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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 5 - Témoignages du 6 février 2014


OTTAWA, le jeudi 6 février 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 29, pour poursuivre son étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie. Je suis président du comité et sénateur de la Nouvelle-Écosse. J'invite mes collègues à se présenter, en commençant par la sénatrice Seidman, qui est à ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seth : Asha Seth, de l'Ontario.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de Dryden, dans le nord-ouest de l'Ontario.

Le sénateur Enverga : Sénateur Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Segal : Hugh Segal, de Kingston-Frontenac-Leeds.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

Le sénateur Moore : Bonjour. Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Je vous rappelle que nous nous réunissons aujourd'hui pour étudier les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada, conformément à un ordre de renvoi. Il s'agit de la quatrième partie de notre étude. Nous examinons la nature des conséquences imprévues de la prise de médicaments sur ordonnance. Nous sommes à notre deuxième réunion sur la question de la dépendance, du mauvais usage et de l'abus de médicaments.

Nous avons deux témoins ce matin. Je vous les présenterai quand je les inviterai à prendre la parole. Comme convenu, je vais commencer par Beth Sproule, clinicienne-chercheuse en pharmacie au Centre de toxicomanie et de santé mentale. Elle se joint à nous par vidéoconférence. Je vous souhaite la bienvenue et je vous invite à faire votre exposé.

Beth Sproule, clinicienne-chercheuse, Pharmacie, Centre de toxicomanie et de santé mentale : Je vous remercie de votre invitation. Je suis heureuse d'avoir la possibilité de prendre la parole devant le comité.

À titre d'information, je suis pharmacienne depuis 30 ans et je travaille depuis plus de 20 ans dans le domaine de l'abus de médicaments sur ordonnance. Je le mentionne pour deux raisons : d'abord, pour vous montrer que le problème n'est pas nouveau; ensuite, pour vous signaler que de nombreux médicaments sont en cause, mais que le tableau change depuis une dizaine ou une quinzaine d'années. Je m'en suis aperçue quand je travaillais comme pharmacienne à la Fondation de la recherche sur la toxicomanie à Toronto, qui fait maintenant partie du Centre de toxicomanie et de santé mentale, ou CAMH. C'était le nom de l'organisme dans les années 1980 et 1990. Comme pharmacienne, je me suis rendu compte que les gens achetaient de la codéine en vente libre et que nous devions exécuter un grand nombre d'ordonnances d'opioïdes.

En ce qui concerne l'abus et la dépendance de produits pharmaceutiques sur ordonnance, je tiens à signaler que nous nous sommes concentrés sur les médicaments psychotropes, c'est-à-dire ceux qui agissent sur le cerveau. De nombreux médicaments sur ordonnance peuvent faire l'objet d'abus. Nos travaux de recherche et la crise actuelle sur laquelle nous nous penchons se rapportent à certains types de produits pharmaceutiques sur ordonnance — soit ceux qui agissent sur le cerveau de la même manière que d'autres substances faisant l'objet d'abus, en accédant à la partie du cerveau liée à la récompense, qui fait qu'on se sent bien. Parmi ces médicaments se trouvent les analgésiques opioïdes —ceux dont tout le monde parle —, mais aussi les sédatifs hypnotiques, comme les benzodiazépines, qui existent et causent des problèmes depuis des années, et les stimulants, comme les amphétamines, le Ritalin et les médicaments de type méthylphénidate.

Même si les produits pharmaceutiques d'ordonnance agissent sur le cerveau de la même manière que d'autres substances faisant l'objet d'abus, comme l'alcool ou la cocaïne, le problème qu'ils posent présente des caractéristiques particulières, notamment la difficulté à le comprendre et à y trouver des solutions. On ne peut pas tout simplement interrompre l'approvisionnement. Le médicament doit demeurer disponible pour ceux qui en ont besoin, parce qu'il est bénéfique. De plus, certaines personnes qui souffrent de dépendance ont aussi besoin du médicament. Nous nous trouvons donc aux prises avec une dichotomie, le médicament dont une personne a besoin pour sa santé étant également celui qui lui cause un problème.

L'une des principales caractéristiques du problème, qui en accentue la complexité, est le fait que le système de soins de santé en est indissociable. Certains disent que le problème concerne deux groupes distincts : d'une part, les personnes, peu nombreuses, qui essaient de contourner le système et de se procurer des médicaments d'ordonnance facilement accessibles pour leur effet euphorisant et qui finissent par avoir un problème ou développer une dépendance; d'autre part, tous les autres, qui sont des consommateurs légitimes. La question n'est cependant pas si simple.

Même si, à notre connaissance, la plupart des gens qui prennent des médicaments sur ordonnance n'ont pas de problème, certains en ont, et leur nombre a augmenté, surtout depuis une dizaine d'années, particulièrement en ce qui concerne les opioïdes. En est la preuve, notamment, le nombre croissant de personnes qui se font traiter pour une dépendance à des opioïdes sur ordonnance. Ainsi, au cours de la dernière décennie, plus de gens ont consulté le centre de sevrage du CAMH et participé à ses programmes de traitement à la méthadone et au Suboxone. Ceux qui veulent se défaire de leur dépendance aux opioïdes sont essentiellement des personnes qui prennent ces substances sur ordonnance. Le nombre d'héroïnomanes qui suivent une cure de désintoxication est demeuré faible et stable au fil des années comparativement à celui des consommateurs d'opioïdes sur ordonnance.

On voit que le problème grossit quand on constate l'augmentation des cas de surdose, particulièrement pour les opioïdes. Le nombre de surdoses accidentelles ou involontaires entraînant la mort est particulièrement inquiétant. Les données à cet égard fournies par le bureau du coroner sont fort importantes, car elles nous aident à améliorer nos systèmes et à maximiser la sécurité des médicaments tout en veillant à en assurer l'accessibilité pour les personnes qui en ont besoin.

Le nombre croissant de jeunes qui prennent des opioïdes sur ordonnance, comme le révèlent des sondages auprès d'étudiants de différentes régions du Canada, est une autre preuve de l'ampleur du problème. On pourrait penser que les personnes aux prises avec un problème de dépendance aux opioïdes sur ordonnance consomment ces médicaments pour leur effet euphorisant ou à des fins thérapeutiques. Or, l'expérience du CAMH et nos travaux de recherche révèlent qu'un fort pourcentage de personnes font usage de médicaments à la fois à bon et à mauvais escient. Le risque est particulièrement grand chez les personnes qui ont déjà consommé d'autres substances, sont aux prises avec des problèmes de santé mentale ou ressentent une douleur chronique. Il est par conséquent très difficile de diagnostiquer le problème, de le cerner concrètement et d'y remédier.

J'aimerais, dans les quelques minutes qu'il me reste, signaler certaines pistes utiles pour régler le problème. Il faut, de toute évidence, recourir à une stratégie globale. Les interventions isolées ne seront pas efficaces. Il s'agit d'un problème complexe, qui requiert des interventions et des mesures dans de nombreux domaines. C'est ce qu'explique la stratégie nationale intitulée S'abstenir de faire du mal, que vous connaissez probablement et qui présente diverses recommandations dans les domaines de la prévention, de l'éducation, du traitement, de la surveillance et du suivi ainsi que de l'application de la loi.

On s'est arrêté en particulier aux programmes de surveillance des ordonnances. La pharmacienne que je suis s'intéresse à de tels programmes et en voit l'utilité. Ceux-ci sont largement utilisés et imposés aux États-Unis, par exemple. Au Canada, plusieurs provinces y ont recours pour déceler le problème et intervenir si une prescription ou un usage problématiques sont constatés. Il reste encore à déterminer quels sont la meilleure structure pour ces programmes, le meilleur type d'intervention et la meilleure stratégie de communication entre les programmes, qui devrait avoir accès aux données et comment les renseignements peuvent être transmis aux responsables de l'application de la loi. Les questions sont nombreuses, mais c'est un domaine fort prometteur.

L'éducation et la formation des professionnels de la santé sont d'autres domaines importants. Les médecins prescripteurs et les pharmaciens, en particulier, doivent recevoir une formation plus poussée en ce qui concerne la douleur et, surtout, la dépendance. Il ne s'est pas fait grand-chose en cette matière jusqu'ici.

J'aimerais souligner le rôle des pharmaciens dans des initiatives comme les programmes de collecte de médicaments, qui permettent aux gens de rapporter à la pharmacie des médicaments non utilisés et d'obtenir peut-être du soutien à cet égard. L'élimination de ces médicaments de façon sûre coûte quelque chose aux pharmaciens et l'élargissement des programmes leur facilitera la reprise des médicaments, même si ceux-ci ne proviennent pas de leurs patients.

J'aimerais également souligner l'importance d'assurer l'accès aux traitements, pharmacologique et non pharmacologique, pour les personnes qui reconnaissent faire un mauvais usage de leurs médicaments sur ordonnance. Diverses questions s'y rapportent.

Enfin, il faut également considérer l'approche globale des stratégies de formulation pour tâcher de réduire les méfaits liés à différents produits et les diverses stratégies pouvant être utilisées en fonction de la formulation.

J'aimerais surtout souligner l'importance fondamentale de la surveillance et du suivi dans ce domaine, parce que, pour toutes les interventions à ce stade, il faut définir le problème, en connaître l'ampleur et mettre en œuvre les mécanismes d'intervention. La seule façon d'évaluer l'incidence de cela serait d'avoir en place un système de surveillance et de suivi complet. Merci.

Le président : Merci beaucoup, madame Sproule.

Je cède maintenant la parole à Cameron Bishop, directeur national intérimaire de la société Reckitt Benckiser Pharmaceuticals au Canada. Je tiens d'abord à préciser que l'invitation a été lancée au Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance, dont M. Bishop fait partie à titre de conseiller. C'est le conseil qui nous a recommandé de faire venir M. Bishop, et celui-ci a aimablement accepté l'invitation.

Vous exercez plusieurs fonctions, mais elles tournent toutes autour du même sujet, monsieur Bishop. Vous avez la parole.

Cameron Bishop, directeur national (intérimaire), Reckitt Benckiser Pharmaceuticals (Canada) : Merci. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui à la fois à titre de représentant de la société Reckitt Benckiser Pharmaceuticals au Canada et comme membre du Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance, qui relève du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies. Je suis enchanté de faire partie de ce conseil et d'en coprésider le sous- comité de la législation et de la réglementation avec le Dr Mel Kahan, du Women's College Hospital de Toronto.

Comme Mme Sproule vient de le signaler, le Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance a publié, au printemps 2013, une stratégie intitulée S'abstenir de faire du mal : Répondre à la crise liée aux médicaments d'ordonnance au Canada. Je vais cependant me borner à parler essentiellement des recommandations formulées par le comité chargé de la législation et de la réglementation.

Je devrais probablement vous donner un bref aperçu de la société Reckitt Benckiser, afin que vous sachiez ce que nous faisons.

La société Reckitt Benckiser Pharmaceuticals s'occupe du traitement des toxicomanies. À ma connaissance, c'est la seule du genre au Canada. Nous fabriquons des comprimés sublinguaux appelés Suboxone. C'est le premier médicament opioïde approuvé pour le traitement substitutif de la dépendance aux opioïdes par des médecins exerçant en cabinet. Par ailleurs, notre façon de fonctionner est particulière, car nous nous efforçons de travailler en partenariat avec le gouvernement et les principaux intervenants à tous les niveaux, depuis la réforme de l'industrie jusqu'au traitement des patients en passant par les recommandations en matière de législation et de réglementation et l'élimination des obstacles.

