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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 3 - Témoignages du 26 février 2014


OTTAWA, le mercredi 26 février 2014

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, dans le cadre de son étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications

Le sénateur Leo Housakos (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ouverte.

[Traduction]

Aujourd'hui nous poursuivons notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

[Français]

Avec nous, ce soir, nous avons M. Hubert Lacroix, président de CBC/Radio-Canada.

[Traduction]

M. Lacroix est accompagné de M. Mark Allen.

Avant d'inviter M. Lacroix à livrer son exposé, je précise que, avec son accord, nos travaux commenceront un peu plus tard que l'heure habituelle de 20 h 45 pour se terminer à 21 h 30. Sans plus de cérémonie, je lui cède la parole.

[Français]

Hubert T. Lacroix, président-directeur général, Société Radio-Canada : Mesdames et Messieurs les sénateurs, merci de nous avoir invités ce soir dans le cadre de votre étude qui porte sur CBC/Radio-Canada et l'environnement changeant de la radiodiffusion.

[Traduction]

J'ai demandé à Mark Allen, directeur de la recherche et de l'analyse à Radio-Canada, de se joindre à moi, ce soir, parce que c'est lui qui a préparé le document sur l'analyse de l'environnement que nous vous avons remis et qu'il sera en mesure de répondre aux questions ou aux commentaires que vous pourriez avoir sur ce sujet. Je crois comprendre que notre analyse a été utile à votre travail et j'en suis heureux.

Votre étude arrive à point nommé. Vous savez déjà que notre environnement change. Permettez-moi de vous dire qu'il change rapidement, à un rythme effréné et sans relâche. La façon dont nous avons couvert récemment les Jeux olympiques d'hiver à Sotchi en est un bon exemple.

Plus de 33 millions de Canadiens ont regardé nos athlètes en compétition. Fait encore plus important, plus de 10 millions d'entre eux, un sur trois, ont suivi les Olympiques sur un ordinateur, une tablette ou un téléphone; 2,5 millions de francophones et d'anglophones ont téléchargé notre application olympique, ils ont consommé plus de 10 millions d'heures de contenu vidéo offert en direct et sur demande. Alors que la majorité des Canadiens ont regardé les jeux à la télévision, surtout en soirée, aux heures de grande écoute, l'écoute en ligne a augmenté de façon importante.

Vous vous demandez peut-être comment nous pouvions nous permettre de diffuser ces jeux et de livrer notre contenu sur toutes ces plateformes?

Commençons par les droits pour ces jeux. Certains observateurs ont dit que nous étions en concurrence avec les réseaux privés pour les obtenir. Que nous avions en quelque sorte fait de la surenchère avec les fonds publics. Faux! Lorsque le temps est venu de faire une offre pour obtenir les droits pour Sotchi et Rio, CBC/Radio-Canada s'est associée en partenariat avec Bell et Rogers. Le CIO a rejeté notre soumission conjointe et, par la suite, les deux radiodiffuseurs privés ont décidé de mettre fin à ce partenariat. Ils n'étaient plus intéressés à diffuser les Jeux. CBC/ Radio-Canada restait le seul radiodiffuseur en lice. Si nous n'avions pas poursuivi nos démarches, nos athlètes canadiens n'auraient reçu aucune couverture d'un radiodiffuseur canadien. Pensez-y bien. Ces jeunes femmes et jeunes hommes se préparent pendant des années, et personne, dans leur pays d'origine, n'a la chance de les voir à l'œuvre.

Ça ne pouvait pas arriver. Voilà pourquoi nous sommes allés de l'avant seuls et avons présenté notre propre soumission. Mais, pour que ça fonctionne au plan financier, nous avons complètement restructuré notre relation avec le CIO. En fait, nous nous sommes associés avec lui, puis nous nous sommes retournés pour établir des partenariats avec TSN et Sportsnet et un partenariat, qui marque une date importante, avec RDS et TVA Sports, pour qu'un plus grand nombre de Canadiens puissent profiter de la couverture des jeux en français et en anglais. Toutes ces ententes ont également permis de réduire nos coûts.

Puis, nous nous sommes concentrés sur la production des événements, et nous avons adapté les technologies les plus récentes pour améliorer notre service et, encore une fois, réduire nos coûts. Nous avons envoyé 287 employés travailler à Sotchi. Grâce à cette équipe, nous avons diffusé 1 519 heures à la télévision et 1 500 en ligne, avec 12 signaux. NBC avait envoyé environ 2 800 personnes sur place pour diffuser seulement 539 heures à la télévision (environ un tiers comparé à nous) et 1 000 en ligne (environ deux tiers comparé à nous). La BBC a envoyé 100 personnes pour produire à peine 200 heures à la télévision et 600 en ligne (avec seulement six signaux).

Comment avons-nous réussi à faire ça? Je vais vous expliquer. J'ai une vidéo à vous montrer.

[Présentation d'une vidéo]

[Français]

La clé de ce que vous venez de voir, c'est que le montage, l'édition et l'aiguillage ont été faits ici au Canada, par une équipe de 245 personnes réparties entre Toronto et Montréal. D'ailleurs, ces employés avaient l'habitude d'aller aux jeux pour y travailler sur place, comme ceux de NBC et de la BBC. Maintenant ils n'y vont plus parce que nous avons innové dans la façon de produire la couverture des Jeux olympiques. Voilà ma définition d'un diffuseur public moderne.

En passant, NBC et la BBC ont pris des notes tout au long des jeux et veulent maintenant savoir comment nous avons réussi à livrer cette couverture de la façon dont nous l'avons fait. Même si nous excellons dans ce type de couverture, il faut vous dire que notre environnement change de même que les réalités qui l'entourent.

Laissez-moi d'abord poser une question. Croyez-vous au contenu canadien? Si oui, le gouvernement n'a que deux outils politiques pour en assurer la promotion. L'un est la réglementation par le CRTC et l'autre est l'investissement de fonds publics. Comme d'autres personnes vous l'ont témoigné lors de vos séances de travail, la réglementation dans l'univers d'Internet devient de plus en plus difficile.

[Traduction]

C'est pourquoi la plupart des démocraties occidentales se sont concentrées sur l'investissement, surtout en radiodiffusion publique.

Dans votre dossier, vous avez un graphique qui montre le financement par personne des radiodiffuseurs publics de 18 démocraties occidentales. Le Canada se classe au troisième avant-dernier rang et ne devance que la Nouvelle-Zélande et les États-Unis.

Le financement que reçoit CBC/Radio-Canada est d'environ 1 milliard de dollars, ce dont nous sommes reconnaissants. Ce montant, qui inclut notre budget d'immobilisations, est réparti entre les 33 services que nous offrons : en français et en anglais, en huit langues autochtones, à la radio, à la télévision, en ligne et sur six fuseaux horaires.

Maintenant, comparons cela avec la BBC, qui reçoit près de 6 milliards de dollars en fonds publics et qui fonctionne dans une seule langue officielle et dans un seul fuseau horaire.

Actuellement, il en coûte environ 29 $ par année à chaque Canadien, soit 2,33 $ par mois, pour tous les services que nous offrons. En fait, beaucoup de gens paient davantage chaque jour pour leur café. Et c'est beaucoup moins que la facture mensuelle du câble ou le coût mensuel du journal.

Nous utilisons nos crédits parlementaires pour produire des émissions canadiennes de qualité dans toutes les régions du pays. Des émissions que, en fait, les auditoires aiment. Chaque semaine, 1,3 million de Canadiens regardent Murdoch Mysteries, 1 million, Dragon's Den, The Rick Mercer Report et Heartland, 2 millions, Unité 9, 1,5 million Les enfants de la télé, et plus d'un million, Les Parent et L'Auberge du chien noir.

Ces émissions permettent d'appuyer une industrie de la production indépendante ainsi que des entreprises et des communautés locales, partout au pays. En fait, une étude publiée par Deloitte, en 2011, a révélé que chaque dollar investi dans CBC/Radio-Canada en générait en fait presque quatre en valeur pour l'économie canadienne.

Il y a quatre ans, nous avons examiné l'environnement de la radiodiffusion et nous avons développé un plan stratégique quinquennal intitulé 2015 : Partout, Pour tous. Ce plan comportait trois priorités et une feuille de route pour les atteindre. Nous devions être plus canadiens, plus ancrés dans les régions du Canada et plus numériques. Laissez-moi vous expliquer où nous en sommes aujourd'hui.

La programmation canadienne constitue maintenant 86 p. 100 de la grille de CBC aux heures de grande écoute et 91 p. 100 de celle de Radio-Canada, ce qui, dans les deux cas, est bien au-dessus de l'exigence minimale de la condition de licence.

Arrêtons-nous un instant sur ce point. Ces graphiques sont dans votre dossier. Ils montrent nos grilles de télévision aux heures de grande écoute par rapport aux grilles des radiodiffuseurs privés. Tout ce qui est en rouge représente la programmation canadienne. Si créer et présenter des émissions canadiennes de qualité est important pour vous, CBC/ Radio-Canada est votre seule solution. Les radiodiffuseurs privés ne peuvent le faire; ils ne peuvent se permettre de le faire. Leurs modèles d'affaires ne leur permettent pas de le faire.

En fait, au cours de l'année de radiodiffusion 2013, l'investissement combiné de CBC/Radio-Canada dans la programmation canadienne a totalisé 732 millions de dollars, pendant que les dépenses combinées de tous les radiodiffuseurs privés pour la programmation canadienne totalisaient 614 millions.

Nous sommes plus solidement ancrés dans les régions du Canada. Nous avons accru nos émissions d'information locales et créé de nouveaux services de radio régionaux dans des communautés comme Kitchener-Waterloo, Saskatoon, Kamloops et Rimouski. L'énumération de nos investissements en 2015 se trouve dans le dossier.

[Français]

Nous avons investi dans des services numériques innovateurs à Hamilton, ainsi que sur la rive nord et la Rive-Sud de Montréal. Nous avons créé de nouveaux services de musique en ligne — music.cbc.ca et espace.mu qui mettent plus en valeur que n'importe où ailleurs les artistes canadiens. Nous avons créé un espace en ligne sécuritaire pour les enfants. Grâce à cbc.ca/kids, les enfants d'âge préscolaire créent leur propre espace de jeux sur mesure. Radio-Canada.ca a lancé une nouvelle série web, Le chum de ma mère est un extra-terrestre, qui permet aux enfants de 9 à 12 ans de développer leurs aptitudes sur Internet. Notre nouveau portail éducatif, curio.ca met toutes nos archives à la disposition des enseignants et des étudiants en informant, en éclairant et en divertissant les jeunes partout au pays.

Je suis très fier de nos réalisations, mais à vrai dire, c'est moins que ce que nous avions planifié. Nous avons dû rajuster nos plans afin d'absorber les réductions budgétaires, dont 115 millions de dollars de réduction pour nos crédits parlementaires. Cela représentait notre contribution au programme d'action de réduction du déficit du gouvernement.

[Traduction]

En 2014-2015 seulement, nous allons subir une réduction de 45,5 millions de dollars pour le PARD; une de 14 millions à cause d'un gel supplémentaire sur le financement pour l'inflation sur les salaires et une de 27 millions pour la programmation locale à la suite de l'élimination du Fonds pour l'amélioration de la programmation locale du CRTC. Et, en plus, nous devrons composer avec la perte du contrat de hockey de la LNH, ce qui aura un effet d'entraînement sur notre capacité à offrir et à vendre de la publicité sur nos autres émissions de télévision.

J'ai prévenu nos employés que nous devrons prendre des décisions difficiles cette année et dans le cadre de notre prochain plan stratégique quinquennal, pas seulement pour équilibrer notre budget, mais aussi pour prendre des décisions plus fondamentales concernant ce que nous sommes et ce que nous faisons. Nous ne pouvons restructurer constamment le radiodiffuseur public tous les ans.

Nous devons développer un modèle de financement durable, à long terme, pour la radiodiffusion publique au Canada. C'est un élément clé de notre réflexion au moment où nous préparons le plan stratégique que, pour le moment, nous appelons « Au-delà de 2015 ». Nous avons besoin que le gouvernement, le CRTC et les parties intéressées, pour qui la radiodiffusion publique est importante, se rendent compte qu'il nous faut une plus grande souplesse pour pouvoir exceller. C'est ce que je voulais dire quand j'ai parlé de « nuages noirs à l'horizon » dans une note adressée à nos employés le mois dernier.

Je ne pense pas que la réponse se trouve dans le fait de devenir une sorte de radiodiffuseur spécialisé dans un créneau, qui se contenterait de faire ce que les radiodiffuseurs privés ne feront pas ou qu'ils n'ont aucun incitatif commercial à faire. Aucun radiodiffuseur public au monde n'est placé dans cette sorte de carcan.

[Français]

Les Canadiens continuent de montrer qu'ils se fient à CBC/Radio-Canada pour les nouvelles et les affaires publiques, pour les dramatiques et les comédies canadiennes de qualité et pour des émissions de radio provocantes et réfléchies. D'ailleurs, la Loi sur la radiodiffusion nous donne le mandat d'offrir une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit. C'est dans la loi.

C'est d'ailleurs le premier commentaire que le nouveau président du CRTC m'a fait quand il a expliqué ses attentes envers CBC/Radio-Canada lors du renouvellement de nos licences en novembre 2012 : une très large programmation. Cependant, ne vous fiez pas uniquement à moi. Parlez aux Canadiens comme nous, découvrez ce qu'ils veulent, visitez les installations de CBC/Radio-Canada partout au pays et voyez tout ce que nous faisons pour les communautés. N'hésitez pas. Parlez à nos employés. Vous allez constater que l'industrie de la radiodiffusion change et que CBC/ Radio-Canada change en même temps.

[Traduction]

Mesdames et messieurs les sénateurs, avant de terminer, je veux soulever une autre question qui a été médiatisée et sur laquelle certains d'entre vous ont déjà formulé une opinion. J'espère que nous pourrons consacrer la plus grande partie de notre temps, ce soir, aux nombreux défis que doit affronter CBC/Radio-Canada, mais j'estime que je dois dire quelques mots sur mes dépenses.

La société et moi avons commis une erreur dans la méthode de remboursement de mes frais professionnels, qui avaient été autorisés, publiés et vérifiés trimestriellement.

Ayant toujours eu le souci de me plier aux normes les plus rigoureuses d'intégrité et de transparence et ayant voué ma carrière au développement de la gouvernance des sociétés, je peux vous dire que je me suis senti profondément embarrassé. L'erreur a été découverte l'été dernier pendant une enquête sur les ressources humaines qui portait sur un autre sujet. Quand on m'en a averti, j'ai été sidéré. J'ai immédiatement demandé une comptabilisation complète des sommes dues et j'ai remboursé de mon plein gré tout ce que je devais. J'ai averti notre conseil d'administration, le vérificateur général du Canada et le gouvernement du Canada.

Je m'en veux de ne pas avoir tiré au clair les règles concernant mes frais quand j'ai été nommé à mon poste. Et je suis profondément peiné que cela risque de porter atteinte à l'intégrité de CBC/Radio-Canada et à celle de la gestion des ressources publiques.

Je tiens à présenter mes regrets à mes collègues de CBC/Radio-Canada. Depuis six ans, je prêche la transparence et la reddition de comptes. Nous entrons maintenant dans une période où nous devrons affronter beaucoup de défis, et je tiens à assurer les employés de CBC/Radio-Canada qu'ils peuvent continuer à avoir confiance dans leurs dirigeants.

Je tiens aussi à demander à tous les Canadiens qui appuient CBC/Radio-Canada pardon pour cette erreur, cette négligence. J'ai pris des mesures pour que rien de tel ne se reproduise. Nous continuerons d'insister sur la franchise et la transparence. Ç'a été l'une de mes priorités à CBC/Radio-Canada.

Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le vice-président : Merci, monsieur Lacroix. Je tiens à rappeler à l'auditoire que nous sommes le Comité sénatorial permanent des transports et des communications et que nous poursuivons notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Monsieur Lacroix, merci encore une fois pour votre exposé.

