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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 1 - Témoignages du 20 novembre 2013


OTTAWA, le mercredi 20 novembre 2013

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 15 pour examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je suis heureux de commencer cette réunion en souhaitant la bienvenue à trois nouveaux membres du comité : le sénateur Campbell, le sénateur Ngo et le sénateur Rivard. Nous sommes ravis de vous compter parmi nous.

C'est notre première réunion de la deuxième session de la 41e législature, et nous avons le plaisir d'accueillir M. Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada, qui sera notre premier témoin à inaugurer cette nouvelle session parlementaire. Le gouverneur Poloz, qui est le neuvième gouverneur de la banque centrale du Canada, est entré en fonction le 3 juin dernier, après avoir travaillé pendant plus de 30 ans dans les secteurs privé et public. Juste avant de devenir gouverneur, il occupait le poste de président et directeur général d'Exportation et développement Canada.

Ancien étudiant de l'Université Queen's et de l'Université Western Ontario, M. Poloz a exprimé sa gratitude au monde universitaire en enseignant l'économie dans ses deux anciennes universités ainsi qu'à l'Université Concordia, à Montréal. Le gouverneur Poloz a également été chercheur invité au Fonds monétaire international, à Washington, et à l'Agence de planification économique, à Tokyo.

Si c'est la première fois que le gouverneur Poloz comparaît devant notre comité, ce n'est certes pas le cas de Tiff Macklem, premier sous-gouverneur de la Banque du Canada, à qui nous souhaitons également la bienvenue.

Je vais maintenant donner la parole au gouverneur Poloz, qui va faire le point sur la politique monétaire de la banque et nous parler des perspectives de l'économie canadienne.

Gouverneur, vous avez la parole.

Stephen S. Poloz, gouverneur, Banque du Canada : Merci beaucoup. Bonjour tout le monde. M. Macklem et moi vous remercions de votre invitation à venir discuter avec vous de la livraison d'octobre du Rapport sur la politique monétaire, que la banque a publiée il y a près de quatre semaines.

[Français]

La banque s'est engagée à communiquer ses objectifs ouvertement et efficacement ainsi qu'à rendre compte de ses actes devant les Canadiens. L'un des meilleurs moyens d'y parvenir est justement le genre de tribune que vous nous offrez aujourd'hui.

Permettez-moi de vous exposer brièvement les faits saillants du rapport. J'aimerais vous signaler certains changements importants que nous avons introduits dans cette livraison.

[Traduction]

Nous avons modifié le rapport afin de rendre compte explicitement de l'incertitude inhérente à nos prévisions. Le but est de présenter l'évolution des risques entourant la projection en matière d'inflation qui sont intégrés dans notre politique monétaire, plutôt que de simplement comparer un instantané de notre prévision actuelle avec celui de notre prévision précédente.

L'image n'est pas toujours parfaitement nette, et c'est pourquoi nous avons ajouté de nouvelles mesures de l'incertitude ex ante, c'est-à-dire avant le fait, aux cinq variables les plus importantes de nos projections.

Nous avons aussi ajouté des fourchettes établies à partir de règles simples pour nos projections relatives aux taux de croissance des PIB canadien et américain et à l'inflation mesurée par l'IPC global au Canada, de même que pour le niveau estimatif de l'écart de production actuel et le taux de croissance de la production potentielle au pays.

Ainsi, nous nous rappelons — comme à ceux qui suivent nos travaux — que les projections économiques sont soumises à une incertitude considérable et sont révisées au fil du temps, à mesure que nous prenons connaissance de nouvelles données économiques. La formulation de la politique monétaire repose davantage sur la gestion des risques que sur un processus d'ingénierie.

Dans nos délibérations, nous évaluons et analysons tous les risques, tant positifs que négatifs, et exerçons notre jugement pour déterminer l'équilibre entre eux.

[Français]

Comme d'habitude, en octobre, nous avons revu la prévision concernant la production potentielle. En raison de l'expansion plus faible que prévu de la productivité du travail pendant la dernière année ainsi que du retard du raffermissement attendu de la demande d'exportation et des investissements, la croissance prévue de la production potentielle a été revue légèrement à la baisse.

Depuis la publication du rapport, il y a quatre semaines, les perspectives d'évolution de l'économie mondiale et de l'économie canadienne n'ont pas changé de façon marquée.

Permettez-moi de vous rappeler nos messages :

L'économie mondiale devrait connaître une croissance modeste en 2013. Toutefois, sa dynamique à court terme a changé et la composition de la croissance est maintenant un peu moins favorable pour le Canada.

Les conditions économiques incertaines à l'échelle mondiale et intérieure retardent le raffermissement des exportations et des investissements des entreprises au Canada. Par conséquent, le niveau de l'activité économique est plus bas que la banque ne l'avait anticipé.

[Traduction]

Bien que les dépenses des ménages demeurent solides et que certains indicateurs dans le secteur du logement continuent de monter, la banque entrevoit encore une correction graduelle des déséquilibres dans le secteur des ménages. La banque s'attend à ce qu'un meilleur équilibre entre la demande intérieure et la demande extérieure s'établisse au fil du temps et que la croissance s'autoalimente davantage. Toutefois, cela prendra plus de temps que prévu précédemment.

La banque estime que la croissance des investissements contribuera à un redressement du taux d'expansion de la productivité du travail au cours des deux prochaines années. Cependant, des facteurs démographiques, principalement le vieillissement de la population, devrait freiner le taux de croissance tendancielle du facteur travail. Ce ralentissement annulera en grande partie les effets de la hausse des investissements. C'est pourquoi la banque s'attend à ce que le taux de croissance de la production potentielle demeure assez stable, soit autour de 2 p. 100, durant les trois prochaines années.

[Français]

La croissance réelle du PIB devrait passer de 1,6 p. 100 cette année à 2,3 p. 100 l'an prochain et à 2,6 p. 100 en 2015. La banque prévoit que l'économie retournera graduellement à son plein potentiel d'ici la fin de 2015 environ.

L'inflation au Canada est restée basse ces derniers mois. Cette situation reflète l'importante marge de capacité excédentaire au sein de l'économie et aussi la concurrence accrue dans le commerce du détail et d'autres facteurs sectoriels.

L'offre excédentaire dans l'économie étant plus grande et plus persistante, l'inflation mesurée, tant par l'IPC global que par l'indice de référence, devrait retourner plus graduellement à 2 p. 100 d'ici la fin de 2015 environ.

[Traduction]

Même si la banque juge que les risques entourant la trajectoire projetée de l'inflation sont équilibrés, le fait que l'inflation se soit maintenue au-dessous de la cible de façon persistante signifie que des risques à la baisse touchant l'inflation revêtent une importance croissante. Toutefois, la banque doit aussi prendre en compte le risque d'une amplification des déséquilibres déjà prononcés dans le secteur des ménages.

Compte tenu de ces facteurs, la banque a estimé le 23 octobre que la détente monétaire considérable en place demeurait appropriée et a décidé de maintenir le taux cible du financement à un jour à 1 p. 100.

Depuis, de nouvelles données ont été publiées, mais les perspectives demeurent sensiblement les mêmes, comme je l'ai mentionné.

Si vous avez des questions à poser au sujet de ces données, M. Macklem et moi serons heureux d'y répondre et de vous fournir d'autres précisions, éventuellement.

Le président : Merci, gouverneur. Votre déclaration liminaire contient des choses intéressantes du point de vue des statistiques et des perspectives, mais je dois avouer que ma question ne porte pas là-dessus.

J'aimerais en effet revenir sur une déclaration que vous avez faite et qui a été rapportée dans Report on Business. Voici les paroles qui ont piqué ma curiosité : « Mon style n'est pas d'imposer mes idées, mais plutôt de prendre du recul et d'observer comment les choses évoluent. »

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre style, après quoi je laisserai les membres du comité vous poser des questions plus difficiles?

M. Poloz : Je vous remercie de votre question. J'ai la réputation, je crois, de diriger en arrière-plan, ce qui cadre bien, à mon avis, avec le genre de travail en équipe qui se pratique à la banque.

La formulation des politiques nécessite la participation de toutes sortes de spécialistes, dans des disciplines très pointues. Par exemple, les six membres qui composent l'équipe de direction, en l'occurrence le conseil de direction de la banque, ont tous des antécédents très divers, y compris dans le domaine de la formulation des politiques.

Par conséquent, la meilleure façon pour moi de tirer parti de toute cette expertise, c'est, comme vous l'avez dit et comme l'a rapporté le magazine, de « prendre du recul et d'observer comment les choses évoluent ». Nous discutons presque tous les jours de ce qui s'est passé dans la journée, de ce que ça signifie pour nous, et nous en profitons pour essayer de dégager un consensus au niveau du groupe. Ça marche plutôt bien.

Si M. Macklem a quelque chose à ajouter sur notre façon de travailler, je lui cède le micro avec plaisir.

Tiff Macklem, premier sous-gouverneur, Banque du Canada : Ça marche très bien.

Le président : Sur cette note positive, je vais donner la parole au sénateur Black.

Le sénateur Black : Merci beaucoup. Gouverneur, je suis ravi de vous rencontrer. Quant à vous, monsieur Macklem, c'est toujours un plaisir de vous revoir.

Ma question porte sur l'avis que l'OCDE a rendu cette semaine, à savoir que le Canada devrait peut-être, d'ici à 2015, augmenter ses taux d'intérêt de façon un peu plus marquée que ce que vous avez laissé entendre tout à l'heure. Qu'avez-vous à répondre à cela?

