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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 28 novembre 2017

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 17 heures, pour étudier l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier; puis à huis clos pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard, et présidente du comité. J’invite les sénateurs à se présenter, à commencer par le vice-président.

[Français]

Le sénateur Maltais : Sénateur Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Pratte : Sénateur Pratte, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Sénateur Dagenais, du Québec.

[Traduction]

La présidente : Le comité poursuit aujourd’hui son étude sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Nous recevons aujourd’hui un groupe de témoins de l’Association des administrations portuaires canadiennes: Wendy Zatylny, présidente; et Debbie Murray, directrice des politiques et affaires réglementaires.

Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Je vais maintenant laisser les témoins prononcer leur exposé, mais je tiens aussi à leur rappeler qu’ils ont entre 7 et 10 minutes, tout au plus.

L’exposé sera suivi d’une période de questions et de réponses avec les sénateurs, qui comprendra le nombre de tours qu’il faudra pour faire le travail. Les intervenants peuvent poser toutes leurs questions d’un coup ou les répartir. Pendant cette période, je demande aux sénateurs d’être concis et d’aller droit au but dans leurs questions, et j’invite les témoins à en faire de même dans leurs réponses, pour que nous ayons la chance d’entendre toutes les questions.

Au nom du comité, je vous invite à prononcer votre exposé.

Wendy Zatylny, présidente, Association des administrations portuaires canadiennes : Merci, madame la présidente. Mesdames et messieurs les sénateurs, bonjour. Madame la présidente, je suis ravie que vous ayez dit que nous avons entre 7 et 10 minutes. Je constate que nous avons énormément d’exemples à vous donner à propos des ports, et je commençais à les rayer de la liste. J’espère que 10 minutes nous suffiront.

Au nom de l’Association des administrations portuaires canadiennes, je tiens à vous remercier de me donner aujourd’hui l’occasion de vous parler de la façon dont les administrations portuaires canadiennes abordent le dossier des changements climatiques.

Pour commencer, je souhaite vous rappeler brièvement qui nous sommes. Nous représentons les 18 administrations portuaires au pays, qui sont situées sur les côtes de l’Atlantique et du Pacifique, de même que sur les rives du fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs. Ensemble, nos membres transportent plus de 300 millions de tonnes de marchandises par année, à la fois en conteneurs et en semi-vrac. En outre, nous accueillons plus de 1,3 million de passagers de croisiéristes par année — un nombre qui grimpe chaque année —, et nous soutenons près de 250 000 emplois dans les ports eux-mêmes, dans l’arrière-pays portuaire et au sein des chaînes d’approvisionnement. D’ailleurs, ces chaînes d’approvisionnement dépassent largement les ports et les provinces portuaires, et s’étendent jusqu’au cœur du Canada.

Les ports sont étroitement liés aux océans, aux lacs et aux rivières de la planète, de sorte que nous sommes à la merci des répercussions d’un climat variable, et que nous sommes déterminés à mettre la main à la pâte afin de protéger la planète. C’est ce que j’aimerais faire valoir dans mon exposé d’aujourd’hui.

Du point de vue des administrations portuaires canadiennes, la question des changements climatiques comporte trois volets. D’une part, il y a la nécessité de s’adapter aux éventuels changements, ainsi qu’au volume et à la nature des marchandises qui transitent par les ports; en deuxième lieu viennent les initiatives d’adaptation et d’atténuation prises par les ports; et enfin, il y a les efforts déployés par les ports afin de minimiser leur incidence sur l’environnement.

Pour ce qui est du premier point sur les marchandises que nous gérons, le Canada se trouve dans la situation enviable que vous connaissez, avec ses abondantes ressources naturelles et ses grandes étendues de terres arables. Par conséquent, nous sommes un chef de file mondial dans la production de produits forestiers, agricoles et agroalimentaires, et nous nous préparons à aller encore plus loin. Le gouvernement a dernièrement manifesté son intention de faire croître l’économie canadienne grâce au commerce, à l’innovation agroalimentaire et à l’agriculture. Cette stratégie a bien sûr une incidence directe sur nos ports puisque les récoltes excédentaires seront exportées vers les marchés mondiaux par l’intermédiaire des ports canadiens.

En 2016, 42 millions de tonnes de grains ont été exportées par les principaux ports canadiens, et nous prévoyons une hausse ces prochaines années. En plus de ces 42 millions de tonnes, qui comprennent les légumineuses et les haricots, nous avons transporté 11 millions de tonnes d’engrais et 13 millions de tonnes de produits du bois. Il y a énormément de marchandises en transit dans tous les secteurs des industries agricoles et forestières. Ces volumes augmentent grâce aux innovations technologiques agricoles, et aussi grâce à la prolongation des saisons de croissance, auxquelles les agriculteurs s’adaptent. Nous essayons donc de composer avec les répercussions de cette hausse sur la chaîne d’approvisionnement.

Parallèlement, les administrations portuaires s’orientent vers de nouveaux débouchés et divers marchés. Nous avons assisté à une année record pour la production de légumineuses, de grains et de haricots, et tous les manutentionnaires de produits agricoles s’y adaptent. De notre point de vue, le port de Hamilton est un bon exemple puisqu’il réoriente ses activités de l’acier vers l’agriculture. Son objectif est de devenir une plaque tournante de l’agriculture pour le transport de légumineuses et d’autres produits agroalimentaires, et d’être au service de tous les agriculteurs de la région sud de l’Ontario. Les ports de la côte Ouest et des Grands Lacs, et plus précisément de Thunder Bay dans les Grands Lacs, enregistrent des volumes presque record étant donné que les récoltes de grains augmentent. Aussi, les premières prévisions indiquent que les récoltes et les exportations de céréales connaîtront une autre année exceptionnelle.

Cela signifie qu’il faut de nouveaux investissements dans les terminaux, dans l’équipement de manutention du fret et dans les liaisons intermodales pour conserver une longueur d’avance et répondre à la demande. L’investissement du gouvernement dans l’Initiative des corridors de commerce et de transport, aux points d’accès et aux ports, y compris dans le Fonds national des corridors commerciaux, nous a beaucoup aidés à ce chapitre.