Je tiens à rappeler à mes collègues leur empressement extraordinaire pour questionner M. Lacroix. Je demande à chacun d'abréger ses questions pendant la première série d'interventions, de se limiter à deux ou trois questions, d'éviter de poser d'innombrables sous-questions, pour que chacun ait son tour et que M. Lacroix puisse nous aider dans notre travail. Il y aura des séries ultérieures de questions.

Grâce à la générosité et, encore une fois, au temps que M. Lacroix met à notre disposition, nous serons ici jusqu'à 21 h 30. Nous ferons une pause de cinq minutes quand la première moitié de la séance sera écoulée.

Je cède maintenant la parole au sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Messieurs Lacroix et Allen, merci d'être ici.

Monsieur Lacroix, votre exposé m'a énormément impressionné. Je manifeste ici mon parti pris. J'aime énormément la radio de CBC. Vous lui avez consacré peu de temps, et je vous serais reconnaissant d'entendre vos idées à son sujet.

Allons directement à ce que vous avez dit sur Sotchi. Nous sommes tous très fiers de nos athlètes, mais je suis désireux de connaître le coût de votre entente sur Sotchi et de la livraison du produit ainsi que les revenus que vous avez tirés de la publicité.

Tout d'abord, l'affaire a-t-elle rapporté et, dans ce cas, combien?

Ensuite, quel est le coût de l'envoi de 287 employés à Sotchi? Je trouve que votre graphique comparatif avec les autres pays est très intéressant et très utile.

Enfin, vous avez mentionné un plan à long terme pour CBC/Radio-Canada. À quoi ressemblerait-il?

M. Lacroix : Sénateur, merci de vos questions. Parlons d'abord dollars.

L'entente de partenariat que nous avons signée avec le CIO comporte des clauses de confidentialité, mais je vais essayer de vous donner une bonne idée de ce qu'il en retourne sans entrer dans les détails. Évidemment, nous ne pouvons pas vous divulguer ce chiffre, parce que le CIO négocie avec tous les pays. Si un pays d'une taille semblable à celle de notre pays, avec le même genre d'environnement de radiodiffusion, divulguait ce que l'entente a rapporté, cela tournerait à son détriment dans les négociations ultérieures.

Quand nous avons annoncé cette entente et les négociations que nous avons eues avec le CIO, nous avons dit que les Canadiens avaient conclu une entente financièrement responsable pour les 287 personnes que nous avons envoyées là-bas, les coûts de production et les droits de radiodiffusion que nous avons payés. Et, grâce aux revenus — qui étaient exactement conformes à ce que nous avions prévu — nous pensons que nous allons empocher quelques millions pour CBC/Radio-Canada. Nous espérions rentrer dans nos frais et faire quelques dollars. Cela se passe exactement comme prévu et c'est ce que nous espérons, parce que, rappelez-vous, c'est une entente qui porte sur deux Jeux olympiques. Prochaine étape : Rio!

Nous obtenons toujours de meilleurs résultats, et la publicité est toujours plus facile à obtenir aux jeux d'hiver, où, vous l'avez constaté, notre pays gagne plus de médailles et pour lesquels l'intérêt des téléspectateurs est plus élevé. Nous espérons que les hypothèses que nous avons échafaudées pour Rio nous permettront d'obtenir le mieux pour les Canadiens, grâce à l'entente sur les deux Jeux olympiques.

Nous sommes dans la planification à long terme depuis quatre mois. Nous avons travaillé fort avec le comité stratégique de notre conseil d'administration et le conseil d'administration de CBC. Nous avons mis à contribution 150 employés de CBC/Radio-Canada pour élaborer ce plan. Nous espérons qu'il sera accessible d'ici la fin de l'année, parce que le plan de 2015, c'est évident, se termine en 2015. Notre année d'imposition se termine le 31 mars.

Nous espérons que, avant la fin de 2014, nous pourrons communiquer aux Canadiens notre vision de CBC/Radio-Canada et leur dire à quoi elle ressemblera dans cinq ans. Elle continuera cependant de miser sur le contenu canadien. Elle sera profondément ancrée dans les régions. Et le Web a pris une orientation — si vous avez vu les chiffres sur Sotchi — qui, évidemment, influera sur nos modalités de prestation de services.

Le sénateur Mercer : Et la radio, elle?

M. Lacroix : La radio est un élément clé du plan. C'est l'une de nos marques de commerce. Nous sommes très fiers de ce que nous faisons à la radio. C'est une signature. Elle est complètement intégrée, parce que nous ne l'appelons plus « radio ». Nous l'appelons « audio », de la même façon que la télévision est la « vidéo ». Par exemple, les gens qui travaillent dans les nouvelles les délivrent de manière fluide. Ils alimentent la radio, la télévision et le Web de manière organique.

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup de votre exposé et félicitations d'avoir réussi à présenter les Jeux olympiques aux Canadiens à peu de frais et avec efficience, comme vous l'avez expliqué.

En réponse à la question posée dans votre exposé, je crois fermement à la nécessité du contenu canadien, des histoires, des points de vue, des nouvelles et des émissions d'information d'ici. Ce n'est pas une mince tâche d'attirer les téléspectateurs, à cause de l'industrie du divertissement aux États-Unis. C'est un concurrent féroce, et sa proximité ne nous aide en rien. C'est une industrie populaire auprès de bien des Canadiens, mais je pense qu'il importe de continuer à raconter nos propres histoires.

Comme vous l'avez dit, il y a deux façons d'y parvenir. La réglementation du CRTC en est une, mais vous avez indiqué qu'en retirant beaucoup de contenu américain, les chaînes privées perdraient de l'argent et finiraient par disparaître.

L'investissement public constitue une autre solution et n'est pas forcément lié à un diffuseur public conventionnel. Comme les grands réseaux aux États-Unis, vous êtes un radiodiffuseur généraliste ou un réseau principal. Est-ce la meilleure avenue? Vous avez déjà une chaîne de nouvelles spécialisée. Serait-il plus sensé de passer à des chaînes spécialisées dans la comédie ou d'autres types de contenu canadien? Sinon, pouvez-vous justifier de rester un radiodiffuseur public généraliste?

M. Lacroix : Comme vous le savez, notre raison d'être et notre mandat découlent de la Loi sur la radiodiffusion, qui stipule que CBC/Radio-Canada doit proposer aux Canadiens une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit.

C'est pourquoi j'ai fait référence au commentaire de Jean-Pierre Blais. Durant les deux semaines de discussions sur le renouvellement de nos licences en 2012, nous savions tous que le mandat de Radio-Canada consiste à proposer une très large programmation. C'est le défi que nous devons relever. Nous cherchons toujours à moderniser nos divers services pour que les Canadiens en profitent et veuillent regarder notre programmation.

Un problème, c'est que la Loi sur la radiodiffusion date de 1991 et n'a pas été modifiée par la suite. La loi ne reflète évidemment pas le milieu de la radiodiffusion et ne fait pas référence à l'Internet, qui est un aspect important. Les divers acteurs du milieu doivent apporter une contribution.

Le financement public ne profite pas seulement à CBC/Radio-Canada. Le gouvernement a fait en sorte que le système finance lui-même les radiodiffuseurs privés de diverses façons. Mark va vous expliquer notre analyse contextuelle pour vous montrer que le contexte joue un rôle clé.

Mark Allen, directeur, Recherche et analyse, Société Radio-Canada : M. Lacroix signale que nous avons besoin de soutien pour offrir une programmation canadienne. Le secteur réglementé et privé reçoit du soutien et n'existerait pas sans les interventions qui figurent à la diapo 11 de notre analyse contextuelle.

Le secteur privé reçoit un certain nombre de soutiens directs et indirects inestimables qui lui permettent d'avoir une chaîne spécialisée ou d'acheter une émission américaine comme Big Bang Theory. Le CRTC doit lui accorder des licences pour ces services. Sinon, le privé ne pourrait pas faire des affaires.

Au total, le secteur privé reçoit environ 1 milliard de dollars par année en subventions indirectes.

Pour avoir un réseau de radiodiffusion canadien robuste, nous devons fournir du soutien. Malheureusement, la politique publique consiste à mettre la plupart des œufs dans le système réglementé, comme le montre la diapo 39. Depuis 20 ans, le financement de la radiodiffusion publique stagne par rapport à celui des radiodiffuseurs privés. Il a même décliné en chiffres absolus.

M. Lacroix : La morale de l'histoire, c'est qu'un certain nombre d'acteurs contribuent au système, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Ces acteurs jouent des rôles différents pour ce qui est d'obtenir une licence ou d'être protégés. Par exemple, un certain nombre de chaînes spécialisées portent sur le sport ou diffusent des films. Ces acteurs contribuent à divers éléments du système. Je pense que ces explications donnent un assez bon aperçu.

Le sénateur Eggleton : Quelles sont vos options afin de poursuivre la création de contenu canadien? Comment pourriez-vous fonctionner autrement que de manière conventionnelle?

Vous dites qu'il faut modifier la Loi sur la radiodiffusion, mais comment pouvons-nous préserver le contenu canadien?

Compte tenu des changements qui permettent de diffuser diverses programmations, comme l'Internet et tout le reste, comment faut-il modifier la Loi sur la radiodiffusion pour répondre aux besoins futurs?

M. Lacroix : Tout dépend des attentes des Canadiens et du contenu canadien recherché.

Il me paraît plutôt normal présentement de continuer à créer du contenu canadien, parce que c'est notre rôle. Mon exposé et les commentaires sur le financement vous montrent qu'il n'existe pas de radiodiffuseur au pays qui ne reçoit pas de soutien du gouvernement. Il n'y a pas de commune mesure entre les coûts liés au contenu canadien et l'achat de contenu américain diffusés à une heure de grande écoute en même temps qu'ABC, NBC ou CBS. Il n'y a aucune comparaison qui tienne.

Pour avoir du contenu canadien, il faut soit réglementer le milieu et forcer les radiodiffuseurs à en offrir, ce qui est impossible pour les diffuseurs privés à cause de leur modèle d'affaires, soit continuer de les soutenir ainsi que le radiodiffuseur public.

Le sénateur Plett : Merci de votre présence, messieurs, et félicitations de la couverture des Jeux olympiques par Radio-Canada. Je n'ai jamais autant regardé les jeux que cette fois-ci à la télévision, mais aussi à l'ordinateur et sur ma tablette pour la première fois. Je pouvais les écouter partout où j'allais. La diffusion des jeux a sans doute beaucoup réduit la productivité de nombre de personnes, mais nous en avons tous profité.

Monsieur Lacroix, je vais peut-être m'éloigner un peu de ce sur quoi vous espérez que la séance porte, mais nous devons tous rendre des comptes aux contribuables, qui déboursent 89 millions de dollars pour le Sénat et plus d'un milliard pour Radio-Canada.

Je m'éloigne peut-être de ce dont vous voulez parler, mais la population s'indigne dernièrement des voyages des sénateurs, pour citer Peter Mansbridge. L'attention s'est entre autres portée sur moi. Je vais peut-être en parler durant la deuxième série de questions.

Je présume que vous étiez à Sotchi durant une partie des Jeux olympiques, monsieur.

M. Lacroix : Non, je n'y suis pas allé.

Le sénateur Plett : Combien de ceux qui sont allés ont voyagé en classe affaires? Ont-ils tous voyagé en classe économique?

M. Lacroix : Je ne le sais pas, sénateur Plett. Nous pourrons trouver cette information et la transmettre au président du comité.

Le sénateur Plett : Je vous en serais reconnaissant. Je veux connaître la classe dans laquelle se trouvaient tous les voyageurs, parce que la question semble très importante pour Radio-Canada.

Radio-Canada a-t-elle une politique sur les frais de déplacement? Si vous l'avez sous la main, c'est parfait. Sinon, je vous serais reconnaissant de la fournir aussi au greffier.

M. Lacroix : Nous avons une politique, sénateur Plett. C'est avec plaisir que je vais la remettre au président.

Le sénateur Plett : Je vous remercie.

Vous avez abordé vos dépenses. Nous ne savons que depuis quelques jours que vous avez réclamé près de 30 000 $ de dépenses inadmissibles. Corrigez-moi si je me trompe, mais vous avez dit dans l'entrevue que vous avez donnée à Rosemary Barton pour l'émission Power & Politics que ces dépenses n'étaient pas des frais de séjour ou de déplacement.

M. Lacroix : Nous avons discuté des frais de séjour à Ottawa que j'ai remboursés, oui.

Le sénateur Plett : Ce sont des frais de séjour.

M. Lacroix : Oui. Je ne veux pas discuter de ce qui constitue des frais de séjour, mais nous avons constaté une erreur, comme je l'ai dit ce soir et à Rosemary Barton et comme nous l'avons affiché. J'ai remboursé ces dépenses et informé le conseil, le vérificateur général et le gouvernement du Canada sur-le-champ, monsieur. Nous avons présenté nos excuses. Voilà où nous en sommes.

Le sénateur Plett : Vous dites que vous avez remboursé ces frais dès que vous avez constaté votre erreur.

M. Lacroix : Oui, monsieur.

Le sénateur Plett : Pourtant, j'ai lu et vous avez dit à Power & Politics que vous avez pris connaissance de cette erreur en juin et que le remboursement s'est fait seulement en septembre. Pourquoi n'avez-vous pas remboursé ces frais en juin?

M. Lacroix : Je les ai remboursés dès que Deloitte et nous avons fini de les comptabiliser et d'examiner chaque reçu. J'ai fait un chèque dans les 48 heures après que Deloitte m'a indiqué quelles étaient les dépenses globales.

Le sénateur Plett : Vous avez remboursé ces frais en septembre, et nous n'avons été mis au courant qu'en février par Sun Media. Avez-vous envisagé de publier un communiqué en septembre pour informer la population? Les contribuables canadiens ont le droit de connaître les dépenses de leur radiodiffuseur.

Peter Mansbridge dit continuellement que la population s'indigne de nos voyages en classe affaires et des dépenses qui ne seraient pas déclarées au Sénat.

Le vice-président : Sénateur Plett, vos questions doivent porter sur Radio-Canada. Veuillez mettre la question du Sénat de côté. Vous devez poser des questions légitimes sur Radio-Canada, sans établir de liens avec des questions que le comité n'étudie pas présentement.

Le sénateur Plett : Monsieur le président, je veux établir une comparaison et savoir pourquoi Radio-Canada permet à son président de faire ce qu'elle dénonce. Je suis convaincu qu'il y a un lien. Radio-Canada signale certaines dépenses à la population, mais pas les siennes.

Monsieur, ne pensez-vous pas que la population s'indignerait autant de vos dépenses injustifiées que celles d'un autre?

M. Lacroix : Sénateur Plett, au risque de répéter ce que j'ai dit dans l'exposé, nous avons fait notre travail et indiqué sur Internet de façon très claire et transparente que c'était une erreur. Dès que la personne des ressources humaines m'a fait part du problème, j'ai informé le président du comité des RH et tout le conseil. Nous avons informé le vérificateur général et le gouvernement et documenté la question. Nous nous sommes assurés de la somme concernée. Ce n'était pas des dépenses cachées, sénateur Plett. Elles étaient affichées sur notre site Internet.

Sénateur, n'oubliez pas que mes dépenses sont déclarées. Le directeur des finances les examine pour garantir leur conformité. Le président du conseil approuve les dépenses, qui sont publiées sur Internet. Ces 29 000 $ y figurent depuis mon entrée en fonctions en janvier 2008. J'ai remboursé ces dépenses dès que nous avons constaté le problème. Nous avons avisé tout le monde. Je présente mes excuses de nouveau. Je ne peux pas accepter ce genre d'erreur qui nuit à l'intégrité de notre travail au quotidien.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je me joins à mes collègues pour vous féliciter de la façon dont vous avez transmis les Jeux de Sotchi. On sait qu'il y a des coûts rattachés à tout cela, mais je n'ai pas l'intention de vous questionner à ce sujet. Ce qui m'intéresse, c'est la radio de Radio-Canada.

