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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 15

Le mercredi 17 novembre 2004
L'honorable Daniel Hays, Président


 

Le Sénat

Le mercredi 17 novembre 2004

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de commencer la séance, je vous signale la présence à notre tribune de notre ancien collègue, l'honorable Richard Kroft, qui est accompagné de son épouse, Hillaine, et de quelques membres de sa famille.

Je leur souhaite la bienvenue au Sénat.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

HOMMAGES

L'HONORABLE RICHARD KROFT, C.M.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai reçu plus tôt aujourd'hui un avis du leader du gouvernement qui demande que, conformément au paragraphe 22(10) du Règlement, la période des déclarations de sénateurs soit prolongée, afin que l'on puisse rendre hommage à l'honorable sénateur Richard Kroft qui a démissionné du Sénat le 24 septembre 2004. Je rappelle aux honorables sénateurs qu'il faut respecter les limites de temps.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis ravi de rendre hommage au sénateur Richard Kroft, membre de l'Ordre du Canada, et de souligner les services qu'il a rendus.

La carrière politique du sénateur Kroft a été marquée par une succession de solides contributions qui, pour la plupart, n'ont pas été du domaine public. Le sénateur Kroft a consacré sa carrière à mettre au jour la vérité pour présenter les meilleures options possibles. Ses actes sont toujours guidés par une grande intégrité personnelle et par une éthique professionnelle impressionnante.

J'adresse également la déclaration que je viens de faire aux fonctionnaires qui, à mon avis, consacrent vraiment leurs efforts à l'amélioration de la vie de leurs concitoyens canadiens. J'estime que c'est là un compliment du plus haut niveau.

Nous avons eu l'occasion de travailler avec le sénateur Kroft et nous avons immédiatement remarqué son esprit pénétrant qu'il a mis à profit à l'égard de nombreuses politiques qui ont une incidence sur les Canadiens. Les capacités professionnelles du sénateur Kroft lui ont valu des éloges publics de la part de certains députés de la Chambre des communes, y compris de l'opposition.

Au début de sa carrière politique, le sénateur Kroft a été chef de cabinet de l'honorable Mitchell Sharp et ils sont demeurés de grands amis tout au cours de la vie de Mitchell Sharp. Nommé au Sénat en 1998 par le premier ministre Jean Chrétien, le sénateur Kroft a été président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et, plus tard, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Sous la direction du sénateur Kroft, le Comité des banques a publié un rapport très important sur la faillite et l'insolvabilité qui est maintenant à la base de la politique en la matière du ministère des Finances.

L'administration interne du Sénat a grandement profité de l'optique commerciale du sénateur Kroft. En tant qu'avocat et homme d'affaires, il a fondé la société Controlled Environments Ltd., une compagnie internationale unique en son genre. Le sénateur Kroft a également été président de la société Tryton Investment, ainsi qu'administrateur de la Banque de développement du Canada et du CN, en plus d'occuper un certain nombre d'autres postes.

Le sénateur Kroft est un leader communautaire et il défend des causes très valables dans sa province. Il a été membre du Winnipeg 2000 Leaders Committee, à l'Université du Manitoba, et membre honoraire du conseil du Royal Winnipeg Ballet. Ces institutions communautaires ont eu la chance de profiter de ses sages conseils et de son jugement rare, et ses collègues au Sénat vont s'ennuyer de ces mêmes qualités.

La retraite anticipée et volontaire du sénateur Kroft est regrettable pour les honorables sénateurs qui restent dans cette enceinte. Nous partageons tous une grande admiration pour ses capacités professionnelles et personnelles. Cependant, sa retraite sera sans doute très appréciée par sa famille à laquelle je voudrais offrir mes voeux les plus sincères — ses petits-enfants, ses enfants, Elizabeth, Steven et Gordon et surtout sa femme, Hillaine. Je tiens à dire à cette dernière que son mari va être toujours dans ses jambes. Si vous vous apercevez qu'il vous encombre, vous pouvez nous le renvoyer.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je suis heureux de dire quelques mots à l'occasion de la retraite de l'honorable Richard Kroft, même si je ne suis pas heureux de parler de « retraite ».

Même si Richard et moi avons peut-être eu des différends politiques, lorsque nous avons siégé ensemble au Comité sénatorial des banques, nous nous sommes toujours efforcés de représenter le point de vue des Canadiens de l'Ouest — chose qui n'était pas facile à accomplir au Comité des banques avec les financiers de la rue Bay et les PDG de toutes les grandes banques de l'est du Canada qui souhaitaient comparaître.

(1340)

Je surprendrai peut-être certains sénateurs en disant que je n'ai pas été étonné d'apprendre la retraite anticipée de Richard, étant donné qu'il a souvent dit qu'il ne resterait pas très longtemps au Sénat.

J'espère, Richard, que vous avez bien profité de votre séjour parmi nous. Je sais que j'ai fait de mon mieux pour rendre toujours intéressant votre passage au poste de président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. En sa qualité de président de ce comité, le sénateur Kroft a poursuivi la tradition établie par ses prédécesseurs en dirigeant le comité dans un certain nombre d'études. La plus importante des études faites durant son mandat était intitulée Les débiteurs et les créanciers doivent se partager le fardeau : Examen de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Elle a été réalisée parce que la Loi sur la faillite et l'insolvabilité devait être examinée et que la Chambre des communes avait décidé de ne pas le faire. Je peux témoigner de la complexité et de l'importance de cette étude à des millions de Canadiens, qu'ils soient étudiants et petits entrepreneurs ou propriétaires et personnes âgées.

Le sénateur Kroft et moi pensons que la plupart des membres du comité ont tout de suite vu que ce que nous estimions être un sujet plutôt aride et mystérieux était en fait rempli de complexité humaine, et que cela revêtait une très grande importance pour les Canadiens en général, mais surtout les petites entreprises du Canada. Il a fait preuve d'un véritable leadership. Il a prêché par l'exemple, comme j'ai pu le constater durant la conférence de presse conjointe. En effet, lorsque nous quittions le terrain des grands principes et que nous entrions dans les détails techniques, j'étais complètement perdu, mais le sénateur Kroft comprenait tout cela et répondait savamment aux questions. Il pouvait expliquer comment le comité en était arrivé à une recommandation donnée, et il y en avait plus de 50. C'était fort impressionnant.

Richard, j'ignore si vous vous rendez compte de la commotion que votre démission causera au Comité des banques. Je me contenterai de dire que le choix de votre remplaçant a provoqué bien des remous, et cela se comprend. Vous n'avez pas occupé ce poste pendant assez longtemps, tant s'en faut, à mon avis.

Mes meilleurs voeux vous accompagnent dans ce qui, je le sais, ne sera pas une retraite typique. Vous serez sans doute plus occupé que vous ne l'étiez avant. Au nom du caucus, je vous souhaite la meilleure des chances à votre famille et à vous.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, j'aimerais moi aussi rendre hommage à l'honorable Richard Kroft, qui a été mon voisin pendant la presque totalité des six ans qu'il aura passés au Sénat. Depuis que nous nous sommes rencontrés il y a plus de 20 ans, nous avons collaboré sur plusieurs fronts, et nous sommes devenus de grands amis.

Comme on l'a déjà mentionné, Richard s'est distingué au service du Canada en tant que président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Son don de réunir des collègues autour d'un repas, ailleurs que sur la Colline, pour discuter des questions du jour est sans doute sa plus grande contribution. C'est cette camaraderie qui me manquera le plus, Richard, ainsi que nos nombreuses séances de remue-méninges.

Depuis son arrivée au Sénat, Richard a eu pour adjointe administrative Mme Lisa Fisher. Je sais qu'il voudrait que j'exprime en son nom sa reconnaissance et ses remerciements pour l'aide qu'elle lui a apporté, et je suis heureux de profiter des fruits de leur coopération, étant donné que Mme Fisher travaille maintenant avec moi.

Richard, j'ai toujours trouvé très intéressants vos nombreux conseils concernant votre ville natale bien-aimée, Winnipeg, ses habitants et les événements d'intérêt national qui y ont lieu et qui continueront d'y avoir lieu. Cependant, malgré tous ces faits impressionnants, je ne suis pas encore convaincu que Winnipeg devrait être la capitale du Canada.

Je vous souhaite, ainsi qu'à Hillaine et à votre famille, santé et bonheur dans les années à venir, et j'espère que vous pourrez dans vos temps libres visiter le Canada atlantique et sa côte fabuleuse où a commencé l'histoire de notre pays.

L'honorable Mira Spivak : Honorables sénateurs, un seul mot peut décrire Richard Kroft dans notre collectivité au Manitoba, et c'est le mot « parfait ». Il a déjà entendu cela. La vie pour lui ne consiste pas à s'éparpiller en différentes directions, mais bien à rechercher l'excellence de façon ordonnée dans tout ce qu'il entreprend. Il est très élégant avec son style conservateur, bien sûr, très respecté en affaires, sage de multiples façons et c'est un homme de famille exemplaire.

Beaucoup de respect et d'admiration lui sont portés au Manitoba. En tant que compagnon de voyage et ami de la famille, j'aimerais parler brièvement, d'une manière dont je n'ai pas l'habitude, d'un aspect de sa carrière — des impressionnants services qu'il a rendus à la communauté et qui n'ont pas été éclipsés par ses années de service national.

Il s'est intéressé à la culture, aux questions municipales et provinciales, à l'éducation et à la politique. Grâce à son appui au Royal Winnipeg Ballet une excellente école de ballet a été formée. Il a participé à l'organisation des Jeux panaméricains. Il a fait partie du comité de premiers ministres et de maires chargés de déterminer l'avenir des Jets de Winnipeg et d'un nouveau centre sportif. Il a aussi été membre du groupe de travail sur le port de Churchill et du groupe de travail sur le corridor de commerce au centre du continent. Et ce n'est qu'un début pour quelqu'un d'aussi jeune.

À peu près aucune des vénérables institutions de Winnipeg n'a échappé à son influence, notamment l'Université du Manitoba, l'école de commerce Asper, St. Paul's, l'hôpital Misericordia, la fondation juive, le musée juif — et le Parti libéral.

Il y a peut-être une petite lacune, une légère imperfection : son jugement politique. Trop sûr à mon goût!

Ce fut un honneur et un plaisir de l'avoir comme collègue au Sénat. Je lui souhaite bon succès dans les nouvelles carrières qu'il entreprendra, sans oublier que son épouse, Hillaine, trouvera en lui un partenaire de golf.

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, il ne m'est pas facile de dire au revoir à notre collègue Richard Kroft. Au fil des années, nous avons appris à connaître cet homme et son extraordinaire intégrité intellectuelle, morale et professionnelle. Il a marqué notre institution par la force de sa personnalité et la qualité de son travail. Sa connaissance intime du monde des affaires manquera cruellement au Sénat.

Le sénateur Kroft est un homme réservé mais chaleureux, discret mais efficace. Collègue courtois, il traite tout le monde avec respect. Il est un modèle de pragmatisme. Il n'est pas théâtral, il n'aime pas les envolées lyriques, mais la clarté et la sincérité avec lesquelles il exprime ses idées laissent peu de place à la confusion. Cet homme inspire la confiance. Nous savions toujours à quoi nous en tenir avec lui, car il n'avait qu'une parole.

Le fait que le sénateur Kroft quitte le Sénat avant l'âge officiel de la retraite est révélateur de sa personnalité. Maître de sa destinée, cet homme se voue sans partage aux tâches qu'il entreprend. Sa maîtrise légendaire des dossiers est le fruit de sa conviction que ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait. Sa vie bien remplie montre qu'il s'est toujours voué entièrement aux causes dans lesquelles il croit et qu'il défend, pour sa communauté et pour son pays. Son sens de l'engagement lui a valu d'être nommé membre de l'Ordre du Canada en 1997.

Sénateur Kroft, vous êtes de ceux dont on peut dire qu'ils laissent leur marque.

Nous perdons aujourd'hui un collègue hautement compétent, mais surtout un ami de tous les jours. C'est d'ailleurs le souvenir que je conserverai de vous. Vous nous manquerez.

Je me joins à tous mes collègues pour vous offrir mes meilleurs voeux de santé et vous souhaiter un repos bien mérité parmi les membres de votre famille, Hillaine, Elizabeth, Steven, Gordon et tous vos petits-enfants. Bonne route et bon succès!

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je souscris entièrement aux propos du sénateur Spivak, qui a dressé une liste exhaustive de toutes les qualités de notre collègue, mais je prends exception du petit défaut qu'elle lui a trouvé en le trouvant trop libéral. Pour ma part, je crois que c'est une de ses plus grandes qualités. Si je rends mes hommages en français, c'est parce que Richard aura maintenant le temps de suivre des cours de français, ce qui lui permettra de rejoindre ses enfants et ses petits-enfants en s'exprimant dans la langue de Molière.

Ayant siégé avec lui au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, j'ai été en mesure d'apprécier la qualité de son leadership et la sagesse dont il fait preuve dans ses rapports avec les autres. C'est le mot « intégrité » qui qualifie le mieux Richard. Il a bien servi le Canada. En tant que représentante des citoyens du Canada, en particulier des femmes, je le remercie du travail qu'il a accompli pour le Canada, ici au Sénat, pour sa province et, particulièrement, pour sa communauté, au sein de laquelle il a été très actif. C'est aussi grâce à lui, il y a de cela presque 30 ans, que j'ai même appris à aimer la température de Winnipeg.

Je lui offre mes meilleurs voeux de succès ainsi qu'à Hillaine et à toute sa famille. Je lui souhaite beaucoup de plaisir dans ses nouvelles occupations.

(1350)

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je regrette que les quinze minutes prévues pour les hommages soient écoulées, mais je crois comprendre que le sénateur Banks demandera au cours de la période réservée aux avis d'interpellation la permission de revenir aux hommages si les sénateurs le souhaitent.

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

LA CONFÉRENCE DE WINNIPEG SUR LA PETITE ENFANCE

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, j'attire aujourd'hui votre attention sur la conférence qui s'est déroulée la fin de semaine dernière à Winnipeg, et qui portait sur l'éducation et les services de garde de la petite enfance.

Cette conférence majeure était organisée par le Conseil canadien de développement social, avec l'aide du gouvernement du Manitoba et des ministères fédéraux du Développement social et de la Condition féminine. Les nombreux conférenciers, dont notre honorable collègue, le sénateur Pearson, étaient pour la plupart de très haut calibre et représentaient les différents paliers de gouvernements le secteur privé, les syndicats et les défenseurs de l'éducation et de la garde de la petite enfance.

[Traduction]

La conférence de trois jours comprenait des exposés, des tables rondes, des séances plénières, des ateliers et même une assemblée publique animée par nul autre que Mack Kelly, du réseau CBC. Des centaines de participants ont discuté d'une vaste gamme de sujets, y compris l'apprentissage des jeunes enfants et les services de garde à la petite enfance, qui constituent deux priorités nationales, le financement d'une infrastructure pour les garderies et l'éducation préscolaire, les collectivités uniques, comme celles des enfants autochtones et des minorités linguistiques, et les avantages énormes des garderies et de l'éducation préscolaire pour les enfants, les parents, la société dans son ensemble et pour l'économie canadienne.

[Français]

Voici les cinq principaux points de cette conférence. Premièrement, les services de garde et d'éducation de la petite enfance ne sont plus, comme dans les années 70, un enjeu réservé aux femmes ou aux mères, mais bien un enjeu de société.

Deuxièmement, les services de garde et d'éducation de la petite enfance ne sont pas une question de stationnement pour enfants, mais bien de bonification de nos futurs adultes.

Troisièmement, les services de garde et d'éducation de la petite enfance ne sont pas un produit commercial, mais bien un service public, au même titre que la santé ou l'éducation.

Quatrièmement, comme l'a dit le ministre du Développement social, M. Ken Dryden, notre nouveau système national de service de garde et d'éducation de la petite enfance doit être irréversible, pour empêcher de futurs gouvernements de l'affaiblir ou de l'éliminer.

Enfin, notre nouveau système devra être capable d'intéresser, de former, de motiver et de conserver plus d'employés spécialisés.

Honorables sénateurs, je reviendrai sur ce sujet d'ici quelques semaines dans le cadre d'une interpellation.

