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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 2, Témoignages du 12 décembre 2013


OTTAWA, le jeudi 12 décembre 2013

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour étudier l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliment et de graines au Canada.

SUJET : L'emploi de pesticides comme les néonicotinoïdes dans le secteur agricole et les mesures prises pour protéger les pollinisateurs contre l'exposition.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Je suis Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité.

J'invite maintenant les sénateurs à se présenter.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Tardif : Bonjour. Claudette Tardif, de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau Brunswick.

Le sénateur Dagenais : Bonjour, Jean-Guy Dagenais, sénateur conservateur du Québec.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, Québec.

Le sénateur Rivard : Sénateur Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.

La sénatrice Eaton : Bonjour et bienvenue. Sénatrice Eaton, de l'Ontario.

La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci beaucoup, honorables sénateurs. Je tiens à remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation à venir nous faire part de leurs réflexions, de leurs points de vue et de leurs recommandations.

Le comité poursuit son étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada. Aujourd'hui, nous nous penchons à nouveau sur l'emploi de pesticides comme les néonicotinoïdes dans le secteur agricole et les mesures prises pour protéger les pollinisateurs contre l'exposition.

L'ordre de renvoi du Sénat au comité est le suivant :

Que le Comité permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada. Plus particulièrement, le comité sera autorisé à étudier les éléments suivants :

a) l'importance des abeilles dans la pollinisation pour la production d'aliments au Canada, notamment des fruits et des légumes, des graines pour l'agriculture et du miel;

b) l'état actuel des pollinisateurs, des mégachiles et des abeilles domestiques indigènes au Canada;

c) les facteurs qui influencent la santé des abeilles domestiques, y compris les maladies, les parasites et les pesticides, au Canada et dans le monde;

d) les stratégies que peuvent adopter les gouvernements, les producteurs et l'industrie pour assurer la santé des abeilles.

Ce matin, nous entendrons M. Pernal, agent responsable, Systèmes de production durable, Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il témoignera par vidéoconférence à partir de la Ferme expérimentale de Beaverlodge, en Alberta.

Monsieur Pernal, m'entendez-vous?

Stephen F. Pernal, Ph.D., chercheur scientifique (Apiculture), Agriculture et Agroalimentaire Canada : Oui, je vous entends.

Le président : Nous vous remercions d'avoir accepté d'être avec nous par vidéoconférence à partir de l'Alberta, malgré le décalage horaire.

Nous avons également comme témoin le docteur Ian Alexander, directeur exécutif et vétérinaire en chef pour le Canada, Agence canadienne d'inspection des aliments.

[Français]

Nous recevons également le Dr Primal Silva, directeur exécutif, Direction des sciences de la santé des animaux.

[Traduction]

Nous accueillons aussi M. Scott Kirby, directeur, Évaluation des produits, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire.

[Français]

Et finalement, M. Lars Juergensen, chef, Bureau des politiques et des conseils stratégiques.

[Traduction]

Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.

Le greffier m'informe que nous entendrons d'abord M. Pernal par vidéoconférence; il sera suivi du Dr Silva, puis de M. Kirby.

Monsieur Pernal, veuillez nous présenter votre exposé.

M. Pernal : Merci. Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Stephen Pernal et je suis le responsable scientifique d'AAC qui se spécialise dans les recherches sur les abeilles domestiques. Je témoigne aujourd'hui en tant que représentant du ministère.

Au nom d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, je vous remercie de me donner l'occasion de vous fournir quelques renseignements sur les recherches importantes que nous menons pour contribuer à améliorer la santé des abeilles domestiques au Canada.

J'aimerais d'abord vous dire quelques mots sur le secteur apicole. Les abeilles domestiques font bien plus que produire du miel. Elles sont le principal insecte pollinisateur utilisé en agriculture dans le monde entier. Sans abeilles domestiques, de nombreuses cultures alimentaires de grande valeur seraient difficiles, voire impossibles à produire.

Au Canada, les abeilles domestiques sont indispensables à la pollinisation de nombreuses cultures de fruits, de petits fruits et de légumes, et revêtent une importance particulièrement cruciale pour la production de graines de canola hybride, plantées sur des millions d'acres par les producteurs de tout le pays.

En 2012, on recensait au Canada environ 8 000 apiculteurs qui produisaient du miel à des fins commerciales ou non et qui géraient plus de 700 000 colonies d'abeilles.

Soixante-neuf pour cent des ruches canadiennes sont situées dans les provinces des Prairies et sont exploitées par 26 p. 100 de tous les apiculteurs canadiens. Ces ruches ont produit 85 p. 100 des 41 000 tonnes métriques et plus de miel produit au Canada en 2012.

La valeur de la production de miel et d'autres produits apicoles atteint environ 200 millions de dollars par an, et le Canada exporte plus de 18 000 tonnes métriques de miel, pour une valeur de 73 millions de dollars. Si la majorité des apiculteurs tirent un revenu de la production de miel, un pourcentage de plus en plus important se spécialise désormais dans la prestation de services de pollinisation, ce qui permet chaque année la production de cultures d'une valeur de 2,1 milliards de dollars au Canada.

AAC collabore avec le Conseil canadien du miel, l'Association canadienne des apiculteurs professionnels et les associations provinciales d'apiculteurs à l'élaboration de pratiques exemplaires de gestion en vue d'améliorer la survie des abeilles et de remédier aux problèmes de santé émergents des abeilles. Ces efforts aboutissent à des projets de recherche concertés portant sur la santé des abeilles domestiques, ainsi qu'à des guides destinés aux apiculteurs et qui présentent des techniques à jour pour assurer la surveillance et le traitement des colonies ravagées par des maladies et des parasites.

Récemment, des ouvrages de vulgarisation ont été produits avec le concours de l'Association canadienne des apiculteurs professionnels et du Conseil canadien du miel.

Quantité de facteurs compromettent la survie et la santé des abeilles domestiques : les parasites et les pathogènes comme le varroa, introduit au Canada en 1990, et le parasite interne Nosema ceranae, identifié au Canada en 2007; les virus des abeilles domestiques qui sont transmis et amplifiés par le varroa; et les pesticides, à la fois ceux utilisés en agriculture générale et ceux qu'utilisent les apiculteurs pour protéger leurs abeilles contre les parasites.

La nutrition est aussi un facteur : les effets causés par l'absence de diversité florale lorsque les abeilles se nourrissent uniquement de monocultures, et la nécessité pour les apiculteurs de trouver une source d'alimentation supplémentaire adéquate.

Il y a aussi la qualité de la reine : il est extrêmement important que les reines soient en bonne santé et vivent longtemps pour maintenir des ruches productives et vigoureuses. La santé de la reine peut être compromise par un accouplement inadéquat et une exposition à des pathogènes et des pesticides.

L'environnement : la durée et l'intensité des hivers et des printemps sont importantes pour la survie des colonies d'abeilles. Les hivers longs et durs ou les printemps longs et frais peuvent entraîner des taux plus élevés de mortalité dans les colonies. Des conditions inhabituelles durant les mois d'automne peuvent également retarder l'application des traitements pour lutter contre les acariens ou empêcher une alimentation suffisante.

Les facteurs culturels : les techniques générales de gestion peuvent varier selon les exploitations apicoles sur le plan de la production du miel ou du déplacement des abeilles pour la pollinisation. Ces facteurs peuvent aussi avoir une incidence sur la survie des abeilles domestiques.

Les données semblent indiquer que les abeilles sont de plus en plus stressées par la convergence de tous ces facteurs. On observe également, depuis 2006 et 2007, un taux accru de mortalité hivernale des abeilles dans toutes les provinces et dans le monde entier. Au Canada, la mortalité hivernale des colonies est passée d'une moyenne historique de 10 à 15 p. 100 à une moyenne de 30 p. 100 au cours des sept dernières années. AAC a réagi en axant ses recherches sur les problèmes à long terme qui compromettent la santé et la survie des abeilles.

Par exemple, nous nous employons actuellement à mettre au point des technologies pour sélectionner des abeilles qui résistent mieux aux acariens et aux maladies; nous formulons des recommandations sur la détection, le traitement et la désinfection relativement à l'équipement contaminé par Nosema ceranae.

Nous évaluons également d'autres produits chimiques pour ce parasite et nous mettons au point des techniques de détection des résidus pour le produit utilisé pour traiter Nosema ceranae. Enfin, nous procédons à des relevés des résidus de pesticides agricoles et apicoles dans les ruches en Alberta.

Entre 2009 et 2014, AAC aura financé deux douzaines de projets grâce aux subventions et aux contributions prévues dans le cadre du Programme canadien d'adaptation agricole. Ces projets ont lieu partout au Canada avec le concours des associations provinciales d'apiculteurs et du secteur privé. Ces projets portent notamment sur les traitements contre les acariens, les virus et les champignons en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse; la sélection de reines plus résistantes en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, en Ontario et au Québec; la documentation sur les résidus de pesticides dans les ruches en Nouvelle-Écosse; des études sur la pollinisation au Nouveau-Brunswick et au Québec; la diminution des poussières de néonicotinoïdes durant l'ensemencement du maïs en Ontario; l'élaboration de pratiques exemplaires de gestion pour les apiculteurs en Ontario; et l'amélioration de la nutrition des abeilles au Québec et en Nouvelle-Écosse. Le financement de ces projets s'élève à près de 6 millions de dollars, sans compter les 600 000 $ supplémentaires destinés à quatre autres projets sur les pollinisateurs indigènes en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick.

Les travaux réalisés par AAC avec le secteur apicole ne représentent qu'une partie du tableau. Les collègues qui m'accompagnent ce matin vous parleront d'autres enjeux, comme l'importation d'abeilles au Canada, ainsi que les récents incidents relatifs aux pesticides et les mortalités d'abeilles qui y sont associées. AAC collabore de près avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire pour tenter de résoudre un éventail de problèmes liés aux abeilles et aux apiculteurs.

En guise de conclusion, je tiens à vous remercier, monsieur le président et mesdames et messieurs, de nous avoir donné l'occasion de vous entretenir de cette importante question.

[Français]

Le président : Merci. Je vais maintenant demander au docteur Silva de faire sa présentation.

[Traduction]

Dr Primal Silva, directeur exécutif, Direction des sciences de la santé des animaux, Agence canadienne d'inspection des aliments : Bonjour, honorables sénateurs du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Français]

Je suis Dr Primal Silva, directeur exécutif des sciences de la santé des animaux et je représente l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Je suis accompagné par mon collègue, le Dr Ian Alexander, directeur exécutif des programmes de santé des animaux à l'agence et vétérinaire en chef du Canada.

[Traduction]

Nous sommes très heureux que l'ACIA soit invitée à prendre part à l'étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de semences au Canada, en particulier en ce qui concerne les facteurs ayant une incidence sur la santé des abeilles domestiques.

L'ACIA a reçu du gouvernement du Canada le mandat de protéger les ressources alimentaires, animales et végétales du Canada pour assurer un approvisionnement alimentaire sécuritaire et accessible. Par le fait même, elle contribue à améliorer la santé et le bien-être des Canadiens, tout en protégeant l'environnement et l'économie du Canada.

L'agence accomplit son mandat grâce à la mise en œuvre de trois principaux programmes portant sur la salubrité des aliments, la santé des animaux et la protection des végétaux. L'agence travaille en étroite collaboration avec une multitude de partenaires, dont des organismes et ministères fédéraux — que représentent mes collègues ici —, les gouvernements provinciaux, les universités, l'industrie et des organismes de réglementation étrangers.

Le Programme de santé des animaux, qui englobe la santé des abeilles domestiques, atteint ses objectifs en réduisant le risque que posent les maladies, dont certaines sont réglementées à l'échelon fédéral, pour la population d'abeilles.

La gestion de la santé des abeilles au Canada est une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces. L'ACIA est principalement active à trois niveaux. Premièrement, elle travaille à l'échelle nationale en désignant certaines maladies de l'abeille comme réglementées et à déclaration obligatoire, ce qui signifie que des mesures particulières de lutte contre les maladies doivent être prises pour les maîtriser; deuxièmement, en réduisant les risques d'introduction de maladies de l'abeille au Canada en contrôlant les importations; et troisièmement, en conseillant l'industrie en fonction de la Norme nationale de biosécurité à la ferme en apiculture. Les provinces collaborent de près avec l'industrie à la mise en œuvre de plans de gestion de la santé des abeilles dans leurs territoires respectifs.