Je demeure à Québec et quand je pars d'Ottawa pour m'en retourner à Québec, je dois changer de poste environ quatre fois. Avez-vous des ententes avec d'autres radiodiffuseurs?

M. Lacroix : Est-ce que vous captez SiriusXM à partir de votre voiture?

Le sénateur Maltais : Je le pouvais mais je l'ai abandonné parce que le service coûte trop cher.

M. Lacroix : Malheureusement, cela découle de vos négociations avec SiriusXM. Radio-Canada offre certaines de ses chaînes sur SiriusXM. Si vous y étiez abonné, Radio-Canada vous suivrait sans que vous soyez obligé de vous transmettre ou de changer. La réponse est non. C'est notre réseau « off air » que vous captez.

Le sénateur Maltais : Lorsque vous changez de véhicule, Sirius vous offre deux mois gratuits. Après quoi, vous recevez un compte à tous les mois.

M. Lacroix : Et vous trouvez cela moins intéressant.

Le sénateur Maltais : Je trouve qu'il en coûte trop cher pour écouter ma musique d'État.

D'autre part, vous avez des canaux au Québec. Je ne vous parlerai pas de la BBC. Vous avez Radio-Canada et ARTV.

M. Lacroix : À la télévision de Radio-Canada.

Le sénateur Maltais : À la télévision de Radio-Canada.

M. Lacroix : Nous avons Explora.

Le sénateur Maltais : Prise2 vous appartient-elle?

M. Lacroix : Non. Nous avons également RDI, qui est notre réseau de nouvelles. Nous avons donc trois chaînes spécialisées.

Le sénateur Maltais : Une chaîne comme ARTV, est-ce rentable, ou n'est-ce qu'à titre d'information culturelle?

M. Lacroix : ARTV pour nous est une plateforme importante. Lorsque vous regardez les trois plateformes spécialisées, elles représentent 5 p. 100 de la part d'écoute. Nous sommes très heureux de ce que cela représente. Nous avons le partenaire Arte France qui nous permet de mettre sur cette antenne de la programmation culturelle et de la programmation différente de ce que vous voyez aux heures de grande écoute à la télévision de Radio-Canada. Nous trouvons que c'est une très bonne façon d'ajouter aux services que l'on donne aux Canadiens qui nous écoutent.

Le sénateur Maltais : Je reviens à ARTV. Quelle cote d'écoute représente ARTV, sans compter les autres chaînes, à toute heure?

M. Allen : Aux heures de pointes, la part représente 1 p. 100.

M. Lacroix : J'ai parlé de 1,5 p. 100 pour RDI. Les trois chaînes spécialisées représentent au total 5 p. 100.

Le sénateur Maltais : La part n'est que de 5 p. 100 pour RDI?

M. Lacroix : C'est le total de la programmation de ces trois chaînes.

M. Allen : Ensemble.

M. Lacroix : Ensemble.

Le sénateur Maltais : Qui est le compétiteur de RDI? Est-ce LCN?

M. Allen : Oui, LCN.

M. Lacroix : Oui, LCN.

Le sénateur Maltais : D'après vous, ils obtiennent combien?

M. Allen : C'est environ la même part du marché.

M. Lacroix : C'est à peu près égal.

Le sénateur Maltais : Je suis surpris de voir les chiffres.

M. Lacroix : Lorsque vous regardez RDI ou LCN, vous le faites pour une certaine période de temps. Vous ne vous installez pas à 19 heures pour regarder la première émission, puis une série, puis le téléjournal. Vous allez à RDI parce que quelque chose vous intéresse ou vous voulez prendre un bulletin de nouvelles. C'est pourquoi l'écoute n'est pas continue à RDI.

Le sénateur Maltais : Je vais partager avec vous une remarque que l'on entend souvent au sujet du téléjournal de Radio-Canada. Au Sénat, nous recevons des commentaires des gens. Ils trouvent la radio de Radio-Canada à Montréal beaucoup trop montréalaise. Je vous le soumets comme nous l'entendons. Que devrais-je leur répondre?

M. Lacroix : Vous savez, je ne souris pas méchamment. Ma belle-famille vient de Matane. Lorsque je vais à Matane, ils me disent toujours que, sur les antennes de Matane, on n'entend pas Matane mais Rimouski. Quand on arrive à Rimouski, on nous dit que c'est Québec. Lorsqu'on est à Québec, ils nous parlent de Montréal, et lorsqu'on est dans un autre coin, il y a toujours une antenne plus importante ou qui fait en sorte que les gens voudraient s'entendre encore davantage à la radio ou à la télévision. Nous en sommes très conscients. De plus en plus, les artisans de Radio-Canada cherchent à diversifier les nouvelles, tout en les rendant très locales lorsque les bulletins de radio sont locaux.

Nous sommes très conscients également de la population francophone à laquelle on s'adresse. Or, 92 p. 100 de notre marché se retrouve dans la province de Québec et la région d'Ottawa-Gatineau, et 8 p. 100 des francophones nous écoutent dans le reste du Canada. Il faut refléter leurs histoires et leurs préoccupations à la télévision de Radio-Canada et à la radio. Nous en sommes très conscients. Nous suivons cela avec intention et nous avons des préoccupations importantes de ne pas faire en sorte que les gens continuent de penser que la région de Montréal est la radio de Radio-Canada. Ce n'est pas ainsi que nous voyons les choses.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Messieurs, merci d'être ici ce soir. Je veux parler de la raison pour laquelle nous avons entrepris cette étude. Je ne siège pas au comité en temps normal, mais je suis reconnaissante de l'occasion qui m'est offerte ce soir.

Je veux poser quelques questions sur l'entente entre Rogers et la LNH et savoir combien Radio-Canada va perdre en revenus de publicité. Allez-vous demander plus d'argent aux contribuables pour compenser les pertes? Que prévoit faire Radio-Canada à cet égard?

M. Lacroix : Ce sont toutes de bonnes questions, car nous cherchons à évaluer les conséquences de la perte du contrat lié au hockey.

Ce contrat comporte divers aspects. Tout d'abord, nous payons des droits de diffusion à la LNH au fil des ans pour avoir le privilège de diffuser Hockey Night in Canada, qui constitue un excellent moteur pour nous et une valeur sûre pour les publicitaires. Puisque tout le monde veut regarder cette émission, nous pouvions en ajouter d'autres à notre programmation télévisuelle et vendre des forfaits. Ce ne sera plus possible dorénavant.

Tout le monde veut connaître la somme que représente la publicité directe. Je répète que les droits de diffusion sont élevés et équivalent presque aux revenus générés. Nous avons connu six années très difficiles concernant la LNH. Il y a eu la récession de 2008-2009, suivie d'une excellente année lorsque tout le monde regardait Vancouver qui s'est rendue jusqu'au septième match. Ensuite, aucune équipe canadienne n'a gagné en deuxième ronde et presque personne ne regardait les matchs, puis le lockout a été imposé. Nous en sommes à la dernière année du contrat, qui n'a pas été aussi lucratif que nous l'avions prévu.

En fin de compte, CBC et Radio-Canada génèrent des recettes publicitaires combinées de 400 millions de dollars; CBC, à elle seule, génère de 275 à 300 millions de dollars. Lors d'une bonne année, de 40 à 50 p. 100 de cette somme provient de l'émission Hockey Night in Canada. Tout le monde le sait. De 125 millions à 150 millions de dollars des recettes publicitaires provenaient de cette émission. Ce que nous disons, c'est que cela couvrait à peine les droits de radiodiffusion. Il y a donc des conséquences.

J'ai mentionné qu'il y avait des répercussions et j'ai parlé des efforts déployés pour remplacer ces émissions. C'est pourquoi nous avons décidé de signer une entente avec Rogers pour 360 heures de programmation, et comme vous le savez maintenant, Hockey Night in Canada se poursuivra pendant quatre autres années. Nous n'encaissons pas les revenus, mais nous ne payons rien; nous obtenons seulement le contenu. Par contre, nous avons l'occasion de vendre nos émissions pendant ces minutes, car c'est important. En effet, nous voulons que les Canadiens connaissent notre grille-horaire hebdomadaire.

Nous évaluons donc la situation. Honnêtement, nous ne serons pas en mesure de déterminer les répercussions engendrées avant l'année prochaine. Nous devons réduire certains de nos chiffres, mais nous ne pouvons pas prévoir les répercussions, car nous n'avons pas encore tenté de vendre notre grille-horaire pendant un an.

La sénatrice Batters : En ce qui concerne les recettes publicitaires, étant donné que je suis un nouveau membre du comité — les autres membres du comité connaissent peut-être très bien le sujet, mais je ne le connais pas, et je présume que c'est aussi le cas de nombreux membres du public —, pourriez-vous m'expliquer un peu la situation? La quantité de publicité que vous présentez à la télévision est-elle limitée en raison de votre statut de radiodiffuseur public? Si oui, quelle est la quantité permise?

M. Lacroix : La réponse est non; on ne nous a pas imposé de limite. Il y a un certain nombre de minutes que nous pouvons mettre en ondes, mais honnêtement, il s'agit plutôt des différents revenus et du nombre de personnes qui nous regardent; c'est pourquoi le sénateur Eggleton a posé sa question au sujet des émissions canadiennes et des émissions américaines. Si si vous avez la chance de regarder Big Bang au lieu d'Arctic Air, que choisirez-vous? La valeur de production d'une heure de la chaîne CBS lors de la diffusion de sa série dramatique ou la valeur de production d'une émission d'une heure de la CBC? C'est le défi auquel nous faisons face.

La sénatrice Batters : Combien gagnez-vous approximativement en revenus publicitaires annuels?

M. Allen : À CBC Television?

La sénatrice Batters : Oui.

M. Allen : Environ 250 millions de dollars.

La sénatrice Batters : Je viens de la Saskatchewan. Dans ma province, la CBC diffuse un bulletin de nouvelles de 90 minutes pendant l'heure du souper. Je ne sais pas si c'est le cas partout au pays.

M. Lacroix : Oui.

La sénatrice Batters : Quelles sont les cotes d'écoute de cette émission? En Saskatchewan, l'émission commence à 17 heures, lorsque la majorité des gens ne sont pas encore revenus du travail, et se termine à 18 h 30, et de nombreux segments se répètent. En Saskatchewan, CTV domine essentiellement les cotes d'écoute des bulletins de nouvelles, et ce sont des recettes publicitaires importantes pour CTV. Si vous comparez tous les programmes, le bulletin de nouvelles de CTV diffusé entre 18 heures et 19 heures en Saskatchewan est l'émission qui génère le plus de recettes publicitaires pour la société, et CBC et Global diffusaient leur bulletin de nouvelles locales de l'heure du souper avant ou après celui de CTV. Maintenant, ils sont en même temps, et j'imagine que les cotes d'écoute ont probablement chuté. J'aimerais savoir si la raison pour laquelle la CBC n'adapte pas son émission aux préférences locales est parce que la société souhaite être uniforme à l'échelle du pays. Que répondriez-vous à cela?

M. Lacroix : Dans le contexte de la stratégie « Au-delà de 2015 », nous devons examiner la façon dont nous offrons nos services. Dans le cadre du plan stratégique actuel, nous avons toujours cru qu'un bon radiodiffuseur public doit être très présent dans les régions, et que les nouvelles locales sont importantes, et enfin que le modèle opérationnel du bulletin de nouvelles locales, selon l'endroit où vous vous trouvez au pays, n'est pas évident. Les radiodiffuseurs traditionnels devront faire des choix très difficiles. Nous croyons que dans le cadre de notre mandat, nous devrions assurer une présence dans ces régions et diffuser des nouvelles locales.

Continuerons-nous de faire les choses de la même façon? Par exemple, à Hamilton, nous avons une station qui n'a pas d'émetteur de télévision ou d'émetteur radio. Elle est complètement conçue pour le Web. C'est une station d'essai; nous essayons de déterminer où et comment les Canadiens consomment ce produit.

Donc la réponse à votre question ou à votre commentaire, c'est que nous accordons beaucoup d'importance aux émissions locales, car nous pensons que cela fait partie de notre mandat. Devrions-nous continuer de les diffuser dans la case horaire actuelle, c'est-à-dire de 17 heures à 18 h 30, pour l'éternité? Je ne sais pas, mais nous examinons la question dans le cadre de nos efforts pour réinventer le radiodiffuseur.

[Français]

Le sénateur Demers : Monsieur Lacroix, merci beaucoup pour votre présentation. Et pour ce qui est de la diffusion des Jeux olympiques à Radio-Canada, je peux vous dire que ce que j'ai vu, autant en français qu'en français, a été d'une qualité exceptionnelle. À la suite des questions qu'a posées la sénatrice Batters, je ne voudrais pas vous faire répéter.

Je vais vous laisser l'opportunité, à vous et à M. Allen, de répondre.

[Traduction]

Rogers prendra le contrôle des ondes de CBC le samedi soir pour diffuser le hockey de la LNH et chaque soir pendant les séries. Rogers recueillera tous les avantages financiers. Je sais que vous en avez parlé un peu en réponse à la question de la sénatrice Batters, mais je vais tout de même poser ma question.

Les ventes seront gérées par Rogers, et l'entreprise conservera les revenus. Elle exercera un contrôle éditorial et créatif complet. D'après ce que nous comprenons, Rogers pourra utiliser la marque Hockey Night in Canada et construire un nouveau studio — je ne sais pas si vous le savez — avec le siège social de CBC à Toronto; comment cela correspond-il au mandat d'un radiodiffuseur public? Rogers a-t-il payé CBC pour obtenir ce privilège? La société fournit-elle autre chose à Rogers, en plus du droit d'utiliser le réseau de CBC, la marque Hockey Night in Canada, et le talent de CBC? Pourquoi les contribuables devraient-ils subventionner une entreprise privée, c'est-à-dire Rogers, qui est prête à dépenser plus de 5 milliards de dollars pour obtenir les droits de diffusion du hockey de la LNH? La marque Hockey Night in Canada est emblématique dans notre pays. Parfois, c'est tout ce qui représente l'identité canadienne et c'est ce qui nous rassemble d'un océan à l'autre. Pourquoi le contrôle de cette marque devrait-il être offert à une entreprise privée?

J'ai déjà travaillé pour Hockey Night in Canada en français et en anglais. À l'exception de mon travail d'entraîneur, c'était l'un des moments où j'étais le plus fier, car c'est tellement important. J'espère que nous pourrons obtenir certaines réponses à mes questions.

M. Lacroix : Sénateur Demers, je vous remercie de dire que vous avez été fier d'avoir été associé à Hockey Night in Canada. Nous pensons également que c'est une marque emblématique.

Vous avez posé plusieurs questions, et je vais tenter d'y répondre. Je crains d'en oublier quelques-unes, même si j'ai pris quelques notes. Si c'est le cas, veuillez me les poser à nouveau.

Voici comment l'affaire du hockey a été conclue. Les représentants de la LNH ont communiqué avec nous et nous ont dit qu'ils avaient choisi Rogers et qu'essentiellement, notre société et Bell n'avaient plus aucun droit lié au hockey de la LNH, car Rogers avait tout acheté pour la somme, comme vous le savez, de 5,2 milliards de dollars.

Nous avons ensuite examiné les conséquences de cette perte pour les contribuables et les répercussions engendrées par le fait de devoir remplacer 360 heures de programmation le samedi soir. Cela coûte de l'argent.

Comme vous l'avez laissé entendre, nous possédions également une très grande expérience et une bonne expertise dans la télédiffusion du hockey le samedi soir. Je crois que Rogers s'en est rendu compte, et qu'elle voulait être associée avec Hockey Night in Canada en raison de sa signification. Nous possédions donc un outil de négociation dans cette conversation, car Rogers devait construire, soudainement, une infrastructure de hockey pour son acquisition.