Je signale, pour ceux qui ne connaissent pas le produit, que le Suboxone a été approuvé par Santé Canada en mai 2007. Il s'agit d'une combinaison en proportions fixes de buprénorphine, un agoniste partiel, et de naloxone, un antagoniste des opioïdes. Il est recommandé pour le traitement au moyen de médicaments de la dépendance aux opioïdes chez les adultes. On le trouve en deux dosages : le comprimé composé de 2 milligramme de buprénorphine et de 0,5 milligramme de naloxone, et le comprimé composé de 8 milligramme de buprénorphine et de 2 milligramme de naloxone. L'intégration de la naloxone au médicament a pour but de décourager l'usage inapproprié de celui-ci par voie nasale ou intraveineuse. Quand on fait fondre le comprimé sous la langue, la biodisponibilité de la naloxone est faible. Si on le broie pour l'inhaler ou se l'injecter, par contre, la naloxone devient entièrement biodisponible et précipite les symptômes de sevrage chez les patients dépendants d'agonistes complets des opioïdes.

Comme les membres du comité le savent, la dépendance aux opioïdes est un état pathologique chronique et récurrent du cerveau qui constitue un problème clinique et de santé publique bien connu au Canada. Selon une étude réalisée en 2009 par Popova et ses collaborateurs, au Canada, entre 321 000 et 914 000 personnes consomment des opioïdes sur ordonnance à des fins non médicales. En outre, on estime à environ 72 000 le nombre de consommateurs de drogues de la rue qui font usage d'opioïdes sur ordonnance à des fins non médicales, d'héroïne ou de ces deux types de drogue, le nombre de personnes consommant des opioïdes sur ordonnance à des fins non médicales étant plus élevé que celui des héroïnomanes en 2003.

L'héroïne a toujours été la principale drogue provoquant une accoutumance aux opioïdes. La réalité actuelle est cependant bien plus complexe, car les opioïdes utilisés de façon illicite sont beaucoup plus variés. Au Canada, ils comprennent divers opioïdes sur ordonnance, dont l'oxycodone, le fentanyl, la codéine, la morphine et l'hydromorphone. Il en résulte une augmentation de la demande de traitement de la toxicomanie opiacée partout au pays.

On me demande souvent qui est accro aux médicaments d'ordonnance. Je réponds que ce peut être n'importe qui. Ce sont des gens qui ne sont pas différents des personnes assises autour de la table en ce moment. Ce peut être la mère d'en enfant qui joue au soccer. Elle se blesse au dos dans un accident de voiture et se fait prescrire de l'oxycodone, dont elle devient dépendante. Lorsque, après un certain temps, son médecin refuse de s'en occuper parce qu'il « ne traite pas des patients comme elle », elle se tourne vers la prostitution, quand ses enfants sont à l'école, afin de pouvoir se procurer de l'oxycodone.

C'est aussi le militaire qui revient de l'Afghanistan, ou de l'Irak, dans le cas des Américains. Il a pris des opioïdes sur ordonnance pour soigner des lésions aux tissus mous ou pour atténuer la douleur ressentie à la vue de ses frères d'armes morts après avoir marché sur une mine terrestre. Quand il rentre au pays, il souffre d'une accoutumance aux opioïdes et du syndrome de stress post-traumatique. Ce sont là des exemples de conséquences imprévues de la prise de médicaments sur ordonnance : une mesure volontaire finit par créer une dépendance involontaire.

Ces histoires sont vraies. Elles témoignent d'un problème qui ne touche pas seulement les quartiers malfamés du Canada, mais qui est généralisé et dont la gravité atteint un niveau de crise. À cause d'un manque d'accès à des traitements et, parfois, de politiques qui criminalisent la maladie plutôt que de la voir pour ce qu'elle est, la manifestation d'une crise de santé publique, nous, en tant que société, obligeons trop souvent des hommes et des femmes comme ce militaire et cette mère d'un petit joueur de soccer, des membres productifs de la société, à descendre la pente pour vivre en marge de la société et finir dans la rue, en prison ou à la morgue.

Nous devons élargir le traitement sous toutes ses formes au Canada tout en luttant contre les préjugés associés à la dépendance. En effet, des Canadiens aux prises avec un problème d'abus ou de dépendance évitent de se faire soigner par crainte d'être perçus et jugés comme indignes de faire partie des gens que nous définissons comme normaux. À notre avis, le traitement offert aux personnes qui se débattent avec un problème de toxicomanie, quelle qu'en soit la forme, est trop souvent réduit au plus petit dénominateur commun — à bien des égards, l'hypocrisie complaisante des attentes modestes.

Je vais maintenant présenter les recommandations du comité de la législation et de la réglementation du Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance. Ensemble, ces recommandations placeraient au premier plan la santé publique ainsi que la sécurité et la dignité des patients, tout en cherchant à atténuer les conséquences imprévues des opioïdes vendus sur ordonnance.

Monsieur le président, voici, selon le comité de la législation et de la réglementation, ce que le gouvernement fédéral devrait faire. Premièrement, exiger que tous les opioïdes sur ordonnance, qu'ils soient vendus comme analgésiques ou pour le traitement des toxicomanies, s'accompagnent d'une mise en garde informant les consommateurs que les médicaments de cette catégorie peuvent provoquer une dépendance ou causer la mort, même s'ils sont utilisés tels qu'ils sont prescrits. Il faudrait, pour cela, modifier la partie C du Règlement sur les aliments et drogues et réserver les analgésiques sur ordonnance aux cas de douleur aiguë seulement. Les étiquettes devraient rendre compte des résultats des essais cliniques des médicaments.

Deuxièmement, exiger des régimes d'assurance-médicaments fédéraux qu'ils obligent les médecins à demander l'approbation d'un statut exceptionnel s'ils désirent prescrire des opioïdes dont la dose est supérieure à 200 milligrammes par jour, soit la dose à surveiller selon les Lignes directrices canadiennes sur l'utilisation sécuritaire et efficace des opioïdes pour la douleur chronique non cancéreuse.

Troisièmement, proposer des modifications au processus utilisé actuellement par Santé Canada pour l'approbation des médicaments génériques et de marque de manière à exiger le refus d'une approbation en cas de conflit d'intérêts. Il faudrait également obliger les fabricants de produits génériques à effectuer des essais cliniques afin de s'assurer que leur produit est aussi sûr que le médicament de marque.

Quand je parle de conflit d'intérêts, je pense à une entreprise qui fabriquerait à la fois un analgésique délivré sur ordonnance et le produit visant à traiter la dépendance créée par cet analgésique ou encore à une entreprise qui fabriquerait un produit traitant une dépendance et commercialiserait un analgésique créant la dépendance que le produit en question permet de traiter. Il faut établir des règlements prévoyant qu'une entreprise qui veut fabriquer et mettre en marché un produit traitant une dépendance doit d'abord cesser de vendre les produits qui risquent d'engendrer la dépendance.

Santé Canada devrait refuser l'approbation d'un médicament aux entreprises que ne prévoient pas de mesures de précaution visant à réduire l'abus ou le détournement des analgésiques vendus sur ordonnance qu'elles fabriquent. Toutes les entreprises qui fabriquent des analgésiques génériques ou de marque vendus sur ordonnance ou des produits traitant la dépendance doivent être tenues de contribuer au financement d'un système de surveillance visant l'abus, le mauvais usage ou le détournement de médicaments d'ordonnance et contribuant à sensibiliser la population au danger des médicaments. Le ministre de la Santé devrait avoir le droit de refuser ou de révoquer un avis de conformité à une entreprise qui fabrique un analgésique ou un produit traitant une dépendance si cette entreprise ne respecte pas les dispositions que je viens d'énoncer.

Quatrièmement, proposer que les régimes fédéraux retirent de la liste les formules contenant des opioïdes à forte dose, y ajoutent celles à faible dose et exigent que seuls les produits qui ne peuvent être falsifiés et sont vendus dans des emballages à l'épreuve des enfants figurent dans les listes provinciales et fédérales de médicaments assurés.

Cinquièmement, faire examiner tous les deux ans par Santé Canada les monographies des produits des entreprises qui fabriquent des médicaments vendus sur ordonnance présentant un risque élevé de consommation abusive, comme les opioïdes et les stimulants.

Sixièmement, réexaminer les exigences réglementaires applicables aux médicaments opioïdes, notamment l'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, et y apporter des modifications, s'il y a lieu, pour éliminer les obstacles au traitement.

Septièmement, accroître la transparence des essais cliniques en obligeant l'industrie pharmaceutique à fournir toutes les données concernant ces essais et Santé Canada à les publier. Il faudrait en outre prévoir, dans la Loi sur les aliments et drogues, que le fait d'induire en erreur l'organisme de réglementation constitue une infraction.

Huitièmement, exiger que la naloxone soit incluse dans les formulaires de médicaments fédéraux.

Neuvièmement, avant l'inscription de produits sur les listes, obliger toutes les entreprises qui fabriquent ou distribuent des opioïdes, des sédatifs, des hypnotiques ou des stimulants, qu'il s'agisse de produits de marque ou génériques, à se conformer à toutes les exigences relatives à la présentation de drogues — ce qui comprend la réalisation d'essais cliniques — et à fournir les données pertinentes à Santé Canada.

Dixièmement, examiner les programmes internationaux fondés sur des données probantes concernant les stratégies d'atténuation des risques afin de déterminer et d'élaborer, pour les entreprises pharmaceutiques, des normes et des modèles efficaces d'atténuation des risques devant être adoptés par l'industrie. Je renvoie le comité à la Federal Drug Administration des États-Unis, qui a mis de telles normes en place.

Onzièmement, obliger les fabricants de produits de marque ou génériques à présenter chaque année à Santé Canada, au Parlement ainsi qu'aux ministres provinciaux de la Santé et aux collèges provinciaux de médecins un rapport sur tous les aspects de leurs stratégies d'atténuation des risques.

Douzièmement, infliger des sanctions pécuniaires et réglementaires strictes aux fabricants de produits de marque et génériques qui omettent de présenter les rapports voulus ou de se conformer aux stratégies d'atténuation des risques que comportent leurs produits approuvées par Santé Canada.

Enfin, une dernière recommandation que j'ai notée ce matin et négligé d'inscrire dans le document : fixer une journée nationale de collecte des médicaments sur ordonnance. Il faut retirer les vieux médicaments de nos armoires à pharmacie et les mettre dans un endroit où on peut s'en débarrasser en toute sécurité. À cette fin, le gouvernement devait obliger le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies à élaborer avec les principaux intervenants du pays des normes nationales concernant la reprise et l'élimination de ces médicaments, car il n'en existe pas à l'heure actuelle.

Voilà pour les recommandations de notre comité. Nous sommes disposés à collaborer avec les sénateurs et tous les parlementaires à l'application de ces recommandations. Je serai ravi de rencontrer les membres du comité pour discuter de la façon dont nous pourrions le faire.

Le président : Merci, monsieur Bishop. Je souligne au passage que vous avez mentionné le rapport de votre entreprise avec la naloxone et que vous êtes revenu là-dessus dans une recommandation. Cela fait partie de notre discussion. C'est clair. Tout va bien. Les sénateurs peuvent maintenant poser des questions.

La sénatrice Seidman : Je suis déconcertée par cette longue liste de recommandations. Vous êtes vraiment sérieux, monsieur, et je m'en réjouis.

Madame Sproule, vous représentez le Centre de toxicomanie et de santé mentale, un établissement fort important dans ce domaine. On indique dans sa description qu'il fournit des soins cliniques, offre des services de formation et de promotion de la santé, élabore des politiques et effectue de la recherche. Vous avez dit que vous êtes pharmacienne, c'est bien cela?

Mme Sproule : C'est exact. Je suis pharmacienne.

La sénatrice Seidman : C'est là-dessus que repose ma question.

Vous avez présenté beaucoup d'idées vraiment intéressantes qui méritent réflexion. Je vous en remercie. J'aimerais que vous nous parliez du rôle des pharmaciens dans la surveillance, la déprescription et la réévaluation des médicaments. Nous voilà à la dernière des quatre parties de notre étude, qui porte sur les conséquences imprévues du mauvais usage et de l'abus des médicaments sur ordonnance ainsi que de la dépendance à leur endroit. Nous aimerions formuler des recommandations à cet égard.