L'approche de l'ACIA pour le maintien de la santé des abeilles repose sur des principes scientifiques éprouvés; elle comprend des évaluations complètes des risques ainsi que des facteurs qui ont une incidence sur la santé des abeilles, l'élaboration de stratégies de gestion du risque et leur mise en œuvre en collaboration avec des partenaires.

Comparativement à ce qu'on observe dans d'autres pays, l'état de santé des abeilles est relativement bon au Canada, même si elles sont touchées par un certain nombre de maladies. Cela tient aux diverses mesures de contrôle complémentaires des partenaires du gouvernement fédéral, des provinces et de l'industrie qui visent à réduire les risques qu'encourt la population d'abeilles. Il convient également de mentionner que les maladies et les menaces évoluent constamment et que, dans le contexte actuel de mondialisation, le Canada doit faire preuve de vigilance pour maintenir cet état de santé.

Comme bon nombre d'entre vous le savent, les pertes de colonies d'abeilles, en particulier au cours de l'hiver, ne sont pas attribuables à une seule cause. De nombreux facteurs ont une incidence, notamment les organismes nuisibles et les maladies touchant les abeilles, l'alimentation et la nutrition, la génétique, la perte d'habitat, les stress environnementaux, l'exposition aux produits chimiques, les expositions multiples à diverses menaces, ainsi que les pratiques de gestion des abeilles.

Ainsi, nous louons les efforts des membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts en vue d'aborder ce sujet selon une perspective très vaste.

[Français]

Je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter le point de vue de l'ACIA sur la question de la santé des abeilles du Canada.

Le président : Merci beaucoup, docteur Silva.

[Traduction]

Je vais maintenant demander à M. Kirby de nous présenter son exposé. Il sera suivi d'une série de questions des sénateurs. Monsieur Kirby, la parole est à vous.

[Français]

Scott Kirby, directeur, Évaluation des produits, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Santé Canada : Monsieur le président et honorables membres du comité, bonjour.

[Traduction]

Nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous informer du travail important qu'accomplit Santé Canada afin de mieux protéger la santé des abeilles domestiques et des insectes pollinisateurs. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada a pour mandat de protéger la santé humaine et l'environnement en minimisant les risques associés aux produits antiparasitaires tout en rendant accessibles les moyens de lutte contre les organismes nuisibles. Nous effectuons des évaluations scientifiques sanitaires, environnementales et de la valeur sur les pesticides avant de décider si leur utilisation peut être approuvée au Canada. Nous sommes tout à fait conscients de l'importance des insectes pollinisateurs pour notre agriculture et notre environnement, et nous travaillons activement avec nos partenaires, tant ici qu'à l'étranger, à l'élaboration de nouvelles stratégies permettant de mieux les protéger.

Depuis plusieurs années, Santé Canada surveille les rapports sur le déclin mondial des abeilles et travaille en étroite collaboration avec des partenaires canadiens et étrangers afin de mieux comprendre les risques que posent les pesticides pour la santé des abeilles, ainsi que la meilleure façon d'atténuer ces risques. La santé des abeilles domestiques est une question très complexe, et les recherches scientifiques et de pointe les plus récentes à ce chapitre semblent indiquer que l'exposition aux pesticides pourrait être l'un des nombreux facteurs liés au déclin des populations d'abeilles domestiques.

Jusqu'ici, les scientifiques qui ont étudié les pertes d'abeilles domestiques ont indiqué que ces facteurs pourraient comprendre la présence d'organismes nuisibles aux abeilles domestiques, une diversité génétique limitée, les maladies, les hivers rigoureux, un mauvais état nutritionnel, l'exposition aux pesticides et le stress.

Comme on l'a déjà mentionné, les apiculteurs canadiens ont connu des niveaux de mortalités hivernales plus élevés que la normale dans leurs colonies au cours des dernières années. Les organismes nuisibles et les maladies semblent être parmi les causes principales des pertes d'abeilles domestiques au Canada. Ces dernières années, Santé Canada a homologué trois nouveaux produits à appliquer dans les ruches pour combattre ces organismes, et nous continuons à travailler avec les apiculteurs et les associations professionnelles afin de mieux comprendre les difficultés auxquelles est confrontée l'industrie.

Il doit avoir été démontré, pour tous les produits utilisés dans les ruches, qu'ils ne causent pas d'effets nocifs non acceptables sur la santé des ruches lorsqu'ils sont utilisés conformément au mode d'emploi qui figure sur l'étiquette. Même si ces produits sont censés améliorer la santé des abeilles en luttant contre les parasites, ils exposent également les abeilles aux pesticides.

En plus des produits utilisés dans les ruches, les abeilles domestiques peuvent aussi être exposées à des pesticides agricoles par une multitude de voies, notamment par l'exposition directe à des pesticides aéroportés lors de la pulvérisation, à des pesticides présents dans la poussière, aux résidus de pesticides sur la surface des plantes qu'elles butinent ou dans l'eau qu'elles boivent. Les abeilles butineuses peuvent aussi être exposées aux pesticides par le pollen et le nectar contaminés aux pesticides qui ont été absorbés par les plantes. Les butineuses peuvent rapporter ce pollen et ce nectar à la ruche, où ils sont utilisés pour alimenter les abeilles à miel et les larves.

Afin de s'assurer que l'utilisation d'un pesticide ne représentera pas un risque inacceptable pour les abeilles, Santé Canada effectue habituellement des évaluations du risque pour les pollinisateurs. Depuis plusieurs années, nous travaillons avec des partenaires canadiens et étrangers à perfectionner les méthodes d'évaluation du risque pour les pollinisateurs de façon à mieux protéger les abeilles et les autres insectes pollinisateurs.

En plus d'améliorer nos connaissances scientifiques, nous prenons également des mesures additionnelles sur plusieurs autres fronts afin de protéger les abeilles et les autres pollinisateurs. En juin 2012, Santé Canada a annoncé la réévaluation des insecticides néonicotinoïdes contenant de la nitroguanidine. Cette classe de pesticides est liée au déclin mondial des abeilles et à des incidents de mortalité aiguë des abeilles au Canada.

Cette réévaluation sera axée sur deux points. Le premier porte sur les incidents de mortalité aiguë d'abeilles qui sont survenus en Ontario et au Québec en 2012 et 2013. Ces incidents étaient liés à une exposition à de la poussière contenant des résidus d'insecticides produits durant la plantation des semences de maïs et de soya traitées. Notre évaluation de ces incidents a permis de conclure que les pratiques agricoles actuelles doivent être revues afin de mieux prévenir l'exposition des abeilles aux néonicotinoïdes.

En septembre dernier, Santé Canada a publié un avis d'intention contenant une série de mesures visant à mieux protéger les abeilles. Ces mesures proposent notamment d'exiger l'utilisation de lubrifiants favorisant l'écoulement des semences à faible émission de poussière qui réduirait le taux d'émission de poussières contaminées aux pesticides durant la mise en terre de semences traitées aux néonicotinoïdes; d'exiger que les producteurs adoptent des pratiques plus sécuritaires en matière de plantation de semences afin de mieux protéger les pollinisateurs; d'exiger de nouvelles étiquettes pour les pesticides et les emballages de semences renfermant des renseignements plus précis sur la façon de réduire l'exposition des pollinisateurs; et d'exiger que l'on fasse la preuve de la nécessité d'utiliser des semences de maïs et de soya traitées aux néonicotinoïdes pour prévenir les pertes de rendement des cultures attribuables aux insectes.

Ces mesures doivent être mises en œuvre au printemps 2014, et nous estimons qu'elles aideront à réduire le taux de mortalité des abeilles, ainsi que le nombre et la gravité des incidents le printemps prochain.

Le deuxième point de la réévaluation vise à établir et à atténuer les risques posés par les pesticides néonicotinoïdes qui proviennent de toutes les autres voies d'exposition, dont l'exposition chronique à de faibles niveaux de ces pesticides dans le pollen et le nectar.

Ce travail est fait en collaboration avec l'Agence américaine de protection de l'environnement et le California Department of Pesticide Regulation. Cette évaluation tiendra compte de toutes les sources d'information fiables, dont l'information provenant d'autres organismes de réglementation, du milieu universitaire, de l'industrie et des sources publiées.

Santé Canada participe aussi activement aux efforts internationaux pour comprendre les conséquences des pesticides sur la santé des abeilles. Santé Canada, la USEPA et l'Allemagne coprésident actuellement le groupe de travail de l'OCDE sur les effets des pesticides sur les insectes pollinisateurs. Ce groupe a la responsabilité de communiquer les incidents liés aux pollinisateurs et d'améliorer les exigences et orientations en matière de données utilisées dans les évaluations de risque, ainsi que de trouver de nouvelles façons de réduire les effets des pesticides.

Santé Canada participe également à la International Commission for Plant-Pollinator Relationships afin d'examiner de manière plus approfondie les effets des pesticides sur les abeilles et les autres pollinisateurs.

Nous reconnaissons l'importance de la santé des pollinisateurs pour l'agriculture et l'environnement naturel. Nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec d'éminents scientifiques du monde entier afin de protéger les populations d'abeilles domestiques et de pollinisateurs sauvages. Nous surveillons la situation de près ici au pays et nous prendrons des mesures raisonnables au besoin.

En terminant, j'aimerais vous remercier, monsieur le président et mesdames et messieurs, de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui de cette importante question.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Kirby. Nous allons maintenant commencer la période des questions.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie de votre présence, messieurs, et je remercie tout particulièrement M. Pernal de s'être levé si tôt en Alberta pour être avec nous.

Plusieurs d'entre vous ont parlé de la mortalité hivernale. Nous connaissons bien l'hiver, mais aussi la notion de réchauffement climatique. Le réchauffement climatique a-t-il eu un effet négatif sur la mortalité des abeilles? La plupart des Canadiens pensent probablement qu'avec le réchauffement, cela devrait être l'inverse. Peut-être pourriez- vous nous parler de l'aspect climatique de la question.

Je m'interroge sur ce point. Nous avons des représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, de l'ACIA et de Santé Canada parmi nous. J'espère que la réponse à cette question est « oui ». J'espère qu'à un moment donné, vous vous rencontrerez tous ensemble ailleurs pour coordonner vos activités et échanger de l'information dans l'intérêt de toute l'industrie. N'importe lequel d'entre vous peut répondre à ces deux questions.

M. Pernal : Je vais répondre à la première. Vous demandez si les changements climatiques planétaires ont nui au taux de survie en hiver, et je dirais que c'est une question à laquelle il est très difficile de répondre. Nous avons connu des taux de mortalité plus élevés au cours des sept derniers hivers, et c'est une période un peu courte pour évaluer les effets des changements climatiques et peut-être leurs effets sur les abeilles.

Je suppose que ce que je peux vous dire, c'est que les phénomènes météorologiques inhabituels ont certainement une incidence sur la survie des abeilles, qu'il s'agisse de périodes d'intenses chaleurs ou de périodes prolongées de temps froid. Les gens qui prévoient les changements climatiques diraient que la variabilité de notre climat augmentera au fil du temps, tout comme l'intensité des phénomènes extrêmes. Si ces prédictions relatives aux changements climatiques se réalisent et que nous subissons plus de phénomènes météorologiques extrêmes, je dirais que cela aura probablement des conséquences plus importantes sur la survie des abeilles, mais je ne peux pas vous dire précisément si les changements climatiques ont eu des effets sur la survie des abeilles au cours des sept dernières années.

Le président : Merci, monsieur Pernal. Quelqu'un d'autre veut-il formuler des observations? Non?

Le sénateur Mercer : Qu'en est-il de la deuxième question, qui portait sur la coordination de notre travail? Y a-t-il un endroit où ces trois organisations pourraient se rencontrer pour discuter de la santé des abeilles?

Dr Silva : Je vais commencer et laisser mon collègue, M. Kirby, répondre à la partie de la question qui porte sur les abeilles.

En général, pour les questions qui relèvent de plusieurs ministères, nous nous regroupons et nous travaillons ensemble. Il y a de nombreux exemples, comme les questions liées à la salubrité des aliments et les questions relatives à la santé animale qui touchent tant les humains que les animaux. Nous travaillons en étroite collaboration avec les ministères fédéraux; Santé Canada, l'ARLA, Agriculture et Agroalimentaire Canada, l'ACIA et l'Agence de la santé publique du Canada travaillent tous ensemble sur les enjeux transversaux de cette nature.

