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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 3 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour étudier la teneur du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir. Je tiens à remercier tous les sénateurs et membres du public qui regardent la présente réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, soit ici même, dans la salle, à la télévision ou sur le Web. Je tiens à reconnaître par souci de réconciliation que nous nous réunissons sur les terres traditionnelles non cédées du peuple algonquin. Je m’appelle Lillian Dyck. Je viens de la Saskatchewan et j’ai l’honneur et le privilège de présider le comité.

Ce soir, nous poursuivons notre étude préalable du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones. Avant de commencer, j’invite mes collègues sénateurs à se présenter, en commençant par le vice-président à ma droite.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, Alberta.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Patterson : Dennis Glen Patterson, du Nunavut.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, Traité no 10, région du Manitoba.

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, Manitoba.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, territoire du Traité no 6, Alberta.

La sénatrice Pate : Kim Pate, Ontario.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sandra Lovelace Nicholas, Nouveau-Brunswick.

La présidente : Merci mesdames et messieurs les sénateurs.

Ce soir, je tiens à souhaiter la bienvenue au comité à Mme Claudette Commanda, directrice exécutive de la Confédération des centres éducatifs et culturels des Premières Nations, et Mme Lorena Sekwan Fontaine, responsable universitaire, Affaires autochtones, et professeure agréée de l’Université de Winnipeg. Nous avons d’autres témoins qui participent par vidéoconférence, et ils sont tous attentifs et souriants. Bonsoir. Merci d’avoir pris le temps de nous rencontrer ce soir. Par vidéoconférence, nous accueillons Mme Tracey Herbert, chef de la direction du First Peoples’ Cultural Council. Elle est accompagnée de Suzanne Gessner, linguiste en recherche et développement.

Claudette Commanda, directrice exécutive, La Confédération des centres éducatifs et culturels des Premières Nations : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis très honorée d’être ici pour parler au nom de la Confédération des centres éducatifs et culturels des Premières Nations au sujet de notre position relativement au projet de loi C-91.

Je présente mon exposé au nom de la Confédération des centres éducatifs et culturels des Premières Nations. Notre organisation a été créée en 1972. Il s’agit d’une organisation nationale sans but lucratif contrôlée par les Premières Nations, née du contrôle de l’éducation des Indiens par les Indiens. Nous comptons parmi nos membres une cinquantaine de centres culturels communautaires situés partout au Canada. Nous représentons la diversité linguistique et culturelle des Premières Nations et nous desservons plus de 400 collectivités des Premières Nations partout au pays.

Notre mandat est d’assurer la promotion, la protection, la revitalisation et le maintien des langues, des cultures et des traditions des Premières Nations. Nous élaborons et exécutons des programmes dans les langues et les cultures respectives de nos communautés. Nous sommes indépendants de l’Assemblée des Premières Nations et de toute autre entité politique. Notre organisation est fondée sur les Premières Nations et mise sur des centres culturels communautaires. En outre, nous sommes titulaires de droits inhérents et de droits issus de traités.

Notre organisation appuie la Loi sur les langues autochtones. Cependant, nous sommes grandement préoccupés par le projet de loi C-91.

La CCECPN n’a pas participé à l’élaboration de la loi sur les langues. Le ministère du Patrimoine canadien a reconnu l’expertise bien établie de notre organisation et l’a appuyée dans l’organisation de sa propre séance de mobilisation pour les centres culturels et les experts communautaires en langues. À la suite de notre séance nationale de mobilisation, notre organisation a formulé collectivement des recommandations clés qui constituent des éléments nécessaires de la loi sur les langues. Je crois que vous avez tous reçu une copie de notre rapport. Je vais vous présenter cinq recommandations.

Premièrement, c’est le besoin d’avoir une loi linguistique fondée sur la distinction. Le projet de loi ne peut pas être une approche panautochtone.

Le financement ne doit pas être axé sur des propositions ou des projets. Nos langues ne doivent plus être considérées ou administrées comme des projets.

Le financement doit être protégé par la loi et être un financement de base permanent et adéquat pour chaque collectivité des Premières Nations.

La mise en œuvre de la loi, de ses règlements et des fonds pour les langues doivent appartenir aux collectivités des Premières Nations qui doivent aussi en assurer le contrôle en plus d’y avoir accès et d’en avoir la possession.

La CCECPN doit participer pleinement à la mise en œuvre de la loi et elle doit jouer un rôle de premier plan au sein de la commission linguistique et de tout programme issu de la loi, y compris la création, la mise en œuvre et les activités de la commission.

Il devient évident que le projet de loi C-91 ne ressemble guère aux recommandations que notre organisation a faites à Patrimoine Canadien.

Ce qui nous préoccupe dans le projet de loi C-91, c’est ce qu’il contient et ce qu’il ne contient pas.

Leprojet de loi ne contient pas la reconnaissance des langues des Premières Nations comme étant les premières langues, les langues originales. Il ne contient pas une disposition prévoyant la quantité de financement devant être investie dans les langues. Il ne contient pas une disposition sur la protection des langues. Il ne contient pas une disposition sur la protection du financement. Essentiellement, le projet de loi C-91 ne contient pas une disposition qui oblige le gouvernement à financer de façon permanente les langues autochtones.

Nous sommes préoccupés par ce que contient le projet de loi. Le préambule compte 18 paragraphes qui parlent de l’importance des langues autochtones et de la participation des Autochtones à la protection et la promotion de ces langues. Le préambule est la meilleure partie du projet de loi, mais nous savons qu’il n’a pas le même pouvoir que les dispositions de fond du projet de loi. En fait, il y a un seul endroit dans le préambule où l’on parle d’un engagement à l’égard d’un financement adéquat, durable et à long terme.

Voici les éléments indispensables. Il faut retirer cinq paragraphes du préambule et les intégrer dans les objets de la Loi. Ces paragraphes sont ceux qui portent les numéros 10, 11, 12, 13 et 14.

Je veux commencer par souligner le paragraphe le plus important, le 14 :

que le gouvernement du Canada s’est engagé à octroyer un financement adéquat, stable et à long terme en ce qui touche la réappropriation, la revitalisation, le maintien et le renforcement des langues autochtones.

Le paragraphe 14 doit être la première phrase de l’article 5.

De plus, les paragraphes 10, 11, 12 et 13 doivent aussi être intégrés dans l’article 5, « Objets de la Loi ».

L’alinéa 5d) parle de :

[…] mettre en place des mesures visant à faciliter l’octroi d’un financement adéquat, stable et à long terme en ce qui touche la réappropriation, la revitalisation, le maintien et le renforcement des langues autochtones.

Cependant, le problème de cet article, c’est que le fait d’établir des mesures n’est pas un engagement de financement, et on ne peut pas savoir clairement qui sera admissible à un financement ni de quelle façon le financement sera réparti et distribué entre les trois groupes autochtones : les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Cette incertitude soulève des préoccupations parce que le projet de loi ne définit pas de quelle façon le financement sera attribué. En outre, il peut être interprété comme prévoyant du financement qui sera accessible à des organisations et des groupes non autochtones. Est-ce que ce sera le cas?

Le projet de loi contient un libellé vague et des incertitudes. Par exemple, l’article 2, « Définitions », porte que :

corps dirigeant autochtone Conseil, gouvernement ou autre entité autorisée à agir pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones titulaires de droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Quelle est la définition de « autre entité »? Qui détermine ce en quoi consiste une « autre entité »? Est-ce que cela ouvre la voie à des entités qui s’autoidentifient? Que signifie « autoriser »? Qui détermine ce que « autoriser » voudra dire?

Autre exemple : le mot « divers » utilisé aux articles 7, 13, 15 et 16 en référence aux gouvernements autochtones et autres corps dirigeants autochtones. Qu’entend-t-on par « divers »? On ne sait pas exactement qui sont ces divers gouvernements autochtones et autres corps dirigeants autochtones. Ici, encore une fois, la question qu’on peut se poser est la suivante : cela ouvrirait-il la porte à des gens qui s’autoidentifient et qui se présentent comme étant des gouvernements ou des organisations autochtones?

Le projet de loi mentionne également le fait que le ministre doit ou peut consulter des Autochtones. La consultation n’est pas la même chose que le consentement. Cela peut simplement vouloir dire qu’il faut tenir une discussion, puis le gouvernement fait ce qu’il veut. Des articles devraient être modifiés pour exiger le consentement des Premières Nations en ce qui a trait au financement à long terme de leur langue et la nomination d’un commissaire et des administrateurs.

Le projet de loi contient aussi des incohérences, comme l’article 25 « Soutien offert par le Bureau ». Il n’inclut pas l’expression « organisme autochtone », mais les articles précédents l’incluent, comme l’alinéa 5e) et les articles 7, 8, 13, 15 et 23, puis l’article 26 inclut à nouveau les « organismes autochtones ». Notre question est la suivante : pourquoi l’article 25 ne mentionne-t-il pas les « organismes autochtones »? Quelle est la raison pour avoir omis la mention des « organismes autochtones » à l’article 25?

Le projet de loi devrait être fondé sur les distinctions. Le projet de loi réunit tous les Autochtones sans distinction. Les Premières Nations comptent plus de 635 collectivités parlant plus de 60 langues et dialectes. Nous devons reconnaître la distinction entre les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Il n’y a aucune mention du besoin d’honorer et de protéger les traités dans les dispositions de fond du projet de loi.

L’alinéa 5c) précise que le projet de loi C-91 permettra :

de mettre en place un cadre facilitant l’exercice effectif des droits des peuples autochtones relatifs aux langues autochtones [...]

Cependant, les Premières Nations ont le droit à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale. Par conséquent, ni le gouvernement fédéral ni quelque autre organisme ne peuvent imposer un cadre à la façon dont les Premières Nations peuvent exercer leurs droits linguistiques. Il revient aux Premières Nations de déterminer leurs propres lois linguistiques et la façon d’exercer les droits.

En plus des éléments susmentionnés à l’article 4 relativement à la recommandation d’engagement, nous recommandons aussi de ne pas dédoubler les structures actuelles ni de créer de nouvelles bureaucraties. Il est crucial que le financement ne doive pas revenir aux organisations politiques, et la terminologie du projet de loi doit être renforcée pour y donner du mordant. Il devrait y avoir des commissaires autochtones distincts : un qui représente les Premières Nations, un qui représente les Inuits et l’autre qui représente les Métis. Le mandat et les priorités du Bureau du commissaire devraient venir des Premières Nations, pas de la loi fédérale.

Nous avons préparé des amendements au projet de loi C-91.

Premier amendement : un amendement qui crée un groupe autochtone définissant les critères pour recommander des candidats adéquats au poste de commissaire.

Deuxième amendement : un amendement permettant de déterminer les montants du financement ainsi que d’affirmer et de garantir le financement et la protection d’un financement permanent et durable.

Troisième amendement : un amendement qui porte sur le versement et la distribution du financement aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis et sur les mécanismes de versement du financement aux collectivités.

Quatrième amendement : un amendement qui reconnaît clairement le droit des Premières Nations d’adopter leurs propres lois linguistiques en vertu de leur propre autorité inhérente.

Cinquième amendement : un amendement visant à inclure les traités en vertu duquel le respect et la protection des traités doivent figurer à l’article 5, les Objets de la Loi.

Sixième amendement : un amendement qui garantit que le financement n’est pas axé sur les propositions, mais qu’il s’agit d’un financement de base pour les collectivités des Premières Nations et les organisations linguistiques et culturelles bien établies des Premières Nations. En conclusion, l’expertise des centres culturels est centrale à la protection des langues, à leur renforcement, à la santé culturelle et à la création d’une identité culturelle forte chez les enfants et les jeunes. L’enrichissement de la santé communautaire et de l’estime de soi des jeunes des Premières Nations dépend de la transmission du savoir des aînés vers les jeunes. C’est la raison primordiale pour laquelle la survie des langues et des cultures est essentielle.

Comme l’a déclaré l’aîné Ojibwa feu Elmer Courchene : « Si nous ne revitalisons pas nos langues, nous perdrons l’esprit du peuple; nous voulons sauver nos langues pour la survie future de nos prochaines générations ». C’est pourquoi notre organisation et notre travail demeurent inébranlables.

Le tout respectueusement soumis, chii megwetch. Je vous remercie.

Lorena Sekwan Fontaine, responsable universitaire, Affaires autochtones, et professeure agrégée, Université de Winnipeg, à titre personnel : Je tiens à remercier le Sénat de m’avoir invitée ce soir. Je suis très honorée d’être ici.

Même si j’ai passé un certain nombre d’années à étudier et à écrire sur le sujet, l’expertise la plus importante que j’ai est très personnelle. Mes parents et mes grands-parents ont été forcés de fréquenter des pensionnats au Manitoba et en Saskatchewan. Cette expérience a eu une incidence négative sur la transmission de nos langues ancestrales. L’impact continue de se faire sentir aujourd’hui dans le système d’éducation dominant, où les enfants autochtones n’ont pas le droit d’être éduqués dans leurs langues ancestrales.

J’ai travaillé en collaboration avec trois personnes que je tiens à mentionner parce que c’est vraiment notre travail collectif qui étaye l’exposé que je présente ce soir.

Le premier est M. Fernand de Varennes, le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des minorités qui a tout récemment préparé un guide des Nations Unies sur l’application des droits linguistiques. J’ai aussi travaillé en collaboration avec Andrea Bear Nicholas et David Leitch, qui ont une expertise et des connaissances sur les droits linguistiques et la revitalisation des langues. Ils ont tous les deux publié des articles et prononcé des discours sur ces sujets un peu partout au pays et à l’échelle internationale. C’est notre expertise collective qui fonde ce que je m’apprête à vous dire.

Le point principal sur lequel je vais mettre l’accent ce soir, c’est le fait que le projet de loi C-91 doit reconnaître et affirmer le droit de la transmission linguistique intergénérationnelle grâce à des écoles publiques financées où les langues autochtones sont enseignées et où, possiblement, elles sont utilisées comme langue d’enseignement. Je vais appuyer ce point principal sur trois choses.