L'affaire a donc été conclue et sans droits de diffusion — nous ne payons rien —, vous pourrez regarder Hockey Night in Canada sur CBC. Rogers diffusera aussi le hockey sur six ou sept autres de ses plateformes — notamment CITY-TV, Sportsnet, 1-2-3-4. CITY-TV est le seul radiodiffuseur traditionnel; il faut payer pour avoir accès à Rogers 1-2-3-4. Je présume que l'entreprise décidera comment elle souhaite procéder, et ses représentants ont dit que ces parties seraient offertes à tous sur nos plateformes. Je ne sais pas à quoi ressemble le modèle; ils y travaillent.

Nous étions d'avis — et nous le sommes toujours — que la décision la plus profitable pour les Canadiens et pour la CBC en ce moment, c'est de s'associer avec Rogers, et de veiller à pouvoir louer nos équipes de production pendant quatre ans, car c'est ce que Rogers a réellement acheté — l'expertise —, et ensuite consulter les représentants de Rogers pour connaître leurs plans, s'ils planifient s'installer au sein du Centre de radiodiffusion de la CBC à Toronto, et si nous pouvons créer d'autres liens commerciaux avec l'entreprise pour diminuer les répercussions engendrées par la perte de l'émission Hockey Night in Canada.

Nous pensons que l'affaire conclue profitera grandement aux Canadiens et aux contribuables. Si Rogers n'est plus là dans quatre ans ou ne souhaite pas prolonger l'entente par la suite, nous serons en mesure d'élaborer un plan pour remplacer ces émissions. La programmation respectera toujours notre plan stratégique, c'est-à-dire que nous offrirons du contenu canadien, et que nous veillerons à diffuser le meilleur contenu possible le samedi soir. Ce sera un double défi, car nous serons en concurrence avec sept parties de hockey, et nous savons à quel point les Canadiens regardent le hockey le samedi soir. Nous l'avons tous compris. Nous pensons que ce partenariat avec Rogers représente une très bonne affaire pour les Canadiens.

J'espère que j'ai répondu à vos questions.

Le sénateur White : Je vous remercie beaucoup d'être ici aujourd'hui. J'aimerais également féliciter la CBC. Je ne crois pas avoir autant regardé les Jeux olympiques que cette année, et surtout sur une application pour iPad.

Vous avez fait référence aux compressions budgétaires résultant du PARD. J'aimerais que vous nous expliquiez les répercussions engendrées par le PARD, en pourcentage de votre budget, et aussi en dollars réels, et s'il y a eu des mises à pied au sein de la CBC et chez les cadres supérieurs. Les compressions effectuées dans le contexte du PARD ont-elles entraîné la réduction des primes versées aux cadres?

M. Lacroix : Il y a beaucoup de choses dans ce que vous venez juste de me dire. Permettez-moi d'essayer de vous fournir des données précises.

Les compressions effectuées dans le cadre du PARD étaient de 110 à 115 millions de dollars. Elles représentaient environ 11 p. 100 de notre budget et se sont étalées sur trois ans.

M. Allen : Il y avait également des coûts indirects.

M. Lacroix : Il y avait des coûts directs et indirects. Nous avons montré au gouvernement la ventilation de ces réductions. J'ai ces renseignements quelque part. Peut-être que pendant la pause, je pourrai les trouver et vous donner la ventilation.

Les pourcentages sont les mêmes — et nous les avons évidemment calculés à la fin —, mais le nombre d'employés de la CBC que nous avons mis à pied — environ 11 p. 100 de notre main-d'œuvre n'est pas syndiquée. Environ 11 p. 100 des compressions visaient des postes non syndiqués. Nous avons collaboré avec les syndicats pour tenter de diminuer ce que cela représentait. De 750 à 800 emplois ont été perdus. C'était un moment pénible pour Radio-Canada/CBC, car c'était juste après une autre période très difficile.

À la suite des évènements qui se sont produits sur la scène mondiale en 2009, c'est-à-dire l'effondrement des marchés financiers et ses répercussions sur nos recettes publicitaires, nous avons dû éliminer 390 millions de nos coûts à Radio-Canada/CBC, y compris les 115 millions du PARD. Cela vous donne donc une idée.

Le sénateur White : Plusieurs mises à pied chez les cadres et une réduction de leur prime de rendement?

M. Lacroix : Les primes de rendement à court terme sont en fonction du nombre de personnes qui les touchent. S'il y a moins de cadres, on en versera moins, mais il n'y a pas eu de diminution pendant cette période. Nous avons réduit nos paiements en 2009 et en 2010, en réduisant toutes les primes versées à l'époque. En 2011, 2012 et 2013, pendant les trois années financières du PARD, nous n'avons pas modifié le versement des primes de rendement à court terme.

Le sénateur White : Combien devriez-vous verser annuellement en primes aux cadres pour 2013?

M. Lacroix : Au total, environ 550 personnes sont admissibles aux primes de rendement à court terme. Il est très clairement établi qu'elles sont versées dans le cadre de mesures incitatives. Tout est divulgué sur notre site web; vous pouvez voir les sommes versées et leur justification. Il y a un volet opérationnel, un volet individuel et un volet sur le fonctionnement de la CBC dans son ensemble. Il y a environ 550 personnes pour environ 8 millions de dollars ou quelque chose de ce genre.

Le sénateur White : Quel pourcentage serait versé au plus haut cadre?

M. Lacroix : Quelques personnes reçoivent un incitatif équivalent à 50 p. 100 de leur salaire de base, car cela fait partie de notre philosophie de compensation. Nous pouvons en parler, car je pense que c'est important. Cela va de 8 à 50 p. 100.

Le sénateur White : Une personne pourrait-elle avoir profité d'une augmentation de 50 p. 100?

M. Lacroix : Avec le temps — ce n'est pas une augmentation.

Le sénateur White : Eh bien, c'est une prime à la fin de l'année, une augmentation de salaire, n'est-ce pas?

M. Lacroix : C'est une mesure incitative étalée sur le temps; je ne crois pas que nous avons atteint et versé 50 p. 100. Il faudrait que je vérifie, mais atteindre 50 p. 100 signifierait que nous avons atteint chaque objectif et chaque mesure incitative. Je ne crois pas que cela soit arrivé.

Le sénateur White : À combien s'élevait votre prime l'an dernier, monsieur Lacroix?

M. Lacroix : C'est facile, monsieur. Le gouvernement me verse une prime qui varie de 14 à 28 p. 100. L'an dernier, ma prime était de 20 ou 21 p. 100.

Le sénateur White : D'une valeur totale de...

M. Lacroix : C'est un chiffre qui.... vous pouvez consulter les échelles salariales des entreprises d'État et faire le calcul.

Le sénateur White : S'il vous plaît, monsieur Lacroix. Je vous ai demandé à combien s'élevait votre prime l'an dernier.

M. Lacroix : Je vous l'ai dit, elle était de 20...

Le sénateur White : Vous ne répondez pas à la question.

M. Lacroix : Ce chiffre est un chiffre qui va...

Le sénateur White : Il a refusé de répondre.

Merci, monsieur le président.

[Français]

La sénatrice Tardif : J'aimerais ajouter mes félicitations à celles de mes collègues pour votre excellente couverture des Jeux olympiques. Dans votre présentation, vous avez indiqué que vous avez réussi à couvrir les Jeux olympiques de Sotchi avec beaucoup de succès grâce à un travail de collaboration entre CBC et Radio-Canada. Vous avez aussi indiqué qu'il y avait eu une meilleure communication dans la corporation et que vous aviez évité les silos.

Vous sentez sans doute qu'il y a beaucoup de critiques de la part de certains Canadiens par rapport au manque de communication qui existe dans la structure de gouvernance de la haute direction de CBC/Radio-Canada. Certains disent que ce sont deux solitudes. À la suite de l'expérience de Sotchi, quelles leçons pouvez-vous appliquer au système de gouvernance de la corporation afin que le Canada soit mieux reflété dans toutes ses régions, dans les auditoires nationaux et régionaux?

M. Lacroix : Je suis intéressé par votre commentaire sur les deux solitudes. La perception que vous avez de CBC/ Radio-Canada et du fait que la CBC ne parle pas à Radio-Canada est une perception qui date. Dans notre équipe de direction, on vient d'embaucher une nouvelle personne pour diriger la CBC. La première chose que Heather Conway a faite, avant même d'entrer en poste, fut de s'asseoir chez Radio-Canada et d'observer ce que les gens de Radio-Canada faisaient en télévision.

Les gens de la radio se parlent constamment sur l'échange de la couverture de certains concerts ou d'événements qu'ils feront ensemble. On a parlé des Jeux olympiques et vous pouvez voir les grands événements que l'on couvre.

C'est une priorité que l'on a non seulement imposée, mais qui vient de notre culture et qui fait en sorte que, dans un environnement où on a moins de ressources, on travaille à éliminer les barrières entre les deux entreprises. Dans les régions, on s'échange les caméramans et les personnes qui vont sur le terrain.

Au contraire, je crois que les deux équipes de notre entreprise n'ont jamais été aussi proches l'une de l'autre et de toutes les autres composantes de ce que vous avez vu sur votre écran — et Sotchi en est un excellent exemple.

La sénatrice Tardif : Je vous répète les commentaires que nous avons reçus à cet effet.

Comment comptez-vous répondre aux exigences de représentativité que le CRTC vous a imposées lors du renouvellement de votre licence?

M. Lacroix : Que voulez-vous dire?

La sénatrice Tardif : Je parle de représentativité, à savoir comment vous allez consulter les gens dans les régions et comment vous allez leur répondre. Dans le renouvellement de votre licence auprès du CRTC, on vous a imposé des conditions de consultation, n'est-ce pas?

M. Lacroix : Vous parlez du français en milieu minoritaire?

La sénatrice Tardif : Je parle de façon plus large également. Que faites-vous pour assurer la représentativité dans les régions? Vous avez indiqué, dans votre plan stratégique de 2015, que vous voulez être ancré dans les régions.

M. Lacroix : Oui.

La sénatrice Tardif : Que faites-vous pour vous assurer que vous tenez compte de l'aspect régional?

M. Lacroix : Il y a, dans chacune des régions où nous sommes, des personnes qui sont sur le terrain et qui interagissent avec leur communauté, que ce soit pour lever des fonds et appuyer ces gens dans leurs initiatives où le radiodiffuseur public devient un partenaire, par exemple à Noël ou dans une campagne quelconque.

C'est pourquoi je vous ai posé la question. Je croyais que vous faisiez surtout référence à ce que le CRTC nous a suggéré d'améliorer et ce avec quoi nous étions d'accord, c'est-à-dire prendre le pouls de la façon dont nous livrons nos services en français à travers le Canada dans les milieux minoritaires. C'est pour nous une préoccupation.

Nous avons fait des panels sur les régions. Nous avons une personne qui est responsable, chez Radio-Canada, de cet aspect, et elle se nomme Patricia Pleszczynska. D'ailleurs, le comité de la Chambre sur les langues officielles désire que nous leur présentions notre plan. Il nous fera plaisir de vous faire parvenir les notes et la présentation que nous ferons à cet endroit.

Alors, comme préoccupation constante, nous avons la représentativité, le déplacement de nos dirigeants dans les régions pour les écouter, le panel sur les régions; on invite les gens à nous parler. Je suis constamment dans les régions pour entendre ce que les gens nous disent. Nous sommes très près des étudiants, de plus en plus. Nous les invitons à venir nous parler, car il y a différents secteurs ou segments de la population auxquels nous nous intéressons. C'est ce qu'on fait sur une base quotidienne. Nous sommes très conscients, madame la sénatrice, de l'importance que les Canadiens attachent à notre présence, surtout dans les milieux francophones dans les régions.

[Traduction]

Le sénateur McInnis : Bonsoir. Je vous remercie beaucoup d'être venu et d'avoir fait parvenir au comité cette analyse de l'environnement. Je suis relativement nouveau au Comité sénatorial permanent des transports et des Communications. J'ai demandé à faire partie du comité, car je voulais parler des enjeux dans le domaine du transport, mais depuis que je suis arrivé, nous ne parlons que des défis de la CBC.

Vous avez effectivement des défis à relever. Récemment, c'est-à-dire il y a environ deux semaines, j'ai lu que votre public de 54 ans et moins était à la baisse. Vous avez la moitié de la taille de vos concurrents. En fait, vous êtes loin derrière eux, à l'exception des revenus de l'industrie de la télévision et de la radio en français, où vous occupez le premier rang. Bell, Shaw et Rogers sont juste devant vous en ce qui concerne les revenus de l'industrie de la télévision et de la radio en anglais.

De plus, en raison de la diminution de votre auditoire, il ne fait aucun doute que les recettes publicitaires, qui sont montrées sur un autre tableau ici, ont stagné au cours des deux ou trois dernières années. Elles étaient à la hausse. Évidemment, les investissements du gouvernement dans la radiodiffusion publique ont stagné depuis 1990.

Les gouvernements et les politiciens sont des drôles de gens. Si la population veut quelque chose, ils vont habituellement investir dans cette chose. Pendant plus de deux décennies, les investissements ont stagné à un peu plus de 1 milliard de dollars; et il s'agissait des fonds du gouvernement. Il me semble donc que vous devez faire face à de gros défis.

La semaine dernière, nous avons entendu l'ancien dirigeant du CRTC par vidéoconférence. Je lui ai demandé s'il n'était pas le temps que la CBC tente d'établir un partenariat et il a répondu que oui, c'était effectivement le temps.

J'aimerais savoir si la Loi sur la radiodiffusion vous donne les outils nécessaires pour y parvenir, ou s'il faut y apporter des modifications. Le gouvernement devrait vous fournir le nécessaire pour réaliser ce projet. Il me semble qu'on ne peut pas compter sur le fait que le gouvernement donnera plus d'argent à la CBC, et je crois que vous le savez aussi. J'aimerais avoir une réponse à cela.

J'aimerais aussi savoir — et je classe certaines de ces choses dans la catégorie de l'infrastructure — si Radio-Canada/ CBC dépense trop dans l'infrastructure comparativement à ce qu'elle dépense dans le contenu canadien. Vous avez 82 stations de radio et 27 stations de télévision à l'échelle du pays, 11 bureaux à l'étranger, 7 304 employés à temps plein, 469 employés à temps plein temporaires, et 1 002 sous-traitants. Ce sont des données de 2012. Vous pourriez peut-être nous dire s'il existe une façon de condenser ou de consolider ces éléments.

Plus tôt, vous avez fait un commentaire — et je crois que c'est un bon commentaire, mais je n'ai pas obtenu d'explications — selon lequel chaque dollar investi par les contribuables du Canada dans la CBC produit 4 $ en retour. J'aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet.

J'aurais dû introduire mes commentaires en précisant que je suis un grand admirateur de CBC. Au cours des années, dans ma vie privée, j'ai écrit des lettres au gouvernement en faveur de la CBC. Je suis un peu inquiet au sujet de la télévision, mais comme je l'ai dit lors des audiences de la semaine dernière, vous réussissez parfaitement bien en ce qui concerne CBC Radio. Vous ne pourriez pas faire mieux, et votre audience le prouve.

C'est assez compliqué. J'aimerais revenir lors de la deuxième série, car j'ai une autre question. Si vous les avez toutes notées, j'aimerais beaucoup avoir des réponses.

M. Lacroix : Je vais essayer, monsieur le président. Il y a six éléments principaux dans les questions du sénateur; veuillez faire preuve de patience, car je vais m'efforcer d'aborder tous ces éléments.

Tout d'abord, permettez-moi de vous dire que je fais ce travail depuis six ans, comme vous l'avez entendu, et que je n'ai jamais demandé un dollar au gouvernement. Ce que j'ai demandé au gouvernement, c'est 1 $ de plus que ce que nous avons. J'ai demandé de la prévisibilité, c'est-à-dire un financement pluriannuel comme en reçoivent tous les autres principaux radiodiffuseurs importants dans le monde, et j'ai demandé une ligne de crédit. La ligne de crédit de votre Visa est plus élevée que celle que j'ai à Radio-Canada/CBC, car je n'ai pas de ligne de crédit à Radio-Canada/CBC. Chaque fois que nous faisons 1 $ de moins en revenus ou qu'on réduit notre budget de 1 $, nous avons deux choix : nous devons éliminer 1 $ du budget de la CBC ou nous devons repousser cette dépense de 1 $ à l'année suivante.

