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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 10 - Témoignages du 3 avril 2014


OTTAWA, le jeudi 3 avril 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour poursuivre son étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada.

SUJET : La nature des conséquences involontaires de l'emploi de produits pharmaceutiques sur ordonnance.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis président du comité. J'invite mes collègues à se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

La sénatrice Seth : Asha Seth, de l'Ontario.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de l'Ontario.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto, et vice-président du comité.

Le président : Je souhaite la bienvenue aux témoins. Aujourd'hui, je vous présenterai au moment où je vous inviterai à prendre la parole. Je rappelle que nous en sommes à la quatrième étape de notre étude en quatre parties sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada et que, dans cette partie de l'étude, nous nous penchons sur les conséquences involontaires.

Nous avons deux témoins, qui comparaissent toutes deux à titre personnel. J'invite Wendy Krkosek, ingénieure de recherche au Centre d'études sur les ressources en eau de l'Université Dalhousie, à prendre la parole en premier.

Wendy Krkosek, ingénieure de recherche, Centre for Water Resources Studies, Université Dalhousie, à titre personnel : Bonjour et merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de m'avoir invitée et de m'accorder aujourd'hui l'occasion de parler des conséquences involontaires des produits pharmaceutiques, particulièrement du point de vue des préoccupations environnementales et des méthodes d'élimination employées dans le cadre du processus de traitement des eaux usées.

De nos jours, plus de 4 000 produits pharmaceutiques sont consommés quotidiennement à l'échelle de la planète. Ces produits sont des composés qui sont conçus de manière à susciter une réponse biologique et qui peuvent être regroupés en catégories selon leur mode d'action; chaque composé est cependant unique et pourrait susciter différentes réponses chez des organismes non visés.

Les produits pharmaceutiques peuvent s'introduire dans l'environnement à partir de sources tant humaines qu'animales et en empruntant diverses voies. Mon exposé d'aujourd'hui sera cependant axé sur les produits pharmaceutiques à usage humain et sur l'incidence qu'a sur eux le processus de traitement des eaux usées.

Il arrive souvent que les produits pharmaceutiques ingérés ne soient pas complètement métabolisés par le corps humain. Ces produits et leurs métabolites sont alors excrétés puis déversés dans le réseau d'épuration des eaux usées. Dans les installations de traitement des eaux usées, ils peuvent subir une dégradation complète, être convertis en métabolites et en conjugués, être transformés en divers autres produits à la suite de traitements chimiques ou physiques, ou encore demeurer inchangés tout au long du processus. Ils sont alors rejetés dans des eaux réceptrices. Les biosolides qui sont générés dans le cadre du processus de traitement des eaux usées peuvent contenir des produits pharmaceutiques adsorbés, et leur épandage peut être lui aussi une voie de pénétration de ces produits dans l'environnement.

La concentration des produits pharmaceutiques qui atteignent les installations de traitement des eaux usées varie considérablement, mais elle se chiffre généralement en partie par billion ou en quelques parties par milliard. Cette concentration est des milliers de fois inférieure aux doses thérapeutiques. Pour vous donner un aperçu, si de l'ibuprofène était présent dans l'eau dans une proportion de 40 microgrammes par litre, ou parties par milliard, ce qui correspondrait à une concentration élevée, il vous faudrait boire 10 000 litres d'eaux usées pour absorber une dose équivalant à un seul comprimé.

Ce qui préoccupe les spécialistes, ce n'est pas cette quantité correspondant à une dose pour les humains, mais plutôt les effets qu'une exposition continue à de faibles concentrations de résidus pharmaceutiques peut avoir sur les espèces aquatiques à qui les médicaments ne sont pas destinés. De plus, les effluents d'eaux usées peuvent contenir des centaines de produits pharmaceutiques différents, dont certains peuvent avoir des modes d'action similaires et entraîner des effets synergiques et additifs, ce qui complique la situation pour les espèces aquatiques dans la chaîne alimentaire.

L'évolution des produits pharmaceutiques dans l'environnement dépend également des eaux réceptrices. Par exemple, la rivière Grand en Ontario, qui traverse des municipalités comme Guelph, Kitchener, Waterloo et Brantford pour finalement se jeter dans le lac Érié, compte de nombreux points d'eau potable et débits sortants d'eaux usées. En période de débit faible, les eaux usées traitées peuvent constituer la principale source d'alimentation de la rivière Grand. La concentration des produits pharmaceutiques dans celle-ci varie donc en fonction des périodes de débit. La situation de la rivière Grand pourrait être comparée à celle de la rivière Saskatchewan, dans l'Ouest du Canada.

La présence de produits pharmaceutiques dans l'environnement dépend donc du milieu, mais également de divers autres facteurs, dont les caractéristiques de la population, les particularités des eaux réceptrices de même que l'exhaustivité et les propriétés du processus de traitement des eaux usées utilisé.

Les produits pharmaceutiques sont généralement conçus de manière à présenter un faible seuil de toxicité aiguë. Ils sont cependant aussi conçus de manière à cibler des voies biologiques précises. Ces voies et les modes d'action peuvent également se retrouver chez des organismes non visés. Par conséquent, lorsque leur concentration correspond à celle trouvée dans l'environnement, bon nombre des produits pharmaceutiques ne causent pas d'intoxication aiguë chez les organismes. Par ailleurs, les tests de toxicité traditionnels ne permettent généralement pas d'obtenir de données adéquates.

Les effets sublétaux à long terme pourraient être beaucoup plus préoccupants. Une équipe de chercheurs canadiens dirigée par Karen Kidd de l'Université du Nouveau-Brunswick a réalisé une étude portant sur un lac entier dans la Région des lacs expérimentaux, située dans le nord-ouest de l'Ontario, afin d'évaluer les effets d'une faible exposition au EE2, un estrogène de synthèse couramment utilisé dans les contraceptifs oraux, sur une espèce de poisson appelée tête-de-boule. Les chercheurs ont ajouté de l'EE2 dans le lac de manière à en faire correspondre la concentration à celle mesurée dans l'environnement. Les résultats obtenus ont révélé qu'une exposition chronique avait d'importants effets sur les activités reproductrices des populations de poissons.

La réalisation d'une série d'études sur l'écotoxicité de chaque produit pharmaceutique et produit de réaction représenterait une tâche colossale, coûteuse et de longue haleine. Les chercheurs ont proposé des méthodes visant à restreindre le processus au mode d'action d'un produit pharmaceutique donné et à faire porter les tests sur des organismes ayant des voies biologiques semblables. L'industrie pharmaceutique pourrait aussi être appelée à jouer un rôle à cet égard pendant l'étape du développement d'un médicament. On pourrait ainsi imposer le recours aux essais biologiques pendant cette étape afin de réduire les effets potentiels sur des organismes non visés. Or, même les données recueillies grâce à ces essais ne permettraient pas d'obtenir un portrait global des effets potentiels puisqu'elles ne comprendraient pas les effets additifs ou synergiques pouvant découler de la présence d'un mélange de produits pharmaceutiques.

Traditionnellement, les processus de traitement des eaux usés étaient conçus en vue d'éliminer les solides, les nutriments et les matières organiques en suspension, mais pas les substances organiques à l'état de trace, comme les produits pharmaceutiques. Les processus de traitement actuels permettent néanmoins de réduire la concentration de certains de ces produits. Les mécanismes typiques d'élimination comprennent la biodégradation, l'adsorption et la transformation découlant de la désinfection. L'efficacité du mécanisme varie en fonction du composé, de la qualité de l'eau, du type de traitement et des paramètres d'exploitation. On a observé certaines tendances générales en matière d'élimination des produits pharmaceutiques. Par exemple, les processus biologiques permettent habituellement d'éliminer facilement l'ibuprofène, tandis que l'adsorption sur les matières solides fonctionne souvent mieux pour les antibiotiques comme la ciprofloxacine, ce qui peut entraîner des problèmes au chapitre des biosolides. La carbamazépine, un médicament contre l'épilepsie, demeure essentiellement inchangée tout au long du processus de traitement. Toutefois, les résultats relatifs à l'élimination varient considérablement d'une étude à l'autre ainsi que d'une catégorie de composés à l'autre.

