Aller au contenu
AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 8 février 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui à 8 h 7 pour étudier l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier, et, à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

[Traduction]

La présidente : Mesdames et messieurs, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.

Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard. J’invite le reste des sénateurs à se présenter, en commençant par le vice-président.

[Français]

Le sénateur Maltais : Sénateur Ghislain Maltais, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Woo : Bonjour, monsieur le ministre. Sénateur Woo, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Nous accueillons aujourd’hui le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. Nous sommes très heureux de l’avoir parmi nous. C’est aussi mon député. Comme beaucoup d’entre vous, je le connais depuis de nombreuses années. Il est accompagné de Chris Forbes, son sous-ministre. Bienvenue messieurs.

J’invite le ministre à faire maintenant son allocution préliminaire, puis nous passerons aux questions.

L’hon. Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Merci beaucoup, madame la présidente. C’est un plaisir de vous voir occuper le fauteuil.

C’est un honneur pour le sous-ministre, Chris Forbes, et moi-même d’être ici aujourd’hui. Honorables sénateurs, j’applaudis le travail acharné, le dévouement et l’engagement du comité envers les agriculteurs canadiens et notre secteur agroalimentaire.

Je sais que vous vous souciez profondément de nos agriculteurs et des questions qui les touchent, et je vous remercie de vos vaillants efforts. Je tiens à remercier tout particulièrement le comité de son récent rapport exhaustif sur les questions d’accès aux marchés pour le secteur agroalimentaire canadien.

Je crois comprendre que vous avez entendu des scientifiques, des agriculteurs et des agroentreprises, entre autres, plus récemment. Je tiens à souligner que votre travail est essentiel aux efforts déployés par le Canada pour nourrir durablement une population mondiale croissante.

Honorables sénateurs, je vous dis aujourd’hui que le gouvernement accorde une grande importance aux mesures prises pour aider les agriculteurs à s’adapter aux effets des changements climatiques.

Je vais aborder trois points aujourd’hui : les agriculteurs sont des intendants responsables et bien informés des terres; notre gouvernement aide les agriculteurs à protéger l’environnement tout en renforçant leur rentabilité, et l’avenir est prometteur pour l’agriculture canadienne.

Sénateurs, la conservation est aussi vieille que l’agriculture. Les agriculteurs ont toujours eu besoin d’adapter leurs pratiques de culture et d’élevage pour s’assurer que le sol reste sain et productif.

Comme le dit le dicton, prenez soin de la terre et elle prendra soin de vous. Ce sont certainement des mots que j’ai mis en pratique à l’Île-du-Prince-Édouard. Si l’on ne prenait pas soin de la terre, celle-ci nous rendait la pareille. C’était donc d’une importance cruciale à plusieurs points de vue.

Nous savons aussi que les agriculteurs sont confrontés à de nombreux risques. Des risques liés aux intempéries sont toujours à l’esprit d’un agriculteur. Ces événements peuvent causer beaucoup de stress aux agriculteurs et avoir des répercussions importantes sur leurs résultats financiers.

Au fil des décennies, les agriculteurs canadiens ont constamment amélioré leur mode d’exploitation. Ils ont adopté des pratiques plus efficaces, comme la rotation des cultures et la réduction du travail du sol, et mis à l’essai de nouvelles variétés de cultures.

Cet esprit pionnier a contribué à faire de l’agriculture un des secteurs les plus novateurs de l’économie canadienne, depuis les charrues tirées par des chevaux jusqu’aux tracteurs dirigés par GPS qui peuvent se conduire eux-mêmes.

Sénateurs, je me souviens d’avoir cueilli des pommes de terre à quatre pattes sur le sol, alors que les dernières pommes de terre que nous avons vendues n’ont jamais touché une main humaine. C’était il y a 25 ans; cela confirme le fait que l’innovation a toujours existé et continuera d’exister dans le secteur agricole si l’on veut obtenir de bons résultats financiers.

Aujourd’hui, les agriculteurs peuvent utiliser la technologie pour protéger l’environnement tout en augmentant leur productivité et en réduisant leurs coûts.

J’ai moi-même une formation en production laitière. Au fil des ans, nous avons assisté à une hausse phénoménale de la production. Aujourd’hui, une vache laitière produit en moyenne quelque 32 litres de lait par jour. Parallèlement, les exploitants de ferme laitière ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre de 20 p. 100.

De leur côté, les éleveurs de bovins de boucherie canadiens ont réduit leur consommation d’eau de 17 p. 100 en 30 ans. Les agriculteurs canadiens ont fait cela grâce à l’innovation dans leurs systèmes d’alimentation, à l’innovation génétique et à l’innovation dans leurs pratiques de gestion. Les cultivateurs-grainetiers ont adopté de nouvelles pratiques leur permettant de réduire l’ampleur du teillage dans les champs.

Le fait de laisser des matières végétales sur le sol réduit l’érosion du sol, retient l’humidité, accumule de la matière organique et capture le carbone dans le sol.

Aujourd’hui, près de 50 millions d’acres de terres agricoles canadiennes ne sont pas labourés. Davantage d’eau peut s’infiltrer dans le sol. Davantage de matières organiques et d’éléments nutritifs restent dans le sol et l’érosion peut être réduite ou éliminée.

Par rapport à 1981, les émissions nettes de gaz à effet de serre dans le secteur agricole et agroalimentaire ont diminué de 10 p. 100.

C’est la preuve que les agriculteurs canadiens réduisent leur empreinte environnementale alors même qu’ils augmentent leur production pour relever le défi de nourrir une population mondiale croissante.

Il s’agit d’utiliser la technologie pour travailler de façon plus intelligente, et c’est logique tant pour l’environnement que pour le chiffre d’affaires des agriculteurs.

Des innovations sur le plan de l’équipement, comme les GPS, aident les agriculteurs à utiliser des applications pour les engrais, les semences et les pesticides. Une application plus opportune et plus précise de ces intrants conserve les ressources, augmente l’efficience et, en fin de compte, économise de l’argent aux agriculteurs.

Notre gouvernement est déterminé à aider les agriculteurs à prendre appui sur ces réussites. Madame la présidente, la durabilité de l’environnement est une grande priorité pour le gouvernement, pour mon ministère et pour moi.

