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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 12 - Témoignages (séance du matin)


WINNIPEG, le mercredi 7 décembre 2011

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 9 h 5 pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie au Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour chers collègues. Bonjour, professeur Cicek.

J'ouvre officiellement la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Ce matin, nous sommes dans la merveilleuse ville de Winnipeg, au Manitoba, et nous y poursuivons nos consultations sur l'énergie avec la population du Canada.

Nous arrivons de Vancouver, Edmonton, Calgary et, après Winnipeg, nous serons demain dans la formidable province de la Saskatchewan.

Chers collègues, contrairement à ce que vous pouvez lire dans vos documents, le premier ministre Greg Selinger se joindra à nous cet après-midi, à 15 h 30 pendant une heure, avant notre départ pour la Saskatchewan.

Nous avons eu une excellente journée hier, avec les employés de Manitoba Hydro. Nous avons visité un immeuble des plus remarquables, unique en son genre, je crois, puisqu'il dépasse la certification LEED platine.

Nous avons eu une excellente réunion avec l'équipe de la haute direction de Manitoba Hydro, qui m'a certainement fait comprendre que tout avance très rapidement au Manitoba, que l'approvisionnement en électricité est bon, tout comme le prix, et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Ce matin, chers collègues, nous accueillons M. Nazim Cicek, ingénieur professionnel, professeur et chef adjoint du Département de génie des biosystèmes à l'Université du Manitoba. Il enseigne à l'Université du Manitoba depuis 10 ans. Il est ingénieur chimique et environnemental.

M. Cicek donne des cours sur les pratiques de prévention de la pollution, l'évaluation des incidences environnementales, la gestion des déchets agricoles, la biotransformation des biocarburants et des bioproduits, et il poursuit très activement des recherches sur le traitement biologique des déchets, la production de biocarburant, d'éthanol et de H2 à partir des déchets de biomasse, la production de biogaz à partir de la digestion anaérobie de déchets liquides, la récupération de matières à valeur ajoutée dans les flux de déchets, y compris des engrais, des fibres, de l'énergie et des biopolymères.

Professeur, vous savez probablement qui nous sommes. Je suis le sénateur David Angus, du Québec, et je préside le comité. À ma droite se trouve le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta. Il est vice-président. À la droite du sénateur Mitchell, il y a nos spécialistes des ressources qui travaillent à la Bibliothèque du Parlement, Marc LeBlanc et Sam Banks.

À la droite de Mme Banks, il y a mon prédécesseur à la présidence, le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta, et le sénateur Nick Sibbeston, ancien premier ministre des Territoires du Nord-Ouest. Je ne le mentionnais pas par le passé, parce que je voulais l'entendre de la bouche de l'ancien premier ministre.

Je comprends maintenant l'éminente carrière que vous avez eue, sénateur Sibbeston.

À ma gauche, se trouve notre greffière, Lynn Gordon, et à sa gauche, le sénateur Richard Neufeld, de la Colombie- Britannique, ancien ministre des Ressources naturelles, des Mines et de l'Énergie, et de tout ce qui intéresse notre comité dans votre province.

Si je ne m'abuse, le sénateur Paul Massicotte est originaire de votre province. Enfin, mais ce n'est pas le moindre, nous avons notre sénateur élu, le sénateur Bert Brown, de l'Alberta.

Je pense que vous êtes au courant, monsieur, de l'étude que nous effectuons. L'un des secteurs où nous sommes terriblement faibles est celui de la biomasse. Même si nous nous efforçons d'avoir un tableau général, nous voulons tout de même bien comprendre tous les arbres de la forêt. Nous avons vraiment hâte de vous entendre.

Nazim Cicek, professeur, Département de génie des biosystèmes, Université du Manitoba, à titre personnel : Merci de la gentille présentation. Bienvenue à Winnipeg.

Comme le président l'a indiqué, j'ai une formation en génie chimique et environnemental et je m'intéresse beaucoup à des sujets de recherche dans les domaines de l'énergie utilisant la biomasse, la bioénergie et les biocarburants. J'ai fourni des diapositives pour vous présenter quelques recherches et projets que nous réalisons ou avons réalisés, simplement pour vous donner une idée de ce qui se passe actuellement dans mon groupe de recherche à l'Université du Manitoba.

Je ne prendrai pas beaucoup de temps pour une introduction, mais je présenterai tout de même quelques aspects, puis je répondrai avec plaisir à vos questions.

D'abord, la bioénergie utilisant la biomasse est la plus à portée de main, à mon avis. Il y a de grandes possibilités à l'échelle provinciale et nationale, comme en témoignent les premières diapositives dans vos notes, qui montrent la biomasse résiduelle, en particulier, présente actuellement au Canada et au Manitoba.

Évidemment, chaque province a une distribution différente de la biomasse résiduelle et différentes sources, mais voici un échantillon tiré d'une étude réalisée en 2004 par David Layzell, pour une organisation appelée BIOCAP. Il vous montre les types de ressources résiduelles que nous pouvons envisager pour remplacer les combustibles fossiles par de l'énergie utilisant la biomasse résiduelle.

Le prochain graphique vous montre la distribution au Manitoba; c'est un peu différent, comme vous pouvez le voir. Le Manitoba a évidemment d'importantes ressources grâce aux résidus de cultures et au lisier.

Nous avons aussi un secteur forestier qui produit une grande quantité de biomasse résiduelle, et la source des déchets solides municipaux est comparable aux pourcentages nationaux. Nous pouvons convertir un grand nombre de ces ressources, sinon toutes. Ce que je qualifie de déchets est en réalité une ressource sous-exploitée, une ressource qui est convertie dans des bioproduits utiles, y compris l'énergie.

Certaines des données figurant sur ces deux diapositives dénotent probablement la possibilité, au Manitoba par exemple, à l'aide simplement de la biomasse résiduelle, sans rien d'autre, sans même tenir compte des cultures énergétiques qui font en réalité augmenter la biomasse à des fins énergétiques, de déplacer tous les combustibles fossiles que nous consommons actuellement dans notre province.

Nous pouvons nous dispenser complètement des combustibles fossiles. Il y aura évidemment un coût. Le coût économique, c'est une autre histoire.

Voici quelques exemples de recherches qui s'effectuent chez moi. Nous avons consacré beaucoup d'effort et d'attention aux biocarburants cellulosiques, principalement la conversion de biomasse résiduelle en éthanol, butanol et hydrogène. Nous nous sommes également dirigés vers les biopolymères ou les blocs de construction en plastique fabriqués à partir de matières renouvelables.

Ce programme a tenté de trouver les microorganismes capables de convertir les sources de biomasse résiduelle qui existent actuellement au Manitoba en certains de ces produits. Les sources de biomasse résiduelle que nous avons testées sont des matières comme la paille, le chanvre, la fibre cellulosique, la fibre de papier, afin de couvrir toutes les possibilités ou l'ensemble des sources de biomasse résiduelle qui existent dans la province.

La situation peut changer à l'échelle nationale, mais de nombreuses implications sont identiques. C'est la même chose pour la cellulose. Peu importe l'endroit. C'est un polymère fabriqué avec des monomères glucidiques.

Nous avons fait des progrès dans ce domaine. Nous avons beaucoup publié dans ce domaine, et je crois que nous faisons partie des leaders mondiaux dans la production de biocarburants cellulosiques, en collaboration avec le National Renewable Énergie Laboratory au Colorado, et avec des partenaires en Nouvelle-Zélande et en Australie.

Le prochain projet porte sur un concept de terres humides-bioélectricité faisant appel à la biomasse des terres humides comme les quenouilles et les scirpes pour absorber les nutriments de nos plans d'eau naturels tout en utilisant le carbone produit dans ce processus pour la biomasse et la bioénergie.

Comme vous le savez peut-être, c'est un enjeu très important au Manitoba, parce qu'il y a des problèmes d'eutrophication au lac Winnipeg, et que le phosphore, en particulier, est une molécule qu'on voudrait éliminer des sources d'eau de notre province.

Nous avons tenté de combiner cette absorption avec la bioélectricité et les mesures d'atténuation des gaz à effet de serre, et la prochaine diapositive, à la page 4, vous montre quelques photos prises par mes étudiants, qui récoltaient des quenouilles dans des parcelles échantillons et des parcelles de recherche dans divers environnements naturels, que nous avons clôturés dans diverses parcelles, et où nous avons récolté de la biomasse à diverses périodes de l'année, pour comprendre le potentiel d'absorption du phosphore, puis l'utilisation du carbone de ces sources de biomasse.

Pour vous donner une idée de la place des quenouilles et de la biomasse provenant des terres humides par rapport à d'autres sources de biomasse dont vous connaissez peut-être le potentiel aux États-Unis et ailleurs, comme le panic raide et le miscanthus et les roseaux géants, les saules et les peupliers, et ainsi de suite, la deuxième diapositive à la page 4 vous donne un exemple des rendements qu'on pourrait obtenir dans ces terres humides naturelles. Il y en a beaucoup dans la province; c'est donc un sujet qui nous intéresse.

Les quenouilles poussent bien. Nous ne leur donnons aucun engrais et pas d'eau, parce qu'elles poussent en aval de cette source. La rivière leur apporte ce qu'il faut. C'est un avantage naturel. Les défis sont la récolte, le séchage, la transformation, la taille de la plante, les problèmes de génie, et cetera, mais rien de tout cela n'est insurmontable techniquement.

La prochaine diapositive illustre certaines de nos initiatives afin de compacter et « densifier » une biomasse comme les quenouilles. C'est important parce que, si nous voulons centraliser les plantes pour utiliser cette source de biomasse, nous devons évidemment tenir compte du transport et de la combustion de cette source, alors, il faut envisager des cubes et des granulés. Cela nous permet aussi d'exporter des produits dans d'autres régions ou provinces, voire à l'étranger.

Nous avons aussi effectué des travaux sur la combustion de ces matières et nous avons examiné les émissions ainsi que, par exemple, la teneur en nutriments des cendres. Nous souhaitons boucler le cycle des nutriments, depuis l'absorption à partir de l'environnement, pour finir par une utilisation dans l'agriculture.

En tant que groupe, nous croyons que rien ne doit se perdre. Au bout du compte, un déchet de phosphore demeure une forme de ressource en phosphore.

Les dernières diapositives portent sur les déchets liquides ou la biomasse liquide, si vous préférez. Il y en a beaucoup dans la province, sous forme de lisier. Le Manitoba produit 22 p. 100 de la production nationale de porcins. Le deuxième abattoir de porcs en Amérique du Nord se trouve à Brandon. Il transforme jusqu'à quatre millions de porcs tous les ans.

Nous avons une robuste industrie de l'élevage, qui comprend des porcs, des bovins, des vaches laitières et de la volaille. Les porcs sont trois fois plus nombreux que les humains au Manitoba, cela vous donne une idée de la taille de notre industrie.

L'élevage produit beaucoup de déchets, que nous aimerions réutiliser comme ressource, ce qui nous amène à la digestion anaérobie de cette ressource et à la production de biogaz ou d'hydrogène. Nous avons mené quelques travaux à ce sujet, mélangeant et regroupant des recettes de lisier et d'autres sources de biomasse résiduelle rurale comme le glycérol provenant de la production de biodiesel, l'eau utilisée dans la transformation des pommes de terre, les drêches de distillerie sèches, quelques sources que nous avons à notre disposition et qui, selon nous, pourraient accroître les rendements de biogaz en convertissant le lisier en énergie. Nous jouons avec des stratégies de combinaison de plusieurs sources, si vous le voulez.

À la page 7, la dernière diapositive montre l'une de nos nouvelles installations que j'ai construites dans notre ferme expérimentale. C'est un système pilote de digestion anaérobie très souple, pour pouvoir effectuer des travaux de recherche et de démonstration, l'objectif étant là aussi de combiner quelques sources intéressantes de déchets afin d'améliorer le rendement économique de la digestion.

Ce n'est rien de nouveau. Il est assez fréquent en Europe et dans d'autres régions du monde de faire des recherches dans ce domaine.

Nous devons surmonter des difficultés provinciales et nationales. La principale est l'existence d'énergie à bon marché dans la province, qui fait qu'il est n'est pas évident, économiquement, de remplacer l'électricité par la biomasse. De plus, notre climat rigoureux, comme vous l'avez peut-être senti ce matin, est difficile à surmonter quand le processus nécessite des températures élevées.

Cela vous donne une idée de ce que nous faisons à l'Université du Manitoba et de ce que je fais dans mon laboratoire. Au-delà de la recherche dans mon groupe de recherche, je m'intéresse aussi grandement à d'autres initiatives qui touchent à l'énergie renouvelable dans la province, notamment le programme de véhicules hybrides rechargeables.

J'ai conduit certains de ces véhicules pour les évaluer et j'ai fait quelques recherches sur ces véhicules avec des collègues de l'université. L'électrification du réseau de transport au Manitoba est une priorité.

J'ai aussi fait quelques recherches sur la construction et l'efficacité d'éoliennes. L'énergie renouvelable me passionne. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Mitchell : Professeur, nous nous remercions beaucoup. Nous n'avons pas entendu beaucoup de témoignages à ce sujet, et même s'il y en a eu quelques-uns, votre travail porte exactement sur cette question.

L'éthanol a été critiqué parce qu'on prétend souvent que cela revient à brûler des aliments. J'espère et je prévois que si l'on pouvait déjà se lancer, on irait ensuite au-delà de la combustion d'aliments.

Je me demande si vous voyez dans vos travaux d'autres découvertes technologiques qui seront efficaces et économiques. Pouvez-vous nous éclairer sur les aspects économiques?

M. Cicek : Je pense que l'éthanol produit à partir des aliments, autant la canne à sucre au Brésil que le maïs aux États-Unis ou d'autres sources ailleurs, est au mieux une solution de transition.

Évidemment, utiliser des aliments pour produire du carburant pose des problèmes de concurrence entre des ressources naturelles stratégiques. Il y a aussi des problèmes liés à la modification de l'utilisation de nos terres agricoles ou à la conversion de certaines terres en terres agricoles destinées à la production de biocarburants.

La modification de l'utilisation des terres est une grande question qui domine les discussions en Europe sur l'éthanol et les biocarburants. D'où vient cette biomasse? Même si la biomasse est renouvelable, comment remonter jusqu'à fonction que devait avoir la terre au départ? Il y a un mouvement qui va au-delà du simple examen de la conversion des aliments en carburant.

La deuxième génération, après le maïs et la canne à sucre, se penche sur la cellulose. Du point de vue commercial, la fermentation cellulosique, que nous faisons sur une petite échelle, en est encore à ses balbutiements.

Du point de vue de la recherche, nous pouvons proposer de nombreuses solutions. Il y a eu quelques projets pilotes et il existe quelques usines pleine échelle qui convertissent de la fibre en éthanol, mais ce ne sont pas des usines autonomes et elles nécessitent certaines conditions économiques pour pouvoir exister.

Je dirais que si le problème de l'approvisionnement en matière première peut être résolu et, je le répète, la matière première à portée de main est la biomasse résiduelle, et si l'on peut trouver des façons efficaces de convertir la biomasse résiduelle en éthanol, il a encore sa place dans le secteur des transports.

Même si tout le transport était électrifié et que toute l'électricité était produite par des sources entièrement renouvelables, hydro-électricité, énergie éolienne, géothermie, énergie solaire, et cetera, il y aurait une place pour les biocarburants dans le transport longue distance, le transport maritime, le transport aérien et d'autres secteurs où l'électrification serait très difficile.

Pour revenir à votre question sur les aspects économiques de la production d'éthanol à partir de cellulose, dans les plus récentes études du NREL, le National Renewable Energy Laboratory, des analyses ont été effectuées sur la transformation de la cellulose en éthanol, qui coûterait environ 5 $ le gallon, ou 1,25 $ le litre, si vous préférez. C'est une estimation, pas un chiffre exact. Le coût de production de l'éthanol de canne à sucre se situe à moins de 2 $ ou 1,50 $ le litre.

Je pense que nous sommes dans une transition et, évidemment, si la matière première ne coûte rien, si elle vient de déchets ou même a une valeur négative, qui ferait en sorte qu'il faudrait payer pour s'en débarrasser, ou s'il y avait un problème de dégradation environnementale qui ferait en sorte qu'elle aurait un coût négatif pour le contribuable, il serait tout à fait logique de la convertir en un produit aussi utile que l'éthanol.

Je défends encore l'éthanol, pas seulement à partir d'aliments.

Le sénateur Mitchell : Vous avez évoqué l'électrification des transports. Vous avez peut-être déjà répondu à la question des compromis. Vous voyez un plus grand potentiel pour l'électrification au moins pour le transport courte distance, les voitures hybrides rechargeables, par exemple. J'ai interrogé les témoins pour avoir une idée de la rapidité avec laquelle cela pourrait se faire et de l'ampleur du phénomène.

Il semble que les voitures hybrides rechargeables soient une meilleure idée qu'une voiture purement électrique dans le contexte canadien où 60 kilomètres ou 80 kilomètres, ce n'est pas très loin.

Comment envisagez-vous l'avenir, et à quelle vitesse la transformation pourrait devenir évidente?

M. Cicek : Vous avez raison. Je crois beaucoup aux voitures hybrides rechargeables. Je m'y intéresse depuis 2005. J'ai même organisé une conférence à Winnipeg en 2007 sur ce sujet.

Je pense qu'elles sont déjà là. Elles sont arrivées parce que j'en ai conduit une en janvier à Winnipeg, avec bonheur. Elles sont là parce que les grands fabricants d'automobiles en fabriquent et parce qu'elles sont sur le marché ou le seront davantage à l'avenir, et parce qu'elles ressemblent beaucoup à une voiture ordinaire.

On branche la voiture ou on ne la branche pas. C'est la grande différence entre une voiture électrique et une voiture rechargeable. Si les coûts de l'énergie dans votre province ou dans votre État font de l'électricité un très bon choix, alors on aura tendance à vouloir brancher sa voiture. Mais dans le cas contraire et si l'on pense que c'est un fardeau, on conduira une voiture alimentée aux carburants fossiles ou aux biocarburants, de préférence.

La voiture hybride rechargeable est là, et je pense qu'elle aura une grande place dans l'équation du transport tant que nous n'aurons pas la technologie des accumulateurs et l'autonomie qui élimineront l'anxiété du conducteur au volant d'un véhicule tout électrique.

Je possède un chalet ou j'ai accès à un chalet, et je ne peux pas m'y rendre en voiture électrique. C'est impossible. Je devrais acheter une autre voiture ou en louer une pour me rendre au chalet. Les Manitobains conduisent beaucoup. Nous avons une grande province et nous adorons la nature et il y a de nombreux chalets. On ne passera pas à la voiture électrique tant que le problème de l'autonomie ne sera pas réglé.

Je pense que les voitures hybrides rechargeables seront cette technologie de transition. L'électricité au Manitoba est à 99 p. 100 renouvelable. Nous produisons notre propre énergie. Nous éliminerions donc l'importation de gaz naturel ou des combustibles fossiles qui se trouvent habituellement dans l'essence ou le diesel si nous pouvions convertir en électricité tous nos besoins en combustibles fossiles, mais il faut se demander ce que veut faire la population, et elle ne veut pas changer de comportement.

Je suis ingénieur et j'aimerais offrir une solution technique afin qu'il ne soit pas nécessaire de changer de comportement. Je sais qu'il est très difficile de changer.

Le sénateur Mitchell : Une question technique. Il y a des voitures purement électriques, comme la Leaf de Nissan, qui est une voiture rechargeable, sans essence, sans autre source d'énergie pour se déplacer. Il y a des voitures hybrides non rechargeables comme la Prius, qui crée sa propre électricité et apporte ainsi un supplément au moteur à carburant fossile, et il y a les hybrides rechargeables, qui seraient une combinaison des deux.

La voiture hybride rechargeable créerait-elle aussi généralement sa propre électricité, ce qui lui donnerait trois sources d'énergie? On pourrait la brancher, ou utiliser simplement l'électricité qu'elle crée en freinant ou autrement, de sorte qu'elle aurait les trois sources d'énergie?

M. Cicek : Précisément. De fait, si vous ne branchiez jamais votre hybride rechargeable, elle se transformerait en une simple Prius hybride.

Le sénateur Mitchell : Exactement.

M. Cicek : Est-ce possible?

Le sénateur Mitchell : Oui, parce qu'ils viennent tout juste de lancer la Prius rechargeable. Au départ, elle était seulement...

M. Cicek : En effet. La Prius rechargeable n'est pas encore sur le marché. Celle que j'ai conduite pendant un essai de quelques semaines faisait partie d'un parc de 10 véhicules qui était au Manitoba pour des essais où elles étaient conduites par de nombreux conducteurs, donc dans des parcs automobiles. L'Université du Manitoba avait l'un de ces parcs et proposait donc ces voitures.

Cela donne l'impression que cette voiture fonctionnerait dans les conditions du Manitoba. Évidemment, le principal facteur est la conduite hivernale, mais il y a aussi la chaleur, la manière de recharger la voiture, la commodité, et cetera. Nous avons rempli de longs questionnaires après avoir conduit ces voitures, afin de collecter des données sur ces aspects.

Si vous n'aviez pas envie ou le temps de brancher votre voiture hybride rechargeable, elle pourrait encore produire de l'électricité par les freins. Elle conserverait l'aérodynamisme et la structure d'une voiture hybride ordinaire et consommerait peu de carburant.

Le sénateur Mitchell : Vous avez présenté un graphique intéressant sur la récolte aux fins de la bioénergie, des comparaisons des rendements de la biomasse, et le rendement pour la quenouille était 14,7 t/ha.

M. Cicek : Tonnes à l'hectare, ou tonnes sèches.

Le sénateur Mitchell : Exact, et il faut 90 jours pour la produire. Ces 14,7 tonnes sont-elles un combustible aussi dense que, par exemple, le panic raide, qui met trois ans à pousser pour obtenir une quantité moins grande?

M. Cicek : Oui, ce sont des tonnes sèches.

Le sénateur Mitchell : Elles produisent le même nombre d'unités calorifiques par unité que le panic raide, qui met trois ans à pousser?

M. Cicek : Oui, parce que si vous prenez un gramme sec ou une tonne sèche d'une biomasse et la comparez à l'autre, la puissance calorifique ou la combustibilité, si vous voulez, sont très semblables.