Par ailleurs, certaines études révèlent des concentrations de produits pharmaceutiques plus élevées dans les eaux usées traitées que dans les eaux usées non traitées, ce qui est contre-intuitif. Les produits pharmaceutiques sont parfois excrétés sous forme de métabolites ou de conjugués qui peuvent reprendre la forme du composé d'origine en cours de processus. Des composés adsorbés peuvent également être libérés pendant le processus de traitement, ce qui entraîne une augmentation des concentrations dans les eaux usées traitées. C'est normalement le cas de composés comme le diclofénac.

Les réactions des produits pharmaceutiques qui se produisent pendant le processus de traitement des eaux usées faisant appel à des techniques comme la désinfection au chlore, à l'ozone ou par rayonnement ultraviolet peuvent entraîner la création de produits de réaction. La disparition du composé d'origine ne signifie donc pas nécessairement que les métabolites ou produits de réaction potentiellement toxiques pouvant s'être formés en cours de processus ont été éliminés. Le processus visant à découvrir et à définir la toxicité des produits de réaction est très complexe et peut s'échelonner sur un certain nombre d'années.

Il y aurait deux grandes méthodes pour réglementer les rejets de produits pharmaceutiques et de substances organiques à l'état de trace. La première consisterait à limiter les concentrations permises dans les effluents, et la seconde, à limiter ainsi qu'à surveiller la réponse des organismes présents dans les eaux réceptrices en vue de définir des seuils d'intervention. Au Canada, le Règlement sur les effluents des systèmes d'assainissement des eaux usées, adopté en 2012, obligera toutes les installations d'une certaine capacité à intégrer dans leur processus un traitement de niveau secondaire, lequel correspond généralement au traitement biologique. On prévoit qu'une installation sur quatre sera visée par cette exigence, et le Conseil canadien des ministres de l'environnement évalue les coûts d'observation à environ 10 à 13 milliards de dollars. Le traitement secondaire ne permettra cependant pas d'éliminer tous les produits pharmaceutiques.

L'échantillonnage exigé par le nouveau règlement coûte environ 50 $ l'échantillon. Le coût de dépistage de certains produits pharmaceutiques sélectionnés dépasserait les 500 $ l'échantillon. Cela suppose toutefois l'existence d'une liste définie de produits pharmaceutiques devant être surveillés et réglementés, ce qui, à ce jour, n'est toujours pas le cas. L'élimination des produits pharmaceutiques nécessite un traitement de pointe et la mise à niveau des usines de traitement à cette fin coûterait extrêmement cher, quand on sait que la mise à niveau des installations canadiennes pour le traitement secondaire seulement coûtera de 10 à 13 milliards de dollars.

Évaluer les risques et surveiller la réaction des organismes dans les eaux réceptrices de l'ensemble de l'effluent, plutôt que les composés individuels, est une autre option. Toutefois, celle-ci coûte plus cher, et il faudrait un cadre normalisé d'évaluation de la réaction, ce qui n'existe pas à l'heure actuelle. Compte tenu que les divers produits pharmaceutiques ont un mode d'action fort varié, il est difficile de trouver une réaction indicatrice de la toxicité de tout l'effluent, et la question de ce qui constitue une réaction acceptable s'impose également. Sommes-nous seulement préoccupés par les effets sur les populations de poisson, ou nous préoccupons-nous également des effets sur les bactéries et les autres organismes au bas de la chaîne alimentaire?

En conclusion, les produits pharmaceutiques excrétés par les humains pénètrent dans l'environnement par l'entremise de l'évacuation des eaux usées. En général, le traitement des eaux usées n'est pas conçu pour en éliminer complètement les produits pharmaceutiques et n'y parvient pas. D'ailleurs, dans certaines situations, il peut en accroître la concentration en raison de la conversion des métabolites, et la désinfection peut former des produits de réaction. Des usines de traitement des eaux usées spécialement conçues pour éliminer les produits pharmaceutiques seraient extrêmement coûteuses. Une solution plus probable serait d'utiliser des évaluations des risques adaptées à chaque endroit pour déterminer la toxicité de l'effluent dans son ensemble. Ce genre de solution servirait également de mesure de protection dans le futur lorsque surgiront des problèmes de pénurie d'eau et de réutilisation de l'eau.

Pour faciliter cette approche, la définition de ce qui est considéré comme une réaction acceptable devra faire l'objet d'un consensus accru. Bien que de nombreuses études aient été réalisées ces 10 dernières années à ce sujet et que nos connaissances en la matière soient plus poussées que jamais, il reste encore beaucoup de travail à faire pour comprendre toute l'ampleur du problème et ses implications.

Le président : Merci. Je donne maintenant la parole à Rebecca Klaper, professeure agréée de la School of Freshwater Sciences de l'Université du Wisconsin-Milwaukee.

Rebecca Klaper professeure agréée, School of Freshwater Sciences, Université du Wisconsin-Milwaukee, à titre personnel : Merci, sénateurs, de me donner l'occasion de vous faire part de mes préoccupations concernant la présence de produits pharmaceutiques dans l'environnement et leurs conséquences possibles sur celui-ci.

Je suis professeure agréée à la School of Freshwater Sciences de l'Université du Wisconsin-Milwaukee, où je mène depuis 10 ans des travaux de recherche visant à mesurer les produits pharmaceutiques et d'hygiène personnelle présents dans les réseaux d'eau douce ainsi que leurs incidences potentielles, en particulièrement sur les Grands Lacs.

Les produits pharmaceutiques ont changé de façon radicale la façon dont nous traitons les maux. Nous avons maintenant des médicaments qui nous permettent de modifier notre physiologie pour influencer tout, depuis le fonctionnement de notre cerveau jusqu'aux hormones associées à la reproduction. Bon nombre des médicaments que nous consommons sont toujours intacts ou à peine altérés lorsque notre corps les élimine et qu'ils se retrouvent dans les eaux usées. Or, les installations de traitement des eaux usées n'ont pas été conçues pour éliminer ces composés, même si elles y parviennent dans une certaine mesure, comme vient tout juste de l'expliquer Mme Krkosek.

Les produits pharmaceutiques pénètrent également dans l'environnement lorsque les infrastructures vieillissantes brisent ou ne suffisent pas à la tâche, ce qui, je suppose, est tout aussi courant au Canada que ce l'est aux États-Unis, lorsque les biosolides sont utilisés comme engrais et lorsque des produits pharmaceutiques sont employés dans l'agriculture et dans les milieux urbains. L'agriculture consomme énormément de produits pharmaceutiques, ce que l'on sous-estime souvent.

Des études menées partout dans le monde au cours des deux dernières décennies indiquent la présence de ces composés dans nos lacs et nos cours d'eau, ce qui soulève de plus en plus de préoccupations non seulement chez les scientifiques, mais également chez la population en général à mesure que sont publiées un nombre croissant d'études sur le sujet. Si les produits pharmaceutiques ne sont devenus une question importante qu'au cours de la dernière décennie, ce n'est pas parce qu'ils sont soudainement apparus dans l'environnement — cela fait des dizaines d'années qu'on en libère dans l'environnement —, mais plutôt en raison des progrès technologiques, qui permettent maintenant aux scientifiques comme moi de mesurer ces composés que l'on retrouve en très faible concentration dans nos lacs et nos cours d'eau.

Étant donné que ces composés sont présents en très faible concentration, bien en deçà de ce qui est considéré comme étant une dose thérapeutique pour les humains ou utilisé dans les nombreuses études médicales, leurs conséquences sont méconnues, particulièrement sur la faune et la flore, les organismes présents dans l'environnement et les processus importants de nos écosystèmes. En l'absence de renseignements sur ces incidences et vu le tollé que soulève la présence de ces contaminants, les efforts visent surtout, jusqu'à présent, l'élimination par les usines de traitement des eaux usées et les programmes de points de collecte. Cela dit, les études montrent que cela ne suffit pas. La question qui s'impose, c'est de savoir si, en tant que société, nous devrions faire quelque chose pour régler ce problème et quelles sont les meilleures solutions à envisager.