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dit clairement que les Autochtones et leurs enfants ont le droit à une éducation dans leur langue ancestrale. Cela inclut l’obligation pour le gouvernement de prendre des mesures efficaces, à l’intérieur ou à l’extérieur de leur collectivité. L’éducation de la plupart des enfants autochtones dans les écoles se passe en anglais ou en français, et c’est la principale cause de l’érosion continue des langues autochtones au Canada. Cette réalité est soutenue de façon écrasante par les recherches réalisées à l’échelle internationale.

Le Canada possède une grande expertise en matière de droits linguistiques. Les droits linguistiques des minorités sont enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés depuis 27 ans. Une leçon importante à tirer de cette histoire, c’est que les droits linguistiques existent pour protéger et promouvoir les collectivités linguistiques, mais ce sont des particuliers qui en jouissent et qui en assurent l’application. Ces droits génèrent aussi des obligations positives de la part du gouvernement.

L’objet de l’article 23 de la Charte des droits et libertés a été souligné par la Cour suprême du Canada, qui en a défini l’objectif ainsi :

de maintenir les deux langues officielles du Canada et les cultures qu’elles représentent et de favoriser l’épanouissement de chacune de ces langues, dans la mesure du possible, dans les provinces où elle n’est pas parlée par la majorité. L’article cherche à atteindre ce but en accordant aux parents appartenant à la minorité linguistique des droits à un enseignement dispensé dans leur langue, partout au Canada.

À l’extérieur du Canada, des pays de partout dans le monde ont légiféré le droit des enfants à une éducation dans leur langue ancestrale. Le droit de transmettre la langue aux enfants grâce à l’éducation est reconnu dans la loi en Bolivie, en Norvège, en Finlande, aux Philippines et au Pérou.

Aujourd’hui, il y a une demande accrue d’éducation des langues autochtones au Canada. Je travaille dans une université où nos cours sont maintenant remplis d’étudiants qui veulent parler couramment leur langue. Hier soir, j’ai reçu un courriel d’un enseignant de la langue crie en Saskatchewan m’informant qu’il n’y avait plus de places disponibles dans un camp linguistique cri auquel je voulais participer avec ma fille cet été. J’ai été informée que toutes les places du camp ont été vendues en deux heures. Les cours de langue à l’université où j’enseigne ont dû être offerts à différents moments pour que les membres des collectivités et leur famille puissent apprendre le cri et l’ojibwa. Le débordement de ces cours a mis de la pression sur les professeurs de langue du Manitoba. Des étudiants de niveau universitaire de partout au pays demandent plus de cours en langues autotchones. Plus de personnes veulent aussi réussir à parler couramment la langue.

Cependant, la réalité à laquelle nous sommes confrontés à l’heure actuelle, c’est que les personnes qui parlent notre langue, nos ressources linguistiques, vieillissent, et la plupart d’entre eux ont plus de 60 ans. Dans cinq à dix ans, nous pourrions avoir perdu la majorité de nos locuteurs. Si cela se produit, nos langues disparaîtront. Nous devons commencer à produire des locuteurs.

Notre défi à l’heure actuelle, c’est que nous avons besoin de programmes de formation en langues autochtones. Nous avons besoin de soutien pour accréditer les enseignants et leurs adjoints relativement à des méthodes d’enseignement appropriées sur le plan culturel. Nous devons soutenir nos programmes d’immersion actuels.

Au Manitoba, nous sommes confrontés à une crise associée au manque d’enseignants de langues. De façon générale, les membres de la plupart des collectivités des Premières Nations ne parlent pas leur langue à la maison, et nos systèmes d’éducation doivent jouer un rôle crucial dans la revitalisation de nos langues.

J’ai été perplexe au cours des deux ou trois dernières années durant l’élaboration du projet de loi parce qu’on n’a pas mis l’accent sur les droits linguistiques liés à l’éducation des enfants autochtones. Je suis aussi perplexe qu’on ne demande pas que ce droit soit reconnu par le gouvernement. On en parle très peu dans les nouvelles et très peu dans les journaux locaux, et je me demande souvent si on ne bute pas sur la question de savoir si un peu c’est suffisant pour les Autochtones.

J’ai vu d’autres pays où les jeunes Autochtones et d’autres jeunes sont descendus dans la rue pour demander que leur langue soit enseignée dans les écoles. J’ai participé à un rassemblement au pays de Galles, l’année dernière, et j’ai parlé à un certain nombre de jeunes qui ont dit que c’étaient leurs parents qui ont demandé que leurs droits soient enseignés à l’école et à veiller à ce que leurs enfants aient le droit d’être éduqués en gallois.

Je suis surpris qu’il n’y ait pas un réel tollé, ici, parce que nos langues meurent.

Je tiens aussi à souligner que la transmission intergénérationnelle est seulement possible pendant encore cinq ou 10 ans dans la plupart des collectivités, parce que les locuteurs vieillissent. Nos priorités doivent être de créer des locuteurs. Nous avons besoin d’enseigner la langue à nos enfants, et, sans éducation, nous allons perdre nos langues. Meegwetch.

Tracey Herbert, chef de la direction, First Peoples’ Cultural Council : Nous tenons à souligner que nous sommes sur le territoire traditionnel du peuple parlant la langue lekwungen ici, à Victoria, en Colombie-Britannique.

Nous tenons à remercier le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones de l’invitation à parler de ce projet de loi important. Je m’appelle Tracy Herbert, et je suis membre de la Première Nation des St’uxwtews de la nation Secwepemc. J’ai le privilège d’être la chef de la direction du First Peoples’ Cultural Council, ici même, à Victoria.

The First Peoples’ Cultural Council est une société d’État dirigée par les Premières Nations dont le mandat est de soutenir la revitalisation des arts, des langues et de la culture des Premières Nations en Colombie-Britannique. L’organisation fournit du financement, des ressources et de la formation aux collectivités et surveille le statut des langues des Premières Nations en Colombie-Britannique. Nous avons aussi réalisé une recherche sur la revitalisation linguistique et prodigué des conseils techniques et formulé des recommandations stratégiques aux dirigeantes et dirigeants et gouvernements des Premières Nations.

Permettez-moi de commencer en disant que, depuis de nombreuses années, les Autochtones demandent une loi pour protéger leur langue. Je suis heureuse d’être ici aujourd’hui pour discuter avec vous de la façon dont nous pouvons travailler en collaboration pour renforcer le projet de loi C-91 afin que la loi puisse soutenir le travail que nous devons faire en tant que Canadiens pour revitaliser les langues qui viennent du territoire qu’on appelle maintenant le Canada.

La présentation du projet de loi C-91 est un pas concret vers la réconciliation du gouvernement du Canada. Aujourd’hui, nous voulons promouvoir un amendement clé au projet de loi actuel. Cet amendement permettrait de renforcer la loi et de faire en sorte qu’elle réponde mieux aux besoins des collectivités et des langues autochtones, maintenant et à l’avenir.

L’engagement consistant à fournir un financement adéquat, durable et à long terme pour la réappropriation, la revitalisation, l’entretien et le renforcement des langues autochtones est crucial. Dans notre exposé au Comité permanent du patrimoine canadien, nous avons, de pair avec d’autres témoins, recommandé un certain nombre d’amendements. Certaines recommandations des témoins ont été retenues par le comité, et d’autres, non.

À ce moment-ci du processus, nous devons souligner le fait que l’article 7 n’est pas adéquat. C’est la seule chose sur laquelle nous voulons mettre l’accent aujourd’hui. D’après ce que nous avons compris, le libellé modifié actuel de l’article 7 est le suivant :

Le ministre consulte divers gouvernements autochtones et autres corps dirigeants autochtones ainsi que divers organismes autochtones en vue d’atteindre l’objectif d’octroyer un financement adéquat, stable et à long terme en ce qui touche la réappropriation, la revitalisation, le maintien et le renforcement des langues autochtones.

L’article 7 décrit le processus de consultation non précis que le ministre doit réaliser afin d’atteindre l’objectif de fournir du financement. Nous prévoyons que le processus tel qu’il est décrit empêchera une répartition efficace et efficiente du financement, puisque le projet de loi C-91 crée seulement l’obligation pour le ministre du Patrimoine canadien de tenir des consultations sur l’objet du financement sans créer d’obligation quant au montant de financement à fournir.

Nous demandons un changement pour garantir un soutien financier à long terme pour nos langues. Nos aînés, nos gardiens du savoir, nos locuteurs, nos enseignants, nos apprenants et ceux qui ont une expertise et qui affichent un engagement doivent avoir accès à des ressources. Au bout du compte, la loi doit garantir des investissements qui répondent aux besoins des collectivités autochtones et qui sont protégés contre les intérêts changeants du gouvernement.

Nous recommandons l’amendement suivant à l’article 7 : le ministre doit financer une stratégie nationale sur les langues autochtones afin d’atteindre l’objectif d’octroyer un financement adéquat, viable et à long terme en ce qui touche la réappropriation, la revitalisation, le maintien et le renforcement de chaque langue autochtone au Canada.

Notre organisation a réalisé une recherche internationale sur les politiques linguistiques autochtones dans 10 pays afin de cerner la corrélation entre les différents aspects des lois sur les langues autochtones et les dépenses gouvernementales en matière de revitalisation des langues autochtones. Le fait d’avoir un plan d’action défini ou une stratégie linguistique dans le cadre de la loi est un facteur prédictif présentant une corrélation positive et négative avec des niveaux élevés et faibles de dépenses gouvernementales respectivement. Une stratégie linguistique fournit aussi un cadre de mesure et d’évaluation solide de l’efficacité des mesures prises. On s’assurera ainsi que les investissements du gouvernement sont utilisés sagement. De plus, nous recommandons la création d’une organisation nationale responsable des langues autochtones qui travaillera en collaboration avec le ministre pour élaborer la stratégie et le cadre de financement.

On nous demande tout le temps si nous avons une idée de ce que signifie l’engagement de fournir un financement adéquat, durable et à long terme. Le budget fédéral a été produit le 19 mars, et on peut y lire ce qui suit :

Pour appuyer la mise en œuvre de la Loi concernant les langues autochtones proposée, le budget de 2019 propose d’investir 333,7 millions de dollars au cours des cinq prochaines années, à compter de 2019-2020, et 115,7 millions de dollars par année par la suite.

Je peux vous dire que ce financement n’est pas adéquat vu le travail à faire.

En Colombie-Britannique, nous réunissons plus de 50 p. 100 des langues autochtones du Canada, avec 34 langues dans 203 collectivités. En tant qu’organisation, nous soutenons ces collectivités et leur travail de nature linguistique depuis 1990. Nous avons une très bonne idée de ce que coûte la revitalisation des langues lorsqu’elles affichent différents niveaux de vitalité.

Nous avons participé au processus d’élaboration concertée du projet de loi. J’ai participé aux travaux du comité technique et du comité sur l’établissement des coûts avec l’Assemblée des Premières Nations. Dans le cadre des travaux du comité sur l’établissement des coûts, notre organisation a fourni une ventilation détaillée des coûts nécessaires pour permettre à trois collectivités représentatives d’assurer la réappropriation, la revitalisation, le maintien et le renforcement de leurs langues. À l’aide de ces renseignements et de recherches supplémentaires, des chercheurs de l’Assemblée des Premières Nations ont élaboré des estimations regroupées des coûts pour l’ensemble du pays. Pour 10 ans, on estime qu’un financement adéquat devrait être d’environ de 200 à 900 millions de dollars par année, ce qui inclut des coûts pour l’éducation linguistique de la maternelle à la 12e année ainsi qu’un cadre d’apprentissage tout au long de la vie dans les collectivités. Cet investissement varie selon le nombre d’efforts de revitalisation des langues et de stratégies d’éducation linguistique dans chaque collectivité et n’inclut pas les estimations associées aux initiatives pour les Inuits et les Métis. Le montant prévu dans le budget de 2019 n’est pas adéquat.

Nous croyons que la façon la plus efficace d’assurer un financement adéquat, durable et à long terme est de revoir l’article 7 pour exiger le financement de la stratégie nationale sur les langues autochtones susmentionnée.

Les Premières Nations en Colombie-Britannique ont beaucoup en jeu, vu le nombre de langues qui sont parlées et leur vitalité actuelle. Seulement 4 p. 100 de notre population des Premières Nations parle couramment une langue autochtone. Comme la témoin précédente l’a dit, nous avons peu de temps pour créer de nouveaux locuteurs. Cependant, nous avons constaté que les collectivités en Colombie-Britannique ont fait plus de progrès lorsqu’elles étaient soutenues, et il y a de l’espoir pour toutes les langues si nous travaillons tous en collaboration. Chaque langue est un cadeau de la terre, et chaque Autochtone mérite l’occasion de connaître sa langue, son histoire et ses lois.

En conclusion, nous demandons respectueusement au Comité permanent des peuples autochtones d’envisager cet important amendement dans le cadre de son étude du projet de loi. Nous serions très heureux de fournir des renseignements supplémentaires, au besoin, pour aider le comité dans le cadre de son travail. Malheureusement, il y a beaucoup d’exemples internationaux où de belles paroles dans un projet de loi ne se sont pas soldées par des progrès concrets pour les langues autochtones et leurs locuteurs. Nous croyons vraiment que l’inclusion d’un financement obligatoire pour une stratégie nationale sur les langues autochtones garantira qu’on puisse atteindre l’objectif du projet de loi C-91.

Merci de votre temps.

La présidente : Merci à tous les témoins.

Le sénateur Patterson : Merci beaucoup à tous les témoins de leur exposé sur ce sujet très important.

Madame Herbert, pouvez-vous décrire le processus d’élaboration concertée auquel vous avez participé? Comment s’est-il déroulé? Avez-vous présenté des observations au sujet de l’article 7 que vous proposez dans le processus d’élaboration concertée? Je me demande simplement si vous pourriez décrire de manière générale à quel point ce processus vous a été utile.

