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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 34

Le mardi 11 février 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mardi 11 février 2003

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LES ATHLÈTES CANADIENS

FÉLICITATIONS POUR DE BRILLANTES PERFORMANCES

L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, au cours du week-end, trois athlètes canadiens ont remporté des médailles d'or sur la scène mondiale: deux femmes, Cindy Klassen et Clara Hughes, toutes deux de Winnipeg, se sont couvertes de gloire au patinage de vitesse en Suède.

[Français]

Vous me permettrez toutefois de mettre l'accent sur les brillants succès de Mélanie Turgeon, de la belle région de Québec, qui participe à ce sport le plus roboratif — n'en déplaise à mon ami le sénateur Mahovlich — qu'est le ski. Elle est maintenant championne mondiale de descente de ski depuis dimanche dernier. En effet, à Saint-Moritz, elle a descendu le parcours extrêmement difficile en 1 minute, 34 secondes et 30 centièmes. Elle a ainsi mis fin à 10 années de disette de prix pour le Canada.

Mélanie s'est entraînée dans les centres de ski les plus spectaculaires au pays, soit au Mont Sainte-Anne et au Massif de Petite-Rivière-Saint- François, dans la très belle région de Charlevoix. Pour atteindre cette première place du podium, Mélanie a fait preuve d'une détermination et d'une force de caractère peu communes. J'ai eu le plaisir de la rencontrer à plusieurs reprises. Elle possède une personnalité agréable et attachante. Elle peut servir de modèle à toutes les Canadiennes et à tous les Canadiens, qu'ils soient jeunes ou qu'ils aient atteint notre âge plus respectable.

J'invite donc les honorables sénateurs à se joindre à moi pour féliciter Mélanie Turgeon de son remarquable succès.

[Traduction]

LE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

LE PROGRAMME DE PRÊTS AUX ÉTUDIANTS—LE RECOUVREMENT DES PRÊTS

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour aborder un sujet que nous avons déjà examiné auparavant au Sénat. Malheureusement, la situation semble s'aggraver. Ce sujet qui me préoccupe, c'est l'endettement des étudiants inscrits dans les établissements postsecondaires du Canada ou qui viennent d'être diplômés.

Les étudiants qui empruntent de l'argent au gouvernement pour faire des études au-delà du secondaire sont confrontés à de nombreux défis. Il se peut qu'ils ne réussissent pas à décrocher les emplois à plein temps auxquels ils aspiraient lorsqu'ils ont fait leurs études. Ils peuvent avoir l'impression qu'ils ont besoin de plus d'un diplôme, d'un certificat ou d'une licence pour trouver un emploi dans la société d'aujourd'hui. À part ces soucis, ils doivent aussi affronter le problème du remboursement de leurs prêts étudiants.

Pour équilibrer le budget et éliminer les déficits, le gouvernement fédéral a réduit les subventions versées aux provinces aux fins de l'éducation vers la fin des années 90. Même s'il était important de mettre de l'ordre dans nos finances, ces réductions ont fait des victimes. Les étudiants de niveau postsecondaire qui ont dû emprunter de l'argent pour aller à l'université ou dans un collège comptaient parmi ces victimes. Je n'ai pas l'intention de me plaindre de l'absence de réaction du gouvernement devant ces jeunes qui sont pris au piège entre des frais de scolarité qui ne cessent pas de monter et la nécessité d'emprunter pour accéder à des études supérieures.

Honorables sénateurs, je veux parler des moyens utilisés pour recouvrer ces prêts. Il est évident qu'il ne faudrait pas céder directement ces créances à des agences de recouvrement. Nous pouvons sûrement trouver un meilleur moyen. Le gouvernement pourrait certainement déclarer un moratoire, de façon que les créances soient conservées par les organismes prêteurs pendant au moins deux ans, pendant que les étudiants s'efforcent d'établir un plan de remboursement approprié. Je suis sûr que les bureaucrates qui administrent ce programme pourraient s'entretenir avec les prêteurs pour les convaincre de faire preuve de patience et de compassion tandis que les étudiants cherchent à trouver leur place dans le monde du travail et à assumer leurs responsabilités financières. Ces jeunes représentent notre avenir. Nous leur devons bien cela.

LA JUSTICE

LA SÉCURITÉ

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, la sécurité n'est pas un concept abstrait avec lequel les ingénieurs sociaux peuvent jouer. C'est une perception élémentaire sur laquelle reposent les fondements mêmes de nos collectivités. Les gens se sentent en sécurité dans nos rues et chez eux quand notre système judiciaire assure la justice. Et la justice n'est faite que lorsque les gens sont persuadés que des décisions justes ont été rendues. La magistrature de notre pays ne peut pas continuer à fermer les yeux sur les perceptions du public. La peur et l'insécurité augmentent dans la population parce que les criminels ne sont pas punis comme la société s'attend à ce qu'ils le soient.

Hier, Inderjit Singh Reyat a été condamné à cinq ans de prison pour homicide involontaire par suite d'une transaction pénale conclue au sujet de l'une des pires tueries que le Canada ait connues. Au fil des ans, des millions de dollars ont été dépensés pour enquêter sur cet horrible crime.

(1410)

Honorables sénateurs, comment veut-on que les Canadiens se sentent en sécurité dans leur localité si le Code criminel prévoit des peines minimales nettement insuffisantes par rapport à ce que la plupart des gens raisonnables jugent proportionnel aux crimes commis? Comment veut-on que nous nous sentions prémunis contre le terrorisme et d'autres crimes affreux si les tribunaux persistent à faire fi de l'opinion publique et à imposer des peines tout à fait absurdes compte tenu de la gravité des crimes commis?

Il est temps que le peuple enlève à l'élite de ce pays le contrôle du système de justice et qu'il reprenne les choses en main. Il est temps de revoir la Charte des droits, qui sanctionne certains torts. Il est temps de revoir les dispositions du Code criminel concernant les peines minimales pour nous assurer de punir les criminels et de dissuader les contrevenants potentiels. Il est temps pour l'organe législatif de passer en revue les nominations de magistrats. Il est temps que nous reprenions le contrôle du système de justice, avant que la population ne décide de faire la justice elle-même.

LA COURSE DE TRAÎNEAUX À CHIENS YUKON QUEST

L'honorable Ione Christensen: Honorables sénateurs, le Yukon vit sa deuxième journée de la Yukon Quest. Les conducteurs d'attelages de chiens, au nombre de 23, et quelque 250 chiens participeront à cette course pendant 13 jours consécutifs, parcourant des terrains des plus difficiles par un des temps les plus incléments dans l'hémisphère nord.

C'est une véritable épreuve d'endurance pour les conducteurs et leurs chiens que de parcourir les 1 300 kilomètres qui séparent Whitehorse, dans le Yukon, de Fairbanks, en Alaska. Le temps froid, la solitude et le manque de sommeil ajoutent à la pression subie par les conducteurs qui, à chaque étape, doivent s'assurer que leur équipage est bien nourri et bien reposé avant de reprendre le parcours.

Chacun des chiens portent des bottillons aux pattes — pour un attelage de 14 chiens, il faut 56 petits bottillons. Ces bottillons finissent par s'user dans la course, et il arrive souvent que les chiens les perdent en cours de route. Cette tâche à elle seule est des plus exigeantes pour les conducteurs, car un chien peut user 16 de ces bottillons pendant une course.

La Yukon Quest passe pour être l'une des courses de traîneaux à chiens les plus difficiles dans le monde. C'est certainement une course «en autonome». À l'exception des deux jours de halte obligatoire à Dawson City, le conducteur de l'attelage est le seul qui est autorisé à s'occuper des chiens.

Cette course nous ramène à l'époque où il n'y avait ni motoneiges, ni avions, ni routes. C'est en traîneau à chiens que se déplaçaient les prospecteurs, les facteurs, les trappeurs et les agents de la GRC. À cette époque, les conducteurs d'attelages de chiens devaient être entièrement autonomes.

Mon père, à titre d'agent de la GRC, effectuait en traîneau à chiens de longues patrouilles qui duraient parfois plusieurs semaines. J'avais moi-même mon propre petit attelage et mon territoire de piégeage. C'est l'intérêt que je manifestais à 11 ans pour cette activité qui a convaincu ma mère que le meilleur endroit où je pourrais poursuivre mes études serait dans un pensionnat pour jeunes filles de l'île de Vancouver.

Ainsi, au début de la course Yukon Quest, en 1983, mon père était celui qui faisait le départ officiel pour les Whitehorse Darts et il a continué jusqu'à sa mort à 95 ans.

Honorables sénateurs, cette année, nous célébrons le vingtième anniversaire de la Yukon Quest, et le vainqueur rentrera chez lui, non seulement avec un immense sentiment de fierté, mais aussi avec le grand prix de 30 000 $ américains. Ce matin, Martin Massicotte, du Québec, dont l'attelage compte 13 chiens, menait la course. Thomas Tetz, du Yukon était en deuxième place, avec un traîneau de 14 chiens. Toutefois, rien n'indique qui sera le grand vainqueur car, dans cette compétition, ce sont les stratagèmes complexes des concurrents qui déterminent, dans les dernières heures, le véritable gagnant.

En conclusion, je souhaite bonne chance et bonne course aux participants.


AFFAIRES COURANTES

LA LOI SUR L'HYMNE NATIONAL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition) présente le projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin de refléter la dualité linguistique du Canada.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Kinsella, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Français]

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À PERMETTRE LA DIFFUSION DE SES DÉLIBÉRATIONS

L'honorable Céline Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques du jeudi 20 février 2003 par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible ses travaux.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LES LANGUES OFFICIELLES

LA LOI SUR LES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement. La semaine dernière, on a posé plusieurs questions au sujet des modifications qui seront proposées par le gouvernement des Territoires du Nord- Ouest, au début de mars 2003, à la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest.

Je tiens à remercier madame le ministre pour les informations qu'elle nous a fournies à ce jour. C'est un dossier important et complexe. Ce dossier a surtout de l'importance pour les communautés francophones vivant en milieu minoritaire.

En ce qui a trait à la révision du projet de loi des langues officielles des Territoires du Nord-Ouest, madame le ministre a indiqué en cette Chambre, le 5 février dernier, que le Parlement doit donner son accord à cet effet en modifiant la Loi sur les langues officielles. Il s'agit évidemment de l'article 43.1 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest.

Quel processus le gouvernement entend-il suivre pour donner au Parlement tout l'éclairage nécessaire sur la portée du projet de loi afin que celui-ci puisse porter un jugement?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Le sénateur pose une question portant précisément sur les règlements d'application de l'article 41. Que je sache, ceux-ci ne sont pas à venir, mais je m'enquerrai auprès du ministre responsable afin de voir si je puis donner une réponse plus précise au sénateur.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Je répète ma question puisqu'elle a été mal comprise. Les amendements proposés à la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, la Loi sur les langues officielles, doivent nécessairement recevoir l'appui du Parlement canadien.

Le 3 mars prochain, les Territoires du Nord-Ouest ont l'intention de déposer des modifications à la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest.

Quelles mesures et quelles informations le gouvernement entend-il partager avec nous pour nous donner l'éclairage nécessaire sur la portée du projet de modification de la Loi sur les langues officielles?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je crois savoir qu'un comité parlementaire de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest se penche sur la Loi sur les langues officielles des Territoires. Ce comité n'a pas encore fait de présentation au gouvernement fédéral.

Le sénateur Gauthier: Honorables sénateurs, ma question à madame le ministre comportait aussi ceci: «Le procureur général soutient que la partie 7 de la Loi sur les langues officielles ne crée pas d'obligations ni de droits.» Lorsque la loi actuelle a fait l'objet d'un débat au Parlement en 1988, le secrétaire d'État de l'époque m'a dit que l'article 41 de la Loi sur les langues officielles imposait effectivement des obligations au gouvernement.

(1420)

Quinze années après l'adoption de ladite loi, aucun règlement pour appliquer l'article 41 n'a été proposé ou pris par le gouvernement. Or, sans règlements d'application une loi n'est rien d'autre qu'une coquille vide que tous peuvent interpréter à leur façon.

Les Territoires du Nord-Ouest n'ont pas de tels règlements d'application eux non plus. Ils ont des directives, mais cela est autre chose.

La Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest et celle du Nouveau-Brunswick comportent des dispositions de réexamen prévoyant la révision de ces lois dix années après leur adoption. Quand le gouvernement fédéral donnera-t-il l'exemple et proposera-t-il un règlement pour appliquer l'article 41 de la Loi sur les langues officielles? Ou est-ce que le gouvernement compte plutôt, après 15 années d'existence de cette loi, procéder à une révision complète de celle-ci de manière à la moderniser et à la mettre à jour?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, comme je l'ai indiqué plus tôt, je n'ai pas entendu dire qu'on ait l'intention de prendre un règlement dans ce sens ou de revoir entièrement la loi, mais il me semble clair que c'est là l'argument que le sénateur aimerait que je présente au ministre et je le ferai en son nom.

LE PATRIMOINE

LES NOTES DE FRAIS DE LA MINISTRE

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Grâce à l'accès à l'information, nous avons appris que la ministre du Patrimoine, Mme Sheila Copps, a réclamé le remboursement de quelque 180 000 $ en dépenses personnelles sur une période de 22 mois. Des demandes de remboursement totalisant près de 81 000 $ étaient classées dans la catégorie «autres dépenses» sans autre précision ni reçu.

Le gouvernement en place ne semble pas s'inquiéter du fait que l'on puisse réclamer le remboursement de dépenses sans devoir dire à quoi l'argent a servi. Aucune entreprise privée n'accepterait cela et aucun contribuable ne pourrait en faire autant en remplissant son formulaire de déclaration de revenus.

Honorables sénateurs, le gouvernement a insisté récemment sur l'obligation pour les provinces de rendre compte des dépenses de santé, mais il ne s'est pas acquitté lui-même de cette obligation pour ses propres dépenses dans des cas qui ont fait scandale comme le registre des armes à feu, DRHC et Groupaction. Encore une fois, le gouvernement fédéral demande aux Canadiens de faire ce qu'il dit et non ce qu'il fait.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire si le premier ministre demandera à la ministre du Patrimoine de déposer des reçus en bonne et due forme? À défaut de tels reçus, le premier ministre lui demandera-t-il de rembourser aux contribuables les sommes qu'elle a réclamées sans pièces justificatives?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la politique régissant les frais des membres du gouvernement est celle qui était en vigueur pendant toutes les années Mulroney. Elle n'a pas été modifiée et je ne crois pas qu'une décision ait été prise de la modifier.

LE CONSEIL DU TRÉSOR

LA DIVULGATION DES RENSEIGNEMENTS SUR LES NOTES DE FRAIS

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ce système a évidemment été utilisé depuis un certain temps par le gouvernement actuel, mais le 15 mars 2002, à l'autre endroit, la présidente du Conseil du Trésor, l'honorable Lucienne Robillard, a dit: «Le premier ministre a demandé à tous ses ministres et à leur personnel politique de divulguer l'information concernant leurs dépenses.»

La ministre demandera-t-elle au premier ministre d'obliger ses ministres à respecter cette demande et la Loi de l'impôt sur le revenu et de suspendre le régime de confiance qui caractérise le remboursement des frais?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la réponse à la question du sénateur est la suivante: les ministres remplissent un formulaire tous les mois et dressent la liste de leurs dépenses. Ces renseignements sont consignés, comme cela s'est fait dans le gouvernement précédent, mais les reçus sont gardés dans les bureaux des ministres.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, la ministre n'a pas répondu à ma question, qui concerne tout simplement le fait que la présidente du Conseil du Trésor a demandé aux ministres de respecter la politique. Je me demande pourquoi, un an plus tard, ils ne l'ont pas fait.

Le sénateur Carstairs: On leur a demandé de respecter la politique qui existe, et ils le font.

L'ENVIRONNEMENT

LA FERMETURE DU BUREAU MÉTÉOROLOGIQUE DE LA SASKATCHEWAN

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sujet du bureau d'Environnement Canada à Saskatoon. Une annonce devait être faite, à la fin de janvier, au sujet de la fermeture du bureau météorologique de Saskatoon, le seul qui reste dans notre province. Le ministre Anderson a ensuite reporté l'annonce. La ministre a-t-elle d'autres renseignements, à savoir si les activités qui ont lieu à Saskatoon seront supprimées et transférées à Edmonton?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, tout ce que je peux faire pour le sénateur, c'est exercer autant de pressions en faveur du bureau de Saskatoon que je le fais en faveur de celui de Winnipeg, qui ne sont que deux bureaux parmi un bon nombre dont la fermeture a été recommandée. Aucune décision n'a été prise pour l'instant.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, la ministre pourrait peut-être faire davantage que tout simplement faire une demande. Depuis 1997, année où le gouvernement fédéral a décidé de reloger le personnel des services météorologiques à Edmonton, le bureau actuel de Saskatoon n'est rien de plus qu'un bureau de consultation. À l'époque, le déménagement a soulevé une vive controverse. Alan Manson, président de l'Institut des études spatiales et atmosphériques à l'Université de la Saskatchewan, a dit que la qualité des renseignements avait déjà diminué considérablement et était si faible que, même si nous perdions nos acquis, les conséquences ne seraient pas graves. Il faut vraiment que nous rétablissions le bureau météorologique dans notre province, qui se fie sur les données météorologiques pour faire fonctionner son économie locale.

Madame le leader pourrait-elle en faire un peu plus et demander que les provinces comme la Saskatchewan, qui sont tributaires de l'information météorologique de façon quotidienne, obtiennent le rétablissement de leurs bureaux météorologiques?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, en toute honnêteté, il est peu probable que les bureaux fermés seront rouverts. Les informations dont je dispose, contrairement à celles du professeur, m'indiquent que les services ont été maintenus. Toutefois, comme je l'ai dit au sénateur, la fermeture complète d'un certain nombre de bureaux d'un bout à l'autre du pays a certes soulevé des interrogations. Les deux bureaux dont je me préoccupe de façon particulière sont ceux de Winnipeg et de Saskatoon. Nous vivons tous deux dans des provinces connaissant des variations de température extrêmes. Cependant, le ministère a réexaminé la question et il est à espérer qu'il prendra une décision différente de celle qu'il a prise initialement.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, madame le leader pourrait peut-être mentionner, à cette réunion du Cabinet, où elle soulèvera sans doute la question, que j'écrirai une lettre pour relancer le dossier. Le Cabinet pourrait aussi lire ce qu'a dit M. Manson. Ce dernier a dit que la notion selon laquelle on peut tout faire à partir d'une base centrale, à l'aide d'un puissant ordinateur sans connaissances locales ni adaptation des prévisions en fonction des régions, est ridicule. Ce que nous avons ici, c'est une politique fédérale ridicule qui consiste à fermer les bureaux météorologiques du pays et se fonde sur l'idée que des machines peuvent remplacer des météorologues de qualité pour fournir aux entreprises et aux agriculteurs l'information dont ils ont besoin.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, en toute honnêteté, je pense qu'Edmonton, où se trouve actuellement le bureau principal, dispose de bons météorologues. Cependant, il est important de fournir des informations météorologiques locales, notamment dans nos provinces, pour les raisons que j'ai données. Certains d'entre nous travaillent fort dans ce dossier.

LA SANTÉ

L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE—L'UTILISATION DES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES POUR COMBATTRE LE VIH/ SIDA EN AFRIQUE

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur le traitement du sida et du VIH en Afrique.

Le 23 octobre dernier, j'ai soulevé une interpellation au sujet de l'utilisation de médicaments génériques pour le traitement du sida et du VIH en Afrique.

Dans son récent discours sur l'état de l'Union, le président Bush a promis de consacrer 15 milliards de dollars sur cinq ans à la lutte contre le fléau du VIH/sida en Afrique. S'il tient promesse, cela aura une influence déterminante sur la vie de plus de 25 millions d'Africains qui luttent contre cette maladie sans grand espoir de guérison. Dans son discours, le président a appuyé l'utilisation de médicaments génériques pour combattre le sida sur ce continent et a parlé du rôle important qu'ils peuvent jouer en rendant les médicaments accessibles à ceux qui n'ont pas les moyens de payer des médicaments plus coûteux.

Honorables sénateurs, on ne saurait justifier que des médicaments servant à prolonger la vie de patients atteints du sida dans les pays développés ne puissent être mis à la disposition des pays en développement. À mon avis, pour contribuer à modifier cette situation, le Canada doit miser sur le fait qu'il est un des chefs de file dans le domaine du commerce pour veiller à ce que l'OMC encourage les fabricants de médicaments génériques à exporter leurs produits vitaux en Afrique au plus bas coût possible.

(1430)

À l'heure actuelle, les règles de l'OMC autorisent des pays en crise à produire sans autorisation des copies génériques d'un médicament breveté, dans la mesure où la fabrication se déroule sur leur territoire. Pour bon nombre de pays africains, même cela pose problème.

En ce qui concerne le traitement du sida, quelles mesures le gouvernement du Canada a-t-il adoptées pour favoriser la santé publique plutôt que les bénéfices du secteur privé dans les accords commerciaux internationaux?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de sa question. Au même titre que lui, j'étais ravie d'entendre le président Bush déclarer dans son discours sur l'état de l'Union qu'un montant de 15 milliards de dollars sera affecté à la lutte contre le sida en Afrique. C'est manifestement là un engagement de taille. Il est à espérer qu'il pourra être respecté intégralement une fois franchies toutes les étapes du processus budgétaire américain préalable à sa mise à exécution.

L'honorable sénateur sait aussi que le gouvernement a établi un Fonds pour l'Afrique. Une partie de l'argent de ce fonds sera également affectée au programme de lutte contre le sida.

En ce qui concerne les discussions en cours à l'OMC, je communiquerai à M. Pettigrew la suggestion faite cet après-midi par l'honorable sénateur.

L'AFRIQUE—LA CONTRIBUTION DU GOUVERNEMENT À LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, la contribution de 15 milliards de dollars annoncée par les États- Unis est 40 fois plus élevée que la contribution de 500 millions de dollars annoncée par le Canada à l'occasion du Sommet du G8 tenu l'an dernier à Kananaskis. Globalement, l'aide officielle au développement consentie par notre pays en 1999-2000 correspondait à 0,29 p. 100 du PNB, alors qu'elle atteignait 0,49 p. 100 du PNB en 1991-1992, sous le précédent gouvernement conservateur.

L'envoyé spécial de l'ONU en Afrique dans le dossier du sida, M. Stephen Lewis, un Canadien, a fait le commentaire suivant à la suite du discours sur l'état de l'Union:

Des pays comme le Canada n'ont vraiment pas d'autre choix que de s'adresser de nouveau à leur Trésor pour demander comment ils pourront accroître leur propre contribution à la lutte contre l'épidémie [...]. Je ne peux voir comment ils peuvent s'y soustraire.

Le gouvernement fédéral songe-t-il à augmenter l'aide financière que notre pays accorde à la lutte contre le sida en Afrique?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous aurons de plus amples renseignements à ce sujet mardi prochain à 16 h 30.

L'ENVIRONNEMENT

LE PROJET DE LOI DE MISE EN OEUVRE DU PROTOCOLE DE KYOTO

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire si le gouvernement a décidé qu'il faudra une loi habilitante pour mettre en oeuvre le Protocole de Kyoto en tout ou en partie? Dans l'affirmative, quand le projet de loi sera-t-il présenté?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, cette question est un peu prématurée. Le sénateur sait sans doute que des discussions sur la mise en oeuvre de l'accord de Kyoto sont en cours avec les provinces. Nous ne pourrons présenter un projet de loi de mise en oeuvre tant que ce processus ne sera pas terminé.