Transports Canada et le gouvernement fédéral sont en train d’examiner les analyses de rentabilisation qui ont été soumises pour la phase 2 du Fonds national des corridors commerciaux. Nous constatons toutefois avec une certaine inquiétude que le programme, qui a été lancé en septembre, a déjà reçu beaucoup trop de demandes. À ce jour, les 170 demandeurs qui ont été acceptés pour la deuxième phase du concours demandent un total de 9,9 milliards de dollars pour leurs projets à court terme, alors que l’ensemble du programme ne dispose que de 2,1 milliards de dollars sur 11 ans. Nous ne savons pas trop ce qu’il en adviendra, mais cela indique bel et bien qu’il y a un arriéré considérable des demandes de financement des infrastructures, dans le cadre de l’Initiative des corridors de commerce et de transport, à laquelle toutes les administrations portuaires participent.

Afin de soutenir adéquatement la capacité de manutention du fret au sein de la chaîne d’approvisionnement, nous devons en tout temps connaître les produits que nous allons traiter et la quantité. Comme la plupart de vos témoins vous l’ont sans doute dit, les prévisions concernant les changements climatiques sont truffées d’incertitudes quant aux répercussions ultimes. Tout dépend d’une multitude de variables. Dernièrement, les conditions météorologiques ont aussi commencé à changer plus radicalement, ce qui complique les modèles de prévisions.

Nous sommes d’avis qu’une chose est certaine devant une telle imprévisibilité, à savoir l’importance des données. Si le partage de données et la transparence des données sont adéquats entre les partenaires de la chaîne d’approvisionnement, nous pourrons au moins commencer à prédire, à court et à moyen terme, la nature des produits et des cargaisons, et la façon dont nous les gérerons. Pour ce faire, les ports prennent part à deux grandes initiatives: la Table ronde sur la chaîne d’approvisionnement des produits de base, et la Transportation Data Initiative, qui vient d’être annoncée.

Pour ce qui est de la première initiative, la Table sur la chaîne d’approvisionnement des produits de base est dirigée par Transports Canada et existe depuis plusieurs années. Elle est devenue une initiative multisectorielle mature réunissant les principaux intervenants — y compris les gouvernements, les chemins de fer, les ports, le camionnage, l’agriculture et les secteurs de la foresterie et de l’engrais — afin de cerner ensemble les problèmes et, surtout, de trouver des solutions aux goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement du transport. Chose certaine, les discussions de ce mois-ci portaient essentiellement sur la prochaine récolte de céréales, sur l’hiver à venir et sur la façon dont les partenaires travailleront ensemble pour acheminer ces marchandises le long de la chaîne de transport.

Un autre élément important de la dernière réunion de la table ronde, au début du mois, a été l’initiative sur les données de transport, que Transports Canada a proposée. Cette initiative permettra de créer une vaste plateforme d’envergure de données publiques sur la chaîne d’approvisionnement au pays, qui sera accessible aux utilisateurs publics et aux décideurs. La transparence et le partage des données sur la chaîne d’approvisionnement seront essentiels à la gestion des répercussions des changements climatiques sur l’ensemble du réseau, et de ses effets sur les cultures agricoles et la canopée. Les ports, qui sont des pôles déterminants de la chaîne, utilisent déjà les données de façon très novatrice. Les données constituent vraiment la prochaine étape de l’efficacité portuaire, et nous utiliserons ce nouvel ensemble de données pour améliorer la résilience, l’efficacité et le transport des produits de base dans le secteur.

L’Association des administrations portuaires canadiennes appuie à la fois la Table ronde sur la chaîne d’approvisionnement des produits de base et les efforts déployés par le gouvernement pour recueillir et utiliser les données de transport afin d’améliorer l’efficacité, la capacité et la résilience de l’utilisation. Nous recommandons assurément au comité d’explorer davantage ces deux initiatives.

Après avoir parlé des exportations, je voudrais me concentrer sur les effets des changements climatiques sur les ports eux-mêmes et leurs infrastructures physiques.

Comme je l’ai dit plus tôt, compte tenu de la nature des ports et de leurs activités, nous devons nous adapter à des conditions météorologiques extrêmes et imprévisibles, à des niveaux d’eau variés — y compris l’élévation du niveau de la mer ou la variation du niveau des Grands Lacs — et à un couvert de glace variable.

Du côté des infrastructures physiques, les ondes de tempête, les vents violents et les conditions environnementales généralement imprévisibles ont des conséquences importantes sur les infrastructures portuaires — qui se font détruire —, ce qui accélère le besoin d’investissements en immobilisations et de modifications au type d’entretien requis. Les ports explorent tous de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques pour gérer la situation, y compris de meilleures prévisions météorologiques, des mélanges de béton résistants aux climats rigoureux ou une conception novatrice de quai qui résiste aux débordements causés par des ondes de tempête.

Les administrations portuaires du Canada ont actuellement besoin de 1,9 milliard de dollars pour remplacer l’infrastructure vieillissante en place, et nous avons également besoin de fonds pour nous doter d’une infrastructure de pointe et résiliente tout en gérant le débit accru de marchandises. Pour revenir à la notion de soutien gouvernemental, c’est encore une fois essentiel à notre capacité de relever ces défis.

En ce qui concerne le débit de fret des ports, en particulier des ports en eau douce du fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs, gérer la durée de la saison d’expédition est aussi essentiel. La période de navigation est très variable, selon la rigueur de l’hiver et le couvert de glace. Il faut notamment s’assurer d’avoir suffisamment recours aux brise-glaces sur la voie maritime et sur les Grands Lacs pour que le réseau reste le plus ouvert possible, pendant le plus longtemps possible, au début et à la fin de la saison de navigation.

