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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 12 - Témoignages du 15 février 2012


OTTAWA, le mercredi 15 février 2012

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 44, pour étudier les raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis, étant donné la valeur du dollar canadien et les répercussions du magasinage transfrontalier sur l'économie canadienne.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Français]

Honorables sénateurs, nous poursuivons ce soir notre étude spéciale sur les raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis.

[Traduction]

Les honorables sénateurs se souviendront que certains des témoins que nous avons entendus récemment nous ont parlé de pratiques anticoncurrentielles, de dynamiques concurrentielles et de concentration dans certaines industries. Étant donné que les experts canadiens en matière de pratiques concurrentielles au pays travaillent pour le Bureau de la concurrence, nous avons pensé qu'il serait à propos d'inviter ce dernier à nous faire part de ses conseils à certains égards.

Ce soir, nous sommes ravis d'accueillir M. Richard Bilodeau, sous-commissaire adjoint intérimaire, Direction générale des affaires civiles, Division B. Il aura peut-être l'occasion de nous expliquer ce que c'est exactement. M. Matthew Kellison est également sous-commissaire adjoint intérimaire, Direction générale des affaires civiles, Division A.

Monsieur Bilodeau, je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire au nom de M. Kellison. Comme à l'habitude, nous enchaînerons ensuite avec la période de questions et réponses, si cela vous convient.

Richard Bilodeau, sous-commissaire adjoint intérimaire — Direction générale des affaires civiles, Division B, Bureau de la concurrence : Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Au nom du bureau, je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour parler de l'étude du comité sur les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis.

[Français]

Je m'appelle Richard Bilodeau. Je suis sous-commissaire adjoint intérimaire à la Direction générale des affaires civiles du bureau.

[Traduction]

Je suis accompagné de mon collègue Matthew Kellison, qui est aussi sous-commissaire adjoint intérimaire à cette même Direction générale, qui ne comprend que deux divisions, A et B.

Je veux profiter de l'occasion pour vous donner un aperçu du mandat et des responsabilités du bureau, et vous expliquer en quoi ils sont liés à la question qui vous intéresse.

Le Bureau de la concurrence est un organisme d'application de la loi indépendant dirigé par la commissaire de la concurrence. Il est chargé d'assurer et de contrôler l'application de la Loi sur la concurrence. Son objectif est de veiller à ce que les entreprises et les consommateurs canadiens prospèrent dans un marché concurrentiel et innovateur. Pour nous acquitter de notre mandat, nous avons pris l'engagement constant et raisonné de nous consacrer à trois priorités relativement à l'application de la loi : continuer d'obtenir des résultats pour les Canadiens grâce à une application active ciblée et raisonnée de la loi; appliquer la législation canadienne sur la concurrence d'une manière progressiste et transparente qui s'adapte à l'évolution du marché; et cultiver une capacité d'application de la loi rigoureuse et agile afin de produire des résultats qui comptent.

En prenant des mesures cohérentes et ciblées en matière d'application de la loi, le bureau s'assure d'avoir la plus grande incidence possible sur la promotion de la concurrence, de l'innovation et de la productivité dans l'économie canadienne.

[Français]

La Loi sur la concurrence s'applique, à de très rares exceptions près, à tous les secteurs de l'économie du pays, et elle prévoit des sanctions pénales et civiles en lien avec diverses pratiques anticoncurrentielles, notamment : les activités relatives à la publicité trompeuse et aux pratiques commerciales trompeuses; la conclusion d'ententes entre concurrents en vue de la fixation des prix, de l'attribution des marchés ou de la limitation de la production; l'abus d'une position dominante dans un marché.

Nous avons également la responsabilité d'examiner les fusions proposées dans le but de déterminer si celles-ci sont susceptibles d'empêcher ou de diminuer sensiblement à la concurrence.

[Traduction]

La décision du bureau consistant à mettre l'accent sur l'application raisonnée de la loi a été en quelque sorte validée par des changements importants récemment apportés à la Loi sur la concurrence et au régime de la concurrence du Canada. Ces changements sont le résultat de modifications adoptées par le Parlement en mars 2009 et il s'agit des changements les plus importants apportés à la loi en 20 ans. Ils ont modernisé le régime de la concurrence du Canada et l'ont rapproché des régimes de ses principaux partenaires commerciaux.

Les modifications visent notamment à créer un mécanisme plus efficace de poursuite criminelle des formes les plus abusives de cartel, comme la fixation de prix et l'attribution de marchés, tout en instaurant une nouvelle procédure d'examen civil pour d'autres formes d'accords entre concurrents qui peuvent nuire à la concurrence; mettre en place un mécanisme d'examen des fusions à deux étapes permettant un examen des fusions plus efficace et efficient; augmenter les sanctions applicables aux pratiques commerciales trompeuses et donner expressément aux tribunaux le pouvoir d'ordonner le dédommagement des victimes d'indications fausses ou trompeuses; permettre au Tribunal de la concurrence du Canada d'imposer des sanctions administratives pécuniaires aux entreprises qui ont abusé de leur position dominante sur le marché.

Ces modifications ont renforcé la Loi sur la concurrence et elles ont joué un rôle clé dans le nombre record d'enquêtes auxquelles participe le bureau. Le bureau préfère toujours et de loin, les règlements consensuels, mais si les parties refusent des mesures correctives efficaces, il n'hésitera pas à faire imposer ses mesures correctives par des tribunaux, notamment le Tribunal de la concurrence.

Un exemple récent dont vous avez peut-être entendu parler est la demande déposée au tribunal par la commissaire, en décembre 2010, visant l'abolition des règles contraignantes et anticoncurrentielles imposées par Visa et MasterCard aux commerçants qui acceptent leurs cartes de crédit. Ces contraintes font augmenter les prix pour tous les consommateurs, qu'ils paient en espèces, par chèque, par carte de débit ou par carte de crédit, car les commerçants leur refilent une partie de la totalité des frais élevés qu'ils sont tenus de payer en vertu des règles anticoncurrentielles de Visa et MasterCard. Une audience sur cette affaire doit avoir lieu au début du mois de mai.

Le bureau a aussi contesté les règles contraignantes en vigueur dans l'industrie immobilière qui nuisent à la concurrence et qui pénalisent en bout de ligne les consommateurs. Par exemple, le bureau a conclu une entente avec l'Association canadienne de l'immeuble l'an dernier qui répond entièrement à ses préoccupations et qui a des effets encourageants sur le marché des services immobiliers.

En mai, le bureau a présenté une demande au tribunal visant à faire abolir les restrictions imposées par le Toronto Real Estate Board aux agents immobiliers. Ces restrictions concernent le mode de communication des renseignements immobiliers aux clients. Elles privent les consommateurs de choix et privent les agents de la capacité de fournir des services de courtage immobilier novateur par Internet. L'audience concernant cette affaire doit débuter en septembre.

[Français]

De plus, en novembre 2010, le bureau a intenté une procédure judiciaire contre Rogers devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario. Selon les conclusions du bureau, Rogers donnait des indications trompeuses au sujet des appels interrompus dans le cadre d'une campagne de publicité pour les téléphones de la marque Chatr. Le bureau a aussi conclu que les indications ne sont pas fondées sur des épreuves suffisantes et appropriées. Le bureau demande à la cour d'ordonner à Rogers de mettre immédiatement fin à sa campagne publicitaire et de s'abstenir de mener des campagnes semblables pendant dix ans; de payer une sanction administrative pécuniaire de 10 millions de dollars; de verser un dédommagement aux consommateurs concernés; et de publier un avis correctif afin de renseigner le grand public sur la nature et les dispositions de l'ordonnance rendue à son égard.

Il convient de noter que l'affaire continue d'être examinée en justice, mais que Rogers a mis fin à sa campagne un mois après le dépôt de notre plainte.

Le bureau cherche aussi à bloquer un projet de coentreprise entre Air Canada et United Continental. Si elle est autorisée, cette coentreprise nuira à la concurrence et provoquera une augmentation des tarifs et une réduction du choix offert aux consommateurs sur ces grandes liaisons transfrontalières, qui ont une importance cruciale pour les consommateurs et les voyageurs d'affaires.

En juin, nous avons annoncé que Bell Canada avait accepté de cesser de donner des indications trompeuses à l'égard du prix de ses services pour la téléphonie résidentielle, Internet, la télévision par satellite et le sans fil. Nous avons constaté que les prix annoncés n'étaient pas réellement disponibles, car des frais supplémentaires obligatoires étaient cachés des consommateurs dans des clauses présentées en petits caractères. Aux termes de ce règlement, Bell a accepté de payer une sanction administrative pécuniaire de 10 millions de dollars, soit le montant maximal prévu par la Loi sur la concurrence.

[Traduction]

Enfin, nous avons récemment demandé des remboursements pour les consommateurs victimes d'indications fausses ou trompeuses dans le cadre d'un consentement obtenu auprès du fabricant des crèmes Nivea. Conformément à ce consentement, le produit en question a été immédiatement retiré des rayons au Canada, et le prix du produit ainsi que les frais d'expédition ont été remboursés aux consommateurs. Comme vous pouvez le constater, si le bureau estime qu'il y a eu infraction à la loi, il n'hésitera pas à prendre des mesures pour encourager la concurrence au profit des consommateurs canadiens.

Cela m'amène à la question que le comité examine actuellement. Même si plusieurs facteurs peuvent entraîner une différence de prix entre le Canada et les États-Unis pour un produit donné, il est important de comprendre que le bureau n'est pas un organisme de réglementation des prix. Nous ne déterminons pas ce qui constitue un prix équitable pour un produit ou un service.

Au Canada, les entreprises sont généralement libres de fixer leurs propres prix, en fonction de la capacité du marché. Le fait que le prix de tel ou tel produit ou service soit élevé ne tombe pas dans le champ d'application de la loi, sauf si le prix en question résulte d'une pratique anticoncurrentielle. Si un prix élevé résulte d'une pratique anticoncurrentielle, comme la fixation de prix ou l'abus d'une position dominante, nous n'hésiterons pas à faire enquête et à prendre les mesures qui s'imposent.

L'application raisonnée et ciblée de la loi par le bureau vise à garantir que le marché canadien demeure concurrentiel. Les récentes modifications apportées à la loi par le gouvernement ont beaucoup aidé le bureau à contester en justice les pratiques anticoncurrentielles, comme en témoignent les affaires que le bureau a portées devant les tribunaux depuis l'adoption des modifications. Je vous assure que le bureau ne ménage pas ses efforts pour que les Canadiens profitent pleinement des avantages offerts par des prix, des services et des choix de produits concurrentiels.

En conclusion, le Parlement a confié un rôle très précis au bureau, soit d'engager des mesures d'application raisonnées à l'égard des personnes et des entreprises qui se livrent à un comportement non concurrentiel. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous sommes un organisme d'application de la loi. Nous estimons que nous avons les instruments d'enquête nécessaires pour lutter contre tout comportement anticoncurrentiel dans n'importe quel secteur de l'économie canadienne, notamment depuis l'entrée en vigueur des modifications de 2009. Nous estimons que l'application cohérente et ciblée de la loi est le moyen le plus efficace dont nous disposons pour aider l'économie, et ce, tant pour les consommateurs que pour les entreprises. Nous ne cesserons pas de demander des comptes aux entreprises qui adoptent des pratiques anticoncurrentielles contraires à la loi afin que les entreprises et les consommateurs canadiens continuent de prospérer dans un marché concurrentiel et innovateur. Je répondrai maintenant volontiers à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Bilodeau. Je pose toujours cette question aux témoins, alors quel est le budget total du bureau, et combien d'employés compte-t-il?

M. Bilodeau : Je ne connais pas précisément le budget actuel. Nous disposons en général de 45 à 48 millions de dollars. Quant au nombre total d'employés, je l'estimerais à environ 400 en ce moment.

Le président : S'agit-il d'employés à temps plein?

M. Bilodeau : Oui.

Le président : Si l'une ou l'autre de ces réponses s'avère différer grandement de ce que nous avez donné, nous l'indiquerez-vous?

M. Bilodeau : Absolument.

Le président : Nous recevrons le budget pour la prochaine année financière sous peu. Nous le consulterons à cet égard.

Je laisserai d'abord la parole au sénateur Nancy Ruth.

Le sénateur Nancy Ruth : C'est fascinant que d'être consommatrice de la plupart des compagnies sur lesquelles vous faites enquête. Vous avez prononcé un discours intéressant à écouter et à lire. Vous avez piqué ma curiosité lorsque vous avez dit estimer que vous aviez à votre disposition les instruments d'enquête nécessaires pour relever les défis qui se présentent à vous. Quels sont ces outils? Comment les gens vous contactent-ils pour dénoncer des situations? Surveillez-vous les marchés? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Bilodeau : La meilleure façon de répondre à votre question, c'est de passer en revue toutes les étapes de notre travail. Nous sommes mis au courant de pratiques non concurrentielles, sur le plan civil ou criminel, surtout grâce aux plaintes déposées par des particuliers ou des gens d'affaires dans certains secteurs de l'économie qui sont soit victimes de ces pratiques ou qui en sont témoins. Lorsque nous sommes mis au fait de ces allégations, nous commençons par lancer une enquête préliminaire pour essayer de déterminer si la pratique est visée par la loi, c'est-à-dire si la loi entre en ligne de compte. Il arrive souvent que les plaintes portent sur des questions qui ne relèvent pas de notre mandat et qu'il ne nous serait pas approprié d'étudier.