LES NATIONS UNIES

LA POSSIBILITÉ D'UNE GUERRE CONTRE L'IRAK

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. À chaque heure qui passe, nous nous rapprochons d'une guerre en Irak. À sa sortie de la réunion du Cabinet aujourd'hui, le premier ministre Chrétien a déclaré que nous devrions prier pour que Hans Blix présente un rapport favorable au Conseil de sécurité de l'ONU vendredi. Il n'est sans doute pas mauvais de prier, mais j'aimerais bien joindre l'action à la prière.

Les gouvernements de la France, de l'Allemagne et de la Russie veulent tripler le nombre d'inspecteurs de l'ONU en Irak pour s'assurer que ce pays ne pourra pas camoufler ou mettre au point des armes de destruction massive. Cela correspond précisément au plan qu'avait proposé l'ancien président des États-Unis, Jimmy Carter.

Pourquoi le gouvernement du Canada refuse-t-il d'appuyer cette proposition visant à renforcer l'ONU et à assurer la conformité de l'Irak dans le but d'éviter la guerre? Après, nous pourrons peut-être dire une prière de remerciement pour avoir échappé à la guerre.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je serais très heureuse de me joindre à l'honorable sénateur Roche et d'offrir une prière de remerciement pour avoir évité la guerre.

M. Blix fera rapport à l'ONU vendredi. Nous ignorons quel sera le contenu de son rapport. Par exemple, nous ne savons pas s'il est d'avis que le fait d'avoir un plus grand nombre d'inspecteurs sur le terrain aiderait ou nuirait au processus.

Hier, l'Irak a autorisé le survol de son territoire par des avions espions U-2. À mon avis, ce moyen peut-être plus efficace que l'ajout d'inspecteurs sur le terrain, car ces avions pourront repérer des choses qui peuvent parfois échapper à des êtres humains.

Bien franchement, nous devons attendre le rapport que M. Blix remettra aux Nations Unies vendredi avant de nous livrer à des hypothèses.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, le plan proposé par la France, la Russie et l'Allemagne n'a rien d'hypothétique. Il a notamment été exposé dans une intervention du ministre des Affaires étrangères de la France au Conseil de sécurité de l'ONU.

LE SÉNAT

LA TENUE D'UN DÉBAT SUR L'ÉVENTUALITÉ D'UNE GUERRE CONTRE L'IRAK

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, je voudrais maintenant évoquer la possibilité d'obtenir un débat sur la question au Sénat.

Madame le ministre se rappellera que nous avons déjà discuté de la question. Pour l'instant, nous sommes cordialement en désaccord. Elle dit que ma motion no 4 inscrite au Feuilleton suffit parfaitement. Je soutiens qu'il devrait y avoir un débat proposé par le gouvernement. Je tiens à la rassurer: ce qui va suivre n'est pas une question piège; c'est un effort en vue d'obtenir de l'information sur la position du Parti libéral du Canada.

Avant la première guerre du Golfe, le Parti libéral, qui formait alors l'opposition au Sénat, a proposé une motion prévoyant un débat. Le 20 novembre 1990, l'honorable Allan MacEachen, chef de l'opposition, a proposé au Sénat une motion qui a donné lieu à un débat. La motion disait ceci:

Que le Sénat s'ajourne maintenant, afin de soulever une question urgente d'intérêt public, soit la crise du golfe Persique.

Le sénateur MacEachen a ensuite prononcé un discours. Il a été suivi par le regretté Heath Macquarrie, qui s'est fait le porte-parole du gouvernement. Un certain nombre d'autres sénateurs ont également pris part au débat.

Je me demande pourquoi, en 1990, le Parti libéral, qui formait alors l'opposition, était en faveur d'un débat au Sénat sur la guerre du Golfe, alors imminente, alors que, aujourd'hui, il s'oppose à la tenue d'un débat au Sénat sur une nouvelle guerre du Golfe.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Roche a répondu à sa propre question. La situation est simple: l'honorable sénateur a inscrit une motion au Feuilleton. J'ai encouragé tous les honorables sénateurs à participer au débat sur cette motion, mais je ne peux toutefois pas obliger les sénateurs à aborder la question s'ils ne le désirent pas.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, madame le ministre revient sans cesse au fait que j'ai fait inscrire une motion au Feuilleton. La question n'est pas là. Nous voulons connaître la position du gouvernement. Quelle est la position du gouvernement canadien en ce qui concerne la perspective imminente d'une guerre en Irak? Je crois que tous les sénateurs ont le droit d'entendre le gouvernement nous expliquer sa position.

En parlant du gouvernement, s'il ne veut pas tenir de débat sur la question, madame le ministre s'engagera-t-elle à débattre ma motion?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, les meilleurs porte- parole du gouvernement en la matière sont évidemment le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Je ne suis ni l'un ni l'autre. Ils ont tous deux exposé avec éloquence la position du gouvernement. C'est une position que j'appuie sans réserve. En toute franchise, je ne sais pas ce que je pourrais ajouter à ce débat; je ne pourrais que répéter ce que le premier ministre et l'honorable Bill Graham ont déjà clairement dit.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, l'histoire ne fait que se répéter. Je n'ai pas de notes, car j'ai personnellement vécu les événements dont je veux vous parler.

Le 22 janvier 1991, le caucus libéral national, dont j'étais membre, a décidé tôt le matin de ne pas voter en faveur de la motion qu'allait proposer ce jour-là le très honorable Brian Mulroney.

Tout au long de la journée, des pressions ont été exercées. Je ne m'étendrai pas sur le sujet aujourd'hui. Je pourrais vous citer des noms, des faits et le numéro de certaines pièces. J'y étais. J'étais très actif au sein du caucus national. J'étais membre du caucus du Québec qui relevait du caucus national.

(1440)

Pour des raisons que je ne mentionnerai pas aujourd'hui, tout au long de la journée, des députés ont déserté les uns après les autres. Lorsqu'est arrivé le vote final, le très honorable Jean Chrétien se tenait devant moi. J'ai levé la main et lui ai dit ceci: «S'il te plaît, Jean, arrête! Je t'en prie.»

Lorsque le vote a eu lieu, nous avons voté autrement. Le très honorable John Turner est venu de Vancouver pour contester M. Chrétien, si je ne m'abuse. Même s'il était un ami, j'ai eu le courage de tenir alors tête au chef. Le gouvernement est tombé. Le vote a eu lieu et nous avons voté autrement. Au moins le vote a eu lieu. Quarante-sept députés, dont 39 néodémocrates, ont rejeté la motion. J'ai eu le grand plaisir de constater que trois autres libéraux avaient voté comme moi contre la motion. Un de ceux-là est aujourd'hui whip en chef du gouvernement à la Chambre des communes. Les deux autres étaient Warren Almand et Christine Stewart.

Des voix: Le vote.

Le sénateur Prud'homme: Le vote en effet. Je crois que nous devrions avoir le droit de voter. Peu importe. Je veux voter.

Le sénateur Roche: Le droit.

Le sénateur Prud'homme: Les Canadiens ont le droit de savoir quelle est la position des sénateurs. Je ne veux pas qu'on puisse se cacher et attendre après le fait pour prendre position. La question est trop importante. J'exhorte madame le leader du gouvernement au Sénat à se préoccuper de justice. Elle n'est pas obligée de répondre aujourd'hui. Toutefois, cela provoquera un schisme au Canada si, au Conseil de sécurité, des pays votent pour et d'autres contre. Je n'en dirai pas plus. S'il y a un débat, j'y participerai.

Madame le leader du gouvernement au Sénat aurait-elle l'obligeance de faire comprendre au premier ministre qu'il y a des gens qui veulent que leur vote soit compté? Nous ne pouvons pas voter après que la décision a été prise. C'est une question nationale pour notre institution. Nous avons le droit de voter. Nous avons le droit de parler.

Madame le ministre envisagera-t-elle au moins de réévaluer ce qui vient d'être dit? Elle a plus de pouvoir. Elle fait partie du Cabinet. Elle nous représente. Elle est notre voix à tous ici.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je dois exprimer mon désaccord avec l'honorable sénateur, pour la simple raison que je ne veux pas me retrouver invitée à voter sur une initiative qui est encore, en grande partie, hypothétique.

Nous nous en sommes remis aux Nations Unies, et c'est exactement ce qu'il fallait faire. Hans Blix se rendra aux Nations Unies vendredi. Nous saurons alors s'il existe d'autres preuves concernant la présence d'armes de destruction massive en Irak. Les inspecteurs en désarmement se trouvent toujours dans ce pays. Nous saurons si l'Irak s'est conformé à la résolution 1441 du Conseil de sécurité, ou s'il l'a violée.

Il serait tout à fait inapproprié de voter avant d'en savoir plus sur la situation.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je n'ai pas proposé de voter au préalable. Je suis d'accord avec tout ce qu'a dit madame le ministre. Toutefois, nous devrions pouvoir voter avant que les Nations Unies se prononcent, quelle que soit leur décision. C'est ce que je voulais dire. Pour le reste, je suis entièrement d'accord avec madame le ministre.

Le sénateur Carstairs: Le gouvernement a clairement expliqué sa position; nous appuirons les Nations Unies dans ce dossier.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Elle a dit qu'il s'agissait d'une situation hypothétique. Nous déployons actuellement des troupes dans la région du Golfe. Le déploiement de troupes et de personnel dans cette région ne me semble pas être une activité hypothétique, dans la mesure où les décisions sont prises. Aux yeux des Canadiens, nous faisons ce que des gens comme moi estiment être la chose à faire: nous intervenons et appuyons les États-Unis dans leur action.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le sénateur se trompe. Nous ne déployons pas de troupes. Nous avons déplacé 25 personnes qui travaillaient avec des personnages officiels américains en Floride, et qui faisaient une planification à long terme au Qatar. Je ne crois pas que le déplacement de 25 personnes puisse être considéré comme un déploiement de troupes.

Comme l'honorable sénateur le sait bien, il y a eu un changement de commandement en ce qui concerne l'opération Apollo et la guerre menée contre le terrorisme. Nous avons toujours eu une position claire au sujet du terrorisme et de la question du contrôle maritime par nos navires qui sont déjà sur le théâtre des opérations et qui y sont depuis le début de l'opération Apollo.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Étant l'unique représentante du gouvernement en cette Chambre, en vertu d'un principe gagné de haute lutte par nos ancêtres, vous devez défendre ce gouvernement. Il est peut-être très réconfortant de s'en remettre à l'opinion du premier ministre ou à celle du ministre des Affaires étrangères, sauf que c'est à vous de répondre à nos questions.

Le président des États-Unis et son secrétaire à la Défense ont dit qu'ils agiraient seuls ou avec leurs alliés, qu'ils aient reçu ou non l'appui de l'OTAN et des Nations Unies. Faisons-nous partie de ces alliés auxquels font référence les Américains?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il m'appartient de répondre aux questions qui sont posées; voilà pourquoi je prends la parole ici tous les jours. L'honorable sénateur a demandé si je ferais un discours. Si j'en faisais un, je dois dire aux honorables sénateurs que je ferais exactement le même discours que celui que l'honorable Bill Graham a prononcé à l'autre endroit. Cependant, notre Règlement l'interdit. Je ne suis pas autorisée à prononcer exactement le même discours que celui qui est prononcé à l'autre endroit. Je dis aux honorables sénateurs que mon discours serait identique, parce qu'il devrait l'être. C'est très important, dans la présente situation très délicate, que tous les Canadiens sachent la position adoptée par leur gouvernement à l'heure actuelle. Personne d'entre nous ne veut aller en guerre.

Les Canadiens veulent que le gouvernement agisse d'une manière judicieuse. Pour moi, agir de la manière la plus judicieuse possible consiste à laisser le ministre des Affaires étrangères et le premier ministre faire leurs discours sur cette question.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne le dossier américain, nous sommes des alliés des Nations Unies. Nous nous sommes engagés à respecter le processus des Nations Unies.

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, pourquoi ne pas le dire publiquement?

RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre une réponse différée à la question orale de l'honorable sénateur Oliver, posée au Sénat le 23 octobre 2002, sur l'Accord concernant la frontière efficace pour limiter le nombre des chercheurs d'asile.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LES ÉTATS-UNIS—L'ACCORD CONCERNANT LA FRONTIÈRE EFFICACE POUR LIMITER LE NOMBRE DES CHERCHEURS D'ASILE

(Réponse à la question posée le 23 octobre 2002 par l'honorable Donald H. Oliver)

Coopération sur la réinstallation (à la suite de l'Accord sur les Tiers pays sûrs)

L'article 9 de l'Accord sur les tiers pays sûrs stipule que «les parties, sur demande, s'efforcent toutes deux de faciliter, l'une à l'autre, la réinstallation des personnes dont le besoin de protection a été établi dans les cas appropriés». Les dispositions de l'article 9 sont réciproques, ce qui signifie que chacun des deux pays peut demander à l'autre de l'aider pour la réinstallation de réfugiés. Dans le cadre de l'Accord, les détails de toute revendication déférée seraient l'objet de discussions ultérieures entre les parties. Selon l'évolution de la situation, les parties peuvent avoir intérêt à accepter plus ou moins de revendications déférées, voire aucune. On notera que ce n'est pas la première fois que des pays s'entraident pour la réinstallation de réfugiés.

En vertu de l'article 9, le Canada a établi des paramètres qui régiront la façon dont les États-Unis pourront déférer des personnes: celles-ci devront se trouver à l'extérieur des États- Unis et du Canada, au sens où l'entendent leurs lois nationales respectives sur l'immigration, et les gouvernements du Canada et des États-Unis auront déterminé qu'elles ont besoin de la protection internationale. On notera que toute revendication déférée en vertu de cette entente supplémentaire ferait partie des chiffres annoncés publiquement chaque année quant au nombre de réfugiés que le gouvernement est prêt à parrainer.

LE SÉNAT

LA MISE EN PAGE DES RÉPONSES DIFFÉRÉES

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai quelques remarques à faire concernant la réponse différée que le leader adjoint du gouvernement vient de déposer. Premièrement, j'apprécie le beau travail accompli dans la préparation de cette réponse différée.

(1450)

La méthodologie utilisée depuis quelque temps fait en sorte que nous ne recevons que la réponse aux questions orales. Il est difficile de se rappeler la question posée par un honorable sénateur. Les fonctionnaires qui préparent ces réponses pourraient-ils y ajouter la question correspondante?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le sénateur Kinsella le sait, les réponses sont rédigées par des fonctionnaires des ministères, et elles nous parviennent sous une certaine forme. Le sénateur fait toutefois une excellente suggestion. Je vais me renseigner pour voir si nous pouvons ajouter la question au document que nous distribuons.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'HONORABLE HERBERT O. SPARROW

FÉLICITATIONS À L'OCCASION DU 35e ANNIVERSAIRE DE SA NOMINATION AU SÉNAT

Permission ayant été accordée de revenir aux déclarations de sénateurs:

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, le sénateur Gustafson m'a signalé un anniversaire qui a été passé sous silence il y a deux jours, car le 9 février 1968, l'honorable Herb Sparrow était nommé à cet endroit par Lester B. Pearson. Je pense que le 9 février est le 35e anniversaire de sa nomination et je l'en félicite.

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, j'aimerais parler brièvement de notre collègue de la Saskatchewan. S'il y a jamais eu une personne qui a à coeur la vie des agriculteurs, c'est bien le sénateur Sparrow. Il a présidé le comité qui a publié le rapport intitulé Nos sols dégradés. Ce rapport a fait davantage pour encourager les agriculteurs à pratiquer la culture continue au lieu de laisser leurs champs en jachère, permettant au vent d'emporter la terre, que n'importe quelle autre chose qui a influencé les pratiques agricoles dans les Prairies.

Le sénateur Sparrow est spirituel. On ne sait jamais à quoi s'attendre avec lui, mais on peut être assuré de passer de bons moments.

Je suis heureux de féliciter le doyen du Sénat à l'occasion de son 35e anniversaire en tant que sénateur.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots au sujet du sénateur Sparrow. Il devrait y avoir plus de libéraux comme le sénateur Sparrow; en effet, il est souvent d'accord sur ce que nous disons de ce côté-ci. Quand les libéraux parlent d'«indépendance d'esprit», ils veulent vraiment dire que ce qu'ils disent est juste et que ce que nous disons est tendancieux.

Le sénateur Sparrow contredit cette affirmation. C'est réellement un esprit indépendant. C'est une joie de travailler avec lui et c'est un compagnon de voyage très agréable quand nous retournons en Saskatchewan. Il nous divertit avec toutes sortes d'histoires sur le Parti libéral d'antan — il ne parle guère du présent. Nous échangeons des histoires politiques et nous sommes devenus de bons amis.

J'admire beaucoup le sénateur Sparrow pour sa stature — même si physiquement je lui suis supérieur de par la carrure. Je le félicite de tout ce qu'il a fait pour sa province.

Nous sommes très fiers d'être associés à vous.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je m'incline toujours devant le doyen du Parlement. Toutefois, je signale qu'aucun d'entre vous n'a remarqué que, aujourd'hui, j'entame ma 40e année au Parlement, 40 ans sans interruption, pour ceux d'entre vous qui saisissent la nuance. Il y a eu 39 ans hier soir que j'ai été élu une première fois.

Toutefois, le sénateur Sparrow est le doyen du Sénat et je tiens à m'associer à tout ce qui a été dit à son sujet. J'ai beaucoup de respect pour lui. Il a été nommé par M. Pearson; j'ai été élu sous M. Pearson; il n'y a pas beaucoup de gens ici qui peuvent en dire autant.

Félicitations, sénateur Sparrow.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je voudrais moi aussi me joindre à mes collègues et féliciter le sénateur Sparrow en cette occasion spéciale. C'est réellement un plaisir de pouvoir parler ainsi des sénateurs pendant qu'ils sont encore parmi nous, sachant qu'ils vont y demeurer encore quelque temps.

Le sénateur Sparrow a accompli un travail vraiment exceptionnel. Nous savons tous qu'il a été nommé par le premier ministre Pearson. Il a fait un travail remarquable pour l'agriculture et les agriculteurs. J'ai eu le grand privilège de travailler avec lui au sein du Comité de l'agriculture il y a quelques années, lorsque ce comité a été appelé à se pencher sur la question de l'érosion du sol. C'est à ce moment que l'Ouest canadien m'a vraiment été révélé pour la première fois.

J'ajoute aux bons voeux de la Chambre mes meilleurs sentiments et toute mon affection. Le sénateur Sparrow est vraiment un homme de la terre.

L'honorable B. Alasdair Graham: Honorables sénateurs, vous êtes tous dans l'erreur. C'est demain l'anniversaire du sénateur Sparrow. Je le sais parce que je me souviens de la première fois où j'ai mis les pieds ici, il y a près de 31 ans. Le sénateur Sparrow était déjà un ancien. Je me rappelle le jour de mon assermentation. À peine avais- je réchauffé mon siège que Herb venait à ma rencontre, un large sourire aux lèvres et les bras tendus. Avant de me féliciter, cependant, il voulut connaître mon âge. C'était à l'époque où on nommait des adolescents.

«Quel âge avez-vous?», demanda-t-il. «Dix-neuf ans», répondis-je. «Parfait, répliqua-t-il, je reste le plus jeune. Je n'ai que 16 ans.»

C'est comme cela qu'il est, le même qu'à ce moment-là.

Le sénateur Sparrow est resté mon ami pendant toutes ces années, même durant cette période mémorable, mais qu'on préférerait peut- être oublier, du débat sur la TPS. Lorsque le sénateur Sparrow prenait la parole, nous ne savions pas s'il était un prêcheur des Prairies ou si le révérend Jimmy Swaggart en personne venait d'entrer dans la Chambre.

Le sénateur Sparrow a remporté de nombreux prix. En 2001, si je me rappelle bien, il a été intronisé au Temple de la renommée de l'agriculture de la Saskatchewan. On a fait état plus tôt de ce merveilleux rapport intitulé Nos sols dégradés présenté par Comité de l'agriculture réuni sous sa présidence. Ce rapport a valu au sénateur Sparrow un doctorat honorifique en sciences de l'Université McGill. Il n'est pas seulement une autorité canadienne en matière de conservation des sols. Ses connaissances dans ce domaine particulier sont connues et respectées partout dans le monde.

(1500)

Sénateur Sparrow, en vous félicitant et en signalant quelques-unes de vos réalisations, je tiens à vous dire que vous gagnez non pas en âge, mais en sagesse.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je veux aussi rendre hommage au Dr Sparrow. Je ne savais pas que vous aviez un doctorat, Herb, mais j'ai énormément de respect pour vous. Il y a deux traits qui vous caractérisent vraiment, monsieur: votre sens de l'humour et votre bon sens, qui font de vous ce que vous êtes, Herb. Vous êtes un chic type. Vous êtes l'un de mes préférés ici. Vous êtes tout simplement un vrai bon gars. Félicitations! J'espère que vous serez ici à jamais.

L'honorable David P. Smith: Honorables sénateurs, je viens de me rendre compte que je suis l'une des rares personnes qui ait connu le sénateur Sparrow avant sa nomination au Sénat. Au début des années 60, j'ai travaillé au siège du Parti libéral sous la direction de M. Pearson. J'ai parcouru le pays en compagnie de Keith Davey et j'ai appris à connaître le sénateur Prud'homme.

Je me souviens de quelques réunions hilarantes à l'hôtel Bessborough en 1964 lorsque le sénateur Sparrow était le bras droit de Ross Thatcher et le président du parti. Je signale également qu'il vit sur Walker Drive, qui porte le nom du grand-père de ma femme.

Je considère que c'est un honneur pour moi d'être assis à côté de notre doyen.

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, je voudrais signaler deux petits aspects de mes relations avec mon ami de longue date, Herb Sparrow, qui est de deux ans plus ancien que moi puisque je suis dans ma trente-troisième année au Sénat.

Il y a quelques années, au cours du débat sur l'accord de Charlottetown, alors que tout le pays semblait appuyer unanimement l'accord, y compris les députés à l'autre endroit et les sénateurs ici, le sénateur Sparrow m'a demandé: «Comment allez-vous voter sur l'accord de Charlottetown?» J'ai répondu: «Je voterai contre.» Il m'a dit alors que c'était également son intention, puis il m'a demandé: «Allez-vous vous lever avec moi?» Honorables sénateurs, il y a eu deux «non» lors du vote sur l'accord de Charlottetown.

Une fois, nous étions en avion ensemble, après qu'il eut obtenu son doctorat, sénateur St. Germain. Quelqu'un a annoncé par les haut-parleurs qu'une hôtesse venait d'être blessée à la poitrine et a demandé s'il y avait un docteur à bord. Le sénateur Sparrow a dit: «Je suis docteur.» Il s'est alors rendu à l'avant de l'appareil, mais il est revenu une ou deux minutes plus tard. Je lui ai demandé: «Que s'est-il passé?» Il me répond: «C'est vraiment affreux, un docteur en théologie m'a battu de vitesse!»

Vous êtes un grand sénateur. Vous avez un merveilleux sens de l'humour. J'ai eu énormément de plaisir à travailler avec vous pendant toutes ces années.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, pendant la courte période que j'ai passée ici, j'ai réussi à comprendre presque tout ce qui se passe au Sénat, parfois au moment même et parfois, très longtemps après.