En ce qui concerne le troisième point sur les initiatives de réduction des gaz à effet de serre dans les ports, tous nos membres s’engagent à minimiser les répercussions environnementales du transport maritime et des activités portuaires sur le milieu et les collectivités à proximité. Bon nombre de nos membres réduisent leurs émissions de carbone et de gaz à effet de serre au moyen d’une vaste gamme d’initiatives à participation volontaire, comme l’utilisation d’équipement de manutention électrique, et l’installation d’une prise d’alimentation à quai pour les navires de croisière. À Vancouver, à Prince-Rupert, à Montréal, à Halifax et à Québec, cette alimentation à quai permet aux croisiéristes de se brancher, et ainsi d’arrêter leurs moteurs afin de réduire considérablement les émissions de diesel dans le port.

Certains ports ont investi pour convertir le moteur diesel des grues-portiques sur pneus en caoutchouc à l’électricité dans le but de réduire les émissions dans les parcs à conteneurs, tandis que d’autres ont investi dans l’électrification des véhicules et des équipements portuaires. Les ports envisagent également la conversion aux systèmes de propulsion au gaz naturel liquéfié, ou GNL, et la mise en place ou l’installation de systèmes d’éclairage à diode électroluminescente, ou DEL, afin de réduire la consommation d’énergie. Pour un réel virage vert, le port de Montréal a annoncé la semaine dernière qu’il planterait 370 arbres sur les terres portuaires afin d’améliorer la canopée et la séquestration du carbone.

De nombreux ports offrent également des incitatifs financiers aux navires écologiques, notamment le port de Prince-Rupert, dont le programme Vague verte prévoit des incitatifs financiers pour les navires qui utilisent des carburants moins polluants. Il existe de nombreux autres exemples semblables. Nous avons ici un document qui compile toutes les activités environnementales que les ports ont menées, et nous sommes heureux de le soumettre à votre comité.

Les ports font aussi partie du programme canadien à participation volontaire de l’Alliance verte, un exemple de réussite au pays. L’Alliance verte fixe des normes environnementales élevées, atteste les actions de ses membres, et diffuse les meilleures pratiques de protection environnementale de tous les intervenants du secteur maritime, y compris les ports, les exploitants de terminaux et les armateurs. Les 18 administrations portuaires sont membres de l’Alliance verte, et elles s’efforcent toutes d’obtenir la plus grande reconnaissance possible sur le plan de la responsabilité environnementale.

Il ne faut pas oublier que le transport maritime a les plus faibles émissions de gaz à effet de serre par tonne-kilomètre de tous les modes de transport. Par exemple, un très gros porte-conteneurs moderne de 18 000 conteneurs équivalents vingt pieds, ou EVP, produit 3 grammes de CO2 par tonne-kilomètre, comparativement aux gros camions, qui en émettent 80 grammes. Par conséquent, le transport maritime offre une occasion unique de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en améliorant l’efficacité du réseau de transport national.

La voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs en est un bon exemple, puisque ce corridor de transport est vraiment sous-utilisé pour l’instant. On l’emploie actuellement à 50 ou 60 p. 100 de sa capacité. Des mesures considérables sont prises par toutes les instances, en collaboration avec des partenaires de l’industrie afin d’augmenter le trafic dans ce corridor maritime intérieur. Nous sommes convaincus que l’augmentation de l’utilisation de la voie maritime offrirait la capacité supplémentaire dont nous avons besoin pour répondre à la demande de transport, qui est attribuable au rendement accru des cultures causé par les changements climatiques, ainsi que pour répondre au besoin global de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

À l’heure actuelle, il y a presque trop d’initiatives fédérales d’élaboration de politiques en matière de transport, de commerce et d’environnement. Le plus important à cet égard, c’est que les efforts soient concertés et que tout le monde aille dans la même direction, dans le cadre des nombreuses stratégies environnementales fédérales. Ce que nous constatons plus particulièrement dans certains cas, c’est que l’environnement, le commerce et le transport finissent par poursuivre des objectifs contradictoires. Comme je l’ai dit, nous croyons fermement qu’il faut laisser le moins de traces possible sur la planète — nous souscrivons à cette philosophie et agissons en ce sens —, mais nous avons aussi pour mandat de déplacer les marchandises du Canada jusqu’à l’étranger. Nous devons donc nous assurer que ces deux initiatives et orientations sont harmonisées.

En résumé, nos ports tiennent réellement compte des changements climatiques. Nous sommes touchés par les phénomènes météorologiques causés par les changements climatiques, et nous nous dotons d’une infrastructure adaptative. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour réduire activement nos émissions de gaz à effet de serre. Nous prenons aussi des mesures, en collaboration avec nos partenaires, afin d’améliorer notre efficacité, notre résilience et notre durabilité. Des initiatives telles que l’accès aux données, la transparence, le financement d’infrastructures adaptatives et des projets écologiques, ainsi que le soutien adéquat pour des besoins comme les brise-glace, nous aideront à y parvenir.

Je vais m’arrêter ici, madame la présidente, et j’ai hâte de répondre à vos questions.

La présidente : Merci. Nous avons une liste d’intervenants: le sénateur Doyle sera suivi du sénateur Dagenais, mais nous écouterons d’abord le vice-président.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci, madame. Vous avez parlé d’investissements majeurs à court terme de 1,9 milliard de dollars, et à long terme, de 5,6 milliards de dollars. Pouvez-vous m’expliquer en quoi ces investissements seront plus écologiques que ceux que vous avez présentement?

[Traduction]

Mme Zatylny : Je vous remercie de votre question. Il s’agit de s’insérer dans le continuum. Comme je l’ai dit, les ports investissent déjà en prévision de leurs besoins en infrastructure. Ils sont déjà en train de concevoir les nouvelles infrastructures dans lesquelles ils investissent, afin de pouvoir s’adapter aux changements climatiques et aux besoins en matière de fret, le cas échéant.

Par exemple, le financement des infrastructures qui est mis à notre disposition au moyen du Fonds national des corridors commerciaux nous aidera à ce chapitre, car il vise à cerner et à éliminer les goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement: plus le transport sera efficace, moins les infrastructures seront sollicitées.