Nos enquêtes préliminaires nous permettent de déterminer l'une de deux choses. On peut déterminer que la loi n'est pas violée, qu'il n'y a pas de pratiques anticoncurrentielles en vertu de la loi. Dans certains cas, si nous déterminons qu'une pratique a pu enfreindre la loi, si nous avons des raisons de croire que la loi a été violée, nous pouvons lancer une enquête en bonne et due forme. Il s'agit d'une étape officielle que peut prendre la commissaire de la concurrence et qui lui donne accès à divers outils d'enquête officiels prévus par la loi. Elle peut alors exiger la production de documents ou de réponses écrites à des questions et citer des témoins à comparaître pour témoigner de vive voix. Pour y arriver, elle doit cependant obtenir l'autorisation d'un tribunal et doit donc avoir une ordonnance d'un tribunal. Dans le cas d'affaires criminelles, elle peut également obtenir l'autorisation d'un tribunal pour perquisitionner chez des entreprises ou des particuliers. En outre, dans des cas extrêmes, dans les cas qui relèvent de l'article 45, ce qu'on appelle les affaires de cartel et certains cas criminels de publicité trompeuse, elle peut, en vertu du Code criminel, demander l'autorisation de mettre sur écoute des lignes téléphoniques.

Une fois que nous avons recueilli toutes les preuves et tous les documents, nous avons parfois recours aux services d'experts, industriels ou économiques, pour nous aider. Nous déterminons ensuite si un problème sur le marché doit être corrigé; le cas échéant, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, et nous essayons d'en arriver à un règlement consensuel. Nous expliquons aux entreprises ce que nous considérons comme des pratiques non concurrentielles qui nuisent à la concurrence et aux consommateurs, et leur demandons de mettre fin à ces pratiques. Si, malheureusement, les entreprises ne sont pas disposées à apporter les correctifs que nous considérons nécessaires à leur pratique, comme nous l'avons déjà fait à maintes reprises — dans les cas de Visa, MasterCard, Rogers et les compagnies aériennes —, nous présenterons l'affaire au Tribunal de la concurrence ou à d'autres tribunaux afin d'obtenir une ordonnance forçant les entreprises à changer leur pratique. Voilà donc le processus habituel, du début à la fin.

Le sénateur Nancy Ruth : Lorsqu'on vous signale un problème, vous vous penchez sur les entreprises concernées, qu'il s'agisse d'un cartel ou autre. Quels sont les critères à respecter pour déterminer si la Loi sur la concurrence a été violée et comment décidez-vous des correctifs appropriés?

M. Bilodeau : Je laisserai la parole à M. Kellison dans un instant, mais sachez que les critères varient selon l'article de loi qui nous intéresse. Dans le cas d'un cartel, par exemple, il suffirait de démontrer l'existence d'une entente entre concurrents en vue de la fixation des prix ou de l'attribution des marchés. Si on peut le prouver, alors c'est qu'ils ont contrevenu à la loi.

Le sénateur Nancy Ruth : Il faut savoir fouiner pour trouver des documents qui le prouvent, et ne pas seulement se fier à des ouï-dire.

M. Bilodeau : Exactement.

Le sénateur Nancy Ruth : Quel pouvoir vous permet de le faire?

M. Bilodeau : Comme je l'ai dit, on pourrait fouiller des entreprises pour obtenir leurs registres. C'est particulièrement important dans le cas de cartels. Comme vous vous en doutez, ceux-ci n'opèrent pas au vu et au su de tous. Leurs opérations sont clandestines et nous devons avoir recours à certains outils, comme des mandats de perquisition, et parfois des dispositifs d'écoute clandestine, pour obtenir ces renseignements.

Nous avons également ce qu'on appelle un programme d'immunité. Si une entreprise est impliquée dans une activité criminelle, comme un cartel, elle peut nous le divulguer, nous dire ce qu'elle a fait et avec qui, et ainsi recevoir en échange l'immunité en cas de poursuite. Cela se fait dans le contexte d'affaires criminelles, et M. Kellison pourra vous parler davantage du contexte civil — là où nous travaillons tous les deux —, pour vous expliquer comment nous arrivons à ces conclusions.

Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce que l'un d'entre vous s'occupe des affaires civiles et l'autre, criminelles?

M. Bilodeau : Nous sommes tous les deux en droit civil.

Matthew Kellison, sous-commissaire adjoint intérimaire — Direction générale des affaires civiles, Division A, Bureau de la concurrence : La loi comprend certaines dispositions criminelles qui portent sur les cartels, la fixation des prix — comme M. Bilodeau l'a signalé —, le trucage d'offres et certaines autres pratiques commerciales trompeuses. Cependant, la plupart des autres dispositions de la loi sont d'ordre civil, ce qui veut dire que plutôt que d'avoir une norme de preuve hors de tout doute raisonnable, c'est selon la prépondérance des probabilités, si nous choisissons de porter l'affaire devant les tribunaux. Lorsqu'il s'agit d'une disposition civile, il y a en général des critères à respecter en matière de concurrence. L'une des dispositions civiles porte sur le refus de fournir un produit si, pour une raison quelconque, vous refusez une vente à un client ou, dans certains cas, un concurrent. Une autre disposition porte sur les ententes exclusives, et une autre encore sur, de façon générale, l'abus d'une position dominante, qui regroupe toutes sortes de choses.

Dans la série des modifications de 2009 figurait une nouvelle disposition visant la collaboration entre concurrents. Auparavant, chaque fois que deux concurrents tombaient d'accord pour faire quelque chose, ils étaient assujettis à des sanctions criminelles en vertu de l'article 45, ce qui, selon la nature de l'entente, pouvait aller bien trop loin. Dans de nombreux cas, il pourrait y avoir d'excellentes raisons expliquant pourquoi des concurrents veulent collaborer — par exemple, pour faire de la recherche et du développement —, sans qu'il n'y ait de rapport avec la fixation des prix.

Dans tous les cas, le critère de la concurrence doit être respecté. Ainsi, nous devons prouver, non seulement que la pratique a eu lieu, mais également qu'elle a influé sur la concurrence et mené, par exemple, à des prix plus élevés, une réduction du choix pour le consommateur, une baisse de l'innovation sur le marché, une moindre qualité des produits ou un accès plus difficile au marché pour les nouveaux concurrents. Voilà ce que nous devons évaluer lorsque nous déterminons si une pratique à des effets néfastes sur la concurrence.

Le sénateur Nancy Ruth : De ces 400 personnes à votre emploi, certaines sont conseillères juridiques, en droit criminel ou civil, mais d'autres sont enquêteurs. Avez-vous recours au service d'experts-conseils si, par exemple, il est question d'entreprise en technologie de l'information? Je ne saurais absolument pas si certaines pratiques avaient un effet néfaste sur le marché ou l'élaboration de produits à l'avenir parce que je ne suis pas spécialiste. Comment obtenez- vous cette expertise?

M. Bilodeau : Nous avons un certain nombre d'enquêteurs répartis au sein du bureau. Monsieur Kellison et moi-même travaillons pour la Direction générale des affaires civiles. Nous avons des collègues qui s'occupent exclusivement de publicité trompeuse et qui travaillent dans l'organisme que nous appelons la Direction générale des pratiques loyales des affaires. Un autre groupe s'occupe d'examiner les fusions. Nous développons donc notre propre expertise. Nous nous chargeons nous-mêmes de l'étape initiale de l'enquête, et nous partons de rien. Lorsque nous nous penchons sur une industrie soupçonnée d'avoir des pratiques non concurrentielles, nous partons de zéro, à moins que nous ayons déjà de l'expérience dans cette industrie. Nous discutons avec les intervenants et recueillons donc des renseignements des fournisseurs, des clients, des concurrents et des autorités de réglementation, selon le type de marché. Lorsque c'est terminé, nous retournons au bureau pour colliger tous ces renseignements et déterminer s'il y a eu violation de la loi. Il arrive souvent, lorsque la situation est complexe et grave, que nous ayons besoin de l'aide d'experts externes, spécialisés dans l'industrie ou en économie. La loi est du domaine juridique, certes, mais elle comprend une forte composante économique. Il nous faut souvent l'aide d'experts en économie pour nous aider à comprendre la dynamique du marché. C'est un peu ce sur quoi repose la composition du bureau : nous avons du soutien administratif et une direction générale qui nous aide du côté économique.

Le sénateur Nancy Ruth : Voici ma dernière question : dans le cadre de notre étude, on nous a dit que des problèmes de concurrence se posent dans les circuits de distribution de biens américains au Canada de même qu'au niveau de la vente au détail. Dit ainsi, est-ce que cela vous interpelle?

M. Kellison : Je pense qu'il serait opportun de préciser ce que nous faisons et ce que nous ne faisons pas. Notre mandat consiste essentiellement à veiller à ce que les entreprises et les consommateurs prospèrent dans un marché concurrentiel et innovateur. Voilà notre énoncé de mission. Nous l'accomplissons en appliquant la Loi sur la concurrence. Bien que nous ne pouvons pas réglementer directement les prix et dire d'une entreprise que ses prix sont trop élevés ou d'un marché qu'il est trop concentré et qu'on doit y remédier, nous pouvons déterminer s'il s'agit là de résultat de certaines pratiques non concurrentielles comme celles dont nous vous avons déjà parlé, soit la fixation des prix, l'abus d'une position dominante, l'exclusivité ou les ventes liées. Nous chercherions alors à savoir si les prix sur le marché sont le résultat de cette pratique non concurrentielle et si la concurrence a diminué considérablement en raison de celle-ci. Si notre enquête montre que c'est le cas, nous pouvons porter l'affaire devant le Tribunal de la concurrence, puisqu'il s'agit là de la cour le plus souvent amenée à se prononcer à l'égard des dispositions civiles de la loi et demanderions un recours. Cela peut être aussi simple qu'une ordonnance interdisant la pratique. En fait, il peut s'agir de n'importe quelle ordonnance jugée nécessaire pour renverser les effets de ces pratiques, ce qui pourrait même comprendre le dessaisissement d'éléments d'actifs ou d'actions. Grâce aux modifications de 2009, nous pouvons également réclamer des sanctions administratives pécuniaires pour abus de position dominante ce qui était important pour donner du mordant à la loi. Par le passé, si vous abusiez de votre position dominante, par exemple, nous pouvions obtenir une ordonnance interdisant cette pratique, mais vous auriez pu conserver l'argent gagné en contrevenant la loi. Nous considérons que les sanctions administratives pécuniaires ont un effet dissuasif. Il est à noter que ces sanctions ne sont pas négligeables. Lorsqu'il s'agit de la première ordonnance émise par le tribunal, le montant peut s'élever à 10 millions de dollars, et dans le cas des ordonnances suivantes s'appliquant à la même entreprise, le montant peut s'élever à 15 millions de dollars.

Le sénateur Nancy Ruth : Il me semble que si Bell pouvait trouver 10 millions de dollars aussi rapidement que vous avez laissé entendre dans votre discours, c'est qu'elle engrange des profits suffisants pour que cette sanction n'ait que peu de conséquence. Y a-t-il des secteurs de l'industrie ou des types de produits que vous surveillez de plus près?

M. Kellison : Je dois dire que de façon générale, nous n'examinons pas des pans entiers de l'économie. Par exemple, nous n'étudierions pas le secteur de la vente au détail dans son ensemble pour savoir ce qui s'y passe. Lorsque nous enquêtons suite au dépôt d'allégation de pratique non-concurrentielle, c'est en général dans un marché bien précis, et non pas le secteur de la vente au détail dans son ensemble, justement, mais plutôt une sous-catégorie de celui-ci. Notre enquête portera peut-être sur un produit particulier, ou sur une région précise, plutôt que sur l'ensemble du pays. Dans le cas d'un marché bien précis, si on nous présente une allégation de pratique non-concurrentielle, nous ferons enquête. Si nous considérons que les pratiques sont allées à l'encontre de la loi, nous avons les outils nécessaires — et la motivation — pour demander à ce qu'un recours soit pris à l'égard de ces pratiques.

Le président : Puis-je vous ajouter à la liste de la deuxième série de questions? Vous avez épuisé votre temps il y a déjà deux questions.

Le sénateur Nancy Ruth : Je sais, mais il n'y a pas de contrôle permanent de l'industrie cellulaire, par exemple.

M. Kellison : Si des allégations de pratique non-concurrentielle sont soulevées dans l'industrie cellulaire, nous enquêterons sur ces allégations, les entreprises concernées et tout le reste.

Quant à savoir si nous surveillons des secteurs entiers de notre propre initiative...

Le président : Passons au sénateur Ringuette, de la province du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Ringuette : Merci, monsieur le président. Il serait négligeant de ma part de ne pas signaler que le Bureau de la concurrence traîne Visa et MasterCard devant le tribunal pour leur abus de position dominante sur le marché. Je croyais que ce serait pour le mois d'avril, mais vous dites maintenant que ce sera pour mois de mai. Pourquoi un retard d'un mois?

M. Bilodeau : Le tribunal a dû repousser la date des audiences de deux semaines, et les faire passer du 23 avril au 8 mai. C'est la seule raison.

Le sénateur Ringuette : Combien de plaintes valides recevez-vous par année? Je sais que vous en recevez plusieurs, mais vous devez tout de même faire enquête. Combien d'enquêtes effectuez-vous?

M. Bilodeau : C'est une question un peu difficile. Nous recevons environ 14 000 plaintes chaque année.

Le sénateur Ringuette : Quatorze mille plaintes.

M. Bilodeau : Comme vous vous en doutez, la majorité de ces cas ne se retrouvent pas devant les tribunaux. Il n'y pas nécessairement un problème à chaque fois.

