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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET LA DÉFENSE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 28 novembre 2016

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui à 13 heures pour étudier, afin d’en faire rapport, les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense, pour étudier les questions relatives à l’Examen de la politique de défense entrepris actuellement par le gouvernement et pour examiner l’ébauche d’un rapport à huis clos.

[Traduction]

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

Le président: Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense en ce lundi 28 novembre 2016. Avant de commencer, je tiens à présenter les gens qui se trouvent autour de la table.

Je m’appelle Dan Lang, je suis sénateur du Yukon. Le greffier du comité est Adam Thompson. J’invite maintenant chaque sénateur à se présenter en précisant la région qu’il représente.

La sénatrice Jaffer: Je m’appelle Mobina Jaffer. Je suis de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Kenny: Colin Kenny, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Carignan: Claude Carignan, du Québec.

Le sénateur Dagenais: Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Campbell: Larry Campbell, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Day: Joseph Day, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Beyak: Lynn Beyak, de l’Ontario. Bienvenue.

Le président: Merci, chers collègues.

La réunion durera quatre heures. Dans notre premier groupe de témoins, nous allons accueillir deux directeurs adjoints du Service canadien du renseignement de sécurité qui feront le point sur les menaces à la sécurité du Canada et d’autres enjeux.

Je tiens à souligner aux membres du comité que, malheureusement, M. Coulombe m’a demandé de vous présenter toutes ses excuses. Il ne peut pas être là parce qu’il devait s’occuper d’affaires personnelles.

Je tiens à remercier M. Venner et M. Rumig de comparaître à sa place.

De plus, en compagnie des groupes de témoins suivants, nous allons poursuivre notre étude des questions relatives à l’Examen de la politique de défense en compagnie de représentants de l’Aviation canadienne et de l’Armée canadienne. Ensuite, en compagnie de notre dernier groupe de témoins, nous allons parler des enjeux liés aux activités de recherche et de sauvetage. À la fin de la réunion, nous poursuivrons à huis clos le temps d’une courte discussion.

Chers collègues, se joignent à nous pour notre premier groupe de témoins de la journée Tom Venner, directeur adjoint, Politiques et partenariats stratégiques, et Brian Rumig, directeur adjoint, Opérations, du Service canadien du renseignement de sécurité.

Bienvenue, messieurs. Je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire. Je vous prie donc de commencer, la parole est à vous.

Brian Rumig, directeur adjoint, Opérations, Service canadien du renseignement de sécurité: Monsieur le président, je tiens à vous présenter de nouveau les excuses de Michel Coulombe, qui ne peut pas être là aujourd’hui. Il a dû s’occuper d’une question inévitable et pressante. Il vous fait part de ses regrets, mais précise qu’il a hâte de pouvoir venir vous rencontrer durant la présente session.

Aujourd’hui, ma déclaration préliminaire portera essentiellement sur le contexte de la menace et sur l’extrémisme au Canada, notamment en ce qui concerne les combattants qui rentrent au pays, et je parle ici des personnes qui ont quitté le pays pour participer à des combats ou des activités terroristes à l’extérieur du Canada, mais qui, maintenant, pour diverses raisons, décident de revenir, planifient leur retour, veulent revenir ou sont revenues au Canada.

Bien entendu, je répondrai volontiers à toute autre question sur notre mandat.

Monsieur le président, comme vous le savez, le Service canadien du renseignement de sécurité est autorisé à enquêter sur les menaces envers la sécurité du Canada et à formuler des conseils à ce sujet. Le filtrage de sécurité est un autre mandat fondamental du service qui lui permet de conseiller le gouvernement.

Le terrorisme, y compris les voyages effectués à des fins terroristes et la radicalisation de Canadiens, constitue la principale menace pour les intérêts canadiens et la sécurité nationale. L’appareil du renseignement n’a jamais affronté une menace terroriste d’une telle portée, d’une telle envergure et d’une telle complexité. Comme on peut s’y attendre, il s’agit de la grande priorité du SCRS.

Je ne vous apprends pas que Daech, avec son appel au ralliement, continue de dominer la sphère extrémiste, particulièrement au Moyen-Orient. Dans ce contexte mouvant et complexe, Daech a subi des pertes en Syrie et dans les environs de Mossoul, dans le nord de l’Irak. Cependant, la réaction de Daech est encore incertaine. Il est évidemment possible que cela déstabilise la région et entraîne notamment des tensions interreligieuses. Les intervenants de la région devront faire face aux événements, dont l’éventuel déplacement d’un certain nombre de combattants.

On estime actuellement le nombre de combattants en Syrie et en Irak à plus de 30 000. Ce sont des combattants étrangers, pour être précis. Le taux auquel ces personnes quittent la zone de conflit a diminué de façon stable au cours des deux dernières années, probablement en raison de l’influence et du contrôle accru de Daech sur ces personnes et des capacités accrues des autorités régionales à sécuriser leurs frontières. Cependant, le fait que Daech continue à perdre des territoires en Syrie et en Irak pourrait renverser cette tendance, et pousser plus de combattants à partir et possiblement retourner dans leur pays d’origine.

Même si les événements en Syrie et en Irak se déroulent relativement loin du Canada, celui-ci n’est pas à l’abri de l’influence d’organisations terroristes. En outre, malgré les échecs de Daech en Irak et en Syrie, qui fissurent le mythe de son invulnérabilité, l’idéologie du groupe présente toujours un attrait à l’échelle mondiale, y compris chez les Canadiens qui y sont réceptifs.

Des Canadiens qui ont des convictions extrémistes continuent de mener des activités terroristes au Canada et à l’étranger. À l’heure actuelle, le service sait qu’environ 180 personnes ayant des liens avec le Canada mènent des activités terroristes à l’étranger, dont la moitié se trouveraient en Syrie ou en Irak.

Il est intéressant de souligner que les hausses ponctuelles récemment constatées dans le nombre de départs se sont quelque peu estompées. Cela dit, la situation peut changer, car des personnes au Canada réagissent aux événements qui se déroulent dans la région.

Les activités de ces voyageurs extrémistes sont extrêmement variées. Certains Canadiens se sont rendus en Syrie simplement pour habiter dans un territoire tenu par Daech. Ils sont heureux de pouvoir vivre dans un État islamique. D’autres se sont rendus là uniquement dans le but d’étudier les institutions extrémistes, pour recevoir une formation en combat liée au terrorisme ou pour participer à la planification d’opérations terroristes.

La participation des Canadiens à ces conflits, peu importe sa nature, déstabilise les pays concernés et représente certainement des risques directs et indirects pour le Canada.

Le service est aussi au courant du retour d’environ 60 personnes. Certaines d’entre elles qui reviennent au Canada peuvent présenter une menace grave pour la sécurité nationale. Elles peuvent réagir de bien des façons, par exemple renier Daech, reprendre une vie normale au Canada, tenter de radicaliser d’autres personnes, financer ou faciliter leur voyage ou encore, en fait, planifier des attentats.

Mesdames et messieurs, la direction a déjà fait état du nombre de terroristes voyageurs et de personnes qui reviennent au pays, car cela met cette question en perspective. Cependant il est important pour nous de ne pas oublier et d’être conscients que le fait de se concentrer exclusivement sur les chiffres ne permet pas de saisir adéquatement la nature de la menace. En effet, les personnes qui ne sont jamais parties à l’étranger et qui se livrent à des activités liées à la menace au pays, parce qu’elles aspirent à voyager, qu’elles n’ont pas pu concrétiser leur projet de voyage ou qu’elles ont choisi de rester au Canada pour une raison quelconque ne sont pas comptabilisées.

Malheureusement, nous sommes au fait des incidents de Strathroy et des attaques d’octobre 2014. Le fait d’empêcher des extrémistes de se rendre à l’étranger ne neutralise pas le risque qu’ils représentent, car les motifs qui les poussent à perpétrer des actes de violence persistent. En ce qui a trait aux trois personnes dont je viens de parler, leur désir était de quitter le Canada, mais elles en étaient incapables.

La portée des menaces, la vitesse à laquelle elles évoluent et la prévalence de la technologie et des médias sociaux rendent les enquêtes plus difficiles pour le service et lui posent d’importants problèmes du point de vue technique et prédictif. Je tiens à assurer les sénateurs membres du comité et tous les Canadiens que le SCRS prend toutes les mesures nécessaires pour repérer les personnes qui mènent des activités terroristes. Qu’il s’agisse de partir à l’étranger pour prendre part à un conflit régional, de participer à un projet d’attentat ou de faciliter les activités de quelqu’un d’autre, les activités de terrorisme sont rarement menées de façon soudaine et spontanée. En règle générale, elles nécessitent beaucoup de ressources financières, de planification et de soutien logistique. Le défi consiste à détecter non seulement les projets d’attentat complexes, de longues haleines, qui font appel à de nombreux intervenants, mais aussi les projets de moindre envergure qui sont souvent difficiles à déceler et à prévoir.

Monsieur le président, même si les extrémistes qu’on inspire à commettre des attaques au Canada demeurent la menace principale qui pèse sur notre pays, je tiens à formuler quelques commentaires sur d’autres enjeux sur lesquels se concentre le service.

Même si l’imminence de la menace terroriste oblige le service à y consacrer une partie importante de ses ressources, il doit aussi s’occuper d’autres menaces à long terme, comme les activités cybernétiques hostiles, l’espionnage, l’ingérence étrangère et la prolifération des technologies et du matériel associés aux armes de destruction massive partout sur la planète. Ces menaces n’ont peut-être pas le même pouvoir d’évocation que le terrorisme dans l’imaginaire collectif des Canadiens, mais il n’en reste pas moins qu’elles pourraient avoir, si on les néglige, des répercussions durables sur la prospérité économique et la sécurité du Canada.

Le Canada continue d’être la cible de cyberactivités malveillantes et offensives de la part d’entités étrangères. Ces activités sont devenues un instrument de choix pour une gamme d’intervenants étatiques et non étatiques hostiles parce qu’elles sont efficaces, peu coûteuses et, fait plus important encore, faciles à nier de façon générale.

Comme le directeur l’a mentionné dans le cadre de comparutions antérieures, de nombreux États étrangers mènent toujours des activités traditionnelles d’espionnage et d’ingérence étrangères pour tenter de recueillir, par des moyens clandestins, des informations politiques, économiques et militaires au Canada. Ces États cherchent à promouvoir leurs intérêts nationaux en exploitant secrètement les entreprises et les institutions politiques canadiennes ainsi que les membres de leur communauté au Canada. Le Canada demeure aussi la cible d’activités d’approvisionnement illicites en technologie de pointe menées par des organisations qui cherchent à fabriquer des armes de destruction massive.

Bref, une menace grandissante pour la sécurité nationale pèse sur tous les secteurs. La collaboration soutenue du service avec ses partenaires canadiens et ses alliés étrangers est et demeurera un élément important de ses enquêtes et de la réaction du gouvernement du Canada.

Mesdames et messieurs, sauvegarder les intérêts du Canada en matière de sécurité nationale et, par le fait même assurer la protection et la prospérité de leurs concitoyens, tel est le défi qu’ont choisi de relever les hommes et les femmes du SCRS. Le service réévalue continuellement ses opérations et les mesures de sécurité qu’il a mises en place pour faire face au contexte de la sécurité complexe et en constante évolution.

Sur ce, monsieur le président, je termine ma déclaration et je suis prêt à répondre à toutes les questions du comité.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Rumig, et saluez le directeur Coulombe de notre part. Nous avons hâte de le rencontrer lorsqu’il sera disponible pour participer à une audience, ici.

Si vous me permettez, chers collègues, je veux mettre la table.

Je crois que vous nous avez présenté un très bon exposé décrivant les menaces auxquelles nous sommes confrontés au Canada, mais il y a deux ou trois domaines où je n’ai pas très bien compris. Il y a environ deux ans, le nombre de djihadistes extrémistes qui avaient été identifiés par le SCRS s’élevait à environ 180, je parle de ceux qui étaient à l’extérieur du pays. Environ 60 étaient revenus au pays. En outre, entre 80 et 90 tentaient de partir. Vous me dites que ces chiffres sont les mêmes aujourd’hui, qu’ils étaient il y a deux ans, mais on nous a dit il y a environ un an que les chiffres étaient à la hausse.

M. Rumig: Monsieur le président, j’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire que les chiffres que nous avions constatés, que nous avons commencé à compiler en 2014-2015 découlaient directement de la volonté de personnes de partir principalement en Syrie et en Irak pour joindre les rangs de Daech. Ces nombres ont diminué. Les chiffres n’augmentent plus comme ils augmentaient il y a deux ans. Ils ont plafonné et sont stables.

Comme je l’ai aussi mentionné dans ma déclaration — et je crois que le directeur l’a mentionné dans ses déclarations précédentes devant le comité —, nous faisons très attention de ne pas trop mettre l’accent sur les chiffres. Les chiffres changent en fonction de différents facteurs, y compris nos propres évaluations, celles de la GRC et celles d’autres institutions gouvernementales canadiennes, qui jouent elles aussi un rôle dans tout ça, des évaluations quant à savoir si ces personnes se sont vraiment rendues à l’étranger pour mener des activités terroristes ou si elles y allaient pour étudier ou fournir un soutien médical ou pédagogique. Certaines bribes d’information peuvent parfois donner à penser qu’une personne voyage pour des raisons terroristes, mais une enquête plus poussée nous permet de conclure que ce n’était pas un terroriste, et que l’objectif du voyage était de fournir un soutien humanitaire.

Dans le même ordre d’idées, pour ce qui est des personnes qui reviennent au Canada, nous avions des renseignements qui donnaient à penser qu’il s’agissait de personnes dont la situation était préoccupante. Cependant, nous ou d’autres organismes responsables de l’application de la loi avons réalisé des enquêtes, ce qui nous a poussés à réévaluer ces personnes et la menace qu’elles présentaient. Franchement, les chiffres varient d’un mois à l’autre.

Le président: Pour ce qui est des Canadiens qui ont décidé d’aller à l’étranger pour participer à ce genre d’activités terroristes, du moins en partie, pouvons-nous nous attendre, au fil du temps — parce que les chiffres augmenteront et 180 s’ajouteront aux 60, ce qui signifie un minimum de 240 Canadiens de retour au pays — que des accusations seront déposées contre certaines d’entre elles au cours des prochaines années? Jusqu’à maintenant, très peu d’accusations ont été déposées. Pas mal de Canadiens ont participé à des activités terroristes, et c’est contre la loi.

M. Rumig: Merci de la question. Le nombre de Canadiens qui reviennent vraiment est inconnu. Bon nombre sont tellement engagés à l’égard de la cause, qu’ils n’ont absolument pas l’intention de revenir au Canada. Ils continueront de lutter avec Daech en Irak et en Syrie. Si Daech réapparaît dans une autre région du Moyen-Orient, de l’Asie ou de l’Afrique, nous nous attendons à ce que bon nombre de ces Canadiens et des autres combattants étrangers se rendent dans ces régions aussi, sans aucune intention de ne jamais revenir au Canada.

En ce qui a trait au nombre de personnes pouvant faire l’objet d’enquêtes criminelles, je vais laisser mes collègues du domaine de l’application de la loi répondre à ce sujet. Cela dit, nous travaillons en très étroite collaboration avec la GRC, l’Agence des services frontaliers du Canada et d’autres responsables de l’intervention fédérale pour identifier ces personnes — espérons-le, avant qu’elles reviennent au Canada — afin que nous puissions prévoir une réaction adaptée à leur retour, mais aussi grâce à des capacités d’enquête — comme je l’ai dit tantôt — pour évaluer la menace que ces personnes présentent vraiment une fois qu’elles sont de retour au Canada.

Dans certains cas, l’évaluation change. Au début de telle ou telle année, nous pensions que la personne présentait un risque important. Cependant, à la suite d'enquêtes plus poussées et après avoir obtenu de nouveaux renseignements, nous déterminons que, au bout du compte, la personne n’a pas de visées terroristes, n’a pas suivi une formation ou n’a pas participé à des activités terroristes à l’étranger. Nous pouvons donc atténuer nos efforts — dans le cas de la GRC ou d’autres organisations d’application de la loi — dans le but d’intenter des poursuites contre cette personne.

La sénatrice Jaffer: Merci d’être là. Mes questions étaient destinées au directeur, mais j’espère que vous pourrez répondre au moins à certaines d’entre elles, et nous devrons peut-être attendre le directeur pour obtenir une réponse aux autres.

En quoi consiste le Centre d’analyse de données opérationnelles, le CADO?

M. Rumig: Le Centre d’analyse de données opérationnelles est une entité. Ce n’est pas un programme. Ce n’est pas un ordinateur. C’est une entité qui réunit des personnes et des technologies informatiques et qui nous permet d’analyser les renseignements que nous obtenons légalement. Le centre traite des données. Il traite des données, et c’est pourquoi il porte ce nom: analyse de données opérationnelles. On l’utilise dans un contexte opérationnel pour analyser d’immenses quantités de données que nous obtenons au titre de mandats autorisés par des juges, au moyen de renseignements fournis par nos partenaires, et cela nous permet de comprendre la menace, qui est soit terroriste soit liée à l’espionnage ou aux cybermenaces avec lesquelles nous devons actuellement composer.

La sénatrice Jaffer: Depuis le 3 novembre 2016, où nous avons entendu dire que la cour n’appréciait pas cette collecte de données, qu’est-ce qui est arrivé? De quelle façon composez-vous avec ce que la cour vous a demandé de faire?

M. Rumig: Tout de suite après la décision de la Cour fédérale concernant la façon dont nous traitions les renseignements que nous évaluions… Et je tiens à rappeler qu’on parle ici de renseignements obtenus de façon tout à fait légale, mais la cour remettait en question notre capacité juridique de conserver certains de ces renseignements. Suivant le jugement, nous avons immédiatement verrouillé tous les renseignements que nous avons acquis et qui étaient conservés dans le centre, afin qu’ils ne puissent plus être consultés par les employés ni à partir de nos ordinateurs dans un contexte opérationnel et qu’ils ne puissent plus être utilisés à des fins de renseignement.

En procédant ainsi, nous espérions mieux comprendre ce que nous pouvions maintenant faire ou ne pas faire, mais aussi trouver une solution technologique qui nous permettrait de faire une distinction entre les renseignements que, selon la cour, nous ne devions pas prendre et conserver et les renseignements que, toujours selon la cour, nous pouvions prendre, conserver et utiliser sans problème. Ce processus est en cours, mais nous avons immédiatement verrouillé ces renseignements afin qu’ils ne puissent plus être utilisés.

La sénatrice Jaffer: Une bonne partie de cette décision a été caviardée, alors c’est difficile de la lire, mais, si je comprends bien, M. X fait l’objet d’un mandat, et vous avez la permission d’avoir accès à ses renseignements. M. X parle à messieurs A, B, C et D, et, sans obtenir un mandat d’un tribunal, vous conservez les renseignements de messieurs A, B, C et D dans vos données. Puis, si messieurs A, B, C ou D parlent à messieurs E, F, G ou H, vous conservez aussi leurs données. C’est exact?

M. Rumig: Non, ce n’est pas…

La sénatrice Jaffer: Mais vous conservez les renseignements de messieurs A, B, C et D?

M. Rumig: Nous conservons les renseignements liés aux métadonnées, les données connexes, pas le contenu, les dialogues ou l’échange par courriel, simplement l’information sur l’appareil de communication, les numéros associés à un téléphone, par exemple.

Historiquement, à la lumière de notre interprétation de ce que nous avions le droit de faire — notre interprétation et celle du ministère de la Justice, en fait —, nous conservions ces renseignements, les utilisions et les évaluions pendant un certain temps afin de mieux comprendre la nature de la menace que présentait la personne à l’égard de laquelle nous avions le pouvoir juridique d’obtenir de l’information. Nous utilisions les renseignements pour évaluer cette personne, pas messieurs A, B, C et D, et assurément pas pour avoir accès à des communications avec qui que ce soit d’autre. Nous n’avions pas accès à ce type d’information.

La sénatrice Jaffer: La raison pour laquelle je vous pose cette question, c’est que vous avez dit à la cour que le ministère de la Justice souscrivait à votre interprétation. Si j’ai bien compris, le ministre de l’époque était aussi au courant, mais la cour n’a pas été impressionnée par votre franchise. Elle a dit que vous n’aviez pas respecté votre importante obligation de l’informer que vous aviez obtenu des renseignements non liés à la menace au moyen des mandats.

Ce que j’aimerais que vous nous confirmiez plus tard et par écrit, si possible — le directeur pourrait le faire aussi —, c’est que vous avez arrêté de procéder de cette façon. En outre, si je vous ai bien compris, vous traitez les renseignements tellement lentement qu’ils seront retirés de votre base de données.

M. Rumig: Madame la sénatrice, il y a deux enjeux. L’un d’eux concerne la franchise, et l’autre, la capacité de conserver l’information. Permettez-moi de vous répondre en sens inverse.

Pour ce qui est de la question de la conservation de l’information, comme je l’ai dit plus tôt, nous avons évidemment accepté la décision de la cour et l’information n’est plus accessible. Nous devons maintenant entreprendre un processus dans le cadre duquel nous travaillerons avec la cour pour interpréter jusqu’où nous pouvons aller. Si ce n’est pas possible, alors, bien sûr, ce ne sera pas fait, mais il y a d’autres aspects de la question en jeu, ici. Le gouvernement a lancé un processus de consultation publique pour examiner l’ensemble du cadre de sécurité nationale. Cela inclut le service et, en effet, la possibilité de…

La sénatrice Jaffer: Mais le gouvernement n’interjette pas appel de cette décision?

M. Rumig: Le gouvernement n’interjette pas appel de la décision. C’est exact.

La sénatrice Jaffer: Qu’en est-il de l’enjeu de la franchise?

M. Rumig: La question de la franchise est un enjeu distinct. La cour a conclu que le service n’était pas aussi franc au sujet de l’information qu’il avait le droit d’obtenir par l’intermédiaire de la cour et de ses mandats, et que nous ne lui fournissions pas suffisamment d’information pour qu’elle puisse prendre une décision sur la façon dont l’information était utilisée. Nous ne sommes pas en désaccord ici.

Nous avons eu l’occasion sur une période de 10 à 12 ans de fournir des renseignements plus explicites à la cour. La cour connaissait l’existence du CADO, et les gouvernements successifs étaient aussi au courant. Nos comités d’examen et le commissaire à la protection de la vie privée connaissaient aussi le centre, mais les détails, les rouages internes, les processus opérationnels et la façon précise dont nous utilisions l’information n’étaient pas — selon la cour — suffisamment clairs pour lui permettre de comprendre. C’est la décision qu’elle a prise en octobre. Nous ne sommes pas en désaccord avec la décision, et nous n’allons pas interjeter appel.

Tom Venner, directeur adjoint, Politiques et partenariats stratégiques, Service canadien du renseignement de sécurité: Je tiens à préciser une chose. Je veux que ce soit clair: beaucoup de personnes connaissaient l’existence du CADO, mais je crois que la cour s’est dite préoccupée de ne pas avoir été informée de son existence. Je veux le préciser pour le compte rendu.

La sénatrice Jaffer: C’est l’essentiel de la décision, et la cour n’était pas au courant?

M. Venner: Exactement. Nous pourrons vous fournir plus tard par écrit des renseignements supplémentaires sur la réponse du service.

L’un des enjeux les plus évidents, bien sûr, maintenant que la cour a rendu sa décision, c’est la question de savoir comment nous allons rajuster l’approche que nous utilisons actuellement pour recueillir des renseignements de ce type grâce à des mandats. Des rajustements ont été apportés en collaboration avec la cour en ce qui concerne les mandats et les conditions des mandats, alors on a apporté les rajustements appropriés pour donner suite à la décision de la cour.

[Français]

Le sénateur Carignan: Ma question s'adresse à M. Rumig. Comme responsable des opérations, pour rester dans le même ordre d’idées, pouvez-vous nous dire, dans le cadre de vos opérations actuelles, si des journalistes sont impliqués directement ou indirectement dans la surveillance que vous faite, en ce qui concerne la personne visée, comme dans l'exemple de la sénatrice Jaffer, soit l'exemple A, où un journaliste serait en communication avec une personne d'intérêt?

[Traduction]

M. Venner: Je vais peut-être essayer de répondre. La première chose que je ferais, c’est de revenir à la déclaration du directeur à l’époque — en fait, c’est le jour même où il a commenté la décision de la Cour fédérale —, soit qu’il n’y avait pas de situation parallèle faisant intervenir des journalistes comme ce qui se passait au Québec. C’est essentiellement la réponse du service à cette question.

Pour ce qui est de la question précise de… Je suis désolé, la traduction était intermittente. La question concernait-elle le journaliste…

[Français]

Le sénateur Carignan: Y a-t-il actuellement des journalistes qui font l’objet d’une surveillance par le SCRS, soit directement, parce qu'ils sont visés, ou indirectement, parce qu'ils sont en lien avec une personne visée?

[Traduction]

M. Venner: Encore une fois, je crois que la déclaration du directeur, c’est qu’il ne se passe rien par rapport aux journalistes, alors je crois que c’est, en quelque sorte… Nous pouvons entrer dans les détails et fournir des précisions, mais c’est la…

Le sénateur Carignan: Donc la réponse est oui ou non?

M. Venner: Non. Le directeur a dit très clairement que la réponse allait être non.

[Français]

Le sénateur Carignan: Le directeur a été clair au sujet de la situation actuelle, mais pas en ce qui a trait au passé. Pouvez-vous nous confirmer que, par le passé, il n'y a pas eu de surveillance de journalistes visés directement ou accessoirement, parce qu'une autre personne était sous surveillance et était ciblée? Pouvez-vous confirmer qu'il n'y a pas eu de journalistes sous surveillance par le passé?

[Traduction]

M. Venner: Je ne crois pas que nous pourrions répondre à cette question aujourd’hui. Nous ne sommes pas préparés à répondre à cette question précise, mais je peux vous dire que, évidemment, le service enquête seulement sur des personnes et des activités qui correspondent à la définition de menaces à la sécurité du Canada, telles que définies dans la Loi sur le SCRS: le terrorisme, l’espionnage et l’ingérence étrangère. Ce sont les seules circonstances où quelqu’un devient la cible d’une enquête du service. Il n’y a aucun refuge relativement à ces définitions et catégories. Si vous vous adonnez à ce type d’activités, vous pouvez faire l’objet d’une enquête.

Cela dit, le service et le gouvernement reconnaissent bien sûr absolument la nature délicate d’institutions comme les médias, les universités et ce genre de choses. On a donc mis en place des politiques et des niveaux d’autorisation pour s’assurer qu’aucune situation similaire ne se présente.

[Français]

Le sénateur Carignan: Pour résumer, en ce qui concerne le passé, vous n'êtes pas en mesure de me le dire.

[Traduction]

M. Venner: Je ne pourrais pas répondre à cette question aujourd’hui, monsieur le sénateur.

M. Rumig: Je ne pourrais pas répondre non plus, mais je peux rappeler les commentaires de M. Venner: nous n’enquêterions pas sur une personne simplement parce qu’elle est journaliste, comme nous n’enquêterions pas sur une personne pour la seule raison qu’il s’agit d’un universitaire ou d’un politicien. Comme je l’ai dit, ce sont les activités auxquelles les personnes s’adonnent et qui peuvent constituer une menace qui nous permettent, nous autorisent et nous obligent à ouvrir une enquête.