J'aimerais mettre l'accent sur trois points en particulier aujourd'hui. Premièrement, les conséquences globales de la présence de ces composés dans l'environnement sur les organismes et l'écosystème sont méconnues. Nous savons toutefois que des indices révèlent que certains composés ont bel et bien une incidence malgré la faible concentration à laquelle ils s'y trouvent et constituent, par conséquent, une source de préoccupation. Deuxièmement, nous devons déterminer quelles sont les meilleures technologies de traitement pour éliminer les produits chimiques les plus préoccupants, en plus d'examiner les problèmes liés aux infrastructures. Troisièmement, il faut examiner le système complet de fabrication, de distribution et d'élimination des produits pharmaceutiques pour déterminer quelles sont les meilleures méthodes à employer afin de limiter le plus possible la présence de ceux-ci dans l'environnement.

Nos propres travaux de recherche révèlent que divers médicaments d'utilisation courante, des antibiotiques aux antidépresseurs en passant par les médicaments contre le diabète, se retrouvent dans les Grands Lacs et, en particulier, dans le lac Michigan. Les concentrations décelées varient de quelques nanogrammes à des microgrammes par litre d'eau, une très petite concentration de 100 000 à 1 000 fois inférieure aux milliers de milligrammes consommés quotidiennement par une personne qui prend ces médicaments. Par le passé, on soutenait que la concentration était trop négligeable pour avoir des conséquences pour l'environnement. C'est en fonction de cela qu'ont été déterminés les niveaux maximum autorisés par les lois et règlements et les tests exigés pour le processus d'approbation des médicaments.

Ceci m'amène à mon premier point. Bien que les médicaments soient décelés dans les cours d'eau partout dans le monde, les conséquences globales de la présence de ces composés dans l'environnement pour les organismes et l'écosystème demeurent méconnues. En tant que société, nous investissons trop peu pour déterminer quelles sont ces conséquences, et il nous est donc difficile de trouver des solutions et de déterminer quels sont les investissements les plus judicieux. Toutefois, nous savons que des indices révèlent que des composés ont des conséquences à un faible niveau de concentration et que, par conséquent, il y a lieu de s'en préoccuper.

Certains médicaments font effet à très faibles doses, en particulier chez les organismes tels que le poisson, dont le corps de petite taille n'arrive peut-être pas à métaboliser ou à rejeter ces composés aussi facilement que le corps humain. Par exemple, dans mon laboratoire, nous avons découvert qu'à petite dose, la fluoxétine, ingrédient actif que l'on retrouve dans les Prozac, peut provoquer des changements de comportement chez le poisson en ce qui a trait à la reproduction et entraîner un déclin du taux de reproduction de ce poisson. D'autres laboratoires sont parvenus à des résultats semblables avec d'autres composés d'antidépresseurs et ont également constaté des différences entre les poisons et les humains au niveau de l'absorption par le métabolisme. Les hormones semblent également agir à très faibles doses, et des indices révèlent que la présence de contraceptifs oraux et d'hormones utilisées en agriculture seraient nuisibles à la reproduction de certaines espèces de poisson en milieu naturel.

La consultation des bases de données et des ouvrages scientifiques en matière de toxicologie au sujet des conséquences des produits chimiques à des niveaux de concentration auxquels nous les retrouvons dans le lac Michigan, nous a permis de conclure que, pour un sous-ensemble des médicaments décelés, nous détenions suffisamment d'information pour déterminer qu'il y a matière à préoccupation, depuis l'émissaire d'évacuation jusqu'à une distance de 3 kilomètres, pour environ 12 des 50 composés que nous avons mesurés. Toutefois, pour beaucoup de ces produits chimiques, nous avons peu de données et ne pouvons déterminer l'incidence aux niveaux observés dans nos lacs et cours d'eau, y compris les Grands Lacs. En outre, chaque produit chimique fait partie d'un vaste ensemble de composés détectés. Comme d'autres, nous avons constaté que, même si un produit chimique n'a, à lui seul, aucune incidence à faibles doses, un effet de synergie peut se produire lorsqu'il se mêle à d'autres, de sorte que l'exposition à deux produits chimiques combinés est supérieure à la somme de la réaction de chacun des produits chimiques pris séparément. Les données sur l'incidence des mélanges sont gravement lacunaires.

Ceci m'amène à mon deuxième point. À l'heure actuelle, aucune technologie de traitement unique n'élimine complètement tous les produits chimiques préoccupants. Un résumé de toutes les technologies disponibles de traitement de l'eau réalisé par l'Environmental Protection Agency des États-Unis montre que chaque traitement permet d'éliminer une portion des produits chimiques à l'état de traces, mais qu'aucun n'élimine complètement tous les composés. Puisqu'aucun n'élimine tous les contaminants, comment pouvons-nous effectuer les meilleurs investissements dans les traitements sans savoir quels produits chimiques devraient être ciblés pour l'élimination? La question est de savoir si le meilleur mécanisme pour régler le problème des produits pharmaceutiques est d'investir dans des technologies de traitement supérieures et d'en multiplier le nombre en application. Nous ne pouvons être certains que cela résoudra le problème. En effet, à moins d'avoir les données sur l'incidence de ces produits chimiques pour savoir si nous ciblons les bons composés pour l'élimination et s'ils sont éliminés au point de ne plus avoir d'incidence, nous fonctionnons à partir de renseignements incomplets.

Par ailleurs, nous ne pouvons régler complètement le problème sans tenir compte des émissions des installations de production, des hôpitaux, des fuites de nos infrastructures vieillissantes et des eaux de ruissellement venant des terres agricoles où l'on a épandu des biosolides provenant d'usines de traitement des eaux usées. Une évaluation de stratégies de contrôle multiples s'impose, et non uniquement des progrès en matière de traitement des eaux usées.

Ceci m'amène à ma dernière observation. Nous devons envisager des mécanismes de rechange multiples afin de réduire autant que possible les dommages à l'environnement causés par ces produits chimiques, y compris non seulement la recherche de nouvelles technologies de traitement des eaux usées, mais également la considération d'un cadre de réglementation pour accroître la sensibilité des tests exigés pour définir les risques pour l'environnement. Ce faisant, nous devons trouver des moyens de favoriser l'évaluation environnementale.

Il faut tenir compte du potentiel d'ordonnance excessive pour les humains, l'agriculture doit être évaluée, de même que de l'élimination de ces produits chimiques, qu'ils se présentent sous forme de comprimés individuels ou soient intégrer aux biosolides.

En investissant dans la recherche, en définissant l'incidence des produits pharmaceutiques dans l'environnement, en évaluant nos infrastructures actuelles et en envisageant des changements de comportement relativement aux ordonnances et à l'utilisation de ces produits chimiques, nous pouvons mieux faire face à ce problème.

Je suis reconnaissante au comité sénatorial de se pencher sur les conséquences possibles pour l'environnement des produits pharmaceutiques et je remercie les sénateurs de m'avoir donné l'occasion de livrer le présent témoignage. Je serai ravie de répondre aux questions.

Le président : Nous passons maintenant aux questions.

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup à vous deux d'être venues aujourd'hui faire part de vos connaissances dans le domaine. Cela nous est utile dans notre étude.

Vous avez mentionné la préoccupation que soulèvent les antibiotiques et la façon dont ils sont utilisés. Je vais commencer par cela, car de nombreux organismes, y compris l'Organisation mondiale de la santé et les Centers for Disease Control and Prevention aux États-Unis, soutiennent que nous sommes en fait en situation de crise pour ce qui est de la résistance aux antibiotiques. Nous savons également que la grande majorité des antibiotiques sont utilisés pour traiter les animaux, et non les humains. D'ailleurs, la majorité de ceux qui sont administrés aux animaux ne servent pas à aider l'animal à combattre un pathogène, mais plutôt à favoriser sa croissance.

Nous avons également entendu dire qu'il y a d'autres produits, des produits de soins personnels, comme les savons pour les mains. En fait, la FDA se penche là-dessus également parce que tous ces produits ont des répercussions sur l'environnement.

Je me demande si vous pourriez parler de la pénétration dans l'environnement de polluants provenant du lessivage depuis les sites d'enfouissement ou des systèmes de distribution d'eau, et plus particulièrement de la crainte qu'elle contribue au phénomène de la résistance aux antibiotiques et des répercussions qu'elle a sur l'environnement.