[Traduction]

LA JOURNÉE NATIONALE DE LA PHILANTHROPIE

L'honorable Terry M. Mercer : Collectivement, les œuvres de bienfaisance tirent partie de plus de deux milliards d'heures de travail bénévole et plus de 8 milliards de dollars en dons de particuliers pour offrir leurs services. Cette année, des centaines d'organisations caritatives et plus de 50 000 personnes partout en Amérique du Nord prendront part à des cérémonies marquant la Journée nationale de la philanthropie qu'on a souligné de façon officielle pour la première fois en 1986. Cette journée constitue, pour tous les Canadiens, une occasion de rendre hommage à leurs bénévoles et à reconnaître que le fait de choisir d'offrir de notre temps contribue à l'enrichissement de notre pays.

Vous recevrez un exemplaire du supplément du National Post consacré à l'historique de la Journée nationale de la philanthropie. Je vous encourage à le lire. Vous constaterez que la philanthropie est le reflet véritable de l'amour de l'humanité et qu'elle se résume essentiellement à l'entraide.

Les 14 sections régionales de l'Association of Fundraising Professionals soulignent à leur façon la Journée nationale de la philanthropie. À Halifax et à Ottawa, des prix sont remis à des donateurs exceptionnels, depuis les grandes entreprises jusqu'aux bénévoles. J'aimerais profiter de l'occasion pour féliciter les récipiendaires de la région de Halifax, à savoir Ruth Goldbloom, qui a reçu le prix de la collectrice de fonds bénévole de l'année, Ken Rowe, qui a reçu le prix du philanthrope à titre individuel, la Maritime Compagnie d'assurance-vie et O'Regan's Automative Group, qui ont reçu le prix de philanthropes à titre d'entreprise, le centre commercial de Halifax, qui a reçu le prix de la PME philanthropique, GIFT Atlantic, qui a reçu le prix de groupe philanthropique, et Jodi Swan, qui a reçu le prix de l'étoile montante des professionnels de la collecte de fonds.

J'assisterai à la remise des prix à Ottawa ce soir. Je félicite le président du comité organisateur, Neil Leslie et le président de la section d'Ottawa de l'AFP, Tim Kluke, pour ce qui sera à n'en pas douter un événement fantastique. Des événements semblables se tiendront à Vancouver, St. John's, Toronto, Winnipeg, Montréal, Regina, Windsor, Calgary et Victoria.

Honorables sénateurs, une journée nationale de la philanthropie reconnue par le gouvernement fédéral contribuera largement à accroître la sensibilisation à l'égard des oeuvres de charité et du rôle important qu'elles jouent dans la société canadienne. Je continuerai à promouvoir l'objectif d'une journée nationale de la philanthropie reconnue au palier fédéral pendant mon mandat dans cette enceinte et, s'il le faut, même après. Pour moi comme pour l'ensemble des Canadiens, les dons de charité sont à ce point importants.

LE NUNAVUT YOUTH ABROAD PROGRAM

L'honorable Laurier L. LaPierre : Honorables sénateurs, le Nunavut Youth Abroad Program, le NYAP, est un programme fascinant de développement du leadership qui a été conçu il y a quelques années pour répondre aux besoins uniques des jeunes du Nord, de la région qui est aujourd'hui devenue le Nunavut.

Le NYAP est né à la suite d'une étude qui a démontré que la clé du succès pour de nombreux étudiants inuits consistait à voyager à l'extérieur de leur communauté d'origine isolée. Les participants au programme se familiarisent avec la vie à l'extérieur de leur culture et, par les voyages et le travail, se préparent à des études postsecondaires dans les centres urbains du sud du Canada. Ce programme novateur et comportant plusieurs volets permet aux jeunes du Nunavut d'acquérir une expérience concrète de travail par des stages dans différentes localités du Canada, puis en Afrique australe. Les participants ont acquis des compétences dans les domaines du journalisme, des communications, de la conservation environnementale, de l'administration et la gestion de bureau, de l'éducation, du commerce et de la santé. Ces compétences sont essentielles et permettent aux jeunes de jouer un rôle accru dans le processus décisionnel de leur nouveau territoire.

Les présidents honoraires du NYAP sont John Amagoalik et Susan Aglukark. Les participants ont acquis la confiance et la motivation nécessaires pour terminer leurs études tout en développant un nouveau sentiment de respect pour les peuples autochtones du Nunavut, les Inuits. Au cours des sept dernières années, le NYAP a contribué à promouvoir le leadership, la sensibilisation aux différences culturelles, les aspirations professionnelles et la citoyenneté internationale. Je les félicite.

[Français]

LE QUÉBEC

L'ASSEMBLÉE NATIONALE—L'ÉLECTION DE LA PREMIÈRE FEMME NOIRE

L'honorable Marisa Ferretti Barth : Honorables sénateurs, en tant que première femme italo-canadienne nommée au Sénat, je vous demande de vous joindre à moi pour saluer l'élection de la première femme noire à l'Assemblée nationale du Québec.

Jeune avocate, au cours de la dernière année, Mme Yolande James a travaillé à titre d'attachée politique du ministre de la Santé, Philippe Couillard. Elle a été élue députée de la circonscription de Nelligan aux élections partielles du 20 septembre 2004.

Je suis certaine que Mme James saura servir ses électeurs avec dévouement et enthousiasme. Honorables sénateurs, souhaitons-lui beaucoup de succès dans son nouveau rôle.

(1400)

[Traduction]

LE DÉCÈS DE SHERMAN FENWICK HOMER ZWICKER

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je voudrais aujourd'hui vous dire quelques mots au sujet de mon ami, Sherman Fenwick Zwicker, qui est décédé le 9 novembre dernier. Fier citoyen de Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, Sherman fut, de 1971 à 1979, maire de sa ville natale devenue lieu historique. Auparavant, il avait siégé huit ans à titre de conseiller municipal. Au fil des ans, Sherman a participé aux activités de plus de 30 organismes bénévoles, souvent à titre de président, aux niveaux municipal, provincial et national. Il en a inspiré plus d'un par son exemple.

En 1960, il est devenu président de la société Zwicker and Company Limited, l'entreprise familiale qui s'adonnait au commerce du poisson salé dans les Antilles britanniques et étrangères et en Amérique du Sud. Avant de prendre sa retraite en 1990, Sherman avait occupé pendant dix ans le poste de directeur administratif de l'Union des municipalités de la Nouvelle-Écosse, lui qui s'intéressait en particulier à l'administration municipale.

Sherman incarnait le candidat idéal aux yeux de toutes les formations politiques des niveaux provincial et fédéral. Malgré toutes les offres qui lui ont été faites, il a choisi de manifester tout le respect qu'il vouait à l'administration municipale en n'appuyant aucun parti en particulier. Toutefois, il m'a souvent signalé qu'il aimerait bien siéger dans cette auguste Chambre et qu'il était prêt à répondre à l'appel. Il aurait fait un sénateur exceptionnel.

Plus tôt en octobre, en reconnaissance de sa contribution exemplaire à sa collectivité, Sherman a reçu l'Ordre de la Nouvelle-Écosse des mains de Son Honneur le lieutenant- gouverneur Myra Freeman. Son fils Peter a décidé de perpétuer la tradition familiale en se lançant, lui aussi, dans la vie publique; il a été élu au conseil municipal de Lunenburg le 16 novembre. La cérémonie de mise en terre de ce fervent anglican a eu lieu à l'église anglicane St. John's, notre lieu de dévotion partiellement rénové qu'il chérissait tout particulièrement.

Nous offrons nos plus sincères condoléances à l'épouse de Sherman, Barbara, à ses enfants, Peter, Lisa et Andrea, et nous les remercions d'avoir partagé ce grand homme avec nous.

L'HONORABLE LAURIER L. LAPIERRE, O.C.

HOMMAGES

L'honorable Pat Carney : Honorables sénateurs, je voudrais ajouter quelques mots à l'occasion de la retraite imminente de mon ami et collègue, Laurier LaPierre. Par suite de circonstances imprévues, il m'a été impossible de prendre part aux hommages que le Sénat lui a rendus hier.

Je connais Laurier depuis le milieu des années 60, à l'époque où il était un homme modeste et timide. Il enseignait l'histoire du Canada à l'université et il était l'hôte d'une émission à la CBC, Inquiry, produite par mon frère jumeau, Jim.

Laurier a été le premier Canadien d'expression française à me montrer qu'un anglophone de l'Ouest et un francophone pouvaient partager une conception commune de leur pays. Rappelez-vous, honorables sénateurs, que c'était avant Expo 67 et Pierre Trudeau. À cette époque, nous étions tous jeunes et engagés, et nous étions en train de réinventer le Canada comme pays bilingue et biculturel. Laurier était en plein dans cette mouvance. Mon frère et Laurier sont ensuite passés à This Hour Has Seven Days, l'un comme vedette et l'autre comme producteur.

À la télévision, Laurier a montré aux Canadiens que, par delà les différences de langue et de culture, nous pouvions tous apporter notre pierre à l'édifice et partager le même attachement à notre pays. Son succès a été tel que la revue Maclean's lui a fait l'honneur de sa page couverture, le présentant comme un prétendant possible au poste de premier ministre du Canada. Il a été nommé au Sénat, et tout le monde sait qu'un poste de sénateur est préférable à celui de premier ministre. Il a parcouru tout le Canada pour faire valoir cette conception commune d'un pays qu'il aime.

Je tiens à vous dire, Laurier, que vous manquerez au Sénat. Au revoir, adieu, que Dieu vous bénisse.

[Plus tard]

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour dire un affectueux au revoir à mon voisin de pupitre, le sénateur Laurier LaPierre. Je me suis remémoré aujourd'hui non l'amitié qui nous lie, mais l'admiration que je lui voue depuis fort longtemps, depuis l'époque où j'étais une jeune journaliste à la tribune de la presse parlementaire. Lui et Patrick Watson participaient alors à l'émission This Hour Has Seven Days, qui — ceux d'entre vous qui sont assez âgés s'en souviendront — a vraiment créé une nouvelle forme de journalisme télévisuel au Canada. L'émission était animée, ne refusait pas la controverse et savait choquer. Elle nous a fait connaître des personnalités intéressantes d'autres régions du Canada, dont un certain Pierre Trudeau et un autre qui s'appelait René Lévesque. Il y avait des débats animés en ondes. Pour finir, l'émission a fait l'objet d'une enquête des Communes. C'est alors que j'ai vu à l'oeuvre ces gens pleins d'énergie et toujours combatifs pour défendre leur émission.

On peut dire que Laurier épouse totalement l'âme canadienne. Je ne connais personne qui ait la même passion que lui pour le Canada et ses institutions. Il lègue à la jeune génération du pays entier sa contribution d'homme ayant travaillé sans relâche à éveiller l'intérêt et la fierté de ses concitoyens pour l'histoire et la culture du Canada. Laurier a oeuvré en troubadour avec coeur et talent pendant de nombreuses années. Dans cette enceinte, il a suscité l'intérêt, montré sa ferveur et mis de la variété. Il parle franchement, fait preuve d'une grande droiture et éprouve de la compassion pour ses compatriotes, qu'il aime tant.

Laurier, il est triste de vous voir partir, mais j'ai l'impression que vous allez continuer votre oeuvre sans relâche, et nous serons à vos côtés. Merci pour votre amitié et votre contribution au Sénat du Canada.

L'HONORABLE ARCHIE JOHNSTONE

HOMMAGE

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, je sais que, lorsque nos collègues de cette enceinte prennent leur retraite, ils sont censés disparaître du décor en quelque sorte et pourtant, ils ne sont jamais bien loin dans nos pensées, particulièrement ceux qui ont laissé une marque indélébile à cause de leur personnalité, de leurs connaissances et de leurs capacités uniques. C'est le cas de l'ancien sénateur Archie Johnstone, que nous tenons en haute estime et qui a représenté l'Île-du-Prince-Édouard au Sénat brièvement, en 1998 et 1999. Incidemment, il vient comme moi de Kensington.

Même si Archie n'est plus au Sénat, je peux vous assurer qu'il demeure un fin observateur du gouvernement et de la politique. Comme on peut s'y attendre de quelqu'un qui a consacré une bonne partie de sa vie au service de la population, il reste actif dans de nombreuses organisations communautaires. Toujours fier de ses origines écossaises et féru de généalogie, Archie est arrivé chez moi la semaine dernière avec un arbre généalogique montrant très clairement et sans équivoque que, lui et moi, nous sommes parents.

Archie Johnstone est un homme qui a accompli de nombreuses choses. Cet ancien combattant qui était au service de la Royal Air Force pendant la Seconde Guerre mondiale a été décoré. À titre d'amie et de voisine, je sais que le 11 novembre revêt une énorme signification pour lui. Récemment, il a publié un recueil de poésie intitulé Expressions — il s'agit de souvenirs et de petits bijoux issus de ses expériences de vie. Un des poèmes narratifs de ce petit recueil concerne les membres et la composition du Sénat. Voici ce qu'a constaté le sénateur Johnstone en observant les occupants des banquettes du Sénat :

Il y a des ministres protestants, des soeurs catholiques et des candidats à la canonisation

Des gens dont la pensée profonde a été jugée avant-gardiste à plus d'une occasion...

Parmi les entrepreneurs et les radiodiffuseurs, les avocats sont légion

Il serait certainement inhumain de punir le Sénat en ajoutant un autre conseiller de la reine au nombre des nominations...

l y a des politiciens recyclés, des Autochtones et des gens qui ont travaillé le sol

Des économistes, des syndicalistes et des spécialistes des mines, du gaz et du pétrole...

Il y a d'ex-premiers ministres estimés, trop âgés pour diriger, trop jeunes pour s'esquiver

Des biographies sont disponibles, si ce travail est susceptible de vous intéresser...

Honorables sénateurs, le Sénat est indiscutablement un endroit où des Canadiens de différents horizons se réunissent pour s'acquitter d'une grande et honorable responsabilité constitutionnelle. À la liste des éminents ex-sénateurs, nous pouvons certainement ajouter le nom d'Archibald Hynd Johnstone.


AFFAIRES COURANTES

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

PRÉSENTATION DU PREMIER RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable George J. Furey, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :

Le mercredi 17 novembre 2004

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT

Votre Comité recommande que les fonds soient débloqués pour l'année financière 2004-2005.

Règlement, procédure et droits du parlement (législation)

Services professionnels et autres   

 9 000 $

Transports et communications   

 500 $

Toutes autres dépenses   

 0 $

Total   

 9 500 $

Examen de la réglementation (comité mixte)

Services professionnels et autres   

 2 340 $

Transports et communications   

 1 650 $

Autres dépenses   

 2 250 $

Total   

 6 240 $

Respectueusement soumis,

Le président,
GEORGE FUREY

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Furey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

(1410)

[Français]

LE SÉNAT

AVIS DE MOTION VISANT À MODIFIER L'ARTICLE 135 DU RÈGLEMENT DU SÉNAT—SERMENT D'ALLÉGEANCE

L'honorable Raymond Lavigne : Honorables sénateurs, je donne avis que, le mardi 23 novembre 2004, je proposerai :

Que le Règlement du Sénat soit modifié par adjonction après l'article 135 de ce qui suit :

135.1 Chaque sénateur doit, après leur entrée en fonction, prêter et souscrire un serment d'allégeance au Canada ci-après devant la présidence ou une personne autorisée à faire prêter serment :

Moi, (prénom et nom du sénateur), je jure (j'affirme solennellement) que je serai fidèle et porterai sincère allégeance au Canada.

[Traduction]

L'HONORABLE RICHARD H. KROFT, C.M.

HOMMAGES—AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et par dérogation au paragraphe 57(2) du Règlement, je donne avis que, plus tard aujourd'hui, j'attirerai l'attention du Sénat sur l'apport au Sénat de l'honorable Richard Kroft, qui a démissionné le 24 septembre 2004.

Son Honneur le Président : Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA JUSTICE

LA COUR SUPRÊME—LA PROCÉDURE DE NOMINATION DES JUGES

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le ministre peut-il décrire à la Chambre la politique actuelle du gouvernement concernant l'amélioration de la procédure visant à combler les vacances à la Cour suprême du Canada?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le ministre de la Justice tient des consultations auprès des parlementaires au sujet de cette procédure. Je ne pourrais répondre plus succinctement au sénateur Kinsella.