Je vais aller droit au but. Nous avons parlé du rôle des pharmaciens sur le plan de la surveillance. Les pharmaciens jouent un rôle particulier en cette matière, mais ils en jouent un aussi dans le suivi des patients qui prennent de nombreux médicaments prescrits par des médecins différents. J'ai remarqué que vous avez parlé du problème complexe de la consommation à des fins thérapeutiques et de la dépendance, qui sont interreliées. Vous avez signalé que c'est particulièrement le cas lorsqu'il s'agit de problèmes de santé mentale, de consommation d'autres substances et de douleur chronique.

C'est un problème complexe, j'en conviens. Étant donné l'angle privilégié sous lequel vous l'envisagez, comment voyez-vous le rôle des pharmaciens en cette matière?

Mme Sproule : Je vous remercie de votre question. Le problème est complexe, mais il m'intéresse au plus haut point. Je suis, entre autres, directrice de la Division de la pratique pharmaceutique à la faculté de pharmacie Leslie Dan de l'Université de Toronto; j'ai donc beaucoup d'idées et un point de vue particulier sur ce qu'est ou pourrait être le rôle du pharmacien.

Le modèle clinique pour les services pharmaceutiques consiste essentiellement à déceler et à régler les problèmes des patients en ce qui a trait aux médicaments. La question qui nous occupe représente un immense volet des problèmes liés aux médicaments. L'optimisation du rôle des pharmaciens dans ce domaine comporte certaines difficultés. Je pense qu'il faut améliorer la formation, afin que les pharmaciens, tout comme les autres professionnels de la santé, se sentent davantage en mesure de déceler les problèmes de dépendance et de s'en occuper. La question est complexe, et à l'heure actuelle, la formation s'adresse expressément aux pharmaciens qui offrent des traitements de substitution à base de médicaments comme la méthadone et la buprénorphine. Il faut l'élargir pour les consommateurs d'opioïdes.

Les pharmaciens ont assurément un rôle à jouer. Ce rôle est optimisé dans certains contextes de pratique pharmaceutique, par exemple, en milieu hospitalier ou lorsque le pharmacien fait partie d'une équipe de santé familiale. C'est un peu plus difficile lorsque le pharmacien travaille dans une pharmacie communautaire ou un contexte traditionnel, parce qu'il n'a pas forcément le temps de s'asseoir avec le patient pour passer systématiquement en revue sa médication. Dans ces milieux, il ne se trouve pas d'endroit privé où le praticien peut établir une relation avec le patient. Il n'est pas facile non plus pour le pharmacien qui travaille dans une pharmacie communautaire de nouer des relations avec les nombreux médecins qui s'occupent d'un même patient et lui prescrivent des médicaments. Dans une équipe de santé familiale, en revanche, le pharmacien fait partie de l'équipe et travaille avec les mêmes personnes.

En dépit de ces contraintes, le mode de fonctionnement des pharmacies communautaires offre actuellement de multiples possibilités d'intervention au pharmacien. Quoi qu'il en soit, nous devons surveiller les médicaments utilisés et prévenir les patients des risques, surtout depuis que nous disposons des Lignes directrices canadiennes sur l'utilisation sécuritaire et efficace des opioïdes pour la douleur chronique non cancéreuse. Celles-ci offrent de véritables indications quant aux signaux d'alarme à surveiller — simplement en tenant compte des doses quotidiennes —, et ce, même si le pharmacien ne dispose pas de toutes les données cliniques concernant le patient.

Comme l'a dit M. Bishop, lorsqu'on atteint la dose à surveiller de 200 milligrammes, il faut poser des questions, lancer un avertissement et aider les patients à comprendre pourquoi la dose à surveiller existe, quels sont les risques associés à l'utilisation de ces médicaments et à quel degré de soulagement de leurs douleurs chroniques ils peuvent s'attendre. Le médicament ne calmera pas entièrement la douleur. Nous devons aider les patients à gérer leurs attentes et, d'un point de vue plus pragmatique, veiller à ce qu'ils entreposent adéquatement leurs médicaments. Même s'ils font confiance à leurs enfants, ceux-ci peuvent avoir la visite d'amis. Tout doit être conservé sous clé et rapporté à la pharmacie lorsqu'ils en ont terminé.

Il existe, dans le cas du timbre de fentanyl, un mécanisme obligeant les gens à rendre les timbres utilisés avant d'en obtenir d'autres. Il est assurément possible de mettre en place ce genre de précaution, d'autant plus que, règle générale, les pharmaciens sont des professionnels de la santé faciles d'accès pour la population.

En outre, dans certaines provinces, l'Ontario par exemple, il existe des programmes de surveillance pharmaceutiques. La province de l'Ontario se distingue, car son nouveau Système de surveillance des stupéfiants et des substances contrôlées est conçu de manière à envoyer des alertes au pharmacien en temps réel lorsqu'il prépare une prescription. L'alerte indique si une ordonnance a été prescrite par plus d'un médecin ou remplie par plus d'une pharmacie à de nombreuses reprises. Le système donne cette information au pharmacien directement au point de service. Il existe d'autres systèmes de surveillance des ordonnances qui offrent aussi un accès à partir du point de service. Ainsi, les pharmaciens, lorsqu'ils remplissent une ordonnance, jouent aussi un véritable rôle à cet égard.

Le plus difficile est sans doute de déterminer si un patient est passé d'une consommation raisonnable à une consommation abusive. La plupart du temps, cela pose problème, car ce n'est pas noir ou blanc. C'est une zone grise, un processus d'évaluation et de diagnostic fort compliqué qui s'effectue progressivement.

Je pense aussi que les pharmaciens jouent un rôle clé dans le système de santé. Ils sont l'intermédiaire entre le patient et les médicaments. Dans l'exercice de notre profession, nous pourrions aborder ce rôle plus de front et contribuer à la recherche de solutions.

La sénatrice Seidman : Voilà une approche fort intéressante et efficace. À mon avis, les trois précédents volets de cette étude nous ont laissé l'impression que les pharmaciens ont un rôle important à jouer. Je sais que le Québec a récemment modifié la loi pour permettre aux pharmaciens d'ordonner ou de renouveler une prescription dans le cas d'un trouble de santé pour lequel un patient se fait soigner depuis un certain temps déjà.

Les pharmaciens des pharmacies communautaires — où, selon vous, les choses sont plus compliquées — ont un rôle plus important à jouer. Toutefois, la question qui se pose à l'heure actuelle est de savoir comment dédommager les pharmaciens pour le temps qu'ils consacrent à cette activité. Je considère qu'il s'agit là d'un éventuel problème.

Nous avons parlé des pharmaciens, mais j'aimerais poser une question au sujet de Santé Canada. À votre avis, quel rôle ce ministère doit-il jouer? Devrait-il envisager l'adoption de certains règlements?

Mme Sproule : Oui, je crois que Santé Canada a un rôle à jouer, au sens très large, car ce ministère peut appuyer la stratégie dont M. Bishop et moi avons parlé, c'est-à-dire la série de recommandations qui y figurent. Un certain nombre de recommandations prévoit l'exercice d'un rôle de surveillance et de réglementation, comme l'a dit M. Bishop.

Lors de l'examen du mode d'approbation des médicaments, il faudra se pencher sur la question de l'approbation de la version générique de l'oxycodone à libération contrôlée après que l'OxyContin ait été retiré du marché. Le comité en a peut-être déjà discuté, mais il faut déterminer ce qui s'est produit et quels changements doivent être apportés afin que Santé Canada joue un plus grand rôle à cet égard.

Santé Canada a assurément un rôle à jouer en matière de contrôle et de surveillance. Il y a des sondages nationaux qui ont évolué au fil des ans. Il serait très utile de disposer d'un mécanisme prévoyant plus d'espace pour des questions au sujet de l'abus de médicaments sur ordonnance, ainsi que de participer aux activités de contrôle et de surveillance. Il y aurait aussi l'élaboration et le soutien de programmes de surveillance pharmaceutique partout au pays, avec une aide sur le plan opérationnel pour créer un répertoire d'informations provenant de différentes sources de données, comme les données de coroners, les données de traitement et les données d'enquêtes nationales. Comment s'y prendre pour organiser et uniformiser toutes ces sources? La stratégie fait aussi des recommandations en ce sens.

Voilà les points principaux en ce qui a trait à la surveillance du problème, de la commercialisation des médicaments actuels et des nouveaux produits ainsi que du processus d'approbation.

La sénatrice Stewart Olsen : Madame Sproule, ma première question s'adresse à vous. Vous avez mentionné que vous voyez un nombre croissant d'utilisateurs de médicaments sur ordonnance avoir des problèmes et se présenter pour suivre un traitement. À votre avis, comment réalisent-ils qu'ils ont un problème?

Je pense au fait que bien des gens prennent des médicaments sur ordonnance sans se douter qu'ils sont en train de développer une dépendance. Quel est l'élément déclencheur qui leur fait réaliser qu'ils sont dépendants?

Mme Sproule : C'est une excellente question à laquelle il n'est pas facile de répondre. Je peux dire que dans l'une des études que j'ai menées avec le soutien de Santé Canada — Facteurs qui mènent à la dépendance aux opioïdes d'ordonnance — nous avons interviewé plus de 350 personnes provenant de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avons examiné le cas de gens qui ont suivi un traitement pour une dépendance aux opioïdes sur ordonnance ainsi que la séquence des événements qui, au cours de leur vie, les a amenés à développer un problème.

Pour en venir à votre question, l'un des aspects saillants de l'étude a été la possibilité de répartir les utilisateurs. Il ne s'agissait pas d'un échantillon aléatoire, mais, parmi les gens qui participaient aux entrevues, il y en avait un certain nombre qui était plus jeune et qui utilisait les opioïdes sur ordonnance uniquement pour leurs propriétés euphorisantes. Ils n'en avaient consommé que pour cette raison. Il y avait aussi un autre groupe de personnes beaucoup plus important qui en avait d'abord consommé pour leurs propriétés thérapeutiques, ou euphorisantes, ou les deux.

Chose certaine, c'est que la période de temps écoulée entre le début de la consommation régulière d'opioïdes sur ordonnance et la prise de conscience d'un problème était bien plus longue chez les personnes en faisant un usage thérapeutique pendant plusieurs années, et elles étaient plus âgées lorsqu'elles s'apercevaient qu'elles avaient un problème.

Il a été plus difficile de cerner l'élément déclencheur, mais, règle générale, celui-ci était lié à une multiplication des problèmes dans la vie des gens, des facteurs de stress, des indicateurs de comportements associés à une dépendance, où l'on perd le contrôle, où l'on devient incapable de s'acquitter de ses obligations quotidiennes et que les relations se détériorent. Ce genre de comportements est associé à un problème de dépendance.

Comme je l'ai dit, c'est difficile. Ça n'arrive pas du jour au lendemain. C'est plutôt un processus, jusqu'au jour où les gens se disent qu'ils ont un problème. Puis, il s'écoule encore du temps avant qu'ils cherchent à se faire soigner.

La sénatrice Stewart Olsen : J'accorde aussi beaucoup d'importance à la responsabilisation des patients ou utilisateurs. Je crois qu'on devrait leur donner plus d'informations sur les symptômes associés à une dépendance. À mon avis, nous ne le faisons pas. Nous parlons des risques de dépendance, mais il me semble que nous n'en faisons pas suffisamment pour renseigner les gens sur les symptômes avant-coureurs. Qu'en pensez-vous?

Mme Sproule : Je suis entièrement d'accord. Lorsque j'enseigne à l'université, je dis aux étudiants en pharmacie et aux pharmaciens, ailleurs, que lorsque les gens se présentent à la pharmacie avec une prescription d'opioïdes, il faut faire preuve de prudence quant au message qu'on envoie. Les pharmaciens s'inquiètent du traitement inadéquat de la douleur et du fait que certains patients ne prennent pas les médicaments parce qu'ils craignent de développer une dépendance. Je leur rappelle qu'ils doivent en discuter et expliquer aux patients en quoi consiste une dépendance. Il faut évaluer le risque de développer une dépendance chez chaque patient individuellement et leur offrir des conseils et des informations à cet égard.