C'est ce que j'ai demandé chaque fois que j'en ai eu l'occasion, mais je n'ai jamais demandé des dollars supplémentaires pour la CBC. Nous sommes conscients des défis auxquels le pays fait face dans le contexte économique actuel. Nous comprenons cela.

Deuxièmement, l'infrastructure de la radiodiffusion dépend des services que les Canadiens veulent que nous leur offrions. Si vous êtes au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, et que vous avez une station de la CBC comme celle que vous avez en ce moment — ou vous pourriez être à Saskatoon et avoir une station là-bas —, nous pourrions vous dire qu'il serait beaucoup plus efficace d'utiliser une structure en étoile dans laquelle nous aurions une station en français au Manitoba et rien d'autre que des bureaux dans l'Ouest du Canada, car ce serait un modèle qui nous permettrait de réduire nos coûts. Mais des personnes pourraient faire valoir qu'elles n'ont pas accès aux mêmes choses que le reste de la population.

Quel type de services les Canadiens souhaitent-ils donc obtenir de leur radiodiffuseur public? Chaque fois que nous leur parlons, ils nous répondent qu'ils veulent que nous soyons présents dans leur région, que nous soyons dans les environs. C'est pourquoi l'infrastructure s'est développée de cette façon.

J'aimerais vous rappeler qu'elle s'est développée parce que dans les années 1970, le gouvernement a adopté une politique selon laquelle les Canadiens devaient pouvoir recevoir ce signal partout au pays; nous avons donc dû installer des transmetteurs partout. Nous avons la plus grande infrastructure du monde.

Cela dit, nous nous sommes rendu compte que nous ne voulons pas être propriétaires des lieux d'où nous offrons nos services. C'est pourquoi nous avons réduit notre présence. Notre plan comprend d'importantes initiatives en vue de gérer nos compressions budgétaires pour réduire le radiodiffuseur, pour devenir des locataires et pour veiller à utiliser cet espace le plus efficacement possible.

Je peux vous donner l'exemple de Matane, au Québec, où nous sommes passés de 17 000 pieds carrés à 3 800 pieds carrés. Nous tenons vraiment à économiser l'espace. À Montréal, nous avons tenté de réduire au tiers les 1,3 million de pieds carrés que nous occupons. Toutefois, pour être en mesure d'y arriver, nous devons reconfigurer le radiodiffuseur, et cela entraîne des conséquences.

Voilà donc l'infrastructure de la radiodiffusion et le portrait de notre présence au pays. C'est ce que nous pensons que les Canadiens veulent et c'est ce que nous offrons.

Sénateur, nous condensons et nous établissons des partenariats tout le temps. Ce que vous avez vu sur l'écran et le partenariat avec TVA et RDS, au Québec, représente une première. Nous avons 800 différents partenariats pour fournir du contenu, pour réduire les coûts, pour diffuser plus de musique et pour organiser des événements. Nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas faire cela par nous-mêmes. Avec l'argent des contribuables et les revenus commerciaux que nous générons, il nous faut des partenaires pour offrir nos services. Nous sommes sur la même longueur d'onde à cet égard.

M. Allen : Il a aussi posé une question au sujet de Deloitte.

M. Lacroix : Oui. Pourriez-vous parler de l'étude de Deloitte effectuée en 2011 et des 4 $?

M. Allen : C'est à la page 22. Il s'agissait d'une étude que nous avions commandée pour démontrer les retombées économiques de la société. Un ratio très impressionnant de 1 à 4 a été calculé. Je crois que l'explication la plus simple de ce ratio élevé, c'est que lorsque vous investissez dans Radio-Canada/CBC, vous investissez non seulement dans l'infrastructure, mais également dans les personnes qui produisent le contenu. L'industrie médiatique est une activité très exigeante, et elle est produite dans toutes sortes de régions au pays. Nous sommes présents dans l'Est, dans l'Ouest et dans le Nord. Nous sommes présents dans de petites villes partout au pays, et nous investissons dans les personnes. C'est pourquoi ce ratio est si élevé.

M. Lacroix : Regardez notre grille horaire de télévision : Arctic Air est au Yukon et à Vancouver; Heartland est à Calgary; Republic of Doyle est à St. John's, à Terre-Neuve. À mon avis, St. John's est un personnage et une personne vivante au même titre que les acteurs. Je pourrais continuer à vous parler pendant des heures de nos activités et des retombées engendrées par les investissements que nous effectuons dans ces communautés.

Dans mon exposé, je vous ai parlé des 732 millions de dollars que nous avons investis dans la programmation canadienne comparativement aux 600 millions investis par toutes les autres sources combinées. C'est normal, car nous sommes le radiodiffuseur public. Nous croyons dans le contenu canadien et nous croyons qu'il faut créer une valeur pour les Canadiens. Nous sommes le moteur de cette économie, cela ne fait aucun doute.

J'espère que j'ai répondu à toutes les questions que vous m'avez posées.

Le sénateur McInnis : J'aimerais aborder une autre chose pendant la deuxième série de questions.

[Français]

Le sénateur Mockler : Monsieur Lacroix, j'accepte votre constat.

[Traduction]

Vous avez déclaré que l'industrie de la radiodiffusion était en changement et que Radio-Canada/CBC changeait en même temps.

[Français]

Par contre, vous avez un mandat, vous avez un rôle à jouer dans toutes les régions du Nouveau-Brunswick. L'admettez-vous?

M. Lacroix : Absolument.

Le sénateur Mockler : Cela dit, lors d'une intervention antérieure, vous avez posé la question suivante à un sénateur : croyez-vous au contenu canadien? Moi, j'aimerais répondre au nom des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick que je représente, la seule province bilingue au Canada. Je vous réponds : oui, mais ce contenu doit provenir de tout le Canada, et plus particulièrement de là où les francophones sont en minorité.

J'ai écouté attentivement votre intervention avec le sénateur Maltais également, mais ai-je bien compris que 92 p. 100 de l'auditoire de Radio-Canada se trouve au Québec?

M. Lacroix : Lorsque l'on regarde la répartition de la population de langue française, c'est exact.

Le sénateur Mockler : Donc, je déduis qu'un pourcentage de 8 p. 100 est situé hors Québec.

M. Lacroix : Dans le reste du Canada.

Le sénateur Mockler : Vous avez parlé également d'une étude qui est encore d'actualité, selon laquelle The National du réseau CBC reflète mieux le pays que le Téléjournal. Cette étude, commandée et réalisée par la Chaire de recherche en études acadiennes de l'Université de Moncton, conjointement avec la Société nationale de l'Acadie (SNA), précise spécifiquement qu'il y a énormément de contenu québécois. Elle démontre aussi clairement qu'en Atlantique, seulement 1,4 p. 100 du contenu du bulletin de fin de soirée sur Radio-Canada provient de l'extérieur du Québec.

Quelles mesures concrètes avez-vous prises pour augmenter la valeur du contenu canadien à la télé de Radio-Canada en Atlantique?

J'aimerais également être informé de ce qui s'est fait dans les autres provinces où les francophones sont en minorité.

M. Lacroix : Madame la sénatrice a fait allusion exactement au même sujet. Premièrement, j'aimerais vous dire que le constat que vous faites ou les commentaires qui nous sont faits par rapport à notre bulletin de nouvelles de 22 heures, le fameux Téléjournal de Céline, comme on l'appelle, et de Pascale Nadeau durant le week-end, ce Téléjournal doit continuer à refléter l'ensemble du Canada pour tous les francophones.

Comme vous le savez sans doute, Michel Cormier, un Acadien, est la nouvelle personne responsable de l'information. Il est très conscient de ce qui se passe, des commentaires ou des critiques. Il était d'ailleurs le responsable de la région du Nouveau-Brunswick avant d'être nommé à l'information.

La première chose qu'on a faite a été de recruter deux nouveaux reporters à temps plein pour alimenter le Téléjournal; un à Edmonton et un autre au Nouveau-Brunswick, à Moncton. Instantanément, il y a une présence d'esprit et un suivi des nouvelles pour alimenter le Téléjournal. Le Téléjournal est en train de changer. J'espère que vous le voyez. Michel a une vision du Téléjournal pour vous faire réfléchir sur des grands sujets. J'entendais les sénateurs dire, tout à l'heure, qu'ils n'ont jamais autant regardé les Jeux olympiques sur leur iPad. Non seulement vous regardez les Jeux olympiques sur votre iPad, mais vous prenez probablement votre information à l'aide de votre téléphone intelligent ou de votre iPad bien avant 22 heures, donc, lorsque vous vous asseyez pour écouter le Téléjournal, il faut faire plus que simplement livrer les mêmes nouvelles que celles que vous avez vues sur votre tablette. Une transformation du Téléjournal est en train de s'opérer et on espère que vous allez la remarquer et que vous pourrez conclure avec nous que, grâce aux mesures qu'on a mises en place dans les régions, les panels des régions, nos efforts sont de plus en plus importants pour aller chercher cette information et la refléter à notre antenne, à la radio et à la télévision; j'espère que vous verrez nos efforts. Nous sommes très conscients de cela.

Le sénateur Mockler : Merci beaucoup. D'ailleurs, en passant, les Acadiens et Acadiennes connaissent très bien Michel Cormier.

Autre chose : quand on dit que cela doit refléter l'ensemble du Canada, il s'agit des régions hors Québec aussi, n'est-ce pas?

M. Lacroix : Absolument.

Le sénateur Mockler : À titre de président, vous avez dit que vous serez obligé de prendre des décisions difficiles au cours des prochains mois. Vous avez dit à vos employés, sous forme de courriel, que vous aviez toujours cru qu'ils avaient le droit de le savoir et vous leur avez promis d'être aussi franc et direct que possible. Je vous cite; c'est ce que vous avez dit?

M. Lacroix : Oui.

Le sénateur Mockler : Je trouve cela louable. Dans votre nouvelle structure, pouvez-vous nous confirmer s'il y aura bel et bien des coupures administratives dans les ressources humaines, financières et pour rénover les infrastructures à Moncton?

M. Lacroix : On est en train de réinventer notre présence à Moncton, car la bâtisse dans laquelle nous étions installés ne faisait plus l'affaire. On veut réduire notre espace et on se déplace, pour être encore plus accessible, sur la rue principale.

Dans notre plan au-delà de 2015 — et je répète cette phrase —, on ne peut pas, chaque année, faire des coupures d'importance dans la radiodiffusion publique pour se réinventer aux deux ans. Il faudra que le plan au-delà de 2015 nous permette une stratégie qui nous mène jusque-là et qui fera en sorte que les Canadiens puissent comprendre qu'on ne peut pas constamment être partout au Canada. Ça n'a pas de sens, pas dans un environnement économique comme le nôtre. Ce sont ces décisions qu'on est en train de prendre et on les prend ensemble à Radio-Canada. On réfléchit à ce à quoi ressemblera le radiodiffuseur en 2020. C'est très important que les Canadiens comprennent l'importance qu'on attache à cet exercice stratégique.

Le sénateur Mockler : Vous n'avez pas répondu à ma question.

M. Lacroix : Je ne sais pas encore quel sera le résultat de la réinvention de CBC/Radio-Canada. Je ne sais pas de quoi elle aura l'air.

[Traduction]

Le sénateur Greene : J'ai vraiment aimé regarder les Olympiques moi aussi, surtout sur l'application pour les tablettes. Je trouvais que c'était une merveilleuse création. Je crois que j'ai vu plus d'émissions de CBC au cours des deux dernières semaines qu'au cours des deux dernières années. Il faut vous féliciter.

Habituellement, je regarde CBC seulement pour l'émission Hockey Night in Canada, mais étant donné que je suis un partisan de Montréal, je l'appelle souvent « Hockey Night à Toronto », car elle semble être axée surtout sur Toronto.

Cela m'amène à ma question. Lorsque vous déterminez ce que vous allez diffuser, étudiez-vous surtout le marché? Je comprends qu'il y a un plus gros marché pour les parties des Leafs que pour celles de Montréal ou essayez-vous de servir toutes les régions, car ces deux choses peuvent être en conflit?

M. Lacroix : Oui.

Nous essayons évidemment de maximiser les revenus. La conversation commence avec la LNH. Malheureusement, comme vous le savez, il ne nous reste que quelques mois. L'horaire a été établi. Les représentants discutent avec Rogers en ce moment. Mais le contexte a toujours été que nous essayons de diffuser, dans l'est du pays, une partie intéressante qui sera accessible aux plus grands nombres de partisans de hockey possible. Évidemment, en raison du fuseau horaire, la deuxième partie diffusée un samedi soir se joue dans l'Ouest. C'est ce que nous tentons de faire.

Sénateur, j'aimerais aussi entendre que ces dernières semaines, pendant que vous regardiez un grand nombre d'émissions sur Sotchi, vous avez été exposé à d'autres émissions correspondant aux responsabilités de CBC en matière de programmation et que vous aimeriez peut-être les regarder.

Le sénateur Greene : Eh bien, permettez-moi de vous répondre dans quelques secondes.

Étant donné que la tendance, chez les consommateurs, est de regarder des émissions sur d'autres appareils qu'une télévision, et en raison de votre succès avec l'application en ligne, êtes-vous toujours engagés à 100 p. 100 envers la programmation radiodiffusée?

M. Lacroix : Programmation radiodiffusée. Voulez-vous dire la distribution radiodiffusée?

Le sénateur Greene : C'est exact.

M. Lacroix : Nous n'avons pas vraiment le choix. C'est pour cela que j'ai ri. J'aime Conrad. En fait, il y a quelques jours, il m'a envoyé un beau courriel pour me dire qu'il avait vraiment aimé notre couverture de Sotchi. Lorsque j'ai lu qu'il avait suggéré — parce que j'ai lu la transcription — que nous ne devrions plus avoir de radiodiffusion, car les Canadiens reçoivent leur signal par l'entremise d'un satellite ou d'une entreprise de câblodistribution, j'ai souri, car c'est lui qui a obligé tous les fournisseurs de services à entrer dans l'ère numérique en créant des marchés obligatoires et en disant que si vous voulez être distribué dans une région particulière, il vous faut un transmetteur HD. À l'époque, nous avions répondu : « Non, nous ne voulons pas cela, car nous ne pensons pas que les choses fonctionnent de cette façon en 2011. »

Donc, oui, maintenant qu'il n'est plus le président du CRTC, il peut faire ces commentaires. Mais l'infrastructure, les 27 transmetteurs HD que nous avons livrés aux Canadiens afin qu'ils puissent transmettre en radiodiffusion est le résultat d'une politique du CRTC, car maintenant, les Canadiens ne reçoivent pas leur signal de télévision par radiodiffusion, mais par satellite et par câblodistribution.

Le sénateur Greene : C'est très intéressant.

Votre mandat a été élaboré en 1992.

M. Lacroix : La Loi sur la radiodiffusion, qui définit notre mandat actuel, est une loi de 1991 qui n'a pas été modifiée depuis ce temps-là.

Le sénateur Greene : Y a-t-il des éléments de votre mandat que vous n'aimez plus et qui étaient appropriés en 1991, mais qui ne le sont plus maintenant, et qui vous empêchent de faire des choses que vous devriez faire, et vice versa?

M. Lacroix : Cela dépend des attentes des Canadiens envers les services que nous offrons. L'analyse de l'environnement vous précise notre mandat au début, et ensuite il y a l'article 3, qui énonce d'autres choses que nous devons accomplir.

C'est difficile de travailler avec une loi qui date de 1991. Selon les pages 8 et 9, le mandat doit être nettement canadien. Manifestement, il doit refléter l'ensemble du Canada et ses régions. Il faut évidemment qu'il soit de qualité équivalente. Il doit faire X, Y et Z, toutes ces choses auxquelles nous croyons.

Évidemment, la loi de 1991 ne parle pas d'Internet, et il n'y avait même pas d'iPad à Vancouver pendant les Jeux olympiques. Cela ne fait pas si longtemps. Il n'y avait pas d'applications pour iPad dans ce temps-là. Regardez ce que nous avons fait à Sotchi.

