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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 56

Le jeudi 5 mai 2005
L'honorable Daniel Hays, Président


 

 

LE SÉNAT

Le jeudi 5 mai 2005

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE JOUR DE LA VICTOIRE EN EUROPE

LE SOIXANTIÈME ANNIVERSAIRE

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, les déclarations d'aujourd'hui porteront principalement sur le soixantième anniversaire du Jour de la Victoire en Europe.

Honorables sénateurs, comme nous le savons tous, l'année 2005 est l'Année des anciens combattants. Le Sénat du Canada voue depuis longtemps un intérêt tout à fait spécial aux anciens combattants et leur accorde tout son appui. Tous les jours, les tableaux qui sont accrochés aux murs du Sénat et qui décrivent certains aspects de la vie et de la mort en temps de guerre viennent nous rappeler les coûts réels des guerres.

Le Sénat a toujours défendu les intérêts des anciens combattants, même au cours de ces longues périodes où le public en général les avait presque oubliés. Il faut souvent rappeler aux Canadiens que si le Canada est un royaume pacifique, les Canadiens ont toujours été les premiers à répondre à l'appel de la guerre.

À l'instar de bon nombre d'autres Canadiens, je reconnais avec beaucoup de gratitude le travail de tous les sénateurs d'hier et d'aujourd'hui pour défendre les intérêts de nos anciens combattants.

Des célébrations auront lieu dimanche prochain, le 8 mai, en plusieurs endroits du Canada et du Royaume des Pays-Bas, pour marquer le soixantième anniversaire du Jour de la Victoire en Europe. Bon nombre d'entre nous se souviennent de ce jour de 1945 où nous avons tous senti que le monde venait de changer. Nous pouvions croire à un avenir de liberté et de prospérité pour nous et surtout pour tous les Européens qui ont enduré des souffrances que nous n'avons jamais connues dans notre pays.

Nous savons qu'il n'y a pas de fin à la lutte pour la liberté et la prospérité dans le monde. Le Canada a toujours participé activement à la défense des droits de la personne et nous espérons que les Canadiens des générations à venir continueront de jouer un rôle de premier plan dans cette lutte planétaire.

Cette semaine, nous nous penchons sur la contribution que les Canadiens et les Canadiennes qui nous ont précédés ont apportée dans notre vie de tous les jours et nous rappelons les traces indélébiles qu'ils ont laissées dans l'histoire du monde. Il y a des endroits de notre grand pays où l'on ne peut parcourir plus de quelques milles sans apercevoir un monument à la mémoire des combattants locaux qui sont morts au combat.

Les monuments de guerre de nos grandes villes sont spectaculaires et impressionnants, mais c'est dans les petites collectivités rurales que l'importance du sacrifice paraît le plus. La perte de cinq ou dix hommes et femmes peut changer le cours de l'histoire d'une petite collectivité. Le paysage du Canada a été transformé à jamais par les pertes que nous avons subies pendant nos campagnes militaires. Nous nous souvenons de leur sacrifice et nous célébrons l'héritage qu'ils ont laissé partout en Europe et dans le monde.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ce dimanche, le 8 mai, marquera le 60e anniversaire du Jour de la Victoire, comme l'a dit le sénateur Austin. C'est le jour où l'Europe a crié victoire, un jour gravé à jamais dans l'esprit et dans le coeur des survivants.

C'est à l'occasion du jour du Souvenir que nous pleurons la perte de quelque 45 000 Canadiens morts pendant la Seconde Guerre mondiale. Par contre, le jour de la Victoire en Europe est un jour de célébration. C'est l'occasion de célébrer la fin de la guerre en Europe et marque le jour où la capitulation sans condition de l'Allemagne, signée à Reims le 7 mai, a été ratifiée à Berlin.

À cette époque de l'année, lorsque je m'approche de la Cité parlementaire, les tulipes me rappellent que nos pertes sont toujours comprises et appréciées. Le Canada, en tant que nation, a fait un énorme sacrifice. Toutes les personnes qui ont pris part à la guerre ont fait un énorme sacrifice, mais les tulipes nous rappellent les résultats positifs de toute cette dévastation. Notre pays s'est enrichi d'un ami fidèle, les Pays-Bas, une nation qui rend toujours hommage à ceux qui sont venus à leur secours et qui ont apporté avec eux la liberté. Les Canadiens qui voyagent en Europe se sentent toujours les bienvenus en Hollande.