Toutefois, il y a une chose concernant le sénateur Sparrow qui s'est produite récemment et que je n'arrivais pas du tout à comprendre: pourquoi a-t-il consacré tant de temps et d'efforts pour essayer d'empêcher l'adoption de la motion du sénateur Lapointe tendant à limiter les hommages? Finalement, je comprends maintenant. Je ne savais pas qu'il était sur le point de célébrer un trente-cinquième anniversaire. Il avait vraiment réfléchi à son coup.

Des voix: Bravo!

L'honorable Herbert O. Sparrow: Honorables sénateurs, merci beaucoup. J'apprécie énormément vos paroles aimables. Oui, je suis au Sénat depuis 35 ans et je peux affirmer que, pendant tout ce temps, je n'ai pas regretté une journée que j'ai passée ici. C'était le 25 septembre 1970. Je n'ai jamais regretté d'être venu ici.

J'apprécie beaucoup la bonne volonté manifestée par l'opposition. Je lui suis reconnaissant de sa gentillesse. Je tiens cependant à ce qu'une chose soit claire. On m'a demandé pourquoi j'étais libéral, et j'ai répondu: «Eh bien, mon grand-père était libéral, mon père était libéral et je le suis aussi.» Mon interlocuteur a rétorqué: «Eh bien, si votre grand-père était un imbécile et votre père aussi, qu'êtes-vous donc?»

Le sénateur Lynch-Staunton: Prenez garde à vous.

Le sénateur Sparrow: J'ai répondu: «Eh bien, je suis probablement conservateur!»

Le sénateur St. Germain: Herb, je vous remercie.

Une voix: Je retire tout ce que j'ai dit!

Le sénateur Sparrow: Quand je pense à la motion proposée par le sénateur Lapointe et au temps attribué aux discours dans cette enceinte, je veux profiter de l'occasion pour parler avant qu'une limite de temps ne me soit imposée. L'honorable sénateur avait donc tout à fait raison de dire ce qu'il a dit.

Je vais saisir cette occasion pour vous parler de mon histoire personnelle, chose que je n'ai pas eu la possibilité de faire pendant mes 35 ans au Sénat.

Lors de ma naissance, l'article de presse annonçant mon arrivée dans ce monde portait comme titre: «Mme Sparrow a donné naissance à un enfant» et laissait entendre que j'étais né dans une auge et que ma vie sexuelle avait déjà commencé à ce tendre âge.

Je sais qu'il n'est pas de mise de parler de son histoire personnelle, mais je me rends compte que je viens d'une famille pauvre. Dans mon enfance...

Le sénateur Corbin: Combien pauvre étiez-vous?

Le sénateur Sparrow: J'entend encore les gens qui me regardaient descendre la rue tenant la main de ma mère et qui disaient: «Voilà la pauvre Mme Sparrow». Je savais que nous devions venir d'une famille pauvre.

Je me souviens être rentré de l'école, quand j'étais en cinquième année, et avoir demandé à ma mère si j'avais été adopté. Elle m'a répondu: «Maintenant que tu as 18 ans, je ferais bien de te dire la vérité. Tu as été adopté, mais les gens qui t'avaient adopté t'ont ramené.»

Je me suis également lancé en affaires à un très jeune âge. J'essayais d'aider à subvenir aux besoins de ma famille. La population de corbeaux était nombreuse dans notre coin de pays. Je retirais cinq oeufs du nid de corbeau et les remplaçais par trois oeufs de poule pour que le corbeau les couve. Au bout de 21 jours, j'allais chercher mes trois poussins. J'obtenais ainsi une centaine de poussins par année. Je procédais ainsi pour ne pas que nos poules couvent les oeufs, car dès que les oeufs commencent à éclore, les poules cessent de pondre. La manchette dans les journaux à l'époque — et c'était la première fois que je faisais la manchette — disait «Victoire de Sparrow le moineau sur maître corbeau».

Je voudrais signaler une ou deux autres choses à propos de mes carrières, et j'en ai eu plusieurs. Quand j'étais au secondaire, je suis allé à la caserne de la Marine pour assister à un match de boxe. Je m'étais laissé dire qu'il y avait des matchs tous les vendredi et que les boxeurs touchaient 15 $, qu'ils perdent ou qu'ils gagnent. Comme j'avais besoin d'argent, je me suis présenté le mercredi pour m'inscrire, essayer mes gants et ainsi de suite. C'était la première fois que j'enfilais des gants de boxe.

(1510)

Le vendredi, lorsque je suis allé au combat de boxe, ils m'ont mis les gants. Je suis monté dans le ring pour affronter un rude gaillard. Il ne m'a fallu que 30 secondes pour lui faire vraiment peur. En effet, il pensait m'avoir tué.

Honorables sénateurs, je suis certain que j'ai une limite de temps, mais je ne la connais pas.

J'ai été chef de gare au CN. Les collectivités rurales avaient de petites gares. Je vivais au-dessus de la gare. Je me suis marié à cet endroit et nous avons invité quelques personnes au mariage. Le plancher de l'étage supérieur où nous étions s'est effondré et nous nous sommes retrouvés dans la gare. Ma mère m'a dit: «Herbie, gare aux femmes de rang supérieur!»

Je me souviens aussi d'être arrivé à la maison et d'avoir dit: «Papa, vas-tu m'emmener au zoo?» Mon père a répondu: «Mon garçon, si le zoo veut de toi, il va venir te chercher.» J'aimerais bien que mon père soit vivant aujourd'hui, parce qu'il verrait que je me suis rendu tout seul au zoo, c'est-à-dire ici.

Je crois avoir apporté une contribution au gouvernement, au Parlement et au pays. Je ne m'en étais jamais rendu compte avant de rencontrer le premier ministre dans le couloir, il y a plusieurs jours de cela. Il voulait connaître mon opinion. Il m'a dit: «Comment ça va, Herb?» Cela m'a donné l'impression d'être très important.

J'ai une autre histoire. Le premier ministre Pearson a écrit dans ses mémoires: «On m'a souvent demandé pourquoi j'avais nommé le sénateur Sparrow au Sénat. Je veux maintenant mettre les choses au clair concernant cette question. Je voulais quelqu'un pour représenter les déficients intellectuels.» C'est pour cette raison que je me suis retrouvé ici.

Honorables sénateurs, c'est ma version et je la maintiens.

Des voix: Bravo!

[Français]

L'honorable Jean Lapointe: Honorables sénateurs, j'ai beaucoup d'admiration pour le sénateur Sparrow et je le lui ai dit après son intervention, lorsqu'il a donné son opinion au sujet du temps alloué aux hommages. Toutefois, entre rendre un hommage à quelqu'un qui est mort et à quelqu'un d'aussi vivant que le sénateur Sparrow, il y a un monde de différence.

Il me fait plaisir de saluer quelqu'un d'aussi particulier que le sénateur Sparrow. Je me réjouis des commentaires des honorables sénateurs à son égard. Je le félicite aussi pour son travail. Ceci étant dit, je ne suis pas certain que la motion no 76 à l'ordre du jour sera adoptée aujourd'hui.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LA SÛRETÉ ET LA RÉGLEMENTATION NUCLÉAIRES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Yves Morin propose: Que le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, soit lu une troisième fois.

— Honorables sénateurs, je vous prie d'appuyer tous cet excellent projet de loi.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-4, en décembre, je vous ai fait part de mes préoccupations au sujet du programme du gouvernement à l'égard de ce projet de loi et de l'absence de politique publique sur la gestion des déchets radioactifs. J'avais à ce moment-là posé un certain nombre de questions, dont certaines ont pu être abordées avec le ministre quand il a comparu devant le comité.

Je tiens à déclarer officiellement mon appui à ce projet de loi particulier, puisqu'il élimine simplement la responsabilité des institutions de prêt. D'après ce que nous avons découvert grâce à nos recherches et aux audiences tenues pendant l'étude du projet de loi, la raison pour laquelle cette responsabilité ne faisait pas partie de la loi initiale de 1997 est que la Commission canadienne de sûreté nucléaire avait délivré des licences à des exploitants privés au Canada, y compris à des entreprises qui exploitent de l'uranium ou qui s'occupent des isotopes médicaux ou du combustible nucléaire. Toutefois, il semble que les détenteurs des licences se concentraient sur les aspects particuliers de la loi qui les concernaient. Le paragraphe 46(3) n'a soulevé un débat que lorsque la société Bruce Power est entrée sur le marché et a commencé à chercher du financement. Quand elles ont commencé à mettre sur pied leur stratégie de financement, les institutions financières canadiennes ont refusé d'assumer cette éventuelle responsabilité et ont invoqué à leur décharge le paragraphe 46(3).

J'apprécie aussi à sa juste valeur l'explication fournie par le ministre au sujet du cadre stratégique actuel du Canada en ce qui concerne les déchets de combustible nucléaire. Il a en effet rappelé au comité, durant sa comparution du 4 février, que la Loi sur les déchets de combustible nucléaire n'était entrée en vigueur qu'en novembre 2002.

Avant de conclure, j'aimerais aborder la façon dont le projet de loi à l'étude a été traité à différents niveaux. Je le mentionne parce que, à vrai dire, je ne comprenais pas pourquoi on avait dit au Sénat que l'adoption du projet de loi était urgente — plusieurs intéressés m'ont dit qu'il fallait que le projet de loi soit adopté avant le 14 février —, même si le gouvernement l'a déposé pour la première fois en mai 2002.

Honorables sénateurs, il a fallu presque neuf mois à ce gouvernement et à ses législateurs d'expérience pour adopter un projet de loi d'une seule phrase. Je craignais donc que le but et l'impact de cette mesure législative n'aillent au-delà de ce que je pensais.

Finalement, je crois que le temps additionnel que le Sénat a eu pour examiner ce projet de loi lui a permis de faire une étude approfondie de la question précise du financement, en plus d'un examen plus général de l'avenir de l'énergie nucléaire au Canada. Je suis convaincu que nous avons examiné cette mesure législative de façon juste et efficiente, compte tenu du fait qu'elle n'a été renvoyée au Sénat que le 10 décembre 2002.

Je crois que le témoignage du ministre devant le comité a été de la plus haute importance étant donné que les Canadiens prennent très au sérieux la question de l'énergie nucléaire et des déchets qu'elle produit. C'est à nous qu'il incombe de voir à ce que la mesure législative que nous adoptons soit juste, nécessaire et avantageuse pour les Canadiens durant de nombreuses années à venir.

Les installations de stockage de déchets nucléaires doivent pouvoir obtenir du financement pour moderniser leur équipement. Les installations de stockage de déchets hautement radioactifs ont été conçues pour stocker le combustible épuisé pendant une période de 15 à 20 ans seulement. Même si le combustible pourrait rester dans ces installations plus longtemps sans que cela ne présente de danger, certaines des plus vieilles installations au Canada en sont arrivées au point où elles doivent vraiment être remises à neuf, ce qui coûtera cher.

Je demande aux sénateurs d'appuyer ce projet de loi. C'est la deuxième fois en dix ans que je fais une telle demande. Je crois que le Sénat devrait voter en faveur du projet de loi C-4 et recommander qu'il reçoive la sanction royale immédiatement.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR LA STATISTIQUE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Lorna Milne propose: Que le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la statistique, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis extrêmement fière de pouvoir dire aujourd'hui cette la phrase que je prépare depuis cinq ans.

Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture d'un projet de loi d'initiative ministérielle que j'ai parrainé et qui autorisera la divulgation de relevés des recensements passés.

(1520)

Des voix: Bravo!

Le sénateur Milne: Comme tous les sénateurs le savent, sauf le dernier contingent, je me bats avec acharnement depuis cinq ans pour que Statistique Canada autorise la divulgation des relevés nominatifs des recensements passés au Canada. C'est un combat que je n'ai surtout pas cherché. Le 19 février de l'année dernière, j'ai fait valoir ici que:

C'est une décision qui devrait revenir au gouvernement qui ferait ainsi preuve de leadership. Il n'y a rien qui ne me plairait mieux que d'entendre le gouvernement annoncer qu'il prendrait les mesures qui s'imposent pour concilier les intérêts de toutes les parties concernées. J'espère encore que je n'aurai plus à m'occuper de ce dossier.

J'ai été particulièrement dure envers M. Ivan Fellegi, peut-être trop même lors de mon intervention à ce sujet l'année dernière, comme le sénateur Murray l'a signalé à ce moment-là. Aujourd'hui, toutefois, le statisticien en chef, le ministre de l'Industrie et moi- même avons convenu que le projet de loi trouve le juste milieu entre tous les intérêts contradictoires. Il y parvient en fournissant un cadre de référence qui autorise les historiens, les généalogistes et d'autres à effectuer des recherches variées. Il protège également la vie privée des particuliers de nombreuses façons. Il permet également à tous les Canadiens de prendre une décision éclairée à savoir s'ils veulent ou non être inclus dans l'histoire canadienne à l'avenir. Je suis confiante que nous y serons tous.

Pour le bénéfice de nos nouveaux collègues, et je prie les autres de m'excuser, je vais d'abord expliquer pourquoi faire tant d'histoires depuis cinq ans. Je donnerai ensuite un bref aperçu des mesures déjà prises par le gouvernement en vue de divulguer les relevés des recensement passés. Je vais probablement donner plus de détails que vous n'en voulez vraiment sur le projet de loi, puis j'essayerai de vous convaincre tous de l'appuyer.

Depuis des centaines d'années, les Canadiens se servent des relevés nominatifs de recensement, certains datant de 1666, pour reconstituer l'histoire canadienne et faire des recherches sur cette dernière. Jusqu'en 1993, le gouvernement canadien avait toujours mis les relevés de recensement vieux de 92 ans à la disposition du public par l'intermédiaire des Archives nationales. Les recensements de 1851 et de 1861, antérieurs à la Confédération, et les recensements nationaux de 1871, 1881, 1891 et 1901 sont une ressource inestimable pour les historiens, les généalogistes et les spécialistes de la recherche médicale au Canada qui, tous, y trouvent une source de renseignements unique sur les Canadiens dans leur groupe familial.

En 1998, alors qu'approchait le 92e anniversaire du recensement spécial de 1906 effectué pour l'Ouest après son adhésion à la Confédération, époque où les provinces de l'Ouest ont été constituées à partir des Territoires du Nord-Ouest, Statistique Canada s'apprêtait à rendre public le recensement quand le ministère s'est heurté à un obstacle. Le règlement renfermait les mêmes dispositions sur la confidentialité et sur la divulgation que tous les règlements précédents, et ce, mot pour mot. Toutefois, en 1905, l'année précédente, le gouvernement avait adopté un projet de loi donnant force de loi à ce règlement. Le règlement, qui parlait de confidentialité, empêchait les recenseurs de l'époque de divulguer les renseignements qu'ils recueillaient dans l'exercice de leur fonction.

Après avoir reçu un avis juridique, Statistique Canada a décidé de faire preuve de prudence et a annoncé que les relevés du recensement de 1906 ne seraient pas rendus publics, contrairement à ce qui avait été prévu.

Cette décision enragea les historiens et les généalogistes partout au Canada. Ils admettaient que les recenseurs ne pouvaient être autorisés à se promener dans les rues et à raconter des histoires sur leurs voisins. En fait, les généalogistes et les historiens sont tous convaincus que la confidentialité est tout aussi essentielle aujourd'hui qu'elle l'était auparavant. Ils étaient convaincus toutefois qu'un autre article de ce même règlement était tout aussi important, voire plus important. Cet article précise que les relevés nominatifs des recensements doivent être conservés dans les archives du Dominion.

Ma réponse a été très simple. J'ai pensé que c'était un oubli que le gouvernement pouvait rectifier et, quand le gouvernement ne l'a pas fait, j'ai pensé que c'était un sujet idéal pour un projet de loi émanant d'un sénateur. Je ne me doutais pas alors que je serais obligée de présenter le même projet de loi à deux reprises et d'attendre ce jour pendant cinq ans.

J'ai travaillé en étroite collaboration avec les gens du milieu de la généalogie et de l'histoire, qui ont recueilli des pétitions et bombardé de courriels les sénateurs et les députés pour encourager le gouvernement à agir. Les progrès furent lents mais constants. Pendant cette bataille, j'ai présenté au Sénat des pétitions signées par plus de 26 000 personnes qui toutes réclamaient une intervention à l'égard de cet élément très important de l'histoire canadienne. Pendant que je travaillais avec la base, le gouvernement avait aussi étudié la question.

Pour trouver un moyen de sortir de l'impasse juridique, John Manley, alors ministre de l'Industrie, a formé un comité d'experts pour étudier la question et lui présenter un rapport. Les conclusions du comité étaient assez simples. Travaillant sous la direction de l'ancien sénateur Lorna Marsden et de l'ancien juge de la Cour suprême Gérard LaForest, le comité a conclu qu'il n'y avait pas d'obstacle juridique à la publication des relevés de recensement datant d'avant 1918. Depuis 1918, cependant, la Loi sur le recensement avait été modifiée et comprenait les mêmes dispositions de confidentialité que les anciens règlements relatifs au recensement de 1906 à 1916.

Même s'il n'était pas question des Archives nationales dans la loi de 1918, les règlements régissant le recensement de 1921 et tous les recensements suivants, qui avaient et ont toujours force de loi, mentionnaient tous que les relevés nominatifs de recensement devaient être versés aux Archives du Dominion.

Le comité d'experts a conclu que le fait que cette mention se trouvait dans les règlements plutôt que dans la loi était le résultat non pas d'un choix délibéré, mais plutôt d'un oubli. Le comité a donc recommandé que la Loi sur la statistique soit modifiée «pour plus de certitude» afin qu'il soit possible de rendre publics les relevés des recensements postérieurs à 1918.

Même si le rapport du comité d'experts clarifiait la situation pour beaucoup de gens, il ne suffisait pas pour apaiser les réserves de Statistique Canada. Toutes formalités juridiques mises à part, le statisticien en chef craignait vraiment pour la réputation de son organisme si l'on considérait qu'il revenait sur sa parole. À mon avis, la réputation de Statistique Canada est un atout qu'il vaut la peine de défendre. Statistique Canada est un chef de file mondial en méthodologie statistique et en intégrité. Considéré comme un organisme modèle partout dans le monde, Statistique Canada compte sur sa réputation aussi bien nationale qu'internationale quand il pose des questions très délicates et très privées aux entreprises, à l'industrie, aux gouvernements et aux particuliers. Il était donc nécessaire de veiller à ce que les décisions prises au sujet de la publication des relevés des recensements passés ne portent pas atteinte à l'ensemble des opérations courantes et futures de Statistique Canada.

En novembre 2001, Statistique Canada a annoncé d'autres consultations publiques sous forme de réunions de groupes de concertation et d'assemblées publiques locales. L'objectif était de déterminer la réaction des Canadiens à la publication des relevés des recensements. Après beaucoup d'étude et des centaines de mémoires, Statistique Canada a pu conclure l'été dernier que les relevés des recensements postérieurs à 1901 pouvaient être rendus publics. Il n'y avait plus qu'à travailler sur les détails. Il a fallu sept autres mois pour y parvenir. J'admets volontiers devant les honorables sénateurs qu'il m'est arrivé de contribuer à ce retard. Il y avait des choses qu'à mon avis, il fallait faire. Heureusement, le ministre de l'Industrie a convenu avec moi que nous n'irions pas de l'avant avant que certaines conditions ne soient remplies.

Je suis enchantée de vous dire que tous les détails ont été mis au point. Beaucoup de travail a été fait et le projet de loi S-13 en est le résultat. À ce stade, je voudrais prendre un instant pour reconnaître l'apport précieux d'un sénateur. Le 7 mars 2002, le sénateur Murray a pris la parole au sujet du projet de loi et a exhorté tout le monde à parvenir à un consensus. Il a demandé au Sénat de continuer à travailler pour trouver un compromis pouvant tenir compte des différentes perspectives. J'ai pris à coeur bon nombre de ses observations, et j'espère qu'il pourra appuyer cette solution. C'est exactement le genre de compromis qu'il a proposé il y a près d'un an.

(1530)

Je vais maintenant vous expliquer ce que le gouvernement a fait jusqu'à maintenant pour que les chercheurs aient accès aux relevés des recensements passés. Le vendredi 24 janvier, le gouvernement a rendu public dans son site Web et sans restriction tout le recensement de 1906. Bien que Statistique Canada ait estimé que la loi régissant le recensement de 1906 présente une certaine ambiguité, le gouvernement a convenu qu'il n'y avait plus lieu d'empêcher la diffusion de ces données. Une période de 97 ans tenait amplement compte de toutes les préoccupations en matière de protection de la vie privée. Le recensement de 1906 n'étant qu'un recensement agricole mené dans trois provinces, les renseignements qu'il comprend ne sont pas hautement révélateurs. De plus, il s'agit du premier recensement effectué en Alberta et en Saskatchewan. Par conséquent, le gouvernement a convenu dans le cadre de la solution de compromis que le recensement de 1906 serait rendu public immédiatement.

Quelle a été la réaction du public, pourraient se demander les honorables sénateurs? Je vais laisser parler les chiffres. Le gouvernement a placé le recensement de 1906 dans son site Web le 24 janvier. Au cours des 12 premiers jours où le recensement a été accessible en direct, le site a été interrogé 4 870 569 fois. Peut-être voulez-vous connaître l'étendue de l'accès à ce site. On peut l'apprendre en consultant les données des fournisseurs de services Internet ayant accédé au site. Pour ceux d'entre vous qui ne savent pas exactement ce qu'est un fournisseur de services, Sympatico est un fournisseur de ce genre comptant des millions d'abonnés. Le Sénat est un fournisseur de services, tout comme America On Line et Rogers' Cable. Si chacune des personnes n'utilisant que ces quatre fournisseurs de services Internet avait accédé aux relevés des recensements passés, les Archives nationales n'auraient enregistré que quatre visites. En moyenne, au cours des 10 premières journées où le recensement de 1906 a été accessible en direct, il y a eu 3 972 visites par jour et par serveur. Non seulement cela signifie qu'il y a beaucoup de recherche, mais cela veut aussi dire que les serveurs doivent être situés partout dans le monde.

Honorables sénateurs, vous ne savez peut-être pas que le recensement de 1901 est accessible sur Internet depuis le mois de juin de l'an dernier. Au cours des sept premiers mois où il a été accessible en direct, soit de juin à décembre, le site Web des Archives nationales a reçu un nombre astronomique de visites, soit 51 704 325. Il ne fait absolument aucun doute que les Canadiens estiment que les renseignements de ce recensement présentent une importance vitale, et qu'ils revêtent aussi le même intérêt pour des gens partout dans le monde.

Pour les recensements de 1901 et celui de 1906, on compte aujourd'hui plus d'un demi-million de visiteurs par jour sur le site des Archives. C'est extraordinaire.

Les honorables sénateurs se demanderont peut-être quel peut bien être le revers de la médaille, quels peuvent bien être les problèmes. Après plus de 56 millions de visites sur le site Web des Archives nationales, le nombre des plaintes reçues au sujet de ce service par les Archives nationales est de zéro, ce qui montre bien à quel point ce service est apprécié et témoigne de l'importance que les Canadiens accordent à leur histoire.