Mme Herbert : Nous avons été invités à siéger au comité technique de l’organisme national de l’APN, l’Assemblée des Premières Nations. J’étais là pour appuyer Ron Ignace, qui est le représentant en chef de notre province. Nous étions réellement mobilisés. Ici, en Colombie-Britannique, notre organisation a tenu des séances de mobilisation. L’APN en a également tenu, ainsi que le ministère du Patrimoine canadien, et ma collègue, Mme Suzanne Gessner, a voyagé d’un bout à l’autre du Canada. Je crois que l’on a recueilli beaucoup de données et de renseignements intéressants.

Personnellement, je n’étais pas à la table où nos avocats travaillaient à l’ébauche et à la rédaction du projet de loi, même si je pense qu’ils ont apporté beaucoup de renseignements intéressants à cette table, si je comprends bien. Il y avait beaucoup d’échanges avec le gouvernement du Canada et les divers organismes voulant présenter leurs idées.

Je pense que le projet de loi a une bonne structure, mais certains éléments clés sont un peu ambigus et pourraient être très facilement renforcés. Vous savez, un nombre limité de personnes seulement peuvent s’asseoir à la table pour l’élaboration concertée. J’étais cependant heureuse de contribuer à l’échelon du comité technique.

Le sénateur Patterson : Merci.

La sénatrice McPhedran : Merci aux quatre témoins de nous avoir fourni une telle diversité de renseignements. Il m’est difficile de commencer par choisir une question, mais je vais m’assurer d’avoir bien compris ce que vous avez dit, aînée Commanda, à propos du paragraphe de préambule le plus important qui devrait donner vie à la loi.

Si j’ai bien compris — et n’hésitez pas à le préciser —, vous faisiez ressortir le paragraphe 14 du préambule, qui est ainsi libellé :

que le gouvernement du Canada s’est engagé à octroyer un financement adéquat, stable et à long terme [...]

Ai-je bien compris?

Mme Commanda : Oui.

La sénatrice McPhedran : D’accord. Voici ma question. Ce que nous avons maintenant dans la loi, à « Objet » — article 5 —... nous avons 5d), et d’après ce que j’en sais, le libellé de ce paragraphe 14 a été reproduit à 5d). Il commence par « La présente loi a pour objet », puis les alinéas a), b), c) et d) ont pour objet :

[...] de mettre en place des mesures visant à faciliter l’octroi et le financement adéquat, stable et à long terme [...]

Si je comprends bien ce que vous dites au sujet de ce lien entre les deux, c’est que « mettre en place des mesures » n’est pas suffisant, et c’est là que vous voulez voir une référence précise au financement garanti.

Mme Commanda : C’est exact.

La sénatrice McPhedran : Merci.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, et bienvenue au Sénat du Canada. C’était merveilleux de vous avoir parmi nous le premier jour où nous nous trouvions dans notre nouvelle enceinte.

Le sénateur Patterson : Oui.

La sénatrice Coyle : Nous sommes très honorés de vous revoir à ce titre. Nous vous appelions aînée Commanda ce jour-là, madame Commanda.

Nous entendons tous parler de la nécessité d’apporter des améliorations ou des amendements à ce projet de loi. Lorsque nous avons rencontré Perry Bellegarde de l’APN, celui-ci a déclaré : « Faisons en sorte que ce projet de loi soit adopté. » Il tient à ce que nous ne rations pas le délai et à ce que nous n’y nous touchions pas trop de crainte de nous retrouver sans projet de loi. Je suppose que c’est sa préoccupation. Toutefois, notre travail en tant que comité du Sénat consiste à examiner le problème de manière efficace, avec votre contribution, et à voir ce que nous pouvons collectivement proposer. Nous apprécions donc vraiment ce dont vous nous avez fait part aujourd’hui.

Madame Commanda, avez-vous eu des discussions avec l’Assemblée des Premières Nations au sujet des amendements que vous recommandez? Si tel est le cas, quelle est la réaction? De plus, avez-vous eu des discussions avec les représentants de Patrimoine canadien, et comment ont-ils réagi?

Mme Commanda : Merci de vos questions. Je les apprécie vraiment, et je vous remercie de m’avoir invitée à nouveau au Sénat. Je suis très honorée d’être ici.

Comme je l’ai dit précédemment, nous n’avons pas participé à l’élaboration concertée. Nous n’avons pas participé au Comité des Chefs sur les langues, ni à la rédaction législative. Après notre séance de mobilisation en mars 2018, nous avons présenté une demande au chef national et à la ministre de Patrimoine canadien — à l’époque, c’était Mélanie Joly — et nous avions demandé de participer à la table de l’Assemblée des Premières Nations, puis nous avons été invités à faire partie du comité technique sur les langues, à l’instar de Mme Herbert.

Nous avons été très actifs dans la promotion de notre position en tant qu’organisation nationale des centres culturels, ainsi que pour faire entendre nos voix à l’échelon de la collectivité, car c’est ce que nous sommes en tant qu’organisation nationale, des porte-parole motivés par la collectivité et le travail que nous accomplissons pour nos collectivités.

Nous nous sommes entretenus avec Patrimoine canadien au sujet de notre position quant au dispositions législatives sur les langues autochtones. Nous avons fourni à l’Assemblée des Premières Nations et au ministère du Patrimoine canadien un exemplaire du rapport de notre séance de mobilisation qui décrit nos recommandations. C’est là l’étendue des discussions que nous avons eues avec l’Assemblée des Premières Nations et Patrimoine canadien. Comme le montre le projet de loi C-91, nos recommandations n’étaient pas incluses.

Aujourd’hui, j’ai reçu un exemplaire des amendements proposés par le Comité permanent du Patrimoine canadien au projet de loi C-91, et nos recommandations ou amendements n’y figurent pas non plus, ce qui nous préoccupe.

La sénatrice McCallum : Merci à tous les témoins présents aujourd’hui.

Ma question s’adresse à Mme Fontaine. Je voudrais commencer en vous citant : « Sans éducation, nous allons perdre notre langue. » Ma question porte sur le type d’éducation que reçoivent nos enfants.

Lorsque j’ai visité le programme cri d’OCM et de l’école Isaac Brock à Winnipeg, j’ai vu les enseignants tenter d’intégrer les enseignements et la transmission du savoir autochtones dans le programme d’études provincial. Nous essayons toujours d’intégrer notre vision du monde dans les systèmes d’éducation occidentaux, et c’est une grande partie de notre problème.

Dans le monde d’aujourd’hui, nos enfants et nos jeunes adultes doivent apprendre à maîtriser leur langue tout en essayant de réussir dans l’enseignement supérieur. Le fait que l’enseignement supérieur soit un objectif largement accepté dans nos collectivités donne à penser que les écoles de niveaux primaire, intermédiaire et secondaire sont essentielles pour préparer les élèves à réussir, et que ces établissements, plus que tout autre, sont plus représentatifs de l’éducation occidentale. Ce système d’éducation reste trop souvent orienté vers l’assimilation culturelle dans la société dominante. Par conséquent, l’espoir d’une éducation autochtone repose, premièrement, sur la désignation explicite de caractéristiques de la tradition occidentale, ou de la vision du monde occidentale, qui donnent lieu à de nombreux problèmes dans lesquels nous sommes plongés, que j’ai traversés... et j’ai dû par la suite me décoloniser pour revenir à l’éducation liée au territoire que j’avais reçue avant de fréquenter le pensionnat; et, deuxièmement, sur la reconstruction active des systèmes autochtones, qui aboutissent au système d’apprentissage par l’expérience, qui est ce que nous voulons. Cela inclut la maîtrise de la langue, mais, fait plus important encore, la transmission de notre spiritualité ainsi que de la morale et de l’éthique de notre culture.

Ma question est la suivante : pensez-vous que le projet de loi sur les langues est efficace pour ce qui est de comprendre et de soutenir la reconstruction active des systèmes d’apprentissage autochtones?

Mme Fontaine : Je reviens à mon propos : nous avons besoin d’enseignants pour enseigner la langue à nos enfants. Nous avons besoin de débouchés pour former ces enseignants. Je travaille depuis cinq ans déjà avec une organisation manitobaine appelée Manitoba Aboriginal Languages Strategy. La première chose que nous avons établie, c’est que nous sommes en crise et faisons face à une pénurie d’enseignants. Si nous n’avons pas de systèmes en place afin d’offrir des ressources adéquates à ces enseignants et de les former à la formation de locuteurs, nous n’aurons pas la possibilité d’enseigner le territoire aux enfants, dans notre langue. C’est purement un fait.

Les enseignants qui siègent à ce comité ont 60 ans et plus, je dirais. Ils ne sont pas censés enseigner. Ils sont censés profiter de la vie à ce stade. Pourtant, ils sont toujours dévoués, car ils savent qu’ils sont les seuls à l’heure actuelle. Ils ont une vision de ce qu’ils veulent dans un programme d’éducation, et une partie de celui-ci a trait à l’éducation liée au territoire, car ils savent que la langue, la culture et la terre vont de pair. Ils veulent amener les enfants sur le territoire et leur prodiguer des enseignements. Ce projet de loi devrait nous fournir les ressources nécessaires pour le faire.

Si vous regardez, nous avons un bon système en place au Canada, un système d’éducation qui protège les langues minoritaires. Les enseignants peuvent ainsi obtenir une formation. Cela permet aux écoles de voir le jour. Cela permet à la collectivité francophone d’enseigner la culture francophone dans ses écoles. Si le projet de loi ne contient pas de droits concrets nous permettant de faire la même chose, nous n’enseignerons pas aux enfants ce qu’ils doivent savoir sur le territoire ni dans la langue. Je pense donc que cela doit être un élément clé.

Si le projet de loi reconnaît le droit des enfants à l’éducation, j’estime que nous pouvons créer ces institutions et ces systèmes, car ils disposeront de ressources suffisantes, et nous aurons des enseignants de la langue qui auront suivi une formation. Fait plus important encore, nous allons nous concentrer sur l’objectif qui, selon moi, devrait être poursuivi dans toutes les collectivités des Premières Nations, à savoir la formation de locuteurs. Nous avons besoin de systèmes d’éducation dotés des ressources appropriées pour y parvenir. Si nous précisons dans le projet de loi que les enfants ont le droit à l’éducation, que les peuples autochtones ont des droits linguistiques, je sais que le gouvernement fédéral sera tenu de fournir des ressources afin de garantir la mise en place de systèmes d’éducation et d’enseignants.

Je sais que les aînés avec lesquels nous travaillons au Manitoba, et qui sont actuellement enseignants, ont parlé de leur rêve d’emmener des enfants sur le territoire dans les écoles et de leur enseigner. Notre langue est très étroitement liée au territoire, et ils veulent que les enfants puissent le savoir. Ils veulent qu’ils connaissent notre histoire. Ils veulent qu’ils sachent qui nous sommes, et la langue contient tout cela. J’aimerais simplement souligner que, selon moi, nous avons besoin de droits clairement définis pour pouvoir le faire.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Ma question s’adresse à Tracey Herbert. Dans quelle mesure les institutions fédérales devraient-elles être tenues de fournir des services d’interprétation et de traduction en langues autochtones, par exemple, comme les tribunaux et les bureaux des services gouvernementaux? Quels sont vos commentaires à ce sujet?

Mme Herbert : Je pense que ces choses sont importantes, en particulier lorsqu’il s’agit d’un seuil élevé de locuteurs de langues autochtones. Dans notre cas, ici en Colombie-Britannique, nous avons très peu de locuteurs qui parlent couramment la langue, mais je pense que ce serait quelque chose qui nous intéresserait vraiment dans 10 ans. Actuellement, nous essayons de documenter toutes les langues, de conserver la propriété de cette documentation au sein de nos collectivités et de former des locuteurs parlant couramment la langue. En ce moment, nous n’avons pas la capacité d’offrir des services de traduction en Colombie-Britannique. Cependant, je pense que pour les autres provinces, il s’agit d’un aspect important de ce projet de loi, et les Inuits nous l’ont certainement dit.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Ma première question s’adresse à Mme Herbert. L’amendement que vous avez proposé concernant le financement d’une stratégie nationale sur les langues autochtones m’intéresse beaucoup. J’ai souvent pensé que ce projet de loi contenait beaucoup d’information sur ce que fait un commissaire et très peu de choses sur la stratégie en matière de langues. Pourriez-vous prendre quelques minutes pour préciser ce qu’il en est? Je pense que Mme Fontaine nous a donné un très bon aperçu de cette stratégie concernant la reconnaissance du droit des enfants à l’éducation dans leur propre langue. Je pense que c’est un bon énoncé de stratégie. Avez-vous d’autres énoncés de stratégie qui pourraient bien correspondre à cela?

Mme Herbert : Certes, nous avons mené beaucoup de recherches et nous le faisons depuis les années 1990. Lorsque vous avez un plan défini et des modèles d’évaluation afin de vous assurer que tout ce que vous investissez fonctionne réellement — et c’est ce que nous avons déjà entrepris dans le cadre de notre travail ici en Colombie-Britannique —, le succès est au rendez-vous.

Nous avons mené des recherches visant à déterminer les indicateurs de la réussite en matière de revitalisation de la langue, et voici ce qui s’est révélé être une grande réussite : les pays dotés d’une stratégie linguistique nationale ou d’un plan d’action investissent effectivement de l’argent dans ce plan d’action, et ils réussissent à former des locuteurs et connaissent du succès dans de multiples domaines où la langue est utilisée. La Nouvelle-Zélande, le pays de Galles et l’Espagne sont quelques-uns de ces pays, et nous sommes heureux de faire part de cette recherche au comité.

Dans un plan, nous examinons la situation de la langue, l’acquisition et l’utilisation de la langue et la conscience critique, puis nous élaborons un corpus ou remettons aux peuples autochtones des données sur la langue.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Vous parlez donc de recueillir des données de base et d’avoir quelque chose à mesurer, progressivement. Le ministre et les gens qui sont venus au tout début ont dit que nous allions construire cette chose; nous ne savons pas vraiment à quoi cela va ressembler et nous allons l’élaborer conjointement. Je me sens un peu mal à l’aise avec cette idée. Je pense que nous devrions, dans le projet de loi, prévoir des mesures essentielles, des choses que nous pouvons examiner et dire que c’est ce que nous faisons.