Je ne sais pas combien de ces 14 000 plaintes mènent à une enquête. Toutefois, je peux vous dire combien de poursuites nous avons intentées, évidemment, tant sur le plan criminel et civil que des pratiques loyales des affaires. Nous pourrons vous transmettre ces données si vous le souhaitez. Les chiffres varient au fil du temps, évidemment, puisque dans certains cas, on obtient un règlement ou un jugement des tribunaux. Il nous arrive de clore un dossier après enquête si nous avons déterminé qu'il n'y avait pas eu de pratique non-concurrentielle ou fixation des prix.

Je ne pourrais vous donner de chiffres aujourd'hui, et j'en suis désolé, mais nous sommes très occupés.

Le sénateur Ringuette : Pour qu'il y ait enquête, vous devez recevoir une plainte valide.

M. Bilodeau : Pas nécessairement. La plupart de nos enquêtes découlent de plaintes. Cependant, il est possible qu'on lise quelque chose dans le journal demain matin, qu'on en parle avec nos collègues au bureau et qu'on décide de se pencher là-dessus. Nous pouvons nous-mêmes lancer des enquêtes si nous croyons qu'il se passe des choses louches sur le marché. Vous avez toutefois raison de dire que la majorité de nos enquêtes découlent de plaintes, lesquelles sont pour la plupart déposées par les victimes qui souffrent de cette pratique.

Le sénateur Ringuette : C'est un peu malheureux, mais comment pourriez-vous faire autrement, puisque votre mandat n'est pas proactif pour ce qui est d'examiner les activités sur Internet en matière de publicité trompeuse et de pratiques commerciales frauduleuses; du moins je le suppose. Avez-vous un groupe ou quelques personnes qui sont chargées d'examiner la publicité sur les canaux de vente télévisés, par exemple?

M. Kellison : Nous examinons les ventes en ligne; et vous avez parlé de la télévision. Nous examinons cela également, de même que toutes les ventes, les canaux de distribution ou méthodes de vente au détail ou de publicité, si nous estimons qu'il existe un motif d'en faire un examen aux termes de la loi. Notre Direction générale des pratiques loyales des affaires fait la chasse aux pratiques commerciales frauduleuses et aux indications trompeuses des transactions en ligne, ainsi qu'aux pourriels. Nous collaborons avec un certain nombre de partenaires internationaux dans la prévention des fraudes. Très souvent, il arrive que les fraudes ne se limitent pas au Canada et soient de nature internationale. C'est peut-être le cas d'une entreprise américaine qui frauderait des consommateurs canadiens. Mais je puis vous assurer que nous sommes très intéressés par les pratiques commerciales frauduleuses et la publicité trompeuse, et nous accordons tout autant d'importance aux services et aux marchés en ligne qu'aux magasins de brique et de mortier.

Le sénateur Ringuette : En ce qui a trait aux pratiques commerciales trompeuses en ligne, avez-vous constaté que la publicité trompeuse causait de grands écarts dans les prix?

M. Kellison : Si j'ai bien compris, votre question est de savoir si la publicité trompeuse peut entraîner un écart dans les prix?

Le sénateur Ringuette : Oui.

M. Kellison : Si c'était le cas, nous essaierions de régler le problème en appliquant la Loi sur la concurrence. La publicité trompeuse peut nuire à la concurrence car elle offre aux consommateurs des indications trompeuses qui peuvent les empêcher de faire des choix informés sur les produits qu'ils achètent.

Le sénateur Ringuette : Ce que je veux savoir, c'est si à un moment donné, dans votre mandat, vous avez découvert que certains écarts de prix entre le Canada et les États-Unis étaient dus à de la publicité trompeuse ou à des pratiques commerciales frauduleuses?

M. Kellison : Quand nous examinons des cas de publicité trompeuse, il est à notre avantage de démontrer qu'elle cause un écart de prix; mais il n'est pas toujours nécessaire que ce soit le cas. Par exemple, dans une récente affaire mettant en cause Rogers, le gouvernement a pris des mesures pour permettre l'arrivée de nouvelles entreprises dans le marché de la téléphonie cellulaire, mais les nouveaux entrants étaient en butte à ce que nous estimions être une campagne de publicité trompeuse menée par Rogers. Rogers déclarait qu'il y avait moins d'appels interrompus dans son service sans fil Chatr, qui avait été créé pour concurrencer dans ce segment du marché, que chez les nouveaux entrants, et que les consommateurs qui choisissaient Chatr au lieu du nouvel entrant n'avaient pas à s'inquiéter que leurs appels soient interrompus. Dans cette affaire, nous étions d'avis qu'il s'agissait d'indications trompeuses, compte tenu des données que nous avons examinées. Ces données indiquaient que les indications étaient fausses. En outre, nous avons jugé que Rogers n'avait pas suffisamment vérifié ces indications. De telles affaires sont importantes puisqu'une entreprise pourrait, par exemple, utiliser des indications trompeuses pour empêcher les nouveaux entrants de trouver des clients. Cela peut avoir un effet sur les prix dans la mesure où l'entreprise nuit à la compétitivité de ses concurrents, ce qui lui permet de conserver des tarifs élevés. Si nous devions examiner un écart de prix résultant d'une telle conduite, nous examinerions certainement si cette pratique nuit à la concurrence.

Le sénateur Ringuette : Quelle est la peine maximale? Vous avez parlé d'une peine de 10 millions de dollars imposée à Rogers et, je crois, une peine du même montant imposée à Bell. Quelle est la peine maximale que vous ou le tribunal pouvez imposer?

M. Kellison : Cela dépend si la peine est imposée en application des dispositions civiles ou criminelles de la loi. Aux termes des dispositions civiles, les sanctions administratives pécuniaires qu'un tribunal peut imposer dans un cas d'abus de position dominante sont de 10 millions de dollars pour une première infraction et peuvent atteindre 15 millions de dollars dans le cas d'une ordonnance subséquente rendue contre la même entreprise. Je crois que ces peines sont les mêmes dans les cas de publicité trompeuse, dans le contexte des dispositions civiles. Les amendes sont toutefois plus élevées dans le cas d'infractions criminelles de fixation des prix, de trucage d'offres et de pratiques commerciales frauduleuses. Les modifications apportées en 2009 à l'article 45, la disposition sur les cartels, permet d'imposer une amende pouvant atteindre 25 millions de dollars dans les cas d'activités de cartels, et une telle infraction est également passible d'une peine d'emprisonnement.

M. Bilodeau : J'ajouterai que dans le cas de la publicité trompeuse, qui est visée à l'article 74.01 de la Loi sur la concurrence, le Tribunal de la concurrence ou un autre tribunal peut ordonner la restitution aux consommateurs qui ont été victimes de l'infraction. Cette mesure s'applique depuis l'adoption des modifications de 2009.

Le sénateur Ringuette : Dans le cas des pratiques abusives en vue de dominer le marché, le tribunal peut-il demander que les consommateurs soient indemnisés ou peut-il imposer seulement une peine maximale de 10 millions de dollars?

M. Bilodeau : Non. Il ne peut imposer qu'une sanction pécuniaire.

M. Kellison : Cela serait en sus de toute autre ordonnance rendue par le tribunal pour empêcher la conduite reprochée ou pour exiger que l'entreprise dominante prenne des mesures pour corriger les effets de l'infraction.

Le président : J'ai besoin d'une précision quant à votre description des dispositions criminelles et civiles. D'après ce que je sais, dans une affaire civile, une partie en poursuit une autre, alors que dans une affaire pénale, c'est la Reine qui poursuit une partie ou un groupe de personnes. Quand vous parlez d'affaires civiles, vous utilisez souvent le terme « administratif ». Parlez-vous d'une procédure administrative par opposition à une procédure pénale ou civile? Vous aurais-je mal compris?

M. Bilodeau : Dans le cas des affaires pénales, vous avez raison : le directeur des poursuites pénales dépose des accusations contre les entreprises qui ont violé la loi. Dans les affaires civiles, c'est le commissaire du Bureau de la concurrence qui est le demandeur contre les parties; par exemple, le commissaire contre Visa et MasterCard. Quand nous parlons de sanctions administratives pécuniaires, il s'agit de sanctions qui visent à décourager la récidive. Les sanctions pécuniaires sont imposées dans les affaires civiles, mais pas dans les affaires pénales aux termes de la Loi sur la concurrence. Dans les affaires pénales, on parle simplement d'amendes.

Le président : Je comprends la différence dans le fardeau de la preuve; merci de la précision.

Le sénateur Marshall : Ma question est un peu dans le même ordre d'idée.

Quelle est la différence entre la Division A et la Division B de la direction générale? Quelles sont les autres directions générales? J'aimerais une brève explication. Je suppose que nous avons demandé à quelqu'un de votre organisation de comparaître; compte tenu de ce que nous étudions, pourquoi est-ce vous qui a été choisi pour comparaître devant nous ce soir?

M. Bilodeau : Le bureau est divisé surtout pour des raisons d'administration. Nous avons d'une part des services juridiques chargés des affaires civiles, et d'autre part, des services juridiques chargés des affaires pénales. Ce sont des services distincts. Notre Direction générale des affaires civiles veille à l'application des dispositions civiles de la loi, dans tout ce qui a trait à l'abus de position dominante, au maintien des prix et aux ententes qui ne sont pas de nature pénale entre des concurrents. La Direction générale des affaires criminelles s'occupe des infractions plus lourdes de cartels et de trucages d'offres. Ce sont les deux principales activités de ces directions.

Le sénateur Marshall : Avez-vous une Direction générale des affaires criminelles A et une Direction générale des affaires criminelles B?

M. Bilodeau : Ces divisions sont en fait des divisions administratives au sein de la direction générale. Notre direction générale compte environ 40 personnes et, pour nous faciliter la tâche, tout est divisé en deux, et nous avons des divisions qui relèvent de nous. Il en va de même dans la Direction générale des fusions, qui compte trois divisions, et de la Direction générale des pratiques loyales des affaires. Il s'agit principalement de divisions administratives.

Le sénateur Marshall : Pourquoi avez-vous été choisis, vous deux, pour venir témoigner ce soir, plutôt que quelqu'un d'autre de la Direction générale des affaires criminelles?

M. Bilodeau : Bon nombre des questions qui sont ressorties des différents témoignages portaient sur des questions relevant de la Direction générales des affaires civiles, par exemple, l'entrave à l'accès, qui constitue un comportement anticoncurrentiel. Nous croyons savoir que plusieurs témoins ont parlé des cartes de crédit, et c'est un sujet qui relève de la Direction générale des affaires civiles. Le choix correspondait mieux aux différentes questions qui ont été soulevées.

Le sénateur Marshall : Vous avez dit plus tôt recevoir quelque 14 000 plaintes par année. Nous nous sommes aussi demandés si vous agissez de façon proactive ou simplement après le fait, ou les deux. Comme mesures proactives, et j'ai l'impression que vous parcourez les sites Internet et que vous consultez la chaîne de téléachat. Est-ce exact? Votre travail consiste-t-il surtout à réagir aux plaintes ou agissez-vous aussi de façon proactive?

M. Bilodeau : Nous n'agissons pas de façon proactive comme telle. Nous réagissons surtout aux problèmes qui sont recensés sur le marché, et qu'il s'agisse de commerçants attirant notre attention sur les frais de carte de crédit ou d'agents immobiliers qui se plaignent de certaines règles. Nous agissons généralement en réaction aux plaintes qui nous sont présentées. Mais nous pouvons aussi être proactifs. Comme je l'ai dit, si quelque chose attire notre attention dans le journal ou dans un document ou rapport qui nous est transmis, même s'il n'y a pas eu de plaintes, nous pouvons examiner la question.

Le sénateur Marshall : Diriez-vous que 95 p. 100 de votre travail découle des 14 000 plaintes que vous recevez chaque année?

M. Bilodeau : Je ne sais pas si ça représente 95 p. 100 de notre charge de travail, mais le gros de notre travail est en effet de répondre aux plaintes et d'enquêter sur ces plaintes.

Le sénateur Marshall : Quelle part de votre travail est du domaine public? Je suppose que le détail de vos enquêtes est rendu public, mais est-ce bien le cas? Ne rendez-vous public que les cas où vous avez eu gain de cause? J'aimerais savoir où aller si je veux jeter un coup d'oeil aux cas dont vous vous êtes occupé. Où doit-on aller? Tout n'est pas là. Qu'est-ce qui est public?

M. Bilodeau : Un élément important de la Loi sur la concurrence, est l'article 29, qui exige que nos enquêtes soient menées en privé et que les informations que nous recueillons dans le cadre de nos enquêtes restent confidentielles. Nous nous assurons ainsi que les gens n'hésitent pas à nous signaler l'existence d'un cartel ou d'une entreprise qui abuse de sa position dominante. C'est une façon de protéger le processus, de protéger ceux qui nous donnent des informations, notamment contre d'éventuelles représailles.

Le fait que nous enquêtons n'est habituellement pas connu du public. Il arrive qu'un plaignant fasse savoir qu'il nous a présenté une plainte, mais ce n'est pas nous qui le révélons. Nos enquêtes deviennent publiques, par exemple, si nous déposons des accusations au Tribunal de la concurrence. Quand nous avons déposé des accusations dans le dossier de la fixation des prix de l'essence au Québec, c'est à ce moment que l'affaire a été rendue publique. Les décisions qui sont prises dans ces causes par le tribunal ou d'autres cours de justice, que nous ayons gain de cause ou non, sont bien sûr rendues publiques. C'est la nature du processus.

Le sénateur Marshall : Ces décisions sont-elles affichées sur votre site web ou simplement rendues publiques dans les médias?