Pour ce qui est de la santé des abeilles, je vais laisser mon collègue vous en parler, mais les évaluations sont très complètes et elles englobent les évaluations de l'environnement et de la santé humaine. Au fond, cela exige la tenue de nombreuses discussions et consultations et l'obtention des renseignements nécessaires à ces types d'évaluations.

M. Kirby : Il y a plusieurs endroits où les ministères peuvent échanger de l'information. Sur le plan pratique, nos scientifiques rencontrent souvent d'autres scientifiques à Agriculture Canada et à l'ACIA. Nous participons à diverses réunions sur les abeilles, où M. Pernal et nos scientifiques sont présents et interagissent. Nous avons tenu plusieurs conférences téléphoniques avec les gens d'Agriculture et Agroalimentaire Canada sur la question des abeilles et sur les recherches futures.

De façon plus générale, il y a également le groupe de recherche 6NR qui se réunit une fois l'an et dont les membres font partie de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, de l'ACIA, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, de Pêches et Océans, d'Environnement Canada et de Ressources naturelles Canada.

Lors de cette réunion, l'ARLA détermine les priorités de recherche qui nous aideront dans le cadre de nos activités de réglementation. L'ARLA n'a pas de mandat de recherche en soi; nos activités scientifiques sont liées à la réglementation. Ces autres ministères fédéraux détiennent un mandat de recherche. Nous nous rencontrons donc une fois par année et nous déterminons nos priorités de recherche puis, au besoin, ces ministères entreprendront des activités de recherche pour appuyer nos activités de réglementation.

Le président : Merci, monsieur Kirby.

La sénatrice Buth : Je vous remercie beaucoup d'être ici ce matin. Ma question s'adresse à M. Kirby, de l'ARLA. Nous avons entendu parler de l'importance des néonicotinoïdes sur le plan de la production, de même que de l'étendue de leur utilisation au Canada. J'aimerais que vous nous parliez de la façon dont vous trouvez le juste milieu entre les avantages et l'importance d'utiliser ces produits et le risque de nuire aux populations d'abeilles.

M. Kirby : Je vous remercie de cette question, sénatrice. C'est en fait notre principale activité. Nous réglementons l'utilisation des pesticides. Ce faisant, nous examinons un grand nombre de données scientifiques, notamment des renseignements sur les effets sur l'environnement et sur la santé humaine, et nous examinons aussi les données sur la valeur.

Les données sur la valeur font ressortir l'importance des produits chimiques, et nous trouvons ensuite un équilibre avec les risques potentiels pour l'environnement et l'humain.

L'évaluation du risque permet d'analyser ces données et de déterminer si les risques sont acceptables ou non. Là où il y a des risques, nous tentons de prendre des mesures afin de les atténuer. Par exemple, nous pouvons modifier les modèles d'utilisation. Nous pouvons mettre en place des zones-tampons pour réduire la dérive de pulvérisation à l'extérieur de la zone traitée. À la fin de ce processus, nous décidons si les risques sont acceptables ou non et si ce produit a une valeur suffisante pour être homologué.

La sénatrice Buth : Au fond, la question a été soulevée en raison de la mortalité des abeilles en Ontario. Avez-vous vu cela et avez-vous discuté avec l'industrie à l'échelle du Canada pour savoir s'il y a des effets dans les autres provinces?

M. Kirby : Jusqu'ici, il y a en fait deux enjeux différents relativement aux néonicotinoïdes. Ce qui retient principalement notre attention, actuellement, ce sont les incidents qui se sont produits en Ontario, au Québec et, dans une certaine mesure, au Manitoba. Nous avons examiné les incidents qui se sont produits sur deux ans et nous en sommes arrivés à la conclusion que la poussière produite durant la plantation des semences de maïs et de soya est contaminée par les néonicotinoïdes, qu'elle expose les abeilles à ce produit et qu'elle provoque les incidents.

Comme je l'ai dit, nous avons pris des mesures pour tenter d'atténuer ces risques et, en 2014, nous mettrons en œuvre des mesures additionnelles. Le deuxième enjeu porte sur ce qui se passe dans les autres régions du Canada. Nous n'avons rien vu de semblable à ce qui s'est produit en Ontario et au Québec. Le maïs et le soya produisent de la poussière parce qu'ils nécessitent un lubrifiant pour empêcher les semences de sortir des machines. Le traitement d'autres semences, comme le canola, dont la graine est beaucoup plus petite et très ronde, ne nécessite pas ce type de lubrifiant.

Jusqu'ici, nous n'avons pas vu d'autres incidents semblables à ceux de l'Ontario et du Québec. La réévaluation permettra d'examiner des questions plus vastes, car ces pesticides sont également utilisés pour la pulvérisation et le traitement des sols; dans le cadre de la réévaluation, on se penchera donc sur toutes les autres voies d'exposition et on déterminera si les pesticides ont des effets néfastes sur les abeilles pollinisatrices indigènes, ainsi que sur d'autres organismes.

La sénatrice Buth : La réévaluation est-elle uniquement axée sur les effets sur les pollinisateurs?

M. Kirby : Oui, elle porte essentiellement sur les effets sur les pollinisateurs.

La sénatrice Merchant : Je tiens à remercier tous nos invités spéciaux de leur présence aujourd'hui.

J'ai deux questions. La première est la suivante : vous nous avez parlé du fait que les ruches sont en mauvais état et que les abeilles meurent. J'ai l'impression qu'il y a une certaine incohérence. Je parle ici uniquement des abeilles pollinisatrices. Si les choses dont vous parlez se produisent, comment se fait-il que nous ayons eu des récoltes exceptionnelles au Canada ces dernières années?

M. Kirby : Je pense que M. Pernal essaie de répondre.

M. Pernal : Si vous le permettez. Selon la plupart des agriculteurs, les récoltes exceptionnelles que nous avons eues au Canada, en particulier l'été dernier, sont principalement attribuables aux conditions météorologiques, qui ont été très favorables à l'agriculture et aux récoltes de grande qualité. Il va sans dire que les abeilles domestiques sont un facteur important dans la production de ces cultures. Par exemple, on utilise des semences hybrides pour environ 90 p. 100 de la superficie consacrée à la culture de canola au Canada. Les agriculteurs doivent acheter ces semences chaque année, et les abeilles domestiques sont absolument nécessaires à leur production. Pour obtenir ces récoltes exceptionnelles — dont la valeur provient principalement du canola —, il y a eu un nombre suffisant d'abeilles pour produire ces semences hybrides. Je pense que cela donne une idée du coût de la production de ces semences, des mesures incitatives offertes aux apiculteurs pour la production des abeilles et de leur résilience en ce qui concerne la réponse aux demandes liées à la pollinisation.

L'industrie a été solide et ne s'est pas laissé abattre par les pertes continuelles d'hivernage. Cela a coûté très cher aux apiculteurs, qui ont dû aussi compter sur l'importation d'abeilles d'autres pays, comme les États-Unis, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande.

Je pense que nous avons été en mesure de répondre à la demande de pollinisation, mais cela a été difficile pour les apiculteurs, et très coûteux durant les années où ils ont perdu une grande quantité d'abeilles.

La sénatrice Merchant : Ma deuxième question porte sur le moratoire imposé par l'Union européenne sur l'utilisation des néonicotinoïdes à partir de décembre. Approuvez-vous cela? Selon vous, devrions-nous faire la même chose? Quelle est votre opinion?

M. Kirby : Je ne veux pas vous dire si je suis d'accord ou pas, car c'est un organisme de réglementation différent qui prend la décision, et je ne saurais dire ce qui a mené à cette décision.

Ici, au Canada, nous avons examiné une grande quantité de renseignements scientifiques, et nous avons constaté que les données ne justifient pas une interdiction générale de ces composés. Nous avons déterminé qu'il existe un problème précis associé au maïs et au soya en Ontario et au Québec; nous avons pris des mesures à ce chapitre en 2012. Nous prenons d'autres mesures cette année, et elles seront mises en œuvre en 2014.

Dans le cadre de la réévaluation, nous examinerons l'ensemble des renseignements. De plus, les fabricants de pesticides produisent une grande quantité de nouvelles données scientifiques, que nous allons examiner, et cela nous dira si les autres utilisations posent problème. Jusqu'ici, l'information que nous avons examinée indique qu'une interdiction générale n'est pas nécessaire.

La sénatrice Merchant : Très bien. Merci beaucoup.

La sénatrice Eaton : Bonjour. Monsieur Pernal, ma question s'adresse à vous. Dans l'Ouest, plus particulièrement en Alberta et en Saskatchewan, il y a beaucoup de monocultures, n'est-ce pas?

M. Pernal : Effectivement.

La sénatrice Eaton : Vous avez parlé de l'alimentation complémentaire.

J'ai lu dans votre biographie que vous vous intéressez notamment à la nutrition des abeilles domestiques.

M. Pernal : J'ai déjà travaillé dans ce domaine, en effet.

La sénatrice Eaton : Comment peut-on compléter la nutrition des abeilles domestiques qui effectuent la pollinisation d'une monoculture pratiquée sur de vastes superficies?

M. Pernal : Les apiculteurs complètent l'alimentation des colonies d'abeilles lorsqu'elles manquent de nourriture, donc à des périodes de l'année où elles ont accès à très peu de pollen ou de nectar. C'est principalement durant ces périodes qu'ils leur fournissent de la nourriture supplémentaire, notamment du sirop de sucre comme source de glucides et, surtout, du pollen ou un substitut de pollen, comme complément protéique. Souvent, c'est sous une forme de ce que nous appelons « galette », ou un aliment qui ressemble à de la pâte à biscuits. Il contient du sirop de sucre, du vrai pollen et souvent quelque chose comme de la farine de soya, qui fournit un supplément protéique adéquat aux abeilles et leur permet de poursuivre l'élevage du couvain. En général, l'alimentation complémentaire a lieu quand la nourriture est inadéquate ou insuffisante, en particulier avant que les principales cultures soient en floraison, à l'été ou à l'automne.

Je pense qu'en ce qui a trait aux monocultures, il y a tout simplement moins d'espèces de mauvaises herbes dont peuvent se nourrir les abeilles. Il y a moins de plantes qui fleurissent durant les périodes de l'année où les principales cultures ne sont pas prêtes, et les abeilles n'ont pas l'accès continu au pollen et au nectar qu'elles avaient auparavant. Cela illustre bien l'agriculture moderne — notre capacité de lutter contre les mauvaises herbes et le nombre de plus en plus réduit d'acres qui sont réservées et qui ne servent pas aux cultures agricoles.

C'est un peu la situation que nous observons au Canada. Certaines de nos cultures sont relativement adéquates sur le plan nutritionnel pour l'alimentation des abeilles. Heureusement, le canola en est une, et durant la période de floraison du canola, les sources de pollen ont une valeur nutritive acceptable pour les abeilles. Toutefois, il y a d'autres périodes de l'année où il y a des pénuries et où les abeilles doivent être nourries afin qu'elles puissent rester productives et combattre les maladies, par exemple.

La sénatrice Eaton : En ce qui concerne l'alimentation complémentaire au printemps et à l'automne, tous les jardiniers savent qu'il faut s'assurer, à l'approche de l'hiver, que les plantes reçoivent suffisamment d'eau, car elles peuvent se dessécher. A-t-on effectué des tests pour tenter d'améliorer les conditions d'hivernage des abeilles par une alimentation complémentaire? Dans l'industrie vinicole, en Ontario — pas dans la région de Niagara, mais à l'Est de Toronto —, on enfouit les vignes dans le sol, et cela donne de bons résultats. A-t-on essayé autre chose pour aider les abeilles durant la saison hivernale, ou cela reste-t-il un phénomène complètement naturel?

