Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 11 - Témoignages du 31 janvier 2012
OTTAWA, le mardi 31 janvier 2012
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 35, pour examiner les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2012.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Honorables sénateurs, tout d'abord, il s'agit de notre première séance depuis le début de la nouvelle année et de la nouvelle année lunaire. J'en profite donc pour vous souhaiter à tous une nouvelle année heureuse et prospère. J'espère que vous avez passé de belles vacances. Nous reprenons aujourd'hui nos travaux.
[Français]
Nous continuons ce matin l'étude du budget principal des dépenses pour l'année financière 2011-2012 dont notre comité a été saisi.
[Traduction]
Ce matin, nous sommes ravis d'accueillir le nouveau vérificateur général du Canada, M. Michael Ferguson. La nomination de M. Ferguson est entrée en vigueur le 28 novembre 2011, soit tout juste avant le congé de Noël et du Nouvel An. Nous sommes également heureux de revoir Jocelyne Terrien, première directrice principale, Relations parlementaires et internationales.
Monsieur Ferguson, je crois savoir que vous avez une déclaration liminaire. Je vais donc vous céder la parole, après quoi nous enchaînerons avec la période de questions.
[Français]
Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Monsieur le président, merci de me donner l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui. Je suis accompagné de Jocelyne Therrien qui dirige notre direction de la liaison avec le Parlement.
Je serai heureux de répondre à toutes les questions des honorables sénateurs et sénatrices, mais d'abord, si vous me le permettez, j'aimerais partager quelques renseignements sur mon parcours personnel et sur la façon dont je compte m'acquitter de mon mandat. Je serai bref.
Comme certains d'entre vous le savent déjà, j'ai occupé pendant cinq ans le poste de contrôleur du Nouveau- Brunswick, avant de devenir sous-ministre des Finances de la province, l'an passé. J'ai également été le vérificateur général de la province pendant cinq ans, soit de 2005 à 2010. Dans le cadre de ces fonctions, je relevais de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. J'exécute actuellement mon troisième mandat au sein du Conseil sur la comptabilité dans le secteur public, l'organisme qui établit les normes de comptabilité pour le gouvernement canadien. J'ai également été le président de l'Institut des comptables agréés du Nouveau-Brunswick pendant un an.
Mon but est de poursuivre l'excellent travail de Mme Sheila Fraser, comme elle a su le faire après le mandat de Denis Desautels, dont la contribution à ce poste a, elle aussi, été exemplaire. Il existe une tradition d'excellence au bureau et je suis résolu à maintenir les normes élevées établies par ces deux fonctionnaires remarquables.
Au cours des deux mois qui se sont écoulés depuis mon entrée en fonction, j'ai appris à connaître les personnes qui travaillent au bureau et je me suis familiarisé avec les vérifications en cours. J'apprends aussi à connaître certains des hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral.
[Traduction]
À court terme, mon plan est de maintenir le cap. Je ne prévois pas de changements majeurs. J'ai la chance de m'être joint à une organisation qui est réputée et qui, selon moi, semble très bien gérée. Je ne pense pas devoir apporter de changements importants au fonctionnement du bureau.
Le bureau a toujours su accomplir son mandat, qui est de fournir au Parlement de l'information recueillie au moyen d'un processus rigoureux et objectif afin de l'aider à tenir le gouvernement responsable des services qu'il offre à la population canadienne. Je vous assure aujourd'hui que nous maintiendrons cette intégrité afin que les parlementaires puissent continuer à se fier à nos travaux.
[Français]
Mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, vous vous souvenez sans doute de la controverse entourant mes compétences linguistiques au moment de ma nomination. Je tiens à vous informer que j'ai commencé ma formation linguistique et qu'il s'agit d'un élément de mon emploi du temps quotidien que je m'efforce le plus possible de ne pas reporter.
C'est un programme très intensif et structuré. Je suis convaincu que ce dernier me permettra de faire de bons progrès. Je suis personnellement très engagé dans ce processus d'apprentissage car je reconnais l'importance capitale d'être en mesure de travailler dans les deux langues officielles.
J'ai également promis au personnel du bureau que je m'engageais à préserver notre milieu de travail bilingue.
[Traduction]
Pour terminer, monsieur le président, je tiens à ajouter que je compte maintenir des relations constructives avec les membres du comité. Je vous invite à me faire part de vos commentaires et de vos conseils. Une partie du succès du Bureau du vérificateur général repose sur ses capacités de demeurer pertinent pour les parties intéressées du bureau, et tout d'abord pour le Parlement, qui est son premier client. Le bureau est doté d'une Direction de la liaison avec le Parlement, qui est déterminée à faciliter la relation avec le Parlement. Je vous invite donc à communiquer avec nous s'il y a des questions dont vous souhaitez discuter.
[Français]
Pour cette réunion, je n'ai pas examiné les rapports présentés par la vérificatrice générale précédente ou le vérificateur général par intérim. Si vous avez des questions précises sur les travaux qui ont été effectués par le passé, je reviendrai vous donner les réponses à une date ultérieure.
Je serai maintenant heureux de répondre à toutes vos autres questions. Je vous remercie.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, monsieur Ferguson. Tout d'abord, pourriez-vous nous dire quel est le budget annuel dont dispose le Bureau du vérificateur général et le nombre d'employés qui relèvent de vous?
M. Ferguson : Dans le Budget principal des dépenses 2011-2012, le montant total prévu s'élève à 84,9 millions de dollars. Le niveau de dotation prévu est d'environ 633 équivalents temps plein.
Le président : Merci. Je vais maintenant céder la parole aux sénateurs qui se sont montrés intéressés à participer à la discussion. C'est le sénateur Gerstein, de Toronto, et aussi vice-président du comité, qui va ouvrir le bal.
Le sénateur Gerstein : Monsieur Ferguson, je vous souhaite la bienvenue parmi nous et je vous félicite pour votre nomination.
J'ai deux questions à vous poser. Tout d'abord, je suis conscient que vous occupez ce poste depuis peu de temps, mais à votre avis, y a-t-il une différence entre être le vérificateur général d'une province et le vérificateur général du Canada?
Ma deuxième question porte sur le troisième point de votre déclaration. Vous avez parlé du travail de Mme Fraser et de M. Desautels, du maintien de la tradition d'excellence et du respect des normes du ministère. Bien que ce soit encore loin, qu'aimeriez-vous qu'on dise à votre sujet, au terme de votre mandat? Autrement dit, souhaiteriez-vous qu'on ajoute votre nom à ceux que vous venez de mentionner? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez laisser en héritage?
M. Ferguson : Je vous remercie pour ces deux questions.
Pour ce qui est du travail du vérificateur général au niveau provincial par rapport au niveau fédéral, il y a quelques différences qui me viennent à l'esprit. D'une part, au Nouveau-Brunswick, le nombre de personnes qui relevaient de moi au bureau provincial du vérificateur général équivalait probablement au nombre de personnes présentes dans cette salle, peut-être un peu moins. Il y avait à peine 22 ou 23 personnes. Par conséquent, nous devions effectuer des travaux précis, dont la portée était très étroite. Je devais aussi prendre une part active à la majorité des travaux.
D'autre part, bon nombre des services offerts par une province sont des services avec lesquels les gens interagissent directement, tandis qu'au gouvernement fédéral, les services sont moins directs. Voilà une autre différence.
À mon arrivée au Bureau du vérificateur général du Canada, il y a plusieurs choses qui m'ont étonné : tout d'abord, la qualité et la force des employés, l'ampleur des compétences au sein du bureau, puis toute la machine et la rigueur derrière le travail que nous effectuons. Ce sont quelques différences que j'ai relevées.
En ce qui a trait à l'héritage que je vais laisser, je ne crois pas que ce soit important dans le rôle que j'occupe. Pour moi, ce qui importe, c'est de préserver la réputation et le bon travail du Bureau du vérificateur général. Au terme de mon mandat, ce que les gens auront retenu de moi n'a pas vraiment d'importance. Ce qui compte, c'est qu'ils éprouvent le même respect envers le travail du bureau.
Le sénateur Nancy Ruth : J'ai trois questions à vous poser ce matin. La première concerne le combustible nucléaire épuisé. Je m'intéresse au plan d'action que le Canada a mis en œuvre à l'égard de la gestion à long terme des déchets radioactifs, connu sous le nom de Gestion adaptative progressive. Ce plan est administré par la Société de gestion des déchets nucléaires, la SGDN, sous la supervision du Bureau sur les déchets de combustible nucléaire de Ressources naturelles Canada.
Nous sommes au milieu d'un processus visant à construire un important projet d'infrastructure à l'échelle nationale, qui comprendra le stockage des déchets radioactifs en couches géologiques profondes, des systèmes de transport du combustible nucléaire épuisé et un centre d'expertise national. Selon les premières estimations que j'ai vues, les coûts se chiffreraient entre 9 et 13 milliards de dollars et seraient financés par les consommateurs d'électricité de l'Ontario, du Québec et de votre province, le Nouveau-Brunswick, par l'entremise d'un fonds en fiducie de la SGDN régi par la Loi fédérale sur les déchets de combustible nucléaire.
Le Bureau du vérificateur général envisage-t-il d'examiner les coûts liés à ce projet d'envergure, de même que les conditions et la suffisance du fonds en fiducie connexe? Premièrement, le vérificateur général est-il habilité à faire une vérification de la Société de gestion des déchets nucléaires, et sinon, peut-il se pencher sur le projet par l'intermédiaire du ministère des Ressources naturelles?
Souvent, le vérificateur général vérifie un projet de cette envergure une fois qu'il a été mis en œuvre. Je suis donc curieuse de savoir si vous pouvez intervenir maintenant, étant donné que nous sommes sur le point de prendre une décision quant à l'avenir de ce projet.
M. Ferguson : C'est une question très détaillée. Je connais un peu le dossier, étant donné que j'ai eu affaire avec la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick et que, comme vous l'avez dit, cette société serait l'un des acteurs de ce projet.
En ce qui concerne la possibilité d'une vérification par le Bureau du vérificateur général, je ne peux malheureusement pas vous répondre tout de suite. Je ne me suis pas particulièrement penché sur cette question, mais je vais le faire et je vais vous revenir là-dessus.
Cela m'amène à m'interroger sur les organisations qui relèvent de multiples administrations et sur les pouvoirs du vérificateur général du Canada et des vérificateurs provinciaux pour ce qui est de faire une vérification de ces organisations. J'ignore si nous sommes habilités à le faire ou non. C'est une question que je vais certainement approfondir.
Quant à savoir si nous allons nous pencher sur ce projet, comme je le répète chaque fois, sachez qu'au sein du bureau, nous avons un processus à respecter. Nous nous fondons sur le profil de risque des programmes pour déterminer lesquels feront l'objet d'une vérification.
Ce projet sera soumis au même processus, puis nous déciderons, en fonction d'autres programmes — bien entendu, si nous avons le pouvoir — où nous devrions investir prioritairement nos ressources dans le cadre de nos vérifications.