M. Poloz : L'OCDE n'est pas la seule entité à nous donner des avis, et c'est toujours bon à prendre. Vous savez, derrière ça, il y a beaucoup d'analyses rigoureuses, même si elles sont parfois un peu différentes des nôtres, et c'est toujours intéressant d'avoir d'autres points de vue.

Il ne faut pas oublier qu'une politique monétaire est de nature intrinsèquement prospective, car il faut attendre quelque temps avant d'en ressentir les effets. Autrement dit, ce qui est le plus important, ce n'est pas tant les données les plus récentes, mais plutôt les prévisions que nous avons établies pour les six à huit prochains trimestres. Nous prenons nos décisions sur un plus long terme, comme le joueur de hockey qui doit anticiper l'endroit où s'en va son partenaire afin de lui passer la rondelle.

Bien sûr, les prévisions peuvent varier d'une entité ou d'une organisation à l'autre, selon le modèle utilisé. Elles peuvent aussi varier d'une personne à l'autre, selon l'interprétation donnée aux statistiques les plus récentes. Autrement dit, les modèles et les jugements peuvent varier.

Nous sommes parfaitement conscients, et je l'ai dit très clairement dans ma déclaration liminaire, que nos prévisions ne sont pas des chiffres précis — les chiffres après la virgule ne signifient pas grand-chose dans ce contexte —, mais qu'elles représentent plutôt un ordre de grandeur de ce à quoi on peut s'attendre. Nous devons nous assurer non seulement que cette incertitude reste présente dans nos esprits, mais surtout qu'elle est bien intégrée dans les décisions que nous prenons, de sorte que nous sommes à l'aise avec la politique que nous formulons, quelle que soit l'évolution de la situation dans un secteur donné, parce que cette politique ne table pas sur un résultat trop précis. C'est pour ces raisons que les prévisions peuvent varier.

Comme je l'ai dit, l'incertitude la plus importante concerne l'écart de production et la capacité de l'économie. Nous mesurons ces paramètres de toutes sortes de façons. Le plus souvent, nous le faisons à partir des marchés de produits et aussi à partir du marché du travail. Ces deux sources de données nous donnent deux tableaux différents de la situation. Nous intégrons alors cette incertitude dans nos prévisions. Il y a aussi le fait que l'inflation est inférieure à ce qu'elle devrait être. Nous commençons donc notre réflexion en nous disant que ce niveau est insuffisant parce que nous voudrions que l'inflation se rapproche de notre cible de 2 p. 100.

C'est en combinant tous ces éléments que nous en sommes arrivés aux conclusions que je vous ai résumées. Elles sont bien sûres différentes, pour ce qui est des chiffres précis, de celles de l'OCDE. Cette organisation utilise peut-être un modèle différent, notamment pour prévoir l'écart de production, ce qui l'amène à tirer des conclusions différentes. Je les respecte, même si elles sont différentes des nôtres, mais c'est à nous qu'appartient le jugement final.

La sénatrice Ringuette : J'aurai deux remarques à faire. Premièrement, ce qui m'inquiète, c'est le niveau d'endettement des ménages, et l'impact que ça a sur le déficit commercial que nous continuons d'afficher. Est-ce parce que la devise canadienne est surévaluée sur les marchés internationaux? Autrement dit, notre potentiel d'exportation serait-il trop cher pour les marchés étrangers? Au bout du compte, moins nous exportons, moins nous avons de l'argent qui circule dans notre économie, et c'est pour ça que l'endettement des ménages est excessivement élevé.

Tout ça est très compliqué, et je sais que vous vous concentrez principalement sur l'inflation. N'empêche que ce qui m'inquiète au premier chef, c'est notre déficit commercial chronique et le taux d'endettement des ménages, qui a certes diminué un tantinet mais qui est encore trop élevé. Est-ce que tout ça est dû à une surévaluation de la devise canadienne sur les marchés internationaux?

M. Poloz : Comme vous le savez, tout ça est très compliqué. Essayons de reconstituer ce qui s'est passé au cours des cinq dernières années pour voir si on aurait pu se rapprocher de votre cible.

Le monde entier a été entraîné dans un cycle — qui n'est pas encore terminé —, après l'éclatement de la bulle financière qui a surtout touché les États-Unis mais qui a eu des effets dans le monde entier. Cela a provoqué une récession mondiale, parfaitement synchronisée, et le commerce international s'est effondré. Le Canada, qui dépend du commerce international, en a souffert davantage que d'autres pays qui en dépendent moins, d'autant plus que les États- Unis étaient l'épicentre de la crise. Il était donc inévitable que notre balance commerciale s'en ressente. Ce cycle est particulièrement long puisqu'il dure déjà depuis cinq ans.

Pour pallier la crise, les pays ont mis en place des politiques. Au Canada, ce sont les ménages qui nous ont épargné une grave récession, en achetant des voitures et des maisons et en empruntant pour ce faire. C'est grâce à ça, à cet amortisseur en quelque sorte, que nous avons traversé la crise beaucoup plus facilement que bien d'autres pays. Mais à la suite de ce choc planétaire, nous avons dû confronter deux phénomènes : le déficit de notre balance commerciale, qui remonte à seulement quatre ou cinq ans, et en contrepartie, pour notre PIB, une augmentation des dépenses, des achats immobiliers et, partant, de l'endettement pour financer tout ça.

Ça explique les résultats que nous avons aujourd'hui. La question est de savoir ce qui va maintenant se passer. Pendant la crise, le dollar canadien s'est raffermi grâce à une croissance soutenue dans les pays importateurs de denrées de base, ce qui a maintenu les prix du pétrole et des autres denrées de base à des niveaux plus élevés que ce n'est normalement le cas lorsque le monde entier traverse un cycle baissier. La combinaison de tous ces facteurs nous a amenés à ces prévisions, mais cela ne signifie pas que c'est ça qui a causé ça, ou ça ou ça. Ce sont là des symptômes d'une situation plus complexe.

S'agissant de l'avenir, nous pensons que le monde va continuer de panser ses plaies. Les échanges commerciaux vont repartir, notamment nos échanges avec les États-Unis, ce qui est très important pour nous. Les exportations vont devenir un facteur plus important de notre croissance. Pendant ce temps, les ménages, qui ont supporté le plus gros du fardeau pendant ces quatre dernières années, devraient être en mesure de faire une pause et de rembourser une partie de leurs dettes, d'autant plus que la création de nouveaux emplois générera de nouveaux revenus.

Nous pensons que tous ces facteurs sont en train de revenir à la normale. Ça prendra peut-être encore deux ou trois ans, mais nous prévoyons que toutes ces choses qui vous préoccupent vont s'améliorer.

La sénatrice Ringuette : Comment expliquez-vous — et vous venez juste d'en parler — la crise financière qui a éclaté aux États-Unis et qui s'est répandue ensuite dans le monde entier? À cette époque, et depuis lors, nos banques canadiennes ont engrangé des bénéfices record, tout ça pendant que les ménages s'endettaient à des niveaux record. Je trouve que c'est un grave déséquilibre. Nous devrions peut-être avoir davantage d'établissements financiers, pour intensifier la concurrence et empêcher certains abus dont sont victimes les ménages canadiens ainsi que les petites et moyennes entreprises, qui ont dû assumer une bonne partie du fardeau. Comme vous l'avez dit, c'est grâce à eux que le taux de croissance de notre économie s'est maintenu à un certain niveau, et pendant ce temps, le secteur financier a engrangé des bénéfices record, notamment au cours du dernier trimestre. Je trouve ça incroyable.

Comment expliquez-vous cela?

Le président : Le temps passe, et le gouverneur ne va pas avoir le temps de vous répondre. Je vais lui donner la parole.

La sénatrice Ringuette : Ça l'arrange peut-être.

M. Poloz : Je suis prêt à répondre à votre question. L'une des raisons pour lesquelles nous avons traversé cette crise plus facilement que bien d'autres pays a été la présence d'un secteur bancaire résilient et prudent.

Le fait que l'économie ait réussi à conserver un certain dynamisme, même si ce n'était pas le même qu'avant, a été bénéfique pour les banques, malgré des taux d'intérêt que nous n'avons jamais connus aussi faibles, aussi bien pour les ménages que pour les entreprises. Il se trouve que la combinaison de ces deux facteurs est bénéfique pour les banques, et je ne vois pas en quoi ce serait une distorsion du système.

Y a-t-il des secteurs de l'économie qui ont moins facilement accès au crédit, comme les petites et moyennes entreprises? Il en a toujours été ainsi, et le problème n'est pas plus grave aujourd'hui, à cause de la crise, qu'il ne l'était hier. Le secteur bancaire a encore des faiblesses dans certaines catégories de l'activité économique, et c'est la raison pour laquelle nous avons des sociétés d'État comme la BDC, FAC et EDC, dont le mandat est de combler ces lacunes.

Il n'empêche que nous avons tous profité de la présence d'un secteur bancaire particulièrement résilient pendant toute cette période. Nous n'avons pas eu besoin de renflouer une seule de nos banques, alors que d'autres pays ont dû en renflouer pas mal.

La sénatrice Ringuette : Il semblerait que certaines banques canadiennes aient bénéficié d'apports de capitaux du Canada et même de la Réserve fédérale américaine.

M. Poloz : Il est arrivé à quelques occasions que des liquidités américaines soient réinvesties un peu partout afin de soutenir ou de stabiliser le système, mais ça ne s'est pas produit très souvent au Canada.

