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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 28 novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui à 16 h 30 pour étudier l’utilisation d’Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et le respect des droits linguistiques des Canadiens.

Le sénateur Andrée Champagne (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Honorables sénatrices, je déclare la séance ouverte. Je souhaite la bienvenue à tout le monde au Comité sénatorial permanent des langues officielles.

Je me présente, je suis le sénateur Andrée Champagne du Québec, vice-présidente du comité. J'animerai nos débats aujourd'hui en l'absence de notre présidente, la sénatrice Maria Chaput du Manitoba, à qui j'en profite pour offrir, en notre nom, nos plus sincères condoléances.

Avant de présenter les témoins qui comparaissent aujourd'hui, j'aimerais d'abord inviter les membres du comité à se présenter. Je commencerai à ma gauche.

Le sénateur Poirier : Sénatrice Rose-May Poirier du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Tardif : Claudette Tardif de l'Alberta.

Le sénateur Losier-Cool : Rose-Marie Losier-Cool du Nouveau-Brunswick.

La vice-présidente : En première partie de cette réunion, le comité entendra le CEFRIO, Centre facilitant l'innovation dans les organisations à l'aide des technologies de l’information, dans le cadre de son étude sur l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et le respect des droits linguistiques des Canadiens.

En deuxième partie, le comité entendra des représentants d’Air Canada, dans le cadre de son étude sur les obligations d'Air Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles.

Le CEFRIO est un centre qui facilite la recherche et l'innovation dans les organisations à l'aide des technologies de l'information et de la communication. Il réalise des projets forts intéressants sur des sujets comme l’usage du Web 2.0 dans les organisations et l'évolution de l'utilisation d'Internet. Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Jacqueline Dubé, présidente-directrice générale du CEFRIO et M. Réjean Roy, conseiller principal.

Madame et monsieur, merci d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Les membres du comité ont bien hâte de vous entendre au sujet du CEFRIO et de ses projets et, suite à votre présentation, ils suivront avec des questions. Madame Dubé, nous vous écoutons.

Jacqueline Dubé, présidente-directrice générale, CEFRIO (Centre facilitant l’innovation dans les organisations), à l’aide des TI : Honorables sénatrices, c’est avec grand plaisir que nous avons accepté de venir discuter avec vous du rôle des technologies de l’information de la communication dans le contexte des communautés linguistiques minoritaires. Nous sommes persuadés, pour y avoir travaillé depuis plus de 25 ans, de l'impact très positif que peuvent avoir les technologies de l'information pour rompre l'isolement, donner accès à la connaissance et briser la distance. On dit souvent que Rimouski et Sept-Îles ne sont pas plus loin de Ouagadougou que de Québec grâce aux technologies. Cet aspect est pour nous très important. Notre thèse est que les technologies peuvent aider à outiller les petites communautés — tant les communautés francophones à l'extérieur du Québec que les communautés anglophones au Québec — leur donnant accès à des connaissances, leur permettant aussi d’œuvrer, de développer économiquement leur milieu, d’avoir des projets en santé et en éducation dans leur langue maternelle et la langue de leur choix.

Le CEFRIO, depuis 25 ans, est, de fait, un organisme à but non lucratif subventionné à 35 p. 100 par le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation. C'est le volet innovation qui est notre mère nourricière. L’autre 65 p. 100 représente des projets que le CEFRIO monte avec ses 65 chercheurs associés. Ces chercheurs viennent de toutes les universités du Québec. En fonction des projets mis de l’avant, des chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique peuvent, par exemple, se joindre à l’équipe, de même que des chercheurs de l'Université de Toronto et de l’Université de Strasbourg. Cette expertise est toujours en fonction du projet que nous menons. Elle vise la plus fine et les plus nouvelles compétences dans les technologies du secteur d'activité où l’on veut travailler.

Nous pratiquons ce métier depuis 25 ans. Depuis 10 ans, de façon récurrente et tous les mois, nous interrogeons 1 000 citoyens et citoyennes au Québec pour mesurer quelle appropriation ils font de la technologie. Nous cherchons à connaître le niveau d'accès, mais également, dans le quotidien, combien d'heures par semaine les gens passent sur Internet, l’utilisation qu’ils font des médias sociaux, la façon dont ils utilisent le Web dans le milieu de travail et les difficultés rencontrées. Ces renseignements forment une base de données exceptionnelle qui s’échelonne sur plus de 10 ans et à laquelle contribuent à tous les mois des firmes expertes en la matière.

Nous faisons également des mesures sur l'indice du commerce électronique. On mesure aussi l'appropriation par les entreprises des technologies. On le fait principalement pour les PME. Pour la première fois, cette année, la Banque de développement du Canada nous a demandé d'étendre notre mesure NetPME à l'ensemble du Canada. Nous avons donc pu comparer, pour une première fois, les données du Canada à chacune des provinces et au Québec pour voir où en est l'avancement de l'appropriation des technologies dans les PME. Au Québec, le sondage s’est effectué en français et en anglais, alors que pour le reste du Canada il s'est effectué en anglais. Il s’agit de sondages aléatoires. Par conséquent, si le répondant du Québec parle l’anglais, la mesure se fera en anglais.

Notre volet expérimentation est moins bien connu. Toutefois, il constitue la grande partie de notre travail. Nous faisons de l'expérimentation à partir du milieu pour connaître les besoins du milieu en technologies.

Par exemple, il y a 10 ans, au Québec, l'État a choisi de prendre une position maintenant bien établie qui est « occupons notre territoire». L'occupation du territoire étant une priorité, il n’était pas possible pour le ministère de l'Éducation et des Loisirs et du Sport de fermer les petites écoles en région. Il s’agissait de très petites écoles, avec très peu d'enfants et des enseignants qui cherchaient à quitter ces écoles parce qu'ils manquaient de défis. Le CEFRIO a reçu comme mandat de trouver une solution à l'aide des technologies. Nous avons fait installer Internet haute vitesse dans ces petites localités. À l'aide d'enseignants et de chercheurs en pédagogie, nous avons monté un programme pour enseigner dans ces petites classes à l'aide des technologies. Ainsi, le programme pédagogique s'appuie sur le programme du gouvernement. Toutefois, il se fait à la fois à l'aide de ce qu’on appelle aujourd’hui « les tableaux blancs interactifs » et de l’ordinateur. Les enfants suivent sur un ordinateur devant la classe. Il s’agit de groupes où des élèves de première, deuxième, troisième et quatrième années se trouvent dans la même classe. J’ai connu cette situation en tant qu’élève vivant en région éloignée du Québec. Nous n’avions toutefois pas Internet à cette époque.

Je vous dirais que ce qui est fascinant, c'est que pendant qu'un élève prend un cours de français avec son professeur qui est dans la classe, il peut y avoir trois autres enfants qui suivent un cours de mathématiques ou d'anglais avec un professeur qui est dans une autre classe en train de donner le cours. C'est la méthode pédagogique de base qu'on utilise avec Internet et qui s'appelle la co-construction du savoir. Les enfants apprennent donc à faire des recherches très pointues et, partant de là, à utiliser leurs connaissances.

Là, je vais vous faire sourire en vous parlant de la naïveté des enfants et en vous racontant une anecdote. En troisième et quatrième années, des élèves d'à peu près 10 et 11 ans ont comme thème annuel d'étudier l'eau. Ils sont sur le bord d'une rivière en Gaspésie, il fait très beau et ils se demandent si leur eau est propre et comment faire pour le savoir. À travers le programme établi par le CEFRIO et nos chercheurs, les jeunes sont allés chercher des informations sur Internet pour découvrir qu'il faut des chercheurs pour analyser la qualité de l'eau. Mais puisqu'ils ne voulaient pas que personne ne les influencent, ils ont cherché l'université se situant le plus loin et ont trouvé l'université à Vancouver. Ils étaient alors sûrs qu'il n'y aurait pas d'influence. Les enfants ont pratiqué leur anglais et ont demandé l'aide des chercheurs. Ces derniers les ont trouvé tellement charmants qu'ils leur ont envoyé toutes les pipettes et les éléments. Les enfants ont procédé à la recherche et ont démontré que la qualité de l'eau devait être améliorée pour enfin présenter leurs résultats dans les municipalités rurales de comtés.

La recherche a donc permis à des enfants d'apprendre le français, l'anglais, la mathématique, la géographie et les sciences, c'est-à-dire ce qu'on appelle chez nous les compétences transversales. C'est le métier du CEFRIO. Nous le faisons dans le domaine de la santé, de l'information et de l'économie. Nous faisons des recherches pour faire en sorte que l'usage des technologies soit efficient dans les entreprises.

Globalement, ça résume ma présentation. Nous sommes disponibles pour discuter avec vous et répondre à toutes vos questions, au meilleur de notre connaissance et avec beaucoup d'humilité.

La vice-présidente : Merci beaucoup. Monsieur Roy, voulez-vous ajouter quelque chose?

Réjean Roy, conseiller principal, Centre facilitant l'innovation dans les organisations à l'aide des TI : Nous avons produit un document de neuf pages que nous allons déposer demain. Nous avons ici une version préliminaire, mais nous allons juste prendre le temps de le bonifier pour ensuite vous le remettre. Il pourra alors inspirer votre réflexion au sujet de l'apport des technologies en matière linguistique.

La vice-présidente : Merci beaucoup.

Madame Dubé, quand vous parliez de trois ou quatre classes dans la même salle, ça m'a fait sourire. Ma mère, qui a été maîtresse d'école, avait les sept premières années dans sa classe, allant jusqu'au certificat de Québec et elle a fait ça pendant je ne sais combien d'années.

Le sénateur Poirier : J'aimerais obtenir quelques clarifications. Je vous félicite pour le travail que vous faites depuis 25 ans. Je suis certaine que cela a porté fruit pour la province de Québec en particulier. Si j'ai bien compris, la majorité de votre travail se fait dans la province de Québec et pour les gens du Québec?

Mme Dubé : Effectivement.

Lorsque le CEFRIO a été créé, il s'appelait à ce moment-là le Centre francophone d'informatisation des organisations. La volonté était de faire en sorte qu'il y ait des standards de qualité pour utiliser le français dans le secteur des technologies. Le gouvernement nous avait donné un mandat qui nous limitait au territoire du Québec.

Pour notre prochain projet quinquennal, qui a débuté au mois d'avril dernier, le MDIE et notre conseil d'administration ont demandé que nous étendions nos services partout où les produits qui ont bien fonctionné pourraient être utiles à d'autres communautés.

J'ai parlé tantôt de Ouagadougou. Effectivement, l'UNESCO nous a demandé d'intervenir en Afrique subsaharienne avec le projet École éloignée en réseau. Il s’agit toutefois là de la situation inverse : 60 enfants sont dans une classe, sans de papier ni livres, et on arrive avec l'ordinateur pour enseigner. C'est un revirement assez important.

La décision de la Banque de développement du Canada de nous demander d'élargir notre enquête NetPME, c'est parce qu'il y a d'autres éléments pour lesquels Industrie Canada veut que nous commencions à grossir au niveau de la PME. Le projet École éloignée en réseau est très facilement transférable dans toute communauté puisque le support des chercheurs se fait par Internet. Il se fait en continu, soit synchrone ou soit asynchrone, mais il se fait par Internet. La distance avec Internet n’a donc pas d'importance.

Le sénateur Poirier : Présentement, que ce soit pour les PME ou pour le réseau des écoles ou des hôpitaux, est-ce que d'autres provinces au Canada utilisent vos services?

Mme Dubé : Actuellement, nous travaillons avec la Colombie-Britannique sur un projet concernant la construction et les technologies de l'information. Vous voyez qu'on touche beaucoup de volets. On travaille actuellement avec la Colombie-Britannique et avec le Centre national de recherches du Canada. On commence à œuvrer avec les autres provinces et nous sommes disponibles pour le faire. Mon anglais est très limité, mais mon équipe est meilleure que moi. Je suis la moins bonne de l'équipe en anglais.

Le sénateur Poirier : Au Nouveau-Brunswick, beaucoup de programmes avaient été développés avec Services Nouveau-Brunswick et nous étions devenus un modèle pour plusieurs autres dans le monde qui ont adopté ce modèle.

Vous avez ici un bijou et d'autres personnes pourraient peut-être en profiter, ailleurs au Canada. Je vous encourage donc à examiner la possibilité d’offrir vos services à travers le Canada.