Comme M. Venner l’a dit, nous reconnaissons le caractère sacré de nombreuses professions et de nombreuses institutions au Canada qui bénéficient d’un niveau plus élevé de liberté d’expression ou dont le travail est plus complexe, ce qui, par conséquent, exige — dans le cadre de nos procédures actuelles, et conformément aux directives ministérielles et, en fait, au cadre de surveillance du CSARS — de s’assurer qu’un niveau plus élevé ou un seuil plus élevé sont atteints avant qu’il soit possible d’entreprendre une enquête sur certains de ces secteurs délicats et à l’égard de personnes qui œuvrent dans ces domaines de nature délicate. Nous n’enquêtons pas à proprement parler sur les journalistes.

[Français]

Le sénateur Carignan: Par contre, vous n'excluez pas le fait que certains journalistes aient pu faire l'objet d’une surveillance de façon directe ou indirecte, et ce, non par le fait qu'ils soient journalistes, mais en raison de leurs activités.

[Traduction]

M. Rumig: Je ne peux qu’imaginer — parce que je n’ai pas eu accès à une telle information jusqu’à présent — que, dans le passé — au cours des 30 années d’existence du Service —, il y a effectivement peut-être eu des journalistes qui, en raison de leurs activités menaçantes pour la sécurité du Canada, ont pu faire l’objet d’enquêtes de notre part. Actuellement, je ne peux pas vous dire combien il y a bien pu y en avoir et je ne connais pas le contexte.

[Français]

Le sénateur Carignan: Serait-il possible pour vous de prendre l'engagement de nous fournir cette information?

[Traduction]

M. Rumig: Bien sûr.

[Français]

Le sénateur Dagenais: Merci pour votre présentation. Monsieur Rumig, j'aimerais revenir sur les découvertes du CANAFE qui rapportait qu'en 2015-2016, il y avait eu 483 transactions financières liées à des activités terroristes au Canada. Vous mentionnez que l'année dernière, il y a eu 449 signalements. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la nature de ces signalements et sur les résultats de vos interventions?

[Traduction]

M. Rumig: Merci, monsieur le sénateur. Je vais devoir m’en remettre à nos collègues du CANAFE. C’est eux qui pourront vous répondre. Je n’ai aucun accès à leurs chiffres ni à leurs rapports annuels.

[Français]

Le sénateur Dagenais: Si vous questionnez le CANAFE, pourriez-vous nous transmettre la réponse à notre question?

[Traduction]

M. Rumig: Encore une fois, je vous demande respectueusement de poser cette question directement aux représentants du CANAFE, qui ne fait pas partie de notre organisation.

Le président: Puis-je fournir une précision? Le rapport du CANAFE indique que, l’année dernière, il y a eu 429 cas de divulgation de renseignements à votre organisation.

M. Rumig: À notre organisation, d’accord.

Le président: Vous devez donc évidemment connaître les renseignements qui vous ont été fournis.

M. Rumig: Je suis désolé, j’avais mal compris. Je vais devoir vous répondre plus tard. Je n’ai pas l’information ici.

[Français]

Le sénateur Dagenais: Pourriez-vous nous les envoyer? Croyez-vous que les complices financiers des extrémistes ont changé ou fait évoluer leurs façons de faire ces derniers mois, compte tenu de tout ce qui se passe? En outre, avez-vous la capacité de les suivre à la trace? Est-ce que vous avez les effectifs en place pour protéger notre pays?

[Traduction]

M. Rumig: Merci de la question. Je ne crois pas qu’ils ont beaucoup changé les façons utilisées pour obtenir des fonds ou les transférer. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une organisation mondiale.

Beaucoup d’organisations terroristes savent très bien s’adapter aux différentes règles et aux mesures d’inhibition qui visent à les empêcher de transférer des fonds et elles trouvent différentes méthodes et différents moyens de transférer de l’argent par-delà les frontières, par exemple.

En ce moment, je ne vois rien de différent ni que quoi que ce soit ait changé au cours des derniers mois. Bien sûr, au fil des ans, les choses ont changé, particulièrement grâce à l’arrivée des réseaux informatiques qui nous permettent tous de transférer des fonds à l’étranger de façon plus efficiente et efficace. Les terroristes ont aussi adopté cette méthode.

En ce qui concerne les ressources auxquelles nous avons accès, nous avons à cet égard de solides capacités pour faire notre travail. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires. Le CANAFE est l’un d’eux, et il y a aussi bien sûr la GRC et nos partenaires internationaux. Nous misons non seulement sur nos partenaires internationaux, mais aussi sur les partenaires internationaux du CANAFE, des agences responsables des services frontaliers et des revenus et les organisations d’application de la loi. Les responsables canadiens de l’application de la loi misent aussi sur leurs partenaires internationaux afin de mieux comprendre la situation et de trouver des moyens d’endiguer ces mouvements de fonds.

Le sénateur Kenny: Merci, monsieur le président. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. J’aimerais passer à ce qui semble se trouver à l’autre bout du spectre et vous demander de nous décrire le genre de cyberattaques que le Canada a essuyées. Qui en sont les victimes? Qu’est-ce qui se produit dans le cadre d’une cyberattaque?

Les Canadiens entendent constamment parler de cyberattaques. Très peu de personnes peuvent dire: « J’ai été ciblé. ». Pouvez-vous nous expliquer simplement ce que les Canadiens doivent comprendre lorsqu’ils entendent dire que vous luttez contre les cyberattaques?

M. Rumig: Merci, monsieur le sénateur. Dans le domaine de la lutte aux cybermenaces, le Service n’est qu’une des nombreuses entités de la famille fédérale, et nous tentons comme les autres de comprendre les menaces et, en fait, de les contrer. C’est Sécurité publique qui est responsable du dossier et de l’élaboration des stratégies et des politiques et du renforcement des capacités pour aider les Canadiens, les institutions canadiennes, les citoyens canadiens et les entreprises canadiennes à essayer de se protéger contre ce que je décrirais comme d’importantes cybermenaces et leur prévalence accablante.

Le rôle du Service est très limité dans ce dossier. Nous nous occupons uniquement des activités de nations hostiles et d’États étrangers hostiles qui s’adonnent à des cyberactivités.

Il y a un certain nombre d’autres cybermenaces associées à des acteurs non étatiques, comme des organisations criminelles, qui visent à extorquer de l’argent ou à créer des perturbations pour en tirer un gain financier. Nous ne nous occupons pas de cela du tout. Nous n’avons pas ce mandat-là et, franchement, nous n’avons pas les capacités ni l’expertise de le faire. Cependant, nos partenaires s’en occupent.

En ce qui a trait aux cybermenaces que les Canadiens connaissent ou devraient connaître, il y a une multitude d’auteurs et de vecteurs. Cela dit, il y a une multitude d’entreprises privées — et, en fait, le gouvernement fédéral possède maintenant lui aussi des capacités à cet égard — qui fournissent de l’assistance et, parfois, les Canadiens n’ont même pas besoin de payer pour en bénéficier. Ce sont les fournisseurs de service Internet et les gens qui leur vendent leurs ordinateurs et leurs téléphones intelligents qui s’en occupent. Ils ont déjà intégré des capacités de protection cybernétique dans les appareils.

Le sénateur Kenny: J’attendais, monsieur le président. Je pensais qu’il s’agissait d’un préambule, mais il tournait autour du pot.

De quelle façon quelqu’un pourrait-il savoir s’il est la cible d’une cyberattaque?

M. Rumig: Encore une fois, je m’en remettrai ici à des collègues d’un autre ministère.

Le sénateur Kenny: Quel ministère?

M. Rumig: Sécurité publique Canada est l’organisme gouvernemental fédéral responsable. C’est lui qui met au point une cyberstratégie. Il y a de nombreux autres intervenants qui s’intéressent à ce dossier au sein d’autres ministères. Nous n’en sommes qu’un des intervenants, et nous jouons un rôle très limité dans tout ce dossier et ces activités de défense.

Pour ce qui est de votre question, monsieur le sénateur, honnêtement, je ne peux pas y répondre. Je ne crois pas que le Service pourrait y répondre non plus. Encore une fois, nous nous occupons des menaces provenant d’États étrangers hostiles dont les activités visent principalement les réseaux de communication du gouvernement, parfois ceux de l’armée, mais assurément pas le secteur privé.

Le sénateur Kenny: Notre gouvernement ne fait pas l’objet de cyberattaques?

M. Rumig: Le gouvernement fait très certainement l’objet de cyberattaques. Collectivement, au fil des ans, nous avons déployé d’énormes efforts pour construire un mur et nous assurer qu’il n’y a pas de fissures.

Le sénateur Kenny: Mais ce n’est pas votre travail. Vous ne faites qu’en parler.

M. Rumig: Notre travail consiste à enquêter sur le volet étranger du dossier. Nous travaillons en collaboration avec nos partenaires, mais nous jouons un petit rôle dans cet effort global.

Le sénateur Kenny: Pouvons-nous parler d’espionnage? C’est votre travail?

M. Rumig: C’est dans nos cordes.

Le sénateur Kenny: D’accord. Vous avez parlé du fait que la Chine et la Russie deviennent de plus en plus une nuisance ces jours-ci.

M. Rumig: Ce sont assurément deux gouvernements étrangers qui ont utilisé leur structure de renseignement pour réaliser des activités au Canada ou contre les intérêts canadiens. Cette situation nous préoccupe, mais ce ne sont là que deux des États étrangers; il y en a d’autres. Je ne vais pas fournir des noms ni fournir des renseignements opérationnels détaillés, mais, de toute évidence, la Russie et la Chine se sont adonnées dans le passé à ce genre d’activités, mais il y a d’autres pays aussi.

Le sénateur Kenny: Personne ne vous demande de fournir des renseignements opérationnels, mais vous nommez la Russie et la Chine, alors pourquoi pas les autres?

M. Rumig: C’est en raison de la prévalence de leurs activités, non seulement au Canada, mais dans le monde entier. C’est très bien connu.

Le sénateur Kenny: Si c’est bien connu, pourquoi ne les nommez-vous pas?

M. Rumig: Non, ces deux-là, monsieur, la Chine et la Russie.

Le sénateur Kenny: Le fait que d’autres pays le font aussi… Vont-ils arrêter de le faire si vous ne mentionnez pas leur nom?

M. Rumig: Non. Je tiens à rappeler que nous prenons ce dossier très au sérieux. L’espionnage fait partie de notre mandat. Il se manifeste sous différentes formes bon an mal an.

Il y a des relations étrangères bilatérales et des enjeux bilatéraux dont nous devons tenir compte lorsque nous menons nos enquêtes, alors, franchement, nommer publiquement des pays ou des particuliers serait inapproprié.

Le sénateur Kenny: C’est ce que vous dites, mais la Chine est un pays avec lequel notre gouvernement tente vraiment de créer de bonnes relations. Le gouvernement fait des pieds et des mains pour trouver différentes façons de créer de meilleures relations avec la Chine, et, malgré tout, depuis des décennies, c’est principalement la Chine qui espionne le Canada.

Pourquoi ne voulez-vous pas parler de ce que font les Chinois? Quel genre de préjudice cela va-t-il causer? D’autres directeurs sont venus nous dire que 50 p. 100 des ressources de votre organisation s’occupent du dossier de la Chine. Dans quels domaines? Quels sont les coûts pour notre pays? Qui est touché négativement?

M. Rumig: Pouvez-vous m’aider, ici, Tom?

M. Venner: Pour être honnête, le Service ne parle habituellement pas de ses opérations sur les tribunes publiques.

Le sénateur Kenny: Pardonnez-moi, monsieur Venner. J’ai spécifiquement exclu les opérations, mais nous savons que des pays s’adonnent à ce genre d’activités, et je veux savoir quels sont les préjudices pour le Canada. De quelle façon sommes-nous touchés par ces activités?

Nous tournons tous autour du pot. Pourquoi est-il si difficile de parler de choses que les Chinois connaissent déjà?

M. Venner: Franchement, la réponse à certaines de ces questions permet de savoir ce que nous savons et ce que nous ignorons au sujet des menaces. Ça peut sembler facile ou banal, mais ce ne l’est pas. La réalité, c’est que si nous parlons publiquement de la nature des préjudices que nous essuyons, cette communication ne nous aide pas dans le cadre de nos enquêtes.

Le sénateur Kenny: Mais comment voulez-vous que nous vous prenions au sérieux si vous ne nous dites pas quel genre de préjudice ou de coûts cet espionnage cause au Canada?

Le président: Je crois que la question est légitime. Nous ne parlons pas d’enquêtes précises au sujet de sociétés ou de particuliers. Je crois que le sénateur pose une question tout à fait valide.

Quelles sont les menaces auxquelles nous faisons face de la part des deux pays que vous avez nommés et des autres, en ce qui concerne les activités qu’ils réalisent? Est-ce qu’ils volent des brevets? S’immiscent-ils dans nos institutions financières?

Le sénateur Kenny: Vous l’aidez bien trop, monsieur le président.

Le président: J’essaie d’obtenir des réponses.

M. Rumig: Je serais heureux de vous fournir des précisions.

Le président: C’est bien la question, monsieur le sénateur?

Le sénateur Kenny: Oui, ça l’est.

M. Rumig: Je dirais, monsieur le sénateur, que les activités d’espionnage qui nous menacent frappent de nombreux aspects de notre économie. Ces activités concernent de nombreux aspects de capacités qui nous sont propres. Ces activités visent les capacités des communautés immigrantes à vivre ici en paix et dans la tranquillité, sans coercition ni activités non désirées de la part d’espions étrangers, qui tentent de les influencer, même maintenant qu’ils sont au Canada et, dans de nombreux cas, une fois qu’ils ont acquis la citoyenneté canadienne.

En ce qui concerne la menace sur laquelle misent ces acteurs hostiles du domaine du renseignement, elle est dirigée contre notre économie, nos secrets militaires, nos réalités politiques, et ils tentent d’influencer la communauté d’immigrants et d’acquérir des connaissances privilégiées concernant la façon dont le gouvernement va réagir ou voter sur des tribunes internationales, et cetera.

Ces éléments sont tous interreliés dans les objectifs et l’activité de ces acteurs hostiles dans le domaine du renseignement qui mènent leurs activités ici.

La sénatrice Beyak: Je vais approfondir un peu plus la discussion sur la Russie et la Chine, mais mes questions sont d’ordre général, destinées davantage au public qui regarde qu’aux représentants de la sécurité nationale, exactement.

La dernière fois que le directeur a comparu, il avait reçu une séance d’information avant notre séance. Il a déclaré: « la Russie et la Chine, en particulier, continuent de cibler les renseignements classifiés et la technologie, de même que des représentants et l’appareil du gouvernement ».

Il s’agit d’une préoccupation pour les gens. Pourriez-vous nous donner des détails et nous dire comment la Russie et la Chine ciblent des représentants particuliers du gouvernement, si c’est vrai, et si c’est au Canada ou à l’étranger? Quelle est l’importance de la préoccupation pour la sécurité nationale, à votre avis?

M. Rumig: Merci, madame la sénatrice. Je dois m’excuser du fait que ce sera une réponse très semblable à ce que vous avez entendu plus tôt.

Revenons sur ce qu’a dit M. Venner; le fait que nous discutions de ces enjeux précisément sur une tribune publique nous fait tenir des discussions sur notre fonctionnement, sur les méthodes que nous employons. Nous commençons aussi à parler de ce que nous ne savons pas, et c’est avantageux pour certains de ces pays étrangers.

Avec tout le respect que je vous dois, je dois vous donner une réponse semblable à celle que j’ai donnée au sénateur Kenny, plus tôt.

Cela dit, une question que vous avez mentionnée — ou peut-être que le directeur a mentionné précédemment —, c’était si cette activité a cours au Canada ou aussi à l’étranger. La réponse, c’est les deux. L’activité a lieu à l’étranger ainsi qu’au pays.

La sénatrice Beyak: Je vous remercie de votre franchise. Je vous en suis reconnaissante.

Je me demande si le premier ministre ou les hauts dirigeants du gouvernement vous consultent, avant de rencontrer des étrangers, relativement à ce genre de questions.

M. Rumig: Concernant les questions d’espionnage ou d’ingérence étrangère, très certainement. Nous faisons de notre mieux pour tenir le cabinet du premier ministre au courant et certainement les hauts responsables du gouvernement avant qu’ils ne rencontrent des homologues étrangers.

Nous disposons d’un mécanisme d’information très actif et — à ce que nous croyons savoir — bien reçu sur le terrorisme, l’espionnage et l’ingérence étrangère. Il s’agit d’une partie des activités auxquelles nous avons consacré du temps et des efforts. Notre mandat consiste en partie à conseiller le gouvernement; c’est la façon dont nous le faisons. Nous offrons des séances d’information analytiques et précises, au besoin.

Le sénateur Meredith: Je vous remercie tous les deux infiniment de votre présence. Pour en revenir à la discussion sur l’espionnage que le sénateur Kenny a soulevée et que la sénatrice Beyak a abordée, pouvez-vous éclairer le comité au sujet des efforts que vous avez déployés pour faire cesser l’espionnage, compte tenu du fait que l’enseigne de vaisseau de 1re classe de la Marine canadienne Jeffrey Paul Delisle, qui est un cas connu, a manifestement pu être infiltré relativement à des renseignements de nature délicate? Pouvez-vous nous parler des listes d’accès et de la façon dont elles sont protégées?

M. Rumig: Seulement pour mon édification, les listes d’accès aux renseignements classifiés?

Le sénateur Meredith: Oui.

M. Rumig: En général, comment traitons-nous cela? C’est par l’acquisition de renseignements, puis, bien entendu, en tentant de trouver le sens de cette information, puis en mettant au courant et en informant les ministères les plus vulnérables.

Nous fournissons un certain nombre de séances d’information adaptées pour permettre aux gens de discuter des menaces qui pourraient peser sur eux, de l’activité menaçante que nous avons observée dans le cadre de nos efforts de collecte et d’enquête. Nous comptons sur les ministères, par l’intermédiaire de leur propre appareil de sécurité ministérielle, pour qu’ils prennent les mesures de sécurité appropriées — si elles existent —, et, dans la plupart des cas, elles le font; mais, parfois, le but est simplement de nous assurer qu’ils sont attentifs à la nécessité de mettre les listes à jour et d’être au courant des gens qui y ont accès. Nous n’aurions pas nécessairement cette information. Ce sont les agents de sécurité et l’appareil de sécurité des ministères qui tiennent à jour les listes des personnes qui devraient ou ne devraient pas obtenir l’accès aux renseignements, puis qui surveillent pour vérifier si ces programmes et documents classifiés font l’objet d’accès inappropriés. Cela incombe à l’appareil de sécurité du ministère en tant que tel.

Le sénateur Meredith: Pour ce qui est de la menace interne, vous avez entendu parler de la Chine et de la Russie, et des pressions qui sont exercées sur les communautés d’immigrants, celles où des Canadiens étaient embauchés dans des organismes gouvernementaux, comme le SCRS, et ainsi de suite… en ce qui concerne les documents de nature délicate. Quels sont les efforts que vous déployez dans le but de vous assurer que personne n’est poussé à fournir des renseignements à l’extérieur du pays, pour de l’argent et ainsi de suite? Comment ce risque est-il géré?

M. Rumig: Le programme dont le service est responsable, c’est l’autorisation de sécurité pour les travailleurs gouvernementaux qui ont besoin d’accéder à ces renseignements de nature délicate. Il s’agit de l’un de nos mandats distincts, dans le cadre duquel nous avons acquis pas mal d’expertise et de talents au fil des ans.

Nous contrôlons ces personnes. Dans certains cas, le contrôle comprend des entrevues avec la personne ou avec des membres de sa famille ou ses partenaires commerciaux, et cetera, afin que nous puissions arriver à déterminer où va leur loyauté, ainsi que leur propension à peut-être prendre part à des activités qui les rendraient vulnérables à l’extorsion, à la corruption, et ainsi de suite.

Ces renseignements sont communiqués aux ministères qui les embauchent. Il s’agit d’une mise à jour quinquennale. Tous les cinq ans, on s’attend à ce que ces personnes suivent un processus semblable. C’est dans le cadre du processus initial et de la mise à jour quinquennale que nous espérons découvrir quelque chose de répréhensible, puis nous aviserions adéquatement des ministères que des mesures supplémentaires devraient être prises.

Tout au long de cette période, les ministères surveillent aussi activement leurs propres systèmes et ont établi leurs propres mesures de sécurité afin de déterminer si une personne a accédé de façon inappropriée à un programme, à un laboratoire ou à un espace physique dans lequel elle n’aurait pas dû se trouver. Il incombe aux ministères d’assurer cette surveillance et de rendre des comptes à ce sujet.

Le sénateur Day: Le Centre d’analyse de données opérationnelles existe-t-il encore?

M. Venner: Oui.

Le sénateur Day: Alors, vous avez simplement apporté certaines modifications en ce qui a trait aux métadonnées que vous accumulez au fil du temps?

M. Rumig: Oui, en effet. Comme je l’ai mentionné à la sénatrice Jaffer, nous avons, comme on dit, dressé des clôtures autour de ces renseignements et tentons de déterminer comment nous pouvons exfiltrer les choses que les tribunaux nous ont permis de prendre; et nous allons tenter de protéger ce que nous n’avons pas la permission de prendre et procéderons à une purge à un certain moment.

Le sénateur Day: Dans sa récente décision de la Cour fédérale, M. le juge Simon Noël a déclaré ou laissé entendre que la Loi sur le SCRS montre des signes de vieillissement relativement à l’évolution des technologies et du paysage de menaces.

Souscrivez-vous à cette opinion? Avez-vous des recommandations à formuler aujourd’hui, sur lesquelles nous pourrions travailler pour vous?

M. Rumig: Je n’ai aucune recommandation à formuler. Je serais d’accord pour dire que la Loi sur le SCRS, qui date maintenant de 32 ans, a probablement besoin de se voir attribuer une perspective moderne. Je souscrirais certes à cette opinion. Toutefois, en ce qui concerne les recommandations, je ne m’aventurerais pas là-dedans pour l’instant.

Le sénateur Day: Dans le commentaire final de votre déclaration préliminaire, vous avez dit: « le Service réévalue continuellement ses opérations et les mesures de sécurité qu’il a mises en place pour faire face au contexte de la sécurité complexe et en constante évolution ».

M. Rumig: C’est exact.

Le sénateur Day: Vous avez parlé d’une modification des mandats découlant de ces affaires judiciaires, et du fait que nous comprenons. Avez-vous apporté d’autres changements fondamentaux, ou voudriez-vous en apporter, ce que vous ne pouvez pas faire parce que la Loi sur le SCRS a besoin d’être mise à jour?

M. Venner: Je vais peut-être tenter de répondre à cette question, simplement parce qu’elle tend à relever de ma compétence du point de vue des politiques du service.

Ces temps-ci, nous faisons face à divers défis, et, bien entendu, les consultations relatives à la sécurité nationale du gouvernement sont conçues pour que l’on étudie cette question et que l’on propose des solutions pour les régler. Qu’il s’agisse du problème lié au fait de disparaître des écrans radars et de nos difficultés dans ce domaine ou du passage du renseignement aux éléments de preuve et de certains des problèmes que nous avons à cet égard depuis de nombreuses années, les consultations permettaient d’étudier divers problèmes de ce genre et de recueillir des données à ce sujet, afin que le ministère de la Sécurité publique et d’autres ministères puissent formuler certaines propositions à prendre en considération par le gouvernement et les ministères.

Ces consultations se tiendront pendant encore deux ou trois semaines. Quand elles seront terminées, nous jouerons un rôle actif auprès de Sécurité publique et d’autres partenaires afin de tenter d’améliorer les choses.

Je suis certain que ce processus permettra d’étudier la possibilité d’apporter des modifications à la Loi sur le SCRS. Par exemple, vous avez peut-être entendu dire, récemment, que nos partenaires du Royaume-Uni ont adopté une loi et que, comme l’a dit Brian, ils ont attribué une perspective moderne à leur loi et tenté de découvrir quelles modifications devraient être apportées, d’un point de vue juridique, afin de régler des choses comme les mégadonnées dans le cadre et les outils qu’ils ont à leur disposition.

Ce seront tous des aspects — au cours des mois à venir — où il est à espérer qu’on tiendra des discussions et qu’on trouvera des solutions qui aideront le service à réaliser son mandat, tout en établissant l’équilibre que le gouvernement souhaite atteindre, à juste titre.

Le sénateur Campbell: Merci, et bienvenue. Quel organisme est responsable de lutter contre une cyberattaque?

M. Rumig: Dans le cas d’une cyberattaque perpétrée contre le gouvernement canadien, ce serait le Centre de la sécurité des télécommunications, le CST. Ce mandat lui a été conféré bien avant que les cybermenaces soient à la mode. Il a pour mandat de protéger les réseaux classifiés canadiens.

Le sénateur Campbell: De qui relevait-il?

M. Rumig: Il relève du ministre de la Défense nationale.

Le sénateur Campbell: Pourtant, vous nous avez dit que c’était Sécurité publique.

M. Rumig: Sécurité publique contrôle un cadre, une stratégie applicable à l’ensemble du gouvernement relativement à la façon de mobiliser les Canadiens, de mobiliser les entreprises commerciales quant à la façon de protéger les systèmes et de protéger la prospérité du Canada.

Quand je dis que le CST est responsable des réseaux du gouvernement, c’est tout à fait vrai. Si nous sortons des réseaux du gouvernement et que nous entrons dans l’industrie privée, nous arrivons…

Le sénateur Campbell: Non, je ne parle vraiment que du gouvernement. Avez-vous une idée de la dernière fois où tout ce processus lié à Sécurité publique a été examiné?

J’estime que Sécurité publique est un gros éléphant; il est vraiment difficile à déplacer. Je pense qu’il fait du bon travail, mais, en cas de cyberattaque, on s’attend à ce que sa réaction soit instantanée. Je ne vois pas cela à Sécurité publique.

Ce qui arrive… contrôle-t-il les forces? Je ne vous demande pas de me révéler de secrets.

M. Rumig: Entendu. Simplement pour répéter, Sécurité publique tente actuellement — en ce moment même — de présenter une stratégie, et le gouvernement lance des consultations publiques.

Le sénateur Campbell: Cela dure depuis combien de temps?

M. Rumig: Les consultations publiques viennent tout juste de prendre fin… je dirais il y a un mois, peut-être moins. On rassemble maintenant les renseignements qui ont été obtenus dans le cadre de ces consultations grâce au déploiement d’autres efforts horizontaux au sein du gouvernement. On espère qu’une stratégie sera prête à faire l’objet d’un débat et à être prise en considération au début de la nouvelle année civile.

Pour ce qui est d’une cyberattaque, encore une fois, le CST serait aux commandes si elle était perpétrée contre le gouvernement. Il serait l’intervenant de première ligne. C’est lui qui examinerait les réseaux pour constater l’étendue de la pénétration et des vulnérabilités, et il intégrerait également les mesures d’atténuation.

Le sénateur Campbell: Monsieur Venner, vous avez mentionné le fait de décider quels sont des dommages causés par des cyberattaques. Qui décide quels sont vraiment les dommages?