Nos scientifiques, en collaboration avec les universités et l’industrie, sont pleinement engagés dans la lutte contre les changements climatiques.

De concert avec les provinces et les territoires, nous travaillons à l’élaboration d’un cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Dans le cadre du budget de 2017, nous investissons 70 millions de dollars sur six ans pour appuyer davantage les sciences et l’innovation agricoles. Cela comprend un accent sur les priorités émergentes, comme le changement climatique, les sols et la conservation de l’eau. Grâce à la science, nous aidons les agriculteurs à stocker encore plus de carbone dans le sol.

Nous permettons également aux agriculteurs de réduire leur empreinte environnementale en les aidant à mieux gérer l’eau, à conserver l’énergie, à réduire l’utilisation des pesticides et à améliorer la qualité du sol.

Honorables sénateurs, j’aimerais mentionner quelques autres mesures que nous avons prises pour soutenir l’agriculture et l’environnement. Le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, une initiative de 2 milliards de dollars, aide les provinces et les territoires à réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment en stockant le carbone dans les sols agricoles.

Notre gouvernement investit 27 millions de dollars dans le Programme de lutte contre les gaz à effet de serre en agriculture afin d’aider les agriculteurs à réduire leur empreinte carbone. Ce programme permet aux agriculteurs de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de s’adapter aux changements climatiques dans quatre domaines clés: les stratégies de gestion et d’alimentation, la capture du carbone par les pratiques d’exploitation des terres et le travail du sol, l’agroforesterie, et l’irrigation et le drainage pour la production de cultures.

II y a 20 projets dans des universités de premier plan au Canada, tous axés sur l’aide aux agriculteurs pour rendre leurs fermes encore plus écologiques qu’elles ne le sont aujourd’hui.

Les projets récents comprennent : la mesure de l’empreinte environnementale des systèmes de culture de bleuets, de pommes de terre et de plantes fourragères; des systèmes de pâturage écologiques pour les bovins, et de nouvelles cultures céréalières qui n’ont pas besoin d’être semées chaque année, économisant ainsi de l’engrais et de l’eau.

Nous investissons également 25 millions de dollars pour appuyer l’adoption de technologies propres par les producteurs agricoles canadiens. Nous investissons plus de 7 millions de dollars dans l’Initiative de stage en agroenvironnement qui aide à placer les jeunes Canadiens dans des emplois écologiques au sein du secteur agricole.

Madame la présidente, nous pouvons déjà remercier les agriculteurs d’être la pierre angulaire d’une industrie qui apporte plus de 100 milliards de dollars à notre PIB, à un chiffre d’exportation de plus de 62 milliards de dollars et contribue plus de 10 milliards de dollars à notre balance commerciale globale.

La demande mondiale d’aliments est à la hausse. En novembre, j’ai dirigé une mission commerciale en Chine avec plus de 100 intervenants de l’industrie. Je peux vous affirmer que les consommateurs chinois apprécient la qualité et la valeur de nos produits. Ils achètent en personne et en ligne. C’est une occasion en or pour notre industrie et nous restons concentrés sur l’Asie. Nous avons conclu un accord dans le cadre du PTPGP qui promet d’offrir d’immenses possibilités aux agriculteurs canadiens.

Le mois prochain, je prévois mener une mission commerciale agricole au Japon et en Corée du Sud. Nous nous posons la question: comment stimuler la production pour tirer parti de ces possibilités tout en protégeant l’environnement?

En novembre dernier, à l’occasion du salon Agribition, j’ai fourni une partie importante de la réponse du gouvernement à cette question. J’ai annoncé un investissement fédéral d’un milliard de dollars dans des programmes qui aideront notre industrie à conserver une longueur d’avance au cours des cinq prochaines années.

Ces programmes font partie du Partenariat canadien pour l’agriculture. Il s’agit d’une entente quinquennale de 3 milliards de dollars conclue avec les provinces et les territoires, qui assurera un avenir prometteur à notre industrie. La durabilité est au cœur du Partenariat. Nos programmes aideront à donner aux agriculteurs les outils dont ils ont besoin pour continuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre en agriculture, à protéger l’environnement et à s’adapter aux changements climatiques. Nos investissements dans la recherche seront axés sur les changements climatiques, l’eau et les sols. La priorité sera d’acheminer la recherche du laboratoire à la ferme.

Les scientifiques du ministère continueront de travailler avec des partenaires pour mettre au point des variétés de cultures améliorées plus résistantes aux conditions météorologiques extrêmes et aux nouveaux ravageurs et maladies. Cette recherche permet aux agriculteurs d’accroître leurs rendements, de prendre soin de leurs terres et d’améliorer leur rentabilité.

Honorables sénateurs, le Canada a la possibilité d’être un chef de file mondial lorsqu’il s’agit de nourrir durablement une population mondiale croissante.

Le Partenariat canadien pour l’agriculture fournira les investissements nécessaires pour optimiser et accélérer les efforts de nos agriculteurs, de nos scientifiques et de l’industrie. Nos programmes aideront les agriculteurs à prendre soin de leurs terres et à renforcer leurs entreprises. Ces efforts apporteront une valeur énorme à notre marque canadienne, déjà reconnue sur les marchés mondiaux pour sa qualité et son respect de l’environnement.

Nous savons tous ici aujourd’hui que la feuille d’érable rouge est perçue comme une marque de confiance dans le monde entier. Je le constate certainement partout où je vais.

Notre gouvernement est déterminé à aider les agriculteurs à demeurer des intendants responsables de nos terres. Nous continuerons de collaborer avec les agriculteurs afin de les aider à réaliser une croissance durable tout en s’adaptant aux changements climatiques.

Merci, madame la présidente. Je tenterai de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, monsieur le ministre. C’était un excellent exposé d’ouverture.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur le ministre, comme vous l’avez mentionné au début de votre allocution, le rapport que notre comité a déposé l’année dernière a été très important pour nos agriculteurs canadiens.

Alors que le comité était en Chine, nous nous sommes rencontrés tout à fait par hasard, à l’exposition de Shanghai, alors que vous dirigiez une mission commerciale. Sur place, nous avons constaté que les produits canadiens avaient une très bonne valeur quant à leur fiabilité et leur sécurité. Cela fait du Canada un pays de choix et il faut conserver cette réputation. Je crois que les efforts dont vous avez fait mention lors de votre allocution répondent à plusieurs de nos questions.