M. Pernal : De nombreuses recherches ont été effectuées au fil des ans pour améliorer l'hivernage. C'est réellement essentiel à la viabilité économique des apiculteurs. Depuis 1987, année où il y a eu un changement radical dans notre industrie et où il n'était plus facile d'obtenir des abeilles en paquets des États-Unis, les apiculteurs ont dû déployer beaucoup d'efforts pour que les abeilles survivent à l'hiver et qu'elles abondent au printemps. On a mené des travaux historiques sur l'alimentation complémentaire des abeilles avant l'hivernage afin que la qualité des abeilles produites à l'automne leur permette de survivre à l'hiver. Dans le cadre d'études historiques, on a examiné les taux et le type de sirop de glucides fourni aux colonies pour améliorer l'hivernage. Je pense que nous avons beaucoup examiné récemment la façon de lutter contre les parasites, les insectes nuisibles et, plus récemment, les virus qui s'attaquent aux abeilles avant l'hivernage, car ils ont également d'importantes conséquences sur la santé des abeilles domestiques.

Je pense que nous en apprenons davantage au sujet des interactions entre des éléments comme la bonne nutrition et la résistance aux maladies, et c'est un sujet qui pourra être étudié plus en profondeur afin d'améliorer la santé des colonies d'abeilles domestiques en hivernage. La situation que nous examinons est beaucoup plus dynamique. Il y a beaucoup plus de choses qui touchent les abeilles. Le principal facteur lié à la santé des colonies durant l'hiver et le principal facteur ayant une incidence sur la survie des colonies doivent être examinés de façon plus approfondie.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup, monsieur.

J'aimerais poser une question à M. Kirby ou au Dr Silva. Nous avons entendu parler des pollinisateurs migrateurs, des gens qui déplacent les ruches d'une culture à une autre pour la pollinisation. Cette méthode favorise-t-elle la propagation des maladies? Est-ce une bonne chose? Avons-nous beaucoup de pollinisateurs migrateurs au Canada?

Dr Silva : Oui, il y a un certain mouvement au Canada, principalement dans l'Ouest, de l'Alberta à la Colombie- Britannique, par exemple. En général, comparativement à d'autres pays comme les États-Unis, l'industrie des abeilles migratrices est de très petite taille. C'est assurément un facteur dont nous tenons compte dans la lutte contre les maladies, car si une colonie porte certaines maladies, elle peut les transporter à un autre endroit, et les abeilles peuvent transmettre la maladie en butinant. Le déplacement des abeilles dans le cadre de l'apiculture de transhumance est certes une préoccupation, et nous en tenons compte dans nos évaluations du risque. L'un des facteurs qu'il faut prendre en considération au Canada, c'est que la plupart des provinces ont des mesures de contrôle des déplacements; la règlementation provinciale sur la santé des abeilles a des exigences en matière d'enregistrement et des dispositions relatives aux permis de déplacement. Cela limite le déplacement des abeilles. Aux États-Unis, il n'y a généralement aucune mesure de contrôle des déplacements pour les abeilles.

La sénatrice Eaton : Si je suis apicultrice, je ne peux pas déplacer mes abeilles de l'Ontario au Québec sans permis?

Dr Silva : Il vous faudra le niveau d'approbation requis pour le faire.

La sénatrice Eaton : Merci.

Le président : Monsieur Kirby, avez-vous des observations à ce sujet?

M. Kirby : Non.

La sénatrice Tardif : J'aimerais savoir quels critères vous utilisez pour déterminer l'importance des facteurs tels que la protection de l'environnement des espèces sauvages comme les abeilles à miel par rapport aux facteurs économiques, lorsque vous décidez d'approuver ou d'interdire un produit.

M. Kirby : En fait, notre évaluation des risques environnementaux porte sur une vaste gamme de domaines, y compris la santé des pollinisateurs. Le groupe qui s'occupe de l'évaluation environnementale ne s'occupera pas de la valeur, qui est examinée par une autre division au sein de l'ARLA. Nous effectuons notre évaluation des risques environnementaux et nous examinons les risques potentiels pour la santé des pollinisateurs en fonction de l'exposition des abeilles; nous examinerons donc les voies d'exposition possibles, le niveau de toxicité des produits chimiques pour les abeilles et les effets potentiels chroniques et à long terme dans les ruches. Nous avons récemment élaboré, de concert avec l'Agence pour la protection de l'environnement des États-Unis, un nouveau cadre d'évaluation des risques pour les pollinisateurs. Il possède de multiples paliers. Il y a une évaluation préliminaire où l'on examine l'information qui permettra de déterminer s'il existe un risque. Si c'est le cas, il y a des évaluations à des paliers supérieurs, et les exigences relatives aux données sont de plus en plus rigoureuses. Au bout du compte, l'évaluation des risques environnementaux déterminera si le risque est acceptable. Les critères que nous utilisons sont fondés sur la mortalité aiguë; nous vérifierons s'il y a une mortalité à caractère aigu chez les pollinisateurs et nous évaluerons les effets chroniques qui touchent les ruches. Il s'agit notamment d'examiner les larves dans la ruche. Ensuite, nous déterminerons si cela est susceptible d'avoir des effets au niveau de la population. Nous ne cherchons pas à savoir si un produit chimique tuera une abeille, mais à savoir si l'effet cumulatif de l'exposition au pesticide aura une incidence négative sur les populations.

Sur le plan de la valeur, on évalue si le produit sera utile pour empêcher les organismes nuisibles d'endommager les cultures, et cette information est ensuite transmise au comité de gestion scientifique de notre agence, qui déterminera si le produit est acceptable en vue d'une homologation.

La sénatrice Tardif : Vous avez parlé de l'évaluation du risque concernant les effets sur les abeilles, les ruches et les colonies, mais qu'en est-il de l'évaluation économique? Où se situe-t-elle par rapport à l'évaluation globale que vous effectuez pour déterminer si vous interdirez ou approuverez un produit?

M. Kirby : Je ne saurais dire si nous faisons une évaluation économique. Nous vérifions si le produit est utile. C'est le critère dont nous tenons compte dans notre évaluation. Le produit fait-il ce qu'il est censé faire? Cette information est ensuite comparée aux risques en matière d'environnement, et nous déterminons si l'utilisation du produit est acceptable ou non.

La sénatrice Tardif : Mais si on n'utilise pas les pesticides, dans certains cas, il se peut que le rendement soit plus faible, n'est-ce pas?

M. Kirby : Oh, absolument.

La sénatrice Tardif : Il y a donc un facteur économique qui entre en jeu, et je me demande qui prend ce type de décisions.

M. Kirby : L'agence détermine si le produit...

La sénatrice Tardif : ... Canada.

M. Kirby : Oui, et l'agence détermine si le produit est efficace et utile. Nous vérifions également s'il représente des risques inacceptables pour l'environnement. Si ce n'est pas le cas et s'il est utile et efficace, alors il est approuvé aux fins d'homologation.

La sénatrice Tardif : Je vais m'arrêter là pour le moment. Merci, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Rivard : Nous savons que les néo-nicotinoïdes agissent sur le système nerveux des insectes au point de causer la paralysie et la mort, et qu'ils comptent parmi les insecticides les plus utilisés au monde.

Ne devrait-on pas s'inquiéter également des effets secondaires potentiels chez les humains? Après tout, nous consommons de très grandes quantités de maïs et de produits dérivés du soja.

Est-ce qu'il existe des études qui confirment qu'il n'y a pas de danger pour la santé? Et si ces études n'existent pas, ne devrait-on pas en faire?

[Traduction]

M. Kirby : Tout à fait. Notre direction des effets sur la santé examine cet aspect de l'évaluation des pesticides. Elle reçoit un grand nombre de données à examiner concernant l'exposition potentielle des humains aux résidus et aux aliments, ainsi que l'exposition normale, et cetera. Elle détermine si l'exposition est préoccupante, et si c'est le cas, nous prenons certaines mesures réglementaires ou des mesures d'atténuation afin de prévenir l'exposition.

Au fond, aucun pesticide n'est homologué à moins que le risque pour la santé humaine soit acceptable, et ce groupe examinera les voies d'exposition par les aliments et les boissons, ainsi que les voies d'exposition normales et professionnelles.

[Français]

Le sénateur Rivard : Connaissez-vous les statistiques sur la production annuelle, que ce soit en tonnes ou en litres, de néonicotinoïdes?

[Traduction]

M. Kirby : Je n'ai pas ces chiffres en main, mais nous avons des données sur les ventes par province, et je peux vous les fournir. Je peux dire qu'ils sont largement répandus dans tout le pays et dans le monde. Je vais vous fournir cette information.

Le président : Monsieur Kirby, pourriez-vous la transmettre au greffier, s'il vous plaît?

M. Kirby : Certainement.

Le président : Merci.

Le sénateur Ogilvie : J'ai quelques questions à poser à M. Kirby. Au sujet du lien dont vous avez parlé entre les néonicotinoïdes et la mortalité en Ontario et au Québec, le nombre considérable de mortalités que l'on a connu sur une période de deux ans, y a-t-il des preuves directes à ce chapitre? Cela s'est-il en quelque sorte produit parallèlement à l'introduction et à l'utilisation du pesticide? Y a-t-il un lien direct et évident entre les néonicotinoïdes et la mortalité?

M. Kirby : Oui, ils sont clairement liés. Au cours de notre enquête, ces deux dernières années, nous avons examiné quantité de renseignements, mais les plus solides proviennent des données analytiques que nous possédons. Des analyses ont été effectuées dans des laboratoires sur des échantillons d'abeilles, de miel en rayon, de cire, de plantes poussant à proximité des ruchers, ainsi que des échantillons de sol et d'eau, et des résidus de néonicotinoïdes ont été décelés dans environ 70 p. 100 des échantillons d'abeilles mortes.

Les incidents se sont produits au moment même où avait lieu la plantation de maïs en 2012 et 2013; c'est donc un autre lien. Il y a de solides informations qui lient les semis de maïs et de soya aux incidents qui se sont produits en Ontario et au Québec, et des données analytiques démontrent que les néonicotinoïdes constituent un facteur causal probable.

Le sénateur Ogilvie : D'autres études, en quelque sorte l'équivalent d'une étude à double insu, révèlent que les néonicotinoïdes sont en fait mortels pour les abeilles. Est-ce exact?

M. Kirby : Tout à fait. Ils sont très toxiques, mais évidemment, tout dépend du degré d'exposition.

Le sénateur Ogilvie : En ce qui concerne l'absorption des néonicotinoïdes par les abeilles, l'un des commentaires que l'on entend constamment, c'est qu'elle est liée ou considérée comme étant liée à la poussière ou au produit contenu dans la poussière provenant des techniques culturales, et pourtant, la plupart de ces techniques sont utilisées bien avant la période de floraison des plantes, n'est-ce pas? Les particules de poussière se trouvent-elles encore dans l'environnement lorsque les abeilles sont les plus actives, durant la pollinisation des cultures?

M. Kirby : Quand vous parlez de la floraison, vous voulez parler des cultures qui sont traitées?

Le sénateur Ogilvie : Oui. Après tout, les abeilles se trouvent à proximité des cultures lors de la production ou lorsqu'elles attirent les abeilles.

M. Kirby : En ce qui concerne précisément les incidents qui se sont produits en Ontario et au Québec, la période de plantation a coïncidé avec les incidents. C'était en mai; il y avait donc des plantes à fleurs. Pas le maïs, évidemment, car on le plantait. Il y avait des plantes à fleurs à proximité du champ, comme des pissenlits. C'est donc une voie d'exposition possible.

Vous avez raison, les pesticides sont très persistants et ils sont conçus pour être absorbés par les plantes. Par exemple, pour le canola, les semences sont traitées et le pesticide est censé être absorbé par la plante lorsqu'elle croît et il est censé la protéger des insectes. Il y a donc certainement une activité résiduelle.

Le sénateur Ogilvie : Et ce serait lié à la façon dont elles l'absorbent dans le nectar et le rapportent à la ruche; est-ce bien cela?

M. Kirby : Nous allons nous pencher là-dessus dans le cadre de la réévaluation, mais jusqu'ici, nous n'avons pas de preuves d'effets nocifs en ce qui concerne cette voie d'exposition. Nous avons constaté des effets nocifs relativement à l'exposition à la poussière. La poussière pourrait être poussée vers les ruchers et se retrouver directement dans les ruches. Les abeilles pourraient voler dans la poussière lorsqu'elles butinent. La poussière pourrait se poser sur des flaques d'eau où les abeilles s'abreuvent. Diverses voies d'exposition sont possibles à partir de la plantation du maïs, mais cela ne repose pas sur l'absorption systémique dans le maïs comme tel.