La puissance calorifique élevée d'un granulé de quenouille ou de panic raide est très semblable à celle du lignite, la différence est donc simplement la forme originale de la biomasse.

La quenouille est une plante très haute de 12 pieds, dont la structure est telle qu'il faut la sécher et la transformer en granulés parce que c'est une matière très duveteuse. Il faut donc de l'énergie et un certain effort pour la condenser dans une forme qui serait transportable et facilement combustible.

Par rapport à d'autres sources de biomasse, c'est aussi puissant du point de vue de la combustion.

Le sénateur Mitchell : On en obtient davantage à l'hectare que du panic raide. On obtient 50 p. 100 de plus en 90 jours que ce que produit le panic raide en trois ans.

M. Cicek : En effet. Je devrais peut-être clarifier ces chiffres. La biomasse des terres humides ne pousse que l'été et il y a une période de croissance de 90 jours avant que la biomasse parvienne à maturité. Une fois que cette biomasse est récoltée, elle ne pousse plus avant l'année suivante, alors, c'est un peu erroné de parler de 90 jours.

Mais il n'y a pas d'intrants. Il n'y a pas de terre agricole à sacrifier. Il est certainement possible de faire des récoltes naturelles sur petite échelle, sans trop d'effort.

Cela dit, ces plantes poussent sur des étendues très dispersées, alors le panic raide ou les autres roseaux qu'on pourrait planter dans un champ agricole le seraient sur une plus grande échelle et seraient plus faciles d'accès. Récolter de la biomasse dans les terres humides en février, ce n'est pas une sinécure.

Le président : Monsieur Cicek, il a été question de l'éthanol au début des questions du sénateur Mitchell et j'ai entendu votre réponse. Je voudrais aller un peu plus loin, mais pas vraiment dans la perspective des aliments.

Quand on a commencé à parler de l'éthanol il y a quelques années, l'élan semblait venir de l'Europe. Ils adoptaient des lois pour exiger des additifs dans l'essence ordinaire pour les automobiles.

Savez-vous quelle est la situation actuelle? À l'époque, l'éthanol était présenté comme une formidable possibilité d'investissement et j'ai fait partie de ceux qui ont vu leur argent disparaître dans un trou noir. Je me demande, l'éthanol a- t-il un avenir?

M. Cicek : Je n'ai pas de données particulières sur les mandats qui ont été établis en Europe. Nous avons un mandat d'éthanol de 8,5 p. 100 dans la province, et il y a un mandat national de biocarburant, 5 p. 100 pour l'éthanol et 2 p. 100 pour le biodiesel.

Ces mandats ont incité l'industrie à se tourner vers ce qui était le plus à portée de main, la matière première la moins coûteuse, la technologie la mieux connue, les investissements les moins risqués, et ces investissements sont dans une large mesure épuisés, sauf si vous voulez investir davantage dans la filière aliments-biocarburant.

Je pense que le principal souci en Europe pour relever certains de ces défis, pas seulement le mandat actuel mais aussi les mandats futurs projetés vers 2020 ou 2030 dans certains pays, la Suède et la Lettonie par exemple, où les ratios d'énergie renouvelable ont augmenté et où il y a un élan pour les faire monter davantage, c'est de trouver la matière première des biocarburants ou une biomasse qui peut durer.

Le débat le plus vif et le plus actuel porte sur l'approvisionnement en matière première. Par exemple, il arrive que des entreprises louent des terres en Afrique ou ailleurs pour cultiver des aliments destinés à la production de biocarburant. Elles prétendent cultiver des terres marginales. Mais la population locale utiliserait probablement ces terres différemment.

Il y a ce problème au sujet de la modification de l'utilisation des terres et de la production de biocarburants, et l'Europe a du mal à le résoudre. Il est très important de pouvoir retracer correctement la matière première.

Pour que cette énergie soit vraiment renouvelable et durable, il faut s'assurer que la matière première ne provient pas de sources non durables. Cela ne répond pas à votre question, parce que je n'ai pas ces données, mais ce sont les aspects qui sont discutés en Europe actuellement.

Le président : Bien, et un point de vue simpliste sur ce que vous venez de dire c'est qu'il y a éthanol et éthanol.

J'ai investi dans une affaire où l'un des atouts qu'ils prétendaient avoir au départ était un contrat avec l'Ukraine pour tous les dérivés de l'industrie agricole et tout l'éthanol, et évidemment, il s'est avéré que ce n'était pas de la bonne qualité.

Merci de votre réponse. Je vais envoyer la transcription à certaines personnes en Europe.

Le sénateur Banks : Je vais poursuivre dans cette veine, moi aussi, en partie parce que le gouvernement du Canada a investi très largement dans la production d'éthanol à partir de la cellulose, qui est parvenue à une échelle commerciale ou presque.

L'entreprise dans laquelle le gouvernement du Canada a investi pour effectuer la recherche s'appelle Iogen — je suis certain que vous la connaissez — et, la dernière fois que nous avons regardé, elle était en train de construire des usines commerciales.

Vous avez déclaré il y a un moment que la matière première disponible au Manitoba pour la production cellulosique d'éthanol est épuisée. J'ai du mal à comprendre cela, parce que l'un des produits qu'ils utilisent, c'est la paille qui reste après une récolte de blé, par exemple, et dans cette région du monde, je vois mal comment la paille pourrait s'épuiser.

M. Cicek : Si c'est ce que j'ai dit, ce n'est pas ce que je pensais. Je suis désolé. Je me rétracte.

Je ne sais pas trop ce qui s'est retrouvé dans le compte rendu, mais ce que je voulais dire, c'est ceci. En ce qui concerne le débat sur la transformation d'aliments en carburant en Europe, où des mandats ont été mis en place, et j'ai peut-être confondu avec le Manitoba, ils n'ont plus accès à la matière première qui devait être convertie en éthanol ou à la biomasse en général. Ils doivent donc sortir du continent pour aller chercher cette matière première. Au Manitoba, ce n'est pas un problème.

Le sénateur Banks : Bien, parce qu'Iogen nous a expliqué, la dernière fois que nous leur avons parlé, que tant qu'ils auraient accès à de la paille, par exemple, qui est un déchet pour les producteurs de blé et d'orge, dans un rayon de 100 kilomètres je crois, c'était rentable pour eux. Ils cherchaient même des endroits où construire des usines.

M. Cicek : En effet. J'ai eu des discussions avec eux il y a environ six ans, quand ils sont venus Manitoba pour voir s'il était possible d'y construire une usine.

Je ne suis pas étonné que cela ne se soit pas encore fait, et ce n'est pas à cause de l'approvisionnement en matières premières, ni du rayon, ni même du coût de la matière première, parce que l'agriculteur fera tout de même payer la mise en balles et le transport de cette matière première jusqu'à l'usine.

Je pense que le défi, c'est la conversion à un faible coût de cette matière en des glucides que demande le modèle pour produire de l'éthanol. Iogen est une entreprise axée sur les enzymes. C'est là qu'elle a débuté. Elle faisait des cocktails d'enzymes pour convertir A en B et elle avait des cellulases. Ces enzymes convertissent la cellulose en sucre.

Mais le traitement des enzymes a toujours été très coûteux et très difficile. Ces procédés posent des problèmes parce qu'ils rivalisent avec la fermentation des glucides, de sorte que ces réalités économiques existent toujours. Sans d'importantes subventions à l'approvisionnement en matières premières, peut-être d'autres moyens, je ne veux pas entrer dans les détails, mais sans mesures incitant ces entreprises à construire des usines, je pense qu'il sera encore difficile de rivaliser avec la production traditionnelle d'éthanol.

Le sénateur Banks : Sans subventions, le marché n'existe pas encore?

M. Cicek : Pas pour le moment.

Le sénateur Banks : Le sénateur Mitchell et moi venons d'Edmonton, une ville qui, comme vous le savez peut-être, a demandé à une entreprise montréalaise de convertir des déchets solides en énergie. Je pense que c'est l'une des premières au pays. Nous ne savons pas encore comment cela va fonctionner. Nous verrons, mais nous sommes très confiants.

Ce que vous venez de décrire, l'utilisation de la biomasse pour remplacer les combustibles fossiles, est-ce pour bientôt? À votre avis, dans la pratique, étant donné qu'il y a quelques projets pilotes dans le pays et que les installations d'Edmonton devraient être à l'échelle commerciale, sommes-nous près de pouvoir remplacer les combustibles fossiles?

M. Cicek : Nous ne sommes pas près de remplacer les combustibles fossiles. Je pense que c'est plutôt une façon de dire quel est le potentiel.

Nous avons suffisamment de biomasse, certainement au Manitoba, pour remplacer tous les combustibles fossiles actuels. La situation peut varier selon la province.

Cela dit, des technologies comme celles employées à Edmonton et de nombreuses autres qui en sont employées sur grande échelle, sur une échelle commerciale, en Europe et ailleurs en Amérique du Nord, dépendent seulement des facteurs économiques. Ce n'est plus un défi technique.

Les déchets solides municipaux, par exemple, la portion organique, sont convertis facilement en bioénergie dans une grande partie de l'Europe grâce à la combustion, à l'oxydation thermique, à la regénération de la chaleur provenant de cette source, et les cendres sont ensuite...

Le sénateur Banks : Est-ce commercialement viable?

M. Cicek : C'est commercialement viable dans leur situation économique où les coûts de l'électricité sont très élevés, où les entreprises ont droit à des crédits pour l'écologisation, où des mesures incitatives sont en place et où il existe parfois un marché du carbone.

Ce n'est pas encore économiquement viable ici, là encore, cela dépend de la province, mais je dirais que nous sommes proches. Je pense qu'il y a des obstacles à cause de la réglementation et des problèmes d'uniformisation. Votre comité et d'autres pourraient jouer un rôle pour faciliter les choses, mais il n'y a plus de problèmes technologiques à résoudre. C'est purement une question économique.

Le sénateur Neufeld : Au haut de la page 2, là où vous parlez de la biomasse résiduelle au Canada, qu'entendez-vous par résidus ligneux hors tronc? Comment les déterminez-vous?

Y a-t-il tant de kilomètres carrés au Canada et tant où pourraient pousser les arbres, même si c'est à 500 milles ou 1 000 kilomètres d'une route? Pouvez-vous donner des explications?

M. Cicek : Ce ne sont pas mes chiffres. Je les tire d'une étude effectuée il y a quelques années, mais les résidus ligneux hors tronc désignent la matière qui reste après l'abattage des arbres. Cela vient directement du secteur forestier.

Quand on abat des arbres dans la forêt, il reste beaucoup de résidus. C'est ligneux, mais ce n'est pas le tronc, donc c'est la partie hors-tronc, si vous voulez.

Le sénateur Neufeld : Ce sont les branches et le fût.

M. Cicek : Les branches, le fût, les feuilles, tout ce qui reste sur place et qui pourrait servir.

Évidemment, les problèmes que vous avez évoqués existent effectivement. Il faut sortir ces matières de la forêt. Il faut les transporter dans une usine. C'est seulement alors qu'on peut les utiliser.

Certains de ces endroits sont éloignés et il y a de nombreuses difficultés à surmonter pour obtenir cette biomasse, mais je suppose que cette étude a été réalisée simplement pour déterminer le tonnage disponible.

Si on va jusque-là pour abattre des arbres, bien des gens diraient qu'il est peut-être possible de récolter davantage que le tronc. C'est probablement le raisonnement qu'on pourrait faire.

Le sénateur Neufeld : Je voulais seulement vérifier. Je connais la situation, parce que je viens de la Colombie- Britannique, et 50 p. 100 des forêts qui existent au Canada se trouvent en Colombie-Britannique.

Nous avons examiné cela de très près, en Colombie-Britannique je veux dire, du point de vue économique, et ce n'est pas économique du tout. C'est une partie du problème.

M. Cicek : Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Neufeld : Bien, vous êtes d'accord avec moi là-dessus?

M. Cicek : Oui, je suis d'accord que, du point de vue économique, ce n'est pas encore faisable, dans la conjoncture actuelle des combustibles fossiles, mais c'est une ressource qui n'est pas encore utilisée.

Le sénateur Neufeld : Pour revenir aux voitures électriques, vous vivez évidemment dans l'une des trois provinces où les tarifs de l'électricité sont très bas et qui génèrent actuellement près de 100 p. 100 d'énergie propre. C'est formidable. Certaines provinces ont moins de chance.

Certains pays européens produisent 50 p. 100 de leur électricité avec du charbon. Les États-Unis en produisent environ 60 p. 100 avec du charbon.

Quand on commence à parler d'utiliser l'électricité, j'ai tendance à penser que ce n'est pas la solution idéale non plus, parce que, pour convertir, il faut produire de l'électricité quelque part, par un moyen quelconque, et ce que n'est pas toujours facile sur une grande échelle; de fait, c'est presque impossible.

Nous comprenons aussi que l'industrie automobile, c'est essentiellement l'industrie américaine qui s'impose à l'Amérique du Nord. Si la Californie ne réagit pas, ils ne fabriqueront pas une automobile adaptée. Ils s'occuperont d'abord de leurs propres marchés.

Pensez-vous que les voitures électriques sont seulement une petite partie ou une grande partie de toute la question au Canada actuellement, et probablement pour longtemps à l'avenir, plutôt qu'une grande partie?

La deuxième question porte sur les accumulateurs, autrement dit, les batteries. Même dans la Prius et ce genre d'automobile, on n'a pas vraiment déterminé, si je comprends bien, comment traiter ces déchets lorsqu'ils en seront. De fait, un problème s'en vient dans le cas des autos déjà fabriquées, parce qu'on se demande que faire des batteries qui deviennent complètement désuètes après quelques années.

Qu'on pense pouvoir faire rouler sa voiture pendant 10 ans ou non, il faudra peut-être conclure que la batterie actuelle est bonne pour la décharge et se demander comment s'en débarrasser.

M. Cicek : Je répondrai à votre première question quant à savoir si les véhicules électriques seraient une petite ou une grande solution.

Je pense qu'il est difficile de répondre complètement à cette question, mais je suis certainement convaincu que l'électrification des transports aura une grande envergure au Manitoba à cause des facteurs que vous avez indiqués. Notre électricité ne coûte pas cher et elle est renouvelable.

Même si nous devions électrifier tous les véhicules au Manitoba actuellement, nous ne consommerions encore que le quart de l'électricité que nous exportons. Par conséquent, en ce qui concerne l'approvisionnement et l'accès, si vous le voulez, la nature écologique de notre électricité, l'électrification des transports ne pose pas de problème si la technologie existe.

Évidemment, si la source est le charbon, ce n'est pas une bonne idée. Si la source est le pétrole, ce n'est pas une bonne idée.

Les possibilités que le secteur des transports utilise de l'électricité plus verte et plus renouvelable existent, en particulier sur une très petite échelle. Une grande partie du secteur des voitures hybrides rechargeables ou des voitures électriques envisage une production d'électricité à petite échelle à la maison, par l'énergie solaire ou d'autres sources. On pourrait imaginer que le marché des voitures électriques stimulera l'électricité renouvelable dans une certaine mesure.

Est-ce que ce sera la principale solution? Non. Ce sera l'une des nombreuses solutions, mais elle jouera un rôle, à mon avis.

L'élimination des batteries pose problème, tout comme l'approvisionnement en lithium. Évidemment, la durée de vie des accumulateurs s'améliore. L'élimination est envisagée dans la perspective de la remise à neuf et de la réutilisation pour des sources fixes, ce qui ferait que, lorsque la batterie de la voiture a fini sa vie utile, elle peut être combinée à d'autres batteries pour devenir une solution de stockage fixe de l'énergie solaire ou éolienne ou d'autres sources pour lesquelles l'énergie peut être stockée pendant un certain temps.

Quelques idées de réutilisation et de remise à neuf sont examinées. Je pense qu'il faut analyser le cycle de vie et si le cycle de vie des batteries est meilleur que celui des combustibles fossiles, on les adopte. Sinon, on laisse tomber.

Le sénateur Neufeld : Si une batterie a atteint la fin de sa vie utile dans une automobile, vous dites qu'on pourrait l'enlever de l'automobile et l'utiliser ailleurs? Expliquez-moi comment vous en venez à cette idée. Pour moi, une batterie, c'est une batterie.

M. Cicek : Je peux expliquer un peu. Dans une auto, l'accumulateur est cyclé, il se charge et se décharge, très souvent et perd sa capacité de libérer de l'énergie après un certain nombre de cycles. Par conséquent, un grand nombre d'accumulateurs sont encore bons, en ce sens qu'ils fonctionneraient, mais ils ne feraient pas l'affaire dans une voiture parce que, dans une auto, il faut emmagasiner et libérer rapidement l'énergie sous une forme dense.

Des projets de recherche portent sur le recyclage de ces batteries épuisées qui ont servi dans les transports dans des applications fixes sans cyclage. Je pense qu'il faut aller au-delà de la fin de la vie technique d'un accumulateur au lieu de sa vie utile. Dans un véhicule de transport, il y a une vie utile après huit ou dix ans, qui pourrait être exploitée.

Voilà le type de recherche qui est en cours. Je pense qu'on ne sait pas encore où elle mènera. Je ne fais que lancer des idées.

Le sénateur Neufeld : Pouvez-vous me dire où s'effectuent ces recherches et par qui? Si vous l'utilisez avec l'énergie éolienne, il faudra aussi un cyclage, peut-être pas aussi directement que dans une auto, mais il faudra tout de même un cyclage, parce qu'on stocke l'énergie pour pouvoir la réutiliser. C'est le bon sens. Si vous savez où se font ces travaux, j'aimerais que vous me le disiez.

M. Cicek : Puis-je donner cette information plus tard?

Le sénateur Neufeld : Envoyez-la à la greffière et nous la recevrons tous.

Le sénateur Banks : Le sénateur Neufeld comprend évidemment tout, mais pas moi. Une batterie, c'est une batterie.

Si la batterie n'apporte plus d'énergie dans l'automobile et doit donc être remplacée, je la charge pour qu'elle puisse emmagasiner l'énergie, mais je ne peux pas utiliser cette énergie. Je ne comprends pas. Pardonnez-moi d'être obtus.

M. Cicek : Je ne suis pas un expert des batteries. Je vais donc vous répondre à partir de ce que j'ai lu et des discussions avec certains de mes collègues qui travaillent dans ce domaine.

La difficulté, dans le cas des accumulateurs de transport, c'est qu'on a besoin de l'électricité tout de suite et qu'il en faut beaucoup. Quand on recharge l'accumulateur, on voudrait que cela se fasse le plus rapidement possible. Un accumulateur de transport au lithium a une certaine fonction.

Il se pourrait que l'énergie ne soit pas libérée ou emmagasinée assez rapidement et, par conséquent, que l'automobile n'utilise plus cet accumulateur et qu'il faille le remplacer, bien que je ne pense pas que ce soit prévu pour une Prius. Je n'ai pas souvent vu de remplacements d'accumulateurs sur des Prius.

L'utilisation dans les transports est différente de celle qui se fait, par exemple, quand on regroupe des accumulateurs et qu'une turbine les recharge lentement, mais qu'il n'est pas nécessaire d'utiliser l'électricité rapidement. L'idée consisterait à utiliser l'accumulateur dans une fonction qui n'était pas prévue au départ. En le recyclant ainsi, on pourrait encore s'en servir sans devoir l'envoyer à la décharge.

L'idée serait d'éviter la décharge et de trouver une utilisation pour les accumulateurs qui ne jouent plus leur rôle original. Je pense qu'il vaudrait mieux que vous obteniez des précisions des experts, et je peux certainement vous diriger vers des gens qui font des recherches dans ce domaine. Ce n'est pas mon domaine.

Le président : Professeur, merci beaucoup d'avoir pris la peine de venir ici ce matin pour nous rencontrer. C'est un aspect très intéressant et plutôt technique et compliqué pour nous, mais c'est certainement un élément clé du tableau.

Comme prochains témoins, honorables sénateurs, nous avons le bonheur d'accueillir Ray Hoemsen, directeur de la recherche appliquée et de la commercialisation au Red River College, et son collègue, Ken Webb, dont le nom ne figure pas sur l'avis, mais qui accompagne M. Hoemsen.

M. Hoemsen est ingénieur professionnel et il a occupé de nombreux postes de leadership dans les secteurs public et privé, et comme bénévole dans la collectivité et dans sa profession. Depuis 1986, il s'est spécialisé en science des affaires et il a été directeur du bureau de liaison avec l'industrie de l'Université du Manitoba ainsi que vice-président et directeur des opérations de la Smartpark Development Corporation de l'Université.

En juin 2004, M. Hoemsen a été nommé directeur de la recherche appliquée et de la commercialisation au Red River College. Il a terminé récemment une affectation à mi-temps de 17 mois au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, où il a été directeur général invité de la Division des Prairies.

Monsieur, nous sommes ravis de vous accueillir. Je m'appelle David Angus. Je suis le président du comité, et mon collègue à ma droite est le sénateur Grant Mitchell, le vice-président. Les noms des autres sénateurs sont là. Nous vous poserons des questions après votre exposé.

Ray Hoemsen, directeur, Recherche appliquée et commercialisation, Red River College : J'aimerais présenter mon collègue, Ken Webb. M. Webb est notre vice-président à la recherche académique au collège, et il a pu réorganiser son emploi du temps ce matin pour être ici.

M. Webb et moi fonctionnerons en tandem. Il présentera le premier tiers de l'exposé, qui portera sur les travaux des collèges en recherche appliquée et nos capacités reliées au thème de votre étude, puis je présenterai quelques exemples particuliers, et nous nous efforcerons ensuite de répondre à vos questions.

Ken Webb, vice-présidente, Recherche académique, Red River College : Merci de nous avoir invités ce matin. Parce que je me suis ajouté tardivement, vous n'avez pas eu ma biographie, alors je vais vous décrire un peu mes antécédents.

Je suis ingénieur professionnel, ainsi que vice-président des affaires académiques et de la recherche au collège, poste que j'occupe depuis une vingtaine d'années. Je suis responsable de notre programme mais aussi de notre portefeuille de recherche.