M. Venner: Je ne suis pas certain de comprendre le contexte de cette question.

Le sénateur Campbell: Nous parlions de Sécurité publique, de toutes ces personnes qui se rassemblent, et vous avez affirmé qu’ensuite, on décidera quels dommages ont été causés par la cyberattaque en question. Qui est le « on » qui décide quels sont les dommages?

Je l’afficherai dans le Journal des débats, et je vous enverrai une note.

M. Venner: À ce sujet, toutefois, l’autre aspect que nous avons mentionné brièvement plus tôt, c’est que le service travaille en très étroite collaboration avec le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques de Sécurité publique et qui lui fournit régulièrement des renseignements afin qu’il soit en mesure de réagir aux cyberattaques qui ne sont pas liées aux réseaux du gouvernement dont le CST serait responsable.

Il s’agit de l’un des principaux moyens. Nous recueillons le renseignement, et, dans la mesure où il est approprié de le faire, nous le communiquons à Sécurité publique parce que ce ministère est responsable de réagir à ces types de situations.

Le président: Juste avant de conclure, j’ai une question générale à vous poser. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit: « Le terrorisme, y compris les voyages effectués à des fins terroristes et la radicalisation de Canadiens, constitue la principale menace pour les intérêts canadiens et la sécurité nationale. L’appareil du renseignement n’a jamais affronté une menace terroriste d’une telle portée, d’une telle envergure et d’une telle complexité. »

Ma question est la suivante: relativement à ce à quoi nous faisons face, ici, au Canada, et à la lumière des chiffres qui ont été énoncés et qui ne l’ont peut-être pas été — ceux dont nous ne savons rien, qui sont liés à la menace djihadiste qui pèse sur le Canada —, votre organisation possède-t-elle les ressources et le personnel nécessaire pour que vous puissiez continuer à faire votre travail, et retirez-vous d’autres responsabilités — comme l’espionnage — à des membres du personnel afin qu’ils puissent s’occuper de cette menace immédiate?

M. Rumig: Merci, monsieur le président. La réponse est oui, nous disposons des ressources nécessaires. Comme vous le savez — j’en suis certain, au cours des deux ou trois dernières années, le gouvernement de l’époque a augmenté nos ressources par la prise de diverses mesures, et elles sont consacrées à la menace terroriste, et, dans une moindre mesure, à la cybermenace.

Le classement de nos activités par ordre de priorité est une constante. Nous déplaçons des ressources, changeons de cible en fonction de l’environnement de menace qui nous est présenté ou que nous pensons qui nous sera présenté. Il y a un aspect d’analyse prédictive que nous devons apporter en tant qu’organisation de renseignements quant à l’origine de la prochaine menace. Ce n’est pas nouveau pour nous, en ce qui concerne l’établissement des priorités et le déplacement des ressources au fil du temps.

Je mentionnerai également à l’intention du comité — et je pense qu’il s’agit d’une partie très importante à ne pas oublier — que nous ne faisons pas cavalier seul. Nous ne sommes pas le seul aspect du monde du renseignement canadien ou, effectivement, international qui soit voué à l’étude de cette menace terroriste. Nos partenariats au Canada — aux échelons fédéral, provincial et municipal — ainsi que nos partenaires étrangers, sont la clé et font partie intégrante de la façon dont nous pouvons contrôler les ressources nécessaires pour nous occuper de ce problème.

Le président: Disposez-vous des ressources et du personnel nécessaire pour faire le travail que nous vous demandons de faire?

M. Rumig: Je crois que oui.

Le président: Chers collègues, je voudrais remercier nos témoins de leur présence. Leur témoignage a été très instructif.

Le lieutenant-général Michael Hood, commandant de l’Aviation royale canadienne, et le brigadier-général Michel Lalumière, directeur général, Développement de la Force, se joignent à nous pour former notre deuxième groupe de témoins.

Messieurs, bienvenue au comité. Comme vous le savez, nous souhaitons mieux comprendre les enjeux liés aux lacunes au chapitre des capacités auxquels fait face la Force aérienne dans le cadre de notre examen des questions relatives à l’Examen de la politique de défense.

Lieutenant-général Hood, je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire à faire. Veuillez commencer.

Lieutenant-général Michael Hood, commandant, Aviation royale canadienne, Défense nationale et Forces armées canadiennes: Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous suis très reconnaissant de l’invitation et de la possibilité de m’adresser à votre comité aujourd’hui.

En tant que commandant de l’Aviation royale canadienne, mon rôle comprend le commandement des aviateurs et aviatrices confiés à mes formations et unités, la mise sur pied et le maintien d’une Force aérienne en état de préparation opérationnelle et la prestation de conseils au chef d’état-major de la Défense sur les questions touchant la Force aérienne.

[Français]

Votre Aviation royale canadienne est un service novateur en matière de technologie qui exécute des missions essentielles à toute heure du jour ou de la nuit, 365 jours par année, pour répondre aux besoins en matière de défense et de sécurité du Canada.

[Traduction]

Les capacités de l’ARC sont primordiales pour la défense du Canada et pour la protection de l’Amérique du Nord en partenariat avec les États-Unis, et elles sont essentielles à la contribution apportée par le gouvernement à la paix et à la sécurité internationales grâce à la projection d’une puissance aérienne à l’étranger.

L’Aviation royale canadienne est garante de la souveraineté canadienne. Ses caractéristiques distinctives que sont l’agilité, l’intégration, la portée et la puissance lui permettent de se positionner de manière à surmonter les difficultés géographiques et climatiques du Canada et à avoir des effets de puissance aérienne rapides sur chaque mètre carré de notre immense territoire.

[Français]

En raison de notre rôle et de nos missions, nous composons l'élément des Forces armées canadiennes qui a le plus grand pourcentage de personnel en disponibilité opérationnelle élevée.

[Traduction]

Dans ce contexte — comme vous le savez —, le gouvernement du Canada vient tout juste d’annoncer qu’il investira dans l’Aviation royale canadienne et qu’elle va croître afin de respecter son orientation stratégique concernant la disponibilité de notre capacité de chasseurs. Le gouvernement nous a maintenant ordonné d’être prêts à nous acquitter simultanément de nos engagements quotidiens à l’égard de l’OTAN et du NORAD. Le gouvernement s’est engagé à fournir ces ressources, en partie dans le cadre d’un appel d’offres ouvert et transparent visant à remplacer la flotte de chasseurs. Entretemps, il entamera des discussions avec le gouvernement des États-Unis et avec Boeing afin de compléter notre flotte de CF-18 actuelle. Nous obtiendrons également les ressources additionnelles dont nous avons besoin pour continuer à utiliser les CF-18 et peut-être une flotte provisoire, jusqu’à la transition vers l’aéronef de remplacement définitif.

Comme vous le reconnaissez sans doute, notre succès tient aux qualités exceptionnelles des aviateurs et aviatrices qui assurent la puissance aérienne du Canada tous les jours. Ce sont eux qui permettront à l’ARC de relever les défis que présentera l’environnement de sécurité à venir.

[Français]

L'Aviation royale canadienne est composée d’un peu plus de 12 000 militaires de la force régulière, de 2 000 militaires de la force de réserve et d’environ 2 200 civils. Nos réservistes travaillent aux côtés de notre force régulière, en collaboration avec nos partenaires civils. Ils volent en formation pour exécuter nos missions cruciales au nom de tous les Canadiens.

Nous exerçons des métiers très techniques nécessitant de longues périodes d'entraînement. En conséquence, nous multiplions les efforts pour retenir les membres de notre personnel — le joyau de notre institution — et nous veillons à leur fournir, à eux et à leur famille, le soutien dont ils ont besoin.

[Traduction]

Je me suis également engagé à les écouter. Ainsi, même si je maintiens la chaîne de commandement pour l’utilisation contrôlée de la force et pour les opérations militaires, j’aplanis l’organisation pour ce qui est de communiquer les idées novatrices formulées par des employés de tous les grades et métiers et d’en tenir compte. Dans nos forums en ligne, les aviateurs rédigent des commentaires sur des idées complexes, au même titre que les généraux et les colonels. Il s’agit d’une évolution culturelle que je veux voir continuer de croître. De plus, il incombe aux dirigeants de tous les échelons de l’ARC de maintenir un environnement professionnel et respectueux. C’est une priorité pour moi, depuis le premier jour de mon commandement. L’urgence de maintenir un tel environnement a été renouvelée dans le contexte de l’opération HONOUR et renforcée par la publication, ce matin, d’informations provenant de Statistique Canada.

[Français]

Bien sûr, la nouvelle politique de défense façonnera nos missions, mais je m'attends à ce que nous continuions à jouer, à l'avenir, nos rôles actuels essentiels en matière de puissance aérienne. Vous êtes déjà au courant de nos responsabilités quotidiennes en matière de sécurité nationale et de sécurité continentale dans le cadre du NORAD, sans oublier le travail exceptionnel de nos techniciens et de nos équipages aériens de recherche et de sauvetage.

[Traduction]

En fait, ce travail a récemment été reconnu par la prestigieuse Honourable Company of Air Pilots de Londres, en Angleterre, qui a décerné la mention élogieuse Master’s Commendation à l’un de nos pilotes de recherche et sauvetage. Le commandant du 103e Escadron à Gander a exécuté une séquence exceptionnellement éreintante de missions de recherche et sauvetage; et, même s’il a été félicité officiellement pour son dévouement et son professionnalisme, j’observe ce degré d’engagement tous les jours chez les aviateurs et les aviatrices de l’Aviation royale canadienne.

Toutes les facettes de la Force aérienne appuient la Marine, l’armée et les forces spéciales durant l’instruction et dans le cadre des opérations… comme nous le faisons, par exemple, dans le cadre de l’opération IMPACT, mission actuellement menée en Irak.

Qui plus est, nous devons nous intégrer harmonieusement avec nos partenaires militaires canadiens et alliés et les organismes gouvernementaux et civils.

[Français]

Nous définissons les exigences des plateformes et des systèmes futurs et, parallèlement, nous nous concentrons sur la mise à niveau, sur la prolongation de la durée de vie et sur l'élaboration de solutions novatrices pour nos ressources actuelles.

[Traduction]

Compte tenu des progrès technologiques réalisés par nos adversaires et par nos alliés, cet esprit d’innovation est essentiel pour permettre à l’ARC de relever les défis de la prochaine décennie et d’au-delà. L’ARC est en période de grand renouvellement. L’hélicoptère Chinook est récemment devenu opérationnel, et, de fait, a lutté contre les incendies à Fort McMurray. Nos Hercules de modèle J ont été mis à niveau, et notre cinquième Globemaster se révèle être un ajout exceptionnel à notre position de préparation. L’Aurora — notre plateforme de guerre anti-sous-marine — a évalué pour devenir un aéronef de patrouille à long rayon d’action doté de la capacité de renseignement, de surveillance et de reconnaissance — RSR — sur la terre comme sur l’eau. Au total, 14 Aurora sont en train de faire l’objet de mises à niveau majeures qui les garderont à l’avant-garde de ces capacités jusque dans les années 2030.

L’Aurora est un énorme succès canadien doté de capacités de calibre mondial: des capacités canadiennes recherchées, conçues et construites au Canada, élaborées par Recherche et développement pour la défense Canada, en collaboration avec l’industrie canadienne. La question qu’il faut maintenant se poser — et il s’agit de ma priorité —, c’est comment intégrer cette capacité dans une plateforme. Je voudrais qu’il s’agisse d’une plateforme construite au Canada, comme la Q-400 ou la C-Series, quand la durée de vie utile de l’Aurora sera terminée.

D’ici avril 2018, nous nous attendons à déployer deux détachements d’hélicoptères Cyclone en mer, et d’autres détachements suivront dans le cadre de notre retrait de la flotte de Sea King, en décembre 2018.

Je prévois également que l’Examen de la politique de défense façonnera notre actuel programme de véhicules aériens sans pilote, appelé JUSTAS. L’information provenant de l’industrie est en cours d’évaluation, et le calendrier de livraison théorique se situe entre 2021 et 2023. La date de livraison finale est en 2025.

Sur ce bref aperçu, je vais vous présenter le brigadier général Michel Lalumière, qui m’accompagne. Michel a déjà été le directeur général de l’espace et vient tout juste de déménager dans un nouveau portefeuille du Développement de la force aérienne. Il est également le pilote principal de recherche et sauvetage dans l’ARC, alors j’ai pensé qu’il serait utile au moment de se pencher sur certaines de vos questions précédentes au sujet desquelles vous voudriez obtenir des réponses. Sur ce, j’ai hâte de répondre à vos questions. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

Le sénateur Kenny: Bienvenue, général. Pourriez-vous dire au comité comment vous avez été consulté à l’avance de la décision récemment prise par le gouvernement d’acheter, auprès d’un seul fournisseur, 18 nouveaux Super Hornet?

Lgén Hood: Merci. Je pense que ce que j’ai entendu, c’était que le gouvernement va amorcer les discussions avec le gouvernement américain et avec Boeing au sujet de la possibilité d’un achat provisoire de Super Hornet.

En tant que commandant de l’Aviation royale canadienne — comme je l’ai dit dans mes commentaires —, je donne des conseils propres à la Force aérienne au chef d’état-major de la Défense. Les conseils sont donnés en privé; je suis certain que vous le comprenez bien. Ces conseils sont utilisés dans la formulation des politiques gouvernementales, mais, lorsque le gouvernement élabore une politique, le rôle du commandant de l’Aviation royale canadienne — et de la Force aérienne — consiste à mettre en œuvre cette politique.

Le sénateur Kenny: Vous auriez déclaré que les 77 chasseurs CF-18 du Canada pourront volet jusqu’en 2025, et même plus tard. Est-ce exact?

Lgén Hood: C’est exact. Ils font actuellement l’objet de mises à niveau structurelles qui se poursuivront sous la direction du SMA (Matériels) afin de nous assurer que notre force de chasseurs demeure active et pertinente jusqu’au moment où le remplacement définitif, l’appel d’offres ouvert et transparent que le gouvernement a également annoncé, sera terminé.

Le sénateur Kenny: J’ai aussi une citation d’un responsable qui a affirmé que, même si les 77 aéronefs pouvaient voler pour toujours, il n’y en aurait tout de même pas assez pour respecter simultanément nos engagements à l’égard du NORAD et de l’OTAN. Est-ce exact?

Lgén Hood: Le gouvernement a annoncé une politique selon laquelle l’Aviation royale canadienne est tenue de pouvoir respecter simultanément nos engagements à l’égard du NORAD et de l’OTAN. Actuellement, je suis incapable de le faire au moyen de l’actuelle flotte de CF-18. Le nombre d’aéronefs est insuffisant pour que l’on puisse s’acquitter de ces engagements simultanément.

Le sénateur Kenny: En quoi est-ce que cela correspond à la politique du gouvernement précédent concernant l’acquisition de 65 nouveaux aéronefs?

Lgén Hood: Eh bien, assurément, la politique actuelle du gouvernement du Canada signifierait que, au bout du compte, une flotte de 65 aéronefs n’est pas suffisante.

Le sénateur Kenny: Combien d’aéronefs seraient suffisants?

Lgén Hood: Monsieur le sénateur, les chiffres associés aux engagements à l’égard du NORAD et de l’OTAN sont classifiés, et je ne suis pas prêt à en discuter. Je dirai simplement que les 77 aéronefs que nous avons actuellement ne sont pas suffisants.

Le sénateur Kenny: Un certain nombre d’entre nous ont été surpris par ce chiffre de 65. Nous nous sommes souvenus que, initialement, lors de l’achat des CF-18, le chiffre était de 118 ou…

Lgén Hood: C’était 138.

Le sénateur Kenny: Je savais qu’il y avait un 8 quelque part. Donc 138. Est-il assez raisonnable de s’attendre à ce que le Canada possède environ 138 aéronefs au sein de la Force aérienne?

Lgén Hood: Vous vous rappellerez que nous avons remplacé trois flottes d’aéronefs: les CF 104 Starfighter, les CF-101 Voodoo et les F-5 Freedom Fighter. Ces aéronefs ont été remplacés dans leur rôle opérationnel par 138 CF-18.

Cependant, à cette époque, nous avions aussi un engagement important auprès de l’OTAN en Europe où étaient déployés en permanence trois escadrons. Par conséquent, à l’époque, il fallait 138 aéronefs pour respecter tous ces engagements. Nous avons de plus mis fin à l’engagement permanent à l’égard de l’OTAN, qui a été réduit d’année en année, alors le nombre ne sera pas 138, mais il sera déterminé de façon définitive dans le cadre du processus concurrentiel ouvert et transparent annoncé par le gouvernement.

La sénatrice Beyak: Merci beaucoup. Nous venons de passer le jour du Souvenir. J’ai passé la fin de semaine dans ma circonscription, et nulle part dans le monde y a-t-il des personnes qui soutiennent autant leurs militaires et le travail qu’ils font que les Canadiens. Ils veulent que vous ayez tous les outils nécessaires et qu’on vous donne les fonds dont vous avez besoin.

Les seules questions qu’on me pose concernent tout le secret entourant les rapports conflictuels qu’on obtient, comme le sénateur Kenny vient de le souligner. Je ne cherche pas l’affrontement, c’est seulement ce que j’entends dans ma circonscription. Au sein de l’armée et de votre vivant, avec 235 représentants du gouvernement et cinq entrepreneurs civils qui œuvrent sur le remplacement des avions de chasse, a-t-on déjà obligé ces intervenants à signer des accords de confidentialité dans le passé? On m’en a beaucoup parlé en fin de semaine. De plus, 121 de ces personnes travaillent pour le ministère de la Défense nationale, et je me demande à quoi on doit cet apparent secret.

Lgén Hood: Madame la sénatrice, pour commencer, je tiens à vous remercier de vos très beaux mots. Savoir que nous avons le soutien des Canadiens à ce sujet facilite très certainement notre travail.

Ce n’est pas inhabituel de demander à des personnes de signer des ententes de confidentialité, habituellement dans les dossiers d’approvisionnement, maintenant que nous avons reçu des demandes de propositions de l’industrie et que des équipes ont été mises sur pied pour évaluer ces exigences. Dans le cadre de processus concurrentiels, par exemple, on a déjà demandé à des gens de signer de telles ententes.

Durant ma carrière, je n’ai pas eu à le faire, mais je possède une autorisation de sécurité. Je crois que signer une telle entente serait redondant vu les secrets que je dois garder au quotidien à cet égard, alors je ne peux pas vraiment vous dire dans quelle mesure on a utilisé de telles ententes de confidentialité. Mon personnel m’a parlé de certaines occasions où elles ont été utilisées, mais je n’ai pas d’expérience personnelle à ce sujet.

La sénatrice Beyak: Merci. Est-ce que ce genre de choses vous est arrivé, brigadier-général Lalumière?

Brigadier-général Michel Lalumière, directeur général, Développement de la force, Défense nationale et Forces armées canadiennes: Merci de la question, madame. Même son de cloche: en raison des autorisations de sécurité que nous possédons, selon le niveau d’autorisation, on nous demande d’accepter différentes conditions et responsabilités connexes. C’est un exemple d’une entente de confidentialité qui s’appliquerait précisément à ce domaine de travail. Ce n’est donc pas rare.

Lgén Hood: J’ai regardé le formulaire, et, essentiellement, il rappelle aux employés qu’ils doivent taire les renseignements précis fournis par les clients ou les entreprises possiblement associés à la Défense ou aux dossiers dont nous nous occupons.

La sénatrice Beyak: Je comprends. Merci.

Le président: J’aimerais poursuivre sur cette lancée, avant que nous passions à autre chose.

Je crois que la question, c’est de savoir si, d’après votre expérience, qui que ce soit au sein du ministère vous a déjà fait signer un accord de confidentialité permanent, à vous ou à des membres de votre personnel. Ça me semble tellement étrange d’imposer cette exigence, et je ne crois pas que nous devrions laisser tomber cette question, parce que, selon moi, c’est un enjeu important. Vous avez déjà une autorisation de sécurité, alors pourquoi faire une telle chose?

Lgén Hood: Monsieur le sénateur, tout ce que je peux vous dire, c’est que j’ai parlé à mon personnel, qui m’a dit qu’il y a eu des occasions dans le passé où nous avons signé des accords de confidentialité lorsque nous travaillions sur des projets précis.

Le président: Des accords permanents?

Lgén Hood: Je n’ai pas de renseignements précis à ce sujet.

Le président: Pouvez-vous nous fournir ce dont vous parlez par écrit, dans ce cas-là?

Lgén Hood: Je suis tout à fait disposé à fournir des détails à ce sujet.

[Français]

Le sénateur Carignan: Juste avant de poser ma question, j'aimerais vous informer que vous venez de perdre un CF-18 qui vient de s'écraser près de Cold Lake, en Alberta. Je ne sais pas si vous êtes au courant.

[Traduction]

Lgén Hood: Nous vous répondrons dans une seconde, monsieur le sénateur.

[Français]

Le sénateur Carignan: En ce qui concerne les F-35 et les Super Hornet, pourriez-vous nous parler des problèmes que pourrait entraîner la gestion de différents avions dans le cadre de nos opérations ou de celles que nous menons avec les alliés, car ils n'utilisent pas les mêmes équipements, les mêmes embouts de ravitaillement, ni les mêmes centres d'expertise ou d'entraînement?

J'ai visité dans ma région la société aéronautique L-3 MAS. J'y ai vu le travail d'expertise qui est fait en matière d'entretien et de reconstruction des CF-18. Or, nous multiplions tout par trois. Pouvez-vous nous dresser la liste des inconvénients opérationnels et de maintenance qui se posent lorsqu’il faut s'occuper de trois types d'appareils différents? Le fait de multiplier les centres d’entretien de ce genre aura-t-il pour effet de multiplier les coûts, et le cas échéant, de combien?

Lgén Hood: Certainement, sénateur.

[Traduction]

Pour commencer, j’ai reçu un appel en venant ici, et on m’a dit qu’il y avait eu un accident impliquant un CF-18 à Cold Lake. Je n’ai pas plus de renseignements à ce sujet, et ce serait étrange de formuler des commentaires à ce sujet tant que nous n’avons pas d’information sur la sûreté et la sécurité de l’équipage et tant que nous ne savons pas si la famille a été informée. Je ne sais pas qui couvre l’événement, mais il devrait y avoir un gazouillis à ce sujet.

Mon personnel obtient des renseignements plus détaillés, et je prévois informer le comité à la toute fin. J’allais obtenir de l’information à jour et venir vous en parler, c’est ce que je ferai.

Tout ce que je sais, c’est que c’était un exercice de formation à Cold Lake, en Alberta, mais je vous fournirai avant de partir aujourd’hui tous les renseignements que j’ai, et je devrai assurément parler aux médias peu après.

[Français]

Premièrement, sénateur, je suis très heureux que le gouvernement canadien annonce un investissement en faveur de l'Aviation royale canadienne. Selon moi, une, deux ou trois flottes de chasseurs représentent des défis, mais si nous avons les ressources nécessaires pour relever ces défis — et je fais confiance à mon personnel et à notre mission —, ce sera un succès. C'est toujours une question de ressources.

Le chef d'état-major de la Défense m'a dit personnellement qu'il me donnerait tout ce dont j'ai besoin pour que l'Aviation royale canadienne soit une réussite dans le cadre des nouvelles politiques du gouvernement du Canada.

[Traduction]

Mon personnel détermine actuellement quelles seraient nos exigences en matière de ressources dans le cadre de la transition, mais je crois qu’il est trop tôt, comme je l’ai dit. Ce que j’ai entendu mon ministre — le ministre Foote — dire au moment de l’annonce, c’est qu’il y aura des discussions avec Boeing et le gouvernement américain pour déterminer si l’achat de Super Hornet serait une option provisoire. Nous allons continuer à prodiguer des conseils, et on m’a assuré que j’aurais toutes les ressources requises pour mener à bien ce dossier.

[Français]

Le sénateur Carignan: Quels sont les inconvénients ou les défis pour votre équipe d'avoir à gérer trois flottes différentes? Si nous ajoutons les CF-35 plus tard, pour respecter nos engagements contractuels, quels en seront les défis et les coûts? Vous me dites qu'il y en a, mais quels sont-ils?

Lgén Hood: Je ne connais pas les coûts présentement, mais mon équipe est en train d'évaluer nos besoins. La chose la plus importante est que les avions des Forces armées canadiennes soient interopérables.

[Traduction]

Et assurer l’interopérabilité avec nos plus proches alliés.

Je n’ai pas toutes les capacités dont bénéficient certaines forces aériennes. Je n’ai pas d’aéronefs AWACS, et nous n’avons pas d’aéronefs de recherche et de sauvetage de combat. Très peu d’aviations peuvent tout avoir. La façon de surmonter ces défis, c’est d’assurer dans la mesure du possible l’interopérabilité et notre capacité d’intégration dans un système, ce qui a été une des grandes réussites de notre flotte actuelle de CF-18, et il ne fait aucun doute qu’il en sera de même avec les autres flottes à l’avenir.

Encore une fois, je ne peux pas discuter des défis parce que je ne les connais pas tous. Cependant, si on me donne les ressources nécessaires, je suis sûr que les hommes et les femmes de l’Aviation royale canadienne pourront livrer la marchandise.

[Français]

Le sénateur Carignan: Quelles sont les ressources dont vous avez besoin?

Lgén Hood: Premièrement, j'aurais besoin de plus de personnel, parce, maintenant, j'ai déjà la flotte de 77 CF-18 à gérer. J'aurais besoin de plus de techniciens et de pilotes.

[Traduction]

La sécurité de vol, les systèmes d’approvisionnement… Nous ne savons pas exactement tout ce que cela inclurait, mais le chef en sera informé en temps voulu lorsque nous aurons terminé la planification et serons prêts à aller de l’avant.

Cependant, il est évident que nous aurons besoin de plus de personnel, et de plus de fonds pour fournir les heures de vol supplémentaires requises pour une flotte provisoire.

Le sénateur Meredith: Merci de vos commentaires. Pour revenir sur le point soulevé par le sénateur Carignan en ce qui a trait au fait que votre personnel analyse en quelque sorte les coûts et quant au fait qu’il était difficile pour vous d’estimer quels allaient être les coûts à long terme des Super Hornet, pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, si c’est l’aéronef qu’on choisit?

Lgén Hood: En fait, il serait très prématuré de discuter des coûts alors que le gouvernement du Canada commencera bientôt à discuter avec ces intervenants.

Les ressources qui m’intéressent le plus, ce sont celles dont j’ai parlé; il faut s’assurer que nous avons suffisamment de pilotes de chasse et assez de techniciens. Dans les deux cas, on parle de compétences complexes, comme vous pouvez l’imaginer, et nous avons besoin de plus de temps pour assurer la formation et tout le reste. De plus, la taille de la Force aérienne est fondée sur le nombre de flottes que nous possédons. Par conséquent, si nous ajoutons une autre flotte, je sais qu’il y aura des demandes de ressources venant de mon Quartier général de Winnipeg, où l’on s’occupe des opérations, et de quelques autres domaines, où 80 agents de gestion de projet offrent un soutien au SMA (Matériels).

J’aimerais vous fournir des renseignements plus précis, et j’espère pouvoir revenir à l’avenir et peut-être vous fournir plus de renseignements, mais, en ce moment, on m’a assuré que le Chef d’état-major de la Défense allait me fournir les ressources dont j’ai besoin pour réussir.