Le sénateur Ogilvie : Les études menées par les États-Unis dont vous avez parlé et auxquelles vous collaborez, je crois, visent à déterminer quelles sources d'infection potentielles contribuent réellement à l'absorption du pesticide, par opposition aux preuves indirectes, n'est-ce pas?

M. Kirby : Oui. Les études qui sont exigées par le Canada et les États-Unis porteront sur la question plus générale de l'exposition due à l'absorption par les plantes, de l'exposition due au traitement du sol par trempage et de l'exposition par l'eau se trouvant à proximité du champ. Le cadre d'évaluation du risque se penche là-dessus.

Le sénateur Ogilvie : En terminant, est-ce que vous tentez actuellement d'établir qu'il y a un lien direct plutôt qu'une apparence de lien direct?

M. Kirby : En ce qui a trait aux incidents des printemps de 2012 et 2013, nous estimons qu'il existe assurément un lien direct. Toutefois, compte tenu de toute la question des néonicotinoïdes et des autres voies d'exposition, nous pouvons dire que c'est ce que cette réévaluation tente de déterminer.

Le président : Monsieur Pernal, avez-vous des observations à formuler?

M. Pernal : Pas à ce moment-ci. Je pense que mes collègues ont très bien répondu aux questions jusqu'à maintenant.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue, messieurs. Un vieux proverbe du Québec dit que plus le patient est faible, plus il y a de médecins autour. Je suis heureux de voir que beaucoup de médecins s'occupent des abeilles. Cela signifie que les abeilles sont en mauvais état.

J'aimerais m'attarder sur un point bien spécifique. Je viens du Québec et le Québec ainsi que tout l'Est, le Nouveau- Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador, ont d'énormes cultures de bleuets. D'ailleurs, on produit quelque chose comme 80 p. 100 de la production canadienne. C'est une production qui est affectée présentement.

Le Canada est le deuxième plus grand producteur de bleuets du monde, c'est connu. Maintenant, en Nouvelle- Écosse et au Nouveau-Brunswick, les gouvernements ont fait des études très poussées parce qu'on ne retrouve pas la même sorte d'abeilles dans l'Ouest, dans l'Est et de l'autre côté des Rocheuses, en Colombie-Britannique. Vous êtes d'accord avec moi que ce n'est pas la même famille d'abeilles.

Au Nouveau-Brunswick, on a des osmies. Au début de vos interventions, vous avez mentionné que trois facteurs causaient la perte des abeilles : les parasites, les pesticides, au Québec, on ajoute les graines enrobées, et cela répond un peu à la question du sénateur Ogilvie, parce que les graines enrobées sont une cause de décès énorme chez les abeilles, et vous le savez fort bien parce que lors de la floraison, elle est infestée de pesticides.

Les fabricants de ces graines et des pesticides vont dire qu'au contraire, c'est excellent pour les abeilles; c'est presque de l'huile de foie de morue tellement c'est bon. Mais cela n'est pas vrai.

Des recherches sont faites par Santé Canada, par les provinces. L'an passé, au Québec, cela a été la plus mauvaise récolte. Mais on s'aperçoit que plus on va vers le nord, incluant Terre-Neuve-et-Labrador et le Québec, il n'y a pas de pesticide parce qu'il n'y pousse rien d'autre que les bleuets. Il n'y a pas de graines enrobées ni de pesticides. Les récoltes ont donc été excellentes. Ceux qui prétendront que les pesticides et les poussières de toutes sortes ne sont pas nocifs pour les abeilles nous racontent un petit mensonge.

Est-ce qu'on peut faire quelque chose pour les parasites? Est-ce qu'on peut soigner les parasites sans détruire les abeilles? Cinquante pour cent c'est beaucoup. Avez-vous trouvé quelque chose, dans vos recherches, pour déterminer si on peut se débarrasser des parasites qui tuent les abeilles?

Ce volet relève de votre compétence. Pour ce qui est des pesticides, on parlera aux personnes concernées.

[Traduction]

Le président : Monsieur Pernal, docteur Silva ou monsieur Kirby, pouvez-vous nous donner des éclaircissements sur cette question?

M. Pernal : Permettez-moi d'abord de faire quelques observations. Les écosystèmes dans lesquels on trouve les bleuets, dans l'Est du Canada, sont très différents de ceux de l'Ouest du Canada. L'espèce cultivée dans cette partie du pays est principalement le bleuet à feuilles étroites. Le sénateur a tout à fait raison. Il s'agit d'une culture très importante, qui a une grande valeur dans ces provinces. Il va sans dire que la santé des abeilles est une grande préoccupation.

Pour ce qui est du type d'abeille domestique utilisée dans l'Est du Canada, elle n'est pas très différente, sur le plan génétique, de celle utilisée dans l'Ouest, mais il y a différentes espèces d'abeilles qui sont utilisées pour compléter la pollinisation des bleuets à feuilles étroites, dont les bourdons, qui sont couramment achetés et utilisés dans les champs pour la pollinisation supplémentaire, et aussi parfois les mégachiles de la luzerne.

En ce qui a trait à la question du sénateur concernant le contrôle des parasites, je peux vous en parler par rapport aux abeilles domestiques. Encore une fois, c'est de loin l'insecte pollinisateur d'élevage le plus utilisé en agriculture. Un des deux principaux parasites qui nuisent à la santé des abeilles domestiques sont premièrement l'ectoparasite appelé varroa. C'est le gros acarien qui ressemble un peu à une tique. Divers pesticides sont utilisés dans les colonies d'abeilles pour tuer exclusivement les varroas. De nombreux produits ont été utilisés, et les varroas ont rapidement développement une résistance à ces pesticides. Nous avons actuellement un produit assez efficace sur le marché; il est réglementé et approuvé au Canada pour la lutte contre les varroas. Je pense que notre principale préoccupation, c'est de savoir si ce pourrait être la fin pour bon nombre de ces pesticides de synthèse utilisés pour lutter contre les varroas, et c'est une question qui préoccupe beaucoup l'industrie. Nous avons d'autres produits qui sont d'origine naturelle et qui sont utilisés en alternance, mais ils sont souvent moins efficaces et plus susceptibles de subir l'influence de la température.

Nous avons actuellement une série de produits homologués pour la lutte contre le varroa, dont certains sont très efficaces, mais la lutte contre le varroa en général est assurément une préoccupation pour l'industrie, car elle figure parmi les principaux facteurs liés à la survie hivernale des colonies d'abeilles domestiques. Les recherches continues en matière de lutte contre les varroas sont certes une très grande priorité en ce qui concerne la santé des abeilles domestiques.

Le deuxième parasite qui a de lourdes conséquences sur la survie des abeilles est un parasite interne dont vous m'avez sans doute entendu parler tout à l'heure et qu'on appelle Nosema ceranae. C'est son nom scientifique. Il n'a pas de nom commun. Il provoque chez les abeilles une maladie qui peut nuire à leur productivité et à leur survie en hiver. Nous avons un produit qui permet d'éliminer Nosema ceranae chez les abeilles. Il est utilisé depuis plus de 50 ans pour lutter contre une espèce étroitement apparentée, et nous sommes préoccupés par le risque d'acquisition d'une résistance. Nous avons un produit homologué, mais je dirais que notre capacité de lutter contre ce parasite est très précaire parce que nous avons peu de solutions de rechange et que c'est un produit très ancien. Je participe à la recherche de nouvelles stratégies pour lutter contre ce parasite interne par des méthodes et la gestion de désinfection. Je dois également souligner qu'il s'agit d'une toute nouvelle espèce qui s'attaque aux abeilles domestiques. Elle n'a été détectée au Canada qu'en 2007, et en Europe, quelques années auparavant.

Ce sont là des observations générales au sujet de la lutte contre ces deux parasites qui préoccupent au plus haut point l'industrie, même si nous avons des stratégies en place actuellement. Il nous faut continuer de travailler à l'élaboration de stratégies de lutte contre ces deux parasites, car ils sont les deux principaux facteurs liés à la hausse de la mortalité des abeilles domestiques.

Je dois également souligner que le varroa est l'un des agents qui répandent les virus chez les abeilles domestiques. En luttant contre les varroas, nous pouvons aussi réduire la transmission et l'amplification des virus dans les colonies d'abeilles domestiques. Il va sans dire que les parasites sont une préoccupation majeure. Nous avons des produits homologués, mais il nous faut continuer à lutter contre ces deux parasites. Nous devons trouver d'autres méthodes de traitement, au cas où celles que nous avons actuellement ne seraient plus efficaces et où les parasites acquerraient une résistance à ces produits.

Le président : Merci, monsieur Pernal.

Les témoins ont-ils d'autres observations?

M. Kirby : Je veux simplement dire que c'est notre agence qui homologue les produits utilisés dans les ruches pour lutter contre le varroa, et que nous faisons de notre mieux pour faire sortir à temps les nouveaux produits qui sont présentés à notre agence.

Le président : La parole est au Dr Silva, puis nous reviendrons au sénateur Maltais.

Dr Silva : J'aimerais ajouter que l'ACIA essaie de réduire le risque d'acquisition d'une résistance relativement à certains de ces traitements. Quand nous effectuons des évaluations du risque pour les importations provenant d'autres pays, nous vérifions très attentivement la résistance à certains antibiotiques — par exemple la résistance à l'oxytétracycline de la loque américaine — pour déterminer si nous autorisons l'importation.

Nous n'autorisons pas les importations provenant de pays où une telle résistance prédomine et commence à se répandre. Nous tentons donc de réglementer sur le plan des importations au pays, tandis que toutes les mesures de contrôle dont ont parlé M. Pernal et mon collègue M. Kirby visent à minimiser le risque sur le plan national; nous agissons donc sur les deux fronts.

[Français]

Le sénateur Maltais : Les provinces du Québec et de l'Ontario font beaucoup de culture en serre et importent des abeilles et des bourdons hollandais. Votre ministère, votre service peut-il rassurer les producteurs que ces importations sont conformes aux normes canadiennes, que les abeilles sont en santé et ne portent pas de parasites? Bref, assurez- vous un contrôle sur l'importation de ces abeilles?

[Traduction]

Dr Silva : Oui, certainement. Ces importations sont réglementées par le gouvernement canadien. C'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA, qui s'occupe des importations au pays. Actuellement, nous autorisons l'importation de reines et de paquets d'abeilles uniquement en provenance de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Chili, car nous avons déterminé que dans ces pays, l'état sanitaire des abeilles est équivalent au nôtre.

Des États-Unis, nous n'importons que des reines domestiques, et seulement celles en provenance de la Californie et d'Hawaï. Cela peut aussi arriver. Les reines peuvent être inspectées visuellement et triées sur le volet, ce qui nous permet d'assurer que celles qui entrent au Canada sont en santé. Elles doivent en outre s'accompagner d'un certificat d'exportation, en vertu duquel le pays exportateur certifie les abeilles qu'il expédie au Canada.

Toutes ces mesures visent à réduire l'entrée au Canada de nouvelles maladies ou à empêcher l'aggravation des maladies qui sont déjà sur notre territoire.

[Français]

Le sénateur Maltais : Connaissez-vous les recherches d'Anicet Desrochers? Cela ne vous dit rien. Il s'agit d'une chercheuse qui, conjointement avec des chercheurs de la Californie, tente de produire une reine qui pourrait supporter le climat canadien. C'est dans le rapport du gouvernement du Québec. Je ne crois pas que « sa majesté la reine » irait bien loin ce matin, avec le froid qui sévit, mais ces chercheurs se penchent sur la possibilité de créer ce type de reine. En avez-vous entendu parler?

[Traduction]

Dr Silva : Je ne peux affirmer connaître cette recherche particulière, mais mon collègue du ministère de l'Agriculture, M. Pernal, en a peut-être déjà eu vent.

M. Pernal : Je ne connais pas vraiment cette recherche, mais je sais qu'il y a des programmes pour la sélection des lots dans tout le Canada. Habituellement, ces programmes sont régionalisés. Grâce à des protocoles appropriés d'exportation et d'importation, nous avons effectivement la capacité d'exporter des lots vers la Californie pour qu'ils essaiment au tout début du printemps, avant d'être vendus et ramenés au Canada.

Si un lot produit au Québec s'avérait potentiellement profitable pour l'industrie canadienne, il pourrait être décuplé en début de saison en Californie puis réexpédié au Canada, toujours en vertu des protocoles d'exportation et d'importation mis en place par l'ACIA.