Il est particulièrement approprié que ce soit en Hollande que les anciens combattants et leurs descendants se réunissent, en cet important 60e anniversaire. Ils sont là pour se remémorer les moments périlleux qui ont précédé le jour de la Victoire en Europe et pour célébrer la fin de cette horrible tragédie qu'a été la guerre en Europe.

(1340)

Même aujourd'hui, 60 ans plus tard, les souvenirs de cette époque douce-amère font monter les larmes aux yeux des anciens combattants. Les récits poignants sont toujours abondants, et bon nombre sont relatés à la faveur de ces rencontres. Avec le passage du temps, le nombre d'anciens combattants qui peuvent raconter leur propre expérience diminue; il est donc d'autant plus important que nous les écoutions évoquer leurs souvenirs. À mon avis, aucun ancien combattant ne voudrait que ses enfants, ses petits-enfants ou ses arrière-petits-enfants vivent eux- mêmes ce qu'il a vécu.

Les plus chanceux parmi les survivants ont pu reprendre leur vie comme avant. Certains sont rentrés chez eux et ont embrassé leurs enfants pour la première fois. Certains sont revenus avec une nouvelle épouse et une nouvelle famille. Bon nombre n'ont pas eu cette chance.

En ce jour, rappelons-nous à la fois le bon et le mauvais. Rappelons-nous non seulement ce qui s'est passé, mais aussi ce qui aurait pu se passer si nous avions été moins vigilants. Souvenons- nous et admirons les tulipes.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de donner la parole au sénateur Day, conformément au paragraphe 22(7) du Règlement, j'informe le Sénat que j'ai reçu de madame le sénateur Losier-Cool, whip en chef du gouvernement au Sénat, une lettre demandant que la période des déclarations de sénateurs soit prolongée de 15 minutes aujourd'hui.

Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Français]

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je suis honoré de pouvoir participer à l'hommage rendu aux hommes et aux femmes qui ont sacrifié ou perdu leur vie au nom de la liberté. Nous avons retrouvé une partie de cette liberté il y a 60 ans, ce jour même, le 5 mai 1945, lorsque les forces allemandes aux Pays-Bas ont capitulé en masse aux Forces canadiennes.

[Traduction]

Un autre événement important est survenu tôt dans la matinée du lundi 7 mai 1945, quand les représentants de l'armée allemande ont déposé les armes sans conditions. Les opérations militaires alliées ont presque immédiatement cessé après la signature de l'acte de capitulation et, le 8 mai 1945, on célébrait le Jour de la Victoire en Europe partout au Canada et dans les pays alliés. C'était il y a 60 ans.

En reconnaissance des efforts qui ont permis de déclarer la paix, dans un premier temps le 8 mai, puis, à la fin des hostilités avec le Japon, le 15 août 1945, la ministre des Anciens combattants, l'honorable Albina Guarnieri, a déclaré que 2005 serait l' « Année des Anciens combattants ».

Un certain nombre d'événements seront organisés durant toute l'année afin de rendre hommage à nos anciens combattants, mais les événements de cette semaine revêtent un caractère très spécial : ils nous invitent à prendre le temps d'apprécier la paix, à ne pas oublier qu'une fois la paix perdue il en coûte beaucoup pour la retrouver et qu'il est donc important que nous fassions notre part pour l'actuel état de paix.

En mai 1940, la Hollande a été balayée par les Nazis en cinq jours seulement. Il aura fallu cinq ans aux Alliés pour reprendre à l'Allemagne nazie les territoires qu'elle avait conquis en cinq jours. L'effort allié pour libérer la Hollande a coûté la vie de plus de 7 600 Canadiens; depuis ce temps, les Hollandais sont immensément reconnaissants envers notre pays.

Le sénateur Meighen, qui préside le Sous-comité des anciens combattants, et certains de nos collègues sont allés en Hollande cette semaine pour aider un grand nombre d'anciens combattants canadiens à commémorer la libération des Pays-Bas.