S'agit-il donc d'une loi qui reflète le milieu de la radiodiffusion actuel? La réponse est non.

Le sénateur Greene : D'accord.

Qu'êtes-vous donc en train de me dire?

M. Lacroix : Ce que je vous dis, c'est que dans cet environnement, la première chose que nous devons déterminer, en tant que société civile, c'est ce que nous voulons de l'environnement actuel de la radiodiffusion au pays.

Le sénateur Greene : D'accord.

M. Lacroix : En ce moment, plusieurs acteurs y jouent un rôle. Nous avons des radiodiffuseurs privés et des radiodiffuseurs publics, et nous avons des personnes qui sont maintenant tellement intégrées, et cela n'existait pas auparavant, que lorsqu'on examine ces groupes — et quelqu'un d'autre l'a mentionné il y a quelques secondes — et leur degré d'intégration, on constate qu'on n'avait pas prévu cela lorsqu'on a rédigé la Loi sur la radiodiffusion.

Le sénateur Greene : Êtes-vous donc en train de suggérer que nous devrions examiner la Loi sur la radiodiffusion et le mandat en particulier?

M. Lacroix : Je crois que la chose la plus importante est de savoir ce que veulent les Canadiens en 2014.

Le sénateur Greene : Et après.

M. Lacroix : Et après. Quels services souhaitent-ils obtenir de tous les acteurs de l'écosystème dans le milieu actuel de la radiodiffusion? C'est la question la plus importante. Ensuite, on ajuste les ressources en fonction de ces attentes, parce que si on ne le fait pas, Radio-Canada/CBC n'a aucune chance de répondre aux attentes des Canadiens, surtout si les objectifs changent tout le temps.

Le sénateur Greene : Je vais penser à tout cela, mais j'ai une autre question qui n'est pas liée à cette discussion. Je réfléchissais à quelque chose pendant que je regardais les Olympiques sur mon iPad. Je me disais que si la CBC peut m'offrir des images des compétions de ski à partir de Sotchi — ce qui est, dans un sens, du contenu canadien —, pourquoi ne peut-elle pas m'offrir du théâtre régional, par exemple en provenance du théâtre Neptune à Halifax?

M. Lacroix : Nous le ferons peut-être. Les possibilités sont intéressantes, mais vous devez vous rappeler que 87 ou 88 p. 100 des Canadiens regardent toujours leur télévision de façon linéaire, assis dans leur salon.

Donc, oui, les widgets sont amusants. Ils vous donnent une idée de ce qui s'en vient; mais les gens regardent toujours 27 heures de télévision par semaine, et cela ne comprend pas les heures en ligne.

Nous avons beaucoup parlé de la télévision, et il y a quelques minutes, un sénateur a mentionné — j'aurais dû en parler plus tôt — qu'il y avait des problèmes avec la grille horaire de télévision. Les données que nous vous avons présentées devraient vous convaincre que la grille horaire d'automne de Radio-Canada était la meilleure à ce jour. Notre part s'élevait à 21 ou 22 p. 100 des heures de grande écoute. Nous avons même battu TVA pour la première fois, et vous savez que c'est très bien, car je crois que TVA et Radio-Canada ont, dans notre marché, une très bonne relation en ce qui concerne la production d'excellentes séries dramatiques. Et si nous ne repoussons pas les limites, TVA s'en charge, et les séries sont spectaculaires. J'ai beaucoup de respect pour leur travail.

Au sein de l'environnement de Radio-Canada, nous avons une façon très différente de créer un système de vedettes; les gens aiment donc Radio-Canada plus que jamais, et c'est excellent. La radio de Radio-Canada connaît aussi un bon succès, lorsqu'on combine la radio, Espace musique et la Première Chaîne.

Maintenant, pour parler de la CBC...

M. Allen : Je ne veux pas qu'on sous-estime CBC Television, car elle a réussi à conserver la même proportion de l'auditoire qu'il y a 10 ans dans un environnement où le nombre de chaînes et de services offerts a explosé. Je félicite donc CBC Television.

M. Lacroix : La dernière fois que nous avons vérifié, 748 chaînes étaient offertes. Et ce qui permet à Radio-Canada/ CBC de se distinguer — et nous en parlons encore, sénateur Eggleton —, c'est le contenu canadien. Il faut que vous choisissiez notre chaîne en sachant qu'on vous montrera des valeurs et des émissions canadiennes dans un environnement construit pour refléter l'identité canadienne contemporaine.

Et les résultats sont bons. Dans 21 des 23 marchés de Radio One, l'émission est au premier ou au deuxième rang selon les derniers résultats PPM; et CBC Television doit effectivement faire face à des défis. Les cotes des heures de grande écoute varient de 7 à 8,5 p. 100, et elles seront touchées par la perte de Hockey Night in Canada. Nous ne savons pas quelle proportion en ce moment, mais Heather Conway a un plan pour tenter de transformer cela et rendre les choses un peu plus intéressantes — en fait, pour continuer d'établir des liens avec les Canadiens.

Le sénateur Greene : Si vous pouviez imaginer où nous en serons dans 5 ou 10 ans — c'est peut-être plus difficile dans 10 ans — et en vous servant de votre connaissance du marché, qui est plus étendue que la mienne, seriez-vous intéressé à présenter une proposition de modification de mandat?

M. Lacroix : Eh bien, nous essayons de définir le radiodiffuseur de 2020. Armés de ces informations, lorsque nous livrerons notre vision, nous nous reconnecterons et évaluerons si nous pouvons la mettre en œuvre dans l'environnement dans lequel nous serons. Mais il y aura des changements.

Le vice-président : Merci, sénateur Greene. J'ai été très généreux avec vous, comme toujours.

M. Lacroix : La stratégie de 2015 se termine le 31 mars 2015. C'est la fin de la cinquième année. Avant cela, nous aurons un cadre de travail et nous aurons communiqué une stratégie qui définira, à notre avis, le radiodiffuseur de 2020. Nous devrons faire certains choix.

Le vice-président : J'aimerais aussi poser une question. Je voudrais revenir au thème de la transparence dans la gouvernance, et quelques-uns de mes collègues l'ont soulevé.

Depuis le début de cette étude, nous avons entendu beaucoup de témoins ayant divers points de vue sur la question, et bon nombre d'entre nous avons bien du mal à comprendre que l'une des plus grandes sociétés d'État, sinon la plus grande, qui reçoit plus de 1,1 milliard de fonds publics par année, ait de la difficulté à divulguer publiquement les salaires de ses hauts dirigeants — celui de Peter Mansbridge, par exemple — alors que de nos jours, les contribuables et les citoyens réclament plus de transparence et de reddition de comptes que jamais. Nous en sommes la preuve vivante. Nous devons justifier chaque cent que nous dépensons dans le cadre de nos fonctions. Si mon ami et collègue le sénateur Mercer obtenait une prime parlementaire à la fin de l'année et ne déclarait pas le montant de cette prime, cela irait sans doute très mal.

La semaine dernière, j'ai parcouru le site web de la BBC et j'ai cliqué sur le nom de diverses personnes, de cadres supérieurs et du directeur général de la société. Leur salaire annuel et leur allocation de dépenses étaient affichés. C'est le système de comptabilité le plus détaillé que j'ai vu pour un organisme financé par le gouvernement.

Il arrive que des personnes commettent des erreurs, et nous avons entendu votre point de vue au sujet du remboursement des dépenses. Je ne peux pas vous juger. Je ne connais pas les faits ni les détails, mais dans toute organisation, que ce soit le Sénat du Canada — et mon ami et collègue le sénateur Plett y a fait allusion —, CBC/ Radio-Canada ou VIA Rail, il doit y avoir un système de freins et de contrepoids afin que les administrateurs, les cadres supérieurs et les employés soient tenus de rendre compte de leurs actes et que nous puissions déterminer si les erreurs étaient bien des erreurs, si elles ont été commises parce que des changements structurels doivent être apportés au système. Nous avons vécu cette situation ces derniers mois, mais je pense que le public a constaté à quel point nous avons été stricts envers nos propres collègues accusés d'avoir présenté des demandes de remboursements qui, selon eux, ont été faites par erreur, alors que d'autres prétendent autre chose.

Je crois qu'en tant que comité qui se penche sur les questions de gouvernance et de transparence, nous avons bien du mal, monsieur Lacroix, à comprendre pourquoi CBC/Radio-Canada refuse de divulguer certains renseignements. Il y a des gens qui me disent par courriel vouloir connaître le salaire de Peter Mansbridge, et je ne vois pas pourquoi cela poserait problème à une organisation qui tire les trois quarts de son financement des fonds publics.

M. Lacroix : Sénateur, pour nous, la transparence est essentielle. Nous croyons que CBC/Radio-Canada est plus transparente que jamais et que nous faisons preuve de plus de transparence que beaucoup de radiodiffuseurs ou de sociétés avec lesquels nous travaillons quotidiennement.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Nous présentons un rapport annuel comme tout le monde. D'ailleurs, le comité des prix des CPA nous a octroyé un prix l'an dernier pour la qualité de nos rapports en 2012-2013. Il en a fait l'annonce il y a quelques mois. Cela vous montre à quel point nous avons de bonnes pratiques de divulgation en ce qui concerne notre situation financière.

Nous soumettons un plan d'entreprise. Nous publions sur notre site quelque 130 000 questions et réponses; beaucoup de gens nous posent toutes sortes de questions en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Nous les affichons sur le site de façon active, proactive. Nous avons été inondés de demandes d'accès à l'information, et je suis sûr que vous savez, parce que Sun Network l'a divulgué, que notre institution a été assujettie à la Loi sur l'accès à l'information en septembre 2007. Nous avons comparé le nombre de demandes que recevaient beaucoup d'autres sociétés, comme la BBC et les sociétés canadiennes, et il y avait un écart énorme. Dès les premiers mois, nous avons reçu quelque 700 demandes. Nous avons pris du retard; la commissaire nous a attribué un « F ». Nous avons travaillé comme une société et nous avons transformé le « F » en un « A ». Dans son dernier rapport, la commissaire nous a donné la note « A » et elle a souligné à quel point la culture à CBC/Radio-Canada s'est améliorée. Nous relevons chaque défi en matière de transparence de cette façon. Nous publions des choses. Si vous consultez notre site web, vous verrez que nous communiquons constamment des renseignements au sujet de ce qui se passe à CBC/Radio-Canada.

La rémunération de Peter Mansbridge est tout à fait concurrentielle dans un milieu comme le nôtre. Il y a toutes sortes de considérations liées à la protection de la vie privée en vertu de certaines lois au pays qui nous empêcheraient de le faire.

Nous publions nos échelles salariales. Si vous allez sur le site de CBC/Radio-Canada, vous verrez les échelles salariales de nos employés. Vous aurez une bonne idée de la façon dont cela fonctionne. Notre philosophie de rémunération est tout à fait transparente, et nous la décrivons dans notre rapport annuel. Nous essayons de rémunérer les gens — et nous avons des administrateurs indépendants, tous nommés par le gouvernement actuel; le gouvernement occupe le pouvoir depuis assez longtemps pour avoir nommé chacun de nos administrateurs. Ils siègent à un comité des RH. Ils s'occupent de toutes les questions liées à la rémunération à CBC/Radio-Canada, et le système de gouvernance fonctionne de cette façon.

C'est une réponse assez longue, sénateur, pour vous dire que nous estimons n'avoir jamais autant fait preuve de transparence. La divulgation de ces salaires ne nous servirait pas dans le milieu où nous évoluons.

Le vice-président : Pour la deuxième série de questions, nous allons suivre le même ordre d'intervention. S'il y a des sénateurs qui ne souhaitent pas y participer, qu'ils me fassent signe. J'aimerais que vous soyez un peu plus précis et concis dans vos questions; ainsi, nous pourrons profiter au maximum du temps dont nous disposons.

Vous avez la parole, sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Je vais poursuivre dans la même veine que mes collègues au sujet de la transparence.

Il me semble que la transparence est un mot clé dans cette ville. C'est un mot clé que votre communicateur du National continue d'utiliser constamment. En parlant des dépenses des sénateurs cette semaine, il a dit que ce sont les deniers publics qui sont dépensés.

Ce sont également des deniers publics qui sont dépensés à CBC/Radio-Canada, et pour tout dire, je suis déçu que vous ne nous ayez pas dit quelle aurait pu être votre prime. Vous n'avez pas révélé le salaire de M. Mansbridge.

Peut-être pourriez-vous nous dire si tous les employés, comme M. Mansbridge, respectent la politique sur les conflits d'intérêts et les questions de déontologie de CBC/Radio-Canada pour ce qui est de toucher un revenu ailleurs qu'à la CBC en utilisant la position qu'ils y occupent pour faire de l'argent? Je parle ici d'un article publié dans un autre média d'information, dans lequel on affirme que M. Mansbridge a prononcé un discours devant les membres de l'Association canadienne des producteurs pétroliers en 2012 et qu'il a demandé 28 000 $ pour le faire.

Il n'y a rien de mal à ce que M. Mansbridge gagne de l'argent, mais je veux savoir qu'il le fait parce qu'il est la voix de CBC. Il le fait parce qu'il est suivi par les Canadiens tous les soirs à 22 heures. Si je me reporte à certains éléments de la politique sur les conflits d'intérêts et les questions de déontologie, je constate que les employés de CBC/Radio-Canada :

5. ... ne doivent pas se servir de leur emploi pour poursuivre leurs intérêts personnels.

15. Les employés ne doivent pas s'engager dans des activités susceptibles de donner une mauvaise réputation à CBC/Radio-Canada.

16. Les employés ne peuvent pas prendre position sur des sujets de controverse publique si cela risque de compromettre l'intégrité de CBC/Radio-Canada.

Je n'ai pas entendu le discours qu'il a prononcé devant les membres de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, mais je présume qu'il a parlé de la production pétrolière. Il a sans doute dit ce qu'ils voulaient entendre. Ce n'est peut-être pas le message que je voudrais entendre, mais habituellement, lorsqu'on est payé pour s'adresser à un groupe, on adapte son message en conséquence. Je doute que l'on prononcerait un grand discours sur l'environnement devant ces personnes.

Finalement, lorsqu'on a révélé que Rex Murphy avait eu des emplois similaires, Jennifer McGuire, la rédactrice en chef de la SRC a pris sa défense en invoquant le fait que Rex est un pigiste. J'ai pensé que c'était convaincant. Des personnes comme M. Mansbridge ne sont pas des pigistes, mais des employés de la SRC.

M. Lacroix : Peter Mansbridge a eu la permission de faire un discours à l'association pétrolière. En fait, il demande aux cadres supérieurs du journal télévisé la permission de faire ses présentations, et chacune de ces présentations est examinée afin de s'assurer qu'il n'y pas de conflit d'intérêts et que nos règles sont respectées.

Il fait énormément de discours. Je crois qu'il en a fait 200 au cours des 10 dernières années. C'est un élément important de nos relations publiques.

Je ne sais pas de quoi il a parlé et vous venez de dire que vous non plus ne le savez pas, je vais donc m'abstenir de faire des commentaires sur le contenu du discours. Mais il sait que dans ses discours il ne donne jamais son avis ou ne prend position sur un sujet d'actualité. Il a pu parler du leadership, des Olympiques et d'Alexandre Bilodeau enlaçant son frère au bas de la colline. Je ne sais pas de quoi il a parlé, mais je peux vous assurer d'une chose, c'est que Peter est un journaliste très respecté. Il est le visage du journal télévisé de la SRC, comme un certain nombre de ses collègues, mais nous associons tous Peter Mansbridge au journal télévisé The National. Je suis sûr que dans le discours qu'il a fait, il a respecté ses normes et notre politique.

Le sénateur Mercer : Bon. Je passe le relais à mon collègue.

Le vice-président : J'aurais voulu que nous disposions de plus temps, mais je suis sûr que M. Lacroix reviendra nous voir.