Avez-vous des idées à ce sujet, ou Mme Fontaine ou l’aînée Commanda ont-elles des idées sur des éléments précis que nous pouvons inclure dans ce projet de loi et qui indiqueraient où cet argent pourrait aller en général? Par exemple, les programmes Bon départ. J’ai rencontré le grand chef Dumas aujourd’hui, et nous savons tous que, selon la recherche, la réussite est vraiment bonne vers l’âge de six ans. Si nous pouvons faire s’imprégner la langue dans le cerveau des enfants vers l’âge de six ans, ils ont de bien meilleures chances de la conserver vivante et de pouvoir l’utiliser. Le programme Bon départ m’intéresse, qu’il s’agisse de programmes de niveau préscolaire ou primaire. Peut-on inclure dans ce projet de loi quelque chose qui indiquerait où cet argent pourrait être réparti logiquement, en fonction de la recherche?

Mme Herbert : En Colombie-Britannique, nous ciblons bel et bien des domaines dans lesquels nous élaborons le corpus, en recueillant des données linguistiques. Nous investissons dans des incubateurs de langue. Nous créons de nouveaux locuteurs parlant couramment la langue dans le cadre de programmes de mentorat. Nous élaborons des plans linguistiques à l’échelon communautaire et finançons la langue sur les territoires. Notre partenaire, le Comité directeur de l’éducation des Premières Nations, investit dans les professeurs de langue et les écoles autochtones. Nous nous réunissons en groupe, ceux de notre province qui investissent dans les langues, afin de mieux coordonner nos efforts.

Mme Commanda : Merci de cette question. Du point de vue des centres éducatifs et culturels, les centres culturels doivent en faire partie. Nous sommes d’avis que le financement doit aller aux collectivités. Le financement doit aller directement aux collectivités, et les centres culturels sont des organismes communautaires. Nos centres culturels offrent une certaine diversité, et nous en trouvons d’un océan à l’autre. Nos centres culturels constituent le premier ou le deuxième niveau de soutien pour leur bande, les écoles de leur bande ou les collectivités. Ils élaborent et offrent des programmes linguistiques très spécifiques pour leur collectivité. Ils travaillent directement avec les garderies, les programmes d’aide préscolaire, les incubateurs de langue et même les familles, en réunissant les familles pour l’apprentissage des langues. C’est à ce point essentiel. L’acquisition linguistique et l’apprentissage linguistique sont essentiels.

Il y a de cela des années, en 1972, à la naissance du mouvement des centres culturels, leur mandat principal consistait à élaborer des programmes de guérison liés aux répercussions des pensionnats. Ainsi, 47 ans plus tard, le mandat actuel, ou la priorité, est la maîtrise de la langue. Nous avons besoin de locuteurs de la langue. Nous avons besoin de ces enseignants, et nos centres culturels travaillent à la formation de ces enseignants... mais oui, nous avons besoin de ressources afin de renforcer nos capacités. Je vous remercie.

La sénatrice Pate : Merci à vous tous d’être venus et d’avoir présenté vos exposés.

Aînée Commanda, en particulier, je voudrais vous remercier en ma qualité de personne qui a eu le privilège de connaître vos grands-parents, vos parents, vos enfants et vos petits-enfants. Je sais que vous êtes tous des locuteurs de la langue et des chefs de file dans votre collectivité. Je vous remercie de vos observations à ce sujet.

Hier, Ellen Gabriel a parlé de quelque chose que vous avez également mentionné : les difficultés du financement par projet et pourquoi il en est ainsi. Je pense que vous avez exposé fermement votre point de vue à cet égard.

Nous avons également entendu dire que les mesures législatives pourraient ne pas être conformes au principe de Jordan. Je voudrais vous demander à tous d’exprimer vos commentaires, mais également votre opinion, à propos de l’incidence de ce projet de loi sur la capacité des femmes autochtones, en particulier, en tant que gardiennes des traditions, de la culture et de la langue, d’aider à préserver les langues et celles de leurs enfants. Je pense que chacun de vous s’est exprimé à cet égard, mais je voudrais vous donner l’occasion d’en dire peut-être un peu plus.

Mme Fontaine : Je pense que c’est une question très importante, car je suis une mère et je me suis rendu compte que, dans la vingtaine, la langue n’était pas transmise à ma génération en raison de ce qui était arrivé à ma mère dans les écoles. Ma grand-mère ne parlait que le cri. Elle ne parlait pas anglais. Pour parler à mes grands-parents, il fallait traduire les mots. Ma grand-mère valorisait énormément notre identité et notre culture cries. Ils ont essayé de la transmettre à mes oncles et tantes, ainsi qu’à ma mère, mais comme ma mère avait été victime de beaucoup de mauvais traitements dans les écoles, elle en est sortie en pensant que nous ferions mieux d’apprendre le français ou l’anglais, que nous réussirions mieux dans la société grâce à cela. Je pense que cela a causé énormément de dommages non seulement à ma génération, mais aussi aux peuples autochtones dans leur ensemble. Ces écoles ont été conçues pour faire disparaître notre langue et notre culture. On a privé une mère de sa capacité de transmettre la langue et la culture. Nous n’avions pas le droit de le faire.

Par conséquent, nous avons hérité d’une grande honte. Je pense que cette honte existe toujours. En tant que société de peuples autochtones, je pense que nous nous demandons souvent si notre langue a de la valeur. Vaut-elle la peine d’être sauvée? Nous ne la parlons pas dans nos collectivités. De nombreuses administrations de bande ne l’utilisent pas maintenant. Je pense que cela est attribuable en partie à la violence largement répandue qui avait cours dans les écoles. C’était notre droit, en tant que mères et grands-mères de pouvoir transmettre la langue et la culture de cette manière.

Je pense que, pour compenser ces dommages, nous devons nous concentrer sur un moyen de transmettre la langue et la culture aux enfants. Nous ne pouvons pas le faire chez nous maintenant, car nous ne parlons pas la langue à la maison. Les établissements d’enseignement doivent jouer ce rôle dès maintenant, et nous pouvons le justifier. Nous avons des droits linguistiques pour les langues minoritaires. Nous avons des écoles. J’en ai fréquenté une. Ma fille en fréquente une actuellement. Lorsqu’elle était en première année, elle écrivait et parlait en français. Nous pouvons former une autre génération de locuteurs si notre objectif est l’éducation. C’est la raison pour laquelle j’ai tenté de souligner, dans tout le travail que j’ai fait, que notre objectif doit être le droit d’éduquer les enfants dans nos langues. C’est essentiel.

En tant que mère, c’est ce que je préconise pour le moment, car je ne peux pas offrir la langue. Je peux transmettre la culture, dans une certaine mesure. Je sais que si nous avons des écoles, nous pouvons former une autre génération de locuteurs. Ensuite, les mères, notre prochaine génération de mères, pourront reprendre ce rôle.

Mme Commanda : Je voudrais ajouter quelque chose, et répondre à votre question, sénatrice Pate. Le rôle des femmes dans l’acquisition de la langue et la survie de la langue, ainsi que le rôle des femmes dans ce projet de loi sur les langues, sont essentiels, absolument. Parce que nous avons, dans notre vision du monde traditionnel ou nos traditions, un rôle inhérent : le rôle inhérent des femmes dans nos collectivités, un rôle cérémonial, un rôle éducatif, un rôle géopolitique social... et aussi parce que nous sommes la langue maternelle. Nous transmettons cette langue et cet apprentissage à nos enfants, à nos petits-enfants et à tous les membres de la collectivité.

De plus, j’aimerais répondre respectueusement à votre question. Quand vous regardez les centres éducatifs et culturels, ce sont les femmes qui dirigent nos centres. Nous avons 46 centres culturels, et 90 p. 100 des femmes de nos centres culturels en sont les directrices générales. Elles sont les gardiennes; les gardiennes des territoires, les gardiennes de la famille, de la langue. Elles sont les guérisseuses et les bâtisseuses. Elles ont donc un rôle essentiel. Nos femmes assument déjà ce rôle en tant que promotrices de la langue, gardiennes et guérisseuses de la langue. Il est donc très important que nous continuions à jouer un rôle, en particulier à l’égard de ce projet de loi sur les langues.

Mme Herbert : Je tiens simplement à dire que notre programme de mentorat en Colombie-Britannique a connu un énorme succès depuis environ 2006. Nous jumelons un locuteur de la langue avec un apprenant sérieux, et 80 p. 100 des mentors sont des femmes. Il s’agit d’un programme communautaire qui s’échelonne sur trois ans et consiste à appuyer le mentor et l’apprenant grâce à un accompagnement et à une formation. Nous voyons des gens acquérir une très bonne aisance au cours de cette période de trois ans. C’est la langue parlée sur les territoires, à la maison, dans les salons. C’est vraiment à l’extérieur de ce qui peut souvent être un environnement hostile au sein du système d’éducation. Ces jeunes femmes qui participent apportent cette langue à la maison et la partagent avec leur famille. Nous assistons donc à une transmission de la langue maternelle, et c’est vraiment une chose positive.

Par ailleurs, nous employons des personnes dans le cadre de nos programmes de langue. Nous employons et soutenons nos experts. Ces personnes possèdent un savoir et une langue que personne d’autre ne possède dans le monde entier. Pourquoi ne sont-elles pas maintenues en poste et bien traitées dans le système d’éducation? Pourquoi ne sont-elles pas autorisées à aller enseigner dans nos universités et nos écoles sans qu’il y ait autant d’obstacles, de problèmes et d’hostilité? C’est ce que nous aimerions vraiment voir : beaucoup plus de souplesse et faire en sorte que nos systèmes d’éducation accueillent nos experts et les traitent avec le respect et l’importance qu’ils méritent.

La présidente : Merci beaucoup.

Au nom des sénateurs présents, je voudrais remercier nos témoins. Nous sommes arrivés à la fin de la séance. En fait, nous avons un peu dépassé notre temps. Merci beaucoup de vos excellents témoignages ce soir. Je voudrais remercier l’aînée Claudette Commanda, Mme Fontaine, Mme Herbert et Mme Gessner. Merci beaucoup.

Nous poursuivons nos travaux sur l’étude préalable du projet de loi C-91, et le comité a le plaisir d’accueillir par vidéoconférence Mme Imelda Perley, aînée en résidence du Centre mi’kmaq-wolastoqey de l’Université du Nouveau-Brunswick. Je souhaite la bienvenue, à Mme Wanda Wilson, présidente du Saskatchewan Indigenous Cultural Centre, et à M. Robert Matthew, directeur de la T’selcéwtqen Clleq’mel’ten/Chief Atahm School, qui sont ici présents dans la salle. Merci à tous de prendre le temps de comparaître devant nous aujourd’hui.

Imelda Perley, aînée en résidence, Centre mi’kmaq-Wolastoqey, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel : Honorables sénateurs, j’aimerais observer un moment de silence. Nous avons perdu aujourd’hui un locuteur dans la nation de Penobscot. J’aimerais prendre une seconde pour offrir nos prières à chaque locuteur et à chaque collectivité qui perd un locuteur dans notre pays, juste un moment pour reconnaître tous ceux qui sont partis avant nous.

Merci. J’ai sur mon document ce que j’appelle :

[Mme Perley s’est exprimée en wolastoqey.]

Dans ma langue, cela veut dire « Protégeons nos langues autochtones ». Je vais commencer par une prière qui est récitée dans certaines des écoles de notre territoire, et c’est un code d’honneur.

[Mme Perley s’est exprimée en wolastoqey]

Cela se traduit par : Grands-mères et grands-pères, merci de la langue que vous avez sauvée pour nous. C’est maintenant à nous de la sauver pour ceux qui ne sont pas encore nés. Que cela soit la vérité qui oriente notre vie à tous.

J’ai allumé un feu sacré pour apporter les bénédictions de nos ancêtres. J’ai un bol d’eau qui représente mon identité sur notre territoire de la Wolastoq. J’ai une plume d’aigle. J’ai un hochet pour interpeller tous nos ancêtres, afin que le ciel écoute notre discussion sur ce sujet très important.

Pour commencer, honorables sénateurs, je vous salue depuis le territoire de la Wolastoq des Wolastoqiyik, les gens de la magnifique et généreuse rivière de la Wolastoq, renommée sans consultation de mes ancêtres, initialement par Champlain, la rivière Saint-Jean-Baptiste, puis après la guerre entre les Français et les Anglais, de nouveau renommée, encore une fois sans consultation, la rivière St. Jean jusqu’à aujourd’hui. C’est remarquable de constater à quelle vitesse une identité peut être effacée par les gestes de colons qui marquent leurs territoires.

Notre langue est liée à la Wolastoq, et même si notre arrière-grand-mère la rivière a été renommée, nous, en tant que grands-mères, luttons pour garder intacte notre identité, puisque les langues coloniales, qui sont inscrites dans la loi, survivent, tandis que nos langues autochtones sont vouées à l’extinction en raison des politiques linguistiques. Nos élèves autochtones sont autorisés à apprendre leur langue en classe; toutefois, dans notre territoire, ils doivent choisir leur langue plutôt que le français. On pourrait dire que c’est une bonne chose, que c’est bien. Toutefois, comment limitons-nous, en tant que société partagée, les choix des seuls apprenants autochtones? Le fait de ne pas apprendre le français dans un pays bilingue limite les possibilités économiques de nos élèves autochtones. Nous pourrions aussi bien dire : « Apprenez votre langue autochtone, mais vous ne serez pas admissibles à des emplois où l’on privilégie les personnes bilingues ». Cela concerne certaines des politiques éducatives qui seront rattachées au projet de loi. On voit que les politiques d’assimilation sont encore bien enracinées, quand nous observons le changement linguistique qui s’est produit : de 100 p. 100 de locuteurs dans ma jeunesse, on est passé à moins de 100 durant mes 70 ans de vie reconnaissante. L’utilisation de l’anglais est très prédominante dans chaque aspect de notre vie.