Nous fêtons aujourd'hui le 60e anniversaire de l'aboutissement de la campagne militaire qui devait libérer l'Europe. Ce week-end, notre premier ministre et les autres chefs des partis politiques fédéraux se joindront à 300 000 Hollandais et Canadiens pour participer à des cérémonies du souvenir dont le temps fort sera un défilé dans les rues d'Apeldoorn, le 8 mai.

Honorables sénateurs, dans un passé récent, j'ai eu l'honneur d'aller visiter, en compagnie de soldats canadiens, le cimetière militaire canadien de Groesbeek, en Hollande, où reposent plus de 3 000 des nôtres. Le monument commémoratif porte l'inscription : « Nous vivons dans le cœur des amis pour lesquels nous sommes morts ».

Les Hollandais n'ont pas oublié le sacrifice des Canadiens et nous ne devons pas l'oublier non plus. Au Canada, à l'occasion de tout ce qu'ils feront pour se rappeler le souvenir de leurs camarades morts, plus de 4 000 anciens combattants assisteront à l'inauguration du nouveau Musée canadien de la guerre en qualité d'invités d'honneur. Ce musée est consacré à l'instruction, à la préservation et à la commémoration de la riche histoire militaire du Canada. Je suis sûr qu'il permettra de mieux faire connaître le rôle que le Canada a joué et continue de jouer pour contribuer au maintien de la paix dans le monde. J'incite les honorables sénateurs à visiter cette nouvelle installation merveilleuse et à prendre le temps d'aller rendre hommage à tous nos anciens combattants.

[Français]

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, alors que nous nous apprêtons à commémorer le Jour de la Victoire en Europe ainsi que le sacrifice consenti par les Canadiens et tous nos alliés, permettez-moi de vous citer les grands titres ayant fait les manchettes en cette journée historique.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le Jour de la Victoire en Europe est arrivé et on souligne l'incroyable sacrifice consenti par les Canadiens et nos alliés. Je voudrais vous donner une idée de cette journée telle que rapportée par les journaux.

Imaginez que vous vous réveillez le lundi 7 mai 1945 et que vous lisez le Toronto Evening Telegram en prenant votre café et votre petit-déjeuner. On pouvait lire en première page :

C'est fini! Les Nazis abandonnent.

Directement sous ce titre, on rendait un hommage bien mérité aux troupes du Commonwealth britannique, et on voyait une photo de notre roi, George VI. La légende sous la photo était la suivante :

Qu'un règne glorieux,Long et victorieuxRende son peuple heureux.Vive le roi!

Ce roi est parti outre-mer peu de temps après le Jour J pour visiter les troupes du Canada et du Commonwealth en prenant de grands risques personnels. C'est un roi dont le domicile avait été bombardé par les Nazis, un roi qui, avec sa reine, avait refusé de quitter Londres pendant les raids aériens allemands en 1940.

Parmi les autres titres, on lisait, de gauche à droite :

À 9 h 36, on a annoncé la reddition des Nazis au QG d'Eisenhower : Plus tôt aujourd'hui, les Allemands ont concédé la victoire — la Norvège s'est rendue, les U-Boats ont cessé leurs activités, tous les autres se sont rendus sans condition, ce qui a mis fin à la plus grande guerre de l'histoire.

On pouvait lire une description de la fin de la guerre en Europe intitulée « Comment la nouvelle de la reddition est arrivée ». Après tout, il n'y avait pas de réseaux de télévision qui diffusaient à l'échelle du globe.

Un autre article était intitulé : « Les ports italiens ouverts aux navires alliés : les navires ennemis de l'Adriatique se rendent — beaucoup de marins sont faits prisonniers ».

L'officier général commandant de la Première Armée canadienne, le général Harry Crerar, racontait son histoire dans un article intitulé « L'avenir du Canada est à vous — Le retour au pays approche » après six ans de guerre.

Juste à côté de cet article plein d'espoir, il y avait d'autres nouvelles de la guerre. Ainsi, on lisait « Hitler a décidé de s'enlever la vie », comme il était dit dans un bulletin de nouvelles diffusé du Japon. Il y avait aussi une rumeur selon laquelle Goebbels avait été trouvé.