Si j'ai bien compris, vous avez mentionné tout à l'heure que lorsque vous faites votre enquête au Québec, si la personne répond en anglais ou en français, vous êtes capable de répondre dans sa langue. Mais pour le reste du Canada, vous dites le faire en français seulement?

Mme Dubé : En anglais seulement.

Le sénateur Poirier : Pour quelle raison?

Mme Dubé : Puisque c'est une firme anglophone qui a procédé à l’enquête ailleurs au Canada, c'est comme ça que cela s'est passé. Je sais que les questions ont toutes été posées en anglais. Il faut que vous sachiez qu'au Québec le CEFRIO est connu depuis longtemps. Lorsqu'une firme appelle pour dire qu’ils font un sondage pour le CEFRIO, les gens acceptent de répondre. Mais cela a été beaucoup plus difficile pour le reste du Canada parce que le CEFRIO n'y est pas connu. Nous avons dû faire beaucoup d'appels pour avoir des répondants en nombre suffisant pour que ce soit statistiquement conforme. Toutefois, si nous poursuivons — et la Banque de développement du Canada nous a dit que oui — nous allons nous assurer d'avoir une firme bilingue pour procéder à l’enquête dans le reste du Canada.

Le sénateur Tardif : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. J'aimerais faire un petit commentaire par rapport à ce qu'a dit la sénatrice Poirier. Il y a aussi plusieurs francophones à l'extérieur du Québec et je sais fort bien qu'ils seraient très heureux de pouvoir participer à des sondages qui leur permettraient de s'exprimer en français. J'espère bien que vous pourrez trouver une firme bilingue qui pourrait offrir les services aussi dans l'Ouest et au centre du Canada, aussi bien qu'en Atlantique.

Votre organisme vient de publier un livre blanc sur les usages du Web 2.0; n'est-ce pas?

Mme Dubé : Oui, effectivement.

Le sénateur Tardif : Est-ce que vous pourriez nous indiquer, selon vous, quels sont les principaux défis que devra relever le gouvernement fédéral concernant l'utilisation des médias sociaux?

Mme Dubé : Je peux tenter de répondre à votre question puisque le projet a été effectué avec 12 entreprises différentes, dont des ministères et des organismes du gouvernement du Québec et des entreprises privées.

Au niveau de l'entreprise privée, l'intégration est légèrement plus rapide que du côté gouvernemental. Au niveau gouvernemental, il y a un défi important quant à la libre expression que les réseaux sociaux sous-tendent. Il y a un devoir de réserve, lorsqu'on est employé de l'État, qui se marie moins avec la notion des réseaux sociaux. Il demeure toutefois que cet aspect est compris et accepté. En effet, même si on utilise les réseaux sociaux, nous avons des obligations et des devoirs. Il y a aussi beaucoup d'éducation à faire à l'égard des plus jeunes.

Dès qu'on dépasse les 34, 35 ans, les gens connaissent les règles sur cet aspect et les réseaux sociaux sont vraiment porteurs de créativité et de développement.

Donc, il y a cette étape à franchir au niveau de l'État ; être sûr que le personnel est suffisamment éduqué pour comprendre l'impact et le rôle des réseaux sociaux. C’est un des éléments. Un autre élément, si je me fie au gouvernement du Québec, puisque, bien sûr, on n’a pas travaillé avec le gouvernement fédéral, mais au niveau du gouvernement du Québec, il y a vraiment un défi important à accepter que ces réseaux sociaux entrent sur les systèmes informatiques de l'État, avec une inquiétude quant à l'impact que cela pourrait avoir sur certaines bases de données. C'est toute la notion de sécurité de l'information et de l’information personnelle qu'il y a derrière cet aspect. Il y a beaucoup d'éducation à faire. Il faut définir ce qu'on veut faire avec les réseaux sociaux.

Les chercheurs ont démontré qu'il va falloir apprendre à mesurer correctement ce qu’on appelait le retour sur investissement dans tout autre type de projet. Ça va être maintenant complètement lié sur le retour que la communication et le partage peuvent amener. Cet aspect va devoir se développer en termes de théorie de mesure, pour démontrer que cela a un réel impact.

L'autre enjeu important à souligner, c'est que ce sont les jeunes qui arrivent. On a mesuré aux deux ans au CEFRIO, ce qu'on appelle la génération C, qui sont les 12/24 ans, qui sont nés avec la technologie, avec Internet. Pour eux, c'est une façon d'être. Lorsqu'ils arrivent pour travailler dans une entreprise — et principalement au niveau du gouvernement — ils sont habitués à coélaborer. Ils sont habitués à faire affaire avec leur réseau pour pouvoir trouver une solution. Au gouvernement du Québec actuellement ce n'est pas possible, sauf quelques exceptions, où il y a eu de petites expériences.

On est donc au premier balbutiement au niveau du gouvernement. C'est un outil extraordinaire de relation avec les citoyens. C'est un outil de communication où les gens peuvent faire cheminer un programme, une politique, une orientation par leurs commentaires qui finissent par s'additionner. C'est un outil extraordinaire dont le gouvernement ne peut se passer.

M. Roy : Il y a un défi linguistique, évidemment, à l'utilisation des médias sociaux ou des réseaux sociaux. Si on prend l'appareil fédéral, un des défis importants sera, bien sûr, celui de faire en sorte que le français soit aussi présent là qu'il l'est ailleurs dans d'autres forums.

Quand on a un réseau social, le problème qui se pose, prenons l'exemple d'un wiki. GCPedia par exemple. On en parle dans le document que nous allons déposer plus tard. GCPedia est un wiki dans lequel les fonctionnaires fédéraux peuvent déposer de l’information, des connaissances qui vont être utiles à leurs collègues de travail.

Disons que j'occupe un poste X et il y a d'autres personnes qui occupent ce même poste à la grandeur du Canada. Je viens de développer une pratique exemplaire. J'ai une façon de fonctionner, de faire mon métier et je veux partager ce que je sais avec mes collègues de travail. La première question qui se pose est la langue que je vais utiliser. Est-ce que je vais écrire ma contribution ? Vais-je codifier mes connaissances en français ou vais-je utiliser l'anglais pour le faire? Si je le fais en français, il y a peut-être le risque que cette connaissance soit moins utile à l'ensemble de mes collègues qui ne parlent pas nécessairement le français. Si je le fais en anglais, peut-être que je rejoins un plus grand nombre, parce que les francophones ont tendance à être davantage bilingues.

Par conséquent, le risque que petit à petit un outil comme GCPedia devienne un outil très fortement anglophone est un risque qui existe. Et pour pallier un risque comme celui-là, il faut prendre des mesures proactives. On peut rappeler aux participants d'un outil comme celui-là qu'ils peuvent utiliser la langue de leur choix. Les employés des régions désignées bilingues peuvent employer la langue de leur choix. Il faut le leur rappeler. Les inciter à le faire. On peut traduire les entrées faites par les gens dans GCPedia, mais il faut de l’argent. Ça prend une certaine volonté, la volonté de mettre cet argent dans une telle opération.

On pourrait désigner des animateurs, des personnes qui auraient comme rôle d'intervenir en français dans un outil comme celui-là. Enfin, il faut faire preuve de créativité, d’inventivité. Tout cela pour dire qu’assurer la place du français dans un tel outil et de tels médias sociaux, c'est un défi auquel il faut certainement essayer de faire face vigoureusement.

Le sénateur Tardif : Merci d'avoir parlé du défi linguistique, parce qu'évidemment, étant donné que nous sommes le Comité sénatorial permanent des langues officielles, toute la question des défis linguistiques nous préoccupe. Et certainement le fait aussi que non seulement ce que vous avez identifié « le défi linguistique » et je pense que vous avez tout à fait touché le nerf ou vous avez fourni certaines recommandations.

Dans notre rapport, on va chercher évidemment à formuler des recommandations pour le gouvernement fédéral. Vous en avez nommées deux ou trois. Y aurait-il autre chose que le gouvernement fédéral pourrait faire afin de respecter ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles? Et là je parle évidemment de la Partie IV, service au public, la Partie V, la langue de travail et la Partie VII, la promotion du français et de l’anglais et la promotion et l’épanouissement des communautés en milieu minoritaire.

Mme Dubé : Si vous me le permettez, je vais laisser parler mon collègue répondre à votre question puisque c’est l’expert des langues officielles chez nous.

M. Roy : Le document qu'on a produit a été coupé en cinq grandes parties. On commence par expliquer que les technologies Internet, ce sont des outils dont les communautés de langues officielles ont absolument besoin. Ce n’est pas un luxe, Internet, les technologies en 2011, c'est une nécessité. C'est une nécessité sur le plan culturel, sur le plan de la santé, sur le plan de l'éducation et on pourra développer ces aspects, mais c’est une nécessité.

Alors, si on veut que les technologies et Internet rapportent aux communautés de langues officielles, il faut réunir un certain nombre de conditions. La première condition, c’est que les communautés de langues officielles aient accès à des services Internet de qualité. Ce n’est pas toujours le cas. Le gouvernement fédéral a mis en place un programme, il y a deux ans, pour faire en sorte que partout au Canada, les Canadiens aient des services d'accès à Internet d'une vitesse de 1,5 mégabit/seconde ou mieux. C’est très bien. Mais 1,5 mégabit/seconde c’est probablement déjà dépassé quand on regarde ce qui se fait de mieux à l'échelle internationale ou même ce qui se passe dans les villes. Pendant qu'on essaie de brancher la Basse-Côte-Nord ou certaines régions de l’Estrie à 1,5 mégabit/ seconde — chez moi, j’ai du 40 mégabit/seconde — et à Hong Kong, ils ont du 1 000 mégabit/seconde. Alors, cela ouvre des possibilités auxquelles les gens des communautés de langues officielles n’auront pas nécessairement accès si ces communautés sont plafonnées à 1,5 mégabit/seconde. Il faut un bon accès à Internet haute vitesse. C'est certainement une des choses à laquelle le gouvernement fédéral peut veiller avec ses partenaires.

Je donne un petit exemple ici qui pourra vous intéresser. Dans le document, je parle des médias sociaux. Comme vous le savez peut-être, il y a à peu près maintenant un Canadien sur deux qui utilise Facebook. Les gens qui utilisent Facebook, généralement, — on l'a vu par les sondages du CEFRIO— le font pour entrer en contact avec leurs amis. Ce n’est pas nécessairement pour faire des affaires extrêmement novatrices. C’est pour entrer en contact avec leurs amis ou pour se faire de nouveaux amis.

Finalement, ils font avec Facebook ce qu'ils font dans la vraie vie. Ils vont sur Facebook pour se réunir avec les personnes avec lesquelles ils se réunissent déjà pour prendre un café ou à l'école. Alors, cela veut dire que pour faire en sorte que des réseaux comme Facebook — et c’est une de vos préoccupations — fonctionnent en français dans les communautés francophones, que les choses se passent en français dans ces réseaux dans les communautés francophones, il faut s'assurer que tous les francophones des communautés puissent avoir accès à Internet puis puissent entrer dans Facebook. Il faut que moi, quand j'entre dans Facebook, je retrouve mes amis francophones. Alors, il faut que mes amis puissent se brancher. La question du branchement est très importante.

Il n’y a pas seulement la question du branchement, mais également la question des contenus. Le gouvernement fédéral peut intervenir pour faire en sorte qu'il y ait des contenus en français dans Internet, des contenus de qualité. Quand les gens naviguent sur Internet, ils le font généralement dans leur langue. Ils préfèrent le faire dans leur langue. On l'a vu au Québec, tant du côté francophone que du côté anglophone. On n’a pas de statistique sur la situation au Canada anglais et dans les communautés francophones, mais on peut penser que la chose est vraie également même si les francophones en situation minoritaire ont tendance à être fortement bilingue, même s'ils n’ont peut-être pas toujours cette préférence à utiliser le français, il faut se rappeler que les gens sont généralement plus efficaces quand ils traitent des contenus dans leur langue, même alors qu’ils sont bilingues. Les recherches, qui ont été réalisées, montrent que si je suis francophone et que je lis un texte en français, je risque de mieux le comprendre et de mieux m'en rappeler. Je risque également d'être mieux persuadé par ce texte que si je le lis dans la langue seconde. Par conséquent, les francophones ont besoin de contenu en français et les anglophones ont besoin de contenu en anglais.