Cela dit, la somme de 1,9 milliard de dollars dont j’ai parlé découle d’une étude que nous avons menée avec Transports Canada, il y a plusieurs années, dans le but de cerner l’ensemble des besoins des ports. Quant aux investissements nécessaires de 5,9 milliards de dollars, ils se rapportent à tous les projets d’infrastructure fédéraux. Le tiers de cette somme, les 1,9 milliard de dollars, devait uniquement servir à réparer les infrastructures vieillissantes en place, par exemple les quais qui avaient survécu à l’explosion d’Halifax, les parois ou les voies d’accès aux ports qui ne sont pas efficaces, notamment en raison de la circulation qui passe parfois à travers les collectivités, alors que si on modifiait le trajet, on pourrait grandement améliorer le déplacement des véhicules dans les ports. Par conséquent, si on répare et met à niveau les infrastructures vieillissantes, elles seront nécessairement plus modernes et plus écologiques.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si vous remplacez une grue de déchargement d’aujourd’hui par une autre grue de déchargement, quelle sera la différence sur le plan écologique?

[Traduction]

Mme Zatylny : Certaines des anciennes grues, les grues à portique sur pneus en caoutchouc, dont j’ai parlé plus tôt, fonctionnent au diesel, alors que les nouvelles fonctionnent à l’électricité, ce qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, particulièrement dans les ports. Voilà donc un exemple.

Certains d’entre eux adoptent des systèmes plus autonomes. Outre la grue et la conception du quai, au moment de la reconstruction, on a intégré des capteurs à l’intérieur des quais pour rendre le déchargement des navires plus efficace.

Enfin, on se tourne de plus en plus vers des grues de grande dimension. L’industrie du transport maritime utilise des navires de plus en plus gros, d’une part pour accroître l’efficacité du transport maritime, et d’autre part, pour essayer de réduire les émissions globales par conteneur. De plus grandes grues sont donc nécessaires pour satisfaire à la demande.

[Français]

Le sénateur Maltais : Avez-vous des objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES)?

[Traduction]

Mme Zatylny : L’Association des administrations portuaires n’en a pas encore discuté. Cependant, chaque administration portuaire s’est fixé divers objectifs environnementaux, dont certains concernent les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, j’attirerais votre attention sur le programme de l’Alliance verte, qui renferme des normes précises. L’une d’entre elles vise la réduction des gaz à effet de serre, et les ports comptent respecter les niveaux établis.

Le sénateur Doyle : Selon de nombreux témoins, l’investissement dans les nouvelles technologies est essentiel à la réduction des GES. Si on veut aller un peu plus loin, étant donné que vous avez indiqué investir dans les nouvelles technologies et ainsi de suite, avez-vous une idée de la proportion des navires océaniques qui utilisent des technologies et de l’équipement qui ne sont pas à la hauteur de leurs émissions de carbone et d’autres polluants? Je suis conscient que c’est une question difficile, mais connaissez-vous l’état actuel de la situation? Y a-t-il une grande proportion des navires qui ne disposent pas de nouvelles technologies pour réduire les divers polluants que nous observons à l’heure actuelle?

Debbie Murray, directrice, Politiques et affaires réglementaires, Association des administrations portuaires canadiennes : Si je peux me permettre, monsieur le sénateur, nous n’avons pas ce chiffre, mais ce que je peux vous dire, c’est qu’ensemble, par l’intermédiaire de l’Organisation maritime internationale, qui réglemente l’industrie maritime en général, on a fixé des objectifs et établi des processus qui ont mené à des règlements, et au Canada, on se conforme à des exigences en matière d’émissions. On s’en sert dans la construction navale. À l’OMI, à Londres, des processus sont en cours pour établir des indices d’efficacité énergétique. Par conséquent, l’ensemble de l’industrie déploie des efforts dans ce sens. Je pourrais me renseigner et vous revenir avec des données plus précises.

Le sénateur Doyle : Les administrations portuaires ont-elles la responsabilité de surveiller les navires qui déversent les eaux de cale en pleine mer et qui causent de la pollution? Avez-vous des pouvoirs ou des responsabilités à cet égard? Pouvez-vous arrêter ces gens qui polluent l’environnement en rejetant les eaux de cale en mer?

Mme Murray : Pas les ports. Ce serait plutôt Transports Canada. Ils ont en fait un programme de surveillance aérienne assez sophistiqué qui leur permet de repérer les déversements et les navires susceptibles de les avoir causés, puis de prendre les mesures qui s’imposent.

Le sénateur Doyle : L’administration portuaire n’est donc pas habilitée, selon ce que vous me dites, à intervenir auprès des navires océaniques qui enfreignent les règles de manière flagrante? Est-ce que cela relève de votre compétence?

Mme Zatylny : Les administrations portuaires ont compétence dans leurs eaux.

Le sénateur Doyle : Vous avez des pouvoirs?

Mme Zatylny : Les administrations portuaires ont des pouvoirs dans leurs eaux, mais il s’agit ici des eaux qui sont proches des installations portuaires. Elles ne s’étendent pas, par exemple, jusqu’à la limite des 200 milles. N’empêche que même si nous avons certains pouvoirs, il est tout de même difficile pour nous, en vertu de la loi, de détenir un navire. Ce sont deux choses différentes.

Le sénateur Doyle : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos témoins pour leurs présentations. On a l’impression que le transport local de nos produits se fait essentiellement par camion, ce qui est polluant. Je crois comprendre qu’il y a une question de coûts et d’efficacité liée à tout cela. En matière de transport local, pouvez-vous être compétitif par rapport aux coûts et dans quelle mesure le transport maritime pourrait-il jouer un rôle dans la lutte contre les gaz à effet de serre?

[Traduction]

Mme Zatylny : Selon moi, le réseau des transports est simplement un système composé de divers éléments, dont chacun joue un rôle. Il s’agit ici de trouver le meilleur équilibre ou la meilleure combinaison entre les navires, les routes et les chemins de fer, tant sur le plan de l’efficacité commerciale pour l’expéditeur que des coûts et des objectifs environnementaux.