Bien sûr, certaines questions demeurent en suspens, on ne peut pas tout régler en un jour. Toutefois, j’aimerais poser une question concernant le carbone.

Un nouveau produit sera bientôt fabriqué au Canada. Lorsque je suis allé au congrès de la Fédération des municipalités, j’ai entendu beaucoup de questions au sujet des résidus de cannabis.

En fait, ils seront utilisés en agriculture et serviront à fabriquer de l’engrais pour les jardins communautaires. Ma question est la suivante : est-ce que votre ministère s’est intéressé aux résidus de cannabis qui seront jetés aux vidanges? De plus, est-ce que ces résidus représentent un danger lorsqu’ils sont destinés à la production de compost régulier?

[Traduction]

M. MacAulay : Merci, monsieur. Sans aucun doute, toute chose de ce genre, comme vous le savez, relève de Santé Canada et du ministère de la Justice pour l’instant. Bien sûr, notre ministère et moi-même prendrons très au sérieux toute question se rapportant à la qualité de nos terres. Nos scientifiques étudieront certainement cette question.

Je ne cherche pas à éviter de répondre à votre question, et le sous-ministre pourra parler de ce que nous ferons. Cependant, quand nous allons à l’étranger, il est important que nous tentions d’acquérir ces marchés pour nos agriculteurs. Vous avez mentionné le processus réglementaire dans notre pays et vous parlez de la feuille d’érable et du respect que nous recevons. Qu’il s’agisse de résidus de cannabis ou d’autre chose, il est important que nous fassions bien les choses. Il est crucial que nous le fassions en fonction d’un système fondé sur la science.

C’est la raison pour laquelle quand nous étions ensemble en Chine et avons vu ce respect, il n’a pas été aussi simple que cela de faire signer des accords commerciaux et obtenir des ententes. Il n’en demeure pas moins cependant que, quand on a un système réglementaire qui est respecté, il est extrêmement important que notre gouvernement et tous les gouvernements comprennent à quel point il est important que celui-ci demeure aussi bien respecté.

Je passe la parole au sous-ministre pour tout autre renseignement qu’il aurait à ajouter.

Chris Forbes, sous-ministre, Agriculture et Agroalimentaire : J’ignore s’il y a des recherches particulières sur le sujet qui soient en cours à notre ministère.

Ceci étant dit, c’est le genre de question que nous examinerions sur les plans de la santé des sols, des effets sur la santé des plantes et des effets des plantes sur nos sols et notre environnement.

Je pourrais certainement demander à nos scientifiques s’il y a des recherches en cours dans ce domaine. Celles-ci seraient, comme l’a mentionné le ministre, en collaboration avec le ministre de la Santé et d’autres encore. Nous confirmerons si des travaux sont en cours dans ce domaine et reviendrons là-dessus au comité.

M. MacAulay : C’est très important que vous ayez soulevé ce point, parce que c’est une question de portée globale. C’est la raison pour laquelle nous faisons ces choses.

[Français]

Le sénateur Maltais : En ce qui concerne la taxe sur le carbone, on sait que plusieurs provinces ont leur propre législation, mais est-ce que l'ensemble des provinces et territoires a adhéré au programme que votre ministère a mis en place?

[Traduction]

M. MacAulay : Comme vous le savez, monsieur le sénateur, ce ne sont pas toutes les provinces qui ont adhéré. Cependant, la tarification du carbone se poursuivra certainement. L’argent qui est recueilli — et je sais que vous comprenez cela, mais il est important que le public l’entende — sera retourné aux provinces, et s’il y a des répercussions sur certaines industries, la province aura la capacité de financer ces industries. C’est là le principe du remboursement du prix du carbone, mais la tarification du carbone, elle, se poursuivra. Certaines des provinces ne sont pas très emballées à ce sujet, mais elle se poursuivra.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre. Je veux vous mettre au courant que le Parlement européen recueille la taxe sur le carbone et la redistribue aux pays de la communauté proportionnellement à la population. Le problème est qu’ils n’ont pas de moyen de reddition de comptes. Est-ce que l’argent recueilli retourné au pays s’en va vers des mesures visant à l’élimination de la taxe sur le carbone? C’est le problème de l’Europe. Vivra-t-on le même problème chez nous? Prévoyez-vous, après un ou deux d’essai, de créer un moyen qui favorisera la création de mesures pour la diminution du carbone avec les sommes versées aux provinces?

[Traduction]

M. MacAulay : Les sommes perçues seront versées aux provinces; c’est ce qui arrivera. Elles seront administrées par les ministres des Finances des provinces, et je ne saurais me prononcer au nom des provinces. Cependant, si les Canadiens demandent à savoir comment ces sommes devraient être dépensées, je suppose qu’il serait très difficile pour un gouvernement de ne pas réagir et préciser comment les sommes sont dépensées.

Mais je ne peux vous donner une réponse catégorique, parce que je n’en ai pas le pouvoir. Merci.

Le sénateur Mercer : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence. Vous êtes toujours le bienvenu à nos réunions de comité.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que dans le cadre du budget 2017, le gouvernement investit 70 millions de dollars sur six ans pour appuyer les sciences et l’innovation. Pouvez-vous nous donner un ou deux exemples de la forme que prendra cet investissement, à quel niveau et dans quel sens?

M. MacAulay : Merci, sénateur Mercer. Je suis un fervent partisan de la science, de l’innovation et de la recherche. Si nous allons faire des exportations de l’ordre de 75 milliards de dollars d’ici 2025, il nous faut faire en sorte que les scientifiques disposent de tout l’équipement que nous pouvons nous permettre de leur fournir. C’est ce que nous essayons de faire.

Une portion de cet argent ira aux universités, une portion sera consacrée à des études et une portion sera consacrée au matériel dont ont besoin les scientifiques. Il faut mettre à niveau les laboratoires pour que ceux-ci puissent servir à la recherche.

