Aller au contenu
SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

Rapport du comité

Le jeudi 31 mai 2018

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a l’honneur de déposer son

DIX-SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé à étudier la teneur des éléments de la partie 4 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, a, conformément à la motion adoptée par le Sénat le 24 avril 2018, examiné ladite teneur du projet de loi et en fait maintenant rapport comme il suit :

Le 7 mai 2018, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense s’est réuni pour étudier les dispositions de la loi d’exécution du budget qui concernent les vétérans et les membres des forces armées. Le comité a entendu les témoignages du ministère des Anciens Combattants et de Brian McKenna, directeur de l’Equitas Society. Le comité a aussi reçu des mémoires du Bureau de l’ombudsman des vétérans et du Conseil national des associations d’anciens combattants au Canada (CNAAC).

La partie 4 du projet de loi C-74 propose de modifier la Loi sur le bien être des vétérans (LBEV), aussi appelée la Nouvelle Charte des anciens combattants, et d’apporter une modification mineure à la Loi sur les pensions. Les principaux changements sont les suivants :

• À compter du 1er avril 2019, la nouvelle prestation de remplacement du revenu remplacerait quatre prestations actuellement offertes en vertu de la LBEV : l’allocation pour perte de revenus, l’allocation pour incidence sur la carrière et son supplément, la prestation de retraite supplémentaire et l’allocation de sécurité du revenu de retraite.

• À compter du 1er avril 2019, la nouvelle indemnité pour douleur et souffrance remplacerait l’indemnité d’invalidité et serait versée à vie sous forme de paiements mensuels. Les militaires et vétérans pourraient quand même choisir de recevoir une somme forfaitaire s’ils préfèrent cette option.

• À compter du 1er avril 2019, la nouvelle indemnité supplémentaire pour douleur et souffrance, semblable à l’allocation pour incidence sur la carrière accordée actuellement, serait versée chaque mois au vétéran qui souffre d’une ou de plusieurs invalidités lui occasionnant une déficience grave et permanente et entravant sa réinsertion dans la vie civile. Le montant de l’indemnité dépendrait de la gravité de la déficience. Par ailleurs, le supplément de l’allocation pour incidence sur la carrière, qui est versé aux vétérans les plus gravement blessés aux prises avec une diminution de la capacité de gain, serait supprimé.

• Enfin, les vétérans libérés pour des raisons médicales non liées au service et leurs familles n’auraient plus accès aux mesures suivantes :

– le remplacement du revenu équivalant à 90 p.100 du revenu touché avant la libération, conformément à la nouvelle prestation de remplacement du revenu devant entrer en vigueur le 1er avril 2019, à moins qu’ils recevaient l’allocation pour perte de revenus avant cette date;

– l’accès du conjoint à des services de réadaptation professionnelle si le vétéran ne peut pas en bénéficier, à compter du 1er avril 2019;

– tous les services de réadaptation prévus en vertu de la partie 2 de la LBEV, à compter du 1er avril 2024.

Le ministère des Anciens Combattants a indiqué que la nouvelle prestation de remplacement du revenu reflète un effort de rationaliser et de simplifier les processus en regroupant plusieurs prestations en une. Ses représentants ont également fait savoir que, pour les vétérans admissibles à l’allocation pour perte de revenus, au supplément à l’allocation pour incidence sur la carrière et à l’allocation de sécurité du revenu de retraite en date du 31 mars 2019, le montant des prestations serait protégé pour ne pas qu’ils reçoivent moins d’argent après l’instauration de la nouvelle prestation de remplacement du revenu.

En ce qui concerne la nouvelle indemnité pour douleur et souffrance, le Ministère a expliqué que le montant serait lié directement à la gravité de l’invalidité, comme c’est le cas actuellement de l’indemnité d’invalidité. Le paiement mensuel maximal, versé à vie, s’élèverait à 1 150 $ pour un vétéran dont l’invalidité est évaluée à 100 p.100. De plus, le Ministère a souligné que les militaires et les vétérans qui ont déjà touché une indemnité d’invalidité pourraient recevoir, à vie, un montant mensuel additionnel au titre de la nouvelle indemnité pour douleur et souffrance.

Enfin, le Ministère a déclaré que les modifications prévues dans la partie 4 du projet de loi « concrétisaient la promesse du gouvernement d’accorder une pension à vie ». Il a indiqué que les prestations proposées « visent à fournir une reconnaissance, un soutien au revenu et une stabilité financière aux militaires et aux anciens combattants du Canada qui ont souffert d’une blessure ou d’une maladie relative au service, en mettant l’accent sur la stabilité financière, qui est l’un des nombreux éléments essentiels au mieux être des vétérans ».

Observations des témoins

Les organisations qui représentent les vétérans ayant participé à l’étude du comité ont exprimé, de manière générale, leur insatisfaction concernant les dispositions de la partie 4 du projet de loi.

Deux de ces organisations, l’Equitas Society et le CNAAC, ont souligné le fait que le projet de loi C-74 ne corrige pas la disparité financière entre les vétérans admissibles aux prestations offertes en vertu de la Loi sur les pensions et les vétérans admissibles aux prestations prévues par la Nouvelle Charte des anciens combattants. Les deux organisations ont aussi indiqué que le projet de loi ne tenait pas compte des recommandations du Groupe consultatif sur les politiques du Ministère.