Le sénateur Eggleton : Je poserais deux petites questions si vous le permettez.

Le gouvernement a annoncé en octobre dernier dans le discours du Trône ce qui est désigné sous le nom de service à la carte ou de système dégroupé. Récemment, les médias ont largement relaté que la plupart des câblodistributeurs, quand leurs tarifs ne sont pas contrôlés, trouveront un autre moyen de les augmenter et qu'on n'économisera pas d'argent en choisissant ce qu'on veut. En fin de compte, on paiera tout autant.

Je voudrais savoir, mis à part ce petit problème, quelle en sera l'incidence sur le contenu canadien? Plus précisément, Quelle en sera l'incidence sur la SRC?

M. Lacroix : Nous ne savons encore ce dont il s'agit, comme vous l'avez vu, Jean-Pierre Blais et le CRTC ont entamé un examen de ce que l'histoire de la télévision pourrait être. Cet examen comprend trois phases. Nous pensons que lorsque nous visionnerons les phases, on nous invitera à faire des commentaires à la phase 3 prévue en septembre 2014. Nous serons prêts et nous donnerons notre avis et ferons le point sur la situation de la télévision à ce moment.

Le service à la carte, en fonction de ce qu'ils font et la façon dont c'est groupé ou dégroupé, dépend de votre foi en ce qui a été depuis des années présenté au CRTC, ce que l'on appelle le service minimaliste, soit un certain nombre de canaux que vous, en tant que distributeur, devez offrir aux Canadiens, car cela fait partie de votre mandat, et tout le reste peut être le service à la carte selon le bon vouloir des Canadiens. Nous verrons ce qu'il adviendra.

Le sénateur Eggleton : Selon vous, qu'est-ce qui serait un mauvais modèle pour la SRC ou pour le contenu canadien?

M. Lacroix : Si la SRC n'était soudainement plus une distribution obligatoire. Pour les tarifs que paient les Canadiens — je vous ai rappelé dans ma déclaration préliminaire que nous recevons chaque année environ 29 $ de recettes fiscales pour toute l'année. Si vous n'en avez pas pour vos 29 $, nous revenons alors à la question que le sénateur assis là-bas a posée : Qu'allons-nous faire au sujet de la Loi sur la radiodiffusion et des services offerts aux Canadiens? C'est ainsi que nous ressentirons cette incidence.

M. Allen : Nous n'offrons pas beaucoup de chaînes thématiques et nous ne devons pas l'oublier. Le marché francophone a déjà un service à la carte pour Explora et beaucoup de canaux.

Le sénateur Eggleton : C'est un environnement différent.

M. Lacroix : Et les deux principaux canaux.

Le sénateur Eggleton : Ian Morrison, lorsqu'il était ici pour représenter Friends of Canadian Broadcasting, a dit que la structure de gouvernance et la haute direction de CBC/Radio-Canada ne semblent pas être suffisamment flexibles pour relever les défis posés par l'environnement très concurrentiel de la radiotélévision au Canada. Quels changements apportés à votre structure seraient susceptibles de vous donner une plus grande flexibilité?

M. Lacroix : Si c'est de la structure de gouvernance de CBC/Radio-Canada dont vous parlez, il faut poser la question au gouvernement. Le gouvernement nomme les directeurs, le système fonctionne ainsi et je suis nommé à mon poste par le premier ministre.

Le sénateur Eggleton : Vous ne voulez pas formuler de recommandation?

M. Lacroix : Je m'en remets aux personnes qui étudient le radiodiffuseur et d'autres société d'État, sénateur. S'ils veulent changer le nom de notre société, c'est parce qu'ils ont choisi de le faire.

Mais, je veux revenir à ce que vous avez vu sur l'écran. Si vous pensez que la direction de la SRC ne peut pas réagir au quart de tour et trouver avec l'aide de personnes extraordinaires — comme Chris Irwin ou Jeffrey Orridge — des employés de la SRC pour couvrir les Olympiques, tels que François Messier pour le service français et Trevor Pilling. Les gens que vous voyez à l'écran sont tous des cadres supérieurs de CBC/Radio-Canada.

Nous avons obtenu les droits très tardivement. Nous nous soucions de ne pas avoir suffisamment de temps pour promouvoir les Jeux d'hiver de Sotchi, donc, avec l'aide de tout le personnel de la SRC — les 500 personnes qui ont travaillé à Sotchi et ici — nous avons prouvé à quel point nous pouvons être souples lorsque nous devons relever des défis très importants.

Le sénateur Plett : Ma question est quelque peu personnelle et n'a absolument aucun rapport avec le point soulevé par M. Lacroix et il peut me donner une réponse d'ordre général. Mais avant de poser la question, je dois relater quelques faits.

Il y a vingt ans, les articles en ligne n'existaient pas, donc, pour faire une rétractation en bonne et due forme, le radiodiffuseur ne pouvait que recourir à la rétractation publique. Il ne pouvait pas faire la rétractation dans un article en ligne puisqu'il n'y en avait pas.

La semaine dernière, la SRC a publié un article en ligne intitulé « Tory senators expense business-class flights with spouses. » Puis, surprise, il y avait une photo de moi entre celles de deux autres sénateurs. Il était dit explicitement que j'achetais régulièrement des billets d'avion aller-retour en classe affaires pour mon épouse et moi.

Ensuite, Susan Bonner et Peter Mansbridge en ont parlé dans The National et ils ont parlé des trois sénateurs dans Power & Politics. Ils ont montré des photos des trois sénateurs dans The National et Peter Mansbridge a commencé par ces mots : « Nous commençons ce soir par un reportage qui pourrait ternir encore plus l'image qu'a le Sénat ces jours-ci. Au plus fort du scandale du Sénat en automne dernier, CBC News a découvert qu'il y avait peu de retenue. Il y a plutôt beaucoup d'achats de billets d'avion en classe affaires, souvent avec les épouses, des billets payés par vous, le contribuable. »

La réalité est que, et c'est ce que j'ai expliqué à M. Sawa et à d'autres...

Le sénateur Eggleton : J'invoque le Règlement. Je ne pense pas que ces questions entrent dans le cadre de l'étude menée par le comité et qui est d'étudier les défis que doit relever la SRC en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion. La question a un intérêt particulier pour le sénateur concerné et je ne pense pas qu'elle soit pertinente pour l'étude.

Le sénateur Greene : D'un autre côté, une partie du témoignage a porté sur le remboursement des dépenses, et cetera, du témoin, je pense donc que cela permet de...

Le vice-président : J'ai écouté attentivement votre question et j'aimerais que vous passiez rapidement à une question sur la gouvernance.

Le sénateur Plett : Il s'agit d'une question personnelle et si le sénateur Eggleton avait été un peu plus patient, il aurait constaté que j'étais sur le point de poser ma question, qui est d'ordre général.

Le sénateur Eggleton : J'ai été très patient la dernière fois que vous en avez posé une.

Le sénateur Plett : À votre avis, monsieur, à titre de président de la SRC, si vous présentez de manière inexacte des faits — il ne s'agit pas seulement de la SRC, mais aussi de CTV, Sun et toute autre organisation — avez-vous l'obligation en tant que radiodiffuseur, un radiodiffuseur entièrement subventionné ou tout autre radiodiffuseur, lorsque vous diffamez quelqu'un en rapportant de faux renseignements, avez-vous l'obligation de publier une rétractation complète de la même façon que vous avez publié l'article ou suffit-il de faire une rétractation en ligne — comme ce fut le cas, et ce qui est donc interprété comme étant un aveu — que personne ne lit?

C'est une question d'ordre général. Il n'y aucun rapport avec cela. Il fallait que je présente le cas pour poser la question.

M. Lacroix : Sénateur Plett, je suis sûr que vous conviendrez qu'il ne serait ni sage ni approprié qu'en tant que président-directeur de la SRC je remette en cause le choix éditorial de notre service d'information.

Le sénateur Plett : Ce n'est pas ce que je vous demande de faire.

M. Lacroix : Je pense que notre service d'information est l'un des meilleurs au monde. Nos journalistes respectent des normes et pratiques journalistiques très strictes, qui font l'envie de notre milieu; en fait, des gens viennent nous voir pour les copier et s'en inspirer.

Si vous vous sentez lésé, monsieur, nous avons un processus des plus rigoureux vous permettant de vous adresser à notre ombudsman qui examinera la situation. Esther Enkin, notre ombudsman des services anglais, est une personne de renom, elle a une bonne réputation et de l'expérience. Si ses conclusions ne vous satisfont pas, vous pouvez bien sûr vous adresser aux tribunaux.

Mais, vous conviendrez certainement que ce serait aller à l'encontre de toutes les règles pour le président de la SRC de remettre en cause le choix de notre service d'information.

Le sénateur Plett : Ce n'est pas ce que je vous ai demandé de faire, monsieur, néanmoins, permettez-moi de conclure. Je vous ai demandé clairement un avis d'ordre général et non pas de rendre une décision sur cette affaire.

Voici ma dernière question. Quel est le mode de sélection de l'ombudsman de la SRC? En tant que président de la SRC, participez-vous de quelque manière que ce soit au choix de l'ombudsman?

M. Lacroix : L'ombudsman relève de moi. Il y a un lien hiérarchique direct en anglais et en français. Notre processus est bien documenté dans notre site web qui décrit la façon dont Esther Enkin a été choisie. Il y a un comité composé de cinq personnes et présidé par quelqu'un issu du public. Les recommandations me sont présentées et c'est moi qui rends la décision finale concernant l'ombudsman et son recrutement.

Ce processus existe depuis longtemps. Il est très transparent en anglais et en français. L'ombudsman fait rapport au conseil d'administration en passant par moi et a un lien direct avec le conseil. L'ombudsman présente un rapport au conseil d'administration deux fois par an. Les rapports sont aussi rendus publics, comme le sont toutes nos révisions. Nous sommes la seule organisation au pays qui a un ombudsman.

C'est, à notre avis, une caractéristique du radiodiffuseur public et nous sommes très fiers du mode de fonctionnement du processus.

Encore une fois, monsieur, si vous vous sentez lésé, je vous encourage à utiliser le processus.

Le sénateur Plett : L'ombudsman n'est pas très indépendante.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Lacroix, vous avez dit une phrase tantôt que beaucoup de Québécois et de Canadiens ressentent. Vous avez dit que Radio-Canada devrait refléter les valeurs canadiennes. Lorsque vous regardez Radio-Canada, que ce soit n'importe quel soir de la semaine, entre 18 heures et 22 heures, avez-vous l'impression que Radio-Canada reflète l'ensemble des valeurs canadiennes?

M. Lacroix : Si je me fie aux cotes d'écoute exceptionnelles que notre télévision de Radio-Canada déclenche à travers le pays en ce moment, que ce soit 30 Vies, le téléroman de Fabienne Larouche, que ce soit Découverte, Enquête ou Unité 9 qui a complètement galvanisé l'écoute à presque 2 millions de personnes, la réponse est certainement oui, sinon les Canadiens ne nous regarderaient pas.

Le sénateur Maltais : Mais est-ce que les Canadiens pourraient de temps en temps entendre parler des vraies valeurs canadiennes, de l'unité nationale, des Canadiens de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve? Est-ce que de temps en temps on ne serait pas en droit d'avoir quelque chose de positif sur l'ensemble de nos valeurs canadiennes?

La dernière fois que vous avez entendu le Ô Canada à Radio-Canada Montréal, pouvez-vous me dire la date?

M. Lacroix : On l'a entendu un bon nombre de fois pendant les Jeux olympiques.

Le sénateur Maltais : Mais cela se produit une fois tous les quatre ans.

M. Lacroix : Je faisais une blague en vous répondant. On l'a entendu souvent et on en était très fiers.

Le sénateur Maltais : Non, c'est parce que vous étiez obligés de l'entendre parce qu'on entendait chanter le Ô Canada lors de la remise des médailles. J'aimerais simplement dire une chose. On n'a pas l'impression que Radio-Canada Montréal reflète les valeurs canadiennes.

Si vous écoutez tous les petits programmes possibles et imaginables, on n'y invite que les gens qui prônent une option politique. C'est malheureux. C'est très malheureux parce que cette option politique ne représente que 33 p. 100 de la population québécoise. Il reste quand même 67 p. 100 des Québécois qui pensent autrement que la « petite clique du Plateau », comme on l'appelle à l'extérieur de Montréal.

M. Lacroix : Je m'excuse, sénateur. Maintenant je comprends que lorsque vous me parlez des valeurs canadiennes, vous voulez parler de la diversité des voix. Tantôt j'examinais la programmation et je voyais Série noire, Mémoires vives et Trauma et je me dis une chose. S'il y a autant de Canadiens qui nous regardent, c'est qu'on a certainement un intérêt à leurs yeux.

Ce sont plutôt les voix qu'on entend qui font en sorte qu'on n'a pas l'impression d'avoir une diversité assez grande. Cela vaut tant chez CBC que chez Radio-Canada. Et notre conseil d'administration est très conscient de cela. Nous avons toutes sortes de métriques par lesquelles nous mesurons la façon de livrer les points de vue.

Il est important de prendre deux secondes pour bien répondre à votre question. Lorsque le radiodiffuseur public fait son travail, les gens qui sont les animateurs ne devraient pas donner leurs opinions. Que ce soit à la radio ou à la télévision, le travail d'un animateur c'est de faire en sorte qu'il y ait assez de personnes autour de lui qui ont des opinions différentes pour que la personne qui écoute se forme elle-même une opinion basée sur ce qu'elle entend et non qu'elle se fasse livrer une opinion par l'animateur.

Tous ceux qui travaillent à la CBC dans le volet des nouvelles ou de la programmation en sont très conscients. À la CBC ou à la radio de Radio-Canada, la Première Chaîne, nous rapportons cette information à notre conseil d'administration.

En plus de cela, sénateur Maltais, deux fois par année nous sondons les Canadiens. Dans un rapport publié sur notre site web, qui s'intitule « Notre Bulletin », nous leur demandons ce qu'ils pensent de la performance de CBC/ Radio-Canada. On leur demande si Radio-Canada reflète leur région et s'ils entendent la diversité des voix canadiennes.

Et à partir de ces sondages, dans le cadre desquels plusieurs milliers de personnes se prêtent à l'exercice, on peut vous dire que les Canadiens croient que nous répondons à leurs attentes à cet effet. Je vais demander à Mark de vous parler de la « report card ».

[Traduction]

M. Allen : Nous produisons deux fois par an des fiches de rendement dans lesquelles nous présentons les résultats d'une étude sur les perceptions qu'ont les Canadiens au sujet de nos services. Reflètent-ils la culture et les caractéristiques des différentes régions du Canada. Les résultats montrent que 7,3 francophones sur 10 estiment que nous faisons un très bon travail à ce niveau.

[Français]

M. Lacroix : Mais sur ce point je peux vous dire que vous avez raison. Parfois, on n'est pas parfait, d'autres fois, on se le fait dire et on s'en rend compte.

[Traduction]

Nous apportons des corrections et continuons d'en apporter parce que si nous commettons une erreur à ce chapitre...

[Français]

Si nous ne répondons pas aux attentes des Canadiens sur la diversité des voix, nous n'avons plus franchement le droit d'exister en tant que radiodiffuseur public.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Monsieur Lacroix, je voudrais revenir à vos dépenses. Nous n'en avons pas beaucoup parlé ce soir. Pouvez-vous nous décrire le processus de la SRC en ce qui concerne l'approbation des dépenses et nous dire qui approuve le remboursement? Est-ce que cette personne vérifie aussi que le remboursement des frais se fait conformément à vos règlements? Il est évident qu'ils ne l'étaient pas dans le cas que vous mentionnez. Cette personne a-t-elle fait l'objet d'une mesure disciplinaire?