Sans aucun doute, je ne suis pas un scientifique et je ne sais pas ce qu’ils feront dans d’autres domaines. Peut-être que le sous-ministre pourrait vous donner davantage de renseignements à ce sujet.

De fait, c’est 100 millions de dollars — 70 et 30 — qui sont affectés. C’est très important.

Le canola est un excellent exemple. Nos scientifiques ont créé le canola. La recherche doit accomplir de telles choses. Nous devons tenter de produire des semences qui ont besoin de moins d’eau. Nous devons faire en sorte qu’à compter de maintenant — avec une agriculture de précision —, nous ne gaspillons plus d’engrais. J’ai été un agriculteur, et je me considérais un assez bon agriculteur, mais je gaspillais de l’engrais. Au fil des ans, j’ai toujours pensé qu’en en mettant un peu plus, on obtiendrait un meilleur rendement, mais le fait est que cet engrais n’est pas seulement gaspillé, il nuit à l’environnement.

Le sous-ministre aurait peut-être quelque chose à ajouter.

M. Forbes : Comme l’a précisé le ministre, avec les 70 millions de dollars annoncés spécifiquement dans le dernier budget, nous faisons fond sur nos travaux existants dans le domaine des terres et de la conservation de l’eau, et sur notre recherche visant à atténuer les effets du changement climatique ou à nous y adapter.

Le ministre a mentionné certaines des recherches auxquelles nous travaillons déjà sur le plan des récoltes ou du bétail, ainsi que sur les moyens d’améliorer ou de réduire l’empreinte environnementale.

Au cours des prochains mois, nos scientifiques s’attacheront à établir la priorité des recherches à venir. Comme l’a mentionné le ministre, cela porte sur les ressources humaines, l’équipement et les études collaboratives. Ils détermineront au cours des prochains mois comment prendre appui sur les programmes existants au moyen des 70 millions de dollars.

Le sénateur Mercer : Comme vous êtes là, monsieur le ministre, j’aimerais vous demander de nous parler du nouveau guide alimentaire. Nous savons que le Guide alimentaire canadien est en train d’être révisé. J’ai lu en octobre que les fonctionnaires d’Agriculture et Agroalimentaire Canada encouragent Santé Canada à changer sa formulation en éliminant les viandes rouges et les produits laitiers, le nouveau guide favorisant plutôt des sources de protéine plus végétales.

De plus, les régimes d’étiquetage semblent compliqués et pourraient nuire encore plus aux produits laitiers. Par exemple, si l’on prend les croustilles — et je sais que vous avez une grande expérience des pommes de terre —, celles-ci ne dépasseront pas les seuils de teneur en sodium, sucre et graisses saturées, et n’auront donc pas à être étiquetées en conséquence. Ça, c’est pour les croustilles. Si l’on prend le formage mozzarella, celui-ci se situerait au-delà du seuil de teneur en sodium et en graisses saturées et donc, il serait étiqueté comme tel.

Par conséquent, si l’on se fie à l’étiquette, le fromage serait une mauvaise chose, et les croustilles une bonne chose. Je sais que les habitants de l’Île seraient heureux pour les croustilles, mais si un consommateur se fie à l’étiquetage, il en déduirait naturellement que les croustilles sont meilleures pour sa santé que le fromage.

Est-ce logique, monsieur le ministre?

M. MacAulay : Merci, monsieur le sénateur. Comme vous le savez, et comme je l’ai précisé, cela relève du ministre de la Santé. J’ai eu un certain apport dans ce qui a été décidé, mais comme vous le savez, cela sera publié dans la Gazette et ce qui se produira sera exposé à l’opinion publique. Sans aucun doute, je veux que les Canadiens puissent exprimer leurs opinions sur ce qui est présenté. C’est pourquoi les choses sont publiées dans la Gazette.

L’opinion des Canadiens influe sur ce qui se produit à ce sujet et à n’importe quel autre sujet publié dans la Gazette afin de faire en sorte que c’est ce qu’ils veulent voir arriver.

Le sénateur Mercer : En tant qu’ancien producteur laitier, vous devez secouer la tête. Vous connaissez la qualité du produit que nous produisons au pays. Tout novice qui regarde l’étiquetage des croustilles et du fromage en retire que les croustilles ne sont pas mauvaises pour nous, mais que le fromage l’est. L’étiquetage ne dit pas que les croustilles sont bonnes, mais simplement qu’elles ne sont pas mauvaises.

Du point de vue marketing, ce n’est pas logique du tout. Je crois que l’effet sur notre industrie laitière entière au pays est négatif.

M. MacAulay : Vous avez certainement droit à votre opinion, et j’ai moi aussi droit à la mienne, mais le fait est — et c’est important de le souligner — que l’objectif ici est de faire en sorte que les Canadiens précisent, une fois les choses publiées dans la Gazette, exactement ce qu’ils pensent au sujet de ce qui leur est présenté.

Il serait difficile de prétendre que nous ne voulons pas que les renseignements soient fournis. Ce dont vous parlez porte sur la façon dont ils sont fournis, et c’est à ce niveau-là que les Canadiens doivent réagir après la publication dans la Gazette.

Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Woo : Merci, monsieur le ministre, d’être des nôtres ce matin.

Permettez-moi d’aller au cœur de ce que nous avons entendu des témoins de l’industrie dans notre étude sur l’impact du changement climatique sur l’agriculture et, vice versa, l’impact de l’agriculture sur le changement climatique. La question porte sur la façon dont le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques tiendra compte des circonstances spéciales du secteur agricole.

Pour plus de précision, comment le nouveau régime de tarification du carbone que le gouvernement instituera bientôt traitera-t-il les secteurs agricoles tributaires du commerce et exposés à la concurrence mondiale?

M. MacAulay : Ils seront traités comme n’importe quel autre secteur. Mais si vous vous demandez où iront les fonds recueillis par la tarification du carbone… est-ce de cela que vous parlez?

Le sénateur Woo : Non, pas vraiment…

M. MacAulay : Ils seront retournés à la province.

Le sénateur Woo : Je comprends ça. Certaines industries agricoles qui se considèrent comme étant tributaires du commerce et exposées à la concurrence mondiale nous ont dit qu’elles seraient défavorisées parce que leurs coûts seraient plus élevés que ceux de leurs concurrents mondiaux pour les marchandises vendues à des prix mondiaux, avec pour résultat le risque que leurs produits soient remplacés sur le marché mondial aussi bien que sur le marché canadien.