Par exemple, une personne pourrait dire qu'elle s'inquiète de développer une dépendance parce qu'elle n'aime pas prendre des comprimés et ne veut pas les prendre, mais ce pourrait être aussi parce qu'elle a déjà eu des problèmes par le passé. On ne peut pas simplement rassurer les gens en leur disant : « Si votre médecin vous les a prescrits, c'est qu'il faut les prendre. »

Il faut vérifier leurs antécédents. Ont-ils déjà fumé ou consommé d'autres substances par le passé? Ont-ils des problèmes de santé mentale? Il faut leur expliquer les risques que cela présente pour eux : les comportements qu'ils pourraient observer, l'impression qu'ils pourraient avoir de perdre le contrôle sur la consommation de leurs médicaments, ce qui dans un contexte thérapeutique peut être, je le répète, difficile. Quand on pose des questions aux patients au sujet de la dépendance, par exemple : « Prenez-vous une dose plus importante que celle qui vous a été prescrite ou trouvez-vous difficile d'en prendre moins? », et qu'on nous répond : « Oui, mais c'est parce que j'ai mal » il devient très difficile de poser un diagnostic. Je suis entièrement d'accord qu'il vaut mieux informer les patients des risques de dépendance ou de surdose accidentelle.

Le président : Je passerai maintenant à M. Bishop, car il a parlé de recommandations précises dans ce domaine.

M. Bishop : Oui, madame la sénatrice, je crois que cela concorde tout à fait avec nos propositions. Il y a divers éléments à considérer. Chaque fois, je n'ai qu'à penser à mon épouse. Il y a deux ans, elle a eu une appendicectomie — trois petites incisions. Si vous la rencontriez — je suis très chanceux, c'est Miss Canada 2005, j'ignore comment j'ai fait, mais je m'en suis plutôt bien tiré. Elle vient d'une bonne famille, mais elle a des prédispositions héréditaires à la dépendance du côté maternel. On lui a prescrit 40 Percocet pour une chirurgie d'un jour. Elle devait en prendre quatre par jour. Lorsque je suis allé à la pharmacie pour les ramasser — et c'est en lien avec ce que disait Mme Sproule tout à l'heure sur la sensibilisation des pharmaciens, mais aussi des médecins —, j'ai dit au pharmacien, qui ne savait pas dans quel domaine je travaillais, « Du Percocet, n'est-ce pas un opioïde? » Il m'a répondu que oui. Je lui ai demandé si cela pouvait causer une dépendance. Il m'a répondu : « Non, non, ce médicament ne crée pas de dépendance. »

Il y avait 40 Percocet dans la bouteille. Mon épouse prenait ces médicaments depuis trois jours lorsque je me rappelle être entré dans notre chambre et l'avoir entendu me dire : « Je n'en reviens pas, regarde comment je suis jolie ». Je lui ai répondu qu'après une appendicectomie et trois jours au lit, elle avait l'air en pleine forme. Elle m'a dit : « Mais regarde mes mains et mes pieds ». Je lui ai dit que je ne voyais pas de quoi elle voulait parler. Elle m'a dit : « Regarde les bijoux sur mes mains et mes pieds. Je n'arrive pas à les enlever, ils sont si lourds. »

Cela lui a suffi pour rapporter les comprimés. Je ne dis pas qu'elle aurait nécessairement développé une dépendance si elle avait pris les 40 comprimés, mais je dirais que les quatre comprimés lui plaisaient, et c'est pourtant tout ce qu'elle a pris.

Vous parlez d'avertissement, et c'est pour cela que nous avons besoin d'un étiquetage clair. Il faut que ce soit indiqué de manière à ce que les gens comprennent ce qui se passe, afin que des personnes comme ma conjointe puisse lire cette information et se dire : « Oh mon Dieu, si j'ai des hallucinations de ce genre, je devrais probablement prendre de l'Advil au lieu de ces comprimés. »

La sénatrice Stewart Olsen : Je suis d'accord. Je me permettrai une observation : j'aime beaucoup vos recommandations. Je crois qu'elles créent des attentes en matière de responsabilité là où il le faut. J'aime aussi le fait que vous respectez suffisamment les patients ou les utilisateurs pour considérer qu'une fois informés, ils auront le bon sens de comprendre ce qu'on veut dire. Nous adoptons souvent une attitude paternaliste dans le domaine médical. Je crois que même les jeunes qui prennent des médicaments pour leurs propriétés euphorisantes ne veulent pas développer une dépendance. Il faut aussi les sensibiliser. Je vous remercie beaucoup du temps que vous nous avez accordé.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup à vous deux. Il s'agissait d'excellentes présentations. J'aime beaucoup que les gens se présentent avec des recommandations sur ce que le gouvernement fédéral peut faire précisément, car au Canada, nous sommes toujours aux prises avec le problème des compétences. Je vous remercie beaucoup. Je sais que c'est beaucoup de travail lorsqu'on présente des éléments détaillés à un comité.

Il y a environ 10 ans de cela, le présent comité a effectué une étude sur la santé mentale et la maladie mentale. Les gens oublient qu'une partie de celle-ci portait sur la toxicomanie. La présente étude en est la digne héritière.

Monsieur Bishop, vous avez parlé des préjugés associés à la dépendance. Dans notre rapport, nous avons parlé de la stigmatisation associée à la maladie mentale et à la toxicomanie. Dans votre présentation, vous avez parlé du fait que les personnes susceptibles de développer une dépendance ne correspondent pas à un type particulier.

Tout d'abord, comment doit-on aborder les préjugés associés à la dépendance? Puis, j'aimerais faire suite à la question de la sénatrice Stewart Olsen concernant la réalisation qu'on a un problème et que c'est un problème de dépendance.

Madame Sproule, vous avez parlé de l'accès au traitement pour les personnes conscientes qu'elles ont un problème. Tout d'abord, il y a la question des préjugés et la façon de les surmonter. En cas de préjugés, il faut faire reconnaître aux gens qu'ils ont un problème de dépendance afin qu'ils suivent un traitement. Ensuite, il y a la question de l'accessibilité des traitements au Canada pour les personnes qui ont une dépendance aux médicaments sur ordonnance. C'est une question qui comporte une foule d'éléments.

M. Bishop : En ce qui a trait aux préjugés, je ne suis pas clinicien de métier. Je n'ai pas de formation scientifique. Mais j'avais des préconceptions lorsque j'ai commencé à travailler dans ce domaine. Nous suivons un préceptorat, pendant lequel nous avons la chance de rencontrer un médecin spécialisé en dépendance et ses patients pendant une demi-journée. La première fois que j'y suis allé, j'ai cru que j'allais me faire poignarder, car c'est ainsi que nous représentons les choses. À la télévision, on voit des gens du quartier de Downtown Eastside qui s'injectent de l'héroïne avec de l'eau provenant de flaques dans les rues, qui traînent dans les ruelles et qui se livrent à la prostitution et Dieu sait quoi.

Pour moi, le préjugé, c'est qu'à la fin, c'est ainsi qu'on perçoit les gens. Imaginons que la dépendance est une pente. Mon coude marque le haut de la pente, c'est là-haut que l'ensemble des gens et tout le monde autour de la table se trouvent. Mais parce qu'il y a une part de honte qui est rattachée à la sensibilisation et au traitement, nous laissons les gens glisser jusqu'en bas de la pente, de sorte que lorsqu'ils arrivent à mon poignet, ils n'ont plus aucun espoir.

C'est d'abord une question de sensibilisation. Prenons l'exemple de la mère que je vous ai donné, c'était une femme charmante qui était travailleuse sociale, un véritable emploi de col blanc. Elle vit maintenant de l'aide sociale, dans le sous-sol de ses parents, et les services sociaux lui ont enlevé ses enfants. J'ai beau vouloir le dire délicatement, son médecin a été son revendeur de drogue officiel, même s'il n'est pas un revendeur de drogue.

C'est aussi une question de sensibilisation et d'acceptation de la part des médecins. Parfois, pour des raisons indépendantes de leur volonté, il arrive que des traitements ou des médicaments prescrits créent une dépendance involontaire. Là n'est pas la question. À mon avis, il ne faut pas atténuer la pression subie par les médecins, mais plutôt la honte de se dire : « Oh mon Dieu, c'est moi qui ai causé ce problème », autrement, ils n'en parleront pas à leurs patients.

Parallèlement, il faut remettre les pendules à l'heure en ce qui a trait à la dépendance. Nous l'avons fait pour la maladie mentale et pour le VIH-sida. Tout le monde autour de la table est susceptible de développer une dépendance. Cela ne répond à aucune logique. Lorsque nous cesserons de considérer comme l'archétype la personne du quartier Downtown Eastside — qui mérite d'être traitée avec la même dignité et d'avoir le même accès au traitement que les autres — et que nous commencerons à parler de ce problème comme étant quelque chose de normal, je crois que nous aurons fait un bon bout de chemin.

Pour ce qui est d'où nous en sommes de manière générale au pays en matière de traitement, je dois dire que j'apprécie beaucoup que mon employeur n'exige pas que j'affirme que son traitement est supérieur à tous les autres. Nous croyons qu'un traitement est un traitement; il doit répondre aux besoins du patient. Il n'y a pas un seul type patient et il n'y a pas de traitement universel.

Sommes-nous là où nous devrions être? Non. Je crois que toutes les approches ont leur utilité, qu'il s'agisse de soutien psychosocial, de sevrage ou de traitement à l'aide de médicaments de concert avec un soutien psychosocial. Mais au Canada, ces traitements sont offerts de manière sporadique. Le fédéral, qui est directement responsable des militaires et des membres des Premières Nations, doit mieux s'y prendre pour leur dire : « C'est correct de le faire savoir, cela ne change rien au fait que vous êtes des héros et des habitants de ce pays. Nous vous acceptons et nous vous aiderons à vous soigner ».

À l'heure actuelle, le financement des traitements, à partir de la liste des médicaments assurés, tend à cibler les régions dont on parle dans les nouvelles. En ce moment, par exemple, c'est le Nord de l'Ontario, où des membres des Premières Nations ont développé une dépendance. Mais la même histoire se répète dans toutes les provinces canadiennes, bien qu'on en parle moins.

Je vois un traitement et je me dis : « Ma foi, c'est mieux que rien », mais ce n'est certainement pas au niveau où ce pourrait l'être, sur le plan de la médication, de la formation, des préjugés ou sur tout autre plan. Nous devons faire du meilleur boulot. Avec un peu de chance, vous réussirez à convaincre les gens que nous le devrions.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Cordy : Je me demandais, madame Sproule, si vous aimeriez parler de l'accessibilité des traitements, dont vous avez également parlé dans votre présentation.

Mme Sproule : Je crois que l'accessibilité des traitements est fort importante simplement en raison du nombre de personnes qui, à notre connaissance, ont actuellement un problème. À l'avenir, nous voulons réellement mettre l'accent sur la prévention, et je suis sûre que l'incidence diminuera. Toutefois, il y a dans le moment un grand nombre de personnes aux prises avec ce problème. Pour ce qui est de l'accessibilité des traitements de la dépendance, les interventions psychosociales sont la pierre angulaire, mais il s'agit de traitements coûteux. À mon avis, l'accès à ce genre de traitements et aux personnes capables de soigner ce problème particulier est extrêmement important. Par exemple, certains thérapeutes au Centre de toxicomanie et de santé mentale nous ont dit que lorsqu'ils soignent des patients qui ont un problème lié aux opioïdes d'ordonnance, ils se heurtent à des problèmes psychosociaux entièrement différents. Un grand nombre sont liés à la relation du patient avec son médecin et même à leur perception d'eux- mêmes. C'est lié aux préjugés : « Je ne suis pas vraiment un toxicomane; je n'utilise que ce qu'on m'a prescrit. » Il faut se pencher sur ce genre de problèmes.