Je ne peux pas affirmer que nous allons effectuer une vérification, mais chose certaine, je peux vous garantir que je vais me renseigner à savoir si, premièrement, cela relève de notre compétence et, si oui, je vais m'assurer que nous en tenions compte dans le cadre du processus.
Le président : Monsieur Ferguson, nous comprenons que vous ne puissiez pas avoir toutes les réponses à nos questions. Toutefois, lorsque vous aurez terminé vos recherches, vous pourriez les faire parvenir à notre greffière, en temps opportun, qui les transmettra ensuite aux membres du comité.
M. Ferguson : Merci. Ce qui m'intéresse pour l'instant, c'est de savoir si nous avons compétence dans ce secteur. Aussitôt que nous avons la réponse — qui peut ne pas être simple —, nous en informerons la greffière du comité.
Le président : Je comprends.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous vous souviendrez qu'en novembre dernier, lorsque vous avez comparu devant le comité plénier du Sénat, je vous avais posé une question sur ce que je considérais être un travail très proactif et fabuleux de la part de Sheila Fraser, à savoir l'analyse comparative entre les sexes de cinq ministères fédéraux. Je suis toujours curieuse de savoir comment les organismes fédéraux, particulièrement le Conseil du Trésor, le Bureau du Conseil privé et le ministère des Finances, exercent leur fonction d'examen critique — comme ils l'appellent — à l'égard de l'analyse comparative entre les sexes qui doit être menée par les ministères et organismes fédéraux.
À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral s'emploie avec raison à éliminer le déficit budgétaire — à mettre de l'ordre dans les affaires du pays —, et cela nécessite de concilier de nombreuses préoccupations en matière de politique publique.
N'empêche, à quel moment votre bureau compte-t-il donner suite au rapport sur l'analyse comparative entre les sexes, publié au printemps 2009 et suivi d'un plan d'action ministériel en octobre 2009, afin de constater les progrès qui ont été réalisés?
M. Ferguson : Merci pour cette question. Encore une fois, je pense que c'est la même réponse qui vaut. Tout d'abord, je vais répéter ce que j'ai dit à l'honorable sénateur en novembre : pour chaque rapport que mes prédécesseurs ont rendu public, j'appuie chacune de leurs recommandations. Je suis aussi entièrement favorable à toutes les recommandations qui ont été formulées dans ce dossier.
Pour ce qui est des travaux futurs — les suivis et ce genre de chose — encore une fois, nous avons des processus qui nous permettent de déterminer les rapports auxquels nous donnerons suite et le moment où nous le ferons. Je ne connais pas très bien ce rapport, alors je ne pourrais pas vous dire à quelle étape il en est aujourd'hui ni si nous envisageons d'en faire le suivi. Je vais devoir vous revenir là-dessus. Je me doute qu'il ne figure pas encore sur la liste. Je ne suis pas certain; je vais donc me renseigner. Si ce n'est pas le cas, ce rapport fera partie des vérifications auxquelles nous déciderons de donner suite ou non.
Le sénateur Nancy Ruth : J'ai deux remarques à faire à la suite de votre réponse. Tout d'abord, selon mon expérience, les vérificateurs généraux modifient les listes comme bon leur semble. Ensuite, cela fait déjà presque trois ans que cette vérification a été menée et, avec toutes les coupes imminentes, je pense qu'il est essentiel pour les Canadiennes — et pour tous les Canadiens — qu'on procède à une analyse comparative entre les sexes au Conseil du Trésor, au Bureau du Conseil privé et au ministère des Finances. Qui verra que c'est fait? C'est en partie à cause des compressions à venir que je m'inquiète. Je vous souhaite donc bonne chance et je vous encourage à modifier votre liste si cela n'en fait pas partie.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Monsieur Ferguson, c'est un plaisir de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Le Comité sénatorial permanent des finances nationales travaille en étroite collaboration avec le Bureau du vérificateur général du Canada. C'est une première pour vous ce matin, mais non la dernière pour les 10 prochaines années.
J'ai beaucoup de questions à poser, mais compte tenu du fait que vous avez indiqué ne pas avoir eu le temps de vous familiariser avec les rapports antérieurs, je vais vous poser les questions et si vous avez les réponses, c'est bien. Sinon, vous pourrez nous les transmettre par écrit.
Étant donné le rôle primordial que joue le Bureau du vérificateur général du Canada sur le plan de la vérification des comptes du gouvernement, est-ce qu'on vous demande de réduire vos coûts pour la prochaine année fiscale? Est-ce qu'on vous demande de réduire le nombre d'employés qui font la vérification?
M. Ferguson : Je vous remercie de votre question.
[Traduction]
Nous avons reçu une lettre plus tôt dans le processus nous informant que le gouvernement entreprenait un exercice consistant à réduire ses dépenses et, à mon avis, la lettre visait probablement à nous encourager à faire notre possible. Évidemment, c'était avant que j'occupe ce rôle. Le bureau a pris les devants à cet égard et a entrepris un exercice afin de déterminer où il pourrait réduire ses dépenses. Nous avons relevé certaines lacunes, notamment le fait que des vérifications étaient exigées par la loi ou par décret. Comme nous étions d'avis que ces vérifications n'ajoutaient pas de valeur au processus, nous avons établi que nous pourrions réaliser des économies si le gouvernement apportait quelques changements aux lois ou aux décrets en question.
En outre, je pense que nous pourrions réaliser d'autres économies considérables sur le plan administratif. Ces dernières années, nous avons mené un grand projet destiné à revoir toutes nos méthodes de vérification, et nous avons dû y consacrer beaucoup de ressources. Le projet tire à sa fin, et cela permettra de libérer des fonds dont nous n'aurons plus besoin à l'avenir.
Bref, à ma connaissance, le bureau s'est montré proactif à ce chapitre et a cerné les secteurs dans lesquels il pourrait réduire son budget sans avoir d'incidence importante sur son travail.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Dans les derniers documents déposés par Mme Sheila Fraser en novembre dernier, plusieurs secteurs sont touchés et j'en mentionne quelques-uns.
Concernant la Défense nationale, l'auditeur avait indiqué un manque en comptabilité au niveau des coûts de réparation de l'équipement, ainsi que des interrogations sur le plan du fonds de stimulation de l'infrastructure, parce que des informations étaient manquantes. Dans les derniers mois, les médias, à travers l'accès à l'information, ont découvert des informations additionnelles. Les délais auxquels font face les agriculteurs pour recevoir des paiements par le biais de différents programmes de stabilisation étaient aussi une préoccupation. On a également mentionné la très pénible et actuelle question des visas pour les employés étrangers temporaires.
Avez-vous l'intention de faire un suivi sur les dernières recommandations de Mme Fraser dans ces différents dossiers que je viens d'énoncer?
[Traduction]
M. Ferguson : Tout d'abord, monsieur le président, si je ne me trompe pas, le rapport auquel fait référence l'honorable sénateur a été publié en novembre par le vérificateur général intérimaire, John Wiersema. Je donne encore une fois la même réponse. Je défends chacune des recommandations qui ont été formulées par le bureau par le passé. Nous nous attendons à ce que les ministères donnent suite aux préoccupations que nous avons soulevées. Pour ce qui est d'assurer un suivi, sachez que nous produisons de nombreux rapports, assortis de nombreuses recommandations. Nous devons donc déterminer le nombre de ressources qui y seront affectées. Nous verrons ensuite le moment et la mesure dans laquelle nous ferons un suivi de ces rapports. Pour l'instant, ce sont de nouveaux chapitres. Cela prendra un certain temps avant que nous effectuions un suivi structuré. Ces chapitres ont été rendus publics. Le processus normal devrait donc suivre son cours, c'est-à-dire que les divers comités devraient se pencher sur les chapitres, convoquer des témoins et tenir des audiences. Nous nous attendons à ce que les ministères prennent les mesures nécessaires pour mettre en œuvre ces recommandations et apporter les améliorations requises.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Si j'ai bien compris, monsieur Ferguson, vous nous dites que votre bureau n'a pas l'intention de faire le suivi sur ces différents dossiers avant un certain temps.
[Traduction]
M. Ferguson : Ce que je voulais dire, c'est que le suivi de ces dossiers s'inscrirait dans le processus normal, comme tous les autres dossiers. Il ne s'agit pas uniquement de notre bureau, mais aussi des comités, qui convoqueront des témoins et tiendront des audiences sur ces chapitres. C'est le processus normal. Ce n'est que plus tard que nous déciderons si nous devons effectuer un suivi officiel.
Effectivement, cela prendra quelques années avant que nous puissions faire un travail structuré, mais sachez qu'il y a d'autres processus en place pour veiller à ce que ces chapitres fassent l'objet de discussions et que les ministères donnent suite aux recommandations.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Je vais poursuivre en attirant votre attention sur deux nouveaux points où j'aimerais bien voir des vérifications faites de la part de votre bureau.
Le premier point concerne la livraison des programmes dans les régions. Les délais en région sont de presque 50 p. 100 plus longs qu'ailleurs. Il me semble que tous les citoyens canadiens ont droit à un même standard de livraison. Cette situation semble très présente concernant les demandes d'assurance-emploi, de fonds de pension du Canada, de fonds de pension d'invalidité, et cetera. C'est un secteur où il devrait certainement y avoir un minimum d'équité à travers le pays.
Le deuxième point que j'aimerais porter à votre attention, on le retrouve dans un article à la une d'Ottawa Citizen en date du 28 novembre 2011 et cela a trait au ministère de la Défense nationale et l'acquisition du complexe de Nortel. À ce comité, nous avons déjà reçu les officiers de la Défense nationale, et je les ai questionnés à ce sujet. Les réponses n'étaient vraiment pas claires. D'après ce que je peux comprendre de l'article, il semble que tous les documents concernant l'achat et les rénovations du complexe Nortel par le ministère de la Défense nationale, tout d'un coup, semblent tous cachés du public. Si ma mémoire est bonne, il s'agit d'un coût de près d'un milliard de dollars. Je crois que les payeurs de taxe doivent avoir accès à l'information juste dans ce dossier et que seul votre bureau, monsieur le vérificateur général, pourrait fournir ces informations à la population canadienne et à ce comité.
[Traduction]
Le président : Monsieur Ferguson, avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
M. Ferguson : Monsieur le président, tout ce que je peux dire, c'est que beaucoup de gens nous demandent de nous pencher sur divers programmes. Bien entendu, lorsque les propositions viennent d'un sénateur, d'un comité sénatorial ou d'une organisation semblable, nous les prenons très au sérieux. Il n'en demeure pas moins que tous les dossiers doivent être soumis au même processus, et nous déciderons ensuite lesquels seront examinés.
Je crois vous avoir dit dans ma déclaration que nous voulons vos recommandations. D'ailleurs, le groupe de Mme Therrien collabore avec des parlementaires. Nous sommes très heureux lorsque des sénateurs ou des comités sénatoriaux nous donnent des idées de secteurs à considérer sans que nous ayons à faire des promesses.