Le sénateur Oh : Merci à notre groupe de spécialistes d'être ici ce matin. Ma question s'adresse à vous tous.

Les enfants sont ceux qui consomment le plus de miel. Or, le miel contient des traces d'antibiotiques. Devrait-on s'inquiéter de cela pour nos enfants?

M. Kirby : Je ne peux pas me prononcer au sujet des antibiotiques, mais je peux traiter de la question des résidus de pesticides, si c'est ce dont vous parlez.

Le sénateur Oh : Disons que ma question concerne les deux.

M. Kirby : Oui, nous observons les résidus de pesticides dans différentes denrées, et les niveaux tolérés dans le miel sont bien en deçà de ceux qui pourraient être préoccupants pour n'importe quel segment de la population canadienne, dont les enfants et les nourrissons. Une limite de résidus a été établie, mais elle vise la protection de tous les segments de la population.

Dr Ian D. Alexander, directeur exécutif/vétérinaire en chef pour le Canada, Agence canadienne d'inspection des aliments : Je peux ajouter quelque chose à ce que M. Kirby a dit. L'Agence canadienne d'inspection des aliments est l'organe chargé d'inspecter toute sorte de denrées au Canada, dont le miel, et nous faisons des tests pour déceler la présence de résidus dans les aliments, y compris ceux d'antibiotiques et de pesticides. Nos méthodes pour vérifier et faire appliquer la conformité se fondent sur des normes fixées par Santé Canada, lesquelles tiennent compte des avis de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, ou ARLA, et de la Direction des médicaments vétérinaires de Santé Canada. C'est cet organisme qui fixe les niveaux sécuritaires de résidus de médicaments vétérinaires, dont les antibiotiques, dans toutes les espèces animales concourant à la production de denrées.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je remercie nos invités pour leur présence ici ce matin. La plupart de mes questions ont été posées par les sénateurs qui m'ont précédé et je vous remercie pour vos réponses, mais j'aimerais quelques précisions supplémentaires.

Vous nous avez entretenus sur l'inspection canadienne lors de l'importation de reines et d'abeilles de certains pays, mais j'aimerais vous entendre un peu plus précisément sur ce sujet. Sont-elles gardées en quarantaine pendant un certain temps, par exemple? Je sais qu'il y a des vétérinaires aux douanes, mais j'aimerais vous entendre plus précisément sur la manière dont ces reines sont inspectées.

J'imagine que d'autres pays voudraient en exporter, mais qu'ils en sont empêchés à cause de certains parasites; est-ce le cas?

[Traduction]

Dr Alexander : Merci pour cette question. Comme le Dr Silva l'a indiqué plus tôt, nous avons des normes de certification pour les pays dont nous importons des abeilles, tant pour les reines en tant que telles que pour les importations de reines et de paquets d'abeilles. Le terme paquets d'abeilles est utilisé lorsque la reine est accompagnée d'ouvrières. Les normes servent à certifier la situation de ces abeilles sur le plan des maladies, et elles s'appuient vastement sur l'historique de santé des abeilles dans le pays d'où nous les importons. Dans le cas des importations, ces normes sont suivies d'une inspection en bonne et due forme des abeilles en question. Cela est fait par le pays d'où elles sont expédiées, mais une inspection visuelle sera aussi pratiquée au moment de l'importation, c'est-à-dire lorsque les abeilles entrent au pays.

Je ne crois pas qu'il y a de période de quarantaine officielle, mais, comme je l'ai déjà dit, chaque province a ses propres normes et règlements en ce qui a trait aux importations.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Ma question s'adresserait probablement à M. Pernal. Lorsqu'on fait l'étude de l'effet des pesticides, des insecticides ainsi que des parasites sur les abeilles de ruches commerciales, quelle importance porte-t-on aux abeilles qui sont, en fait, nos bourdons à l'état naturel ou sauvage?

[Traduction]

M. Pernal : C'est une très bonne question. La santé des pollinisateurs indigènes, ces abeilles qui vivent à l'état sauvage, est assurément très importante pour tous les Canadiens. Pour dire vrai, nous en savons moins sur les pollinisateurs indigènes, car les abeilles domestiques font l'objet d'études beaucoup plus soutenues. Comme je l'ai dit, le principal pollinisateur de l'industrie agricole n'a été géré que pour les besoins de nos cultures.

Nous en savons plus sur les espèces d'abeilles domestiques, car elles peuvent être gérées à des fins commerciales et, dans une moindre mesure, vendues sur les marchés. Les bourdons sont des pollinisateurs indigènes du Canada. Nous avons quelques données sur le complexe parasitaire du bourdon, mais ce sujet est beaucoup moins connu que pour les abeilles domestiques.

Nous en savons probablement encore moins sur d'autres espèces d'abeilles indigènes du Canada. Il ne faut cependant pas perdre de vue qu'il y en a plusieurs centaines en dehors des abeilles domestiques.

Je crois que la réponse courte serait que nous n'en savons pas beaucoup sur l'ensemble de maladies qui frappent les pollinisateurs indigènes. Beaucoup de travail s'est fait récemment sur l'exposition des abeilles indigènes aux pesticides — beaucoup plus qu'avant, en fait —, et nous avons peut-être une meilleure idée des complexes parasitaires qui peuvent les toucher, mais on en sait assurément moins que pour les espèces gérées à des fins agricoles. Outre les abeilles domestiques, les espèces gérées à des fins agricoles sont les bourdons et, en premier lieu, les mégachiles de la luzerne. Ces deux espèces sont des espèces indigènes que nous connaissons mieux. Je reconnais qu'il y a probablement peu de renseignements sur les maladies qui touchent les abeilles indigènes et, bien que l'on comprenne de mieux en mieux la nature des pesticides, il reste encore beaucoup à apprendre.

Le sénateur Robichaud : Serait-il important de savoir si nos abeilles indigènes ont une résistance quelconque à ce qui nuit aux autres abeilles, et aussi de savoir quels traits caractéristiques les empêchent d'être infectées par les pesticides ou les herbicides ou quoi que ce soit d'autre en usage qui pourrait être transmis à d'autres abeilles?

M. Pernal : Oui. Un des aspects qu'il faudrait observer est la propagation des agents pathogènes. En clair, il s'agit d'établir si les agents pathogènes ou les parasites présents chez une espèce — que ce soit l'abeille domestique ou le bourdon — peuvent être transférés secondairement à d'autres espèces. Il existe peut-être des mécanismes de résistance, comme vous le suggérez. Nous n'avons pas encore la réponse à cette question. Les pesticides ont peut-être des effets différents selon les espèces. J'ai récemment vu des études qui se sont penchées sur les effets simultanés très différents que pouvait avoir un pesticide appliqué à une culture en plein air sur des colonies d'abeilles domestiques d'une part et des abeilles indigènes d'autre part. N'oubliez pas que les abeilles domestiques, en tant qu'organismes, sont très résistantes. Elles ont des colonies de grande taille, et j'avancerais qu'elles ont une certaine capacité d'absorption en ce qui concerne une éventuelle exposition à de petites quantités de pesticides, une capacité que certaines de nos espèces indigènes n'ont peut-être pas. J'ai vu nombre d'autres études sur les effets des pesticides sur les abeilles indigènes. Je crois que nos connaissances dans ce domaine s'améliorent, mais je serai le premier à reconnaître qu'il y a des lacunes auxquelles il nous faut remédier.

[Français]

Le sénateur Maltais : Question complémentaire. Le deuxième consommateur des bleuets dans l'Est du Canada, ce sont les ours noirs. Avez-vous des études pour voir si les parasites se propagent dans la viande de l'ours noir?

[Traduction]

M. Kirby : La réponse courte à cette question est non. Notre cadre d'évaluation du risque examine les effets des pesticides sur les mammifères, mais, dans le cas des abeilles, nous avons recours à des organismes substituts. Par exemple, nos études sur les abeilles domestiques sont censées expliquer la réaction des pollinisateurs indigènes, et les études que nous recevons sur les mammifères portent en fait sur des animaux de laboratoire et elles sont censées s'appliquer à une vaste gamme d'organismes. Habituellement, les animaux qui sont testés en laboratoire sont censés être suffisamment réactifs pour donner l'heure juste sur d'autres espèces.

La sénatrice Buth : Ma question s'adresse à l'ACIA. Lorsque je parle aux apiculteurs des Prairies, ils me demandent toujours pourquoi ils ne peuvent pas importer d'abeilles des États-Unis, et notamment des reines. Vous avez parlé de la Californie, car ce serait beaucoup moins coûteux que de les faire venir d'une région encore plus éloignée. Les apiculteurs se soucient des coûts d'importation des abeilles en provenance d'autres régions. Pouvez-vous nous parler des facteurs dont vous tenez compte en matière d'importation?

Dr Silva : Bien sûr. Merci, sénatrice Buth, pour cette question. Les restrictions sur les importations en provenance des États-Unis sont avant tout fonction de la situation des maladies dans ce pays. Comme je l'ai dit, le Canada a une meilleure fiche de santé à bien des égards ainsi que de meilleures mesures de contrôle. L'un des facteurs de risque qui nous intéresse particulièrement — du moins, en ce qui a trait au Canada et aux États-Unis — est la présence des abeilles africanisées, soit les abeilles domestiques qui présentent le gène africanisé. Il s'agit d'un trait indésirable qui rend les abeilles beaucoup plus agressives et les incite à piquer plus souvent. Le gène africanisé n'a pas été rapporté chez les abeilles domestiques du Canada. Voilà l'un des facteurs.

M. Pernal a fait allusion au développement d'une résistance à certaines des dernières lignes de défense. L'une de celles qui nous préoccupent est un produit chimique appelé Amitraz, qui est utilisé contre le varroa. Aux États-Unis, les rapports à ce sujet se font des plus accablants, alors nous voulons en limiter l'entrée en sol canadien.

L'un des autres facteurs qui nous préoccupent est le petit coléoptère des ruches. Ce parasite se manifeste ici de temps à autre, mais le Canada a des programmes de contrôle, ce qui n'est pas le cas aux États-Unis. Dans l'éventualité où ces menaces se matérialisent, comme c'est arrivé au Québec et en Ontario ces dernières années, des mesures de contrôles très ciblées sont mises en œuvre pour leur barrer la route.

Une autre menace est la loque américaine, un organisme pathogène qui résiste à l'oxytétracycline, et dont j'ai parlé plus tôt. Lorsque l'on examine la situation générale des maladies dans les deux pays, l'on constate des différences évidentes. Un coup d'œil aux contrôles nous permet de constater que nous avons des règlements provinciaux, des mesures de contrôle à l'échelle du pays et des mesures de contrôles en matière de déplacements.

Nous avons des obligations quant à la production de rapports. Lorsque nous constatons la présence de certaines maladies, nous devons les rapporter aussitôt à l'ACIA, par exemple, et aux autorités provinciales, puis appliquer des mesures de contrôle. Nous disposons aussi de mesures de contrôle des déplacements à l'intérieur du pays. Nous avons un programme national sur la santé des abeilles, ce que les États-Unis n'ont pas. Mais ils ont sûrement une industrie florissante d'abeilles migratoires.

Tous ces facteurs pris en compte expliquent pourquoi nous devons maintenir ces restrictions. Nous laissons entrer les reines, certes, et nous le faisons pour aider l'industrie, mais nous ne le permettons que pour des régions précises — la Californie et Hawaï —, et les reines font l'objet d'une inspection visuelle. De nombreux apiculteurs s'approvisionnent à ces endroits. Par exemple, on rapporte que 190 000 abeilles ont été importées au Canada en 2012 en provenance de la Californie.

La sénatrice Buth : Qu'est-ce qui rend la Californie si spéciale?

Dr Silva : La Californie exerce une surveillance, alors nous avons une meilleure raison de croire que la santé des abeilles y est meilleure. L'authentification d'une importation doit s'accompagner de données.

La sénatrice Buth : J'ai une question pour M. Pernal. Les abeilles domestiques sont-elles une espèce indigène du Canada?

M. Pernal : Non, les abeilles domestiques ne viennent pas de l'Amérique du Nord. Elles ont été introduites par les colons il y a des centaines d'années.

La sénatrice Buth : Merci.

Le président : Avant de passer à la sénatrice Tardif, je vais laisser la chance au sénateur Mercer de poser sa question supplémentaire.