Je vais passer maintenant au projet de loi comme tel, car il s'agit de la seconde et de la plus importante partie de cette solution de compromis. Le gouvernement a présenté ce projet de loi pour régir la publication de tous les recensements effectués après 1906 jusqu'en 2001 inclusivement, ainsi que tous les recensements devant être effectués dans l'avenir.

Honorables sénateurs, ces nouvelles dispositions paraîtront à la fois justes et équilibrées. Comme le projet de loi est très court, je voudrais le passer en revue article par article. Il n'en contient d'ailleurs que trois.

Le projet de loi vise essentiellement à modifier l'article 17 de la Loi sur la statistique qui régit le secret à Statistique Canada. Le processus devant régir la publication des relevés nominatifs des recensements passés est expliqué à l'article 1 du projet de loi qui ajoute à la Loi sur la statistique les nouveaux paragraphes 17(4) à 17(10). L'article 2 du projet de loi y ajoute l'article 17.1 qui accorde au gouverneur en conseil certains pouvoirs en matière de prise de règlements. À l'article 3, le projet de loi prévoit des sanctions s'appliquant uniquement à la communication de données recueillies lors des recensements.

Les paragraphes 17(4) à 17(10) proposés régissent la publication des relevés nominatifs des recensements effectués de 1911 à ce jour. Le paragraphe 17(4) proposé accorde aux généalogistes et aux historiens l'autorisation expresse mais conditionnelle d'examiner l'intégralité des relevés nominatifs à compter de la quatre-vingt- douzième année suivant la tenue du recensement. Les généalogistes doivent signer un engagement qui limitera les renseignements pouvant être divulgués. Les historiens doivent aussi signer un engagement similaire et doivent faire approuver leur projet de recherche par une autorité acceptable.

En vertu du paragraphe 17(5) proposé, les personnes habilitées à approuver l'accès à ces renseignements doivent évaluer la valeur scientifique et publique des projets de recherche avant de les autoriser.

Le nouveau paragraphe 17(6) précise que la personne qui signe l'engagement visé au paragraphe 17(4) doit s'y conformer. Le paragraphe 17(7) proposé précise que n'importe qui peut examiner et divulguer les renseignements contenus dans les relevés de tout recensement 112 ans après la tenue du recensement. À compter de la cent douzième année, il n'y a plus d'interdiction.

Il y a quelques détails importants à noter à propos des paragraphes 17(4) à 17(7). Ces paragraphes ne prescrivent pas de restrictions quant aux parties des relevés nominatifs de recensement qu'une personne peut consulter, voire copier. Le gouvernement a l'intention de faire en sorte que l'engagement que signent les généalogistes et les historiens comporte des restrictions relativement à l'information qu'ils pourront communiquer, c'est-à-dire l'information de base. Celle-ci comprend les nom, adresse, âge, date de naissance le cas échéant, sexe, état matrimonial, origine et profession. La durée d'application de ces restrictions sera de 20 ans. Au terme de ces 20 années, soit 112 ans après la tenue du recensement, toutes les restrictions seront levées en ce qui concerne la nature de ce qui peut être publié ou qui peut examiner les documents de recensement.

Le paragraphe 17(8) qui est proposé régit la communication de documents de recensements dans l'avenir. Le prochain recensement devrait avoir lieu en 2006. Le paragraphe 17(8) impose des restrictions quant aux données de recensement qui peuvent être examinées dans les relevés de personnes qui ont consenti à ce que les renseignements les concernant soient communiqués aux Archives nationales. Autrement dit, les Canadiens se verront dorénavant demander sur tous les formulaires de recensement de donner leur consentement préalable en connaissance de cause à l'entreposage de leurs relevés aux Archives nationales. À défaut de ce consentement, les renseignements les concernant resteront à tout jamais confidentiels. Les relevés des recensements à venir pourront dorénavant être consultés 92 ans après la tenue du recensement, comme c'est maintenant le cas des recensements tenus en 1901 et antérieurement. Aucun processus à deux étapes ne s'appliquera à ces relevés, car chaque personne visée aura déjà donné son consentement en connaissance de cause.

Le paragraphe 17(9) qui est proposé autorise expressément les personnes qui examinent des relevés nominatifs de recensement à communiquer les renseignements qu'elles y trouvent. La généralité de cette autorisation sera limitée par l'engagement que les généalogistes et les historiens doivent signer à l'égard de la période de 92 à 112 années suivant chacun des recensements passés.

Le paragraphe 17(10) qui est proposé est très important. Il a pour effet d'ordonner à Statistique Canada de transférer les relevés de recensement à l'archiviste national 92 ans suivant la tenue de chacun des recensements. L'archiviste national sera chargé de réglementer l'accès à ces documents. Je le répète. La chose est très importante. Quatre-vingt-douze ans après la tenue d'un recensement, les relevés sont transférés aux Archives nationales, où l'archiviste en assurera la conservation et la tenue.

(1540)

Après les dispositions régissant la divulgation des relevés des recensements passés, à l'article 17.1 proposé, le projet de loi établit les pouvoirs de réglementation du gouverneur en conseil relativement à l'article 17. Cela se trouve à l'article 2 du projet de loi, qui crée l'article 17.1 autorisant le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour a) établir la forme et le contenu de l'engagement qui doit être signé par les généalogistes et les historiens; et b) établir les catégories de personnes qui peuvent approuver les recherches d'un historien.

Ces règlements sont pris sur la recommandation du ministre de l'Industrie, qui est responsable de Statistique Canada, et du ministre du Patrimoine canadien, de qui relèvent les Archives nationales. Lorsqu'ils sont rédigés, ils doivent être vérifiés par les deux ministres.

Enfin, l'article 3 du projet de loi crée une nouvelle infraction en vertu de la Loi sur la statistique; aux termes de cet article, quiconque contrevient au paragraphe 17(6) est coupable d'une infraction et passible d'une amende maximale de mille dollars. Il s'agit d'une peine moins lourde que celle prévue ailleurs dans la Loi sur la statistique. Je tiens à dire aux généalogistes qu'ils ne risquent pas de peine d'emprisonnement ou de casier judiciaire pour une infraction liée à la divulgation de relevés de recensements. Je n'en suis pas tout à fait certaine. Je vérifierai, mais à ma connaissance personne n'a jamais été condamné en vertu de la Loi sur la statistique. C'est de bon augure pour les historiens et généalogistes.

Honorables sénateurs, vous avez une bonne idée des tenants et aboutissants du projet de loi. Je voudrais maintenant prendre un certain temps pour vous aider à comprendre les concessions qui sont faites dans ce projet de loi, et je voudrais que vous compreniez quelles mesures ont été prises pour protéger la vie privée. Je veux également que vous compreniez pourquoi il est si important d'adopter ce projet de loi.

Au début de ce débat, il y a cinq ans, les généalogistes et historiens se sont carrément fait dire qu'ils n'auraient plus accès aux relevés des recensements passés. On allait leur fermer la porte au nez. On nous a dit que c'était nécessaire pour assurer la protection de la vie privée.

En divulguant les relevés du recensement de 1906, et en déposant le projet de loi actuel, le gouvernement a fait l'ultime concession. Il a accepté que les relevés des recensements soient généralement accessibles, sous réserve d'un minimum absolu de restrictions. Les généalogistes ont gain de cause. En fait, en vertu de cette formule, la totalité des relevés des recensements passés seront accessibles et pourront faire l'objet de recherches sans restriction à un moment donné, soit dans 112 ans. À elle seule, cette concession est plus que suffisante pour que j'appuie cette mesure législative. Le gouvernement a pris conscience de la valeur historique des relevés des recensements et a décidé d'ouvrir la voûte. L'accès à l'histoire ne sera pas compromis.

Maintenant, pour ce qui est de la restriction temporaire prévue dans la mesure législative, j'admets ouvertement que j'ai longtemps et sérieusement réfléchi à cette question et que j'en suis venue à la conclusion qu'elle est justifiée. Il n'est tout simplement pas possible d'ignorer le fait qu'en 1918, le gouvernement fédéral a intégré dans la Loi sur la statistique des dispositions sur la protection des renseignements personnels. On ne peut pas non plus faire abstraction du fait que l'ensemble des règlements régissant les recensements de 1911 et de 1916 avaient force de loi. Ces règlements prévoient que les relevés doivent être versés aux Archives du Dominion et qu'il est nécessaire d'assurer la protection des renseignements personnels. Les droits concernant cette protection sont bien réels et il serait inapproprié que le gouvernement fédéral en fasse abstraction.

Une des vérités de La Palisse au sujet du droit relatif au respect de la vie privée est qu'avec le temps la nature délicate de l'information se neutralise. Selon les tenants de la protection des renseignements personnels, l'un des moyens de satisfaire les préoccupations de protection de la vie privée est de laisser passer du temps, car plus les documents sont vieux et moins leur divulgation risque d'être délicate. Les recensements qui ont eu lieu de 1851 à 1901 étaient régis par des lois différentes de celles prises après 1901. Il tombe sous le sens qu'à cause du manque apparent de clarté dans la loi, les relevés des recensements datant de 1911 et après peuvent être considérés comme étant de nature plus délicate à leur quatre-vingt douzième anniversaire que ceux qui leurs sont antérieurs. Pour éviter tout problème lié à la nature délicate de l'information, après quatre-vingt-douze ans, les relevés de recensement pourront être examinés, mais certains ne pourront être publiés. Néanmoins, au terme de cent douze ans, ils ne feront l'objet d'aucune restriction.

Je profite de l'occasion pour assurer aux généalogistes et aux historiens qui sont peut-être à l'écoute ou qui liront le hansard que l'engagement proposé ne devrait pas susciter d'inquiétude. Le gouvernement ne veut pas compliquer les recherches historiques et généalogiques. J'ai appris que les formulaires à signer seront courts, simples et faciles à comprendre. Plus important encore, l'archiviste national m'a personnellement assurée qu'aucune des clauses contenues dans l'avertissement n'empêchera de consulter les relevés des recensements passés sur le site Web des Archives nationales ou dans les bibliothèques locales qui détiennent les microfilms et qui sont aussi chargées de recueillir les engagements signés. En même temps, Statistique Canada est d'avis que le recours à une autorisation protégera suffisamment les intérêts privés touchés par la publication de ces documents.

Les principes gouvernant la publication des futurs recensements sont, selon moi, solides. À compter du prochain recensement, soit en 2006, les Canadiens pourront accepter ou refuser que les relevés de recensement les concernant soient versés aux Archives nationales. S'ils ne veulent pas que ces renseignements soient un jour communiqués, ceux-ci ne le seront pas.

Je sais que nombre de généalogistes et d'historiens ne seront pas ravis par cette mesure, mais je dois dire que les renseignements recueillis, particulièrement les renseignements fournis sur le formulaire détaillé, sont d'ordre très personnel. Chacun devrait donc avoir son mot à dire sur la manière dont ces renseignements sont utilisés. Le principe du consentement préalable donné en connaissance de cause constitue le meilleur moyen d'aborder la situation. D'aucuns ont dit craindre que le fait d'offrir aux particuliers la possibilité que les renseignements les concernant soient versés aux Archives nationales porterait sérieusement atteinte à l'intégrité et à la validité statistique des documents historiques.

J'espère que ces craintes s'avéreront non fondées. Voici pourquoi je crois qu'elles pourraient se révéler non fondées. Lors de son Enquête sur la santé dans les communautés canadiennes, Statistique Canada a demandé aux Canadiens s'ils accepteraient que les renseignements concernant leur santé soient transmis aux autorités locales en vue d'améliorer la qualité des soins de santé dans leur collectivité. Nous savons tous à quel point les questions relatives à la santé sont délicates, mais plus de 95 p. 100 des répondants ont dit qu'ils accepteraient. Voilà un taux pour le moins étonnant, et je crois que cette réponse est de bon augure pour la communication des relevés des recensements passés.

Honorables sénateurs, ce projet de loi solide et non partisan est un bon compromis. Il ouvre aux historiens et aux généalogistes l'accès aux relevés des recensements passés, qu'il protège de façon adéquate. Il prévoit des mesures de protection des renseignements personnels qui sont tout à fait appropriées. Il réalise l'équilibre que je recherchais depuis longtemps — l'équilibre que le sénateur Murray réclamait. Je suis fière que le gouvernement, particulièrement le ministre Allan Rock, ait déjà eu l'audace de publier les documents du recensement de 1906. Je suis aussi fière qu'il ait eu à cœur la protection de l'histoire du Canada et le respect de la vie privée des Canadiens pour les futures générations. J'invite les sénateurs à appuyer ce projet de loi.

(1550)

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, comme je ne voudrais pas faire languir inutilement mes collègues, j'annoncerai dès maintenant que j'ai l'intention d'appuyer ce projet de loi déposé par le gouvernement. Je me suis opposé aux deux projets de loi d'initiative parlementaire portant sur le même sujet que madame le sénateur Milne a parrainés au cours de sessions précédentes parce que, comme elle le sait bien, je suis d'avis qu'ils allaient bien au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l'objectif fixé et répondre aux besoins en matière de politique publique.

Ceci dit, je note qu'elle a souligné que les autres parties en cause, en dehors d'elle-même, étaient le ministre de l'Industrie et le statisticien en chef. Lorsque nous étudions les détails de ces affaires en comité, il y a bien sûr des questions sur lesquelles nous voudrions obtenir plus de renseignements.

De plus, je note qu'elle n'a pas parlé du commissaire à la protection de la vie privée comme étant l'une des personnes visées par ce compromis. Je crois que le comité aimerait entendre ce que le commissaire à la protection de la vie privée a à dire sur ce projet de loi. De prime abord, il me semble que le genre de compromis qu'il préconisait lorsqu'il a comparu devant le comité dans le cadre de l'étude du projet de loi déposé par le sénateur Milne se trouve dans ce projet de loi d'initiative gouvernementale, mais il aura, j'espère, la chance de se prononcer à ce sujet lorsque le comité se rencontrera pour étudier la question.

Je félicite ma collègue de son travail et je suis très heureux qu'elle considère cela comme une réussite. Nous parlons d'un projet de loi d'initiative gouvernementale. Elle avait d'ailleurs clairement précisé lorsqu'elle a déposé le projet de loi S-15 en décembre 1999, et de nouveau lorsqu'elle a déposé le projet de loi S-12 en février 2001, deux projet de loi privés, que ce qu'elle voulait réellement, c'était un projet de loi d'initiative gouvernementale. Elle a clairement précisé que le fait de déposer un projet de loi privé était une façon d'exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il mette sur pied une nouvelle politique et qu'il présente un projet de loi distinct. Elle a réussi et je l'en félicite sans réserve.

Il s'agit d'un projet de loi d'initiative ministérielle. Il répond aux besoins des gens au nom desquels le sénateur Milne parlait, tout particulièrement ceux qui voulaient retracer leur propre histoire familiale en consultant les données personnelles recueillies dans le cadre de recensements et les chercheurs qui travaillent dans le domaine historique. Ce projet de loi répond aux besoins de ces gens, et ce, tout en respectant de façon générale la vie privée des Canadiens vivants et décédés.

Il est juste de dire que le projet de loi à l'étude — et mon collègue l'a reconnu — se rapproche davantage du compromis dont il était question tout à l'heure. Je ne me prétends pas — pas plus que les autres députés de ce côté-ci de la Chambre — l'auteur du compromis. Il a été proposé par le commissaire à la protection de la vie privée et a fait l'objet de négociations entre lui et le statisticien en chef, entre autres, pendant pas mal de temps. Toutefois, le projet de loi émanant du gouvernement qui est à l'étude aujourd'hui ressemble davantage au compromis dont il avait été question qu'aux projets de loi à plus grande portée présentés par le sénateur Milne. Si ma mémoire est bonne, son projet de loi aurait rendu les données publiques au bout de 92 ans et il ne fixait pas de limite ou de restriction aux données qui pouvaient être communiquées et à qui elles pouvaient l'être.

Je me souviens notamment d'une disposition selon laquelle la personne au sujet de laquelle des renseignements personnels avaient été réunis pouvait s'opposer à leur communication et, à condition de convaincre l'archiviste national que son objection était valable et à condition, à nouveau, que l'objection soit faite durant la quatre- vingt-douzième année après la collecte, elle pouvait réussir, peut- être, à en empêcher la communication. Par conséquent, il fallait que la personne ait au moins 92 ans pour s'y opposer au départ. Comme notre ex-collègue le sénateur DeWare l'a affirmé lorsqu'elle prenait la parole au sujet du projet de loi S-15, le sénateur Milne proposait en fait une forme d'autorisation par défaut des données de recensement personnelles. Sauf pour ceux qui s'y seraient opposés, tous les autres, comme l'a dit à l'époque le sénateur Milne, seraient réputés avoir donné leur consentement irrévocable à la diffusion publique d'information personnelle à leur sujet.

Il y a eu de l'opposition, comme il convient, non seulement de la part de Statistique Canada et du commissaire à la protection de la vie privée, mais également de la part de certains d'entre nous, de ce côté-ci de la Chambre, parce que nous estimions que la disposition allait bien au-delà de ce qu'il fallait pour répondre aux besoins de personnes souhaitant retracer leurs origines familiales ou aux besoins des historiens.

Ma collègue a expliqué de façon assez détaillée les dispositions du projet de loi à l'étude. Les données personnelles de recensement seront rendues publiques 92 ans après leur collecte aux personnes qui souhaitent retrouver leurs origines familiales ou faire de la recherche en histoire.

Nous n'avons pas le projet de règlement en main, mais cela importe peu, car le gouvernement a envoyé, avec le projet de loi, suffisamment de documents d'information pour indiquer clairement ce que sera la teneur du règlement. En ce qui concerne les personnes qui cherchent leurs antécédents familiaux, elles, ou quelqu'un dont elles auront retenu les services, ne pourront divulguer que les renseignements de base que le sénateur Milne a mentionnés. Les personnes qui désirent effectuer une recherche historique devront faire approuver leur projet en tant que travail ayant une valeur publique ou scientifique. Ces chercheurs seront assujettis aux mêmes restrictions à l'égard de la divulgation de renseignements que celles qui visent les personnes qui cherchent des renseignements sur leur famille.

Si cela intéresse les sénateurs, les personnes qui pourront approuver un tel projet de recherche — et cet aspect pourra faire l'objet de questions en comité — seront, selon le document d'information que le gouvernement a envoyé, le statisticien en chef, qui est censé être un historien, l'archiviste national, également un historien, des députés et des sénateurs, un maire, un chef d'une collectivité ou d'un conseil de bande autochtone, le doyen d'une université, et des membres du haut clergé. Toutes ces personnes sont censées avoir des compétences dans le domaine de l'histoire, et quelqu'un d'autre ou moi voudrons peut-être demander, lorsque la question sera renvoyée au comité, comment ou pour quelles raisons le gouvernement en est arrivé à cette liste de personnes qui pourraient approuver des recherches historiques.

Le plus important dans ce projet de loi, à mon avis — et le sénateur en a parlé — c'est que, pour tous les recensements à venir, les répondants pourront autoriser ou non la divulgation, 92 ans plus tard, de leurs données personnelles de recensement. C'est une question que le sénateur Comeau et moi avons mentionnée dans le débat sur le projet de loi S-12. Comme je l'ai souligné à ce moment- là, l'Australie a une disposition identique dans son formulaire de recensement. On demande au répondant si toutes les personnes qui habitent sous le même toit autorisent la communication, à un certain moment, des données qui les concernent.

Honorables sénateurs, il y a dans la politique gouvernementale à cet égard des imperfections qu'il reste à expliquer. J'espère que nous aurons l'occasion de les examiner en comité. Je me demande pourquoi les restrictions au sujet de la divulgation de renseignements personnels sont levées après 110 ans. Les restrictions entrent en vigueur 92 ans après la collecte des renseignements, mais 20 ans plus tard, aucune restriction ne s'appliquera.

(1600)

J'ai examiné les questions et réponses transmises par le gouvernement pour trouver l'explication de tout cela. La question no 20 demande: «Pourquoi 112 ans?» La réponse est la suivante: «Premièrement, la diffusion après 92 ans à certaines conditions coïncide avec les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et ses règlements qui stipulent que toute information obtenue lors d'un recensement peut être rendue publique après 92 ans. En outre, une disposition de la Loi sur la protection des renseignements personnels permet de communiquer des renseignements personnels vingt ans après le décès d'une personne ou 110 ans après sa naissance. De plus en plus de Canadiens vivent jusqu'à 92 ans, mais ils sont très peu nombreux à vivre au-delà de 112 ans. La restriction de 112 ans est donc plus rigoureuse que les exigences de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de ses règlements.»

La réponse renferme beaucoup d'information, mais elle n'explique pas vraiment la période de 112 ans. Quelqu'un viendra peut-être témoigner devant le comité pour nous fournir cette explication.

Je suis aussi intrigué par la décision du gouvernement de devancer le projet de loi en diffusant en entier les données du recensement de 1906. Il existe aussi une question et une réponse à ce sujet, mais je ne les lirai pas; je crois que le sénateur Milne en a déjà parlé. En deux mots, la réponse explique que le gouvernement a publié les données du recensement de 1906 sans aucune restriction, d'abord parce que les données personnelles n'étaient que des données de base, soit le nom, l'adresse, le métier et ainsi de suite, et deuxièmement parce que ce recensement n'avait été effectué que dans trois provinces de l'Ouest. Je pourrai donc consulter ces données pour connaître les ancêtres du sénateur Chalifoux, mais elle ne pourra pas savoir qui sont mes ancêtres.

Il me semble bizarre qu'ils aient diffusé ces données. Le recensement de 1906 était certainement visé par la loi. Nous savons qu'il n'avait pas été rendu public en 1998 à cause d'une opinion juridique du ministère de la Justice statuant qu'il ne fallait pas publier ces données. Toute cette situation est qualifiée par un euphémisme dans le matériel transmis par le gouvernement, qui accompagnait le projet de loi; on y parle de manque de clarté et d'ambiguïté. Le sénateur Milne a plutôt parlé aujourd'hui de ce qu'elle aurait considéré comme un excès de prudence de la part de M. Fellegi et comme des scrupules de la part de Statistique Canada dans cette affaire.

Un article du dernier numéro du Hill Times va dans le même sens. C'est comme si le refus de divulguer ces données avant aujourd'hui s'expliquait par un simple caprice de la part du statisticien en chef du Canada, M. Ivan Fellegi. Je tiens à signaler qu'un règlement était en vigueur en vertu de la Loi sur le recensement et les statistiques de 1905 et 1906. J'ai donné lecture de ce règlement lorsque j'ai pris la parole le 27 mars 2001. Je ne vais pas recommencer. De plus, comme le sénateur Milne l'a fait remarquer, la Loi sur la statistique de 1918 et les lois qui ont suivi en 1948, 1970, 1971 et 1972 contenaient toutes des dispositions interdisant la divulgation de renseignements personnels recueillis dans les recensements.

Malgré tout cela, le sénateur Milne et d'autres ont soutenu qu'une disposition prévoyait que cette information devait être envoyée à l'archiviste. C'est un fait. Et il y a apparence de conflit. Toutefois, nous ne devons pas oublier que ces données n'ont pas été publiées avant aujourd'hui, et le gouvernement estime nécessaire de proposer le projet de loi parce que le ministère de la Justice a interprété ce règlement et cette loi d'une certaine façon jusqu'à récemment, jusqu'au moment où il a opéré un revirement complet. Je présume que les juristes du ministère de la Justice ont le droit de changer d'avis comme n'importe qui.

