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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 30 novembre 2017

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui à 8 heures, à huis clos, pour discuter de l’acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole (étude d’une ébauche de rapport); et, en public, pour étudier l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

[Traduction]

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, et c’est un mot de bienvenue qui s’adresse à nos invités qui sont à l’écran.

Je suis la sénatrice Diane Griffin de l’Île-du-Prince-Édouard, et je suis la présidente du comité. Je vais demander tout d’abord aux autres sénateurs de se présenter, en commençant par le vice-président.

[Français]

Le sénateur Maltais : Sénateur Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Marwah : Sarabjit Marwah, Ontario.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, Ontario.

[Français]

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, Nouvelle-Écosse.

La présidente : Merci à tous.

Le comité reprend aujourd’hui son étude sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Du côté de nos témoins, nous souhaitons la bienvenue aux représentants de l’Organisation de coopération et de développement économiques, qui témoignent par vidéoconférence depuis Paris. À droite, nous avons M. Guillaume Gruère, analyste principal des politiques, Direction du commerce et de l’agriculture, Division des politiques en matière de ressources naturelles. À gauche, nous avons M. Ben Henderson, analyste des politiques, Direction du commerce et de l’agriculture, Division des politiques en matière de ressources naturelles. Merci, messieurs, d’avoir accepté notre invitation à comparaître.

Je vais maintenant inviter nos témoins à présenter leur exposé, mais j’aimerais leur rappeler auparavant que, conformément aux instructions qu’ils ont reçues, leur exposé ne doit pas dépasser 7 à 10 minutes. Après les exposés, les sénateurs vous poseront des questions.

Je vous cède la parole.

Guillaume Gruère, analyste principal des politiques, Direction du commerce et de l’agriculture, Division des politiques en matière de ressources naturelles, Organisation de coopération et de développement économiques : Merci beaucoup, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs. Nous souhaitons tout d’abord remercier le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts de nous avoir invités à participer à ses discussions sur les politiques en matière d’agriculture et de changement climatique.

De façon générale, comme vous le savez puisque vous en avez discuté, les considérations liées à l’agriculture et au changement climatique tournent autour de deux questions principalement: l’impact du changement climatique sur le secteur agricole et l’impact du secteur agricole sur le changement climatique, en raison de ses émissions de gaz à effet de serre.

Premièrement, nos travaux ont montré que, sans mesures d’adaptation, l’agriculture serait le deuxième secteur le plus touché économiquement par le changement climatique. Même si l’impact sera très différent d’un pays ou d’une région à l’autre, c’est un enjeu très préoccupant pour l’agriculture.

Deuxièmement, l’agriculture est l’un des secteurs qui émettent le plus de gaz à effet de serre. Ses émissions directes représentent environ 10 à 12 p. 100 des émissions mondiales. C’est le secteur qui émet le plus de méthane — CH4 —, qui est produit en grande partie par les ruminants, et le plus d’oxyde nitreux — N2O —, qui provient principalement du fumier et des fertilisants. Ces deux gaz ont un potentiel de réchauffement climatique beaucoup plus élevé que le CO2. L’agriculture aura donc un rôle important à jouer pour réduire les émissions et atteindre l’objectif de la conférence de Paris de limiter la hausse de la température planétaire à moins de deux degrés.

Comment y arriver? Mon collègue Ben Henderson et moi vous parlerons brièvement de ce que nous considérons, à la lumière de nos travaux récents et en cours à l’OCDE, comme les trois éléments de base d’une politique holistique en matière de changement climatique pour l’agriculture.

Nous allons vous parler premièrement de l’aide que les gouvernements peuvent apporter aux agriculteurs pour s’adapter au changement climatique; deuxièmement, des politiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur, et troisièmement, de la nécessité pour les gouvernements de s’assurer que leurs politiques agricole et climatique sont cohérentes.

Avant de commencer, j’aimerais mentionner que nous ne parlerons pas beaucoup des forêts, car nos travaux portent principalement sur le secteur agricole et agroalimentaire.

Notre premier point porte sur les mesures d’adaptation. Nous avons deux messages à vous livrer ici. Premièrement, les mesures d’adaptation sont nécessaires, mais elles doivent tenir compte des conditions locales. J’insiste sur le mot « local ». Les données existantes montrent que les agriculteurs doivent prendre des mesures d’adaptation, ne serait-ce que pour limiter les dommages prévus. On s’attend en effet à ce que les variations de température, les changements dans les régimes de précipitations et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes aient des répercussions négatives sur la productivité agricole partout sur la planète. On prévoit toutefois qu’elles varieront grandement d’un endroit à l’autre.

À titre d’exemple, selon les projections de l’OCDE de 2014, l’impact sur la production du blé en Amérique du Nord, dans son ensemble, sera négatif, mais faible; il sera négatif, mais plus important en Europe — c’est une moyenne, encore une fois —, et il sera très faible et même positif, selon certains scénarios, dans des pays comme la Corée et le Japon. Bien sûr, l’impact sera différent d’un pays à l’autre dans une région, d’une région à l’autre dans un pays, et d’un système de production à l’autre. Le premier message, je le répète, est donc qu’il faut tenir compte des conditions locales.