Le sénateur Marshall : Monsieur Ferguson, je vous souhaite la bienvenue et je vous félicite pour votre nomination. Dans votre déclaration, vous avez parlé de vos plans de vérification et vous avez dit vouloir maintenir le cap. Une chose qui m'a toujours intéressée, autant au niveau provincial que fédéral, c'est le rôle des établissements de crédit. Ces dernières années, j'ai remarqué que les vérifications portaient davantage sur les questions de gouvernance. En ce qui a trait aux organismes prêteurs, je me suis toujours intéressée à la recouvrabilité des comptes. Combien d'argent récupère-t-on? Respecte-t-on les processus adéquats? J'aimerais savoir si des sommes sont versées au gouvernement provincial ou fédéral. Lorsque vous avez comparu devant le comité plénier, j'ai parlé de votre expérience à titre de contrôleur. Vous n'avez pas passé toute votre carrière dans le domaine de la vérification, mais vous avez travaillé dans le secteur des opérations.
J'aimerais que vous nous disiez s'il y a une possibilité — même si vous avez dit que vous maintiendrez le cap — que vous réorientiez le tir un peu et que vous touchiez des secteurs qui pourraient nous intéresser davantage, moi et possiblement les autres sénateurs?
Vous pourriez nous parler un peu des établissements de crédit. Je sais que vous avez également de l'expérience à ce chapitre au niveau provincial.
M. Ferguson : Merci pour cette question. Je réponds encore une fois la même chose. Toute proposition venant des sénateurs sera examinée sérieusement et prise en considération dans le cadre du processus.
Pour ce qui est des sommes recouvrées, si nous procédons à une vérification d'un organisme en particulier, et que le mandat de cet organisme englobe les prêts et les recouvrements, cela fera certainement partie de notre programme de vérifier s'il est doté des bons processus et politiques, non seulement sur sa façon de distribuer les prêts, mais aussi de gérer le recouvrement des prêts.
Après avoir assumé les fonctions de contrôleur pendant cinq ans, de vérificateur général pendant cinq autres années et de ministre des Finances pendant un an, j'estime que l'approche du gouvernement, du moins au niveau provincial, manque d'uniformité à l'égard des recouvrements. Parfois, on accorde une grande importance aux activités de recouvrement. On veut s'assurer que lorsque des gens doivent de l'argent à une province, la province en question veille à ce que cet argent lui soit remboursé. Il arrive que les provinces prennent cette question moins au sérieux. D'après mon expérience, les provinces accordent parfois beaucoup d'importance à cet aspect, parfois moins.
Je comprends très bien la question que vous soulevez. Si nous effectuons une vérification d'un organisme prêteur, nous allons nous assurer que les bonnes politiques sont en place à l'égard des prêts qu'il accorde et recouvre.
Le sénateur Marshall : J'aimerais formuler une dernière remarque pour faire valoir mon point de vue. Les représentants d'un organisme prêteur ont comparu devant le comité à deux différentes reprises. La première fois, quand j'ai demandé le taux de recouvrement, on m'a donné un pourcentage que je trouvais assez élevé. J'avais des doutes, mais je les ai gardés pour moi. Lorsque les représentants ont de nouveau témoigné, ils nous ont donné un pourcentage révisé. Je suppose qu'ils ont revu leurs dossiers et qu'ils se sont rendu compte que le taux de recouvrement était en fait inférieur à ce qu'ils croyaient. À mon avis, cela démontre la nécessité d'accorder plus d'importance à la question d'argent. Même si la gouvernance est une question importante, j'aimerais qu'on analyse bien les chiffres.
Le sénateur Callbeck : Félicitations, monsieur Ferguson. C'est bien de voir un représentant des Maritimes occuper ce poste.
Le sénateur Ringuette a parlé du budget et des compressions. L'automne dernier, lorsque votre prédécesseur a comparu devant le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, il a indiqué que le budget de votre bureau serait réduit de 6,5 millions de dollars à l'exercice 2014-2015 et que vous perdriez 10 p. 100 de votre effectif, soit environ 60 personnes. Je serais portée à croire qu'il sera difficile pour votre bureau d'être aussi efficace avec 60 employés en moins. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Ferguson : D'après ce que j'ai compris, le bureau a entrepris un examen détaillé des activités qui s'inscrivent dans le cadre de son mandat. Essentiellement, l'incidence sur nos vérifications de gestion, nos vérifications financières et nos examens spéciaux — c'est-à-dire nos principales activités — sera limitée. Nous estimons que nous serons en mesure de poursuivre ces activités. Cependant, comme je l'ai dit plus tôt, le gouvernement devra apporter certains changements aux lois et aux décrets pour nous permettre de libérer des fonds.
La plupart des réductions s'effectueront dans deux secteurs : les services généraux et les pratiques professionnelles. Comme je l'ai déjà indiqué, sur le plan des pratiques professionnelles, nous pourrons réaliser des économies de l'ordre de 2,5 millions de dollars sur un aspect de notre travail évalué à 5,3 millions de dollars. Ça ne me paraît donc pas négligeable. Ces dernières années, nous avons consacré beaucoup de ressources à un projet visant à revoir nos méthodes de travail. Étant donné que ce projet tire à sa fin, nous n'aurons plus besoin de cet argent.
Nous croyons pouvoir gérer la situation. Nous prévoyons réduire le budget de nos services généraux d'environ 8 p. 100. J'ai un peu de difficulté à vous donner une réponse, car je n'occupais pas encore ce poste à ce moment-là. Cependant, on m'a dit que nous serons en mesure d'apporter ces changements sans nuire à nos principales activités, à savoir les vérifications de gestion, les vérifications financières et les examens spéciaux.
Le sénateur Callbeck : Combien d'argent a-t-on consacré au projet dont vous parlez?
M. Ferguson : Je crois savoir que ce projet se chiffrait dans les 15 millions de dollars, mais j'ignore sur combien d'années.
Le sénateur Callbeck : 15 millions de dollars?
M. Ferguson : Oui.
Le sénateur Callbeck : En réponse à la question du sénateur Ringuette, vous avez mentionné trois secteurs dans lesquels vous estimiez pouvoir réduire vos dépenses. Tout d'abord, vous avez parlé de vérifications, plus précisément de vérifications exigées par la loi ou par décret qui, selon vous, n'ajoutent pas de valeur au processus. J'ai lu quelque part que vous n'effectuerez pas de vérification financière — seulement une vérification de gestion — dans le cas d'une vingtaine d'organismes, commissions et conseils gouvernementaux. Qui le fera alors?
M. Ferguson : Certaines de ces organisations ne devraient pas, je pense, faire l'objet d'une vérification des états financiers. Dans certains cas, elles offrent des services au secteur privé. Si l'une d'entre elles a besoin d'une telle vérification, elle peut en faire effectuer une à ses frais. Ces organisations sont de nature fort variée. Je ne pourrais cependant pas vous donner de précisions sur chacune d'entre elles. Cependant, mon personnel m'a confirmé que nous avons examiné attentivement l'ensemble des organisations pour déterminer lesquelles ne nécessitent plus notre attention.
Le sénateur Callbeck : Pourriez-vous nous donner la liste de ces 20 organismes gouvernementaux pour lesquels vous ne ferez pas de vérification des états financiers.
Je voudrais vous interroger sur le Fonds pour l'infrastructure verte. En 2009, le gouvernement a annoncé en fanfare qu'il consacrerait annuellement 200 millions de dollars pendant cinq ans, soit un total de 1 milliard de dollars. Donc, il aurait investi jusqu'à présent 40 millions de dollars. Récemment, des fonctionnaires qui ont comparu devant le Comité des opérations gouvernementales de la Chambre ont signalé que, de ce montant, 170 millions de dollars ont été transférés à d'autres ministères et, de ces transferts, seulement 25 millions de dollars ont été approuvés par le Parlement. Je sais qu'on vous a demandé de vous pencher sur la question, et je me demande si vous pouvez nous en parler aujourd'hui.
M. Ferguson : Je me bornerai à vous répéter la réponse que je donne à des questions similaires. Lorsque nous élaborons nos programmes de vérification, nous tenons bien compte de tout ce qu'on nous signale. Nous devons vérifier l'information provenant de nombreuses sources, et d'autres facteurs entrent en ligne de compte. Je ne peux donc pas vous confirmer que nous nous intéresserons à une question particulière. Je vous signalerai cependant que nous prenons en considération ce qui est porté à notre attention.
Le sénateur Callbeck : Kevin Page a formulé des critiques, indiquant que les députés et sénateurs peuvent difficilement assurer le suivi de ces transferts, et je suis tout à fait d'accord. Vous pourrez, j'espère, vous pencher sur cette question afin de simplifier le tout, de sorte que nous puissions avoir le fin mot de l'histoire et qu'on rende des comptes sur ces transferts. Actuellement, c'est plutôt difficile.
Le sénateur Neufeld : Merci de votre présence parmi nous, monsieur Ferguson. Je ne sais pas trop à quoi m'en tenir sur les critères qui vous amènent à déterminer les ministères et les organismes gouvernementaux qui feront l'objet d'une vérification de votre part ainsi que la nature de celle-ci. Vous l'avez peut-être déjà expliqué, mais j'ignore encore comment vous déterminez la suite à donner aux recommandations qui vous sont formulées, comme vous l'avez signalé, par les sénateurs, les députés ou le gouvernement qui demandent différentes vérifications. Comment faites-vous pour harmoniser le tout? Chacun de nous souhaiterait que le vérificateur général aborde telle ou telle question, ce qui n'est pas toujours logique de votre point de vue. Comment vous y prenez-vous?
Comme il reste peu de temps, je vous poserai également ma deuxième question, qui porte sur les commissions, les conseils et, éventuellement, certains organismes d'État. Si une vérification n'est pas effectuée par votre bureau, considérez-vous qu'il s'agit d'un exercice en bonne et due forme? On semble d'avis qu'un contrôle de la part du vérificateur général est préférable car il a une portée réelle. Cependant, les vérifications se font différemment dans le secteur privé. Sont-elles pertinentes et proactives selon vous?
M. Ferguson : Pour répondre à votre première question sur la façon de déterminer la nature des vérifications que nous effectuons, je vous signale que trois possibilités s'offrent à nous. Il y a premièrement la vérification des états financiers des organisations publiques, y compris de ceux du gouvernement du Canada. Ces vérifications visent à formuler une opinion sur les états financiers de chaque organisation examinée. J'ignore le nombre de vérifications que nous exécutons, mais je sais que nous en réalisons beaucoup. Votre comité ou tout autre comité ignore peut-être une bonne partie de ce qu'implique une vérification des états financiers, car ces activités peuvent, pour la plupart, sembler répétitives aux yeux du néophyte.
Voici deux autres possibilités : l'examen spécial et la vérification de gestion, ce que les différents comités examinent. C'est l'aspect de notre travail qui nous vaut le plus d'attention. Lorsqu'il s'agit de déterminer les sociétés d'État qui feront l'objet d'un examen spécial, je vous dirai, même si je ne suis pas au courant de tous les détails, que nous devons nous pencher sur un certain nombre de sociétés dans un certain délai, puis on procède à tour de rôle.