Le sénateur Kinsella : Je suis content de recevoir cette réponse du ministre puisqu'il me semble que le ministre de la Justice fait exactement le contraire.

Honorables sénateurs, vous vous souviendrez qu'en mai dernier le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile de la Chambre des communes a déposé son rapport bien étayé et fort concis sur la procédure de nomination des juges de la Cour suprême. Le mois dernier, le ministre de la Justice, Irwin Cotler, collègue du sénateur Austin au Cabinet, a donné une réponse de deux pages à ce rapport. Cependant, selon le Ottawa Citizen de la semaine dernière, le député de l'autre endroit, le président libéral de ce comité de la Chambre—en effet, le député libéral qui fait partie du groupe parlementaire ministériel et qui préside ce comité — a adressé une lettre au ministre dans laquelle il qualifiait la réponse succincte et vague du ministre Cotler d'« inopportune compte tenu de la somme de travail consentie par les députés pour rédiger leur rapport ».

Il semble y avoir un écart entre la réponse du leader du gouvernement à ma première question, le point de vue du président libéral du comité qui a préparé le rapport en mai dernier et la position du ministre Cotler. Mon honorable collègue pourrait-il s'expliquer?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je ne vois pas d'écart. Il est inévitable, dans tout processus de consultation, que différents points de vue soient exprimés à la partie consultante, dans ce cas ci, le ministre de la Justice. Certaines personnes qui ont présenté des mémoires peuvent ne pas être encore satisfaites de la nature des consultations, mais le processus se poursuit.

Le sénateur Kinsella : Le ministre pourrait-il nous donner une idée de l'échéancier? Nous possédons déjà un rapport exhaustif présenté par le comité de l'autre endroit. Selon le sénateur Austin, le ministre mène des consultations et se penchera de plus près sur la question. Combien de temps attendrons-nous encore avant de connaître la position définitive de la politique du gouvernement du Canada sur cette question très importante qui a capté l'attention de tous les Canadiens?

Cette question a capté l'attention du gouvernement puisque, pas plus tard que ce matin, on peut lire un article au titre plutôt surprenant dans le Globe and Mail : « Le plus haut tribunal devra se prononcer sur la théorie de la conspiration ». Je ne souscris pas du tout au contenu de cet article, mais mon honorable collègue voudrait peut-être en profiter pour expliquer la réaction du gouvernement à ce qui est allégué?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, en ce qui a précisément trait à cette question, le gouvernement du Canada a adopté une nouvelle procédure pour les nominations de mesdames les juges Charron et Abella à la Cour suprême du Canada. Ce qu'il a eu de nouveau dans ce cas, c'est que le ministre de la Justice s'est présenté devant un comité de l'autre endroit pour expliquer ce qui l'avait porté à croire que ces deux juristes méritaient de siéger à la plus haute cour du pays. Cette procédure fait l'objet d'une étude à la lumière des commentaires et des questions formulés par les membres de ce comité pendant et après le témoignage du ministre de la Justice.

Le gouvernement aimerait adopter un processus transparent pour les nominations de cette importance, un processus qui ne serait pas taché par des questions de personnalité et de partisanerie politique.

Le sénateur Tkachuk : Je vous en prie!

Le sénateur Kinsella : Le ministre n'est-il pas d'accord pour dire que le comité dont il a parlé est un comité spécial auquel ne siégeait aucun représentant du Sénat et que, s'il est décidé à l'issue de l'évaluation qu'il a mentionnée d'adopter dans l'avenir la procédure de ratification par un comité, ce serait prudent et indiqué que le Sénat soit représenté audit comité?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je vais faire part des commentaires du sénateur Kinsella au ministre de la Justice dans le cadre de son processus de consultation.

(1420)

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Je crois avoir entendu le leader du gouvernement dire que le ministre de la Justice avait comparu devant un comité. Le ministre peut-il me dire de quel comité il s'est agi? En même temps, peut-il me dire quel est le fondement constitutionnel permettant à un tel comité d'exister?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, à mon avis, tout ministre et tout parlementaire a le droit de consulter tous les Canadiens qu'il veut.

Comme vient de le dire le sénateur Kinsella, leader de l'opposition, il s'est agi d'un comité spécial composé de députés choisis par leur parti pour en être membres.

Le sénateur Cools : Je crois que le ministre m'a mal comprise. Je ne parlais pas d'un processus de consultation et je ne laissais pas entendre que la consultation n'était pas souhaitable dans des gouvernements modernes. Je cherchais seulement à connaître le fondement constitutionnel ou parlementaire permettant la création de comités spéciaux. Autrement dit, en langage parlementaire, qu'est-ce qu'un comité spécial? De qui relève-t-il? Un comité est un sous-ensemble d'un ensemble plus grand. Un comité spécial fait partie de quel autre comité? S'agit-il d'un comité de la Chambre des communes?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, j'ai déjà fourni la réponse voulue à la question, soit qu'il s'est agi d'un comité de députés constitué par entente entre les leaders de l'autre chambre.

Le sénateur Cools : Peut-être parviendrais-je à trouver le fondement juridique permettant de constituer un comité par une simple entente.

Le sénateur Austin : Peut-être, sénateur Cools, pouvez-vous me dire pourquoi la mise sur pied d'un tel comité ne bénéficierait pas de l'autorisation parlementaire nécessaire.

Le sénateur Tkachuk : Ne nous posez pas de questions.

Le sénateur Cools : Je pense que le ministre se méprend quelque peu, honorables sénateurs. Que je sache, à la période des questions, seul un ministre peut parler au nom du gouvernement au Sénat, alors, selon moi, le ministre se méprend et croit que je suis membre du gouvernement.

Le sénateur Austin : Je ne me suis jamais mépris à ce sujet. Je parle au nom du gouvernement, mais, à ce titre, je demande parfois à mes collègues d'en face de préciser leur point. Ce que je ne comprends pas dans la question de madame sénateur Cools, c'est le fondement juridique ou constitutionnel qui, selon elle, ferait défaut pour organiser un comité à l'autre endroit.

Le sénateur Tkachuk : Elle va vous le dire. Vous le savez.

Le sénateur Cools : Je peux vous dire ce qui fait défaut, honorables sénateurs. En fait, le comité est frauduleux. Le ministre m'a donné l'occasion de dire que ce soi-disant comité spécial est une imitation. C'est une fausse représentation parlementaire. Voilà ce qu'il est.

Je vais dire au ministre le pouvoir dont un comité a besoin pour être constitué. On appelle cela un « ordre de renvoi », qui résulte d'un vote de l'une ou l'autre Chambre. Alors, le ministre pourrait peut-être me dire de quel ordre de renvoi la Chambre des communes était saisie qui ait entraîné la constitution de ce type de comité?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je ne crois pas que ce soit un processus normal du Parlement que notre Chambre mette en question les procédures adoptées à l'autre Chambre.

Le sénateur Lynch-Staunton : Le Parlement ne siégeait même pas!

LE CABINET DU PREMIER MINISTRE

LES RECETTES PROVENANT DE L'EXPLOITATION DU PÉTROLE EXTRACÔTIER—LES NÉGOCIATIONS AVEC TERRE-NEUVE-ET- LABRADOR ET LA NOUVELLE-ÉCOSSE—LES PROPOS D'UN COLLABORATEUR DU PREMIER MINISTRE

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, le porte- parole du premier ministre est devenu un irritant dans les négociations entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador dans la question d'un accord sur les recettes provenant de l'exploitation du pétrole extracôtier. À deux reprises, Scott Reid, le directeur des communications du premier ministre, a tenu des propos qui ont provoqué des reculs dans ce différend — à un point tel que le premier ministre Danny Williams a prié le premier ministre de confier à quelqu'un d'autre la responsabilité de s'occuper des communications dans ce dossier.

Compte tenu du caractère délicat des négociations dans ce dossier et du fait que les interventions de M. Reid ont créé l'impression qu'Ottawa mène ces négociations avec Terre-Neuve-et-Labrador de mauvaise foi, le gouvernement envisage-t-il de retirer ce dossier à M. Reid ?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la réponse est non.

Le sénateur Kinsella : Pourquoi pas ?

Le sénateur Austin : La question du sénateur Comeau est un peu tardive. Les trois gouvernements, soit celui de Terre-Neuve-et- Labrador, celui de la Nouvelle-Écosse et celui du Canada, engagent activement des discussions en ce moment.

Le sénateur LeBreton : Elle n'est donc pas tardive. Elle n'est tardive que si vous trouvez une solution.

Le sénateur Austin : Je peux vous assurer que toutes les partis veulent poursuivre ces discussions sans aucunement échauffer les esprits sur cette question.

Le sénateur Comeau : Le ministre dit que la question est tardive, mais je suis convaincu que les autres gouvernements provinciaux suivent l'approche négative du cabinet du premier ministre sur cette question. D'abord, M. Reid a dû présenter des excuses pour avoir prétendu que M. Williams commettait une erreur d'une ampleur sans précédent en ne consentant pas à accepter les conditions de l'offre fédérale. Bien sûr, les habitants du Canada atlantique y ont perçu une menace. Puis, pas plus tard que la semaine dernière, il a anticipé l'issue d'une rencontre en disant sur le réseau CanWest, avant la rencontre, qu'il était impossible d'en arriver à une entente.

Étant donné les interventions de plus en plus inutiles de M. Reid dans ce dossier, le gouvernement cessera-t-il de recourir aux services de M. Reid pour négocier ces questions en passant par les médias?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, il est tout à fait dans l'intérêt des deux provinces que j'ai mentionnées et du gouvernement du Canada de conclure une entente satisfaisante pour les trois parties. M. Reid a présenté ses excuses pour les commentaires qu'il a faits. Le premier ministre de Terre-Neuve-et- Labrador les a acceptées, et les choses en restent là.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LE SOUDAN—LE CONFLIT AU DARFOUR—LES EFFORTS DU GOUVERNEMENT—LE STATUT DE L'ENVOYÉE SPÉCIALE

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Le week- end dernier, le premier ministre Martin a encore une fois critiqué les Nations Unies de ne pas agir assez rapidement pour résoudre la situation au Darfour. Sa critique est valable. Cependant, d'après les rapports de presse, il semble évident que la voie que le gouvernement libéral a empruntée n'est pas plus opportune. Selon des rapports, l'Union africaine réunit une force d'intervention de 75 000 personnes pour le Darfour, effort dont le gouvernement libéral soutient, ce qu'il n'oublie jamais de mentionner. Pourtant, cette force n'est manifestement pas prête à agir.

Après son entretien avec le chef de l'Union africaine en fin de semaine, le premier ministre Martin a été cité comme ayant dit qu'ils ne connaissaient pas exactement l'ampleur de leurs besoins. M. Martin a demandé qu'on lui fournisse une liste des besoins.

Le ministre peut-il nous dire quand M. Martin s'attend à obtenir cette liste des besoins et quand ces besoins seront satisfaits?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, aucun pays n'a fait davantage que le Canada pour améliorer la situation au Darfour. Notre collègue, madame le sénateur Jaffer, a été la première représentante d'un gouvernement étranger à être dépêchée au Darfour afin d'évaluer la situation sur les lieux.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Austin : Le Canada a été le premier pays à s'engager à verser 20 millions de dollars afin de constituer un groupe sur place dont le mandat serait de faire rapport de la situation aux Nations Unies. Le Canada a fourni de la formation et du matériel à l'Union africaine, comme nous en avons discuté plus tôt dans cet endroit.

Le premier ministre se rendra à Khartoum au cours des prochains jours afin de discuter avec les dirigeants du gouvernement soudanais et des collectivités du Darfour et de la région méridionale du Soudan.

Comme le sénateur St. Germain l'a signalé, le premier ministre a prononcé un discours devant les Nations Unies, qu'il a pressées de prendre des mesures plus vigoureuses en vue du redressement de la situation difficile et triste au Soudan.

Le sénateur St. Germain : Honorables sénateurs, on assiste à une répétition de ce qui s'est passé au Rwanda à certains égards. Le ministre dit que le Canada s'est engagé à verser 20 millions de dollars. Nous avons dépêché un envoyé spécial sur les lieux, ce qui me semble un geste fort honorable. Des mesures positives sont-elles prises pour aider ces gens? Où sont passés les 20 millions de dollars? Si le ministre affirme que l'Union africaine a une force d'intervention de 75 000 hommes et si on demande ensuite au premier ministre de fournir une liste de besoins, que se passe-t-il au juste là-bas? Sommes-nous simplement des spectateurs nous contentant de faire de beaux discours, sans prendre des mesures concrètes?

(1430)

Honorables sénateurs, ce n'est pas une question partisane. Il s'agit plutôt d'adopter une position ferme, de faire avancer les choses et de ne pas compter sur les Nations Unies. Le gouvernement a critiqué d'autres pays qui ne se sont pas appuyés sur les Nations Unies, mais nous semblons, en tant que gouvernement, nous fier sur cette organisation alors que nous savons qu'elle est inefficace.

Le leader du gouvernement pourrait-il nous expliquer où sont passés les 20 millions de dollars? Cet argent a-t-il été versé aux gens sur place?

Le sénateur Austin : J'apprécie beaucoup la question. Les 20 millions de dollars sont une contribution à l'Union africaine pour lui permettre d'organiser ses efforts de maintien de la paix et pour avoir la capacité d'aider les gens au Darfour.

Nous avons également envoyé 250 000 $ d'équipements à la mission de l'Union africaine et nous avons envoyé des gens pour former les forces de l'Union africaine en maintien de la paix. Comme les honorables sénateurs le savent, l'Union africaine est la force désignée par les Nations Unies pour jouer ce rôle et elle a, bien entendu, le soutien de ses membres en Afrique.

Des négociations sont égalent en cours relativement à une mission de maintien de la paix distincte dans le sud du Soudan. Même s'il s'agit d'une mission distincte de celle de l'Union africaine, elle exigera quand même l'aval des Nations Unies. C'est une disposition sur laquelle le gouvernement du Soudan a insisté et ce pays est membre des Nations Unies. Nous agissons pour soutenir les activités des Nations Unies et non en faire fi.

Comme le sénateur St. Germain l'a noté, le premier ministre a déclaré devant l'Assemblée générale des Nations Unies que la doctrine de la souveraineté des États ne doit pas en elle-même limiter la responsabilité de la communauté mondiale d'aider les populations qui sont menacées à cause d'États déficients ou des actions de gouvernements autoritaires et malveillants à l'égard des minorités. Comme le sénateur St. Germain le sait également, c'est une valeur canadienne qui a été présentée à l'Assemblée générale des Nations Unies par le premier ministre Chrétien l'année dernière.

Le sénateur St. Germain : En définitive, la question est la suivante : que fait-on pour venir en aide à ces personnes au Darfour? Elles sont attaquées par des groupes d'irréguliers. Le gouvernement canadien a-t-il pris des mesures concrètes, mis à part le fait qu'il tente de persuader les Nations Unies, qui ont lamentablement échoué au Rwanda et ailleurs? Des mesures concrètes sont-elles prises?

Nous sommes représentés par une envoyée spéciale. Pouvons- nous l'interroger sur la situation? À titre d'envoyée spéciale, fait-elle partie de l'exécutif ou du législatif? Ce sont des questions importantes, car si la tragédie qui a frappé le Rwanda se reproduit dans cette région, nous ne pouvons pas simplement rester les bras croisés et déplorer la situation. Je pose la question parce que je suis sincèrement préoccupé par la situation de la population au Darfour.

Le sénateur Austin : Sénateur St. Germain, je ne mets nullement en doute la sincérité de ces questions et de leur importance. Nous avons déjà eu un échange à ce sujet au Sénat, et j'avais dit que le Canada, plus que tout autre pas, s'efforce d'assurer la sécurité de la population au Darfour. Nous devons agir dans le cadre des Nations Unies. Nous ne pouvons pas simplement constituer une force d'intervention et l'envoyer au Soudan à l'encontre de la volonté de la communauté internationale et du gouvernement soudanais; et même si nous le faisions, ce ne serait pas utile. Ce qu'il faut, c'est une intervention de la communauté internationale, et nous nous efforçons de l'y amener. Le premier ministre se rendra à Khartoum afin d'être en mesure d'informer les dirigeants des autres pays de la situation. En l'occurrence, le fait que le premier ministre se rende personnellement au Soudan pour constater la situation prouve la bonne volonté et la détermination du Canada.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : La réponse était plutôt intéressante, car le sénateur n'a pas répondu à la première partie de la question du sénateur St. Germain. En vertu de quelle autorité madame le sénateur Jaffer s'est-elle rendue au Soudan? Qui a payé ses frais de déplacement? Avec qui a-t-elle voyagé et combien de personnes l'accompagnaient? Le ministre doit répondre à ces questions dans cette enceinte.