La sénatrice Nancy Ruth : Gouverneur, je vous souhaite la bienvenue. Je milite activement pour que les femmes et les groupes sous-représentés dans la société canadienne obtiennent leur juste part, et ma question ne comporte donc aucun risque.

C'est l'une des raisons pour lesquelles j'appuie la féminisation de notre hymne national et, maintenant, la reconnaissance du rôle des femmes sur les billets de banque. Je sais ce qu'a dit Mark Carney en août dernier, et j'ai lu la réponse que vous avez donnée à Merna Forster. Je sais que vous allez modifier les billets de banque en 2014, et que tous les Canadiens sont invités à vous faire des suggestions, à condition qu'elles illustrent des actions collectives, pas individuelles.

Je vais vous en soumettre quelques-unes, pour que vous les gardiez en tête. Je vous suggère le droit de vote, la création des allocations familiales, la participation des femmes à l'effort de guerre pendant la Première et la Seconde Guerres mondiales, surtout pendant la Première Guerre mondiale, car c'est grâce au labeur des femmes restées au Canada que la guerre a pu être menée en Europe. Je vous suggère également les efforts déployés pendant les années 1980 à propos de la Charte des droits et libertés, tout particulièrement en ce qui concerne l'article sur l'égalité des droits. Ce sont là quelques exemples d'actions collectives, mais il y en a bien d'autres, qu'il s'agisse des femmes qui font de l'agriculture, de la pêche, et bien d'autres choses encore. Il y a beaucoup d'images qui pourraient illustrer vos billets.

Monsieur le président, j'aimerais que le gouverneur revienne devant notre comité au début de 2014, dans le cadre d'une réunion qui serait consacrée uniquement aux billets de banque. Autrement dit, j'aimerais que vous reveniez nous voir, gouverneur, quand le rapport sera prêt, mais avant qu'il ne soit mis en œuvre afin que nous puissions y contribuer.

Je souhaiterais maintenant savoir comment vous allez procéder pour faire ce rapport.

M. Poloz : Volontiers. Permettez-moi de vous dire pour commencer que dessiner un billet de banque n'est pas une tâche facile. Il y a tout un processus. Les billets que nous venons de mettre en circulation ont nécessité huit années de préparation, pour le dessin, le choix de nouveaux matériaux, la conception de nouvelles fonctions de sécurité, et cetera.

Les images qui les illustrent ont été choisies à la suite de centaines de réunions que nous avons organisées partout au Canada pour recueillir des suggestions. Une fois que nous avons réussi à dégager un consensus, nous avons soumis des dessins au ministre des Finances, qui les a approuvés. Ensuite, nous avons fabriqué les billets, et ça nous a pris tout ce temps pour les mettre en circulation.

C'est un processus qui ne s'arrête jamais, car les faux-monnayeurs ne s'arrêtent jamais non plus. Nous sommes donc toujours en train de travailler sur la prochaine génération de billets. Nous allons réorganiser des consultations publiques pour savoir quelles images les Canadiens seraient fiers d'avoir dans leur portefeuille.

Comme je l'ai dit à Mme Forster, je suis ravi de recevoir des suggestions. Je suis tout à fait disposé à choisir des images qui illustrent certaines de ces grandes avancées sociales, dont une partie concerne directement les femmes et leur contribution à notre société. Je suis tout à fait disposé à étudier les suggestions qui me seront faites.

Le processus dont vous parlez est le rapport qui résultera de cette consultation, et pas la consultation elle-même, afin de voir s'il y a d'autres choses que nous devrions prendre en compte pour obtenir un meilleur résultat et pour s'assurer que nous avons tiré les leçons des exercices précédents.

Je serai ravi de revenir vous en parler, quand vous voulez, mais je compte sur la participation d'un maximum de Canadiens, y compris bien sûr les 25 000 personnes, à peu près, qui ont signé la pétition de Mme Forster. J'ai reçu cette pétition, j'en ai pris connaissance, tout comme les livres qu'elle m'a envoyés, à savoir 100 Canadian Heroines et 100 More Canadian Heroines. J'ai donc entre les mains 200 études de cas. Je l'en remercie, mais j'espère que les gens comprennent bien que je ne peux pas décider, cet après-midi, quel sera le dessin du nouveau billet de banque. Ça prend beaucoup de temps à préparer, et il faut consulter tous les Canadiens, comme on l'a fait la dernière fois.

La sénatrice Nancy Ruth : Non, justement, ce n'est pas ce qui s'est fait la dernière fois, d'où le problème. La Fondation Famous Five, qui s'est démenée pour que Thérèse Casgrain et les Célèbres cinq figurent sur le billet de 50 $, n'a pas du tout été consultée. Les femmes de la fondation se sont senties profondément insultées, et c'est pour cela que je soulève la question de la consultation.

M. Poloz : Elles se sont senties insultées de figurer sur le billet de banque ou de ne pas figurer sur le billet de banque?

La sénatrice Nancy Ruth : Non, d'en avoir été retirées.

M. Poloz : On n'a retiré personne d'un billet de banque.

La sénatrice Nancy Ruth : Peut-être, mais il y avait un groupe qui tenait particulièrement à ce que cette image figure sur le billet de banque, et personne ne l'a consulté lorsqu'on a décidé de retirer l'image. Ce que je voudrais savoir, gouverneur, ce sont les noms des groupes que vous aimeriez consulter. Très sincèrement, je serais ravie de vous aider.

Puis-je maintenant poser une question sur le vieillissement de la population?

Dans votre déclaration liminaire d'aujourd'hui, et aussi à la page 21 de votre rapport, vous dites que le vieillissement de la population devrait freiner le taux de croissance tendancielle du facteur travail, et que ce ralentissement neutralisera en grande partie l'augmentation de la productivité. Pourriez-vous nous préciser les effets que le vieillissement de la population canadienne aura sur notre économie, à court terme et à long terme?

M. Poloz : Volontiers. Nous savons tous que la génération des baby-boomers a atteint un certain âge. J'en fais moi- même partie. Au fur et à mesure que cette cohorte démographique part à la retraite, le taux de participation au marché du travail tend à diminuer. Ce taux de participation a atteint un pic il y a à peu près cinq ans, juste avant la crise, et depuis, il diminue régulièrement, ce que les gens ne comprennent pas toujours car ils s'attendaient, une fois les choses revenues à la normale après la crise, à ce que ce taux remonte au même niveau, mais ça n'arrivera pas. Si ça arrivait, notre productivité augmenterait beaucoup plus, c'est-à-dire la production potentielle de notre économie.

Nous prévoyons que les entreprises vont s'engager dans une stratégie d'investissement plus soutenue et que cela va sérieusement doper la productivité, mais ce sursaut de productivité compensera tout juste le déclin progressif du taux de participation au marché du travail.

Voilà donc, en quelque sorte, les vents contraires auxquels nous allons devoir faire face. Ils ne sont pas très puissants, puisque nous prévoyons un taux de 2 p. 100 au lieu de 2,4 p. 100, c'est de cet ordre de grandeur. Néanmoins, les économistes prennent cela très au sérieux car 0,4 p. 100 cumulé sur le long terme, ça fait beaucoup.

Le vieillissement de la population est un facteur que nous devons prendre en compte lorsque nous calculons la capacité supplémentaire dont nous disposons pour développer l'économie, car lorsque cette capacité se rapproche de zéro, les pressions inflationnistes s'intensifient.

La sénatrice Nancy Ruth : J'habite dans le centre-ville de Toronto, et je vois des personnes âgées travailler chez McDonald ou ailleurs, que ce soit pour dépasser ou rester en dessous du seuil d'impôt de 3 000 $. Je vois aussi les petits-enfants de certains de mes amis qui ont des emplois à temps partiel sans aucun avantage social ou presque. La situation est donc en train de se détériorer, car, même si le gouvernement lutte activement contre la pauvreté, certaines des mesures que nous prenons contribuent à entraver l'accès au marché du travail, notamment pour les femmes âgées et les jeunes. J'espère qu'ils n'ont pas de carte de crédit, car s'ils en ont, je préfère ne pas savoir quel est leur taux d'endettement. C'est peut-être plus de 165 p. 100. Je n'en ai aucune idée.

Lorsque je vois des entreprises externaliser leur production, cela me fait peur. Lorsque je vois des entreprises n'embaucher que des contractuels, cela me fait peur. Je crains qu'à long terme, nous ne soyons en train de rendre un très mauvais service à notre pays. Qu'en pensez-vous?

M. Poloz : Moi aussi je connais des gens qui ont décidé de travailler plus longtemps qu'ils ne l'avaient prévu au départ. Nous savons, par exemple, que de plus en plus de retraités deviennent des consultants indépendants. C'est parce que leur fonds de pension n'est pas aussi garni qu'ils l'auraient voulu, ou peut-être même qu'ils n'en ont pas, comme vous l'avez dit. J'en suis conscient.

Même si nous connaissons tous des gens dans cette situation, il n'empêche que les statistiques globales montrent à l'évidence que, comme nous l'avions prévu, le rythme de vieillissement de la population ralentit. L'apport de main- d'œuvre en périphérie n'est pas un vent contraire très puissant, mais c'est quelque chose qu'il faut prendre en compte. Je n'ai pas de réponse simple à toutes ces questions, si ce n'est pour dire que, étant donné la crise que nous avons traversée, nous avons beaucoup de chance de nous en sortir aussi bien.