Le deuxième message important est qu’il faut prendre conscience que la politique du gouvernement doit servir de complément aux mesures d’adaptation prises par les agriculteurs. En effet, les agriculteurs sont déjà en train de s’adapter au changement climatique. Le gouvernement doit donc s’investir lorsque le marché fait défaut, ou lorsque des mesures d’adaptation servent l’intérêt public.

Dans le secteur agricole, nous considérons que les gouvernements devraient prendre trois mesures. Premièrement, diffuser aux agriculteurs l’information et les connaissances provenant de la recherche et le développement sur les risques climatiques, sur les outils à leur disposition pour évaluer et surveiller ces risques, et sur la formation et les systèmes de soutien possibles.

Deuxièmement, supprimer les obstacles à l’adoption de mesures d’adaptation par les agriculteurs, soit les politiques qui pourraient les encourager à aller dans le sens contraire, comme les subventions pour intrants, les programmes de soutien des prix, ou l’aide excessive pour les assurances.

Troisièmement, veiller à ce que les investissements dans l’infrastructure soient à l’épreuve du changement climatique.

Une bonne stratégie d’adaptation doit aussi comprendre des politiques non agricoles. Par exemple, le fait d’avoir des régimes de gestion de l’eau bien définis et performants aidera à réduire les risques, en particulier pour les cultures qui doivent être irriguées.

Plusieurs pays de l’OCDE ont mis en place des politiques qui tiennent compte à la fois des conditions locales — dans divers contextes — et des environnements favorables. Par exemple, aux États-Unis en 2014, l’USDA a lancé l’initiative Climate Hub, dans laquelle on répartit les mesures d’adaptation en fonction des régions, ou pôles, qui sont au nombre de 10 sur le territoire des États-Unis. Dans chacun de ces pôles, on évalue le principal facteur de vulnérabilité des systèmes agroalimentaires locaux, et on propose des programmes de soutien ciblés pour aider les agriculteurs à affronter certains risques et leur offrir des solutions adaptées à leurs problèmes.

Nous allons maintenant vous parler des mesures d’atténuation, et je vais inviter mon collègue à vous en parler.

Ben Henderson, analyste des politiques, Direction du commerce et de l’agriculture, Division des politiques en matière de ressources naturelles, Organisation de développement et de coopérations économiques : Bonjour à tous. Je vais vous parler des impacts et du rôle potentiels de la tarification du carbone pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en agriculture.

Selon des recherches récentes de l’ODCE, l’agriculture dispose de nombreuses solutions performantes pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, les coûts et les avantages de ces solutions varient beaucoup, et on peut difficilement trouver des pratiques qui seraient sensées partout d’un point de vue économique. C’est pourquoi les politiques de tarification du carbone sont utiles, car elles permettent de décentraliser la prise de décisions sur les solutions à adopter, et de réduire les émissions là où ce sera le plus économique de le faire. Elles peuvent également stimuler l’innovation et les investissements dans les technologies à faibles émissions de carbone. Plus le nombre de secteurs et de gaz à effet de serre visé par l’instrument de tarification du carbone est important, plus ce sera rentable, ce qui veut dire qu’il en coûtera moins cher à l’économie, au gouvernement et aux ménages pour atteindre l’objectif de réduction des émissions établi.

Les inquiétudes au sujet des impacts de la tarification du carbone sur la compétitivité de l’agriculture sont compréhensibles, et il se peut qu’il y en ait, mais ils dépendront de facteurs comme le niveau d’exposition aux échanges du secteur, la mesure dans laquelle les autres pays réglementent ou tarifent les émissions, et la stratégie utilisée pour mettre en œuvre la tarification du carbone.

La façon la plus souhaitable et directe de tarifer le carbone est de taxer les émissions, ou d’avoir un système d’échange de droits d’émissions, assorti de permis vendus à l’enchère. À l’heure actuelle, il est difficile de mesurer les émissions dans le secteur agricole, mais les efforts déployés pour concevoir des protocoles à cette fin pourraient et devraient finalement remédier à ce problème, et ainsi encourager la participation des agriculteurs.

De plus, si un pays ou un groupe de pays adopte seul ce genre de politiques, sa compétitivité pourrait diminuer. Toutefois si, dans la foulée de l’Accord de Paris, les pays décident d’inclure l’agriculture dans leur plan d’action national pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ce risque disparaîtra. Dans l’intervalle, il est possible de mettre en place une stratégie de tarification du carbone qui réduit ou élimine les risques liés à la compétitivité.