Ce genre de choses se produit régulièrement, d'après ce qu'on nous dit, mais le peu que nous savons provient de ces modestes rapports.

Si madame le sénateur se déplace, reçoit-elle un budget annuel pour ses voyages? Dans l'affirmative, quel est-il? Si elle est ainsi autorisée à se déplacer et à travailler dans ce domaine, combien de membres de plus compte-t-elle dans son personnel? Ces questions exigent des réponses.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je réponds sans hésitation à ces questions, auxquelles j'ai d'ailleurs déjà répondu.

Madame le sénateur Jaffer ne fait pas partie de l'exécutif, mais de notre assemblée, où elle est bien connue. En dehors de cela, le ministre des Affaires étrangères lui a demandé d'agir comme envoyée spéciale au Soudan. Madame le sénateur est une éminente avocate canadienne et elle parle certaines des langues qui ont cours là-bas. Elle a acquis une crédibilité solide pour y faciliter le dialogue entre les parties. On ne peut lui poser des questions au Sénat parce que, aux termes de notre Règlement, elle ne fait pas partie des sénateurs à qui on peut poser des questions. Je suis persuadé que le sénateur Stratton sait parfaitement à quoi s'en tenir à ce sujet, même s'il n'a pas abordé la question.

Toutefois, je vais certainement demander à madame le sénateur Jaffer de faire une déclaration, ce qu'elle a le droit de faire à titre de sénateur, au sujet du travail qu'elle fait là-bas.

Le sénateur Stratton : J'en suis très reconnaissant. Il faut dissiper toutes les ambiguïtés, notamment en ce qui concerne l'importance des déplacements de madame le sénateur Jaffer. Dans cette région de l'Afrique, ils doivent être plutôt importants. Je ne veux aucunement dénigrer ses efforts, mais je tiens à dire que si, au fond, elle représente les Canadiens à titre d'envoyée du gouvernement et du premier ministre, elle devrait faire une déclaration. Elle devrait nous renseigner sur son budget annuel, dire combien son travail coûte aux Canadiens, combien de collaborateurs elle a dans son bureau et qui l'accompagne dans ses déplacements.

Il est essentiel de rendre publique cette information pour que nous sachions à quoi nous en tenir.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, madame le sénateur Jaffer conseille le ministre des Affaires étrangères, et ces communications ne sont pas du domaine public, pas plus pour elle que pour d'autres.

Quant à ses dépenses et aux autres questions que le sénateur Stratton a posées, les règles actuelles exigent que les renseignements soient rendus publics dans des délais précis.

(1440)

L'honorable David Tkachuk : Est-ce que d'autres sénateurs ont joué rempli les fonctions d'envoyés spéciaux?

Le sénateur Austin : Dans le passé, certains sénateurs ont été délégués comme envoyés spéciaux. Les honorables sénateurs se rappelleront peut-être que le sénateur Lois Wilson a été une envoyée spéciale, d'abord au Soudan, puis en Corée du Nord.

Honorables sénateurs, j'espère que les sénateurs de l'autre côté ne veulent pas dire que des sénateurs ne devraient pas être délégués pour appuyer des intérêts canadiens lorsqu'ils ont des compétences particulières.

Le sénateur Tkachuk : Je n'ai jamais dit cela. J'ai demandé s'il y avait déjà eu d'autres envoyés spéciaux. Le ministre en a mentionné un. Je demande simplement s'il y en a eu d'autres. En outre, lorsque l'honorable sénateur utilise le mot « employé », qu'entend-il exactement?

Le sénateur Austin : Le mot « employer » signifie « utiliser » ou « exercer une fonction ». Je vais avoir recours au dictionnaire des synonymes si l'honorable sénateur ne comprend pas ce mot qui, en gros, signifie « participer à ».

Le sénateur Stratton : Ne soyons pas aussi susceptibles!

Le sénateur St. Germain : Il ne s'agit pas de dénigrer le travail qui a été fait. Je veux simplement savoir qui a la responsabilité de procéder à de telles nominations. Les ambassadeurs sont nommés par certaines autorités. S'agit-il d'une nomination du gouverneur en conseil? Ces personnes s'absentent et le Parlement et le Sénat ne peuvent pas examiner ces nominations. Le ministre procède à ces nominations de façon arbitraire. Il n'existe aucune procédure qui nous permette d'avoir accès à des renseignements concernant ces personnes même si, en tant qu'opposition officielle, nous avons le droit de savoir. Est-ce que le gouvernement s'imagine qu'il n'a pas d'explication à fournir à l'opposition officielle, ou si c'est plutôt que l'opposition officielle n'a pas le droit de savoir ni d'obtenir de rapports de ces personnes?

Je suis préoccupé par la question de l'autorité responsable. Je ne tiens pas à supprimer le bon travail qui est accompli, mais j'aimerais savoir qui a l'autorité de prendre ces décisions.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je pensais que c'était clair, car les règles de rémunération s'appliquent à tous les sénateurs. En effet, s'il était offert au sénateur Jaffer, par exemple, de jouer le rôle d'émissaire spécial, aucune rémunération ne lui serait versée. Je pensais que cela était tellement évident que je n'ai pas compris ce que voulait savoir le sénateur Tkachuk en me demandant ce que je voulais dire par « employé ».

Pour ce qui est de la deuxième question, le sénateur Jaffer, par rapport au ministre, est dans la même situation que toute personne qui n'est pas sénateur et à laquelle on demande d'être envoyé spécial. Je ne parle pas de la rémunération, mais de faire rapport.

Les honorables sénateurs devraient savoir qu'il pourrait être possible qu'une personne de l'autre côté soit nommée envoyé spécial; il y a du talent en face.

Le sénateur Robichaud : Ils ne croient pas en eux!

Le sénateur Stratton : Si seulement vous saviez!

Le sénateur Austin : Ce rôle ne change pas le rôle du sénateur qui pourrait devenir envoyé spécial. Pour être très clair, la nomination de madame le sénateur Jaffer est une nomination ministérielle, et non une nomination du gouverneur en conseil.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Le ministre est-il d'avis que le paiement des déplacements dans ce type de situation est conforme ou non conforme à l'article 14 de la Loi sur le Parlement du Canada?

Le sénateur Austin : Je crois que le paiement des dépenses ne constitue pas une violation de quelque règle que ce soit s'appliquant au sénateur.

L'honorable Pat Carney : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je suis fascinée par la possibilité que certains d'entre nous qui siègent dans l'opposition soient nommés émissaires du gouvernement dans nos domaines de compétences.

Comme le sait le ministre, je possède des compétences dans un domaine qui nous intéresse tous les deux, la Chine. Je suis certainement disposée à étudier une offre de cette nature, si on m'en fait une. L'honorable sénateur pourrait-il donner plus de détails sur les conditions d'une offre de ce type faite à un sénateur de l'opposition?

Je m'intéresse beaucoup à l'Irlande, aussi. Nous pourrions tous soumettre au ministre nos demandes relatives aux domaines dans lesquels nous souhaiterions être nommés envoyés spéciaux, surtout qu'on nous inscrira comme étant présents au Sénat alors que nous serons en déplacement à Dublin ou à Beijing.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je crois comprendre que madame le sénateur Carney aimerait jouer le rôle d'envoyée spéciale, d'après ce qu'elle a dit, et je transmettrai son voeu au ministre des Affaires étrangères. Je ne doute pas qu'il sera dûment tenu compte de sa requête.

Le sénateur Carney : Ou le commerce international.

Le sénateur Austin : On en tiendra dûment compte aussi.

Honorables sénateurs, je ne voudrais pas laisser entendre — je suis sûr que ce n'est pas ce qu'a voulu dire le sénateur Carney — que quelqu'un qui s'absente du Sénat pour cause d'activité publique se conduit de quelque façon que ce soit d'une manière contraire aux règles de la Chambre.

Son Honneur le Président : J'ai le regret de vous informer que le temps réservé à la période des questions est écoulé.

Des voix : Oh, oh!

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer trois réponses différées à des questions orales posées au Sénat; une première réponse différée aux questions de l'honorable sénateur Oliver, du 19 octobre 2004, concernant la résolution des questions des pensionnats autochtones au Canada.

[Traduction]

J'ai une deuxième réponse différée à des questions posées au Sénat par le sénateur Gustafson, le 4 novembre 2004, au sujet des négociations des Territoires du Nord-Ouest relatives à la décontamination de la mine Giant.

J'ai une troisième réponse différée à des questions soulevées au Sénat par le sénateur Keon le 3 novembre 2004, concernant la qualité de l'eau dans les réserves.

LE BUREAU SUR LE RÈGLEMENT DES QUESTIONS DES PENSIONNATS AUTOCHTONES

LE PROCESSUS DU MODE ALTERNATIF DE RÈGLEMENT DES CONFLITS

(Réponse à la question posée par l'honorable Donald H. Oliver le 19 octobre 2004)

Coûts administratifs du processus du Mode alternatif de règlement des conflits (MARC)

Le gouvernement du Canada s'est engagé à régler les réclamations éprouvées de sévices physiques et sexuels des anciens élèves des pensionnats indiens avec compassion et aussi rapidement et humainement que possible, en accordant la priorité aux personnes malades et âgées.

Au 22 octobre 2004, le gouvernement du Canada avait reçu plus de 900 formulaires de demande pour le mode alternatif de règlement des conflits (MARC) et nous continuons de recevoir des formulaires, d'organiser des auditions et de régler des réclamations. De plus, nous continuons de régler des réclamations par voie judiciaire; près de 1 730 réclamations ont été réglées, la vaste majorité hors cours.

Un des plus grands défis qu'affronte le gouvernement est de trouver le moyen le plus efficace pour répondre aux 13 000 réclamations individuelles pour sévices sexuels et physiques dans les pensionnats indiens de manière opportune et efficace.

Le Cadre de règlement, lancé en novembre 2003, contient une série d'approches comprenant un processus de Mode alternatif de règlement des conflits pour régler les réclamations pour sévices physiques et sexuels, le soutien de la santé, des initiatives de commémoration et le recours aux tribunaux. Le gouvernement estime qu'au cours des sept prochaines années, le coût du Cadre de règlement s'élèvera à environ 1,69 milliard de dollars. Ce coût comprend 955 millions de dollars pour les règlements, 335 millions de dollars pour le processus du MARC (recherche, secrétariat d'adjudication à Regina, et cetera), 74 millions de dollars pour le soutien de la santé et de la sécurité, 10 millions de dollars pour la commémoration et 285 millions de dollars pour les litiges, puisque ceci demeure toujours une option pour les demandeurs.

Le gouvernement du Canada ne peut pas confirmer le coût rapporté de 18 000 $ pour résoudre une réclamation du MARC puisqu'il ne connaît pas la façon dont ce montant a été calculé. Nous pouvons cependant confirmer que la première audience a eu lieu à la fin du mois de mai 2004, et qu'il est trop tôt dans le processus pour connaître le coût moyen pour résoudre une réclamation du MARC. Le gouvernement du Canada fournira le coût moyen pour résoudre les réclamations du MARC lorsqu'il aura atteint 50 résolutions avec des anciens élèves. Nous anticipons que ceci va se produire tôt dans la nouvelle année. Même si nous ne connaissons pas encore ce montant, nous sommes convaincus que les coûts du processus du MARC seront moindres que ceux de litige.

Un autre élément important du Cadre de règlement est que les anciens élèves ont l'occasion de participer à des initiatives de commémoration s'ils le désirent. RQPIC a consacré des fonds à la commémoration afin de pouvoir honorer tous les anciens élèves et de leur rendre hommage.

L'investissement dans le règlement des réclamations maintenant d'une manière opportune et efficace économisera l'argent des contribuables à long terme.

Le gouvernement est satisfait de l'adoption et des progrès du processus du MARC, car nous sommes là où nous l'avions prévu lorsque nous avons lancé le processus du MARC. Nous avions annoncé que les demandeurs pourraient s'attendre à une période de neuf mois à partir du moment de la demande jusqu'à l'audition. Le premier formulaire de demande a été reçu en décembre 2003 et la première audition a eu lieu six mois plus tard en mai 2004.

Le gouvernement est ouvert au dialogue sur les moyens d'améliorer le processus du MARC afin de nous assurer de résoudre les séquelles des pensionnats indiens d'une manière significative pour les anciens élèves. Les ministres nous ont confié le mandat d'examiner de cadre de règlement national en 2006.

Remplisseurs de formulaires

La prémisse sous-jacente du Mode alternatif de règlement des conflits (MARC) est d'offrir aux anciens élèves un choix quant à la façon de résoudre leur réclamation relative aux pensionnats indiens. Le MARC est un processus volontaire qui offre une méthode opportune et alternative pour régler les réclamations de sévices physiques, de sévices sexuels et d'isolement injustifié dans les pensionnats indiens. Si les demandeurs choisissent le processus du MARC, ils doivent remplir et soumettre un formulaire de demande détaillé à Résolution des questions des pensionnats indiens Canada.

Le gouvernement du Canada conseille aux anciens élèves de retenir les services d'un avocat; toutefois, les demandeurs ont le choix de se représenter eux-mêmes. En fait, nous avons entendu dire que certains anciens élèves ne veulent pas d'avocat. Les intervenants ont souligné l'exigence que le processus du MARC offre des services de soutien de base aux anciens élèves qui n'engagent pas un avocat.

Par conséquent, nous essayons d'identifier des fournisseurs de services autochtones neutres et objectifs pour aider les anciens élèves à remplir le formulaire de demande. Les types de services offerts par les remplisseurs de formulaires consistent à expliquer quelles questions sont posées dans le formulaire de demande, à discuter de façon générale du fonctionnement du MARC et à identifier le soutien de conseillers disponibles pour assurer le suivi avec le demandeur. Nous avons également expliqué clairement que ce soutien ne remplace pas les conseils qu'un avocat pourrait offrir et ne vise pas à interférer dans la relation entre les anciens élèves et leurs avocats.

LES AFFAIRES INDIENNES ET LE NORD CANADIEN

LES TERRITOIRES DU NORD-OUEST—LES NÉGOCIATIONS EN VUE DE LA DÉCONTAMINATION DE LA MINE GIANT

(Réponse à la question soulevée par l'honorable Leonard J. Gustafson le 4 novembre 2004)

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) continue sans cesse de veiller à ce que la mine Giant soit gérée de manière sécuritaire et efficace pour protéger la santé et la sécurité des résidents du Nord et de l'environnement.

L'élaboration d'un plan d'assainissement détaillé et efficace pour la mine Giant exige énormément de travail. À l'hiver 2004, AINC a retenu la méthode des blocs congelés comme solution à long terme pour la gestion de la poussière de trioxyde de diarsenic entreposée dans le sous-sol de la mine. Cette décision est le résultat de plus de quatre années de recherches poussées et de consultations publiques. Actuellement, AINC est en train de finaliser le plan d'assainissement global de la mine. Lorsque le plan sera complété et approuvé par les ordres de gouvernement appropriés, il sera soumis à un organisme de réglementation. Une fois approuvé par l'organisme de réglementation, le plan sera mis en oeuvre.

L'assainissement de la mine Giant soulève un ensemble de questions très complexes, notamment le partage des compétences et des responsabilités correspondantes entre les gouvernements du Canada et des Territoires du Nord-Ouest.

En ce moment, on est en train de négocier une solution juste et raisonnable qui permettrait l'exécution des travaux d'assainissement. Des hauts fonctionnaires fédéraux et leurs homologues des Territoires du Nord-Ouest ont convenu de laisser tomber le débat judiciaire et de travailler à la conclusion d'une entente pratique et équitable qui permettra au projet d'aller de l'avant.

Les parties reconnaissent l'importance de mettre un oeuvre plan d'assainissement qui aborde efficacement les problèmes liés au sol de surface et de subsurface de la mine Giant et qui a l'appui des deux ordres de gouvernement.