Nous croyons qu’il est possible de modifier légèrement la combinaison des modes de transport pour améliorer ou accroître l’utilisation de la navigation maritime au Canada, particulièrement dans le réseau Grands Lacs/Voie maritime du Saint-Laurent, de sorte qu’il y ait davantage de marchandises qui soient transportées par bateau. On parle ici d’une initiative en matière de transport maritime à courte distance. Pour diverses raisons, le transport maritime à courte distance ne se fait pas facilement ici, au Canada. Le réseau Grands Lacs/Voie maritime du Saint-Laurent est une voie navigable binationale. Il y a différentes règles sur le cabotage qui ont une incidence, y compris des questions liées au pilotage et aux coûts qui s’y rattachent.

Pour régler ce genre de problèmes, qu’on est en train d’examiner dans le cadre de l’examen de la Voie maritime du Saint-Laurent, je pense qu’il faut se pencher sur l’utilisation d’une combinaison appropriée de modes de transport. Le réseau deviendrait ainsi plus efficace.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Dans quelle mesure les équipements vétustes ont-ils un impact sur le choix du mode de transport en raison des coûts? Les gens choisissent le transport par camion sur le continent nord-américain. Pouvez-vous me dire si les équipements vétustes ont une influence sur le mode de transports et si les gens préfèrent utiliser le camion?

[Traduction]

Mme Zatylny : J’aimerais avoir une précision. Lorsque vous parlez d’équipement vétuste, faites-vous référence aux navires?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Le sénateur Maltais faisait référence au remplacement des grues. Au port de Montréal, j’ai constaté une nette amélioration en ce qui concerne le chargement des bateaux. Est-ce que ce sont les équipements maritimes qui orientent le choix vers l’utilisation du camion ou est-ce qu’on aurait intérêt à moderniser les équipements des ports?

[Traduction]

Mme Zanylty : Chose certaine, les administrations portuaires s’efforcent de faire preuve d’innovation et d’utiliser la technologie la plus moderne possible, en tenant compte des coûts.

Sachez que le transport maritime est un secteur hautement concurrentiel. Les navires doivent acheminer des marchandises. Les expéditeurs décident des itinéraires qu’ils vont suivre en fonction d’une matrice complexe de temps et de coûts. Ils vont opter pour la voie de la moindre résistance.

À Prince-Rupert, par exemple, sur la côte Ouest, il y a beaucoup de transport ferroviaire à destination des États-Unis. Les conteneurs qui arrivent par bateau sont chargés directement dans des wagons. Il faut trois jours pour les expédier à Chicago.

Sur la côte Est, Halifax compte aussi sur le transport ferroviaire.

Il s’agit d’une combinaison de tous les aspects, mais autant que possible, plus la technologie est efficace — et cela comprend la gestion des données —, mieux nous serons en mesure de transporter le fret provenant d’autres modes de transport.

Le sénateur Pratte : J’aimerais que vous nous en disiez davantage au sujet de la sous-utilisation du réseau Grands Lacs/Voie maritime du Saint-Laurent. Je n’étais pas au courant de cette situation et je trouve que c’est très intéressant.

Existe-il un réel potentiel? Comme vous l’avez mentionné, chaque mode de transport a un rôle à jouer. Si j’ai bien compris, vous dites qu’il y a des marchandises qui pourraient être transportées par bateau le long de ces itinéraires, plutôt que par train ou par camion, je suppose, qui sont deux modes de transport moins efficaces et certainement plus polluants. Est-ce exact?

Mme Zatylny : Oui. Il suffit de regarder les marchandises qui sont déjà transportées en provenance et à destination de chacun des ports par rapport à ce qui est transporté par camion, en particulier dans la région de Toronto et dans la grande région du Golden Horseshoe. Malgré la grande quantité de matériaux de construction, par exemple, qui arrivent à destination des ports d’Oshawa, de Toronto ou de Hamilton, il y a encore une capacité inutilisée dans ces ports. Ils pourraient en prendre davantage.

Ce qui les en empêche, pour commencer, c’est le manque de soutien à des initiatives de transport maritime à courte distance, que les ports essaient d’encourager. Quand on regarde les expéditeurs internationaux, il faut tenir compte des coûts globaux de l’utilisation de la voie maritime. Ceux-ci se rapportent aux frais de pilotage. Par exemple, pour ramener un navire du golfe du Saint-Laurent à Thunder Bay, les frais de pilotage s’élèvent à 158 000 $ par navire. Ils représentent le coût global le plus élevé pour le déplacement de ce navire.

Le sénateur Pratte : Par conséquent, pour une distance relativement courte, ce n’est tout simplement pas rentable.

Mme Zatylny : On parle principalement de marchandises en vrac qui ont des marges bénéficiaires déjà très minces. Par conséquent, toute augmentation des coûts pourrait effectivement effacer la marge de profits.

Le sénateur Pratte : Je comprends que ces éléments font actuellement l’objet d’une discussion, n’est-ce pas?

Mme Zatylny : Un examen de la Voie maritime du Saint-Laurent est en cours. Il s’agit d’un examen multipartite dirigé par Transports Canada. Nous allons recommander que ces questions soient mises à l’étude.

La sénatrice Tardif : Je vous remercie pour votre exposé. Vous avez indiqué que votre organisation, l’Association des administrations portuaires canadiennes, réduisait son empreinte carbone au moyen de mécanismes volontaires. Je me demandais comment cela fonctionnait et si vous pensiez que des règlements qui rendent ces mécanismes obligatoires pourraient être nécessaires pour atteindre vos objectifs.

Mme Murray : Je vais répondre à cette question. En ce qui concerne les initiatives volontaires, l’ensemble des 18 administrations portuaires canadiennes participent au programme de l’Alliance verte dont Wendy a parlé tout à l’heure. Elles s’efforcent d’obtenir le rendement le plus élevé dans ce programme. Il est important de souligner qu’il s’agit d’un programme qui s’étend au-delà du Canada. C’est un effort nord-américain qui vise, en quelque sorte, à changer volontairement les comportements de certaines administrations portuaires.

En ce qui concerne les règlements spécifiques, l’Organisation maritime internationale est l’organisme qui élabore des règlements pour l’industrie maritime. Le gouvernement canadien s’appuie sur un ensemble de règlements que nos administrations portuaires respectent et appliquent.