M. Bilodeau : Cela dépend. Les décisions rendues par le Tribunal de la concurrence sont affichées sur le site web du tribunal. Le tribunal est un organe indépendant qui n'a aucun lien avec le Bureau de la concurrence; il est constitué de juges de la Cour fédérale. Il en va de même pour les décisions judiciaires. Si la Cour supérieure de l'Ontario rend une décision, je présume qu'elle sera affichée sur le site web de cette cour.

On trouve beaucoup d'informations sur le site web du Tribunal de la concurrence, mais peu de faits précis sur les affaires faisant l'objet d'enquête, car elles sont protégées par la procédure judiciaire. Cependant, la majorité des audiences sont publiques.

Le sénateur Marshall : Comme vous le savez, nous examinons les raisons qui pourraient expliquer les écarts de prix entre le Canada et les États-Unis. Comment pouvons-nous savoir si vous avez fait des recherches dans ce domaine? Devons-nous nous adresser à vous ou tout simplement consulter votre site web?

M. Kellison : Vous trouverez beaucoup d'information sur notre site web. Il y a aussi les décisions du Tribunal de la concurrence sur le site web du tribunal. Nous pouvons aussi vous fournir des documents d'information expliquant comment nous appliquons la loi, comment nous interprétons les dispositions de la loi et comment nous suivons les activités du marché. Et bien sûr, nous faisons des annonces et produisons des communiqués de presse quand nous déposons des accusations et quand nous avons gain de cause.

En ce qui a trait aux enquêtes, disons que nous enquêtons sur des allégations de comportement anticoncurrentiel dans un marché particulier et que, pour une raison quelconque, l'enquête est infructueuse. Il se peut que l'allégation soit sans fondement ou qu'elle se serait avérée dans le passé mais que, les circonstances ayant changé, ce qui arrive régulièrement, elle est maintenant sans fondement et rien ne justifie que nous allions plus loin.

Dans ces cas-là, comme l'a dit M. Bilodeau, nous menons nos enquêtes en toute confidentialité et nous n'en donnons pas les détails sur notre site web. Cela s'explique notamment par le fait que nous recevons 14 000 plaintes par année au sujet de toutes sortes d'entreprises. Faire l'objet d'une enquête du Bureau de la concurrence peut nuire à la réputation de ces entreprises, et nous prenons cela très au sérieux. Dès que nous recevons une plainte contre l'entreprise X, nous ne l'annonçons pas car nous ne savons pas si la plainte est justifiée.

Au sujet des fusions, par exemple, nous avons rendu publics des énoncés de position décrivant ce sur quoi nous nous sommes penchés et les motifs de nos décisions. Nous tenons à être le plus transparents possible dans les limites de la confidentialité que nous impose la loi.

Le sénateur Marshall : Avez-vous fait des recherches sur le sujet de notre présente étude?

M. Bilodeau : Les écarts de prix ne sont pas nécessairement un sujet qui nous intéresse à prime abord. Il se peut que dans le cadre de nos enquêtes sur des comportements anticoncurrentiels, nous ayons remarqué un écart dans les prix. Selon l'enquête qui est menée dans chaque affaire, nous déterminerons peut-être si le comportement anticoncurrentiel est à la source de l'écart de prix, mais pas nécessairement.

M. Kellison vous a expliqué comment nous déterminons si un comportement donné a réduit considérablement la concurrence. Quand nous examinons un comportement éventuellement anticoncurrentiel, nous faisons une évaluation relative de la baisse de la concurrence. Il ne s'agit pas simplement de déterminer que les prix au Canada sont supérieurs à ceux des États-Unis, mais plutôt de savoir si les prix y sont plus élevés en raison de pratiques anticoncurrentielles. Autrement dit, sans cette pratique — une expression que l'on utilise souvent —, le marché serait-il plus concurrentiel?

Nous nous demandons notamment si les prix seraient inférieurs, si les consommateurs auraient davantage de choix au Canada, si l'innovation et la qualité s'en trouveraient améliorées. Il est évident que nous examinons d'abord et avant tout le prix. Compte tenu des calculs économiques que nous faisons, le prix est le premier élément que nous examinons pour déterminer si une pratique anticoncurrentielle ou une entente a eu une incidence.

M. Kellison : C'est exact. Pour faire suite à ce qu'a dit M. Bilodeau, j'ajouterais que nous ne fixons pas le niveau de concurrence sur un marché particulier, nous ne déterminons pas si la concurrence est suffisante ou si les prix sont justes; quand nous enquêtons sur les allégations de comportement anticoncurrentiel, essentiellement, nous nous demandons ce que deviendraient les prix si ce comportement n'avait plus lieu. Voilà pourquoi nous disons que l'évaluation que nous faisons est relative. Nous nous servons des prix pour évaluer plusieurs dimensions de la concurrence, notamment la qualité, le choix, l'innovation, le niveau de service, et cetera. C'est là le genre d'évaluation que nous faisons.

Si nous estimons qu'un comportement anticoncurrentiel a pour effet une hausse des prix, nous, au bureau, pouvons appliquer la loi et prendre des mesures pour éliminer ce comportement. Cela ne signifie pas que nous pourrons éliminer tous les facteurs qui poussent les prix à la hausse. Nous ne pouvons qu'agir conformément aux dispositions de la loi. Je crois savoir que d'autres témoins que vous avez entendus ont abordé les autres facteurs qui peuvent influer sur les prix. La loi qui nous régit prévoit que nous nous concentrions sur les comportements anticoncurrentiels.

Le sénateur Marshall : Produisez-vous un rapport annuel?

M. Kellison : Oui, nous produisons un rapport annuel. Ce rapport est transmis à Industrie Canada, le ministère dont nous relevons. C'est ainsi qu'est produit notre rapport annuel.

Le sénateur Marshall : Que contient votre rapport annuel?

M. Bilodeau : Je précise qu'il s'agit du rapport annuel du Bureau de la concurrence qui est déposé au Parlement chaque année. Il comprend une description de tous les cas dont nous avons été saisis pendant l'année et qui sont de nature publique. Évidemment, comme nous venons de l'indiquer, pour des motifs de confidentialité, tous les cas ne figurent pas dans ce rapport.

Le sénateur Callbeck : J'aimerais revenir à la question de la publicité trompeuse. Disons qu'il y a dans le journal une publicité annonçant une réduction de 500 $ sur le prix d'un article à 1 500 $. Vous recevez une plainte de quelqu'un ayant payé 1 000 $ dont le voisin a aussi payé 1 000 $ pour le même article deux semaines plus tôt. Quand vous allez voir le détaillant, quel document doit-il produire? Doit-il vous montrer la facture prouvant qu'il a vendu le produit à 1 500 $?

M. Kellison : C'est une question intéressante. En ce qui concerne le prix d'achat, nous tentons de déterminer si l'article a déjà été vendu à ce prix, en effet, c'est un des éléments que nous examinons. Essentiellement, nous nous demandons si le détaillant a donné aux consommateurs l'impression que le produit serait disponible au prix affiché, si c'est de cela qu'il s'agit. Si nous enquêtons sur une publicité trompeuse quant au prix, nous devons déterminer si l'article était en effet disponible à ce prix. Nous tentons aussi d'établir si le détaillant a indiqué quand l'article était disponible à ce prix et quand il ne l'était pas. Si, parmi toutes les voitures qui sont en vente, une seule affiche un prix de solde et que la publicité ne l'indiquait pas clairement, il est certain que cela attirera notre attention.

Le sénateur Callbeck : Disons que la publicité dit que le prix régulier est de 1 500 $ et que le prix de solde est de 1 000 $. On affirme accorder une réduction de 500$, alors que l'article en question n'a jamais été vendu à 1 500 $.

M. Kellison : Je comprends. Vous décrivez un cas portant sur le prix de vente régulier. La loi comporte des dispositions sur le prix de vente habituel. Si le détaillant allègue qu'un prix donné est le prix de vente habituel, nous nous assurons que tel est bien le cas en déterminant pendant combien de temps l'article a été disponible à ce prix et si le détaillant l'a, oui ou non, vendu à ce prix. Nous pouvons certainement examiner cela.

Le sénateur Callbeck : C'était ma question, le détaillant doit-il vous montrer une facture prouvant qu'il a véritablement vendu cet article au prix de vente habituel?

M. Kellison : Si vous affirmez que c'est le prix de vente habituel, nous nous demanderons combien de jours pendant l'année l'article a été mis en vente à ce prix. Nous nous demanderons si vous pouvez véritablement affirmer que c'est le prix habituel à partir duquel vous offrez un rabais. Si vous dites que c'est le prix habituel parce que c'est le prix que vous avez exigé une seule journée, alors qu'autrement, vous avez vendu l'article au prix réduit, nous nous demanderons si le prix dont vous dites que c'est le prix régulier peut véritablement être qualifié de prix de vente habituel. C'est là le genre d'évaluation que nous ferions.

M. Bilodeau : J'ajouterai que dans le cadre de toute enquête, quand nous enquêtons sur une entreprise en particulier ou des entreprises, nous leur demandons des documents pour bien comprendre la situation sur le marché, documents qu'elles nous remettent volontairement ou sur présentation d'un subpoena. Dans la situation que vous décrivez, il pourrait s'agir de documents sur les ventes. Dans d'autres cas, il s'agit de contrats conclus avec des fournisseurs. Ce peut aussi être des informations sur les coûts. Cela dépend des allégations qui ont été faites et des faits que nous devons obtenir dans le cadre de l'enquête que nous menons pour étayer ou rejeter les allégations.

Le sénateur Callbeck : J'ai une autre question, cette fois sur l'abus de position dominante sur le marché. Comment définissez-vous « dominante »? On nous dit qu'au Canada, quatre détaillants détiennent 28 p. 100 du marché, alors que, aux États-Unis, les quatre plus grands détaillants détiennent 12 p. 100 du marché.

M. Kellison : Il serait peut-être bon que je vous explique les dispositions de la loi sur l'abus de position dominante, soit l'article 79 de la Loi sur la concurrence. Essentiellement, la loi exige que nous prouvions trois choses pour que le tribunal rende une ordonnance. Nous devons d'abord et avant tout prouver que quelqu'un contrôle sensiblement ou complètement une catégorie ou espèce d'entreprises. Ce sont les termes employés dans la loi, ce qui signifie que quelqu'un domine le marché. Nous devons aussi prouver que cette personne s'est livrée à ce que nous appelons une pratique d'agissements anticoncurrentiels. Enfin, nous devons prouver que cette pratique a eu ou aura vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans un marché, ce qui, comme je l'ai indiqué plus tôt, comprend les effets sur le prix, la qualité du produit, le choix offert aux consommateurs et la possibilité pour les consommateurs de remplacer un produit par un autre.

Vous voulez savoir comment on détermine qu'une entreprise est dominante. Selon l'interprétation du Bureau de la concurrence et des tribunaux, la dominance se fonde sur deux facteurs. Le premier est la part du marché, comme vous l'avez souligné. L'autre, ce sont les obstacles à l'entrée dans ce marché. Ce facteur est important, car quand une entreprise est dominante, elle peut relever le prix et le maintenir à un niveau supérieur à ce qu'il serait dans un marché concurrentiel. C'est possible quand une entreprise détient une part considérable du marché, mais nous devons aussi tenir compte des obstacles à l'entrée dans ce marché. Si vous détenez 90 p. 100 d'un marché mais que vous perdez cette part du marché dès que vous faites monter votre prix, cela pourrait suffire à vous empêcher d'augmenter votre prix. La part du marché fait donc nécessairement partie du pouvoir du marché. Mais ce n'est pas toujours suffisant. Nous devons prouver qu'il y a des obstacles empêchant d'autres entreprises de s'emparer de votre part de marché et vous permettant d'augmenter vos prix. Dans les causes que nous avons portées devant le tribunal dans le passé, les parts de marché étaient très grandes.

Le sénateur Callbeck : Par exemple?

M. Kellison : Dans la plupart des cas, il s'agissait d'une seule entreprise détenant de 80 à 100 p. 100 du marché. Cela dit, cela ne signifie pas que ce soit nécessairement là le seuil. Les tribunaux ont statué qu'une entreprise détenant plus de 50 p. 100 du marché peut être dominante. Nous n'examinons habituellement pas de cas où la part est de moins de 35 p. 100, et nous avons une bonne marge de manoeuvre à cet égard.

M. Bilodeau : Cela dépend du marché et des participants, de la férocité de certains des concurrents et du genre de pratiques anticoncurrentielles auxquelles on se livre. Il n'y a pas vraiment de règle. Nous devons examiner la dynamique du marché. Dans un marché donné, le fait de détenir 40 p. 100 peut être troublant, alors que permettre à une seule entreprise de détenir 60 p. 100 d'un autre marché ne poserait aucun problème, et ce, en raison de la dynamique de chaque marché.

Le sénateur Callbeck : Vous avez déclaré que, depuis que la Loi sur la concurrence a été modifiée, le bureau a joué un rôle clé dans un nombre record d'affaires portées devant les tribunaux. Combien y en a-t-il eu?