Le président: En guise de suivi avant que nous passions à une autre question... je crois que c’est important. Si j’ai bien compris, vous venez de nous dire que le gouvernement a décidé d’aller de l’avant avec un processus d’acquisition de plusieurs milliards de dollars sans savoir quels seront réellement les coûts opérationnels et d’entretien ni les problèmes à long terme liés au fait d’utiliser trois types d’aéronefs différents?

Lgén Hood: Ce n’est pas ce que j’ai dit, monsieur le sénateur. La seule chose que le gouvernement a annoncée, c’est un processus concurrentiel ouvert et transparent pour remplacer les aéronefs. Il a dit qu’il allait entreprendre des discussions sur une solution provisoire. J’ai dit qu’il est trop tôt pour connaître les coûts complets du processus, parce que ces discussions doivent avoir lieu et que, s’il décide d’acquérir les aéronefs, il devrait ensuite négocier avec l’entreprise.

Ce n’est pas mon rôle. Je m’intéresse aux ressources dont l’Aviation royale canadienne a besoin pour mettre en œuvre la solution retenue et s’assurer d’avoir le personnel nécessaire et d’offrir la formation requise et tout le reste. C’est ce dont je m’occupe actuellement.

Le président: Je comprends tout à fait ce que vous dites. Je veux obtenir de précisions sur la façon dont la décision a été prise, la personne qui l’a prise et les renseignements qui ont été fournis. Je crois que c’est la question que la plupart des Canadiens se poseraient relativement à ce dont nous avons été témoins la semaine dernière.

Lgén Hood: Eh bien, vous savez, le gouvernement du Canada…

Le président: Le gouvernement a le droit de prendre la décision, je ne remets pas du tout cela en question.

Lgén Hood: Absolument. Si des collègues de SPAC ou d’ISED étaient ici, ils pourraient probablement vous fournir plus d’information sur le caractère précis de ces discussions qui ont eu lieu. Franchement, je ne crois pas que personne connaisse les coûts. Certaines personnes peuvent avoir une bonne idée de ce qu’ils seront, mais, actuellement, on a changé la politique concernant le nombre d’aéronefs que j’ai à ma disposition et on effectue des recherches sur la situation à long terme, le processus concurrentiel ouvert et transparent et les mesures à prendre à court terme pour appliquer cette politique.

[Français]

Le sénateur Carignan: Avez-vous évalué le risque de poursuites judiciaires? Le fait d’utiliser l'exception d'urgence, qui a été ajoutée récemment par le gouvernement précédent, dans une situation où on ne prévoyait pas d'écart jusqu'en 2025 a pour effet d’augmenter les risques de poursuites de la part de Lockheed Martin. Y a-t-il eu des discussions à ce sujet? Premièrement, y a-t-il eu une évaluation de ce risque et, deuxièmement, des discussions avec Lockheed Martin pour éviter des poursuites judiciaires?

Lgén Hood: Sénateur Carignan, ce n'est pas mon domaine d'expertise.

[Traduction]

J’imagine que le ministère ou le ministre de la Justice pourraient prodiguer des conseils au gouvernement à ce sujet. Franchement, je n’ai pas d’expertise en la matière et je ne connais pas non plus les répercussions stratégiques. Je vous ai parlé des exigences liées aux avions de chasse et de ce dont nous avons besoin pour y arriver. Je suis désolé, je ne peux pas répondre à votre question.

La sénatrice Jaffer: Je vous remercie tous les deux d’être là. Je suis très heureuse de vous revoir, général. Je crois bien que mes collègues du comité en ont assez de m’entendre parler de mon voyage avec vous au Soudan. J’en ai encore parlé aujourd’hui.

En passant, je souscris à ce que la sénatrice Beyak a dit: il paraît évident que vous êtes prêt à vous acquitter de toutes les tâches qu’on pourra bien vous attribuer.

Je veux parler d’un tout autre sujet: le recrutement. Nous étudions l’Examen de la politique de défense. Pour moi, il s’agit de l’identité des hommes et des femmes avec lesquels on travaille.

Une des choses que j’ai constatées, c’est que vous manquez vraiment de spécialistes des systèmes techniques, des systèmes liés à l’aérospatiale et à l’information, les personnes qui s’occupent des systèmes de satellite — vous le savez, mais je le précise pour ceux qui nous regardent — ainsi que des systèmes informatiques. Je crois savoir que vous avez seulement atteint 54 p. 100 de vos objectifs.

De quelle façon tentez-vous de composer avec ce manque de recrues dans le cadre de vos travaux?

Lgén Hood: Merci de la question, madame la sénatrice. Notre travail, c’est d’embaucher de jeunes Canadiens et de les former afin qu’ils puissent s’acquitter des rôles les plus importants à l’avenir. La formation et le recrutement sont des préoccupations continues.

Il y a, en effet, certains métiers au sein de l’aviation où les niveaux de dotation ne sont pas là où nous voudrions qu’ils soient. Habituellement, nous voudrions compter sur des effectifs complets dans certains métiers. Nous affichons parfois des taux aussi bas que 87 p. 100, et ce sont les domaines que nous avons habituellement à l’œil.

Une partie de la solution est liée aux capacités de formation — la partie que je contrôle —, et nous faisons d’importants investissements pour les renforcer. Assurément, dans le cas de la formation des techniciens, nous avons eu de très bonnes discussions avec des collèges civils afin qu’ils nous aident à atteindre nos objectifs.

Pour ce qui est de la détermination de mes demandes, c’est le chef du personnel militaire qui s’occupe du recrutement. Nous avons mis en place un processus annuel. Je sais que le lieutenant général Whitecross travaille extrêmement dur pour s’assurer de réaliser des activités de recrutement intensives dans les secteurs où il y a un problème de sous-formation. Je sais aussi que le personnel du SMA (AP) — les personnes qui s’occupent des affaires publiques — est sur le point de lancer une autre campagne de recrutement.

Je suis convaincu que nous pourrons combler toutes les pénuries — dont aucune n’a atteint un niveau critique en ce moment — et que nous réussirons.

La sénatrice Jaffer: Vous êtes le commandant de l’Aviation royale canadienne. L’une des questions que nous nous sommes posées concerne le pourcentage de femmes au sein de votre groupe, le nombre de femmes sous vos ordres. Dans quelle mesure vos effectifs sont-ils représentatifs du Canada moderne?

Lgén Hood: Dans quelle mesure mes effectifs sont représentatifs? Pas assez.

La sénatrice Jaffer: Que faites-vous pour changer cette situation?

Lgén Hood: C’est intéressant. Lorsque j’étais commandant de la huitième Escadre, à Trenton, chaque année, nous accueillions 1 000 cadets de l’air. Si vous aviez examiné ces cadets de l’air, vous auriez constaté qu’ils ne reflètent pas la population canadienne. Il y a une surreprésentation, en fait, il y a beaucoup de membres des groupes que nous tentons d’obtenir. Près de la moitié sont des femmes — et c’est une grande réussite — et des membres des minorités visibles que nous tentons d’inclure.

Il y a environ 8,9 p. 100 de femmes au sein de la Force aérienne. La directive du chef d’état-major de la Défense, c’est d’en obtenir 25 p. 100 dans 10 ans. Nous travaillons extrêmement dur pour y arriver.

Pour ma part, j’ai parlé aux médias ethniques à Toronto et à Vancouver, et je continue de réaliser des activités de mobilisation pour informer les Canadiens — qu’ils soient ici depuis peu ou depuis longtemps — sur les projets de leur Force aérienne.

Je suis fier du fait que la Force aérienne a été la première à ouvrir tous ces métiers aux femmes. En fait, par exemple, le Canada a été parmi les premiers pays à compter des pilotes de chasse de sexe féminin. Mon premier chef dans mon escadron de C-130 à Edmonton, était une commandante d’aéronef, et j’ai travaillé en collaboration avec des femmes à tous les grades.

Je veux que les chiffres augmentent beaucoup, et nous allons travailler très dur pour y arriver.

Un des défis avec lesquels je compose, depuis que je suis devenu commandant — et c’est intéressant — c’est la proportion plus élevée de couples militaires en service, des couples où l’homme et la femme sont tous les deux des militaires, au sein de la Force aérienne. C’est assez intéressant, ce n’était pas une situation que je connaissais avant de devenir commandant. Qu’est-ce que cela signifie? Cela signifie que les défis liés au fait d’avoir une famille, d’être déployé et de respecter les exigences du service militaire sont beaucoup plus importants dans les couples militaires mariés que lorsqu’un seul membre du couple est militaire. Habituellement, on constate qu’un des deux époux prend sa retraite pour permettre à l’autre de poursuivre sa carrière.

J’ai parlé du besoin d’essayer de faire preuve de plus d’innovation. J’aimerais que la Force aérienne prenne les devants et adopte des politiques permettant à des personnes de prendre plusieurs années de congé, si elles le désirent, tout en protégeant leur grade et leur niveau de rémunération lorsqu’elles reviennent. On pourrait les laisser aller travailler pour l’industrie pendant deux ou trois années et leur permettre de réintégrer la Force aérienne par la suite.

Ces changements de paradigmes — ce que nous devons faire pour être un employeur de choix à l’avenir — exigeront certains efforts, mais je suis fier de dire, madame la sénatrice, que l’ARC exerce beaucoup de pressions relativement à toutes ces politiques afin d’essayer d’améliorer les chiffres dont vous avez parlé.

[Français]

Le sénateur Dagenais: Si je considère qu'on a reçu une bonne nouvelle aujourd'hui, c'est que, au moins, l'entretien des avions Super Hornet sera fait à Mirabel, au Québec.

Je comprends que ce n'est pas votre ressort de parler d'argent, mais on dit que le Super Hornet est un avion en fin de production par rapport au F-35, et vous me corrigerez si je me trompe. Ne trouvez-vous pas nébuleuse l’annonce de l'achat des Super Hornet sans que le prix réel, qui comprend l'entretien et la formation de nouvelles équipes, ne soit dévoilé?

Évidemment, vous aurez à préparer de nouvelles missions dont on ne connaît pas encore les coûts. D’après vous, est-ce que les Canadiens sont en droit de savoir combien tout cela va coûter? Parce qu'il y a un coût qui est rattaché à tout cela. Or, plus on suit les annonces du gouvernement actuel, plus on a de la difficulté à évaluer les coûts de l'achat d'équipements et des missions que le gouvernement va vous confier.

Ne trouvez-vous pas cela bizarre?

Lgén Hood: Sénateur, tout d'abord, à titre de chef de l'Aviation royale canadienne, j'ai le mandat d'exécuter les politiques du gouvernement du Canada.

[Traduction]

Il y a des fluctuations au fil du temps. Nous n’avions pas de flotte de Chinook. Nous les avons mis au rancart en 1993, et le gouvernement précédent a annoncé l’achat de Chinook. Ce sont les aéronefs que nous utilisons actuellement.

C’est normal que les priorités du gouvernement et les tâches dont je m’acquitte varient au fil du temps. Nous sommes agiles et souples. Les défis sont beaucoup plus faciles à relever lorsqu’on a accès aux ressources appropriées.

J’imagine qu’il y a beaucoup de questions posées concernant le budget de la Défense et les autres instruments de soutien, mais je n’oublie pas que le gouvernement termine actuellement son Examen de la politique de défense et qu’il annoncera une nouvelle politique en matière de défense bientôt.

J’imagine que ce sera associé à certaines indications des ressources requises, mais, encore une fois, monsieur le sénateur, ma réponse ne serait que des spéculations. Je suis sûr d’avoir les ressources dont j’ai besoin pour faire ce qu’on m’a demandé de faire aujourd’hui. On m’a donné de nouvelles exigences politiques, et je suis convaincu qu’on me fournira les ressources nécessaires pour y arriver. C’est ce qui m’intéresse.

[Français]

Le sénateur Dagenais: J'aimerais faire un commentaire en réponse aux propos de la sénatrice Jaffer. J'ai aussi une nièce qui est membre de l'armée, comme son conjoint. Donc, le couple est dans l'armée, et ce n'est vraiment pas facile au moment des transferts. Je comprends très bien la situation.

Lgén Hood: Absolument. Merci beaucoup, sénateur.

[Traduction]

Le sénateur White: Je vous remercie tous les deux d’être là. Je m’excuse de mon retard. Ma question concerne les lacunes en matière de capacité.

On dirait qu’on parle beaucoup actuellement des F-35, des CF-18 et des Super Hornet, mais, du point de vue des lacunes en matière de capacité, à quoi réfléchit-on, par exemple, dans le domaine de la recherche et du sauvetage? Nous avons un grand pays, et je ne crois pas que les F-35 vont répondre aux besoins de tout le monde. Quelles sont les autres lacunes auxquelles nous serons confrontés au cours des 3, 5 ou 10 prochaines années?

Lgén Hood: Je crois avoir dit dans ma déclaration que nous vivons actuellement une période de régénération: une nouvelle flotte de C-130, les C-17 et la cinquième flotte qui s’en vient. Pour ce qui est des appareils de recherche et sauvetage à voilure fixe, nous espérons avoir des nouvelles d’ici la fin de l’année. Nous avons produit une demande de propositions, et le processus est en cours. J’espère que nous serons rendus au contrat très bientôt, parce qu’il s’agit là d’une incroyable capacité qui modifiera en partie la dynamique dans le cadre des activités de recherche et sauvetage. La technologie sur cet aéronef et tout ce qui est accessible, la synchronisation avec le soutien satellite et autre, changera de fond en comble le domaine de la recherche et du sauvetage. Nous serons beaucoup plus efficaces.

Il y a deux ou trois flottes relativement auxquelles nous n’avons pas une vision à long terme arrêtée. L’une d’elles concerne les hélicoptères Cormorant, qui sont aussi de la partie, et nous espérons définir une vision à ce sujet à l’avenir. Nous regardons certaines options. Je peux vous en dire plus si vous voulez.

Les hélicoptères Griffon arrivent à une période de leur cycle de vie où il faudra probablement investir pour s’assurer qu’ils continuent d’être pertinents. Malgré les changements apportés aux procédures de contrôle de la circulation aérienne civile, il faudrait tout de même investir dans cet aéronef pour en assurer la pertinence et s’assurer qu’il puisse voler dans tous les espaces aériens de l’Amérique du Nord.

Je crois que toutes ces choses auront lieu en temps voulu. Il n’y a aucun écart nulle part relativement auquel je vous dirais que soit nous n’avons pas de plan, soit nous n’en aurons jamais.

Le sénateur White: Avons-nous la capacité de maintenir les F-35 dans l’Arctique, comme nous faisons pour les F-18 et à la lumière de la distance de certains des sites d’avertissement Iqaluit et Inuvik? Dans le cas des F-35, il n’y a pas de problème d’espace en hangar ou de capacité des pistes d’atterrissage comparativement aux F-18?

Lgén Hood: Non, les exigences sont similaires. Les deux aéronefs ont besoin de bandes revêtues d’asphalte. Les aéronefs doivent être conservés dans des hangars pour être protégés contre les conditions climatiques, et nous avons des installations dans toutes les zones nordiques où nous exerçons nos activités. Je ne vois aucun défi lié à la mesure dans laquelle ces deux plateformes peuvent satisfaire les exigences de l’ARC en soutien à nos obligations à l’égard du NORAD.

Le président: Voulez-vous obtenir de nouveaux renseignements sur la situation à Cold Lake et nous en faire part?

Lgén Hood: Oui. Je vais vous lire une déclaration qui m’a été envoyée par mon personnel:

Vers environ 11 h 9, heure normale des Rocheuses, un CF-18 Hornet monoplace du 401e Escadron de la quatrième Escadre Cold Lake s’est écrasé dans le polygone de tir aérien de Cold Lake, en Saskatchewan, non loin du polygone d’évaluation de Primrose Lake. Le pilote n’a pas survécu à l’accident. Son nom ne sera pas divulgué tant que ses plus proches parents n’auront pas été informés. Les services d’urgence de la quatrième Escadre sont sur place pour sécuriser la scène. Une enquête de sécurité des vols sera menée pour déterminer la cause de l’accident.

C’est donc une journée sombre pour l’Aviation royale canadienne, et je transmets mes vœux les plus sincères à la famille d’un de nos membres.

Le président: Merci de la mise à jour. Je tiens à transmettre nos condoléances aux familles touchées, à vous et au personnel subalterne de la Force aérienne. C’est évidemment un moment très triste pour nous tous.

Nous accueillons aujourd’hui parmi le troisième groupe de témoins le major-général Christian Juneau, commandant adjoint, Armée canadienne, et le brigadier-général Rob Roy MacKenzie, chef d’état-major de la Réserve de l’Armée. Bienvenue, major-général Juneau. Je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire. Allez-y, s’il vous plaît.

[Français]

Major-général Christian Juneau, commandant adjoint, Forces armées canadiennes, Défense nationale et Forces armées canadiennes: Monsieur le président, honorables membres du comité, je voudrais tout d'abord vous remercier de m'avoir invité et de donner la possibilité à l'armée canadienne de partager avec vous ce que nous faisons présentement. Je suis le major-général Christian Juneau, commandant adjoint de l'armée canadienne. J'occupe ce poste depuis un peu plus de deux ans.

Au cours de mes 33 années de services, j'ai servi un peu partout au Canada. J'ai également passé six ans avec les Forces armées canadiennes en Europe. J'ai participé à un programme d'échange avec l'armée des États-Unis ainsi qu'à des déploiements dans l'ex-Yougoslavie, au Koweït, avec les Américains, et en Afghanistan. J'ai aussi eu le privilège de commander des éléments des Forces armées canadiennes durant les inondations de 2013, à Calgary, et de 2014, au Manitoba. Ayant consacré la plus grande partie de ma vie à la profession des armes, je crois fermement à l'institution de l'armée, à ses objectifs et à ses valeurs et, surtout, je suis très fier de ses membres.

Permettez-moi de vous décrire brièvement votre armée canadienne d'aujourd'hui. L'armée canadienne est une force terrestre professionnelle et intégrée, axée sur le soldat, qui est prête pour les opérations, y compris les opérations de combat. Notre but est de soutenir les objectifs de défense du Canada.

En date du 31 octobre 2016, l'effectif total de l'armée canadienne s'élevait environ à 51 000 personnes, y compris 23 000 membres de la force régulière, 19 000 membres de la première réserve, 5 000 Rangers canadiens et environ 3 400 civils.

L'armée canadienne compte 63 unités de la force régulière et 123 unités de la réserve, localisées dans 127 collectivités à travers le Canada. Nous avons également 179 patrouilles de Rangers, dans 414 autres collectivités éloignées. Notre présence à travers le Canada constitue l'un des plus grands atouts de l'armée canadienne.

Les relations étroites que nous tissons avec chaque région géographique du pays renforcent le lien qu’entretiennent les Canadiens avec leur armée et améliorent le sentiment de sécurité au sein de la population. Elles assurent également une grande diversité au sein de nos membres, ce qui nous rend plus forts.

J'aimerais, dans les prochaines minutes, décrire le rôle important que jouent les soldats de la réserve. Principalement, je tiens à souligner les points que mon collègue, le brigadier-général Rob Roy MacKenzie, a soulevés lorsqu'il a comparu devant vous la semaine dernière. L'armée canadienne est une armée constituée de membres de la force régulière, de la force de réserve, de Rangers et de civils. Le rôle de la force de réserve est essentiel à la réussite de l'armée canadienne. Nos réservistes appuient nos opérations nationales et internationales en fournissant des capacités spécifiques et en renforçant nos effectifs durant les exercices et l'instruction individuelle.

En juin 2016, le commandant de l'armée canadienne a émis une directive qui présentait notre plan pour accomplir les tâches qui nous ont été confiées dans la Directive du chef d'état-major de la Défense sur le renforcement de la réserve, et aussi en réponse à de nombreuses préoccupations soulevées dans le rapport du vérificateur général. En juillet dernier, lorsqu'il a pris le commandement de l'armée canadienne, le lieutenant-général Wynnyk a fourni des directives supplémentaires sur son intention de réduire le temps de recrutement et de décentraliser l'instruction de base aux unités de réserve.

Après que la directive du commandant a été émise, l’une des premières tâches que nous avons entreprises a été d'examiner notre modèle de financement. Depuis le 1er avril 2016, un compte ministériel distinct a été établi, ce qui a amélioré la transparence concernant le financement de la réserve.

Nous sommes aussi en train de concevoir un nouveau modèle pour attribuer des fonds aux unités en fonction de leurs effectifs et des résultats escomptés. En plus d'accroître la transparence, le modèle fera en sorte que toutes les unités et les formations de la réserve de l'armée comprennent clairement les tâches qui leur sont confiées.

Comme l'a mentionné le brigadier-général MacKenzie la semaine dernière, les Forces armées canadiennes ont pris des mesures concrètes pour atténuer le problème de recrutement dans la réserve. Dans le cadre de la directive sur le renforcement de la réserve, à partir d’avril 2017, l'armée canadienne assumera la responsabilité, qui est attribuée à l’heure actuelle au commandement du personnel militaire, de tous les aspects reliés au recrutement de la réserve de l'armée. Ceci nous permettra de simplifier les politiques et les procédures afin de répondre aux besoins particuliers de l'armée canadienne en ce qui concerne le recrutement de la réserve.

L'objectif est de nous permettre d'enrôler de nouvelles recrues dans un délai de quelques jours et non de quelques semaines ou de mois. Des essais commenceront au début de décembre 2016 avec la 36e Brigade, qui comprend 10 unités en Nouvelle-Écosse et une unité à l'Île-du-Prince-Édouard, avant le lancement à l'échelle du pays.

L'armée canadienne, dans l'ensemble, vise à attirer des recrues de qualité, de partout au Canada, qui représentent également la population diversifiée de notre pays. Tout comme le fait la réserve de l'armée dans son recrutement par l'essai de l'enrôlement accéléré dans la réserve, la force régulière, sous l’impulsion du commandement du personnel militaire, simplifie son processus de recrutement afin d’améliorer la façon dont elle attire, sélectionne et intègre les nouveaux soldats qui joignent ses rangs.

Bien qu'il soit important de continuer à accroître les effectifs militaires, il est tout aussi important de conserver les membres qui font déjà partie de notre organisation. C'est pourquoi les dirigeants de l'armée cherchent des façons d'améliorer le maintien de l'effectif par divers moyens. Nous voulons offrir plus de souplesse en matière de possibilités de carrière, améliorer la gestion de carrière et offrir un plus grand soutien aux familles des militaires. Encore une fois, ces initiatives sont chapeautées par l'équipe du commandement du personnel militaire.

Une autre partie importante de notre plan de maintien de l'effectif est de créer plus de mobilité entre la force régulière et la force de réserve. Ceci devrait permettre aux militaires de choisir l'option qui leur convient le mieux, à un point quelconque de leur carrière, tout en aidant le ministère à atteindre les niveaux de dotation approuvés.

Ainsi, comme vous pouvez le constater, faire en sorte que l'armée canadienne compte le nombre approprié de soldats est un aspect clé nous permettant d’assurer notre disponibilité opérationnelle.

Veiller à ce que nous soyons formés pour répondre adéquatement aux exigences des missions est un autre facteur essentiel. Les soldats canadiens doivent être prêts à participer à différents types d'opérations, telles que les interventions pour répondre aux catastrophes naturelles au Canada, comme ce fût le cas lors des feux de forêts à Fort McMurray en mai dernier. Ils doivent également pouvoir partir en mission pour participer à l’entraînement et à l’instruction d'autres forces armées, comme nous le faisons dans le cadre de l'opération UNIFIER, en Ukraine.

Afin d'assurer la réussite opérationnelle, les soldats canadiens doivent s'entraîner adéquatement. L’instruction permet de faire en sorte que l'armée canadienne soit prête, à tout moment, pour toute opération au pays et à l'étranger. L'instruction et l’entraînement de l'armée de terre présentent, pour les participants, des défis réalistes et stimulants dans des environnements contemporains particuliers, comme l’Arctique, les montagnes, la jungle, le désert et le littoral. Nous nous entraînons toute l'année, dans toutes les conditions météorologiques, partout au Canada et, quelquefois, à l’étranger.

L'instruction commence à un niveau individuel. Les soldats acquièrent les habiletés, les connaissances, les compétences et la confiance dont ils ont besoin pour faire leur travail. Ces connaissances et compétences sont maintenues grâce à un cycle d'instruction continue, qui met constamment au défi le personnel de l'armée. Peu importe son emploi, un soldat doit continuer de s'entraîner et se verra offrir des occasions de formation et de perfectionnement professionnel tout au long de sa carrière.

L'entraînement collectif s'ajoute à l’instruction individuelle. Les soldats s'entraînent en équipe, en unité et en groupements tactiques de différentes tailles dans des conditions réalistes, ce qui permet aux militaires de tous les grades de mettre à l'épreuve leurs compétences dans un vaste éventail de scénarios et de s'intégrer à leur équipe. L'entraînement collectif, qui comprend des exercices avec nos alliés et partenaires, permet aussi à l'armée canadienne de tester son efficacité dans le cadre d'opérations multinationales et interarmées. Chaque année, l'armée canadienne procède à des centaines d'exercices d'entraînement d'un bout à l'autre du pays pour préparer les soldats à travailler en cohésion lors des missions. Le point culminant est l’exercice Maple Resolve, un exercice annuel qui a lieu au Centre canadien d’entraînement aux manœuvres situé à Wainwright, en Alberta.

Les programmes d'instruction au sein de l'armée ont un autre but, celui d’assurer que les membres de la force régulière et de la réserve puissent travailler harmonieusement ensemble. De plus, le programme d’instruction de l’armée canadienne comprend une culture de santé et du conditionnement physique, qui aide à garantir que les soldats sont toujours prêts à partir en mission.

Les dirigeants de l'armée reconnaissent qu’être prêt suppose des exigences et du stress supplémentaires pour le personnel militaire et leur famille. Pour appuyer les soldats, leur famille et les employés civils, une stratégie intitulée Mission: Prêts a été conçue afin de fournir les ressources, les renseignements et les outils pour aider à former une équipe de l'armée en santé, en bonne forme physique, prête et résiliente.

Pour que l'armée du Canada dispose de forces prêtes au déploiement, il faut du temps, de la planification et des ressources. Le Plan de gestion de l’état de préparation de l’armée de terre établit un calendrier soigneusement planifié et contrôlé, qui fait progresser les unités et les plus grandes formations par diverses étapes de disponibilité opérationnelle. Ceci comprend des périodes d’instruction au niveau de préparation élevée pour préparer les forces aux opérations. Lorsque des éléments de l’armée de terre sont à l’étape de préparation de niveau élevé du plan de gestion, ils sont soit sur le point de participer à un déploiement, soit en attente en vue des opérations que le gouvernement pourrait ordonner.

On ne saurait s’attendre à ce qu’une unité maintienne un niveau élevé de disponibilité opérationnelle en tout temps. Par contre, en tout temps, une brigade de la force régulière sur trois est au niveau le plus élevé de disponibilité opérationnelle. On parle ici d’un groupe d’environ 4 800 hommes et femmes.