Ces témoins ont demandé au gouvernement de créer une nouvelle prestation familiale semblable aux allocations pour le conjoint et les enfants, prévues par la Loi sur les pensions, afin de reconnaître les conséquences de l’invalidité du vétéran sur la famille. Ils ont également déploré les déductions appliquées aux prestations de remplacement du revenu accordées aux vétérans souffrant d’une invalidité, y compris celles liées à la pension qu’ils touchent en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes.

L’Equitas Society a fait valoir que l’élimination du supplément de l’allocation pour incidence sur la carrière entraînerait une perte financière importante pour les vétérans les plus gravement blessés aux prises avec une diminution de la capacité de gain qui présenteront une demande après le 31 mars 2019. Le remplacement de cette allocation par une majoration annuelle de 1 p.100 de la prestation de remplacement du revenu a été jugé insuffisant. Le CNAAC a plutôt recommandé l’application d’un modèle de revenu progressif qui tiendrait compte de ce que le vétéran aurait gagné dans les forces armées s’il n’avait pas été blessé.

Le CNAAC a aussi recommandé d’assouplir les critères d’admissibilité à la nouvelle indemnité supplémentaire pour douleur et souffrance pour que davantage de vétérans souffrant d’une invalidité puissent y avoir droit. En outre, l’organisation a recommandé d’incorporer à la LBEV l’allocation d’incapacité exceptionnelle et l’allocation pour soins offertes en vertu de la Loi sur les pensions, « afin d’aider à réduire la disparité financière entre les deux régimes législatifs ».

L’ombudsman des vétérans a déploré le fait que le ministère des Anciens Combattants donne peu d’information aux vétérans concernant les modifications complexes prévues par le projet de loi C-74. Il a insisté sur le besoin d’assurer dès que possible des communications claires et transparentes afin d‘apaiser l’inquiétude et les craintes des membres en service et des vétérans.

Par ailleurs, l’ombudsman des vétérans a fait part de ses préoccupations concernant trois aspects distincts du projet de loi. D’abord, le fait que les vétérans libérés pour des raisons médicales non liées au service, de même que leurs familles, perdent l’accès à des services et au remplacement du revenu. Ensuite, il a déploré le fait que, selon les dispositions transitoires du projet de loi, les vétérans dont la demande d’allocation pour perte de revenus serait en suspens en date du 1er avril 2019 seraient considérés comme étant assujettis à la loi actuelle, et le montant de leur allocation serait protégé s’il dépassait celui qui aurait été accordé en vertu de la nouvelle loi, tandis que les membres en service qui sont sur le point d’être libérés et qui se trouvent dans la même situation seraient, eux, assujettis à la nouvelle loi si la libération se produit après le 31 mars 2019. Pour l’ombudsman, cette distinction pourrait amener des militaires à obtenir plus tôt leur libération, de manière à avoir potentiellement accès à des prestations plus généreuses. Enfin, l’ombudsman s’est demandé pourquoi le projet de loi prévoit, pour les survivants des vétérans dont le décès est imputable à une cause non liée au service, des prestations de remplacement du revenu qui diffèrent selon que le vétéran est décédé avant l’âge de 65 ans ou après.

Sur une note plus positive, l’Equitas Society voit d’un bon œil que la nouvelle indemnité pour douleur et souffrance soit, par défaut, versée à vie sous forme de paiements mensuels, plutôt que sous forme d’un paiement forfaitaire, comme c’est le cas présentement de l’indemnité d’invalidité. L’organisation a indiqué que cette façon de faire est préférable pour les vétérans qui traversent une crise et qui pourraient ne pas être en mesure de gérer convenablement une grosse somme d’argent.

Le CNAAC a salué les efforts du ministère des Anciens Combattants pour améliorer les programmes de bien être, de réadaptation et d’éducation. L’organisation croit cependant que des indemnités financières adéquates doivent s’ajouter à ces programmes : « la sécurité financière constitue encore et toujours un besoin vital si l’on souhaite la réussite de tout programme de bien être ou de réadaptation ».

Observations du comité

En se fondant sur l’ensemble des témoignages qu’il a reçus, votre comité encourage le gouvernement du Canada à :

• créer, en vertu de la LBEV, une nouvelle prestation familiale semblable aux allocations pour le conjoint et les enfants, prévues par la Loi sur les pensions, afin de reconnaître les conséquences de l’invalidité du vétéran sur la famille;

• évaluer les conséquences de l’élimination du supplément de l’allocation pour incidence sur la carrière pour les vétérans les plus gravement blessés aux prises avec une diminution de la capacité de gain, afin de s’assurer que ces vétérans jouiront d’une sécurité financière égale ou supérieure après l’entrée en vigueur des modifications proposées;

• fournir rapidement de l’information et de l’orientation concernant les modifications proposées, notamment en ce qui a trait aux critères d’admissibilité et aux effets prévus sur les délais de traitement au ministère des Anciens Combattants; et

• s’assurer que des vétérans ayant un large éventail d’expériences sont représentés dans les groupes consultatifs du ministère des Anciens Combattants, y compris des vétérans qui ont subi un traumatisme sexuel en milieu militaire, et à exiger du ministère des Anciens Combattants qu’il présente chaque année, au Parlement, un rapport faisant état des préoccupations et des conseils formulés par ses groupes consultatifs et décrivant la manière dont les questions soulevées ont été réglées ou non, y compris les raisons sur lesquelles s’appuient les décisions prises.

Respectueusement soumis,

La présidente,

GWEN BONIFACE


Haut de page