M. Bilodeau : La Direction générale des affaires civiles plaide actuellement deux cas, l'affaire Visa-MasterCard et l'affaire Toronto Real Estate Board. L'an dernier, il y a eu l'affaire de l'Association canadienne de l'immeuble que nous avons portée devant les tribunaux et qui a été réglée. À la Direction générale des fusions, nous nous occupons en ce moment de deux causes, la première sur une entreprise de traitement des déchets en Colombie-Britannique dont l'audience est terminée et sur laquelle nous attendons la décision du tribunal. Il y a aussi une procédure judiciaire concernant la fusion d'Air Canada et de United Continental. En matière de pratiques loyales des affaires, la principale cause qui nous occupe est celle de Rogers. Il y a aussi d'autres cas d'importance moindre. Je ne prétends pas les connaître toutes, car ce n'est pas mon domaine. Mais je sais qu'il y a aussi des affaires qui ont été portées devant la cour criminelle. Il y a l'affaire de la détermination du prix de l'essence au Québec, ainsi que des cas dans le secteur de la construction au Québec. Toutes les directions générales du bureau sont très actives. Comme je l'ai dit dans mon allocution d'ouverture, nous nous concentrons sur l'application de la loi. Les modifications apportées en 2009 ont accru notre capacité à intenter des poursuites et à contester les agissements anticoncurrentiels. C'est la meilleure façon pour nous de garantir aux Canadiens des prix concurrentiels. Dans l'affaire Visa/MasterCard, nous nous sommes opposés aux frais imposés par Visa et MasterCard aux marchands de détail. Quand ces frais sont très élevés, ils sont refilés aux consommateurs. L'inverse est aussi vrai. Si nous avons gain de cause et que ces frais diminuent, les détaillants pourront baisser leurs prix. Même si, dans ce cas, nous ne défendons pas directement les consommateurs, nous nous attaquons à une pratique dont la disparition profitera aux consommateurs si nous remportons notre cause.

Le président : Il y a encore trois sénateurs qui voudraient participer à la discussion. Je vais leur demander de poser leurs questions à tour de rôle. Puis, si vous pouvez répondre à l'une ou à toutes ces questions dans les trois minutes qui nous restent, ce serait formidable. Sinon, nous vous saurions gré de nous envoyer une réponse par écrit qui sera distribuée à tous les membres du comité.

Le sénateur Peterson : Combien de fois avez-vous enquêté sur les pétrolières et quels ont été les résultats de vos enquêtes?

Le président : Il n'y aura pas de réponses à vos questions pour l'instant, mais elles seront inscrites au compte rendu.

Le sénateur Peterson : Je viens de poser ma question.

Le président : Cela constituait votre question?

Le sénateur Peterson : Je crois qu'elle était assez succincte. J'avais besoin d'une brève réponse.

Le président : Merci beaucoup. Nous avons presque obtenu une réponse à votre question.

Le sénateur Peterson : Il commençait tout juste à répondre.

Le président : J'anticipais cela.

Le sénateur Buth : On constate une concentration substantielle dans le secteur de la vente des livres au détail. Je me demande si vous vous êtes déjà penchés sur ce secteur. De plus, lorsque vous examinez les prix ou les comportements anticoncurrentiels, avez-vous déjà étudié l'incidence du dollar canadien et de son appréciation sur les prix?

Le sénateur Gerstein : J'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Buth. Ce qui nous intéresse, c'est que, au cours des 15 dernières années, le dollar canadien s'est apprécié de 50 p. 100 par rapport au dollar américain. Au paragraphe 8, vous déclarez qu'il y a certes tout un ensemble de facteurs potentiels qui contribuent à la fixation d'un prix, mais votre travail ne consiste pas à décider quel est le prix juste, car vous vous attachez exclusivement à déterminer s'il est le résultat de pratiques anticoncurrentielles. En fait, vous êtes en train de nous dire poliment que le sujet de notre étude ne vous concerne pas vraiment?

Le président : Il vous reste environ deux minutes. Voulez-vous essayer de répondre à ces questions maintenant?

Le sénateur Buth : J'aimerais que vous répondiez surtout à celle portant sur l'industrie du livre.

M. Bilodeau : Au sujet de votre dernière question, je ne crois pas que ce soit la position que nous avons avancée. Il faut que vous compreniez notre rôle ou mandat, qui consiste en fait à faire appliquer la Loi sur la concurrence. Si une enquête nous permet de déterminer que des pratiques concurrentielles ont mené à des prix plus élevés, par exemple, plus élevés qu'aux États-Unis, nous pouvons prendre des mesures pour mettre fin à ces pratiques anticoncurrentielles. À cet égard, nous assumons un rôle visant à garantir aux Canadiens des industries exemptes de pratiques anticoncurrentielles.

Le président : Pouvez-vous répondre aux questions du sénateur Buth?

M. Kellison : Au sujet de l'industrie du livre — j'aime bien ce blitz de questions —, j'aimerais répondre malgré le peu de temps dont nous disposons. Nous en avons entendu parler. Nous savons que cette question a été soulevée dans les délibérations du comité, et je crois que vous devriez en parler à nos collègues de Patrimoine canadien, qui, si je ne m'abuse, seront les prochains témoins. Je réitère donc que, si nous constatons, par exemple, un écart de prix sur le marché du livre qui serait le résultat de pratiques anticoncurrentielles, nous chercherons à prendre des mesures. Or, le seul fait que l'industrie du livre soit, aux yeux de certaines personnes, très concentrée ne suffit pas à poser problème au regard de la loi. Certains marchés sont concentrés, et d'autres non. C'est difficile à évaluer. M. Bilodeau a fait allusion à la dynamique des marchés. Il arrive parfois que deux compétiteurs sur un marché se livrent une féroce concurrence, alors que dans d'autres marchés, la dynamique est toute autre malgré la présence de nombreux acteurs. Cela dépend des produits et des pratiques. D'un point de vue global, il est difficile de déterminer la raison pour laquelle un marché plutôt qu'un autre connaîtra une concurrence plus ou moins vive compte tenu des parts de marché. Comme je l'ai dit, notre mandat n'est pas d'effectuer ce type d'évaluation absolue. Nous cherchons plutôt à répondre à la question suivante : « Certaines pratiques mènent-elles à un écart de prix? » Dans l'affirmative, nous prenons des mesures pour y mettre fin.

Le président : Le sénateur Peterson a posé une brève question. Êtes-vous en mesure d'y répondre, monsieur Bilodeau?

M. Bilodeau : Je peux vous dire que nous avons mené six enquêtes majeures sur le prix de l'essence au cours des 15 dernières années. Avant cela, pendant les années 1980 et 1990, il y a eu 13 procès en vertu de l'ancienne disposition du droit criminel sur la fixation des prix. Huit de ces procès ont abouti à des condamnations. À l'heure actuelle, nous avons un certain nombre d'affaires de fixation des prix de l'essence au Québec. Je pense que 29 accusations ont été portées, ou quelque chose de cet ordre. Nous avons pu percevoir environ 3 millions de dollars en amendes. Nous avons obtenu au total 54 mois d'incarcération. Nous avons porté des accusations contre des particuliers et contre des sociétés. C'est un marché que nous avons examiné. De toute évidence, cette question intéresse les Canadiens, et nous l'avons souvent examinée. C'est un marché à l'égard duquel nous avons pris des mesures dans le passé.

Le sénateur Peterson : Lorsque le prix du pétrole augmente, le prix de l'essence augmente immédiatement. Lorsque le prix du pétrole diminue, le prix de l'essence ne suit pas. On nous dit qu'il faut un certain temps pour que le pétrole fasse son chemin dans le système. Mais cela doit être vrai dans les deux cas. Que vous permettiez qu'ils rajustent les prix dans un sens sans exiger qu'ils le fassent dans l'autre, cela me dépasse.

M. Bilodeau : Est-ce que c'est une question?

Le président : Seulement si vous avez une réponse. Notre temps est écoulé. Deux sénateurs ont demandé la parole pour le deuxième tour. Je vais leur demander de poser leurs questions et j'apprécierais que vous nous fournissiez une réponse par écrit.

Le sénateur Ringuette : Notre comité a demandé de déposer son rapport en juin. Je crois que la question de Visa et de MasterCard est un facteur très important dans la différence de prix. Je me demandais ceci : si le tribunal n'entend votre cause contre MasterCard et Visa qu'en mai, quand pensez-vous pouvoir raisonnablement attendre une décision du tribunal, afin que nous puissions l'inclure dans notre rapport?

M. Bilodeau : L'audience est prévue du 8 mai au 21 juin. Nous ne pensons pas que le tribunal rendra sa décision immédiatement; il faudra attendre au moins quelques mois. Par exemple, l'audience sur les fusions s'est terminée au début de décembre et nous n'avons toujours pas de décision.

Le président : Il y a une autre question que nous devrions éclaircir aux fins du compte rendu. On nous a dit que dans certaines industries — certains marchés —, il y a plus de concurrence aux États-Unis, ce qui contribue à des prix plus bas. Il y a moins de concurrence au Canada. On nous a parlé de pourcentage. Tant que le marché canadien ne pratique pas d'activité anticoncurrentielle, vous ne regardez pas ce qui se passe de l'autre côté de la frontière et vous ne vous demandez pas pourquoi le prix est moins élevé aux États-Unis qu'au Canada. Est-ce exact?

M. Kellison : D'une manière très générale, nous ne suivons pas les tendances internationales en matière de prix, mais, comme vous le disiez, si nous déterminons qu'un écart de prix, ou même juste un prix, est influencé par une pratique anticoncurrentielle, peu importe ce qu'est le prix aux États-Unis, nous faisons enquête.

Cela étant dit, comme nous l'avons mentionné, il peut y avoir d'autres facteurs sous-jacents qui contribuent à un écart de prix et qui n'ont rien à voir avec des activités anticoncurrentielles, par exemple, les tarifs douaniers, les taxes, des obstacles réglementaires, ce genre de choses. Cependant, si nous examinons un marché et que nous faisons enquête à la suite d'une allégation de pratique anticoncurrentielle — une pratique précise dans un marché précis —, en général, nous nous informons sur ce qui se passe dans d'autres pays, à la fois pour savoir si la même activité est pratiquée ailleurs et pour voir si elle a cessé et si, par conséquent, les prix ont diminué, ou pour voir s'il y a d'autres leçons pertinentes que nous pouvons en tirer. Comme je le disais, nous faisons cela à l'égard d'une pratique précise.

Le président : Malheureusement, notre temps est écoulé, mais nous savons maintenant clairement pourquoi vous avez été choisis pour venir nous aider. Nous avons eu une discussion très utile. Notre frustration tient au fait que les témoins nous disent qu'il pourrait y avoir un certain nombre de facteurs en jeu. Nous aimerions essayer de réduire le nombre de ces facteurs afin de comprendre ceux qui sont importants selon les industries. C'est la tâche que nous essayons de mener à bien. Lorsque vous serez de retour et que vous parlerez avec vos collègues des divisions A et B ou d'ailleurs, si vous pensez à d'autres renseignements qui pourraient nous aider à répondre à certaines questions, nous vous serions très reconnaissants de nous les faire parvenir. Sentez vous libres de communiquer avec nous en tout temps. Monsieur Bilodeau et monsieur Kellison, merci infiniment d'être venus.

Pour la deuxième partie de notre séance de ce soir, nous sommes heureux d'accueillir des fonctionnaires du ministère du Patrimoine canadien qui vont rapidement prendre place. Hier, nous avons eu une discussion intéressante sur les écarts entre les prix des livres au Canada et aux États-Unis. Nous espérons que les fonctionnaires qui comparaissent ce soir pourront nous aider à mieux comprendre le marché canadien de la vente au détail des livres de manière générale, ainsi que les dispositions législatives qui ont peut-être une incidence sur le prix des livres.

Je suis heureux de vous présenter Mme Helen C. Kennedy, directrice générale associée, Industries culturelles, et Mme Carla Curran, directrice, Politique et programmes de l'édition du livre.

Madame Kennedy, je crois savoir que vous allez faire une déclaration préliminaire après laquelle il y aura une période de questions.

Helen C. Kennedy, directrice générale associée, Industries culturelles, Patrimoine canadien : Merci, monsieur le président. Maintenant que vous avez fait les présentations, très aimables, je vous direz que nous sommes ici ce soir parce que vous nous avez invitées à venir vous présenter des renseignements généraux au sujet du Règlement sur l'importation de livres et de son fonctionnement au Canada. Nous ferons de notre mieux pour répondre à vos questions.

Nous avons distribué un document que vous pourrez garder. Nous espérons que vous trouverez notre exposé utile.

[Français]

Tout d'abord, nous avons pensé qu'il serait utile de situer ce règlement dans le contexte du cadre de la politique du livre au Canada. Nous commençons avec l'objectif général pour les livres du gouvernement, qui est d'offrir aux lecteurs de partout au monde un accès à un grand éventail de livres d'auteurs canadiens.

Le ministère s'occupe de trois importantes mesures. Le Fonds du livre du Canada, qui accorde plus de 30 millions de dollars à l'industrie de l'édition du livre pour appuyer les éditeurs canadiens à produire des livres canadiens. Ce fonds fournit également du soutien pour la promotion, les initiatives numériques et le marketing international.

Par ailleurs, le ministère veille à l'application et la mise en œuvre de la politique du gouvernement sur les investissements étrangers dans l'industrie du livre, appliquée parallèlement avec la Loi sur l'investissement au Canada. Finalement, nous veillons à l'application, avec Industrie Canada, du Règlement sur l'importation de livres de la Loi sur le droit d'auteur, le sujet de la présentation de ce soir.

Ces mesures visent à favoriser la vitalité de l'industrie du livre au Canada car elle joue un rôle afin d'offrir les livres canadiens aux lecteurs. Environ 80 p. 100 des livres d'auteurs canadiens sont publiés par des éditeurs canadiens au Canada.

[Traduction]

L'industrie canadienne du livre est très importante et représente 2 milliards de dollars de revenus. Cela comprend non seulement les éditeurs mais aussi les distributeurs, les grossistes et les détaillants. Cette diapositive montre en gros ce que chaque secteur contribue à ce qu'on a appelé « la chaîne d'approvisionnement » dans l'industrie du livre au Canada.