Autre chose, dans votre canal, à l'émission Power & Politics, vous avez déclaré le 21 février : « Des années durant, j'ai examiné chacune des demandes de remboursement déposées par des employés qui relèvent de moi » et vous avez dit que vous pensiez que la CBC avait un « processus très solide ». Je me demande donc si vous vérifiez aussi vos propres dépenses avant de soumettre une demande de remboursement et si tous ceux — y compris vous le président-directeur — qui ont la responsabilité de vérifier l'exactitude de ces demandes ne connaissaient pas une règle fondamentale régissant le remboursement. Comment une telle méconnaissance peut-elle être compatible avec un processus très solide?

M. Lacroix : Je vais vous décrire le processus. Je dépose une demande de remboursement de dépenses. Le directeur des finances vérifie si elle répond à nos critères. La demande est ensuite transmise au président qui l'examine et l'approuve, le cas échéant, ou pose des questions. Ensuite, une fois par trimestre, les demandes sont publiées dans notre site web. Vous pouvez suivre en détail mes déplacements, ce que j'ai fait, tous les Tim Hortons où je suis allé. Et notre vérificateur interne, Deloitte, indépendant, me dit chaque trimestre si l'examen de mes dépenses répond aux critères de la SRC.

Cela dit, je le répète madame la sénatrice, vous avez raison. Une erreur a été commise. Nous l'avons découverte. Nous l'avons signalée. Nous avons rendu l'argent. Nous en avons fait part au conseil d'administration, au président, à toutes ces personnes et au vérificateur général. Nous l'avons dit au gouvernement pour assurer une transparence totale. Encore une fois, nous nous en excusons. Il me semble que vous ayez vu l'émission Power & Politics dans laquelle j'ai présenté mes excuses et j'en présente à nouveau ce soir.

La sénatrice Batters : J'ai remarqué, monsieur, un peu plus tôt lorsque vous vous êtes excusé...

Le président : Merci madame la sénatrice Batters. Voulant donner à tous la possibilité d'intervenir, je ne peux vraiment pas vous laisser poser d'autres questions.

Sénateur Demers, la parole est à vous.

[Français]

Le sénateur Demers : Monsieur Lacroix, le 11 février dernier, l'honorable Konrad von Fickenstein a comparu devant notre comité. À la fin de son témoignage, j'ai cru comprendre qu'il disait que cela n'allait pas si bien que vous le dites à Radio-Canada.

Vous avez été franc en ce qui concerne les cotes d'écoute, mais M. von Fickenstein n'a pas semblé voir l'avenir de CBC/Radio-Canada avec optimisme, comme vous et M. Allen.

Croyez-vous qu'il a dit cela sans réfléchir ou s'il ignore simplement des choses dont vous êtes au courant?

M. Lacroix : M. von Fickenstein est un expert en la matière, il n'y a aucun doute. Le travail qu'il a fait et les responsabilités qu'il a choisi de mener font de lui un expert de l'industrie.

J'espère ne pas vous avoir peint un portrait de CBC/Radio-Canada qui était joyeux, glorieux, mais plutôt d'une entreprise qui travaille dans un environnement très concurrentiel, où il y a 750 télévisions qui bombardent les Canadiens de toutes sortes de chaînes et de choix.

M. Allen pourra vous parler d'un passage du livre qu'on vous a présenté, à la page 54, pour vous donner une idée de l'environnement dans lequel on travaille.

On a des défis très importants qui viennent s'ajouter à la perte du hockey. On a des défis de choix, d'infrastructures, on a le défi de se trouver un modèle d'affaires qui ne nous obligera pas à couper des parties de l'entreprise pour en sauver d'autres.

Il y a quelques années, j'ai même utilisé l'expression « on a vendu les meubles de la maison pour garder la maison, pour payer l'hypothèque. »

[Traduction]

Dans un tel environnement, c'est sur tous les fronts que nous devons relever des défis.

[Français]

Nous avons des défis à relever dans un environnement difficile, où on croit que la valeur que nous offrons aux Canadiens est une valeur de contenu canadien, une valeur d'information. Notre rôle est de refléter le Canada aux Canadiens et le monde entier à travers nos yeux au Canada.

Si vous suivez ce qui se passe en Syrie actuellement et tenez compte du travail exceptionnel de nos équipes d'information en français et en anglais pour vous faire comprendre quels sont les enjeux de la Syrie, vous comprendrez qu'il n'y a aucun autre radiodiffuseur au Canada qui fait cela en ce moment. C'est notre expertise.

[Traduction]

Le sénateur White : J'apprécie que vous ayez présenté des excuses il y a un instant, toutefois, je ne vous ai pas entendu en présenter aux contribuables canadiens.

Ma question se rapporte à notre discussion d'un peu plus tôt sur les primes que vous appelez les SPCT, pour faire plus court je suppose. Elles sont versées. Je comprends bien que vous ne vouliez pas mentionner des noms, même s'il me semble que toutes nos provinces divulguent maintenant les salaires.

Pouvez-vous fournir à la présidence le nombre de cadres supérieurs dans la fourchette de 5 à 10 p. 100 — je dis bien des cadres supérieurs — de 11 à 20, et cetera, allant jusqu'à de 41 à 50 p. 100, ainsi que le ratio de financement du régime de retraite afin que je sache s'il est de l'ordre de 1 à 1, 2 à 1, 3 à 1, 4 à 1 ou 5 à 1 pour toutes les personnes qui occupent un poste de cadre supérieur?

M. Lacroix : Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez savoir à propos des retraites ou je ne sais quoi.

Le sénateur White : Je voudrais savoir si la SRC verse 3, 4 ou 1 $ quand l'employé en verse 1?

M. Lacroix : Le gouvernement du Canada s'est exprimé clairement à ce sujet il y a quelques années et M. Flaherty a rappelé que le gouvernement attend des sociétés qu'elles respectent sa politique sur le financement du régime de retraite. En fait, nous sommes en avance sur ce plan. Nous sommes passés de 34 à 40 et les discussions en cours avec les syndicats visent un rapport de 50 à 50.

Le sénateur White : Je parle des cadres supérieurs non syndiqués dont vous ne voulez pas divulguer les salaires. Je parle de ceux qui sont employés par la SRC, les Peter Mansbridge.

M. Lacroix : La politique salariale de la CBC/Radio-Canada est très simple et, là aussi, bien en avance sur celles des autres sociétés d'État, des sociétés privées et des experts de notre secteur. La politique est examinée par des directeurs indépendants qui siègent, sénateur, à notre comité des RH. Notre objectif est ce que nous appelons la médiane de ces fourchettes. Nous publions les tranches et les noms des personnes qui sont dans les tranches...

Le sénateur White : Monsieur le président, mes deux questions portent sur les primes et les ratios de régime de retraite et non pas sur les tranches.

Le vice-président : J'ai remarqué. Le témoin peut peut-être donner une réponse.

M. Lacroix : Je ne sais pas trop bien à quels ratios de régime de retraite vous faites allusion, mais nous étudierons la question et déterminerons si c'est quelque chose que nous pouvons vous communiquer.

Quelle était l'autre question, monsieur?

Le sénateur White : Si ces deux types de ratio sont connus à la SRC, j'imagine que vous pourriez nous les communiquer. Je ne vous demande pas de noms. Vous avez dit clairement que vous pensiez que vous ne devriez pas nous les donner, mais je veux des renseignements sur les primes. J'ai été choqué d'apprendre que certains cadres pouvaient recevoir des primes de l'ordre de 50 p. 100.

M. Lacroix : Dans notre société, deux personnes ont droit à un tel pourcentage, car leurs salaires ne sont même pas comparables à ceux de postes équivalents offerts dans le secteur.

Le sénateur White : Très bien monsieur le président. Je voudrais seulement, si vous me le permettez, qu'il communique ces renseignements à la présidence. Merci.

[Français]

La sénatrice Tardif : Monsieur Lacroix, y a-t-il des critères de représentativité pour le conseil d'administration par rapport aux langues officielles parlées et aux régions?

M. Lacroix : Au niveau de la diversité ou de la représentativité?

La sénatrice Tardif : La représentativité. Y a-t-il des critères selon lesquels au conseil d'administration, il doit y avoir tant de directeurs qui viennent de telle région, tant de directeurs qui doivent parler français?

M. Lacroix : C'est le gouvernement qui décide. On n'a aucune idée. Comme n'importe quelle entreprise de notre taille, dans un marché comme le nôtre, on nous demande de livrer les expertises que nous voudrions voir reflétées au conseil d'administration, par exemple l'expertise en finances, l'expertise en médias. On leur explique ce qu'on voudrait. On remet cela à l'appareil gouvernemental; on ne recommande pas des personnes, mais des expertises. Par exemple, si le président du comité de vérification est remplacé, j'aimerais avoir un vérificateur ou une personne qui a une expertise en comptabilité. Mais on n'a aucun pouvoir de décision, aucune influence sur la décision liée aux personnes que le gouvernement nomme à notre conseil d'administration. Alors je ne connais pas la réponse à votre question.

Le sénateur Mockler : On s'entend que Radio-Canada doit refléter l'ensemble du Canada?

M. Lacroix : Absolument.

Le sénateur Mockler : Est-ce que le pourcentage de réductions ou de coupures aux bureaux de Montréal et d'Ottawa sera le même qu'à Moncton?

M. Lacroix : Je ne fais pas de promesses de ce genre. Ce que je vous dis, simplement, c'est que la dernière fois que nous avons fait des choix dans le cadre du Programme de réduction du déficit pour le gouvernement fédéral, nous avons fait des choix en fonction des priorités de notre plan stratégique. On a donc protégé le contenu canadien, on a protégé nos régions et on a protégé du mieux qu'on a pu notre investissement dans le service numérique, parce que c'est l'avenir.

Nous utiliserons le même genre de prisme lorsque nous réfléchirons à nos enjeux budgétaires pour 2014-2015, et pour ce que nous réservera l'avenir, au-delà de 2015.

Rien n'est proportionnel. On ne peut pas dire à quelqu'un qu'on va lui enlever 3 p. 100. Ce ne serait pas logique dans l'environnement de réinventer un broadcaster. On choisira nos priorités, on tentera de les protéger le mieux possible, on considérera les autres choses qui sont en jeu et on réinventera les services qu'on rend aux Canadiens.

[Traduction]

Le sénateur McInnis : Il y a une excellente comédie de situation britannique intitulée Yes, Prime Minister dans laquelle, Humphrey, le député, ne cesse de dire : « Monsieur le premier ministre, je suis ici pour vous aider. » Mais, bien sûr, on se doute bien qu'il ne le pense jamais.

Je veux vous aider ce soir, si vous voulez bien tenir compte de mes sages paroles. Tout dollar des contribuables dépensé pour une institution, pour une société d'État, doit être obligatoirement rendu public. Il faut annoncer ce à quoi il a exactement servi. Beaucoup de provinces divulguent les comptes publics et les salaires.

Aujourd'hui, la SRC aime faire des références à la BBC. J'ai fait une recherche dans Google et j'ai trouvé une liste des salaires, accompagnée de renseignements détaillés, les curriculum vitae des employés pour qui veut les consulter et ainsi de suite.

Tout ce que je veux vous dire, c'est que ce genre de divulgation de renseignements sera de mise bientôt. Je vous conseille de vous y faire et de l'accepter. Vous ne pourrez pas y échapper. Personne n'est irremplaçable dans ce monde.

Je me souviens de Lloyd Robertson. Ils ont eu du mal en se demandant comment trouver quelqu'un. Lisa LaFlamme est remarquable dans son travail. N'importe qui peut être remplacé.

Je peux vous dire que...

Le vice-président : Sénateur, avez-vous une question?

Le sénateur McInnis : J'ai dit que j'allais l'aider et je viens de le faire. Merci.

Le sénateur Greene : Je veux vous donner l'occasion d'éclaircir deux points que vous avez soulevés. Ajoutez-vous, dans votre demande de remboursement de vos dépenses, le café que vous prenez chez Tim Hortons?

Et deuxièmement, comment a réagi le vérificateur général en apprenant que vos dépenses n'étaient pas admissibles?

M. Lacroix : Je ne demande pas aux contribuables de me rembourser 2,25 $.

Le sénateur Greene : Je voulais seulement vous donner l'occasion de le préciser.

M. Lacroix : Mais j'aime aller chez Tim Hortons et j'y dîne régulièrement. C'est probablement ce que je ferai dans ma voiture ce soir en retournant à Montréal.

Cela dit, le vérificateur général a pris acte de nos actions, il nous a demandé d'expliquer comment nous en sommes venus là, comment l'erreur a été commise. Je n'ai pas assisté à ces discussions, car évidemment on m'a isolé aussitôt que cela s'est produit. L'enquête sur ce qui est arrivé a été dirigée par le président indépendant de notre comité de vérification, l'un de nos directeurs, encore une fois, il s'agit d'un directeur indépendant qui a assumé cette responsabilité. Il a fait tout ce qu'il devait faire et s'est entretenu, en compagnie de notre vérificateur interne, avec toute personne dont il devait parler avec le vérificateur général.

Le vice-président : Vu que nous approchons de la fin de la séance, je veux moi aussi vous poser quelques questions.

Combien d'avocats sont employés à la CBC/Radio-Canada et quel est son budget annuel pour les conseils et les frais juridiques?

M. Lacroix : Oh là là! Combien d'avocats avons-nous? Je vais vous le dire. Quinze, peut-être, en comptant ceux de Montréal et de Toronto ensemble.

Le vice-président : Donc, 15 avocats internes?

M. Lacroix : Quinze, dix-huit, vingt avocats internes, à peu près, pour toute notre programmation et nous avons recours à des services juridiques externes pour négocier des conventions collectives, des contrats ou pour la Maison de Radio-Canada, et cetera.

Le vice-président : L'autre question porte sur les infrastructures, les édifices appartenant à la SRC/Radio-Canada. Avez-vous un service chargé de la location ...

M. Lacroix : Absolument.

Le vice-président : ... à des entités indépendantes de la SRC?

M. Lacroix : Oui.

Le vice-président : Est-ce que ces locations rapportent beaucoup d'argent?

M. Lacroix : Nous avons fixé à ce service des objectifs très ambitieux. Nous voulions un revenu considérable, près de 100 millions de dollars, pour améliorer nos biens immobiliers. Nous avons travaillé des mois durant avec Travaux publics. Nous pensions que ce ministère allait louer des locaux dans notre centre de radiotélévision. Nous venions tout juste de signer un bail avec une ferme, c'est ainsi qu'on les appelle, une ferme d'ordinateur. C'est-à-dire une entreprise qui s'occupe essentiellement de l'installation de serveurs et du traitement de l'information, c'est une ferme de serveurs, un serveur de données. Cette entreprise va louer près de 200 000 pieds carrés pendant quelques années. Nous signons constamment des contrats de location. Nous louons un espace au Boston Pizza.

C'est notre seul moyen de maximiser les revenus.

Le vice-président : Quel montant de ces revenus CBC/Radio-Canada reçoit?

M. Lacroix : De cette location, je n'ai pas de chiffre de but en blanc. Je me le procurerai et vous le communiquerai. Il est élevé et il le sera encore plus au fur et à mesure que nous réduisons la société.

Le vice-président : Je tiens, tout d'abord, à remercier tous mes collègues d'avoir été coopératifs ce soir. Nous avons eu deux séries de questions complètes. Tout cela était très intéressant. Nous vous en remercions.

Je voudrais remercier M. Lacroix et M. Allen pour leur patience. La soirée a été longue et nous avons abordé un large éventail de sujets.

Nous continuerons notre étude. C'est une étude détaillée sur CBC/Radio-Canada qui se poursuivra durant les 18 prochains mois. Nous estimons qu'elle est importante. Elle est importante pour le gouvernement du Canada et pour les contribuables. Elle est importante pour la SRC et l'institution. Nous espérons qu'une fois terminée, nous aurons des conseils qui seront utiles pour tous les acteurs et en particulier pour l'organisation à court et à long terme.

Nous voudrions nous réserver le droit de vous convoquer à nouveau...

M. Lacroix : Bien sûr.

Le vice-président : ... vous et quiconque peut nous aider à élargir l'étude afin qu'elle soit la plus exhaustive possible.

M. Lacroix : Je me ferai un plaisir de revenir.

(La séance est levée.)


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