Mme Klaper : Cela nous préoccupe certainement grandement. Il y a plusieurs chercheurs à Milwaukee qui examinent la présence de gènes de résistance aux bactéries dans des populations bactériennes naturelles qui se trouvent dans les Grands Lacs afin de déterminer si cela entraînera des problèmes plus tard.

Je pense que, comme vous l'avez dit, certains de ces médicaments sont prescrits comme des prophylactiques pour le bétail et aboutissent dans notre système alimentaire, tout comme les bactéries, pour cette raison. C'est certainement très inquiétant.

En plus des risques de résistance aux bactéries qu'ils entraînent, il a été démontré que les antiseptiques contenus dans les savons pour les mains se décomposent en composés apparentés aux dioxines, ce qui aggrave le problème initial. Le Minnesota a interdit l'achat de produits contenant du tricolasane et du triclocarban, les deux principaux composés antiseptiques que l'on trouve dans les produits antibactériens. L'État n'achète plus rien qui contient ces deux composés. Je pense que d'autres États, l'EPA et la FDA, estiment également que ces composés peuvent être des modulateurs endocriniens. Cette préoccupation est justifiée, et certaines personnes tentent de trouver une solution à ce problème.

Le président : Madame Krkosek, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Krkosek : Non. Je pense que ma collègue a donné une très bonne réponse.

Le sénateur Eggleton : Madame Krkosek, dans votre mémoire, vous avez indiqué que les coûts associés à la conception d'installations de traitement s'occupant exclusivement de l'élimination seraient extrêmement élevés. Je pense que vous avez toutes les deux dit cela. Il ne semble donc pas que ce sera la solution à court terme qui sera adoptée, bien que je suppose qu'il y ait des méthodes qui pourraient être utilisées pour atténuer les coûts dans une certaine mesure.

D'après ce que vous dites toutes les deux, j'en déduis que vous n'avez pas à vous inquiéter pour tous les médicaments, seulement quelques-uns. En fait, madame Klaper, dans le cadre de votre intervention, vous avez précisé qu'il y avait des indications que certains composés avaient des répercussions lorsqu'ils étaient à de faibles concentrations et que, pour cette raison, ils suscitaient actuellement des préoccupations.

Est-il facile de repérer ces composés et qui devrait se charger de cette tâche : le gouvernement, l'organisme de réglementation? Comment pouvons-nous maîtriser la situation? Quels sont les composés que nous devrions examiner?

Mme Krkosek : Ce n'est pas une question à laquelle il est facile de répondre. Elle revient à déterminer les répercussions auxquelles nous nous attendons et ce que nous considérons comme des réponses acceptables.

En 2011 ou 2012, l'UE a proposé d'ajouter 15 différents produits pharmaceutiques à sa Liste des substances d'intérêt prioritaire. De nombreuses recherches ont été effectuées pour déterminer quels composés devraient figurer sur cette liste. En fin de compte, trois de ces produits y ont été ajoutés. C'était deux hormones, EE2 et E2, qui sont des composants de la pilule contraceptive, ainsi que le diclofénac, qui est un médicament anti-inflammatoire. Cependant, je ne crois pas qu'on ait, jusqu'à présent, mis en place des exigences relatives à la surveillance ou à la réglementation de ces composés.

Le sénateur Eggleton : Mais ils ont été identifiés.

Mme Krkosek : Ces composés sont des sources de préoccupation, et nous devrions les examiner plus attentivement à l'avenir.

Le sénateur Eggleton : Pour déterminer leur présence dans l'eau.

Mme Krkosek : Oui, mais il en existe beaucoup d'autres. Il s'agissait ici d'une perspective parmi d'autres de l'UE.

Mme Klaper : Aux États-Unis, nous avons une liste similaire. C'est la liste des contaminants préoccupants. Je crois que les hormones ont été inscrites à la liste. Cependant, sans les renseignements sur les effets, ces composés ne sont pas réglementés ou assujettis à une surveillance régulière. Nous avons donc le même genre de problème.

Nous savons que certains produits psycho-pharmaceutiques, les antidépresseurs et les anticonvulsivants, agissent à très faibles doses, et il est probable qu'ils agissent de façon similaire chez les humains. Cependant, nous n'examinons habituellement pas les effets à partir du même point. Par conséquent, les effets à faibles doses que nous observons chez les poissons peuvent être similaires à ceux que nous observons chez les humains qui viennent de se faire administrer une dose. On sait que les hormones agissent à très faibles doses.

Nous avons relevé au moins deux catégories, mais, comme l'a mentionné Mme Krkosek, il y a tellement de voies différentes que nous pouvons seulement assurer une surveillance minimale de ces voies pour l'instant, étant donné le niveau de financement disponible pour ce type de tâche.

Le sénateur Eggleton : J'ai lu un article. Il date de quelques années, mais il a été rédigé par le Natural Resources Defense Council des États-Unis, et il donne quelques suggestions d'améliorations que nous pourrions apporter. Je ne vais pas toutes les énumérer, mais je vais en lire quelques-unes.

Il y était question d'améliorer la conception des médicaments. Les médicaments devraient être conçus de manière à ce que le composé actif d'origine ou ses métabolites, s'ils sont biologiquement actifs, ne persistent pas dans l'environnement.

L'article parlait aussi de resserrer les processus d'approbation de la FDA. Au Canada, on parlerait plutôt des processus d'approbation de Santé Canada.

Les auteurs de l'article ont également parlé de la nécessité d'éliminer sans danger les produits pharmaceutiques par le biais de programmes de reprise des produits pharmaceutiques qui, selon ce que j'ai cru comprendre, existent dans certaines parties des deux pays, mais pas partout. Des pharmaciens ont comparu ici. Nous tentons de les convaincre de promouvoir davantage ces programmes. Ils reprennent les produits pharmaceutiques, mais la plupart des gens ne le savent pas.

Que pensez-vous de ces moyens d'aider l'environnement?

Mme Klaper : Il y a eu un mouvement d'amélioration de la conception des médicaments, un mouvement axé sur la « chimie verte ». Il visait à envisager les effets potentiels de toutes les substances contenues dans les produits pharmaceutiques, ainsi que les conséquences de leur consommation. C'est un mouvement qui n'a pas été très populaire. Cependant, je crois que nous devrions envisager une telle solution à l'avenir.

En ce qui concerne la réglementation, les sociétés pharmaceutiques américaines doivent se conformer actuellement aux exigences réglementaires suivantes. Si la teneur d'un composé dans l'environnement n'est pas supérieure à une partie par milliard en fonction des modèles élaborés par les sociétés, ces dernières ne sont pas obligées de mener des essais environnementaux sur les produits chimiques. D'après ce que nous savons grâce aux recherches dont nous venons de discuter, les hormones et certains des produits psycho-pharmaceutiques agissent à une plus faible dose que cela. Il serait donc une bonne idée de revoir cette réglementation.

Pour ce qui est des programmes de reprise de produits pharmaceutiques, ils sont importants. Cependant, comme je l'ai dit dans mon intervention, c'est une très petite partie du plus vaste problème relatif à la façon dont nous prescrivons des médicaments et à celle dont nous nous occupons des déchets des médicaments prescrits

Mme Krkosek : Je fais écho à ces sentiments. Comme nous l'avons mentionné, puisqu'il est impossible de réellement éliminer ces composés à l'aide d'un traitement des eaux usées, je pense qu'un contrôle à la source est une partie importante du processus. Il y a certainement un rôle à jouer dans la chimie verte, et possiblement dans le développement d'un plus grand nombre d'essais biologiques à ce niveau avant l'approbation des produits pharmaceutiques, mais nous devons savoir quelles sont les réponses et ce que nous cherchons vraiment.

La sénatrice Eaton : À votre avis, les polluants d'origine pharmaceutique devraient-ils être traités différemment des produits de soins personnels sur le plan des préoccupations environnementales? Est-ce que les produits de soins personnels font partie de votre recherche, ou est-ce que vous vous intéressez seulement aux produits pharmaceutique?

Mme Krkosek : Ils sont souvent liés. Quant au contrôle à la source, il y a différents enjeux

Du côté des produits pharmaceutiques, il peut y avoir un contrôle à la source pour le développement de médicaments et d'autres choses similaires, ainsi que pour l'utilisation des médicaments délivrés sur ordonnance. De plus, il peut y avoir un tel contrôle pour veiller à ce que les doses de ces médicaments soient appropriées et que ces derniers soient utilisés correctement. Cependant, pour ce qui est des produits de soins personnels, ce sont les consommateurs qui décident, et je crois que cela rend les contrôles beaucoup plus difficiles. Cependant, des mécanismes pourraient être mis en place afin de permettre un contrôle à la source pour le développement de ces produits également.