Un certain nombre de ces industries nous ont donc manifesté leur inquiétude de se trouver en position défavorisée. Nous aimerions savoir si le régime de tarification du carbone qui sera mis en place tiendra compte particulièrement de ces types d’industries qui sont tributaires du commerce et exposées à la concurrence mondiale.

M. MacAulay : Il aura des mesures spéciales relatives aux coûts de production qui défavorisent un producteur sur la scène mondiale. Est-ce bien ce que vous nous demandez?

Le sénateur Woo : C’est ce qu’on nous dit, oui.

M. MacAulay : Le fait est que dans la tarification du carbone, l’argent est retourné à la province et c’est à la province de décider comment elle veut traiter les effets que cette tarification a sur certains producteurs ou secteurs. Je passe la parole au sous-ministre pour tout renseignement qu’il aurait à ajouter.

M. Forbes : J’ai une ou deux choses. C’est un bon point. Nous avons souvent entendu l’industrie le soulever.

En ce qui concerne l’industrie agricole, ce sont les provinces essentiellement qui établissent le prix et le gouvernement fédéral prend la relève, comme vous le savez, dans les provinces où il n’y a pas de prix établi. La plupart des provinces offrent une exemption pour le carburant agricole, ce qui est une grande partie de l’impact qu’ils subiraient. C’est une première étape.

Là encore, laissant la conception aux provinces, j’utiliserai l’exemple de l’Alberta, où on parle beaucoup, en ce qui a trait aux secteurs tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions, de tenir compte de ces facteurs concurrentiels dans la conception, et c’est une chose importante. À mon avis, le fait que cela relève de la province permet à ces dernières de se concentrer sur les différentes industries à l’échelle du pays où les effets pourraient être différents.

Et pour ajouter au dernier point du ministre, pour les provinces, le fait d’avoir une tarification du carbone et de déterminer comment utiliser les fonds leur permet de compenser certains des problèmes de compétitivité précis qui se présentent. C’est une autre caractéristique de la conception ou de l’approche qui aide à atténuer certains de ces problèmes de compétitivité.

Le sénateur Woo : Par conséquent, les provinces pourront à la fois offrir des exemptions, par exemple, pour l’utilisation de l’énergie à la ferme, ainsi que d’offrir des ristournes aux utilisateurs de ces fonds pour l’innovation, l’investissement, la technologie, et ainsi de suite, mais c’est aux provinces de trouver les solutions?

M. Forbes : Oui. Mais là encore, je crois que le ministre a mentionné un certain nombre de programmes fédéraux, comme le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, et nous avons notre propre programme agricole qui n’est pas réservé à l’agriculture seulement, mais auquel le secteur de la transformation a aussi accès. Il y a d’autres sources de financement qui pourraient être utiles pour les entreprises ou les particuliers qui cherchent à réduire leur empreinte environnementale.

M. MacAulay : On peut dire que des programmes fédéraux vont faire en sorte qu’on s’attaque à la question du changement climatique et que des fonds fédéraux iront dans ce sens. Cela aidera aussi parce que nous avons des objectifs à atteindre et nous n’avons qu’une planète où vivre.

Le fait est que ces fonds iront au secteur sous différentes formes, comme vous le savez, mais quand ils reviennent à la province, comme le sous-ministre et moi-même l’avons indiqué, elle pourrait décider de les utiliser pour un projet d’innovation agricole ou de recherche. Qui sait?

Si nous voulons fixer un prix pour les émissions de carbone, c’est pour nous assurer que nous pouvons vivre sur cette planète.

Le sénateur Woo : Je vous remercie, monsieur le ministre.

Le sénateur Oh : Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence. Je suis désolé d’être en retard. Nous avions une réunion ministérielle du cercle arctique. C’est toujours un plaisir de recevoir deux ministres dans la même matinée.

Je tiens à vous remercier d’avoir dirigé la mission commerciale agricole en Asie, y compris en Chine. Des intervenants m’ont appelé après votre récent voyage en Chine pour me demander de vous remercier. Il est important que vous montriez l’exemple pour que le logo à la feuille d’érable se positionne bien en Chine. La Chine est notre deuxième partenaire commercial. Comme vous le savez, c’est le secteur privé qui exporte nos produits agricoles à l’étranger. Vous ouvrez donc la voie, ce qui aide beaucoup le secteur.

En tout cas, j’ai une question pour vous sur notre différend commercial avec l’Inde sur les légumineuses. Il dure depuis un moment, mais la situation s’est détériorée dernièrement pour la première fois depuis 2004. En novembre, l’Inde n’a pas accordé d’exemption au Canada au sujet de ses exigences de fumigation. Elle a également imposé un droit de 50 p. 100 sur les importations de pois secs et, juste avant Noël, elle a annoncé un droit à l’importation de 30 p. 100 sur les pois chiches et les lentilles.

Que fait le gouvernement pour régler ce différend?

M. MacAulay : Sénateur, je vous remercie. Je suis heureux d’être ici; je me demandais pourquoi vous étiez absent.

Pour ne rien arranger, l’Inde a ajouté, il y a quelques jours, 10 p. 100 aux 50 p. 100. Cela n’aide pas. En fait, elle a annoncé ce droit sans aucune consultation, non seulement avec le Canada, mais avec le reste du monde. Le sous-ministre peut probablement mieux expliquer la question de la fumigation, mais en fait, elle ne sert pas à grand-chose.

Voulez-vous en dire davantage à ce sujet?

Ce n’est pas efficace, mais il s’agit d’un problème commercial et on pourrait même parler d’obstacle au commerce, si on veut. Je suppose que c’est de cela qu’il s’agit.

M. Forbes : Nous avons expliqué à maintes reprises aux Indiens, et je crois que le fait est bien connu, que la fumigation qu’ils exigent n’est pas efficace en raison de notre climat. Nous étudions plusieurs mesures pour essayer de régler ces questions. Je dirais que le ministre peut parler davantage de ses annonces en début de semaine en Saskatchewan pour aider le secteur des légumineuses à diversifier ses marchés.