Notre but est de réaliser des progrès importants dans le cadre de ces négociations d'ici le début de la nouvelle année. Il s'agit d'un projet hautement prioritaire pour le gouvernement fédéral. Les travaux effectués à la mine Giant constituent un excellent exemple de l'engagement du gouvernement envers l'assainissement des sites contaminés fédéraux et la protection de la santé et de la sécurit é des résidents du Nord.

LES PROBLÈMES LIÉS À LA QUALITÉ DE L'EAU DANS LES RÉSERVES

(Réponse à la question soulevée par l'honorable Wilbert J. Keon le 3 novembre 2004)

En mai 2003, le gouvernement du Canada a annoncé l'adoption de la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations, un plan détaillé en sept points visant à assurer un approvisionnement en eau potable aux membres des Premières nations. Affaires indiennes et du Nord Canada, Santé Canada, Environnement Canada et les Premières nations sont tous partenaires dans cette initiative.

Affaires indiennes et du Nord Canada a pris diverses mesures pour atteindre ses objectifs en vertu de la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations. En 2004-2005 uniquement, Affaires indiennes et du Nord Canada dépensera 255,1 millions de dollars pour améliorer la qualité de l'eau potable. De ce montant, 173,1 millions seront consacrés aux infrastructures, 73,4 millions à l'amélioration du programme de fonctionnement et d'entretien, 4 millions à la formation des opérateurs et 4,6 millions aux autres priorités en matière de gestion de l'eau, incluant l'amélioration des systèmes de surveillance et de rapports. Dans son budget de février 2003, le gouvernement du Canada a affecté 600 millions de dollars à la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations (de 2003-2004 à 2007-2008). Si nous combinons ce montant au budget des services votés d'Affaires indiennes et du Nord Canada pour les ressources en eau des Premières nations et la contribution de Santé Canada, nous en arrivons à un investissement total de 1,6 milliard de dollars sur cinq ans pour la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations.

En 2006, Affaires indiennes et du Nord Canada préparera un rapport d'étape détaillé sur la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations. Grâce à ce suivi de la stratégie et aux ressources déjà engagées, le gouvernement pourra progresser avec confiance vers l'atteinte de notre objectif commun qui est de fournir de l'eau potable à toutes les collectivités de Premières nations.

Le 28 septembre 2004, quelques membres de la Première nation Neskantaga (Lansdowne House) ont commis des actes de vandalisme contre la station de traitement de l'eau. On a craint que ces personnes aient déposé des produits chimiques dans le réservoir d'eau de la collectivité. Dès qu'il a été avisé de la situation, Affaires indiennes et du Nord Canada a immédiatement réagi et offert de fournir cinq litres d'eau embouteillée par jour à tous les résidants de la Première nation, pour boire et cuire les aliments. Cette ration était bien au delà de la ration de deux litres d'eau par jour, par « personne à risque » (personnes âgées, bébés, personnes immunodéprimées), qui est normalement recommandée en présence d'un avis de faire bouillir l'eau. La recommandation selon laquelle deux litres d'eau embouteillée devrait être fournis par jour à chaque personne à risque, en présence d 'un avis de faire bouillir l'eau, a été établie par Santé Canada.

Le 23 octobre 2004, la situation d'urgence a pris fin dans la Première nation Neskantaga. Étant donné qu'un avis de faire bouillir l'eau est encore en vigueur dans la Première nation, le Ministère fournit actuellement deux litres d'eau par jour, par personne, non seulement aux personnes à risque, mais à toutes les personnes dans la réserve, jusqu'à ce que Santé Canada ait terminé ses tests.

Pour ce qui est du problème de moisissure, la solution recommandée n'est plus d'utiliser de l'eau et du javellisant, mais plutôt du savon et de l'eau, une solution considérée plus sûre.


ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LA STATISTIQUE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, j'aimerais tout d'abord reconnaître le travail du sénateur Milne et de son armée de supporteurs qui ont mené une campagne dynamique et compétente afin que les relevés de recensement soient rendus publics. Je n'ai aucun doute quant à leur sincérité et leur engagement. Je ne remets pas non plus en question le fait que les relevés de recensement sont une source de renseignements précieuse pour les gens qui souhaitent dresser leur arbre généalogique. On ne peut pas reprocher à quelqu'un de vouloir retracer ses origines et il n'y a aucun doute que l'accès libre aux relevés de recensement serait très intéressant pour les historiens.

Je reconnais la valeur des données de recherche, mais en retour, j'aimerais que les partisans du projet de loi S-18 reconnaissent que les parlementaires ont le devoir de prendre en considération les conséquences des modifications législatives. Je ne veux pas jouer les rabat-joie, mais plutôt exprimer des inquiétudes légitimes. Je veux avoir le droit de m'exprimer dans cette assemblée sans qu'on me reproche de ne pas être un fier Néo-Écossais.

Le projet de loi S-18 vise à abroger les dispositions des articles 17 et 18 de la Loi sur la statistique qui portent sur la confidentialité, afin de permettre que les renseignements contenus dans les recensements cessent d'être protégés 92 ans après la tenue d'un recensement. Permettez-moi de lire les dispositions des articles 17 et 18 de l'actuelle Loi sur la statistique qui doivent être abrogées. Les deux articles de la loi figurent sous la rubrique « Secret ». En marge du paragraphe 17(1), on peut lire la mention « protection des renseignements ».

L'article 17(1) dit ceci :

a) nul, si ce n'est une personne employée ou réputée être employée en vertu de la présente loi et qui a été assermentée en vertu de l'article 6, ne peut être autorisé à prendre connaissance d'un relevé fait pour l'application de la présente loi;

b) aucune personne qui a été assermentée en vertu de l'article 6 ne peut révéler ni sciemment faire révéler, par quelque moyen que ce soit, des renseignements obtenus en vertu de la présente loi de telle manière qu'il soit possible, grâce à ces révélations, de rattacher à un particulier, à une entreprise ou à une organisation identifiables les détails obtenus dans un relevé qui les concerne exclusivement.

(1450)

Dans la marge de l'article 18 de la Loi sur la statistique, qui sera abrogé également, on lit l'inscription « Renseignements protégés ». L'article 18 s'énonce comme suit :

18.(1) Sauf dans des poursuites engagées en vertu de la présente loi, tout relevé transmis à Statistique Canada en application de la présente loi et toute copie du relevé se trouvant en la possession de l'intéressé, sont protégés et ne peuvent servir de preuve dans aucune procédure quelle qu'elle soit.

(2) Aucune personne assermentée en vertu de l'article 6 ne peut être requise, par ordonnance d'un tribunal ou d'un autre organisme, dans quelque procédure que ce soit, de faire une déposition orale ni de produire un relevé, un document ou des archives ayant trait à des renseignements obtenus dans le cadre de l'application de la présente loi.

La plupart d'entre nous, dans cette enceinte, ont sans doute rempli durant leur vie un formulaire de recensement. Je voudrais lire la promesse écrite sur le formulaire de recensement :

En tant qu'organisme national de la statistique, Statistique Canada se sert des données du recensement pour produire des tableaux statistiques et des rapports analytiques, ainsi que pour sélectionner des échantillons et faire le suivi auprès des répondants pour certaines de ses enquêtes. Ces données ne sont utilisées qu'à des fins statistiques et personne à l'extérieur de l'organisme ne peut avoir accès à vos renseignements identifiables.

On lit aussi dans le formulaire :

Selon la loi, Statistique Canada doit mener un recensement tous les cinq ans et chaque ménage doit remplir un questionnaire. Statistique Canada doit également s'assurer que vos renseignements personnels demeurent confidentiels. Tous nos employés, y compris les recenseurs, sont passibles d'une amende ou d'emprisonnement s'ils divulguent vos renseignements.

Ce formulaire est signé par Ivan P. Fellegi, statisticien en chef du Canada, qui, comme le sénateur Milne nous l'a dit hier, appuie maintenant la divulgation des renseignements, même si ce formulaire renferme sa signature.

Un peu plus bas, on lit ceci :

Confidentiel une fois rempli.

Puis, à la dernière page :

La loi protège vos renseignements.

La loi protège la confidentialité des renseignements que vous fournissez sur le questionnaire du recensement. Tous les employés de Statistique Canada ont prêté le serment du secret. Les renseignements qui vous concernent ne peuvent être communiqués à personne à l'extérieur de Statistique Canada — que ce soit à la police, à un autre ministère ou à une personne. C'est votre droit.

Votre questionnaire du recensement sera conservé conformément aux exigences de la loi et entreposé de façon sécuritaire.

Malgré cette formulation claire, concise et non ambiguë, le ministre David Emerson, dans la trousse de promotion qu'il nous a envoyée, dit ceci :

La mesure permettra de dissiper une ambiguïté juridique relative à l'examen des relevés des recensements faits au cours des années 1911 à 2001 inclusivement et des relevés des recensements qui seront faits dans l'avenir, à compter du recensement de 2006.

Malgré ce que disent la loi et les questionnaires du recensement, le ministre Emerson dit qu'il existe une ambiguïté quant à la protection de ces renseignements.

Dans sa trousse de promotion, le ministre Emerson reconnaît ceci :

Dans la décision qu'il a rendue le 25 juin 2004, le juge Gibson établit que le statisticien en chef a la garde et le contrôle des documents relatifs au recensement de 1911. Par ailleurs, le juge Gibson laisse entendre que l'équilibre entre les droits de la protection des renseignements personnels des Canadiens et l'accès public à ces renseignements est une question d'ordre politique relevant du gouvernement.

La décision de la cour signifie que le gouvernement a besoin de nous, les parlementaires, pour autoriser la communication des renseignements. Le projet de loi S-18 revient donc sur la promesse à l'égard de la confidentialité des renseignements faite par nos prédécesseurs à nos grands-parents, à nos parents ainsi qu'à nous- mêmes un peu plus récemment.

Le Royaume-Uni et les États-Unis sont souvent cités comme étant des pays où les données du recensement sont rendues publiques après un certain nombre d'années. C'est exact, mais leur gouvernement n'avait pas promis, par voie législative, de les maintenir secrètes de façon permanente. Les citoyens de ces pays savaient à quoi s'en tenir lorsqu'ils ont rempli le questionnaire du recensement.

Les promoteurs de ce projet de loi font aussi valoir que ceux qui ont répondu il y a 92 ans ne se sont pas opposés. Il est pour ainsi dire certain que la plupart de ces gens sont décédés ou sont alors trop vieux pour suivre ce débat. Cet argument, à ce point-ci, témoigne d'un manque de respect. Peut-on ne pas respecter le droit à la vie privée d'une personne parce qu'elle est morte, âgée ou malade?

Pour le bénéfice des honorables sénateurs qui ne seraient pas au courant, j'aimerais attirer l'attention sur certaines questions du recensement de 1911 concernant les membres de la famille. Il s'agit d'un point qu'il nous faut examiner sérieusement avant d'ouvrir l'accès aux données du recensement. C'était une autre époque.

Une des questions était ainsi formulée : la personne est-elle sourde ou non intelligente? Les réponses étaient notées par des voisins qui visitaient les maisons et écrivaient leurs impressions sur les gens de la maison. Voici des exemples d'autres questions : la personne est- elle folle ou est-elle malade mentale? La personne est-elle idiote ou imbécile?

Comme je l'ai dit, c'était une autre époque, mais si nous adoptons ce projet de loi, nous pourrons accéder à ces vieux formulaires de recensement et apprendre si tante Matilda était réellement imbécile. Cette information se trouverait dans le formulaire du recensement. Nous avons toujours pensé qu'elle était un peu bizarre, mais maintenant en avons la certitude.

On trouve aussi dans le recensement des questions comme les suivantes : De quelle race ou tribu êtes-vous et quelle est votre religion? De quelle tribu êtes-vous? Franchement.

Hier, le sénateur Joyal a parlé du risque que ce genre d'information tombe entre de mauvaises mains, et madame le sénateur Milne, qui n'a pas tout à fait tort, a répondu à cette objection en disant que la religion pratiquée par une personne n'a plus beaucoup d'importance après 92 ans. Toutefois, si nous rompons la promesse faite il y a 92 ans, pourquoi ne pas le faire après quelques années seulement, soit après dix ans ou cinq ans? Qu'est-ce qui nous arrête, au point où nous en sommes? Comment les gens qui viendront après nous agiront-ils une fois que nous aurons accepté le principe qu'une promesse n'a pas à être tenue?

Pour faire suite à l'objection soulevée hier par le sénateur Joyal, j'aimerais lire quelques extraits d'un article de l'édition du 10 novembre du Boston Globe. L'article s'intitule « Les responsables du recensement cherchent à rassurer les groupes de défense des droits de la personne au sujet de la protection de la confidentialité ». C'est très important. Dans le sous-titre, on pouvait lire : « Des données sur des Américains d'origine arabe ont été communiquées ». Voici donc le premier extrait :

Des responsables du recensement se sont efforcés de rassurer des groupes de défense des minorités et des droits civils en leur disant que le Bureau du recensement respecte la confidentialité et ne communique pas les noms, les adresses et les autres renseignements personnels qu'il détient à d'autres organes de l'État. Toutefois, certains demeurent sceptiques.

Plus loin, on peut lire que le Bureau du recensement a communiqué des données sur la population au Département de la sécurité intérieure. Des responsables à l'administration centrale du Bureau du recensement ont déclaré que si les gens se mettent à croire que ce genre d'information peut être communiqué, il risque d'en résulter un problème de taille pour le bureau. Voici d'ailleurs un deuxième extrait dans cette veine :

Mais ce qui fait le plus peur aux gens, c'est d'entendre dire que de l'information peut être communiquée par exemple au Bureau des douanes du Département de la sécurité intérieure. Certaines personnes pourraient décider de cesser de participer aux recensements [...]

La confidentialité des données recueillies lors des recensements a une importance primordiale [...]

Plus loin, il est écrit dans l'article :

Des groupes d'Américains d'origine arabe soutiennent que les échanges d'information minent la confiance du public envers le Bureau du recensement.

Voilà qui dit tout.

De guerre lasse, le statisticien en chef du Canada a fini par cesser de s'opposer au maintien de la confidentialité des données recueillies lors des recensements, et c'est compréhensible. Le gouvernement a déposé deux fois un projet de loi pour rompre la promesse. Les avocats du ministère de la Justice ont changé leur fusil d'épaule dans leurs avis juridiques et pensent dorénavant, semble-t-il, que la promesse de maintien de la confidentialité contenue dans la loi pourrait être invalidée par les tribunaux.

Honorables sénateurs, il n'y a pas d'électeurs dans les cimetières. Donc, le ministre Emerson, comme son prédécesseur, a publié un communiqué en faveur de la rupture de la promesse. Le statisticien en chef avait-il le choix? Dans cette situation, le statisticien en chef tente certainement de préserver l'illusion de la crédibilité de la promesse de confidentialité. Il espère que les dispositions contenues dans cet amendement, selon lequel les Canadiens peuvent demander que les recensements futurs ne soient pas divulgués dans leur consentement, encourageront les Canadiens à maintenir leur confiance dans la crédibilité du recensement.

Il rêve en couleurs, honorables sénateurs. Dès que nous établissons que la promesse de confidentialité dépend de la parole de la cuvée actuelle de parlementaires, comment pouvons-nous nous attendre à ce que les Canadiens croient en d'autres fausses promesses?

Les parlementaires doivent veiller à ce que le statisticien en chef ne se soucie pas uniquement de notre image de briseurs de promesses. Il doit se soucier de l'impact de cette rupture sur l'intégrité des données des recensements futurs. Les Canadiens feront-ils preuve d'honnêteté et de bonne volonté si les promesses législatives de confidentialité n'ont aucune valeur?

(1500)

Pour faire une analogie, imaginez quel serait le niveau de crédibilité d'un fonctionnaire du programme de protection des témoins si les parlementaires se mettaient à s'amuser avec le caractère secret et confidentiel de ce programme. De la même façon, n'allons-nous pas à l'encontre du principal outil de politique publique du statisticien en chef, celui de la promesse du respect de la confidentialité?