Mme Klaper : Je souscris à ces déclarations.

La sénatrice Eaton : Quand vous parlez d'examiner des nouvelles technologies de traitement des déchets, cela me fait penser aux bovins, aux produits de jardinage et au fait que, lorsque nous consommons des médicaments, ils entrent dans notre appareil digestif, puis ils en sortent. Nous ne pouvons pas changer ce fait.

Dans quelle mesure menez-vous des enquêtes sur la possibilité d'utiliser des plantes et des eaux marécageuses pour filtrer l'eau? Avez-vous vu ce qui est fait en Angleterre où des plantes et de l'eau sont utilisées à des fins de filtrage?

Mme Krkosek : De nombreuses collectivités se servent de terres marécageuses pour le traitement des eaux usées. Des études ont été effectuées sur la possibilité d'éliminer ces types de composés à l'aide de terres marécageuses, et c'est le même type de processus. Cela n'enlève pas tout. Ce processus permet une absorption et une biodégradation, mais pas l'élimination complète des composés. Il contribue certainement à éliminer une partie des composés, mais pas la totalité.

Mme Klaper : Je dirais aussi que ce processus n'est pas nécessairement une bonne solution pour une grande région urbaine où il y a beaucoup de déchets. Il n'y a aucun endroit où mettre une terre marécageuse pour traiter le volume de déchets qui s'y trouvent.

La sénatrice Eaton : Je pensais aux exploitations agricoles et aux petites collectivités. Est-ce que vous savez quel est le pourcentage de pilules jetées par les gens ou de médicaments passant par leur appareil digestif qui entrent dans l'eau? Nous pouvons empêcher ou décourager les gens de jeter leurs pilules dans les toilettes, mais il y a des choses que nous ne pouvons pas arrêter.

Mme Klaper : Voilà vraiment une question à un million de dollars! Beaucoup de gens tentent d'y répondre, et c'est très difficile. Du point de vue de la surveillance, nous tentons de vérifier ce qui se passe dans le corps humain. Le composé entre dans l'usine d'épuration et, à cause des bactéries, il revient parfois à sa forme initiale. Il est difficile de suivre ce qui entre...

La sénatrice Eaton : Ce sont les matières brutes et ce qui sort des appareils digestifs.

Mme Klaper : Exactement. Il y a des personnes qui ont tenté de se fonder sur ces deux choses, et elles sont parvenues à la conclusion que la situation est attribuable en grande partie à notre consommation de médicaments.

Je ne sais pas à quoi ressemblent les programmes de reprise de produits pharmaceutiques aux États-Unis. J'ai participé à l'un de ses programmes à Milwaukee où nous devions compter les pilules qui étaient retournées, et nous sommes en train de publier un article à ce sujet. Les gens gardent leurs médicaments très longtemps. Je pense que beaucoup de gens ne les jettent pas dans les toilettes. Ils les conservent dans leur armoire à pharmacie. Le plus ancien médicament qui a été retourné date de 1963. Je ne sais pas s'il est courant de jeter les médicaments dans les toilettes.

La sénatrice Eaton : Y a-t-il une différence entre jeter des médicaments dans les toilettes et les jeter dans un site d'enfouissement? Est-ce que les deux ont le même effet?

Mme Krkosek : Les médicaments n'entreraient pas par la même voie. Les médicaments jetés dans les toilettes passeraient par une usine d'épuration des eaux usées avant d'être déversés dans l'eau.

Pour ce qui est des sites d'enfouissement, cela dépend de la sorte de sites. Par exemple, la plupart des sites d'enfouissement modernes ont un revêtement et sont dotés d'un dispositif de collecte du lixiviat, qui fait souvent l'objet d'un traitement lui aussi. Cependant, le traitement serait différent parce qu'il s'agit de déchets complètement différents.

La sénatrice Eaton : Il n'y a donc pas une méthode qui est plus sécuritaire que l'autre?

Mme Krkosek : Pas nécessairement. Ce sont deux flux très différents, et je ne connais pas très bien la documentation sur le traitement des produits pharmaceutiques durant l'écoulement des lixiviats des sites d'enfouissement

La sénatrice Stewart Olsen : Merci, mesdames, d'être venues. Vos interventions sont très instructives. Comme le sénateur Eggleton l'a souligné, beaucoup de questions se posent, mais je vais seulement me concentrer sur quelques- unes d'entre elles.

Plusieurs d'entre nous obtiennent leur eau potable des régions rurales canadiennes, ainsi que des puits et des fosses septiques. Avez-vous fait des études sur la salubrité de l'eau dans les puits? Je sais que c'est la même nappe phréatique, les mêmes aquifères et tout le reste, mais est-ce que l'eau provenant des puits serait plus salubre, à votre avis? Je ne sais pas s'il y a une étude à ce sujet.

Mme Krkosek : C'est aussi une question à laquelle il est très difficile de répondre. Les réservoirs aquifères sont des endroits très compliqués. Cela dépend si ce sont des aquifères profonds ou peu profonds, s'il y a des contributions des eaux de surface, et s'il y a de l'eau filtrée à travers la berge d'une rivière qui peut pénétrer dans un aquifère. Dans de telles situations, il est possible que des contaminants pénètrent dans l'aquifère par le biais de sources d'eau de surface. Cependant, si l'aquifère est plus profond et n'est pas relié à la surface, la chance que ces composés entrent dans l'aquifère sont beaucoup plus faibles.

En ce qui concerne le traitement sur place des eaux usées, quelques études ont été menées sur les fosses septiques, et le processus est le même que ceux dont nous avons parlé, c'est-à-dire qu'il ne permet pas l'élimination complète de tous les composés.

La sénatrice Stewart Olsen : Avez-vous mené les mêmes études sur l'eau salée que sur l'eau douce? Je pose cette question surtout à cause des poissons et de la pisciculture. Est-ce que vous menez vos études près des piscicultures, ou croyez-vous qu'il faudrait mener plus souvent des études dans les environs de celles-ci?

Mme Klaper : Non, pas vraiment, en raison de notre emplacement sur les Grands Lacs, mais j'ai des collègues qui prélèvent régulièrement des échantillons dans les eaux salées, et nous observons les mêmes contaminants présents dans ces eaux que dans les eaux douces, et les conséquences potentielles sont les mêmes.

Quant aux piscicultures, je suppose que c'est une question à deux volets. Beaucoup de médicaments sont utilisés dans les piscicultures. Les gens ont surveillé certains des antibiotiques et des hormones qui sortent des piscicultures, et ils aboutissent dans l'eau. Mais est-il possible que les piscicultures, qui sont situées en aval d'une usine d'épuration des eaux usées ou d'une zone de ruissellement des terres agricoles, reçoivent aussi certains contaminants?

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, mesdames Klaper et Krkosek, de vos excellentes interventions qui nous donnent amplement matière à réflexion. Merci d'avoir partagé avec nous votre expertise professionnelle, qui est d'une importance cruciale ici.

Vous avez toutes les deux parlé de l'effet synergique et de l'importance d'en tenir compte quand il est question de produits pharmaceutiques, puis vous avez parlé de mesure et de surveillance. J'aimerais vous questionner sur ces aspects, si vous le permettez.

Ces produits pharmaceutiques pénètrent dans l'environnement par diverses voies d'entrée et, comme vous l'avez dit, les usines d'épuration des eaux usées représentent seulement l'une d'entre elles. Il y a également le lessivage dans les eaux souterraines depuis les sites d'enfouissement et le débordement des eaux pluviales.

En fonction de votre expérience aux États-Unis, j'aimerais vous demander, et plus particulièrement à Mme Klaper, si vous croyez qu'il devrait y avoir une surveillance environnementale menée par notre agence de protection de l'environnement pour évaluer les répercussions sur ces trois points d'accès?

Mme Klaper : Je dirais que oui. Nous avons certainement besoin de mettre en place davantage d'outils de surveillance pour surveiller les répercussions des choses dont vous parlez.