Il y a aussi une autre question: ces règlements du passé, de 1918 et les dispositions législatives qui ont suivi sont-ils supplantés par la Loi de 1983 sur la protection des renseignements personnels, qui prévoit la divulgation de l'information gouvernementale après 92 ans? Le sénateur Milne et d'autres ont soutenu que la Loi sur la protection des renseignements personnels l'emportait. J'aurais cru, comme profane, que si la Loi sur la protection des renseignements personnels l'emportait sur des lois existantes, elle l'aurait précisé: nonobstant l'information de telle ou telle autre loi, voici le régime de divulgation qui s'appliquera.

En toute justice pour Statistique Canada et M. Fellegi, je suis heureux que le sénateur Milne ait reconnu la grande compétence de M. Fellegi et de l'organisme, et l'estime dont ils jouissent tant au Canada qu'à l'étranger. Toutefois, ils ont agi à la lumière d'une opinion communiquée par les juristes de l'État. Cette opinion a changé. Lorsque le ministère de la Justice change d'avis, tout change.

Pour que les choses soient bien claires, nous étudions maintenant le projet de loi S-13, qui est un compromis honorable. Il répond aux besoins de ceux pour qui le sénateur Milne s'est fait un porte-parole si efficace. Nous savons tous que, depuis un certain nombre d'années, on insiste auprès du gouvernement pour qu'il divulgue cette information. Je crois que ces gens n'auraient pu obtenir pareil résultat sans un porte-parole aussi persévérant et tenace que le sénateur Milne, que je félicite.

Honorables sénateurs, je suis impatient de voir cette mesure législative étudiée par le comité, parce qu'il y a des aspects que nous, de ce côté-ci, aimerions examiner davantage. Pour ce qui est du principe qui sous-tend le projet de loi et de son renvoi au comité maintenant, je pense que je peux dire, au nom de l'opposition que nous sommes, que nous acceptons ces deux choses.

Le sénateur Milne: Le sénateur Murray accepterait-il de répondre à une brève question?

Le sénateur Murray: Oui.

Le sénateur Milne: Ma question vise à faire en sorte que tout soit très clair. Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, M. George Radwanski, a été consulté et je pense que la question no 6 relativement à la publication des données de recensement historiques le confirme. Nous le remercions de son avis utile sur la protection des renseignements personnels.

Honorables sénateurs, vous savez maintenant que le commissaire à la protection de la vie privée a été consulté, et je suis certaine qu'on va lui demander de venir rencontrer le comité. Mes honorables collègues savent-ils aussi que je commence à m'appeler sénateur Lorna «Bulldog» Milne, ou sénateur «Power-to-the-People» Milne?

Le sénateur Murray: Encore une fois, la question et la réponse ayant trait au commissaire à la protection de la vie privée du Canada indiquent que celui-ci a été consulté. J'espère certainement qu'il l'a été. On ne précise pas, comme cela aurait été fait dans le cas du sénateur Milne, du ministre de l'Industrie et du statisticien en chef, que le commissaire approuve le projet de loi S-13.

Je ne voudrais pas faire une métaphore faisant allusion à la gent canine pour désigner madame le sénateur ou tout autre sénateur. Je suis heureux de la féliciter de sa ténacité et de m'en tenir à cela.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je demande la permission du Sénat de revenir à une question posée au sénateur Milne. Je me suis levé plus tôt, mais je me suis aussitôt rassis lorsque le sénateur Murray a pris la parole.

(1610)

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis d'accord pour une question, mais il ne faudrait pas que cela devienne une période de questions.

[Traduction]

Le sénateur Banks: Honorables sénateurs, ma question est beaucoup plus banale et simple, quoique non moins importante, que celles qu'a soulevées le sénateur Murray. Dans mon ancienne vie, j'ai eu indirectement des raisons de craindre non pas pour l'intégrité morale de documents, comme celles que vous avez mentionnées, mais pour leur intégrité physique.

Cette question a aussi été soulevée ici par le sénateur Corbin, plus particulièrement en rapport avec la Bibliothèque nationale. Les mêmes questions surgissent parfois à propos des Archives nationales. Il est arrivé que des documents soient endommagés ou perdus à tout jamais.

J'ignore si l'honorable sénateur peut répondre immédiatement à mes questions. Dans la négative, je les porte à l'attention des membres du comité qui examinera ce projet de loi.

Le sénateur a dit que, au bout de 92 ans, les données sont conservées aux Archives nationales. Sous quelle forme et dans quel contenant protecteur sont-elles transférées? Sait-on si l'endroit où ces documents seront stockés est effectivement à l'abri des ruptures de canalisations d'eau et des toitures qui laissent passer l'eau, des incidents qui nous ont déjà fait perdre à tout jamais des documents patrimoniaux très précieux?

Le sénateur Milne: Je remercie le sénateur de sa question. Même si je n'ai pas tout de suite la réponse, je puis lui dire que de nombreux relevés d'anciens recensements n'existent plus sur papier. Ils ont déjà été microfilmés et, comme ils prennent ainsi beaucoup moins de place, leur stockage est plus facile.

Les relevés du recensement de 1991 étaient à une époque stockés aux Archives nationales sous forme papier et restaient sous le contrôle de Statistique Canada. Ils étaient enveloppés dans du plastique et stockés dans des salles à température contrôlée dans le nouvel immeuble des Archives, à Gatineau. Ils prenaient énormément de place.

Son Honneur le Président: Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Milne, avec l'appui de l'honorable sénateur Finnerty, propose: Que le projet de loi soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Milne, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

L'ÉTUDE SUR L'ÉTAT DU SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ

LE RAPPORT FINAL DU COMITÉ DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyée par l'honorable sénateur Cook, tendant à l'adoption du troisième rapport (final) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie intitulé La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, Volume six: Recommandations en vue d'une réforme, déposé au Sénat le 25 octobre 2002.—(L'honorable sénateur Keon).

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, la semaine dernière, les premiers ministres ont signé un accord sur la santé, aux termes duquel le gouvernement fédéral acceptait d'investir dans les soins de santé environ 27 milliards de dollars sur une période de cinq ans ou 12 milliards de dollars d'argent frais au cours des trois prochaines années.

Quant à elles, les provinces se sont engagées à utiliser l'argent non seulement pour améliorer les services actuels, mais aussi pour commencer à élargir la gamme des services de santé couverts, au niveau national, par notre régime public.

Cet accord représente donc des progrès dans des domaines importants. J'ai récemment eu l'occasion de m'entretenir avec le premier ministre et je l'ai félicité d'avoir fait avancer les choses en négociant cet accord et d'avoir su éviter l'impasse.

Cela dit, la poussière n'est pas encore entièrement retombée. Il semble que ni les provinces ni le gouvernement fédéral n'ont obtenu tout ce qu'ils désiraient. Plusieurs premiers ministres provinciaux ont immédiatement laissé savoir que le résultat de cette rencontre n'était qu'un premier pas dans la bonne direction et qu'ils attendaient déjà avec impatience la prochaine série de négociations. Ce qui est plus inquiétant peut-être, c'est que les leaders des territoires ont estimé que l'accord satisfaisait si peu à leurs besoins qu'ils ont refusé de le signer.

La conclusion de cette dernière série de négociations met un terme à une période de discussion intensive amorcée l'automne dernier et portant sur l'avenir des soins de santé financés publiquement. Il vaut la peine de réfléchir un moment à ce qui a été accompli. Je parlerai surtout des répercussions qu'auront les négociations sur les deux rapports clés qui ont été rendus publics pendant cette période, soit le rapport de la commission royale Romanow et celui du comité sénatorial.

Ce qui me frappe dans la présente crise du financement public des soins de santé au Canada; c'est, sur le plan stratégique, l'écart considérable entre le temps passé à étudier le système, d'une part, et celui consacré à prendre des décisions concrètes, d'autre part. Par exemple, si l'on considère le volet étude de l'équation, notre comité a passé deux ans et demi à examiner les questions complexes et interreliées qui interviennent dans le débat sur les soins de santé, tandis que la commission Romanow a mis 18 mois à achever ses travaux.

Ces deux études ont produit des recommandations exhaustives, pour faire changement. Or, les échéances qui visent l'autre volet de l'équation ne pourraient être plus différentes. Les décisions clés concernant la politique en matière de soins de santé consistent, au bout du compte, à déterminer comment seront allouées les rares ressources — l'argent.

Ces dernières années, le processus entourant cette phase critique de la prise de décisions a fini par ressembler à une partie de poker où les mises seraient élevées. Les moments cruciaux se déroulent en une journée, derrière des portes closes, et l'issue semble souvent déterminée autant par des considérations politiques à court terme que par les besoins des Canadiens au chapitre des soins de santé.

Évidemment, les travaux du comité et ceux de la commission Romanow ont clairement aidé à définir le menu à partir duquel les premiers ministres ont pu faire leur choix, mais les responsables des orientations politiques semblent incapables de s'entendre sur des plans à long terme. Aussi, malgré le fait que des études récentes ont proposé une série exhaustive de solutions, nous semblons condamnés à répéter ces négociations chaque année ou aux deux ans.

Certains pourraient penser que les conclusions du dernier exercice d'acrobaties politiques chorégraphiées a relégué aux choses du passé le rapport du comité et celui de M. Romanow. Je pense que rien ne saurait être plus éloigné de la vérité.

Tout d'abord, le rapport qui a fait l'objet d'une entente dernièrement reste très général au sujet des programmes particuliers auxquels seront attribués de nouveaux fonds fédéraux. De plus, il y a un certain nombre d'aspects critiques qui n'ont pas été abordés dans l'accord, par exemple les mesures à prendre pour régler la grave pénurie généralisée de professionnels de la santé. Cela signifie que le contenu des rapports récents reste tout à fait pertinent aux fins d'un débat stratégique. Ce n'est pas que l'on doive s'attendre à ce qu'un rapport à large portée soit intégralement mis en oeuvre par le gouvernement. J'estime parler pour tous les membres du comité quand je dis que nous restons fidèles à toutes les recommandations qui figurent dans notre rapport. Ces recommandations forment un tout cohérent et, dans un monde idéal, elles serviraient de fondement à un plan d'action global, garantissant du même coup la durabilité à long terme du régime d'assurance-maladie financé par les fonds publics au Canada.

(1620)

Toutefois, nous vivons dans un monde où cela n'arrivera vraisemblablement pas. En conséquence, une perspective réaliste de la réforme des soins de santé requiert que nous soyons prêts à procéder par étapes et à mettre en oeuvre la réforme de manière pragmatique. Cependant, si le résultat final est un régime encore plus fragmenté, même ces changements graduels doivent s'inscrire dans une vision globale du résultat final à atteindre. Ainsi, les mesures à court terme devraient être liées à un plan à long terme.

Dans ce contexte, je voudrais examiner brièvement comment l'approche du comité sénatorial en matière de réforme de la santé se compare à celle de la commission Romanow. Il est impossible de rendre justice à la portée de l'un ou l'autre rapport dans un seul discours, de sorte que je me concentrerai sur quelques questions qui illustrent les similarités et les différences entre les deux rapports. Je commencerai par la question qui préoccupe le plus les Canadiens quand il s'agit de la santé: l'attente excessivement longue pour obtenir un diagnostic et se faire traiter. Je passerai ensuite aux besoins d'investissement dans l'infrastructure médicale par le gouvernement fédéral et à la nécessité d'élargir la portée des services financés par les fonds publics au Canada. Je conclurai brièvement en faisant quelques observations sur l'amélioration de l'obligation de rendre compte du gouvernement, avant de revenir à la teneur du débat après l'accord des premiers ministres.

J'aborderai d'abord la garantie des soins de santé. Il ne fait pas de doute que les longues périodes d'attente pour obtenir un diagnostic et se faire traiter constituent la principale préoccupation des Canadiens relativement à leur système de santé. En cette matière, le comité a recommandé l'établissement de la garantie d'une période d'attente maximale pour toutes les opérations majeures. Si, à la fin de cette période, les patients n'ont pas encore été traités, ils auront droit de l'être dans une autre province ou un autre pays, comme les États-Unis.

Le moment à partir duquel cette garantie sera applicable pour chaque type d'intervention sera déterminé en fonction de l'évaluation du moment où la santé du patient risque de se détériorer si l'attente persiste. Des organismes scientifiques devront établir des temps d'attente sécuritaires à l'aide de critères fondés sur l'expérience clinique. L'adoption de la garantie proposée par le comité démontrera que les deux paliers de gouvernement et les fournisseurs de soins ont à coeur de prodiguer des soins aux Canadiens en temps opportun.

M. Romanow a convenu qu'on devrait dire aux patients combien de temps ils devraient prévoir patienter pour chaque type d'intervention ou de traitement, mais il n'a pas recommandé d'aller plus loin, comme l'a fait le comité, c'est-à-dire de s'engager à respecter les délais prévus, faute de quoi quelqu'un d'autre que le patient devra assumer les conséquences. M. Romanow pense qu'il est suffisant d'informer les gens du temps qu'il devront attendre pour recevoir les soins ou les services qu'exige leur état.

À court terme, la décision des premiers ministres d'investir une somme de 1,5 milliard de dollars dans des équipements de diagnostic constitue une première étape en vue de réduire les temps d'attente. Il faudra en plus prendre le ferme engagement de fournir des services de diagnostic à l'intérieur de délais précis, et étendre éventuellement cet engagement à une gamme plus vaste de services.

Le financement fait cruellement défaut à l'infrastructure des services de santé au pays. Le Canada se classe maintenant dans les derniers rangs parmi les pays membres de l'OCDE en ce qui a trait à la disponibilité de nombreuses pièces d'équipement de diagnostic importantes. Nous avons laissé s'épuiser notre stock de capital et nous faisons maintenant face à une pénurie de personnel dans le domaine de la santé. Le comité a recommandé que le gouvernement fédéral investisse dans le renouvellement tant attendu des installations et de l'équipement des hôpitaux universitaires au Canada. En plus d'être le principal lieu de formation pour les professionnels de la santé canadiens, ces hôpitaux offrent les services les plus modernes et les plus raffinés et traitent les cas les plus complexes et les plus difficiles. Ils représentent une véritable ressource nationale et méritent, à ce titre, de recevoir l'appui du gouvernement fédéral.

Le comité a proposé que le gouvernement fédéral finance la mise sur pied d'un système national d'information sur la santé, auquel pourraient accéder tous les hôpitaux et les cabinets de médecin au pays.

Malgré l'importance de la gestion de l'information pour la prestation de services de qualité, le système de santé canadien dispose de très peu de moyens de gestion de l'information sur les soins de santé et il est bien loin d'utiliser la technologie de gestion de l'information dans la même mesure que les autres industries hautement informatisées. Nous pensons que l'établissement d'un système de classement électronique des dossiers des patients devrait constituer une priorité nationale, et que ce projet devrait être entièrement financé par le gouvernement fédéral.

Honorables sénateurs, notre comité a inclus la formation des gens qui fournissent des soins de santé aux Canadiens dans la définition de l'infrastructure du système de soins de santé. On a besoin d'une stratégie nationale pour que le Canada devienne autosuffisant dans le secteur des ressources humaines en santé. À court terme, on a besoin de plus d'argent pour accroître le nombre d'inscriptions aux programmes de formation pour tous les professionnels de la santé. Le comité a recommandé que le gouvernement fédéral fasse sa part en achetant des places dans les établissements d'enseignement afin qu'on puisse former plus de médecins, d'infirmières et d'autres professionnels de la santé.

Essentiellement, la proposition de M. Romanow en ce qui a trait aux systèmes d'information et aux dossiers de santé électroniques est semblable à celle du comité. Il a également proposé des investissements majeurs dans le matériel diagnostique. Cependant, dans d'autres secteurs d'infrastructure, son rapport n'est pas assez détaillé, particulièrement en ce qui concerne l'estimation des coûts de mise en oeuvre des objectifs généraux qu'il a appuyés.

Ce qui est peut-être le plus surprenant, c'est que M. Romanow n'a pas établi d'objectifs précis relativement à l'augmentation du nombre de médecins ou d'infirmières dans notre pays, et il n'a donc pas prévu de somme précise pour la formation des professionnels de la santé. De plus, il n'est pas question des hôpitaux dans le rapport de M. Romanow, ce qui me semble être un grave oubli étant donné le besoin urgent d'hôpitaux d'enseignement au Canada.

L'accord des premiers ministres prévoit un investissement additionnel dans la mise au point de dossiers électroniques des patients, mais est imprécis en ce qui a trait à la mise en oeuvre de ses propositions de financement concernant les deux autres secteurs d'infrastructure, soit les hôpitaux et les ressources humaines.

La structure de l'assurance-maladie au Canada est telle que la couverture, dans le cadre du régime public, pour tout ce qui ne fait pas partie des services médicalement nécessaires fournis par les médecins ou les hôpitaux est soit inexistante ou extrêmement inégale d'une région à l'autre. Il en résulte un accès inégal à de nombreux éléments de plus en plus importants de l'ensemble des soins de santé, comme les médicaments d'ordonnance. En même temps, cela perpétue l'inefficacité, par exemple les séjours inutilement longs à l'hôpital à cause de l'absence de services à domicile. Il est donc impératif de commencer à élargir l'éventail des services assurés par l'État si nous voulons maintenir un système abordable qui soit capable de tirer parti de tous les progrès technologiques et scientifiques importants et de fournir aux Canadiens les meilleurs soins possibles.

Le comité a désigné trois secteurs clés dans lesquels le gouvernement fédéral doit investir: les soins à domicile après les soins actifs, les soins palliatifs, et la protection contre les dépenses exorbitantes au titre des médicaments d'ordonnance.

Reconnaissant qu'il y a pénurie des ressources, que cette pénurie persistera et que le gouvernement doit mettre en place un programme qui témoigne de sa responsabilité financière, le comité a recommandé une initiative nationale de soins de maintien à domicile, c'est-à-dire un programme axé exclusivement sur les soins dispensés à domicile à la suite d'une hospitalisation.

Les soins palliatifs visent à assurer la meilleure qualité de vie possible aux malades en phase terminale en veillant à leur confort et en respectant leur dignité tout en soulageant leur douleur et leurs symptômes. Des études récentes indiquent que plus de 80 p. 100 des Canadiens meurent à l'hôpital alors qu'entre 80 et 90 p. 100 d'entre eux préféreraient mourir chez eux, au sein de leur famille, de la manière la plus naturelle possible. Trop souvent, les services qui leur permettraient de le faire n'existent pas.

Une initiative nationale de soins palliatifs pourrait commencer par autoriser l'accès à des prestations d'assurance-emploi aux Canadiens qui désirent s'absenter du travail pour s'occuper d'un parent mourant.

Enfin, il faut mettre en place un programme ciblant particulièrement les 11 p. 100 de Canadiens qui risquent d'éprouver d'importantes difficultés financières à cause des frais exhorbitants qu'ils doivent engager pour se procurer des médicaments.

En ce qui concerne la prestation des soins de santé, M. Romanow et le comité du Sénat ont formulé leurs recommandations. Il y a d'énormes différences, toutefois, dans les détails. Permettez-moi de les illustrer brièvement en utilisant comme exemple les différentes propositions mises de l'avant en vue de régler le problème des coûts faramineux des médicaments.

(1630)

Comme tout le monde le sait, le prix des médicaments est l'élément du système de santé qui connaît la croissance la plus fulgurante. Un certain nombre de facteurs révèlent que la tendance indiquant que la consommation de médicaments sur ordonnance accapare une part de plus en plus importante du budget de la santé n'est pas un phénomène à court terme. Or, le taux de remboursement de ces médicaments par l'État est loin d'être le même partout au pays.

Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable sénateur Keon, mais son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Keon: Honorables sénateurs, puis-je terminer mon intervention?

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Keon: Bien que les Canadiens consacrent en moyenne une part relativement faible de leur revenu à l'achat de médicaments sur ordonnance, le problème auquel sont confrontées les personnes devant consacrer des sommes très élevées à l'achat de médicaments peut être très grave, certaines d'entre elles pouvant même être littéralement acculées à la faillite. Selon le comité, c'est tout simplement inacceptable.

Le comité s'est appliqué avec ardeur à trouver une solution réaliste à ce problème croissant. Le comité propose que le gouvernement fédéral absorbe 90 p. 100 des coûts des médicaments sur ordonnance excédant une limite permettant de qualifier ces coûts d'exhorbitants. Ce régime, dont la mise en oeuvre coûterait au gouvernement fédéral environ 500 millions de dollars par année, garantirait que nul Canadien n'aurait un jour à consacrer plus de 3 p. 100 de son revenu à l'achat de médicaments sur ordonnance.

M. Romanow a aussi abordé le problème des médicaments dont le coût est exhorbitant. Malheureusement, il est impossible de déterminer exactement quelle serait l'incidence du plan de M. Romanow pour les Canadiens en général, étant donné qu'aucun maximum n'a été fixé en ce qui concerne le montant que les familles devraient consacrer à l'achat de médicaments d'ordonnance.

Les premiers ministres ont aussi reconnu la nécessité d'agir afin de mettre les Canadiens à l'abri du risque d'une escalade catastrophique des coûts des médicaments, mais ils ont renvoyé à plus tard la détermination des détails.

J'aborderai maintenant la question de la reddition de comptes aux Canadiens. Selon le comité, sous ce rapport, il y a lieu d'améliorer sensiblement la façon dont tous les paliers de gouvernement renseignent les Canadiens sur l'état du système de santé et sur la santé de la population. Pour cette raison, le comité a recommandé la création d'une commission nationale des soins de santé et d'un conseil national des soins de santé qui seraient chargés de faire chaque année rapport aux Canadiens concernant leur santé, ainsi que la situation du système de santé.

M. Romanow a proposé la création d'un nouveau conseil canadien de la santé qui ressemble à bien des égards à ce qu'a proposé le comité. Il a attribué à son conseil un mandat quelque peu plus vaste que celui que le comité avait donné à son commissaire, mais il ferait rapport aux Canadiens sur bon nombre des mêmes sujets. La plus importante différence pourrait tenir au degré d'indépendance de ces organismes par rapport au gouvernement.

En vertu de la structure proposée par le comité sénatorial, la Commission nationale des soins de santé serait entièrement indépendante du gouvernement. Bien que les premiers ministres se soient dit d'accord avec un certain mécanisme de reddition de comptes, la portée exacte de ce dernier reste à définir. Toutefois, les intéressés relèveraient d'une façon ou d'une autre des autorités gouvernementales.

Enfin, en mettant en évidence certaines des différences entre le rapport de M. Romanow et le rapport du comité sénatorial, et certains des aspects qui ne sont pas du tout visés par le récent accord fédéral-provincial sur les soins de santé, ou que l'accord aborde de façon vague, j'ai tenté de faire voir en quoi le rapport du comité sénatorial conserve sa pertinence par rapport au débat actuel sur la réforme des soins de santé.

J'ai trouvé encourageant de constater l'impact qu'ont eu les propositions, analyses et recommandations du rapport du comité sur le débat public concernant ces questions et sur les divers niveaux de gouvernement. Il reste de toute évidence encore du travail à faire pour solidifier, sur le long terme, les fondements du plus important programme social au pays.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Keon.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Lynch-Staunton: L'honorable sénateur a-t-il lu la déclaration qui a suivi la conférence des premiers ministres sur les soins de santé? Dans l'affirmative, y a-t-il trouvé des conclusions qui auraient pu être tirées du rapport Romanow ou du rapport sénatorial? Les premiers ministres ont-ils trouvé ces rapports utiles à leurs délibérations? Cela se reflète-t-il dans leurs conclusions?