Vous remarquerez sur la diapositive la définition d'un « distributeur exclusif ». Un distributeur exclusif est un distributeur qui a obtenu d'un éditeur une licence qui l'autorise à être l'unique importateur de ses livres et le seul à fournir ces derniers aux détaillants et aux institutions, comme les bibliothèques, sur un territoire donné. À la fin de l'exposé, vous trouverez une liste de distributeurs exclusifs appartenant à des intérêts étrangers et à des intérêts canadiens. Ces distributeurs fournissent toute une gamme de services à leurs éditeurs clients, y compris la logistique et le traitement des commandes, c'est-à-dire par exemple le transport, la gestion des stocks et des données, l'entreposage, la gestion des comptes clients et la commercialisation au Canada.

Bon nombre des principaux éditeurs appartenant à des intérêts étrangers ont débuté comme distributeurs exclusifs des titres de leurs sociétés mères au Canada et les revenus provenant de la distribution exclusive les ont aidés à financer la création de programmes d'édition canadiens et continuent à les appuyer aujourd'hui. Selon Statistique Canada, les éditeurs appartenant à des intérêts étrangers ont investi plus de 0,75 milliard de dollars dans leurs activités canadiennes en 2008 et génèrent, pendant une année typique, 44 p. 100 de leurs revenus par la vente des livres qu'ils publient au Canada.

Avant de parler des détails du fonctionnement du règlement, nous avons cru qu'il serait utile pour le comité de remettre en contexte la façon dont le règlement a été créé.

[Français]

Il y a plusieurs années, les préoccupations exprimées — principalement par les distributeurs et les éditeurs — ont porté sur une pratique qui était connue sous le nom d'achat parallèle. L'achat parallèle se produisait lorsqu'un détaillant ou un autre acheteur importait des copies sans passer par l'éditeur ou le distributeur exclusif sur un territoire donné.

Cette pratique était préoccupante parce qu'elle compromettait l'investissement du titulaire des droits territoriaux pour un titre et qu'elle se traduisait par une perte de revenus pour l'industrie canadienne.

[Traduction]

Le gouvernement au pouvoir a reconnu que c'était un problème et s'est engagé à prendre des mesures à cet égard. Il a ainsi décidé de modifier la Loi sur le droit d'auteur. Quand le Parlement a modifié la loi en 1997, une des nouvelles dispositions conférait aux distributeurs exclusifs de livres le droit d'utiliser les recours prévus dans la loi en cas d'importation parallèle. Ces recours comprenaient la possibilité d'intenter des poursuites et d'obtenir une ordonnance du tribunal aux fins de la saisie, par les douaniers, de commandes de livres importés illégalement.

[Français]

Deux ans plus tard, le règlement actuel est entré en vigueur à la suite d'un processus de consultation auquel ont participé des intervenants de l'industrie de langue anglaise et française représentant les divers secteurs de l'industrie canadienne.

[Traduction]

La diapositive suivante dresse la liste de certains facteurs pris en considération pour l'élaboration de la réglementation, y compris la proximité du Canada avec les États-Unis qui, bien entendu, facilite l'achat parallèle. Cette page explique aussi pourquoi le problème a tendance à être moins important dans le marché francophone, qui est moins rapproché sur le plan géographique des autres marchés de livres francophones du monde; bien évidemment, les distributeurs sont donc plus loin des fournisseurs étrangers qui leur font compétition.

[Français]

Les préoccupations incluaient également la reconnaissance du fait que les titulaires de droits exclusifs ont investi dans un titre et jouent un rôle dans la commercialisation des livres.

Les intérêts des détaillants et des consommateurs ont également été pris en compte. Par exemple, à ce moment-là, les détaillants étaient préoccupés par le fait que les distributeurs exclusifs ne leur offraient pas des prix appropriés ou compétitifs ou des services adéquats.

[Traduction]

Finalement, on a reconnu les coûts plus élevés associés aux activités commerciales sur le marché relativement petit du Canada, en ce qui a trait au transport, à la main-d'oeuvre, aux taxes et aux économies d'échelle.

Quels sont les avantages du règlement? Cette diapositive tente de résumer le règlement autant que possible et de vous faire comprendre ce qu'il prévoit. Le concept d'équilibre est central — il essaie d'équilibrer les intérêts des différents intervenants dont les actions collectives permettent d'acheminer des livres aux Canadiens.

En gros, si un distributeur exclusif désire se prévaloir des recours dont nous avons parlé plus tôt, il doit respecter certaines dispositions concernant les avis, le service et les prix. Certaines de ces dispositions sont en exposé. Il y a des exemples. Les dispositions diffèrent selon le marché et sont bien détaillées dans le règlement.

Les dispositions concernant les prix sont particulièrement pertinentes et servent essentiellement à imposer aux distributeurs exclusifs un plafond quant au prix de détail d'un livre offert à un détaillant. Tel qu'expliqué dans le règlement, le calcul tient aussi compte du taux de change et de tout rabais applicable. Ces rabais se négocient entre distributeurs et détaillants et se situent habituellement entre 40 et 48 p. 100.

Finalement, j'aimerais vous indiquer que le gouvernement n'intervient pas dans l'application du règlement. Il revient aux distributeurs de se prévaloir des recours auxquels ils ont droit en vertu de la Loi sur le droit d'auteur.

À la page suivante, nous vous donnons un exemple d'établissement de prix de plafond pour les livres importés des États-Unis. Si vous voulez bien être patients, je vais essayer de vous expliquer le tout. Je vous répète qu'il s'agit d'un exemple.

Le PDS, ou prix de détail suggéré, d'un titre aux États-Unis est de, disons, 14,99 $US, prix établi par l'éditeur étranger. En cas de parité avec le dollar canadien, le prix de détail suggéré pour le marché canadien ne devra pas dépasser 16,49 $CAN. Si le distributeur exclusif au Canada offre le livre au détaillant au prix de 16,49 $CAN ou moins, moins les remises applicables, mais que le détaillant décide de se procurer le livre auprès d'un fournisseur concurrent, le distributeur exclusif peut se prévaloir des recours prévus par la loi. Si le distributeur exclusif fixe le prix de détail suggéré à plus de 16,49 $CAN, moins les remises applicables, le détaillant peut importer en toute légalité le livre directement d'un fournisseur étranger, un grossiste américain par exemple.

Il est important de noter que ces dispositions s'appliquent uniquement aux livres importés physiquement par le distributeur exclusif. Elles ne s'appliquent pas aux livres électroniques, aux livres importés par des consommateurs individuels ou aux livres publiés au Canada. En définitive, le détaillant fixe le prix de détail réel pour les consommateurs, lequel peut être influencé par divers facteurs.

En conclusion, je répète que le règlement vise à trouver le juste équilibre en permettant aux distributeurs qui ont négocié des droits exclusifs pour la distribution de livres au Canada d'utiliser les recours prévus par la loi, tout en établissant des normes de service et une limite concernant l'augmentation du prix de détail suggéré par le distributeur pour un livre vendu au Canada.

Le distributeur doit respecter ces exigences s'il veut profiter des dispositions de la Loi sur le droit d'auteur. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est le détaillant qui fixe le prix de détail réel pour les consommateurs en tenant compte de divers facteurs.

[Français]

Je vous remercie pour votre attention. La présentation était un peu technique, mais j'espère que nos informations vous ont apporté satisfaction.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, madame Kennedy. Hier, on nous a parlé du Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition. Pouvez-vous nous en parler brièvement et nous dire où il se situe par rapport aux renseignements que vous nous avez donnés, et par rapport au plan qui a été élaboré pour protéger les maisons d'édition américaines qui ne peuvent contrôler leur marché aux États-Unis?

Mme Kennedy : Vous parlez de ce qu'on appelle présentement le Fonds du livre du Canada.

Le président : Je crois que c'est exact. Je pense que le nom du programme a changé.

Mme Kennedy : On l'a renouvelé, on a changé sa formule et son image et on a annoncé son lancement sous sa nouvelle forme en 2009. Il offre plus de 30 millions de dollars en appui financier au secteur du livre de propriété canadienne. Son financement provient surtout d'une formule conçue pour récompenser les ventes de livres canadiens par les éditeurs canadiens. Le programme offre aussi du soutien pour la commercialisation et la promotion d'initiatives numériques. Comme je l'ai dit plus tôt, il s'agit d'un fonds pour venir en aide au secteur de l'édition canadien.

Le président : J'ai cherché le fonds dans le budget des dépenses pour voir à combien il se chiffrait. Toutefois, je n'ai pu le trouver, et c'est peut-être parce que son nom a changé. Êtes-vous en mesure de nous dire combien d'argent est alloué à ce fonds chaque année?

Carla Curran, directrice, Politique et programmes de l'édition du livre, Patrimoine canadien : Il s'agit de 39,5 millions de dollars.

Le président : En dollars canadiens?

Mme Curran : Oui.

Le sénateur Peterson : J'aimerais parler du 10 à 15 p. 100 qui sont ajoutés parce que, hier, les intervenants du milieu du livre nous ont dit, en gros, que le règlement prévoit qu'un importateur peut facturer à un détaillant le prix du livre dans le pays d'origine et ajouter la différence du taux de change et un 10 à 15 p. 100 supplémentaires selon le pays d'origine. Les témoins nous ont aussi dit que cette mesure permet tout simplement aux maisons d'édition d'empocher un 10 à 15 p. 100 supplémentaires en pur profit avant de risquer de perdre une vente aux mains d'importateurs parallèles. Ils ont poursuivi en disant que ces 10 à 15 p. 100 quittent le pays, et que, en apportant un changement minuscule au règlement, les étudiants canadiens pourraient épargner des dizaines de millions de dollars chaque année, et ce, sans qu'il en coûte un sou aux contribuables. Quand je leur ai demandé qui pourrait apporter ce minuscule changement, les témoins m'ont répondu que c'est Patrimoine canadien. Alors je vous demande ceci : pourriez-vous apporter ce petit changement?

Mme Kennedy : En fait, une modification au règlement entraînerait un processus. Il ne s'agit pas simplement d'un minuscule changement. Des modifications au règlement comprendraient un processus formel de consultation avec les divers intervenants du secteur. Dans mon exposé, je vous ai parlé du moment où le règlement a été créé : il y a eu à ce moment un processus de consultation avec les représentants de tous les secteurs de l'industrie des marchés francophones et anglophones. Nous ne croyons pas qu'une légère modification sur papier serait suffisante pour modifier ou abroger le règlement.

Le sénateur Peterson : Vous pourriez consulter les personnes mêmes qui perçoivent ces 10 ou 15 p. 100? Est-ce ce que vous faites?

Mme Kennedy : Je ne peux pas parler des intentions du gouvernement à ce sujet, mais, oui, le processus normal pour apporter des changements au règlement impliquerait des consultations avec les parties touchées.

Le sénateur Peterson : Ce sont eux qui perçoivent l'argent. C'est étrange. Il n'y a rien à gagner. Ils disent eux-mêmes qu'ils n'ont pas besoin de cet argent, mais puisque la mesure existe, ils peuvent le percevoir. C'est un cadeau venu du ciel. Pourquoi ne pas ajouter ce pourcentage, empocher l'argent, le déposer à la banque et faire le bonheur de tous? Eh bien, eux, ils sont heureux, mais pas les étudiants.

Mme Kennedy : C'est juste. Comme nous l'avons dit, le règlement permet aux distributeurs exclusifs de majorer le prix courant canadien de 10 p. 100 par rapport au prix américain en tenant compte du taux de change. Le prix payé pour un livre au Canada, y compris la marge commerciale appliquée au prix courant étranger d'un livre importé, revient aux divers intervenants du secteur du livre — les détaillants, les distributeurs, les éditeurs ou les auteurs —, selon les modalités négociées entre les parties. Afin de mieux comprendre cette relation, nous invitons le comité à entendre des représentants de ces différents secteurs pour avoir des renseignements supplémentaires, ce serait utile pour le comité.

Le sénateur Peterson : Les boutiques de campus ont essayé de venir mais n'ont pas pu. Pensez-vous qu'il serait avantageux que quelqu'un organise une rencontre pour parler de la question? Ça pourrait faire avancer des choses, n'est-ce pas?

Mme Kennedy : Il serait utile que le comité comprenne ces relations plus en détail. Comme je l'ai mentionné, l'argent revient aux divers intervenants du secteur du livre — les détaillants, les distributeurs, les éditeurs et les auteurs —, selon les modalités négociées entre ces parties. Si le comité essaie de comprendre la situation, ces relations d'affaires et les transactions en argent, nous vous invitons à entendre des représentants des divers groupes pour avoir plus de renseignements.

Le sénateur Peterson : Pourquoi les maisons d'édition affichent-elles les deux prix, américain et canadien, au dos des livres? Aux États-Unis, on n'essaie pas de camoufler le prix canadien, alors qu'ici on essaie de masquer le prix américain.

Mme Curran : Le secteur affiche les deux prix sur un livre depuis fort longtemps. Je pense que, par le passé, on affichait les deux prix à la demande des détaillants. Il s'agit d'une tradition dans le secteur du livre, mais c'est moins courant aujourd'hui. À l'occasion, on voit des livres qui n'ont pas les deux prix, mais si l'éditeur étranger croit que son livre sera distribué au Canada, le double affichage lui permet de ne pas faire deux impressions du bouquin.