Évidemment, nous travaillons par l’intermédiaire d’Affaires mondiales Canada et, en Inde, pour défendre et expliquer notre position sur cette question. C’est un problème de longue date, mais nous ne relâchons pas nos efforts, en particulier sur la question de la fumigation.

En ce qui concerne la question des droits, l’OMC donne le droit au gouvernement indien d’imposer des droits de douane. Ce qui nous préoccupe, c’est la manière dont cela s’est fait, sans aviser les pays exportateurs. Nous soulevons certainement ce point et nous poursuivons aussi les pourparlers sur la fumigation en expliquant aux Indiens le système de salubrité des aliments au Canada et pourquoi c’est un bon système.

M. MacAulay : En effet, et j’ai assurément omis de mentionner qu’il y a quelques jours, je me trouvais dans la région des légumineuses en Saskatchewan, où nous avons annoncé une enveloppe d’un peu plus d’un demi-million de dollars pour aider le secteur à participer davantage dans ce pays à la production de différents produits, dans des domaines à valeur ajoutée et dans le marketing.

Il y a d’autres régions dans le monde où nous pouvons exporter des légumineuses et nous voulons nous assurer d’avoir tous les avantages possibles.

Je tiens à vous remercier et à souligner toute l’importance des missions commerciales. Vous avez participé à plusieurs d’entre elles et nous avons voyagé ensemble à l’occasion de certaines. Si on n’y va pas, quelqu’un d’autre y sera. C’est aussi simple que cela. L’enjeu est grand. Tout le monde investit. Bien des pays investissent dans la recherche et l’innovation, mais nous aussi.

Il est difficile de conserver une longueur d’avance. Les consommateurs se préoccupent plus de la traçabilité, du mode de production d’un produit, du bien-être animal et de tout ce que cela suppose. Il faut être toujours sur la brèche et nous ne ménageons pas nos efforts à cet égard. Je vous remercie.

Le sénateur Oh : Monsieur le ministre, j’ai une autre question.

Les pays de l’ANASE équivalent à 660 millions — comme l’Inde. Avez-vous suffisamment développé le marché dans les pays de l’ANASE? Ce marché est important.

M. MacAulay : Je suis entièrement d’accord. Nous travaillons dessus. Nous savons que le potentiel commercial est plus grand dans ces régions.

Nous travaillons d’arrache-pied. Je me rends au Japon et en Corée dans deux ou trois semaines. Il faut aller sur place pour dire aux importateurs dans le pays ce que vous avez à offrir. Les gens ne tarissent pas d’éloges sur la feuille d’érable — qui est fantastique —, mais ils doivent comprendre notre réglementation. Ils doivent savoir que si on mange un produit certifié par l’ACIA, il n’y a aucun risque à le manger. C’est reconnu dans le monde entier. Il est important que le gouvernement fédéral et tous les autres gouvernements veillent à ce que cela soit toujours reconnu dans le monde entier. C’est l’élément clé pour vendre des produits alimentaires dans le monde. Quand on mange un produit canadien certifié par l’ACIA, on sait qu’il est sans danger pour la consommation.

Le sénateur Doyle : Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence. Toutes les questions vraiment merveilleuses que j’allais vous poser l’ont déjà été. Je reviendrai donc sur une observation du sénateur Maltais.

Le Comité de l’agriculture a évoqué de manière informelle la possibilité de faire des mini-études, dont probablement une sur les effets de la culture du cannabis sur le secteur agricole. Est-ce qu’une telle étude aiderait le ministère de l’Agriculture à alimenter la base de connaissances? Ou est-ce qu’elle ferait double emploi avec ce que vos fonctionnaires font probablement déjà? Les scientifiques de votre ministère ont probablement de l’avance sur nous à ce sujet.

Pensez-vous que nous pourrions vous aider, en particulier en ce qui concerne la délivrance de permis de production artisanale, les petits producteurs et la sécurité, et les règles de sécurité qui ne semblent pas encore en place? Est-ce un domaine dans lequel nous pourrions aider votre ministère?

M. MacAulay : Certainement. Les comités constituent, bien entendu, un organisme en eux-mêmes. Vous êtes maîtres de votre propre destinée et c’est important. Par ailleurs, cela dépend de l’étude de comité dont disposent votre comité et la présidente. On peut se renseigner sur ce que le Comité de la Chambre a étudié, mais c’est évident. Le sénateur a soulevé une question sur le dossier du cannabis.

Bien souvent, quand on a une étude et qu’on fait appel à des experts, on découvre des choses dont il faudrait probablement s’occuper. Cependant, il est difficile de tout faire et, d’ailleurs, personne ne fait jamais tout. Si vous faites des études sur certains aspects, ce ne peut qu’être bénéfique pour la loi et pour les Canadiens en général. Je vous encouragerai certainement dans ce sens.

Le sénateur Doyle : Quand le gouvernement dit qu’il vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 80 p. 100 par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2050, n’est-ce pas un défi de taille, surtout vu nos piètres résultats dans le passé? Tous les gouvernements, quelle que soit leur affiliation politique, ont obtenu de très piètres résultats. Pouvons-nous vraiment essayer de réduire les émissions de GES de 80 p. 100 par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2050? Nous savons, bien sûr, que 2050, c’est dans 30 ans.

M. MacAulay : Vous savez, sénateur, les années passent vite. En vieillissant, elles semblent arriver vite. Tout d’abord, nous n’avons qu’une planète où vivre et la décision a été prise à l’échelle mondiale de s’attaquer à ces questions. Je vais laisser le sous-ministre continuer sur ce sujet, mais nous devons faire en sorte d’avoir un endroit où vivre et nous devons aussi continuer d’avoir des rapports avec d’autres pays dans le monde. Si on ne respecte pas les principes qu’appliquent les autres pays en général, je crois qu’on va au-devant de grosses difficultés.

M. Forbes : Ce sont des défis. Si je puis parler du secteur agricole, c’est là que se concentrent beaucoup de nos recherches. Quand on pense aux émissions du bétail et des cultures, on se tourne vers la technologie. Autrement dit, les végétaux que nous cultivons, la génétique de notre bétail et le fourrage que nous utilisons. Nous y travaillons. Est-ce que je crois que c’est possible? Oui. Notre objectif de recherche est de continuer de nous concentrer sur cet objectif. L’agriculture canadienne a réussi, au cours des 20 ou 30 dernières années, à faire baisser les émissions et à les réduire encore grâce à des puits dans les sols.