Pour ce faire, on peut notamment inclure l’agriculture comme enchère volontaire ou comme marché de compensation, à partir duquel le gouvernement ou d’autres secteurs qui doivent payer pour des émissions peuvent acheter des réductions d’émissions. Le fonds de réduction des émissions de l’Australie en est un exemple. L’attribution de permis gratuits pour l’agriculture et les systèmes d’échange de droits d’émissions peuvent aussi fonctionner de la même façon. Même si ces politiques ne respectent pas le principe du « pollueur-payeur », elles présentent beaucoup d’avantages semblables aux autres formes de tarification du carbone, comme la taxe sur le carbone.

Enfin, nous avons une initiative d’envergure à l’OCDE qui est en cours et devrait se terminer en 2018 et qui vise à examiner toutes ces questions sur la tarification du carbone.

M. Gruère : Je vais terminer avec la troisième partie sur la nécessité d’avoir une stratégie cohérente pour l’agriculture et le changement climatique. Nous avons parlé d’adaptation, d’atténuation et du besoin d’être conséquent, et c’est aussi la politique agricole de base.

Il est nécessaire de vérifier si les objectifs d’adaptation et d’atténuation sont cohérents pour éviter de mettre en place des mesures contre-productives. Nous avons effectué une analyse économique des fermes en Finlande qui a révélé certaines corrélations négatives; par exemple, imposer une taxe sur les engrais azotés est une bonne mesure d’atténuation, mais pas nécessairement d’adaptation.

Autre exemple, les paiements à la surface qui ne sont pas arrimés à la production, comme on en voit dans l’Union européenne, favorisent l’adaptation, mais pourraient nuire aux objectifs d’atténuation dans les fermes finlandaises.

Nous avons également effectué un examen des politiques en France et aux Pays-Bas qui suggère qu’il est possible d’utiliser différentes stratégies pour favoriser les synergies et éliminer les corrélations négatives dans les politiques.

Comme je l’ai mentionné précédemment, la politique agricole de base peut aussi empêcher le secteur d’atteindre ses objectifs. Nous avons publié dernièrement une analyse documentaire internationale sur les obstacles à l’adoption de pratiques agricoles climato-responsables, tant pour l’atténuation que l’adaptation, et nous avons constaté qu’un grand nombre d’obstacles potentiels existent, le plus important étant les politiques mal coordonnées.

En terminant, j’ai trois points généraux. Le changement climatique est un enjeu très important pour le secteur agricole et agroalimentaire, notamment en raison des incertitudes qu’il génère. Les gouvernements devraient agir pour réduire ces incertitudes en renforçant la résilience du secteur et en l’encourageant à réduire les impacts futurs. Les gouvernements peuvent y arriver en éliminant les éléments incohérents dans leur politique agricole, et en mettant en place des instruments performants et judicieux pour stimuler à la fois l’adaptation et l’atténuation.

[Français]

Nous vous remercions de votre attention.

[Traduction]

La présidente : Excellent. Je vous remercie de votre exposé.

Nous passons maintenant aux questions. Nous allons demander aux sénateurs de poser des questions succinctes, et aux témoins aussi de répondre de manière succincte si c’est possible. Les intervenants sont nombreux, et nous allons poursuivre les questions jusqu’à ce que chacun ait pu poser les siennes, ou jusqu’à ce que la cloche sonne l’heure, selon la première éventualité.

Nous allons commencer par le sénateur Mercer, qui doit nous quitter, puis ce sera au tour du sénateur Maltais.

Le sénateur Mercer : Merci, sénateur Maltais, de me céder votre place.

Le réchauffement climatique pourrait déplacer l’agriculture plus au nord, mais vous n’avez pas parlé notamment de ce point. Dans notre pays, les gaz à effet de serre pourraient amener des fermes plus au nord, sans doute pas des fermes d’agriculture végétale, mais des fermes d’élevage animal.

Est-ce que vous avez examiné les éléments positifs qui pourraient découler de ce problème très néfaste avec lequel nous sommes aux prises?

M. Gruère : Devons-nous répondre tout de suite ou attendre d’autres questions?

La présidente : Vous pouvez répondre après chaque question. Le sénateur Mercer doit nous quitter sous peu pour une réunion très importante, ce qui ne diminue en rien l’importance de celle-ci, alors vous devrez lui répondre en premier.

M. Gruère : Merci.

Je ne pense pas que nous nous soyons penchés sur cette question précisément, mais quand nous évaluons les impacts du changement climatique, nous voyons des zones bleues sur la carte, alors nous savons que cela peut se produire.

Vous parlez d’une extension au nord, mais la plupart des modélisateurs n’examinent pas ce scénario. Nous sommes mieux à même de faire de la modélisation sur les récoltes et l’élevage de bétail qui existent à l’heure actuelle, alors nous n’avons pas vraiment examiné ce scénario. Toutefois, si ces possibilités devaient se manifester, je ne pense pas que pour nous les gouvernements auraient un rôle à y jouer.