Il ne fait aucun doute que le Parlement a, en principe, le dernier mot. Nous pouvons briser nos promesses rétroactivement quand bon nous semble. Mais voulons-nous le faire? Je suis issu d'une époque et d'une culture où les promesses étaient sacrées, même celles des politiciens. Madame le sénateur Milne a dit hier qu'elle avait appris que la commissaire à la protection de la vie privée est maintenant en faveur de la rupture de la promesse. Nous devrions tenter de savoir pourquoi elle a adopté ce point de vue.

Le commissaire précédent, par contre, se préoccupait des retombées de ce projet de loi. Contrairement au statisticien en chef, ses préoccupations ne portaient pas sur les conséquences négatives des promesses parlementaires brisées, mais plutôt sur la protection de la vie privée des Canadiens.

Je suis curieux de voir comment la commissaire à la protection de la vie privée peut à la fois protéger la vie privée et se montrer favorable à ce que l'on brise une promesse de confidentialité. Si elle est d'accord pour que des renseignements privés soient divulgués après 92 ans, le serait-elle après 90, 50, voire 20 ans? Où placera-t- elle la ligne de démarcation? Voilà le genre de questions auxquelles notre commissaire doit répondre, si l'information rapportée à madame le sénateur Milne selon laquelle la commissaire est maintenant favorable à la divulgation de ces données est exacte.

Le ministère de la Justice se fiche totalement que nous brisions notre promesse. Son seul intérêt, c'est de veiller à ce que le Parlement adopte des amendements qui exonéreraient le gouvernement de cet abus de confiance.

Cela va de soi, les généalogistes n'ont aucune raison de se préoccuper des répercussions négatives lorsque les parlementaires ne tiennent pas leurs promesses.

C'est donc à nous, parlementaires du Sénat tout autant que de l'autre chambre, d'évaluer les conséquences de la rupture des promesses que nous avons faites aux Canadiens dans nos lois.

Nous nous demandons pourquoi les Canadiens ne font pas confiance aux parlementaires. Ne nous sentirions-nous pas violés si notre médecin se mettait à rendre publics nos dossiers médicaux? Ne nous sentirions-nous pas violés si notre avocat se mettait à ne plus respecter le secret professionnel ou si nos prêtres rompaient le secret du confessionnal? Pourquoi adopterions-nous pour nous-mêmes une norme moins contraignante que celle des médecins, des pères confesseurs et des avocats en matière de confiance? Pourquoi accepterions-nous que notre promesse ne vaut que pour le groupe de sénateurs siégeant actuellement à la Chambre? Comment se fait-il que nos promesses ne valent pas le papier sur lequel elles sont écrites?

La prémisse du projet de loi S-18, c'est que nos renseignements personnels cessent d'être protégés à notre décès, mais ce projet de loi fait bien plus que de briser les promesses faites à des défunts. En 2001, on a compté que 77 000 Canadiens âgés de 92 ans et plus étaient toujours vivants lorsque les résultats de leur recensement ont été divulgués. Qui pis est, ce projet de loi rompt la promesse faite à tous les Canadiens en vie aujourd'hui qui ont jamais rempli un questionnaire de recensement.

Le projet de loi S-18 prévoit que l'on peut refuser de consentir à la divulgation des résultats de futurs recensements. Or, ce refus est sans valeur si nous établissons le principe que les parlementaires peuvent briser rétroactivement des promesses quand bon leur semble et simplement abroger rétroactivement à l'avenir des dispositions relatives au consentement. Autrement, pourquoi voudrions-nous revoir cette disposition pour les recensements à venir, une disposition qui est inscrite dans la loi et qui est proposée dans la trousse que nous a fait parvenir le ministre Emerson?

De plus, les dispositions sur le consentement pour les recensements après 2005 pourraient être très difficiles à administrer. Les renseignements personnels ne seraient versés aux archives après 92 ans qu'avec le consentement de la personne en cause. Cependant, il est typique dans la plupart des foyers qu'une seule personne remplisse le formulaire pour tous, ce qui soulève des questions quant à savoir qui a ou n'a pas donné le consentement de divulguer ces renseignements. La personne qui signe le formulaire le fait au nom des autres.

Les avocats du ministère de la Justice sont maintenant d'avis que les tribunaux pourraient rompre les promesses de confidentialité prévues dans la Loi sur la statistique actuelle. C'est le même groupe d'avocats qui a appuyé la position du gouvernement dans le cas du projet de loi concernant l'aéroport Pearson et qui aurait privé les citoyens de leur droit de se faire entendre devant les tribunaux. C'est le même groupe d'avocats qui a fait corps avec Allan Rock et mené une vendetta politique de huit ans contre l'ancien premier ministre. Leur bilan laisse beaucoup à désirer.

Honorables sénateurs, devrions-nous céder simplement et accepter leur avis, selon lequel les tribunaux peuvent rompre nos promesses parlementaires? Est-ce là l'excuse lamentable que nous offrons pour justifier cet abus de confiance? En notre qualité de parlementaires, sommes-nous disposés à accepter le fait que les juges sont si puissants qu'ils peuvent nous forcer à plier devant eux et à ne pas respecter notre engagement? Sont-ils tellement au-dessus du Parlement que c'est là où nous en sommes arrivés? Allons-nous dire que les juges nous ont forcés à le faire? Selon moi, nous ne devrions pas agir de la sorte.

J'ai lu plus tôt les déclarations de non-divulgation. Elles ne laissent place à aucun doute. Si les avocats du ministère de la Justice laissent maintenant entendre que la loi n'était pas assez claire, corrigeons dès maintenant la situation. Ne nous laissons pas guider par la peur que les tribunaux puissent interpréter erronément le sens de l'expression « non-divulgation » et ne nous mettons pas à trembler devant leur oeil attentif. Si, en tant que parlementaires, nous voulons rompre la promesse faite aux Canadiens, ne blâmons pas les tribunaux. Agissons par conviction.

Pour ceux d'entre vous qui n'ont pas examiné les témoignages entendus au comité lorsque nous avons examiné pour la dernière fois ce projet de loi, permettez-moi de rappeler les observations faites par des spécialistes.

L'ancien commissaire à la protection de la vie privée a déclaré :

S'il est adopté, ce projet de loi violera une promesse que des gouvernements successifs ont faite aux Canadiens et annulera de façon rétroactive les droits existants en matière de protection des renseignements personnels.

Il a ajouté :

Pour les recensements faits après 1918, il n'existe aucune ambiguïté ni incohérence. La Loi de 1918 sur la statistique stipule que les données doivent rester confidentielles. Cette précision est reprise depuis dans toutes les lois sur la statistique.

Voici un autre extrait du témoignage du commissaire à la protection de la vie privée :

La violation de la promesse de confidentialité faite aux Canadiens pourrait miner sérieusement la confiance de la population dans les engagements pris par le gouvernement fédéral. Certains pourront dire que la promesse de confidentialité tient quand même durant 92 ans après le recensement. Toutefois, le reste d'entre nous en doutera peut- être. Si un engagement pris pour toujours risque d'être rompu après 92 ans, qu'est-ce qui empêche qu'il le soit avant 92 ans? Un gouvernement futur ne pourra-t-il pas un jour rompre des promesses après 50, 25 ou 10 ans?

En parlant des Canadiens, le commissaire à la protection de la vie privée a déclaré ceci :

Nous avons toujours été en mesure de leur assurer que le gouvernement s'était engagé à respecter la confidentialité de leurs réponses et que Statistique Canada avait toujours su protéger l'information confidentielle.

Nous ne pourrons plus donner cette assurance si ce projet de loi est adopté tel quel.

Si l'on ne peut pas être sûr que de l'information confidentielle demeurera confidentielle, on mentira. N'est-ce pas ce que vous feriez vous-même? C'est une question de bon sens.

... je soutiens que la protection des renseignements personnels sera la question déterminante de cette décennie.

Permettez-moi de citer le statisticien en chef, qui a déclaré ceci :

En tant que statisticien en chef, est-ce que je préférerais que la confidentialité soit protégée à tout jamais? Oui, bien sûr.

Il a ajouté ceci :

Le compromis va jusque là où on est prêt à aller. Personne ne sait comment la population va réagir. Ce que je sais, cependant, c'est que la confiance est une chose très fragile. Je n'ose pas aller plus loin. Suis-je inquiet? Oui, je le suis.

Honorables sénateurs, je n'invente pas ces observations. Elles figurent dans le compte rendu des délibérations et vous pouvez les vérifier si le coeur vous en dit. Elles sont tirées des témoignages que des professionnels ont présentés au comité lors de la dernière législature. Ce sont là les recommandations et les observations qui ont été faites à ce moment-là.

Où notre mépris de la protection de la vie privée s'arrêtera-t-il? Quels seront les prochains dossiers rendus publics? S'agira-t-il des dossiers concernant les demandes de prêts étudiants, les demandes d'information aux fins de l'immigration ou de l'obtention du statut de réfugié, les prestations d'assurance-emploi, les passeports, les emplois, les demandes de permis d'arme à feu, l'impôt sur le revenu ou le pardon? Où cela s'arrêtera-t-il?

(1510)

Le fait qu'il faille une mesure législative pour rompre la promesse prouve que la promesse a bel et bien été faite, s'il fallait encore des preuves à cet égard. Le gouvernement a besoin de notre approbation. Pour se faire pardonner d'avoir rompu sa promesse, le gouvernement a besoin de la permission du Parlement. Le gouvernement risquerait fort d'être la cible de libelle diffamatoire s'il n'obtenait pas notre permission.

Honorables sénateurs, je peux comprendre que certaines personnes ne partagent pas ma passion pour le respect des promesses, qu'elles soient de nature législative ou autre. De leur point de vue, la divulgation de renseignements privés et confidentiels est peut-être plus importante que le respect de la parole donnée. Toutefois, j'aimerais rappeler aux honorables sénateurs que les données statistiques ne valent que ce que vaut l'information recueillie. Je crains qu'un grand nombre de Canadiens, lorsqu'ils apprendront l'existence de cette mesure législative, ne fourniront pas d'information plus fiable que nos promesses. N'ouvrons-nous pas la porte à de fausses promesses en donnant de fausses garanties? J'exhorte les honorables sénateurs à soigneusement examiner les conséquences d'une telle mesure.

Il est vrai que des pressions bien orchestrées ont été exercées pour obtenir notre appui. Les auteurs de cette mesure sont éloquents et leur engagement est fort. Je le sais pertinemment, car je recueille les commentaires. Je sais également que je suis impopulaire auprès de ce groupe très articulé d'historiens et de généalogistes. De plus, ce projet de loi a suscité peu d'opposition. Je me demande cependant comment les Canadiens réagiront quand ils se rendront vraiment compte de ce qui est en jeu ici. Qu'arrivera-t-il quand les Canadiens apprendront qu'on s'apprête à rompre une promesse faite non seulement à des gens décédés mais aussi à des gens qui sont encore vivants aujourd'hui? Accepteront-ils et pardonneront-ils?

Ce projet de loi n'est pas nécessaire pour permettre à des utilisateurs légitimes d'avoir accès aux données de recensement. On en était arrivé à un compromis qui aurait permis aux familles des personnes décédées et aux historiens responsables d'avoir accès aux données de recensement. Je crois que, hier, il a été mentionné que certaines personnes aimeraient consulter ces dossiers pour savoir s'il y a des antécédents médicaux dans leur famille. Personnellement, j'estime qu'on avait proposé un compromis honorable. Toutefois, il a été carrément rejeté.

La loi actuelle pourrait également reproduire ce qui existe encore au Royaume-Uni et aux États-Unis. Toutefois, les États-Unis et le Royaume-Uni n'ont jamais promis que les données de recensement qu'ils possèdent demeureraient confidentielles pour toujours. Il ressort donc que les gens qui ont signé ces documents savaient exactement à quoi s'en tenir. Par conséquent, la question de la confidentialité ne se pose même pas.

Ces compromis on été rejetés du revers de la main. C'était à prendre ou à laisser et c'est ainsi que le projet de loi actuel a vu le jour. J'exhorte les sénateurs à tenir compte de toutes les conséquences que peut entraîner la modification rétroactive d'une mesure législative. On n'avait pas prévu de « date de péremption » au moment de l'adoption de la Loi sur la statistique. Contrairement au lait, nos promesses ne devraient pas s'aigrir avec le temps. Tenons-nous réellement à participer à cette trahison envers les Canadiens? À titre de parlementaires, pourrions-nous espérer que les Canadiens puissent avoir confiance en notre parole? Je vous laisse en juger.

L'honorable Lorna Milne : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Comeau : Bien sûr.

Le sénateur Milne : Ma question a trait à une lettre que j'ai reçue de M. Fellegi ce matin. Je me demande si le sénateur aimerait que je la lui lise.

Le sénateur Lynch-Staunton : Cela n'est pas une question.

Le sénateur Milne : Ce n'est pas long.

Le sénateur Comeau : Cela n'est pas une question.

Le sénateur Milne : Vous pouvez répondre non.

Le sénateur Comeau : Non. Cela relève du comité. Comme je l'ai dit hier, si M. Fellegi veut faire volte-face ou jeter l'éponge, qu'il le fasse. C'est un fonctionnaire du gouvernement du Canada. Il n'est pas sans savoir d'où vient son chèque de paie à la fin de la semaine. Laissons le comité s'occuper de cela.

Le sénateur Milne : Très bien. Je proposerai donc que ce projet de loi...

L'honorable John Lynch-Staunton : Un instant. J'aimerais proposer l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI DE 2004 POUR LA MISE EN OEUVRE DE CONVENTIONS FISCALES

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Harb, appuyée par l'honorable sénateur Adams, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-17, Loi mettant en oeuvre un accord, des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et le Gabon, l'Irlande, l'Arménie, Oman et l'Azerbaïdjan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale.

L'honorable John Lynch-Staunton : Honorables sénateurs, je n'ai rien à ajouter à ce que disait le sénateur Harb au sujet du contenu du projet de loi. Cette mesure donne suite à la politique de signature de conventions fiscales avec divers pays, ce qui est louable en soi puisque ce genre de convention permet d'éviter la double imposition et d'établir des mécanismes pour empêcher l'évasion fiscale.

Je rappelle à l'honorable sénateur et aux autres que, depuis déjà plusieurs années, certains sénateurs de ce côté-ci ne voient pas d'un bon oeil le fait que des représentants de notre gouvernement traitent avec des pays qui sont davantage connus pour leurs atteintes aux droits de la personne que pour leur protection. Cette question a été soulevée, il y a deux ans, lorsque le Comité des banques a étudié un projet de loi semblable, qui s'intitulait aussi projet de loi S-17; il s'agissait de la dernière convention fiscale dont le Parlement ait été saisi avant le projet de loi actuel. Le secrétaire parlementaire du ministre des Finances avait alors accepté de nous faire part des résultats d'études gouvernementales concernant la situation des droits de la personne dans des pays visés par de futures conventions fiscales. Je regrette beaucoup, et j'espère que c'est aussi le cas de mes collègues, que cette promesse n'ait pas été tenue. Il n'est pas acceptable qu'on tente d'expliquer cette omission en invoquant les changements survenus dans les rangs des secrétaires parlementaires après les élections, car la question est beaucoup trop importante.

J'invite le gouvernement et le président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel le projet de loi sera vraisemblablement renvoyé, à permettre au comité de convoquer des fonctionnaires qui suivent les activités relatives aux droits de la personne sur la scène internationale, afin que le Sénat puisse mieux évaluer la politique qui sanctionne les accords de ce genre avec des pays qui violent les droits fondamentaux.

Je sais que cette question soulève le vieil argument concernant l'opposition entre les intérêts commerciaux et les droits de la personne. Certains soutiendront que c'est comparer des pommes et des oranges. D'autre part, si le Canada, qui est un grand défenseur des droits de la personne dans le monde, accepte de conclure des ententes avec des pays qui ont un bilan abominable, sa bonne foi risque fort d'être remise en question car, en renonçant à certains principes pour des gains commerciaux immédiats, le gouvernement pourrait affaiblir son engagement.

Voilà ce que j'avais à dire, honorables sénateurs. J'espère fortement que les témoins dont je parlais seront appelés à comparaître, afin que nous puissions tirer les choses au clair et, peut-être, démontrer que mes craintes n'étaient pas justifiées.

Le sénateur Robichaud : Le vote!