Dans une vérification de gestion, nous devons décider quels aspects nous examinerons, notre méthode se fondant sur les risques auxquels font face les différents programmes gouvernementaux. Nous cherchons à obtenir de l'information sur les différents programmes et ministères, puis nous établissons les programmes pour lesquels les risques sont les plus élevés. C'est ainsi que nous procédons. Ce n'est pas nécessairement que nous estimons qu'un aspect d'un programme cloche. C'est peut-être simplement qu'un programme comporte des risques selon nous et qu'il est important d'en vérifier la gestion. Nous prenons nos décisions en fonction de ces critères.
Lorsqu'entre autres des sénateurs ou des comités sénatoriaux nous formulent des recommandations sur les vérifications de gestion, nous procédons de la même façon, tenant compte de toute cette information pour évaluer les risques d'un programme.
En ce qui concerne les contrôles effectués par des cabinets de vérificateurs, je vous signale que la plupart de ceux que vous connaissez sont en mesure d'exécuter des vérifications conformes aux normes établies. Ils ont recours à des méthodes différentes pour effectuer les vérifications des états financiers avec la même rigueur que nous.
Nous collaborons parfois avec des cabinets de vérificateurs. Je ne pourrais pas vous citer aucun nom de but en blanc, mais nous travaillons de concert avec eux dans le cas des vérifications de certaines organisations. Par conséquent, nous comptons sur leur concours à ce chapitre.
Dans le cas de certaines organisations, nous sommes cependant convaincus que c'est à nous d'effectuer la vérification, même si celle-ci porte sur les états financiers, car nous estimons avoir une meilleure connaissance du dossier. L'exemple qui me vient à l'esprit, c'est Comptes publics du Canada.
Voilà l'essentiel de mes réponses à vos questions.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai deux questions. J'ai suivi de près le développement d'un projet de recherche du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé sur l'informatisation des dossiers médicaux des patients, projet que les gouvernements de l'Ontario, du Québec, de la Colombie Britannique et probablement d'autres provinces ont aussi repris.
Le gouvernement fédéral a investi des milliards dans CANARIE pour faire de la recherche en ce domaine, de même que les provinces de l'Ontario et du Québec, alors votre bureau est-il tenu d'entretenir des contacts avec les vérificateurs généraux des provinces quand il s'agit de dossiers d'intérêt national où les gouvernements fédéral et provinciaux, ceux qui se sont aventurés dans le projet, ont dû investir en recherche et développement non pas quelques millions mais quelques milliards de dollars? Et pourtant, cet outil essentiel pour la gestion de la santé n'est toujours pas disponible à travers le Canada.
Votre bureau peut-il jouer un rôle de catalyseur, et faire en sorte que les contributions apportées à un dossier de recherche donnent lieu à un produit final et que vous soyez en mesure de l'harmoniser avec les provinces?
[Traduction]
M. Ferguson : Je ne peux pas vous parler d'un projet particulier ni de notre collaboration avec d'autres bureaux à cet égard, mais je peux certes vous affirmer que, de concert avec les vérificateurs généraux provinciaux, nous travaillons habituellement à des dossiers d'intérêt commun. Cette collaboration fait partie de notre mode de fonctionnement.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Je ne dis pas que j'ai vu ce phénomène récemment; je l'ai peut-être déjà vu sur le plan fédéral, mais lorsqu'on fait un transfert dans le domaine des services sociaux ou de la santé, si l'argent est détourné vers des travaux publics pour construire des infrastructures alors qu'il devrait être utilisé pour fournir des services sociaux, que ce soit pour des garderies, pour des services aux handicapés ou autres, est-ce que votre bureau s'assure que les fonds sont dépensés dans les domaines pour lesquels ils sont transférés?
[Traduction]
M. Ferguson : En règle générale, lorsque nous examinons un programme de subventions et de contributions notamment, nous vérifions entre autres si les politiques et les procédures sont pertinentes et si l'affectation de fonds a fait l'objet de contrôles pertinents.
Je ne peux vous donner d'exemple précis, mais en général, nous nous assurons alors que le programme est doté des politiques et des contrôles qui s'imposent.
Le président : Nous en sommes à la deuxième série de questions. Le temps nous manque, mais deux autres sénateurs souhaiteraient prendre la parole. Si vous pouviez répondre brièvement, monsieur Ferguson, je vous en serais reconnaissant, sinon vous pourriez peut-être nous fournir une réponse écrite ultérieurement.
Le sénateur Nancy Ruth : Ce n'est pas une question. Je veux signaler un problème. Notre gouvernement, bien sûr, met l'accent sur les réformes fiscales et l'aide aux entreprises tous azimuts à l'aide de la Banque de développement. Cependant, nous sommes tous au courant d'articles de journaux portant sur les fonds publics accordés par l'ACDI dans les pays qui se livrent à l'exploitation minière ou à d'autres activités correspondant aux intérêts économiques du Canada.
Ce n'est pas le seul exemple. Je sais que Condition féminine Canada a accordé un demi-million de dollars à un groupe de femmes de la Colombie-Britannique et qu'une partie de ce montant a été remise aux Lions de la Colombie- Britannique pour encourager les joueurs de football à se rendre dans les écoles et à aider les adolescents aux prises avec des problèmes de violence contre les femmes.
Je souhaiterais que le vérificateur général établisse quels ministères et organismes fédéraux accordent des petits montants pour venir en aide aux entreprises, et je ne parle pas nécessairement de l'ACDI. Je viens de vous donner l'exemple de Condition féminine Canada. Les ministères et organismes fédéraux n'ont pas l'habitude d'accorder des fonds à des entreprises commerciales. Je tenais simplement à vous signaler ce problème.
Le sénateur Callbeck : J'aurais une question à laquelle je voudrais que vous répondiez ultérieurement par écrit. Intitulée « L'obligation de rendre des comptes des agents du Parlement », elle porte sur la lettre signée en février 2011 par le vérificateur général, le directeur général des élections et, je crois, cinq autres mandataires du Parlement. Les signataires préconisent la poursuite de ce projet pilote, qui est examiné par la Chambre des communes.
Si j'ai bien compris, un groupe de travail a été constitué. Je voudrais savoir qui en fait partie, quel est l'objectif de celui-ci, quelles sont ses activités et pourquoi vous souhaitez que ce projet pilote se poursuive.
Enfin, y a-t-il d'autres mesures à prendre pour améliorer la reddition des comptes des mandataires du Parlement?
Le président : Monsieur Ferguson, pouvez-vous répondre brièvement dès maintenant ou souhaitez-vous nous donner une réponse écrite ultérieurement?
M. Ferguson : Je ne crois pas pouvoir répondre brièvement aujourd'hui. Je vous ferai donc parvenir une réponse écrite.
Le président : Si vous pouviez la faire parvenir à la greffière, nous pourrions la transmettre à tous les membres du comité.
Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je voudrais vous remercier d'avoir comparu. Nous vous souhaitons du succès dans votre affectation au Bureau du vérificateur général.
M. Ferguson : Merci beaucoup.
Le président : Je m'attends à ce que nous nous revoyons à plusieurs occasions au fil des prochains mois.
Dans le cadre de notre examen du Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2012, nous avons entendu le témoignage de différents mandataires du Parlement. Comme nous l'a signalé le vérificateur général, le rôle des mandataires du Parlement consiste à aider les parlementaires et notre comité en particulier à prendre les mesures pour que le gouvernement rende des comptes, notamment en ce qui concerne la fonction publique.
Au cours de la deuxième partie de la réunion, nous accueillons M. Mario Dion, commissaire à l'intégrité du secteur public. Il a été nommé à ce poste le 21 décembre 2011. Auparavant, il avait occupé le poste par intérim pendant environ un an.
[Français]
Monsieur Dion, nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous ce matin et nous sommes prêts à écouter vos commentaires. Vous avez la parole.
Mario Dion, commissaire, Commissariat à l'intégrité du secteur public du Canada : Merci, monsieur le président. Je serai bref.
Il y a un peu plus d'un mois, je comparaissais devant le comité plénier du Sénat au moment où ma nomination était considérée pour approbation en vertu de la loi. Un nombre limité d'événements se sont passés depuis à peine six ou sept semaines.
[Traduction]
Je voudrais rappeler aux honorables sénateurs notre mandat. Le commissariat et le poste de commissaire ont été créés par l'adoption de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles en avril 2007.
Nous avons un double rôle. Entre autres, nous recevons les divulgations des fonctionnaires ou des citoyens qui souhaitent signaler un acte répréhensible dans la fonction publique. C'est notre premier rôle. Notre deuxième consiste à protéger ces divulgateurs ou, à tout le moins, offrir un mécanisme garantissant qu'ils ne feront pas l'objet de représailles.
[Français]
C'est un instrument créé il y a à peine cinq ans pour donner des dents à ce désir de suite aux événements du scandale des commandites; pour donner une avenue au public en général et aux fonctionnaires en particulier afin de signaler des actes répréhensibles, ainsi que pour assurer une protection.
Des rapports annuels ont été déposés au terme de la loi depuis la création du bureau. J'ai moi-même, à titre de commissaire intérimaire, déposé un rapport en juin dernier pour expliquer aux parlementaires des deux chambres les progrès réalisés à l'égard des plaintes et des divulgations.
Un rapport annuel couvrant la période 2011-2012 sera déposé au printemps et j'espère, monsieur le président, que vous pourrez y constater que les choses se sont grandement améliorées suite aux difficultés qu'a connu le bureau au cours des dernières années.
En effet, nous avons travaillé sur un certain nombre de fronts. Nous avons d'abord fait en sorte de s'assurer de l'optimisation de notre budget d'opération. Nous sommes passés du nombre de 19 employés au nombre actuel de 35 employés, avec le même budget, afin de pouvoir actualiser notre mandat de façon plus efficace.
Nous avons examiné tous les dossiers traités depuis la création du bureau, soit le 15 avril 2007, puisque des doutes sérieux planaient sur la validité du travail fait suite au rapport du vérificateur général. Nous avons maintenant renvoyé deux cas au tribunal créé par la loi pour sanctionner les représailles qui ont pu être exercées.
[Traduction]
Je suis persuadé que, dans un avenir rapproché, nous pourrons saisir le tribunal d'autres affaires et soumettre les rapports sur les actes répréhensibles au Sénat et à la Chambre des communes.
Ayant été adoptée il y a relativement peu de temps, la loi est loin d'avoir été appliquée intégralement. D'après moi, mon mandat consiste essentiellement à m'assurer que la loi permettra de satisfaire aux objectifs que le Parlement envisageait lorsqu'il l'a adoptée. Malgré les constatations du vérificateur général dans son rapport de 2009, nous observons une augmentation marquée des divulgations et des plaintes de représailles qui nous sont signalées, et nous déployons tous les efforts pour établir un climat de confiance afin que l'objectif de la loi soit atteint.
J'ai terminé ma brève déclaration préliminaire. Je ne souhaite pas prendre trop de votre temps. Je préférerais plutôt répondre à vos questions dans le cadre d'un dialogue avec vous, mesdames et messieurs les membres du comité.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Dion. Nous vous sommes reconnaissants de votre comparution. Vous occupez votre poste depuis à peine plus d'un mois, mais nous savons que vous avez été commissaire par intérim pendant un certain temps auparavant. Vous êtes donc au courant de certains dossiers.