La sénatrice Tardif : Avez-vous fixé des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre au sein de votre groupe?

Mme Murray : Nous n’avons pas fixé de cibles précises pour la réduction des gaz à effet de serre. Comme je l’ai mentionné, il y a des initiatives volontaires visant à réduire les émissions dans chacune des administrations portuaires. Bon nombre d’entre elles effectuent leurs propres vérifications et tiennent des inventaires de leurs émissions chaque année.

La sénatrice Tardif : Pourrait-on connaître la réduction d’émissions qui a été réalisée à la suite du programme de l’Alliance verte?

Mme Murray : Je crois que oui.

La sénatrice Tardif : Vous pourriez avoir cette information?

Mme Murray : Oui. Je serais ravie de vous la transmettre.

La sénatrice Tardif : Merci. Veuillez la fournir à notre greffier.

La sénatrice Eaton : La taxe sur le carbone imposée par certaines provinces aura-t-elle un effet sur votre compétitivité face aux navires étrangers? Dans le cadre de l’AECG, je crois savoir que le cabotage sera autorisé, dans une certaine mesure. Est-ce que cela aura une incidence sur vous?

Mme Zatylny : Pour l’instant, il est difficile de répondre à cette question. Nous n’avons pas fait l’analyse des coûts. Nous savons — et sommes très prudents à cet égard — que la navigation est un secteur hautement concurrentiel et très élastique par rapport au prix. Il est très sensible aux changements de prix. Par exemple, même lorsque les États-Unis tentaient d’imposer une taxe ad valorem sur les marchandises en provenance du Canada et du Mexique, on parlait d’un ajout de près de 100 $ par conteneur. Cela aurait suffi pour nuire considérablement aux activités dans les ports canadiens.

Cela étant dit, je dirais probablement que oui, notre compétitivité serait touchée dans le contexte de la matrice d’autres décisions que les expéditeurs prennent en matière de rapidité et d’efficacité.

La présidente : J’ai quelques questions à vous poser avant de passer au deuxième tour, mais tout d’abord, je vais permettre à la sénatrice Gagné de terminer la première série de questions.

La sénatrice Gagné : Les administrations portuaires s’associent-elles à des collèges ou à des universités pour étudier les changements climatiques et les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre?

Mme Zatylny : Il faut améliorer notre travail d’équipe.

La sénatrice Gagné : Vous pouvez répondre toutes les deux.

Mme Zatylny : Les administrations portuaires ont plusieurs partenaires, y compris des universités. Le meilleur exemple que je peux vous donner est Clear Seas, à Vancouver. Je sais que l’Université de la Colombie-Britannique en fait partie, tout comme l’Université Simon Fraser. Je ne peux pas me prononcer sur les autres administrations portuaires, mais si je ne me trompe pas, les administrations portuaires de Saint John et d’Halifax ont formé des partenariats. La réponse à votre question est donc oui.

Mme Murray : Je pourrais certainement faire plus de recherches là-dessus et être en mesure de répondre à votre question plus en détail.

La sénatrice Gagné : Les administrations portuaires financent-elles la recherche, ou est-ce que ce sont les professeurs qui obtiennent des fonds auprès des divers organismes de recherche? Le savez-vous?

Mme Zatylny : Ils sollicitent des fonds auprès des divers organismes de recherche. Je pense notamment à un projet de partenariat qui regroupe des ports et auquel l’AAPC participe. Nous avons offert notre appui au projet, mais c’était pour une proposition de financement par l’entremise d’un tiers.

La sénatrice Gagné : Selon vous, mène-t-on suffisamment de travaux de recherche?

Mme Zatylny : De notre point de vue, nous pouvons toujours en faire davantage, car nous avons des ports côtiers et des ports situés en eau douce. Les besoins diffèrent énormément lorsqu’on parle d’eau douce et d’eau salée, même en ce qui concerne le comportement des navires dans ces différents types d’eau. Comment gère-t-on la différence de turbidité de l’eau par rapport à l’efficacité du moteur du navire, par exemple? Il y a sans conteste beaucoup de recherches à faire dans ce domaine.

La présidente : J’aurais quelques questions à vous poser pour terminer le premier tour.

Vous avez mentionné que c’était une année record pour la culture des légumineuses et des haricots et que, par le fait même, c’était une année exceptionnelle pour l’exportation de ces produits.

Où a-t-on eu une récolte exceptionnelle? Était-ce en Ontario ou ailleurs?

Mme Zatylny : L’année n’est pas encore terminée. C’était les prédictions lors des discussions de la Table ronde sur la chaîne d’approvisionnement des produits de base. Je crois qu’on parlait des Prairies.

Mme Murray : Et principalement du blé.

La présidente : J’ai posé cette question lors d’une réunion précédente du comité, et on m’a dit que ce ne serait pas une année record, du moins, pas comme l’année dernière. Ce sera une bonne année, mais pas une année record, en raison des conditions météorologiques imprévisibles et défavorables qu’on a connues au début de la saison dans les Prairies. Je me demandais qui avait fait la différence, mais peut-être que les agriculteurs des Prairies ont connu une bonne saison finalement.

Ma deuxième question concerne vos besoins. Par exemple, le gouvernement du Canada a un certain nombre d’instruments à sa disposition, bien entendu, des instruments économiques. Vous avez notamment parlé du soutien aux infrastructures. Cependant, il dispose également d’instruments réglementaires.

Cela dit, quelles seraient vos recommandations spécifiques concernant les deux principales mesures que le gouvernement du Canada devrait prendre pour vous aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre?

Mme Zatylny : C’est comme si vous me demandiez lequel de mes enfants je préfère.

La présidente : Si vous en avez trois ou quatre, ce serait très bien aussi.

Mme Zatylny : En ce qui concerne les deux principaux instruments, je dois dire que le premier est les incitatifs financiers. Je sais qu’on parle ici d’un instrument économique, mais sachez que les administrations aéroportuaires sont très douées pour trouver des sources de financement disparates pour leurs divers projets d’infrastructure. Cependant, cela se rapporte aux infrastructures. Certains programmes, par exemple les programmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou d’efficacité énergétique, ne relèvent pas du financement des infrastructures. Il serait donc extrêmement utile d’avoir un financement supplémentaire à coûts partagés dans ce domaine.