Je pense que, aux États-Unis, la Commission géologique des États-Unis se charge de cette fonction, mais elle ne peut pas le faire pour tous les cours d'eau. Comme Mme Krkosek le disait, les types de contaminants varient vraiment en fonction de l'emplacement. Je pense que mettre en place un programme de surveillance au sens large, dans le cadre duquel on déterminerait les intrants potentiellement importants qui entrent dans les emplacements contenant des composés variés, représenterait un bon premier pas.

La sénatrice Seidman : Madame Krkosek, je crois que c'est vous qui avez affirmé qu'il n'y avait pas de cadre standard pour évaluer la réponse dans notre environnement. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Mme Krkosek : Oui. Il est très difficile de déterminer les répercussions qu'ont individuellement et collectivement ces composés sur chacun des différents organismes à des paliers différents, parce qu'il y a tellement de composés, que leurs modes d'action et leurs voies biologiques varient tellement et qu'il y a un grand nombre d'organismes différents dans les eaux réceptrices.

C'est donc une question très compliquée et, à ce stade, bon nombre de recherches sont menées sur plusieurs de ces aspects. D'après ce que j'ai vu à présent, aucune approche n'a été adoptée pour déterminer les répercussions que nous devons évaluer et les composés sur lesquels nous devons mettre l'accent parce qu'il s'agit d'une question très complexe.

La sénatrice Seidman : Les aspects de surveillance et de mesure sont donc d'une importance cruciale.

Madame Klaper, vous avez dit que l'évaluation de notre cadre réglementaire pour accroître la sensibilité des analyses des risques de dommage à l'environnement était une proposition parmi d'autres parce que nous devions envisager plusieurs autres mécanismes.

Je suis sûre, madame Krkosek, que c'est ce que vous croyez vous aussi. En tant que membres d'un comité sénatorial, nous tentons de comprendre les propositions et de formuler des recommandations. Comment peut-on modifier le cadre réglementaire pour accroître la sensibilité des analyses et faire avancer le processus en réglant certains de ces problèmes?

Mme Klaper : Je pense que cela pourrait être fait en exigeant que des essais environnementaux soient effectués, peu importe les prévisions relatives aux concentrations qui pourraient pénétrer dans l'environnement. Nous avons des essais écologiques normalisés qui pourraient permettre, du moins de manière approximative, de déterminer si la reproduction d'un poisson a changé, par exemple s'il y a des effets à long terme. Ces effets chroniques sont très importants.

Comme il a été mentionné, la toxicité aiguë n'est pas vraiment le problème. Le véritable problème, c'est l'exposition prolongée à de faibles concentrations.

Par exemple, aux États-Unis — tout comme au Canada, grâce au travail de Karen Kidd et d'autres —, on a beaucoup mis l'accent sur la perturbation endocrinienne et le dépistage de celle-ci. Nous avons mené des batteries de tests sur des êtres humains, ainsi que sur des poissons, qui nous ont permis de répondre à certaines des questions relatives à la perturbation endocrinienne.

L'élaboration de certains essais est d'une importance cruciale, mais il semble logique de mener quelques essais écologiques qui sont nécessaires pour la phase de développement des médicaments.

Mme Krkosek : Dans mon témoignage, j'ai parlé du Règlement sur les effluents des systèmes d'assainissement des eaux usées qui a été adopté l'année dernière. Des versions antérieures de ce règlement prévoyaient une certaine surveillance des effets écologiques, mais ces dispositions ont été éliminées dans la version finale.

Je ne me souviens pas de ce qui était prévu exactement dans cette surveillance des effets écologiques. Je sais que la toxicité aiguë est l'un des éléments abordés par la version actuelle du Règlement, mais on se penchait de manière un peu plus approfondie sur ce sujet dans les versions antérieures.

Dans l'étude initiale du Conseil canadien des ministres de l'Environnement concernant la Stratégie sur les eaux usées municipales, il y avait une partie sur l'évaluation des risques pour les eaux réceptrices. Je ne sais pas pourquoi elle a été enlevée. Il est vrai qu'il coûte déjà très cher de se conformer à ce programme, et que cette évaluation ne faisait que rendre ce coût plus élevé. Cependant, elle était prévue initialement, et je crois que ce serait une initiative valable.

La sénatrice Seth : Merci de cette séance très instructive. Nous sommes aux prises avec une situation très complexe et sans issue.

Vous nous avez parlé récemment de deux composés pharmacologiques dangereux, à savoir EE2, qui est un estrogène de synthèse, et un autre médicament, qui est un antidépresseur. L'utilisation chronique de ces médicaments a des effets sur la reproduction des poissons. A-t-elle les mêmes effets sur les êtres humains? Avez-vous fait des essais là- dessus?

Mme Klaper : Les poissons sont souvent utilisés comme modèles, surtout pour le développement humain. Nous avons des voies très similaires. Par conséquent, l'une des questions que nous nous posons dans notre laboratoire est comment la consommation de ces médicaments peut influer sur le comportement des êtres humains quand ils sont administrés à de très faibles doses? Nous nous demandons aussi si, par exemple, la consommation d'un antidépresseur par une mère aurait des répercussions sur le développement humain. Nous nous posons ce genre de questions.

Les gens se préoccupent de l'eau potable, plus particulièrement si certaines de ces substances chimiques se trouvent dans notre eau potable. Les quantités qui sont observées sont très faibles et, pour être franche, nous sommes à blâmer pour notre exposition à bon nombre de ces substances, comme celles contenues dans les produits pharmaceutiques et les produits de soins personnels que nous utilisons dans notre vie quotidienne. En effet, nous consommons des médicaments, nous nous enduisons de lotion, et c'est là notre principale voie d'exposition à beaucoup de ces substances.

La sénatrice Seth : Pouvez-vous nous parler des travaux de recherche en cours concernant les nouvelles technologies potentielles d'épuration des eaux usées? Pouvez-vous dire quelque chose à ce sujet?

Mme Krkosek : Bien sûr. Normalement, on utilise une approche uniforme et très conventionnelle pour l'épuration des eaux usées. Cependant, en raison des progrès récents dans l'épuration des eaux usées, diverses options ont été examinées, dont certaines qui mettent en cause des membranes, ce qui suppose un contrôle physique. Les membranes permettent d'éliminer plus efficacement les produits pharmaceutiques, mais c'est également une technologie très coûteuse. Pour l'épuration des eaux usées, on ne peut pas utiliser une membrane très petite, ayant la taille d'un pore, à cause de tout ce qui se trouve dans ces eaux usées. Les coûts associés à la mise en œuvre d'un grand nombre de ces nouvelles technologies sont aussi prohibitifs à bien des égards.

Certaines de ces nouvelles technologies pourraient avoir des résultats prometteurs en ce qui a trait à l'élimination. Cependant, il faudra attendre longtemps avant que toutes les usines d'épuration les adoptent.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie des exposés que vous avez présentés.

Pour ce qui est de la gestion des eaux usées et des déchets contrôlés, elle s'exerce au niveau municipal, provincial et fédéral. Avez-vous observé quelque chose qui pourrait nuire à votre travail ou, au contraire, l'améliorer? Y a-t-il des politiques que nous devrions présenter pour améliorer la compatibilité à ces trois niveaux?

Mme Klaper : Les programmes de reprise — en tout cas, ceux aux États-Unis — émanent souvent des autorités municipales. En fait, notre district des eaux usées a participé très activement à certains de nos programmes de reprise. Ils entrent en conflit avec la réglementation fédérale des médicaments contrôlés, et doivent être soumis à un responsable de l'application de la loi. Je ne sais pas si vous avez la même réglementation ici.

Ces programmes ont été arrêtés et redémarrés quelques fois, parce qu'on se demandait s'ils seraient efficaces pour maîtriser les effets environnementaux et empêcher les médicaments de tomber dans les mains de personnes qui les vendraient illégalement ou qui les prendraient en quantités excessives. Il est difficile d'aller remettre des médicaments. Ce serait donc une bonne idée d'établir un cadre pour faciliter les mécanismes de ces programmes de reprise.