Si on regarde la toile, on remarque que 5 p. 100 du contenu, sur l'ensemble de la toile, est disponible en français, et 45 p. 100 est en anglais. La toile est un univers dans lequel l’anglais est prépondérant.

Pour ce qui est d’éléments plus nouveaux, on voit des applications pour le iPad et pour le iPhone. Une étude récente a révélé que seulement 6 p. 100 de ces applications sont accessibles en français.

Sur la boutique Amazon.com, on trouve quelque 10 000 livres en français et plus d’un million en anglais. On remarque donc un déséquilibre assez fort.

Vous parliez de la Partie VII et de la nécessité de faire en sorte que la dualité linguistique se reflète bien dans le numérique. À ce titre, il est clair qu'on est devant un déséquilibre. Un des acteurs les mieux placés pour redresser ce déséquilibre est certainement le gouvernement fédéral.

On parle donc, premièrement, d’accès à Internet et, deuxièmement, de contenu dans la langue des Canadiens. Le troisième élément est le suivant : il faut que les francophones et les anglophones des communautés aient les compétences de base dont ils ont besoin pour se servir de Internet et des technologies de l'information. Or, les données démontrent que les gens n'ont pas toujours ces compétences de base.

Qu’est-ce qu’une compétence de base? Si je vais sur Internet, il faut que je puisse lire et comprendre les textes affichés. Or, ce n'est pas tous les Canadiens qui ont les connaissances pour lire et comprendre des textes parfois compliqués. Sur les sites du gouvernement fédéral, on constate parfois que les textes ne sont pas rédigés pour ceux et celles qui ont une difficulté en lecture, mais plutôt pour ceux et celles dont les compétences en lecture sont fortes. Les formulaires et les pages Web sont rédigés ainsi. Il faut donc augmenter ces compétences.

Il faut également augmenter les capacités technologiques. Si je vais sur Internet, il faut que je sache comment utiliser un ordinateur, un iPad, un téléphone cellulaire, que je puisse envoyer des courriels. Heureusement, les capacités langagières peuvent être acquises à l’école ou grâce aux bibliothèques, car on encourage la lecture chez les jeunes. Il en va de même pour les capacités technologiques. On a remarqué qu'à l’aide d’interventions de la part de groupes communautaires, par exemple, il est possible de changer les choses. Si on veut aider les membres des communautés francophones ou anglophones à aller chercher les habilités qui leur manquent, on peut le faire en s'appuyant notamment sur des groupes et des associations.

Quatrièmement, il est important d'avoir des capacités de base, toutefois, pour faire ce qu’on désire dans le monde numérique, il faut des compétences spéciales. Prenons l’exemple d’une petite communauté francophone de l’Alberta ou de la Colombie-Britannique, comme Maillardville, qui désire offrir à sa population des services gouvernementaux électroniques. Il faudra alors savoir plus que simplement faire du courrier électronique. Il faudra des compétences spéciales, savoir ce qui constitue de bons services électroniques aux citoyens, comment les mettre en marché, quels sont les défis, comment lance-t-on une boutique électronique. Ces questions sont plus complexes.

Encore une fois, il ne suffit pas de disposer de la technologie, il faut l’utiliser à son plein potentiel. Pour aider les entreprises et les citoyens à utiliser les technologies à leur plein potentiel, il faut les soutenir. Encore une fois, des organismes et des acteurs sont en mesure d'appuyer les citoyens et les entreprises dans leur appropriation des technologies de l'information et de Internet. Toutefois, il faut des moyens, en français pour les francophones et en anglais pour les anglophones.

Ces quatre champs d'intervention sont importants. Pour de plus amples détails, veuillez consulter le document. Il y a beaucoup à faire de ce côté.

Mme Dubé : Le niveau de langage est un élément très important. Lorsque, pour l’État, on produit un document pour les citoyens, on le fait avec notre niveau de formation et de compétence. Toutefois, il ne reflète pas nécessairement la compétence des gens qui reçoivent ce document. Par exemple, nous avons reçu le mandat du gouvernement du Québec de mesurer la capacité des aînés et leur compétence au niveau du Web et de Internet. Nous avons interviewé 4 000 aînés et nous avons tout mesuré. Le résultat des tests d’utilisabilité nous a particulièrement fascinés. Les aînés se trouvaient à l'ordinateur et devaient s'informer sur le crédit d'impôt auquel ils ont droit ou l'ensemble des services auxquels ils ont droit. On a constaté que 100 p. 100 des aînés ont échoué à ce test qui consistait à trouver l'information, et ce, malgré le fait que cette information était dans leur langue maternelle.

On parle donc de niveau de langage. L'État a la responsabilité de s'assurer que les citoyens obtiennent les informations dans leur langue maternelle, mais également à un niveau de langage qui facilite l'accès aux services de l'État.

Le sénateur Tardif : Merci de votre excellente réponse. Nous aurons beaucoup de matière sur laquelle nous pencher.

Le sénateur Losier-Cool : J’aimerais poursuivre sur vos propos en ce qui concerne les aînés. C'est presque désolant. Je comprends, et je suis d'accord avec vous, que toutes ces nouvelles façons de communiquer et la technologie sont des outils extraordinaires. Toutefois, vous devez craindre pour certains groupes. On vient de mentionner les aînés, mais il y a aussi les francophones en situation minoritaire. Est-ce possible de régler le problème? On ne peut tout de même pas légiférer sur l'apprentissage des aînés. Ne craignez-vous pas parfois que la technologie devienne un outil d’assimilation?

Mme Dubé : Je vous avouerai que nous éprouvons souvent une certaine préoccupation à cet égard. On se pose la question à savoir quoi faire pour que les technologies soient vraiment utiles et non en train de créer une autre forme d’isolement ou un groupe d’illettrés numériques ou de gens qui n’ont pas ces réflexes.

Un des soucis de notre organisation est la simplification des outils. Nous voulons nous assurer que l’environnement est intuitif. Nous sommes suffisamment reconnus dans le domaine et la ministre responsable des Aînés nous a demandé de prévoir un programme complet sur le type de programmes qui pourraient être offerts aux aînés, à l’aide du numérique. Pour vieillir chez soi et bien vieillir chez soi, que peut faire le numérique? C'est un projet de plusieurs années.

Faire son épicerie en ligne, par exemple, est compliqué. Pour ma part, je ne trouve jamais les petits pois Le Sieur. 

Cette notion est importante, à notre avis. Les technologies doivent être au service des citoyens. Il faut miser sur un environnement intuitif plutôt qu’une architecture informatique. C’est ce sur quoi nous consacrons tous nos efforts.

Nous sommes également conscients des milieux anglophones en région ou à Montréal. On s'est demandé ce qu'on peut faire pour ces groupes sur le plan de l'éducation. Nous avons adapté le projet École éloignée en réseau dont je vous ai parlé plus tôt, en considérant le fait qu'on ne se trouve plus en situation multi-âges, mais avec de grandes classes et des enseignants isolés qui doivent rendre le même programme pédagogique avec moins d'outils. Nous nous sommes assurés de créer les communautés de pratiques pédagogiques nécessaires pour rendre disponibles ces appuis.

Nous partons toujours du fait que les technologies numériques doivent nous simplifier la vie et non la compliquer.

Le sénateur Losier-Cool : Absolument.

Mme Dubé : Cependant, nous ne sommes qu’une goutte d’eau dans la mer des technologies. Cette problématique n’est pas appelée à disparaître. C'est la réalité présente et future. Nous avons donc ce souci. Les chercheurs nous accompagnent dans notre démarche et apportent leur expertise pour faire en sorte que ces technologies soient simples et intuitives. Voilà les deux mots clefs auxquels nous aspirons.

Les enfants sont comme des éponges. Ils ne savent pas lire, mais ils absorbent tout instantanément. Ils utilisent la technologie de façon très intuitive avec le type de programmes que nous développons. Et nous ne faisons que commencer du côté des aînés.

Le sénateur Losier-Cool : Votre réponse suscite deux autres questions plus spécifiques.

Vous avez mentionné que la ministre responsable des Aînés vous demande des sondages ou un volet de mesures, vous avez aussi mentionné l’éducation. Le gouvernement fédéral vous a-t-il déjà approché pour mener certaines études ou mesures sur les services gouvernementaux?

Mme Dubé : Pas à ce jour. Comme je vous l’ai indiqué, nous ne sommes pas connus du reste du Canada. Je rencontrais aujourd'hui des responsables du Secrétariat du Conseil du Trésor pour présenter différents dossiers. Toutefois, à ce jour, le gouvernement fédéral n’a pas fait appel à nos services. On a sollicité Industrie Canada dans un projet qu’on appelle « l’indice de mesure de l’impact des technologies sur l’innovation ». Industrie Canada est avec nous dans ce projet et nous les avons sollicités.

Le sénateur Losier-Cool : Est-ce que vous comptez des programmes spécifiques de coopération avec les écoles communautaires entrepreneuriales?

Mme Dubé : Non, pas pour le moment.

Le sénateur Losier-Cool : Il y a l'école Versant-Nord et au Nouveau-Brunswick on développe beaucoup l'école communautaire entrepreneuriale qui est un modèle développé au Québec.

Mme Dubé : C'est Thérèse Laferrière qui développé cela. Il s'agit donc de la même chercheure.

Le sénateur Mockler : Quel rôle le CRTC devrait-il jouer selon votre vision des médias sociaux?

Mme Dubé : Concernant la vision des médias sociaux ou concernant l'accès à Internet?

Le sénateur Mockler : Concernant l'accès à Internet et le faciliter pour les communautés linguistiques à travers le Canada.

Mme Dubé : Je vais répondre de façon intuitive puisque c'est un élément que nous n'avons pas étudié en profondeur. Le CRTC devrait jouer un rôle majeur quant au niveau de l'accès à Internet haute vitesse. Je parle de l’accès à Internet haute vitesse, de la qualité requise de nos jours, et ce non seulement pour échanger des courriels, mais pour être en mesure de télécharger et de travailler plusieurs personnes en même temps. Le premier rôle que devrait jouer le CRTC à l'égard des médias sociaux et de tout le Web, c'est d'en assurer l'accès pour tous les citoyens canadiens.

Le sénateur Mockler : Que recommanderiez-vous au CRTC s'il était devant vous?

M. Roy : Ce qui serait vraiment bien pour l'ensemble des communautés serait que le CRTC dise que tous les Canadiens ont droit à un service Internet de X mégabits/seconde ou mieux, et qu’ils devraient avoir cet accès d'ici telle date.

Le CRTC vient de dire que, d'ici 2015, la barre des cinq mégabits/seconde devrait être atteinte. C'est bien, mais si c'était plus haut, ce serait encore mieux. Par exemple, en Finlande on parle de 100 mégabits/seconde d'ici 2020 pour une grande partie de la population. La barre est vraiment très haute. Je pense que le rôle du CRTC est de monter la barre et de faire en sorte que tous les Canadiens, où qu'ils habitent et quelle que soit leur première langue officielle, aient un accès aussi bon et rapide que possible à Internet haute vitesse.

Le sénateur Mockler : D'après votre expérience, quelle est la barre?

Mme Dubé : Ce n’est sûrement pas cinq mégabits.

M. Roy : Je pourrais lancer dix mégabits/seconde, mais dans les centres urbains des vitesses nettement plus hautes sont déjà possibles. Une chose est certaine, c'est qu'une vitesse de 1,5 mégabit/seconde, qui est le niveau dont doivent se contenter certaines régions du Canada, c'est très bas.

Par ailleurs, je mets sur la table un problème qui existe. Je ne sais pas si vous vous souvenez qu’il y a quelques années le DVD est arrivé. C'était vraiment extraordinaire, car cela venait dans une, deux, trois ou quatre langues et ça remplaçait les vidéocassettes. Je n'ai jamais habité l'Ouest canadien, mais si je j’étais demeuré à Edmonton, par exemple, et que j'étais entré dans un club vidéo, on peut penser que la portion allouée aux films en français aurait été relativement petite à l'époque des vidéocassettes.

Le DVD arrive et il est automatiquement en anglais et en français; c’était un gros gain pour les communautés francophones dans l'Ouest. Là, c'est comme s'il y avait un retour en arrière. Si vous utilisez des outils tels iTunes ou Netflix, vous constaterez qu'il n'y a pas beaucoup de titres en français et même des films doublés en français dans votre club vidéo qui ne se sont pas accessibles en français sur www.netflix.ca.