L'autre volet du traitement est pharmacologique. C'est l'un des rares types de toxicomanie où il existe de très bons traitements, dans les cas de la dépendance aux opioïdes en particulier. Il y a la Suboxone, que produit l'entreprise de M. Bishop, et la méthadone, qui est utilisée au Canada depuis un bon nombre d'années dans les cliniques et les bureaux médicaux. Toutefois, l'accès demeure limité pour certains patients, selon la région où ils habitent. Il n'y a pas nécessairement de prescripteur de méthadone ou de pharmacie qui en tient dans la région. C'est là que des options comme la Suboxone peuvent être offertes, mais il se peut que là encore, il n'y ait aucun prescripteur. Il ne s'agit pas simplement de prescrire le médicament. Il faut aussi savoir comment soigner le problème de la personne qui a une dépendance. Cela diffère de la prescription des autres opioïdes. Bien entendu, la couverture est généralement prévue dans la liste des médicaments assurés par la province, avec des tiers payeurs. Il est vrai que la méthadone est moins coûteuse, mais pour de multiples raisons, il serait bon que la Suboxone ne serve pas seulement de traitement de rechange, et que les gens y aient plus facilement accès. Il y a donc la question de l'accessibilité du point de vue du nombre de personnes prêtes à donner le traitement et capables de le faire et l'accessibilité du point de vue financier.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de vos présentations.

Monsieur Bishop, vous avez dit, dans l'une de vos recommandations, que Santé Canada devrait refuser l'homologation d'un médicament aux entreprises qui ne prennent pas de précautions. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistent les précautions?

M. Bishop : Je reviens au naloxone, qui est associé à la buprénorphine. Par m'assurer que l'information soit complète, tout le monde sait que prise seule, la buprénorphine est un opioïde, un opioïde partiel, mais qui comporte des risques de dépendance. On peut développer une dépendance pour n'importe quoi, de la nourriture au sexe, en passant par tout le reste. Mais s'il y a un moyen de la prévenir, on devrait l'explorer. Lorsque nous avons créé la Suboxone, nous avons ajouté la naloxone, de sorte que si des gens voulaient l'inhaler, pour voir s'ils pouvaient se défoncer en raison de la présence de buprénorphine, la naloxone provoquerait des symptômes de sevrage s'ils sont dépendants aux opioïdes.

Le procédé existe. On pourrait le faire pour les timbres de fentanyl et l'oxycodone, comme nous l'avons vu. Il y a différentes façons de le faire, mais il serait absolument essentiel d'ajouter de la naloxone. Cela existe. Voilà ce que je trouve fort étrange, sénateur. Des médicaments sont homologués — je n'accuse pas la ministre parce qu'elle a approuvé ce médicament ou d'autres; il lui faut des outils pour pouvoir dire : « Non, c'est insuffisant », mais ce qui me dépasse, c'est que Santé Canada ne se penche pas sur la question pour dire : « Nous avons une version générique d'oxycodone. Nous savons qu'il existe d'autres produits sur le marché qui découragent l'abus. Pourquoi approuvons- nous ces médicaments sans profiter d'y associer ces éléments? » J'ai du mal à comprendre. À mon avis, il faut leur donner le pouvoir d'utiliser dès le départ les outils existants.

Le sénateur Enverga : Combien de fabricants de médicaments disposent de ces outils ou de ces mesures de sécurité?

M. Bishop : Je dois confesser mon ignorance à cet égard; je l'ignore. Madame Sproule, le savez-vous?

Mme Sproule : Pourriez-vous répéter la question?

Le sénateur Enverga : Étant donné qu'il existe des mesures de sécurité qui peuvent être intégrées aux médicaments, combien de médicaments disposent de mesures de sécurité à l'heure actuelle?

Mme Sproule : La plupart n'en ont pas. Il y a des exemples précis, comme la Suboxone. Un autre bon exemple, ce sont les produits résistant à l'adultération. Il existe différentes stratégies pour la formulation de produits. L'ajout d'un antagoniste, la naloxone, en est une, mais l'OxyNEO et le Concerta sont d'autres produits qui découragent l'abus, car on ne peut écraser les comprimés pour se les injecter. Il y en a vraiment très peu que vous pourriez cibler.

Le sénateur Enverga : Pouvez-vous nous indiquer pour quelles raisons on ne les utilise pas?

Le président : Nous ne voulons pas nous aventurer trop loin sur cette voie. Nous voulons examiner les recommandations et regarder le côté positif. Nous ne voulons pas spéculer sur les motifs.

M. Bishop : Je dirai simplement que je suis convaincu que tout le monde veut s'assurer que les patients sont soignés.

Le président : Des responsables viendront témoigner plus tard; nous pourrons leur poser directement la question. Je tiens à revenir sur un point pour le préciser. Votre recommandation était fort claire. Vous considérez qu'il serait possible d'intégrer des précautions, si nécessaire. Voilà la question générale, sénateur, et il a fait une recommandation générale à cet égard.

Le sénateur Seth : Je vous remercie. Il s'agit d'une question difficile et insoluble, dont nous continuerons sans doute de discuter. Il n'y aura pas de solution définitive, mais nous continuerons d'essayer. Le Centre de toxicomanie et de santé mentale se présente comme un hôpital d'enseignement en ce qui concerne l'abus et la mauvaise utilisation de médicaments. Il a récemment lancé un plan appelé VISION 2020 : aujourd'hui.demain. Cette campagne vise à développer le plein potentiel du centre en tant que centre de recherche en sciences de la santé du XXIe siècle. Comment applique-t-on cette vision dans le traitement des cas d'abus et de mauvaise utilisation de médicaments sur ordonnance?

Mme Sproule : Oui, le Centre de toxicomanie et de santé mentale compte un certain nombre d'initiatives axées sur l'abus de médicaments sur ordonnance. Nous disposons de programmes qui visent spécifiquement le problème de la dépendance aux opioïdes depuis plusieurs années. Ils visent notamment à réduire les préjugés entourant les traitements, celui à la méthadone, par exemple. On a créé un site web appelé methadonesaveslives.ca. Ce site montre que la méthadone sauve des vies et fournit de l'information utile sur le degré d'efficacité de la méthadone pour contrer la dépendance aux opioïdes et sur le rôle des médicaments sur ordonnance qui actuellement sont en grande partie responsables de la dépendance aux opioïdes. L'un des aspects est de contribuer à défaire les préjugés et à faire accepter le traitement aux gens. Nous offrons également diverses initiatives de sensibilisation par l'entremise du programme, nous offrons notamment plusieurs séries de webinaires chaque année auxquels des professionnels de la santé et la population sont invités à participer. Le Centre de toxicomanie et de santé mentale offre une variété de cours, à l'interne et en ligne, dont un sur les pratiques de prescription sécuritaire d'opioïdes qui tient compte des Lignes directrices canadiennes sur l'utilisation sécuritaire et efficace des opioïdes. En Ontario, tous les prescripteurs de méthadone et tous les pharmaciens qui en fournissent doivent suivre un cours obligatoire sur les traitements au moyen d'opioïdes. Le cours sur le traitement de la dépendance aux opioïdes prévoit un programme de base en ligne ainsi que des ateliers en classe comprenant une formation sur la méthadone et la buprénorphine, de même que des cours connexes qui, ensemble, forment un programme de certificat en partenariat avec l'Université de Toronto. Ce certificat s'ajoute à une série de possibilités de formation, de gens qui suivent des stages cliniques et autres choses de ce genre.

Alors oui, on peut dire que le CTSM n'a pas chômé du point de vue de l'éducation, et c'est là qu'on trouve l'initiative la plus importante. Pour ce qui est du traitement et de la recherche, je sais que mon programme de recherche a reçu du soutien. Il y a aussi quelques chercheurs du centre qui s'intéressent aux différents aspects de la question et qui produisent des énoncés de politiques, autant pour le fédéral que les provinces.

La sénatrice Seth : Madame Sproule, je crois que vous avez parlé d'un programme de suivi des ordonnances. Comment vous y prenez-vous? Je parle du point de vue des spécialistes de la santé. Existe-t-il des outils qui nous permettent d'assurer un suivi? Pourriez-vous nous en dire plus?

Mme Sproule : Oui, j'ai effectivement parlé de programme de suivi des ordonnances, et je vous prie de m'excuser si je n'ai pas suffisamment expliqué de quoi il s'agit. Je parlais des programmes officiels visant à recueillir des données sur l'ensemble des médicaments sous surveillance d'une province ou d'un territoire donné. Certaines provinces se sont dotées d'un tel programme, mais pas toutes. Tout ce qui est délivré est consigné dans une base de données administratives centrale, laquelle permet ensuite, que ce soit sur place ou au laboratoire d'origine, de savoir ce que les patients se sont fait prescrire ou délivrer, et pas seulement dans telle ou telle pharmacie, mais partout. Normalement, les dossiers d'une pharmacie ne sortent pas de la pharmacie en question. Ce programme permet donc de partager l'information, peu importe l'endroit où les médicaments ont été prescrits et délivrés.

Différents programmes peuvent alors être créés afin d'utiliser l'information ainsi disponible. Certaines provinces, par exemple, font un suivi et interviennent au besoin. Elles vont, par exemple, envoyer une lettre aux médecins prescripteurs qui s'écartent des normes provinciales ou régionales. Croyez-moi, les médecins qui reçoivent pareille lettre de leur ordre professionnel ne prennent pas la chose à la légère. L'objectif, évidemment, est de faire œuvre utile.

L'information qui se trouve dans les laboratoires peut s'avérer très utile, car elle permet d'avoir instantanément un portrait de la situation et de faire immédiatement le point avec le patient ou le médecin prescripteur, le cas échéant.

Le principal défi consiste à déterminer à partir de quel moment il faut intervenir; parce qu'il ne faut pas passer notre temps à intervenir. Mais on ne veut pas non plus qu'un cas passe entre les mailles du filet. Il reste encore beaucoup de questions, mais la plupart des gens s'entendent pour dire qu'il faut à tout le moins savoir qui prescrit quoi et quels patients se font délivrer quoi. Nous planchons encore sur le meilleur usage à faire de toute cette information. Voilà un exemple de programme officiel de suivi des ordonnances.

Le suivi clinique des patients suppose qu'on va déterminer l'efficacité des médicaments qui leur sont prescrits, par exemple pour soulager la douleur, ainsi que l'usage qu'ils en font. De leur côté, les pharmaciens prennent note des renouvellements hâtifs et des signes d'intoxication ou de problèmes. C'est la différence entre le suivi personnalisé et celui qui est fait dans le cadre d'un programme.

La sénatrice Seth : Je vous remercie.

Le sénateur Moore : Madame Sproule, vous disiez tout à l'heure que le nombre de surdoses accidentelles et de décès était en hausse et vous parliez aussi du rapport d'un coroner. Vous nous avez donné quelques chiffres sur la consommation d'opioïdes chez les jeunes, qui semble en hausse selon ce que vous dites.

Y a-t-il des rapports que vous pourriez remettre à notre greffière afin de nous aider à analyser la situation et à bien en saisir les tenants et les aboutissants?

Mme Sproule : Absolument, oui. Il y en a plusieurs. Deux, plus particulièrement, ont été publiés par des coroners. Le premier, publié en 2009 par Irfan Dhalla, montrait, à partir des données des coroners et celles du gouvernement de l'Ontario sur les médicaments gratuits, que lorsqu'un médicament est davantage prescrit, le nombre de décès par surdose augmente lui aussi.

L'an dernier, une chercheuse appelée Madadi publiait un rapport s'intéressant aussi aux caractéristiques des gens qui font des surdoses d'opioïdes. Son rapport montrait notamment la proportion de décès par surdose accidentelle pour chaque type d'opioïdes. Or, c'est avec la méthadone qu'il y en a le plus.