Je pense que c'est grâce à la réaction concertée et très rapide des pays du G20. Je reçois des lettres de gens qui me demandent pourquoi je maintiens les taux d'intérêt à des niveaux si faibles, car ça diminue le rendement de leurs placements de retraite. Je les invite toujours à réfléchir à la retraite qu'ils auraient si nous n'avions pas adopté les politiques que nous avons adoptées. La situation serait bien pire. Il faut en être conscient. Je sais bien que c'est un scénario hypothétique, et qu'il est difficile de croire que la situation aurait pu être aussi pire, mais croyez-moi, on aurait pu se retrouver dans une récession aussi grave que dans les années 1930. Toutes les conditions étaient réunies, mais cette fois, nous avons su adopter des politiques plus vigoureuses et mieux concertées que dans les années 1930.

Bref, la situation aurait pu être bien pire, et même si tout n'est pas parfait, nous nous en sortons plutôt bien.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Monsieur Poloz, bienvenue et surtout félicitations pour votre nouveau poste. On compte sur vous pour nous mener à bon port, au moins durant votre mandat.

Dans vos scénarios pour les deux prochaines années ± surtout pour la deuxième —, en disant que le PIB augmentera à 2,6 p. 100, avez-vous tenu compte de l'accord de libre-échange avec l'Europe? Même si sa mise en œuvre peut prendre un certain temps, est-ce qu'il aura un impact sur l'économie canadienne? Est-ce que le fait que le Canada ait ratifié cet accord avec l'Europe fait en sorte qu'il y aura une valeur ajoutée au revenu national?

M. Poloz : Vous demandez si une croissance projetée de 2,6 p. 100 attirera des personnes sur le marché du travail. Je suis certain que cela va augmenter de façon importante la demande pour la main-d'œuvre.

Ce qu'on ne connaît pas vraiment encore, c'est l'impact sur le taux de chômage à cause des autres tendances et, comme je l'ai mentionné; la tendance de participation au marché du travail. C'est pourquoi le taux de chômage n'est pas un indicateur idéal pour juger du succès ou non de cette politique. Mais on voit un processus dans lequel il y a une augmentation du nombre d'emplois très graduelle et positive.

L'an passé, on a vu que les salaires pour ces nouveaux emplois étaient plus élevés que la moyenne. Cela indique donc que les emplois qui sont créés sont de meilleurs emplois. Cela augmente le revenu pour l'économie et cela change la dynamique de la dette en même temps.

La sénatrice Hervieux-Payette : Pensez-vous que la valeur de l'euro par rapport à celle du dollar canadien avantage le Canada sur le plan des exportations?

M. Poloz : Ce n'est pas un facteur très important pour nos entreprises d'ici. La plupart des entreprises dont je parle considèrent ce facteur comme quelque chose de temporaire. Elles ont tendance à prendre plus de temps pour décider de la nécessité de garder ce client, de le traiter comme d'habitude et d'absorber les fluctuations du taux de change dans leur marge de profit, par exemple.

Ce n'est pas vraiment clair que cela diminue les exportations, mais cela peut influer sur les résultats des entreprises. Tout dépend de la situation.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je ne parlais pas des importations mais bien des exportations. À l'heure actuelle, l'euro est très dispendieux. J'en ai acheté récemment et il coûte au-delà de 1,40 $. Je me dis que pour un même produit du Canada versus un produit européen, à moins d'un changement de la valeur de l'euro, c'est supposé être avantageux pour le Canada qui est censé avoir un meilleur accès au marché européen. N'est-ce pas?

M. Poloz : Il y a d'abord l'accès au marché, par exemple, avec CIDA. C'est une chose fondamentale pour les entreprises. Mais en même temps, il y a la question de gagner les clients et quand on a un contrat avec le client, l'entreprise doit savoir ce qu'elle fera en réaction à cette fluctuation du taux de change.

Cela peut se traduire par une augmentation de prix qui réduira peut-être les chances de succès, mais en même temps il faut absorber la fluctuation dans une marge de profit moindre si l'entreprise pense que c'est une fluctuation temporaire. C'est une question qui change d'une entreprise à l'autre. Il n'y a pas de généralisation.

La sénatrice Hervieux-Payette : Ma dernière question concerne l'endettement qui nous préoccupe tous. Lorsque les enfants entrent à l'université, on leur offre une carte de crédit même s'ils n'ont pas d'emploi. Je pense également aux gens qui reçoivent des prestations d'aide sociale et qui ont aussi accès à des cartes de crédit. Ces gens ne payent pas le capital, ils ne payent que les intérêts. Ce sont donc probablement les meilleurs clients de nos banques.

Il y a aussi les prêts personnels pour acheter une maison. Il faut être capable de faire le paiement de base puis par après se qualifier pour avoir accès au prêt de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Est-ce que vous discutez avec le ministre des Finances de la façon d'arrêter d'exploiter les petites gens?

Les personnes riches n'utilisent pas ce genre de chose. Ceux qui les utilisent, ce sont les gens avec des revenus modestes, qui n'ont pas beaucoup d'argent. Mais, la journée où la Banque du Canada augmentera les taux d'intérêt, ces gens auront de sérieux problèmes avec leur prêt personnel qui s'échelonne généralement sur cinq ans, en plus du prêt hypothécaire de 25 ans.

Est-ce que vous envisagez des mesures autres que votre taux d'intérêt? Étant donné qu'on ne se dirige pas vers un taux de 10 p. 100 demain matin, y a-t-il d'autres suggestions qui sont faites au ministre des Finances pour que cesse l'hémorragie et qu'on puisse sécuriser ces gens pour au moins les cinq prochaines années?

M. Poloz : Je commencerai par répondre à votre question et peut-être que M. Macklem aura quelque chose à ajouter. Il est vrai que le coût du service des dettes est minime en ce moment. Il y a toujours un risque que ces gens auront trop de dettes s'ils ne sont pas préparés à cette augmentation des taux d'intérêt qui semble inévitable.

Les banques et les autres prêteurs proposent d'examiner les revenus des jeunes pour voir si, avec une augmentation du taux d'intérêt de deux ou trois points de pourcentage, ils se qualifieront encore.

On trouve qu'en général les gens sont très conscients en ce moment et que le score de crédit est plus élevé qu'avant la crise.

M. Macklem : J'aimerais ajouter quelque chose. C'est clair qu'il y a plusieurs joueurs et ils ont des responsabilités. La responsabilité commence avec les individus qui doivent être conscients de ce qu'ils font. Les banques ont la responsabilité de s'assurer que s'ils prêtent de l'argent, les gens ont la capacité de rembourser et non pas seulement les taux d'intérêt qui sont présentement très bas, mais dans le futur avec la possibilité qu'ils soient plus élevés.

Le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada a la responsabilité de supervision des banques et il a introduit les nouveaux guides pour les banques pour s'assurer que ces dernières font une évaluation de cette capacité plus rigoureuse. Cela est en place maintenant.

L'autre aspect important, et ce n'est pas notre responsabilité comme politique monétaire, mais c'est important pour le système, c'est l'éducation financière. Je sais que le ministre a créé une force pour examiner cela. C'est une bonne idée que les jeunes — tout le monde, pas seulement les jeunes — comprenne bien les décisions financières.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Je vous souhaite la bienvenue, gouverneur, et vous adresse toutes mes félicitations. Bienvenue à nouveau parmi nous, monsieur Macklem.

J'ai deux questions à poser. La première porte sur les taux d'intérêt. On en a beaucoup parlé à cette table, notamment à propos des cartes de crédit. Le Japon a adopté une politique de faibles taux d'intérêt, et je crois que, de l'avis des banques américaines et, bien sûr, les banques canadiennes, ce genre de politique stimule l'économie. Au Japon, ils l'appliquent depuis 15 ou 20 ans, mais je ne suis pas sûr qu'elle leur ait été très profitable.

Nous faisons la même chose, de concert avec les États-Unis, et ces derniers ne semblent pas être prêts — même s'ils en parlent — à mettre fin à leur politique d'assouplissement monétaire, c'est-à-dire à cesser d'imprimer des billets de banque.

Nous appliquons cette politique depuis maintenant cinq ans, et je me demande pendant combien de temps nous pouvons continuer à le faire. L'expérience du Japon montre bien que ça ne fonctionne pas. Y a-t-il d'autres pays où cette politique donne des résultats?

M. Poloz : Vous savez, nous avons eu de la chance de ne pas avoir eu à le faire plus tôt, et c'est parce que nous n'avons jamais connu une crise aussi grave que celle de 2008.

Si on remonte un peu dans le temps, le Japon a connu en 1989-1990 une situation assez semblable. Une bulle financière s'était créée autour de la bourse et de l'immobilier — les banques avaient de gros engagements —, et lorsque la bulle a éclaté, cela a provoqué un grand nombre de faillites définitives. Autrement dit, ils ont essayé d'amortir les pertes plutôt que de les effacer complètement.

Ce n'est que depuis huit ou neuf mois que le Japon a mis en place les politiques que les théoriciens recommandent d'adopter dans ce genre de situation. Les Japonais sont très prudents. Leur politique de faibles taux d'intérêt a permis de stabiliser l'économie, mais elle n'a pas vraiment généré de la croissance. Je reconnais cependant qu'elle a eu un effet stabilisateur.

J'ai séjourné au Japon pendant cette période, et je peux vous dire que si l'économie ne s'est pas pleinement épanouie, elle s'est quand même maintenue à flot, et c'est important parce que la situation aurait pu être bien pire.