Si vous allez sur iTunes pour louer certaines émissions de télé, vous constaterez la même chose. Vous ne pouvez pas prendre une version disponible dans les deux langues. Vous devez, dans certains cas, choisir la version linguistique que vous voulez : l'anglais ou le français; pas nécessairement les deux. Et dans certains cas, il n’y a seulement que la version anglaise disponible. On pourrait penser que des commerçants comme Netflix ou Apple pourraient faire mieux, c'est-à-dire que lorsqu'une version française d'un contenu particulier existe, cette version devrait être disponible dans la boutique en question.

Est-ce que le CRTC pourrait intervenir? J'imagine que oui. Je ne suis pas un spécialiste du CRTC, mais ce serait certainement une bonne chose qu'il intervienne de ce côté.

Mme Dubé : Le CRTC devrait s'assurer qu'il n'y ait pas de bulle où il n'y a pas de Internet haute vitesse. Il n'a pas besoin d'aller sur la Basse Côte-Nord. Tout près de Lévis, à côté de Québec, il y a des endroits, des bulles, où il n’y a pas d’accès à Internet haute vitesse parce que ce n'est pas rentable pour les compagnies d'y aller où il y a très peu de résidents dans des rangs.

Je vais vous démontrer l'importance du fait que Internet haute vitesse soit accessible pour tous. Je vais vous faire part d'une donnée qui sortira en janvier 2012. C'est donc une primeur qu'on vous révèle aujourd'hui.

Cela concerne la principale source d'information utilisée pour consulter l'actualité et les nouvelles. En 2008, la principale source d’information était la télévision à hauteur de 63 p. 100. En 2011, c'est toujours la télévision à hauteur de 41 p. 100.

Toutefois, pour la source d’information Webtélé et Internet pour s'informer, c'était à hauteur de 13 p. 100 en 2008 et c'est à hauteur de 30 p. 100 en 2011. La croissance entre 2010 et 2011 est tellement forte que, d'ici six mois, la principale source d'information des nouvelles sera Internet. Ce ne sera plus la télévision. Cela vous démontre l'importance d'un accès partout.

Le sénateur Losier-Cool : Le magasinage en ligne, c'est la même chose?

Mme Dubé : Ce qu'il y a de particulier concernant le magasinage en ligne — nous le mesurons tous les mois — c'est que 250 millions de dollars sortent tous les mois du Québec pour acheter aux États-Unis puisque les entreprises au Québec actuellement ne sont pas réellement passées à la vente en ligne.

Le sénateur Losier-Cool : Une étude est sortie récemment.

M. Roy : Évidemment, on magasine en anglais à ce moment-là.

La vice-présidente : C'est bizarre que nous en parlions aujourd'hui, alors que c'est aujourd’hui aux États-Unis le Cyber Monday.

Mme Dubé : Oui. Je peux vous garantir que des gens dans mon équipe sont allés se procurer des iPads.

Le sénateur Mockler : J'ai entendu différentes choses dans des salons du livre. De quelle manière pourrait-on rendre davantage disponibles les livres numériques pour nos communautés francophones à travers le pays?

M. Roy : Je réfléchis en même temps que je parle; cela ne donne pas toujours de bons résultats. Si vous allez sur www.amazon.ca qui, tout de suite, vous transférera sur www.amazon.com et que vous cherchez des livres en français pour le Kindle, il y en a. Mais il n'y en a pas tant que ça et ce n'est pas nécessairement les derniers titres. Cela tient à plusieurs raisons. L'industrie francophone du livre résiste, entre guillemets, au virage vers le numérique car il y a des enjeux extrêmement importants.

Si on voulait que ce virage se produise, j'ai l'impression qu'il faudrait faire un certain nombre de choses. Il faudrait rassurer les éditeurs qui travaillent déjà dans un petit marché et dont la situation financière n'est pas nécessairement très solide, sur le fait que ce qu'on a pu voir aux États-Unis ne se passera pas nécessairement ici, c'est-à-dire voir les marges de profit s'effondrer petit à petit et qu'à un certain moment l'entreprise ne soit plus viable. Si vous regardez le prix des livres numériques aux États-Unis, vous voyez qu'il est parfois beaucoup plus bas que le prix de la version papier.

Cela soulève la question de l'éditeur dans la chaîne du livre. Les éditeurs sont inquiets. Pour les aider à prendre le virage, probablement qu'il faudrait donner des incitatifs financiers, les soutenir d'une certaine manière.

Mme Dubé : Au Québec, actuellement, le livre numérique est vraiment une économie très marginale. En 2011, 7,8 p. 100 des adultes québécois utiliseront le livre numérique. C'est une belle croissance par rapport à 2010, car cela a presque doublé, mais il n'y a pas vraiment de contenu. Si on essaie de trouver, par exemple sur le iPad, des livres numériques, on n'a pas d'outils de recherche en français. Les outils de recherche ne sont pas très simples. On trouve facilement nos livres en anglais, mais pour trouver des livres en français, on a beau connaître l’auteur, on est presque sûr du titre, mais on n’y arrive pas, car le volume n'est pas suffisamment fort pour être bien organisé présentement. On amorce une analyse.

Notre vice-président, Vincent Tanguay, s’occupe de voir à l'évolution possible du livre numérique et on n'a pas vraiment assez analysé. On nous pose ces questions depuis trois mois alors qu'on commence à poser nos jalons. Donc, nous n’avons pas plus d’information.

M. Roy : Avant-hier, je lisais quelque chose sur la situation en Allemagne et l'une des choses qu'on disait, c'est que le gouvernement allemand aurait décidé d'intervenir sur le prix des livres électroniques pour faire en sorte que le prix ne soit pas beaucoup plus bas que le livre en papier ; ce qui aurait pour effet d'inciter davantage les éditeurs à prendre le virage dans la mesure où ils ont moins peur que tout cela va chambouler le fonctionnement de l’industrie.

Le sénateur Mockler : Vous dites que c’est l’Allemagne?

M. Roy : Oui, il me semble avoir lu quelque chose sur ce qui se passe en Allemagne.

Le sénateur Tardif : Vous nous avez fourni des statistiques par rapport à la popularité grandissante des médias sociaux et des diverses plateformes de divertissement en ligne. Selon vous, les lois canadiennes sont-elles suffisamment claires pour encadrer l'utilisation des médias sociaux et des diverses plateformes afin de respecter les obligations linguistiques du gouvernement?

Mme Dubé : Pour ce que j’en sais, l'arrivée des médias sociaux et de Internet est beaucoup plus rapide que l'adaptation des lois. Si on regarde ce qui se passe au Québec sur le plan du fait français sur Internet, c'est la Charte canadienne des droits et libertés et l'Office de la langue française qui ont les éléments les plus précis, qui stipulent qu'on doit, quand il y a un employé de l'État, travailler avec des outils qui sont français. On demande que l'État n'achète que des versions françaises des logiciels. On sent que c'est l'encouragement vers une amélioration. Cela a été tellement rapide et les lois n'ont pas été nécessairement adaptées et on parle encore de politique. C’est ce que j’en sais pour le Québec ; pour le reste du Canada, il s’agit d’un élément que nous n'avons pas regardé.

Le sénateur Tardif : Le Secrétariat du Conseil du Trésor travaille au développement de lignes directrices et je crois qu'ils les ont publiées. Je n’ai pas encore eu la chance de les étudier à fond. Si vous aviez à faire des recommandations au Secrétariat du Conseil du Trésor, que seraient-elles?

M. Roy : Vous parlez de l'utilisation des technologies à l'interne?

Le sénateur Tardif : À l'interne, mais aussi en tant qu’institution fédérale offrant des outils et de l’information aux citoyens canadiens.

M. Roy : Je pense que je n'aurais pas de lignes directrices à vous proposer comme cela à brûle-pourpoint. Il est important de prendre en considération, lorsqu’on a une discussion comme celle que nous avons présentement, que l'univers numérique est un univers nouveau, mais en même temps, ce n'est pas comme la planète Mars. Les lois et les règlements qui s’appliquent dans le monde traditionnel, dans certains cas, s'appliquent également dans le monde numérique où la pensée qui a mené à ces lois et ces règlements peut continuer de gouverner la manière dont les choses se passent dans l'univers numérique. Ce n'est pas comme si l’arrivée du numérique remettait tout en question. Il y a des changements et il faut y réfléchir. Mais on peut penser que des obligations qui tiennent en vertu de la Partie IV, de la Partie V, de la Partie VII, et cetera, tiennent encore en bonne partie dans l'univers numérique comme dans l’univers traditionnel. Il n'est pas nécessaire dans tous les cas de tout revoir. Il y a des cas où une certaine révision serait nécessaire. Si on reprend l'exemple de GCPedia, l'exemple dont je parlais tantôt, si je suis un employé et j’ai le droit d'utiliser la langue de mon choix, cela s'applique pour un mémo, lors d’une réunion et cela s’applique également quand j’interviens dans GCPedia ou dans un autre type de média social. Il n'y a pas de raison que ce droit disparaisse. Il pourra évoluer d’une certaine manière j’imagine, mais les raisons qui ont entraîné l’octroi de ce droit tiennent toujours dans ce cas comme dans d’autres cas.

La vice-présidente : Merci beaucoup. J'aimerais quand même poursuivre sur les livres en version électronique.

J'ai l'impression que les gens n'ont peut-être pas encore l'instinct d'aller voir si tel livre, qui vient d’être publié, est disponible en version numérique. Nous sommes en retard. Je vais retourner en 1985, 1986, où aucune œuvre artistique qui était sur un support électronique n'était couverte par la Loi sur les droits d'auteur. On a fait des changements en 1986 et en 1993. Peut-être que les gens trouveront ou auront l'instinct d'aller voir si tel ou tel livre qu'ils veulent lire est disponible en version électronique. Quand je pense à la quantité de livres que j’avais à ranger en fin de semaine à la maison ; je ne sais plus où les rangers. J'en apporte en gros sacs à une bibliothèque qui reçoit des gens moins fortunés pour qu'ils aient des choses neuves à offrir.

Une des choses qui m’inquiète beaucoup, c'est de voir comment nos jeunes jouent avec Internet. J’ai été propriétaire d’un ordinateur à l’âge de 50 ans. Je voyais ma petite-fille qui, à sept ou huit ans, savait déjà comment s’en servir. Avec tous ces sites dits sociaux, beaucoup de choses se font en anglais. De jeunes francophones, qui apprennent un peu l'anglais à l'école, s'en vont là.

Madame Dubé, vous parliez tout à l’heure du niveau de langage. J'aimerais parler de la qualité de la langue.

Les jeunes au lieu d’écrire « je trouve ça très drôle » vont me faire un LOL laughing out loud. Évidemment, j’ai appris. J’ai été forcée d’apprendre ce que cela voulait dire, mais toute cette écriture, cet autographe qui est devenu la chose à la mode, me fait peur quant à la qualité de langue française que nos jeunes parlent et que nos jeunes écrivent. Ai-je tort ou raison?

Mme Dubé : Vous avez raison. C’est une préoccupation majeure du ministère de l'Éducation au Québec, qui est en train de développer l'école 2.0 pour s'assurer que l'usage du français soit de niveau excellent. C'est inquiétant et en même temps, c’est tout ce qu'on peut faire en utilisant les technologies correctement pour appuyer la recherche sur de bons sites, la création de l'intelligence, la création de nouvelles connaissances. Il y a aussi là une occasion. C'est vrai que les médias sociaux sont inquiétants pour les formules très rétrécies, mais il demeure que les jeunes ont toujours trouvé une façon de se parler, un langage qui leur est propre. Lorsqu'on revient à l’élément pédagogique, cet aspect est surveillé avec beaucoup d'insistance et c’est le devoir sur le plan de l'enseignement, que ce soit en français ou en anglais, de ne pas tolérer cette contraction de mots en symboles.

M. Roy : Le niveau de langue n’est pas le même sur Internet. Lorsque j'écris sur un iPad, comme je suis pressé, je vais omettre, par exemple, les accents ou les apostrophes. Je fais plusieurs choses sur mon iPad que je ne ferai pas si j’écrivais un texte destiné à un comité sénatorial, par exemple. Je suis conscient du fait que, sur Internet, je n’écris pas de la même façon que lorsque je rédige un texte destiné à des gens importants.