Nos valeurs culturelles sont absentes dans les autres langues inscrites dans la loi et protégées, c’est-à-dire le français et l’anglais. Nos langues autochtones sont uniques parce qu’elles ne font pas de distinction entre les sexes et qu’elles nous enseignent le cadeau de notre relation avec toute la création.

Nos langues autochtones n’objectivent rien; par conséquent, l’utilisation de langues protégées et inscrites dans la loi qui objectivent des choses agresse manifestement notre conception du monde. Notre arrière-grand-mère, la Wolastoq, est bien plus qu’une ressource; elle est un parent. Notre Mère la Terre est bien plus que des terres et des ressources; elle est notre enseignante. Nos langues devraient être une ressource primaire qui doit être protégée tant et aussi longtemps que grand-père le Soleil et grand-mère la Lune perdureront.

Honorables sénateurs, gardez à l’esprit que, lorsque nos petits-enfants autochtones commencent à vivre leur vie dans les autres langues protégées et inscrites dans la loi, ils perdent leur lien avec leur parenté sacrée, leur environnement familial, leurs conceptions du monde ancestrales, leurs histoires ancestrales, leurs lois naturelles, leurs chants traditionnels, leurs modes de guérison sacrés, leur identité, leur capacité de transmettre leur savoir ancestral à ceux qui doivent naître.

Dans l’esprit de la vérité et de la réconciliation, soulignons cette année des langues autochtones en saluant les locuteurs qui restent, en célébrant les professeurs de langue, en soutenant les nouveaux programmes linguistiques et les programmes existants et en honorant l’histoire des premières langues, en inscrivant dans la loi les protections internes pour nos précieuses identités ancrées dans nos langues autochtones.

En lisant le sommaire, j’ai remarqué un mot clé, et je recommanderais vraiment qu’il soit remplacé. Il est dit que le ministre du Patrimoine canadien « peut » conclure divers types d’accords. Ici, au Nouveau-Brunswick, le passé nous a appris que le mot « peut » n’est pas aussi prometteur que le mot « doit ». Nous avons la Loi sur l’éducation du Nouveau-Brunswick de 1962. En vertu de l’article 7, le ministre prescrit ou approuve des programmes et des services qui répondent aux besoins particuliers des enfants Micmacs ou Wolastoq conformément à une entente conclue en vertu de l’alinéa 52b). Bon, le mot « may », présent dans la version anglaise, nous donnait du fil à retordre, et je croyais que nous avions finalement changé la législation il y a quatre ans et qu’on avait remplacé le mot « may » par « shall ».

J’ai juste l’impression — et je crois que nous avons tous l’impression — qu’il y a une différence entre le mot « peut » et le mot « doit ». On devrait en tenir compte, tout particulièrement à l’article 8, où l’on dirait, dans l’esprit de l’autodétermination, « Le ministre doit collaborer avec les gouvernements autochtones et autres corps dirigeants autochtones ». J’aimerais vraiment bâtir cette relation, contrairement aux provinces qui font office d’intermédiaire. J’aimerais que le travail à faire, qu’on refilera à la prochaine génération, soit fait.

Il semble que ces obstacles soient toujours présents, et nous nous retrouvons toujours sur une liste d’attente. Nous espérons pouvoir faire avancer cela davantage en éliminant la nécessité de mettre les gouvernements provinciaux entre nous pour faire le travail. J’aimerais plutôt un travail de gouvernement à gouvernement. Nous travaillons avec le gouvernement autochtone, les corps dirigeants autochtones et les organisations autochtones pour coordonner les efforts et soutenir, de manière efficiente et efficace, les langues autochtones au Canada dans le respect des pouvoirs et des administrations.

La seule autre chose que j’ai ajoutée, c’est qu’il n’y a rien au sujet des langues officielles. Je crois vraiment à la création de lieux sacrés. Cela dit, j’ai entendu dans le dernier groupe d’intervenants que vous avez reçus une question où l’on voulait savoir où les traductions pourraient être faites. J’ai récemment rencontré quelqu’un à notre palais de justice local. Un jeune délinquant autochtone avait commis sa première infraction, et je me suis rendu compte qu’il n’y a pas de lieu sacré pour les Autochtones dans le palais de justice, ou à tout le moins dans le bâtiment de justice, où je pourrais organiser une cérémonie pour ce jeune homme avant qu’il se présente devant le juge. Je suis donc allée demander une salle privée au palais de justice. Bien sûr, je n’ai pas eu le droit de faire quelque cérémonie que ce soit dans le palais de justice, donc je suis sortie. Puis, je suis allée voir le barreau et je lui ai demandé de s’assurer qu’il y a des lieux sacrés où des cérémonies tenues dans nos langues peuvent être fournies à tous nos gens dans les lieux publics.

L’hospice est un autre lieu qui n’existe pas dans nos langues. Lorsque nos aînés passent à l’autre monde, nous devons surmonter un très grand nombre d’obstacles juste pour pouvoir faire cette cérémonie ou apporter la langue à cette personne qui passe de l’autre côté.

Les lieux publics doivent faire partie de la législation, pour que l’on comprenne qu’il doit y avoir des lieux en public, et pas seulement dans nos collectivités autochtones. Bien sûr, nous devons alimenter nos collectivités, mais aussi alimenter les lieux où des limites ont été imposées, où nous sommes censés être des Autochtones, mais pas si nous franchissons cette ligne. Nous demandons la prise en considération de ces lieux sacrés où la langue peut être intégrée, communiquée et apprise et où elle peut être protégée, de sorte que nous n’ayons pas l’impression d’offenser qui que ce soit parce que nous apportons nos langues dans un lieu public.

Merci de m’avoir écoutée. Je suis ravie de voir autant d’oreilles qui vont écouter; autant d’esprits qui vont repenser les choses; autant de cœurs qui tiendront compte de tous nos témoignages; autant de mains qui peuvent changer les politiques ou formuler des recommandations; et autant de pieds qui parcourront le chemin nécessaire pour faire adopter ce projet de loi le plus rapidement possible, de manière à ce que nous puissions dire, lorsque nous mettrons à nos nouveau-nés leurs mocassins : « Ta langue est protégée ». Merci.

Wanda Wilson, présidente, Saskatchewan Indigenous Cultural Centre :  

[Mme Wilson s’est exprimée dans sa langue autochtone.]

Merci de m’avoir invitée à m’asseoir avec vous ce soir. Je viens de vous saluer dans la langue des Nakota et j’ai dit que j’étais très heureuse de vous voir tous ce soir, et je vous remercie tous de m’avoir invitée à m’exprimer sur ce sujet très important.

Je suis présidente d’un centre culturel en Saskatchewan, un centre culturel régional. Il y a en Saskatchewan 75 Premières Nations et cinq groupes linguistiques, et un des groupes linguistiques renferme trois dialectes très distincts, donc nous disons généralement que nous nous occupons de huit groupes linguistiques. Comme nous sommes un centre culturel et linguistique, notre mandat est de protéger, de promouvoir et de préserver notre culture et notre langue.

Ce qui compte le plus pour moi, pour le travail que je fais et pour les gens avec qui je travaille, ce sont les langues qui sont sacrées pour nous. Elles ont un esprit. Elles sont vivantes. Nous les honorons par des moyens très différents, particulièrement dans nos cérémonies. Nos langues sont intrinsèques; elles demeurent donc en nous. Elles font partie de nous et elles participent à la formation de notre conception du monde et à ce qui fait de nous une personne entière.

Nous croyons que la langue est un droit de la personne et que nos gardiens des langues conservent notre savoir sacré. Les locuteurs de notre langue maternelle sont cruciaux pour tout notre système. Nous les perdons au quotidien, et il est très urgent de faire quelque chose avant que nous perdions tous les locuteurs de notre langue maternelle. Ils sont essentiels en raison du système de notre être. Je ne sais pas comment l’expliquer autrement.

Je suis née et j’ai grandi au milieu de cérémonies, et tous mes enseignements sont donc liés à nos pavillons, à nos cérémonies et à la façon dont tout cela se rattache à tout le reste. Quand je me trouve dans un de nos pavillons, je peux voir comment tout ce que nous sommes et tout ce que nous faisons — et ce n’est pas juste nos gens, c’est tout le monde — est entièrement lié aux lois de la nature. Les lois de la nature s’appliquent pour nous tous, comme la réciprocité, l’humilité, la bonté et la générosité. Ces types de lois de la nature sont toutes inhérentes à l’ensemble de nos cérémonies. Nos cérémonies nous aident à régir notre comportement. Lorsque nous participons à une cérémonie, nous ne parlons que notre langue. Nous apprenons à nous gouverner en tant que personnes, en tant que parties d’un tout et aussi dans le rôle que nous jouons en tant que femme, homme, jeune et aîné. Toutes ces choses représentent des enseignements très forts dans nos cérémonies. C’est pourquoi nous apprenons ces principes. De plus, nous nous occupons de notre propre bien-être spirituel. C’est très important pour nous d’en prendre soin. Nous le faisons dans le cadre de nos cérémonies.

Notre langue est ce qui soutient nos traditions et nos protocoles. Les locuteurs de notre langue maternelle utilisent des mots qui ne se traduisent pas dans votre langue et que vous ne pouvez apprendre que dans le cadre d’une cérémonie ou en participant aux multiples activités qui ont lieu.

À cause de la colonisation, nos systèmes traditionnels ont été interrompus. Beaucoup de choses horribles sont arrivées à nos gens lorsqu’on a tenté de les assimiler, et notre intérêt principal est devenu la survie. Je suis arrivée à la fin d’une de ses conférences où elle parlait de honte. C’était très prévalent et très prédominant. Ma mère a étudié dans un pensionnat pendant neuf ans, je crois, et les traumatismes qu’elle a subis et les choses dont elle nous a parlé étaient tout simplement... c’est incroyable que des gens puissent en fait survivre à cela. Elle vient de décéder en août dernier. Mais je l’ai ramenée chez elle, et pendant que nous conduisions sur la route, je lui ai dit : « Aimerais-tu aller du côté est de la réserve? », et elle a répondu non. Elle a commencé à me raconter ces histoires à propos de l’agent des Indiens et du fait qu’il ne faisait que nommer des gens. Je me disais que j’étais assise à côté d’une personne qui est vivante et qui se souvient, en réalité. Les gens nous disent d’oublier que c’est arrivé ou de passer par-dessus, mais me voilà assise à côté d’une personne vivante qui a réellement vécu une telle chose. C’était vraiment une expérience profonde pour moi, et j’ai maintenant cet esprit à protéger. J’ai maintenant sept petits-enfants et je ressens aussi une responsabilité envers eux. Nous ressentons maintenant ces répercussions intergénérationnelles défavorables que nous devons surmonter, en plus de tenter de récupérer nos langues et nos systèmes gouvernementaux traditionnels qui régissaient tout ce que nous faisions. Nous devons maintenant venir à bout de ces choses.

Je suis — et vous êtes tous — le résultat des prières de nos ancêtres. Quelqu’un, à un moment donné, a prié pour nous tous dans la salle. C’est pourquoi nos gens se passionnent autant pour la langue, et nous n’avons juste jamais abandonné. Beaucoup de nos biens sont disparus, et nous sommes très reconnaissants envers ces gens qui ont porté ces torches, même si nous ne pouvions pas les voir.

Maintenant, il nous faut tous composer avec cela. Pour pouvoir commencer à le faire, nous devons comprendre nos langues et être en mesure de les parler. C’est là où je veux en venir par rapport à l’importance et à la valeur extrême de notre langue.

Au début des discussions sur la loi concernant les langues et toutes ces choses, je me suis mise en mode panique totale. Je me disais, vous savez, lorsque vous mettez quelque chose dans une boîte, le monde de ce que vous mettez dans cette boîte est confiné ou limité aux murs de la boîte. Je n’étais pas vraiment à l’aise avec cette idée au départ, et je m’y suis en fait opposée assez haut et fort. Il a fallu que je discute avec beaucoup de gens et que je participe à beaucoup de cérémonies avant de commencer à comprendre cette idée et à ne pas la craindre, mais à essayer plutôt de l’adopter le mieux possible et d’avoir foi en ces prières et foi en ce pour quoi nos ancêtres ont prié. Nous prions maintenant pour nos générations futures. Un jour, nous serons tous des ancêtres, et nous gardons tous espoir, pendant nos prières, en l’avantage qu’auront les générations futures. Suis-je en faveur du projet de loi en ce moment? Je crois qu’on pourrait y apporter quelques améliorations, et j’en parlerai dans quelques minutes.

Nos liens et nos systèmes sont brisés et doivent être rétablis pour que notre peuple puisse de nouveau être entier. Ça ne se fera pas du jour au lendemain, et le processus ne sera pas facile, car nous devons surmonter les questions d’humiliation et toutes sortes d’autres problèmes et aider nos gens à composer avec ces choses lorsque nous travaillons dans les collectivités.

Nos langues sont extrêmement descriptives. Parfois, si on s’assoit ici et qu’on écoute des gens qui essaient de décrire une situation d’actualité préoccupante, on les trouve souvent drôles et humoristiques. Vous entendrez souvent des gens prendre un grand plaisir à discuter d’un sujet très grave, car ils essaient de décrire avec des mots la signification réelle. Nous devons aussi concevoir des mots pour décrire un ordinateur. Ça finit par être hilarant quand nous essayons de le faire, parce qu’il n’y avait pas d’ordinateur, et vous devez décrire l’énergie qui passe par la tête, et ce n’est jamais la même chose. Donc, nos langues sont très polysynthétiques — un terme que j’entends souvent employer — parce qu’un mot ne suffit pas pour décrire la chose. Vous pourriez aller demander dans une collectivité : « Comment dites-vous ordinateur », et on vous donnera une réponse, puis vous allez poser la même question dans une autre collectivité, et la réponse serait complètement différente, même si c’est la même langue. La langue est donc utilisée de façon très descriptive. Les principes de gouvernance de base et les liens établis avec les lois de la nature sont extrêmement semblables. Dans presque chaque langue, vous le constaterez.