Le sénateur Mercer : Nous savons qu’en 2050, il y aura 9,7 milliards d’habitants sur la planète. Je cherche encore une équipe qui se penche sur ce problème et qui se pose la question suivante: comment ferons-nous pour nourrir 9,7 milliards de personnes? Je n’en ai pas trouvé encore. Il me semble que la question de la sécurité alimentaire dans le monde devrait être un point à l’ordre du jour du G7 quand il se réunit, mais cela ne semble jamais être le cas. L’OCDE s’intéresse-t-elle à ce problème très concret?

M. Gruère : Je présume que vous parlez de sécurité alimentaire en lien avec le changement climatique. Nos travaux de recherche sont axés sur les tendances qui se dessinent à partir de divers scénarios d’émissions.

Si on veut atteindre les objectifs de sécurité alimentaire sans réduire les émissions, ou à l’opposé, si on tente de les réduire, quels effets cela aura-t-il? Nous avons des travaux en cours sur ce sujet.

Ben pourrait vouloir ajouter quelque chose.

M. Henderson : Nous avons un modèle qui examine notamment la demande alimentaire mondiale jusqu’à 2050, mais l’OCDE, comme d’autres organisations, se concentre sur la sécurité alimentaire. La FAO, par exemple, fait beaucoup de travail de prévision sur cette question.

Je dirais que la situation n’est pas nouvelle. Quand on regarde la croissance de la productivité, on constate qu’on a déjà réussi à doubler la production dans le même laps de temps qu’il est nécessaire de le faire maintenant. Ce n’est pas impossible, mais c’est un défi en raison des contraintes croissantes liées aux ressources. Toutefois, l’OCDE n’examine pas précisément cette question, à tout le moins pas notre groupe en ce moment, mais beaucoup de gens le font.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous avez basé votre étude sur une étude de l’OCDE réalisée en Finlande. Je suis surpris de voir que vous n’avez pas pris un pays qui ressemble au Canada pour ce qui est du territoire. Vous savez fort bien qu’en Finlande, 75 p. 100 des bovins sont nourris avec une nourriture naturelle. Les rennes, en particulier, ne mangent pas de foin pendant l’hiver. Ils doivent migrer pour trouver leur nourriture qui ne contient aucun engrais chimique. Ils se nourrissent de foin naturel.

La Finlande est un très petit pays et les produits laitiers, tel le beurre, le fromage, le lait et les produits dérivés, sont importés du Danemark.

J’aurais aimé que vous basiez votre étude, par exemple, sur l'Allemagne, la Pologne ou l'Ukraine où les terres ressemblent à celles du Canada. Si vous étiez allé plus au sud, vous auriez pu constater ce qui passe aux États-Unis, au Mexique, en Argentine et au Brésil.

Je suis bien d’accord que l’agriculture est responsable de 2 p. 100 des GES. Quels seraient, selon vous, les moyens que devrait mettre en place le Canada pour faire passer ce taux à zéro?

[Traduction]

M. Gruère : Je pense que vous avez deux questions ici, et la première porte sur l’étude réalisée en Finlande et dans d’autres pays. Bien sûr, il s’agit d’un pays particulier. Au sujet de l’étude que j’ai mentionnée, je dois dire que les résultats de nos recherches dont il a été question dans notre exposé sont tirés d’un grand nombre d’études différentes, et celle-là en particulier visait à déterminer les effets de diverses politiques d’adaptation et d’atténuation sur les fermes, ou même sur des parcelles de terre. On s’intéressait donc aux effets concrets sur les fermes, et pour ce faire, nous avions besoin de données solides qui pouvaient s’adapter à notre modèle. Nous avions besoin de données très précises. Nous ne voulions pas choisir ce pays précisément. Nous avons tenté d’appliquer ce modèle, ce même type de modèle et de questions, à la Corée, et dans certaines régions du Midwest américain, mais cela n’a pas fonctionné. Nous pouvons seulement vous parler de l’exemple finlandais dans ce cas. Nous sommes très conscients que la situation est différente dans d’autres pays et qu’il est extrêmement important de prendre en considération notamment ce que vous avez mentionné au sujet de l’alimentation naturelle du bétail.

Ensuite, l’autre question est, bien sûr, celle de savoir ce que nous pourrions imaginer pour le Canada. C’est difficile de vous donner une réponse simple, de toute évidence. Il existe divers mécanismes, y compris d’aucuns dont mon collègue vient juste de parler, qui pourraient nous aider à aller dans cette direction, mais ce sera un processus difficile, d’une façon ou d’une autre.

M. Henderson : Certainement. Je pense que la première étape consiste à offrir des incitatifs pour accroître l’efficience de la production par rapport aux émissions de gaz à effet de serre. Il existe de nombreuses stratégies susceptibles d’accroître la productivité, même dans les systèmes de pâturage, et qui pourraient donc réduire les émissions par unité de production.

M. Gruère : Cela s’applique au bétail.

M. Henderson : C’est exact. Cela s’applique au bétail et aux systèmes de pâturage. Les stratégies de gestion du pâturage qui peuvent augmenter la biomasse aérienne et la séquestration du carbone dans le sol occupent une place importante dans ces types de stratégies.