Il en va de même pour les jeunes. Ils savent, dans bien des cas, que s'ils écrivent "en t k" dans un courriel, ils ne peuvent le faire dans un devoir qui doit être remis en classe. Le problème surviendra le jour où "en t k" se retrouvera dans les travaux scolaires et les dissertations au niveau du doctorat.

La vice-présidente : Le terme sera peut-être accepté par l'Académie française.

M. Roy : Bref, le problème existe sans doute. Toutefois, on lui accorde peut-être plus d’importance qu’il ne le mérite si les jeunes sont conscients qu'ils doivent changer de niveau de langage selon le forum.

La vice-présidente : Je crois qu’il y a lieu tout de même de s’inquiéter. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons.

Le sénateur Poirier : Ce langage codé que les gens utilisent sur Twitter et dans le clavardage n'est pas uniquement un problème chez les francophones; c'est un problème que l’on retrouve autant chez les anglophones que chez les francophones. Les anglophones utilisent des codes et un nouveau langage qui leur est propre. Je tenais à vous le mentionner.

La vice-présidente : Vous avez tout à fait raison. Madame Dubé, monsieur Roy, je vous remercie. Nous avons passé une heure extraordinaire. Nous avons appris beaucoup de choses. Vous avez bien nourri nos réflexions pour ce rapport. Je vous en remercie beaucoup.

Le comité se penche aussi, en ce moment, sur les obligations d'Air Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles. Plus précisément, il se penche sur le rapport de vérification publié récemment par le commissariat aux langues officielles sur la prestation des services bilingues aux passagers d'Air Canada. Cette comparution est aussi une occasion pour le comité de faire un suivi de son rapport, déposé en juin 2008, sur le bilinguisme du personnel d'Air Canada.

Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Priscille Leblanc, vice-présidente des communications de l’entreprise, Mme Susan Welscheid, vice-présidente du service à la clientèle, Mme Louise-Helen Senecal, conseillère juridique principale, et Mme Chantal Dugas, chef de service général des affaires linguistiques.

Mesdames, merci d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Vous avez maintenant la parole et les sénateurs suivront avec des questions.

Priscille Leblanc, vice-présidente, Communications de l'entreprise, Air Canada : Honorables sénateurs, nous vous remercions de l'occasion qui nous est donnée de nous adresser à vous aujourd'hui. On va commencer par offrir nos condoléances à la présidente de ce comité, l'honorable Maria Chaput, à l'occasion du décès de son père.

Je tiens tout d'abord à souligner que c'est toujours avec plaisir que nous venons parler des initiatives et des efforts continuels de notre entreprise afin d'assurer une conformité totale à nos obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Nous avons été invitées à témoigner aujourd'hui relativement à la vérification récemment menée par le commissaire aux langues officielles au sujet de la prestation de services en français et en anglais aux passagers d'Air Canada, au rapport produit par le comité en juin 2008 concernant le personnel bilingue d'Air Canada ainsi qu'au Plan d'action linguistique que nous avons présenté.

Depuis la dernière fois que nous nous sommes adressés au comité, en mars 2008, Air Canada a connu nombre de changements internes et a dû affronter diverses crises indépendantes de sa volonté ayant également perturbé toute l'industrie du transport aérien.

Malgré ces défis, la société a toujours maintenu ses efforts afin de respecter ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

Nous avons mis en oeuvre plusieurs initiatives afin de sensibiliser davantage les employés aux obligations d’Air Canada concernant les langues officielles et d’améliorer le service clientèle. En voici quelques-unes : la vidéo Bonjour! Hello! sur l’offre active de services d’Air Canada présentée à tous les nouveaux employés de première ligne et disponible dans notre site Web interne; la réalisation d’audits de qualité internes mensuels; la communication détaillée des obligations d’Air Canada en matière de langues officielles à tous les nouveaux employés de première ligne; et la création d’un prix linguistique.

En outre, en vue de normaliser son service bilingue au Canada et dans un certain nombre de villes à l’étranger, quelle que soit l’importance de la demande, Air Canada a mis en place plusieurs systèmes automatisés qui offrent des services uniformes de même qualité dans les deux langues officielles, comme les bornes libre-service dans les aéroports où les clients peuvent effectuer de nombreuses transactions, l’application pour appareils mobiles et le site Web. À mesure que la technologie évolue, nous cherchons de nouvelles possibilités d’améliorer notre prestation de services.

[Français]

En 2010, à titre de transporteur officiel des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver, Air Canada s'est montrée à la hauteur en proposant à des milliers de visiteurs, dignitaires, journalistes et athlètes des services dans les deux langues officielles, exploit que peu de gens croyaient possible. Durant l'événement, Air Canada a également appuyé les langues officielles en commanditant la Place de la Francophonie à Granville Island. Sur tous les plans, y compris la disponibilité du service dans les deux langues officielles à l'intention des clients, notre performance durant les Jeux est une source de fierté à Air Canada. Notre bon rendement global quant à la dualité linguistique est attribuable à l'intégration complète de l'offre bilingue dans la préparation intensive en vue des Jeux ainsi qu'au leadership et à l'engagement démontrés par l'équipe de direction et le chef de projet en matière de préparation aux Jeux olympiques.

A posteriori, nous constatons que les ressources allouées par la société en vue d'assurer un bon rendement durant les Jeux excédaient la demande à Vancouver.

Air Canada ne peut se permettre de maintenir ce degré de soutien de façon continue, puisque bon nombre des participants étaient bénévoles. Cependant, les meilleures pratiques ont été définies en vue d'améliorer les initiatives déjà en place à Vancouver et à d'autres aéroports canadiens, selon les besoins et la capacité.

[Traduction]

Comme vous le savez, le Commissariat aux langues officielles a procédé à la vérification de notre prestation de services dans les deux langues officielles à l’automne 2010. L’équipe de vérification a donc rencontré des employés de partout au pays, notamment du personnel des aéroports et du Service en vol, des gestionnaires et des cadres supérieurs, afin d’en savoir davantage sur leur perception et leur compréhension des obligations de la société à l’égard des langues officielles et de la mise en oeuvre de la politique linguistique en tant que telle.

Nous avons bien accueilli le rapport du commissaire aux langues officielles et sommes ravis que la vérification ait permis de relever les nombreux outils et initiatives adoptés par Air Canada non seulement pour remplir ses obligations que lui impose la partie IV de la Loi sur les langues officielles, mais surtout pour respecter son engagement envers ses clients et, par conséquent, leur fournir un service de qualité dans la langue officielle de leur choix.

[Français]

Il est aussi important de mentionner que, contrairement aux institutions gouvernementales assujetties à la Loi sur les langues officielles, Air Canada ne reçoit aucune subvention fédérale directe ou indirecte pour la formation, les tests et les communications relatives aux langues. Néanmoins, Air Canada a alloué d'importantes ressources pour maintenir ses programmes linguistiques et ce même en période de difficultés dans l'industrie et de ralentissement économique. En fait, les affaires linguistiques sont l'un des rares services dont le budget et les programmes n'ont pas subi de réduction au fil des ans.

Notre plus récent Plan d'action linguistique permet de répondre aux préoccupations soulevées par le commissaire aux langues officielles dans la vérification et, par le fait même, de traiter des préoccupations énoncées dans le rapport du comité sénatorial de juin 2008.

Le plan clarifie également notre politique linguistique, les rôles et responsabilités de chacun et la manière d'atteindre nos buts.

[Traduction]

Conformément aux conclusions de la vérification, Air Canada reconnaît que, malgré les nombreux outils déjà utilisés, il faut déployer des efforts supplémentaires pour accroître la sensibilisation à ses obligations et à ses responsabilités linguistiques parmi ses employés. Air Canada convient que son nouveau plan d’action sur les langues officielles sera utile pour normaliser ses activités et initiatives linguistiques. Nous allons transmettre un message clair à tous nos employés, et nos gestionnaires veilleront à faire respecter davantage la politique, comme c’est décrit dans notre plan d’action.

Le plan d’action, qui se veut un outil de référence à l’intention de tous employés d’Air Canada, comprend six sections : engagement et leadership de la direction; recrutement; communication et formation; normes de service; vérifications et rendement; et communautés.

[Français]

Comme pour toutes les initiatives de grandes entreprises, l'engagement à promouvoir une culture bilingue doit émaner de la haute direction. Reconnaissant que la nature particulière de ses activités exige la mobilisation de toutes les ressources de la société en vue de favoriser une culture bilingue, la direction a mis en œuvre un cadre de responsabilisation visant à établir les principes directeurs et la gestion efficace des langues officielles. Pour ce faire, nous avons débuté par la redéfinition des conditions du responsable et des cochampions des langues officielles. Nous avons également établi des objectifs et des indicateurs de rendement. Un suivi du rendement et des rencontres régulières avec le personnel clé permettront à la société de déterminer plus rapidement les secteurs présentant des lacunes et d'adopter des mesures ou des changements appropriés.

[Traduction]

Nous nous sommes engagés à concevoir une publication sur les langues officielles que les employés et les gestionnaires pourront consulter au quotidien, comme un guide. La publication décrira les procédures linguistiques relatives au recrutement, à l’affichage et à la formation, l’offre active de service, les niveaux de langage, la formation linguistique, la traduction de documents, la politique sur le remboursement des frais de scolarité, les exigences linguistiques de certains postes, les normes de service, et cetera.

[Français]

Pour respecter ses obligations linguistiques, Air Canada doit maintenir un nombre suffisant d'employés bilingues au sein de son effectif. Le recrutement de nouveaux employés bilingues, en particulier à l'extérieur du Québec, a toujours été et demeure un défi de taille pour la société.

Air Canada n'est pas la seule à devoir surmonter ce défi puisque toutes les institutions fédérales sont tenues de servir le public dans les deux langues officielles. Les institutions fédérales de même que les entreprises privées se font donc compétition pour embaucher les ressources au sein d'un même bassin limité.

Dans les processus de recrutement, l'un des problèmes que nous avons constatés est le manque d'occasions de mettre en pratique les compétences linguistiques. De nombreux candidats nous informent qu'ils ont participé à un programme d'immersion en français pendant toutes leurs études primaires et secondaires, mais qu'ils n'ont pas eu l'occasion d'utiliser cette langue depuis ce temps. Même s'ils ont fini leurs études il y a quelques années seulement, leurs compétences linguistiques ont commencé à décroître au point où ils ne peuvent plus soutenir une simple conversation.

[Traduction]

De plus, au cours des 10 dernières années, il nous a été presque impossible d’augmenter la proportion d’employés permanents bilingues, d’autant plus que nous avons surtout pourvu des postes saisonniers ou à temps partiel. Bien qu’Air Canada soit généralement considérée comme un employeur de choix pour quiconque désire faire carrière dans le secteur du transport aérien, elle doit faire de la publicité dans certains médias ciblés et collaborer avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire afin d’attirer un nombre suffisant de candidats bilingues. Nous avons toutefois bon espoir que cette situation s’améliorera, car le dernier contrat de travail de nos employés des aéroports favorise l’embauche permanente.

[Français]

Depuis notre dernière comparution devant ce comité, notre collaboration avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire, les collèges et les universités nous a aidés à améliorer notre recrutement de ressources bilingues. À titre d'exemple, en 2011, 73 p. 100 de nos nouveaux employés dans les aéroports et centres téléphoniques étaient bilingues, par rapport à moins de 39 p. 100 en 2008.

Les employés dont le français est la deuxième ou la troisième langue et qui n'ont pas l'occasion de mettre régulièrement en pratique cette langue font face aux mêmes défis que les candidats mentionnés précédemment. Ils doivent donc être en mesure d'utiliser leurs compétences linguistiques pour les maintenir. Même si bon nombre d'employés ont de solides compétences linguistiques ou ont déjà reçu de la formation linguistique au moment de leur embauche, ils sont nombreux à faire remarquer que faute de pouvoir parler suffisamment français au travail, leurs compétences ont décliné.

Nous reconnaissons donc que nous devons faire preuve de créativité dans l'élaboration de nouveaux modèles de formation et encourager les employés à les utiliser. Air Canada a déjà à sa disposition de nombreux moyens de communication pouvant servir à accroître la sensibilisation, mais une approche plus organisée et plus systématique est requise pour améliorer l'uniformité.