C’est un défi et c’est pourquoi la recherche continue. Nous poursuivons nos efforts et je pense que c’est faisable.

M. MacAulay : Je dois vous dire, sénateur, que je ne pense pas que c’était le problème que c’est devenu aujourd’hui quand vous et moi sommes arrivés ici.

Le sénateur Doyle : Non, pas il y a 20 ans.

M. MacAulay : La société pense que nous devons nous attaquer à ce problème. Nous en sommes là et nous traitons avec la communauté mondiale. Je ne prendrai pas plus de temps.

Le sénateur Doyle : Si nous voulons réduire les émissions de 80 p. 100, ne devrions-nous pas plutôt nous concentrer sur les émissions industrielles ou automobiles de GES? Le secteur agricole est une chose, mais il me semble qu’il ne cause pas vraiment la moitié des dégâts causés par le secteur industriel ou automobile. Si nous voulons vraiment planifier la réduction des émissions, des objectifs industriels et automobiles seraient meilleurs, à mon avis, mais qu’est-ce que j’en sais?

M. MacAulay : Vous en savez autant que tout un chacun, sénateur, et c’est ainsi. C’est pourquoi nous avons des réunions comme celle-ci.

Le fait est que, dans l’agriculture, nous innovons sûrement. J’ai été agriculteur toute ma vie avant de me retrouver ici. Nous avons changé nos pratiques à bien des égards, par exemple avec les engrais de précision, les techniques sans labour et beaucoup d’autres investissements. Les émissions de méthane d’origine animale représentent à elles seules un gros problème à régler. L’empreinte du verre de lait a diminué — je crois de 10 p. 100 — par rapport à il y a tout juste quelques années. Il s’est passé beaucoup de choses. Je ne suis pas le ministre chargé de ce dossier, mais je joue certes un rôle.

Le secteur agricole fait certainement sa part jusqu’ici, principalement parce que, quand on est agriculteur, il faut être homme d’affaires pour survivre. Il faut savoir qu’on doit prendre soin de ses terres. Autrement, elles ne nous nourriront pas. C’est aussi simple que cela. J’utilisais plus d’engrais que je n’aurais dû il y a 40 ans. La recherche le montre.

J’aimerais vous donner un exemple. Les saules plantés le long d’un ruisseau à l’Île-du-Prince-Édouard par Agriculture et Agroalimentaire Canada absorbent les nutriments qui n’ont pas été utilisés dans un champ de pommes de terre. Ils seront transformés en paillis, puis rendus à la terre. C’est formidable parce que cela représente des économies pour l’agriculteur. C’est un des nombreux projets qu’on peut réaliser. Et c’est aussi très bon pour l’environnement. Nous pouvons faire beaucoup de choses. Il est important, toutefois, de mentionner que les agriculteurs font leur part et continueront de la faire. Mais je vous remercie, sénateur.

La présidente : Nous avons encore trois personnes dans la première série, mais il ne nous reste que 10 ou 11 minutes. Je vous demande donc de bien vouloir être concis dans vos questions.

La sénatrice Gagné : En novembre dernier, vous avez publié les détails du Partenariat canadien pour l’agriculture, entente de 3 milliards de dollars sur cinq ans conclue avec les provinces et territoires.

En quoi ce cadre stratégique est-il différent du précédent, Cultivons l’avenir 2? Pouvez-vous nous préciser ces différences, surtout en ce qui concerne ce que vous ferez pour aider les agriculteurs à s’adapter aux nouvelles réalités du changement climatique?

M. MacAulay : Les détails de l’attribution des fonds seront annoncés sous peu. Évidemment, comme vous le savez, nous faisons de l’environnement un point clé.

Autre élément important, les femmes dans l’agriculture. Les Autochtones dans l’agriculture, aussi. Ce sont des questions qui seront traitées.

Il n’y a pas de fonds supplémentaires, mais une réaffectation de fonds. Les 13 provinces et territoires et moi-même sommes parvenus à une entente, et nous avons décidé de procéder ainsi.

Toutes les provinces comprennent que nous devons régler ces questions, et c’est ce que vous verrez dans le nouveau programme de PCA. Mais on veillera à ce que les femmes et les Autochtones participent et à ce qu’on s’occupe de l’environnement.

On ne peut toutefois dicter les choix. Ce sont les provinces, les territoires et le gouvernement qui décident. Il y a un financement fédéral direct de 1 million de dollars sur lequel nous avons notre mot à dire. Mais pour le reste des fonds, c’est 60 p. 100 — 40 p. 100 avec les provinces. Il s’agit donc d’une entreprise provinciale, fédérale et territoriale.

Il ne fait aucun doute que la question environnementale sera aussi centrale que possible.

Le sénateur Pratte : Dans la même veine, comme on l’a dit en réponse aux questions du sénateur Woo, la plupart voire toutes les provinces qui ont une taxe ou un système de taxe sur le carbone exemptent les agriculteurs pour le carburant consommé dans leur exploitation. Il en va de même du filet de sécurité fédéral dont sont aussi exemptés les agriculteurs pour le carburant qu’ils consomment. Il est donc particulièrement important, selon moi, d’avoir de solides incitatifs parce que les agriculteurs ne sont pas visés par le système de taxe sur le carbone.

Je ne suis pas certain de connaître tous les programmes, mais je sais que le programme d’atténuation des gaz à effet de serre pour le secteur agricole canadien est doté de 27 millions sur cinq ans. Je crois comprendre qu’il existe un autre programme que je ne connaissais pas pour les technologies propres dont vous parliez, doté de 25 millions de dollars, mais je ne sais pas sur combien d’années.

M. Forbes : Cinq ans.

Le sénateur Pratte : Le financement est également sur cinq ans.

Disons que cela fait 50 millions de dollars sur cinq ans. Très bien, mais ce n’est pas beaucoup, étant donné le nombre de producteurs agricoles au Canada.

Est-ce que cela fait partie du nouveau partenariat? Y aura-t-il plus de fonds pour ces programmes?