En ce qui concerne les jeunes, depuis plus de 30 ans, le CTSM organise un sondage auprès des étudiants afin de suivre leur consommation de médicaments. Là aussi, nous pourrions vous fournir des données montrant que la consommation de médicaments sur ordonnance est très populaire chez les jeunes, autant que l'alcool ou le cannabis.

Le sénateur Moore : Monsieur Bishop, vous recommandiez entre autres que la naloxone figure dans tous les guides pharmaceutiques fédéraux. Pour ma gouverne — et celle des Canadiens qui nous regardent — que voulez-vous dire par « guide pharmaceutique »?

M. Bishop : Vous voulez une définition? Pardonnez-moi. Il s'agit en fait d'une liste de médicaments, sur laquelle on indique notamment quels médicaments sont couverts, et par qui — les gouvernements provinciaux, par exemple. C'est ça, un guide pharmaceutique.

Le sénateur Moore : Comme un registre des médicaments et des conditions dans lesquelles ils peuvent être prescrits?

M. Bishop : Pour certains d'entre eux, oui. Ça dépend. Certains guides vont être divisés en rubriques. « Problèmes cardiovasculaires », par exemple, mais ça varie en fonction de la catégorie du médicament, selon que des critères s'y rattachent ou non et d'après l'endroit du formulaire où il est inscrit. Si des critères s'y rattachent, alors il sera inscrit dans une section bien précise du guide, ce qui voudra dire qu'il ne pourra être prescrit que si les critères en question sont remplis.

Le sénateur Moore : Et ces guides sont distribués à tous les pharmaciens professionnels des provinces?

M. Bishop : Voilà. Les pharmacies reçoivent les différents guides, et les pharmaciens consultent les guides fédéraux ou provinciaux selon la couverture dont bénéficient les patients.

Le sénateur Moore : Vous recommandiez aussi que les régimes de soins de santé publics fédéraux obligent les médecins qui souhaitent prescrire plus de 200 milligrammes d'opioïdes par jour à obtenir une autorisation exceptionnelle. À qui s'adresseraient-ils, précisément, et à quel titre les gens à qui ces demandes seraient adressées pourraient-ils en évaluer le bien-fondé? Avez-vous songé à ces éléments?

M. Bishop : Pas encore. Disons que ce point a fait l'objet de nombreux débats au sein de notre comité.

À mon avis, nous pourrions nous inspirer de l'article 56 et de l'exemption relative à la méthadone. Nous pourrions utiliser le même libellé et l'appliquer aux médecins qui souhaitent prescrire au-delà de 200 milligrammes par jour. Or, pour le moment, c'est Santé Canada qui délivre les autorisations pour la méthadone, par l'entremise des ordres professionnels provinciaux.

Si nous pouvions modifier l'article 56 pour y inclure ce que je propose, la décision reviendrait toujours à Santé Canada, par l'entremise des ordres professionnels, comme c'est le cas présentement, sauf que les personnes concernées devraient alors suivre une formation bien précise et faire l'objet d'un suivi.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Nous avons de la chance de recevoir Mme Sproule au comité comme témoin, elle qui est reconnue pour avoir dit que le Canada est un des grands consommateurs d'opioïdes par habitant et que cette consommation a beaucoup augmenté entre 2000 et 2009. Moi, je n'ai pas de formation médicale, mais je suis économiste et les statistiques m'intéressent; et quand je vois de telles statistiques, je ne peux faire autrement que de me demander sur quelles bases ont été trouvées les données composant ces statistiques.

Dans la foulée de ma question, êtes-vous en mesure de nous expliquer comment il se fait que cette consommation par habitant soit si élevée au Canada? Est-ce qu'on observe également des tendances similaires concernant les stimulants? Parce que ce phénomène semble aussi être important au Canada; sommes-nous consommateurs plus qu'ailleurs et, si oui, pourquoi cette réalité?

[Traduction]

Mme Sproule : Je vous remercie de votre question. J'aimerais bien avoir la réponse à tout ça, mais je peux déjà vous dire que je tiens mes statistiques de l'Organe international de contrôle des stupéfiants, qui les recueille directement auprès d'environ 200 pays. C'est l'OICS qui a calculé les statistiques par habitant à partir des données sur la consommation.

De 2000 à 2011, en fait, la consommation per capita au Canada n'a pas cessé d'augmenter. En 2000, nous arrivions au cinquième rang, alors qu'aujourd'hui, nous arrivons au deuxième rang, derrière les États-Unis. Je précise cependant que les chiffres aux États-Unis sont pas mal plus élevés. Et même si le Canada arrive deuxième, la situation ici est comparable à celle dans plusieurs autres pays. N'empêche, sur 200 pays, nous arrivons au deuxième rang année après année.

Quant à savoir pourquoi, j'avoue que c'est difficile à dire. Peut-être que nous traitons mieux la douleur que les autres pays. Les seules statistiques sur la consommation ne nous permettent pas de comprendre pourquoi le problème s'aggrave, même si, comme pour les autres substances, nous savons qu'il y a un lien de cause à effet entre disponibilité accrue et consommation problématique accrue. Chose certaine, nous étudions de près le lien entre la prescription accrue et la situation telle qu'on la connaît aujourd'hui.

Nous avons la preuve que, plus un médicament est prescrit en doses élevées, plus il y a de décès par surdoses. C'est pour cette raison que nous parlions d'une équivalence-morphine de 200 milligrammes. D'après les données dont nous disposons, le ratio risques-bienfaits bascule au-delà de cette dose.

Malheureusement, il y a beaucoup de questions relativement aux statistiques qui demeurent sans réponse, et nous n'avons pas toute l'information nécessaire pour brosser un tableau complet de la situation au Canada. Voilà pourquoi je parlais de suivi et de surveillance. Comme M. Bishop et la stratégie S'abstenir de faire du mal, je dirige l'équipe responsable du suivi et de la mise en œuvre; ensemble, nous tentons de rectifier le tir et d'amener la stratégie dans ce sens-là.

En gros, l'information que nous avons porte davantage sur la consommation que sur le nombre de problèmes survenus ou l'effet de nos interventions.

La sénatrice Bellemare : Pour les autres substances, comme le Ritalin et les stimulants en général, y a-t-il aussi eu une hausse au Canada? Avez-vous des données sur la consommation de ces substances au Canada?

Mme Sproule : Non, l'augmentation est moins aisément observable pour les stimulants et les benzodiazépines. Chose certaine, elle est moins marquée que pour les opioïdes. Ce sont eux, le véritable problème.

En ce qui concerne les stimulants, la plupart des recherches qui ont été réalisées aux États-Unis, par exemple, portaient sur des étudiants de niveau collégial pour qui la consommation de stimulants a fini par devenir problématique. Les chiffres sont pas mal moins élevés.

Par exemple, dans le cadre d'une petite étude financée par Santé Canada que j'ai moi-même menée avant la mise en œuvre du système de suivi ontarien, nous nous étions servis des données recueillies par les pharmaciens pour en savoir plus sur les consommateurs réguliers d'opioïdes, de stimulants et de benzodiazépines. Nous avions invité les gens à nous appeler afin que nous puissions avoir une idée plus exacte de leurs habitudes de consommation et déterminer s'il y avait vraiment un problème. Une seule personne consommait des stimulants. Même si le problème est moins répandu, il s'agit malgré tout d'un problème pour ceux qui en consomment de manière abusive. Je ne connais pas les chiffres exacts, mais c'est nettement moins répandu que pour les opioïdes.

Le président : M. Bishop souhaite ajouter quelque chose.

M. Bishop : La Dre Sproule a soulevé un point intéressant lorsqu'elle a dit que nous étions excellents pour traiter la douleur et qu'il s'agissait sans doute d'une cause sous-jacente au problème.

Voici deux exemples : il y a d'abord celui que nous donnait la sénatrice Stewart Olsen lorsqu'elle disait qu'il faut aider les patients à reconnaître les signes de la dépendance. Je reviens aussi à l'exemple de ma femme, à qui on a prescrit 40 Percocet pour une chirurgie d'un jour. Après en avoir utilisé quatre ou cinq, elle a rapporté le reste.

Nous sommes très bons pour traiter la douleur à coups de médicaments. Nous sommes moins bons, par contre, pour prescrire d'autres moyens non pharmacologiques de traiter la douleur, comme la physiothérapie. Nous commençons à voir les statistiques grimper, et malheureusement, il est parfois difficile de ne pas voir le système comme une machine à pilules : « Voilà, prenez ceci et vous vous sentirez mieux; tout va bien aller ». Or, nous aurions intérêt à miser davantage sur le bien-être et la prévention que sur les remèdes pharmacologiques.

La sénatrice Bellemare : Si vous permettez, j'aurais et un commentaire et une question. Je me disais que c'est peut- être parce que la population vieillit — parce que nous vieillissons — qu'il y a de plus en plus de problèmes de consommation d'opioïdes. Qu'en pensez-vous? Est-ce une hypothèse plausible? La population vieillit partout, y compris au Canada.

Mme Sproule : Dans nos études et d'après ce qu'on voit sur le terrain, avec les patients qui viennent se faire traiter au CTSM, l'âge moyen se situe dans la quarantaine. D'après les sondages que nous avons menés récemment, par contre, nous savons qu'il y a de plus en plus de jeunes qui consomment des opioïdes pour le plaisir.

Les choses changent, oui, parce qu'en plus de gens qui ont besoin d'opioïdes pour des raisons thérapeutiques — et leur nombre va sans cesse croissant —, mais il y a aussi un tout nouveau phénomène, celui des jeunes qui en consomment pour l'expérience.

La sénatrice Chaput : Je vous remercie. La plupart des questions que je voulais poser l'ont déjà été, mais j'aimerais quand même parler de la consommation des étudiants et des problèmes de dépendances chez les jeunes, disons de 15 ans et plus.

Dans le cadre de la stratégie de sensibilisation, cible-t-on les élèves du secondaire? En fait, j'inclurais même les élèves de 6e, 7e ou 8e année, parce que c'est aussi ça, la réalité. Avec les écoles, les universités et les collèges communautaires, où vont les jeunes qui veulent apprendre un métier spécialisé, disons que ça fait beaucoup de monde.

Que fait-on pour les sensibiliser? Ce sont eux, après tout, les parents de demain.

Le président : Docteure Sproule, voulez-vous répondre la première?

Mme Sproule : D'accord. Je suis loin d'être une experte et je ne connais pas toutes les initiatives qui se font actuellement, mais je sais qu'un autre groupe au sein de la stratégie nationale s'est intéressé au volet prévention et sensibilisation du public. Il a notamment tenté de trouver le moyen de plus efficace de faire passer le message, que ce soit à l'école ou dans les médias sociaux, et dans ce dernier cas, dans quels types de médias sociaux plus particulièrement. Il y a des gens qui s'intéressent à ces questions, et on tire des leçons de ce qui s'est fait jusqu'ici. On a par exemple appris que le meilleur moyen pour qu'un message diffusé dans les médias sociaux ne soit pas lu consiste à y apposer un logo gouvernemental.

En ce qui concerne les écoles, j'ai l'impression qu'une bonne partie des initiatives de lutte contre la consommation abusive nous viennent des autorités, comme les policiers qui font la tournée des écoles. C'est sûr et certain qu'une partie de leur laïus porte sur les opioïdes sur ordonnance. Je crois que ça fait le tour.

M. Bishop : J'aurais quelques choses à ajouter. Je suis d'accord avec ce que la Dre Sproule vient de dire. Je n'ai rien contre les programmes de sensibilisation organisés par le gouvernement, sauf que, pour les gens de mon âge ou plus jeunes, et j'ai 35 ans... Sérieusement, ne gaspillez pas votre argent, parce qu'il n'y a rien qui m'agace plus que de me faire dire par le gouvernement que je n'ai pas besoin de consommer d'alcool ou de drogue pour être cool. Si je n'ai pas encore compris ça, ce n'est pas le gouvernement qui va m'aider.