Quand nous parlons de la loi, certaines des déclarations qui ont été faites particulièrement dans le préambule, qui renvoient à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ou aux appels à l’action ou à ces genres de choses, sont de bonnes déclarations. J’ai été heureuse de les voir dans le projet de loi. Mais à la lecture du projet de loi, j’ai remarqué que cela ne revenait pas dans les articles de la loi, car vous oubliez en quelque sorte ce dont vous parliez au début, puis on est passé à autre chose. Je me suis dit d’accord, lis-le encore une fois. Le projet de loi a donc raté son coup ici, en quelque sorte.

L’élément le plus important du projet de loi, c’est qu’il ne traite pas d’un système de financement adéquat ni même d’un processus concernant la façon de dépenser l’argent. Nous avons des collectivités pour qui la situation est vraiment désastreuse. La langue que j’ai parlée il y a un moment, moins de 20 personnes la parlent en Saskatchewan. Tous ont plus de 70 ans. Ce sont les locuteurs de notre langue maternelle. Je m’exprime en langue seconde. Eux s’expriment dans notre langue maternelle. Ce sont ceux qui détiennent le trésor, toutes les histoires et les traditions qui s’y trouvent. Ils n’ont personne à qui les raconter, parce que personne ne comprend. Il y a donc des groupes linguistiques en fâcheuse situation qui ont vraiment besoin de soutien.

Nous n’avons pas le luxe de prendre notre temps lorsqu’il faut s’occuper d’un grand nombre de gens. Je travaille surtout auprès des aînés, et ce travail suppose tout un tas d’enjeux. Vous ne pouvez pas travailler huit heures par jour. Vous pouvez uniquement avoir recours à eux quelques heures chaque jour, puis vous devez leur donner une petite pause. Notre travail est intensif; nous enregistrons des histoires de création, les rôles de diverses personnes dans la collectivité, car vous n’aviez pas seulement un rôle en tant que femme. Un rôle vous était attribué, et c’était celui que vous deviez assumer. J’essaie de penser à un exemple de types de rôles différents. Il y a des gens qui transportent des ballots, comme nous les appelons, qui renferment des objets sacrés, et quelqu’un a la responsabilité de les transporter. Certains de ces rôles sont des jeux. Tout ce que nous faisions était une cérémonie. Même nos jeux l’étaient. Nous devons ramener tout cela, et nous avons encore des gens qui le vivent et qui transportent réellement ces ballots. Ils commencent à les sortir et à nous enseigner ces choses. Une partie de l’enseignement consiste à avoir du plaisir, donc nous pouvons jouer à des jeux et avoir du plaisir à le faire.

Une chose qui brille aussi par son absence dans le projet de loi, c’est qu’il doit y avoir une sorte de période de transition, pour que nous puissions planifier des choses et nous préparer en vue de la construction des infrastructures. Étant donné la situation difficile de la langue dans beaucoup de collectivités, il n’y a pas beaucoup d’infrastructures. Ce que j’entends par infrastructure, ce n’est pas un enseignant officiel. Lorsque je parle d’un programme de cours, c’est un peu différent d’un enseignant qui parlerait de ce sujet. Où je travaille, nous élaborons un programme de cours et nous essayons de le fonder sur notre culture et notre langue. Celui-ci passe à travers un processus intensif dirigé par des gardiens du savoir, des locuteurs, et nous avons notre propre conseil d’aînés au centre. Tout doit passer par eux. Pour nous, le travail de conception suppose beaucoup de temps et d’efforts, et nous passons à travers beaucoup des processus pour nous assurer d’utiliser les techniques appropriées.

Nous n’avons pas beaucoup recours à la lecture et à l’écriture. Nous nous éloignons de ces méthodes, parce qu’elles deviennent trop prédominantes. Nous ne pouvons pas enfermer notre langue dans une boîte, car alors elle ne fonctionnera pas. Nous employons des techniques différentes. Lorsque vous avez un jeune bébé, vous vous assoyez et vous lui parlez. Vous ne faites que parler au bébé. Vous entrez en communication avec lui. Vous faites des actions, montrez des émotions, tout cela. Le bébé commence à apprendre cette langue. Lorsqu’il arrive à l’école, on lui donne un stylo et du papier, puis il commence à apprendre à écrire la langue.

Ce que nous faisons, c’est enseigner aux locuteurs de langue seconde, qui ne possèdent rien de la langue. Nous leur donnons d’abord un stylo et du papier, et c’est très intimidant lorsque vous apprenez une langue. Nous nous sommes dit qu’il y avait assez d’écoles et de gens qui enseignaient la langue au moyen de processus d’enseignement officiels. Nos processus d’enseignement emploient des types de méthodes différentes, et l’une d’elles est la réaction physique totale. C’est un apprentissage qui repose sur les actions. Nous utilisons l’ASLAM, la méthode d’acquisition accélérée d’une langue seconde, qui est l’apprentissage par la vue, les images, les émotions — ce sont les types de méthode que nous utilisons. Le programme Mentor Apprentice fournit des résultats extrêmement positifs, mais il faut beaucoup de ressources pour employer certaines de ces méthodes.

Ce sont les types de choses que nous faisons, et il faudra un certain temps à certaines collectivités pour construire cette infrastructure. La langue s’apprend bien mieux si l’on est près de la source, et l’on doit donc vraiment miser sur la collectivité, et non pas sur le processus pour l’administrer. Nous sommes vraiment reconnus pour avoir toutes ces grandes idées et construire une grande infrastructure massive qui s’écarte de l’objectif original.

À la maison, j’ai assisté à bon nombre des séances de mobilisation menées par le ministère du Patrimoine canadien et l’APN, et ces rapports se trouvent en ligne. Le message commun était le suivant. Ne fabriquez pas une autre bureaucratie. Nous n’en avons pas besoin. Essayez de trouver un processus qui fera en sorte que nos ressources seront dirigées là où elles sont réellement nécessaires. C’est ce dont il est question dans la loi.

Le financement adéquat et durable porte sur la reddition de comptes. Lorsque j’ai lu cette partie, je me suis dit que nous étions un des peuples les plus responsables du monde. Il y a un endroit qui ne compte que trois employés, et ils fournissent un programme linguistique. Un employé passe toutes ses journées à rédiger des rapports et à rendre des comptes. C’est juste comme ça que ça fonctionne. Nous ne rendons pas des comptes que pour les ressources financières; nous devons aussi être responsables face à nos générations futures. Nous sommes responsables devant nos ancêtres. Ce sont tous des enseignements que nous apprenons dans nos pavillons.

Une des choses qui ne sont même pas du tout abordées dans la loi, c’est la propriété intellectuelle et les questions de droit d’auteur. Cela me pose un grand problème, étant donné mon lieu de travail, car très souvent, nous allons élaborer des documents, et les gens vont les prendre et commencer à les utiliser. Un des aînés nous a déjà dit : « Ils viennent s’asseoir avec nous et obtenir tous ces renseignements et ces connaissances, puis ils écrivent ces livres et nous les revendent. Essentiellement, nous rachetons notre propre culture ». J’ai un grand problème qui n’est pas abordé dans la loi. Je crois que ce devrait être le cas.

Le fait d’avoir un lieu central comme centre d’échange, ou les autres choses qui sont mentionnées dans la loi, la recherche et les évaluations... Je ne crois pas qu’elles doivent se trouver dans un lieu central. C’est là que nous commencerons à perdre l’esprit et l’intention de ce que nous essayons de faire. Ces choses doivent se trouver près de la collectivité, et la recherche doit être faite et conservée là-bas à ces fins. Pourquoi quiconque ailleurs aurait-il besoin de ces renseignements ou de cette langue? Pourquoi cela doit-il se trouver n’importe où ailleurs que dans cette collectivité?

Je veux aussi parler des personnes ayant un handicap, car je sais qu’il en était question dans le projet de loi. Dans la première version que j’ai lue, il était question des langues des signes, mais il était seulement écrit « langue des signes », celles utilisées par les personnes ayant un handicap. Dans la deuxième version que j’ai lue, il était écrit « langue des signes autochtones ». Je tiens à vous dire, sans plus attendre, que nous sommes parvenus à faire revivre la langue des signes des Indiens des Plaines, une langue des signes qui a été inventée il y a des centaines d’années afin d’aider les tribus qui ne parlaient pas la même langue à communiquer. C’est très différent de la langue des signes que les personnes malentendantes apprennent à l’Institut national canadien pour les aveugles. Ce sont deux langues différentes. J’ai l’impression que cela n’est pas reflété dans le projet de loi. Si le but était d’aider ces personnes, c’est raté.

Mon petit-fils est autiste. Il a 16 ans, et même s’il ne parle pas, il est extrêmement intelligent. Il crée toutes sortes de choses — de véritables univers — sur son ordinateur. Il a besoin d’apprendre sa langue, mais il a besoin de l’apprendre d’une façon différente du reste d’entre nous. Il faut tenir compte des personnes dans sa situation. Est-il une personne ayant un handicap? Ce n’est pas comme cela que je le perçois, mais j’imagine qu’il correspond à la définition. Le projet de loi ne prévoit rien pour lui présentement, mais je crois que ce serait facile de combler ce besoin en modifiant le projet de loi.

J’ai aussi quelque chose à dire à propos de la certification des enseignants. Si vous lisez tous les rapports de mobilisation, vous constaterez qu’il n’a jamais été question de créer un Bureau du commissaire aux langues autochtones si imposant ni de donner au commissaire toutes ces grandes responsabilités. La certification des enseignants devrait se faire à l’échelon régional, afin que les Premières Nations puissent constituer et renforcer ce genre de capacité, puis la régir, l’améliorer et la perfectionner.

À mon travail, les services de traduction coûtent très cher et constituent un énorme fardeau. Présentement, quand nous devons traduire quelque chose, il faut obtenir l’approbation de cinq ou six personnes, et nous allons essuyer des critiques de toute façon parce que nous avons choisi d’utiliser un terme ou un autre. Disons que quelqu’un vient ici et dit : « Je veux écouter la déclaration entière de Wanda en cri. » Va-t-on dépenser une foule de ressources pour l’interprétation? Si c’est le cas, parfait. Je sais qu’il y a des gens qui parlent surtout le cri. J’en ai entendu à la Chambre des communes et à l’Assemblée législative du Manitoba. C’est quelque chose que j’approuve, mais je ne crois pas que les ressources devraient être tirées de ce qui est prévu dans le projet de loi. Cela devrait venir d’ailleurs. Je sais à quel point les services d’interprétation peuvent être chers. Je peux voir vos interprètes au fond de la salle. Il y en a plusieurs, et l’argent qu’on devrait utiliser pour faire cela grugerait les ressources qui doivent être déployées pour permettre aux Autochtones de parler leur langue maternelle, comme il se doit.

J’essaie de me dépêcher, parce que je sais que je n’ai que quelques minutes.

La présidente : Je suis désolée de vous interrompre, mais le temps nous est compté. Nous devons garder un peu de temps pour la période de questions.

Mme Wilson : J’ai terminé. J’allais très vite pour pouvoir tout dire.

Robert Matthew, directeur, T’selcéwtqen Clleq’mel’ten : Whikawituk. Cela se traduit simplement par : « Bonjour, tout le monde. » Ce n’est rien d’extraordinaire.

Je suis le klikmalta, c’est-à-dire un enseignant, et Klikmaltan est l’endroit où les élèves vont pour apprendre. Lorsqu’on dit Takhalt klikmaltan so halton, on parle du chef, soit le chef régional de Adams Lake, que nous appelons Histalan. Pour le bassin hydrographique, on dit histalnekwau, et pour les gens, herstalnak.

Pour être honnête, je ne viens pas de là, mais j’ai épousé quelqu’un de la région. J’avais le choix, et j’ai décidé de m’y installer après m’être marié, parce que mon épouse allait ouvrir une école et refusait catégoriquement de déménager. C’était une bonne chose, parce que j’ai enseigné 17 ans à l’école publique avant de quitter mon poste pour diverses raisons. Comme enseignant, je voulais vraiment changer les choses, mais en Colombie-Britannique, l’éducation ressemble davantage à un monstre qui écrase tout. L’éducation sert à créer des rouages pour l’économie. On refuse de remettre cela en question. C’est une approche matérialiste et individualiste. Je ne me sentais pas à ma place, alors j’ai quitté l’enseignement public.

Nous avons donc rejoint l’école Chief Atahm. Cette école a été ouverte des années — cinq ans — avant mon arrivée, alors je ne peux pas m’attribuer beaucoup de mérite. Quatre jeunes femmes voulaient offrir un enseignement de qualité qui pourrait donner un accès à l’université ou à des métiers spécialisés ou techniques, le tout dans un programme mettant fortement l’accent sur la langue et la culture. Dans ce système scolaire, il y a un rôle pour les aînés et les parents. Les choses ont changé au cours des 30 dernières années, mais à l’époque, il n’y avait aucune place pour les langues ou la culture des Premières Nations ni pour les parents ou les grands-parents autochtones à l’école publique. On disait : « Ce n’est pas de vos affaires. Envoyez-nous vos enfants. »

La collectivité de Mount Currie a été la première à ouvrir une école de bande en 1971. Tout le monde en Colombie-Britannique sait que pour ouvrir une école, il suffit d’avoir un bâtiment et un enseignant qualifié, et de faire la promesse de produire des diplômés à un moment donné. Donc, ces quatre jeunes femmes ont ouvert l’école Chief Atahm.

Leur chemin vers la réussite n’a pas été facile, alors elles ont cherché de l’aide à d’autres endroits. Au lieu d’essayer de corriger un système dysfonctionnel, pourquoi ne pas visiter d’autres endroits pour voir ce qu’il s’y fait de bien? Il y a donc eu de nombreuses visites en Nouvelle-Zélande et à Hawaï. Notre bonne amie Mme Dorothy Lazore, des Mohawks, est venue nous voir, tout comme Mme Carol Gobb, de l’Arizona.