Dans d'autres vies, j'ai occupé divers postes touchant aux énergies renouvelables. À un moment donné, j'ai aussi dirigé les programmes provinciaux de gestion de l'énergie du Manitoba dans les immeubles commerciaux industriels, et mes études supérieures ont porté sur les énergies renouvelables et plus particulièrement sur les nouvelles technologies solaires, mais c'était il y a un certain temps déjà.

L'énergie me tient beaucoup à cœur. Je suis très heureux de pouvoir vous en parler aujourd'hui.

Premièrement, j'aimerais féliciter le comité et le gouvernement d'avoir pris cette initiative. Je pense que le capital humain, l'énergie et l'eau sont probablement les trois éléments essentiels pour assurer la prospérité d'un pays. De fait, cela va probablement au-delà de la prospérité et c'est ce qui assure notre souveraineté et peut-être aussi notre existence.

Il est important que les pays se dotent de politiques nationales dans ces domaines. Il y a 40 ans, lorsque nous avons tenté pour la dernière fois de nous doter d'une politique nationale de l'énergie, elle a peut-être fini par nous diviser un peu et par être plutôt décevante à de nombreux égards. Selon un vieux dicton, le meilleur moment pour planter un arbre, c'était il y a 40 ans; mais sinon, il faut le faire maintenant.

Nous voulons vous parler ce que nous connaissons le mieux. Vous entendrez de nombreuses opinions de partout au pays, en tous cas nous l'espérons, et l'on vous donnera de l'information et des conseils sur toutes sortes de choses. Aujourd'hui, nous nous limiterons à ce que nous connaissons le mieux, soit les collèges et comment ils peuvent appuyer une politique nationale de l'énergie et jouer un rôle dans ce domaine.

Permettez-moi de vous parler un peu du Red River College. Nous sommes un institut polytechnique — pensez au NAIT, au SAIT, au BCIT et à certains grands collèges ontariens.

Nous avons une orientation commerciale et technique. Nous sommes le deuxième établissement en importance dans la province. Notre cousine, l'Université du Manitoba, qui offre des programmes universitaires complets, est le plus grand. Nous offrons plus de 100 programmes et touchons probablement environ 32 000 étudiants par année.

Nous nous trouvons dans tout le Sud du Manitoba, dans de multiples campus. Nous avons un budget d'environ 150 millions de dollars par année et probablement 2 000 employés, de sorte que, si nous étions une collectivité, nous compterions parmi les plus grandes des petites villes du Manitoba.

Le président : Vous avez neuf campus dans tout le sud du Manitoba, y compris à Winnipeg?

M. Webb : Oui, nous en avons quatre à Winnipeg. Notre campus principal se trouve près de l'aéroport, et il y en a un dans le Quartier-de-la-Bourse. Nous avons un campus de l'aviation à l'aéroport Stevenson, ou l'aéroport de Winnipeg. Nous avons notre centre de formation linguistique à la gare Union de VIA Rail. Nous occupons trois étages de cet immeuble.

Nous avons aussi quatre campus régionaux dans des villes du sud du Manitoba. Nous avons également une remorque de formation mobile qui peut aller presque partout où il y a un accès routier.

Ceux d'entre vous qui connaissent l'Ouest reconnaîtront probablement que la population du Manitoba est polarisée, puisque 75 p. 100 de tous les Manitobains vivent probablement dans un rayon d'une heure de Winnipeg et que le reste de la population est dispersée dans le reste de la province. À cause de cette concentration de la population à Winnipeg et dans les environs, autrement dit, dans la région que nous servons, nous finissons par devenir un établissement provincial et régional de fait.

On parle un peu actuellement de la recherche appliquée dans les collèges. C'est relativement nouveau dans les collèges, puisque cela n'existe officiellement que depuis une dizaine d'années. Auparavant, les collèges ont toujours travaillé avec l'industrie pour l'appuyer et nous avons toujours résolu des problèmes. L'industrie nous présentait ses problèmes et nous faisions appel à nos étudiants, nos professeurs et nos ressources pour l'aider à les résoudre.

Dans les années 1980 et 1990, quand on s'est aperçu que le Canada avait un problème de productivité ou peut-être d'innovation, les collèges se sont demandé comment ils pouvaient se structurer davantage pour satisfaire et appuyer ce besoin au Canada. Nous nous sommes efforcés d'améliorer notre capacité de recherche, notre capacité de résoudre des problèmes et de la structurer davantage, la faire mieux connaître et la rendre plus accessible aux entreprises canadiennes, en particulier les petites et moyennes entreprises.

Vous constaterez que, partout au pays, les collèges sont devenus très engagés dans la recherche appliquée depuis 10 ou 15 ans. La recherche appliquée consiste à résoudre des problèmes. Nous nous intéressons au comment plutôt qu'au pourquoi. Les universités sont évidemment les principaux établissements de recherche du pays et elles s'intéressent à tout l'éventail de la recherche, y compris les découvertes. Elles s'efforcent de faire avancer les connaissances. De fait, cet objectif se trouve dans les énoncés de mission de la plupart des universités. Ce n'est pas le rôle des collèges. Nous ne faisons pas de la recherche pour découvrir, mais plutôt pour appliquer et innover, pour trouver comment adopter et adapter de nouvelles technologies afin d'aider les entreprises à être plus productives, novatrices et concurrentielles. Nous nous concentrons sur les travaux de nos étudiants et de nos professeurs et donc sur la recherche, sur la manière dont elle appuie nos programmes et résout des problèmes pour l'industrie. Nous accordons moins d'attention à chaque professeur; la recherche dans les collèges n'est habituellement pas très axée sur les professeurs.

Le président : Vous attribuez des diplômes à Red River?

M. Webb : Oui. Nous sommes un établissement qui confère des grades.

Le président : Pouvez-vous, pour mémoire, nous résumer en une phrase la différence entre collège et université?

M. Webb : Je dirais que l'université a pour mission de créer des nouvelles connaissances tandis que les collèges ont pour mission d'appliquer les connaissances. Cela ne veut pas dire que ces mandats soient exclusifs, mais c'est, je pense, la principale différence.

En général, les collèges ont des politiques plus souples à l'égard de la propriété intellectuelle, ce qui est très pratique pour travailler avec l'industrie. L'industrie a, très souvent, besoin d'obtenir et d'acquérir la propriété intellectuelle des innovations et les collèges ont généralement des politiques qui le permettent. Quand nous travaillons avec une industrie, nous lui accordons des droits de propriété intellectuelle.

Cela peut être extrêmement important dans certains domaines. Nous travaillons beaucoup avec l'aérospatiale et un bon nombre d'entreprises aérospatiales qui inventent de nouvelles applications, qui font progresser les connaissances doivent parfois en céder la propriété intellectuelle au fabricant.

Par exemple, si StandardAero met au point des nouvelles technologies pour réparer les turbines à gaz et qu'il s'agit de turbines à gaz General Electric, si elle fait des inventions, non seulement il faut qu'elle puisse les utiliser elle-même, mais il faut qu'elle puisse en céder les droits à General Electric. Bien entendu, elle ne peut pas le faire si elle ne possède pas elle-même les droits de propriété sur ces inventions. Cela peut être très important.

Voici un bref historique de la recherche appliquée au Red River College au cours de la dernière décennie qui montre la façon dont elle s'est développée. Nous avons quatre centres dans les domaines de la recherche appliquée et de l'infrastructure durable.

Désolé pour les acronymes qui figurent certaines de nos diapositives. On les a utilisés pour pouvoir caser tous les mots sur la page et employer le jargon du collège.

Nous avons quatre centres de recherche. CARSI est notre centre de recherche appliquée en infrastructure durable, ce qui se rapporte aux immeubles verts. ATEC est le centre de recherche avancée sur les transports et l'énergie qui s'intéresse aux véhicules hybrides, aux combustibles de remplacement, aux essais par temps froid et à la performance des véhicules à moteur. CATT est le centre de technologie et de formation aérospatiale. Cela se rapporte à la réparation des moteurs, à leur révision et à leur performance. Le CNDI est le centre d'inspection non destructive qui utilise des nouvelles technologies; pensez aux IRM et aux examens tomodensitométriques que subissent les gens. On fait la même chose pour les produits.

Si vous créez une nouvelle voilure pour l'avion d'attaque interarmées et que vous voulez vous assurer qu'elle ne comporte aucun défaut, vous la radiographiez pour pouvoir vérifier l'intérieur.

Le sénateur Banks : C'est ce qui a permis de découvrir les fissures dans le F-35.

M. Webb : Oui. Comme nous utilisons de plus en plus de technologies composites, il est de plus en plus difficile d'inspecter les différents éléments sans les ouvrir. Nous avons donc besoin de recourir à ces moyens pour nous assurer que les composants ne sont pas défectueux avant qu'ils ne soient installés dans les avions.

Comme la plupart des bons établissements, nous avons remporté des prix et des récompenses. J'ai mentionné CARSI, notre centre de recherche appliquée en infrastructure durable. Ce centre a des chambres environnementales qui nous permettent de faire des essais en parallèle. Nous pouvons tester les fenêtres, les portes, les murs en les plaçant dans des conditions climatiques extrêmes, soit une chaleur extrême, soit un froid extrême.

Nous pouvons surveiller l'état des structures dans les bâtiments pour voir comment ils résistent au stress environnemental et thermique. Nous pouvons surveiller leur rendement par temps froid et nous espérons pouvoir créer une chaire pour l'examen de la performance des immeubles verts. On a fait beaucoup d'efforts pour concevoir des meilleurs bâtiments depuis 20 ans, au Canada. Nous devons faire un suivi pour voir si cela a donné de bons résultats et, si ce n'est pas le cas, pour quelles raisons et quelles sont les leçons à en tirer afin que nous puissions améliorer nos technologies.

Le président : C'est sans doute une question naïve, mais vous parlez d'environ 32 000 étudiants. Vous vous décrivez comme un établissement postsecondaire, comme un collège plutôt qu'une université. Pourtant, compte tenu de tous ces projets différents dans des domaines différents, on a l'impression que c'est un établissement pour des gens qui possèdent déjà des diplômes et une formation assez avancée.

J'ai du mal à me représenter un jeune de 18 ans, qui sort de l'école secondaire, en train de faire des tests pour déceler des fissures sur la voilure du F-35. C'est simplement mon impression. Je suis certain que vous avez une bonne réponse à me donner.

M. Webb : L'âge moyen des étudiants de notre collège est 27 ans. Seulement 25 p. 100 de nos étudiants sortent directement de l'école secondaire. Chaque année, plus de la moitié viennent chez nous après avoir exercé un emploi. Ce sont donc des gens qui ont déjà fait ou non des études postsecondaires et qui cherchent à avancer dans leur carrière.

Le président : On peut donc parler d'éducation permanente plutôt que d'éducation postsecondaire.

M. Webb : C'est certainement le cas en grande partie. Sur les 32 000 étudiants que nous desservons chaque année, il y a probablement 13 000 étudiants à temps plein et environ 19 000 ou 20 000 étudiants à temps partiel.

L'autre aspect primordial de la recherche appliquée qui est faite dans les collèges est que nous tenons particulièrement à nouer des liens avec des petites et moyennes entreprises. Au Canada, le travail du Conseil national de recherches montre que nous réussissons bien à faire le lien avec les grandes sociétés et les grandes entreprises. Nous avons de bonnes relations avec les sociétés comme RIM et les autres.

Le président : Que pensez-vous des cours de gestion avancés de la Harvard Business School? Les entreprises y envoient des employés pour améliorer leurs compétences.

M. Webb : Nous donnons des cours avancés de gestion des technologies pour les technologues qui veulent avancer au sein de leur entreprise et qui ont besoin de compétences en commerce, en finances et en innovation.

Nous constatons également que lorsque nos diplômés se font engager par des petites et moyennes entreprises comme techniciens ou technologues, ils peuvent constituer le service de R-D de la PME en question.

La plupart des PME sont tellement occupées à poursuivre leur production qu'elles n'ont pas beaucoup de temps pour expérimenter et faire de la R-D ou envisager des nouvelles technologies. Souvent, lorsqu'elles embauchent un nouveau diplômé qui a fait l'expérience de la recherche appliquée et des technologies les plus récentes, cela peut être une source d'innovation.

C'est ce que nous appelons la diffusion de la technologie et une des raisons pour lesquelles les collèges ont fait autant d'efforts pour s'engager davantage dans la recherche appliquée, c'est pour que nos diplômés connaissent et comprennent le processus de recherche une fois qu'ils travaillent dans l'industrie. Ils savent que c'est rentable commercialement, ils savent que ce n'est pas seulement de l'expérimentation, ils savent que c'est la réalité et que l'entreprise peut valoriser ses produits, créer des produits qui se vendront plus cher.

Par le passé, la recherche était surtout associée au modèle universitaire, mais je dirais que c'était en grande partie, sinon en totalité, la recherche de nouvelles connaissances. Ce n'est pas ce que nous faisons, mais nous voulons que nos diplômés connaissent et comprennent les processus d'innovation et de recherche afin de pouvoir être des sources d'innovation dans les nouvelles entreprises.

Nous avons notre centre de recherche avancée sur les transports et l'énergie. C'est un endroit du collège consacré à la recherche où nous examinons l'utilisation du biodiesel, de la propulsion électrique, de l'éthanol, ou nous testons et développons des produits pour les climats froids. M. Hoemsen vous en parlera un peu plus tout à l'heure.

Nous avons aussi un centre de technologie et d'éducation consacré aux véhicules électriques et le Manitoba s'intéresse très sérieusement à la mise en circulation de véhicules hybrides et électriques.

Sur ce, je vais céder la parole à mon collègue pour qu'il vous fournisse plus de précisions.

M. Hoemsen : Je vais vous donner quelques exemples du travail que nous avons fait, après quoi nous passerons à vos questions et vos recommandations.

Dans notre centre de recherche avancée sur les transports et l'énergie, nous nous intéressons principalement à l'efficience énergétique des parcs automobiles, à l'utilisation de sources d'énergie renouvelables, non pas la mise au point du carburant, mais surtout comment les carburants et les parcs automobiles fonctionnent par temps froid. C'est l'avantage injuste que nous avons ici au Manitoba. Il y fait très froid pendant plusieurs mois et nous voulons en profiter.

Nous avons reçu un bon appui du gouvernement fédéral dans le cadre de la Diversification économique de l'Ouest pour établir certaines de nos installations et, au cours des six ou sept dernières années, nous avons travaillé avec des entreprises petites et grandes, aussi bien une PME locale, Kraus Global, qui fabrique des distributeurs de carburant et avec qui nous travaillons à un produit pour l'hydrogène, qu'Énergie atomique limitée du Canada, avec qui nous travaillons au même projet ou Manitoba Hydro ou Mitsubishi, du Japon. Nous participons aussi à un grand nombre d'organismes consultatifs publics.

J'en suis maintenant à la diapositive 11. Je voudrais parler brièvement du bus de transport en commun entièrement électrique ou projet e-bus. Il s'agit d'un partenariat public-privé dont le premier ministre vous parlera peut-être cet après-midi. Si j'ai bien compris, il doit s'adresser à vous à 15 h 30.

Nous participons à un projet avec Mitsubishi Heavy Industries. Cette société est un joueur important au Japon; elle représente environ 10 p. 100 du PIB nippon. New Flyer est un fabricant local d'autobus urbains et un des plus importants d'Amérique du Nord. Ce projet est réalisé en partenariat avec Manitoba Hydro, la province et nous- mêmes.

C'est un projet de trois ans d'une valeur de 3 millions de dollars qui a pour but la mise au point d'un prototype d'autobus électrique à pile; ce n'est pas un trolleybus et ce projet représente l'intégration des technologies de New Flyer et de Mitsubishi.

Notre rôle est de participer, au départ, à la mise au point du système de charge. Nous participons également à l'assemblage de la pile et à son intégration dans le bus. Une fois que le bus sera prêt à fonctionner, nous participerons aux essais sur le terrain.

Nous essayons de tester les capacités opérationnelles de ce véhicule dans nos conditions climatiques extrêmes car, comme vous le savez peut-être, nous passons d'un extrême à l'autre. Nous passons de moins 35 à plus 30 en été. Nous pourrions faire la démonstration de cette technologie pour les marchés potentiels, pour les fabricants de toute l'Amérique du Nord.

Je n'ai qu'une chose à ajouter au sujet de l'électricité, avant de passer à certains autres projets. Je pense que vous avez soulevé, avec l'autre témoin, la question de l'utilisation des véhicules électriques et des véhicules hybrides rechargeables.

Si j'ai bien compris, Mobilité Électrique Canada s'adressera à vous plus tard, à un autre endroit et vous parlera probablement de ses projets concernant la technologie des véhicules électriques. Elle prédit qu'un demi-million de véhicules électriques seront sur les routes du Canada d'ici 2018.

Certains des projets auxquels notre centre ATEC a participé par le passé remontent à 2005 environ. Certains d'entre eux ont été entrepris avec une quinzaine ou une vingtaine de partenaires.

En général, notre rôle se situait au niveau de l'application sur le terrain. L'autobus hybride avec un moteur à combustion interne à hydrogène est arrivé de San Diego et a été mis en service pendant trois semaines, en janvier, à Winnipeg où les passagers ont payé pour voyager dans ce bus. Nous avons produit de l'hydrogène, assuré le service de dépannage, réglé les petits détails et fait en sorte que cette partie du test se déroule en douceur. Nous avons ensuite travaillé sur l'autobus de démonstration fonctionnant avec des piles à combustible qui a finalement été utilisé aux Jeux olympiques.

Nos étudiants ont construits une automobile solaire et c'était un projet intéressant car il s'est écoulé huit mois entre le moment où ils ont décidé de s'inscrire à la compétition nord-américaine et la course à laquelle ils ont participé jusqu'au bout. C'est tout un exploit pour un véhicule de première génération conçu par des étudiants. Ils ont également remporté quatre des dix prix et nous avons été le premier collège à participer à cette compétition qui était principalement une compétition universitaire. Nous étions très fiers du travail accompli par nos étudiants.

Nous avons aussi joué un rôle en ce qui concerne les émissions de véhicules plus classiques, les autobus au diesel, avec Motor Coach Industries, le plus grand fabricant d'autobus interurbains d'Amérique du Nord, qui est implanté ici. Ce sont des autobus du genre Greyhound. Nous avons aidé à intégrer les groupes motopropulseurs dans les véhicules de façon à ce qu'ils répondent aux normes environnementales américaines en 2007, ainsi qu'en 2010.

Nous avons aussi travaillé avec le Conseil national de recherches pour déterminer les débouchés que les véhicules électriques offrent aux fabricants canadiens; nous avons préparé un rapport public à ce sujet. Si vous désirez en obtenir un exemplaire, nous pouvons vous en faire parvenir un.

Comme M. Cicek l'a déjà mentionné, il y a eu une démonstration de véhicules électriques hybrides rechargeables au Manitoba et nous y avons participé au cours des trois dernières années sur un parc de 10 véhicules. En fait, nous avons réalisé la plupart des conversions avec une batterie rechargeable du commerce et nous avons surveillé le fonctionnement de ces véhicules pendant trois ans en apportant quelques réglages pour améliorer leur performance dans notre climat.

Je voudrais dire quelques mots au sujet du programme d'aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches. Nous avons une entente, en tant que membre du réseau, avec le CNRC depuis 2008, pour l'infrastructure et le transport durable. Cette contribution a évolué au fil des ans. Au départ, nous organisions seulement des événements de sensibilisation, mais nous sommes maintenant en train de constituer, par exemple, une carte des capacités locales du Manitoba dans le domaine de l'infrastructure et du transport durables, c'est-à-dire principalement le transport terrestre.

Nous offrons aussi des services de soutien consultatifs en technologie aux PME où nous pouvons passer trois à cinq jours à étudier des questions touchant l'infrastructure ou le transport.

Par exemple, pour un fabricant, nous examinons l'application des piles au lithium sur le plan de la sécurité, de leur performance, de leur manipulation, de leur intégration dans la fabrication et ce genre de choses.

Le président : Je voudrais seulement comprendre ce que vous faites avec le Conseil national de recherches. S'agit-il d'un programme conjoint entre vous et le CNRC ou comment cela fonctionne-t-il?

M. Hoemsen : Nous travaillons dans le cadre du PARI, qui est le programme de recherche sur le terrain du CNRC et nous avons également des liens avec ses laboratoires, mais surtout, le CNRC nous accorde un financement pour fournir un service utile aux PME locales. Nous avons surtout travaillé localement dans le domaine de l'infrastructure et du transport durables, des immeubles verts, de la construction verte et des véhicules terrestres utilisant des combustibles renouvelables.

Le président : Nous avons entendu, l'autre jour, des représentants du CNRC qui nous ont parlé du nouveau code d'énergie des bâtiments et de tous ces programmes. Vous pourriez donc trouver intéressant de lire la transcription, si vous ne l'avez pas déjà fait.

M. Hoemsen : Je vais y jeter un coup d'œil, merci.

Cela m'amène à la performance énergétique des bâtiments. C'est le domaine de notre laboratoire CARSI.

Nous avons reçu une subvention du CRNSG, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, dans le cadre de l'enveloppe des collèges, d'un montant de 2,3 millions de dollars pour chercher des moyens d'améliorer l'efficacité énergétique des immeubles commerciaux et industriels.

Cela peut consister, par exemple, à réduire les besoins en énergie du bâtiment, améliorer le rendement énergétique du bâtiment en surveillant et limitant la demande, augmenter l'utilisation de l'énergie renouvelable, y compris au niveau de l'énergie grise, c'est-à-dire l'énergie nécessaire pour produire les matériaux.

Par exemple, et nous avons fait des travaux dans ce domaine, si nous pouvons recycler le verre en agrégat qui entrera dans la composition du béton, cela réduit l'énergie requise pour produire une poutre en béton, car on a déjà utilisé de l'énergie pour fabriquer le verre.

Parmi les projets entrepris avec le groupe de recherche sur la technologie des infrastructures durables, nous envisageons de tester les fuites d'air dans les grands immeubles commerciaux et industriels. Certains d'entre vous ont peut-être fait vérifier les fuites d'air dans leur maison dans le cadre du programme de RNCan pour l'efficacité énergétique des maisons. On dépressurise la maison à l'aide d'un ventilateur. Avant que nous ne nous dotions de cette capacité, le test avait seulement été fait dans deux grands immeubles du Manitoba, mais dans 20 000 foyers. Ce programme vise donc les grands immeubles pour voir quelle est l'importance des fuites d'air afin que les entrepreneurs puissent construire des immeubles plus performants.