Pour ce qui est des technologies d'épuration, elles sont surtout adoptées à l'échelle municipale, mais les fonds pour les changements aux infrastructures et certains des plus grands changements politiques qui doivent se produire doivent être de plus grande envergure pour que les municipalités puissent justifier les dépenses relatives à la création de nouvelles infrastructures et technologies, ainsi que de programmes de surveillance.

Il y a réellement une interaction importante entre tous ces niveaux.

Mme Krkosek : Je peux parler de la façon dont l'épuration des eaux usées fonctionne au niveau provincial et fédéral. Elle est réglementée par les provinces. Le ministère fédéral de l'Environnement, quant à lui, a fixé les normes grâce au nouveau Règlement.

Je sais que les provinces se demandent actuellement comment elles devraient mettre en œuvre et appliquer ce nouveau règlement, et je pense que c'est à la base d'un grand nombre de discussions qu'elles ont entre elles.

Je pense que les prochaines années nous en dirons long sur le statut de cette relation.

Le sénateur Enverga : Je sais que vous avez surtout vérifié ce qui se passe au Canada et aux États-Unis, mais avez- vous aussi vérifié ce que font les autres pays? Se débrouillent-ils mieux que nous? Avez-vous réalisé plus de progrès qu'eux? Pouvez-vous nous dire si vous avez vu de telles situations se produire dans d'autres pays?

Mme Klaper : Les pays européens ont certainement eux aussi tenté de résoudre ce problème. Dans certains pays, il y a des médicaments qui ont été retirés du marché à cause de leurs effets potentiels.

La carbamazépine n'est plus prescrite dans certains pays parce qu'elle entraînait des changements de comportement. Toutefois, beaucoup de pays se trouvent dans la même situation. Nous avons tous les mêmes problèmes avec les traitements et les politiques. Nous avons des médicaments qui comportent certains avantages, ou ils ne seraient pas sur le marché. Tous les pays tentent de remédier aux conséquences associées à la consommation de ces médicaments.

Le sénateur Enverga : Est-ce que nous avons appris quelque chose des autres pays? Y a-t-il des mesures qu'ils ont adoptées que nous devrions nous aussi adopter? Y a-t-il des mesures que nous pourrions prendre pour développer de bonnes qualités?

Mme Krkosek : Je ne connais pas très bien les politiques des autres pays, mais tous les pays collaborent ensemble sur ce dossier et, grâce aux recherches effectuées, tout le monde examine ce que son voisin fait et ce qui devrait être fait.

La sénatrice Cordy : J'aimerais remercier les témoins. Elles ont donné d'excellents témoignages, et nous leur en savons gré.

Nous sommes sur le point d'en apprendre beaucoup à ce sujet, car en réalité, cela ne fait pas très longtemps que l'on étudie les implications de ce qui se produit dans nos réseaux hydrographiques. Alors jusqu'où irons-nous?

Madame Klaper, vous avez dit que les conséquences globales sont méconnues. Madame Krkosek, vous avez dit que le tableau des incidences potentielles est incomplet. Premièrement, sommes-nous en voie d'y remédier? À quel point la population générale est-elle au courant de ce qui se produit? Normalement, quand j'entends que le pourcentage d'un contaminant qui se retrouverait dans l'eau est faible, cela est généralement suivi d'une mention indiquant que cela n'aura pas d'incidence pour la consommation humaine.

Vous avez toutes deux parlé de l'incidence sur le poisson dans l'eau et j'en déduis que cela s'applique aussi à la vie végétale. Où en sommes-nous? À quel point le tableau de la situation est-il clair? Vous brossez aujourd'hui un tableau plutôt clair de la situation. Le public comprend-il bien l'incidence sur l'eau et la vie dans les réseaux hydrographiques?

Mme Krkosek : Je vais tenter de répondre à la deuxième partie de la question.

Je crois que la perception du public par rapport à toute cette question est curieuse. Les gens sont très inquiets lorsqu'ils apprennent qu'il y a des médicaments dans leur eau depuis ces 10 dernières années. Ils ont une idée erronée des niveaux de concentration de ces composés et de l'incidence potentielle de ces derniers sur la santé des humains. En général, les gens sont terrifiés d'apprendre qu'il y a quoi que ce soit dans leur eau.

Le problème ne tient pas tant à un danger pour la santé humaine directement lié à la consommation de ces médicaments présents dans l'environnement, mais plutôt à un danger sur le plan écologique. On pourrait faire plus pour éduquer le public à cet égard.

Mme Klaper : Pour ce qui est de la clarté de notre compréhension des effets, je crois que nous ne faisons que commencer à saisir comment étudier les conséquences. Nous avons fait des progrès dans mes 10 années de travail dans le domaine. De plus en plus d'études sont publiées. Les gens génèrent des idées sur la manière de s'y prendre compte tenu des centaines de produits chimiques qui pourraient être présents dans l'environnement. On examine certaines voies importantes.

Lorsqu'on examine la santé chez les humains, on s'intéresse souvent à la personne prise individuellement. Par contre, pour le poisson, par exemple, on s'intéresse aux populations. Si l'on veut savoir si une population de poisson va s'effondrer, on surveille les changements au niveau de la reproduction. Si l'on examine les voies de reproduction et les produits chimiques, cela fournit souvent beaucoup de renseignements. Je crois qu'on progresse.

La sénatrice Cordy : Je crois que vous avez toutes deux fait valoir le fait que souvent, ce n'est pas la présence d'un médicament en particulier, mais d'une combinaison de médicaments qui a une incidence sur la vie dans les lacs et les cours d'eau.

Lorsqu'une personne apprend qu'il y a des médicaments dans l'eau, elle s'empresse d'adopter l'eau embouteillée, quoique c'est en train de changer. Avez-vous analysé l'eau embouteillée? Est-elle différente de l'eau du robinet pour ce qui est des contaminants possiblement présents?

Mme Klaper : On a réalisé une ou deux études sur l'eau embouteillée. Dans bien des cas, cette eau provient de municipalités qui ont le même problème de présence de contaminants à l'état de traces. Ce n'est pas nécessairement une meilleure solution et je crois qu'on s'imagine à tort qu'il s'agit d'une eau plus propre et meilleure, sans compter que le contenant de plastique rejette des choses dans l'eau.

Mme Krkosek : J'ajouterais que, au Canada, l'eau embouteillée est traitée comme étant un produit alimentaire, et non comme une source d'eau potable. Par conséquent, les exigences en matière de traitement et de surveillance ne sont pas aussi strictes qu'elles ne le sont pour une usine de production d'eau potable.

La sénatrice Cordy : Alors l'eau potable n'est pas examinée aussi étroitement que l'eau embouteillée...

Mme Krkosek : L'eau potable n'est pas réglementée en tant qu'eau potable, mais plutôt en tant que source alimentaire.

Mme Klaper : C'est le contraire. L'eau potable est davantage réglementée que l'eau embouteillée.

La sénatrice Cordy : C'est curieux. Merci.

Le sénateur Stewart Olsen : En vous écoutant, je commence à me demander si possiblement, nous ne devrions pas mettre plus d'énergie dans le traitement au niveau de base du ménage plutôt que d'attendre qu'il se rende dans l'égout principal. Si nous avion un genre de méthode, les nouveaux lotissements résidentiels pourraient avoir l'obligation de mettre en place un genre de système. Je sais que cela serait plus dispendieux, mais tout compte fait je crois que ce serait une économie. Compte tenu des difficultés — et vous étudiez cela depuis 10 ans —, je me demande si nous n'aurions pas avantage à réorienter les efforts. Plutôt que de dire rapportez vos pilules et faisons cela, peut-être devrions-nous examiner le ménage à titre individuel et un genre de système qui purifierait les eaux usées. Qu'en pensez-vous?

Mme Krkosek : Je crois que c'est une excellente idée. La décentralisation du traitement des eaux usées serait le terme exact, ainsi que le traitement au niveau des ménages.

L'une des principales difficultés est que cela impute la responsabilité au propriétaire de s'assurer que tout fonctionne adéquatement et, du point de vue de la santé humaine, cela pourrait devenir un très gros problème.

Le sénateur : Je dirais que c'est complémentaire, mais c'est également une façon de dire aux gens qu'ils doivent faire très attention à ce qu'ils mettent dans le système.