Le sénateur Keon: Il est certain que la synergie du rapport Romanow et du rapport sénatorial a influé sur la conférence des premiers ministres. Il y a certainement eu un changement de dispositions remarquable de la part des gouvernements. La tendance des 15 dernières années, qui consistait à exiger davantage des hôpitaux, institutions et organisations et à les rendre rentables, s'est atténuée. On commence à accepter le fait que le système ne pourra être maintenu sans des investissements majeurs, et ces investissements amèneront des changements. C'est ce qui ressort de l'accord conclu par les premiers ministres.

L'accord a évidemment fait l'objet de vives critiques dans la presse. Les ententes de ce genre sont toujours décevantes jusqu'à un certain point. Toutefois, il faut féliciter les gouvernements, de tous les niveaux et de toute conviction politique, d'avoir adopté une attitude positive, quoique l'impasse demeure possible.

Les choses commencent à bouger. Il incombe maintenant à tous les Canadiens, surtout ceux qui s'intéressent à ce dossier depuis un certain temps, d'amener les gouvernements, peu importe leurs convictions politiques et leur niveau, à s'efforcer de régler le problème.

Il y a quelques semaines, j'ai eu le privilège, honorables sénateurs, de passer en revue les services cardiovasculaires et services connexes en Grande-Bretagne. J'ai consacré une semaine à cet examen. Je suis revenu chez nous assez fier de ce qui se fait au Canada.

Il est intéressant de constater que les Britanniques ont une garantie d'un an à l'égard des divers actes médicaux, tests de diagnostic, et autres. En effet, la personne qui attend un an peut aller subir ces tests en Allemagne, ou en France, et le Service national de la santé en assumera les frais.

Toutefois, la grande majorité des gens préfèrent ne pas attendre une année. Ils se procurent donc à leurs frais les services nécessaires auprès d'une clinique privée. Cette possibilité n'existe pas au Canada. Quelque 75 p. 100 des Canadiens n'en veulent pas. À nous de protéger nos acquis et de les renforcer.

L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, j'aimerais faire suivre les observations judicieuses du sénateur Keon de mes observations concernant l'accord bien pensé sur le renouvellement des soins de santé sur lequel se sont entendus les premiers ministres mercredi dernier. Cet accord a fait l'objet de critiques acerbes et injustifiées, à mon avis. J'estime qu'il s'agit d'une initiative remarquable, qui va donner lieu à des changements réels et durables dans notre système de soins de santé.

Comme le sénateur Keon l'a signalé, cet accord se fonde sur des études tant provinciales que fédérales. Le document qui a été rendu public au terme des discussions qui ont mené à l'accord fait état de la contribution du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

En fait, comme le sénateur Keon l'a dit, beaucoup des nombreuses questions qui ont été abordées découlent directement du travail que nous avons accompli.

[Français]

Cet accord comporte plusieurs volets. Le premier volet s'applique à la consolidation des opérations en cours, par exemple le fonctionnement des hôpitaux et la rémunération de la main- d'œuvre.

(1640)

Ce financement est de trois ordres. Le premier, suivant l'accord du 11 septembre 2000, à l'origine de 21 milliards de dollars, constitue un financement de 1,3 milliard de dollars qui se poursuivra au-delà des trois ans prévus par cet accord.

De plus, il y aura cette année un transfert immédiat du gouvernement fédéral vers les provinces de l'ordre de 2,5 milliards de dollars. Il y aura également un transfert l'an prochain en prévision d'un surplus budgétaire. Cette année, 8,4 milliards de dollars de fonds nouveaux ont été rendus disponibles, ce qui représente 50 p. 100 des transferts fédéraux.

On annonce une excellente initiative. Il s'agit de la création d'un fonds de transfert canadien en santé. Cela signifie pour l'an 2008 que tous les transferts fédéraux aux provinces seront englobés dans un fonds spécifique. Il sera à ce moment possible, et ce, sans discussion sur les chiffres, de savoir quels sont les transferts exacts du gouvernement fédéral vers les provinces.

[Traduction]

La deuxième partie de cet accord prévoit la création d'un nouveau fonds de 16 milliards de dollars sur cinq ans pour la réforme de la santé. Au bout de cinq ans, le fonds sera transféré au fonds spécial du transfert canadien pour la santé et, comme je l'ai dit plus tôt, tout l'argent destiné aux paiements de transfert se trouvera dans ce fonds. Les provinces devront présenter un rapport annuel sur la manière dont elles dépensent ces sommes, en utilisant les mêmes indicateurs que ceux dont elles ont déjà convenu.

L'argent du premier fonds sera investi dans la réforme des soins primaires. Selon moi, c'est de loin la réforme la plus importante car elle va faciliter l'accès aux soins et améliorer la qualité et la viabilité de notre système. L'objectif est que 50 p. 100 de la population canadienne soit couverte, dans huit ans, par des équipes multidisciplinaires assurant des soins primaires 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

Le deuxième programme est un programme de soins à domicile avec couverture à partir du premier dollar, une question importante dont les provinces ont débattu longuement. Cela signifie qu'il n'y aura pas de frais d'utilisateur, et cela inclut le financement des soins infirmiers, du matériel et autre. Il s'appliquera aux soins de courte durée et aux soins actifs de santé mentale dans la communauté. C'est une victoire pour les provinces car cela ne figurait pas dans le programme original de la ministre McLellan. Les soins palliatifs seront aussi couverts. J'aimerais signaler le travail crucial du sénateur Carstairs à cet égard. Si cette couverture figure dans l'accord, c'est dû entièrement à ses efforts.

Enfin, il y a la couverture des médicaments dont le coût est exhorbitant. Comme l'a dit plus tôt le sénateur Keon, 10 p. 100 des Canadiens, principalement dans les provinces atlantiques, n'ont pas ce genre de couverture. C'est un élément essentiel des soins de santé et les Canadiens s'attendent à ce que tous leurs concitoyens jouissent de ce genre d'appui. Est également prévue la gestion des produits pharmaceutiques, ce dont nous avons certes besoin dans notre pays; cette notion comprend l'efficacité de la pharmacothérapie et la réduction des coûts, y compris le coût des médicaments génériques. Ils sont plus chers au Canada que dans les autres pays et le taux d'augmentation du prix de ces médicaments dépasse celui des autres types de médicaments.

Il est également prévu un fonds spécial de 1,5 milliard de dollars pour l'équipement diagnostique. Le sénateur Keon a parlé du triste état de l'équipement au Canada, qui nous place en bas de la liste des pays de l'OCDE. Ce fonds va contribuer à remédier à cette situation. Cette fois-ci, il ne servira pas à acheter des tondeuses à gazon ou des cuisinières ou des choses de ce genre car les provinces devront présenter un rapport annuel sur la manière dont elles dépensent ces fonds.

Un fonds très important sera affecté aux systèmes d'information sur la santé. Le sénateur Keon a souligné l'importance de ces systèmes en termes d'efficience, de qualité des soins et de viabilité du régime de soins de santé canadien. Les fichiers électroniques de santé constituent le cœur de ce système d'information sur la santé et 600 millions de dollars additionnels y seront consacrés, en sus des 500 millions de dollars déjà attribués. Parmi les systèmes des pays de l'OCDE, c'est le système canadien qui sera le plus généreusement financé, mis à part celui des États-Unis.

D'autres ententes concernant la santé seront financées à hauteur de 1,6 milliard de dollars sur cinq ans au titre de la sécurité des patients, de l'évaluation de la technologie et des ressources humaines.

Le sénateur Keon a souligné l'importance que notre rapport sénatorial accorde aux établissements de santé universitaires qui constituent véritablement une ressource nationale. La commission Romanow n'a fait aucune mention de ces établissements. Quoi qu'il en soit, 500 millions de dollars seront consentis à ces centres à titre d'appui à la formation, à la recherche et à la prestation de soins hautement spécialisés.

En outre, 1,3 milliard de dollars seront consacrés aux soins de santé des autochtones et à d'autres initiatives, dont la recherche en santé. Voilà à quoi nous pouvons nous attendre dans le prochain budget sous le poste «Appui aux IRSC». Un financement supplémentaire de 1,3 milliard de dollars sur cinq ans sera prévu pour la promotion et la protection de la santé et l'approbation des médicaments.

[Français]

Cet accord annonce la création d'un conseil national de la santé dont le rôle d'imputabilité, d'excellence et d'innovation aura un effet transformateur pour notre système. Le gouvernement fédéral a la responsabilité d'assurer des soins raisonnablement comparables pour chaque citoyen de notre pays. Comme l'a indiqué le premier ministre Chrétien, les résidants de chaque province doivent pouvoir comparer la qualité des soins qu'ils reçoivent d'une province à l'autre. Les provinces se sont entendues sur des indicateurs d'accessibilité, de qualité des soins et de viabilité du système. Ces accords sont fondés sur les travaux en cours de l'Institut canadien d'information sur la santé. Des fonds seront attribués à cet institut afin qu'il puisse intensifier son travail.

À ce sujet, il est déplorable que le Québec ait refusé de siéger à ce nouveau conseil. Cette absence sera au détriment des Québécois qui ne pourront comparer la qualité des soins qu'ils reçoivent avec les soins offerts dans les autres provinces. Le rapport Clair, loin de prôner des relations plus étroites avec le gouvernement fédéral, indique que le Québec doit participer aux activités de l'Institut canadien de l'information sur la santé — ce qu'il ne fait pas actuellement.

Honorables sénateurs, cet accord constitue un progrès remarquable. Il s'agit d'un accord historique pour le développement de notre système de distribution des soins. Il constitue un transfert généreux du fédéral vers les provinces. Si on avait cédé aux demandes des provinces, et à celles du Québec en l'occurrence, on observait cette année un déficit important lors du budget qui sera déposé la semaine prochaine.

(1650)

Il faut enfin reconnaître le rôle capital du ministre de la Santé dans la préparation de cet accord et celui du premier ministre lors des négociations.

[Traduction]

L'honorable John G. Bryden: Je voudrais poser une question et en profiter pour faire une observation. Je comptais m'adresser au sénateur Keon, mais, comme cela m'arrive parfois, on n'a pas fait attention à moi.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Bryden: Mais je peux la poser au sénateur Morin. En fait, elle intéressera les deux sénateurs, compte tenu de la nature de leur profession et de la réputation qu'ils y ont acquise.

Je voudrais leur signaler une série d'essais brefs, entre 8 et 10, parus dans la revue The Atlantic Monthly et intitulés «The real state of the union».

Ces articles, d'une page et demie de long, sont écrits par d'éminents critiques et individus qui, à l'évidence, savent de quoi ils parlent et qui traitent de différents secteurs de l'économie américaine, par exemple la défense, l'éducation, ainsi de suite.

Un de ces articles, qui m'a paru éminemment intéressant, parlait des soins de santé aux États-Unis et faisait référence à des études intéressantes qui ont été effectuées à ce sujet. Cet article conclut entre autres qu'il n'existe pas de lien direct entre l'importance des sommes dépensées et le nombre des établissements, des opérations effectuées et des spécialistes mis à la disposition des populations desservies. L'article indique que les spécialistes et les établissements équipés en chirurgie tendent à se retrouver aux États-Unis où les cieux sont plus cléments et où le savoir est plus pointu.

L'honorable Elizabeth Hubley (Son Honneur la Présidente intérimaire): Honorables sénateurs, je vous signale que le temps de parole du sénateur Morin est écoulé.

Sénateur Bryden, demandez-vous l'autorisation de continuer?

Le sénateur Lynch Staunton: Y a-t-il une question?

Le sénateur Bryden: Oui, j'essaie d'y arriver. L'article précise qu'il n'existe pas de lien direct entre le nombre d'opérations effectuées et la santé de la population de la région où elles sont effectuées. En fait, c'est le contraire dans certaines régions. Par exemple, bien que l'on opère beaucoup plus dans la région de Miami, du fait de la richesse générale de la population de cet État, si on le compare aux États du Dakota, la santé de la population dans les États du Dakota est meilleure.

Le nombre des tests et des interventions possibles est quasi illimité. Les gens ne comprennent pas que presque chaque fois qu'une intervention est faite dans un hôpital ou une clinique, le risque de subir des lésions ou d'être contaminé est important, ce qui compense souvent la facilité d'accès des endroits où il est possible d'obtenir des soins.

L'article mentionne également une étude sur la chirurgie arthroscopique du genou que des milliers de patients ont subie. Un groupe a effectivement été opéré, tandis que l'autre recevait l'équivalent d'un placebo, en ce sens que les personnes en cause ne faisaient l'objet d'aucune intervention sur le genou douloureux. Six mois plus tard, il n'y avait aucune différence dans l'état de santé des deux groupes. Est-ce que l'honorable sénateur a eu l'occasion de lire cet article? Si non, je le lui recommande.

Le sénateur Morin: Il est extrêmement difficile pour moi de présenter des observations sur un article que je n'ai pas lu.

J'ai cependant plusieurs commentaires. D'abord, les déterminants sociaux de la santé sont plus importants que les soins médicaux. L'instruction, la situation sociale et le développement économique sont tous des facteurs extrêmement importants pour la santé. Le mode de vie est également très important. L'importance des soins dispensés à un fumeur atteint d'un cancer du poumon ne compte pas vraiment quand on considère que le fait de ne pas fumer est plus important. Il en est de même pour l'exercice physique, le régime alimentaire, etc.

Au sujet de l'étude mentionnée, la recherche clinique utilisant des placebos est très courante. Beaucoup de médicaments utilisés dans le passé se sont révélés moins actifs qu'on ne le pensait après de bons essais cliniques comprenant l'utilisation de placebos. Il n'y a là rien d'extraordinaire. Je suis assez vieux pour me souvenir du nombre d'interventions qui étaient faites lorsque j'étais jeune médecin et qui se sont révélées par la suite moins efficaces que d'autres.

Il n'est pas surprenant que certaines interventions soient faites mêmes si elles ne sont pas efficaces. C'est la différence entre la médecine scientifique, qui change et s'améliore constamment, et d'autres genres de traitements basés sur la foi.

Je vais certainement lire cet article, mais ces deux points précis — l'importance relativement moindre des soins dans la santé d'une collectivité et le fait que certaines interventions se révèlent moins efficaces que d'autres — font partie du jeu. Il en est ainsi depuis des années.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

LA SANCTION D'UNE ACTION MILITAIRE CONTRE L'IRAK EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT INTERNATIONAL

MOTION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Roche, appuyée par l'honorable sénateur Taylor:

Que le Sénat prenne note de la crise entre les États-Unis et l'Irak et confirme l'urgent besoin, pour le Canada, de se conformer au droit international en vertu duquel, en l'absence d'attaque ou de menace imminente d'attaque, seul le Conseil de sécurité des Nations Unies a le pouvoir de déterminer le respect de ses résolutions et de sanctionner une action militaire.—(L'honorable sénateur Rompkey, c.p.).

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je prends la parole dans ce débat sur la situation en Irak et, en particulier, sur la menace d'une guerre contre l'Irak. La communauté mondiale vit actuellement une crise qui ne permet à aucun pays et à aucun peuple de se confiner au rôle de simple spectateur. Nous sommes tous interpellés par les questions complexes d'ordre politique et éthique qui entourent cette crise.

(1700)

Que devons-nous faire en tant que Canadiens? Qu'est-ce que nous anticipons comme danger imminent pour des vies humaines? Comment allons-nous trouver la voie que devrait suivre le Canada? Sommes-nous en mesure de définir notre responsabilité envers la communauté internationale? Allons-nous contribuer à la création d'un ordre international et au respect de la primauté du droit dans le monde entier, ou allons-nous manquer à notre devoir et laisser les autres décider à notre place de ce que nous allons faire?

Honorables sénateurs, nous sommes au bord de la guerre en Irak et nous devons nous poser les questions suivantes: Quelle sera la nature de cette guerre? Pourra-t-on justifier cette guerre politiquement ou moralement? Honorables sénateurs, n'oublions pas que si, au plan juridique, la guerre est un conflit faisant appel à la force des armes, au plan humanitaire, c'est un horrible carnage.

Afin de déterminer si une guerre en Irak est morale, nous devons nous poser certaines questions. Premièrement, nous devons nous demander si le droit à la guerre existe, deuxièmement quel est le fondement légal d'un tel droit, troisièmement qui est le détenteur de ce droit, quatrièmement quel est le titre et quel est le but du détenteur de ce droit, cinquièmement quel est l'objet de son action et sixièmement quel est son mandat.

Dans quelle mesure peut-on parler du droit à la guerre ou sont-ce deux mots contradictoires? Le droit à la guerre est-il un oxymore? Il est évident qu'il est moins difficile de trouver une acceptation universelle du droit à la paix, du droit à la sécurité et du droit à la solidarité.

Honorables sénateurs, tout droit valide tel que le droit à la sécurité oblige autrui à accepter un tel droit. Pour que le monde puisse jouir du droit à la paix et à la sécurité, libre de toute menace d'agression et d'armes de destruction massive, le régime irakien a l'obligation évidente de se livrer au désarmement. Le droit de la population des États-Unis à la paix et à la sécurité, comme celui des Canadiens et des habitants de tous les pays du monde, comporte un droit complémentaire, le droit à la coercition, s'il s'agit bien d'un droit réel et non illusoire.

Ceux qui étudient les droits de la personne comprendront qu'un droit valide renferme implicitement le droit à la force physique qui permet de se défendre contre une violation, de récupérer l'objet du droit injustement piétiné ou d'arracher son équivalent et d'infliger des dommages en exerçant une telle coercition dès que ce droit ne peut être exercé efficacement sans de tels dommages. Il est essentiel de comprendre que le droit à la coercition comporte des limites définies, notamment le fait que son exercice soit nécessaire, que les dommages ne dépassent pas certaines mesures et que l'exercice de la coercition soit limité à l'autorité publique dans les communautés civiles.

Le droit à la guerre peut aussi être appuyé par le devoir qu'un État ou un groupe d'États a de défendre les droits de ses citoyens, notamment le droit collectif à la paix. Les États et la communauté internationale ont le droit de coercition au nom de la protection de leurs droits et des droits de leurs citoyens en cas de menace. Il en est ainsi car, autrement, les États ne pourraient pas accomplir leur devoir consistant à défendre les droits de leurs citoyens. Le droit au bien commun serait inopérant, alors que les droits individuels et collectifs des populations du monde seraient à la merci de tyrans.

En ce qui a trait à la justification juridique du droit à la guerre, le droit international, exprimé dans bon nombre de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, y compris la résolution 1441, fournit la toile de fond internationale à la crise à laquelle nous faisons face présentement. D'autres résolutions du Conseil de sécurité pourraient également être adoptées en vue d'appuyer le recours à la force en Irak. De plus, honorables sénateurs, l'ensemble du droit humanitaire international précise clairement les restrictions qui s'appliquent. La logique humaine reconnaît que pour qu'un État ou la communauté internationale puisse respecter ses obligations au chapitre de la protection du droit à la paix et à la sécurité par l'intermédiaire d'un organisme multilatéral comme celui des Nations Unies, il doit avoir le pouvoir ou le droit moral de le faire. Cela inclut le droit subsidiaire à la violence physique, sans laquelle ces droits ne seraient pas efficaces.

Dans un monde composé d'États-nations, on peut penser que le droit à la guerre relève uniquement de l'autorité souveraine de l'État. Toutefois, compte tenu de la nature de la collectivité mondiale interconnectée et internationale d'aujourd'hui, et de la nature du droit à la paix et à la sécurité en tant que droit de la personne de troisième génération ou droits de solidarité, nous pourrions devoir reconnaître que le droit à la guerre appartient à la communauté internationale.

Honorables sénateurs, toute prétention des États-Unis au droit à la guerre à l'égard de l'Irak devrait être considérée comme découlant du droit à la sécurité et d'autres droits en danger aux États-Unis. Une telle prétention formulée par le Canada devrait également être soumise au même test, tout comme le serait la poursuite de la guerre dans le cadre d'un effort multilatéral.

Le premier droit d'un État ou d'un groupe d'états à la guerre doit être lié au fait que les droits de l'État ou de la communauté internationale et de ses habitants sont menacés par l'agression de l'Irak et qu'on ne peut régler le problème autrement qu'en faisant la guerre. Deuxièmement, il faut démontrer qu'on ne peut réparer autrement les violations enregistrées au chapitre des droits, et troisièmement, que l'on doit punir les actes menaçants de l'Irak pour la sécurité de l'avenir.

Le second droit de faire la guerre peut émaner du danger auquel un autre État fait face. Dans ce cas, le monde pourrait intervenir pour protéger les innocents opprimés. Toutefois, le droit clair à la guerre est limité aux conditions voulant que le recours à la guerre doit être essentiel, et ce en dernier appel. Ainsi, s'il y a des motifs raisonnables de croire que l'Irak renoncera à ses menaces, qu'il se débarrassera de ses armes de destruction massive et qu'il offrira une garantie acceptable du fait qu'il ne produira pas de telles armes dans l'avenir, on ne peut donc pas dire que la guerre est essentielle. Il n'y aurait donc pas de droit à la guerre dans un tel cas.

(1710)

Encore une fois, la comparaison entre les dangers liés à la possibilité de faire la guerre à l'Irak et la valeur du droit des peuples de l'humanité, y compris celui des États-Unis, à ne pas être menacés par les armes de destruction massive de l'Irak doit être prise en considération lorsqu'on essaie de déterminer dans quelle mesure il est justifié de déclencher la guerre contre l'Irak. Pour comparer véritablement les dommages qui seraient causés et les droits violés, il faut déterminer si la perte du droit en soi, ou ses conséquences ordinaires, causerait un préjudice moral de même envergure que les dommages de la guerre contre le peuple irakien.

Le droit à la guerre ne vise pas les non-combattants — femmes, enfants, personnes âgées ou plus vulnérables, et cetera — qui pourraient être tués ou blessés durant la guerre contre l'Irak, tout comme il ne justifie pas le recours aux armes nucléaires, chimiques ou biologiques.

L'objet du droit à la guerre est la nation contre laquelle on peut légitimement déclencher une guerre, l'Irak de Saddam Hussein en l'occurrence. Sur le plan juridique, l'Irak est en tort puisqu'elle n'a pas respecté les résolutions de l'ONU et puisqu'elle viole le droit des autres peuples à la paix et à la sécurité en ayant déjà utilisé et menacé d'utiliser des armes de destruction massive.

J'ajouterai, en terminant honorables sénateurs, que la guerre contre l'Irak est imminente. La question que les Canadiens doivent se poser est la suivante: cette guerre est-elle justifiée? Nous ne devons pas demander si la guerre sera déclenchée par les États-Unis avec une coalition de pays alliés, ou si elle sera déclenchée sous le parapluie multilatéral des Nations Unies, mais plutôt si nous avons le droit de déclencher cette guerre et si nous pouvons considérer qu'elle s'inscrit dans le cadre général du pouvoir moral de coercition.

Pour qu'une guerre soit juste, elle doit être déclenchée pour protéger un droit absolu. Dans ce cas, le droit absolu est celui que possèdent les peuples du Canada, des États-Unis et du monde entier de vivre dans la paix et la sécurité, à l'abri de toute menace de recours à des armes de destruction massive.