Nous travaillons avec une petite entreprise locale en testant un ventilateur de récupération de chaleur. Il est actuellement au laboratoire.

Nous faisons une évaluation des miroirs cylindro-paraboliques par temps froid; nous avons un miroir cylindro- parabolique de 160 pieds qui est installé au collège. On est en train de le mettre en service en ce moment même. Notre partenaire pour ce projet est Manitoba Hydro qui veut savoir comment ces miroirs se comportent dans nos climats.

Nous travaillons également à l'évaluation du stockage thermique des serres, car nous avons des serres un peu partout au Canada. Nous venons de recevoir une microturbine éolienne et nous voulons voir si nous pouvons l'utiliser pour aider à produire une capacité de stockage d'air comprimé pour les garages et ce genre d'activités. Là encore, c'est avec une autre petite entreprise locale.

Voici un projet que nous avons réalisé avec Motor Coach Industries, dont j'ai déjà parlé et je tiens à dire que ce projet a été un grand succès. Cinq étudiants y ont travaillé avec trois instructeurs. L'entreprise a embauché ensuite plusieurs étudiants et elle a intégré les résultats dans environ 20 p. 100 de sa production, qui exportée en majeure partie. C'était un projet très fructueux et nous en avons réalisé plusieurs autres avec cette entreprise depuis.

J'en suis maintenant à la page 18 où il est question des possibilités de soutien de la R-D. Je mentionnerais seulement, en ce qui concerne le CNRSG, que c'est l'un des trois conseils qui subventionnent la recherche dans le secteur postsecondaire. Il dispose d'un budget annuel d'environ 1 milliard de dollars. Une enveloppe est réservée au Programme d'innovation dans les collèges et la communauté et nous avons participé jusqu'ici à cinq des six programmes du CNRSG. En fait, deux de ces programmes sont encore en attente d'un financement.

Le CNRSG a lancé un certain nombre de nouveaux programmes visant à aider les collèges à travailler avec la communauté locale pour résoudre des problèmes locaux.

Bien entendu, nous avons travaillé avec le Conseil national de recherches, par exemple avec le Centre de technologie des transports de surface, à Ottawa et le centre des piles à combustible, en Colombie-Britannique. Nous avons aussi, avec le bureau local, nos ententes en tant que membres du réseau.

Nous sommes en pourparlers avec Partenariat automobile du Canada, et c'est lié à la technologie des véhicules électriques.

Je voulais aussi mentionner RS&DE, le programme d'encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental. Apparemment, on annoncera bientôt que toute entreprise qui travaille avec le secteur de l'enseignement postsecondaire à un projet de recherche aura droit à des encouragements fiscaux pour sa contribution. Cela va grandement faciliter l'administration de ce programme et également inciter davantage d'entreprises à travailler avec les établissements d'enseignement postsecondaire.

Dans la documentation que nous avons reçue, vous avez soulevé plusieurs questions et nous avons essayé de formuler quelques suggestions à l'égard de la stratégie que vous allez recommander au gouvernement fédéral.

Nous pensons qu'un des éléments essentiels d'une bonne stratégie est le soutien à la recherche appliquée afin d'adopter, d'adapter et d'améliorer les technologies existantes et de commercialiser des nouvelles technologies. Au Canada, 95 p. 100 de la technologie provient d'ailleurs et il est donc très important que nous l'adoptions et que nous travaillions avec les fabricants locaux pour l'adapter à notre environnement. J'ai ici quelques exemples de PME avec lesquelles nous travaillons. Il est très important de mieux sensibiliser le public et de transférer ces connaissances aux gens afin qu'ils sachent, par exemple, si les miroirs cylindro-paraboliques peuvent fonctionner ou non dans notre climat.

Parfois, un échec a également du bon, car si vous savez ce qui ne fonctionne pas, vous n'allez pas susciter de vaines attentes.

La deuxième question que vous soulevez porte sur les objectifs précis qu'il faudrait adopter comme base d'une stratégie énergétique nationale. Il est important, je pense, d'accroître les dépenses de R-D dans le domaine de l'énergie pour que nous puissions rester concurrentiels et nous pouvons prendre comme modèle les États-Unis et l'Union européenne.

Quels que soient les problèmes financiers que connaît actuellement l'Union européenne, elle continue à consacrer 3,8 milliards de dollars aux changements climatiques et à l'énergie durable et fait donc de gros investissements sur ce plan. C'est une chose que nous devrions envisager.

Sur quels principes fondamentaux une stratégie énergétique nationale doit-elle reposer? J'aborde la question du point de vue de la demande et de l'offre. Du point de vue de la demande, nous devrions essayer de souligner la nécessité d'explorer toutes les mesures réalisables et rentables pour réduire la consommation d'énergie et les pics de demande. Cela réglerait la nécessité d'augmenter l'approvisionnement d'énergie et l'infrastructure nécessaire, du moins à court terme.

En ce qui concerne l'offre, je crois très important de continuer à favoriser l'utilisation de l'énergie renouvelable. Je suis d'accord avec le témoin précédent pour dire que les coûts d'énergie locaux auront une incidence à cet égard.

Au Manitoba, nous bénéficions de tarifs d'électricité relativement bon marché par rapport aux autres provinces et cela peut nuire à l'adoption des nouvelles technologies pour une question de rentabilité économique. Il faut plus de temps pour rentabiliser la mise en place d'une nouvelle technologie.

La quatrième question est la suivante : quels seraient les principaux éléments d'un plan d'action visant à mettre en œuvre la stratégie? Vous devez déterminer non seulement ce qu'il faut faire, mais aussi qui le fera et si cela entre dans votre mandat, d'où proviendront les ressources.

Nous manquons peut-être d'objectivité, mais nous pensons que le secteur de l'enseignement postsecondaire a un rôle à jouer. Les organismes scientifiques du gouvernement fédéral pourraient également aider à soutenir cette initiative.

Quels principaux acteurs doit-on réunir? J'en ai déjà parlé : le secteur de l'enseignement postsecondaire, les laboratoires et les installations publiques. Les universités et le CNR disposent d'une capacité importante.

Pour ce qui est du secteur privé et des entreprises de services publics, je pense qu'ils doivent être prêts à travailler avec le secteur public et à tenir compte sérieusement des résultats pour la mise en œuvre.

Je crois que votre dernière question demandait comment faciliter la réalisation de la stratégie. Pour ce qui est des collèges, le CNRSG a actuellement un programme d'environ 40 millions de dollars par année, sur son budget de 1 milliard de dollars pour soutenir les programmes de recherche appliquée des collèges et s'il était possible d'en consacrer une partie plus importante aux applications concernant l'énergie renouvelable, ce serait une excellente chose.

J'ai deux ou trois autres diapositives à présenter sur les recommandations concernant les différents secteurs.

Pour ce qui est du transport durable, les essais et la démonstration de véhicules électriques dans les climats nordiques sont très importants.

Nous appuyons les recommandations de la feuille de route de Mobilité Électrique Canada concernant la technologie des véhicules électriques. Je n'entrerai pas dans les détails ici si ce n'est pour dire qu'elle envisage des modifications aux codes et aux normes, à l'infrastructure de charge et de l'exemple à donner, par exemple en équipant les parcs automobiles du gouvernement fédéral de véhicules électriques et en envisageant la mise en place de l'autoroute verte du Canada.

Toujours en ce qui concerne le transport durable, nous ne devrions pas oublier les autres besoins. Par exemple, si nous mettons en service un demi-million de véhicules électriques au Canada d'ici 2018, comment les secouristes vont-ils répondre aux appels lorsqu'ils se présentent sur les lieux d'un accident impliquant un véhicule électrique? Vous n'intervenez pas de la même façon que pour un véhicule classique. Il y a une importante formation à dispenser, rien qu'à cet égard et il y aura aussi d'autres effets.

Pour ce qui est de l'infrastructure durable, il faudrait accroître le soutien de la recherche appliquée, non seulement pour améliorer l'efficience énergétique des bâtiments, mais également pour faire des tests de performance afin de voir si les immeubles verts sont aussi efficients qu'on le pense. Nous devrions faire le maximum pour prolonger la durée de vie des immeubles et de l'infrastructure existants, car si vous pouvez faire durer un immeuble 10 ans de plus, c'est une bonne chose du point de vue de la durabilité.

En ce qui concerne la fabrication, il faudrait faire plus sur le plan des procédés et des technologies de fabrication durables, de la formation et de l'application des pratiques exemplaires ainsi que la façon d'utiliser ces technologies. Nous devrions aussi inciter l'industrie à exploiter ces possibilités au maximum, peut-être en favorisant l'investissement dans les nouvelles technologies qui permettent d'économiser l'énergie en suivant une stratégie à long terme.

Je vais m'arrêter là, mais je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : C'était un exposé très bien préparé et très bien présenté. Les questions que vous avez soulevées et auxquelles vous avez répondu nous serons particulièrement utiles pour nos délibérations. D'où viennent-elles? Avons- nous formulé ces questions pour qu'elles vous soient posées lors de vos discussions avec M. LeBlanc ou les avez-vous devinées?

M. Hoemsen : Je pense qu'elles sont venues de la lecture de la documentation disponible dans le site web.

Le président : Excellent. Mes collègues sont d'accord avec moi pour dire que cela nous est utile.

Le sénateur Mitchell : M. LeBlanc vient de m'indiquer que ces questions figuraient dans notre rapport intitulé Attention Canada!. C'est une très bonne chose que vous y ayez répondu. Au moins quelqu'un a lu notre rapport.

Qu'est-ce qu'un miroir cylindro-parabolique?

M. Hoemsen : C'est comme un capteur parabolique, sauf qu'il est linéaire et qu'il a une surface concave, car s'il était plat, l'eau qui tomberait dessus resterait à l'intérieur.

Il s'agit d'une surface de miroir qui capte le soleil et concentre l'énergie solaire dans un tube. Vous pouvez recueillir la chaleur captée dans ce tube et vous en servir pour générer de l'électricité.

Le sénateur Mitchell : C'est une variation d'un panneau solaire qui n'est pas plate.

M. Hoemsen : C'est un capteur solaire, en effet. Au lieu d'être plat, il est incurvé.

Le sénateur Mitchell : C'est une technologie plus prometteuse ou plus récente?

M. Hoemsen : Elle est beaucoup utilisée aux États-Unis et c'est pourquoi nous l'examinons pour voir si elle fonctionnera ici.

M. Webb : Comme le miroir cylindro-parabolique utilise un réflecteur, il concentre les rayons du soleil et vous obtenez une température plus élevée. Vous pouvez donc l'utiliser pour un plus grand nombre d'applications, y compris pour générer de l'électricité.

Les miroirs cylindro-paraboliques sont utilisés dans des pays comme l'Espagne, la France et les États-Unis et les pays chauds depuis longtemps. Un grand nombre d'entre eux ont fait leur apparition suite à notre première crise de l'énergie, dans les années 1970.

Ce qui nous intéresse ici, c'est de voir s'ils peuvent être utilisés dans les climats nordiques. Nous avons beaucoup de soleil dans l'Ouest, mais le climat est également très froid. Il s'agit donc de voir si nous pouvons adapter cette technologie pour qu'elle soit rentable dans les climats froids.

Le sénateur Mitchell : Est-ce possible?

M. Webb : C'est ce que nous allons établir.

M. Hoemsen : Nous sommes en train de mettre cette technologie en service. Il nous faudra trois ans pour savoir à quoi nous en tenir.

Le sénateur Mitchell : Vous avez dit que vous aviez fait beaucoup de travail concernant les véhicules électriques.

M. Hoemsen : C'est exact.

Le sénateur Mitchell : Se réchauffent-ils assez rapidement à l'intérieur pour permettre le dégivrage des vitres et offrir suffisamment de confort?

M. Hoemsen : Il y a des rapports publics sur le sujet que nous pourrons mettre plus tard à la disposition du comité.

En ce qui concerne notre démonstration du véhicule électrique hybride rechargeable, c'était un projet réalisé à l'échelle de la province. Il y avait 10 véhicules de démonstration que nous avions convertis en les équipant d'une batterie d'A123 Hymotion Systems. Nous avons fait fonctionner ces véhicules pendant trois ans et surveillé leur performance.

Nous avons eu quelques difficultés par temps froid, surtout en dessous de moins 20, car les vitres refusaient de dégivrer à cause du manque de chaleur excédentaire pour réchauffer l'habitacle. Néanmoins, nous avons pu remédier à ce problème grâce à des chaufferettes classiques et en préchauffant le véhicule avant d'y entrer.

Nous avons eu quelques difficultés mineures avec la batterie classique, mais apparemment, c'est un problème qui se pose pour la plupart des utilisateurs dans notre climat. Comme un bon nombre de ces véhicules servent de taxis, on remplace généralement la batterie par un modèle plus puissant et cela fonctionne bien.

En fait, jusqu'à moins 20 environ, il n'y a pas d'énormes problèmes qui seraient insurmontables et en dessous de moins 20, pour ce qui est de la chaleur dans l'habitacle, nous avons pu résoudre le problème grâce au préchauffage.

Le sénateur Mitchell : Lorsque vous parlez d'une conversion après vente, vous prenez un moteur à essence et vous y ajoutez une batterie?

M. Hoemsen : Nous avons acheté une Prius classique et nous avons ensuite acheté à une entreprise du nom d'A123, qui se trouvait avant au Canada, mais qui est maintenant implantée à Minneapolis, des ensembles de batteries qui nous ont servi à transformer les Prius en hybrides rechargeables. C'était avant que Toyota ne sorte sa propre version.

M. Webb : Pour le préchauffage, c'était une chaufferette d'automobile classique.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Webb, un des sujets dont vous avez commencé à parler dans votre exposé était le perfectionnement des compétences. Je m'attends à ce qu'une stratégie de main-d'œuvre fasse partie de notre étude et de notre rapport.

Presque tout ce que vous faites, et qui est excellent, appuie la politique énergétique grâce à une stratégie de main- d'œuvre qui soutient le développement de la technologie et le développement d'une main-d'œuvre hautement qualifiée pour travailler à ces différentes technologies. Néanmoins, il y a aussi la question de savoir où nous trouverons suffisamment de gens, suffisamment d'apprentis et de gens de métier compétents qui pourront participer à toutes sortes de projets d'envergure comme ceux des sables bitumineux.

Avez-vous réfléchi à ce dont le Canada a besoin pour structurer sa stratégie de main-d'œuvre afin que les Canadiens de tout le pays puissent travailler dans un endroit comme l'Alberta où il y a une énorme demande de main-d'œuvre qualifiée?

M. Webb : Oui. Les collèges ont pour rôle de faire deux choses. Nous créons des carrières pour les apprenants et une main-d'œuvre de haute qualité pour les employeurs. La deuxième partie, la création de la main-d'œuvre pour le pays, fait partie de notre mission.

Le Manitoba a un peu de difficulté du côté du marché de la main-d'œuvre, mais peut-être pas autant que l'Alberta. Comment créons-nous la main-d'œuvre nécessaire? Il y a deux solutions. La première est qu'il faut faire en sorte que plus de gens aillent faire des études postsecondaires au collège et à l'université. Il faut que plus de gens réussissent lorsqu'ils y vont.

Nous avons besoin d'un bon système de normes nationales pour assurer la mobilité afin que les personnes qui ont reçu leur formation en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve, au Québec ou en Alberta puissent aller s'établir librement dans d'autres régions du pays et y faire reconnaître leurs compétences. Voilà les choses dont nous avons besoin pour les Canadiens.

Nous savons que le Canada ne réussira pas à répondre aux besoins de son marché du travail rien qu'avec sa population et c'est pourquoi le Canada et les provinces insistent beaucoup sur l'immigration. Lorsque les travailleurs qualifiés viennent au Canada, nous devons reconnaître rapidement leurs compétences et leur permettre d'avancer sur le marché du travail dans les domaines où ils peuvent utiliser ces compétences.

Par exemple, le collège collabore avec la Province du Manitoba à un programme de préparation à l'emploi pour les électriciens ou les techniciens en électricité formés dans d'autres pays. Nous pouvons les évaluer, voir où sont leurs lacunes, leur dispenser le minimum de formation nécessaire pour qu'ils puissent se faire certifier et qualifier et pour qu'ils puissent travailler en toute sécurité au Manitoba. S'ils obtiennent la certification du Sceau rouge, ils peuvent travailler dans les différentes régions du pays.

Nous devons aussi aider les personnes qui n'ont pas eu accès jusqu'ici au marché de l'emploi à faire partie de la population active. Pour ce qui est de l'Ouest, je parle surtout de notre population autochtone. Nous savons que les jeunes Autochtones représentent l'élément de la population de l'Ouest qui connaît la croissance la plus rapide. Ils représentent l'élément le plus jeune de notre population et ceux qui doivent venir au collège pour obtenir les compétences nécessaires pour exercer un emploi dans l'économie et participer à l'économie et au marché du travail au lieu de rester sur le côté.

Si nous ne pouvons pas faire ces trois choses, assurer la formation de notre population, amener la population autochtone à participer et à réussir et soutenir les immigrants qualifiés, le Canada n'aura pas la main-d'œuvre dont il a besoin. Ce sont les trois domaines dans lesquels nous travaillons.

Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné que vous aviez un centre de formation mobile. Est-ce surtout pour les étudiants autochtones?

M. Webb : Oui, c'est pour la population rurale qui ne peut pas se rendre dans une ville où il y a un établissement de formation professionnelle, et nous pouvons l'envoyer à n'importe quel endroit où un camion-remorque peut passer.

Cela ressemble, de l'extérieur, à un semi-remorque ordinaire. Quand vous le stationnez et que vous poussez sur quelques boutons, cela devient une salle de classe et un laboratoire de 1 000 pieds carrés.

Nous pouvons y dispenser une formation en soudure, en électricité, en plomberie et en transport. Il peut être remorqué. Nous pouvons l'envoyer dans toute communauté qui a un accès routier.

Nous avons ces installations au Manitoba. Il y en a dans d'autres provinces. C'est surtout destiné aux régions rurales et dans l'Ouest, c'est principalement pour les communautés autochtones.

Le sénateur Mitchell : La liste des choses qui peuvent être faites en grande partie par l'entremise des collèges est l'une des listes les plus complètes qu'il m'ait été donné de voir, depuis deux ans et demi, quant à ce qu'une stratégie de la main-d'œuvre pourrait inclure. C'est excellent.

M. Webb : Nous sommes bien placés pour le savoir. C'est notre raison d'être. Si nous ne pouvons pas vous donner une bonne réponse, c'est que nous ne faisons pas notre travail.

Le sénateur Banks : Vous avez tous les deux abordé la question des bâtiments. Monsieur Webb, je vais vous poser cette question, mais M. Hoemsen peut y répondre également.

Lorsque vous parliez de normes nationales, vous parliez des normes nationales du travail, mais vous avez beaucoup œuvré dans le secteur du bâtiment avant de venir au collège et vous avez dit tous les deux que vous vous occupez beaucoup des bâtiments. Une des choses qui pourraient faire l'objet d'une stratégie énergétique nationale c'est un code national du bâtiment. Il y a le Code national du bâtiment, mais il n'est pas vraiment applicable. Son application est facultative. Comme vous vous êtes occupé des bâtiments et compte tenu de ce que nous avons vu hier dans l'immeuble de Manitoba, qui était remarquable, comme l'a dit le président, pensez-vous que nous devrions, ou que nous pourrions ou non, avoir une stratégie nationale du bâtiment qui soit applicable, si c'est le mot exact?

Cela permettrait également une harmonisation. Si vous recevez une formation de charpentier ou de tuyauteur pour répondre aux normes en vigueur dans une province et que vous voulez aller travailler dans une autre province où les normes sont différentes, où les méthodes sont différentes, qu'allons-nous faire pour le permettre?

M. Webb : Il y a deux ou trois choses que nous devrions envisager. Je suis ravi que le bâtiment d'Hydro vous ait plu. C'est certainement le bâtiment tertiaire le plus écologique d'Amérique, peut-être même du monde, et le collège a été heureux de participer au projet.

Le mur solaire, c'est-à-dire le mur en verre extérieur, est une adaptation novatrice d'une technologie inventée en Europe, mais qui a été adaptée à notre climat froid. Dans notre laboratoire du CARSI, au collège Red River, nous avons créé une baie vitrée test — à savoir, un panneau entier de ce mur vitré de 18 pieds de haut sur 30 pieds de long —, où Hydro Manitoba a effectué pour quelque 2 millions de dollars d'études.

Quand les ingénieurs d'Hydro ont adapté cette technologie au Canada et l'ont intégrée à des immeubles de 22 étages sur l'avenue du Portage, ils étaient certains que cela fonctionnerait et qu'il n'y aurait pas de glace même en plein mois de février.

Concernant le code national du bâtiment, le Canada est une fédération, ce qui est parfois une force et parfois une faiblesse. Je pense qu'un code du bâtiment fédéral est très important, mais celui-ci doit quand même être assez souple pour pouvoir être adapté à l'échelon local.

Par exemple, le chauffage au fioul n'est pas très répandu au Manitoba, mais il l'est dans les Maritimes. Le Canada est un vaste pays, une grande nation, où il y a des différences, et nous devons avoir des codes, des stratégies ou des politiques nationales; il faut, cependant, être capable de s'adapter de façon raisonnée aux différences régionales.

Cela dit, je suis un partisan inconditionnel des fédérations et je pense que le fait d'avoir des stratégies, des codes et des cadres nationaux que nous adaptons ensuite localement est une bonne façon de faire, pour les raisons que vous avez énoncées. Cela nous permet d'imprimer des orientations, clairement et efficacement. Si nous avions tous à faire la même chose dans chaque province, à mettre en place chacun de nos codes du bâtiment à partir de rien, ce serait terriblement inefficace et un véritable gâchis.

Sans une stratégie nationale ou un code national, pas question de leadership national. Je pense que le code national du bâtiment permet d'assurer une orientation nationale, ce qui manque parfois et qui est difficile à reproduire dans chaque province.