Tout à fait à droite de la page, on lisait le titre suivant : « Toronto fête en apprenant la bonne nouvelle, mais la tristesse est de la partie : une des premières réactions est la triste pensée que 35 000 Canadiens ont donné leur vie — Les employés des bureaux paralysent le centre-ville et le bruit des klaxons ajoute au tapage ».

Honorables sénateurs, les nouvelles n'étaient pas toutes réjouissantes, puisque, tristement, le 8 mai, Halifax connaissait le début des émeutes du Jour de la Victoire.

Pour terminer, ce qui n'est pas négligeable, dans un prélude de ce qui devait arriver avec l'apparition du rideau de fer en Europe, on trouvait au bas de la page un court article intitulé « L'annonce officielle est retardée : Staline ne serait pas prêt à faire l'annonce à son peuple».

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Stratton, mais vos trois minutes sont écoulées.

[Français]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, aujourd'hui nous célébrons, 60 ans plus tard, la libération d'un pays qui était sous l'oppression de la dictature et du nazisme. Il y a 60 ans, mon père, l'adjudant Roméo Dallaire, et mon beau-père, le lieutenant-colonel Guy Roberge, ont combattu en Hollande et célébraient, le 5 mai, la libération et la victoire.

(1350)

Un an plus tard, en 1946, je suis né dans le village de Denekamp, en Hollande, d'une mère hollandaise qui venait de Eindhoven, où mes parents s'étaient rencontrés à l'hiver 1944-1945, lorsque l'armée canadienne avait demandé aux Hollandais d'héberger les soldats à cause des intempéries de l'hiver.

[Traduction]

En décembre 1946, nous sommes arrivés au quai 21 à Halifax à bord d'un navire de la Croix-Rouge avec de nombreuses épouses de guerre néerlandaises et leurs enfants et on nous a immédiatement escortés vers un train de la Croix-Rouge qui a traversé le pays en s'arrêtant dans diverses villes et villages, où les jeunes familles descendaient pour s'installer dans notre magnifique pays. En ce qui me concerne, mon père nous attendait à Lévis où une énorme tempête de neige faisait rage et, bien que le train soit en retard, il ne ressentait absolument aucune douleur.

Ma fille est matelot de 1re classe dans la Réserve navale. Aujourd'hui, elle a pris part au défilé des anciens combattants à Apeldoorn, représentant avec fierté ses deux grands-pères qui ont combattu durant cette grande guerre, la Seconde Guerre mondiale, et qui ont participé aux événements qui ont mené à la libération de la Hollande et, en bout de ligne, à la victoire. Elle nous a appelés hier soir, il était 17 h 30 là-bas, pour nous dire qu'ils étaient encore en train de préparer leurs uniformes et qu'ils attendaient avec impatience d'entendre les fascinants récits de guerre dans le cadre des célébrations qui vont avoir lieu ce soir.

Ma belle-famille hollandaise nous a appuyés sans réserve, mon père, moi-même et mes enfants, qui continuent de servir au sein des Forces canadiennes, dans la Force terrestre et dans la Marine. Mon fils aîné, qui est capitaine, va participer au défilé de la garde cet été à Ottawa et je serai bien entendu présent en tant qu'observateur. Mon dernier-né est une recrue dans l'Armée de terre à Saint-Jean-sur- Richelieu.

En 1974, j'ai commandé le contingent canadien qui s'est rendu à la marche annuelle de Nijmegen, qui s'échelonne sur quatre jours et qui consiste à marcher 40 kilomètres par jour afin de commémorer une grande bataille historique qui a eu lieu dans cette région au XVIIe et au XVIIIe siècles. Des forces armées venues de partout aux monde prennent part au défilé et s'arrêtent au cimetière canadien de Groesbeek.

Honorables sénateurs, 2 651 Canadiens sont enterrés à Groesbeek et certains d'entre eux n'avaient que 16 ans lorsqu'ils sont décédés. Ils sont morts pendant les derniers jours de la guerre dans l'offensive en vue de passer le Rhin et d'entrer en Allemagne. De tous temps, les soldats ont rendu hommage à leurs compagnons tombés au combat. Les militaires sont tout à fait conscients des risques illimités auxquels ils s'exposent lorsqu'ils s'engagent à servir leur pays, et que leur pays les envoie en mission partout dans le monde.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Dallaire, j'ai le regret de vous informer que vos trois minutes sont écoulées.