Pour ce qui est des écoles, par contre, je dois dire que nos locaux d'Ottawa sont situés tout près d'ici, à une dizaine de minutes d'une école secondaire où, seulement l'an dernier, quatre ou cinq élèves sont morts d'une surdose au fentanyl. Selon ce que disent les médecins, les autorités font de la sensibilisation, oui, mais c'est toujours après coup. Ces jeunes-là sont morts; on ne peut pas les ramener à la vie.

Je ne connais pas la réponse, mais je sais qu'on doit s'organiser pour vraiment faire comprendre aux jeunes qui se font offrir des médicaments pendant une fête qu'ils n'ont pas à se sentir mal de dire que ce genre de chose n'est pas pour eux. Je ne sais pas ce qu'il faudrait faire pour qu'ils comprennent.

J'ai cependant le plus grand des respects pour les policiers. Ce n'est que mon avis personnel, mais je ne suis pas sûr que ce soit à eux de s'adresser aux jeunes, parce qu'on leur envoie alors le message qu'il s'agit de quelque chose de répréhensible. C'est vrai, évidemment, mais on pourrait envoyer le mauvais message en demandant à des policiers en uniforme de faire ce travail, car les jeunes pourraient alors avoir le réflexe de se cacher, de peur d'aboutir en prison.

La police a un rôle à jouer, je ne dis pas le contraire, mais il n'en demeure pas moins que, pour l'instant, le message sur la dépendance ne passe pas. Nous devons prendre les Philip Seymour Hoffman et les Cory Monteith de ce monde, qui pour le moment se démènent tout seuls dans leur coin, et les amener à briser le silence; or, je ne suis pas sûr que les policiers soient les mieux placés, et le gouvernement pas davantage.

La sénatrice Chaput : Qui, dans ce cas-là, serait le mieux placé, si ce n'est les policiers ou le gouvernement? Qui?

M. Bishop : Nous avons la responsabilité, au Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance, de recommander des solutions, et je peux vous dire que ce sujet a fait l'objet de nombreux débats. Je ne pense pas qu'une seule solution ait réussi à faire l'unanimité.

Je vais vous dire une chose : il va falloir que tout le monde travaille ensemble; les citoyens, les médecins, les pharmaciens, parce que, quand chacun agit de son côté, on n'avance pas. Et c'est ce qui se passe à l'heure actuelle. Je n'ai pas de solution miracle à vous proposer, mais je peux vous dire qu'il va falloir nous concerter pour réussir à formuler une recommandation.

La sénatrice Chaput : Les pharmaciens, alors? Ou les médecins?

M. Bishop : Je vais laisser le soin à la Dre Sproule de répondre, si ce n'est pour dire que la question nous ramène encore une fois à la notion de sensibilisation et aux préjugés qui y sont associés. Peut-être que oui, mais il faudrait que les bonnes personnes se manifestent et disent : « Vous savez quoi? Je les traite, moi, ces patients-là. Je vais vous donner l'heure juste, et je vous dis dès maintenant que je n'ai pas honte de mes patients et qu'eux non plus n'ont pas à avoir honte parce qu'ils ont osé demander de l'aide. »

La sénatrice Seidman : Monsieur Bishop, vous avez si bien répondu aux questions de mes collègues que vous avez répondu à presque toutes mes questions, à moi.

Vous recommandez d'inclure tout le monde : les prescripteurs, les médecins, les pharmaciens, l'industrie, les autorités réglementaires, le gouvernement, Santé Canada, les patients et nous tous, les consommateurs. La société dans laquelle nous vivons accorde beaucoup de place aux médicaments, et je me demande si nous ne devrions pas nous attaquer à cette culture.

J'aimerais revenir sur votre deuxième recommandation. Si je ne m'abuse, le sénateur Moore en a parlé lui aussi, mais j'aimerais que vous me parliez du Suboxone. Selon ce que j'ai cru comprendre, le Suboxone n'a pas besoin d'une exemption aux termes de l'article 56. Je trouve ça plutôt étonnant. En fait, pour pouvoir prescrire ce médicament, les médecins doivent seulement suivre une formation en ligne d'une heure, une heure et demie.

Selon votre deuxième recommandation, vous dites clairement que les médecins qui souhaitent le prescrire devraient en faire expressément la demande. Je vois une contradiction dans tout ça, et j'aimerais que vous m'éclairiez.

M. Bishop : Tout dépend de la province où vous vous trouvez. Vous avez tout à fait raison de dire que les médecins n'ont pas besoin d'une exemption pour prescrire du Suboxone. Dans certaines provinces, par contre — je pense à la Colombie-Britannique et au Manitoba, mais il y en a d'autres —, les médecins ont besoin de la même exemption que pour la méthadone. Les règles varient d'une province à l'autre, et je pourrai vous indiquer avec plaisir ce qu'il en est dans chacune d'elles.

En ce qui concerne l'article 56, je vais demander à la Dre Sproule de vous dire elle-même ce qu'elle en pense.

Je tiens d'abord à préciser que le cours en ligne que nous offrons sur le Suboxone dure six heures; il s'agit de formation médicale continue. Nous recommandons à tout le monde de le suivre, mais il faut aussi que les médecins comprennent bien la dépendance aux opioïdes. Devrait-on, à mon avis, demander une exemption? C'est précisément dans cette optique-là que j'ai recommandé qu'on étudie la question plus avant. L'article 56 favorise-t-il le traitement ou, au contraire, le compromet-il? Il y a peut-être quelque chose à faire ici.

Peu importe ce que nous décidons de faire, il va falloir que ce soit uniforme d'un bout à l'autre du pays. Les gens voyagent. Si une personne qui habite à Terre-Neuve et qui prend du Suboxone doit se rendre à Fort McMurray pour aller travailler, elle peut se retrouver coincée, parce que rien ne garantit qu'elle va trouver un médecin en Alberta qui a obtenu l'exemption nécessaire pour prescrire de la méthadone ou qui a suivi la formation sur le Suboxone.

Les propriétés pharmacologiques du Suboxone sont matériellement différentes de celles de la méthadone. La méthadone convient parfaitement à certains patients, mais les gens ne savent pas toujours que la dose optimale peut suffire à tuer un adulte. Avant de trouver la bonne dose, ça peut prendre de six semaines à six mois. Avec le Suboxone, la dose maximale est de 24 milligrammes, point; alors après deux jours, on peut trouver le bon équilibre. À cause de ces paramètres, il y a une substance dans le médicament qui prévient la dépression respiratoire causée normalement par les autres médicaments.

Il s'agit bel et bien d'un opioïde, mais je ne suis pas certain que l'article 56 pourrait s'appliquer. Cela dit, je suis lié par les décisions du comité dont je fais partie, et si jamais c'est la recommandation qui est faite, nous allons évidemment l'appuyer. Mais pour le moment, les propriétés pharmacologiques du Suboxone et de la méthadone étant matériellement différentes, c'est ce qui explique que les formalités associées à la méthadone sont beaucoup plus exigeantes.

Est-ce que je me trompe, madame Sproule?

Mme Sproule : Pour répondre brièvement, non. Les propriétés pharmacologiques de la buprénorphine étant ce qu'elles sont — et je pense plus particulièrement à l'effet de plafonnement, il n'y a pas de risque de surdose. Et comme certaines caractéristiques la rendent moins risquée que la méthadone, c'est ce qui explique qu'il ne faille pas absolument d'exemption pour la prescrire. En fait, si la méthadone requiert une exemption, c'est principalement parce qu'il s'agit d'un produit difficile à utiliser et risqué à prescrire. On se rappelle qu'il s'agit de la principale cause de surdoses accidentelles en Ontario, lesquelles peuvent survenir simplement parce que l'on a augmenté la dose trop rapidement. Alors, non, vous ne vous trompez pas.

Cela étant, comme je le disais tout à l'heure, que l'on parle de buprénorphine ou de méthadone, il ne suffit pas de connaître ces médicaments pour les prescrire. Il faut aussi connaître les patients, les problèmes ainsi que les techniques de soutien aux personnes qui souffrent de dépendances.

La sénatrice Seidman : C'est justement parce que c'est si compliqué que j'ai posé la question. Il y a beaucoup d'étapes, donc d'intervenants, donc de conflits d'intérêts possibles. Il est donc important, à mon avis, de comprendre, par exemple, pourquoi l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario a dit très clairement que, même si ce n'est pas obligatoire, il est fortement recommandé que les médecins qui souhaitent prescrire de la buprénorphine pour traiter une dépendance aux opioïdes devraient obtenir une exemption aux termes de l'article 56, comme pour la méthadone.

On parle ici d'un grand nombre d'intervenants, et ça montre bien à quel point la situation peut être compliquée.

La sénatrice Cordy : J'aimerais parler de la collecte des données, parce que, selon ce que vous nous avez dit, madame Sproule, le Canada arrive au deuxième rang mondial pour ce qui est de la consommation d'opiacés, alors que, de votre côté, monsieur Bishop, vous nous avez dit que le nombre de personnes qui consomment des opioïdes non médicinaux se situe quelque part entre 321 000 et 914 000. C'est tout un écart.

Les témoins d'hier nous ont dit que l'on recueille beaucoup de données sur la consommation — abusive ou non — de produits pharmaceutiques, mais que ces données ne sont ni compilées ni analysées. Pourriez-vous nous parler des données qui sont recueillies et analysées ici, au Canada?

M. Bishop : Je vais laisser Mme Sproule répondre parce qu'elle dirige le comité de suivi et de surveillance.

Mme Sproule : Je ne sais pas ce qui a été dit exactement hier, mais on recueille effectivement beaucoup de données, que ce soit dans les cliniques, les bureaux de médecins, les pharmacies, les établissements de traitement ou au CTSM. Or, c'est une autre paire de manches que de prendre toutes ces données et de les traduire en statistiques utilisables. Chose certaine, plus l'informatisation des dossiers progresse, plus ce sera facile.

En tout cas, ça va être plus facile au CTSM. Jusqu'à maintenant, chaque fois que nous voulons savoir quelque chose, nous devons nous déplacer physiquement pour aller chercher le dossier du patient que nous voulons consulter. D'ici quelques mois, tout cela devrait être entièrement informatisé.

C'est peut-être de ça que les témoins d'hier parlaient.

Aux États-Unis, il existe des systèmes qui intègrent les données cliniques et les compilent automatiquement et anonymement afin qu'elles puissent être analysées. Il y a même un système qui peut servir dans les établissements de traitement des dépendances : il suffit d'y consigner les données des patients, y compris les médicaments qu'ils consomment et la quantité, et le système s'occupe ensuite de dépersonnaliser le tout et d'analyser les tendances qui se dégagent à l'échelle du pays, que ce soit pour les types de dépendances à traiter ou les médicaments eux-mêmes. Par exemple, il y a quelques années, quand les États-Unis ont modifié la composition de l'OxyContin — le nom est demeuré le même, mais il s'agit en fait du même produit que notre OxyNEO à nous —, ce système a permis de faire ressortir très rapidement le changement concernant les gens qui avaient besoin de se faire traiter.

J'ai l'impression que les témoins d'hier vous ont probablement dit qu'à l'heure actuelle, on a seulement un portrait fragmenté de la situation. On a des données ici et là, et encore, davantage sur la consommation que sur le nombre de gens qui ont un problème ou qui ont besoin de se faire traiter. Par exemple, en Ontario, le système DATIS — que le CTSM contribue à organiser — recueille des données, mais seulement auprès des centres de traitement recevant des fonds de l'État. C'est comme je vous disais : un portrait fragmenté.

Je crois en fait que c'est là que le bât blesse : doit-on se contenter de colliger et de consigner physiquement toutes ces données? Il ne faut pas oublier non plus que, sur le terrain, tout le monde utilise ses propres définitions, même pour des expressions aussi courantes que « mauvaise utilisation » et « consommation abusive », alors imaginez quand il faut comparer différents sondages et sources de données. Tout le monde adapte les définitions selon ses besoins, ce qui veut dire qu'on peut ensuite interpréter les données différemment. Alors bien souvent, c'est très difficile de comparer la situation d'une province à l'autre.