Son Honneur le Président : Je vais mettre la question aux voix. L'honorable sénateur Harb propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Adams, que le projet de loi soit lu une deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Harb, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

(1520)

[Français]

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867
LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT—DÉCISION DU PRÉSIDENT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Oliver, appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat).—(Décision du Président)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le jeudi 4 novembre dernier, le sénateur Murray a invoqué le Règlement durant le débat en deuxième lecture du projet de loi S-13, présenté par la sénateur Oliver, qui vise à prévoir l'élection du Président et du vice-président du Sénat et à instituer au Sénat une procédure de vote où le Président n'a droit de vote sur une question qu'en cas d'égalité des voix. Sans se montrer catégorique au sujet de sa position, le sénateur Murray a demandé qu'une décision soit rendue pour que l'on sache clairement si le consentement royal est requis pour ce projet de loi.

[Traduction]

Après que le sénateur Kinsella, leader de l'opposition, eut demandé s'il y avait des raisons d'invoquer le Règlement, le sénateur Murray a cité l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 selon lequel le gouverneur général peut, de temps à autre, par instrument sous le grand sceau du Canada, nommer un sénateur comme orateur du Sénat. De l'avis du sénateur Murray, l'élection du Président ferait disparaître une prérogative actuellement exercée par le gouverneur général, qui serait alors transférée au Sénat.

Le sénateur Austin, leader du gouvernement, a ensuite pris la parole pour appuyer la demande de décision à ce sujet. Le sénateur Joyal a alors fait remarquer que, selon une décision rendue antérieurement par le Président à propos d'un rappel au Règlement qui portait sur le besoin éventuel d'obtenir le consentement royal pour un projet de loi, le recours au Règlement n'empêchait pas le débat de se poursuivre, étant donné que le Président n'a pas à rendre de décision avant le vote de troisième lecture. Le sénateur Stratton, leader adjoint de l'opposition, a ensuite appuyé cette position.

Après de brefs échanges au sujet de l'élection du Président à la Chambre des communes, madame le sénateur Cools a aussi parlé des décisions sur le consentement royal qui avaient été rendues récemment au Sénat. Le sénateur Cools a fait valoir que le Président a systématiquement maintenu, dans plusieurs décisions, que le consentement royal peut être octroyé en tout temps pendant la procédure et qu'il ne fallait pas juger un projet de loi comme défectueux ou l'empêcher de progresser sous prétexte que le consentement royal n'avait pas été octroyé à la deuxième lecture. Le sénateur Kinsella a ensuite cité des décisions tirées du recueil des décisions de Présidents de 1994 à 2004 qui ont confirmé ces dires.

[Français]

Une fois les observations présentées, la Présidente intérimaire a convenu de prendre la question en délibéré. J'ai depuis eu le temps de lire les différentes interventions faites au sujet de ce rappel au Règlement, de consulter les autorités pertinentes en matière de procédure et d'examiner les décisions sur le consentement royal qui ont été rendues récemment au Sénat. Je suis maintenant prêt à rendre ma décision.

[Traduction]

La question de savoir si le consentement royal est requis pour ce projet de loi n'est pas nouvelle. Cette question a été soulevée lors des débats sur une version antérieure de ce projet de loi, les 30 septembre et 21 octobre 2003. Cependant, aucune décision n'a été demandée ou rendue à ce moment là.

Le consentement royal est une pratique parlementaire entrée dans nos usages et issue de Westminster. Comme l'indique l'ouvrage de Marleau et Montpetit, La procédure et les usages de la Chambre des communes, à la page 643 :

Repris des pratiques britanniques, le consentement royal [...] fait partie des règles et des usages tacites de la Chambre des communes du Canada. Toute mesure législative qui touche les prérogatives, les revenus héréditaires, les biens ou les intérêts de la Couronne exige le consentement royal, c'est à dire le consentement du gouverneur général en sa qualité de représentant du Souverain.

À la page 708 de la 23e édition de l'ouvrage Parliamentary Practice d'Erskine May, la prérogative royale est définie

[...] comme les pouvoirs qui peuvent être exercés par le Souverain aux fins de l'exécution de ses devoirs constitutionnels [...]

Comme l'a souligné Dicey dans son étude du droit constitutionnel, le gouverneur général a été investi de bon nombre de ces prérogatives.

[Français]

Les autorités, tant canadiennes que britanniques, expliquent de la même manière les conséquences de la non-obtention du consentement royal dans le cas d'un projet de loi pour lequel ce consentement serait nécessaire. À la page 710 de l'ouvrage d'Erskine May, il est écrit que :

Si le consentement de la Reine n'a pas été obtenu ou accordé, la mise aux voix d'un projet de loi à l'étape où le consentement serait nécessaire ne peut être proposé. De même, lorsque l'on a permis, par inadvertance, qu'un projet de loi touchant les intérêts de la Couronne soit lu une troisième fois et adopté sans que le consentement de la Reine ait été octroyé, les délibérations ont été déclarées nulles et non avenues.

[Traduction]

Erskine May explique ensuite que le consentement de la Reine suppose que la Couronne accepte de mettre ses prérogatives ou ses intérêts à la disposition du Parlement aux fins du projet de loi.

Il s'agit là d'un élément de procédure de pure forme. Au Royaume-Uni du moins, il semble que le gouvernement octroie systématiquement le consentement même dans le cas des projets de loi qu'il désapprouve. Comme le précise Erskine May :

il est entendu que l'octroi du consentement ne sous entend pas l'approbation de la Couronne ou de ses conseillers, mais signifie seulement que la Couronne ne souhaite pas que, faute de son consentement, le Parlement ne puisse pas débattre d'un projet de loi.

Comme on l'a mentionné, l'un des objectifs du projet de loi du sénateur Oliver est de modifier l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 en prévoyant l'élection du président du Sénat par scrutin secret. Cela mettrait fin effectivement au pouvoir du gouverneur général de nommer le Président. Il est clair qu'une telle mesure touche la prérogative exercée par le gouverneur général. Par conséquent, j'estime qu'il convient d'obtenir le consentement royal pour ce projet de loi.

Un examen des pratiques du Sénat ayant fait l'objet de décisions rendues récemment à la fois par mon prédécesseur, le regretté sénateur Molgat, et par moi-même montre clairement qu'il n'est pas nécessaire que le consentement royal soit octroyé dans les deux Chambres. En fait, dans la plupart des cas, le consentement a été octroyé à l'autre endroit seulement. Il y a toutefois à ce sujet quelques exceptions dignes de mention, dont l'une étant survenue en 1951 et deux autres plus récemment. Les honorables sénateurs se souviendront que le Sénat a été informé de l'octroi du consentement royal pour le projet de loi C-20, Loi sur la clarté, durant la 2e session de la 36e législature, et le projet de loi S-34, Loi sur la sanction royale, durant la 1re session de la 37e législature. De plus, les décisions rendues au Sénat par le Président montrent que l'obligation d'obtenir le consentement royal n'empêche pas les débats de se poursuivre puisqu'il est seulement nécessaire que le consentement soit octroyé avant l'adoption finale du projet de loi. Je ne vois pas la nécessité de remettre en cause l'une ou l'autre de ces approches.

Pour répondre au point soulevé par l'honorable sénateur Murray, le consentement royal sera effectivement nécessaire. Il n'empêchera pas toutefois la poursuite du débat à l'étape de la deuxième lecture.

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit renvoyé au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour plus ample étude.

L'honorable Lowell Murray : Ne vaudrait-il pas mieux le lire d'abord?

Son Honneur le Président : Oui, j'y reviendrai dans un instant. Si aucun sénateur ne veut intervenir sur le projet de loi, je demande aux honorables sénateurs s'ils sont prêts à se prononcer.

Des voix : Le vote.

Son Honneur le Président : J'en conclus que les honorables sénateurs sont prêts à se prononcer.

L'honorable sénateur Oliver prpose, avec l'appui de l'honorable sénateur Comeau, que ce projet de loi soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Oliver, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

(1530)

[Français]

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Madeleine Plamondon propose : Que le projet de loi S- 19, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel), soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi S-19 vise deux objectifs. Le premier est de revoir le taux d'intérêt usuraire que le Code criminel fixe actuellement à 60 p. 100 depuis 1981. Le deuxième objectif est de modifier la définition du terme « intérêt » au paragraphe 347(2) du Code criminel. À mon sens, il est essentiel de ramener le taux usuraire criminel à un niveau réaliste et de prendre en compte le coût réel assumé par un emprunteur.

Voyons d'abord comment s'est développée dans la société la question des taux d'intérêt, de l'usure et enfin de la législation. Anciennement, l'argent était considéré comme un moyen d'échange et aucun intérêt n'était chargé sur un prêt. Aucune communauté ni aucune culture n'avait recours à cette pratique. Avec le temps, l'intérêt est apparu, a augmenté et est carrément devenu de l'usure.

L'usure, c'est le fait d'exiger un taux excessif par rapport à la norme financière. Une intervention législative est alors devenue nécessaire. Une des premières lois sur l'intérêt et l'usure aurait été adoptée en Angleterre en 1571. Au Canada, c'est en 1777 que la première loi sur l'intérêt est apparue en fixant le taux d'intérêt maximum à 6 p. 100. Cette législation a évolué pour devenir la Loi sur l'intérêt que nous connaissons aujourd'hui.

L'article 2 de la loi actuelle sur l'intérêt reconnaît la liberté de contracter et le droit de convenir du taux d'intérêt que l'on veut. L'article 3 prévoit que si le taux n'est pas indiqué au contrat, le taux maximum est de 5 p. 100.

Je suis d'accord avec la liberté dans les contrats. Toutefois, cette liberté de contracter n'autorise pas à abuser. D'ailleurs, c'est dans cet esprit qu'au XXe siècle, le législateur a agi d'abord en 1906, puis en 1939, et une dernière fois en 1981 afin d'imposer une limite aux abus jugés criminels.

L'intention du législateur de freiner les abus, par sa loi de 1906, est encore d'actualité. C'est cette même intention qui a motivé toutes les mesures ultérieures, en s'adaptant toujours au contexte financier du temps.

[Traduction]

L'intention du législateur de limiter les abus, qui transparaît dans la loi de 1906 et dans les mesures législatives subséquentes, est encore aujourd'hui très pertinente.

[Français]

D'ailleurs, un extrait du préambule de la loi de 1906 nous indique clairement l'objectif recherché pour protéger les emprunteurs inexpérimentés et surtout abusés. On y lit, et je cite :

Considérant que des prêteurs d'argent exigent de certains emprunteurs, en abusant de leur inexpérience ou de leurs besoins, des taux d'intérêts excessifs ; et considérant qu'il importe de contrôler les opérations de ces prêteurs en limitant leurs taux d'intérêt...

C'est le préambule qui donne lieu à la protection des emprunteurs. On le voit, cette loi de 1906 et celles de 1939 et de 1981 vont toutes dans le même sens. Un taux maximum est fixé et les divers coûts assumés par l'emprunteur sont pris en compte afin de le protéger.

Aujourd'hui, en 2004, la situation n'est plus la même qu'en 1981. On se souvient qu'en 1981, le taux d'escompte s'acheminait vers des sommets historiques. Le législateur a décidé alors d'abroger la Loi sur les petits prêts de 1939, qui était devenue désuète. Par la même occasion, il adoptait l'article 305.1, qui est devenu aujourd'hui l'article 347 du Code criminel que je veux faire amender. Cet article fixait à 60 p. 100 le taux usuraire. Il faut comprendre que lors de l'entrée en vigueur de l'article 347, le 1er avril 1981, le taux d'escompte de la Banque du Canada atteignait un niveau exceptionnellement élevé avec un maximum de 21,03 p. 100 en août. Aujourd'hui, le taux est à 2,5 p. 100, exactement le même qu'en 1939. Vous admettrez avec moi que le taux usuraire à 60 p. 100 est vraiment hors proportion aujourd'hui. Il est donc important de le revoir car il favorise les abus.

Les discussions et les témoignages entendus au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, lors de l'examen du projet de loi en 1979 et 1980, nous apprennent que les prêteurs traditionnels ne voulaient plus faire des prêts inférieurs à 1 500 $ parce que c'était non rentable. Le resserrement des critères de crédit avait eu pour effet de pousser les emprunteurs chez des compagnies de finance à hauts taux d'intérêt. En 1981, on a légiféré sur le taux usuraire en vue, bien sûr, d'enrayer les abus et de protéger le consommateur. Mais l'article imposait des balises qui permettaient de poursuivre les criminels et d'éviter les problèmes associés à ce milieu criminel.

Sur cette question de poursuivre les usuriers, le professeur Ziegel en a parlé dans son commentaire sur le projet de loi. On y lit que le taux fut fixé après consultation avec les services de police de Montréal.

Aujourd'hui, alors que l'année 2004 s'achève, on est bien loin du contexte de 1981 et ce, à plusieurs points de vue. L'amendement que je propose à l'article 347 permettra de garder toujours actuelle son application. Ma proposition vise aussi à considérer le coût total réel d'un emprunt. Pour y arriver, il faut que les frais d'assurance payés par l'emprunteur soient inclus dans le calcul d'intérêts car les assurances imposées aux consommateurs sont devenues une composante importante des frais de crédit.

C'est d'ailleurs cette approche qui est utilisée dans les diverses lois au Canada concernant la divulgation à l'emprunteur du coût réel de son emprunt. À ce sujet, l'exemple typique qui vient à l'esprit est le cas d'un citoyen de ma région. Il a contracté un emprunt, en 2002, de 4 468,09 $ sur une période de 48 mois, qui lui coûtera 10 491,36 $. Le taux d'intérêt déclaré au contrat est de 35,99 p. 100, mais en réalité, il est de 50,63 p. 100 lorsque l'on inclut le coût des assurances qu'il a dû contracter et les intérêts payés sur ces assurances. Le taux d'escompte de la Banque du Canada au moment de la signature du contrat était de 3 p. 100.

Il faut absolument que le taux de crédit englobe le coût des assurances. Afin de décrire ce que je veux dire par taux de crédit, je vais utiliser l'exemple du Québec. La Loi de la protection du consommateur décrit le taux de crédit comme étant les frais de crédit qui comprennent aussi une prime d'assurance. Les autres juridictions au Canada considèrent elles aussi les divers frais comme faisant partie du taux de crédit.

(1540)

C'est de cette façon qu'il est le plus logique et le plus normal de considérer le coût pour l'emprunteur. Pour dire simplement les choses et en s'inspirant de la loi de l'Alberta sur ce principe, le coût de crédit est la différence entre la valeur payée par l'emprunteur moins la valeur reçue. En Alberta aussi, dans les divers coûts pris en compte pour calculer la valeur payée, on retrouve celui des assurances.

Jetons maintenant un coup d'œil sur une question connexe, l'endettement des Canadiens. En dépit des taux d'intérêt peu élevés actuellement, on assiste à un accroissement de l'endettement des ménages canadiens. Le ratio d'endettement des ménages serait à son plus élevé, soit autour de 106 p. 100 par rapport à leurs revenus. Dans un appel téléphonique ce matin, un membre d'un groupe de consommateurs de Montréal disait qu'il le situait à 115 p. 100.

Dans une récente étude, l'Institut Vanier de la famille soutient qu'un nombre grandissant de ménages vit au bord du gouffre financier. D'autres études soulignent ce surendettement des Canadiens.

C'est une situation très inquiétante. À mon avis, cela peut devenir désastreux car les taux d'intérêt actuels ne resteront pas au même niveau. Une hausse, même minime, du taux hypothécaire peut conduire des ménages à une catastrophe financière. En effet, si le taux hypothécaire augmente, les versements seront plus élevés, il y aura moins d'argent pour le reste des dépenses et, à partir de ce moment, il y en aura plusieurs qui, arrivés à la limite de leur crédit, se tourneront vers des emprunts à haut taux d'intérêt, leur capacité de remboursement étant déjà étirée à sa limite.

[Traduction]

Malgré les taux d'intérêts actuels dans le secteur financier, l'accès au crédit à un taux raisonnable n'est pas offert à tous.