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, le 8 mai 1945 est le Jour de la Victoire en Europe. C'est le jour où le gouvernement nazi de l'amiral Karl Dönitz est tombé en Europe.

Il y a 60 ans, l'une des époques les plus brutales de l'histoire moderne, celle de l'Allemagne nazie, a finalement pris fin. L'Armée canadienne, la Marine royale du Canada et l'Aviation royale du Canada ont joué un rôle crucial dans les événements qui ont mis fin à la tyrannie d'Hitler en Europe et à la menace qu'il faisait peser sur le monde civilisé.

La Marine royale du Canada, la troisième en importance dans le monde, a fait disparaître la menace que les sous-marins allemands faisaient peser sur la navigation maritime. La Marine royale du Canada était une force impressionnante composée de porte-avions d'escorte, de croiseurs, de destroyers, de frégates, de corvettes et de petits navires, soit au total plus de 900 bâtiments, dont 375 navires de combat qui ont forcé les Nazis à desserrer leur emprise sur l'océan Atlantique, le long des côtes de la Grande-Bretagne et des États-Unis.

La contribution du Canada à la bataille de l'Atlantique, qui devait être remportée avant de pouvoir espérer une victoire en Europe, a été si grande qu'un éminent canadien, l'amiral L.W. Murray, a été nommé commandant en chef de toute les forces navales alliées dans l'Atlantique Nord-Ouest canadien, le seul Canadien à assumer un commandement stratégique aussi important en temps de guerre.

La Première armée canadienne, la plus importante force de campagne jamais envoyée à l'étranger par le Canada, a participé, sur une période de six ans, à la libération de la Sicile et de la « botte italienne », au débarquement en Normandie et à la campagne dans le Nord-Ouest de l'Europe qui a abouti notamment à la libération des Pays-Bas. La Première armée canadienne, composée de trois divisions d'infanterie, de deux divisions blindées et de deux brigades blindées indépendantes, a enfoncé les lignes de défense des troupes nazies et a forcé les Allemands à se replier sur l'Allemagne, ce qui a permis de libérer les Néerlandais et de les sauver de la faim.

L'Aviation royale du Canada, la quatrième en importance à la fin de la Seconde Guerre mondiale, a donné à nos forces maritimes et terrestres la liberté stratégique de mouvement qui a permis de remporter la guerre en Europe.

Malheureusement, pour de nombreuses familles au Canada, la victoire en Europe a exigé d'énormes sacrifices. La bataille de l'Atlantique a coûté au Canada 24 navires et 2 024 hommes. Durant la bataille de Sicile, 562 soldats canadiens ont été tués et 2 258 ont été blessés. Quelque 92 757 soldats canadiens ont servi en Italie après l'effondrement des troupes allemandes en Sicile et les pertes canadiennes ont été de 25 p. 100. Il fallait être courageux pour être là : 5 399 soldats ont été tués au combat, 365 sont morts d'autres causes, 1 004 ont été capturés et 19 486 ont été blessés. Durant le débarquement en Normandie et la campagne dans le Nord-Ouest de l'Europe, il y a eu du côté canadien 44 339 victimes, dont 11 336 soldats et officiers tués. Enfin, le célèbre Groupe de bombardement no 6 du Canada a effectué 41 000 missions au-dessus de l'Europe, a largué 126 000 tonnes de bombes et a perdu 814 appareils et 3 500 membres d'équipage tués au combat.

Aujourd'hui, nous honorons la bravoure de nos forces militaires, ainsi que celle de nos alliés, et nous célébrons la victoire finale en Europe.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, les mots qui figurent sur les monuments que les honorables sénateurs ont mentionnés sont presque toujours « Nous nous souviendrons », mais il nous arrive d'oublier. En fait, la première chose que l'on oublie dans un pays épris de paix comme le nôtre, qui n'a pas d'ambitions colonialistes et ne se montre pas belliqueux, c'est que lorsque les choses vont mal, comme il arrive parfois, une seule chose empêche la perte de notre bien le plus précieux, notre droit à l'autodétermination.