Vous avez indiqué que, pour vous acquitter de votre mandat, vous disposez de 35 employés, et que vous avez donné un nouvel essor au commissariat. Avez-vous fait l'objet du premier examen stratégique visant à réduire de 5 p. 100 les dépenses? Compte tenu des réductions de 5 ou de 10 p. 100 qui figureront vraisemblablement dans le prochain budget, prévoyez-vous que votre effectif et votre budget seront touchés?
M. Dion : Oui et non. Je m'explique.
Le commissariat relève du Parlement. Le gouvernement n'a pas demandé au commissariat de soumettre au Conseil du Trésor un plan de compression des dépenses dans le cadre de la stratégie de réduction du déficit. Cependant, nous avons décidé spontanément d'examiner nos futurs besoins. Nous pourrons réduire 5 p. 100 de notre budget, soit un montant de 256 000 $, à compter de 2014-2015. Par conséquent, oui, nous allons effectivement mettre la main à la pâte, mais non, il n'y aura aucune réduction de notre effectif parce que, au moment de l'élaboration de notre plan de dotation, j'ai pu heureusement savoir le budget dont je disposerais en 2014-2015. Par conséquent, aucun poste n'a été ou ne sera supprimé. C'est peut-être simplement que nous embaucherons moins.
Le président : D'après le Budget principal des dépenses, vous avez obtenu une augmentation de 5 p. 100 par rapport à l'an passé. Cette augmentation de 5 p. 100 sera donc compensée par cette diminution de 5 p. 100 au cours des prochaines années.
M. Dion : C'est exact.
Le président : Vous vous retrouverez donc dans la situation que vous étiez l'an dernier.
M. Dion : Depuis sa création en 2007-2008, le commissariat n'a jamais complètement dépensé le montant total de son budget. Il a été en mesure de réaffecter ou de reporter des sommes importantes d'une année à l'autre.
Le prochain exercice, celui de 2012-2013, sera le premier où nous dépenserons entièrement notre budget. Aucune somme ne sera reportée. Nous revenons à une situation stable où nous serons en mesure de dépenser intégralement notre budget. C'est mon objectif, compte tenu des impondérables. Ce serait cependant un précédent.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Je comprends, monsieur Dion, que cela fait seulement un mois que vous occupez la position actuelle, mais depuis combien de temps œuvrez-vous au sein de la Commission?
M. Dion : Je suis devenu commissaire par intérim en décembre 2010, suite à une invitation du gouvernement. J'ai assumé deux mandats quasi successifs de six mois à titre de commissaire intérimaire, pour un total d'un peu moins de 12 mois. À la toute fin de l'année 2010 et durant toute l'année 2011, j'ai agi à titre de commissaire par intérim jusqu'au 21 décembre, date où je suis devenu commissaire permanent.
Le sénateur Ringuette : Auparavant, vous n'étiez pas rattaché à ce bureau?
M. Dion : Non.
Le sénateur Ringuette : Vous étiez où? Au ministère de la Justice?
M. Dion : J'étais à la retraite, en fait.
J'ai quitté la fonction publique en mai 2009 et, à ce moment, j'occupais les fonctions de président de la Commission des libérations conditionnelles. J'ai ensuite fait un peu de travail à titre de pigiste et j'ai été rappelé en décembre 2010 afin de savoir si je pouvais assumer les fonctions de façon intérimaire.
Le sénateur Ringuette : Depuis 2010, vous avez a priori, entre autres, revu l'ensemble des plaintes soumises au bureau depuis qu'avait été entérinée la législation visant l'établissement de cette commission.
M. Dion : C'est cela.
Le sénateur Ringuette : Combien de plaintes avez-vous révisé?
M. Dion : Nous avons révisé 221 dossiers.
Lors de ma nomination à titre de commissaire intérimaire, étant donné le doute sérieux qui planait sur la validité du travail fait, j'ai décidé de prendre les 221 dossiers que le Commissariat avait traité depuis le 15 avril 2007, pour les passer au peigne fin et pour déterminer si, oui ou non, la loi avait été respectée dans sa mise en œuvre à l'égard de chacun de ces dossiers.
Je l'ai fait avec l'aide du secteur privé étant donné la nécessité d'avoir un examen totalement impartial de la part de quelqu'un qui n'avait jamais été impliqué dans ces dossiers auparavant, et je voulais que cela se fasse rapidement. Donc, il fallait que cela se passe de façon intensive. On a donc donné à une firme du secteur privé trois mois, sous ma gouverne, pour revoir l'ensemble des 221 dossiers.
Le sénateur Ringuette : Quelle firme a fait la révision des dossiers?
M. Dion : C'était le bureau de Deloitte, sélectionné suite à un processus compétitif que j'avais enclenché le 31 décembre 2010, quelques jours après ma nomination à titre de commissaire intérimaire.
Le sénateur Ringuette : À quel coût?
M. Dion : Le coût total est de 199 000 $. Il s'agit d'un petit organisme, c'est la raison pour laquelle je peux me rappeler les chiffres.
Le sénateur Ringuette : Il a fallu trois mois pour faire la révision?
M. Dion : Cela s'est terminé le 31 mars de facto et j'ai fait rapport publiquement en mai étant donné la tenue des élections qui m'empêchaient, je croyais, d'en faire rapport plus tôt.
Le sénateur Ringuette : Donc vous recevez en moyenne par année 75 à 80 plaintes?
M. Dion : Cela fluctue d'une année à l'autre, mais comme je le disais tantôt, il y a eu une augmentation notable des plaintes. La norme est d'environ 75 divulgations d'actes répréhensibles et 25 allégations de représailles par année. C'est une moyenne. Cela fluctue, cela peut-être 72 ou 78. Toutefois, on se dirige vers un nombre beaucoup plus important pour cette année.
Le sénateur Ringuette : Je me questionne sur le fait que, des 221 plaintes revues, seulement un p. 100 ont été redirigées au tribunal. Je me questionne aussi sur le fait que sur une base annuelle, vous avez, en moyenne, 75 plaintes et que vous avez 35 employés pour les examiner. Donc, sur une base annuelle, en moyenne, chaque employé verrait deux plaintes.
M. Dion : Il faut considérer un certain nombre de facteurs. Le premier, comme je l'ai mentionné tantôt, deux cas ont été renvoyés au tribunal, mais au moment où on se parle, 98 dossiers sont à l'étude active et ils pourraient fort bien se ramasser soit au tribunal soit dans un rapport au Parlement.
Il faut distinguer le nombre de dossiers qui entre chaque année du flot des dossiers. Un dossier, c'est une unité de mesure très imprécise. Certains dossiers prennent deux heures, d'autres peuvent prendre 2 000 heures. Cela dépend de la complexité et de la taille de ce qui est allégué, du nombre de personnes à interroger, de la disponibilité des gens, et cetera.
Ce que j'essaie de vous illustrer, c'est que deux dossiers au tribunal ce n'est pas du tout définitif. C'est clair que cela va augmenter. Nous avons 98 dossiers actifs à l'étude présentement dont certains remontent aux années antérieures. Lorsqu'on parle d'employés, ce ne sont pas tous des enquêteurs. Il y a toute l'infrastructure. Nous sommes un organisme gouvernemental. On doit respecter l'ensemble des politiques du Conseil du Trésor, toutes les lois, la Loi sur l'administration financière, et cetera. Donc, on dépense à peu près 30 p. 100 de notre budget à respecter toutes les dispositions relatives à la gestion des deniers publics et des ressources humaines au sein du secteur public.
Ce ne sont donc pas 35 personnes qui travaillent directement sur les dossiers. C'est une des réalités d'un microorganisme. Nous sommes tenus aux mêmes obligations de faire rapport comme les grands ministères, comme le ministère de la Défense nationale ou autres grands ministères.
Je ne sais pas si cela répond en partie à votre question. C'est assez complexe. Une des difficultés du rôle de commissaire est qu'il existe une disposition très claire de la loi, à l'article 44, qui stipule que tout ce que l'on fait, tout ce que l'on recueille dans le cadre de l'application de la loi est confidentiel. Je ne suis donc pas en mesure d'expliquer clairement à quelqu'un ce qu'il y a dans ces dossiers. Il faut toujours porter une grande attention aux besoins de respecter la confidentialité qui est un des piliers de cette loi. Évidemment, les gens ne feraient pas de divulgation s'ils avaient un doute sur le caractère confidentiel de ce qu'ils font avec nous. Je suis donc assez limité dans ma capacité d'expliquer les tenants et aboutissants de toute la variété de dossiers que nous avons à l'heure actuelle.
Le sénateur Ringuette : Je comprends et je respecte surtout le besoin de confidentialité des dossiers. Sur les 35 employés actuels, combien sont des enquêteurs?
M. Dion : Si on exclut les gestionnaires des enquêteurs, on en a huit, et j'emploie le mot « enquêteur » au sens strict parce qu'il y a des gens qui travaillent aux opérations, mais qui ne font pas d'enquête. Ils analysent les cas. Au moment de l'entrée d'un cas, il y a un processus en trois étapes : il y a d'abord le triage qui est fait pour voir si la plainte ou la divulgation entre dans le cadre de la loi. D'abord, il faut que ce soit dans le secteur public fédéral, par exemple. Il faut que cela porte sur un acte répréhensible tel que défini.
Il y a quatre employés qui s'affairent à faire le triage initial et à préparer la correspondance dans le cas où on conclut que la plainte ou la divulgation n'entre pas dans le cadre de la loi. Donc, cela fait quatre personnes qui ne sont pas des enquêteurs au sens strict. Elles ne font pas d'enquête, mais seulement une analyse. Ensuite, une autre petite équipe de trois personnes qui s'affaire à déterminer s'il y a lieu de faire une enquête en bonne et due forme. Leur travail est de regarder les faits, d'aller chercher un peu plus de précision pour permettre au commissaire de décider, s'il y a lieu, d'enquêter de façon formelle. Donc, on est rendu à sept employés plus les huit enquêteurs dont je parlais tantôt, donc une quinzaine de personnes dans la chaîne qui sont surveillées par un gestionnaire qui est membre de catégorie de gestion.
Cela est fait en trois étapes et chaque étape est stipulée par la loi. J'utilise souvent le mot « carcan » pour référer. La loi stipule ce qui doit être fait à chaque étape, de quelle façon, sous quels motifs et cela permet au commissaire d'accueillir ou non la plainte. C'est un travail rigoureux qui demande un examen attentif parce que tout ce qu'on fait est sujet au contrôle judiciaire à la Cour fédérale et doit être fait en entière conformité avec les dispositions de la loi.
Ce ne sont pas des plaintes administratives, ce sont des plaintes régies par une loi très claire et qui doivent être traitées de la façon prévue par la loi.
[Traduction]
Le sénateur Nancy Ruth : Bienvenue, monsieur Dion. Toutes mes questions portent sur l'accès du public à votre commissariat.