Cela force également les provinces à travailler de concert, ce qu'elles ne font pas toujours de bonne grâce. Quand je travaillais dans le domaine de l'énergie en qualité de responsable des programmes pour la province du Manitoba, nous administrions des programmes en partenariat avec le gouvernement fédéral. Nous avions donc des opinions divergentes sur la meilleure façon d'agir au Manitoba, mais au bout du compte, nous arrivions à nous conformer à un programme national tout en apportant notre contribution en offrant notre retour d'expérience.

Il faut trouver une façon de s'assurer que le code national soit le code de référence, un code qui fixe le cadre stratégique et donne des directives. Ce code doit permettre des applications locales raisonnables qui ne devront pas freiner l'innovation ou la mobilité des travailleurs. Par exemple, un menuisier formé au Manitoba doit pouvoir travailler à Terre-Neuve. Une entreprise du Manitoba doit être en mesure de répondre à des appels d'offres dans d'autres régions du pays. Il est donc essentiel de pouvoir s'appuyer sur des codes et des normes permettant tout cela.

Pour ce qui est de ce dernier aspect, je dirais qu'il nous incombe, dans la formation que nous dispensons, d'outiller le menuisier instruit au Manitoba et travaillant en Colombie-Britannique pour qu'il puisse lire et interpréter les différents codes applicables et comprendre en quoi ils diffèrent. Si des différences régionales ou même des codes différents sont nécessaires, alors il appartiendra aux personnes responsables de l'interprétation ou de l'application des codes sur le terrain de veiller à bien comprendre ces différences. Ils doivent avoir les compétences et la formation nécessaire pour interpréter ces documents. C'est quelque chose que nous devons leur apporter au sein du programme de formation.

Le sénateur Banks : L'application, l'adaptation ou l'adoption du code fédéral du bâtiment relève de la discrétion des provinces. Le Manitoba a-t-il adopté le code national du bâtiment?

M. Webb : Je crois savoir que le Manitoba adopte le code national du bâtiment, avec des modifications, mais que cela prend du temps. Quand le nouveau code national du bâtiment paraîtra, il faudra peut-être encore deux ou trois ans avant que la province l'ait examiné et ait effectué ses changements.

Mais cela aussi peut poser problème. Quel que soit le processus, il devra être efficace et rapide pour que les différentes provinces adoptent le nouveau code et que l'on ne se retrouve pas avec un ensemble disparate de codes, certains modernes, d'autres beaucoup moins.

Le sénateur Banks : Ma dernière question est naïve et je la pose par simple curiosité. Vous avez parlé aujourd'hui de miroir cylindro-parabolique et de sa capacité à concentrer l'énergie, permettant ainsi de créer plus de chaleur à partir du soleil.

Nous nous sommes rendu compte hier à quel point nous sommes ignorants en la matière, en observant l'effet du soleil au travers de la vitre de la voiture, même lorsque la température extérieure est de moins 30 degrés Celsius. Nous avons compris l'utilité du mur en verre que vous avez testé dans votre collège avant qu'il soit intégré au bâtiment.

Un miroir cylindro-parabolique ne fonctionnerait-il pas mieux derrière une paroi vitrée quand les températures sont très basses?

M. Webb : En bref, oui. Mais la conception de ce mur en verre est telle que le tube qui passe par le centre du capteur solaire est contenu dans un cylindre en verre. Ainsi, le tuyau transportant le liquide calorifuge est entouré de verre.

Le sénateur Banks : Il y a donc déjà une paroi en verre.

M. Webb : Oui.

M. Hoemsen : Cette technologie varie car parfois ce tube est sous vide, et parfois non. C'est ce que nous étudions.

Le sénateur Banks : Quel serait le meilleur isolant? Le vide, j'imagine.

M. Webb : Le vide, en effet, car il n'y a pas d'air qui agisse comme déperditeur de chaleur entre le tube et la paroi extérieure, mais il est bien plus cher de créer et de maintenir ce vide. Une partie de l'étude vise à établir si le coût supplémentaire en vaut la peine.

M. Hoemsen : Je vais vous dire quelques mots concernant le code national du bâtiment, notamment en référence aux adaptations locales dont parlait Ken. Par exemple, il y a deux ou trois ans, le code national du bâtiment a renforcé certaines exigences sismiques, mais comme nous n'avons généralement pas de tremblements de terre au Manitoba, la province ne sera certainement pas encline à l'appliquer.

Avant de travailler avec le collège, j'ai participé à la rédaction de normes et à des tests de certification, et je pense qu'en ce qui a trait au code national, il est important de s'assurer que les nouvelles normes puissent être adoptées et mises en place rapidement. Quand je travaillais dans l'industrie du tracteur, il fallait 10 ans entre le moment où on commençait à rédiger une norme et le moment où elle était effectivement mise en place, surtout lorsqu'on partait de rien. Il y a des gens qui travaillent avec l'Association Canadienne de Normalisation pour faire passer de nouvelles normes. J'ai vu cette semaine qu'elle a certifié le premier chargeur pour véhicule électrique. Il faut s'assurer que ce soit plus facile de faire adopter et d'instaurer de nouvelles normes pour que cette nouvelle technologie soit accessible plus rapidement.

Le sénateur Neufeld : Est-il facile pour les gens de métier et les professionnels de se déplacer à travers le pays pour aller d'une province à une autre? Je sais que la Colombie-Britannique et l'Alberta ont lancé un programme assez complet en la matière. Il y a un acronyme pour le désigner, qui m'échappe. La Saskatchewan a également rejoint cette organisation récemment, cette année je pense.

Est-ce que le Manitoba travaille activement en vue de faciliter les déplacements des professionnels entre les provinces, afin qu'ils effectuent le même travail que celui qu'ils auraient fait au Manitoba? Si vous êtes ingénieur au Manitoba, je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas venir travailler en Colombie-Britannique, en Alberta ou en Saskatchewan, du moment que vous faites les choses correctement.

J'aimerais savoir où en est le Manitoba sur ce point.

M. Hoemsen : Je laisserai M. Webb traiter des aspects des gens de métier, mais pour ce qui est des ingénieurs, je siégeais au conseil professionnel des ingénieurs ici au Manitoba, l'APEGM, et je peux vous dire que, dans l'ensemble, les ingénieurs se déplacent.

Le sénateur Neufeld : Dans l'ensemble. Ce n'est pas partout pareil. C'est pour les professions que c'est le plus difficile de changer les choses et tout particulièrement pour celle d'ingénieur.

M. Hoemsen : C'est bien mieux qu'auparavant.

Le sénateur Neufeld : Ce n'est toujours pas bon.

M. Hoemsen : Au Manitoba nous avons à peu près 6 000 membres, mais je crois qu'il n'y en que 4 000 qui vivent dans la province, donc c'est bien plus facile que ça ne l'était. Par exemple, si vous voulez aller au Québec et être enregistré auprès de l'OIQ, il y a des exigences linguistiques à respecter.

Dans l'ensemble, la situation s'améliore pour les professionnels du génie, mais il y a toujours place à l'amélioration.

M. Webb : Le Manitoba a signé l'entente interprovinciale de mobilité, qui dit que si vous êtes reconnu et certifié professionnellement dans une province, les autres provinces doivent vous accepter et vous permettre de pratiquer votre métier. Tout ne va pas sans anicroche, mais le Manitoba a signé.

L'entente à laquelle vous vous référez, dont j'oublie également l'acronyme, est une entente plus vaste dans le cadre de laquelle les trois provinces de l'Ouest se sont alliées pour faciliter le commerce à l'international. Elle permet également aux entreprises de faire du travail transfrontalier, ainsi, une entreprise du bâtiment peut travailler dans d'autres provinces.

Le Manitoba n'est pas membre de ce club ou groupe. Peut-être pourrez-vous poser la question au premier ministre quand il s'exprimera devant vous cet après-midi. Si je comprends bien, actuellement le Manitoba aimerait faire partie de ce groupe, mais il n'a pas encore été accepté en son sein. Je pense qu'il y a plusieurs raisons à cela.

Je pense que, même si la question de la mobilité est importante au sein de ce groupe, ce n'est pas le seul point important. Ne pas faire partie de ce groupe ne veut pas dire qu'on ne peut pas avoir de mobilité. Le Manitoba croit à la mobilité interprovinciale, c'est la raison pour laquelle la province investit dans le bureau du commissaire à l'équité et œuvre en faveur de lois sur l'équité qui exigent de toutes les professions réglementées une pleine transparence quant à la procédure d'octroi des licences. Les professions peuvent être appelées à rendre des comptes au gouvernement si elles ne respectent pas ces pratiques.

C'est une législation assez récente. C'est une partie du travail que nous faisons avec les apprentis formés à l'étranger. L'Apprenticeship Board doit être en mesure de faire preuve de transparence et d'équité dans la délivrance de licences des apprentis formés à l'étranger ou dans d'autres provinces. Cela s'applique aux ingénieurs, aux infirmières, aux médecins et aux comptables. L'un des rôles du collège est de former certaines de ces organisations professionnelles à cette pratique.

Le sénateur Neufeld : J'ai beaucoup travaillé sur cette question qui concerne plus que les professions. Il s'agit de mettre fin aux obstacles au commerce entre les provinces.

Il y a des obstacles au commerce bien plus importants entre les provinces qu'il n'y en entre le Canada et d'autres pays. C'est la faute des provinces. Peu importe de laquelle; elles sont toutes responsables.

Vous avez dit que vous n'êtes pas accepté dans ce groupe, j'aimerais poursuivre sur cette question, car je vais me pencher dessus une fois rentré dans ma province. C'était parti de la Colombie-Britannique. Vous dites que vous n'avez pas été accepté. Pouvez-vous me dire pourquoi le Manitoba n'a pas été accepté? Vous dites que cette organisation ne veut pas accepter le Manitoba?

M. Webb : Je vais mettre ma casquette de contribuable moyen et quitter celle de président du Red River College pour vous répondre, et mes souvenirs ne seront peut-être pas exacts. Je crois que le Manitoba n'était pas participant à l'origine, ce qui était peut-être intentionnel, mais peut-être pas. Plus récemment, le milieu des affaires et d'autres nous ont recommandé de participer. Je crois qu'il avait été notamment recommandé aux candidats, lors des récentes élections provinciales, de considérer cette question comme une priorité pour le Manitoba.

Je ne suis pas certain que le Manitoba n'est pas devenu membre de cette organisation. Je ne sais pas si c'est parce que nous n'avons pas fait de demande d'adhésion, parce qu'on ne nous a pas demandé d'adhéré, parce qu'on n'a pas été acceptés ou parce qu'on ne remplissait pas les critères. Je ne serais pas surpris que ce soit un peu de tout cela, mais je crois que c'est un des problèmes les plus pressants. J'ai travaillé activement durant les élections, c'est pour cela que je vous suggère de vous tourner vers le premier ministre cet après-midi pour obtenir une réponse bien plus complète.

Le sénateur Neufeld : Je le ferai. Je voulais recueillir l'avis de quelqu'un sur le terrain, là où les choses se passent.

Je sais que l'Alberta et la Colombie-Britannique ont fait des avancées impressionnantes pour éliminer ces obstacles. Et il ne s'agit pas simplement d'ingénieurs, il y a aussi les infirmiers et infirmières et bien d'autres professions. Si un soudeur est capable de souder un pipeline en Alberta, pourquoi ne pourrait-il pas souder un pipeline au Manitoba ou en Colombie-Britannique? C'était un gros problème que d'éliminer cet obstacle et je ne comprends pas pourquoi.

Dans tous les cas, je poserai la question au premier ministre tout à l'heure.

M. Hoemsen : Je pourrais peut-être ajouter quelque chose à propos de la question de la mobilité. Je sais, par exemple, que notre ministère des transports a conçu un nouveau programme éducatif portant sur l'utilisation de véhicules électriques et hybrides qui est ensuite partagé avec d'autres collèges canadiens qui élaborent leurs propres programmes éducatifs. Il est évident que la plupart des professions ont une base commune.

M. Webb : Les gens de métier ont le CCDA, le Conseil canadien des directeurs de l'apprentissage, qui vise à instaurer cette mobilité et ces normes nationales permettant des différences régionales.

Cela fonctionne, mais il y a 13 organisations distinctes, donc cela prend parfois du temps. Il y a le Sceau rouge, qui est une norme de certification reconnue, donc si vous êtes un compagnon du Sceau rouge au Manitoba, vous êtes reconnu comme tel dans les autres provinces.

Chaque fois qu'il existe une norme Sceau rouge pour un métier, le collège s'efforce d'offrir des formations conformes à cette norme. Nous sommes conscients que nos diplômés devront aller travailler sur le marché mondial, ce qui veut dire qu'ils travailleront dans d'autre provinces et seront en concurrence avec des gens d'ailleurs au Canada ou dans le monde. Ils doivent se conformer à ces normes et être qualifiés.

J'ajouterai une dernière chose concernant l'appartenance du Manitoba à ce groupe de l'Ouest canadien. En tant que citoyen ordinaire, j'ai cru comprendre que l'opinion du Manitoba sur certaines questions divergeait de celle de ses homologues provinciaux et fédéraux comme la Commission canadienne du blé et la Commission nationale des valeurs mobilières.

Le fait d'appartenir ou non à un club reflète à quel point on partage les valeurs et les objectifs du club et peut-être que le Manitoba ne les partage pas encore assez. Je ne suis pas sûr, une fois de plus, vous obtiendrez une bien meilleure réponse cet après-midi.

Le sénateur Neufeld : Je ne vois pas ce que la Commission canadienne du blé a à voir avec un soudeur.

Je voudrais passer aux véhicules électriques. J'ai peut-être mal compris ou je n'étais pas assez attentif et je vous demande de m'éclairer : avez-vous dit que vous effectuez des tests en climat froid sur des véhicules électriques, ici dans le Sud du Manitoba?

M. Hoemsen : Nous effectuons des tests sur des véhicules hybrides rechargeables, c'est en gros une Prius à laquelle nous avons ajouté une batterie afin qu'elle puisse uniquement rouler sur accumulateurs. Nous n'avons pas encore testé de véhicule entièrement électrique.

Nous avons lancé un nouveau projet. Il s'agit de construire un prototype de bus entièrement électrique qui roulera donc uniquement sur batterie. C'est un projet d'une durée de trois ans, donc nous devrions commencer les essais routiers d'ici quelques mois.

La province est en train d'acquérir un parc de véhicules électriques. Elle possède déjà deux Mitsubishi i-MiEV qui sont les petits véhicules tout électriques. Elle attend une Leaf et d'autres véhicules; il est question que certains de ces véhicules soient envoyés à notre collège pour être testés sous notre climat.

Le sénateur Neufeld : Avez-vous dit que vous aviez de la difficulté à chauffer l'habitacle?

M. Hoemsen : Lorsqu'il fait extrêmement froid, oui.

Le sénateur Neufeld : Vous parliez de moins 20 degrés Celsius.

M. Hoemsen : Oui, moins 20 degrés Celsius.

Le sénateur Neufeld : Je vis dans le Nord de la Colombie-Britannique où l'on atteint fréquemment les moins 20 degrés Celsius en hiver. Vous dites que ça va si l'on préchauffe le véhicule avec un chauffage d'appoint? Combien de temps est-ce que ça prend, 10 minutes?

M. Hoemsen : Une fois le véhicule démarré, il produit de la chaleur, mais est-ce suffisant dans des températures extérieures extrêmes? S'il fait moins 20 degrés Celsius, l'utilisation d'un chauffage intérieur vous permet de mettre en route, puis c'est la chaleur produite par le véhicule qui devrait être suffisante pour dégivrer l'habitacle.

C'est pour cela qu'on voit les taxis faire tourner le moteur en hiver.

M. Webb : L'expérience vise en partie à voir les limites de ces applications.

Le système de préchauffage a démontré que jusqu'à environ moins 20 degrés Celsius, si vous partez avec les vitres dégivrées, elles restent ainsi. Si vos vitres sont givrées au départ, la chaleur produite n'est pas suffisante pour les dégivrer et les maintenir dégagées.

Au Manitoba et dans le Nord de la Colombie-Britannique, le thermomètre passe souvent en dessous de moins 20 degrés Celsius pendant plusieurs jours de suite. Il se pourrait donc que certaines applications de véhicules électriques ne fonctionnent pas avec la technologie d'aujourd'hui.

La technologie actuelle pourrait être exploitable par des parcs d'automobiles, de taxis, de véhicules de livraison, bref, dans tous les cas où le véhicule tourne en permanence, ce qui permet de maintenir les vitres dégagées, mais nous cherchons également à créer et à adapter de nouvelles technologies qui étendront le champ d'application de certains de ces véhicules.

C'est ça que nous voulons faire ça ici. Comme on dit : on ne chercherait pas si on avait déjà trouvé. Nous voulons définir les limites de cette technologie.

M. Hoemsen a mentionné quelque chose d'intéressant à propos de la Prius, qui est équipée d'un moteur à essence : le point faible de ce système est la batterie classique qui sert à démarrer le véhicule et à faire fonctionner l'autoradio et les phares. Celle-ci n'est pas assez robuste pour le climat canadien et nous avons pu résoudre au moins la moitié des problèmes de ce véhicule en le remplaçant par un accumulateur classique plus puissant.

Dans ce cas, il n'a pas été question de recourir à une nouvelle technologie ou d'innover, mais simplement de reconnaître qu'il ne faut pas s'arrêter au seul système de propulsion.

Le sénateur Neufeld : J'imagine que l'inverse est vrai sous un climat chaud avec la climatisation. Le problème serait le même qu'ici, mais avec la chaleur. Est-ce exact?

M. Webb : Oui. En réalité, ça peut être un problème encore plus sérieux, car dans un climat chaud, les températures élevées mettent à rude épreuve le circuit de la batterie.

Le sénateur Brown : Vos commentaires concernant les principes fondamentaux sous-jacents à la stratégie canadienne de l'énergie m'ont particulièrement intéressé.

Vous avez dit que nous devrions réduire la consommation énergétique, particulièrement la demande de pointe, et que nous devrions développer l'approvisionnement énergétique et les infrastructures connexes.

Je voudrais savoir comment une stratégie énergétique pancanadienne serait possible. Si, comme le sénateur Neufeld l'a dit, nos soudeurs ne peuvent pas franchir les frontières, comment pouvons-nous nous accorder sur une stratégie nationale de l'énergie?

Les quatre provinces de l'Ouest produisent plus d'énergie qu'elles n'en consomment. Leurs exportations énergétiques sont très importantes. Il y a six provinces consommatrices.

Il nous faudrait le jugement d'un roi Salomon pour nous protéger et éviter que l'enfant soit coupé en deux. Il faut être capable d'apporter des réponses à ces deux problèmes qui sont les plus importants. C'est indéniable.

L'Alberta envoie beaucoup d'argent en Ontario qui produit énormément de vannes et d'équipement employés pour les sables bitumineux. Au final, les gens de l'Ontario nous dénigrent dans les journaux. Il faut des gens compétents, de chaque côté, avec qui nous pourrons travailler pour régler ce problème.

M. Webb : Je ne prétendrai pas être Salomon, mais il y a beaucoup d'organisations et de groupes avec lesquels j'ai traité et qui œuvrent dans le sens d'un objectif commun bénéfique à tout le monde. Il s'agit de groupes et d'organisations rassemblant des gens de différentes origines et cultures qui ne voient pas les choses de la même manière. Comment réconcilier tous ces intérêts afin que cela profite à tout le monde?

Pour ce faire, nous essayons de dégager un ensemble de principes de base ou de points communs. Si nous parvenons à dégager un accord au sein du groupe à cet égard, c'est une très bonne chose, car ce noble objectif est très important dans le lancement, par exemple d'une stratégie nationale de l'énergie, dans laquelle je crois. Nous dégageons ensuite les principes dans lesquels nous croyons, principes qui nous guideront sur la voie d'une solution juste, équitable et efficace.

Puis nous gardons cette liste de principes fondamentaux à l'esprit durant nos débats où les différents points de vue sont exprimés. En fin de compte, nous essayons toujours d'avancer sur les questions en utilisant ces principes fondamentaux pour nous guider en cas de désaccord.

Dans mon établissement, nous faisons de la planification scolaire qui est bien sûr sans commune mesure avec l'importance d'une stratégie nationale, mais il y a tout de même différentes cultures autour de la table. Il y a ceux qui parlent pour les soins infirmiers, pour l'administration des affaires, pour les entrepreneurs, pour les métiers, pour les programmes sanctionnés par des diplômes, pour les techniciens ou pour les programmes d'apprentissage de l'anglais langue seconde.

Ils ont différents points de vue, différentes idées et n'ont pas les mêmes objectifs en tête pour l'organisation. Il faut essayer de prendre tout cela en compte et d'en faire un plan stratégique pour le collège au sein duquel chacun puisse trouver le rôle qui lui convienne, où chacun puisse apporter sa contribution et où chacun soit satisfait des avancées.

Bien sûr, ce faisant, il faut savoir qu'il y aura des désaccords. Les objectifs de chacun seront opposés, par exemple certains diront qu'il faut davantage de programmes préparant aux diplômes et d'autres diront qu'il faut plutôt des programmes préparatoires.

Il faut donc trouver un équilibre et nous utilisons les deux opinions sans perdre de vue l'objectif global qui est de développer les compétences des étudiants et d'apporter une force de travail hautement qualifiée aux employeurs, garantissant ainsi un bon accès à l'éducation et l'équité.

Voilà donc ma suggestion. Ayez un bon objectif auquel tout le monde adhère et que tous considèrent comme très important, et établissez un cadre directeur des principes pour cette solution, fixant la marge de manœuvre dans laquelle les compromis seront acceptés.

Bonne chance, car je sais qu'au Canada ce n'est pas facile de mettre tout le monde d'accord.

Le sénateur Brown : Il semble que nous ayons le don de critiquer le gouvernement fédéral lors des élections provinciales, quel que soit ce gouvernement. Nous ne semblons pas être en mesure de comprendre que nous sommes tous du même côté et que nous bénéficions grandement des ressources énergétiques.

Quand, en période électorale, on se bat pour le nombre de sièges nécessaires dans sa province, tout le monde paraît s'en prendre à quelqu'un d'autre, comme à une autre province ou au gouvernement fédéral; ce qui compte, c'est d'être élu.