En même temps, d'autres unités de la force régulière, de la première réserve et des Rangers sont formées et entraînées pour participer à des opérations domestiques, et ce, à très court préavis, si nécessaire. Le Plan de gestion de l’état de préparation garantit que l’armée canadienne est prête en tout temps à mettre sur pied la puissance terrestre requise pour répondre aux exigences du gouvernement. Le plan peut aussi s'adapter à l’intention du gouvernement ou aux exigences opérationnelles du moment. C'est ainsi que l'armée demeure prête, agile et adaptable aux demandes du gouvernement.

Afin de s'assurer que ses soldats sont bien équipés, que ce soit pour l'entraînement ou les missions, l'armée canadienne est résolue à renouveler et à remplacer les équipements essentiels. Depuis quelques années, le véhicule blindé léger et la famille de chars Leopard 2 ont tous les deux fait l'objet d’importants travaux de modernisation. Tout récemment, le nouveau véhicule blindé tactique de patrouille a été livré.

L'armée canadienne est toujours à la recherche de moyens novateurs afin de mieux équiper ses soldats pour ainsi améliorer leur agilité et leur efficacité opérationnelles. Une opération très intéressante que nous examinons est le Polaris MRZR4, un véhicule tout-terrain léger à très grande mobilité, ce qui pourrait contribuer à la capacité opérationnelle de nos forces légères.

En ce qui touche particulièrement la réserve, encore une fois, comme l’a mentionné le brigadier-général MacKenzie, l'armée canadienne examine actuellement l'équipement qu'elle possède et l’endroit où il se trouve afin de déterminer les ressources qu’il faudra acquérir pour la réserve dans l'avenir. Le contexte actuel en matière de sécurité exige des forces armées qu’elles soient agiles et capables d'affronter des défis variés et en constante évolution. C'est pourquoi l'armée canadienne revoie et modifie continuellement son recrutement, son maintien des effectifs, son instruction, son entraînement, ses structures et ses capacités afin d'assurer une pertinence et une soutenabilité continues. Tous ces efforts contribuent à la grande priorité de l’armée canadienne, soit celle de maintenir la disponibilité opérationnelle.

Pour terminer, je voudrais souligner que l'armée canadienne, votre armée, est forte, fière et prête à accomplir toutes les tâches que le gouvernement du Canada pourrait lui confier. Nous sommes bien entraînés, bien préparés et bien dirigés pour appuyer efficacement un large éventail d’opérations, y compris des opérations de combat, d'entraînement, de soutien de la paix, et les missions de secours aux sinistrés.

Monsieur le président, je tiens à vous remercier encore une fois, ainsi que les honorables membres de ce comité, de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer: Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Je veux vous poser des questions au sujet de la formation, et, d’après ce que j’ai compris et ce que j’ai lu, vous mettez beaucoup l’accent sur la formation. De toute évidence, c’est quelque chose que nous apprécions beaucoup. Nous avons adopté un certain nombre de programmes de formation différents, comme la boîte à outils à l’intention des commandants ou, pour la production, les sites SharePoint. Est-ce que vos hommes et vos femmes les utilisent? Et dans quelle mesure les trouvent-ils utiles?

Mgén Juneau: Ces outils sont facilement accessibles; c’est pourquoi nos hommes et nos femmes les utilisent.

[Français]

Le besoin d'utiliser ces outils est renforcé par la chaîne de commandement. On demande à nos jeunes non seulement de participer à l'entraînement, mais aussi de le mettre en application. De plus, nous faisons des vérifications périodiques sur ce plan pour nous assurer que la mise en application est bel et bien faite.

La sénatrice Jaffer: Merci. J'ai une autre question.

[Traduction]

Mercredi dernier, un rapport sur le taux de mortalité par suicide dans les Forces canadiennes a été publié. Je suis convaincu que son contenu vous préoccupe profondément. C’est aussi notre cas. Selon le rapport, les militaires qui ont déjà participé à un déploiement sont beaucoup plus susceptibles de commettre une tentative de suicide. D’après ce que j’ai compris, il y a eu 18 cas de suicide chez les membres rien qu’en 2015. De surcroît, l’état de santé mentale des personnes qui servent dans les Forces canadiennes est également un sujet de préoccupation.

Selon vous, comment pouvons-nous améliorer la situation? Que pouvons-nous faire de plus pour faire attention à nos hommes et à nos femmes?

Aujourd'hui, nous avons présenté une recommandation sur des questions relatives au trouble de stress post-traumatique. Il serait pratique que le comité sache ce qu’il conviendrait de recommander. Nous avons quand même présenté une recommandation dans notre rapport provisoire, mais comment pouvons-nous renforcer le soutien offert aux hommes et femmes qui portent l’uniforme?

[Français]

Mgén Juneau: Bien entendu, chaque suicide est une tragédie. Définitivement, les chiffres que vous avez soulevés sont une préoccupation, et les Forces armées canadiennes prennent cela très au sérieux. Il est vrai qu'au niveau des chiffres et des statistiques cumulés, l'armée semble un peu plus exposée que les autres membres des Forces armées canadiennes, particulièrement les hommes qui participent aux combats.

Je crois qu'il y a un an, l'armée a mis en place un programme qui s'appelle La Stratégie de performance intégrée de l’Armée canadienne (SPIAC). C'est un programme qui touche six volets: physique, émotif, social, spirituel, intellectuel et familial. Donc, c'est un programme qui examine l'ensemble de l'individu. Le programme mise sur l'aspect préventif, avant d'être déployé dans le cadre d’une opération, et dans la vie de tous les jours. Ce programme semble bien fonctionner, d'après les rapports qu'on a reçus jusqu'à maintenant.

Sur le plan de la prévention du suicide, il y a un autre programme qui a été instauré par les aumôniers de l'armée de terre, le programme Sentinelle, qui consiste à former des individus de tout grade pour leur permettre de déceler des signes chez leurs confrères ou consœurs ou chez une personne qui manifesterait peut-être des tendances suicidaires ou des signes de détresse mentale. Ce programme connaît aussi beaucoup de succès, et nous avons pu former bon nombre de gens dans ce domaine.

En ce qui concerne le suivi, bien entendu, les personnes qui ont les outils et les responsabilités, ce sont les chefs du personnel militaire, mais il est très clair de la part du commandant de l'armée que cette responsabilité relève de la chaîne de commandement. Si un individu est muté à l'extérieur de l'unité ou s'il quitte l'unité et que l’on croit qu'il a des problèmes, particulièrement de santé mentale, le lien avec l'unité, qui devient alors une famille pour l'individu, doit être maintenu.

[Traduction]

La sénatrice Beyak: Merci et bienvenue. Je suis très heureuse de cette mise au point.

Ma question concerne le Mali. Je suis préoccupée. Un ancien secrétaire général adjoint des Nations Unies a qualifié de bourbier cette mission de lutte contre le terrorisme. Vous a-t-on consulté à propos d’un déploiement éventuel au Mali? Que pensez-vous des conditions là-bas?

[Français]

Mgén Juneau: Sénatrice, c'est une bonne question à laquelle je ne peux répondre. Le gouvernement du Canada n'a encore rien annoncé, sauf le fait qu’il y a 600 membres des Forces armées canadiennes qui vont participer à une opération quelque part en Afrique. L’endroit, la date et le profil des 600 individus n'ont pas encore été annoncés. Malheureusement, c'est de l'information confidentielle du Cabinet que je ne peux partager pour le moment. Je regrette.

[Traduction]

La sénatrice Beyak: Je vous remercie de votre grande honnêteté.

Nous avons actuellement un très grand nombre d’engagements aux quatre coins du monde. Disposez-vous d’un plan stratégique pour l’intégration de réservistes dans l’Armée canadienne en prévision d’éventuelles opérations en Lettonie et au Mali?

[Français]

Mgén Juneau: Pour l'intégration de la réserve, il y a différents aspects. D'abord, il y a un peu plus de 500 soldats qui sont déployés partout à travers le monde en ce moment. Cela inclut l'Ukraine, la Pologne, et cetera. De ces 500 personnes, près de 60 sont des membres de la force de réserve, donc environ 12 p. 100. Par exemple, en Afghanistan, on a déployé environ 20 p. 100 du contingent, une fois que la mission ait atteint une certaine maturité, pour participer et soutenir les opérations en Afghanistan.

Pour une nouvelle mission, dépendamment du théâtre des opérations et des habiletés requises pour la ROTO 0 qui est vraiment la première à participer, on prévoit peut-être une contribution de renfort individuel. Pour des missions subséquentes, c'est-à-dire la rotation 1, la rotation 2 et la rotation 3, selon les besoins, on envisage le déploiement de groupes de réservistes formés qui pourraient contribuer, eux aussi, au succès de la mission.

Le sénateur Carignan: Vous êtes responsable de la formation ou, du moins, vous avez une bonne idée de la formation. Il y a eu plusieurs cas de comportements déviants et d'agressions sexuelles. Dans le cadre de la formation, y a-t-il un volet qui traite de l’abus et du harcèlement sexuel et qui vise à éviter ce genre de situation?

Mgén Juneau: Absolument, sénateur. D'emblée, je dirais que ce type de comportement est répréhensible et qu’il ne correspond pas du tout à l'éthique des Forces armées canadiennes, à notre code de conduite et au respect et à la dignité des individus en uniforme.

Pour ce qui est de votre question un peu plus précise, effectivement, dès l'entrée dans les Forces canadiennes et dès l'entrée dans le système d'entraînement de l'armée, des séances d'entraînement sont données aux membres dans le but d'intégrer les jeunes à notre culture et afin qu'ils comprennent que ce genre de comportement est absolument inacceptable. Dès le départ, nous entraînons aussi nos instructeurs pour qu'ils communiquent efficacement avec nos jeunes, et qu’il soit très clair que la norme, c’est tolérance zéro en ce qui a trait à l'inconduite de nature sexuelle.

Le sénateur Carignan: Ma deuxième question concerne la réduction des délais dans le processus d'embauche. C'est souhaitable, mais cela augmente aussi certains risques d'infiltration de personnes qui auraient des idées plutôt contraires aux intérêts des Forces canadiennes ou à ceux des Canadiens. Quelles mesures comptez-vous prendre pour réduire ou éliminer les risques d'infiltration au sein des Forces canadiennes de personnes qui voudraient se servir de leur poste pour commettre des actes terroristes, par exemple?

Mgén Juneau: Si vous me le permettez, je vais demander à mon confrère, le brigadier-général MacKenzie, de répondre à la question, et j'ajouterai peut-être quelques éléments par la suite.

[Traduction]

Brigadier-général Rob Roy MacKenzie, chef d’état-major de la Réserve de l’Armée, Défense nationale et les Forces armées canadiennes: Je vous remercie de la question. C’est une très bonne question. Nous voulons accélérer le processus de recrutement, mais nous devons nous assurer de recruter et d’entraîner les bonnes personnes.

À cette fin, nous continuons de suivre le processus de vérification de la fiabilité tout en accélérant le rythme. En outre, certaines choses seront faites plus tôt, par exemple la vérification du casier judiciaire. Ainsi, les gens pourront commencer leur entraînement parallèlement à la vérification des références, etc. Si on s’aperçoit qu’il y a eu un enrôlement irrégulier, nous pouvons prendre des mesures pour libérer la personne avant la fin de son entraînement.

Nous adaptons également l’entraînement pour veiller à ce que les vérifications de ce genre soient terminées avant l’entraînement relatif au maniement d’armes ou qui se passe au champ de tir. C’est le genre de chose dont on a tenu compte dans l’élaboration de l’entraînement.

Globalement, les vérifications menées actuellement ne changeront pas. Nous avons seulement repensé la méthode.

[Français]

Le sénateur Carignan: Avez-vous déjà exclu des gens dans le processus d'embauche, par le passé, parce que vous croyiez qu'ils présentaient un risque de poser des actes illégaux ou terroristes?

[Traduction]

Bgén MacKenzie: Je crois que le système actuel de vérification et de recrutement relève présentement du Commandement du personnel militaire. Il faudrait lui poser la question pour savoir où la vérification a eu lieu, et cetera.

[Français]

Mgén Juneau: De façon anecdotique, il y a eu des cas. Comme le brigadier-général MacKenzie l’a mentionné, sauf dans le cas de la réserve, les activités de recrutement à partir de la rue n’appartiennent pas vraiment à l’armée, mais au chef du personnel militaire. Cependant, j’ai entendu parler de plusieurs cas où un individu, dès les contacts initiaux, montrait des signes de risques élevés de problèmes, et on n’a pas permis à ces individus de porter l’uniforme des Forces armées canadiennes.

[traduction]

Le sénateur Meredith: Major-général, brigadier-général, merci beaucoup d’être ici aujourd'hui.

Vous avez mentionné dans votre exposé qu’il y avait 18 807 membres de la Première réserve qui portaient l’uniforme et qui avaient terminé l’entraînement. Pouvez-vous nous parler du processus de déploiement? Si on devait faire appel à eux, combien de membres pourraient partir en déploiement si on leur donne un préavis de 72 heures? Pouvez-vous nous décrire le processus?

[Français]

Mgén Juneau: Pour répondre à la première partie de votre question, je vais parler d’un déploiement domestique, parce que pour déployer à très court préavis, en 72 heures, comme vous le dites, cela se produit dans le cadre d’opérations domestiques. Il y a des unités dans chacune des 10 brigades de réserve qui sont des groupes de bataillons territoriaux. Cela signifie qu’il y a donc de 300 à 400 individus qui sont prêts à être déployés. L’avis de déplacement est d’environ 72 heures, ce dont vous parlez.

Au cours des dernières années, on a aussi développé une capacité, soit le Groupe-compagnie d’intervention dans l’Arctique. Dans leur cas, c’est un peu plus long, parce qu’ils s’entraînent avec leur équipement et qu’ils doivent être transportés en Arctique. On parle d’un avis d’environ cinq jours. Grosso modo, lorsqu’on parle d’un déploiement rapide pour la réserve, ce sont là les éléments dont nous disposons.

[Traduction]

Le sénateur Meredith: Parlons du recrutement. Vous avez mentionné que les délais avaient été resserrés. Nous venons tout juste d’écouter le témoignage du lieutenant-général Hood à propos de la stratégie de recrutement des femmes et des membres des minorités visibles. Quelle est votre stratégie à cet égard?

Bgén MacKenzie: Merci beaucoup de poser cette question.

Nous allons mettre à l’essai la méthode d’enrôlement en vigueur à la 5e Division du Canada, dans la région de l’Atlantique. Nous voulons non seulement rationaliser les processus, mais également examiner, de concert avec notre actuel Groupe du recrutement des Forces canadiennes, les stratégies et les efforts qu’il a mis en œuvre par rapport à la diversité. Nous voulons aussi nous pencher sur nos autres objectifs connexes afin de trouver une solution commune et, au bout du compte, trouver la meilleure méthode pour la période de mise à l’essai. Cela vaut autant pour les régions urbaines que pour les régions rurales.

Nous collaborons également avec la Marine et la Force aérienne afin de tirer des leçons à retenir sur la façon dont les choses évoluent. D’ailleurs, elles souhaitent aussi tirer des leçons du processus accéléré que nous avons élaboré.

En résumé, nous voulons vraiment atteindre les objectifs d’équité en matière d’emploi ainsi que les cibles établies par le chef d’état-major de la défense pour l’égalité entre les sexes, par exemple.

[Français]

Mgén Juneau: Le recrutement de la force régulière n’appartient pas à l’armée canadienne, mais on essaie de mettre bien en évidence des femmes qui ont eu beaucoup de succès dans leur carrière. Nous les plaçons à l’avant-plan, nous leur donnons la chance d’être vues, d’être entendues. Aussi, quand on mute du personnel dans des centres de recrutement, on essaie d’avoir de plus en plus de femmes et de minorités visibles pour faciliter l’approche. Les jeunes qui arrivent à la porte du centre de recrutement peuvent être intimidés, mais lorsqu’il y a une connexion immédiate qui se fait, ça peut aider les choses.

[Traduction]

Le sénateur Meredith: Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné la stratégie Mission: Prêts, qui a été conçue pour appuyer les personnes et les Centres de ressources pour les familles des militaires pendant l’entraînement des réservistes, et cetera. Ensuite vient le déploiement, puis le soutien. Selon vous, offrons-nous un soutien adéquat aux personnes qui participent à des missions une fois qu’elles sont revenues? Le travail que j’ai fait avec le Centre de ressources pour les familles des militaires de Toronto m’a permis de cerner certains problèmes. Pouvez-vous nous expliquer comment nous allons aider les personnes souffrant de TSPT que la sénatrice Jaffer a mentionnées dans sa question sur le rapport et sur les suicides. Pouvez-vous nous parler de la stratégie mise en œuvre afin de veiller à ce que les personnes qui partent en mission soient capables de mener une vie à peu près normale de retour chez elles, et ce, malgré les traumatismes qu’elles ont vécus.

[Français]

Mgén Juneau: Les choses sont beaucoup mieux qu’il y a 10 ans en ce qui concerne le suivi des gens qui reviennent, par l’intermédiaire des centres de la famille et d’autres ressources. Ce n’est pas parfait et on pourrait faire mieux, mais énormément d’énergie est consacrée présentement à l’examen de la situation de nos militaires qui reviennent d’opérations, particulièrement s’ils ont été exposés à des événements qui peuvent être difficiles. C’est un peu cela, sénateur.

[Traduction]

Le sénateur Campbell: Merci et bienvenue. Avant tout, je dois vous dire que je fais partie du British Columbia Regiment, aussi appelé les Dukes. Même si le brigadier-général était colonel au sein du Seaforth, nous avons été capables de bâtir une amitié au fil des ans.

D’après ce que je sais, vous resserrez les délais, et le Commandement du personnel militaire va céder sa responsabilité à l’Armée canadienne en avril.

Selon vous, comment notre méthode actuelle de recrutement va-t-elle changer? Comment pouvons-nous attirer les jeunes Canadiens et Canadiennes dans cette carrière ou dans cette situation? Comment pouvons-nous leur offrir tout ce qu’ils devraient avoir pendant la durée de leur service? Comment comptez-vous changer les choses?

Bgén MacKenzie: Merci beaucoup de cette question. Il y a deux volets à la réponse. Il y a le recrutement, d’une part, puis la formation initiale et l’instruction élémentaire, d’autre part. Voilà comment je compte changer les choses.

Il faut surtout insister sur les ressources: nous allons toutes les mobiliser à l’échelon de l’unité. Ainsi, le commandant de l’équipe de commandement de l’unité et la direction des unités auront les outils dont ils ont besoin pour vraiment faire leur travail. En outre, chaque officier de recrutement ainsi que les sous-officiers au sein des unités seront responsables d’accomplir les tâches de cet ordre sur place. Ils n’auront pas à se rendre à des centres de recrutement éloignés ou à d’autres endroits.

Ainsi, l’unité devra véritablement veiller à sa propre survie. Son sort est entre ses propres mains.

Actuellement, l’instruction élémentaire pour l’infanterie, les blindés et le bataillon des services, soit l’instruction élémentaire qu’un soldat doit suivre pour se qualifier dans une spécialité ou pour pouvoir participer aux opérations, se passe souvent dans des centres d’instruction qui ne se trouvent pas dans la localité de l’unité. Là où c’est justifié, nous voulons, autant que possible, ramener l’instruction élémentaire à l’échelon de l’unité afin qu’elle ait lieu localement, dans la collectivité de l’unité. Voilà donc deux changements majeurs que nous allons effectuer sans attendre. L’avenir des unités appartiendra désormais à la direction des unités elles-mêmes.

Le sénateur Campbell: C’est parfait.

Ma deuxième question concerne le Polaris. Va-t-on l’utiliser comme véhicule blindé de reconnaissance? À quoi servira-t-il?

[Français]

Mgén Juneau: C’est un véhicule dont nous nous sommes procuré quelques exemplaires. Il s’agissait d’un achat de fin d’exercice financier pour nos troupes légères qui se déplacent essentiellement à pied ou au moyen de camions. Cela permet d’alléger le poids que doivent transporter les soldats, au lieu qu’ils aient à traîner une partie de l’équipement, surtout pour le soutien au combat, comme les rations, les munitions, et cetera. Si je comprends bien votre question, c’est l’aspect protection qui vous intéresse, ce qui peut être un peu plus risqué en effet. Mais on fait une analyse, on étudie le secteur visé, et on évalue la menace. Dans certains cas, les véhicules ne sont tout simplement pas utilisés. Cependant, ils peuvent sûrement aider à la mobilité, particulièrement des forces légères.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, j’aimerais poser quelques questions complémentaires.

Avant tout, je tiens à dire que j’ai eu l’occasion de passer toute une journée à suivre l’opération NANOOK au Yukon. J’ai été très impressionné par la condition physique de tous les soldats qui y participaient. L’opération a duré toute la journée, et l’enthousiasme et la santé physique des soldats étaient manifestes. En tant que Canadien, j’ai trouvé très gratifiant d’y participer et d’avoir l’occasion de voir ces jeunes hommes et ces jeunes femmes en pleine action. Il était évident qu’ils excellaient.

Cela étant dit, il y a deux ou trois choses que j’aimerais aborder. C’est à propos de la Force de réserve. Nous avons reçu de l’information l’autre jour à propos de ce qui est offert aux réservistes et de leur situation actuelle. Je crois qu’un certain nombre de mesures très avantageuses ont été prises, y compris le fait qu’il y aura désormais une enveloppe budgétaire pour la Force de réserve. Ainsi, on évite que les fonds ne soient pas dépensés pour quelque chose d’autre au sein des Forces canadiennes. C’est un peu une mesure de sécurité pour eux.

Quelqu’un d’ici a cependant fait un commentaire à propos de la situation actuelle, du moins en ce qui concerne certains cas liés aux réservistes. On a mentionné que les unités n’ont même pas accès à des radios présentement, et encore moins à des véhicules, à des armes collectives, à des cuisines, à des tentes, et cetera. En d’autres mots, il y a une pénurie de ressources pour ce dont les réservistes ont besoin quotidiennement s’ils veulent s’acquitter des tâches et que nous leur demandons d’accomplir.

Pourriez-vous vérifier cela? S’il s’agit de faits, qu’allez-vous faire pour corriger la situation?

Bgén MacKenzie: Merci, monsieur le sénateur. Je peux vous répondre. Je vais aussi en profiter pour approfondir un commentaire que j’avais commencé dans mon dernier témoignage.

Au cours des huit prochains mois, durant tout l’été 2017, nous allons examiner de manière globale où se situe l’équipement qui se trouve au sein de l’Armée canadienne, en particulier dans la Force de réserve. Nous allons mettre au point des tableaux pour l’équipement des unités de la Réserve, ce qui nous permettra d’avoir une référence dans l’avenir pour l’approvisionnement en équipement.

Nous voulons aussi nous assurer que tout l’équipement de base pour les réservistes est le même partout. Actuellement, nous exécutons un programme dans l’ensemble de l’Armée canadienne afin de fournir de nouvelles radios. C’est un projet provisoire. Cela a soulevé une certaine controverse, mais le programme vise à fournir des radios pour toute l’Armée canadienne. Cela devrait prendre de 18 à 24 mois afin de mettre le programme en œuvre.

Le programme ne concerne pas uniquement les réservistes, mais bien toute l’Armée canadienne. Le but est de remplacer la technologie actuellement utilisée pour nos activités. Il y a également un plan à long terme, qui sera exécuté plus tard, visant à s’assurer que nous nous procurons le bon type de radio pour la Force de réserve.

Le président: Notre rôle est d’aider, et le problème rapporté est qu’il n’y a pas de tentes-cuisines, d’armes collectives ou de véhicules appropriés. Cela est-il fréquent dans la Force de réserve? Avez-vous réfléchi aux délais et à tout ce que vous devez procurer à la Réserve? Avez-vous une bonne connaissance de son fonctionnement?

Bgén MacKenzie: Je vais vous parler des véhicules et de quelques-uns de nos principaux ensembles d’équipement.

Présentement, toutes les unités de la Réserve ne disposent pas de tableaux pour tous les ensembles d’équipement dont une unité pourrait avoir besoin. Les ressources sont mises en commun pour l’instruction collective, et c’est sur quoi nous avons fondé notre analyse afin de déterminer la meilleure façon de cerner les besoins. Nous voulons nous assurer que l’équipement est à la disposition des unités quand elles en ont besoin. Parfois, il est préférable que l’équipement se trouve à un centre d’instruction. Dans d’autres cas, certaines unités vont avoir accès aux véhicules.

Le président: J’aimerais continuer dans cette veine, parce que nous essayons de cerner, dans le cadre de nos séances ici, les domaines où il y a des lacunes ainsi que les mesures qui doivent être prises afin de veiller à ce que l’équipement nécessaire soit en conformité avec les normes établies. Nous voulons aussi, bien évidemment, qu’il y ait suffisamment d’équipement, et cela vaut aussi pour tout ce qui concerne le soutien nécessaire.

Pouvez-vous nous donner un chiffre approximatif relativement à la Force de réserve? Avons-nous besoin de 10 millions de dollars ou de 30 millions de dollars si nous voulons remonter le niveau de la Réserve et mettre à sa disposition les ensembles d’équipement qui lui permettront de s’acquitter des tâches qui lui sont attribuées?

Pouvez-vous nous donner un chiffre? Nous voulons un portrait de la situation.

Bgén MacKenzie: Monsieur le sénateur, tout ce que je pourrais vous donner serait une estimation. Nous devons d’abord procéder à l’analyse pour cerner les lacunes. Nous avons un certain nombre d’équipes qui vont se pencher là-dessus, conformément à la directive sur la consolidation de la Réserve.

Le président: Quand prévoyez-vous que ce sera fait?

Bgén MacKenzie: Pour l’équipement, nous en sommes à la deuxième étape. Nous avons commencé à l’automne, et nous prévoyons finir autour de septembre 2017. Au cours des huit prochains mois, nous allons évaluer tout spécialement l’équipement pour cerner les lacunes et déterminer quels sont les tableaux nécessaires.

Le président: Il sera donc peut-être nécessaire de sauter cette année, d’être exclu du cycle budgétaire. Est-ce exact?

[Français]

Mgén Juneau: Monsieur le président, au cours d’une année, il peut y avoir des opportunités d'achats immédiats avec ce qu'on appelle les projets mineurs d’acquisition. Si on parle de l’achat de tentes ou de choses semblables pendant l’exercice financier courant, il peut y avoir des occasions de mettre la main sur des équipements, soit dans le cadre de contrats existants ou au moyen d’achats standards.

[Traduction]

Le président: Vous avez donc une certaine marge de manœuvre.

La prochaine question concerne l’accroissement de l’effectif de la Réserve et du nombre de réservistes mentionnés dans le rapport du vérificateur général.

D’après ce que j’ai compris, il va falloir dépenser environ 250 millions de dollars de plus pour atteindre un effectif de 28 000 réservistes. C’est bien ça?

Bgén MacKenzie: Merci, monsieur le sénateur. Je ne sais pas si on a déterminé un montant, à vrai dire. Je ne crois pas qu’il y avait un montant précis pour les coûts liés à l’accroissement dans les directives que nous avons reçues.

Le président: Pour revenir au sujet principal, quand prévoyez-vous pouvoir nous fournir le montant que vous avez déterminé? Nous voulons nous assurer de l’inclure dans le budget — dans le cycle budgétaire, comme cela est requis — afin que vous puissiez accomplir le travail qu’on attend de vous.

Bgén MacKenzie: Pour l’Armée canadienne, la première étape est l’accroissement de l’effectif, soit un accroissement de 950 membres pour les 16 unités. Voilà pour l’aspect concernant le personnel.