Il existe aussi des façons de traiter l’alimentation du bétail, les additifs alimentaires et les options semblables. Je suppose qu’elles ne seront pas aussi pertinentes dans les systèmes de pâturage qu’elles le sont dans nos systèmes d’élevages en claustration, mais il existe des options en matière de gestion du pâturage. L’important est d’obtenir un incitatif financier par l’intermédiaire du système de tarification du carbone afin d’encourager ces pratiques.

Je devrais aussi ajouter que l’évaluation mondiale que nous envisageons actuellement englobera le Canada et que nous aurons quelque chose de plus précis à dire lorsque nous l’aurons menée à bien en 2018.

[Français]

Le sénateur Maltais : Comme le sénateur Mercer l’a souligné, la population va en croissant et on devra produire plus au Canada. Nous sommes un pays producteur et exportateur de denrées fort importantes pour l’humanité, que ce soit en Asie, en Europe, ou aux Indes. Comment peut-on exploiter au maximum les terres agricoles canadiennes tout en réduisant les GES?

[Traduction]

M. Henderson : Je vais commencer à répondre à cette question.

Encore une fois, je pense que des pays comme le Canada dont la production alimentaire est assez efficace ont tout à gagner à bien des égards à ce que le monde limite les émissions de carbone, en particulier si on le fait à l’échelle mondiale dans le secteur agricole. Ces pays plus efficaces pourraient vraiment avoir des retombées positives.

Vous avez raison; l’agriculture diffère des autres secteurs en ce sens qu’elle produit des aliments pour lesquels la demande croît rapidement. Il est important que nous ne nuisions pas à sa capacité de répondre à la demande mondiale. Voilà pourquoi, lorsqu’on pense aux incitatifs de réduction des émissions de carbone, ce n’est pas qu’une question fiscale, bien qu’une taxe soit la façon idéale de le faire du point de vue de l’efficience économique. Nous pouvons aussi songer à des plans compensatoires, dans lesquels des secteurs industriels réglementés peuvent acheter des réductions d’émissions du secteur agricole, qui finiront par servir de source de revenus supplémentaires pour l’agriculture. Elles sont volontaires. Les agriculteurs ne les prennent que si elles leur sont profitables. Nous avons vu à partir de notre modèle de simulation que les effets sur la production alimentaire sont presque nuls, comparativement à une situation de base, avec ces types de politiques.

M. Gruère : J’aimerais ajouter que nous savons que certains pays sont intéressés à opter pour la réduction des émissions tout en gardant le secteur hautement productif et concurrentiel. Vous avez peut-être entendu dire récemment que c’est la voie que suit la Nouvelle-Zélande. Elle n’a toujours pas décidé de la façon de procéder, mais elle est aussi confrontée à des questions semblables à celles du Canada, car c’est un pays exportateur. Il ne s’agit pas nécessairement du même secteur; elle exporte beaucoup de produits laitiers. On suggère aussi de viser le point net zéro plutôt que le point zéro absolu. On pense souvent qu’il est impossible pour le secteur agricole d’atteindre le point zéro absolu pour pouvoir nourrir le monde, ou que c’est un objectif très difficile à concrétiser. Cependant, comme mon collègue l’a mentionné, si vous teniez compte de toutes les occasions d’absorber le carbone ou d’utiliser l’agriculture de façon à compenser les émissions des autres et même du secteur en tant que tel, vous pouvez aspirer au point net zéro. Il y a donc des progrès dans ce sens, et les nouvelles technologies pourraient aussi nous aider à accroître la productivité sans hausser les émissions, même en ce qui touche l’alimentation des animaux, la sélection des cultures, et cetera.

[Français]

Le sénateur Maltais : Votre exemple de la Nouvelle-Zélande ne tient pas la route parce qu’en ce moment, le Queensland, qui est une des meilleures terres en Nouvelle-Zélande, est envahi par des champs miniers et l’agriculture passe au cinquième rang. Le Queensland était le berceau de l’agriculture, en Nouvelle-Zélande.

Trouvez-moi un autre pays qui ressemble au Canada, dont on peut augmenter la production agricole avec le moins d’émissions de GES.

[Traduction]

M. Henderson : Il y a deux grandes stratégies. Une vise à accroître la productivité du secteur de l’élevage. L’autre consiste à chercher des façons de réduire les émissions dans l’atmosphère et de les absorber au moyen de procédés de séquestration, comme l’accumulation du carbone dans le sol. Une façon de le faire est en plantant des arbres sur les terres agricoles.

Nous ne nous sommes pas penchés précisément sur le Canada. Nous savons que ces approches fonctionnent bien ailleurs. Prenez l’Australie, par exemple. La situation n’est pas la même qu’au Canada, mais leur secteur bovin a récemment annoncé, de sa propre initiative, qu’il visera la production de carbone neutre d’ici 2030 en se servant d’une gamme de mesures, dont celles qui rehaussent la productivité et séquestrent le carbone.