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous faisons cela. Nous le faisons tout le temps. Même les députés provinciaux s'en prennent aux députés fédéraux de l'Alberta s'ils pensent que ça leur permettra d'être réélus. Ils attaquent le gouvernement fédéral, qui est aussi leur propre gouvernement. Je ne parviens pas à comprendre pourquoi on ne parvient pas à éviter ça.

M. Webb : Je ne peux pas résister. Je crois que la réflexion à court terme conduit souvent à de mauvaises prises de décisions. Les résultats trimestriels des entreprises et l'élection tous les quatre ans du gouvernement provincial ou encore du gouvernement national, sont autant d'échéances dont il faut se dégager. Nous pourrions peut-être nous en sortir si la politique énergétique nationale était examinée par le Sénat plutôt que par le gouvernement. Nous n'aurions pas le mandat de quatre ans ni les hauts et les bas qui vont avec ces cycles à court terme. Nous pourrions examiner des enjeux stratégiques à long terme.

Je pense très franchement que c'est une des raisons pour lesquelles nous avons un Sénat. Je vous applaudis pour votre travail et je pense que vous pouvez peut-être réussir là où d'autres échouent.

M. Hoemsen : Je voulais ajouter que vous rassemblerez les gens plus rapidement si vous parvenez à dégager un besoin commun dès le départ, surtout s'ils en retirent un bénéfice mutuel à la fin.

À l'expérience, j'ai constaté qu'on vise parfois la perfection, alors que, souvent, ce n'est pas nécessaire pour démarrer. Trouvez un compromis et commencez, sinon vous essaierez d'être parfaits alors que ce n'est pas forcément utile.

Le sénateur Banks : Une autre question par curiosité et par naïveté... Il me semble vous avoir entendu dire que les batteries ayant remplacé les accumulateurs d'origine ont été fabriquées par A123. Vous avez dit que c'est une entreprise canadienne maintenant installée à Minneapolis.

M. Hoemsen : Il me semble qu'elle était à Kingston. Elle a été achetée, puis relocalisée à Minneapolis.

Le sénateur Banks : Était-ce simplement une acquisition? Je pose la question, car on entend beaucoup parler du besoin urgent de R-D au Canada ainsi que de la commercialisation par le truchement des collèges et des universités. Voici au moins l'exemple d'une chose qui a émergé chez nous. Cette acquisition est-elle simplement le résultat d'une offre que l'entreprise ne pouvait refuser ou d'un manque à gagner au Canada qui l'a contrainte à déménager?

M. Hoemsen : Personnellement je ne sais pas. Je crois qu'il s'agissait d'une compagnie en phase de démarrage, alors peut-être que ça faisait partie de sa stratégie d'être rachetée.

La nouvelle entreprise s'appelle A123 Hymotion, mais je ne me souviens pas si c'était A123 ici, au départ, ou Hymotion. Je ne connais pas les tenants et aboutissants de l'acquisition.

Le président : Messieurs, je crois que cela conclut cette partie de notre audience à Winnipeg.

Je tiens à vous remercier tous deux pour votre disponibilité et à dire à quel point votre programme d'études ainsi que le travail que vous faites à Rivière Rouge sont impressionnants. Je vous souhaite bonne chance et vous remercie de l'aide que vous apportez à notre comité. Nous l'apprécierons lorsque nous préparerons notre rapport.

Chers collègues, comme il est possible que nous ayons des cameras de télévision dans la salle pendant l'audition de notre prochain témoin, nous sommes saisis d'une motion émanant du sénateur Banks, motion appuyée par le sénateur Massicotte. Que tout ceux qui sont pour lèvent la main. Merci beaucoup.

Chers collègues, notre prochain témoin, Daniel Lepp Friesen, représente la Manitoba Environmental Industries Association. Il est membre et coordonnateur de la 50 by 30 Energy Policy Initiative et propriétaire de sa propre entreprise, DLF Consulting.

Monsieur, vous étiez dans la salle durant l'intégralité des débats de la matinée, vous savez donc qui nous sommes et nous avons tous été présentés. A votre tour, donnez-nous quelques éléments de votre parcours et continuez. Je suis sûr que nous aurons beaucoup de question à vous poser.

Daniel Lepp Friesen, membre et coordonnateur de la 50 by 30 Energy Policy Initiative et propriétaire de DLF Consulting, Manitoba Environmental Industries Association : Je suis très honoré d'être ici. C'est la première audition du Sénat à laquelle je prends part.

Bienvenue à Winnipeg. Je suis honoré d'être ici, de passer un moment avec vous et d'entendre l'intérêt que vous portez à ce sujet.

Dans votre rapport de 2005 sur le développement durable, on peut lire :

Nous ne pouvons attendre sans agir et nous lamenter sur la liste de plus en plus longue de menaces très concrètes qui pèsent sur notre environnement. Nous devons nous engager de façon déterminée sur le chemin du développement durable.

Bravo. J'ai trouvé ce passage très encourageant et je partage absolument cet avis; je me réjouis de vous parler de l'initiative 50 by 30 et de deux ou trois autres points.

Brièvement, pour commencer, j'ai grandi en Afghanistan comme fils de missionnaire. J'ai voyagé dans une bonne partie du monde. J'ai vécu au Moyen-Orient et travaillé dans l'énergie et le développement avec le peuple Navaho dans le sud-ouest des États-Unis ainsi qu'au Manitoba.

J'ai monté ma propre entreprise d'expertise-conseil il y a environ cinq ans et j'ai beaucoup apprécié de pouvoir travailler pour Manitoba Hydro, pour la province du Manitoba ainsi que pour les États du Montana et du Minnesota, essentiellement sur les questions de l'énergie et particulièrement sur l'énergie renouvelable.

J'ai quatre enfants, je suis marié et j'aime beaucoup vivre dans cette ville froide et merveilleuse que vous visitez en ce moment.

Pour vous présenter succinctement la MEIA, Manitoba Environmental Industries Association, je dirais qu'il s'agit d'une organisation regroupant 68 entreprises industrielles et commerciales ainsi que des individus engagés collectivement pour l'environnement et le développement de cadres politiques et législatifs favorables.

Cette organisation représente une partie des poids lourds de l'environnement au Manitoba et je suis très honoré qu'ils m'aient demandé de les représenter en tant que membre et de vous faire connaître le dernier projet qu'ils ont adopté, cette initiative de politique énergétique 50 by 30.

Sur la diapositive du bas, à la première page, vous verrez que le but de 50 by 30 est d'accroître l'utilisation des énergies renouvelables au Manitoba pour atteindre 50 p. 100, au lieu des 30 p. 100 actuels, en 2030, sans augmenter les émissions globales de gaz à effet de serre. Cela résume 50 by 30 et ce que nous essayons de faire en quelques mots.

Je vais passer assez vite sur les deux prochaines diapositives. Ce sont des défis globaux que vous connaissez très bien, j'en suis sûr. Premièrement, nous utilisons plus de ressources qu'il y en a de disponibles, deuxièmement, nous sommes au crépuscule de l'âge des énergies fossiles. Au bas de la page 2 se trouve le graphique du pic pétrolier.

Je suis sûr que vous connaissez bien le sujet. En gros vous pouvez voir un graphique en forme de cloche qui indique que les découvertes de nouvelles réserves pétrolières décroissent pour la première fois depuis que nous avons commencé à extraire du pétrole du sous-sol.

Sur la page suivante, la page 3, il y a une petite image des sables pétrolifères canadiens. Nous passons beaucoup de temps et d'énergie là-dessus, pourtant la consommation mondiale s'élève à quatre-vingt quatre millions de barils de pétrole par jour et nos sables ne représentent qu'un million de barils. Nous sommes un acteur mineur dans ce domaine, mais un acteur néanmoins.

Nous sommes confrontés à une crise climatique et à une crise économique. Les indicateurs sont clairs, il nous faut une réponse profonde et durable.

Page 4, voyez la réponse énergétique dont nous parlons : 50 by 30. 50 by 30 est une initiative énergétique provinciale, elle repose sur trois stratégies très simples : réduire la demande, améliorer l'efficacité et augmenter l'utilisation des énergies renouvelables. J'entrerai dans les détails dans un moment.

Pourquoi 50 by 30? Eh bien, il nous faut développer notre économie, le secteur de l'économie verte au Manitoba. Nous devons réduire notre empreinte écologique, construire nos collectivités et mobiliser la population.

Qui sont 50 by 30? Bien entendu l'association des industries est notre principal contributeur avec les dizaines d'entreprises commerciales et industrielles qu'elle représente. Tous les participants autour de cette table aujourd'hui font également partie de 50 by 30. Le Red River College, l'Assiniboine Community College, l'Université du Manitoba ainsi que vingt à trente entreprises en plus du MEIA. Nous avons plus de 150 personnes dans notre liste d'adresses électroniques.

L'initiative 50 by 30 est intégralement pilotée par des bénévoles. À tour de rôle, chacun des membres de notre comité paye le repas de tout le monde. Nous payons nous même nos frais de déplacements pour nous rendre aux réunions. À ce jour, devenir membre est gratuit et je vous invite tous à le faire sur le site Internet mentionné ici.

Qu'en est-il du Manitoba? Si j'avais un grand écran couleur avec des diapositives qui défilent, vous verriez mieux. Je porte des lunettes, tout comme certains d'entre vous, mais sur le coin gauche, diapositive du bas, page 4, il y a un diagramme circulaire montrant qu'un tiers, en gros 30 p. 100 de notre énergie, est renouvelable.

Bon, vous avez entendu beaucoup de chiffres à propos du Manitoba; oui, nous sommes renouvelables à 98 p. 100, et cetera. Eh bien, c'est vrai pour l'électricité. Cependant l'essentiel de l'énergie que nous utilisons ici n'est pas renouvelable, transports et chauffage, produits pétroliers et gaz naturel.

Nous voulons faire quelque chose à ce sujet. Cela fait environ trente ans que nous sommes à la barre des 30 p. 100, 25 à 30 p. 100, alors il est temps d'être plus exigeants.

Si vous regardez la page 5, il y a deux graphiques, et vous voyez une transition qui part d'en bas à gauche, montrant les 30 p. 100 actuels jusqu'à 50 p. 100. Bon, personne ne peut prévoir ce qui se passera demain à part le bon Dieu, on parle d'une augmentation pour arriver à 50 p. 100. Bien sûr nous ne connaissons pas le détail, mais nous avons fait de notre mieux pour faire une prévision de la situation dans 19 ans. Vous voyez que toutes les parts du graphique circulaire ont été ajustées et nous pouvons justifier ces ajustements, mais le but est d'en tirer un objectif. Un objectif qui nous semble réaliste.

Le président : Le 50, c'est 50 p. 100 et le 30, c'est 2030, à l'échelle du Manitoba, pas du monde, pas du Canada?

M. Friesen : En effet. Nous allons parler du Canada dans un instant.

L'idée d'un chiffre donné pour une date donnée n'est pas nouvelle. Vingt-cinq en 25 (25 p. 100 en 2025) est l'objectif national aux États-Unis, six États l'ont déjà inscrit dans la loi, y compris le Minnesota.

En Suède, l'objectif est 50 en 50. Certains pays sont à 100 en 50, j'en parlerai tout à l'heure, mais gardez à l'esprit les mots « taux d'énergies renouvelables », 50 p. 100 étant un taux d'énergies renouvelables en 2030.

Encore une fois, les stratégies consistent à réduire la demande, à accroître l'efficacité et à augmenter l'utilisation des énergies renouvelables. Au bas de la page 5, je détaille rapidement chacune de ces stratégies.

Réduire la demande... Alors, pour ça, franchement nous avons tous besoin d'un psychologue. Ce sont simplement des décisions que nous prenons individuellement. Est-ce que je vais aller à pied jusqu'à l'arrêt de bus?

Je suis venu ce matin en utilisant l'un de mes moyens de transports préférés, le bus. En fait mon préféré c'est le vélo. Je vais à l'arrêt de bus, j'attends peut-être quarante-cinq secondes et un bus arrive; je n'ai même pas vérifié l'horaire avant de partir de chez moi. Je ne vérifie jamais les horaires parce que je sais qu'entre 7 h 30 et 9 heures, il y a des bus tout le temps.

J'arrive en ville et à vrai dire je descends du bus quatre rues avant parce que je veux marcher un peu. Sinon il me dépose à une rue de ma destination, il me faut marcher un peu plus que ça pour être en forme.

Le président : Saviez-vous que 80 p. 100 des employés, et ils sont nombreux, de Manitoba Hydro prennent désormais le bus, alors qu'ils n'étaient que 28 p. 100 il y a trois ans?

M. Friesen : C'est fantastique. C'est le type d'exemple qu'il nous faut.

Si je me rendais au travail en voiture, j'aurais à parcourir une vingtaine de kilomètres aller-retour, soit environ 5 000 km par an; c'est donc dire qu'en choisissant de me rendre au centre-ville par un autre moyen que l'automobile, j'ai réduit de moitié ma consommation de pétrole.

Comme ma fille va se marier cette année au Kansas, je devrai faire le voyage en automobile; j'ai aussi des parents qui habitent aux États-Unis, ce qui exige beaucoup de déplacements en voiture. Je ne veux pas renoncer à tout cela, mais je peux parcourir 3 000 milles par année au lieu de 6 000 grâce à un simple choix quotidien.

Les lumières qui éclairent cette pièce, par exemple, sont toutes énergivores, ce qui est intéressant dans notre province; on pourrait faire changer cela, ici à l'hôtel Delta.

Comme l'indique cette courte liste, certains comportements, comme le fait d'éteindre les lumières, de baisser les stores, de prendre un vélo ou de se rendre au travail à pied influent sur la demande. Il est possible de réduire notre demande d'énergie de 25 p. 100 uniquement en faisant des choix avisés.

Deuxièmement, à la page 6, il est question de l'accroissement de l'efficacité. C'est là que se situe l'intersection de la technologie et de nos vies, par exemple lorsqu'on isole le grenier.

Manitoba Hydro administre un bon programme, Power Smart, qui comporte de nombreux encouragements en ce sens, qu'il s'agisse de la réduction des infiltrations, de l'utilisation de véhicules efficaces et de véhicules électriques ou de déplacements virtuels.

Je me suis rendu récemment en Europe, au Danemark et en Suède, et ensuite au Maroc. J'ai remarqué que, dans certains aéroports, les escaliers roulants sont immobiles. Quand on arrive à environ un mètre de l'escalier, il se met en marche. N'est-ce pas une idée géniale?

Ici, à l'hôtel Delta et à peu près partout en Amérique du Nord, les escaliers roulants fonctionnent sans interruption et presque sans raison puisque la technologie de détection du mouvement existe depuis des dizaines d'années.

Là encore, l'intersection des technologies pour accroître l'efficacité est très marquante et peut permettre une réduction supplémentaire de 25 p. 100 de notre demande d'énergie.

En ce qui a trait à l'énergie renouvelable, vous avez ici un collage de quelques photos. Elles sont difficiles à voir, mais il y a essentiellement cinq éléments dont je veux vous parler. Le premier est la biomasse, dont nous avons entendu parler, entre autres dans le cas des quenouilles. Il y a aussi l'énergie éolienne, solaire, géothermique et hydroélectrique. Nous produisons dans notre province environ 4 000 mégawatts d'hydroélectricité, ce qui explique en bonne partie la place qu'occupe l'énergie renouvelable dans notre bilan énergétique.

En ce qui a trait à l'initiative 50 by 30, nous sommes en train d'élaborer un plan vert. Celui-ci intègre le concept de l'initiative, son idée maîtresse, et pose la question suivante : « Alors de combien de mégawatts d'énergie solaire nous aurons-nous besoin exactement d'ici telle ou telle date, et quel en sera le coût? »

Je peux vous donner un exemple d'énergie solaire. Je crois que le sénateur Angus a mentionné le chauffage à moins 30 degrés. Il y a des panneaux solaires sur le toit de ma maison et, quand il fait un temps comme celui que nous avons aujourd'hui, je n'ai besoin d'aucun autre type de chauffage. Les panneaux réduisent notre consommation d'énergie de 50 p. 100 tout au long de l'hiver. Il s'agit d'une réduction importante, et c'est une possibilité réelle. Il n'est même pas nécessaire de faire des recherches. Il y a très longtemps que ça existe.

La prochaine diapo, au bas de la page 6, porte sur certains mégawatts d'électricité solaire, certains mégawatts de chauffage à la biomasse. Dans ce dernier cas particulièrement, il y a le chauffage à distance ou par îlots. Nous avons quelques cheminées industrielles ici et là, dans la Fourche et ailleurs. On y brûlait du charbon ou on y faisait bouillir de l'eau. La vapeur chauffait les immeubles en empruntant des conduites souterraines. Chacun prélevait la vapeur dont il avait besoin. Ensuite, cette vapeur se condensait, descendait au fond de la même conduite et retournait à la centrale. Là encore, cette idée ne date pas d'hier. Les Romains utilisaient ce type de chauffage il y a des milliers d'années, dans les thermes dont ils étaient amateurs.

Rien ne nous empêche d'utiliser le chauffage à distance. En fait, de 50 à 60 p. 100 des immeubles du Danemark sont chauffés de cette façon, au moyen de la biomasse. Cette situation découle en partie d'une politique publique et en partie du fait que les gens tiennent cette façon de faire pour acquise.

Ici, l'hiver, si vous sortez sans mettre de parka ou une bonne tuque, on vous regarde comme si vous étiez un imbécile, et vous en êtes probablement un. Un groupe de Danois s'est rendu ici; ils ont observé les subdivisions un peu partout dans la ville et ils ont dit : « Je suis certain que celle-là est chauffée à distance, à la biomasse. » J'ai répondu : « En fait, nous ne savons pas vraiment ce que signifie cette expression, mais nous sommes en train de l'apprendre. » Ils ont été stupéfaits de voir toute cette paille à proximité. Ils possèdent un système très perfectionné de chauffage à la biomasse uniquement alimentée par des balles de foin fournies par une coopérative agricole — là encore, il y a un élément de développement communautaire — et ils sont propriétaires de la centrale de chauffage à distance. Alors, devinez quoi? Ils sont plus intéressés que quiconque à ce que cette centrale fonctionne 24 heures sur 24. On apporte les balles, une grue les ramasse et les place sur le convoyeur, et on les brûle tout au long de la journée. On chauffe un gros réservoir d'eau. Une pompe souterraine alimente chaque habitation et chaque commerce du quartier.

Revelstoke, en Colombie-Britannique, a un bon système de chauffage à distance. Il y en a un à Victoria et un autre, de grande capacité, à Québec. Il y en a quelques-uns ailleurs au Canada, notamment au Manitoba. J'en parlerai dans quelques instants.

Il y a ensuite la cogénération à la biomasse, c'est-à-dire la production de chaleur et d'électricité. Si vous mettez de l'essence ou du gaz naturel ou quoi que ce soit dans un moteur pour produire de l'électricité, vous n'utiliserez que le tiers de l'électricité disponible dans l'essence. Le reste se transformera en chaleur. Ce qu'on dit ici, c'est qu'au lieu de produire uniquement de l'électricité, récupérons aussi la chaleur. L'éolien, la géothermie, l'hydroélectricité, les biocarburants — l'important, c'est de faire le bilan de toutes nos ressources et de se dire que, d'ici telle ou telle date, nous aurons fixé une échéance, nous connaîtrons le coût et nous pourrons aller de l'avant.

La page suivante montre quelques exemples : l'hydroélectricité arrive évidemment en première place, suivie de quelques exemples de biomasse. L'image illustre un système de chauffage à distance qui a démarré cet hiver dans un petit collège qui n'était pas représenté ici, soit le Providence University College, au sud de Winnipeg. On y emploie des granules de bois, un sous-produit de l'industrie du meuble. Le collège se fait livrer les granules; il en consomme deux ou trois cents tonnes par année, ce qui lui permet maintenant de chauffer la plus grande partie du campus. Le campus est désormais alimenté à 75 p. 100 par de l'énergie renouvelable; on utilise aussi de l'énergie géothermique. Ce n'est pas très sorcier.

En regardant la photo à gauche, vous vous demandez peut-être où diable se trouvent les panneaux solaires. Il s'agit en fait des bandes brunes verticales. L'immeuble ici à droite, si vous voulez y jeter un coup d'œil, est situé au coin des rues York et St. Mary, à environ trois pâtés de maisons d'ici. Cela me ferait vraiment plaisir de vous y emmener à l'heure du midi, si le cœur vous en dit.

La page 8 illustre des exemples d'énergie éolienne au Manitoba. Nous avons deux ou trois cents mégawatts d'éolien. Il y a aussi de l'énergie géothermique évidemment; on voit ici le bâtiment de Manitoba Hydro. Je veux vous dire en passant que le Manitoba a adopté de très bonnes politiques en matière de chauffage géothermique; c'est grâce à ces politiques que ce secteur connaît une forte croissance dans la province.

Comme je l'ai dit, il y a un ratio d'énergie renouvelable. Au Manitoba, ce ratio est de 30 p. 100 en raison de l'hydroélectricité, de la géothermie et de la biomasse. Nous visons 50 p. 100.

Pour l'ensemble du Canada, ce ratio est de 17 p. 100. Quelle devrait être notre cible nationale? Est-ce qu'on pourrait viser le même objectif que l'initiative 50 by 30? C'est une bonne question. Nous avions les cibles de Kyoto, qui ont été reléguées aux oubliettes. Je crois qu'il est très important de fixer des cibles provinciales et nationales, mais pas en fonction d'obligations externes ou d'avantages économiques ou politiques à court terme. Il est capital que nous nous penchions sur cette question.

À la page 9, il est un peu difficile de voir le ratio d'énergie renouvelable du Canada, mais vous pouvez apercevoir une mince ligne verte à la gauche qui s'arrête essentiellement à environ 16 p. 100. On mentionne deux ou trois fois les ratios des gaz à effet de serre et de l'énergie renouvelable; il en sera question dans la diapo au bas de la page 9. Vient ensuite le rapport entre les ratios d'énergie renouvelable, ou les RER, et les émissions de gaz à effet de serre. Ce n'est pas très technique, mais comme je viens des milieux du génie et des affaires, j'essaie de conjuguer les deux si possible.