L'épinglette sur laquelle est écrit « J'apprends le français » représente l'une des initiatives déjà mises en œuvre. Nous avons déjà constaté l'incidence positive de cette initiative qui vise à donner la confiance nécessaire aux employés qui ne sont pas qualifiés en français afin qu'ils fassent la promotion de l'offre active de services. Des employés nous ont dit que les clients se montrent plus compréhensifs et parlent plus lentement aux employés s'ils voient que ceux-ci portent l'épinglette. En retour, ces employés, qui étaient auparavant intimidés, sont plus susceptibles de s'adresser en français aux clients.

En créant plus d'occasions de pratiquer le français, nous leur donnons plus de chances d'augmenter leur niveau de compétence ou, au moins, de le maintenir tout en répondant aux attentes des clients.

[Traduction]

Air Canada offre une variété de cours de langue à ses employés et aux employés de Jazz, notamment des cours de niveaux débutant, intermédiaire et avancé, afin de répondre à leurs nombreux besoins. En plus de suivre une formation traditionnelle en classe, les employés bénéficieront de soutien en ligne au cours des prochaines années. Ceux et celles qui ont un horaire variable ou qui voyagent partout dans le monde jouiront ainsi d'une plus grande flexibilité.

[Français]

Afin d'offrir un service uniforme dans les deux langues officielles et d'affecter efficacement nos ressources bilingues, il est essentiel d'établir, de revoir et de maintenir les normes de service dans tous les secteurs du service à la clientèle. Ces normes doivent être communiquées de façon appropriée à tous les groupes d'employés de façon à assurer leur respect.

Afin d'y parvenir, nous passons actuellement en revue les normes et les procédures concernées en fonction de la réalité et des exigences des divers postes et lieux de travail.

[Traduction]

Bien qu’une procédure de vérification soit déjà en place, nous croyons en un mécanisme de surveillance amélioré qui garantira la prestation d’un service de qualité égale dans les deux langues officielles, en vol comme au sol. Ce mécanisme contribuera à déterminer quels secteurs nécessitent des améliorations, de même que ceux où nous connaissons du succès et qui pourraient servir d’exemples. Le même mécanisme de vérification peut également servir à assurer la conformité au sein d’autres transporteurs, comme Jazz, qui offrent des services sous la bannière Air Canada Express au nom d’Air Canada, laquelle doit s’assurer que des services sont fournis dans les deux langues officielles là où la demande le justifie.

[Français]

En guise de conclusion, permettez-moi de réitérer le ferme engagement qu'a pris notre société de se conformer aux obligations linguistiques en vertu de la Loi sur les langues officielles. Nous reconnaissons cependant que nous avons encore du travail à faire pour offrir de façon plus uniforme des services bilingues dans tout le pays.

Nous prenons assurément ces obligations très au sérieux et nous transmettrons en ce sens un message sans équivoque à l'attention de tous nos employés et le renforcerons par un apport soutenu de nos gestionnaires. Pour nous, servir nos clients dans la langue officielle de leur choix demeure tout simplement une décision commerciale pleinement sensée. Nous vous remercions de votre attention et nous sommes prêtes à répondre à vos questions.

La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Leblanc. Je pense que tous ceux qui avaient l'habitude de trouver que la Loi sur les langues officielles, la loi canadienne, était bien dure pour les gens, entre autres, d'Air Canada, tous ceux qui écoutaient la série PanAm se sont retrouvés au milieu des années 1950 où, pour un agent de bord qu'on appelait à ce moment-là une hôtesse de l'air, parler trois langues était une condition sine qua non à avoir l'emploi. Ici ce n'est pas facile même d'en avoir deux.

Par contre, si on est sur un vol qui va à l'étranger, on se fera dire à certains moments : « Aujourd'hui à bord, nous avons des gens qui peuvent répondre à vos questions en français, en anglais, en espagnol, en arabe et en mandarin. » Le français est toujours la langue pour laquelle il sera le plus difficile de trouver quelqu'un. Quoi qu’il en soit, je suis certaine que beaucoup de mes collègues ont des questions à vous poser.

Le sénateur Mockler : Premièrement, j'aimerais vous féliciter pour votre petit livre, mais je remarque que c’est de l’anglais au français. Est-ce que vous avez l’équivalent, mais de français à anglais ?

Chantal Dugas, chef de service générale, Affaires linguistiques, Air Canada : Oui.

Le sénateur Mockler : Félicitations une deuxième fois. J'aimerais en avoir une copie du français à l'anglais s’il vous plaît.

Mme Dugas : Oui, certainement.

Le sénateur Mockler : J'aimerais qu'on discute au sujet du projet de loi C-17. Que pensez-vous de ce projet de loi ?

Louise-Helen Senecal, conseillère juridique principale, Air Canada : Nous considérons que le projet de loi C-17 n’est pas nécessaire puisque, premièrement, il vise deux types d'entité. On peut régler en premier la compagnie Ace Aviation qui, à une époque, était notre compagnie mère principale. Maintenant cette compagnie ne détient que des intérêts minoritaires dans Air Canada. Je crois qu'elle détient moins que 20 p. 100 des intérêts dans Air Canada. Ce n'est pas une compagnie qui offre des services aériens, c’est une compagnie de gestion qui se fait sur le plan des dispositions relative à Ace Aviation.

En ce qui a trait aux compagnies qui offrent des services pour le compte d'Air Canada, visées dans la première partie du projet de loi, nous trouvons également que c'est pas nécessaire. Il existe déjà dans la Loi sur les langues officielles, l'article 25 en particulier, des dispositions prévoyant qu’Air Canada doive veiller à ce que les compagnies qui procurent le service en son nom le fassent au même titre que si Air Canada fournissait ce service. C'est-à-dire que s'il y a une demande importante pour Air Canada, il doit y en avoir une pour cette compagnie. Nous avons inclus, dans nos ententes contractuelles avec cette compagnie, des obligations de rencontrer nos normes de service, qui comportent, entre autres, le service sur les langues officielles.

Par conséquent, nous comprenons mal la nécessité de cette disposition du projet de loi, puisque la compagnie Jazz offre pour nous le service dont nous avons l'obligation en vertu de l’article 25. C'est un peu comme porter à la fois des bretelles et une ceinture.

Le sénateur Mockler : J’aime votre réponse sur C-17. Souvent, on entend parler — et je vais parler de l'Ouest canadien et de l'Atlantique — que vous avez de la difficulté à recruter des personnes bilingues. Pourriez-vous énoncer les commentaires qu'on entend, de temps en temps, à ce sujet?

Susan Welscheid, première vice-présidentel, Service clientèle, Air Canada : Je vais répondre à votre question, étant donné que je suis responsable de l'embauche pour les aéroports, du service en vol et du service des réservations.

Nous faisons tout en notre possible pour trouver des employés bilingues. Nous recrutons à travers le pays. La base de croissance est à Toronto. Les gens doivent donc vivre à Toronto pour travailler pour Air Canada. Toute la croissance vient de Toronto.

Nous avons engagé des agents de bord, récemment, près de 800, et tous résident à Toronto car c'est là où se trouve la croissance d’Air Canada, c’est là où la base grandit. Nous avons énormément de difficulté à trouver des employés bilingues dans la région de Toronto. Nous trouvons souvent des employés à Montréal qui sont prêts à déménager à Toronto ou faire du va-et-vient entre Montréal et Toronto. Nous avons énormément de difficulté à trouver des gens qui parlent le français et l’anglais.

Dans l'Ouest du Canada, on trouve des gens qui parlent toutes les langues asiatiques imaginables, mais il est très difficile de trouver des gens qui parlent le français et l'anglais.

Le sénateur Mockler : Et dans l'Atlantique?

Mme Welscheid : Dans la région de l’Atlantique, c'est un peu plus facile. Encore une fois, nous avons une base à Montréal pour les agents de bord, à Toronto et à Vancouver. Pour les réservations, nous avons, au Canada Atlantique, Montréal, Toronto et Winnipeg. Je dois vous avouer que c'est un défi de taille et nous faisons tout en notre possible pour trouver des gens bilingues. Malheureusement, il y en a très peu. C'est la réalité d’aujourd’hui, malheureusement, au Canada.

Le sénateur Mockler : Est-ce qu’il vous arrive d'embaucher des personnes unilingues francophones?

Mme Welscheid : Quand nous sommes vraiment à court d’employés…

Le sénateur Mockler : Unilingues français?

Mme Welscheid : Unilingue français? Non, jamais unilingue français.

Le sénateur Mockler : Jamais unilingue français?

Mme Welscheid : Non. Je m’excuse, j’avais mal compris la question.

Le sénateur Losier-Cool : Pour faire suite à la question du sénateur Mockler, est-ce qu’Air Canada a déjà considéré une prime de bilinguisme?

Mme Welscheid : Nous n'avons jamais considéré de prime de bilinguisme.

Le sénateur Tardif : J'aimerais poursuivre sur la question du recrutement de personnel bilingue. Dans le rapport du Comité sénatorial des langues officielles, en juin 2008, nous avons fait la recommandation voulant qu’Air Canada travaille davantage avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire afin de faciliter l'embauche de personnel bilingue. Vous dites que c'est très difficile, surtout dans certaines régions. Je suis de l'Ouest canadien, plus particulièrement de la ville d’Edmonton. Si je comprends bien, il est très difficile d'embaucher du personnel bilingue dans l'Ouest canadien.

Avez-vous contacté des institutions de formation telles le campus Saint-Jean de l'Université de l'Alberta ou l’Université Simon Fraser, à Vancouver, qui offrent des programmes de formation linguistique en français, des Alliances françaises? Les niveaux de services Accès à l'emploi en français existent dans les provinces de l'Ouest aussi bien que dans les provinces de l'Atlantique. Avez-vous consulté ces communautés pour voir quel serait le bassin possible de candidats bilingues?

Mme Dugas : Dépendamment de la région où on doit recruter, nous avons un certain nombre de contacts. Lorsqu’on doit embaucher, nous communiquons avec ces personnes et nous leur décrivons les besoins à combler. Des affiches paraîtront alors sur le Web ou on mettra des annonces dans les journaux francophones de la région et sur les campus.

Je peux donner quelques exemples d'embauches que nous avons faites récemment. Dans le cas de postes à combler à l'aéroport d'Edmonton et de Calgary, nous avons contacté la Société éducative de l'Alberta, l'Association canadienne française de l'Alberta, le Centre d'accueil et d'établissement d'Edmonton, l'Université de Calgary. Il est vrai que nous avons beaucoup de difficulté. Toutefois, cette année nous avons changé un peu notre approche. Nous avons mentionné que nous faisons spécifiquement de l'embauche saisonnière. Cependant, au moment de finaliser l’embauche, nous avons annoncé, pour la première fois, des postes permanents, et les résultats sont plutôt bons. À titre d’exemple, à Calgary, nos effectifs sont passés de 10 p. 100 à 15 p. 100, seulement en l’espace d’un mois, et à Edmonton, nous sommes passés de 6 p. 100 à 12 p. 100. Donc, cette fois-ci, les choses ont porté fruit. On voit donc un lien entre les postes permanents et les postes saisonniers.

Le sénateur Tardif : Je trouve positifs les efforts que vous faites en ce sens. Je vous encourage à poursuivre vos efforts et continuer à consulter les associations que vous avez nommées. Les collèges et organismes universitaires sont des endroits à favoriser et à faire des annonces. Je vous encourage en ce sens, au nom de ma province de l'Alberta. Je crois qu'il existe un bassin de candidats. Il faut trouver les moyens d'aller les chercher. J’ignore si le fait que les postes soient à temps partiels ou permanents encourage les candidats. Il est tellement plus facile d’embaucher des personnes bilingues que de leur faire suivre une formation linguistique.

Vous avez indiqué dans votre présentation que, bien souvent, vos candidats étaient des finissants de programmes d'immersion française qui sont rouillés car ils n'ont pas eu l'occasion d’utiliser le français. Toutefois, ces aptitudes reviennent rapidement. Mon expérience en tant qu’ancienne éducatrice m’a permis de constater que, chez les adultes qui ont été exposés au français dès leur jeune âge, le français revient facilement. Il faudrait sans doute très peu, peut-être quelques séances de formation linguistique. Ces gens constituent donc un bon bassin de recrutement, non seulement dans l'Ouest canadien, mais aussi dans la région de l'Atlantique.