Il y a environ cinq ans, Transports Canada était à la tête d’un programme d’alimentation à quai des navires qui a mené au lancement de tels projets dans les différents ports. Le port de Vancouver a été le premier, mais d’autres lui ont emboîté le pas. Il reste cependant encore beaucoup de travail à faire. C’était un programme à coûts partagés, moitié-moitié, qui s’est avéré extrêmement efficace.

Transports Canada l’a éliminé graduellement il y a quelques années. Nous lui demandons depuis un bon moment maintenant de le réinstaurer, mais aussi d’élargir sa portée au-delà de l’alimentation à quai, afin d’inclure tout projet qui a pour but d’accroître l’efficacité énergétique, de réduire les émissions de gaz à effet de serre ou d’atténuer les effets des changements climatiques. C’est une mesure qui pourrait être prise. Mais je répète qu’il faudrait élargir la portée du programme pour que les ports puissent proposer des solutions optimales en fonction de leurs besoins.

L’autre chose qui pourrait aider touche plus ou moins à l’aspect réglementaire. Je crois qu’il faudrait préciser la notion d’autorité portuaire, car cela a changé énormément au fil des ans. Autrefois, un port, c’était l’endroit où les navires allaient s’amarrer pour décharger leur cargaison, et où les marins allaient se dégourdir les jambes. C’est tout. C’est encore un peu cela, mais les autorités portuaires sont aujourd’hui devenues des spécialistes de la logistique et de l’efficacité, et leur expertise se quantifie en navires, cargos, camions et trains. Au fond, ce sont des gestionnaires de données et des expertes de la logistique qui contribuent à l’économie du savoir et à l’innovation. Et tout cela se traduit par des initiatives environnementales et des projets axés sur la compétitivité et l’efficacité.

Nous réclamons des changements à la Loi maritime du Canada et à la réglementation, notamment en ce qui a trait aux plafonds d’emprunt — par la modification des lettres patentes, par exemple —, afin de permettre aux ports de réaliser leur plein potentiel.

Les autorités portuaires reconnaissent pleinement la responsabilité qui leur incombe relativement à l’environnement des collectivités qu’elles desservent. Ainsi, en bénéficiant d’un plus grand soutien, elles pourraient être encore plus concurrentielles et être en mesure de mettre en place plus de programmes de ce genre.

[Français]

Le sénateur Maltais : Comme vous le savez, certaines provinces, dont le Québec, ont maintenant une taxe sur le carbone. Comment se comportent les armateurs étrangers qui viennent décharger de la marchandise chez vous? Comment voient-ils cela?

[Traduction]

Mme Zatylny : Je suis désolée, sénateur, mais je ne saurais vous répondre. Nous n’avons pas eu de commentaires à ce sujet de la part des autorités portuaires. Je sais cependant qu’elles ont multiplié leurs efforts de ce côté.

[Français]

Le sénateur Maltais : Pouvez-vous me dire quel impact a eu la diminution de la vitesse de navigation sur le fleuve Saint-Laurent chez vos armateurs?

[Traduction]

Mme Murray : Vous parlez de la réduction de la vitesse pour la baleine noire de l’Atlantique Nord?

Le président : Oui.

[Français]

Le sénateur Maltais : Non. Sur le fleuve Saint-Laurent et dans le golfe, les armateurs doivent réduire leur vitesse de navigation de 15 p. 100 pour la protection des mammifères marins.

[Traduction]

Mme Murray : D’accord. On compile toujours les données à cet égard. La zone de réduction de la vitesse n’est en vigueur que depuis le début du mois d’août, si je ne me trompe pas. Je sais que le Port de Gaspé, qui est un de nos membres, a été rayé de l’itinéraire des navires de croisière. Nous n’avons cependant pas encore toutes les données voulues pour connaître l’incidence de la réduction de la vitesse. Nous avons aussi certaines inquiétudes, mais c’est toute l’industrie qui participe à la collecte de données.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vais vous donner l’alignement. C’est à partir de Terre-Neuve, dans le golfe Saint-Laurent, et dans le chenal qui va jusqu’à Montréal, la voie maritime. Le Québec a émis des infractions d’amendes assez volumineuses aux armateurs qui n’ont pas respecté la vitesse requise. Comment se comportent les armateurs?

Parce qu’on ne rentre pas dans le port d’Amsterdam à 20 noeuds à l’heure, il faut réduire la vitesse un peu avant. Le fleuve Saint-Laurent est une voie navigable très importante pour le pays, mais tout le monde doit respecter ses normes, en montant et en descendant. C’est à partir de la voie maritime en descendant jusqu’à Terre-Neuve et de Terre-Neuve à la voie maritime. C’est une nouvelle politique pour les armateurs. Avez-vous entendu parler de leur réaction face à cette situation?

[Traduction]

Mme Murray : L’association fait partie d’un groupe de travail auquel participent d’autres associations de l’industrie, de même que Transports Canada et Pêches et Océans. Nous travaillons conjointement à l’élaboration de politiques et de mesures d’atténuation à court et à long terme. On pourrait mettre en place un système d’avertissement, notamment grâce à une surveillance accrue sur la passerelle. Nous avons également l’intention de soutenir les efforts de recherche de Pêches et Océans et de Transports Canada. Nous reconnaissons tous que c’est un enjeu de taille. Je ne peux pas parler au nom des armateurs; je ne peux que rapporter le point de vue de nos associations. Nous travaillons toutefois en étroite collaboration en vue de soutenir toute initiative susceptible de protéger la population de baleines noires de l’Atlantique Nord.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous n’avez pas de cible précise pour la diminution des GES? Pourtant, c’en serait une bonne parce que si vous réduisez la vitesse des bateaux de 15 p. 100, c’est 15 p. 100 de moins d’émanations de GES dans le fleuve. Je pense que l’association portuaire du Saint-Laurent et des Grands Lacs devrait collaborer en étroite collaboration avec les gouvernements respectifs de l’Ontario et du Québec pour veiller à ce que ces normes soient respectées. Ce serait une façon pour vous de montrer que votre association est vraiment écologique.