Le sénateur Peterson : Mais pourquoi inscrire le prix? On ajoute toujours un collant pour indiquer le prix, ainsi que des collants pour indiquer des rabais. Je ne vois pas pourquoi on affiche les prix puisque ça met les gens en colère.

Mme Kennedy : Je vous propose de poser la question aux maisons d'édition.

Le sénateur Ringuette : Madame Curran, vous avez dit que l'affichage des deux prix au dos d'un livre est une pratique courante qui découle d'une demande des détaillants. Est-ce une hypothèse ou un fait?

Mme Curran : C'est ce que des gens du secteur m'ont dit, mais vous pourriez le leur demander.

Le sénateur Ringuette : À la page 4, vous avez mentionné les intervenants de l'industrie du livre, soit les éditeurs, les distributeurs, les grossistes et les détaillants. À la page 10, par rapport aux distributeurs appartenant à des intérêts canadiens, vous avez donné « quelques exemples d'éditeurs-distributeurs... ». Certains d'entre eux retirent un des partenaires supplémentaires de la chaîne. Par exemple, si un éditeur veut avoir un réseau exclusif de distribution avec une certaine entité, pourquoi devrions-nous appliquer ce privilège exclusif puisque la règle des 10 p. 100 existe?

Mme Kennedy : Comme nous l'avons expliqué au début, la logique derrière la création du règlement était de trouver un juste milieu entre le fait de donner au distributeur exclusif, qui a négocié des droits exclusifs pour le territoire canadien, des droits en vertu de la Loi sur le droit d'auteur, et le fait de garantir des normes de service adéquates et de fixer un prix plafond — toute majoration — que le distributeur exclusif pourrait appliquer aux livres qu'il importe. C'est ainsi que se résume la logique.

Le sénateur Ringuette : Je comprends la logique. C'était peut-être pertinent quand le texte de loi a été rédigé. Nous sommes maintenant dans un contexte de pouvoir d'achat mondial. Je ne pense pas que nous renforcerions l'exclusivité des marchés. Nous venons d'entendre des témoins du Bureau de la concurrence. Les marchés exclusifs entraînent naturellement la fixation des prix et d'autres phénomènes. Il est clair que le texte de loi et son application sont problématiques par rapport à ce que les consommateurs obtiennent en bout de compte.

Mme Kennedy : L'autre facteur que je devrais mentionner par rapport à la logique de l'époque, c'est le rôle que les distributeurs exclusifs jouent dans le marché canadien et les services qu'ils offrent. Leur présence physique fait partie intégrante des relations qui font de l'industrie une entité. Les distributeurs exclusifs font des investissements, créent des emplois et comme nous l'avons dit plus tôt, investissent dans les auteurs canadiens. C'est un autre facteur dont il faut tenir compte.

Le sénateur Ringuette : Si je ne m'abuse, je crois que Patrimoine canadien a un autre programme pour encourager la parution de livres d'auteurs canadiens. Est-ce que je me trompe?

Mme Kennedy : Nous avons le Fonds du livre du Canada qui appuie la publication de livres canadiens par des maisons d'édition canadiennes.

Le sénateur Nancy Ruth : Madame Kennedy, j'aimerais revenir à la question des 10 p. 100. Vous avez proposé d'inviter d'autres témoins pour en apprendre davantage. Dites-vous que les 10 p. 100 sont divisés selon l'entente conclue entre distributeurs, détaillants, grossistes et autres? Est-ce qu'ils décident de la façon dont les 10 p. 100 seront répartis?

Mme Kennedy : S'il y a une entente de distribution exclusive couverte par le règlement, les 10 p. 100 peuvent être compris dans le prix du livre.

Le sénateur Nancy Ruth : Dans votre exposé, on lit que « au Canada, le prix de détail suggéré (PDS) des livres importés des États-Unis ne doit pas dépasser de plus de 10 p. 100... » Avez-vous déjà vu des cas où ça représentait moins de 10 p. 100 du PDS original? Puis la suite, on dit : « converti en dollars canadiens au taux de change en vigueur ». Si le taux de change en vigueur est à parité ou le dollar canadien vaut davantage que le dollar américain, il ne devrait pas y avoir de différence de prix pour un livre américain importé au Canada. Est-ce juste?

Mme Kennedy : Non.

Le sénateur Nancy Ruth : Pourquoi? Cela tient compte du « converti en dollars canadiens au taux de change en vigueur. »

Le président : On peut convertir la devise, profiter de la différence du taux de change et ajouter 10 p. 100 en plus.

Mme Curran : Oui.

Le sénateur Nancy Ruth : Avez-vous déjà été au fait d'un cas où ça représentait moins de 10 p. 100?

Mme Kennedy : Je ne me souviens pas.

Le sénateur Nancy Ruth : C'est fixé à 15 p. 100 en Europe.

Mme Kennedy : Je ne peux pas répondre dans un cas comme dans l'autre, sénateur.

Le président : Je pense que le sénateur Nancy Ruth essaie d'en arriver à cette question : qu'est-ce qui se produirait si le règlement ne prévoyait plus ces 10 à 15 p. 100 supplémentaires artificiels qui peuvent être ajoutés? Qu'est-ce que cela ferait au marché?

Mme Kennedy : En toute honnêteté, je ne peux pas m'avancer présentement. Il faudrait faire une évaluation poussée de la question. Je ne voudrais pas avancer quoi que ce soit qui pourrait induire le comité en erreur.

Le président : Nous essayons de déterminer si nous devrions proposer d'éliminer cette disposition. L'existence de marché au Canada dépend-elle vraiment de cette disposition? Ce que nous faisons, en fait, c'est protéger l'éditeur américain, même s'il peut vendre ses livres librement. Il existe toutes sortes de moyens qui permettraient à une personne intéressée au Canada de faire venir ces livres à des prix réduits, mais c'est impossible simplement en raison de ce règlement.

Mme Kennedy : Si le distributeur exclusif veut utiliser les recours prévus dans la loi, il doit respecter le régime établi dans le règlement. Dans ce dossier, les intéressés prennent des décisions opérationnelles. Ils font des choix. Je pense qu'il faudra se pencher sur toutes les incidences possibles d'une modification des dispositions du règlement.

Le président : Vous êtes-vous posé la question, avez-vous essayé d'évaluer quelles pourraient être ces répercussions?

Mme Kennedy : Nous ne nous sommes pas posés la question. Le ministère ne procède pas actuellement à ce qu'on pourrait appeler un examen officiel du règlement. Comme je l'ai déjà signalé, seul un processus officiel nous permettrait d'apporter quelque modification que ce soit. Je ne peux pas faire de commentaire sur les intentions du gouvernement, par exemple, en ce qui a trait à un examen du règlement, mais dans le contexte de notre évaluation permanente des mesures politiques, notre ministère a communiqué avec des chercheurs indépendants et leur a demandé de procéder à une étude de la pertinence et de l'efficacité du règlement dans les deux marchés, le marché anglophone et le marché francophone, au Canada. Cette étude est toujours en cours et devrait être terminée au cours des prochains mois.

Le président : Puisque ce règlement découle de la loi et qu'une nouvelle version de la loi sur le droit d'auteur est actuellement à l'étude à la Chambre des communes, pouvez-vous nous dire si ce règlement sera le même, même si la loi est modifiée?

Mme Kennedy : La Loi sur le droit d'auteur inclut la disposition qui sous-tend le règlement. Le projet de loi qui est actuellement à l'étude ne prévoit pas de modifications qui auraient un impact quelconque sur ce règlement.

Le président : Ce n'est pas ce que j'ai demandé. Vous avez répondu à ma question. Même si la loi est modifiée comme on le propose, le règlement continuera à exister.

Mme Kennedy : Les dispositions de la loi qui prévoient le règlement ne sont pas modifiées par le projet de loi actuellement à l'étude.

Le président : C'est ce que je voulais savoir. Merci.

Le sénateur Runciman : Je ne saisis toujours pas. Je ne comprends pas pourquoi nous établissons le prix d'un produit de consommation. Je suis d'accord avec ce que le sénateur Nancy Ruth a dit un peu plus tôt.

Je vis dans une localité frontalière et j'achète beaucoup de livres de poche. Il y a pratiquement parité entre le dollar canadien et le dollar américain, ce qui représente une augmentation de 30 p. 100 pour le dollar canadien au cours des deux dernières années. Pourtant, aucun avantage réel n'en découle pour les consommateurs canadiens. Cela me semble plutôt étrange. Nous avons accueilli les libraires hier et ils nous ont dit qu'ils sont sur la première ligne, et que c'est à eux que s'en prennent les acheteurs. Leurs chiffres d'affaires s'en ressentent. Puis dans le secteur des manuels, les coûts pour les étudiants, tout cela compte. Je ne comprends toujours pas — et je suppose que ce n'est pas vraiment votre rôle —, mais je ne comprends pas pourquoi nous jouons un rôle dans ce domaine et pourquoi les consommateurs canadiens ne devraient pas pouvoir, d'une façon quelconque, tout au moins dans ce secteur, profiter de la valeur accrue du dollar canadien.

Le président : C'était plutôt un énoncé, mais n'hésitez pas à réagir à ces propos si vous le désirez.

Mme Kennedy : Il est très difficile d'isoler l'incidence de ce règlement sur le prix des livres parce qu'il y a clairement toute une gamme de facteurs qui entrent en ligne de compte quand les détaillants décident du prix à demander à leurs clients pour un livre. Je comprends l'intervention du sénateur, mais il ne faut pas oublier que le règlement autorise une majoration du prix. Évidemment, cette majoration est limitée, il y a clairement un plafond. On ne peut pas demander un prix plus élevé que celui qui est autorisé par le règlement. Il nous est difficile de déterminer l'incidence de cette mesure particulière sur le prix de tous les livres vendus au Canada aux consommateurs.

Le sénateur Runciman : On vous a peut être posé la question un peu plus tôt, mais je n'étais pas encore arrivé. Je sais que le sénateur Marshall avait posé la question hier. Certains témoins que nous avons entendus alors nous ont dit qu'il ne s'agissait pas du même règlement, le cas échéant, qui s'appliquait aux périodiques.

Mme Kennedy : C'est exact.

Le sénateur Runciman : S'agit-il d'un règlement différent?

Mme Kennedy : Ce règlement ne s'applique pas aux périodiques.

Le sénateur Runciman : Il existe d'importantes différences de prix. Le gouvernement joue-t-il un rôle quelconque dans le secteur des périodiques?

Mme Kennedy : Pas à ma connaissance, sénateur.

Le sénateur Buth : Je vais aborder la question sous un autre angle différent. Je m'attends tout de même à avoir la même réponse. Je n'aurais peut-être pas dû faire ce commentaire d'entrée de jeu, mais dites-moi, si ce règlement disparaissait, pensez-vous qu'il y aurait moins de distributeurs au Canada?

Mme Kennedy : Il ne m'appartient pas de me livrer à ce genre d'hypothèse. Cependant, l'impact de l'élimination de ce règlement sur le secteur de la distribution devrait être évalué avant que l'on prenne une telle décision. Vous avez raison; il nous faudrait évaluer ce que pourrait être l'incidence sur tous les intervenants, y compris les distributeurs exclusifs.

Le sénateur Buth : Est-ce que tous les distributeurs que vous avez recensés, comme Random House of Canada et McGraw-Hill Ryerson, respectent les dispositions sur les avis, le service et les prix telles que prévues dans la loi? Il s'agit d'un régime volontaire, n'est-ce pas?

Mme Kennedy : C'est exact, il s'agit d'un régime volontaire, et nous ne disposons pas de statistiques ou de données fiables sur les achats parallèles, c'est-à-dire ceux qui échappent au règlement.

Je signale encore une fois, qu'à mon avis, les intervenants de l'industrie seraient mieux en mesure de vous donner une idée de l'importance des achats parallèles ou de l'activité commerciale qui échappe au règlement pour d'autres raisons. .

Le sénateur Buth : Qui sont les plus importants distributeurs au Canada? Vous en avez mentionné cinq dans votre document : Random House, McGraw-Hill, HarperCollins, Penguin, et cetera.

Mme Curran : Je ne sais pas lequel est le plus important parmi les grands joueurs. Random House est une grosse société. HarperCollins possède d'importants services de distribution au Canada. Pour ce qui est des entreprises canadiennes, d'après une étude que nous avons effectuée en 2007, Rain Coast Books est le principal distributeur exclusif, canadien, de livres de langue anglaise.

Le sénateur Buth : Il s'agit d'une entreprise canadienne, mais elle importe des livres étrangers. Elle serait donc assujettie au même règlement.

Mme Curran : C'est exact. Rain Coast Books est un distributeur, non pas un éditeur. Cette société était jadis un éditeur, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Le sénateur Marshall : Madame Kennedy, lorsque vous avez lu votre exposé et mentionné le plafond de 10 p. 100, vous avez donné l'exemple du prix de 14,99 $ et du prix ajusté de 16,49 $. Puis vous avez dit que s'il y a parité du dollar canadien avec le dollar américain, le prix de détail suggéré pour le marché canadien ne doit pas être supérieur de plus de 10 p. 100. Comment le ministère s'assure-t-il que les intervenants respectent ce règlement?

Mme Kennedy : En fait, il n'appartient pas au ministère de surveiller l'application du règlement ou d'assurer son respect. Il appartient aux distributeurs d'intervenir et d'utiliser les recours qui leur sont offerts dans la Loi sur le droit d'auteur s'ils ont connaissance d'achats parallèles alors qu'ils respectent les modalités du règlement. Pour répondre à votre question, non, nous n'assurons pas le respect de ce règlement.