Nous voulions repenser activement l’enseignement. C’est une tâche colossale, et nous avons dû trouver un moyen d’y parvenir.

Le programme scolaire prévoit un enseignement des mathématiques, des arts du langage et de la science. Cela se fait dans la langue. La seule chose que nous n’enseignons pas pendant notre programme d’immersion de six ans, c’est l’anglais.

Au fil des ans — et cela fait 28 ans que l’école est ouverte —, nous avons mis au point le programme Nest, qui s’inspire du modèle Penela d’Hawaï. C’est un programme immersif dans un climat familial pour les enfants de trois ans et moins.

Nous avons dû recueillir des fonds pour réaliser ce projet. Nous avons fait livrer une roulotte personnalisée il y a deux ou trois semaines. Au lieu d’utiliser une vieille maison abandonnée quelque part sur la réserve, nous avons un nouveau bâtiment, et les gens l’adorent. Le programme est donné par un aîné, une jeune personne qui parle assez couramment la langue et une personne en formation. Donc, il y a trois personnes, et le programme va de zéro à trois ans, de la garderie à la maternelle — un programme d’immersion complète —, puis de la première à la quatrième année. Donc, cela fait six ans d’immersion dans notre langue, et pendant cette période, les enfants parlent tout le temps cette langue. On enseigne tout, sauf l’anglais. Bien évidemment, il y a un coût. Je vais revenir à la question de l’argent dans un instant, puisque tout a un coût.

Si vous voulez donner un cours d’éducation physique dans notre langue, vous devez connaître le mot pour « ballon » et le mot pour « lancer » un ballon, comme un ballon de basketball. Tout cela fait que c’est très difficile d’offrir un programme d’immersion. Cela coûte très cher, et vous avez besoin d’embaucher des enseignants et d’élaborer tout un programme.

Du côté de l’école publique, en Colombie-Britannique, quand on décide de donner un nouveau cours, on réunit les 20 meilleurs enseignants afin qu’ils puissent travailler ensemble, et on leur verse un excellent salaire. Ils élaborent un programme, puis on met en œuvre un projet pilote avec d’énormes équipes d’experts rémunérés.

Ensuite, la province demande à un éditeur de publier les livres que le système scolaire public de la Colombie-Britannique a approuvés. De cette façon, les enseignants à l’école n’ont pas à créer leurs propres documents, de faire leurs propres recherches, d’enregistrer quelque chose ou de dessiner des illustrations. Je le sais, je l’ai vécu. Le curriculum vous est imposé. J’enseignais les mathématiques en 10 e année. J’ai enseigné toutes sortes de sujets à des élèves de tous les âges. Lorsque vous enseignez dans ce contexte, vous êtes encadré, vous avez un curriculum à suivre. Vous donnez un service de premier niveau. Vous pouvez compter sur l’aide des personnes de la commission scolaire et du gouvernement provincial qui constitue un troisième niveau. Dans une école administrée par une bande, il n’y a rien de tout cela. C’est pour cette raison que la First Nations Education Steering Committee et la First Nation’s School Association ont été créées en Colombie-Britannique; on offre maintenant des cours de deuxième et de troisième niveaux.

Voilà ce que j’avais à dire là-dessus. Maintenant, je vais aborder plus en détail la question de l’argent. Il y a longtemps que nous avons décidé de ce que nous voulions faire; il restait simplement à trouver de l’argent. Nous n’avons demandé de l’aide à personne de l’extérieur. Nous devions nous débrouiller seuls. Nous voulons devenir des linguistes, des anthropologues, des historiens et des sociologues, et personne ne vient nous dire comment nous y prendre. Personne ne vient nous montrer où il faut chercher, ni comment utiliser un logiciel d’éditique ou d’enregistrement vidéo. Nous devons nous débrouiller seuls. Cela coûte cher. Nous étions au bord de la faillite, alors nous avons engagé des gens de l’extérieur il y a 25 ans pour qu’ils s’en occupent pour nous. Il faut former ses propres gens. Même s’ils partent, ils vont finir par revenir à la maison à un moment donné, armés de nouvelles compétences.

Dans certains milieux, l’argent est un sujet tabou. Pour moi, l’argent est un mot magique. C’est avec l’argent que vous pouvez rémunérer les gens. Quand vous devez utiliser des appareils électroniques, vous êtes obligé de remplacer les ordinateurs tous les trois ans et les logiciels tous les quatre ans. Les choses sont ainsi faites. Cela coûte cher. De nos jours, on ne peut même plus pirater les programmes. Avant, on pouvait acheter un disque et en faire des copies et les distribuer. À présent, il faut s’abonner, et les entreprises surveillent tout, alors vous devez acheter des abonnements individuels pour tout le monde. Cela coûte de l’argent.

Rapidement, je vais vous raconter une histoire : quand je suis arrivé dans la région, il y avait ce groupe de femmes fortes. En passant, je suis vraiment reconnaissant des commentaires que les témoins avant moi ont formulés. Quand je suis arrivé et que j’ai voulu me joindre à ce petit groupe qui avait l’intention d’ouvrir une école, ces femmes avaient un plan. Elles m’ont demandé : « Combien d’argent va-t-il nous falloir pour mettre cela en œuvre? » J’ai une solide formation d’administrateur scolaire, et je sais qu’il faut dire non, non, non, oui. C’est ce que les administrateurs font. J’ai appris cela dans le système scolaire public. Si quelqu’un vient vous demander quelque chose pour la quatrième fois, vous lui donnez tout ce qu’il veut. J’ai fait l’erreur de dire à mon épouse : « Vous ne pouvez pas faire ça. » Son groupe et elle sont devenus fous de colère. On m’a dit : « Ce n’est pas votre permission que nous voulons. Nous vous demandons combien cela va coûter. » J’ai répondu : « Vous avez deux ou trois aînés. Vous allez avoir besoin d’un vieil ordinateur Macintosh, d’une imprimante et de plus d’aînés. » Ce à quoi on a répondu : « Faites le calcul, c’est vous, l’administrateur. » Plus tard, je leur ai dit que cela allait coûter au minimum 104 000 $. Voici ce qu’elles ont dit : « D’accord, c’est tout ce que nous voulions savoir. Partez, maintenant. »

À mes yeux, l’argent est quelque chose de très important, mais avant cela, il faut une vision, des principes, des buts, des objectifs et l’adhésion d’un groupe central. Je crois que les 15 personnes sont encore avec l’école. Ma belle-mère a 87 ans, et elle ne croit pas pouvoir enseigner beaucoup plus longtemps. L’école dispose toujours de cinq aînés. Il y en a eu cinq qui nous ont quittés, mais les autres sont encore là.

Donc, l’argent est quelque chose de très important, mais nous sommes parvenus à en récolter pendant les 25 dernières années. Ce n’est pas facile dans une petite collectivité où il n’y a que 400 ou 500 membres de la bande. Tous les trois mois, les gens me voient venir demander de l’argent, organiser un autre bingo ou quelque chose du genre, mais nous le faisons quand même. Le problème, c’est qu’il faut énormément de temps pour recueillir des fonds. Est-ce la meilleure façon de dépenser mon énergie? Je devrais plutôt travailler sur le curriculum de l’école ou faire de la recherche. J’adore la recherche sur le terrain. Il y a beaucoup d’autres choses, mais je passe énormément de temps à recueillir les fonds. Je passe six mois à chercher des ressources, puis un autre six mois pour la comptabilité, et tout est dépensé en un mois.

Mon message, c’est que pour véritablement soutenir nos langues, ce projet de loi devrait prévoir un financement adéquat et durable à long terme. Il nous a fallu 100 ans pour arriver où nous en sommes présentement. Vous avez ouvert les pensionnats à Kamloops en 1890, les écoles de jour en 1870 et les écoles industrielles et les pensionnats en 1923, puis vous avez pris des mesures d’intégration en 1968. Cela donne un siècle d’oppression complète.

Donc, je voudrais, au minimum... Je ne demande pas une centaine d’années de financement, mais pouvez-vous nous en donner 5 ou 10? Le financement renouvelable d’année en année ne donne pas de bons résultats. Cela ne nous permet pas de promettre à nos employés qu’ils auront un salaire, de l’équipement ou des fournitures. Je travaille dans une école de bande, et ce que nous avons, c’est un financement renouvelable d’année en année. Le financement par projet est un excellent mécanisme. J’excelle dans ce genre de chose. Je me sens mal, parce que j’ai beaucoup d’argent. Je crois que j’ai réussi à obtenir 600 000 $ cette année pour notre petite école. Mais cela veut dire que quelqu’un d’autre ne reçoit pas d’argent, parce que c’est un processus concurrentiel. Nous ne devrions pas être en compétition pour les mêmes fonds.

D’une année à l’autre, quand vous voulez lancer quelque chose, vous commencez, la première année, par mettre en œuvre un projet pilote, que ce soit à l’école ou dans la collectivité. L’année suivante, vous évaluez les résultats. La troisième année, vous faites des rajustements, puis, rendu à la quatrième ou à la cinquième année, vous devriez avoir un bon programme, mais pour cela, il faut que vous puissiez avoir un cycle de quatre ou cinq ans. Dans le cas contraire, votre projet meurt à la première ou à la deuxième année.

C’est la même chose quand vous préparez un curriculum. Nous élaborons notre propre curriculum, mettons en œuvre un projet pilote pendant un an, puis évaluons les résultats. Avec notre groupe de rédacteurs, nous vérifions s’il y a de meilleures façons de faire les choses l’année suivante. Ensuite viennent la troisième et la quatrième années. Disons que vous élaborez un programme de mathématiques de quatrième année, le tout dans notre langue. Il faut beaucoup de travail. Cela prend de quatre à cinq ans.

Nous nous fixons un objectif et travaillons fort pour l’atteindre, mais si nous manquons d’argent, tout cela cesse jusqu’à ce que nous trouvions d’autres fonds. Si nous avons besoin des services d’un illustrateur, nous devons attendre d’avoir de l’argent pour en engager un. C’est la même chose si nous avons besoin d’un éditeur ou d’un informaticien. Si la relieuse brise, il faut de l’argent pour la réparer. L’argent est essentiel pour que tout fonctionne. Présentement, nous avons beaucoup d’argent, mais seulement parce qu’il y a des gens moins chanceux que nous.

Une autre chose c’est que nous devons pouvoir décider par nous-mêmes la façon dont l’argent sera dépensé. Je déteste lire, dans une demande de subvention, que l’argent ne peut pas être utilisé pour les immobilisations ou pour le perfectionnement professionnel. Je déteste toutes ces interdictions. Nous avons un projet très vaste, et le perfectionnement professionnel en fait partie, au même titre que les déplacements, l’achat de nouveaux équipements et bien d’autres choses. Quand vous obtenez une subvention, vous savez que c’est une subvention pour une chose uniquement, et qu’il va vous en falloir d’autres parce que vous ne pouvez pas l’utiliser pour d’autres choses. Alors vous obtenez une autre subvention, et vous devez essayer d’obtenir tout cela pour une seule année, parce que, rappelez-vous, c’est une subvention renouvelable, alors vous devez tout recommencer l’année suivante.

Si seulement on réalisait qu’il y a des endroits — et je sais que je peux parler uniquement pour notre propre petite collectivité — qui ont leur propre vision. Nous ne voulons pas qu’on nous dise quoi faire. Nous avons nos propres principes, notre propre énoncé de mission et nos propres valeurs écrits noir sur blanc. Tout cela a été vérifié et approuvé par les parents, et nous les examinons chaque année.

Une autre chose que je veux souligner, c’est que le projet de loi doit être explicite afin que les gouvernements futurs n’essaient pas de le renverser ou de l’atténuer. Autrement, il ne s’agira que d’une promesse de plus. C’est de la plus haute importance. Il faut que les dispositions soient immuables.

Les écoles sont un élément central de toutes les collectivités. Tout le monde a besoin d’une école pour transmettre les valeurs et les croyances véhiculées par la langue. Les écoles des Premières Nations jouent et vont continuer de jouer un rôle vital dans la revitalisation de la langue. Elles sont au cœur de nos vies, que nous le voulions ou non.

Il y a 134 bandes sur 208 en Colombie-Britannique. Nous pouvons nous dire que toute la situation d’oppression que nous avons vécue à cause de la Loi sur les Indiens et les pensionnats a été réglée et que c’est ce que le destin nous a offert. Nous avons quatre ou cinq aînés — 4 p. 100 en Colombie-Britannique — dans notre région tribale. Oui, nous sommes en colère à propos des ressources. Nous sommes en colère à propos du curriculum. Nous sommes en colère à propos de beaucoup de choses, mais nous devons tourner la page.

L’énergie que nous consacrons à notre langue est d’une importance capitale. Je me rappelle avoir rencontré un homme épatant à Spokane. Il m’a dit : « Rob, ne perds pas ton temps à essayer de défendre ce que tu dis ou d’argumenter pour convertir les non-croyants. L’énergie que tu consacres à cette tâche doit être positive et constructive, point final. » Je suis d’accord avec lui.

Les écoles des Premières Nations ont un rôle à jouer. Le rôle n’est pas seulement d’engager une personne pour enseigner la langue, parce que n’importe quel système scolaire doit faire beaucoup plus. Comment peut-on former des enseignants? Quelqu’un a posé la question. Nous devons composer avec la faculté de l’éducation et les universités pour promouvoir notre langue et notre méthodologie. Nous avons réalisé des progrès en Colombie-Britannique, mais nous pourrions obtenir de bien meilleurs résultats. À propos de la formation des enseignants, qui va les former? Il faut élaborer des cours et les donner. Cela coûte de l’argent. Ensuite, il faut mettre tout cela en œuvre. Il faut de l’argent pour convaincre les jeunes d’aller à l’école pour apprendre une langue et devenir des enseignants.