Le sénateur Doyle : Le sénateur Maltais et le sénateur Mercer m’ont volé ma question. J’allais parler de l’accroissement de la population mondiale et vous demander comment nous pourrions y répondre à l’avenir, au-delà des pratiques agricoles que nous utilisons actuellement.

Selon vous, dans quelle mesure les installations hydroponiques et les serres peuvent-elles être efficaces? Je sais qu’elles sont monnaie courante en Europe, en Belgique. Dans quelle mesure peuvent-elles contribuer efficacement à répondre aux besoins mondiaux futurs? Est-ce un facteur? Est-ce quelque chose qu’on peut utiliser à l’avenir?

M. Gruère : C’est une question ardue. Je ne suis pas certain que nous ayons de réponses précises, mais c’est une question intéressante.

Ce que je sais de l’agriculture en serres est qu’on a réalisé de grands progrès à ce chapitre côté productivité. Elle fait partie des secteurs les plus productifs au monde pour les cultures fruitières et maraîchères, notamment aux Pays-Bas. Les Néerlandais ont déployé des efforts pour réduire l’énergie qu’ils utilisent pour ce faire. Dans certains cas, ils utilisent énormément d’énergie, du moins dans les pays septentrionaux comme les Pays-Bas. Nous avons aussi observé des développements dans la région méditerranéenne très ensoleillée, où ce type d’agriculture aide à préserver l’humidité. On pourrait accroître notre productivité et peut-être même notre efficacité énergétique, mais dans la région méridionale de la Méditerranée, la question est celle de l’utilisation efficace de l’eau et s’il est préférable d’utiliser l’eau à cette fin plutôt qu’à d’autres.

Avez-vous quelque chose à ajouter, Ben?

Nous n’avons pas mené d’études particulières sur les installations hydroponiques et l’agriculture en serres, alors je ne suis pas certain que nous puissions vous en dire plus.

Le sénateur Doyle : Merci.

Le sénateur Oh : Merci aux témoins.

Récemment, l’OCDE a participé à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique de 2017, qui s’est tenue du 6 au 17 novembre, au World Conference Centre à Bonn, en Allemagne. Pouvez-vous nous donner une mise à jour de cette conférence?

M. Henderson : Bien sûr. J’y étais. Je n’ai pas participé aux négociations. On a fait une annonce, dont Guillaume pourra vous parler.

Je dirai simplement qu’on a fait preuve de beaucoup d’optimisme là-bas. Il y avait de bonnes expositions sur les mesures que prennent divers organismes de recherche dans les pays membres pour lutter contre le changement climatique. Il y a eu une séance particulièrement intéressante sur la séquestration du carbone dans le sol. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat en a souvent parlé comme d’une option qui peut vraiment faire une différence de taille. Quatre-vingts pour cent du potentiel d’atténuation total du secteur est attribuable à des mesures pour accumuler du carbone dans le sol; il s’agit vraiment d’un très grand réservoir que le monde peut exploiter.

Jusqu’à présent, on a eu bien du mal à trouver des façons de mesurer et de vérifier la réduction des émissions par l’intermédiaire de ces approches. Cependant, on semble réaliser des progrès considérables en ce qui concerne les méthodes de modélisation, qui peuvent se servir des données et prédire avec exactitude la façon dont les pratiques peuvent accroître le carbone dans le sol et régler cette question importante.

Il y a eu d’autres activités en parallèle qui ont influé sur certaines des questions que vous avez mentionnées sur la sécurité alimentaire dans le monde. Il y en a notamment eu une sur l’élevage, qui a fait valoir que même avec les pratiques internationales existantes, si les deux tiers inférieurs des producteurs pouvaient produire aussi bien que le tiers supérieur, nous pourrions voir une hausse de la production alimentaire d’environ 25 p. 100, par exemple.

Beaucoup de messages positifs en sont ressortis, mais c’est tout ce que j’ai vu pendant que j’étais là.

Guillaume peut vous dire quelque chose au sujet de l’annonce.

M. Gruère : Oui. Je n’ai pas assisté à l’événement, mais nous avons suivi les négociations à distance. Des organes subsidiaires ont discuté d’agriculture et, pour la première fois, on a rendu une décision officielle à ce sujet. Pour autant que nous sachions, c’était la première décision de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques concernant des négociations qui mentionnaient l’agriculture. La décision a été assez concise, mais les membres ont convenu de discuter d’un certain nombre de sujets dans les années qui viennent concernant l’utilisation de l’agriculture ainsi que l’adaptation et l’atténuation du changement climatique. On a suggéré un certain nombre de sujets qui pourraient être abordés dans le cadre de ces discussions.