Aux étapes suivantes, nous allons nous pencher sur l’équipement dont les unités ont besoin pour cela, et il sera également question plus tard des tâches que les unités devront accomplir, et cela comprend aussi l’équipement et les capacités nécessaires. C’est la troisième étape.

Ce serait un processus itératif. Évidemment, tout ne sera pas fait en une seule année financière. L’exercice en cours marque la première fois où nous allons pousser cela plus avant.

Le président: Pouvez-vous nous communiquer les chiffres dès que vous réussirez à les obtenir? Cela vaut aussi pour les réponses aux autres questions. Aux fins de notre étude, je crois qu’il est important que nous ayons une certaine idée des ressources nécessaires.

J’aimerais aborder un autre sujet, chers collègues, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. La semaine dernière, je crois, nous avons abordé la question de l’initiative civilo-militaire. Selon moi, il s’agit d’un programme très novateur. Je tenais à le dire. Ce programme va probablement vous aider à atteindre vos objectifs pour l’accroissement du nombre de réservistes.

Depuis, des gens qui ont écouté notre séance sur CPAC ont téléphoné, et il semble que le programme ne fonctionne pas nécessairement aussi bien que vous l’aimeriez. Par conséquent, peut-être pourriez-vous nous dire combien d’étudiants, dans les faits, se sont inscrits au programme? Quel est le nombre cible de participants pour l’année universitaire 2017-2018?

Bgén MacKenzie: Vous posez une très bonne question, monsieur le sénateur. Effectivement, ce que vous dites est exact.

Le premier projet pilote n’a pas vraiment permis d’atteindre les objectifs souhaités à l’Université de l’Alberta. C’est surtout pour cette raison que nous nous sommes intéressés au programme d’équivalence et de connaissances acquises lancé par l’Institut de technologie de la Colombie-Britannique et mis en œuvre par d’autres collèges techniques.

Je ne peux pas vous fournir un chiffre précis. Nous allons devoir vous revenir là-dessus. Certains étudiants de ces collèges techniques sont des réservistes. L’objectif est que les militaires et les premiers répondants obtiennent leurs qualifications. Nous allons devoir revenir pour vous fournir les chiffres ultérieurement.

Voilà donc la raison pour laquelle nous avons, à l’échelle du pays, axé désormais nos efforts sur ces collèges techniques et non plus sur les universités.

Le président: Nous aimerions bien entendu voir ces chiffres, puis faire un suivi continu afin de comprendre la situation par rapport à ces programmes et à leur réussite, parce que selon moi, ce programme pourrait être très avantageux pour le Canada s’il est bien exécuté. Je sais également qu’il doit être très difficile de le gérer pour vous. Nous avons à présent cinq centres, oui?

Bgén MacKenzie: Oui, cinq, conformément aux directives. Certaines provinces pourraient en avoir plus d’un.

Le président: J’aimerais vous demander autre chose par rapport à l’information qu’on m’a fournie. Dans certains des petits établissements d’enseignement, il semble que les choses ne progressent pas aussi rapidement qu’elles le pourraient ou le devraient. Puis-je vous demander d’étudier la situation et de déterminer ce que vous pouvez faire pour les aider à mettre en œuvre ces programmes et ainsi permettre aux jeunes hommes et aux jeunes femmes qui le souhaitent de participer.

Bgén MacKenzie: Certainement, monsieur le sénateur.

Le sénateur Meredith: Pour revenir à ma question sur la préparation et le déploiement et les demandes du Canada par rapport à nos engagements envers l’OTAN et les missions de l’ONU, quel est notre état de préparation relativement à ces déploiements ou à ces missions potentielles?

Mgén Juneau: Si votre question concerne les opérations à l’étranger précisément, monsieur le sénateur, alors nous sommes prêts. En résumé, il y a ce qu’on appelle l’instruction institutionnelle, c’est-à-dire l’état de préparation élémentaire. Ensuite vient l’instruction propre à la mission, celle qui reflète les éléments contextuels de l’opération. Notre système d’instruction est conçu pour nous permettre de préparer des exercices d’entraînement lorsque nous avons assez de temps — et c’est le cas la plupart du temps — afin de nous assurer que nos unités et nos soldats sont prêts pour leur mission.

Dans un contexte d’entraînement, nous essayons de reproduire, dans la mesure du possible, la situation réelle pour ce qui est des divers acteurs: les ennemis, les alliés, les ONG et les autres organisations. Le but est de préparer les militaires autant que possible à ce qu’ils vont vivre dans le théâtre d’opérations.

Le sénateur Meredith: Y a-t-il des difficultés actuellement qui vous empêcheraient de mettre en œuvre l’instruction comme vous le souhaiteriez?

[Français]

Mgén Juneau: Il y a de l'entraînement ou des réalités qui sont très difficiles à reproduire à l’intérieur du pays. Il faut être sur place pour le vivre. Le climat et la culture sont difficiles à refléter aussi, mais certaines choses peuvent être faites. Des experts peuvent être engagés pour nous aider à mieux comprendre la culture à laquelle on fera face dans le théâtre des opérations. Ce n'est pas toujours facile à reproduire ici, au Canada, dans notre système d'entraînement.

Je peux vous affirmer que les exercices, surtout ceux qui ont eu lieu récemment, sont très bien faits, et qu’une fois qu'ils traversent la ligne de départ, pour parler en termes militaires, nos gens sont prêts pour les opérations.

[Traduction]

Le sénateur Meredith: Vous avez parlé des experts qui vous aident pour l’entraînement, et cetera. Collaborez-vous avec d’autres pays afin de, par exemple, préparer les troupes aux climats chauds? Menez-vous des exercices en Arizona? Travaillez-vous avec le gouvernement américain?

Mgén Juneau: C’était le cas dans le passé, monsieur le sénateur. Pendant la guerre en Afghanistan, nous avons fait quelques exercices d’entraînement chez nos voisins du Sud, à Fort Irwin, en Californie, et à Fort Bliss, au Texas. Nous avons une très bonne relation de militaires à militaires et de forces armées à forces armées avec nos amis américains, et nous en tirons parti. Ils nous aident beaucoup à ce chapitre.

Nous les accueillons aussi au Canada. Ils s’intéressent à l’entraînement que nous faisons ici.

Le sénateur Meredith: Si jamais vous comptez faire quelque chose aux Caraïbes, le comité en entier aimerait vous accompagner pour observer, surtout si c’est en février.

Mgén Juneau: Nous allons garder cela à l’esprit, monsieur.

[Français]

Le sénateur Dagenais: Lorsqu'on passe le dernier, les questions sont plus difficiles. Vous avez parlé du futur déploiement d'une mission en Afrique, dont vous ne connaissez ni le pays ni le moment où elle aura lieu. Environ 600 militaires y seront déployés.

On sait que plusieurs pays africains sont francophones. Quel sera le pourcentage de militaires francophones québécois? Je présume qu'il y a des militaires d'autres provinces qui parlent français, mais on peut imaginer qu'une majorité de militaires francophones viendront du Québec. Comment faites-vous pour que le français soit davantage répandu au sein des forces armées afin d'éviter que le déploiement compte uniquement des militaires des régiments du Québec? Je ne crains pas qu'on vide le Québec de ses militaires, mais s'il y a une situation d'urgence au Québec, on pourrait manquer d'effectif.

Mgén Juneau: C'est une excellente question, sénateur. Effectivement, même si la majorité de nos francophones sont du Québec, il y en a qui proviennent d'un peu partout au pays. Il y a d'autres bassins de soldats auxquels nous pouvons faire appel.

Ce qui est important, c'est d'avoir des gens capables de fonctionner en français au niveau des dirigeants. Dans le système militaire canadien, pour atteindre certains grades, certaines qualifications, certains postes de commandement, il faut être en mesure de travailler dans sa langue seconde. Cela permet d’élargir un peu le bassin de personnes qui seraient disponibles pour participer à une mission en Afrique, si le secteur d'opérations est un secteur où on s'exprime essentiellement en français.

Le sénateur Dagenais: En ce qui concerne le déploiement d'effectifs dans les futures missions de soutien de la paix, disposez-vous de tout l'équipement nécessaire pour y participer? Vous avez parlé de véhicules légers pour alléger l'équipement que les militaires doivent porter. Disposez-vous du financement nécessaire pour mener à bien ces missions, ou devrez-vous l’obtenir? Le gouvernement semble vouloir déployer plus de 600 militaires, mais on ne connaît toujours pas les coûts qui y seront liés.

C'est la même chose avec les avions. Pensez-vous avoir tout l'équipement requis pour effectuer ces missions?

Mgén Juneau: La base d'équipements dont nous disposons a fait ses preuves dans un théâtre extrêmement exigeant comme celui de l'Afghanistan. Il y a eu des améliorations depuis.

Dans mes commentaires d'ouverture, j'ai parlé du véhicule blindé léger que nous sommes en train d'améliorer au niveau de la puissance de l'acquisition de cible et du tir. Il y a d'autres initiatives comme celle-là. Si des situations se présentent dans un théâtre où on aurait besoin d'une pièce d'équipement qui n'existe pas dans l'inventaire de l'équipement de l'armée, il y a un système consacré aux besoins opérationnels urgents, auquel on peut faire appel assez rapidement. Si on le compare à la méthode typique qui est utilisée pour obtenir une nouvelle pièce d'équipement, le système pour les besoins opérationnels urgents peut permettre de procurer rapidement aux soldats qui sont au théâtre des opérations la pièce d'équipement requise.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer: J’ai une question à propos du programme d’instruction pour les témoins. Cela me semble très intéressant, en particulier à la lumière de ce qui a été dit aujourd’hui. Je vais expliquer en quoi consiste ce programme. Je sais que vous savez de quoi il s’agit, mais ce n’est peut-être pas le cas des gens qui écoutent les séances du comité de la défense ou des autres comités sénatoriaux. Le programme a été conçu pour apprendre aux membres de l’Armée canadienne comment réagir lorsqu’ils sont témoins de cas d’inconduite sexuelle. Le programme est surtout axé sur la sensibilisation et sur les compétences qui permettront aux membres de l’Armée canadienne de reconnaître les cas d’inconduite sexuelle et d’aider les officiers à composer avec ce genre de problèmes.

Comme vous le savez, les Forces armées canadiennes ont publié en août un rapport sur l’opération HONOUR. Quand je l’ai consulté, j’ai eu l’impression qu’on n’y accordait pas assez d’importance aux réussites du programme. Les comportements doivent changer, ne vous méprenez pas sur ce que je dis. Étant donné ce qui a été publié par Statistique Canada aujourd’hui à ce sujet, je crois qu’il serait important de savoir comment la situation évolue.

[Français]

Mgén Juneau: Le chef d'état-major de la Défense est déçu du contenu du rapport. D'ailleurs, peu après son entrée en poste, le 14 août 2015, il a donné son premier ordre d'opération, soit l’opération HONOUR. De son côté, l'armée a pris quelques jours ou quelques semaines pour absorber cet ordre, et le commandant de l'armée de l’époque a donné, le 4 septembre, son propre ordre d'opération.

En ce qui a trait à l'inconduite sexuelle, il est clair que, pour chaque personne qui porte l'uniforme, c'est tout à fait inacceptable. Ces comportements vont à l'encontre des valeurs que nous défendons fermement.

Le rapport de Statistique Canada nous a permis de confirmer ce que le rapport de la juge Deschamps avait déjà soulevé comme problématique, mais, cette fois, un grand nombre de militaires se sont exprimés. Les choses se sont améliorées, mais pas au point où nous pourrions en être satisfaits. D'ailleurs, le général Vance l'a dit aujourd'hui: l'opération HONOUR ne se terminera jamais. On parle de changer une culture qui existe depuis bien des années au sein d’une institution, et cela prend beaucoup de temps.

Selon les statistiques qui ont été soulevées, il est encourageant de savoir qu'environ 80 p. 100 des répondants croient que, s'ils rapportent un incident, s'ils dénoncent quelqu'un relativement à un acte d’inconduite sexuelle, la chaîne de commandement prendra des mesures. Au cours de la dernière année, environ 30 personnes ont été relevées de leurs fonctions — dans certains cas, il s’agissait de postes assez importants —, parce qu’elles ont toléré ou ont elles-mêmes commis des actes d'inconduite sexuelle.

Pour ce qui est de la sensibilisation des témoins, c'est qu’à un moment donné, ça ne se passe pas seulement entre la victime et celui qui commet l'acte répréhensible. Celui ou celle qui est à côté, qui observe ou qui tolère les blagues inappropriées, fait partie du problème. C'est ce qu'on essaie de faire comprendre à nos employés. On veut que tout le monde fasse partie de la solution, et ce programme tient compte de cet aspect.

Le sénateur Dagenais: Je ne vous demanderai pas de me répondre, major-général Juneau, mais, récemment, j’ai lu dans La Presse que le gouvernement a l’intention d’obtenir un siège au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette situation mettrait en danger la vie de nos soldats canadiens. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler. J'ose espérer que ce n'est pas l’intention du gouvernement, même si nous comprenons l’importance de participer avec nos alliés à la mission de paix au Mali. Je ne vous demande pas de répondre à ce commentaire.

Mgén Juneau: Merci de votre intervention, sénateur.

[Traduction]

Le président: Merci, chers collègues. Notre temps touche à sa fin. Je tiens à remercier nos témoins d’être venus témoigner. L’information que vous nous avez communiquée nous fournira une partie des ressources dont nous avons besoin pour rédiger notre rapport. Je vous prie de donner suite rapidement à tout commentaire que vous avez fait, parce que nous sommes en train de préparer le rapport, et toute information que vous pouvez nous fournir nous aiderait grandement. À nouveau, merci d’être venus témoigner.

Nous accueillons notre quatrième groupe de témoins d’aujourd’hui pour notre étude sur divers sujets liés à l’Examen de la politique de défense, particulièrement les opérations de recherche et sauvetage. Nous accueillons Lori MacDonald, sous-ministre adjointe, Secteur de la gestion des urgences et des programmes, Sécurité publique Canada; le major-général William Seymour, chef d’état-major des Opérations, Commandant des opérations interarmées du Canada, Défense nationale et les Forces armées canadiennes; le brigadier-général Michel Lalumière, directeur général, Développement de la Force aérienne, Défense nationale et les Forces armées canadiennes; et Mario Pelletier, sous-commissaire, Opérations, Garde côtière canadienne. Madame McDonald, je crois savoir que vous avez préparé une déclaration préliminaire. Allez-y, je vous prie. Je crois qu’il y a aussi deux autres déclarations préliminaires également,

Lori MacDonald, sous-ministre adjointe, Secteur de la gestion des urgences et des programmes, Sécurité publique Canada: Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices, et merci de l’occasion de m’adresser à vous à propos de la contribution de Sécurité publique Canada au programme national de recherche et de sauvetage.

J’aimerais avant tout offrir mes plus sincères condoléances à nos amis de l’Aviation royale canadienne pour le décès tragique de leur collègue aujourd’hui.

Lors de ma dernière comparution devant le comité le 18 avril 2016, j’ai parlé des possibilités créées par le transfert du Programme national de recherche et de sauvetage à Sécurité publique Canada. Depuis lors, Sécurité publique Canada a réalisé des progrès importants dans un bon nombre d’initiatives en matière de recherche et de sauvetage. Nous demeurons déterminés à renouveler et à améliorer le Programme national de recherche et de sauvetage.

Aujourd’hui, je décrirai brièvement les récents progrès réalisés dans ce domaine, notamment par une mise à jour concernant le rétablissement du financement pour les services de recherche et sauvetage en milieu urbain de niveau opérationnel lourd et la transition du Programme national de recherche et de sauvetage à Sécurité publique Canada.

Je donnerai également un aperçu de nos efforts actuels en vue de moderniser le programme.

Vous vous rappellerez que le budget de 2016 comprenait un engagement visant à rétablir le financement pour les équipes de recherche et sauvetage en milieu urbain de niveau opérationnel lourd. Cet engagement fait partie d’un objectif plus général du gouvernement visant à bâtir des collectivités plus sécuritaires et plus résilientes. Le 7 octobre 2016, le gouvernement du Canada a annoncé le lancement du Programme de recherche et de sauvetage en milieu urbain de niveau opérationnel lourd. Cette annonce prévoyait comme mesure-phare un financement annuel de 3,1 millions de dollars en vue d’appuyer les quatre équipes existantes de recherche et sauvetage en milieu urbain de niveau opérationnel lourd à Vancouver, à Calgary, au Manitoba et à Toronto. D’autres ressources appuieront également le rétablissement des capacités dans ce domaine à Halifax ainsi que la création d’une nouvelle équipe à Montréal.

Ce programme renouvelé a été élaboré en collaboration avec les groupes de travail de recherche et sauvetage en milieu urbain de niveau opérationnel lourd, les municipalités et les responsables de gestion des urgences des provinces et des territoires.

Le financement rétabli devrait aider les provinces à faire en sorte que l’équipement, le personnel et la formation nécessaires soient en place pour appuyer les moyens d’intervention critique au Canada.

Les moyens de recherche et sauvetage en milieu urbain de niveau opérationnel lourd sont un complément unique et important en matière de gestion d’urgence. Il fait aussi partie d’une communauté de recherche et de sauvetage plus grande. Dans ce contexte, Sécurité publique Canada a donc une occasion importante d’examiner des modèles de gouvernance possibles qui intégreront la recherche et le sauvetage en milieu urbain au sein du cadre de référence moderne du Programme national de recherche et de sauvetage.

En ce qui a trait au Programme national de recherche et de sauvetage, en juillet 2015, la responsabilité pour la gestion de ce programme a été transférée à Sécurité publique Canada. Depuis lors, nous avons cherché à renouveler le cadre stratégique et de gouvernance du Programme national de recherche et de sauvetage, en plus d’étudier des possibilités visant à mieux harmoniser la recherche et le sauvetage avec les responsabilités de gestion des urgences de notre ministère.

En guise de contexte, le Programme national de recherche et de sauvetage a été créé par le gouvernement fédéral en 1986, mais il n’a jamais été défini de manière officielle. Au sein de la famille fédérale, les Forces armées canadiennes sont responsables du fonctionnement efficace en recherche et sauvetage aéronautique et de la coordination en recherche et sauvetage maritime, en partenariat avec la Garde côtière canadienne. Au fil des années, des améliorations ont été apportées en vue de l’intégration plus poussée de ces deux fonctions.

Le programme doit notamment être renforcé dans le domaine du cadre stratégique et de gouvernance, ce qui permettrait à Sécurité publique Canada de mieux appuyer et de coordonner les organisations de prestation de services de recherche et sauvetage à tous les niveaux du gouvernement. Cela comprend l’amélioration de l’intégration du système de recherche et sauvetage terrestre et les systèmes aéronautiques et maritimes, tout en reconnaissant et en respectant la responsabilité juridictionnelle des provinces et des territoires pour la recherche et le sauvetage terrestres.

Nous menons actuellement un exercice qui a pour but de définir officiellement le Programme national de recherche et de sauvetage en vue d’établir ensuite un fondement stratégique et de gouvernance solide pour celui-ci.

Ce processus servira à préciser les responsabilités fédérales, provinciales et territoriales en matière de recherche et de sauvetage. Avec cet objectif en tête, nous avons ainsi lancé un dialogue national avec les intervenants dans le but de définir un Programme national de recherche et de sauvetage en vue de pouvoir élaborer un cadre stratégique et de gouvernance approprié.

Dans le cadre de ce dialogue, en octobre 2016, Sécurité publique Canada a rencontré les principaux intervenants qui ont participé à SARscène 2016 (conférence annuelle pour la communauté de recherche et sauvetage), afin d’obtenir leurs points de vue sur le Programme national de recherche et de sauvetage.

À ce jour, nous avons donc appris qu’il existe des lacunes en matière de représentation dans la structure de gouvernance existante. En conséquence, nous cherchons à donner une voix plus forte aux communautés autochtones, aux bénévoles, aux services de police compétents et aux collectivités nordiques et éloignées.

Le processus de consultation se terminera en hiver 2017. Selon les résultats de ces consultations, le ministère proposera différentes possibilités envisageables en vue de la modernisation du cadre de gouvernance du Programme.

Conformément à l’initiative de modernisation du Programme national de recherche et de sauvetage, je suis heureuse de vous informer que Sécurité publique Canada assumera dorénavant le rôle de champion en recherche et sauvetage terrestre. Dans ce nouveau rôle, Sécurité publique Canada espère collaborer avec la communauté de recherche et sauvetage terrestre afin de mieux comprendre leurs points de vue et de répondre à leurs exigences uniques en collaboration avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

Honorables membres, le fait de renforcer le Programme national de recherche et de sauvetage au moyen d’un cadre stratégique et de gouvernance moderne augmentera la capacité du Canada à intervenir en cas d’incidents de recherche et sauvetage partout au pays. Au fil du temps, ces mesures devraient améliorer notre préparation en vue de mieux faire face aux catastrophes naturelles et aux autres phénomènes météorologiques extrêmes. J’anticipe avec plaisir la poursuite de ce dialogue avec nos intervenants afin de renforcer le Programme national de recherche et sauvetage. Je vous remercie de votre temps et de votre intérêt aujourd’hui.

Major-général William Seymour, chef d’état-major des Opérations, Commandement des opérations interarmées du Canada, Défense nationale et Forces armées canadiennes: C’est un honneur pour moi d’être ici avec nos partenaires clés, Sécurité publique et la Garde côtière canadienne, pour vous informer de l’évolution du rôle que jouent le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes dans le système de recherche et sauvetage canadien.

Le brigadier-général Michel Lalumière, directeur général, Développement de la Force, représentant l’Aviation royale canadienne est avec moi ici aujourd’hui.

J’aimerais souligner le fait que nous travaillons en étroite collaboration, non seulement dans le contexte de recherche et sauvetage, mais dans de nombreux autres domaines de la gestion des urgences en soutien aux Canadiens au pays et à l’étranger.

[Français]

La zone de responsabilité du Canada en matière de SAR est la plus importante au monde et couvre plus de 18 millions de kilomètres carrés de terre et d'eau. Elle présente une géographie variée et difficile, et les conditions météorologiques, en particulier dans la région unique de l'Arctique, peuvent s'avérer ardues tout au long de l'année. L'immensité de la zone et la nature variable de son environnement posent un défi de taille à la communauté SAR.

[Traduction]

Comme l’a déjà souligné Mme MacDonald, la responsabilité en matière de recherche et sauvetage est partagée. À titre de chef d’état-major des Opérations au sein du Commandement des opérations interarmées du Canada, ou COIC, j’aide mon supérieur, le lieutenant-général Steven Bowes, à exercer le commandement et le contrôle des opérations des Forces armées canadiennes, y compris des opérations de recherche et sauvetage.

Les commandants militaires des trois régions de recherche et sauvetage du Canada — Halifax, Trenton et Victoria — relèvent du commandant du COIC, qui maintient la responsabilité de l’intervention des Forces armées canadiennes au niveau national.

Les Forces armées canadiennes sont responsables de l’exécution des opérations de recherche et sauvetage aéronautiques et de la coordination efficace des missions de recherche et sauvetage aéronautiques et maritimes.

La coordination est assurée par l’entremise des trois centres conjoints de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS), dotés de militaires et de membres de la Garde côtière canadienne. Il s’agit de centres de fusion uniques qui permettent une identification et une intervention rapides et synchronisées en cas d’urgence.

Je crois savoir que vos collègues du Comité des pêches et des océans se sont rendus récemment au CCCOS Halifax et qu’ils ont trouvé cette visite fort intéressante. Les membres des Forces armées canadiennes et de la Garde côtière seraient heureux de vous accueillir au CCCOS de votre région à votre convenance. Je crois que vous y êtes déjà allés par le passé.

En ce qui concerne le personnel, environ 950 membres des Forces armées canadiennes formés pour mener des missions de recherche et sauvetage 24 heures sur 24, 365 jours par année, dans les régions les plus difficiles du pays fournissent des soins médicaux et procèdent à des évacuations d’urgence, au besoin.

Au cours de la première année d’instruction d’un technicien en recherche et sauvetage, celui-ci passe 11 jours en compagnie de chasseurs inuits dans l’Extrême-Arctique afin d’acquérir des techniques de survie. Cette étroite collaboration avec les membres des Premières Nations est essentielle à notre capacité collective de mener des missions de recherche et sauvetage dans l’environnement ardu de l’Extrême-Arctique.

En plus des qualifications de base, les équipes de recherche et sauvetage mettent en pratique leurs compétences au moyen de divers exercices. Des exercices de recherche et sauvetage à petite échelle sont menés régulièrement au niveau de l’unité en collaboration avec des partenaires locaux et régionaux. De plus, des exercices multinationaux et multiorganisationnels d’envergure, par exemple l’Exercice — Programme national de recherche et de sauvetage, permettent aux équipes de recherche et sauvetage de partout au pays de mettre à l’épreuve leurs compétences et de parfaire leurs capacités de coordination si essentielles aux missions de recherche et sauvetage.

En collaboration avec des pays partenaires membres du Conseil de l’Arctique, les Forces armées canadiennes ont participé en août dernier à un exercice en campagne intitulé Arctic Chinook, dans lequel 250 personnes à bord d’un navire de croisière devaient abandonner le navire dans le Grand Nord.

[Français]

En outre, nous concertons nos efforts pour veiller à ce que le personnel SAR dispose de ressources pertinentes pour remplir ses fonctions. Nous possédons des plateformes SAR désignées, y compris les hélicoptères Griffon et Cormorant et les avions Hercules et Buffalo, qui peuvent tous être utilisés dans le cadre des opérations dans l’Arctique. De plus, les Forces armées canadiennes font régulièrement appel à des ressources secondaires si celles-ci sont disponibles et si les conditions sont propices. Il pourrait s’agir de n’importe quel aéronef, flotte de navires ou élément terrestre, comme les patrouilles des Rangers canadiens.

[Traduction]

Bien que je mette l’accent sur les opérations et les interventions, je dois souligner l’importance de la préparation. Malgré le fait que le Canada dispose d’un excellent réseau de partenaires de recherche et sauvetage et que les Forces armées canadiennes accordent une place prépondérante à la recherche et sauvetage, en tant que Canadiens, nous sommes soumis à la tyrannie du temps et de la distance. Cela peut prendre jusqu’à 12 heures pour atteindre certains endroits; les personnes qui travaillent dans ces conditions difficiles doivent donc être munies d’un équipement à jour et en bon état. Ces personnes doivent également s’assurer de posséder les compétences nécessaires pour éviter tout événement désastreux ou y survivre.

Les Forces armées canadiennes continueront de travailler en étroite collaboration avec les nombreuses organisations qui participent à la prestation efficace de services de recherche et sauvetage au Canada. Je vous remercie à nouveau de nous avoir invités à prendre part aux délibérations et à répondre à vos questions.

Mario Pelletier, sous-commissaire, Opérations, Garde côtière canadienne: Merci monsieur le président, messieurs les sénateurs et mesdames les sénatrices. Je suis honoré de comparaître devant votre comité pour lui fournir un aperçu des capacités actuelles de la Garde côtière en matière de recherche et sauvetage, de formation et du rôle qu’elle joue dans l’Arctique, suivi d’une brève description de ce que la récente annonce du Plan de protection des océans signifie pour la Garde côtière canadienne.