Encore une fois, le ratio d'énergie renouvelable du Manitoba, par exemple, représente la quantité totale d'énergie que nous utilisons par rapport au pourcentage d'énergie renouvelable. C'est une façon d'aborder la question. L'autre est la quantité de GES rejetés chaque année et le nombre de tonnes de réduction possibles d'ici une certaine date. Pour quelle raison établir une différence entre les deux? Ne s'agit-il pas de la même chose? Je le souhaiterais bien. C'est le cas jusqu'à un certain point, mais je vous donne un exemple.

Dans notre pays, on utilise en fait des combustibles fossiles pour régler un problème causé par ces mêmes combustibles, c'est-à-dire pour réduire les gaz à effet de serre et capter le carbone. On utilise des combustibles fossiles pour pomper le CO2 sous terre; on ne sait trop s'il y restera, mais on l'espère bien.

J'ai une centrale électrique alimentée aux combustibles fossiles. Elle dégage des émissions. Maintenant, je capte ces émissions et je les envoie sous terre. En somme, on augmente la quantité de combustibles fossiles utilisés et qu'en retirons-nous? Eh bien, nous réduisons nos GES. Mais cette réduction de nos GES favorise-t-elle la durabilité à l'échelle nationale à long terme? À mon avis, absolument pas.

Si l'on considère notre pays dans l'optique du ratio d'énergie renouvelable, chaque décision devrait satisfaire aux six critères énumérés dans la première diapo de la page 10. Premièrement, est-ce que cela réduit la consommation d'énergie? Deuxièmement, est-ce que cela augmente l'efficacité énergétique? Troisièmement, est-ce que cela augmente l'énergie renouvelable? Quatrièmement, est-ce que cela augmente l'activité commerciale et la création d'emplois? Cinquièmement, est-ce que cela préserve et protège l'environnement? Sixièmement, est-ce que cela améliore la qualité de vie?

Si nous utilisions cette grille pour prendre toutes nos décisions en matière d'énergie, partout au pays, je suis certain que nous emprunterions une voix plus durable que celle de la réduction des GES, qui équivaut essentiellement à manipuler les chiffres.

Oh, la belle affaire. Je peux utiliser des combustibles fossiles pour régler un problème de combustibles fossiles; en fin de compte, nous consommons plus de combustibles fossiles. En somme, on utilise l'argent des contribuables pour réduire notre ratio d'énergie renouvelable. Je crois qu'il y a un problème.

Le président : Vous semblez simplement dire qu'on a mis l'accent sur la mauvaise syllabe. Nous avons mis l'accent sur la réduction des GES, mais ça ne fonctionne pas. Il faut plutôt réduire la consommation d'énergie en fonction de ces six critères. C'est bien ça?

M. Friesen : Exactement. C'est comme si je voulais me rendre au travail le matin et que je me dise que le principal critère est la vitesse. Il s'agit d'arriver le plus vite possible. Est-ce que j'ai pour autant raison d'utiliser une voiture sport et de heurter plein monde en cours de route.

De quel autre critère pourrait-il s'agir? L'efficacité? La collectivité? Dans l'autobus, je peux parler à des gens durant mon trajet. Il y a différents critères.

La logique des GES a débouché sur certaines conclusions farfelues et je crois qu'en fin de compte, si nous n'aboutissons pas à une augmentation du ratio d'énergie renouvelable, nous ne faisons que manipuler les chiffres. Je ne crois pas que cela nous place sur la voie d'un avenir durable.

La troisième recommandation porte sur la création d'un organisme national 50 by 30 ou de quelque chose du même ordre, comme 40 by 60; prenez les chiffres que vous voudrez, mais ils doivent permettre de fixer une cible pour notre pays, d'encadrer cette initiative, d'élaborer des indicateurs nationaux cohérents en matière de durabilité, et de surveiller et d'évaluer l'atteinte des buts.

Quelqu'un a proposé plus tôt l'idée d'une norme pour un code du bâtiment, en ajoutant que c'est aux provinces de faire leur part. Je crois qu'au Canada, nous avons de la difficulté à composer avec l'idée que nous sommes un pays. Nous sommes une fédération où les provinces jouissent de beaucoup d'autonomie.

Je connais plutôt bien le CCME, le Conseil canadien des ministres de l'Environnement. Il a produit beaucoup de bonnes choses, mais si je suis Terre-Neuve ou le Québec ou n'importe quelle autre province, je regarde ces normes et je me dis qu'elles sont exigeantes. Nous les respecterons dans deux ou trois ans, nous finirons par en tenir compte, mais nous n'y sommes pas tenus. La LCPE ne régit de cette façon que les substances toxiques; le gouvernement fédéral n'a que très peu de pouvoirs à l'échelle nationale en matière d'environnement.

Je crois que l'initiative 50 by 30 devra adopter ce type de modèle fondé sur le consensus. Laissons chaque province fixer ses propres cibles pour ensuite les atteindre.

Quatrièmement, il faut être assez téméraire pour proposer que le gouvernement fédéral revoie ses priorités. Au cours des dernières années, les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada ont affecté un total de 3 milliards de dollars au captage et au stockage du carbone. Or, au cours d'une année, le Canada a affecté 145 millions de dollars aux technologies d'énergie renouvelable, soit beaucoup moins que le dixième de ce premier chiffre.

Qu'est-ce qui motive de telles dépenses? Le Canada s'est engagé, d'ici 2020, à réduire de 17 p. 100 le total des émissions de GES du pays par rapport aux niveaux de 2005.

L'initiative « 50 by 30 » et la MEIA proposent d'opter plutôt pour la durabilité et le renouvellement; de réorienter les fonds affectés au captage du carbone vers les énergies renouvelables; de se concentrer sur les collectivités et les Premières Nations pour assurer une durabilité à long terme.

Le président : Je croyais vous avoir entendu dire que vous alliez revenir à la diapo presque blanche de la page 9. En avez- vous parlé?

M. Friesen : Lorsqu'on utilise une présentation PowerPoint, c'est la diapo qui apparaît en premier et qu'on remplace par la suite. Oui, ce sont les quatre dont j'ai parlé.

Le président : Avez-vous bien dit en commençant que vous aviez été élevé dans une mission en Afghanistan?

M. Friesen : C'est bien ça.

Le président : Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails?

M. Friesen : Avec plaisir. Mon père est mort en 2005. Il était chirurgien ophtalmologiste. Il a décidé qu'il ferait une carrière plus utile s'il travaillait dans des endroits où il n'y avait pas d'ophtalmologiste.

Nous avons déménagé là-bas en 1969 et j'y suis demeuré jusqu'en 1979. Mes parents y ont passé une autre vingtaine d'années. Je suis très fier de leur exemple.

Le président : Étaient-ils à Kaboul?

M. Friesen : Effectivement. En fait, mon frère y est actuellement. Il travaille là-bas.

Le président : Vous avez parlé d'une mission. S'agissait-il d'un groupe religieux ou professionnel? Sous l'égide de qui était-il?

M. Friesen : Mes parents faisaient partie de l'Église mennonite. Toutefois, on ne pouvait travailler comme missionnaire en Afghanistan. Puisque mon père était médecin, mes parents ont fondé un hôpital et ont créé un institut de l'œil où l'on formait des médecins afghans afin qu'à leur départ, il y ait une relève.

Le président : Nous vous saluons, vous et votre famille. C'est une merveilleuse réalisation.

Le sénateur Mitchell : Faisiez-vous voler des cerfs-volants quand vous étiez jeune?

M. Friesen : Effectivement. Nous faisions voler des cerfs-volants, nous poursuivions des cerfs-volants. Nous regardions des parties de bouskachi. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de leur sport national. C'est fascinant. Oui, c'est un pays étonnant.

Le sénateur Mitchell : Ce que vous avez fait dans le cadre de ce projet, l'initiative 50 by 30 m'inspire beaucoup.

Avez-vous des panneaux de chauffage solaire?

M. Friesen : Oui.

Le sénateur Mitchell : Je croyais qu'on produisait généralement de l'électricité photovoltaïque ou qu'on chauffait de l'eau. Mais vous me dites que vous chauffez de l'air?

M. Friesen : Oui, d'un point de vue thermique, on peut chauffer n'importe quoi. Un des volets est la production d'électricité et l'autre est le chauffage.

En fait, les panneaux font circuler l'air de la maison jusqu'aux panneaux et de retour à la maison, tout comme un appareil de chauffage central, mais au moment où la chaleur du soleil est suffisante et où j'ai besoin de chauffage. Lorsque je ne veux pas chauffer la maison, la chaleur est redirigée vers un circuit de chauffage de l'eau, qui alimente la maison en eau chaude.

Le sénateur Mitchell : Qui vous a installé ça?

M. Friesen : Je l'ai fait moi-même.

Le sénateur Mitchell : Vous l'avez conçu, construit et installé vous-même?

M. Friesen : À vrai dire, j'ai acheté les panneaux au Michigan. J'ai travaillé durant 10 ans chez un entrepreneur en énergie solaire et j'ai installé sur des toits tout ce que je pouvais imaginer. Nous avons installé des choses de ce genre partout où nous sommes allés.

Le sénateur Mitchell : Est-ce rentable? Est-ce que vous le subventionnez vous-même ou serait-il moins coûteux d'utiliser tout simplement ce que la province peut vous fournir?

M. Friesen : Ce serait moins coûteux. Il faut environ 10 ans pour rentabiliser le système, ce qui pour moi ne pose aucun problème.

Je n'ai pas encore calculé le délai de récupération de mon nouveau canapé ou de mon ordinateur. Tout ce que je dis, c'est que, chose intéressante, nous appliquons ce langage économique à ce que nous aimons vraiment. Franchement c'est mon passe-temps, ma passion, mon intérêt, mon travail. Je suis chanceux.

Le sénateur Mitchell : Je suis tout à fait d'accord. Nous n'hésitons pas à payer des choses qui finissent par ne plus rien valoir tandis que nous n'aimons pas dépenser pour nous procurer des choses qui pourraient vraiment améliorer notre qualité de vie et sauver nos enfants.

De toute évidence, au Manitoba, les transports sont responsables d'une bonne part des gaz à effet de serre. Vous en avez déjà probablement parlé, mais pourriez-vous nous en dire davantage sur les carburants de remplacement? Votre projet 50 by 30 ne préconise pas seulement d'utiliser moins la voiture.

M. Friesen : C'est juste. Earthfuture.com a réalisé une étude et a constaté que les transports privés consomment neuf millions de barils de pétrole par jour. Il s'agit d'un chiffre approximatif. C'est donc environ 10 p. 100 des quelque 80 millions de barils.

L'étude a indiqué environ sept façons différentes de réduire ces neuf millions de barils à moins de un.

Quelqu'un ici est-il déjà allé en Hollande, aux Pays-Bas? Avez-vous croisé quelques vélos durant votre séjour?

Le sénateur Mitchell : Oui, mais on n'y porte pas le casque.

M. Friesen : Oui, mes enfants voudraient vivre là-bas. En gros, je lisais l'autre jour que, dans ce pays, on utilise le vélo pour 60 p. 100 des déplacements sur courte distance. Ils reçoivent beaucoup de pluie, soit dit en passant, beaucoup plus que nous n'en recevons au Manitoba. Ils n'ont pas la glace et la neige, mais il s'agit en partie d'une décision. C'est un choix qu'on a fait. Je vais y venir.

La première chose qu'on peut faire, c'est tout simplement d'accorder plus de place au vélo et à la marche. Il y a les vélos électriques...

Le président : Et aussi le patin.

M. Friesen : Certaines personnes se rendent au travail en patinant sur la rivière Assiniboine.

Les vélos électriques sont chose courante. Cela permettrait une réduction d'environ 10 p. 100. Nous avons les autobus électriques et les TLR. Nous avons entendu parler ici du développement des autobus électriques. Le covoiturage est ridiculement simple. Il y a les véhicules électriques, les véhicules électriques rechargeables, l'autopartage.

Nous avons maintenant notre premier programme d'autopartage au Manitoba. Environ trois véhicules sont disponibles pour quiconque veut les utiliser.

Si vous avez visité le projet Dockside Green, à Victoria, sachez qu'on peut y emprunter au moins une demi-douzaine de véhicules sur simple signature. Si ma mémoire est fidèle, je crois que ce sont tous des véhicules hybrides. Cette petite communauté déploie beaucoup d'efforts pour accroître son ratio d'énergie renouvelable.

Les transports sont un gros morceau. Entre ces choses et les déplacements virtuels, les biocarburants, et cetera, cet organisme soutient que, malgré l'importance du pétrole, nous pourrions réduire son utilisation d'environ 95 p. 100. Je suis d'accord. Je crois qu'on peut y arriver.

Lorsque le prix de l'essence a atteint 1,50 $ le litre au Manitoba — je crois que cette hausse marquée est survenue il y a environ un an et demi ou deux — les autobus étaient bondés. C'était incroyable. Des autobus pleins à craquer passaient tout droit sans même ralentir. Tout le monde attendait, vous savez; que s'est-il passé? Du jour au lendemain, la fréquentation a grimpé.

Est-ce le rôle de notre société de dire d'accord, faisons grimper le prix tout en nous assurant que nous nous occupons des pauvres? Il ne faut jamais laisser les pauvres dans le besoin. S'il y a une façon, que ce soit par l'entremise des employeurs ou autrement, de déterminer que telle ou telle personne a vraiment besoin de sa voiture et que son revenu est en deçà d'un certain seuil, peut-être pouvons-nous trouver une solution.

Le sénateur Mitchell : Comment se fait-il que, dans chaque hôtel en Europe, il faille insérer sa carte dans une fente dans le mur, sinon il n'y a pas de courant dans la chambre? Je n'ai jamais rien vu de tel au Canada. Est-ce simplement parce que le coût n'est pas justifié ou parce que cela ne cadre pas avec nos schèmes de pensée?

M. Friesen : C'est une très bonne question. Que je sache, tous les pays importent le pétrole à peu près au même prix. Il en va essentiellement de même du gaz naturel. Ce sont des produits de base.

Le cas de l'électricité est différent. On ne livre pas d'électricité outre-Atlantique. Pourtant, ce prix peut être de loin supérieur ou inférieur, selon la politique d'un pays.

Si l'essence et le gaz naturel sont importés à des prix semblables, mais vendus à des prix fort différents, il faut conclure que l'Europe n'en est pas arrivée là en raison des pressions économiques, puisqu'elle subit les mêmes pressions que nous. L'électricité coûte peut-être un peu plus cher, mais ce n'est pas ma facture la plus élevée de toute façon. Ce n'est pas pour cela que je consomme le plus d'énergie, mais pour le chauffage de la maison durant un hiver froid.

Peut-être que la meilleure façon d'économiser de l'énergie serait de tous déménager en Floride. Cela réglerait peut- être bien des choses.

Le fait est qu'on a pris des décisions stratégiques, il y a 30, 40 ou 50 ans, qui visaient expressément à engendrer de profondes réductions de la consommation. C'est une question de vision et de courage et, après un certain temps, la population suit.

À Winnipeg, nous avons de magnifiques pistes cyclables. Leur nombre a connu une très forte croissance au cours des deux dernières années. Comme je les fréquente très régulièrement, je profite de toutes les occasions pour écrire au maire et à mon conseiller pour leur dire à quel point c'est fantastique et que ça fonctionne vraiment.

Pour la première fois cet été, des vélos faisaient parfois la file aux intersections : quatre, cinq ou six vélos qui attendaient le feu vert. C'est merveilleux. On peut y arriver.

Ce que je veux dire en somme, c'est que les gens peuvent s'adapter à de nouvelles réalités. On ne peut plus acheter de Hummer. Les plus petites voitures sont la norme.

Tout le monde connaît les ampoules fluorescentes compactes. Les gens s'y habituent et peuvent passer à autre chose.

Je suis pas mal certain qu'on peut faire de même dans le cas des chambres d'hôtel. C'est une décision. C'est une occasion sans pareille pour une chaîne hôtelière, qui sait, Delta, de se démarquer comme chef de file en matière d'écologie. Votre chambre ne sera pas froide, mais les lumières ne s'allumeront que si vous insérez votre clé. C'est une bonne observation.

Le sénateur Mitchell : Il est effectivement possible de faire du vélo en hiver aussi.

M. Friesen : C'est mon cas.

Le sénateur Mitchell : J'en ai fait pas mal.

M. Friesen : J'ai cessé d'en faire quand mon pneu a craqué à cause du froid. Je n'ai pas encore remplacé mes pneus cloutés.

Le sénateur Mitchell : Je n'utilise pas de pneus cloutés.

Le sénateur Neufeld : J'essaie de ne jamais oublier que chaque pays ou même chaque province doit surmonter des problèmes différents. Dans une de vos diapos, vous dites que si tout le monde voulait vivre comme un Canadien, il nous faudrait deux autres Terres. Il y a une légère différence entre la vie dans un petit pays comme le Danemark où il ne faut pas aller très loin pour travailler, et la vie dans un pays aussi vaste que le Canada où certaines personnes parcourent plus de 100 milles par jour pour aller travailler.

Est-ce toujours justifié? Je suppose que non, mais ça arrive. J'adopte toujours ce point de vue.

Vous dites qu'il faut modifier le comportement relatif à la demande d'énergie. Voyons voir. Dites-moi comment on peut y arriver concrètement.

Si vous voulez prendre l'Europe comme exemple, le prix de l'électricité y est probablement cinq ou six fois plus élevé. C'est une des raisons. L'essence coûte deux ou trois fois plus cher qu'ici.

Est-ce que c'est comme ça qu'on réduit la consommation? Ou avez-vous un point de vue différent sur la façon d'inciter les gens à réduire leur consommation d'énergie?

M. Friesen : Oui, réduire la consommation d'énergie. Il faut passer entre autres par la sensibilisation

Le sénateur Neufeld : C'est parce que vous parlez de comportement — réduire la demande d'énergie — que je pose cette question.

M. Friesen : Pour revenir à l'exemple européen, la réduction de la consommation de combustibles fossiles est en grande partie attribuable au coût, et ce coût n'est attribuable ni à l'Arabie saoudite, ni au Koweït, ni à tout autre fournisseur de pétrole. Il est attribuable au gouvernement qui choisit de faire un changement et qui agit en conséquence.

Nous n'avons pas fait ce choix. Je crois que cela dépend en partie des droits plus élevés dont est frappée l'énergie au Canada. C'est comme je l'ai dit au sujet de la fréquentation des autobus, qui a bondi avant de redescendre lorsque le prix de l'essence a baissé.

Une partie est attribuable à la sensibilisation et à l'exemple. Si, par exemple, notre Parlement et notre Sénat ainsi que les assemblées législatives de chaque province produisaient leur propre plan voulant qu'au cours de la prochaine année, chaque législateur se rende au travail en utilisant un mode d'énergie renouvelable ou en prenant l'autobus, et qu'on en parle beaucoup, cela ferait bouger les choses. Les gens se diraient que ces gens-là, malgré leur complet et leur cravate, peuvent aussi faire du vélo. Oui, ça peut se faire. Les modèles de rôles sont un facteur important.

Il ne s'agit pas uniquement d'imposer des taxes. Je crois que cela aide à réduire l'utilisation. Là encore, il faut penser aux personnes à faible revenu qui doivent prendre leur voiture.

En ce qui a trait à certains de ces longs trajets et aux véhicules électriques dont il a été question plus tôt, on n'a pas mentionné les programmes d'échange de batteries qui permettent aux gens de franchir 100 ou 200 kilomètres, c'est-à- dire jusqu'à la limite d'autonomie de leur véhicule, et de s'arrêter à un poste d'échange de batteries tout comme ils s'arrêteraient à un poste d'essence. Il pourrait y en avoir partout au pays. Il n'est pas déraisonnable d'envisager ça.

Le sénateur Neufeld : Avez-vous déjà déterminé le coût d'un tel réseau? Vous dites que ce n'est pas déraisonnable. Vous avez certainement dû évaluer le coût.

M. Friesen : En effet. Prenons toutes les subventions que reçoit l'industrie pétrolière. Les gouvernements, dont le gouvernement canadien, lui versent des centaines de milliards de dollars; je parle ici de notre politique de défense nationale qui crée des conditions favorables pour permettre aux sociétés pétrolières de faire leur travail. Il s'agit là d'une dépense pétrolière. La guerre en Irak est une dépense pétrolière.

Il n'y a pas que ça, mais je crois qu'essentiellement, nos économies subventionnent le prix du pétrole. On pourrait prendre une partie de cette subvention et envisager des solutions de rechange. Je crois que c'est possible.

Le sénateur Neufeld : Nous parlons des comportements là où l'électricité est bon marché. Je viens de la Colombie- Britannique; notre situation s'apparente donc à celle du Manitoba. Lorsque je regarde au-dessus de ma tête, je ne vois que des ampoules incandescentes et aucune lampe fluorescente compacte. Vous avez parlé de ça précédemment. Parfois, il faut que l'exemple vienne d'en haut. Je comprends donc ce que vous dites.

Je voulais simplement aborder le sujet du nombre de mégawatts d'électricité solaire d'ici telle ou telle date, à la page 6. On nous a dit qu'en Ontario, il existait une centrale solaire qui produisait de l'électricité. Je crois qu'elle produisait 24 MW et qu'elle occupait 250 acres de terrain qui ne pouvait servir à rien d'autre.

Est-ce le type de développement solaire dont vous parlez? Vous avez abordé l'utilisation domestique et je suis d'accord avec ça. On peut utiliser la technologie dont nous disposons aujourd'hui pour chauffer l'eau et d'autres choses du genre. Ce sont des choses pratiques que chacun peut faire individuellement. Ou parlez-vous de vastes centrales solaires?

M. Friesen : Au Manitoba, l'installation de capteurs photovoltaïques sur les toits n'était peut-être pas la chose la plus brillante à faire. Je crois que dans cette province, on doit réserver la production d'énergie photovoltaïque aux applications éloignées et, fait intéressant, ces applications éloignées peuvent être situées dans le centre-ville de Winnipeg.