Bien que cela ne change pas le monde de l’agriculture, c’est un pas en avant. Pendant la conférence de Paris, l’agriculture n’a pas été énoncée expressément dans le contexte d’une décision en particulier. Nous estimons donc qu’il s’agit d’une avancée, mais attendons de voir ce qui se passera au fil des discussions.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, messieurs. J'aimerais revenir sur des méthodes compensatoires. Au Canada, on a la gestion de l’offre qui, parfois, fait doubler ou tripler le prix de nos produits agricoles comparativement à nos voisins du sud. Enfin, le gouvernement vient d’y ajouter une taxe sur le carbone. On ne connaît pas trop les méthodes de compensation. Ce n’est pas clair, car la taxe sur le carbone est nouvelle au Canada. Par contre, qu’on le veuille ou non, cela affectera le prix des denrées agricoles. Il faut sauver la planète, il faut penser aux gaz à effet de serre, mais il faut aussi penser à demeurer concurrentiel.

Dans les pays de l’OCDE — vous en aviez parlé précédemment —, quelles sont les méthodes compensatoires existantes? Il ne faut pas oublier que l’agriculture se pratique à l'échelle mondiale. Tous les acteurs veulent avoir les meilleurs prix et être capables de vendre leurs produits. Si les produits deviennent trop chers, tôt ou tard, il doit avoir une compensation des pays.

Alors, au sein de l’OCDE quelles méthodes compensatoires offrez-vous aux agriculteurs afin que les denrées agricoles demeurent concurrentielles?

[Traduction]

M. Henderson : Pour ce qui concerne les plans compensatoires que nous connaissons, dont celui que j’ai mentionné en Australie, soit le fonds de réduction des émissions, je crois savoir que vous avez aussi un plan en Alberta. Nous croyons comprendre que, vu que ces plans sont volontaires, ils n’imposent aucun coût supplémentaire au secteur et à la production agricoles. Alors, pour autant que nous sachions, le fait d’avoir un plan compensatoire volontaire n’a pas beaucoup d’incidence sur les prix.

C’est un point sur lequel nous devons nous pencher davantage. Peut-être qu’il y a des situations dans lesquelles les agriculteurs peuvent choisir d’employer des méthodes de réduction des émissions qui génèrent plus de revenus que la production agricole standard. Je suppose que cela pourrait avoir un effet sur les prix, mais nous ne croyons pas savoir que cela a un effet marqué sur le système. Cela dit, ces méthodes sont relativement nouvelles. Elles n’en sont qu’à leurs débuts, alors cela reste à voir.

Il y a d’autres approches compensatoires dans un système d’échange de quotas d’émission. Par exemple, dans celui de la Nouvelle-Zélande, pendant la campagne électorale, le gouvernement travailliste a parlé de donner au secteur agricole des permis essentiellement gratuits. Cela permettrait au secteur d’entreprendre volontairement des mesures de réduction des émissions et de vendre ces permis à d’autres secteurs, s’ils peuvent les vendre à meilleur marché que d’autres secteurs peuvent assumer leurs propres réductions d’émissions. Comme ils sont volontaires et ils représentent un bien donné aux agriculteurs au lieu d’un coût qu’il leur est imposé, ils ne semblent pas avoir d’incidence marquée sur les prix. Il s’agit là de deux des principaux mécanismes.

Il est possible que s’il y a une incidence sur les prix, qui influerait le plus fortement sur les consommateurs, surtout ceux qui sont défavorisés, on puisse se servir de mécanismes existants pour transférer une partie des revenus de ces régimes de tarification du carbone aux consommateurs pour compenser une partie de ces coûts plus élevés.

M. Gruère : Je pense que mon collègue a très bien répondu à votre question. Je crois que le seul cas qu’il a mentionné dans son intervention où il pourrait y avoir des problèmes au niveau des prix est dans le cadre d’un système obligatoire de tarification du carbone. Dans certains cas, cela pourrait avoir une incidence sur les consommateurs, mais ce n’est pas garanti, et les secteurs pourraient aussi absorber cette hausse.

Nous avons aussi des cas où le recours aux taxes n’influe pas vraiment non plus sur la réponse, alors c’est simplement de l’argent des agriculteurs aux contribuables. Tout dépend de la façon dont vous mettez en place ces régimes fiscaux, de leur efficacité et de la question de savoir si l’argent vient du client ou du contribuable, selon la situation.

La sénatrice Petitclerc : Je semble avoir coutume de poser des questions sur l’agriculture et les pratiques agricoles biologiques; je vais donc poursuivre dans cette veine.

Je tiens d’abord à vous remercier de votre présentation.

Nous avons parlé à différents témoins, et je leur ai posé bien des questions tant en ce qui concerne l’adaptabilité et la résilience de l’agriculture biologique que sa contribution potentielle à la réduction des émissions.

Bien des témoins ont mentionné que ce type d’agriculture présente de nombreuses difficultés pour eux au Canada, notamment pour ce qui concerne la collecte des données, les travaux de recherche qui sont menés ou pas dans ce secteur précis au Canada, et d’autres difficultés sur le plan du soutien financier qu’ils reçoivent ou non.

Je veux entendre votre perspective internationale, en premier lieu, sur le rôle que vous croyez que l’agriculture biologique joue, peut jouer ou devrait jouer; les résultats que vous avez observés; les pratiques exemplaires éventuelles; et différents modèles que vous estimez être pertinents.