Nous avons connu la même situation ici — en fait, le monde entier s'est retrouvé dans cette bulle —, et la bulle a éclaté. À l'intérieur de cette bulle, il y avait un cratère, du même diamètre que la bulle. C'est énorme. Il a fallu sept ans pour construire cette bulle, et il en faudra à peu près autant pour réparer les graves déséquilibres dont elle était le produit.

Donc, nous avons encore du chemin à faire. Ce n'était pas un petit accident, et dans deux ou trois ans, quand nous arriverons au bout, nous nous rappellerons que tout a commencé sept ans plus tôt.

Les banques centrales ont donc eu recours à des mécanismes spéciaux, qui avaient été inscrits dans les manuels dans les années 1930, mais nous pensions à l'époque que nous n'aurions jamais à les appliquer et que nous trouverions des solutions plus intelligentes. Il se trouve que dans l'ensemble, pendant toute cette période, les banques centrales et les autorités financières ont adopté des solutions plus intelligentes, qu'elles ont mieux dirigé les économies qu'à l'époque, mais la crise était décidément trop grave.

Une fois que les taux d'intérêt ont atteint un niveau minimal, et c'est ce qui s'est passé aux États-Unis et au Japon, il faut recourir aux autres techniques, comme l'émission de billets de banque, qui représente d'énormes provisions de liquidités, les programmes d'achat d'obligations, les indications prospectives, et cetera. Avant la dernière crise, ces techniques étaient purement théoriques, mais maintenant que nous les avons mises en pratique et que nous avons eu le temps de les analyser, nous nous rendons compte qu'elles ont eu un effet notable sur l'économie américaine. J'ai tout lieu de penser qu'elles auront un effet notable sur l'économie japonaise. Nous avons eu la chance, au Canada, de ne pas être obligés d'y avoir recours, car nous avions un coussin suffisant, en partie pour les raisons que je vous ai indiquées tout à l'heure.

Vous m'avez demandé pendant combien de temps nous pouvions appliquer cette politique, et pour y répondre, je vous dirai que cela dépend de la dimension du cratère. Imaginez un cratère rempli de liquidités, pour qu'on puisse le traverser en bateau. Tant que la traversée n'est pas finie, qu'on n'est pas arrivé de l'autre côté et que la situation n'est pas revenue à la normale, il faut continuer à remplir le cratère de liquidités, faute de quoi, l'hypothèse du pire scénario redevient un risque.

Selon cette hypothèse, l'économie est en stagnation, peut-être pendant longtemps — je parle de la situation mondiale, pas nécessairement de nous —, et le risque est accru parce que des taux d'inflation de plus en plus bas risquent de conduire à la déflation. Or, en période de déflation, nos dettes — et nous en avons tous — augmentent par rapport à nos salaires qui diminuent avec les prix, et c'est exactement la situation dans laquelle s'est retrouvé le Japon.

Donc, je peux vous dire que, lorsque je rencontre à Bâle les autres dirigeants des banques centrales, nous parlons beaucoup de tout ça et nous en concluons que nous avons fait du bon travail. En effet, nous avons évité la stagflation, et l'économie mondiale est en voie de rétablissement. J'espère que ça vous donne une idée plus précise de la situation. Je pourrais en parler pendant des heures, mais je vais me retenir.

Le sénateur Tkachuk : C'est difficile à suivre.

M. Poloz : Je comprends.

Le sénateur Tkachuk : Quand on n'est pas économiste, c'est difficile à comprendre. Merci quand même.

J'aimerais poser une autre question. M. Corcoran a écrit un article dans le National Post, où il parle du dernier ouvrage de M. Greenspan. Il dit que les modèles économiques qui étaient utilisés en 2008 ont été un fiasco total, et il cite les propos de M. Greenspan :

Tout est parti en capilotade, en ce sens qu'aucune grande agence de prévision ou aucune institution n'avait prévu une tel scénario. La Réserve fédérale dispose du modèle économétrique le plus sophistiqué, qui incorpore tous les modèles les plus pointus de la façon dont le monde fonctionne — mais elle n'a rien vu venir.

Le système de la libre entreprise n'est pas parfait, mais quand les gens commencent à en abuser, il part en capilotade; heureusement, il y a des clignotants qui s'allument. D'un autre côté, que pensez-vous des remarques de M. Greenspan? Que peut faire la banque — à part observer la situation —, pour prévenir les gens que nous nous dirigeons vers une situation qui risque d'être problématique?

M. Poloz : C'est une question qui m'intéresse beaucoup. J'ai eu le plaisir de dîner avec M. Greenspan il n'y a pas très longtemps et de parler justement de cette évolution très intéressante de sa pensée, au fil du temps.

Les modèles sont des abstractions calculées à partir d'un comportement moyen, pour fournir un certain degré de prévisibilité. Il faut les respecter pour ce qu'ils sont, et pas plus, car ils ne nous diront jamais exactement ce qui va se passer. Cela me ramène à la première question que j'ai abordée aujourd'hui, à savoir les avis de l'OCDE. Il ne faut jamais être trop précis avec ces choses-là.

Les modèles nous disent une chose. Déjà vers 2006-2007, la plupart des gens se rendaient compte qu'il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond, sans pouvoir en prévoir les conséquences. Nous étions tous d'accord pour dire qu'on ne comprenait pas ce qui se passait. D'abord, vous constatez l'existence d'une bulle, mais aucun modèle ne peut expliquer ce qu'est une bulle. C'est le propre d'une bulle. Alors vous vous dites qu'il faut la faire disparaître, mais comment dégonfler une bulle petit à petit? Ce n'est pas possible, et quand elle éclate, elle laisse un cratère derrière elle, comme nous l'avons expliqué tout à l'heure.

Les modèles que nous utilisons le plus souvent ne nous aident guère à comprendre comment ces bulles se forment. Première constatation. Deuxième constatation : ils ne sont pas plus utiles après, car la situation nécessite un ajustement qui n'est pas prévu dans le calcul du comportement moyen.

J'en ai beaucoup discuté avec mes collègues. Nous ne pouvons pas nous passer de modèles, car c'est de cette façon que nous organisons nos données et nos discussions. Je conseille souvent aux gens de voir dans les modèles une source de questions à se poser plutôt qu'une source de solutions, et parallèlement, d'essayer de mieux comprendre ces mécanismes afin de mettre au point d'autres modèles pour expliquer le comportement résiduel.

Si vous utilisez un modèle qui vous dit de faire telle chose et que vous savez fort bien qu'il ne faut pas, parce que le monde a changé d'une façon ou d'une autre, vous avez là des indices pour modifier votre jugement en conséquence. La politique monétaire n'est pas une science basée sur un seul modèle. Nous avons recours à toutes sortes de modèles et à toutes sortes de prévisions pour formuler un jugement médian, si l'on veut, qui nous permettra de bien gérer les risques et d'arriver à bon port.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Bienvenue, monsieur le gouverneur et monsieur Macklem. Félicitations, monsieur Poloz, pour votre nomination. Vous avez une responsabilité très importante et on vous souhaite bonne chance.

Je vais poursuivre un peu la même discussion. Il y a peut-être deux ou trois mois, pour faire suite à votre déclaration, vous avez fait des déclarations relativement optimistes concernant l'économie canadienne, à savoir qu'il y avait beaucoup de potentiel dans l'entreprise privée pour l'investissement. Les journaux ont même réagi avec beaucoup d'intérêt concernant le fait que vous étiez aussi optimiste et je suis certain que beaucoup de Canadiens et de consommateurs ont procédé à des achats importants.

Toutefois, six semaines plus tard, votre optimisme avait disparu. Et là, comme vous le dite dans votre rapport, votre position est de maintenir une incitation et un appui à l'économie canadienne, mais de façon beaucoup moins optimiste qu'il y a deux mois. C'est pour cela que maintenant, dans votre rapport, vous essayez de quantifier le risque de vos projections.

D'habitude, on lit attentivement les déclarations du gouverneur de la Banque du Canada. La Banque du Canada jouit d'une bonne cote et a la réputation d'être une des meilleures boîtes de recherche dans le monde entier, à la suite de la Fed et de la Banque d'Angleterre. Mais je commence à me demander — et je suis certain que plusieurs se le demandent —, à regarder vos projections qui ne s'avèrent pas depuis quelques années de façon régulière — c'est la même chose pour tous les indices dans le monde — et continuellement il y a révision de nos prévisions; je commence à me demander si c'est même valable qu'on lise les projections.

On devrait peut-être simplement dire que personne ne le sait et peut-être qu'on ne devrait pas donner autant d'importance à vos déclarations. C'est un peu comme des analystes de hockey; après le fait, tout le monde connaît la solution parfaite, mais ils sont rares ceux qui projettent les résultats de la partie de hockey. Est-ce votre cas? C'est intéressant, comme un beau roman, mais vos projections sont-elles vraiment scientifiques et crédibles?

M. Poloz : Merci, c'est une excellente question. Vous parlez de mon discours à Vancouver où je parlais des prévisions à long terme. En juin, on parlait de la situation courante et quelle serait la destination à long terme pour notre économie. On parlait du processus d'augmentation des taux d'intérêt qui se fera graduellement et éventuellement. En fait, c'était dans notre communiqué de presse, à cette époque, à savoir que nous verrons éventuellement une augmentation des taux d'intérêt, une normalisation des taux d'intérêt.

L'objectif de notre discours à Vancouver était de décrire avec plus de détails quels seront les ingrédients de cette normalisation et à quelle vitesse ça se fera. C'était une analyse faite à beaucoup plus long terme que d'habitude.