[Traduction]

Mme Zatylny : Vous avez raison. C’est pourquoi le programme Alliance verte est si efficace, car il établit des normes régissant les activités de protection de l’environnement selon cinq catégories distinctes, dont la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de l’émission de particules.

Les autorités portuaires font ce qu’elles peuvent dans les limites de leurs pouvoirs, et ne peuvent pas nécessairement imposer ces normes aux expéditeurs. Elles comptent sur leurs préposés et les exploitants de terminaux pour appliquer des mesures incitant les expéditeurs à respecter les normes. C’est ce que fait le port de Prince Rupert avec son programme Green Wave, et le port de Vancouver prévoit des incitatifs financiers pour les navires qui utilisent des carburants moins polluants.

Nous examinons déjà la possibilité d’étendre ces mesures aux autres autorités portuaires.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous pourriez être les policiers du fleuve et des Grands Lacs. Vous savez qu'une partie de la taxe que les gouvernements ontarien et québécois vont percevoir ira dans la recherche maritime. Vous pourriez en bénéficier pourvu que vous acceptiez d’être les policiers du fleuve et des Grands Lacs.

[Traduction]

Mme Zatylny : Pouvons-nous refuser?

Le problème, dans ce cas, c’est que nous n’avons pas cette autorité. À l’heure actuelle, nos pouvoirs ne sont pas à la hauteur de nos responsabilités, et cela complique les choses. Il faut avoir les pouvoirs législatifs nécessaires pour assumer le rôle de policier, car cela suppose d’émettre des assignations à témoigner, de retenir les navires, de déposer des accusations et d’intenter des poursuites. C’est beaucoup.

Le sénateur Woo : Les ports doivent continuellement réinvestir dans leurs infrastructures afin de rester concurrentiels, mais ces investissements peuvent aussi permettre d’accroître l’efficacité environnementale et de réduire la pollution, pourvu que ce soit fait correctement.

Pouvez-vous nous parler des défis auxquels sont confrontées les autorités portuaires quand vient le temps de trouver du capital? Et j’entends aussi par là les difficultés liées aux investissements faits par des entreprises étrangères ou des sociétés d’État, la capacité d’obtenir du capital auprès d’investisseurs publics, ou encore la capacité d’obtenir du financement de la nouvelle Banque de l’infrastructure du Canada, par exemple. Qu’est-ce qui complique l’obtention de capitaux pour les autorités portuaires qui doivent prendre de l’expansion?

Mme Zatylny : Merci pour cette question. Comme je le disais tout à l’heure, les autorités portuaires n’ont eu d’autre choix que d’apprendre, au fil du temps, à utiliser et à gérer un large éventail de sources de financement.

Nous le savons, les infrastructures maritimes coûtent extrêmement cher — beaucoup plus que tout autre type d’infrastructure —, et les autorités portuaires doivent se débrouiller avec ce qui leur est offert. Généralement, leurs projets sont financés par une combinaison de bénéfices non répartis — ce que le port lui-même peut investir et ce qu’il peut obtenir des marchés ouverts, des prêts bancaires — et d’investissements du secteur privé et des différents ordres de gouvernement. C’est normalement ainsi que cela fonctionne. Et les difficultés ainsi entraînées sont nombreuses.

Il y a premièrement les plafonds d’emprunt, dont j’ai parlé plus tôt. Lors de la création des autorités portuaires, le gouvernement fédéral leur a imposé des plafonds d’emprunt artificiellement bas. C’est un peu comme si la banque vous disait: « Félicitations! Vous vous qualifiez pour une hypothèque de 100 000 $ ». C’est bien, sauf si vous voulez acheter à Vancouver.

Le manque à gagner est monstrueux. Les autorités portuaires doivent y aller au cas par cas, projet par projet, et demander chaque fois une augmentation ponctuelle de leur plafond d’emprunt auprès de Transports Canada, du ministère des Finances et du Conseil du Trésor. Évidemment, tout cela ralentit le processus de financement des projets.

Deuxièmement, vous avez fait mention de la Banque de l’infrastructure, mais nous ne savons pas encore comment cela va fonctionner. Nous sommes au courant des changements qui sont en voie d’être apportés à la Loi maritime du Canada et qui permettront aux autorités portuaires d’obtenir du financement. Nous sommes très heureux de cette initiative et nous l’appuyons certainement. Nous sommes impatients de voir ces changements entrer en vigueur, car les nouvelles mesures feront partie intégrante de cet ensemble disparate de sources de financement.

Mais comme je le disais, le financement fédéral, provincial et municipal est extrêmement important. Et c’est d’ailleurs là que les programmes comme le Fonds national des corridors commerciaux prennent tout leur sens. Ce n’est pas simple. Le fonds a été conçu de façon à ce que le plus large éventail de projets soient admissibles et qu’il n’y ait pas de seuil ni de plafond d’emprunt. Cependant, la demande actuelle dépasse largement les ressources disponibles.

On a reçu 357 déclarations d’intérêt, desquelles 177 ont reçu le feu vert pour l’analyse de rentabilisation. La valeur de ces 177 projets s’élève à 9,9 milliards de dollars en financement à court terme. Mais le programme lui-même ne dispose que de 2,1 milliards de dollars sur 11 ans.

Manifestement, tous les types d’infrastructures sont en attente de financement depuis longtemps, mais je sais que les 18 autorités portuaires du Canada ont soumis une demande. Il faudra voir comment le reste des projets, ceux qui n’ont pas reçu le feu vert, vont obtenir du financement. Même si Transports Canada dit que le processus est fondé sur le mérite — et il l’est, bien sûr —, personne ne va se soumettre à une analyse de rentabilisation s’il ne croit pas fermement au bien-fondé de son projet.

Le président : Merci. J’en profite pour remercier les témoins. L’information présentée était très intéressante, et on a eu d’excellentes questions. Merci d’avoir été des nôtres.

Nous allons maintenant faire une pause avant de poursuivre brièvement la séance à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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