Je crois comprendre que vous acceptez les plaintes du grand public. Mis à part le site web du commissariat, que faites-vous pour que les Canadiens sachent qu'ils ont le droit de faire une divulgation?
Dans ses rapports sur les divulgations, le commissariat fait-il une distinction entre les divulgations faites à l'intérieur de la fonction publique et les plaintes provenant du grand public? Sinon, pourquoi? Envisagez-vous des changements à cet égard?
Pouvez-vous nous dire ce que vous avez appris sur la façon dont le grand public utilise le commissariat et ce que vous envisagez pour l'avenir?
Enfin, voici une question plus générale : votre commissariat a-t-il des pendants dans d'autres pays du monde? Si c'est le cas, comment échangez-vous les meilleures pratiques dans ce domaine d'activités?
M. Dion : Je vais essayer de répondre à vos questions et, s'il me manque un élément important, je vous ferai parvenir une réponse par écrit.
Le président : Je vous remercie. Vous pouvez envoyer la réponse par écrit à la greffière, qui la distribuera à tous les sénateurs.
M. Dion : Je suis au commissariat depuis décembre 2010. Nous traversions une situation de crise lorsque je suis devenu commissaire intérimaire. Au cours de la dernière année, nous n'avons pas consacré d'énergie à publiciser le travail du commissariat afin que le grand public soit au courant de son existence et qu'il sache qu'il y a accès. Des efforts dans ce sens avaient été déployés au cours des années précédentes.
J'espère que les honorables sénateurs verront que nous avons retrouvé la voie de la normalité lorsque le prochain rapport annuel sera déposé. J'ai l'intention de relancer plusieurs activités qui sont valables et importantes, des activités que nous avons dû suspendre parce que nous nous sommes retrouvés dans une situation très inhabituelle, avec un roulement de personnel important et des dossiers qui devaient être revus en entier.
Dans nos rapports, nous ne faisons pas de distinction entre les plaintes du grand public et celles des fonctionnaires.
À l'heure actuelle, un très faible pourcentage des plaintes proviennent des membres du public, moins de 10 p. 100, je dirais. La loi prescrit la manière dont nous indiquons les chiffres dans notre rapport annuel et elle n'établit pas cette distinction, mais le commissariat serait tout à fait libre de publier des données distinctes, puisque la loi exige un minimum. Nous pouvons faire plus que ce que la loi exige, et je m'engage ce matin à faire en sorte que le commissariat fasse une distinction, dès son prochain rapport annuel, entre les plaintes du grand public et celles des fonctionnaires fédéraux.
Le dernier point que vous avez soulevé concernait les relations intergouvernementales internationales. Le commissariat a eu des échanges avec les quatre provinces canadiennes où il existe, je crois, un organisme semblable. Il s'agit du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario, du Manitoba et, si je ne me trompe, Terre-Neuve. Les commissaires ou leurs homologues tiennent une réunion annuelle, qui a eu lieu il y a quelques mois à Winnipeg.
Les lois adoptées dans les différentes provinces qui ont mis sur pied un tel bureau s'inspirent habituellement de la loi fédérale, alors nous parlons donc de choses semblables. La fonction publique varie d'une province à l'autre, mais les paramètres de ce que couvrent les lois sont essentiellement les mêmes, et nous pouvons donc tenir des discussions valables avec nos homologues provinciaux.
Mon prédécesseur tenait aussi des rencontres, je crois, avec la personne responsable, au niveau fédéral américain, de ce qu'on appelle « Office of Special Counsel », un bureau très important dont la création remonte à 1973, si ma mémoire est bonne, ainsi qu'avec des représentants du Royaume-Uni et de l'Australie. J'ai l'intention de relancer ces échanges, de façon modeste et efficace en misant sur la technologie et l'économie, de renouer ces liens, d'autant plus que nous serons appelés à participer à un examen quinquennal de la loi, comme le prévoit la loi elle-même. Ce sera intéressant de voir comment les systèmes ont évolué dans d'autres pays qui ont adopté de tels mécanismes au cours des dernières années.
J'espère, monsieur le président, que ma réponse vous est satisfaisante.
Le président : Pouvez-vous clarifier ce point pour nous? Quand cet examen doit-il commencer?
M. Dion : Le président du Conseil du Trésor a, en vertu de la loi, l'obligation de commander un examen indépendant de la loi et de son fonctionnement dans un intervalle de cinq ans. Cela signifie que, d'ici au 15 avril 2012, un examen indépendant doit être entrepris, et le président n'a pas encore annoncé sa décision. Que je sache, on n'a pas annoncé que l'examen avait été lancé.
Le président : Nous donnons maintenant la parole au sénateur Hervieux-Payette, du Québec.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Monsieur Dion, je vous souhaite la bienvenue. Je dois dire qu'en français l'expression « acte répréhensible » n'est pas tellement familière. Peut-être que pour vous elle l'est, mais dans le langage populaire, le sens du terme « acte répréhensible » se rapproche beaucoup plus du sens de « acte criminel ».
Le nouveau commissaire de la Gendarmerie royale du Canada a dénoncé le fait qu'on n'était pas intervenu pour le harcèlement sexuel, mais on doit aussi penser au harcèlement psychologique. Dans le cas du harcèlement psychologique, c'est encore plus compliqué. Est-ce que cela fait partie des actes répréhensibles?
Pour les femmes, il peut s'agir de l'un ou de l'autre, et je ne vois pas le harcèlement sexuel comme étant strictement un acte répréhensible, mais bien un acte criminel. Faites-vous enquête sur des cas de harcèlement psychologique qui, je crois, sont les plus difficiles à évaluer?
M. Dion : D'entrée de jeu, je dois dire que la réponse n'est pas simple. J'en profite pour expliquer que la définition d'acte répréhensible figure à l'article 8 de la loi. La loi prévoit que toute contravention à une loi fédérale ou provinciale constitue un acte répréhensible.
Au sens de la loi, si on viole le Code criminel, automatiquement cela devient un acte répréhensible. Le paragraphe b) vise l'usage abusif des fonds ou des biens publics; le paragraphe c) vise également les cas graves de mauvaise gestion; le paragraphe I le fait de causer un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité de la personne ou l'environnement; le paragraphe e) : la contravention grave d'un code d'éthique ou de conduite établi en vertu de l'article 5 de la loi; et finalement, le paragraphe f) le fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre un des actes répréhensibles.
En ce qui concerne le harcèlement dans une situation qui ne constituerait pas un acte criminel, jusqu'à aujourd'hui le bureau considérait qu'il n'avait pas juridiction, à moins que cela constitue un cas grave de mauvaise gestion. Cela dépend des faits.
Si c'est un cas isolé, une situation qui dure quelques secondes, impliquant un employé et son gestionnaire par exemple, c'est la violation d'une directive du Conseil du Trésor qui est en cause, ce qui ne tombe pas sous le coup de la définition de la loi. On n'a pas juridiction.
Dans les prochains mois, la situation va changer complètement parce que le président du Conseil du Trésor a déposé au Sénat et à la Chambre des communes un projet de code de conduite au sens de notre loi, qui comporte des dispositions claires. Donc s'il s'agit d'une contravention grave au code de conduite, le Conseil du Trésor aura juridiction et c'est sous cette juridiction que tomberaient les cas de harcèlement psychologique.
Généralement, un cas de harcèlement psychologique est quelque chose qui dure un certain temps, qui est pernicieux et qui se prolonge. Le Conseil du Trésor aura juridiction dès l'entrée en vigueur du nouveau code de conduite prévu le 2 avril prochain.
Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce que ça va s'appliquer pour le harcèlement sexuel qui est une infraction?
M. Dion : Cela dépend de la nature du harcèlement sexuel. Il y a des choses qui sont qualifiées d'actes criminels et d'autres qui ne le sont pas. Cela dépend de ce qui est en cause au niveau de l'actus reus, comme on dit en droit criminel.
Le sénateur Hervieux-Payette : Quels fonctionnaires peuvent faire appel à vos services? Est-ce que ce sont les fonctionnaires de toutes les corporations de la Couronne et de tous les établissements du gouvernement fédéral ou si c'est limité à un certain nombre? Est-ce qu'on parle de 20 000, 30 000, 50 000 ou 100 000 fonctionnaires?
M. Dion : Pour ce qui est de la fonction publique fédérale, l'ancienne commissaire, après avoir fait un calcul, parlait de 400 000 personnes. Trois gros organismes sont expressément exclus de l'application de la loi. Ce sont les Forces armées canadiennes, le Service canadien de renseignements de sécurité et le Canadian Security Establishment — qui est un organisme dont j'oublie le nom en français. Donc ce serait 400 000 fonctionnaires moins ceux qui font partie de ces trois organismes.
Le sénateur Hervieux-Payette : Et pourquoi la Défense nationale ne fait-elle pas partie de cela?
M. Dion : Au moment de l'adoption de la loi, les Forces armées ont été expressément exclues. Je dois avouer que je n'ai jamais étudié la raison pour laquelle elles étaient exclues. J'ai mes propres hypothèses, mais je ne connais pas les véritables raisons.
Le sénateur Hervieux-Payette : Selon moi, tous les employés devraient avoir les même droits, le même choix, et ce n'est certainement pas une question de sécurité nationale. Je pense que les questions d'harcèlement sexuel ont été aussi présentes dans l'armée qu'elles l'ont été au sein de la Gendarmerie royale.
Quelle est la formation de vos enquêteurs? Quand il s'agit de décider si c'est une mauvaise question ou si c'est un détournement de fonds, je suppose que vous devez avoir des gens qu'ils ont des formations différentes?
M. Dion : Nos enquêteurs ont des formations différentes et des expériences différentes. Tantôt je parlais d'un nombre assez restreint parce que le bureau est petit. Si on se réfère à la nomenclature de la fonction publique fédérale, nous avons trois niveaux d'enquêteurs, soit les AS-5, les AS-6 et les AS-7. Par définition, ce sont des gens qui ont plus d'expérience l'un que l'autre.
Lorsqu'on assigne des dossiers selon le degré de complexité ou le domaine de spécialisation — parce que si on allègue, par exemple, un mauvais usage des deniers publics, ce n'est pas du tout la même chose que si on allègue une atteinte sérieuse à l'environnement —, il y a une certaine spécialisation qui s'effectue au niveau de la sélection initiale. Lorsqu'on embauche quelqu'un, on garde à l'esprit justement le besoin qu'on aura quant à la charge de travail pour pouvoir référer les dossiers d'une certaine nature à une personne qui a une expérience dans d'autres organismes. Souvent, c'est dans d'autres organismes gouvernementaux, soit fédéraux, provinciaux ou même municipaux. On a des gens qui ont de l'expérience en matière policière. Cependant, la majorité n'a pas d'expérience en matière policière, mais plutôt dans d'autres secteurs, comme le transport, l'environnement, et cetera. Voilà comment cela se fait.
Justement, le mois prochain, on prévoit un programme de formation plus uniforme sur les techniques d'enquête, les techniques plus génériques, si on veut, les étapes à suivre lors d'une enquête, quelque soit sa nature ou le champ particulier dans lequel il s'exerce. Voilà comment cela fonctionne, monsieur le président.