À la même époque, nous avons obtenu des données franchement décevantes quant aux exportations, qui ont démontré une moindre croissance que celle qui était anticipée. Il était alors nécessaire de dire que nous avions une compréhension de notre destination, mais qu'il était évident que même si on pouvait voir les ingrédients qui sont là, ils n'étaient pas assez contrebalancés avec les autres facteurs comme le manque d'exportations en particulier et l'investissement qui vient avec les exportations.

Pour nous, l'histoire est exactement la même dans les deux cas; pour l'un, ça concernait la destination, mais notre analyse maintenant à ce sujet est que la destination sera peut-être atteinte un an plus tard qu'originalement attendu.

Le sénateur Massicotte : En résumé, c'est la faute des journalistes qui ont mal interprété vos commentaires.

M. Poloz : Un ou deux, mais ce n'est pas généralisé.

Le sénateur Massicotte : Vous dites ensuite qu'éventuellement il y aura une croissance et une augmentation des taux d'intérêt. Cela, c'est certain; comme on est certains, un bon jour, de tous décéder.

Qu'est-ce que veut dire une augmentation de 2,3 p. 100 ou de 2,8 p. 100 du taux de croissance? On devrait dire que ce sera entre 1 p. 100 et 2 p. 100? Parce que si vous regardez le nombre de corrections que la Banque du Canada a apportées depuis cinq ans — on apporte des corrections continuellement. On devrait peut-être simplement dire que personne ne le sait.

M. Poloz : Vous avez raison. Nous étions chaque fois déçus durant le processus, et ce depuis environ trois ans. Aujourd'hui, je dirais qu'on ne comprend pas vraiment pourquoi. Ce qu'on voit, c'est qu'on perd de façon continuelle nos ventes à l'exportation aux États-Unis. Pour notre niveau de demande aux États-Unis, nous avons moins d'exportations que prévu dans nos modèles, et ce, chaque trimestre. Il s'agit d'une marge d'environ 30 milliards de dollars maintenant, et qui a augmenté chaque trimestre.

Ce qu'on note dans les prévisions, c'est qu'éventuellement la croissance de nos exportations sera presque la même que la croissance de l'économie américaine, mais que cet écart va demeurer et qu'il sera permanent. On ne sait pas vraiment pourquoi; il y a diverses possibilités. Par exemple, nous avons perdu des entreprises durant la récession : autour de 9 000 entreprises exportatrices durant cette période; il s'agit de 20 p. 100 de la population des entreprises exportatrices. C'est peut-être une raison. Une deuxième raison est la compétitivité parce que la valeur du dollar canadien a augmenté; cela a contribué et c'est dans notre mandat.

Ce dont je parle, c'est la partie qu'on ne peut pas expliquer. On fait des recherches sur cela à l'heure actuelle. Une autre hypothèse est conservatrice, à savoir de dire que c'est peut-être un effet permanent. Peut-être qu'il y aura des bonnes nouvelles éventuellement et qu'on regagnera ces clients; c'est peut-être une question de la distribution de la croissance aux États-Unis. C'est un peu concentré et pas dans tous les secteurs jusqu'ici. Pour ces raisons, je dois admettre qu'on ne sait pas vraiment. M. Macklem est un expert, et il a quelque chose à ajouter.

M. Macklem : Je vais donner une perspective un peu plus générale. Nous sommes tout à fait d'accord qu'il y a beaucoup d'incertitude. On ne connaît pas le futur et c'est quelque chose dont on devrait tenir compte quand on prend des décisions sur la politique monétaire.

Comme le gouverneur vient de le souligner dans ses remarques préliminaires, dans ce rapport, on a essayé de mieux couvrir cet aspect. On a introduit une fourchette cible autour de nos prévisions pour indiquer qu'elles ne sont pas exactes. Il y aura toujours de nouvelles informations, il y aura toujours des révisions à nos prévisions. Donc, pour donner une fourchette cible, on essaie d'indiquer une marque normale de ces révisions.

De plus, à la fin du rapport, nous évoquons en détail les principaux risques autour de nos prévisions. En prenant nos décisions, on essaie d'avoir un équilibre entre les risques. Les décisions ne sont pas uniquement basées sur une prévision. Il y a une prévision de base, il y a des risques autour et on essaie d'avoir un équilibre. On tient compte de tout cela lorsqu'on prend nos décisions.

Le sénateur Maltais : Monsieur le gouverneur, bienvenue et félicitations pour votre poste, et bienvenue monsieur Macklem. L'ex-gouverneur venait nous voir assez souvent, ce qui est une excellente habitude.

Mes collègues vous ont questionné sur la politique monétaire canadienne. Vous savez, sur les 35 millions de Canadiens que nous sommes, il y en a certainement 30 millions qui n'ont rien compris de ce que vous avez dit, ce qui est normal. Cependant, pour ces personnes, vous êtes l'homme clé au Canada. C'est vous qui établissez la politique monétaire et c'est vous qui décidez des taux d'intérêt. Pour ces gens, vous avez une importance insoupçonnée.

Par contre, il faut avoir l'occasion de leur parler. Aujourd'hui, cette séance est télévisée, donc on vous donne l'occasion de leur parler.

Ce matin, on apprenait la surévaluation des propriétés au Canada, qui est de 27 p. 100 au Québec et même un peu plus. Vous savez que dans les propriétés, on inclut souvent le fonds de pension des individus de la classe moyenne qui gagnent un salaire entre 40 000 $ et 65 000 $. Ce qu'ils peuvent ramasser tout au long de leur vie, c'est leur fonds de pension.

Ce matin, c'était une mauvaise nouvelle pour ces gens; leur fonds de pension vient d'être dévalué de 27 p. 100. À part la crise de 1929, il n'y a pas grand-chose qui est arrivé de plus désagréable que ce matin pour l'ensemble des Canadiens qui ont une hypothèque et qui apprennent que leur maison, au lieu de valoir 300 000 $, ne vaut que 225 000 $.

Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là aujourd'hui?

M. Poloz : Je vais leur parler de façon rassurante. Je vais leur dire que la situation s'améliore et que notre futur économique dépend principalement des conditions aux États-Unis. Cela n'a jamais changé. L'économie américaine commence à croître plus rapidement. En effet, la croissance est plus élevée qu'elle ne le semble parce que les effets fiscaux, en ce moment, réduisent les chiffres pour le PNB. Le secteur privé a une bonne situation; il a procédé à plusieurs rajustements. Alors je suis confiant que la croissance au Canada va être ressentie grâce à cette évolution aux États-Unis. Cela aura pour effet de balancer notre économie afin qu'elle soit plus renouvelable.

L'évaluation de la propriété est une question plus personnelle. Il est évident que les achats de propriétés ont donné un élan à notre économie. Il était très important d'avoir un coussin dans cette situation. Mais en même temps, on reconnaît que ce n'est pas une situation qui peut être maintenue, c'est quelque chose qui va s'ajuster graduellement. Ce qu'on prévoit en ce moment, c'est un atterrissage en douceur. Dans une telle situation, toutes les analyses sont comme si elles étaient sur un bateau. Elles penchent d'un côté à l'autre côté du bateau, le bateau tangue; c'est comme une croissance sur le quai, et c'est exactement ce qu'on veut lors d'un atterrissage en douceur.

Certains indicateurs sont plus forts que prévus et d'autres le sont moins. Je dois admettre que je n'en suis pas sûr, mais on juge que c'est une situation assez réglée. On prévoit que cela va s'améliorer sans une correction majeure des prix. Cela demeure un risque pour l'économie, une vulnérabilité qu'on identifie, mais on pense que cela prendrait un choc de l'extérieur pour que cela se produise. Ce n'est pas une bulle dans le sens que cela va se corriger soi-même. S'il y a une perturbation de l'extérieur, c'est une autre analyse.

Le sénateur Maltais : Nous sommes le mercredi 20 novembre, il est 17 h 25, vous vous adressez à une quinzaine de jeunes couples âgés entre 25 et 35 ans, ayant un revenu de 65 000 $. Ils vous demandent : « Monsieur le gouverneur, est- ce que l'année 2014 sera une bonne année pour acquérir une propriété? On a un peu d'argent. »

Qu'est-ce que vous leur répondez? Ils ne croient pas les banquiers, mais vous, ils vous croient.

M. Poloz : Ce n'est pas mon rôle de donner des conseils spécifiques comme celui-là, mais je dirais que la situation macroéconomique est assez stable et qu'elle va s'améliorer davantage au cours des 12 prochains mois. Cependant, ce n'est pas une question que vous posez comme investisseur. Je ne vais pas faire de prévision sans connaître le prix de la propriété dans 12 mois. C'est une question très complexe et très personnelle. Cela dépend du marché.

S'ils veulent devenir propriétaires d'une maison, je leur dirais que le coût associé à l'hypothèque est idéal, et que l'économie va s'améliorer pendant cette période. C'est notre prévision.

Le sénateur Maltais : Les taux d'intérêt hypothécaires à la baisse, depuis quelques années, n'ont-ils pas contribué à faire exploser le prix des propriétés? Plusieurs ont acheté des propriétés, alors qu'ils n'en avaient pas les moyens, pour 300 000 $, 325 000 $ ou 400 000 $, dépendamment où on se situe au pays. Dès que les taux d'intérêt augmenteront, ces personnes ne seront plus capables de supporter ce fardeau.