[Français]

En effet, il faut savoir que les banques sont moins intéressées à accorder des petits prêts. De nombreux consommateurs qui n'ont pas de carte de crédit ni de marge de crédit doivent s'adresser à des compagnies de finance. D'autres recourent à un crédit alternatif à court terme où les intérêts sont très élevés, à la limite des 60 p. 100. Le constat est clair : il faut agir pour protéger les personnes de plus en plus nombreuses qui sont exclues de l'accès au crédit dans les institutions traditionnelles. En disant cela, je dois cependant mentionner une initiative des Caisses Desjardins au Québec. Cette institution financière a instauré un fonds d'entraide, en collaboration avec des groupes de consommateurs, qui fournit la consultation budgétaire et un suivi. Les prêts moyens sont de 548 $, la plupart du temps sans intérêt, avec un taux de remboursement de 92 p. 100, ce qui est excellent pour du financement risqué, selon le chargé d'équipe de Desjardins. On me dit qu'il y aurait des expériences du même genre à Vancouver et à Toronto. Ces initiatives sont louables, mais ne couvrent pas tous les besoins ni toutes les régions du Canada.

En adoptant le projet de loi S-19, nous suivons la trace de nos prédécesseurs, qui étaient préoccupés des abus faits par les prêteurs. Inspirons-nous de leurs actions parce qu'en gardant le statu quo, nous nous rendons complices d'une situation qui est devenue un cancer pour bon nombre de personnes à faible revenu. En plus de l'endettement, il y a un autre phénomène qui témoigne d'une situation malsaine actuellement : il s'agit du nombre important de recours collectifs entrepris dans les dernières années au Canada et visant les hauts taux d'intérêt. Les établissements visés sont les entreprises de crédit alternatif et les entreprises de cartes de crédit des grandes chaînes de magasin.

De tels recours ont été entrepris en Colombie-Britannique, au Québec, en Ontario, à Terre-Neuve et au Labrador. Ces recours dénoncent les coûts exorbitants du crédit. Pourquoi laisser au juge toute la décision alors que l'on sait très bien que le taux de 60 p. 100 est irréaliste? À cause de ce niveau très élevé du taux usuraire, il s'est développé tout un marché de crédit alternatif. De 1994 à 1999, le nombre d'établissements de prêts sur gages est passé, à Montréal, de 50 à 200. Dans le domaine du crédit alternatif, le chef de file au Canada déclarait, dans son rapport annuel de 2003, posséder 290 bureaux répartis dans les provinces et couvrir 60 p. 100 du marché.

En 1997, on apprenait de l'Association des corporations financières de Montréal que ses membres desservaient 1,7 million de clients. Selon une étude menée à Winnipeg, le nombre d'établissements dans le crédit alternatif aux États-Unis serait passé de 2 000 en 1986 à près de 19 000 en 2002. À Winnipeg même selon cette même étude, le nombre d'établissements d'encaissement de chèques et de prêteurs avec remise au jour de la paie est passé de 3 en 2000 à 33 en 2003. Il y avait 33 prêteurs sur gages en 2002 pour 8 750 transactions par mois. Toujours selon cette étude, ce sont les gens les moins fortunés qui font affaire avec les établissements de crédit alternatif.

Comme sénateurs, nous représentons, vous représentez toutes ces régions. Une des conclusions à laquelle arrive le groupe de recherche qui a examiné l'expérience des clients du crédit alternatif au nord de Winnipeg est que les usagers de cette forme de crédit deviennent rapidement plus endettés. Ce n'est pas un service à cause des hauts taux et des frais exigés. On ajoute que cet endettement conduit l'usager à entrer dans une spirale de dettes et de pauvreté d'où il ne peut s'échapper. Maintenir le taux usuraire au niveau actuel invite de tels établissements à aller à la limite des dispositions du Code criminel.

Afin de se donner des points de comparaison, examinons à quel niveau se situe le taux usuraire dans d'autres juridictions. Cette comparaison est un autre argument qui me convainc de la justesse de ma proposition. Je vous mentionne qu'en Californie, le taux pour les emprunts personnels ne peut pas dépasser 10 p. 100. En Floride, le taux est de 18 p. 100, au Texas, de 18 à 28 p. 100, selon la catégorie de l'emprunt, à New York, le taux usuraire est de 16 p. 100 au civil et de 25 p. 100 au criminel. Vous voyez qu'avec nos 60 p. 100, on est très loin de ces exemples. Du côté des Européens, c'est la même chose. Le Canada supporte aussi mal la comparaison. En France, le taux est de 20, 85 p. 100 pour un petit prêt, en Italie, de 19,28 p. 100, en Allemagne, de 17,4 p. 100.

En conclusion, il faut garder au Canada la liberté dans les contrats mais protéger les consommateurs contre les abus. Il faut une réglementation qui s'adapte au contexte financier actuel, c'est-à-dire toujours le même écart de 35 p. 100 entre le taux d'escompte de la Banque du Canada et le taux criminel. De cette façon, quelles que soient les fluctuations du taux d'escompte, la situation reste équitable pour tous.

Nous tenons compte du malaise grandissant au Canada, des recours collectifs qui dénotent un ras-le-bol des taux perçus comme usuraires, des lois provinciales qui incluent tous les frais que doit débourser le consommateur pour obtenir son prêt, des décisions des tribunaux, de l'endettement des Canadiens, de l'agressivité de la publicité sur le crédit et de la croissance fulgurante des établissements de crédit alternatif. D'ailleurs, le gouvernement fédéral a légiféré en 2001 sur le taux d'emprunt en vertu de la Loi sur les banques et il a prévu la divulgation des coûts d'assurance.

Le temps est maintenant venu non seulement de divulguer mais aussi d'inclure ces coûts dans le taux d'intérêt. Il y a 23 ans que l'article 347 du Code criminel n'a pas été révisé. Le temps est venu. Le Sénat est là pour être le porte-parole des sans voix. Est-ce que nous serons à la hauteur des milliers de personnes qui comptent sur nous, qui comptent sur vous?

(1550)

[Traduction]

ÉNERGIE, ENVIRONNEMENT ET RESSOURCES NATURELLES

BUDGET ET AUTORISATION D'EMBAUCHER DU PERSONNEL—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (budget—étude sur de nouvelles questions concernant son mandat et pouvoir d'embaucher du personnel), présenté au Sénat le 4 novembre 2004.—(L'honorable sénateur Banks).

L'honorable Tommy Banks propose : Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'HONORABLE RICHARD H. KROFT, C.M.

HOMMAGES—INTERPELLATION

L'honorable Tommy Banks : J'attire l'attention des honorables sénateurs sur un grand absent, l'honorable Richard Kroft, qui nous a quittés. Lorsque j'ai été nommé au Sénat, c'est comme si on m'avait jeté dans une mer tumultueuse et qu'on m'avait dit de nager. C'est l'impression que j'ai eue pendant longtemps, jusqu'à ce que j'entende une voix s'élever et venir tout éclairer, même pour moi à mes débuts. Les interventions de Richard Kroft m'ont toujours semblé très sensées, sur tous les sujets.

Plus tard, à mesure que j'acquérais de nouvelles connaissances, mais jamais une compréhension parfaite des procédures dans cet endroit, j'ai commencé à savoir naviguer. Il me semblait que les autres s'agitaient et se débattaient dans l'eau, avançant péniblement ou faisant du sur-place, non seulement dans cet endroit, mais aussi au sein des caucus et des comités. Puis, la même voix s'élevait. C'était une voix posée et assurée, une voix qui exprimait un raisonnement vigilant. Alors, la question qui se posait, les options qui s'offraient et l'orientation à prendre devenaient d'une clarté cristalline, je crois, pour tous les sénateurs.

J'en suis venu à me fier à cette voix et aux propos toujours affables de l'homme qui la possédait. Depuis septembre, cette voix me manque. Elle ne retentit plus dans cet endroit, mais elle est survivra dans nos mémoires, Richard.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai d'abord connu Richard Kroft à Ottawa, il y a près de 40 ans, en 1965, quand je suis devenu l'adjoint de direction de John Turner. Celui-ci était alors le ministre le moins gradé du gouvernement Pearson. Richard, lui, était le noble adjoint de direction de l'honorable Mitchell Sharp, alors ministre des Finances puissant et de premier plan. À cette époque, Richard — que l'on appelait toujours par son nom et jamais par un diminutif — était toujours élégant et affable. Il avait à la bouche une belle pipe, ce qui était autorisé dans les salles du Parlement à ce moment-là, et portait d'impeccables vestes coupées à l'anglaise. Il parlait d'une voix sobre et mesurée, avec des accents qui auraient bien pu être ceux de l'avocat d'un ministre mandarin. Toujours débonnaire, Richard provenait d'une famille très distinguée de Winnipeg, son père et sa mère y occupant des places en vue dans l'establishment libéral de cette ville. Sa famille comptait de multiples talents. Pour ma part, j'étais plutôt inexpérimenté, impatient, activiste politique provenant des rues de Toronto, toujours pressé de changer le monde. En dépit de nos différences de méthodes, nous avons toujours partagé un objectif politique commun, celui de propager les politiques et principes du Parti libéral, et c'est ainsi que nous sommes vite devenus amis et confidents.

Tandis que Richard était loyal au cercle Sharpe-Chrétien, je me suis successivement joint à l'équipe de Keith Davey, au clan Turner, puis à la tribu Trudeau. Lorsque Richard a finalement été nommé sénateur par M. Chrétien, il y a 6 ans, je lui ai demandé pourquoi il avait mis tant de temps. Il a vite rattrapé le temps perdu. Il a vite gravi les rangs au Sénat jusqu'à présider le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, poste que j'occupe aujourd'hui. Même si nous avons été en désaccord de temps en temps sur certaines mesures, notamment sur le rôle du Sénat au sujet du projet de loi sur la clarté, Richard s'est toujours montré judicieux et gracieux dans toutes ses opinions.

Ses sages conseils vont nous manquer, mais nous pouvons nous consoler en songeant que, maintenant qu'il est libéré des travaux du Sénat, il pourra à l'avenir s'exprimer librement et avec aplomb sur les intérêts bien compris du Canada, comme il l'a toujours fait de façon si adroite dans le passé.

Je lui souhaite un bon retour dans les bras de son épouse, Hillaine, vers sa famille merveilleuse et talentueuse, ainsi que vers le calme d'une vie privée paisible. Je suis convaincu que nous continuerons d'entendre les sages paroles de Richard.

Enfin, honorables sénateurs, je dois avouer ce sombre secret que je partage avec Richard, c'est-à-dire notre amour commun pour Winnipeg. Ma belle-fille, la mère de mes trois petits-fils, est née et a grandi à Winnipeg. J'ai pu constater que le vent et le froid de Portage et Main ont intensifié la chaleur du coeur de tous les habitants de Winnipeg. Nous sommes reconnaissants de pouvoir partager l'amitié chaleureuse de Richard.

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots d'adieux à notre ami et collègue, Richard Kroft. Richard s'est joint au Sénat en 1998 et s'est distingué pendant la durée de son mandat par sa capacité de compréhension pragmatique des dossiers publics dont nous sommes tous saisis en exerçant ces fonctions. Le Sénat est une institution qui, de par sa nature même, doit faire face à la rotation constante de ses membres. Richard Kroft a passé six ans au Sénat et, pendant ces années, il a apporté une contribution remarquable au bien-être de notre institution et, bien entendu, à celui du Canada tout entier.

Au Sénat, il a beaucoup contribué aux dossiers du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. J'ai eu la chance et le privilège de faire partie de ce comité avec lui et d'entendre ses opinions sur la régie des sociétés et l'éthique. En écoutant le sénateur Kroft s'exprimer au sujet d'Enron et d'autres questions concernant l'éthique des sociétés, j'ai pu mieux comprendre les questions auxquelles les entreprises d'aujourd'hui font face. Sa compréhension des dossiers lui venait sûrement des nombreuses années qu'il a passées dans les conseils d'administration de sociétés, à la direction de fonds de placement et à la présidence de nombreuses associations. Je trouve dommage que le Sénat perde une personne qui possède un tel bagage. À mon avis, le rôle du Sénat consiste à enrichir les débats sur les politiques publiques grâce à des observations et des attitudes de personnes comme Richard Kroft.

Nous sommes tous au courant des nombreux rôles que le sénateur Kroft a joués au fil des ans dans le domaine du service au public, notamment en ce qui concerne la Jewish Foundation of Manitoba, le Royal Winnipeg Ballet, l'Université du Manitoba, les Jeux panaméricains et même les Jets de Winnipeg. Il semblerait qu'après son bref séjour au Sénat, il se consacrera à nouveau à ces activités communautaires importantes. Nous lui souhaitons la meilleure des chances.

Richard, nous vous offrons, ainsi qu'à Hillaine et à votre famille, nos meilleurs voeux.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme c'est mercredi, nous sommes assujettis à un ordre du Sénat m'obligeant à quitter le fauteuil à 16 heures si le Sénat n'a pas encore ajourné à ce moment-là. Le nom d'un autre sénateur figure sur ma liste, sous la rubrique Interpellations. Vous plaît-il de ne pas voir l'heure le temps d'une autre intervention?

Des voix : D'accord.

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, je prends la parole pour dire au revoir à quelqu'un que j'admire depuis de nombreuses années. Le sénateur Grafstein, d'autres sénateurs et moi-même sommes arrivés sur la Colline du Parlement il y a des décennies. Je me souviens de l'époque où nous étions tous jeunes et enthousiastes. Je me souviens que Richard servait avec discrétion, attention et beaucoup de compétence les ministres de gouvernements précédents. Quoi qu'il en soit, je ne connaissais pas vraiment Richard personnellement et comme ami jusqu'à ce qu'il soit nommé à cet endroit il y a environ six ans. Le sénateur Spivak a signalé aujourd'hui qu'il a été l'incarnation même de l'élégance et de la classe à Winnipeg, ce qu'il a certainement été également, ici, au Sénat, de même qu'à Ottawa.

(1600)

Là où Richard m'a vraiment émue, c'est lorsqu'il a prononcé son premier discours au Sénat. Comme je suis moi-même une Canadienne de l'Ouest, j'ai vu dans son discours le genre de chose que les élèves devraient lire à l'école. Il est venu ici avec les intentions qui nous animent tous, parce que nous voulons faire notre part et que nous sommes honorés d'avoir été invités à le faire. Cependant, il est venu ici pour une autre raison également, parce que, à titre de Canadien vivant à l'ouest de l'Ontario, il avait un désir profond, pour ne pas dire qu'il se sentait investi d'une mission, d'aider les Canadiens à mieux comprendre cette région que nous appelons l'ouest du Canada.

Comme Son Honneur le sait, ce serait plutôt moi qu'on pourrait voir porter un stetson et des bottes, mais le sénateur Kroft a réussi à faire passer son message de bien des façons qui ont peut-être été sous-estimées. Il est certain que, du simple fait de sa présence ici, il a montré qu'il était un homme de valeur et intelligent, engagé envers son pays et sa région.

Honorables sénateurs, j'aimerais revenir au premier discours du sénateur Kroft, chose assez étonnante, il l'a prononcé tout juste avant la semaine de la coupe Grey, en 1998, et nous sommes justement à la même époque de l'année. Dans son discours il a évoqué l'esprit de convergence qui caractérise le sport, un divertissement qui inspire une grande fierté au pays, mais il l'a fait dans l'esprit de l'unification du pays, thème qui lui était cher, tout particulièrement au cours de ce week-end durant lequel son coin de pays était le point de convergence du Canada. Le sénateur se disait convaincu de l'importance du Manitoba et de la ville de Winnipeg, de leur rôle central par rapport à la notion du pays canadien. Il a déclaré ce qui suit :

Nous faisons naturellement partie des deux moitiés de notre pays. Nous vivons à la lisière des grandes prairies de l'Ouest et nous allons en vacances là où le Bouclier canadien dépasse de la frontière de l'Ontario jusqu'au Manitoba. Nos langues et nos cultures anglaises et françaises se côtoient sans peine et nous enrichissent tous.

C'est l'esprit qui l'animait en venant ici, et il me semble qu'il l'incarnait mieux que quiconque. Il a bien servi les Comités des banques, du Règlement et de la régie interne du Sénat mais, pour moi, il a surtout représenté durant son séjour au Sénat du Canada la fierté et la valeur de l'Ouest, de la province du Manitoba et de la ville de Winnipeg. Nous l'en remercions tous et nous souhaitons tous que sa prochaine carrière le comble là où il sera, à l'endroit qui lui est cher, auprès de sa merveilleuse épouse Hillaine et de sa famille.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 18 novembre 2004, à 13 h 30.)


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