Le sénateur Mercer : J'aimerais revenir sur la première question de la sénatrice Buth et sur votre réponse au sujet de l'importation d'abeilles en provenance des États-Unis. Nous sommes des voisins assez rapprochés. N'ont-ils pas les mêmes problèmes que nous? Et c'est la raison pour laquelle ce comité se penche sur la question. N'ont-ils pas les mêmes problèmes que nous?

Dr Silva : Je vais commencer, et je vais aussi faire appel à M. Pernal.

Oui, c'est le cas, mais leurs problèmes sont peut-être beaucoup plus complexes que les nôtres. Ils ont des problèmes plus importants que nous en ce qui a trait à certains aspects de la santé des abeilles. Il y a la question de la résistance, sans doute, et aussi les problèmes liés à certains traitements qui peuvent être utilisés pour les mites, par exemple. Ils ont plus de problèmes avec ce genre de choses et certaines maladies ont une prévalence plus forte.

Les abeilles africanisées ont fait leur entrée en Amérique par le Brésil et se sont par la suite propagées vers le nord. On rapporte qu'elles ont commencé à investir certains États du Sud des États-Unis. En ce qui a trait à la santé des abeilles, les Américains ont assurément des problèmes plus importants que les nôtres.

Le président : Monsieur Pernal, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

M. Pernal : Je suis d'accord de façon générale avec les propos du Dr Silva. Si l'on regarde l'historique de l'industrie agricole américaine, on constate que nos voisins du Sud tendent à avoir des problèmes liés aux maladies et aux parasites bien des années avant le Canada. J'estime qu'une bonne partie des mesures de contrôle que nous exerçons sur les importations ont vraiment permis de réagir nombre d'années avant que certains de ces insectes et parasites nuisibles arrivent à s'installer en territoire canadien.

L'autre chose qu'il faut garder à l'esprit est que, comme cela a été souligné, nous importons effectivement des reines des États-Unis, et ce, en grande quantité. Ce qui nous permet de le faire est l'atténuation des risques. L'importation de reines nous permet de mettre en place des protocoles d'exportation visant les inspections et le transport, ce qui permet d'obtenir un degré de risque acceptable en ce qui trait à la propagation des parasites et des agents pathogènes présents aux États-Unis.

Certains de ces problèmes sont tout simplement inexistants au Canada, alors que d'autres — d'autres facteurs de risque qui ont au moins été repérés lors de la récente évaluation du risque réalisée par l'ACIA — sont présents, mais dans une très modeste mesure. Du reste, comme Dr Silva l'a indiqué, ces problèmes sont contrôlés par des dispositions comme des mesures de contrôle et des restrictions en matière de déplacement au sein des provinces qui interdisent le déplacement des colonies, et cetera.

Oui, des problèmes similaires existent des deux côtés de la frontière, mais leur ampleur en sol canadien, voire leur absence dans certains cas, guide l'ACIA lorsqu'elle doit décider si l'importation d'abeilles des États-Unis est souhaitable ou non.

Encore une fois, simplement pour rappeler au comité que le degré de risque associé à l'importation d'abeilles en paquets — ce qui représente entre une et trois livres d'abeilles avec une reine — est très différent de celui que l'on associe à l'importation d'une seule reine accompagnée d'un nombre restreint d'ouvrières. Le degré de risque est différent selon que l'on importe des reines d'abeilles domestiques seules ou des abeilles en paquets, et tout cela a été pris en compte lors de l'évaluation du risque réalisée par l'ACIA.

Le président : La sénatrice Buth a une question supplémentaire. Nous passerons ensuite à la sénatrice Tardif.

La sénatrice Buth : Ma question supplémentaire se rapporte à celle du sénateur Mercer.

Monsieur Kirby, le sénateur Mercer a demandé si les États-Unis avaient les mêmes problèmes que nous. Or, si l'on regarde la production américaine de maïs et de soya, force nous est de constater qu'il s'agit d'une production colossale. J'aimerais savoir si ces deux industries ont les mêmes problèmes d'exposition aux néonicotinoïdes que nous.

M. Kirby : D'après ce que j'ai entendu des responsables des États-Unis, le taux de signalement de cas aux États-Unis ne semble pas être le même qu'ici. Il s'agit peut-être d'un problème de rapport plutôt que d'une réalité factuelle, de ce qui se passe vraiment sur le terrain, mais d'après les discussions que nous avons eues avec eux, le problème n'a pas la même ampleur au sud de la frontière que chez nous.

La sénatrice Buth : Voilà qui est très intéressant.

La sénatrice Tardif : Ma question s'adresse à M. Pernal. En tant qu'Albertaine, j'ai été ravie d'apprendre qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada avait un centre de recherche à Beaverlodge, une petite collectivité du nord- ouest de la province. Mais pourquoi là? Qu'y a-t-il de si particulier à Beaverlodge?

M. Pernal : Comme vous le savez, madame la sénatrice, le Nord de l'Alberta est un endroit où il fait bon vivre, et je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi il n'y a pas plus de gens qui y habitent. La vérité est qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada dirige encore une ferme de recherche dans cette région, et que nous sommes un peu comme un sous-élément plus modeste du réseau de recherche qui existe actuellement en Alberta. Nous avons toujours des centres de recherche plus importants à Lacombe, et un autre très grand centre à Lethbridge, toujours en Alberta.

Notre présence là-bas remonte à près de 100 ans, et la raison pour laquelle je suis ici est que nous faisons partie du district de Peace River, une vaste région agricole à cheval entre le nord-ouest de l'Alberta et le nord-est de la Colombie- Britannique, qui a toujours été le théâtre d'une activité apicole très intense. La production de miel par colonie de nos abeilles est parmi les plus abondantes au monde, et la région fait encore à ce jour l'objet d'une apiculture intensive.

Il y eut un temps où Agriculture Canada avait trois chercheurs comme moi, qui étudiaient la gestion et le croisement des abeilles domestiques, ainsi que les problèmes liés aux ravageurs. Historiquement, le centre de Beaverlodge a joué un rôle très important quant à la production d'abeilles domestiques au Canada. Je crois d'ailleurs que c'est pour cela que j'y ai décroché un poste.

Le Nord de l'Alberta est aussi reconnu pour sa grande production de semences de plantes fourragères. Toujours à ce site, nous avons aussi eu il y a quelques années des programmes de recherche sur l'abeille découpeuse de la luzerne, en lien avec la production de semences de plantes fourragères dans cette région.

Voilà pourquoi je suis ici. Mais il y a aussi eu un temps où nous avions deux scientifiques à la Ferme expérimentale centrale, ici, à Ottawa.

La sénatrice Tardif : Merci pour cette explication.

[Français]

Le président : Nous allons conclure avec les sénateurs Dagenais et Eaton.

Le sénateur Dagenais : Docteur Silva, je ne sais pas si vous avez observé ce phénomène, mais on sait qu'à l'occasion, il peut y avoir un changement de reine dans les colonies d'abeilles. Est-ce que le fait qu'une reine change de colonie peut avoir un effet néfaste sur cette colonie ou cela n'a tout simplement pas d'effet?

[Traduction]

Dr Silva : Je vais répondre en termes généraux, et je vais aussi revenir à la question posée à M. Pernal.

L'introduction d'un élément nouveau dans la colonie — il peut en outre s'agir d'un changement de reine — produit un bouleversement, du moins en ce qui a trait à la santé des abeilles. En ce qui concerne le comportement de celles-ci, je crois que M. Pernal sera mieux en mesure de répondre.

M. Pernal : Oui, il peut arriver pour différentes raisons que la reine d'une colonie soit remplacée par une autre. Un apiculteur remplacera une reine une ou deux fois par an. Cela fait partie des bonnes pratiques de gestion. Les reines plus jeunes sont plus fécondes, et cela a un effet bénéfique sur la population et la productivité de la colonie dans son ensemble, alors cela se fait couramment. Il arrive qu'une colonie remplace sa propre reine par supersédure, si celle-ci est inadéquate. Dans d'autres cas, la colonie essaimera, ce qui se traduira par un remplacement « naturel » de la reine.

Chaque remplacement de reine interrompt le cycle d'élevage du couvain. La productivité de la colonie diminuera pendant quelques semaines, et la durée de ce ralentissement variera selon la période de la saison où le remplacement a lieu. Dans cette optique, l'on espère que cela ne surviendra pas en plein durant la période de production, laquelle a lieu au milieu de l'été.

Plusieurs raisons peuvent motiver le remplacement des reines. Tout dépend du contexte. Si vous cherchez une réponse en fonction de l'une de ces situations en particulier, je serais peut-être mieux en mesure de répondre à votre question.

Le président : Pour terminer, nous aurons la sénatrice Eaton, puis la sénatrice Merchant et le sénateur Robichaud.

La sénatrice Eaton : La semaine dernière, le Conseil canadien du miel nous a dit que vous étiez en train de mettre en place un forum pour la biosécurité des abeilles, lequel pourrait prendre la forme d'un registre national. Avez-vous un registre national qui garde trace des colonies infectées ou des régions du pays où il y a des épidémies?

Dr Silva : Je peux commencer, mais je vais aussi demander l'appui de mon collègue, le Dr Alexander. L'ACIA a publié une norme nationale de biosécurité à la ferme pour les abeilles. Cette norme est actuellement en voie d'être adaptée par les producteurs et les provinces, et donc, en voie d'être mise en œuvre. La norme en matière de biosécurité...

La sénatrice Eaton : Pouvez-vous nous expliquer ce qui est mis en œuvre?

Dr Silva : La norme regroupe des pratiques exemplaires pour la préservation de la santé des abeilles — des pratiques telles que des procédures sanitaires, des pratiques de gestion utiles, bref, toutes sortes de mesures dont il faut tenir compte pour réduire au minimum les risques de maladies ou pour empêcher certaines maladies déjà présentes de se propager.

Les maladies peuvent se propager de nombreuses façons au sein d'une colonie ou d'un producteur à l'autre. L'application appropriée des normes permettra de réduire ces risques au minimum.

Il existe de nombreux modules auxquels les apiculteurs devront s'adapter à cet égard. Cela se fera sur une base volontaire, mais les producteurs ont intérêt à le faire. Le Conseil canadien du miel travaille donc très fort pour promouvoir l'adoption de cette norme.

La sénatrice Eaton : Puis-je vous demander pourquoi cela se fait sur une base volontaire? Si une épidémie s'amorce quelque part au Québec, les apiculteurs de l'Ontario ou des Maritimes, bref, ceux des provinces voisines voudront assurément en être mis au courant. Pourquoi l'adoption est-elle laissée au choix de chacun?

Dr Silva : Cette réponse comporte deux volets. Lorsqu'il s'agit de contrôler les maladies, il y a des mesures très spécifiques qui peuvent être prises. J'ai déjà parlé des obligations de faire rapport.

De telles obligations existent à l'échelon fédéral. Lorsque vous remarquez la présence de certaines maladies, vous devez prendre certaines mesures. Les provinces ont quant à elles de longues listes de maladies pour lesquelles elles ont des règlements. Ici encore, ces maladies doivent être rapportées.

Les mesures qui s'ensuivent peuvent prendre la forme de traitements, mais il faut parfois détruire les ruches infectées, toujours dans le but d'éliminer le risque à la source. C'est ce que l'on appelle une mesure de contrôle de la maladie. La norme en matière de biosécurité est autre chose.

Il s'agit plutôt d'un guide de pratiques qui s'appliquent d'emblée, qu'il y ait maladie ou non, et qui visent à réduire au minimum les risques d'introduction d'agents pathogènes et à mieux contrôler l'hygiène d'ensemble de l'industrie apicole.

La sénatrice Eaton : Existe-t-il des différences entre les exigences des différentes provinces, et entre ce que les provinces exigent et ce que le gouvernement fédéral exige?

Dr Silva : Oui. Comme je l'ai dit, le contrôle fédéral sur la santé des abeilles s'exerce sur trois plans, auquel s'ajoute l'obligation de rapporter certaines maladies. Nous avons une obligation à l'égard de l'organisation mondiale de la santé animale dont nous sommes membres de rapporter les occurrences de certaines maladies. Cela est l'un des aspects. L'importation en est un autre, puis, il y a la norme de biosécurité des abeilles.

Avec leurs règlements qui font plus ou moins écho à ceux du gouvernement fédéral, les provinces sont les maîtres d'œuvre de la santé des abeilles. Leurs règlements vont cependant un peu plus loin par l'adjonction d'un certain nombre de maladies autres et prévoient des mesures particulières pour le contrôle des maladies.