Les taux d'intérêt inférieurs ne sont-ils pas un vecteur, à l'inverse, si l'économie ralentit?

M. Poloz : Vous avez identifié un risque pour l'économie. Comme je l'ai mentionné auparavant, les prêteurs ont démontré de bonnes caractéristiques durant cette période. La Banque du Canada lance des avertissements, depuis près de trois ans, qu'on doit se préparer à des hausses du taux d'intérêt. Ce fait est inévitable, même si on ne sait pas quand il se produira. Il est vrai qu'on a reporté la date l'an dernier.

En même temps, dans mes conversations avec des représentants des banques, on me disait que, lorsqu'on fait une hypothèque, on parle de qualification. Aujourd'hui, l'histoire de crédit est beaucoup plus élevée qu'il y a cinq ans. Ils sont donc non seulement qualifiés, mais bien qualifiés. Deuxièmement, on refait le calcul avec un taux d'intérêt de trois points de pourcentage plus élevé et on détermine si encore on se qualifie. Troisièmement, les gens choisissent des maisons moins chères avec des hypothèques moins élevées. Par conséquent, j'estime qu'il y a une bonne connaissance de ce risque. Est-ce à zéro? Certainement pas.

Lorsqu'on voit grimper les taux d'intérêt, c'est dans le contexte d'une économie plus forte et ce, pour d'autres raisons — qui peuvent être liées aux États-Unis, aux exportations, à des emplois plus sûrs, et cetera. C'est dans le contexte d'une économie plus forte qu'on verra les taux d'intérêt à la hausse.

Sur le plan macroéconomique, certains individus tomberont dans le piège, sans aucun doute. Toutefois, ce n'est pas un risque majeur pour l'économie.

Le sénateur Maltais : Le gouverneur aura donné à tous les jeunes couples du Canada le meilleur conseil qu'ils aient pu recevoir et ce, gratuitement.

Le sénateur Rivard : Monsieur le gouverneur, bienvenue et félicitations pour votre terme. Je vous félicite tous les deux aussi pour votre connaissance de la langue française.

M. Poloz : Merci.

Le sénateur Rivard : J'aimerais savoir s'il est vrai que la vigueur de l'industrie pétrolière albertaine pousse tellement à la hausse la valeur du dollar canadien que cela nuit énormément aux exportateurs, aux manufacturiers et à tous ceux qui travaillent les métaux, soit les aciéries? Certains appellent ce phénomène le syndrome hollandais. Partagez-vous cette opinion détenue de plusieurs? Est-ce un mythe ou une réalité?

M. Poloz : Comme dans tous les mythes, on trouve des parcelles de vérité. Laissez-moi résumer. Il est vrai que, durant cet épisode, on a vu une hausse mondiale du prix du pétrole. Ce fut une espèce de bénédiction pour le Canada étant donné que nous sommes vendeur et non acheteur net de ce produit. C'est comme un cadeau. Tout le monde veut payer plus pour un produit que l'on vend.

Une des conséquences, non seulement dans nos modèles, mais c'est habituel, le Canada étant producteur de pétrole, le taux de change est sensible à ce fait. Le taux de change augmente pour cette raison seule. C'est pourquoi durant cette récession globale, on a vu une situation peu commune. Normalement, on voit le taux de change diminuer; c'est comme une espèce de coussin. Or, cette fois-ci ce n'était pas le cas, parce que les grands acheteurs de pétrole sont restés très solides. Par conséquent, les économistes s'entendent pour dire que c'est le choc ou les termes d'échange. La valeur de nos exportations est plus élevée qu'auparavant.

Ce phénomène se produit non seulement en Alberta, mais aussi à Terre-Neuve, dans l'Est, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Plusieurs provinces ont du pétrole. Chose importante, cette injection de revenu a des effets positifs partout dans l'économie. Les ingénieurs, par exemple, viennent de partout. Ils travaillent dans ces projets. Les autres matériaux viennent de partout dans l'économie. L'effet du revenu est donc très généralisé.

C'est pourquoi on n'utilise pas vraiment ce terme « Dutch disease », car cette analyse date d'il y a près de 40 ans. C'était alors une situation différente. Néanmoins, il est vrai que cette combinaison ajoute du stress aux entreprises manufacturières. C'est certainement le cas. Nous étions dans une récession majeure où on a vu, en particulier, une vraie chute du commerce international. Il est difficile de séparer tous les effets, mais l'ensemble des facteurs semble avoir contribué. On le constate aujourd'hui, le résultat net est que, avec tous ces facteurs et le prix élevé du pétrole, c'est un cadeau pour le pays entier.

Le sénateur Rivard : Ce n'est pas un mythe, mais on n'a plus d'avantages à être forts dans l'industrie pétrolière. Tout le monde en bénéficie, je partage votre avis et je suis heureux de l'entendre.

Dans un de vos exposés, on a parlé de M. Greenspan, votre homologue américain. Tient-on, à votre niveau, soit celui des gouverneurs des banques centrales, des réunions comme le font les chefs d'États, qu''il s'agisse du G7 ou du G20? On sait que, à la fin de janvier de chaque année, plusieurs chefs d'État se réunissent à Davos pour parler économie. Dans votre domaine, tient-on des réunions formelles ou informelles comme celles-là?

M. Poloz : Oui, cela existe au sens formel. Six fois par année, on a une réunion des gouverneurs des banques centrales à Bâle, à la Bank for International Settlements. Nous avons plusieurs réunions dans ce contexte, des grandes et petites réunions.

Le Canada est membre du groupe le plus petit. C'était généralement le G10, mais c'est plus grand aujourd'hui. J'ai des conversations continues avec mes collègues. Je n'hésite pas à les contacter si j'ai une question ou quelque chose à partager.

Nous avons aussi les réunions du G7 où les ministres des Finances sont présents. Le G20 est plus grand, naturellement. Ce sont les gouverneurs et les ministres des Finances de 20 pays qui se rencontrent.

On voit plus d'emphase sur les pays en développement par exemple. Il y a plusieurs occasions d'en parler. Lorsque je suis allé à Washington, j'ai partagé un repas non formel avec M. Greenspan et ce fut un privilège.

M. Macklem : Ce ne sont pas seulement les gouverneurs qui se réunissent. Il y a des réunions à d'autres niveaux dans les institutions. Les prévisionnistes ont des réunions autour du G7 et du G20. Aussi, des personnes qui ont différents types de responsabilités se réunissent. Les gouverneurs c'est important, mais c'est un travail d'équipe.

Le sénateur Rivard : Si vous me permettez de faire un commentaire. Notre collègue. la sénatrice Ringuette, nous parle souvent des profits excessifs des banques. Moi, je suis en train de penser qu'il y a beaucoup de caisses de retraite et que s'il y avait davantage d'investissement dans les banques de nos caisses de retraite publiques, le déficit actuariel serait beaucoup moindre qu'il l'est présentement. C'est mon opinion et je ne sais pas si vous la partagez.

M. Poloz : D'un point de vue technique, c'est vrai. C'est un secteur qui a performé de façon excellente. Oui, c'est vrai.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que cela va continuer?

M. Poloz : Je ne sais pas.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, nous arrivons à la fin de la première ronde de questions. J'ai les noms de deux sénateurs pour la deuxième ronde.

Le sénateur Black : Je vous remercie, monsieur le président, mais j'ai déjà la réponse à ma question.

Le sénateur Massicotte : Tout récemment, hier en fait, il y a eu un rapport de Fitch et, la semaine précédente, un spécialiste britannique qui indiquaient tous les deux que le prix moyen des maisons au Canada était surévalué de 25 à 35 p. 100. Voici ma question. Ils disent tous les deux qu'il y aura un ajustement, et je suppose qu'il y en aura un tôt ou tard, mais à quelle vitesse va-t-il se faire? Si les prix chutent brutalement, ça va avoir un impact réel sur le pouvoir de dépenser des consommateurs et sur notre économie. Est-ce un gros risque? Êtes-vous d'accord avec Fitch?

M. Poloz : C'est sûr que c'est un risque, et nous le disons dans notre Rapport sur la politique monétaire aussi bien que dans notre Revue du système financier. Nous constatons notamment que, dans le secteur des ménages, les déséquilibres se sont aggravés depuis la crise, en partie à cause d'un endettement accru. D'un autre côté, les dépenses à l'origine de cet endettement ont contribué à raffermir les prix, alors que dans d'autres marchés, aux États-Unis par exemple, les prix se sont effondrés pendant la même période.

Que cela soit considéré comme un risque ne me pose pas de problème. C'est vrai. Il faut aller plus loin, comme je le disais tout à l'heure, et se demander quels sont les facteurs qui pourraient contribuer à la concrétisation de ce risque. Il y aurait plusieurs choses, comme une autre crise mondiale semblable à celle de 2008, ce qui ferait repartir à la hausse le taux de chômage au Canada. C'est le genre de facteur qui pourrait dissuader les gens d'acheter des maisons et exercer des pressions à la baisse sur les prix. C'est une possibilité, mais, comme je l'ai dit, ce n'est pas ce que nous prévoyons. Tout en restant très prudents, nous prévoyons que la situation va continuer de s'améliorer.

C'est ça, un rajustement en douceur. C'est vrai qu'on reste inquiet, mais je suppose qu'il faudra s'y habituer jusqu'à ce que, dans deux ans environ, la situation soit revenue un peu plus à la normale. C'est vrai qu'on va continuer d'être sur le qui-vive pour que ce genre de scénario ne se produise pas.