Il y a aussi la recherche. Nous croyons que ce qui nous définit, c’est notre terre et notre langue. C’est vrai pour tout le monde. Tout le monde a une patrie quelque part. Nous avons la nôtre. Williams Lake, McBride, de Tête Jaune Cache jusqu’aux Rocheuses, en passant par les lacs en Flèche et Kamloops. C’est notre territoire. Nous sommes le peuple Secwepemc. Les cartographes, Dawson ou Tait ou n’importe quel autre, n’arrivaient pas à le prononcer correctement. Il y a eu un tas de prononciations différentes, et on a fini par dire Shuswap, mais ce n’est pas correct. Nous sommes le peuple Secwepemc. C’est ce que nous devons croire profondément, et je crois réellement que nous sommes définis par notre territoire, et il faut enseigner aux élèves dans notre système scolaire, notre petite école, ce que nous savons de notre terre. Où elle se trouve, comment elle s’appelle, des histoires à son sujet... tout ce qui concerne les éléments très importants de notre territoire. Cela coûte de l’argent. Pour se rendre sur place et passer l’été à faire de la recherche sur le terrain, il faut des caméras, des cassettes audio, des photographes, des illustrateurs... tout cela coûte de l’argent. Et comment doit-on les former? Il faut de l’équipement haut de gamme; pas de la pacotille, mais de l’équipement haut de gamme. Une bonne caméra numérique coûte de 5 000 à 7 000 $. Et ce ne sont pas les plus chères.

Les écoles peuvent le faire. Elles peuvent mener des études, recueillir des données et travailler avec les universités. Nous avons des enseignants en immersion. Nous ne pouvons pas dire aux universités de quel genre d’enseignants nous avons besoin pour assurer notre avenir. Nous essayons de travailler. Nous avons conclu des partenariats avec la Nicola Valley Institute of Technology, l’Université Simon Fraser et l’Université de Victoria et nous essayons de travailler en collaboration.

L’enseignement, c’est plus qu’embaucher un aîné pour enseigner la langue. Il y a des services de deuxième et de troisième lignes. Habituellement, les systèmes scolaires peuvent compter sur une commission scolaire et sur un ministère provincial de l’éducation pour donner du soutien aux enseignants. Il y a des syndicats, comme le Syndicat canadien de la fonction publique pour les auxiliaires pédagogiques et la B.C. Teachers’ Federation. Les enseignants ont de l’aide. Nous, nous sommes seuls de notre côté. Nous n’avons pas droit à ces services de deuxième et de troisième lignes. Comment peut-on les obtenir? Nous essayons d’utiliser les services du First Nations Education Steering Committee et de la First Nations Schools Association afin qu’ils soient financés.

La dernière chose que je veux dire concerne les principes et la raison d’être. Pourquoi faisons-nous tout cela? Parce que je crois que c’est la bonne chose à faire. Pourquoi ne pas enseigner l’anglais à la place? Quelqu’un m’a dit que ce projet ne va pas nous aider à faire de l’argent. Je me fiche de l’argent. Cela ne me dérange pas si les élèves ne peuvent pas faire d’argent. Dans ce cas, pourquoi leur enseigner?

Quand nous nous sommes posé la question il y a 25 ans, nous nous sommes demandé ce qu’est un être humain éduqué. Qu’est-ce qui vaut la peine d’être enseigné? Les aînés ont couché cela par écrit. Ils sont partis en retraite et ont dit : « Nous n’allons pas descendre de la montagne jusqu’à ce que nous nous entendions sur deux ou trois trucs. Premièrement, quelle culture devons-nous enseigner? En ce qui concerne la langue, il y a énormément de cultures langagières autour de nous. »

Quand ils sont revenus, ils ont dit que nous allions enseigner notre langue dans les écoles : le secwepemc, et la culture du peuple secwepemc. Nous respectons toutes les autres langues, mais nous n’enseignerons que la nôtre.

Quant à nos principes, il y a cinq mots sur lesquels sont fondées notre motivation et notre force. Ce sont des principes du peuple secwepemc, et ils font partie du document fondateur de l’école Chief Atahm, T’selcéwtqen Clleqmél’ten. K’wseltktnéws, toutes mes relations. Nous croyons que c’est la chose la plus importante que nous pouvons enseigner à un enfant : comment donner la priorité aux besoins de tout le monde plutôt qu’aux siens. Nous savons tous que de nos jours... Je vais être le premier à le dire. Je vais le protéger par un droit d’auteur, alors ne vous avisez pas de l’utiliser. Le monde est devenu un énorme égoportrait. Qu’est-ce que je veux dire par là? C’est que la personne est au centre, et le reste du monde est en arrière-plan. C’est la société d’aujourd’hui. Tout le monde a son appareil photo et prend des égoportraits. Quand je me promenais près de la Chambre des communes, j’ai vu des gens qui prenaient des photos, mais c’était des photos d’eux-mêmes, avec la Chambre des communes en arrière-plan. Les gens se photographient au centre. Ce que nous voulons faire, avec notre école, c’est renverser la situation. Nous voulons montrer comment regarder les autres en premier, et soi-même en deuxième.

Donc, comment peut-on enseigner la générosité? Quand vous découpez un poisson, vous en donnez tout de suite un tiers aux aînés, et un tiers à la collectivité. Vous gardez seulement le dernier tiers. Quand nous dépouillons un cerf en octobre, nous donnons les deux tiers et ne conservons qu’un tiers. C’est le même principe avec les racines en mai. Si quelqu’un se présente chez vous, vous lui trouvez une chaise et lui donnez de l’eau et de la nourriture. Vous ne demandez pas à la personne si elle a faim, parce que les gens répondent toujours non. Servez simplement de la nourriture. L’assiette est vide? Donnez-en plus. S’il reste de la nourriture, c’est que la personne est comblée. Donc, comment enseigner aux gens? Ce n’est pas facile, parce que ce n’est pas comme cela dans la société d’aujourd’hui. Nous vivons dans un monde où le moi-moi-moi domine. T’selcéwtqen est un principe.

Un autre principe est l’autonomie. Vous devez finir ce que vous commencez. Aidez-vous vous-même. C’est ce que nous essayons de faire, avec notre personnel et nos ressources. Nous administrons tout nous-mêmes, au meilleur de notre capacité. C’est aussi ce que nous essayons d’enseigner dans notre système scolaire. Si vous commencez un jardin ou un projet d’ébénisterie, allez jusqu’au bout. Quand vous commencez quelque chose, il faut le terminer. Nous croyons que c’est un principe utile à enseigner.

Une autre chose, c’est qu’il faut prendre du temps pour soi-même. Une âme, une personne, a de nombreuses facettes. Nous vous enseignons à être la meilleure version de vous-même, à découvrir une certaine spiritualité. Nous avons tous de grands pouvoirs, il faut le reconnaître. C’est quelque chose que nous savons et qui fait partie de nos histoires.

Il y a également l’intellect. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais c’est complètement l’inverse du système scolaire public où tout est axé sur l’intellect, sur le domaine cognitif, sur la réussite scolaire. Le concret est remisé ailleurs. Nous faisons l’inverse.

Dans notre langue... nous croyons que tout ce qui mérite d’être appris se trouve dans notre langue. Tout ce qui mérite d’être dit peut être exprimé au moyen d’une histoire traditionnelle ou inventée. Les histoires sont essentielles.

Pour revenir à la langue, il faut qu’il soit clair que la loi ne peut pas empiéter sur notre autonomie; si c’est le cas, nous la rejetterons comme nous avons rejeté tous ceux qui sont venus nous étudier comme si nous étions des cobayes pour voir ce que nous faisons. La réponse sera non.

Comme enseignant, je tiens à ce que le projet de loi ait des résultats observables — c’est du jargon d’enseignant —, parce qu’il faut qu’à un moment donné, on puisse dire si cela a porté des fruits ou non. Si c’est le cas, tout va bien, mais dans le cas contraire, il va falloir le modifier. Donc, je ne sais pas. Il y a l’article 25, ainsi que d’autres dispositions que j’ai mentionnées. Je veux simplement dire que l’examen quinquennal qui est prévu pourra nous donner une bonne valeur de référence. Comme enseignant... si les élèves ne terminent pas leur cours de mathématiques de septième année, j’ai mes notes et je dois leur enseigner la matière de nouveau, mais d’une autre façon. Ce qui est fait est fait, et il faut aller de l’avant. C’est la même chose pour un projet de loi. C’est notre première tentative, alors nous allons devoir examiner sérieusement tout cela plus tard.

Pour conclure, je veux parler d’argent. Je ne suis plus sûr si j’en ai déjà parlé. Je suis tout à fait d’accord avec les autres personnes ici. Nous avons besoin d’un mécanisme pour acheminer les fonds aux aînés, aux enseignants et à moi-même ainsi qu’aux personnes qui achètent les ordinateurs. Nous n’avons pas besoin d’un autre système bureaucratique. Il ne faut pas que l’argent aille au sommet de la pyramide et y reste. Nous avons déjà essayé ce modèle dans les années 1960 et 1970. Cela ne fonctionne pas. Même s’il s’agit de notre organisation, je grimace lorsque je vois le nombre d’employés qu’on embauche. Je dois bien rémunérer les gens, et pas leur donner un salaire de misère. Donc, rationalisez le processus et acheminez les ressources aux bons endroits, afin que les gens puissent se débrouiller, faire des erreurs, accomplir leur rêve et leur vision et allez de l’avant. Évitez de tout précipiter dans l’espoir de les sauver ou de leur dire ce qu’ils doivent faire. Par exemple, en ce qui concerne le commissaire et les gens de l’extérieur, qui peut juger de ce qui fonctionne? Il faut donner une chance aux gens.

Pour terminer, je tiens à dire qu’il y a un pouvoir dans la langue. Nous le croyons. Les élèves qui terminent l’école présentement y ont passé 10 ou 12 ans, de la garderie à la 10e année. Nous sommes en train de construire une nouvelle école secondaire dans notre centre langagier présentement. Nous voulons faire en sorte qu’ils se connaissent vraiment et qu’ils connaissent leur terre et leur langue. Beaucoup de difficultés attendent ces enfants, mais s’ils ont intériorisé leur culture, s’ils ont cette force en eux, ils seront capables de passer au travers.

Ma fille est partie. Je lui ai dit que si les gens l’embêtaient, c’était eux le problème. Qu’ils gardent leur problème chez eux. Toi, tu n’as aucun problème. Tu es parfaite comme tu es. Elle m’a répondu : « Oui, je vais simplement faire mon travail. » Elle est à l’université. Mais il faut qu’elle soit forte. C’est très facile de s’enfuir et de quitter l’école quand on vous pose des difficultés.

Je crois que nous avons une force. Pouvons-nous en tirer de l’argent? Je ne crois pas que ce soit important; ce que nous voulons, c’est former une personne entière qui peut jouer un rôle au sein de sa famille et de sa collectivité. Nous avons tous un tel rôle à jouer. Avec un bon système d’éducation, nous pourrons peut-être y arriver et trouver une façon de vivre ainsi, même si cela ne nous rapporte pas autant d’argent que si les gens allaient suivre des cours professionnels ou quelque chose du genre.

Pour finir, il faut célébrer. Nous célébrons tout le temps. Nous ne le disons pas. Nous le faisons, simplement. La semaine dernière, nous avons cuisiné avec les aînés dans notre langue. Nous avons chanté, raconté des histoires, tracé des cartes et fait des sorties. Nous avons un congrès qui est organisé en mai. Nous donnons des cours d’été, grâce à nos affiliations. Mais la plupart des choses que nous faisons doivent attendre que nous recevions des fonds. Autrement, nous sommes toujours paralysés.

Cooksjam est un mot facile que je peux vous enseigner. Cela veut dire merci.

La présidente : Merci de votre exposé. Nous sommes à court de temps, alors les questions devront être très courtes.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je tiens à souhaiter la bienvenue à Imelda, qui vient de mon territoire. Votre déclaration m’a émue. Vous avez dit que le projet de loi ne reconnaissait pas nos langues comme étant des langues officielles. Vous avez aussi dit quelque chose à propos du fait que le ministre peut collaborer avec les gouvernements provinciaux. Pouvez-vous nous dire pourquoi ces deux points vous préoccupent?

Mme Perley : Eh bien, en ce qui concerne les langues officielles, nous savons que nos langues sont officielles, mais elles ne sont pas considérées comme telles, et elles ne sont pas protégées par une loi comme le français et l’anglais. Je veux que nos langues soient traitées sur un même pied, puisqu’elles étaient là en premier. Il faudrait que la première langue du territoire soit affichée partout. Ce serait une façon de reconnaître qu’il y avait une langue ici avant le français et l’anglais. Nos enfants doivent en être au courant. Voilà ce que j’aimerais voir, relativement aux langues officielles.

J’ai aussi un problème avec « peut ». Je préfère « doit ». Le mot « peut » semble dire que le ministre n’est pas tenu d’agir ainsi. C’est comme si le ministre disait qu’il allait peut-être le faire ou peut-être pas. Mais en utilisant le mot « doit », nous pouvons être sûrs que ce sera fait.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Il y a aussi le fait que le ministre « peut » collaborer avec les provinces. Y voyez-vous également un problème?

Mme Perley : Non, cela ne me dérange pas, même si je ne veux pas que cela passe par les provinces. Lorsqu’il y a un processus qui va du gouvernement aux provinces, il faut ensuite attendre que des gens soient embauchés, et cela prend une éternité avant que le processus arrive à nos gouvernements autochtones.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Oui, je suis d’accord. Merci beaucoup de vos réponses.

La présidente : Au nom des membres du comité, je tiens à remercier tous nos témoins de ce soir. Nous avons eu une discussion en profondeur sur l’importance des langues et sur certaines lacunes du projet de loi C-91, et je vous en remercie. Merci à Mme Imelda Perley, aînée en résidence, de l’Université du Nouveau-Brunswick; à Mme Wanda Wilson, présidente du Saskatchewan Indigenous Control Centre; et à Robert Matthew, directeur, de la Colombie-Britannique.

(La séance est levée.)

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