je n'ai pas de recommandation particulière à faire aujourd'hui. Nous avons des discussions techniques en permanence. Je ne vais pas vous ennuyer avec tous les détails mais nous sommes certainement convaincus d'être pris au sérieux quand nous adressons des suggestions ou des remarques à nos collègues.

Le président : Merci, monsieur Burbidge. Au nom du comité, je vous remercie d'être venu témoigner. Monsieur Prévost, merci aussi de vous être présenté devant le comité.

Pour l'information des membres du comité, je vous signale que nous serons à nouveau ici demain à 10 h 30 pour accueillir les représentants du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et du Service des poursuites pénales du Canada dans le cadre de cette étude.

Vous voulez poser une question, madame le sénateur Ringuette?

Le sénateur Ringuette : Oui.

Considérant la question du sénateur Massicotte, et je n'ai pas lu le rapport non publié du CANAFE, il s'agit des valeurs mobilières et de l'audition de témoins.

Le président : Nous en discuterons avec plaisir avec vous.

Le sénateur Ringuette : Bien.

Le président : La séance est levée.

(La séance est levée.)


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