La sénatrice Eaton : Serait-il utile de normaliser ces règlements pour l'ensemble des provinces?

Dr Silva : Si vous examinez les règlements de chaque province — en fait, nous avons de l'information là-dessus et nous pouvons la transmettre au comité, si vous le voulez —, vous allez vous rendre compte qu'ils ne diffèrent pas beaucoup d'une province à l'autre, puisque les risques sont à peu près les mêmes partout, y compris pour le pays dans son ensemble. Il y a quand même certaines différences. De petites différences propres à chaque province.

Une province ou une région donnée peut décider de ne pas avoir de programme de contrôle pour certaines maladies, notamment si elles n'en ont pas vu de manifestation. La présence de certaines maladies diffère selon les régions et, aussi, selon les époques.

Le président : Questions supplémentaires.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Est-ce qu'on a pu constater les effets de prédateur sur les ruches? Et je ne parle pas des ours du sénateur Maltais. Je lisais qu'en France, le frelon asiatique est en train de ravager les ruches jusqu'à les détruire complètement. Est-ce qu'on a ce même phénomène, où on peut observer le début d'un tel phénomène au Canada? Le frelon, c'est quoi? Wasp?

[Traduction]

M. Pernal : Je peux peut-être dire un mot là-dessus. Je crois que l'espèce dont parle le sénateur est un frelon qui a été introduit en Europe, le Vespa velutina. Comme vous l'avez si bien dit, cet insecte s'attaque aux colonies d'abeilles et s'en nourrit. Le Canada le considère comme un danger potentiel. On n'en a pas encore vu en Amérique du Nord, mais c'est le genre d'espèce allogène dont l'ACIA se préoccuperait beaucoup si elle venait à entrer au pays.

Je crois que la réponse est qu'il s'agit de l'une de plusieurs menaces exotiques susceptibles de gagner le Canada dont nous nous préoccupons beaucoup et que nous suivons de près. Nul doute que toute présence rapportée de ce frelon au Canada fera l'objet d'une intervention très rapide. Il est évident que l'ACIA se préoccuperait de cela.

La sénatrice Buth : Nous venons tout juste de commencer cette étude sur la santé des abeilles. Votre présence nous a permis de comprendre certains des grands problèmes qui touchent les abeilles. Avez-vous des recommandations à formuler relativement à ce que nous pourrions faire de plus pour préserver la santé des abeilles au Canada?

Dr Silva : Je peux commencer. Si je me fie aux deux heures ou presque qui viennent de passer, je crois que les questions et l'intérêt du comité — tant dans son ordre de renvoi que dans ses questions — sont très vastes, et que c'est vraiment de cette façon que la question doit être examinée. Je crois fermement que la santé des abeilles est complexe et pluridimensionnelle, et que la question mobilise plusieurs intervenants. C'est sous cet angle que le sujet doit être envisagé.

De nombreux facteurs doivent être examinés, et vous avez posé beaucoup de questions sur la façon dont le gouvernement réagit à certaines situations. La préservation de la santé des abeilles est une responsabilité partagée. Ce que je veux dire, c'est que le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et l'industrie doivent travailler ensemble, et que les universités ont, elles aussi, un important rôle à jouer là-dedans, notamment en ce qui a trait à l'aspect recherche. M. Pernal a parlé de certains projets de recherches menés par Agriculture Canada, mais il faut ajouter à cela les recherches d'organismes provinciaux, sans oublier celles des universités.

Les lacunes en matière de savoir que nous avons dans ces domaines, les façons optimales d'y remédier et certaines autres questions doivent être envisagées dans une perspective canadienne, et en fonction de ce qui est unique au Canada et de ce qui est le mieux pour lui. Certaines de ces questions ont aussi des aspects planétaires dont il importe de tenir compte.

Des organismes comme l'ACIA et l'ARLA sont en contact avec les organismes de réglementation internationaux qui sont leur vis-à-vis, et nous tentons de réglementer de manière à ce que nos réponses soient en harmonie avec ce qui se fait à l'échelle internationale. J'aimerais beaucoup vous laisser avec ces pensées en ce qui a trait à ce qu'il y a de mieux à faire dans l'intérêt du Canada : il importe de connaître nos lacunes sur le plan des connaissances et d'examiner comment nous pourrons aller chercher le meilleur savoir possible pour préserver la santé des abeilles au Canada.

Le président : Souhaitez-vous ajouter autre chose, monsieur Pernal?

M. Pernal : Je crois que mes commentaires vont de façon générale dans le même sens que ceux du Dr Silva, soit que le gouvernement du Canada devrait avoir la capacité de combler ses lacunes sur le plan du savoir, comme celles concernant la surveillance de choses comme les parasites exotiques au Canada — ce que le gouvernement fédéral ne fait pas à l'heure actuelle, du moins, pas de façon systématique et, de façon plus générale, j'estime qu'il faudrait que nous nous assurions d'avoir et de maintenir des capacités de recherche adéquates au sein du ministère et, peut-être, de les bonifier avec le temps.

M. Kirby : Mes propos feront écho à ceux de M. Pernal et du Dr Silva. Comme vous le savez, l'ARLA ne dispose pas des ressources nécessaires pour mener des recherches. Nous devons donc nous appuyer sur celles de nos collègues à l'échelle fédérale, provinciale et universitaire. Étant donné que nous avons besoin de ces données, il faudrait accroître notre capacité de faire des recherches.

Le président : Merci.

La sénatrice Merchant : Ce matin, nous avons surtout discuté de la santé des abeilles et de nos préoccupations concernant les abeilles en tant que pollinisateurs. Quelqu'un a posé une question à l'égard du miel et, si vous me le permettez, j'aimerais revenir sur le sujet.

Est-ce que les problèmes que nous avons constatés chez les abeilles entraînent des conséquences sur le plan de la qualité du miel et suscitent des inquiétudes en matière de santé, parce que certains des produits servant à lutter contre la maladie risquent de se trouver dans le miel? Qu'en est-il des différents types de miel, comme le miel de trèfle? Est-ce que la pasteurisation du miel contribue à remédier à certaines de nos préoccupations actuelles concernant la santé des abeilles? J'aimerais être mieux renseignée.

M. Pernal : Je vais commencer par faire quelques observations générales, et j'invite mes collègues à prendre part à la discussion.

La pureté du miel de consommation est d'une importance primordiale pour l'industrie apicole du Canada parce qu'on ne peut mettre du miel impur sur le marché.

Cela dit, le Canada a mis en place un bon système de contrôle des pesticides et des antibiotiques dans le miel. Les analyses sont effectuées par la branche de salubrité des aliments de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. On y exerce un contrôle rigoureux du miel qui est importé au Canada, mélangé puis vendu comme produit d'ailleurs et aussi du miel canadien. Il en va certainement de même pour les apiculteurs canadiens dont les produits sont vendus en magasin et les conditionneurs.

À mon avis, les Canadiens peuvent être quelque peu rassurés du fait que les mécanismes et les organismes en place permettent d'assurer la qualité et la pureté du miel de consommation au pays. D'ailleurs, les apiculteurs seraient exclus du marché si leurs produits n'étaient pas purs.

Or, l'ironie dans tout cela, c'est que certains des parasites dans nos colonies d'abeilles sont très difficiles à contrôler. Nous avons recours à des pesticides bien précis dans les colonies d'abeilles pour contrôler des parasites comme le varroa. Nous comprenons bien que les pesticides destinés aux produits agricoles risquent de s'infiltrer dans la ruche et d'être déposés dans la cire ou le miel; or, la même chose risque d'arriver avec certains des produits que nous utilisons dans les ruches pour éliminer les acariens. Beaucoup de notre travail consiste à essayer d'assurer la pureté du miel de consommation en minimisant son exposition à ces éléments indésirables. Il est ironique de constater que, en situation difficile, si nous voulons garder les abeilles en santé, nous devons utiliser ces produits pour tuer les acariens de façon sélective.

Il faut tenir compte d'un autre aspect, qui n'est pas vraiment lié à la salubrité des aliments : les pesticides que nous utilisons dans les ruches ont également des répercussions sur la santé des abeilles. D'habitude, il existe une différence minime entre la dose qui tue les acariens et celle qui tue les abeilles. Il importe donc de se préoccuper aussi de la santé des abeilles quand des pesticides sont utilisés dans les ruches pour éliminer les acariens.

Nous exerçons une surveillance active de la qualité du miel de consommation, pour déceler tant les pesticides que les antibiotiques, et nous devons utiliser certains de ces produits pour garder les abeilles en santé. Cependant, nous nous penchons sur un certain nombre de stratégies de rechange qui minimiseront ou même, dans certains cas peut-être, élimineront l'utilisation des pesticides.

Quant au miel de trèfle, il est produit à partir d'une des espèces de trèfle que nous avons au Canada. En général, il est produit dans l'Ouest du pays, où nous avons de bonnes plantations. Celles-ci produisent un miel léger et de très haute qualité, qui est prisé sur les marchés d'exportation parce que sa couleur pâle est idéale pour les mélanges et aussi en raison de son goût agréable. Il s'agit d'un des nombreux types de miel disponibles sur le marché.

La sénatrice Merchant : Pourquoi faut-il pasteuriser le miel?

M. Pernal : La pasteurisation du miel ne correspond pas exactement à la pasteurisation du lait. Je tiens à dire que le miel cru ne présente aucun risque pour les consommateurs. Dans le passé, les gens se préoccupaient de la présence de spores du botulisme dans le miel. Or, à ma connaissance, selon les dernières analyses effectuées au Canada pour déceler des spores du botulisme — susceptibles de causer des maladies chez les nourrissons —, celles-ci sont quasiment indétectables.

En réalité, au Canada, la principale raison pour laquelle on traite le miel à la chaleur, c'est pour en retarder la cristallisation. Le miel est chauffé afin de dissoudre de petits cristaux de sucre qui pourraient s'y trouver, après quoi il est filtré. Quand le miel est mis en bouteille dans cet état, il demeure liquide pendant longtemps.

Je ne veux pas que vous ayez l'impression que le miel est insalubre parce qu'il est plein de pesticides ou de produits causant des maladies. Le miel cru est parfaitement salubre et, en fait, beaucoup de miel est vendu et consommé à l'état cru. Même si le traitement à la chaleur a tendance à éliminer certains organismes indésirables et risques de maladies, il n'est pas vraiment utilisé comme mesure de lutte contre la maladie. Il sert surtout à prolonger la durée de conservation du miel à l'état liquide. Ne vous inquiétez pas : le miel est un bon produit.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Lorsqu'on lit sur la bouteille que c'est pasteurisé, les gens croient que c'est vraiment comme le lait, où on a éliminé ce qui pourrait avoir un effet néfaste sur les humains. Est-ce que vous nous dites que ce n'est pas totalement vrai lorsqu'on dit que c'est pasteurisé?

[Traduction]

M. Pernal : C'est exact. Les gens se trompent s'ils pensent que le miel non pasteurisé présenterait un risque pour leur santé et, bien qu'ils puissent sembler avoir raison du fait que l'on cherche à éliminer les spores de botulisme, je fais remarquer que, d'un bout à l'autre du pays, il y a de très faibles niveaux de spores dans le miel. Le traitement à la chaleur — et il ne s'agit pas vraiment de pasteurisation, comme on le fait avec le lait — sert principalement à prolonger la durée de vie du produit à l'état liquide.

Le président : Monsieur Pernal, vous êtes notre dernier témoin. J'aimerais donc dire aux représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, d'AIAC et de Santé Canada que, au fur et à mesure que nous avancerons dans notre étude et que nous accueillerons d'autres témoins, si jamais vous souhaitez nous dire autre chose ou communiquer avec le comité, je vous invite à en faire part au greffier. Nous serions ravis d'entendre vos observations.

Honorables sénateurs, puisqu'il s'agit de la dernière séance de l'année 2013, je profite de l'occasion pour reconnaître encore une fois le professionnalisme des représentants et des fonctionnaires d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, d'AIAC et de Santé Canada. Nous vous remercions d'avoir été parmi nous ce matin. Par ailleurs, au nom des sénateurs, je souhaite au personnel de soutien nos meilleurs vœux du temps des Fêtes et un joyeux Noël.

Je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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