Le rapport du commissaire aux langues officielles indique qu’il serait important, au niveau de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles, que vous consultiez davantage les communautés de langue officielle en milieu minoritaire. Dans votre réponse au commissaire, vous avez indiqué que vous ne croyiez pas que la consultation soit nécessaire. Est-ce toujours votre position?

Mme Senecal : En ce qui a trait au recrutement, nous sommes d'accord et nous continuons à consulter les organismes minoritaires linguistiques un peu partout à ce niveau. La recommandation vient de l'arrêt DesRochers contre la Corporation Simcoe où il était déterminé, pour des programmes de développement économique, qu’il fallait consulter les minorités linguistiques afin de s'assurer que les programmes étaient conçus pour leurs besoins individuels par minorité.

Nous n’offrons pas de services à la carte. Nous offrons des services par passager que nous devons, par la Loi sur les transports, offrir de façon égale et non discriminatoire de la même façon partout et avec tous les passagers. Pour cette raison, on ne peut pas dire qu'on va faire un service séparé pour les francophones et un autre pour les anglophones. C'est un service. C’est le même appareil, le même horaire, les mêmes programmes de fidélisation que nous utilisons. Nous avions indiqué au commissaire que la consultation, dans ce cas-ci, n'aurait pas l'effet désiré par le commissaire et que ce jugement, quant à nous, n'a pas de portée sur les services que nous rendons, parce que les services doivent par la loi être uniformes. Ils doivent être les mêmes contrairement au dossier de la CALDECH, la Corporation Simcoe Erie où la Cour suprême a dit qu'il devrait y avoir des services de développement individualisés par la communauté. Ce ne sont pas les services de consultation que nous offrons. Cela s’apparente plus à un produit qu'à un service.

Le sénateur Tardif : Oui, mais selon les obligations de la Loi sur les langues officielles, ces décisions des cours reviennent sur le fait que la qualité des services doit être égale. Et c'est ce qu'on reproche à Air Canada. L'expérience du voyageur en français n'est souvent pas la même que celle qu'on peut vivre en anglais. Donc en ce qui a trait à la Partie IV de la Loi sur les langues officielles, il n'y a pas de services de qualité égale offerts dans les deux langues officielles du pays. En ce sens, la consultation pourrait aider parce qu'on pourrait voir davantage quels seraient les besoins de communication de ces communautés en situation minoritaire.

Mme Senecal : On prend bonne note de votre interprétation et nous avions considéré qu’il n’y avait pas de corrélation entre la consultation avec les communautés pour la qualité des services et nos obligations en vertu de la Partie IV de la Loi sur les langues officielles.

Nous sommes très conscients que nous avons un problème, que nous ne sommes pas parfaits et que nous avons beaucoup de travail à faire encore pour offrir une prestation de service égale en vertu de la Partie IV de la Loi sur les langues officielles. Mais l'obligation de consultation afin, le seul mot qui me vient est en anglais cater d'ajuster le service en fonction de la communauté serait contraire à nos autres obligations en vertu des autres lois qui nous gouvernent. C'est le point que nous avions soulevé, mais nous continuons à consulter les communautés. Récemment, nous avons rencontré l'Association de l'Île-du-Prince-Édouard et nous continuons de le faire de façon régulière.

Le sénateur Tardif : Ces consultations pourraient vous aider à atteindre vos objectifs. Cela ne devrait pas être vu comme étant un fardeau, mais comme quelque chose pouvant vous aider à mieux faire face à vos obligations en vertu de la Partie IV et de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles. Je dirais que le mot « consultation » ne se traduit certainement pas par « cater » en anglais. On ne veut pas privilégier un groupe par rapport à un autre groupe. Il s’agit simplement de consulter afin d’offrir un service de qualité égale.

La vice-présidente : Madame Senecal parlait tout à l’heure du projet de loi C-17 de façon très négative. Le commissaire, dans sa vérification, souligne qu'il avait vraiment un problème du fait qu'il ne pouvait pas enquêter sur les plaintes qu'il recevait qui visait Jazz. Le projet de loi C-17 inclut des dispositions à cet égard pour permettre au commissaire d'enquêter lorsqu'il reçoit des plaintes. Alors, c'est une des choses qui est très positive.

Le sénateur Poirier : Vous avez des défis au plan du recrutement pour les personnes bilingues au Canada. Vous avez dit que votre plus grand défi se trouvait dans la région de Toronto. Avez-vous considéré la possibilité, comme plusieurs compagnies le font avec la technologie de Internet et autres, d’avoir des postes qui pourraient être envoyés ailleurs au Canada, là où la main-d'œuvre bilingue est plus disponible? Je sais que plusieurs compagnies, comme dans le secteur de l’hôtellerie, emploient des gens qui travaillent à partir de chez eux, dans un bureau avec ordinateur. Ils peuvent ainsi offrir beaucoup plus de services bilingues. Est-ce quelque chose que fait Air Canada?

Mme Welscheid : C'est dans nos plans et nous sommes présentement à l'essai à Calgary. C'est un plan qui a été lancé il y a deux semaines. On a un centre de relation clientèle. Si vous avez des plaintes, je suis certaine que vous en avez eues, notre personnel pour la plupart est à la maison. Nous sommes d'accord, avec le bassin de bilinguisme qui existe au Canada, surtout pour les centres d'appel, il y a sûrement des possibilités d'avoir des centres virtuels. Mais nous devons avoir l'accord du syndicat pour faire cela et nous faisons un essai à Calgary présentement.

Le sénateur Poirier : Je vous encourage à continuer, car il est plus facile pour vous de faire cela que de demander aux gens de déménager dans les grands centres.

Mme Welscheid : Mais pour ce qui est des agents de bord, on n'a pas le choix, ils doivent absolument être basés.

Le sénateur Poirier : Tantôt, mon collègue vous a demandé si vous aviez des employés bilingues. Vous avez des employés unilingues anglophones, mais vous n’avez pas d’employés unilingues francophones.

Pour quelle raison ne pourrait-il pas y avoir des employés basés unilingues francophones dans les régions canadiennes majoritairement francophones ? Si cela est accepté pour les anglophones, pourquoi ne l’accepterait-on pas du côté francophone?

Mme Welscheid : Air Canada est une compagnie canadienne qui dessert le monde. Pour nous, il est important de pouvoir servir nos clients dans les deux langues officielles ; d'abord l'anglais et le français. Je crois que de n’avoir que le français, cela nous limiterait dans le service que nous pouvons offrir.

Le sénateur Poirier : Avez-vous des employés unilingues anglophones?

Mme Welscheid : Oui, nous avons des employés unilingues anglophones à cause de la fusion qui a eu lieu en l'an 2000 avec Canadian Airlines où beaucoup d'employés de cette compagnie étaient, et le sont toujours, uniquement anglophones. Nous faisons de notre mieux pour les encourager à apprendre le français. Nous avons d’ailleurs des cours spéciaux pour ces employés qui étaient chez Canadian Airlines qui sont unilingues anglophones.

[Traduction]

Le sénateur Poirier : C’est correct d’encourager un anglophone à apprendre le français pour offrir des services bilingues aux Canadiens, ce qui est votre objectif partout au pays, mais alors, pourquoi ne le fait-on pas lorsqu’on embauche un francophone qui est prêt à apprendre l’anglais pour servir les Canadiens? Pourquoi y a-t-il une différence? J’ai beaucoup de mal à comprendre.

Mme Welscheid : À mon avis, les anglophones ou les unilingues, comme je les appelle, sont l’exception à Air Canada. Ils n’auraient jamais été embauchés comme employés d’Air Canada, car nous avons toujours été sous réglementation fédérale. Ce sont des gens qui étaient chez Canadian Airlines. Notre objectif est de servir nos clients dans les deux langues officielles.

Le sénateur Poirier : À l’heure actuelle, une personne qui n’est pas bilingue ne peut pas obtenir de postes?

Mme Welscheid : C’est exact.

Le sénateur Poirier : Au sol, comme en vol?

Mme Welscheid : Oui, au sol, comme en vol, les candidats aux postes du service à la clientèle doivent être bilingues. Il se peut que des unilingues anglophones occupent certains postes aux services de soutien ou à l’administration centrale.

Le sénateur Poirier : Y a-t-il des employés des services de soutien qui sont unilingues francophones?

Mme Welscheid : Je pense que nous en avons, oui.

Le sénateur Tardif : Lorsque je suis à l’aéroport d’Edmonton, d’après ce que vous dites, les employés qui font le contrôle de sûreté travaillent dans le secteur du service à la clientèle. Les gens qu’on embaucherait maintenant seraient-ils bilingues?

Mme Welscheid : Parlez-vous des gens de la sécurité?

Le sénateur Tardif : De ceux d’Air Canada, oui. Les agents d’Air Canada qui nous servent au comptoir, pour nos bagages et l’enregistrement. Est-ce que tout le monde doit être bilingue?

Mme Welscheid : Nous faisons de notre mieux pour embaucher des personnes bilingues, mais nous avons un certain nombre d’employés unilingues, et c’est pourquoi nous avons beaucoup de ressources pour les aider.

Mme Dugas : Comme je l’ai dit, nous essayons de le faire maintenant que nous avons des postes permanents à offrir. Puisque de nouveaux postes seront offerts, nous avons l’intention de les attribuer à des candidats bilingues seulement.

[Français]

Le sénateur Tardif : Pourtant, vous dites qu'il n'y en a que 17 p. 100 qui ont le français comme première langue officielle?

Mme Dugas : Il s'agit d'employés qui sont là depuis déjà plusieurs années, donc au fur et à mesure qu'on aura à remplacer ces gens, nous pourrons le faire par des gens bilingues. Cela ne veut pas dire que dépendamment de l'aménagement des effectifs on ne puisse pas offrir un service égal. Les gens qui s'occupent de la répartition des employés s'assurent qu'il y ait des gens bilingues aux différents points de service. Si quelqu'un n'est pas disponible, alors il y a des procédures en place pour aller chercher de l'aide pour offrir le service.

Le sénateur Tardif : Une de nos collègues, le sénateur Fortin-Duplessis, qui fait partie du Comité des langues officielles a indiqué que lors d'un voyage, sur un trajet d'Air Canada Jazz, elle avait eu pour option soit d'attendre un représentant qui lui aurait répondu en français soit de manquer son vol.

Le temps que cela aurait pris pour aller chercher quelqu’un pour l’aider en français, l'avion aurait déjà décollé, car il ne restait que 20 minutes avant le départ.

La vice-présidente : Qui que nous soyons, dès que nous voyageons, rencontrons toujours une mauvaise expérience quelque part. Je me souviens de fin août, début septembre, je rentrais à Montréal de Regina, avec un arrêt à Winnipeg. À Winnipeg, l'escale durait presque une heure et n'ayant pas à transférer les valises, je me rends à la barrière pour me rendre compte que j'avais encore 40 minutes avant le départ. Je suis alors allée faire du lèche-vitrine dans l'aéroport. Je reviens là où on doit commencer l'embarquement et il n'y a plus un chat dans la salle d'attente.

Je regarde quelqu'un qui est là. Il m'a répondu je ne sais pas quoi. Finalement, j'ai dit : je ne comprends pas. Ce n'est pas que je ne comprenais pas ce qu'il me disait, mais je n’avais pas entendu l'annonce qu'il y avait eu un changement de barrière. Et il m'a répondu en anglais.

[Traduction]

Eh bien, il m’a dit « si vous ne parlez pas anglais, c’est votre problème ».

[Français]

Je vous jure que je n’ai rien dit. Mon mari ne m'aurait pas reconnue tellement j'ai été calme là-dessus, mais c'est un peu insultant de se faire dire cela. Ce n'est pas que je n'ai pas compris la langue, mais avec tout le bruit, je n'ai pas entendu qu'il y avait eu un changement de barrière. Finalement, j'ai été voir sur l'un des tableaux et là j'ai vu le changement, et j'ai répondu :

[Traduction]

Je lui ai dit « mais je peux lire, monsieur ».

[Français]

Et je suis partie et j'ai pu faire mon vol de transit. À Winnipeg, je suis certaine, cette journée-là, l'annonce du changement de barrière n'a pas été faite en français. On ne l'a faite qu'en anglais. À Winnipeg, pour un vol pour Montréal, il y a sûrement une annonce qui soit faite en français. Cela a été une expérience assez désagréable.

Mme Welscheid : Nous avons des procédures en place pour que cela n'arrive pas. Alors je m’excuse pour ce qui est arrivé.