[Français]

Comme il a été mentionné dans le témoignage précédent, le système canadien de recherche et sauvetage est une responsabilité partagée entre la Garde côtière et les Forces armées canadiennes, avec l'appui de nos partenaires fédéraux, provinciaux, territoriaux et municipaux, ainsi que des organismes de bénévoles.

[Traduction]

Ce partenariat à plusieurs niveaux est une des forces du système canadien. Lorsque Gregory Lick, directeur général, Opérations a comparu devant le comité au printemps, il vous a fourni des détails sur les actifs de recherche et de sauvetage de la Garde côtière, qui répond à plus de 6 000 appels de détresse en mer chaque année, et a souligné les avantages de notre solide partenariat avec les Forces armées canadiennes par l’entremise des trois centres conjoints de coordination des opérations de sauvetage, situés à Halifax, à Trenton et à Victoria.

Le système canadien de recherche et sauvetage tire également avantage des efforts continus visant à améliorer les opérations grâce à la formation et aux exercices, aux leçons tirées et pratiques exemplaires, ainsi qu’aux améliorations aux fonctions de gestion et de surveillance du programme.

[Français]

La formation est la pierre angulaire du Programme de recherche et sauvetage de la Garde côtière, et elle commence au Collège de la Garde côtière canadienne à Sydney, en Nouvelle-Écosse, où les élèves officiers y apprennent des pratiques de matelotage exemplaires. Le collège appuie les activités de recherche et de sauvetage par l'entremise d’un programme spécialisé conçu pour former nos coordonnateurs des services maritimes et aéronautiques et les membres d'équipage du navire à la coordination des missions de recherche et de sauvetage et à la planification des recherches en mer.

Une expérience pratique est offerte à nos intervenants dans nos trois régions à travers le pays. Le personnel de la Garde côtière donne des cours pour s'assurer que les navigateurs de bateau pour les interventions de recherche et de sauvetage sont qualifiés et compétents. Nous donnons aussi des cours additionnels afin de garantir que nos premiers intervenants sont formés pour répondre à toute situation médicale en mer.

[Traduction]

Notre formation est maintenue grâce au renouvellement continu de la certification et aux exercices de grande envergure coordonnés avec nos partenaires. Ces exercices maintiennent les compétences à jour, déterminent les rôles et les responsabilités de tous les ministères participants et relèvent des domaines à améliorer.

En ce qui concerne le nord du Canada, la Garde côtière joue un rôle crucial dans la région en procédant à des missions de réapprovisionnement des collectivités éloignées, et en fournissant des services de déglaçage qui promeuvent la croissance économique. Les navires de la Garde côtière servent de plateformes pour mener des missions scientifiques maritimes dans l’Arctique et sont une présence visible à l’appui de la souveraineté dans l’Arctique.

[Français]

Afin d'accroître la capacité de recherche et de sauvetage dans le Nord du Canada, la Garde côtière a entamé en 2015 une initiative de recherche et de sauvetage dans l'Arctique qui vise à élargir la présence de la Garde côtière auxiliaire canadienne dans l’Arctique. La Garde côtière auxiliaire exploite présentement 11 unités dans les collectivités de l'Arctique, qui comptent plus de 140 membres actifs et 14 formateurs agréés.

[Traduction]

Ce que cela signifie pour le programme de recherche et sauvetage spécifiquement, c’est que nous allons voir la création de six nouvelles stations de recherche et de sauvetage de la Garde côtière — quatre en Colombie-Britannique et deux à Terre-Neuve-et-Labrador — de même que la remise à neuf d’une installation à St. Anthony, à Terre-Neuve, où se trouvera également un nouveau poste d’embarcations de sauvetage; des améliorations apportées aux centres de Services de Communication et de Trafic Maritimes de la Garde côtière, les oreilles et les yeux du Canada sur l’eau pour assurer des communications ininterrompues avec les marins; la prolongation de la saison opérationnelle pour les navires de la Garde côtière qui sillonnent l’Arctique; la création d’une branche auxiliaire réservée à l’Arctique; l’expansion vers l’Arctique du programme de bénévolat des communautés autochtones existantes qui permettra aux communautés de l’Arctique d’avoir accès au financement des navires et de l’équipement afin qu’elles puissent participer à la Garde côtière auxiliaire; et la création d’une nouvelle station côtière de sauvetage dans l’Arctique.

Ces investissements du Plan de protection des océans renforceront la capacité et la présence de la Garde côtière à l’échelle du pays, mais particulièrement dans l’Arctique, où les préoccupations croissantes en matière de sécurité maritime se font sentir sur un vaste territoire.

[Français]

Pour conclure sur une note personnelle, j'aimerais ajouter qu'une carrière au sein de la Garde côtière canadienne est très gratifiante. La force du système canadien de recherche et de sauvetage repose sur le courage et le dévouement des hommes et des femmes qui travaillent pour rendre les eaux du Canada sécuritaires, et sur notre collaboration étroite avec nos partenaires fédéraux, provinciaux, territoriaux et municipaux et nos partenaires bénévoles.

Merci de nous avoir invités. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président: Merci, nous allons commencer avec les questions des intervenants.

La sénatrice Jaffer: Merci à vous tous de vos exposés. Ma première question s’adresse à vous, major-général Seymour. En avril, lorsque les gens du COIC ont communiqué avec le comité, ils ont parlé de l’état de la recherche et sauvetage au Canada. Un des enjeux qui ont été soulevés était le système de gestion de l’information. On nous a dit qu’il était complètement inadéquat et pratiquement désuet, ce qui signifie que c’est tout juste si les documents relatifs aux opérations de recherche et sauvetage passées étaient conservés. C’est ce qu’on nous a dit. Le contre-amiral Peter Ellis nous a dit que le projet de remplacement du système de gestion de l’information était actuellement en cours.

Pouvez-vous offrir au comité une mise à jour? Également, le contre-amiral Ellis nous a dit que, si le système connaît des ratés, vous devrez consigner les données à la main. Nous éprouvons de sérieuses préoccupations à cet égard. Pouvez-vous nous informer de la situation?

Mgén Seymour: J’ai lu le témoignage de l’amiral. Je comprends qu’il avait pris en note la question et qu’on vous a ensuite fourni l’information supplémentaire concernant le statut du contrat.

Vous avez raison en ce qui concerne l’état du logiciel qui est utilisé, mais vous devriez aussi savoir que nous avons pris des mesures pour nous assurer d’être capables de fonctionner avec des systèmes qui utilisent Windows 7. Malgré le fait qu’il s’agit de systèmes dont nous avons hérité, le logiciel continue de fonctionner, et nous l’utilisons tous les jours.

Si le logiciel arrêtait de fonctionner — nous avons de nombreuses copies de sécurité, alors nous avons accès à ces données tous les jours, au besoin —, je crois qu’il a décrit la bonne vieille méthode consistant à tenir des registres manuscrits de ce qui s’est passé et de faire des choses manuellement, peut-être de la même façon que j’ai été formé pour piloter l’Aurora en utilisant des cartes, des graphiques et ces éléments sur lesquels je compte en cas de problème. Nous devons rarement utiliser ces outils dans l’aéronef.

Pour ce qui est de l’état du contrat, l’information qui avait été prise en note et qui vous a été fournie n’a pas changé. L’entrée en service opérationnel du logiciel, je crois, est prévue pour avril 2018, et la capacité opérationnelle complète sera en place quelques années plus tard, en 2021, si je ne me trompe pas. Cela n’a pas changé du tout.

De notre point de vue, nous sommes convaincus que le programme suit son cours normal et sera en mesure d’offrir la capacité prévue en temps opportun.

Nous n’avons pas constaté, depuis les exemples entendus au cours des témoignages, des ratés catastrophiques de la part du logiciel ou du système. On l’entretient régulièrement. Nous nous en occupons et avons les mécanismes de soutien appropriés en place. De plus, le nouveau logiciel pour lequel nous avons signé un contrat s’en vient.

La sénatrice Jaffer: J’ai deux questions que je vais poser ensemble, alors quiconque veut y répondre peut le faire.

Je vous ai entendu dire, major-général Seymour, que le Canada est grand et qu’il faut parfois beaucoup de temps pour se rendre à des endroits. Je viens de la Colombie-Britannique, et nous nous fions à vos services. Nous devons être convaincus qu’il ne faudra pas 12 heures pour nous venir en aide. Ce que vous faites est très important pour nous.

Le vérificateur général dit que la recherche et sauvetage au Canada, en particulier, connaît une détérioration considérable. Un nombre important de personnes sont formées en recherche et sauvetage, mais trop peu sont disponibles à un moment donné pour répondre aux besoins en matière de recherche et sauvetage du Canada. Il a aussi soutenu que l’équipement réservé aux missions de recherche et sauvetage vieillit considérablement. Il poursuit en parlant de préparation. Je peux poursuivre, et vous avez lu son rapport

La recherche et sauvetage connaît-elle une détérioration, et que faisons-nous pour améliorer la situation?

Mgén Seymour: Je vais d’abord tenter de répondre à cela, madame la sénatrice. J’ai lu le rapport lorsqu’il a été publié il y a quelques années. Je sais que vous avez entendu les témoignages aujourd’hui qui portaient sur les choses qui, à notre avis, aident en réalité à améliorer la recherche et sauvetage au Canada.

Sous l’angle des systèmes, je crois que le général Hood vous a informé sur le nouveau projet d’aéronef de recherche et de sauvetage à voilure fixe. Je crois comprendre, d’après l’information accessible dans les médias, qu’une décision est imminente, et nous sommes très enthousiastes à cet égard au COIC et à l’Aviation royale canadienne. C’est une toute nouvelle plateforme assortie de capteurs de haute technologie qui nous permettra de mener nos recherches à divers degrés d’obscurité et dans diverses conditions météorologiques; des choses auxquelles j’étais habitué avec le CP-140 depuis fort longtemps feront partie du programme de recherche et sauvetage.

Un certain nombre d’autres choses donnent à penser que nous n’en sommes plus là où nous étions lors des vérifications du vérificateur général il y a quelques années pour améliorer le système de recherche et sauvetage. Un autre exemple tient aux techniciens de recherche et sauvetage. Nous reconnaissons que nous avons besoin de plus de techniciens de recherche et sauvetage. Une des mesures que nous avons prises consiste à augmenter le nombre de techniciens de recherche et sauvetage que nous formons pour qu’il passe à 20 par année afin d’avoir le bon nombre de personnes à l’avenir. Leur formation a aussi été renforcée d’un certain nombre de façons. Une de ces façons était la formation sur l’Extrême-Arctique avec les chasseurs inuits que j’ai mentionnée.

D’autres étaient des mesures prises à la suite de l’incident dont nous avons été témoins, je crois, au cours de l’avalanche qui a malheureusement entraîné le décès d’un technicien en recherche et sauvetage. Nous avons donc apporté des changements à ce système afin de nous assurer que les techniciens ont la bonne formation pour travailler dans des endroits montagneux.

Et d’autres mesures ont été prises en général pour améliorer la façon dont nous faisons de la recherche et du sauvetage.

Dans les Forces armées canadiennes, et en partenariat avec nos partenaires de la Garde côtière et de Sécurité publique Canada, nous examinons continuellement notre capacité de recherche et sauvetage. Toutes les missions de recherche et sauvetage menées par un centre de coordination des opérations de sauvetage sont examinées et analysées pour que l’on puisse en tirer des leçons, et ensuite ces leçons sont appliquées et puis consignées dans le système. On fait cela dans le cadre de toutes les missions.

Je dirais qu’il s’agit d’améliorations et de renouvellements continus de notre capacité de recherche et sauvetage partout au pays, non pas seulement au sein de l’Aviation royale canadienne et des Forces canadiennes, mais en partenariat avec les collectivités, la Garde côtière et nos partenaires de Sécurité publique. Je crois qu’il s’agit en réalité d’une réussite positive.

La sénatrice Jaffer: J’ai dit que, pour la recherche et le sauvetage, le matériel se détériore. Les hommes et les femmes réussissent toujours à remplir leur mission, et je sais que je parle au nom de tous les membres du comité en disant que lorsque vous retournerez tous dans votre circonscription, vous les remercierez de leur excellent travail au nom de tous les Canadiens.

Mme MacDonald: Je voulais également ajouter aux commentaires du major-général Seymour le travail actuellement effectué par le secteur bénévole; je crois qu’il est très important de le souligner lorsqu’on parle des hommes et des femmes qui font de la recherche et du sauvetage. À l’heure actuelle, nous comptons environ 18 000 bénévoles qui travaillent en recherche et sauvetage partout au pays chaque jour. Cela comprend la recherche et sauvetage aéronautique, maritime et terrestre. Une des organisations avec lesquelles nous travaillons concernant la recherche et sauvetage terrestre, l’ACVRS, vient tout juste de terminer de nouvelles lignes directrices sur la formation visant la recherche et sauvetage qui ont été mises en œuvre partout au pays, avec l’aide de toutes les provinces, de tous les territoires et de tous les sauveteurs. En 2015, à titre d’excellent exemple factuel de ce que font actuellement les sauveteurs, on a répondu à environ 2 300 incidents de recherche et sauvetage. Nos bénévoles consacrent près de 175 000 heures en recherche et sauvetage, ce qui a évidemment une incidence économique considérable au chapitre des heures. Mais cela démontre que le réseau se porte très bien; les gens qui travaillent effectivement ensemble. Certainement, de notre point de vue, le fait de travailler avec la Défense, la Garde côtière et Sécurité publique a fait en sorte que nous avons constaté une importante différence au sujet de notre capacité au cours de la dernière année relativement à la façon dont nous travaillons de concert sur les problèmes de gouvernance et de politiques et la façon dont nous nous soutenons; cela touche en réalité l’ensemble du réseau de recherche et sauvetage partout au pays.

Je crois que d’excellentes initiatives sont en cours, y compris celle dont j’ai parlé au cours de mon exposé sur la recherche et sauvetage en milieu urbain de niveau opérationnel lourd. Il s’agit d’un très bon exemple d’investissement dans l’équipement même dont vous avez parlé, les hommes et les femmes, leur formation, les achats d’équipement, de dispositifs de sécurité personnelle, et il s’agit en réalité d’investissement dans la formation conjointe afin que les intervenants puissent devenir interopérables, selon l’incident. Au cours de l’incendie de Fort McMurray cet été, les équipes de recherche et sauvetage en milieu urbain de niveau opérationnel lourd de Calgary et de Brandon, au Manitoba, ont été déployées à Fort McMurray. Alors le financement obtenu pour ces opérations sera très utile en ce qui concerne les mesures de soutien relatives aux problèmes qui touchent l’équipement et le matériel dont vous avez parlé.

[Français]

Le sénateur Carignan: Ma question s'adresse à M. Pelletier et à Mme MacDonald et concerne l'état de la flotte de la Garde côtière canadienne. J'ai ici devant moi un rapport d'activités de la flotte pour la région du centre et de l'Arctique qui date d'aujourd'hui. Sur 41 bâtiments ou navires, 20 ne sont pas en état de fonctionnement, notamment le navire Private Robertson, un bâtiment quasi neuf de 2012 qui est en arrêt non planifié, et le brise-glace Pierre Radisson, qui est en prolongement de vie utile. Il me semble que la flotte est en train de tomber en lambeaux. Dans le cadre des mesures d'investissement qui ont été annoncées, que prévoyez-vous faire dans l'immédiat pour que les eaux navigables du Canada soient sécuritaires, notamment la voie maritime du Saint-Laurent, et pour réduire les risques, particulièrement en ce qui concerne les bris des brise-glaces?

M. Pelletier: Cette liste fait référence à une vingtaine de navires qui sont en réparation. Nous sommes dans une période charnière entre les opérations dans l'Arctique et les opérations de déglaçage. Plusieurs de ces navires se retrouvent sur cette liste, principalement les brise-glaces. Pour ce qui est des mesures que nous comptons prendre, il faut comprendre que les navires de la Garde côtière canadienne sont des biens nationaux qu'on peut déplacer là où on en a le plus besoin. Par exemple, dans le cadre des opérations en Arctique, on envoie six ou sept brise-glaces qui proviennent de trois régions. On fait toujours appel aux navires d'autres régions au besoin pour pallier cela.

En ce qui concerne le Pierre Radisson, qui est en prolongement de vie, c'est un investissement qu'on a décidé de faire il y a plusieurs années pour en prolonger la vie, justement. Il s’agit d’un investissement réfléchi: on retire un navire du service pendant une période prolongée pour y faire des rénovations majeures de sorte qu'il soit ensuite efficace et disponible dans le cadre du programme.

Vous savez sans doute que, la semaine dernière, on a fait une demande d'information pour combler notre manque à gagner en matière de déglaçage et de remorquage. Avec toutes ces mesures de prolongement de vie de nos navires, afin de les faire durer jusqu’au moment où on pourra les remplacer, il faut retirer des navires du service. Comme cela peut créer des écarts potentiels, nous demandons à l'industrie de nous faire part de ses capacités, à savoir ce qu'elle peut offrir et quelles options nous pouvons envisager pour pallier ce manque à gagner.

Cet hiver, nous disposons des navires nécessaires pour opérer sur la côte Atlantique, dans les Grands Lacs ou dans le fleuve Saint-Laurent, en faisant une gestion des risques. À l’avenir, lorsque d’autres navires seront retirés du service, nous ferons appel à l'industrie pour combler ce manque à gagner.

Le sénateur Carignan: N'êtes-vous pas en train de déshabiller Paul pour habiller Pierre? Quand vous prenez un brise-glace qui est stationné ailleurs et que vous l’amenez dans la voie maritime, n’y a-t-il pas un danger d'affaiblir l’endroit où il était stationné et d’y créer un risque?

M. Pelletier: Les conditions changent beaucoup selon le temps de l'année. La fermeture de la voie maritime a lieu à la fin décembre, et c’est à ce moment-là qu’on concentre nos navires. Dans le golfe Saint-Laurent, c'est au mois de février qu’il y a des conditions de glace, dépendamment des vents, et cetera. C’est très dynamique comme système. On déplace nos navires là où il y a des besoins.

Le sénateur Carignan: Vos navires sont dynamiques, mais trois d’entre eux sont en arrêt actuellement en raison de problèmes techniques. Le risque de problèmes techniques s'ajoute. Le Private Robertson date de 2012, mais il ne fonctionne pas parce qu'il y a eu un bris. La flotte a en moyenne 36 ans, et les bateaux neufs tombent en panne. Imaginez ceux qui ont plus de 36 ans. Vous ne sentez pas l’urgence d’intervenir? Vous vous sentez à l'aise de dire aux Canadiens de ne pas s'inquiéter et qu'il n'y aura pas de problèmes sur les voies navigables du Canada, que toutes les mesures sont en place pour assurer la sécurité des Canadiens.

M. Pelletier: Je me sens à l'aise de dire que nous faisons une gestion optimum des navires à notre disposition. Nous l’avons d’ailleurs prouvé dans les années précédentes. Nous sommes conscients qu’il y aura un manque à gagner dans un proche avenir. C'est la raison pour laquelle nous avons fait une demande d'information auprès de l'industrie.

Les navires qui ont une moyenne de 36 ans, ce sont les brise-glaces qui représentent une quinzaine de navires sur une flotte de 115 navires. Lorsqu’on considère la totalité des navires, il y a beaucoup de navires de recherche et de sauvetage, et on est en train d'en construire à l’heure actuelle à deux endroits différents pour renouveler la flotte de navires de recherche et de sauvetage. Nous avons l’intention de construire des navires de sondage et nous avons d’autres initiatives de prolongement de vie des navires, comme je l’ai expliqué tantôt.

Le sénateur Carignan: Un brise-glace disponible est actuellement stationné en Floride et pourrait être acheté rapidement. Avez-vous l’intention d’agir rapidement? Êtes-vous au courant de la disponibilité de ce brise-glace?

M. Pelletier: Nous savons qu’il est là.

Le sénateur Carignan: Vous êtes-vous informés auprès du propriétaire?

M. Pelletier: Nous avons fait une demande d’information auprès de l’industrie. Nous n’acceptons pas de soumissions non sollicitées. Nous sommes complètement transparents. Nous avons fait une demande d'information auprès de l'industrie, qui nous proposera ce qu'il y a de disponible. Nous pourrons ainsi prendre une décision informée.

Le sénateur Dagenais: Le sénateur Carignan vient de mentionner le brise-glace qui est stationné en Floride. Je voulais justement aborder cette question avec vous, mais vous y avez déjà répondu.

Madame MacDonald, en 2013, le vérificateur général a soulevé certaines inquiétudes en ce qui a trait à la structure du programme de recherche et de sauvetage. Vous avez parlé du renforcement des mesures, d'un nouveau partage des responsabilités et du rétablissement du financement.

Pour quelqu'un qui ne connaît pas nécessairement les exercices et les missions, il est difficile de comprendre ce dont vous parlez. Pourriez-vous nous expliquer la situation par des exemples concrets afin que nous puissions comprendre qui fait quoi et qui est responsable si un incident survient dans une région ou une autre du pays?

[Traduction]

Mme MacDonald: Je vais aussi demander à mes deux collègues à la table de répondre à la question parce que la réalité de ces trois ministères décrite aujourd’hui est que nous avons des responsabilités et des rôles différents. Selon l’incident, pour ce qui est de ce qui se passe au cours d’une journée donnée, n’importe lequel des ministères pourrait être responsable. Lorsqu’un incident exige l’intervention des FAC, elles exercent le contrôle principal des opérations relatives à l’incident. S’il s’agit d’un incident qui s’est produit en mer libre, c’est la Garde côtière, mais au cours d’une journée donnée, ce sont en vérité les répondants locaux qui interviennent durant un incident de nature opérationnelle. À un niveau opérationnel tactique, c’est l’administration locale: les services de police de la municipalité ou les services de police responsables, y compris la GRC.

Au jour le jour, relativement aux mesures importantes, Sécurité publique Canada a assumé le rôle de faire évoluer, de redéfinir et de moderniser le cadre stratégique de recherche et sauvetage. Au moment où nous faisons cela de concert avec nos partenaires ici à table et au cours de l’examen des politiques en matière de défense, nous tenons des conversations avec eux afin de nous assurer que notre travail s’harmonise avec le leur. C’est la même chose avec la Garde côtière, en ce qui concerne le cadre stratégique qu’elle a mis en place; nous travaillons effectivement avec elle pour nous assurer que notre travail n’est pas redondant et que nous nous soutenons dans le cadre de notre travail quotidien.

Je vais laisser la parole à mes deux collègues pour voir s’ils aimeraient ajouter quelque chose.

Mgén Seymour: À mon avis, le prochain niveau d’intervention d’une situation que vous avez décrite est que n’importe lequel des centres de coordination de sauvetage — principalement celui de la région dans laquelle l’incident se produit — pourrait être avisé de travailler au prochain niveau d’intervention, peut-être, par exemple, si les organisations communautaires n’ont pas la capacité d’intervenir. On pourrait appeler le centre de coordination de sauvetage, et celui-ci commencerait immédiatement à travailler afin de déterminer la meilleure entité disponible pour intervenir dans la situation.

Lorsqu’on examine les parties sud du pays, où se trouvent la plupart des actifs, je crois qu’il est facile de voir s’il existe ou non une plateforme aérienne, si elle était effectivement nécessaire ou s’il y a un actif maritime pour réagir à un incident qui s’est produit dans l’eau. Le centre de coordination de sauvetage s’occuperait de ce premier élément de l’intervention afin de déterminer la meilleure façon d’intervenir dans ce scénario.

Le prochain niveau de coordination consisterait peut-être à examiner les ressources de la Garde côtière ou de l’Aviation royale canadienne pour ensuite intervenir, avec un avion Hercules ou un hélicoptère Cormorant ou Griffon. Au-delà de cela, selon le temps et la distance en cause, disons, par exemple, que si l’incident se produit dans le Nord, il nous faudrait déployer ces ressources, puis examiner également les autres types de ressources qui sont disponibles, que ce soit des organismes de SAR au sol dans le Nord ou même des membres de l’industrie privée. Par exemple, dans l’Arctique, nous disposons d’un réseau de fournisseurs d’hélicoptères. Dans certains cas, évidemment, il faut du temps pour qu’un Cormorant se rende dans le Nord; nous faisons donc appel à un fournisseur commercial qui pourrait très bien être plus près d’une situation donnée et lui demander de participer à l’intervention. Pendant ce temps, un Hercules ou une autre ressource des Forces canadiennes aurait déjà été affecté à la mission.

C’est une situation à multiples niveaux. Les centres de coordination de la recherche et du sauvetage jouent un rôle en coordonnant une intervention de haut niveau advenant le cas où les ressources communautaires ne sont pas en mesure de gérer la situation.

[Français]

M. Pelletier: En ce qui concerne les activités de recherche et de sauvetage maritimes, j'ai mentionné plus tôt un investissement en faveur du centre des Services de communications et de trafic maritimes. Ce sont ceux qui y travaillent qui sont « nos oreilles et nos yeux » sur l'eau, en ce sens qu'une veille radio continuelle est maintenue dans les eaux qui sont sous la gouverne du Canada. Lorsqu’une personne éprouve des difficultés, l'appel est directement transmis au centre des Services de communications et de trafic maritimes et est ensuite relayé au Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS). Les efforts de coordination de recherche et de sauvetage se font à ce moment-là à partir du CCCOS.

En ce qui concerne la Garde côtière canadienne et son temps de réponse sur l'eau, c'est une question de présence. Le réseau est formé de 40 stations de recherche et de sauvetage à travers le pays, et sept autres stations seront bientôt ajoutées. S'ajoute à cela six navires primaires de recherche et de sauvetage, de grands navires qui sont opérationnels en tout temps, ainsi que toutes les autres flottes de navires de la Garde côtière canadienne — le restant de la flotte — qui maintiennent un statut de disponibilité d'une heure. Pour les navires de recherche et de sauvetage, le statut de disponibilité est de 30 minutes. Ce sont les ressources qui sont utilisées, mais on peut aussi faire appel à des navires d'opportunité; si une personne est près du lieu de l'incident, on lui demandera automatiquement de se rendre sur les lieux. Le réseau est donc en place, et nous faisons appel à d'autres ressources externes au besoin.

[Traduction]

Le sénateur White: Je me demande si nous n’avons pas seulement ajouté une couche de bureaucratie à un système qui fonctionnait déjà, dans le sens où chaque service de police au pays — les 198 — savait déjà avec qui communiquer au sein des Forces canadiennes ou de la Garde côtière si l’incident avait lieu près de Trenton.

J’essaie de comprendre quel rôle opérationnel spécifique joue Sécurité publique Canada si l’incident se produit sur l’eau, au sol ou sur la glace. Ce n'est pas réellement une organisation opérationnelle; c’est un organisme administratif, comme vous l’avez dit, je crois. Ai-je raison de dire que nous n’avons fait, en réalité, qu’ajouter une couche bureaucratie?

Mme MacDonald: En fait, nous ne jouons pas de rôle opérationnel au chapitre de la recherche et du sauvetage. Notre rôle est plutôt stratégique. Nous avons créé l’Association canadienne des volontaires en recherche et sauvetage au sol, qui comprend environ 12 000 membres. Ils n’ont pas de représentant valable qui se charge en leur nom de tenir des discussions stratégiques élargies en matière de gouvernance.