Quant à l'ampleur de ses conséquences, ça dépendra en grande partie du lieu où la crise éclate, si elle est concentrée ou si elle est généralisée. Les gens font ce genre de calculs et concluent que les prix de l'immobilier sont surévalués de tant. C'est vrai que, selon certains indicateurs, ces chiffres peuvent paraître élevés, mais encore une fois, il faut aller plus loin dans la réflexion et se demander quels marchés sont chers. Bon nombre de ceux que vous avez mentionnés sont des marchés qui ont toujours été chers, je l'ai toujours entendu dire depuis que je suis né. C'est difficile de quantifier tout cela en raison de tous les flux d'immigration à Toronto. À Vancouver, il faut pratiquement payer sa maison comptant. L'immobilier a toujours été très cher là-bas. Tout ça pour dire qu'il est difficile pour nous de déterminer dans quelle mesure c'est un phénomène généralisé ou au contraire plus localisé. Mais c'est vrai que c'est un risque qui, s'il se concrétise, provoquera un ralentissement économique. Nous ferons de notre mieux pour maintenir des conditions permettant un ajustement en douceur.

Le sénateur Massicotte : Vous prévoyez que cela peut provoquer une surévaluation des prix, mais vous parlez de stagnation des prix en douceur.

M. Poloz : Oui.

Le sénateur Massicotte : Quelles sont les probabilités que vos prévisions se réalisent?

M. Poloz : Qu'elles se réalisent?

Le sénateur Massicotte : Oui. En êtes-vous sûr à 85 p. 100 ou seulement à 5 p. 100?

M. Poloz : Très franchement, quand on fait des prévisions, on ne peut pas être sûr à 85 p. 100, c'est pratiquement impossible.

Le sénateur Massicotte : Alors à 75 p. 100?

M. Poloz : Je dirai entre 60 et 80 p. 100, c'est généralement la règle empirique que nous respectons. Moins que ça, ce n'est pas la peine de faire une prévision. Mais je dois vous dire, en toute honnêteté, qu'il y a énormément de choses qu'on ignore encore. Nous nous sommes considérablement écartés des déterminants traditionnels, par conséquent nous ne pouvons pas nous servir de notre modèle pour conclure que la certitude est grande et que le risque d'erreur est faible. La construction immobilière est plutôt bien alignée sur l'évolution démographique, c'est une première constatation. Deuxièmement, il n'y a pas eu trop de surconstruction. Deux ou trois marchés sont peut-être plus saturés que d'autres, mais c'est parce que la construction immobilière se fait par cycles et qu'il faut pas mal de temps pour finir un projet.

Nous ne nous fions pas seulement à nos modèles, nous parlons à beaucoup de gens. Je passe une grande partie de mon temps à parler avec ceux qui travaillent dans ce secteur, et ils me disent : « La demande liée à l'évolution démographique est là puisque les gens font la queue pour acheter mes logements, et je ne peux pas en construire assez. En fait si, je pourrais en construire davantage, car il y a encore plus de demande. »

Comme je l'ai dit, les indicateurs sont là, qui sont extrêmement forts. Ça nous permet de considérer cela comme un risque limité plutôt qu'un problème généralisé à l'ensemble du Canada. Je ne dis pas que ce risque est nul, car ce serait inexact.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit à propos de la productivité et des investissements des entreprises dans les nouvelles technologies, ce qui se traduit par une diminution du nombre de travailleurs. Ça fait des années que nous le disons dans notre comité, que certaines entreprises tardent à investir dans les nouvelles technologies. La plupart du temps, quand vous investissez dans les nouvelles technologies, si vous aviez 50 employés, il ne vous en faut plus que 10 après. Donc, quand on parle du vieillissement de la population et des pénuries de main-d'œuvre, si on met tout ça ensemble, on se rend compte que la modernisation des entreprises est peut-être la solution à la pénurie de main-d'œuvre.

J'aimerais également aborder avec vous la question de l'immigration. Nous pouvons faire venir des immigrants très qualifiés d'Europe, et nous pouvons faire venir des immigrants peu qualifiés pour travailler sur les chantiers de construction, par exemple, qui n'exigent pas des qualifications très pointues.

Je me pose des questions. Nous savons, d'un côté, que le gouvernement essaie de réduire les quotas d'immigrants, et de l'autre, qu'il y a des pénuries de travailleurs qualifiés. Nous savons aussi que le vieillissement de la population va freiner quelque peu l'économie. Alors, comment peut-on concilier tous ces éléments — le vieillissement de la population, les immigrants, les nouvelles technologies — pour savoir exactement où on va? Désolée pour la dernière question.

M. Poloz : Je suis très tenté de laisser mon collègue répondre à votre question, car elle est assez compliquée, mais je vais quand même essayer.

Dans une économie en expansion, il faut d'abord, je pense, savoir exactement dans quels secteurs se créent les nouveaux emplois. Et la réponse est claire : ils sont créés non pas par les entreprises déjà établies mais par les nouvelles entreprises. Depuis cinq ans, les nouvelles entreprises n'ont pas créé, net, le nombre d'emplois auquel on aurait normalement pu s'attendre. Nous en connaissons parfaitement les raisons. La conjoncture était particulièrement difficile, mais dans une économie comme la nôtre, dont le taux de croissance est généralement de 2 à 3 p. 100, il suffit de compter le nombre d'entreprises pour savoir qu'il augmente invariablement de 2 p. 100 chaque année. C'est un phénomène qu'on observe également aux États-Unis et au Royaume-Uni. En 2007, ce nombre a cessé d'augmenter.

Il semblerait, quoique les données soient encore incertaines, qu'il y ait un léger rebond, ce qui serait vraiment un signe annonciateur d'une croissance autonome et naturelle. Mais cette croissance, il faut l'alimenter, pas seulement avec des emplois très qualifiés, mais aussi avec des emplois ordinaires. Tous les types d'emplois. Et comme ce sont des entreprises toutes récentes, la formation se fait essentiellement sur le tas. Bien sûr, il faut avoir des compétences de base.

Est-ce qu'il est possible de concilier parfaitement tous ces éléments? Sans doute pas. Il y aura toujours des entreprises qui vous diront qu'elles n'arrivent pas à trouver certaines catégories de travailleurs, donc qu'il y a pénurie. D'autres entreprises vous diront qu'elles n'arrivent pas à recruter suffisamment de travailleurs, sans pour autant exiger des compétences précises. Pendant ce temps, certaines régions sont frappées par le chômage.

Je sais que M. Macklem a prononcé un discours là-dessus il n'y a pas longtemps, notamment sur le fait que notre processus d'ajustement s'est amélioré au fil des ans, de sorte que notre marché du travail est aujourd'hui plus flexible.

Toutes ces données sont encourageantes. Mais il ne faut pas oublier ce par quoi nous sommes passés et ne pas avoir des attentes trop grandes.

M. Macklem : J'aimerais revenir sur la question de l'immigration et de la main-d'œuvre, qui nous ramène à la question posée tout à l'heure par la sénatrice Nancy Ruth.

En réponse à la question antérieure, le gouverneur a indiqué que la croissance de la main-d'œuvre a atteint un pic il y a environ cinq ans, à environ 1 p. 100. Autrement dit, même sans augmentation de la productivité, le nombre de personnes arrivant sur le marché du travail suffisait à garantir un taux de croissance de 1 p. 100. Aujourd'hui, ce taux est de 0,8 p. 100, et au cours des cinq prochaines années, il va être de 0,5 p. 100.

L'évolution démographique est l'un des rares facteurs qui soient extrêmement prévisibles. En effet, nous savons tous que l'an prochain, nous aurons un an de plus.

La sénatrice Hervieux-Payette : La plupart du temps, mais pas toujours.

M. Macklem : Il est important de souligner que, puisque nous savons que l'an prochain nous aurons tous un an de plus — l'évolution démographique est prévisible —, il y a des mesures que nous pouvons prendre, que les entreprises peuvent prendre, pour attirer des travailleurs.

L'immigration est une source de nouveaux travailleurs. Ce sont les immigrants qui ont construit notre pays. C'est donc une source importante de nouveaux travailleurs.

Pour en revenir à la question de la sénatrice Nancy Ruth, il y a d'autres secteurs du marché du travail où nous pourrions probablement augmenter le taux de participation. Vous avez parlé des travailleurs âgés. Les entreprises pourraient mettre en place des régimes de travail plus souples, qui conviennent mieux aux travailleurs âgés. Les Autochtones sont l'un des groupes démographiques qui affichent le taux de croissance le plus élevé au Canada. Nous avons déjà de bonnes raisons, d'ordre moral, de les encourager à intégrer le marché du travail, mais de plus en plus, nous avons aussi de bonnes raisons économiques de le faire.

Là encore, les entreprises ont besoin de se doter de stratégies des ressources humaines, et, à un niveau plus général, les gouvernements aussi. Ce sont là des considérations qui débordent largement du cadre de la politique monétaire, mais si nous intensifions nos efforts dans ce sens, nous pourrons neutraliser en partie, pas complètement, le phénomène du vieillissement de la population, et stimuler ainsi la croissance potentielle de l'économie canadienne. Nous pouvons atteindre un taux de croissance supérieur sans inflation.

Le président : Monsieur le gouverneur, monsieur le sous-gouverneur, nous venons d'avoir une discussion stimulante et très instructive. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie d'être venus nous rencontrer, et nous attendons déjà avec impatience votre prochaine comparution.

La séance est levée.

(La séance est levée.)


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