[Traduction]

La vice-présidente : C’était mon problème; je n’avais pas bien compris.

[Français]

Mme Welscheid : Grâce au travail que nous avons fait avec le commissariat, nous sommes en train de mettre en place des procédures pour que cela n'arrive plus.

La vice-présidente : Bravo!

Le sénateur Poirier : Aujourd'hui, pour n'importe qui au Canada qui prend n'importe quel vol au Canada avec Air Canada, il y a toujours au moins une personne sur l'avion ou à terre, à l'aéroport, aux services en vol qui puisse répondre au client dans deux langues officielles?

Mme Welscheid : Normalement, il devrait toujours y avoir quelqu'un qui puisse répondre dans les deux langues.

Le sénateur Poirier : Peu importe quel vol on prenne sur Air Canada.

Mme Welschied : Pour Air Canada.

Le sénateur Poirier : Mais pour ce qui est de Jazz, une compagnie associée à Air Canada, on n'est pas encore rendu là?

La vice-présidente : Non, c'est pour cela qu'on a projet de loi C-17.

Le sénateur Losier-Cool : Dans votre présentation, madame Leblanc, vous dites, à la page 3, qu’Air Canada ne reçoit aucune aide de financement, qu'il a son propre financement pour appliquer le plan linguistique.

Avez-vous déjà fait une demande au gouvernement fédéral pour vous aider à mettre en œuvre la partie linguistique de la Loi sur les langues officielles?

Mme Leblanc : Je vais demander à Mme Senecal, qui est là depuis plus longtemps que moi, vous voir si on a déposé une demande formelle. On l'a certainement fait plusieurs fois de façon informelle, j'en suis certaine, et on n’a jamais été encouragés de poursuivre l'initiative.

Mme Senecal : C'est exact. Les demandes et les discussions ont eu lieu à plusieurs reprises, mais il n'y a pas de mécanisme pour nous, compagnie privée, de faire une demande formelle de subvention. Cela n'existe pas dans le programme gouvernemental. Nous ne sommes pas membre du gouvernement, donc cela fait en sorte que nous faisons un petit peu bande à part. On est les seuls, d'ailleurs à être sous la Loi sur les langues officielles, à être complètement privatisé et les mécanismes ne sont pas là pour nous aider et, effectivement, on s'est fait encourager à ne pas poursuivre.

Le sénateur Losier-Cool : Alors il faut se fier à la bonne foi de la haute direction d'Air Canada, qui, et comme chacune d'entre vous l'avez bien dit, est engagée à promouvoir un service qui est équitable autant que possible dans les deux langues officielles.

Mme Leblanc : C'est la loi, et pas juste la bonne foi. Ce sont des obligations légales.

Le sénateur Losier-Cool : Pour maintenir le niveau de ressources, le financement.

Mme Senecal : Oui. D'ailleurs, comme on l'a souligné, malgré les tempêtes économiques que nous avons traversées, le budget des langues officielles n'a pas été touché alors qu'on coupait partout ailleurs dans la compagnie, donc c'est un signe d'encouragement et de reconnaissance de l'obligation que nous avons de ne pas l'avoir affecté.

La vice-présidente : On est encouragé à faire affaire avec Air Canada par Internet. Mais si on a un pépin, essayer de parler à quelqu'un en français n'est pas toujours facile, ou alors écrire notre problème, la personne l'autre côté qui la lit ne lit pas le français. Elle nous répond en anglais sur une chose qui n’a rien à voir avec ce dont moi je parlais. J'ai vécu cela aussi au printemps dernier.

Mme Dugas : Encore une fois c’est inacceptable, ce n'est pas du tout le standard.

La vice-présidente : Est-ce qu’on m’en veut à moi ou quoi ?

Mme Dugas : Pour une lettre écrite, normalement si vous écrivez en français, on aurait dû vous répondre en français. Au centre d’appels, nous avons des lignes différentes pour l’anglais et le français. Je sais qu'il y a de longues files d'attente parce que nous sommes à cours de personnel dans les deux langues, mais nous sommes sur le point d’embaucher une centaine de personnes à Montréal, justement pour combler les lacunes. J'aimerais que vous me montriez la lettre parce que ce n’est certainement pas dans nos normes de vous répondre en anglais.

Le sénateur Losier-Cool : À Air Canada, vous embauchez? Vous avez besoin de personnel ?

Mme Dugas : Oui, nous sommes maintenant à Montréal et nous n'avons aucun problème.

Le sénateur Losier-Cool : Vous embauchez des pilotes aussi?

Mme Dugas : Des pilotes je ne suis pas certaine, mais au centre d’appels nous embauchons présentement.

Le sénateur Losier-Cool : J'ai un petit-fils qui est pilote et il aimerait bien être pilote à Air Canada.

La vice-présidente : Honorables sénateurs, est-ce qu'il y a d'autres questions?

Le sénateur Tardif : Je voudrais revenir sur un point. Nous avons beaucoup parlé de la question de communication avec le public et de recrutement, mais il y a aussi toute la question de la langue de travail. Et le rapport du commissaire de cette année nous indique que pour l'année 2010-2011, neuf plaintes sur 10 concernaient la langue de travail. Pourquoi? Que fait Air Canada pour remédier à cette situation?

Mme Senecal : Cette année a marqué une étape. Suite à la restructuration d'Air Canada, — c’était prévu en 2004 et ça ne s'est réalisé que récemment — les activités du service d'entretien technique d'Air Canada seraient transférées à une compagnie du nom de AVEOS Gestion de performance avionique.

Jusqu’au mois de juillet cette année, ces employés demeuraient des employés d’Air Canada entiercés à la compagnie AVEOS. Et en juillet dernier, les employés ont transféré officiellement d’Air Canada à AVEOS. Un grand nombre d’entre eux ne sont plus des employés d’Air Canada.

Cet événement a généré énormément de plaintes logées par ces employés qui se sont opposés à leur transfert et qui ont judiciarisé le processus à d'autres niveaux. C'est dans ce contexte-là que ce nombre de plaintes a été effectué. Ce n'est pas indicatif d'une baisse ou d'une altération de la langue de travail chez Air Canada. C'était un motif et ça s'inscrivait dans un processus. Et c'est unique à cette année.

Le sénateur Tardif : Est-ce que AVEOS continue à offrir des services pour Air Canada ?

Mme Senecal : Ils offrent des services d’entretien. Ce ne sont pas des services aériens. Ce sont des services d’entretien mécanique, soit de pièces, de composantes, de moteurs et d’aéronefs. Et, effectivement, Air Canada est l'une des clientes de cette compagnie. Mais cette compagnie n'est pas une filiale d'Air Canada ni une filiale de Ace. C'est une compagnie unique et indépendante.

Le sénateur Losier-Cool : Un peu comme Aeroplan ?

Mme Senecal : Aeroplan, effectivement.

Le sénateur Tardif : Ils n'ont pas la même relation avec Air Canada que Jazz aurait, par exemple ?

Mme Senecal : Ils ont une relation contractuelle. La relation qu’Air Canada a avec Jazz, c’est une relation contractuelle mais pour des services différents. Jazz n'est plus une filiale d'Air Canada, mais les services que fournit Jazz, elle les fournit au nom d’Air Canada, comme si c’était Air Canada qui les fournissait.

D’ailleurs, lorsque vous regardez le nom d’un vol, il est composé des lettres AC suivies de quatre chiffres. Donc c'est un vol d'Air Canada, mais fourni par Jazz.

Le sénateur Tardif : Quels sont les autres tiers qui opèrent au nom de Air Canada?

Mme Senecal : Vous avez Air Georgian, qui opère des appareils Beach et qui porte actuellement le nom d’Air Alliance. Vous avez également Exployed Valley Aviation, qui offre des services dans les provinces maritimes et près du Labrador. Vous avez également Sky Regional, qui assure la liaison entre Montréal et l'île de Toronto.

Le sénateur Tardif : C’est comme si Air Canada offrait ces services ?

Mme Senecal : Dans ces cas, ce sont tous des vols AC suivi de quatre chiffres.

Le sénateur Tardif : Est-ce que les employés sont assujettis aux règlements de la Loi sur les langues officielles ?

Mme Senecal : Pas pour la langue de travail. D’ailleurs, ce n’est pas le projet de loi C-17 qui changera cela. Si on examine les propositions contenues dans le projet de loi, ce ne sont que les parties IV, IX et X de la loi qui font l’objet de propositions d’amendement. Ce n’est pas la Partie V, si je ne m’abuse, qui est la Loi sur les langues de travail.

Mais dans le cas où la demande est forte, les compagnies Air Georgian, Exployed Valley Aviation et Sky Regional doivent offrir le service dans la langue officielle du choix du passager. Sky Regional a d’ailleurs embauché du personnel bilingue pour la liaison Montréal-Toronto.

Le sénateur Losier-Cool : Et Air Georgian également ?

Mme Senecal : Air Georgian n’a pas d’agents de bord. Ce sont les pilotes qui font les annonces seulement.

Le sénateur Tardif : Même si ce n’est pas obligatoire, est-ce que c’est une politique que vous aimeriez favoriser chez les employés qui travaillent pour ces compagnies ?

Mme Senecal : Jazz est l'amalgame de plusieurs compagnies telles Air BC, Air Ontario, Air Nova, Canadian Regional. Lorsqu'elles sont devenues des filiales à part entière d’Air Canada, ces compagnies avaient déjà des employés de longue date.

On ne peut pas imposer à ces employés une gestion autre. Ce qu'on peut imposer contractuellement, et nous le faisons, c'est d'offrir les services à notre public dans le but de respecter nos obligations en vertu de la Partie IV, et particulièrement l'article 25 de la Loi sur les langues officielles.

Le sénateur Tardif : Mais si les employés ne peuvent pas parler français entre eux, comment peuvent-ils maintenir un niveau de compétence assez élevé afin d’offrir des services en français ?

Mme Senecal : C’est un défi. Nous encourageons le maintien des acquis dans nos programmes d'enseignement linguistique. Vous avez des exemples de midi-conférences données dans les deux langues.

Le sénateur Tardif : Il semble qu’il y ait l’absence de politiques qui favoriseraient la possibilité, pour des gens, de travailler dans la langue officielle de leur choix, c'est loin d'être adéquat.

Mme Senecal : Mais avec égard, si la personne est francophone, ce n'est pas le problème. Ce n'est pas la personne francophone qui va perdre son français parce qu’il ne peut pas s’exprimer dans la langue de son choix. Le problème c'est la personne qui est bilingue à un certain niveau, à un seuil plus précaire, et qui n'a pas l'opportunité de pratiquer son français. La langue maternelle de cette personne, c’est l'anglais. Donc sa langue de travail de choix ça va être l'anglais quand même, ce ne sera pas le français. Le défi auquel nous faisons face, c'est de préserver les acquis des personnes bilingues.

Le sénateur Tardif : Mais ils doivent quand même offrir des services en français selon la Partie IV de la Loi sur les langues officielles.

Mme Senecal : Effectivement. Mais ce n’est pas la langue de travail qui va changer quoi que ce soit. La Loi sur les langues officielles ne vise pas à imposer une langue à quelqu'un, elle vise à lui permettre de travailler dans la langue de son choix. Or, l’anglophone qui parle aussi français, sa langue maternelle c’est l'anglais, donc il va vouloir que sa langue de travail soit l’anglais aussi.

Mme Leblanc : Je pense que, pour certains de ces opérateurs, on devrait interrompre le contrat. Je pense que ce ne serait pas possible pour certains comme EVAS Air et Air Georgian. Si la loi demandait que ce soit le cas, je pense que les contrats devraient être interrompus. C'est mon opinion. Peut-être que j'ai tort, mais il s'agirait pour eux d'un coût considérable. Ils ne sont pas situés dans des régions bilingues. La gestion est, dans la plupart des cas, unilingue anglophone. Ce serait un défi énorme pour certaines de ces compagnies.

Le sénateur Tardif : Je pourrais continuer, mais je vois que notre temps est écoulé.

La vice-présidente : Notre temps s'achève. Mesdames, nous vous remercions énormément d'avoir accepté de venir discuter avec nous aujourd'hui.

Je vais donc terminer cette réunion. Chers collègues, j'aimerais que vous demeuriez et que nous passions à huis clos pendant cinq minutes, pas davantage.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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