Le sénateur Hervieux-Payette : Admettons que le Bureau d'inspection des véhicules laisse passer de façon malhonnête un processus dangereux pour le public, qu'un employé dit que c'est dangereux alors que le patron dit, non, parce qu'il a peut-être des intérêts dans cela, ce genre de situation peut-elle arriver chez vous?
M. Dion : Cette situation particulière n'est pas arrivée chez nous, mais il y a des exemples fort semblables qui existent où un employé a un point de vue différent, considère que la sécurité du public est en cause et il va divulguer le fait que son employeur, à son avis, commet un acte répréhensible, par le biais d'un cas grave de mauvaise gestion. C'est arrivé dans le passé. Cela peut arriver, la loi prévoit cette situation. C'est pour cela que l'employé a besoin d'être protégé, en particulier lorsqu'il va à l'encontre des souhaits ou des visions de son surveillant immédiat. C'est pour ça que la loi protège l'employé qui est dans une telle situation.
Le sénateur Hervieux-Payette : Vous n'avez pas fait de grande publicité à l'extérieur, mais à l'intérieur, comment vos 400 000 employés sont-ils informés? Doivent-ils aller voir sur Internet? Lorsqu'ils sont embauchés, y a-t-il une formation sur ce sujet? Est-ce la Fonction publique qui les informe? Comment un employé fédéral en poste et un nouvel employé sont-ils informés de l'existence de votre bureau?
M. Dion : Je connais un certain nombre de moyens qu'on utilise, mais pas l'ensemble des moyens, donc je vais m'engager à faire parvenir au greffier une précision additionnelle à ce sujet. On a des moyens limités, donc on prend des moyens qui sont à la mesure de nos moyens.
On participe souvent aux rencontres nationales impliquant des communautés au sein de la Fonction publique. Lors des rencontres qui impliquent des centaines de personnes pendant deux ou trois jours, on a un kiosque, on distribue de la documentation, des articles promotionnels qui permettent aux gens de se souvenir que nous existons, tels que des tasses de café, des choses comme cela.
On utilise beaucoup le Web. On va l'utiliser de plus en plus, parce que c'est un moyen économique, mais il faut que, d'abord, la personne sache que l'on existe.
L'une des choses qu'on va mettre de l'avant dans notre plan stratégique pour l'an prochain, c'est d'avoir des moyens concrets pour être plus visibles. J'aimerais bien qu'on puisse justement faire parvenir quelque chose à l'ensemble des employés du secteur public fédéral, leur rappelant notre existence. Encore là, il y a des règles qui régissent. Je ne peux pas envoyer un courriel à 400 000 personnes, il faut d'abord que j'obtienne des permissions. Je songe à faire quelque chose de cette nature, parce que je suis convaincu qu'il y a une proportion importante des employés du secteur public qui ne connaissent pas notre existence ni ce qu'on fait. La loi est complexe et c'est un peu difficile d'expliquer de façon précise, tout en étant accessible. J'ai l'intention d'en faire plus dans un avenir prochain.
[Traduction]
Le sénateur Marshall : Bienvenue, monsieur Dion. Je voulais parler des cas. Lorsque vous avez comparu devant le comité plénier avant Noël, vous avez fait le point sur les dossiers et vous avez parlé de l'examen de Deloitte. Lorsque vous avez témoigné devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes, vous avez dit que l'un de vos plus grands défis demeurait celui de savoir comment répondre aux critiques selon lesquelles aucun cas d'acte répréhensible n'a encore fait l'objet d'un rapport au Parlement.
Je me demande si vous pouvez donner plus de détails à ce sujet, puisque vous avez parlé tout à l'heure de deux cas qui ont été renvoyés au tribunal. Quel critère doit être rempli pour qu'un cas fasse l'objet d'un rapport au Parlement? À la lecture de votre rapport annuel, j'ai remarqué qu'il n'y a pas d'information, ou très peu, concernant des cas individuels. Je sais que certains ombudsmans donnent des exemples de cas qu'ils ont eu à traiter. Pouvez-vous nous parler un peu plus des rapports de cas?
M. Dion : Merci beaucoup de poser cette question. Il y a deux voies prévues par la loi. L'une d'elles est la divulgation d'actes répréhensibles qui, si elle est fondée, fera l'objet d'un rapport au Parlement. La deuxième voie, ce sont les allégations de représailles, quand une personne allègue faire l'objet de représailles par suite d'une divulgation. Dans ce cas, le processus se conclut par un renvoi au tribunal. Ce sont deux voies différentes.
Si quelqu'un fait une divulgation, nous menons une enquête et nous concluons qu'il y a eu, en effet, un acte répréhensible au sens de la loi. « Acte répréhensible » en français est l'équivalent de « wrongdoing » en anglais. Si nous sommes d'avis qu'un acte répréhensible a été commis, comme il est allégué, après avoir observé les règles de justice naturelle à l'égard du présumé auteur du méfait et du ministère ou de l'organisme concerné, nous finissons par déposer un rapport à la Chambre des communes et au Sénat. Je m'attends à ce que nous le fassions dans un proche avenir.
La deuxième voie, c'est le tribunal. Lorsque le comité a des motifs valables de croire, après la tenue d'une enquête, que des représailles ont bel et bien été exercées, il peut renvoyer le dossier à un tribunal spécial qui a été établi à cette fin en vertu de la loi. Nous l'avons déjà fait dans deux cas. J'ai parlé de 98 dossiers actifs. Trente de ces dossiers sont des enquêtes complètes, soit 12 enquêtes sur des représailles et 18 enquêtes sur des actes répréhensibles. Avant qu'un dossier ne se retrouve devant le Parlement ou le tribunal, une enquête doit d'abord être menée. D'un point de vue mathématique, il est fort probable que nous aurons quelques cas à signaler au Parlement et que nous aurons des cas à renvoyer au tribunal, puisque 35 enquêtes sont en cours, dont la plupart ont été entreprises à ma demande, depuis ma nomination à titre de commissaire intérimaire. J'ai senti le besoin de lancer des enquêtes, ce qui signifie essentiellement qu'il y a matière à enquête, contrairement aux cas qui ne vont pas plus loin. Je m'attends à ce que certaines mesures soient prises au cours des prochains mois.
Le sénateur Marshall : Si je vous comprends bien, les cas qui sont renvoyés au tribunal ne sont pas nécessairement renvoyés aux cours. Ce sont deux filières différentes, n'est-ce pas?
M. Dion : Le tribunal est une cour spéciale mise sur pied en vertu de la loi. Il est composé de trois juges de la Cour fédérale. Ce sont des personnes qui siègent à la Cour fédérale qui ont été nommées spécialement pour être membres du tribunal.
Le sénateur Marshall : Certains des cas qui sont renvoyés à la cour et au tribunal finiraient éventuellement devant le Parlement et le Sénat. Certains d'entre eux, mais pas tous, n'est-ce pas?
M. Dion : Il n'y a pas de représailles sans acte répréhensible, mais il peut y avoir un acte répréhensible sans représailles.
Le sénateur Marshall : Je comprends.
Le sénateur Callbeck : Merci, monsieur le président. Bienvenue, monsieur Dion. Vous avez affirmé qu'il y avait environ 75 à 80 divulgations par année. Je crois que vous avez dit aussi que vous vous attendez à une augmentation de ce nombre cette année; quelle serait cette augmentation?
M. Dion : En fait, je ne m'attends à rien. Je sais que le nombre a augmenté. Si l'on fait une comparaison, au cours des trois premiers trimestres de l'exercice 2010-2011, le nombre de cas avait augmenté de 53 p. 100. Cette année, nous avons reçu 64 divulgations et 30 plaintes de représailles jusqu'à présent, et il reste encore deux mois avant la fin de l'exercice. Nous avons donc reçu 94 cas cette année, et il nous reste deux mois. Nous recevons habituellement une centaine de cas par année, alors ce sera une hausse importante. La comparaison d'un trimestre à l'autre est de 63 p. 100. Je ne sais pas combien de cas nous allons recevoir parce que cela fluctue. Certains mois, nous en recevons un ou deux et d'autres mois, nous en recevons 14. C'est impossible de faire des prédictions, parce que le nombre varie constamment. Le secteur public compte environ 400 000 membres, alors il est difficile de savoir si dix ou deux personnes auront des problèmes ce mois-ci; c'est impossible de savoir.
Le sénateur Callbeck : C'est toute une augmentation. La rumeur veut que les fonctionnaires ou les membres du public hésitent beaucoup à faire des divulgations. Est-ce que nous protégeons suffisamment ces personnes? J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Y a-t-il d'autres choses qui devraient être faites pour les protéger?
M. Dion : Notre loi assure une protection aux fonctionnaires. Elle ne protège pas les personnes qui n'ont jamais été fonctionnaires. Elle assure une protection en cas de représailles en milieu de travail seulement aux personnes qui sont ou ont été fonctionnaires. Les témoignages montrent clairement qu'il est en effet difficile de prendre les devants et de divulguer un acte répréhensible. Cela comporte bien des risques. La loi actuelle va plus loin que jamais pour essayer de créer un climat qui encourage quelqu'un à sortir de l'ombre et à divulguer un acte répréhensible. Malgré cela, c'est encore une entreprise très risquée. Les gens sentent que c'est risqué. La culture au sein du secteur public et de la fonction publique s'est améliorée depuis plusieurs décennies, mais c'est encore un acte sérieux. C'est pourquoi la confidentialité est si importante dans la divulgation des actes répréhensibles. La personne qui dénonce veut être certaine que son intervention ne sera connue qu'au moment opportun. C'est l'un des piliers sur lesquels nous insistons. Par exemple, nous menons les examens de sécurité pour les nouveaux employés de façon très rigoureuse pour garantir cette confidentialité.
Je dois fonctionner dans le cadre de la loi — c'est la règle numéro un, selon moi. Toutefois, j'ai tendance à faire une interprétation libérale de la loi pour faire en sorte qu'elle permette ce qu'elle est censée permettre en ce qui a trait aux divulgations, et pour faire en sorte que les personnes qui exercent des représailles soient punies. Je crois qu'il faut dissuader les gens qui pourraient être tentés de commettre des actes répréhensibles ou d'exercer des représailles. Dans le cadre de la loi, lorsque je dois prendre une décision, je vais privilégier celle qui poursuit l'objectif de la loi, au lieu de réserver ces décisions aux situations très exceptionnelles, ce qui serait une erreur. J'ai déjà commencé à agir ainsi dans plusieurs dossiers.
J'espère, monsieur le président, que j'apporte un début de réponse; c'est une question très complexe.
Le sénateur Callbeck : Je peux comprendre cela. Est-ce que vous incluez les employés contractuels?
M. Dion : Cela inclut tous les membres du public. Que ce soit un employé nommé pour une période déterminée, un employé nommé pour une période indéterminée ou un employé occasionnel, ce sont tous des employés au sens de la loi. Ils sont au même niveau et sont couverts par la loi. Nous avons trois catégories d'employés, comme je viens de les nommer. Ce sont des employés au sens de la loi et ils ont tous accès à nos services. Les membres du public, en vertu de l'article 33, ont accès au système, mais ne bénéficient pas d'une protection en cas de représailles.