Le sénateur Marshall : Le règlement existe, mais le ministère ne sait pas vraiment dans quelle mesure on le respecte, n'est-ce pas?

Mme Kennedy : C'est exact. Nous n'avons pas la capacité nécessaire pour prendre les données dont nous disposons actuellement et en faire la ventilation pour le secteur de l'importation selon les achats qui sont couverts par le règlement et les achats qui y échappent.

Le sénateur Marshall : Connaissez-vous des exemples de non-respect du règlement? Vous ne surveillez pas la conformité. Vous n'évaluez pas la conformité. Pensez-vous que l'on respecte en fait de façon générale ce règlement?

Mme Kennedy : Je vais demander à Mme Curran de répondre à cette question parce qu'elle a une longue expérience du secteur.

Mme Curran : À l'heure actuelle, il semble y avoir des situations où la différence de prix, au bout du compte, semble être de plus de 10 p. 100. Ça ne veut pas nécessairement dire que le distributeur a augmenté le prix de plus de 10 p. 100. Si le distributeur impose une augmentation de plus de 10 p. 100 et que le dollar canadien est à parité avec le dollar américain, le détaillant peut agir. Il peut décider d'acheter le livre d'un autre fournisseur, habituellement, à l'extérieur du Canada, et essayer d'obtenir le livre à un prix moins élevé. Nous ne savons pas, tout compte fait, dans quelle mesure la majoration du prix d'un livre est attribuable à ces 10 p. 100.

Le sénateur Marshall : À mon avis, il est un peu étrange que cette règle du 10 p. 100 soit prévue dans le règlement, mais que personne ne surveille si les intervenants du secteur la respectent bel et bien. Je trouve ça plutôt étrange.

Pour en revenir à la loi, j'ai toujours cru que les lois fédérales faisaient l'objet d'un examen tous les cinq ans. Est-ce que je me trompe?

Mme Kennedy : Ce n'est pas le cas pour la loi dont nous parlons, quoique je crois que la Loi sur le droit d'auteur dont on propose une modification dans un projet de loi prévoirait dorénavant, si je ne me trompe pas, un examen de la Loi sur le droit d'auteur à tous les cinq ans.

Le sénateur Marshall : Ce règlement existe depuis 1999. Cela veut donc dire qu'il existe depuis 13 ans. Est-ce que cela veut dire que ce règlement existe depuis 13 ans et qu'il n'a jamais fait l'objet d'un examen?

Mme Kennedy : Comme nous l'avons déjà signalé, il n'y a pas eu vraiment d'examen officiel, tout au moins pas à ma connaissance.

Le sénateur Marshall : C'est plutôt étrange qu'on ait un règlement, qu'on ne fasse rien pour s'assurer qu'il est observé et qu'il n'ait pas fait l'objet d'un examen en 13 ans.

Un peu plus tôt, on a demandé quel serait l'impact de l'abolition de ce plafond de 10 p. 100. Avez-vous des renseignements quelconques sur l'impact possible de cette décision?

Mme Kennedy : Non. Comme je l'ai signalé, nous entreprenons actuellement une étude qui porte sur la pertinence et l'efficacité du règlement. Cependant, je ne peux dire au comité quel pourrait être l'impact possible d'une décision visant à faire disparaître cette disposition du règlement sur l'industrie canadienne.

Le sénateur Marshall : Vous avez mentionné une étude de l'efficacité du règlement; avez-vous établi comment vous pourrez justement mesurer ce facteur?

Mme Kennedy : Comme je l'ai signalé, cette étude est en cours. Elle n'est pas encore terminée, je dois vous le rappeler. Elle devrait être terminée au cours des prochains mois. Nous serons alors mieux en mesure d'en examiner les conclusions. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, cela fait partie de notre processus permanent d'évaluation des mesures adoptées par le ministère, et le règlement en faisait bien sûr partie.

Le sénateur Marshall : A-t-on établi le cadre de référence pour cette étude? Je dois répéter le commentaire que j'ai déjà fait à quelques reprises. Si vous étudiez l'efficacité du règlement dont vous n'assurez pas l'observation, je pense qu'il sera difficile de déterminer dans quelle mesure il est efficace.

Mme Kennedy : Encore une fois, les experts-conseils rencontreront des représentants de l'industrie qui pourront répondre aux questions qu'ils poseront dans ce dossier. J'aimerais vous rappeler que nous ne sommes pas tenus d'assurer ou de surveiller l'observation du règlement.

Le sénateur Callbeck : Je regarde la page 4 de votre texte. Vous parlez des éditeurs, des distributeurs et des grossistes. Si un livre est importé des États-Unis, il doit y avoir un distributeur exclusif ou, s'il s'agit d'un livre à succès, il peut être expédié directement au grossiste, n'est-ce pas?

Mme Kennedy : Il ne s'agit pas nécessairement d'un distributeur exclusif. Le distributeur négocie une entente d'exclusivité avec l'éditeur. C'est ce qui se produit. N'oubliez pas que cela ne vaut que pour l'importation de livres qui sont importés physiquement, et non pas sous d'autres formes, comme nous l'avons signalé un peu plus tôt, soit les livres électroniques ou les livres importés par des consommateurs. Il s'agit de négociations d'affaires entre l'éditeur et le distributeur, et les deux conviennent que le résultat sera à leur avantage mutuel.

Le sénateur Callbeck : Je pensais qu'il fallait qu'il y ait un distributeur exclusif.

Mme Curran : Non. Un éditeur étranger peut décider qu'un livre sera distribué au Canada de façon non exclusive. À l'occasion, des éditeurs s'adresseront à un grossiste étranger qui a des représentants au Canada pour lui demander de distribuer cet ouvrage au Canada. Dans l'ensemble, la majorité des livres qui sont importés en version papier au Canada sont distribués par des distributeurs exclusifs.

Le sénateur Callbeck : Mais ce n'est pas obligatoire?

Mme Curran : C'est exact.

Le sénateur Callbeck : Qu'il s'agisse d'un grossiste ou d'un distributeur, le plafond de 10 p. 100 s'applique?

Mme Curran : Non, il ne s'applique que dans le cas de distributeurs exclusifs, parce qu'il s'agit d'un droit particulier accordé à un distributeur exclusif pour la distribution d'un ouvrage dans un territoire particulier.

Le sénateur Callbeck : Vous dites ici qu'un éditeur achète des livres à succès; peut-il acheter d'autres livres que des livres à succès?

Mme Kennedy : À quelle page êtes-vous?

Le sénateur Callbeck : La page 4.

Mme Curran : Il s'agit de grossistes.

Le sénateur Callbeck : Qu'est-ce que j'ai dit?

Mme Curran : Vous avez parlé des éditeurs.

Le sénateur Callbeck : Je m'excuse.

Mme Curran : Oui, c'est la nature de leurs activités. Ils peuvent acheter d'autres titres, mais dans leurs entrepôts, ils préfèrent avoir de plus petits volumes qui sont vendus rapidement d'une grande gamme d'ouvrages.

Le sénateur Callbeck : Tout livre peut être acheminé par l'entremise d'un distributeur ou d'un grossiste.

Mme Curran : C'est exact.

Le président : Ces livres à succès pourraient également être des livres soldés aux États-Unis que le grossiste importe pour vendre. Il y a toutes sortes de livres qui se vendent à un tiers du prix original. Ce n'est pas rare.

Mme Curran : C'est exact.

Le sénateur Peterson : Pouvez-vous nous dire si le 10 p. 100 est versé directement à l'éditeur? Est-ce le cas?

Mme Kennedy : Non.

Le sénateur Peterson : Qui reçoit cet argent?

Mme Kennedy : Comme nous l'avons déjà dit, quand on parle du prix total du livre, y compris toute majoration ou remise, l'argent est partagé entre tous les intervenants de la chaîne de production et de distribution, de l'éditeur au détaillant, en incluant les distributeurs et les auteurs. Je ne peux pas vous dire quelle portion de ce 10 p. 100 est attribuée à l'un ou à l'autre groupe. Je peux simplement conseiller au comité de demander de plus amples renseignements aux intervenants du secteur.

Le sénateur Peterson : C'est plutôt étrange que le gouvernement essaie de faciliter les choses. Ce secteur peut se tirer d'affaire tout seul; il s'agit de joueurs importants. Ils ont réussi à négocier ce genre d'entente, et ils ne veulent pas y renoncer. Savez-vous à combien s'élèvent les montants dont nous parlons?

Mme Kennedy : Nous communiquerons plus tard avec le comité pour lui fournir des statistiques qui indiquent ce que représente l'importation de livres étrangers en termes de revenus pour l'industrie canadienne. Je pense que nous pouvons nous procurer ces statistiques.

Le sénateur Peterson : À combien s'élèvent les revenus associés à cette disposition du règlement?

Le président : On parle d'importation par des distributeurs exclusifs.

Le sénateur Peterson : Quelqu'un doit certainement connaître ces chiffres. Cela représente probablement beaucoup d'argent.

Une voix : Avez-vous dit 8 millions de dollars?

Mme Kennedy : Non, je n'ai pas dit 8 millions de dollars. Nous essaierons de vous fournir ce chiffre. Nous fournirons au comité les statistiques dont nous disposons sur l'importation de livres et tous les détails associés à ce secteur.

Le président : Merci.

Mme Kennedy : Très bien.

Le président : Vous pouvez les faire parvenir à la greffière du comité.

Le sénateur Buth : J'essaie de comprendre ce règlement et je me dis qu'il est plutôt étrange. Serait-il juste de dire que le règlement a été adopté pour limiter la capacité des acheteurs à procéder à des achats parallèles?

Mme Kennedy : Oui. Comme je l'ai dit au début, les distributeurs et les éditeurs s'inquiétaient d'une pratique qu'on appelait « les achats parallèles », une pratique qui s'appelle dans le secteur juridique « l'importation parallèle ». À l'époque, le gouvernement a décidé qu'il fallait se pencher sur ce dossier et l'a fait dans la Loi sur le droit d'auteur. Conformément à la loi, si un distributeur, qui a négocié des droits exclusifs avec un éditeur d'un autre pays pour l'importation d'un livre et l'approvisionnement du marché canadien, respecte les modalités du règlement en matière d'avis, de service et de prix, et qu'il constate qu'un détaillant ou une autre entité a recours aux achats parallèles en prenant contact avec un fournisseur étranger, il peut utiliser les recours prévus dans la loi. Toutefois, s'il ne respecte pas les modalités du règlement, et si un détaillant ou une autre entité veut se procurer le livre ailleurs, il peut le faire; dans ce cas, le distributeur ne peut pas utiliser les recours prévus dans la Loi sur le droit d'auteur.

Le sénateur Buth : En fait, cela protège l'exclusivité.

Mme Kennedy : C'est exact, le règlement protège les droits qui ont été négociés pour le territoire canadien dans ce cas.

Mme Curran : Le plafond de 10 p. 100 vise à protéger le détaillant et le consommateur à l'égard de l'exclusivité que détient le distributeur pour ce marché.

Mme Kennedy : Si ce pourcentage dépasse 10 p. 100, les intéressés peuvent avoir recours à l'importation parallèle.

Le sénateur Buth : Je crois que je comprends. Merci.

Mme Kennedy : C'est fort encourageant. Après une longue journée, c'est toujours agréable d'entendre quelqu'un dire qu'il comprend, parce que c'est quand même compliqué.

Le président : Je peux vous assurer qu'il n'y a pas d'achat ou d'importation parallèle au Sénat.

Le sénateur Ringuette : Pouvez-vous nous dire quand l'étude qui est en cours sur les questions dont nous parlons ce soir sera terminée? Nous devons présenter notre rapport au Sénat d'ici juin. J'ai l'impression que pour bien étudier le dossier, nous devrions passer en revue votre rapport.

Mme Kennedy : Aux dernières nouvelles, cette étude devrait être terminée au cours des prochains mois. Je ne veux pas vous donner de date précise et risquer de vous induire en erreur. Je sais que vous avez un échéancier. Nous prévoyons que ce rapport sera disponible dans quelques mois.

Le sénateur Ringuette : Est-ce que cela veut dire la mi-avril, la fin d'avril ou le début de mai?

Mme Kennedy : Nous pensons qu'il sera disponible au cours de l'été.

Le président : Cela représentera une autre source de renseignements. À mon avis, et vous l'aurez noté dans les questions de mes collègues, certains s'inquiètent de cette disposition du règlement qui semble aller à l'encontre d'un marché libre et ouvert. Nous n'avons pas accès à suffisamment de renseignements de base pour déterminer si c'est une chose souhaitable ou importante. Si vous avez d'autres renseignements à fournir en ce sens, je vous demanderais de les faire parvenir au comité. Cela nous serait fort utile. Nous aurions tendance à proposer que l'on abolisse cette disposition, et nous voulons vous donner l'occasion de nous prouver que ce ne serait pas une bonne décision.

Mme Kennedy : Je vous ferai également parvenir le fondement historique de cette disposition et la raison pour laquelle elle a été proposée.

Le président : Cela serait fort utile.

Mme Kennedy : Nous vous ferons parvenir ces renseignements.

Le président : Merci, madame Kennedy et madame Curran. Comme vous pouvez le constater, nous nous intéressons beaucoup à la Loi sur le droit d'auteur. Nous demanderons peut-être à nos leaders respectifs que le Sénat, lorsqu'il sera saisi du projet de loi sur le droit d'auteur, le renvoie à notre comité. Puis je peux vous assurer que nous nous amuserons beaucoup.

Ceci met fin à nos travaux pour aujourd'hui. Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je tiens à vous remercier sincèrement d'être venues représenter Patrimoine canadien et d'être venues nous aider aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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