L'honorable Douglas Roche: Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Kinsella: Oui.

Le sénateur Roche: J'aimerais féliciter le sénateur Kinsella pour son magnifique discours. Il était tout à fait de la trempe, je dirais même de la stature philosophique, des discours que nous avons appris à associer à la pensée du sénateur Kinsella. Le sénateur pourrait-il développer un peu son dernier point, c'est-à-dire est-ce que la guerre est justifiée?

Le sénateur Kinsella a brillamment mis en équilibre le droit de faire la guerre et le droit de faire la paix. D'après son allocution, on pourrait penser qu'on ne saurait avoir le droit de faire une guerre qui entraînerait la mort d'un grand nombre de personnes innocentes, autrement dit, si les dommages causés dépassaient de loin ce que permettraient les règles de la limitation et de la proportionnalité applicables à une guerre juste.

Le sénateur Kinsella estime-t-il que la manière dont les États-Unis ont dit que cette guerre aura lieu, notamment au cours des deux premiers jours, est conforme au droit humanitaire? S'il n'en est pas convaincu, peut-il dire s'il est d'accord ou non pour que le Canada exerce des pressions auprès des Nations Unies pour qu'elles appuient la proposition des Français, des Russes et des Allemands de tripler le nombre d'inspecteurs, afin de réduire les craintes du monde selon lesquelles Saddam Hussein tente de dissimuler des armes?

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, je suis désolée de vous informer que le temps de parole du sénateur Kinsella est écoulé. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Kinsella: J'en demande la permission.

Son Honneur la Présidente intérimaire: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Je remercie le sénateur de sa question.

En principe, il est évident, surtout après la tragédie du 11 septembre, que nos très proches amis, les Américains, ont non seulement appréhendé une menace contre leur droit à la paix et à la sécurité, mais qu'ils en ont directement fait l'objet. À mon avis, les États-Unis, comme tous les autres États, ont absolument tous les droits de recourir à la coercition pour garantir à leurs citoyens le droit à la paix et le droit à la sécurité. En effet, l'État a le devoir de faire ce qu'il peut, y compris recourir, en tant que pouvoir moral, au droit subsidiaire d'user de coercition si les droits à la vie, à la paix et à la sécurité de ses citoyens sont menacés, comme cela a été le cas.

Toute la question du rétablissement de la justice découle de l'invasion du Koweït par l'Irak, il y a une dizaine d'années. En vertu des tribunes du droit international des Nations Unies, une cessation des hostilités avait été convenue et des mesures avaient été prises non seulement pour réparer les dommages qui avaient été causés, mais également pour assurer la paix et la sécurité qui avaient manifestement été menacées. Comme nous le savons, cela n'a pas été fait, et les efforts des Nations Unies pour amener l'Irak à montrer qu'il s'était départi de ses armes de destruction massive ont été infructueux.

En ce qui a trait au droit international, tout en respectant la règle du droit international — nous n'appliquons pas la loi de la jungle — la communauté internationale possède, à mon avis, suffisamment de motifs légaux pour user de force depuis déjà dix ans.

Après avoir analysé la résolution 1441, il me semble que, du point de vue du droit international, la façon dont la résolution est formulée justifie qu'il y a matière à intervention militaire. J'établis une comparaison entre d'une part le droit international et d'autre part l'éthique ou la question morale.

(1720)

Le droit international comprend un éventail complet de lois régissant la façon de mener une guerre humanitaire, ce qui peut sembler un peu contradictoire. Toutefois, cela existe depuis l'époque de Henri Dunant et de l'adoption de toute une série de conventions sur la conduite d'une guerre humanitaire.

En ce qui concerne la guerre humanitaire, je suis de ceux qui croient que la résolution 1441 des Nations Unies suffit. Je me trouve dans une position défavorable, puisque je ne possède pas assez de données pour effectuer une analyse complète. Voilà pourquoi je suis heureux que le Sénat tienne un débat sur la motion du sénateur Roche. J'aurais préféré que notre débat prenne une autre forme et que le gouvernement nous transmette une part des renseignements qu'il possède, afin que nous puissions tenir un débat éclairé. Nous sommes dans le noir à plus d'un égard.

Je comprends bien les principes, mais je crois que nous devons débattre de la façon dont ils seront appliqués en bout de ligne.

Le sénateur Roche: J'ai encore une question à poser à l'honorable sénateur. Je tiens à dire que je suis d'accord avec le sénateur Kinsella sur presque toute la ligne. Toutefois, l'honorable sénateur a-t-il voulu dire que la résolution 1441 assurait des fondements juridiques suffisants pour déclencher une guerre? Une solide opinion juridique qui a cours dans la communauté internationale dit le contraire. Par conséquent, on s'emploie maintenant à discuter de l'efficacité d'une deuxième résolution qui autoriserait concrètement une intervention militaire.

En posant cette question au sénateur Kinsella, je voudrais également établir un lien entre le débat sur le bien-fondé juridique et les considérations morales et éthiques, car nous savons que cette guerre ne sera pas menée avec un recours limité à la force pour atteindre un certain objectif, pour reprendre la teneur de la Charte de l'ONU. Ce sera une attaque de grande envergure qui tuera un nombre incalculable de personnes. Cela ira directement à l'encontre du droit humanitaire.

Il nous faut réfléchir sérieusement à la déclaration initiale du sénateur Kinsella. Il a demandé ce que nous devions faire, comme Canadiens. Comme Canadiens, nous devons défendre les meilleurs éléments du droit international. Qu'en pense le sénateur Kinsella?

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je crois qu'il n'y a personne sur la Colline du Parlement qui ne serait pas d'accord pour que la communauté internationale trouve une solution à la crise qui n'exige pas le recours à la force. Je ne crois pas que la question soit de savoir si l'intervention sera conduite par les États-Unis avec une coalition de pays disposés à les suivre ou par l'ONU, avec une force multilatérale. C'est là une question politique internationale intéressante, mais, qu'importe la méthode, est-il juste d'intervenir? Bien des propositions ont été faites ces derniers jours. L'honorable sénateur a parlé de la proposition franco-allemande, mais il y en a eu d'autres visant à régler le problème du changement de régime en Irak.

J'espère qu'on saura trouver une solution. Ce qui me préoccupe, c'est que je n'ai pas beaucoup d'information, car le gouvernement ne l'a pas fournie. Je n'ai pas la moindre idée de la position du gouvernement du Canada. Comment pourrions-nous tenir un débat intelligent? Je dois m'en tenir aux principes.

Je préfère que nous trouvions une solution pacifique à ce problème au lieu de prendre les armes. Je suis d'accord avec le sénateur Roche et je partage sa préoccupation quant à la façon de faire la guerre dans le monde où nous vivons, compte tenu du genre de bombes qu'on a l'intention de larguer depuis 32 000 pieds d'altitude, et ainsi de suite. Du point de vue de la tactique militaire, je ne sais pas comment on découvre et identifie les cibles. Je voudrais que les autorités de la défense témoignent devant le comité plénier ou le comité sénatorial pour répondre à ces questions.

Le sénateur Roche: Oui, je suis d'accord.

Le sénateur Kinsella: Nous ne pouvons que cerner les principes et établir notre meilleure estimation en nous fondant sur les connaissances de troisième et de quatrième main que nous possédons.

Honorables sénateurs, j'espère que nous finirons par être capables de trouver l'auteur de cette menace à notre droit à la paix et à la sécurité, Saddam Hussein. J'ose espérer que lui-même et son régime totalitaire se conformeront aux résolutions des Nations Unies et aux exigences de la communauté internationale en démontrant qu'ils ont désarmé et qu'ils ont débarrassé l'Irak de ces dangereuses armes de destruction massive. Ils sont obligés de le faire.

J'encourage le gouvernement du Canada à adopter une politique pour participer directement à toute action militaire au sein d'une coalition avec d'autres, que ce soit l'OTAN ou les Nations Unies, et à employer des tactiques, si on en vient là, qui empêcheront que des innocents soient massacrés. Le Canada ne peut pas rester passif; il ne peut pas jouer un rôle marginal. Premièrement, le droit des Canadiens à la sécurité est en jeu. Ce qui est plus important encore, si nous participons, nous pourrons peut-être trouver une solution pacifique et nous assurer que toutes les options ont été épuisées. Si nous participons pleinement, nous serons peut-être capables de jouer un rôle dans la planification tactique s'il faut recourir à la force.

L'honorable Herbert O. Sparrow: Honorables sénateurs, je ne suis pas certain si je vise juste avec ma question. Dans son discours, le sénateur a parlé de faire la guerre à l'Irak. Y a-t-il une différence entre faire la guerre à l'Irak et faire la guerre contre l'Irak? Il a parlé d'une attaque de grande envergure. Parlons-nous ici de lancer une attaque contre l'Irak ou de faire la guerre à l'Irak ou de faire la guerre contre l'Irak pour atteindre certains objectifs?

Le sénateur Kinsella: La source de la menace à notre droit à la paix et à la sécurité est le régime de Saddam Hussein, qui est le dictateur, le tyran, en Irak. Si lui-même et son régime ne sont pas prêts à retirer cette menace, alors la communauté mondiale et les États ont le droit, à mon avis, de prendre des mesures pour éliminer cette menace. Il n'y a pas grand différence entre faire la guerre à l'Irak et faire la guerre contre l'Irak.

(1730)

Je parle du régime qui dirige l'Irak et qui a déployé et utilisé des armes de destruction massive dans le passé, du régime qui a provoqué l'invasion d'un pays voisin il y a dix ans. C'est lui qui est mis en cause, si vous préférez, dans le droit de la communauté internationale à la paix et à la sécurité, même par la force.

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)

LES PERCEPTIONS DISCRIMINATOIRES ET NÉGATIVES ENTOURANT LA DÉMISSION DE L'EX-SOLLICITEUR GÉNÉRAL
LAWRENCE MACAULAY

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Elizabeth Hubley, ayant donné avis le 7 novembre 2002:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur les perceptions et les points de vue discriminatoires et négatifs de certains membres de l'opposition et de médias nationaux à l'égard des provinces de l'Atlantique et plus précisément de l'Île-du-Prince-Édouard, au sujet des circonstances relatives à la démission de l'ex- solliciteur général du Canada, M. Lawrence MacAulay.

— Honorables sénateurs, j'ai donné avis de l'interpellation avant le congé de Noël à la suite d'un événement politique tragique et inutile, soit la démission de l'ex-solliciteur général du Canada, M. Lawrence MacAulay. Vous vous rappellerez qu'il a remis sa démission le 22 octobre 2002 après une attaque vicieuse et soutenue menée contre sa réputation tant au Parlement que dans les médias.

Après sa démission, le quotidien Ottawa Citizen a décrit l'Alliance canadienne comme une opposition «efficace» pour avoir «fait tomber» un ministre du Cabinet libéral et pour s'être imposée comme défenseur des grands principes dans certains dossiers.

Qu'avait fait M. MacAulay au juste? Le commissaire fédéral à l'éthique a jugé que M. MacAulay avait fait du lobbyisme pour obtenir une aide financière pour le seul collège communautaire de l'Île-du-Prince-Édouard. Le président du Holland College est le frère de l'ex-ministre. À la Chambre des communes, l'attaque a été menée par l'Alliance canadienne, le leader du Parti progressiste- conservateur, M. Clark, et son collègue de la Nouvelle-Écosse, M. Peter McKay.

Honorables sénateurs, j'ai été une représentante élue pendant des années et je ne suis certes pas naïve en matière de politique partisane. Je comprends bien le rôle parlementaire de l'opposition officielle.

Toutefois, je crois aussi que, même dans le monde contradictoire et parfois peu civilisé de la politique partisane, les honnêtes gens ne doivent pas être traités injustement et les besoins légitimes d'une province ou d'une région ne doivent pas être méprisés. Je n'ai pas l'intention d'examiner les circonstances malheureuses qui ont amené M. MacAulay à démissionner du Cabinet, quoique, à l'instar du premier ministre, j'estime qu'il n'avait rien fait de mal, rien certes qui justifiait son départ du Cabinet.

D'autres grandes questions découlent de la prétendue affaire MacAulay, des questions de justice et d'équité et la façon dont les provinces et les régions plus petites et moins puissantes sont considérées, notamment par le centre du Canada. L'attaque contre M. MacAulay et le gouvernement s'est vite transformée en une attaque, parfois méprisante et hautaine, contre l'Île-du-Prince- Édouard et le Canada atlantique.

Honorables sénateurs, je vous dirai ceci: les insulaires de toute conviction politique sont fiers de M. MacAulay. Non seulement ils le considèrent comme un homme honorable, mais ils croient aussi qu'il a exceptionnellement bien représenté leur province — il suffit de le demander au premier ministre provincial, Pat Binns. Quoique n'appartenant pas au même parti, MM. Binns et MacAulay ont réussi ensemble à améliorer l'économie de l'île.

Après la démission de M. MacAulay, M. Binns s'est rendu à Toronto où il s'est entretenu avec le comité de rédaction du Globe and Mail, du National Post et du Toronto Star. Afin de dissiper les stéréotypes et les perceptions négatives qu'ils entretenaient à l'égard de l'Île-du-Prince-Édouard, il leur a dit que l'Île-du-Prince-Édouard avait une économie dynamique fondée sur l'agriculture, les pêches et le tourisme, rehaussée par le traitement et la fabrication des aliments, de même que par des industries aérospatiale et technologique naissantes. Il est fort probable que le premier ministre Binns se soit inscrit en faux contre l'observation insultante du Toronto Star voulant que l'Île-du-Prince-Édouard soit «presque aussi célèbre pour son népotisme que pour ses pommes de terre».

Le premier ministre Binns a été clair sur la controverse entourant M. MacAulay. Il a dit qu'il était malheureux que cette histoire ait été liée au fait que son frère était le président du collège. Certains croient que son frère en a retiré un certain profit. Ce n'est pas le cas, en fait.

Le temps n'a certes pas arrangé les choses pour le premier ministre Binns. Au cours d'une allocution qu'il a prononcée récemment devant le Club Rotary de Charlottetown, le premier ministre a reparlé du tort qui avait été causé à l'Île-du-Prince-Édouard par un média national apparemment déterminé à détruire son image aux yeux des autres Canadiens.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous parler du collège Holland, l'établissement d'enseignement au coeur de l'affaire MacAulay. Fondé en 1969 par une loi provinciale et administré par un conseil d'administration indépendant dont les membres sont nommés par le lieutenant gouverneur en conseil, le collège Holland offre aux habitants de l'Île-du-Prince-Édouard et d'ailleurs de vastes possibilités en matière d'éducation, dans les domaines des arts appliqués et de la technologie, de la formation professionnelle et de l'éducation des adultes. Parmi plus de 80 collèges communautaires d'un océan à l'autre, le collège Holland s'est distingué de bien des façons. Permettez-moi de vous parler de quelques-uns de ses programmes.

Travaillant de concert avec l'industrie touristique de l'île, le programme visant le tourisme et l'accueil dans l'Atlantique et l'Institut culinaire du Canada jouissent d'une renommée internationale et attirent des étudiants du monde entier. Le Centre de technologie aérospatiale et industrielle forme des technologues et des machinistes compétents, tandis que l'Institut de la justice du Canada et l'Académie de police de l'Atlantique forment des agents chargés d'appliquer la loi dans la région, de même que des agents de conservation et de correction.

Honorables sénateurs, c'est à l'égard de cette dernière institution hautement respectée que M. MacAulay a erré politiquement. Le collège Holland voulait établir un réseau de connaissances sur la justice, un programme de formation policière fondé sur Internet, et celui qui était à l'époque le solliciteur général et le ministre responsable de la région a voulu aider à mener à bien cet important projet.

Le collège Holland est un collège communautaire appartenant à des intérêts publics. C'est un élément capital de notre système d'éducation à l'Île-du-Prince-Édouard. L'Institut de la justice du Canada et l'Académie de police de l'Atlantique jouissent de solides réputations fondées sur de nombreuses années de formation professionnelle de qualité dispensée dans la région. Le collège Holland n'est pas, contrairement à ce qu'a laissé entendre Greg Weston, du Ottawa Sun, le collège d'Alex MacAulay.

Le directeur du collège Holland, le frère de l'ex-ministre, M. Alex MacAulay, est un employé du collège qui relève directement d'un conseil d'administration dont les membres sont nommés par la province. Il a fait preuve d'un leadership extraordinaire dans l'exercice de ses fonctions de directeur et il n'a reçu absolument aucun avantage personnel à la suite de la participation du gouvernement fédéral à l'expansion de l'Institut de la justice, si ce n'est la satisfaction d'avoir vu le collège Holland atteindre encore une fois les buts et objectifs énoncés dans son mandat.

Malgré cela, honorables sénateurs, jour après jour, au Parlement et dans les médias, l'ex-ministre et son frère et, par extension, l'Île- du-Prince-Édouard, ont fait l'objet d'un traitement très inéquitable. Il y a deux poids et deux mesures qui interviennent en l'occurrence, et c'est une honte. D'une part, on permet aux provinces plus grandes et plus prospères de recevoir du gouvernement fédéral de l'aide au titre du développement industriel ou une autre forme d'aide sans poser de questions. D'autre part, les projets qui visent à sortir ma région de sa dépendance historique par rapport aux transferts fédéraux sont tournés en ridicule et rejetés. Les habitants de l'Île-du- Prince-Édouard s'interrogent au sujet de ce système fédéral qui tolère une telle discrimination régionale.

(1740)

Honorables sénateurs, le Canada atlantique n'est pas une zone de désastre économique où les gens préfèrent encaisser les chèques du gouvernement plutôt que de travailler honnêtement. Or, c'est le point de vue qu'a exprimé M. Harper, le chef de l'Alliance canadienne. C'est bien ce qu'il a déclaré, à Halifax, au début de son mandat, devant un auditoire stupéfait et outré. Depuis lors, M. Harper s'est efforcé de faire oublier ces propos, mais son parti est doté d'un caractère insulaire et n'est pas disposé à adopter la mentalité du Canada et des Canadiens.

L'Alliance canadienne s'avère peut-être une opposition efficace du point de vue du quotidien Ottawa Citizen, mais je ne crois pas un seul instant que ce soit une opposition responsable, particulièrement quand elle décide de tourner le dos aux gens de toute une région du Canada.

Lors d'une activité de financement à Toronto, il y a quelques mois, le chef du Parti progressiste-conservateur, le très honorable Joe Clark, un homme pour lequel j'éprouve énormément de respect et d'admiration, a vertement critiqué l'analyste politique américain Pat Buchanan, qui aurait traité les Canadiens de pique-assiettes parce que, sur le plan militaire, nous comptons sur nos voisins américains. Pourtant, M. Clark, si je ne m'abuse, a exprimé un point de vue semblable sur l'Île-du-Prince-Édouard et sur le Canada atlantique lorsqu'il a remis en question l'appui que M. MacAulay a consenti au Holland College. Il s'est également avéré décevant d'entendre son collègue Peter MacKay, que certains pressentent comme le prochain chef du Parti progressiste-conservateur, critiquer lui aussi les dépenses au titre du développement régional à l'Île-du- Prince-Édouard.

Honorables sénateurs, le Canada atlantique était un chef de file économique avant la Confédération, et nous avons la ferme intention de l'être de nouveau durant le XXIe siècle. Cependant, nous avons besoin de l'aide du gouvernement fédéral. Les perspectives économiques de l'Île-du-Prince-Édouard sont bonnes, mais les habitants de l'île ont le plus faible revenu par habitant au Canada, et nous avons encore beaucoup de rattrapage à faire. Des programmes comme le Fonds d'innovation de l'Atlantique, qui est administré par l'APECA et qui vise à renforcer l'économie de la région en accélérant le développement d'industries à base de connaissances, profiteront beaucoup à l'Île-du-Prince-Édouard. La péréquation et le financement des programmes établis nous aident à fournir des niveaux de services équitables en santé et en éducation, mais nous ne sommes pas les seuls à bénéficier de pareilles contributions fédérales.

Honorables sénateurs, dans ma province, nous croyons que, dans l'avenir, le succès économique reposera largement sur l'instruction et la formation qu'acquerront les gens. Dans un éditorial paru récemment dans le Financial Post, Diane Francis souligne que le système d'éducation du Canada se classe au deuxième rang, derrière celui des États-Unis, mais que la région des Maritimes est celle qui l'empêche de mieux faire. Il est vrai que notre région est celle du pays qui compte le moins de diplômés, mais cette donnée ne dit pas tout. Le Canada atlantique a, en fait, montré la voie dans le secteur de l'éducation.

La première université anglophone au Canada, King's College, a été fondée à Windsor, en Nouvelle-Écosse, en 1789, et la Prince Edward Island's Free Education Act de 1852 a été à l'origine de l'un des premiers systèmes d'instruction publique universel de toute l'Amérique du Nord britannique.

Aujourd'hui, honorables sénateurs, le Canada atlantique compte plus de 40 collèges et universités, le ratio par habitant le plus élevé au Canada, aussi bien que des programmes de recherche à la fine pointe dans un grand nombre de domaines. Dans la plus récente classification nationale des universités du magazine Maclean's, les trois universités canadiennes les mieux classées sont situées dans le Canada atlantique: St. Francis Xavier, Mount Allison et Acadia. Je suis particulièrement fière de constater que l'Université de l'Île-du- Prince-Édouard s'est mieux classée cette année, passant du 15e rang l'an dernier au 9e cette année.

Un autre mythe qu'il faut détruire, c'est que les Canadiens de l'Atlantique sont paresseux et ne veulent pas travailler. Rien n'est plus loin de la vérité. Nous voulons certainement voir un plus grand nombre de nos gens travailler, mais les statistiques sur le chômage sont faussées par le caractère saisonnier de nos industries primaires, ce qui se conçoit facilement. En vérité, les taux de participation au travail dans les provinces atlantiques sont élevés, et les taux de roulement et d'absentéisme sont parmi les plus faibles en Amérique du Nord. On ne peut pas pêcher le homard en janvier ni cultiver la pomme de terre en mars, mais les Canadiens de l'Atlantique sont des gens travaillants et entreprenants, deux qualités appréciées par les nombreuses nouvelles entreprises qui s'installent dans la région.

Honorables sénateurs, la démission forcée de Lawrence MacAuley a porté un dur coup à l'Île-du-Prince-Édouard et elle remet en question le rôle traditionnel du ministre régional, qui est de défendre les intérêts particuliers de sa province et de lui procurer l'aide du fédéral. S'il fallait observer les nouvelles règles du jeu, les ministres se limiteraient à faire adopter des lois et à gérer leurs ministères respectifs. Ils ne s'intéresseraient nullement au travail, en apparence inacceptable, de promotion et de mise en valeur de leurs propres collectivités.

Honorables sénateurs, les provinces plus petites et moins puissantes ont besoin d'un ministre au Cabinet, non pas pour «distribuer des cadeaux», comme le soutient cyniquement Anthony Wilson-Smith, du Maclean's, mais pour leur garantir un certain degré de justice et d'équité au sein du régime fédéral, qui ne s'en soucie pas toujours.

Dans ma province, les gouvernements qui se sont succédé ont fait de leur mieux pour faire valoir la place unique de l'île dans la grande famille canadienne. Il faut constamment l'esprit d'initiative et l'effort de tous les représentants élus, que ce soit à l'échelle municipale, provinciale ou fédérale, pour que la population soit au courant de la myriade de programmes fédéraux qui sont offerts et pour qu'elle y ait accès, afin d'obtenir sa juste part, comme certains l'ont indiqué.