Le président : J'aimerais juste préciser qu'hier, les témoins disaient que la collecte des données ratissait très large — on y incluait même les résultats des rapports de coroners, les données policières, et cetera. Leur conclusion était comparable à la vôtre.

La sénatrice Cordy : Monsieur Bishop, vous avez parlé de la dose à surveiller — 200 milligrammes par jour —, mais vous ne nous avez pas parlé du nombre de jours que les ordonnances peuvent couvrir. Vous nous avez donné l'exemple de votre femme. De mon côté, je connais quelqu'un à qui on a remis 50 comprimés d'OxyContin après une chirurgie. Irait-on trop loin en fixant le nombre limite de comprimés pouvant être prescrits? J'ai l'impression qu'il s'agit d'un gros problème.

M. Bishop : Notre comité a notamment dit... en fait, nous n'avons pas encore adopté de position officielle à ce sujet, mais disons que cette recommandation fait pas mal l'unanimité. En ce qui concerne le nombre de jours, d'aucuns disent qu'au-delà de 90 jours, il faudrait présenter une nouvelle demande. C'est la tendance qui semble se dégager : l'exemption devrait être valable durant 90 jours, après quoi elle devrait être renouvelée.

Malheureusement, ce serait un véritable fouillis bureaucratique. Mais bon, quand on est rendu à 500 décès par surdose aux opioïdes seulement en Ontario, ce serait peut-être une bonne idée de créer un ou deux obstacles ici et là. Pour l'heure, on parle surtout d'une période de 90 jours après laquelle le médecin qui a obtenu une exemption devrait présenter une nouvelle demande.

Le sénateur Enverga : Je sais maintenant qu'on peut appliquer des paramètres de sécurité aux analgésiques opioïdes, mais dites-moi : peut-on faire la même chose pour les stimulants et les sédatifs?

Mme Sproule : Oui. En fait, ça dépend. L'exemple de la naloxone est révélateur pour ce qui est des opioïdes, car il s'agit d'un antagoniste. Il n'en va pas de même pour les stimulants ou les benzodiazépines. Il n'y a pas vraiment d'antagonistes comparables dans la catégorie des stimulants.

Il y en a bien un pour les benzodiazépines, mais à cause des propriétés pharmacologiques et des effets de ces médicaments, ce n'est pas vraiment pratique, parce que si on tente de sevrer une personne dépendante à un antagoniste, on peut provoquer une crise épileptique, contrairement aux opioïdes. Avec les opioïdes, le sevrage peut être assez pénible merci, mais il est rarement fatal, ce qui n'est pas le cas avec les benzodiazépines. Alors on ne peut pas ajouter une substance comme on le ferait pour d'autres médicaments, mais on peut par contre jouer sur la formulation, comme en rendant les comprimés résistants aux chocs. C'est ce qui a été fait avec le Concerta, un stimulant produit au Canada.

La sénatrice Chaput : Ma question porte sur les dépendances chez les jeunes Canadiens et les données s'y rapportant. Vous pourrez nous répondre plus tard par écrit si vous le souhaitez.

Avez-vous des données sur les dépendances chez les jeunes Canadiens et sur les différences régionales — par exemple d'une province à l'autre, ou d'une région d'une même province à une autre, ou encore sur les différences entre les zones rurales et urbaines? Y a-t-il des données que vous pourriez nous faire parvenir?

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président.

Le président : Certainement. On vous écoute.

M. Bishop : Oui.

Le président : Envoyez le tout à notre greffière. Merci beaucoup.

Ce fut une discussion fascinante à propos d'un sujet capital, et c'est très intéressant de voir les différentes approches adoptées par tout un chacun. C'est la deuxième réunion que nous tenons sur ce sujet, et déjà, nous avons vu des différences — non négligeables — dans les réponses qui nous ont été données, notamment en ce qui concerne les limites aux prescriptions et ce genre de chose.

J'aimerais poser quelques questions. En fait, j'aimerais revenir sur une des dernières choses que vous avez dites, monsieur Bishop : vous disiez à quel point les programmes gouvernementaux de publicité faisaient de mauvais moyens de sensibilisation. Or, peu importe à qui les campagnes de sensibilisation vont être confiées au final, c'est quand même le gouvernement qui va payer. Alors il doit prendre part au processus, qu'on le veuille ou non.

J'ai trouvé que vous aviez bien résumé la situation lorsque vous avez dit, à la fin, qu'il faut amener les groupes, les intervenants de première ligne et les personnes directement touchées à collaborer. J'aimerais que vous poussiez votre réflexion un peu plus loin, parce que tous ces gens vont s'adresser un jour au gouvernement pour obtenir de l'argent, et le gouvernement a le devoir de dépenser judicieusement l'argent des contribuables. N'empêche, ce qu'il faut retenir — et vous l'avez dit tous les deux —, c'est que, peu importe la campagne choisie, elle doit être reconnaissable et acceptable, du moins aux yeux du public cible.

Si vous pouviez penser à la forme que prendrait cette collaboration et nous envoyer ensuite le fruit de vos réflexions par écrit. Vous pouvez même donner des exemples, mais ce n'est pas essentiel... Bref, dites-nous comment vous choisiriez les organismes qui élaboreraient les modules eux-mêmes, parce qu'au bout du compte, il faut bien une recommandation.

Je vais terminer là-dessus. Souhaitez-vous ajouter brièvement quelque chose?

M. Bishop : Je comprends votre argument concernant le gouvernement, mais au Conseil national consultatif, nous nous disions justement que ce n'est pas obligé que ça vienne du gouvernement.

Le président : On parle de dépenses, dans ce cas-là.

M. Bishop : Prenons l'exemple de la LNH. Il y a toutes sortes de problèmes, comme les blessures aux tissus mous ou le syndrome chronique postcommotion cérébrale. Comme je le disais dans mes recommandations, l'industrie devrait payer elle-même les campagnes de sensibilisation à la consommation de médicaments; le gouvernement dépense déjà beaucoup d'argent dans ce dossier-là, or, il est loin d'être le seul intervenant. C'est juste que les autres se font plus discrets.

Le Dr Irfan Dhalla m'a envoyé un article il y a quelques mois sur les blessures chroniques postcommotion cérébrale et les blessures aux tissus mous dans la NFL, aux États-Unis. Nous savons tous ce qui est arrivé ici, au Canada. Nous l'avons vu. Ces gens-là font des héros parfaits pour les jeunes Canadiens, mais... Je ne suis pas un grand spécialiste de la LNH, mais je crois que vous avez un peu d'argent là-dedans.

Voilà un exemple de situation où les partenariats publics-privés pourraient s'avérer payants et faire en sorte que le gouvernement se retire du dossier, sans que ça lui coûte un sou.

Le président : Dans un partenariat public-privé, le gouvernement est nécessairement présent; il ne peut pas se retirer du dossier. Mais vous avez soulevé des arguments intéressants. J'aime l'idée de miser sur la visibilité des héros, on voit tout de suite l'intérêt. Je vous remercie.

J'en viens à une question centrale, à savoir les gens qui deviennent dépendants accidentellement, parce qu'on leur a prescrit des médicaments, par opposition à ceux qui traînent dans la rue et qui cherchent consciemment à consommer. On nous a dit qu'il serait possible de limiter les prescriptions de certains produits, tant du point de vue de la durée que de la dose maximale.

Il faut faire attention, parce qu'on parle ici de soulager la douleur. Vous nous avez clairement expliqué qu'il faut prendre conscience de l'ampleur de la douleur et savoir qu'il y aussi des produits pharmaceutiques vendus sans ordonnance qui permettent de la soulager. Pour ce qui est de la sensibilisation, il faut passer par le réseau de la santé, parce que c'est de là que tout part. Vous nous avez donné de bons exemples — que nous connaissions déjà — de cas où l'information ne passe tout simplement pas. La plupart d'entre nous ont déjà entendu précisément les exemples que vous nous avez donnés aujourd'hui, notamment lorsqu'on dit aux gens : « Prenez ceci, retournez chez vous et faites ceci ou cela », alors qu'il y a toutes sortes d'autres façons de traiter certaines formes de douleur.

Mais si on pousse le raisonnement jusqu'au bout, j'imagine que bien des gens ici présents ont déjà vu un ami ou un proche mourir du cancer. Il ne faut pas non plus tomber dans l'autre extrême et semer des obstacles incongrus qui vont empêcher les patients ayant besoin de soins palliatifs d'avoir accès aux analgésiques dont ils ont besoin.

Il s'agit d'un problème très complexe. Trop profond en tout cas pour qu'on se lance dans un débat; j'en sais quelque chose. J'aimerais cependant vous demander à tous les deux de réfléchir à une application concrète. Rappelons-nous qu'au départ, il y a le médecin qui rédige l'ordonnance. À l'autre bout, il y a les gens qui souffrent, mais dont la douleur pourrait être traitée par différents moyens, ainsi que ceux qui sont en phase terminale.

Ce qui nous ramène, en dernière analyse, à la réglementation.

Ce n'est pas simple, on s'entend. Nous avons toutefois vu que, d'une part, on ne peut pas imposer de limites, mais que de l'autre, il devrait à tout le moins y avoir des lignes directrices. Je me demande si vous pourriez réfléchir à tout ça et transmettre par écrit les idées que vous pourriez avoir après la réunion d'aujourd'hui.

Une dernière chose avant de terminer, et je sais que vous en avez parlé tous les deux, directement et indirectement : nous savons que la collecte informatique des renseignements constitue l'une des clés qui nous permettra de répondre aux nombreuses questions de nos collègues relativement aux données, aux durées, aux quantités prescrites, et cetera.

Docteure Sproule, je tiens à dire que, chaque fois que nous avons mené une étude, nous avons toujours été impressionnés par la manière dont les pharmaciens du pays sont organisés — ou plutôt par la manière dont ils communiquent; je ne devrais pas dire « organisés », parce que ce mot a une autre connotation. Quoi qu'il en soit, vous savez communiquer, et la technologie ne vous fait pas peur. La quasi-totalité de vos activités se fait en ligne, ou du moins par ordinateur, notamment en ce qui concerne les données.

D'aucuns — dont les pharmaciens eux-mêmes — croient que les pharmaciens peuvent jouer un rôle accru dans la collecte des données et les conseils aux patients. Vous disiez, madame Sproule, que les gens des régions rurales n'ont pas tous fait de longues études. Mais dans certains cas, le pharmacien du village traite toutes les ordonnances de la plupart des patients, et ces derniers ont souvent tendance à donner volontairement des commentaires et de l'information.

Là aussi, j'aimerais que vous songiez au problème de la collecte des données, du point de vue du volume autant que de la distribution de tel ou tel produit pharmaceutique dans les secteurs dont nous avons parlé aujourd'hui ou des effets indésirables, et Dieu sait que la dépendance est tout un effet indésirable. Pensez-y, à l'abri de toutes les distractions que l'on peut trouver dans une salle de comité, et si vous pouviez mettre vos idées par écrit et les faire parvenir à notre greffière, ce serait parfait. Ce sujet est omniprésent dans nos rapports, et nous sommes toujours à la recherche de mesures précises et ciblées et d'organismes prêts à les mettre en œuvre.

Sur ce, je tiens à vous remercier tous les deux pour ce qui fut une réunion remarquable et tout ce qu'il y a d'instructive. Les recommandations qui figurent dans le rapport dont vous parliez... il s'agit effectivement d'un document extraordinaire. Les arguments que vous avez soulevés étaient excellents, tout comme vos réponses à nos questions. Je remercie aussi mes collègues d'avoir su poser les bonnes questions, car ce sont elles qui nous ont permis de recueillir autant d'information.

(La séance est levée.)


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