Ce n’est pas notre rôle de déterminer ou de diriger leurs activités. Ils relèvent du service de police local de leur administration. Nous faisons simplement valoir leurs intérêts en vue de faire avancer les dossiers.

Le sénateur White: Dois-je alors conclure qu’un certain financement du gouvernement fédéral est accordé à ces 12 000 membres? C’était bien ce nombre?

Mme MacDonald: Oui, 12 000. Nous finançons actuellement l’ACVRS — je dirais que le montant s’élève à environ 500 000 $, mais je vais devoir vérifier — pour l’aider à coordonner les activités à l’échelle du pays du point de vue de la recherche et du sauvetage au sol. Les membres nous demandent de l’aide et des conseils.

Le sénateur White: Est-ce que vous normalisez leurs formations, leurs systèmes et leurs programmes?

Mme MacDonald: Non. Ils l’ont fait en travaillant avec la communauté en vue de normaliser la formation. En fait, ils l’ont fait grâce à la communauté de recherche et de sauvetage elle-même, en travaillant avec l’ensemble des provinces et territoires et avec des administrations locales à l’échelle du pays.

[Français]

Le sénateur Dagenais: J'aimerais poser une dernière question au major-général Seymour.

Le Canada doit disposer d’un minimum d’effectifs militaires sur place au pays pour faire face à certaines catastrophes. Actuellement, le gouvernement est en train de prendre des engagements dans d'autres pays; va-t-on conserver assez d'effectifs militaires en place ici pour faire face à une catastrophe, compte tenu du fait que le gouvernement veut prendre des engagements avec d'autres pays?

[Traduction]

Mgén Seymour: En réalité, nous maintenons un effectif suffisant en recherche et sauvetage au Canada pour assumer ce rôle principal. Les activités de l’Aviation royale canadienne et des Forces armées canadiennes comportent divers échelons. Il y a le premier échelon, celui des premiers répondants, puis le deuxième, dans le sens où, à l’échelle des Forces armées canadiennes, on dispose d’autres capacités auxquelles nous pouvons avoir recours au besoin dans le cadre d’une opération de recherche et de sauvetage. C’est le type de capacités que nous cherchons à déployer à l’étranger.

Je peux vous dire que par le passé, nous avons déployé certains membres de notre équipe de SAR à l’étranger. Nous l’avons fait lors du séisme à Haïti, où un aéronef et des hélicoptères ont été déployés. Je pense que le comité a entendu des témoignages en ce sens auparavant, mais nous avons également envoyé des techniciens en recherche et sauvetage pour composer avec les effets dévastateurs, complexes et immédiats du puissant séisme qui a frappé le pays.

Monsieur le sénateur, je pense que vous n’avez pas à vous inquiéter, puisque même si le gouvernement envisage le déploiement de membres des Forces canadiennes à l’étranger pour prendre part à des opérations de soutien de la paix ou à nos opérations en Europe, nous n’allons aucunement compromettre la situation de la recherche et du sauvetage ici au Canada.

Le sénateur Kenny: Général, vous avez parlé brièvement du remplacement imminent des aéronefs de recherche et de sauvetage à voilure fixe. Qu’en est-il de la modernisation à mi-vie des Cormorant et des plans visant à retirer les Griffon des opérations de recherche et sauvetage et à les remplacer éventuellement par des H-71 ou un nouveau modèle?

Mgén Seymour: C’est une bonne chose que Michel soit ici parce qu’il est responsable de ce dossier de l’Aviation royale canadienne.

Le sénateur Kenny: Ma question était d’ordre général; j’ai seulement dit « général ».

Mgén Seymour: Bien sûr. Je peux vous dire que le projet de modernisation à mi-vie des Cormorant a progressé. Il vise à étendre la durée de vie du Cormorant jusqu’en 2040 et à accroître la taille de la flotte, ce qui pourrait alors permettre aux Cormorant de remplacer les Griffon qui fonctionnent à merveille ici en Ontario et dans la région.

Vous avez mentionné que l’une des options envisagées dans le cadre de ce projet est l’utilisation d’hélicoptères VH-71. Je sais que vous avez déjà reçu des renseignements à ce sujet. Nous avons acheté les neuf hélicoptères, dont deux ne sont pas pilotables et sept sont possiblement pilotables. Cela pourrait faire partie de l’espace de solution.

C’est ce que je sais, mais Michel a peut-être d’autres renseignements à vous transmettre sur le sujet.

Bgén Lalumière: C’est juste, monsieur. Nous envisageons la modernisation à mi-vie des Cormorant non seulement en vue d’utiliser cette flotte jusqu’en 2040, si c’est là que réside la valeur, mais également en vue de redonner une capacité comparable à Trenton.

Actuellement, le projet fait l’objet d’une analyse des options. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires et le reste du gouvernement du Canada — Services publics et Approvisionnement Canada — de même qu’avec le sous-ministre adjoint (Matériels) du MDN et des FAC.

Nous examinons notre flotte actuelle et nos coûts d’exploitation des Cormorant, et nous tentons de déterminer si cette flotte a atteint son niveau d’efficience maximal. Nous travaillons en étroite collaboration avec l’industrie à cet égard, c’est-à-dire avec IMP et Leonardo, l’avionneur original. Nous examinons de très près l’option que représentent les neuf hélicoptères VH-71 que nous avons achetés pour voir s’ils peuvent faire partie de l’équation.

Il est aussi question de l’échéancier et de la vitesse avec laquelle toutes les options que nous envisageons — les hélicoptères VH-71 ou autres — pourraient être ajoutées à la flotte réelle, puis être fournies au commandant pour effectuer des missions de recherche et de sauvetage.

Nous en sommes actuellement à l’analyse des options. Nous travaillons dans le but de présenter une option recommandée pour qu’elle soit approuvée par le ministère en 2017. Nous passerions alors à la phase de définition.

L’industrie est prise de court par la question que nous avons. Ce n’est pas un manque d’information, loin de là; nous recevons beaucoup d’informations de l’industrie en général qui permettent d’éclairer les analyses que nous examinons afin de répondre aux diverses questions qui se posent avant que nous procédions à cet investissement futur.

Encore une fois, pour répondre à cette question concernant 2040 et savoir de combien d’hélicoptères nous avons besoin pour produire les effets souhaités, et également aborder la question de Trenton…

En ce qui a trait à la question que vous avez soulevée au sujet des aéronefs de SAR à voilure fixe, nous en sommes évidemment à la fin de la phase d’évaluation de ce projet. À l’heure actuelle, le gouvernement est en train d’effectuer l’évaluation.

De toute évidence, le ministère qui dirige l'évaluation est, encore une fois, SPAC, avec la collaboration du SMA (Matériels), notre représentant. Nous sommes les promoteurs. Nous espérons que la décision nous permettra d’aller de l’avant et d’attribuer un contrat à un entrepreneur. Ce ne sera peut-être pas le cas, mais nous attendons la réponse du gouvernement, qui devrait nous être annoncée, nous l’espérons, avant la fin de l’année ou au début de l’année prochaine, monsieur.

Le sénateur Meredith: Ma question concerne les investissements en technologie des satellites. Laissez-moi d’abord formuler mes commentaires. Madame MacDonald, vous avez parlé d’environ 18 000 volontaires. Au nom de tous les Canadiens, nous sommes reconnaissants de leur temps et de leurs contributions, et nous espérons que votre ministère s’assurera qu’ils sont pris en charge convenablement en ce qui concerne le temps et tout ce qu’ils consacrent à notre pays.

Ma question porte sur la technologie et les progrès technologiques au chapitre de la recherche et du sauvetage, particulièrement dans le Nord. Le gouvernement investit-il les sommes nécessaires dans ce type de technologie?

Je vois la question d’un point de vue préventif. Lorsqu’on lance une opération de recherche et sauvetage, à défaut d’un meilleur terme, il y a des coûts connexes. S’il existe un moyen de prévenir certains événements à l’aide de prévisions et d’avertissements, cela réduira alors les coûts.

Pouvez-vous me parler de la technologie des satellites et dire à quel point vous en êtes dépendants? Le Canada a-t-il investi les sommes nécessaires dans cette technologie?

Mme MacDonald: Je vais tenter d’y répondre la première.

L’un des éléments de programmes en place, au même titre que le Secrétariat national Recherche et sauvetage à Sécurité publique, est un système appelé Cospas-Sarsat, l’acronyme plurilingue pour désigner le Système international de satellites pour les recherches et le sauvetage. Nous travaillons avec d’autres pays, soit la France, les États-Unis et la Russie, sur ce modèle. Un budget y est associé. Je peux le faire parvenir.

Nous travaillons régulièrement avec ces pays en permanence pour mettre à jour la technologie et rassembler les experts afin qu’ils examinent la technologie existante pour s’assurer que l’on progresse et que nous disposons de la technologie la plus appropriée. Nous voulons ainsi nous assurer de progresser à la même vitesse que la technologie et de nous tenir au courant de ce qui se passe dans le monde en ce qui a trait aux types d’incidents qui surviennent et aux gens qui utilisent cet équipement. Voilà pour ce qui est du Cospas-Sarsat.

Du côté préventif, nous investissons au moyen de notre Fonds des nouvelles initiatives de recherche et de sauvetage, qui est doté d’une affectation annuelle de 7,6 millions de dollars. Nous recevons des propositions des quatre coins du pays et nous investissons, sous forme de subventions et de contributions, dans des domaines comme différents types de technologies, selon la province ou le territoire ou l’organisme qui en fait la demande. Cela comprend la réalisation de progrès dans le Nord; nous avons donc mis en place des programmes de subventions et de contributions dans le Nord parallèlement.

Nous avons également notre Système de gestion des connaissances en recherche et sauvetage, qui est une technologie relativement nouvelle. Nous avons presque terminé l’élaboration d’un PE avec l’ensemble des provinces et territoires pour leur permettre de communiquer leurs données et leurs renseignements de façon que l’on puisse créer un espace central pour l’échange de renseignements à l’échelle du pays, ce qui nous permettrait de prendre des décisions réellement éclairées au sujet des investissements.

Par exemple, nous venons tout juste d’effectuer, avec le Nunavut, des analyses de données axées sur certains domaines clés de la prévention. Nous avons compris que nos activités de prévention étaient axées sur les jeunes et nous avons observé que la plupart des incidents menant à une opération de SAR concernaient en fait des chasseurs assez expérimentés qui s’aventuraient sur le territoire et ne se tenaient pas au courant des effets des changements touchant le territoire. Donc, cette collecte de connaissances nous indique dans quel domaine nous devrions cibler notre formation et nos investissements et ce que nous devrions envisager pour les prochaines étapes.

Mgén Seymour: En fait, je vais demander au général Lalumière, le nouveau directeur général — Espace, de nous faire part de ses réflexions au sujet de la technologie.

Bgén Lalumière: Avec plaisir. Le Canada est en excellente posture du point de vue de la capacité spatiale, de la sécurité, de l’industrie et de la défense.

Mme MacDonald a parlé du Sarsat, un programme auquel est affilié le Canada depuis ses débuts, il y a plus de 35 ans. Le Canada a été l’un des quatre pays fondateurs de ce fantastique système qui a émis à ce jour environ 36 000 messages d’alerte.

Il y a un an, la communauté du Sarsat a pris la décision de passer à la prochaine génération de capacités, soit d’une LEO, près de la Terre, à une orbite MEOSAR, des satellites à orbite terrestre moyenne. Nous sommes toujours en partenariat avec les États-Unis à cet égard; c’est une relation privilégiée que nous entretenons avec eux.

Le Canada est le premier pays, autre que les États-Unis, qui a été invité à fournir un capteur pour la génération de satellites GPS du Bloc III de la constellation; ce sont des satellites hautement secrets comme vous pouvez l’imaginer. Le fait que le Canada a été invité à fournir un capteur — officialisant du même coup notre partenariat avec les États-Unis dans le cadre du Bloc III, dont le lancement devrait se faire en 2021 — témoigne clairement du partenariat de longue date que nous avons avec notre partenaire américain. Nous possédons également une constellation, qui a fait l’objet d’essais expérimentaux au nom du Cospas-Sarsat lui-même en vue de la mise en œuvre du MEOSAR; elle comprend 16 capteurs expérimentaux encore dans l’espace qui ont été fournis par les États-Unis. Au Canada, nous possédons certaines des technologies de pointe en ce qui a trait à la composante terrestre de ce système. Nous avons fait part de notre expertise technologique liée à la composante terrestre à cet égard. Nous avons travaillé d’arrache-pied au cours de la dernière année ou des 18 derniers mois en vue d’assurer le fonctionnement de cet ensemble de capteurs expérimentaux qui sont maintenant dans l’espace en tant que capacité provisoire assurant le pont entre le système LEOSAR et le système MEOSAR, au lieu d’attendre simplement le MEOSAR. Cela nous permettrait de mieux comprendre la technologie avant que le MEOSAR soit entièrement mis en œuvre. La France, avec Galileo, sa constellation de géopositionnement, est le premier pays d’Europe à mettre en service les capteurs dans l’espace. La Russie a l’intention d’être le deuxième pays à y parvenir si elle réussit à perfectionner sa technologie à ce niveau. Mais le Canada et les États-Unis n’attendent pas. Nous sommes liés au Bloc III, mais nous travaillons actuellement au déploiement de la capacité provisoire. Nous serions les premiers. Nous pourrions offrir cela au reste du monde si nous étions capables de mettre en œuvre cette opération.

Nous en avons eu un petit exemple il y a un an lorsqu’un aéronef est disparu juste au sud de North Bay. Malheureusement, c’était un accident tragique. Personne n’a survécu à l’écrasement. Il y avait quatre personnes à bord. C’était un aéronef biturbine. Ce qui a été très révélateur dans cette situation, c’est que la constellation LEOSAR active aujourd'hui n’a pas été en mesure d’établir une corrélation avec le signal. Le signal a en fait été entendu, mais on n’a pas réussi à le situer au-dessus du Canada.

Les capteurs expérimentaux qui étaient dans l’espace, grâce à la capacité provisoire accessible, ont localisé le site de l’écrasement dans un rayon de 1 mille marin. La précision du LEOSAR était censée être de 20 à 60 milles marins, ce qui, au Canada, peut représenter une très grande surface de recherche. Une précision d’un mille, nous avons accueilli ce résultat avec enthousiasme. C’est exactement ce à quoi nous nous attendons du MEOSAR.

Cela comptera pour la phase d’alerte, bien sûr. Les prochaines phases de l’intégration des capacités spatiales concernent la surveillance et les télécommunications par satellite afin que l’on puisse s’assurer que toutes les capacités, qu’elles viennent de volontaires, de l’industrie, du secteur privé ou des échelons gouvernementaux, communiquent entre elles. Ce serait un immense pas en avant comparativement à la manière dont nous avons mené les opérations de recherche et sauvetage durant toute notre carrière; par nous, j’entends mon collègue ici à ma droite et mon collègue au bout de la table. Ce que nous voulons donner à cette génération existante aujourd'hui est la capacité d’être beaucoup plus efficiente. Vous avez absolument raison. L’espace a toujours été important pour le Canada en raison de la taille du pays, et je pense qu’il continuera de l’être.

Le président: Le temps file, monsieur le sénateur.

Le sénateur Meredith: Trente secondes. Je veux seulement parler du temps d’intervention et de sa corrélation avec les essais que vous avez effectués à Trenton et à Halifax, de même qu’à Victoria. La sénatrice Jaffer en a parlé lorsqu’elle a abordé votre manière d’intervenir. Je suis certain que la technologie vous permet d’intervenir beaucoup plus rapidement que vous le feriez normalement. Pouvez-vous me donner votre avis à ce sujet?

Bgén Lalumière: Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison. Une opération de recherche et sauvetage comporte plusieurs phases, dont la phase d’alerte, au tout début, où la coordination se fait et où on reçoit le signalement, qu’il s’agisse de l’industrie elle-même qui signale la disparition d’un aéronef ou d’un navire ou d’un proche parent qui s’inquiète parce que l’un des siens n’est pas revenu à la maison. Cette phase a une immense incidence sur la durée totale des efforts de recherche et de sauvetage. L’autre phase concerne le transport et le temps de recherche. Notre pays est plutôt grand. Si nous pouvons réellement déployer les capacités et la technologie que nous avons l’intention de mettre en place, comme les capteurs supplémentaires que nous demandons pour le nouvel avion de recherche et de sauvetage à voilure fixe que nous voulons déployer, les capteurs supplémentaires que nous avons mis en place dans l’espace, qui relèvent du RADARSAT, ou les capteurs infrarouges et capteurs radars que nous avons déjà installés dans l’espace, toutes ces technologies combinées pourraient vraiment nous permettre de réduire au minimum le temps de recherche. Tel est l’objectif général.

La sénatrice Beyak: Merci beaucoup. Les gens de chez nous sont fascinés par les drones. Ils sont curieux. Ils sont un peu inquiets. Ils ne sont pas convaincus. Je me demandais si nous avions envisagé le recours aux drones pour les missions de recherche et de sauvetage. Savez-vous s’il existe des projets pilotes à l’heure actuelle? Attendez-vous une quelconque réponse au sujet d’une flotte de drones pour les missions de recherche et de sauvetage?

Mme MacDonald: Merci, madame la sénatrice. Je viens tout juste d’avoir une excellente conversation. J’ai pris part à une rencontre avec mon collègue ici présent, M. Pelletier, au sujet des drones. Je vais donc lui renvoyer la question.

M. Pelletier: Oui, nous sommes en train d’examiner les drones. Nous avons réalisé un certain nombre de projets pilotes, pas seulement pour la recherche et le sauvetage, mais également pour la reconnaissance des glaces, les interventions environnementales et l’entretien. Au lieu d’envoyer des techniciens grimper tout en haut des tours, avec tous les risques pour la sécurité que cela comporte, nous pouvons utiliser des drones pour le faire. Nous avons mené un certain nombre de projets pilotes. Nous travaillons encore sur la question. Nous avons mis sur pied un projet conjoint avec Transports Canada, qui est l’organisme de réglementation. Les drones que tout le monde connaît et voit sont utilisés à des fins récréatives, mais l’utilisation commerciale de drones est réglementée par Transports Canada. Nous nous affairons à examiner le cadre réglementaire, les exigences en matière de formation et tout le reste pour utiliser ces drones au-delà du simple champ de vision. C’est un projet en cours. En fait, nous avons effectué un essai le printemps dernier à bord de l’un de nos brise-glaces au large de Terre-Neuve. Cela a été très utile.

Mgén Seymour: Madame la sénatrice, je compléterais certainement ces propos en invitant le général Lalumière de l’Aviation royale canadienne à nous donner un aperçu du projet JUSTAS.

Bgén Lalumière: Merci, monsieur. C’est une excellente question. Les Forces armées canadiennes prennent part à des projets de véhicules aériens sans pilote depuis plus de dix ans maintenant. Ces projets concernent des de toutes les tailles, des très petits aux très grands, et c’est là que les efforts de JUSTAS en matière de capacité et le projet s’inscrivent à l’heure actuelle. Donc, JUSTAS est censé offrir le type de véhicule aérien sans pilote à moyenne ou à haute altitude que nous examinons pour le moment. Nous sommes en train d’analyser les options. Il est question d’une portée extrêmement grande et d’une très longue autonomie, bien sûr, une fois le bon ensemble de capteurs installés à bord. Imaginez donc un CP-140 ou un aéronef qui a encore plus d’autonomie et une portée encore plus grande. Bien sûr, en raison des exigences propres au Canada, continentales ou expéditionnaires, il faudrait pouvoir faire fonctionner ces engins dans toutes les conditions climatiques. C’est exactement le type d'analyse des options que nous faisons à ce moment-ci, sur la meilleure façon de les déployer. Puis, cela multiplierait l’efficience de toutes les ressources — de tous les ministères du gouvernement — que nous utiliserions dans le cadre des missions de recherche et de sauvetage ou dans les cas de catastrophes à l’échelle nationale, comme les inondations qui ont eu lieu il y a un an à Calgary, alors que j’étais le commandant d’escadre à Comox. Vous étiez le commandant d’escadre à Greenwood. Nous avons, bien sûr, déployé notre CP-140 Aurora pour ses fonctions de détection à l’époque. Lors des feux de forêt à Fort McMurray, Transports Canada a travaillé en étroite collaboration avec les intervenants précisément au sujet des UAV, les véhicules aériens sans pilote. Évidemment, au sujet des capteurs, les capteurs qui seraient installés à bord, c’est une chose d’avoir des capteurs, mais la question très importante que nous devons nous poser pour assurer la communication de bout en bout est la suivante: où vont ces données? Qui a l’expertise nécessaire pour traiter ces données par la suite? À qui divulguez-vous les données lorsque le délai est vraiment très serré pour qu’elles servent aux opérations? Il faut vraiment analyser en profondeur le processus, d’un bout à l’autre.

La sénatrice Beyak: Merci beaucoup.

Le sénateur Kenny: Au sujet de ces renseignements, n’iraient-ils pas aux trois COSM? Votre intervention ne sera pas consignée dans le hansard si vous ne faites qu’agiter la main.

Bgén Lalumière: Excellente remarque, monsieur. À l’échelle nationale, nous avons déjà mis en place d’excellentes ressources. Tout dépend du rôle de l’organisme qui a réellement besoin de ces renseignements. Bien sûr, au Canada, nous les enverrions aux COSM. Dans le cas d’une configuration déployée, nous aurions certainement l’équivalent des COSM. Cela s’appliquerait probablement à l’ensemble du gouvernement également. Le processus serait très semblable. Le nom ne serait pas le même, mais ce serait sensiblement le même processus. Si ces renseignements sont requis d’un point de vue sécuritaire, d’un point de vue national, le COSM représente le modèle réel que nous avons conçu expressément à cette fin.

Si c’est une mission touchant le NORAD, bien sûr, c’est le nœud d’information du NORAD qui profiterait des renseignements du véhicule aérien sans pilote que nous aurions déployé à ce moment-là.

Le sénateur Kenny: Lorsque vous avez passé en revue les composants de l’UAV, vous n’avez pas parlé du matériel.

Bgén Lalumière: En ce qui concerne les capacités que nous envisageons, oui, il est question de la portée, de l’autonomie longue durée, de la capacité à fonctionner dans le climat que nous connaissons et ainsi de suite. Nous devons également tenir compte de la charge utile, donc le dispositif de transmission des données du capteur fait partie de la charge utile. Si vous voulez ajouter d’autres équipements, vous devez tenir compte de la charge utile.

Le chef d’état-major de la défense a été très clair en mars quant à ses préférences au sujet des capacités qu’il aimerait voir installer à bord des UAV, lesquels seraient dotés de capacités cinétiques, donc d’armes. Chose certaine, nous sommes en train d’examiner la politique de défense, et cela va orienter davantage les décisions et préciser les options. Notre gouvernement envisage toute la gamme d’options et de capacités à déployer ou non à bord de ces plateformes. Nous allons attendre de connaître sa décision et ses conclusions.

Le sénateur Kenny: Le mot important ici est attendre. Le programme JUSTAS devrait en fait s’appeler le programme « tortue ». Il prend un temps fou à avancer. Est-ce parce qu’on insiste trop sur une seule plateforme et qu’on n’envisage pas de façon ouverte un certain nombre de types différents d’UAV?

Bgén Lalumière: En ce qui concerne précisément la question de JUSTAS, monsieur le sénateur, cela va plus loin. Lorsque nous examinons la valeur de la capacité que nous essayons de déployer, cet argent est convoité à l’interne, au ministère; par conséquent, il sera essentiel, dans le cadre de cet examen de la politique, d’établir également la liste des priorités relatives à cette capacité en fonction des autres capacités que nous devons déployer. S’agit-il d’une capacité à court, à moyen ou à long terme?

En plus de l’argent, il faut beaucoup de gens pour faire fonctionner les véhicules aériens sans pilote à leur plein potentiel, et c’est tout à fait comparable aux types de capacités des CP-140, et ainsi de suite. Donc, il n’est pas seulement question d’argent. Il faut également déterminer le moment où ces gens vont arriver et où ils seront disponibles pour le programme JUSTAS également.

Le sénateur Kenny: Un équipage moins important que pour un CP-140?

Bgén Lalumière: C’est exact. Actuellement, l’équipage est au sol. Tout le temps que j’ai passé à examiner le grand nombre d’équipages dont nous aurions besoin pour déployer une plateforme de véhicules aériens sans pilote a été très révélateur. Il s’agit tout de même d’une formidable capacité qui permettra de faire un excellent travail au bout du compte. De grandes choses ont été accomplies dans le cadre d’opérations déployées à petite échelle, monsieur. Je suis vraiment impatient de connaître les conclusions.

Le sénateur Meredith: En ce qui a trait à la question du sénateur Kenny, nous allons potentiellement procéder à un déploiement au Mali. Des renseignements devant être compilés étaient nécessaires au déploiement de nos troupes. Les UAV joueraient un rôle essentiel dans cette collecte de renseignements. Pouvez-vous dire à quel point cela a de l’importance? Vous avez parlé de la main-d'œuvre qui serait nécessaire pour assurer le fonctionnement, mais c’est en supposant que les opérations se fassent dans un environnement sécuritaire; il ne s’agit pas d’exposer les soldats canadiens à des risques en les déployant dans une zone dangereuse. Les UAV pourraient remplir ce rôle. Pouvez-vous en dire davantage à ce sujet?

Bgén Lalumière: Monsieur, cela représente plus d’opérations. C’est exactement le type de planification qu’effectue l’équipe du général Seymour à l’heure actuelle.

Mgén Seymour: C’est intéressant d’aborder ce sujet dans le contexte d’une discussion sur la recherche et le sauvetage. Je ne suis pas certain de ce dont vous a fait part le général Juneau plus tôt. En prévision des opérations que nous sommes en train de planifier pour les Forces canadiennes, peu importe le milieu, il est évident que le commandant de l’opération voudra avoir des ressources à sa disposition qui lui permettront d’avoir une idée de ce qui se passe autour de la zone de combat ou dans les environs. Comme nous nous préparons en vue d’opérations de maintien de la paix du gouvernement, diverses options sont envisagées, et on nous a donné ce conseil. Nous n’avons pas pris de décisions au sujet de la composition des forces ni d’autres aspects. Si je devais servir en tant que commandant de la force opérationnelle, je voudrais assurément avoir accès à des ressources en RSR afin de pouvoir avoir un aperçu de la zone de combat.

Le président: Madame MacDonald, y a-t-il eu des progrès au chapitre de la création d’une médaille pour les volontaires en recherche et sauvetage? Je sais que le sujet a été abordé.

Mme MacDonald: Des progrès considérables ont été réalisés afin que cela prenne réellement forme. Nous sommes actuellement en train de mettre la touche finale à la conception de la médaille, et il reste quelques détails à régler avant de faire l’annonce. Ce sera pour très bientôt.

Le président: Seront-elles remises par l’entremise du gouverneur général?

Mme MacDonald: Nous espérons que cela se fera par l’entremise du gouverneur général.

Le président: Merci beaucoup. Cela conclut notre séance d’aujourd'hui. J’aimerais remercier nos témoins de leur présence. Nous allons autoriser les témoins à se retirer, puis le Comité va poursuivre ses travaux à huis clos pour cinq minutes. Merci.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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