Comme je l’ai dit, il faut un système incitatif solide si on veut aider les agriculteurs à adopter de meilleures pratiques pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

M. MacAulay : Ils feront partie du programme du PCA.

M. Forbes : Ils s’y ajouteront.

M. MacAulay : En effet.

Il est très difficile d’avoir assez d’argent. Je serai surpris d’entendre quelqu’un dire le contraire. J’ai été assis des deux côtés de la table et je connais les dossiers. Il est toujours difficile de dire qu’on a assez d’argent.

Mais les programmes dont vous parlez — les 27 millions de dollars du programme d’atténuation des gaz à effet de serre pour le secteur agricole canadien donnent en fait des résultats. Par exemple, à Lacombe, en Alberta, les chercheurs ne travaillent pas le sol pour le fourrage. Il n’est pas rentré l’hiver. Ils ne font pas de ballots de foin ni rien. Cela donne des résultats remarquables en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Tellement de programmes doivent être mis en place pour que nous respections nos obligations.

Oui, ces programmes s’ajoutent au PCA, et la recherche revêt aussi une importance primordiale, car 100 millions de dollars de recherche aident énormément à créer des semences, par exemple, qui demandent moins d’engrais, d’eau et ainsi de suite.

C’est la voie dans laquelle nous nous sommes engagés à Agriculture et Agroalimentaire Canada et au gouvernement.

Le sénateur Pratte : Je ne veux pas susciter de controverse, mais quelle est la logique de l’exemption du carburant consommé dans les exploitations agricoles dans ces régimes de taxe sur le carbone?

M. MacAulay : Elles sont obligées d’utiliser du carburant pour produire.

Le sénateur Pratte : Mais c’est le cas de beaucoup d’autres secteurs d’activité et des millions de Canadiens consomment du carburant dans des occupations quotidiennes et des entreprises. Alors, pourquoi les agriculteurs sont-ils exemptés?

M. MacAulay : Ma préoccupation, ce sont les agriculteurs, et je veux faire en sorte qu’ils fassent au moins jeu égal avec leurs concurrents, sinon mieux, dans la mesure du possible. C’est parfois difficile à mettre en place.

Quant aux autres éléments touchés par le prix sur le carbone, le gouvernement a la possibilité de les refinancer, de créer un programme ou autre chose.

Le but, c’est un environnement plus propre et un secteur agricole plus solide. Nous avons continué dans cette voie, par exemple, pour la production laitière et bovine. De quelque section que vous parliez, c’est ce que nous avons fait. Il faut continuer de le faire en accélérant encore le pas.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je suis le dernier à poser des questions, mais il est écrit dans la Bible que les derniers seront les premiers. Monsieur le ministre, vous avez parlé du commerce international avec l’Asie, et c’est important. Par contre, on sait que la proximité est toujours aussi importante dans le cas des matières périssables. Donc, les États-Unis doivent demeurer notre premier partenaire. Évidemment, je ne peux pas m’empêcher de vous parler des négociations avec l’ALENA alors que plusieurs questions demeurent en suspens. Il faut garder nos prix concurrentiels malgré notre réglementation et protéger la gestion de l’offre.

Votre gouvernement a dit qu’il allait protéger la gestion de l’offre. Les producteurs canadiens s’attendent toujours à plus de précisions et veulent être rassurés. Je comprends que vous n’êtes pas ministre des Affaires étrangères, mais pouvez-vous nous dire concrètement où vous en êtes sur la question de la gestion de l’offre?

[Traduction]

M. MacAulay : Je vous remercie, sénateur. Depuis le premier jour, je défends le système de gestion de l’offre. J’ai mentionné que c’est un modèle pour le reste du monde, et c’est vrai. Je suis allé partout en Amérique du Nord et ai pris la parole à de grandes conférences avec des agriculteurs et nos représentants agricoles aux États-Unis. On est très favorable à l’ALENA dans ces régions.

J’ai également demandé publiquement aux États-Unis ce qu’ils pouvaient faire pour remédier à la situation dans leur industrie laitière. Il faut se montrer assez prudent dans les déplacements à l’étranger, mais j’y ai dit ce que j’ai dit ici, et je l’ai dit ailleurs aussi dans le monde. Mais au bout du compte, j’ai également dit qu’il est difficile de trouver un remède à la surproduction. Mes propos ont été bien accueillis par l’assemblée dans laquelle je me trouvais.

Le secteur agricole soutient sans aucun doute fermement l’ALENA. Je connais très bien Sonny Perdue. C’est un partenaire commercial. Je le considère comme un ami. Il en comprend très bien l’importance. L’ALENA même a permis de quadrupler les exportations agricoles dans tout le pays. C’est donc un énorme atout pour les agriculteurs. Quand on entend dire qu’on pourrait le déchirer, c’est une source d’inquiétude.

Sénateur, je ne peux pas vous dire ce qu’il va advenir de l’ALENA. Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous ne signerons pas un accord qui ne sera pas bénéfique pour le Canada. Nous ne signerons pas un accord qui nous nuira. Nous nous sommes fixé ce cap et nous le tiendrons. Cela me semble logique.

Il reste à voir, cependant, dans quelle direction on ira. Beaucoup de questions se profilent à l’horizon dans le commerce — mi-mandats et autres. Il faudra voir comment les choses évoluent.

Je dois dire — et il faut lui rendre honneur — que le Canada a tellement de chance d’avoir la fonction publique qu’il a. Notre fonction publique n’est pas politique. Nos négociateurs sont tout à fait hors pair. Il faut être quelqu’un de spécial pour être négociateur commercial à ces niveaux.

La tâche n’est pas aisée, et force est de les féliciter de garder le cap.

Voilà où nous en sommes par rapport à l’ALENA. Il me semble ne vous avoir rien dit, en gros, si ce n’est que nous ne céderons pas. Voilà tout.

La présidente : Il est 10 heures et le ministre a un autre engagement.

Je remercie le ministre et son sous-ministre de leur présence aujourd’hui. La discussion était très intéressante.

M. MacAulay : Sénatrice Griffin, c’est un plaisir de comparaître devant votre comité.

La présidente : Je vous remercie.

(La séance est levée.)

Haut de page