Le sénateur Enverga : Nous parlons de moyens d'empêcher les gens de jeter les médicaments inutilisés ou périmés dans la toilette. Les médicaments ont tous les étiquettes disant de les prendre au repas ou l'estomac plein. Il serait peut- être judicieux de faire ajouter une étiquette avertissant de ne pas jeter dans l'eau ou la toilette, accompagnée peut-être d'une petite photo d'un poisson mort qui flotte? Est-ce que cela pourrait nous aider?

Je sais que nous avons beaucoup de pilules périmées. Comment demandons-nous aux gens de ne pas les jeter dans l'eau ni dans les ordures normales. L'étiquetage pourrait fonctionner. Qu'en pensez-vous?

Mme Klaper : Je crois que c'est une excellente idée. Comme vous l'avez mentionné dans le cas des bouteilles d'ordonnance, il semble que ce ne serait pas bien compliqué pour Walgreen's ou quelqu'un d'autre d'apposer un petit sceau. Mais il faut informer les gens sur la bonne façon de se débarrasser de leurs médicaments lorsqu'ils en ont terminé. Aux activités de collecte, les gens rapportent toutes sortes de choses.

Il faudrait une étiquette pour une panoplie de choses. Prenons les gros contenants de vitamines, par exemple. Je ne suis pas inquiet de l'élimination de vitamines dans la toilette, car si elles se retrouvent dans la nature, elles se feront probablement manger par les animaux qui en ont besoin. Ce sont des composés naturels.

Des shampoings et toutes sortes de choses prises au hasard sont également rapportés. Toutefois, il peut être plus difficile d'étiqueter les médicaments sans ordonnance.

Senator Enverga : L'étiquetage pourrait aider.

Mme Klaper : C'est une excellente idée et il serait relativement facile d'ajouter cette étiquette, j'imagine.

Le sénateur Seth : Qu'advient-il de ces médicaments périmés? Ne sommes-nous pas censés les rapporter aux pharmaciens? Comment ceux-ci les éliminent-ils?

Mme Klaper : Je ne suis pas certaine de la façon dont ça fonctionne au Canada, mais aux États-Unis, il y a des endroits désignés pour l'incinération de ces médicaments. Il y a une usine en Indiana, et une autre au New Hampshire. Tous les médicaments amassés lors des collectes ou par les pharmacies désignées points de collecte dans leur collectivité sont expédiés à ces incinérateurs et sont brûlés. Voilà comment on les élimine.

Certains organismes tentent de trouver d'autres solutions d'élimination, qui consistent essentiellement à détruire les médicaments sur place, au moyen d'un acide, je suppose, sinon d'une autre substance qui détruirait le produit chimique.

Le sénateur Seth : Une autre solution de rechange, serait de renvoyer les médicaments périmés aux sociétés pharmaceutiques, lesquelles devraient être en mesure de les éliminer, au même titre que les vaccins sont renvoyés, sans exception, au ministère de la Santé. Auparavant, on les jetait à la poubelle. C'était très dangereux. Maintenant, ils sont tous déposés dans une boîte spéciale. Plus personne ne distribue de maladie infectieuse. Pourquoi ne pourrions-nous pas faire ces petits gestes?

Mme Klaper : Je suis d'accord. Cela reprend mon troisième point, où je disais qu'il faut changer les comportements, fermer la boucle, retourner les médicaments aux sociétés pharmaceutiques et tenir celles-ci responsables de l'élimination. Ce serait un concept intéressant.

Le président : À propos de ce dernier point, les associations pharmaceutiques nous ont dit que la manipulation des produits pharmaceutiques retournés fait l'objet d'une réglementation très stricte pour des raisons évidentes. Pensez-y deux fois avant de dire qu'il faut les retourner aux sociétés pharmaceutiques. Ces sociétés vendent ces produits pharmaceutiques. L'idée d'un organisme de contrôle est de veiller à ce que tout matériel retourné est bel et bien détruit. Il y a donc une règlementation très importante en ce qui a trait à la collecte de produits pharmaceutiques inutilisés. Nous avons eu un témoignage à ce propos.

J'aimerais vous remercier toutes les deux. Vous mettez les choses en perspective. Il y a plusieurs niveaux à la perspective que vous décrivez aujourd'hui.

Madame Klaper, j'ai trouvé très intéressant votre observation comme quoi après tout, nous avons des produits pharmaceutiques originaux en grande quantité et que, lorsqu'on le décèle dans l'environnement, ce n'est que de l'ordre du nanogramme ou microgramme. Nous devons donc mettre cela en perspective pour ce qui est de la question du danger pour les humains. Par contre, certains organismes environnementaux auront peut-être un seuil de susceptibilité beaucoup plus faible que le nôtre.

Deuxièmement, vous avez toutes deux mentionné le potentiel synergétique de ces produits à de faibles niveaux de concentration. Cela représente également un problème de macro-niveau en ce qui a trait aux produits pharmaceutiques. Nous étudions les effets indésirables, et l'un de ces effets indésirables est de combiner de grandes quantités, relativement à ce dont vous parlez, conformément à l'ordonnance en raison des symptômes multiples. Nous tentons de trouver un moyen d'accroître considérablement le niveau de déclaration de réactions à des produits pharmaceutiques afin de déceler cela.

Pensons-y. S'il est très difficile, du moins à ce jour, d'obtenir une véritable réponse — ce qui signifie collecte de données — au sujet des effets indésirables d'un produit pharmaceutique dans une ordonnance de médicaments à un particulier, imaginons l'ampleur du problème lorsqu'il s'agit de surveiller l'environnement pour connaître l'incidence globale. Cela dit, nous devons garder les choses en perspective.

Quand on songe à ce qui se passe dans le monde et aux capacités informatiques massives qui se développent — l'informatique en nuage, et ainsi de suite —, il se pourrait très bien que les questions environnementales d'envergure puissent être consignées dans un système informatique qui, d'une quelconque façon, les mettrait en relation pour en déterminer les conséquences globales. Encore là vous avez mentionné que les conséquences dans un microsystème peuvent varier grandement les unes par rapport aux autres. Ce sont toutes des complications dont il faut tenir compte.

La dernière chose que je voulais mentionner fait suite à la question de la sénatrice Eaton, si je ne m'abuse, c'est-à- dire l'idée du traitement individuel. Je sais que certaines technologies, en particulier une qui est élaborée au Canada et qu'on introduit en ce moment, portent sur le traitement des eaux usées dans ce qu'on appelle les collectivités isolées. Un ménage individuel constitue une collectivité isolée. Un navire est une collectivité isolée. Un hôtel aussi, d'ailleurs. La technologie qui fait son entrée en ce moment gère quelque 250 personnes par jour.

Je le signale parce que leurs traitements de l'eau — et d'autres sont en élaboration à petites échelles relatifs à divers traitements par oxydation, que ce soit à l'ozone ou d'autres formes — détruisent vraiment très bien les produits chimiques. Dans certains cas, on frôle l'élimination complète — je dis frôle, car on ne peut jamais éliminer complètement. Jadis, une quantité exprimée en nanogrammes était considérée comme étant nulle. Aujourd'hui, on étudie la présence d'une telle quantité, l'interaction à cette échelle, et on la considère comme un problème environnemental. Je ne suis pas en train de dire qu'il soit possible de tout éliminer, mais le niveau d'élimination est poussé plus loin.

Il n'est donc pas inimaginable de penser que, si une entreprise peut fonctionner avec un produit gérant les besoins de 250 personnes, on pourra peut-être se procurer au centre du jardin local un appareil qui répondra aux besoins d'un ménage, et ainsi de suite. Et à partir de cette expérience, on fera d'autres progrès. Bien entendu, avec le temps, les êtres humains semblent parvenir à répondre à la plupart des questions.

Au nom du comité, je vous remercie d'avoir décrit votre travail, car l'information que vous rassemblez sera extrêmement importante pour savoir comment diverses technologies pourraient s'appliquer ou être adaptées aux problèmes que vous soulevez afin de réaliser des progrès. Toutefois, le plus important est de le récupérer et de le garder en perspective à mesure que nous progresserons, d'amasser les données que vous avez mentionnées, et, ultimement, de gérer les conséquences synergétiques potentielles.

Au nom du comité, je vous remercie toutes les deux de nous avoir fourni un point de vue fascinant sur le sujet de notre étude.

(La séance est levée.)


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