M. Gruère : Encore une fois, je ne suis pas certain que nous ayons les données appropriées pour répondre de façon exhaustive à vos très bonnes questions. Par le passé, nous avons comparé différentes pratiques de gestion agricole pour appuyer ce que nous appelons la croissance verte en agriculture, qui requiert que l’on accroisse la production économique de l’agriculture tout en réduisant son incidence environnementale.

Une des pratiques était celle de l’agriculture biologique. Nous avons comparé les pratiques de conservation, les pratiques agricoles sans labour, l’agriculture biologique et les biotechnologies. Vous ne serez pas surprise d’apprendre qu’il n’y avait pas de solution universelle. La question de savoir si les différentes pratiques sont effectivement plus vertes et plus productives dépendait vraiment du contexte.

Dans le contexte de l’agriculture biologique, le débat que nous observons — et nous n’avons pas de document particulier sur ce type d’agriculture — est qu’il faut faire des compromis entre les coûts pour les agriculteurs et la question de savoir s’ils sont en mesure d’obtenir de meilleurs résultats sur le plan environnemental. Ils le font parfois au détriment de l’efficience, si bien qu’ils produisent moins qu’ils pourraient sur leurs terres, ce qui peut devenir problématique. Lorsque vous prenez un secteur et que vous souhaitez réduire les émissions, vous devez utiliser plus de terres pour produire la même quantité ou plus de fumier provenant d’animaux aussi à l’origine d’émissions.

On peut poser un certain nombre de questions pour déterminer si l’agriculture biologique est la solution. Il faut être pragmatique. Ce n’est pas la position de l’OCDE, mais je pense personnellement que l’agriculture biologique a un rôle à jouer parmi d’autres types de solutions. Dans certains cas, les pratiques employées dans ce secteur pourraient être bénéfiques pour des types d’agricultures plus conventionnels.

Il y a du potentiel, mais il y a aussi des questions que soulèvent les travaux de recherche. Nous n’avons pas de déclaration ou de recommandation particulière sur l’agriculture biologique, pour autant que je sache. Cependant, je serai ravi de vous fournir le document dont j’ai parlé qui compare les différents types de gestion agricole du point de vue de la croissance verte, et vous pourrez vérifier vous-mêmes ce qui est utile dans celui-ci.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

La sénatrice Gagné : Nous savons que la tarification du carbone est une des façons stratégiques de limiter les émissions de gaz à effet de serre et de respecter l’Accord de Paris sur le climat de 2015. Certains des principaux experts dans le monde affirment que les progrès sont assez lents et que, en règle générale, le prix du carbone est toujours trop bas pour être efficace.

Je me demandais si vous pouviez nous dire ce qui constituerait une tarification efficace du carbone, et j’aimerais que vous vous prononciez sur la stratégie du Canada pour atteindre les cibles.

M. Henderson : Nous sommes d’accord. Comme vous, nous avons examiné les preuves, et le niveau d’ambition n’est pas suffisamment élevé pour atteindre la cible de réchauffement de deux degrés qui a été fixée dans l’Accord de Paris sur le climat. Il est très loin du compte, en fait.

Vous avez raison; la tarification du carbone est adoptée très lentement. Je crois comprendre que, aux dernières nouvelles, 39 administrations nationales avaient appliqué ou avaient commencé à appliquer ces mécanismes, mais les prix fixés sont trop bas.

Les travaux de recherche montrent qu’une contribution raisonnable du secteur agricole pour atteindre ces cibles pourrait être d’environ une gigatonne en équivalents CO2 par année d’ici 2030. La même étude, dont je peux vous donner les détails plus tard, montre qu’avec la tarification du carbone normalement observée dans le monde, qui se situe autour de 20 $ la tonne d’équivalents CO2, nous atteignons environ 20 p. 100 des cibles que nous devons atteindre en agriculture. Il est assez clair qu’une tarification efficace du carbone doit être plus élevée que cela. Je pense que l’exemple canadien ou l’instrument à l’étude suggère un prix d’environ 50 $ canadiens la tonne. C’est beaucoup plus près du but.

En termes économiques, une tarification efficace du carbone dépend de la façon dont nous évaluons les dommages causés par le changement climatique, et c’est difficile à estimer. L’OCDE suggère un prix d’environ 30 ou 40 euros la tonne. Cependant, comme je l’ai dit, nous avons entrepris une étude et, d’ici l’année prochaine, nous aurons une réponse plus précise concernant l’incidence de différents prix, y compris ceux dont j’ai parlé.

La présidente : Comme je vois qu’il n’y a pas d’autres questions, j’aimerais remercier nos invités. C’était vraiment très intéressant. Je sais que nous avons éprouvé des difficultés techniques, mais vous avez su continuer en dépit de cela.

Merci, mesdames et messieurs les sénateurs.

(La séance est levée.)

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