Tous nos parcomètres sont alimentés par des piles solaires, car le coût de leur alimentation à partir d'un poteau situé trois mètres plus loin est exorbitant. Le coût d'une pile et d'un système solaire est vite amorti. Il faut être prudent lorsqu'on utilise le terme « éloigné », mais il existe des applications intelligentes du photovoltaïque, que ce soit pour des chalets ou des collectivités nordiques éloignées.

Partout au Canada et aux États-Unis, les panneaux de signalisation routière sont maintenant alimentés à l'énergie photovoltaïque. Il n'y a pas tellement longtemps, ils étaient alimentés par des groupes électrogènes au diesel qui faisaient du vacarme 24 heures sur 24.

Pour répondre à votre question, je dirais qu'au Manitoba, l'électricité solaire jouerait un très petit rôle.

Le sénateur Neufeld : À la page 10, il est question d'un montant de 3 milliards de dollars consacré au captage et au stockage du dioxyde de carbone, ce que je ne conteste pas. Cette somme provient de l'Alberta, de la Colombie- Britannique et du gouvernement fédéral et je crois qu'une partie vient de la Saskatchewan. Je présume qu'il y a une raison pour cela. Ces provinces n'ont pas les rivières qu'ont le Manitoba, le Québec et la Colombie-Britannique pour produire de l'électricité. Nous savons que les éoliennes et les panneaux solaires ne suffisent pas à répondre à la demande. Ces provinces se trouvent dans une situation où elles doivent générer de l'électricité pour leurs habitants et je suis conscient de cette réalité.

Ensuite, vous dites que le Canada s'est, pour sa part, engagé à hauteur de 145 millions de dollars. La première fois, vous parlez du gouvernement fédéral et des provinces. La seconde fois, vous parlez seulement du Canada. C'est cette somme que je remets en question.

Je sais que le Canada accorde un cent par kilowattheure relativement à chaque source d'énergie propre développée au cours des dernières années, c'est-à-dire l'énergie éolienne et l'hydroélectricité au fil de l'eau, pour n'en nommer que quelques-unes. Il s'agit d'une subvention d'un cent. Dans la province où je réside, une entreprise qui construit un parc éolien ou une installation au fil de l'eau ne paie pas d'impôt foncier pendant 10 ans. Il se peut qu'elle n'ait pas à payer de taxe de vente provinciale. Elle bénéficie de mesures semblables. D'après moi, les données et les comparaisons devraient mieux refléter les situations actuelles et les raisons derrière tout cela. Il y a une raison.

J'ignore vers quoi l'Alberta se tourne pour obtenir toute son électricité. On trouve des rivières assez importantes dans le nord de la province, mais pas dans le sud. Il y a certaines difficultés.

À mon avis, nous ne devrions pas nous en prendre à ces provinces. Elles ont d'autres options, mais elles sont limitées. Il faut en tenir compte. Il y a une raison pour cela. Êtes-vous d'accord avec moi, jusqu'à un certain point?

M. Friesen : Ces provinces doivent effectivement générer de l'électricité et elles ne disposent pas beaucoup de rivières pour ce faire. Je suis tout à fait d'accord.

Cela n'a rien à voir avec la production d'énergie électrique. On parle du captage et du stockage du dioxyde de carbone, une étape qui vient après la production d'électricité. Ce sont deux éléments complètement différents.

Le sénateur Neufeld : Non, ils vont de pair. De fait, la production d'électricité engendre l'émission de gaz à effet de serre, et il faut se départir des GES pour atteindre les cibles. Ces éléments qui semblent différents forment donc un seul et même tout.

M. Friesen : D'accord. Afin d'atteindre la cible, si cet argent servait à transformer des centrales thermiques alimentées au charbon en centrales de cogénération, on utiliserait alors entre 85 et 90 p. 100 du charbon au lieu de 30 p. 100. À l'heure actuelle, on utilise seulement 30 p. 100 du charbon pour produire de l'électricité et l'on rejette le reste — littéralement.

Tout d'abord, nous gaspillons 70 p. 100 du charbon. Ensuite, nous utilisons du gaz naturel ou autre chose, comme du diesel, pour enfouir ces gaz dans le sol. Ce fardeau supplémentaire lié aux combustibles fossiles que nous ajoutons au gaspillage de charbon dépasse la mesure.

Par exemple, au lieu de concentrer notre attention sur les gaz à effet de serre émis, nous devrions simplement utiliser 90 p. 100 des combustibles en transformant la chaleur produite par la centrale au charbon pour la distribuer à l'industrie et aux municipalités par l'intermédiaire d'installations de chauffage central. Bien sûr, ces installations ne sont pas faciles à réaliser et elles coûtent de l'argent, mais il est possible de le faire, et nous allons de l'avant.

Le sénateur Neufeld : La théorie et la réalité ont parfois deux résultats complètement différents, mais je vais cesser d'argumenter. Je comprends ce que vous dites.

Si je ne m'abuse, c'est la centrale de Keephills qui est à la fine pointe de la technologie. Je me trompe peut-être de nom, mais cette centrale exploite les dernières innovations en matière de technologie de combustion du charbon pour produire de l'électricité parce qu'elle est engagée dans cette voie depuis un certain temps déjà. On n'y utilise pas des technologies d'il y a 50 ou 100 ans.

Cette centrale investit dans la technologie et va de l'avant pour trouver des façons de faire qui tiennent également compte des contraintes économiques. Je vais m'arrêter là.

M. Friesen : D'accord.

Le sénateur Banks : Merci pour votre exposé, qui était très intéressant, de même que pour nous avoir donné un aperçu des expériences que vous avez vécues jusqu'à présent.

Certains d'entre nous sont allés en Afghanistan, donc nous avons une vague idée des expériences que vous avez pu y vivre, dans l'ensemble.

J'aimerais revenir à l'une des centrales dont a parlé le sénateur Neufeld, car la valeur concrète à laquelle il a fait allusion constitue un problème, contrairement à la théorie.

En Alberta, la centrale électrique alimentée au charbon dont il est question figure parmi les centrales les plus efficaces concernant l'utilisation du charbon — c'est presqu'un oxymoron. Par rapport à une centrale au charbon classique ou « régulière », si je peux utiliser ce terme, elle suit le gaz de très près en termes d'efficacité et à un coût élevé. Au fait, cette centrale et le charbon qu'on y brûle appartiennent à la même entreprise, donc les combustibles ne coûtent à peu près rien, sauf pour les coûts liés à l'extraction mécanique.

Jusqu'à quelle distance peut-on diffuser la chaleur cogénérée par cette centrale? Elle est située à 60 milles de toute concentration d'entreprises ou d'habitants. Je doute qu'on puisse transporter de la chaleur sur 60 milles sans qu'il y ait de perte. Elle doit être tiède, tout au plus, à l'autre extrémité. Est-ce que je me trompe? N'y a-t-il pas une limite quant à la distance?

M. Friesen : La distance est un facteur dont il faut effectivement tenir compte. Combien d'entre vous se servent d'un système de chauffage géothermique à la maison ou en ont entendu parler?

Le sénateur Banks : Personne. Le rapport de 2005 dont vous parliez tout à l'heure souligne d'ailleurs l'ignorance généralisée au sein du pays à cet égard.

M. Friesen : D'accord. Parmi vous, quelqu'un a-t-il vérifié la température de l'eau émergeant du sol, avec ce genre d'installation?

Le sénateur Banks : Émergeant du sol?

M. Friesen : Le sol qui sert actuellement à chauffer l'édifice de Manitoba Hydro, par exemple, n'est même pas tiède. On parle d'à peine 10 degrés Celsius. Comment peut-on chauffer un tel édifice avec si peu de chaleur? En outre, on peut se poser la même question dans le cas d'un caloduc provenant d'une centrale au charbon. Si l'on obtient 40 ou 30 degrés à l'autre extrémité, c'est 300 p. 100 plus chaud que l'eau souterraine, de laquelle nous récupérons déjà la chaleur utilisable grâce à une technologie d'extraction de chaleur qui est communément utilisée dans les installations de conditionnement d'air depuis des générations. La distance est effectivement une préoccupation. Cette chaleur est-elle utilisable? Bien sûr, c'est possible avec des caloducs souterrains bien isolés et la technologie d'extraction de chaleur à l'autre extrémité.

Le sénateur Banks : Y a-t-il une limite? À partir de quelle distance est-ce impossible?

M. Friesen : Je suis certain que oui. Le tout dépend des facteurs économiques. Prenons le gaz naturel, par exemple, dont le prix est à son plus bas niveau en 15 ans. Examinons ensuite les coûts de son cycle de vie, relativement à son extraction, à ses émissions et au fait qu'il n'y en aura plus quand nous aurons épuisé cette ressource. Lorsqu'on tient compte de tous ces facteurs, le gaz coûtant de 15 à 20 cents peut rapidement coûter 65 cents. Il s'agit simplement d'une estimation juste du coût complet, et nous n'avons aucune idée du coût complet en matière d'énergie au Canada.

Le sénateur Massicotte : Comment arrivez-vous au cours du marché? Pourquoi votre prix est-il trois fois plus élevé que le cours du marché?

M. Friesen : Le marché n'exige pas que les coûts externes soient comptabilisés.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais seulement avoir la vraie réponse. Je suis conscient qu'il y a des coûts externes, mais ils ne correspondent pas à une hausse de 300 p. 100 du coût du gaz naturel, d'après les renseignements que j'ai obtenus.

Pour faire suite aux propos du sénateur Banks, je sais que l'air chaud qui sort est très important. C'est très bien de dire qu'il faudrait l'utiliser, mais s'il doit parcourir 60 kilomètres ou 60 milles, et je comprends que cela se fait en Europe et qu'on peut isoler les caloducs, quel est le coût total?

Combien cet air chaud coûte-t-il s'il faut l'acheminer 60 milles plus loin, pour isoler les caloducs, et cetera? Avez- vous une idée de ce qu'il en coûterait?

M. Friesen : C'est une excellente question et je dois dire que je n'ai pas la réponse. Je crois qu'il est utile d'approfondir l'idée de la centrale au charbon et de la question de la chaleur.

Je ne suis pas un spécialiste de la question, mais je peux vous trouver les réponses. C'est avec plaisir que j'assurerai un suivi auprès du comité à ce sujet.

En fait, à l'échelle nationale, l'initiative 50 by 30 vise à répondre à de telles questions pour l'ensemble du Canada. Il faut que ce soit de bonnes réponses. L'initiative vise également à fournir de nombreux autres éléments d'information quand le contexte économique le permet, ce qui est le cas actuellement.

Le sénateur Massicotte : Si c'était le cas, ne croyez-vous pas que ce serait déjà fait?

M. Friesen : Le contexte économique actuel le permet, mais nous n'avons pas de vision à long terme quand il est question d'énergie et de reconnaître les limites des combustibles fossiles. Nous n'avons donc pas suffisamment de fonds pour faire avancer les ressources renouvelables comme il se doit.

Le sénateur Banks : Permettez-moi de discuter avec vous de quelques points, monsieur Friesen.

J'aimerais d'abord parler du pic pétrolier. Je regrette de ne pas l'avoir apportée, mais j'ai la liste des alarmes émises depuis 1925 environ. Presque tous les 10 ans, on s'inquiète de manquer de pétrole. Cette ressource peut s'épuiser.

Certains d'entre nous n'étaient même pas nés quand les Américains ont vécu le grand vent de panique concernant le pétrole. Tout le monde disait qu'on allait manquer de pétrole d'ici la fin du siècle dernier. Cela ne s'est jamais produit.

Depuis 1950, nous avons utilisé plus de pétrole qu'il était censé y en avoir à ce moment-là. Si les prévisions avaient été justes, nous aurions épuisé le pétrole il y a fort longtemps, mais tout le monde s'est trompé. Je suis sûr que vous en êtes conscient.

M. Friesen : Effectivement. Nous ne savons pas ce que demain nous réserve.

Le sénateur Banks : Convainquez-moi que ce graphique sur le pic pétrolier est réaliste. Il y a assez de pétrole dans le versant est des Rocheuses du Colorado pour que les Américains puissent en vivre pendant 200 ans, mais il coûterait trop cher de l'extraire pour l'instant. Cela dit, quand les États-Unis auront trouvé une façon de l'extraire ou quand le prix aura assez augmenté pour que ce soit possible, essayez de me convaincre que les prévisions sur le pic pétrolier sont justes.

M. Friesen : Étant donné que mes connaissances de la physique géologique sont très limitées, car ce n'est pas mon domaine, je ne peux pas émettre de commentaires sur les divers gisements en particulier et vous expliquer pourquoi le graphique ressemble à cela. En fait, cette courbe est une compilation d'une trentaine de courbes, de 30 pays producteurs de pétrole. Il n'est pas question du pétrole américain ou canadien. Il s'agit d'un graphique mondial.

Tout d'abord, il montre l'affaiblissement d'un certain nombre d'éléments. Je crois que nous nous entendons probablement sur le fait que le pétrole facile d'accès, de peu de valeur, est épuisé. Je parle du pétrole qu'on récupère quand il jaillit du sol, contrairement au pétrole pour lequel il faut faire un peu plus d'efforts.

Le sénateur Banks : On l'a épuisé par rapport aux réserves connues, mais au fur et à mesure que le temps passe, il y en a d'autres.

Je pourrais vous montrer un graphique semblable qui date de 1950. Il montre de manière irréfutable qu'il n'y a plus du tout de pétrole et que nous allons nous trouver à court. Or, c'est faux.

M. Friesen : Si c'était simplement une question de production pétrolière et du fait qu'on trouve de nouveaux moyens pour extraire plus de pétrole de nouveaux endroits, je serais d'accord; il existe probablement beaucoup de pétrole dont nous ignorons l'emplacement. Qui sait, nous pourrions creuser quelque part et obtenir un puits jaillissant que l'on pourrait utiliser pendant les 300 prochaines années. Cela me semble peu probable, mais je ne suis pas un géologue.

Si c'était la seule considération, ce serait une chose. Cependant, nous savons qu'il y a une crise climatique et nous savons qu'elle est causée par la combustion de combustibles fossiles et l'utilisation d'énergie non durable.

Si c'était seulement une question de savoir s'il y a du pétrole ou non, ce serait une chose. C'est à la fois pertinent et non pertinent.

Les changements climatiques pourraient faire l'objet d'une autre discussion en soi, mais je crois qu'ils se produisent réellement et que les données le prouvent. Nous savons qu'une hausse ou une baisse d'un degré ou deux sur la Terre a des répercussions catastrophiques. Par conséquent, je suis d'avis qu'il est insensé de continuer sans en tenir compte et sans freiner l'utilisation des combustibles fossiles.

Le sénateur Banks : Voilà qui m'amène à mon second point. Toute cette question est fondée sur la prémisse selon laquelle il y a une crise climatique. S'il n'y en avait pas, qui se préoccuperait de quoi que ce soit?

M. Friesen : C'est exact. Qui se préoccuperait de quoi que ce soit?

Le sénateur Banks : Si un réchauffement mondial de deux degrés avait lieu, je crois que la plupart des Winnipegois seraient parfaitement heureux d'une telle hausse de la température aux alentours de Winnipeg. J'aimerais bien avoir un réchauffement de deux degrés à Edmonton, ce qui permettrait de rendre des terres infertiles en terres arables. Un réchauffement mondial est donc une épée à double tranchant, ne trouvez-vous pas?

M. Friesen : Si on se contente de s'admirer le nombril, oui. Cependant, la majorité des personnes pauvres dans le monde vivent dans des régions côtières où une hausse de deux degrés se traduit par la hausse du niveau de l'eau, de quatre à six mètres. C'est horrible. C'est la pire chose qui pourrait arriver.

Le sénateur Banks : N'iraient-elles pas ailleurs? Les gens déménagent.

M. Friesen : Je doute qu'il soit possible de reloger deux milliards de personnes. Cela va se produire et ce sera atroce. Prenez l'exemple de Bangkok; les Thaïlandais ont été forcés de déménager. Des gens ont été relogés au Manitoba aussi et ils ne retourneront probablement jamais là d'où ils viennent.

Est-ce que je veux que cela se produise? Est-ce que je crois qu'il est sage et responsable de demander à des gens de déménager parce que j'aime que la température soit un peu plus chaude? Je ne suis pas d'accord.

Le sénateur Brown : J'aime entendre ce que vous dites au sujet des villes et des bicyclettes et du chauffage à la vapeur d'eau. Il y a deux ou trois jours, nous avons commencé à avoir l'énergie de quartier à Calgary. La production de vapeur est suffisante pour chauffer tous les édifices municipaux grâce à des réseaux de distribution; ça fonctionne très bien. Il a été possible de se débarrasser de huit chaudières devenues inutiles.

Il est merveilleux de pouvoir faire des économies d'énergie dans certains domaines, mais pour le moment, 70 p. 100 de l'énergie consommée en Amérique du Nord sont attribuables aux transports. Je ne veux pas parler des voitures, mais des énormes camions énergivores qui parcourent 2 000 milles, 3 000 milles ou 4 000 milles. La solution ne peut pas consister à augmenter les droits d'usager pour inciter les gens à moins se déplacer, parce qu'il y a beaucoup de petites villes dans toutes les provinces. Je suis même certain qu'il y a des localités où les gens ne peuvent pas, par exemple, aller faire leurs courses à vélo.

Pour survivre, les exploitations agricoles doivent devenir de plus en plus grosses et, si elles sont plus grosses, il leur faut de la machinerie plus grosse également. Qui dit machinerie plus grosse, dit moteurs plus gros et comme la puissance sera davantage concentrée, il faudra plus de carburant.

Je crois que certaines avancées technologiques vont donner d'excellents résultats. On commence à utiliser, par exemple, le GNL.

Selon moi, il n'y a pas lieu de paniquer face à la situation. Les villes réalisent d'excellentes choses. De nos jours, elles ont des réseaux de pistes cyclables, de plus en plus de vélos circulent dans les rues et les citadins empruntent les transports en commun.

Je crois que c'est à l'économie seule qu'on doit tout ça. Prenez mon cas, par exemple. Je réside à 25 milles de la ville et j'ai une entrée de 250 verges. La semaine dernière, il y avait un pied de neige devant chez moi. Le vent balaie l'entrée et, après chaque passage de voiture, il y a de plus en plus de neige d'accumulée parce qu'elle vient combler mes traces de pneu.

J'ai acheté un véhicule identique à celui que j'avais avant, mais le fabricant l'a équipé d'une transmission à six rapports plutôt que de changer le moteur. Le fait de ne pas avoir modifié la cylindrée ou la puissance et le fait que la boîte ne rétrograde que si c'est nécessaire ont permis de réduire la consommation du véhicule de près de moitié. Plutôt que de tourner à 3 300 tours-minute, le moteur tourne à 1 400 tours-minute, sauf dans les montées.

Il y a des solutions. Il n'en manque pas et l'économie réagit à ces innovations. Je n'ai pas l'impression qu'il se produira quoi que ce soit dans les deux prochaines années, mais c'est toujours possible. Ce matin, un type nous a dit qu'il maîtriserait la fusion laser d'ici deux ans et, s'il y arrive, nous n'aurons plus de raisons de nous inquiéter au sujet de l'énergie.

Ce que je veux dire, c'est qu'il est possible de miser sur ce que l'économie trouve a priori d'utile, sans jouer le forcing à coups de règlements. Les fabricants d'automobiles sont en train de s'adapter. Même chose pour les entreprises de camionnage. Vous n'êtes pas d'accord avec ça?

M. Friesen : Le « 50 by 30 » existe uniquement parce que c'est une initiative de l'industrie. La première chose qu'on peut dire, c'est que l'industrie y a vu un intérêt. Il y a de l'argent à faire.

Nous dépensons plus de 3 milliards de dollars par an en chauffage et en produits d'hydrocarbures, mais pas pour l'électricité. Il est donc tout à fait sensé d'essayer de retenir une partie de ces sommes dans la province et de faire en sorte que celles-ci contribuent à l'économie et la stimulent. On ne peut nier l'attrait que représentent les investissements écologiques.

Vous avez soulevé la question du carburant servant aux camions qui vont de la Colombie-Britannique au Texas et partout ailleurs au pays. Albert Einstein disait que l'imagination est plus importante que la connaissance parce que la connaissance est le résultat des acquis passés et actuels, tandis que l'imagination concerne tout ce qui est possible.

Il n'y a pas si longtemps que ça, on aurait pu demander aux cochers ce qu'était ce truc puant et bruyant et on se serait fait répondre que ça n'est que passager. De nos jours, on ne peut même plus imaginer à quoi correspondent charrettes et cochers.

Il y a de vieux concepts, comme le train, qui permettent de réduire la consommation d'énergie. Les dirigeables sont de plus en plus au goût du jour. Que dites-vous de cette autre idée consistant à installer un tube de transport de fret, d'un bout à l'autre du continent, en surface ou enterré, grâce auquel on pourrait acheminer de la marchandise à des vitesses de 300 milles par heure, de manière entièrement informatisée, sans pilote? Les conteneurs seraient éjectés aux arrêts ménagés le long du trajet, puis le transporte-charge reprendrait sa course l'amenant à traverser le pays en deux ou trois heures.

Nous ne savons pas encore qui réalisera ces idées, mais elles deviendront réalité en partie grâce à la réglementation et aux politiques adoptées et, en partie, parce que le marché en aura exprimé le besoin et paiera ce qu'il en coûte. Ce sera une combinaison des deux.

Le sénateur Brown : Je ne peux qu'être d'accord avec vous à cet égard. Il en coûtera ce qu'il en coûtera, mais pour l'instant, on peut s'en tenir à l'équipement actuel et chercher à le rendre moins énergivore...

M. Friesen : C'est ce qu'il y a de mieux, vous avez raison.

Le sénateur Brown : C'est mieux que d'attendre l'installation d'un tube intercontinental permettant d'acheminer le panier de la ménagère.

Le sénateur Banks : Il va falloir que je reprenne la lecture du rapport de 2005 dont M. Friesen a cité un extrait au début et c'est peut-être ce que nous devrions tous faire parce que, maintenant que je me rappelle, ce document contient des choses intéressantes. C'est notre rapport. Il va falloir que je le relise.

Le président : Ce fut un exposé fascinant. Vous nous avez apporté de précieux renseignements de fond et vous avez fait un excellent travail.

Nous apprécions votre apport aux travaux du comité, apport qui nous est toujours très utile.

(La séance est levée.)


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