Si les parlementaires et, plus particulièrement, les ministres se voient interdire ce genre d'activité, s'ils ne peuvent plus sensibiliser des personnes, des entreprises et des organisations locales aux programmes fédéraux qui pourraient les aider, s'ils doivent renoncer à ce rôle important consistant à diriger les initiatives stratégiques de leur région, si c'est la nouvelle voie que nous devons emprunter, alors nos ministres vont devenir de simples spectateurs. Leur rôle sera plus proche de celui des bureaucrates que de celui des politiciens, ce qui serait tragique, à mon avis.

Les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard ont toujours formé une petite partie de ce grand pays. Pourtant, nous réclamons nos pleins droits constitutionnels, à titre de province. Nous ne présentons d'excuses à personne, pas même au député allianciste Randy White, pour les dépenses fédérales destinées à atteindre des objectifs sociaux et économiques légitimes. Il semble que M. White n'a pas beaucoup apprécié la décision de localiser un nouvel établissement fédéral de recherche sur les toxicomanies à Montague, même si le directeur de l'établissement a souligné que si on l'avait placé à Ottawa, il n'aurait pas été plus proche d'une prison ni mieux en mesure de s'acquitter de ses fonctions. Montague n'est pas exactement la capitale du monde, a déclaré M. White. Il a tout à fait raison. Montague n'est pas une métropole, c'est une jolie petite ville de l'est de l'Île-du- Prince-Édouard, qui a des valeurs rurales et un esprit entreprenant, comme des centaines d'autres petites villes du Canada.

Il est probable que l'éditorial le plus insultant qui ait paru lors de la chute publique de M. MacAulay a été celui de Greg Weston, du Ottawa Sun. Comme M. White, M. Weston ne pouvait pas admettre que des projets financés par des fonds fédéraux puissent être réalisés dans une localité canadienne aussi petite et, par conséquent, aussi insignifiante. «La ville natale du ministre, dans sa circonscription de Cardigan, n'est pas exactement le centre commercial de l'univers, a écrit un Weston frustré. [...] Il est probable que l'énumération de la totalité du quartier des affaires tiendrait sur une seule Page Jaune. » Pour la gouverne de M. Weston, je dois préciser qu'il faudrait en fait plusieurs Pages Jaunes.

Voyez-vous, honorables sénateurs, c'est toujours le même problème: le Canada central ne peut pas ou ne veut pas accepter la réalité de l'Île-du-Prince-Édouard, petite province où tout le monde se connaît, où tous les gens se soucient les uns des autres. Notre taille et le fait que nous nous connaissions bien sont nos deux plus importantes forces. Nous continuerons à nous battre pour avoir notre juste part. Et si la métaphore de M. Clark voulant que le Canada soit une «communauté de communautés» a encore un sens, on reconnaîtra la contribution extraordinaire de l'Île-du-Prince- Édouard à la vie de ce grand pays.

Dans un éditorial réfléchi et équilibré publié après la démission de M. MacAulay, Susan Riley, de l'Ottawa Citizen, a dit de l'ancien solliciteur général que c'était «un honnête homme» qui avait lui- même décidé de partir. Je suis tout à fait d'accord avec elle. L'ancien ministre s'était rendu coupable de traitement préférentiel, non pas en faveur d'amis ou de membres de sa famille, mais en faveur de sa province et de sa région. Ce n'est pas un crime dans un État fédéral articulé autour des idéaux de la coopération et du partage.

(1750)

(Sur la motion du sénateur Robichaud, au nom du sénateur Callbeck, le débat est ajourné.)

L'HÉRITAGE DU GASPILLAGE: LES ANNÉES CHRÉTIEN-MARTIN

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Marjory LeBreton, ayant donné avis le 6 février 2003:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'héritage du gaspillage des années Chrétien-Martin.

— Honorables sénateurs, le gouvernement du très honorable Jean Chrétien et, jusqu'à tout récemment, de son bras droit, l'honorable Paul Martin, qui dirige les destinées du pays depuis plus de neuf ans maintenant, nous laisse un héritage de gaspillage et de mauvaise gestion sans précédent dont nous nous relèverons difficilement. C'est du jamais vu au pays.

Il est évidemment impossible de dresser une liste complète d'exemples de gaspillage et de mauvaise gestion, puisque le premier ministre Chrétien dispose encore de près d'un an pour parachever son héritage. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, particulièrement pour les défenseurs de M. Chrétien, tout semble indiquer que l'honorable Paul Martin lui succédera. Bien que le gaspillage et la mauvaise gestion dont nous avons été témoins au fil des années soient déjà considérables, ce n'est sans doute que la pointe de l'iceberg.

Pouvez-vous vous imaginer, honorables sénateurs, ce que nous ne savons pas à cause de l'inefficacité de l'opposition officielle dans l'autre endroit et de la vie facile qu'ont eue MM. Chrétien et Martin grâce à des médias exceptionnellement bienveillants à leur égard durant la première moitié de leur mandat? Il y en aurait tellement à dire sur la question que je pourrais prononcer un long, très long discours que l'on citerait sans doute dans le Livre Guinness des records. J'aimerais toutefois commencer par passer en revue les hauts faits de cette administration pour illustrer le véritable héritage de MM. Chrétien et Martin.

Honorables sénateurs, avant même que ne soit convoquée la trente-cinquième législature pour permettre aux députés de faire connaissance, le premier ministre Chrétien et son Cabinet avaient rayé d'un coup de stylo des années de travail et de négociation de centaines de personnes. Qui oubliera ses paroles: «Je vais écrire zéro vis-à-vis hélicoptères», paroles qui ont coûté quelque 500 millions de dollars en pénalités?

Neuf ans plus tard, nous n'avons toujours pas d'hélicoptères, et nous n'en aurons pas pour un certain temps encore. Le processus est reparti de zéro à plusieurs occasions. Le projet d'acquisition a été divisé, puis ensuite reconstitué au coût de 400 millions de dollars — 400 millions de dollars dépensés pour absolument rien. Le résultat net, c'est que nos militaires ont été condamnés à utiliser de très vieux Sea King dont la cellule a depuis longtemps dépassé toute attente raisonnable de vie utile.

Selon les estimations actuelles, la décision arbitraire et très politique du premier ministre d'annuler le marché des hélicoptères en 1993 coûtera aux contribuables du Canada quelque 2,9 milliards de dollars de plus que si le gouvernement avait tout simplement donné suite au marché initial.

Le gaspillage et la mauvaise gestion crasses dont témoigne le marché d'acquisition des hélicoptères sont si grands que nous devons veiller à ce que cela ne se reproduise jamais au Canada. Nous ne pouvons qu'espérer qu'il en soit ainsi, bien que ni M. Chrétien ni M. Martin ne nous donnent d'indication en ce sens.

Tout de suite après l'annulation du marché des hélicoptères, il y a eu le 3 décembre 1993 l'annulation de l'entente sur le réaménagement de l'aéroport Pearson. Honorables sénateurs, vous vous rappellerez qu'il s'agissait d'une proposition prévoyant un investissement de 750 millions de dollars venant du secteur privé pendant la durée du projet, ce qui aurait créé des milliers d'emplois et offert un taux de rendement raisonnable aux promoteurs du projet. L'entente concernant l'aéroport Pearson a été annulée sur la foi d'un rapport rapidement concocté et entièrement discrédité ayant été rédigé par l'ancien chef libéral de l'Ontario, Robert Nixon, un travail vivement bâclé s'il en fut un.

Se fondant sur des témoignages sous serment, le comité sénatorial spécial a déclaré que le rapport Nixon était truffé de fausses allégations et d'insinuations. Il est intéressant de souligner que moins d'un mois après l'arrivée au pouvoir du gouvernement commençait déjà à se dessiner une tendance qui allait laisser un héritage durable de gaspillage et de mauvaise gestion.

Une note intéressante concernant ce malheureux fiasco de l'aéroport Pearson, c'est que le gouvernement a au départ cherché à empêcher les parties lésées d'avoir accès aux tribunaux. Ils ont ensuite prétendu que le marché était trop généreux et que les promoteurs du projet feraient trop d'argent. Puis ils ont fait volte- face une fois rendus devant les tribunaux et invoqué en défense le fait que les promoteurs du projet auraient perdu de l'argent.

Un autre exemple tiré d'une longue liste de décisions douteuses du gouvernement Chrétien-Martin concernait le compte d'assurance- emploi et les sommes énormes soutirées aux travailleurs canadiens. Le fonds a atteint des proportions tellement dérisoires que le gouvernement a été obligé de modifier la loi, car personne ne pouvait plus croire que les sommes mirobolantes prétendument conservées dans le compte respectaient l'esprit de la loi. Avant l'arrivée de Paul Martin, aucun gouvernement n'avait jamais tenté, et n'oserait jamais plus, changer les cotisations d'assurance-emploi en recettes fiscales générales pour financer d'autres programmes. À la fin du présent exercice financier, le gouvernement Chrétien- Martin aura surfacturé les cotisants d'un montant de 45 milliards de dollars, et il a de façon flagrante siphonné cet argent pour d'autres programmes. Il n'y a qu'une façon de décrire cette ponction de revenu; il s'agit, honorables sénateurs, d'une nouvelle forme d'impôt.

Était-il question de cette ponction fiscale dans l'infâme livre rouge des libéraux de 1993 intitulé Pour la création d'emplois, pour la relance économique? Non. Je dirais que ce livre rouge a surtout été profitable aux libéraux. Quant au titre, livre rouge, on devrait plutôt l'appeler le livre des visages rouges, même s'il est difficile de mettre le gouvernement libéral dans l'embarras.

L'assiette au beurre a de nouveau été servie en grande pompe, en 1994, par la création d'un programme national d'infrastructure, un rêve libéral approuvé par le Cabinet quelques heures à peine après son entrée en fonctions, en 1993. Ce fut tout un cauchemar pour les contribuables canadiens. Les sommes engagées étaient tellement considérables et il y avait tellement peu de contrôle, que les ministres de premier plan se bousculaient pour en obtenir la responsabilité. Le premier ministre a confié le programme au Conseil du Trésor. En 1995, près de 7 000 projets avaient été acceptés, et le montant des subventions s'élevait à 1,8 milliard de dollars.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, il est 18 heures. Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour que la présidence ne tienne pas compte de l'heure?

Des voix: D'accord.

Le sénateur LeBreton: Si les fonds avaient été distribués en fonction de la définition que donnait le livre rouge de l'infrastructure, à savoir les transports et les communications, les systèmes d'aqueducs et d'égouts, tout se serait très bien passé. Malheureusement, on a défini l'infrastructure de façon très généreuse en y incluant toute immobilisation physique au Canada contribuant à la fourniture de services publics. Si les honorables sénateurs y comprennent quelque chose, c'est qu'ils sont plus habiles que moi à décrypter le langage bureaucratique. C'est une rubrique qui semble regrouper tout projet situé dans une circonscription libérale. Cette nouvelle définition a été appliquée dans la circonscription du premier ministre à une fontaine illuminée de 200 000 $ ainsi qu'à un temple canadien de la renommée du canot de 500 000 $. L'Association canadienne de la construction a estimé à l'époque que 20 p. 100 des projets approuvés n'entraient pas dans la catégorie traditionnelle de l'infrastructure, et beaucoup dans ce secteur pensent que ce chiffre est inférieur à la réalité. Selon d'autres, 40 p. 100 des projets ne répondaient pas aux critères.

(1800)

Honorables sénateurs, je passe maintenant à un autre exemple de gaspillage effréné de l'argent des contribuables. Je vous ramène à l'année 1995 et aux paroles du ministre de la Justice d'alors, qui a dit:

Il ne faut pas prétendre que la mise en place du système coûtera 1,5 milliard de dollars. C'est avec de telles idées que l'on fait bifurquer la discussion et que l'on effraie la population.

N'est-il pas intéressant de voir que les propos sarcastiques tenus il y a plus de sept ans par Allan Rock donnent sans le vouloir une évaluation pas mal exacte du coût total de ce fiasco financier mieux connu sous le nom de Loi sur les armes à feu? Les libéraux ayant soumis au Parlement un plan financier provisoire fixant le coût total net du programme pour les contribuables, du début jusqu'à la fin, à 2 millions de dollars, nous nous retrouvons aujourd'hui avec un programme dont le coût est supérieur de 4 000 p. 100 au budget prévu, et ce n'est pas fini. Il dépassera très certainement le milliard. Plusieurs gouvernements provinciaux ont reconnu dès le départ le bourbier financier que serait cette initiative et ont eu le bon sens de ne pas y mettre les pieds.

Que ce soit clair: le motif était politique, comme l'a fait remarquer récemment le Globe and Mail. La Loi sur les armes à feu du gouvernement libéral Chrétien-Martin est venue remplacer une loi sur les armes à feu adoptée par le Parlement sous le gouvernement progressiste-conservateur précédent, et qui commençait à porter des fruits, comme le diront la plupart des experts. Comme le fait remarquer l'article du Globe and Mail, il fallait annoncer dans le livre rouge une politique pouvant damer le pion à Kim Campbell, et la vague promesse du livre rouge de renforcer la législation sur le contrôle des armes à feu s'est traduite par une loi créant un registre des armes à feu.

Honorables sénateurs, prenons cet exemple scandaleux. En 2000, l'année la plus récente pour laquelle ont été publiées des données fiscales précises, 14,7 millions de Canadiens ont payé, au titre de l'impôt fédéral, 5 782 $ en moyenne sur un revenu imposable moyen de 41 751 $. Cela revient, en ce qui concerne le registre des armes à feu, à 172 950 contribuables canadiens qui auraient versé la totalité de leur impôt fédéral à un gouvernement qui a injecté cet argent gagné à la sueur de leur front dans un trou noir baptisé registre des armes à feu. Je le répète: 172 950 contribuables ont payé pour ce registre. Qu'on y pense bien.

C'est en 1995 qu'on a préparé le terrain pour les manchettes d'aujourd'hui, notamment quand le gouvernement Chrétien-Martin a décidé de démanteler les Services d'exécution, une unité du renseignement composée de 40 personnes ayant pour seule tâche de déceler les fraudes relatives à la TPS et de faire enquête. Pendant qu'on réaffectait à des tâches de vérification générale les membres de ce groupe, qui comprenait d'anciens agents de police et des enquêteurs, les fraudes relatives à la TPS ont proliféré. La mise en garde faite par la vérificatrice générale en 1999, concernant l'étendue probable de la fraude et la facilité avec laquelle elle était commise, est restée lettre morte auprès du gouvernement qui se souciait peu des conséquences. MM. Chrétien et Martin étaient au courant du problème, mais ils ont fermé l'oeil tandis que des fraudeurs s'en mettaient plein les poches. On ne saura jamais combien de recettes on a perdu, mais, au fil des jours, il devient de plus en plus apparent que l'équipe Chrétien-Martin a versé des centaines de millions de dollars à des escrocs qui demandaient des remboursements fictifs de la TPS. Certains estiment ces pertes aux environs de 1 milliard de dollars — le bal est reparti — chiffre que le gouvernement a nié mais qu'il n'a pas pu réfuter. Je rappelle aux honorables sénateurs que le gouvernement a sous-estimé de 4 000 p. 100 le coût du registre des armes à feu.

En 1996, on a créé le Fonds transitoire pour la création d'emplois, un fonds doté d'un budget de 300 millions de dollars, soi-disant pour stimuler la création d'emplois dans les régions où le taux de chômage dépassait les 12 p. 100. En 1999, ce programme qui se voulait temporaire a été rebaptisé Fonds du Canada pour la création d'emplois et doté d'un budget annuel supplémentaire de 110 millions de dollars. On en a fait une vache à lait qui sert à injecter de l'argent dans les circonscriptions libérales, notamment celles de ministres libéraux. Personne ne sera surpris d'apprendre que la circonscription du premier ministre, circonscription où le chômage est assez élevé en effet, a grassement bénéficié des largesses de ce Fonds transitoire pour la création d'emplois ou que 75 p. 100 des 7 millions de dollars destinés à sa circonscription ont abouti dans les mains de personnes extrêmement reconnaissantes juste avant les élections de 1997.

Évidemment, c'était de la petite bière par rapport à ce dont les libéraux sont capables, surtout quand on songe que la mauvaise gestion du programme de subventions à la création d'emplois était telle qu'une vérification effectuée en 2000 a révélé, entre autres choses, que rien n'indiquait, dans 87 p. 100 des cas, que les projets avaient fait l'objet de quelque supervision que ce soit et que, dans 72 p. 100 des cas, il n'y avait pas de prévisions de trésorerie. Les médias ont qualifié ce scandale de «Shovelgate» après que les libéraux de Chrétien et de Martin eurent tenté à maintes reprises soit de brouiller les premiers résultats de la vérification, soit d'en attaquer la crédibilité. Une vérification plus détaillée a ensuite donné lieu à 19 enquêtes de police sans rapport avec les 459 dossiers vérifiés au départ. Quand il a été révélé que DRHC allait recevoir 29 p. 100 de plus que l'année précédente, soit près de 1 milliard de dollars, au titre des subventions et contributions pour l'exercice de 2000, cela a été la goutte qui a fait déborder le vase dans l'opinion publique, et on a mis fin au programme, heureusement, le 22 juin 2000.

Bien que les très spectaculaires programmes évalués à plusieurs milliards de dollars illustrent bien la taille et l'ampleur de l'héritage de gaspillage que laisseront les années Chrétien-Martin, bien des Canadiens, dont moi, ont du mal ne serait-ce qu'à imaginer ce que représente la somme de 1 milliard de dollars. Tout ce qu'ils comprennent, comme nous d'ailleurs, c'est que ces milliards correspondent à des centaines de milliers de dollars de l'argent des contribuables canadiens que le gouvernement a traités avec mépris.

Je le répète, la plupart des Canadiens saisissent mal ce que peut représenter une somme de 1 milliard de dollars. Comme Walter Robinson l'écrivait dans sa chronique publiée dans l'Ottawa Sun le samedi 8 février, ces chiffres sont tellement galvaudés qu'ils perdent toute signification. Les libéraux adorent cette tactique évidemment. Ils savent que nous ne retenons pas les chiffres que nous avons du mal à saisir. Il existe toutefois des exemples plus faciles que d'autres à comprendre.

Quand le gouvernement Chrétien/Martin verse 333 000 $ à un commanditaire pour organiser un congrès qui n'a jamais lieu, je suis persuadée que les Canadiens se rendent compte que le gouvernement a des problèmes de gestion.

Quand le gouvernement verse 549 990 $ pour la rédaction d'un rapport qui n'est jamais publié...

Le sénateur Tkachuk: Deux fois.

Le sénateur LeBreton: ... les Canadiens se rendent compte que le gouvernement a des problèmes de gestion.

Lorsque le gouvernement dépense 101 millions de dollars pour l'achat de nouveaux avions à réaction pour le premier ministre, contre l'avis même de ses fonctionnaires et sans faire d'appels d'offres, il sait que c'est mal. L'argent aurait pu servir à doter notre système de santé de 42 nouveaux appareils d'IRM.

Lorsque le gouvernement envoie des chèques d'allocation pour frais de chauffage à des prisonniers et à des personnes décédées, il est difficile de ne pas s'apercevoir qu'il a un problème de gestion.

Et lorsqu'il verse une commission de 12 p. 100 à une société pour transférer de l'argent d'un ministère à un autre, les Canadiens perçoivent bien ce problème de gestion.

Honorables sénateurs, je n'ai que gratté la surface pour vous démontrer l'étendue de cet héritage de gaspillage, mais il est clair que ce gouvernement se distingue par sa mauvaise gestion depuis le début.

Quand le premier ministre a entrepris ses adieux prolongés, on a spéculé en long et en large sur les gestes qu'il allait poser au cours des 18 derniers mois de son règne pour asseoir son héritage. Il n'a pas vraiment pris conscience que, dans la tête des Canadiens, le sort en était jeté. À la lumière de ce qu'il a fait jusqu'à maintenant, il n'aura pas de mal à laisser sa marque. M. Martin a été à ses côtés pendant tout ce temps, jusqu'à l'année dernière, et il est pratiquement silencieux depuis.

Le sénateur Kinsella: C'est bien dit.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, au nom du sénateur Bryden, le débat est ajourné.)

(1810)

AGRICULTURE ET FORÊTS

AUTORISATION D'EXAMINER LES QUESTIONS SE RATTACHANT AU DÉVELOPPEMENT ET À LA MISE EN MARCHÉ DE PRODUITS AGRICOLES,
AGROALIMENTAIRES ET FORESTIERS À VALEUR AJOUTÉE

L'honorable Donald H. Oliver, conformément à l'avis donné le 6 février 2003, propose:

Que le Comité permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à examiner les questions se rattachant au développement et à la mise en marché, au Canada et à l'étranger, de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée; et

Que le comité dépose son rapport final au plus tard le 30 juin 2004.

— Chers collègues, en présentant cette motion, je souhaite fournir un certain contexte qui expliquera la raison d'être de l'étude.

Dans le rapport du Comité sénatorial de l'agriculture sur les agriculteurs canadiens en danger, six pages étaient consacrées aux produits agricoles à valeur ajoutée. Le comité avait recommandé:

Que le gouvernement élabore une stratégie exhaustive prévoyant des stimulants fiscaux ainsi qu'une aide directe du gouvernement fédéral sous la forme de ressources financières et de services spécialisés pour améliorer le développement du secteur de l'agriculture à valeur ajoutée, notamment des projets propres aux agriculteurs, dans les zones rurales du Canada.

Le rapport ajoutait:

Le Comité estime que les agriculteurs eux-mêmes doivent envisager de se lancer dans le secteur des produits à valeur ajoutée pour obtenir une plus grande partie du prix des aliments.

Durant nos audiences de la session précédente, le président de l'Agricultural Producers Association of Saskatchewan a clairement dit:

En tant que producteurs primaires, nous sommes conscients que l'argent à faire se trouve dans la transformation des aliments et dans les produits à valeur ajoutée.

L'ordre de renvoi devrait permettre au comité d'examiner des produits très précis, comme le vin, le raisin, le fromage, le lait, les pommes de terre, les pâtes, le blé, et j'en passe. C'est la raison pour laquelle le comité, lorsqu'il aura terminé son étude du changement climatique et des stratégies d'adaptation requises tant en agriculture qu'en foresterie, aimerait entreprendre cette étude.

[Français]

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai fait qu'un seul commentaire concernant les dates auxquelles le comité devait présenter son rapport. D'autres comités ont changé leur date. Ceux-ci pourraient remettre leur rapport à la fin mai afin que la présentation soit faite au cours d'une séance du Sénat. À la fin juin, normalement, nous avons la Saint-Jean-Baptiste et à ce moment, la Sénat a déjà ajourné ses travaux pour l'été. Si le président du comité ne voyait aucun inconvénient à modifier la date du rapport et à inscrire le 31 mai 2004, je ne poserais aucune objection à adopter cette motion maintenant.

Le sénateur Oliver Je suis d'accord. Voilà une excellente suggestion.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Plaît-il aux sénateurs d'amender la motion de manière à en retrancher «juin 2004» et à y substituer «le 31 mai 2004»?

Des voix: D'accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion telle que modifiée?

Des voix: D'accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 12 février 2003, à 13 h 30.)


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