Le sénateur Callbeck : Les employés contractuels sont-ils protégés?
M. Dion : Oui. C'est une erreur de parler d'employés contractuels, puisque la personne qui travaille à contrat n'est pas un employé. Dans le secteur privé, une personne qui signe un contrat pour effectuer un travail ou offrir des services n'est pas un employé selon les lois, y compris la nôtre. Cette personne est un membre du public.
Le sénateur Callbeck : Ils n'ont aucune protection.
M. Dion : Non. Je suis désolé d'être aussi pointilleux.
Le sénateur Runciman : Monsieur Dion, vous avez parlé de la protection des employés. Vous avez dit également que l'affaire ne sera connue qu'au moment opportun. Que voulez-vous dire? Y a-t-il un moment au cours du processus où l'identité du plaignant est dévoilée?
M. Dion : Nous avons toujours deux voies. Dans le cas d'une divulgation d'actes répréhensibles, la personne se présente à notre bureau et nous décidons d'entreprendre une enquête. Nous pouvons le faire sans révéler le nom du divulgateur; dans certains cas, ce n'est pas difficile. Nous commençons l'enquête et nous allons voir le superviseur de la personne en question. Par ailleurs, si le superviseur n'a que deux subordonnés, il est bien possible qu'il ait une idée de la personne qui a fait la divulgation. Dans la mesure de nos capacités, nous assurons la confidentialité en vertu de l'article 44, comme je l'ai mentionné.
Si l'affaire est renvoyée au tribunal, alors la confidentialité tombe puisque le tribunal, comme toutes les cours, sauf dans des circonstances très exceptionnelles, est une tribune publique. Le fait que M. X allègue avoir fait l'objet de représailles devient public, de même que tout le contenu des plaidoyers.
Le sénateur Runciman : Le fait de se présenter devant le tribunal est encore un peu risqué si le tribunal rejette la plainte. Y a-t-il un lien avec la loi portant sur les dénonciateurs? Y a-t-il un lien quelconque avec ce que fait votre commissariat?
M. Dion : Nous sommes le bureau chargé des dénonciateurs. La loi n'utilise pas le mot « dénonciateur », mais c'est bien ce dont il s'agit.
Le sénateur Runciman : C'est là le rôle global. Si un plaignant dispose d'une autre avenue, par exemple s'il peut déposer un grief à titre d'employé syndiqué, le dirigez-vous dans ce sens ou prenez-vous l'affaire en main de sorte que la plainte soit entendue à deux niveaux?
M. Dion : Si un grief a été déposé, je ne peux plus rien faire. Si un processus est en cours ou si je suis d'avis qu'un autre processus serait plus approprié, je me trouve essentiellement dans une position où je dois dire non. La loi précise parfois que le commissaire doit refuser de statuer sur une plainte dans telle ou telle situation, comme dans le cas d'un grief qui a été déposé. Je ne peux alors aller plus loin. Dans certaines situations, la loi dit que le commissaire peut refuser. Par exemple, si trop de temps s'est écoulé depuis les événements allégués, j'ai le pouvoir discrétionnaire de ne pas aller plus loin. Il y a toute une série de situations pour lesquelles la loi m'oblige ou me permet de refuser.
Le sénateur Runciman : Le moral au sein de l'organisme était l'une des préoccupations de votre prédécesseur. Vous avez assurément eu l'occasion de vous pencher sur cette question et de voir si cette préoccupation était fondée. Si c'était le cas, comment avez-vous réglé la situation?
M. Dion : Plus des deux tiers des 35 employés dont je vous parle ce matin n'y étaient pas en décembre 2010; le profil de notre personnel a changé. Certains ont été promus ou affectés ailleurs au sein de la fonction publique.
Bien que cela remonte à une certaine époque, j'estime important de mentionner qu'à mon arrivée en fonction en décembre 2010, le moral du personnel était bien meilleur que ce que j'escomptais après avoir lu le rapport du vérificateur général. J'ai trouvé cela très encourageant. Peut-être que le moral des troupes s'était amélioré depuis le moment où le rapport avait été rédigé.
C'était en fait un bureau tout ce qu'il y a de plus normal où de nombreux postes étaient vacants. Nous avons pris bien soin de les combler en nous efforçant d'instaurer une atmosphère de travail positive, et je pense que nous y sommes parvenus. Mais l'équilibre est toujours fragile. Compte tenu de la difficulté de notre mandat, un bon climat de travail ne peut jamais être tenu pour acquis; il faut l'entretenir au fil de toutes nos décisions. Comme vous le savez, le climat au sein de la fonction publique n'est pas au beau fixe, ce qui fait que chaque décision est importante si l'on souhaite que le moral reste bon.
Le sénateur Runciman : Lors de votre comparution devant le comité de la Chambre, vous avez reconnu qu'il y avait un problème de crédibilité parce qu'aucun cas de malversation n'a été mis au jour depuis la création de votre bureau. Dans le contexte de l'examen quinquennal, il me semble bien, et ce, même si le mandat sera élargi, que vous nous avez fait comprendre qu'il fallait détecter des actes répréhensibles pour montrer que votre bureau remplit bien sa mission. Je crois connaître déjà la réponse, mais pourriez-vous nous dire si cela crée certaines pressions pour votre bureau qui doit justifier sa pertinence?
M. Dion : Avec 98 dossiers actifs et 35 enquêtes en cours, je suis persuadé que nous trouverons quelques cas fondés, suivant les paramètres de la loi. Quand je regarde la situation dans son ensemble, je me dis que nous sommes là pour appliquer la loi. Nous n'avons aucun contrôle sur les cas qui nous sont soumis. Certains sont meilleurs que d'autres. Certains sont beaucoup plus importants que d'autres. Nous devons traiter chaque cas de façon équitable, conformément à la loi, car si l'un d'eux ne nous apparaît pas nécessairement important, il l'est pour la personne à l'origine de la divulgation ou de la plainte. Je suis convaincu que nous aboutirons à des résultats concrets, mais je ne m'impose aucun quota.
Comme j'ai déjà pris ma retraite, je ne travaille pas pour m'assurer un emploi pour les 30 prochaines années. Je suis l'une des rares personnes au Canada à avoir une vision d'ensemble de l'éventail de cas qui nous sont soumis, et je peux vous assurer qu'il y aura éventuellement des résultats.
Le sénateur Runciman : Vous arrive-t-il d'accepter des plaintes anonymes?
M. Dion : Oui. Parmi nos 98 dossiers, quelques-uns sont le résultat de plaintes anonymes. Il faut qu'il y ait suffisamment d'information pour ouvrir un dossier ou une enquête. Nous acceptons les plaintes anonymes lorsqu'on nous fournit assez de précisions.
Le sénateur Runciman : Les plaintes anonymes posent un certain problème, car elles peuvent avoir un impact négatif sur la vie des gens. Je suis toutefois un peu rassuré en sachant que vous les examinez minutieusement pour en évaluer le mérite.
M. Dion : C'est un autre aspect de notre travail qui exige beaucoup de doigté. Nous évaluons chaque dossier selon son mérite pour éviter les abus.
Le président : Je voudrais simplement conclure en posant moi-même quelques questions auxquelles vous pourrez répondre ultérieurement par écrit si vous préférez, monsieur Dion.
Premièrement, étant donné qu'il s'agit d'une nouvelle loi et que la commission a certes connu quelques difficultés au départ, avez-vous formulé certaines suggestions quant aux modifications devant être apportées à la loi ou souhaiteriez- vous le faire maintenant?
M. Dion : Comme l'examen quinquennal est imminent, nous avons commencé à compiler une liste de suggestions possibles concernant les changements à apporter à la loi. Par exemple, l'article 34 empêche le commissaire de poursuivre une enquête à l'extérieur des cadres de la fonction publique fédérale. Ainsi, si M. X prend sa retraite alors qu'il fait l'objet d'allégations de représailles, il devient intouchable. L'article 34 sera donc assurément sur ma liste, car c'est sans doute le changement le plus important à apporter. Cet article va à l'encontre de l'intention de la loi.
Le président : Je comprends, mais pourriez-vous nous fournir votre liste des dispositions qui devraient être examinées ou modifiées?
M. Dion : Je vais revoir ce que nous avons fait et je communiquerai le tout à votre greffière.
Le président : Merci. Cela nous aidera à mieux comprendre tout en témoignant des efforts que vous avez déployés à titre de commissaire par intérim en nous fournissant un point de vue différent sur la commission et la loi.
Deuxièmement, étant donné vos états de service au sein de la fonction publique où vous avez bien évidemment rencontré de nombreuses personnes dans le cadre des différents emplois que vous avez occupés au cours de votre carrière, quelles mesures prenez-vous pour éviter les conflits d'intérêts ou les risques de conflits d'intérêts dans le cas où vous auriez à enquêter sur une personne que vous connaissez?
M. Dion : Tous les 15 jours, je rencontre le directeur des opérations et le sous-commissaire pour passer en revue tous les cas soumis au cours des deux semaines précédentes. En trois occasions depuis décembre 2010, j'ai signalé dès le départ que je ne serais pas en mesure de traiter le cas soumis parce que les allégations portent sur untel ou unetelle. Parce que je crains l'apparence de conflits d'intérêts, même si parfois je n'ai pas l'impression que c'est le cas, je me récuse dès l'amorce du dossier en laissant la responsabilité décisionnelle au sous-commissaire. J'ai aussi demandé un avis juridique sur l'éventualité d'un cas où le sous-commissaire et moi-même étions dans une situation de conflits d'intérêts, véritable ou perçue. Il faut trouver une solution, car c'est dans le domaine du possible.
Le président : Avez-vous un protocole écrit et a-t-il été communiqué au public dans le cadre de votre campagne de promotion? C'est l'apparence de conflits d'intérêts qui...
M. Dion : Il n'existe pas encore par écrit, mais nous avons élaboré une série de politiques en matière de prise de décisions avec le concours de notre comité consultatif qui compte des représentants du public. Il y aura une politique qui traitera de ce problème de conflit d'intérêts et, essentiellement de la nécessité de se récuser, pour employer le terme juridique, lorsqu'un risque semblable est perçu.
Le président : Lorsque ce protocole sera rédigé, pourriez-vous nous en fournir une copie pour que nous puissions demeurer bien au fait de la situation?
M. Dion : Oui, et nous y joindrons la réponse à l'avis juridique que nous avons demandé.
Le président : Merci. Tout cela nous sera fort utile étant donné que nous comptons bien participer au processus de révision législative, car nous avons eu un rôle à jouer lors de l'adoption de cette loi. Nous attendons également avec impatience votre premier rapport à titre de commissaire.
Nous vous remercions grandement de votre présence et nous vous sommes reconnaissants pour vos réponses franches qui nous ont aidés à mieux comprendre vos objectifs et vos défis.
M. Dion : Merci beaucoup.
Le président : Chers collègues, notre séance est maintenant terminée.
(La séance est levée.)