Dans l'épreuve, nous avons tendance à croire que ce droit est dans la nature des choses, que nous le tenons de droit divin et qu'il nous appartient en propre. En réalité, il n'est pas à nous. Il nous a été prêté dans les conditions les plus précaires. Il a été laissé chez nous à titre d'emprunt, sur lequel il n'y aura jamais de dernier versement. Il n'y a que le versement le plus récent.

Les versements effectués ne sont pas déterminés d'une façon nette et précise. Leur taille et leur nature ne sont pas fixées d'avance. Les événements que nous commémorons cette semaine ont fait partie de la série qui a mis un terme une partie au moins du plus grand, du plus lourd, du plus difficile et du plus onéreux de ces versements.

Dans ce conflit, des centaines de milliers de Canadiens se sont mis dans une situation de danger mortel, en étant tout à fait conscients de ce qu'ils faisaient, parce qu'ils voulaient faire face aux forces les plus formidables que le monde ait jamais connues, des forces absolument déterminées, parce qu'elles étaient dirigées par l'essence même du mal, à détruire une large part de ce que nous appelons la civilisation occidentale. Ils ne l'ont pas fait par naïveté car la Grande Guerre n'avait précédé celle-ci que d'une vingtaine d'années. Ils savaient parfaitement ce qu'ils faisaient. Ils étaient conscients de ce qu'il leur fallait affronter, et ils l'ont fait.

C'est à ces centaines de milliers de Canadiens, et particulièrement ceux qui ont donné leur vie, mais aussi ceux qui étaient disposés à mourir, que nous devons d'être ici aujourd'hui en train de parler les langues que nous parlons, de dire les choses que nous disons, de prendre les décisions que nous prenons et de parcourir le pays en toute liberté pour le faire. C'est envers ces centaines de milliers de Canadiens, tous ceux qui sont partis avant, tous ceux qui servent aujourd'hui et tous ceux qui viendront demain, que nous avons une énorme dette de gratitude, que tous nos remerciements ne suffiront pas à rembourser.

(1400)

Des voix : Bravo!

L'honorable W. David Angus : Honorables sénateurs, comme nous le savons tous, le 8 mai est le 60e anniversaire de la victoire en Europe du Canada et de nos alliés. Aujourd'hui, dans beaucoup d'endroits du monde, des cérémonies ont eu lieu et des gens se souviennent, comme le sénateur Banks l'a si bien dit. Il est difficile pour nous d'imaginer ce qu'ont éprouvé tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont eu l'occasion de ressentir l'émotion de la fin de la guerre en Europe et de la célébrer en personne. Ces jeunes hommes et jeunes femmes du Canada avaient laissé leur foyer et leur famille pour défendre les merveilleuses valeurs fondamentales que nous chérissons tous.

Nos militaires ne sont pas allés à la guerre pour obtenir du pouvoir, de l'influence ou des territoires. Nos soldats sont allés outre-mer pour une raison complètement différente. Les Canadiens ont participé à la Seconde Guerre mondiale pour empêcher des nations belliqueuses et mal avisées de miner les fondements de notre style de vie, en l'occurrence la liberté, la justice et la paix. Ces soldats venaient d'un peut partout au Canada et de toutes les couches sociales. Parmi eux se trouvaient des enseignants, des agriculteurs, des musiciens, des hommes d'affaires et des professionnels, pour ne mentionner que quelques-unes des activités qu'exerçaient nos vaillants soldats. En dépit de leurs antécédents différents, ces Canadiens se sont serré les coudes dans l'adversité. Ils ont risqué leur vie outre-mer parce qu'ils partageaient un but commun — le maintien de la liberté, de la justice et de la paix.

C'est le 8 mai 1945 que la guerre a pris fin en Europe. Après plusieurs années de persévérance et de sacrifices, les vaillantes forces alliées avaient enfin gagné la guerre. Les hostilités étaient terminées et les alliés étaient victorieux. La guerre était finie et ces hommes et ces femmes qui avaient si honorablement servi la nation pouvaient rentrer chez eux et célébrer la victoire avec leurs proches et leurs concitoyens canadiens.

Soixante ans plus tard, en 2005, nous célébrons encore cette remarquable victoire et nous espérons que, dans 60 ans d'ici, nous ferons encore de même avec autant si ce n'est davantage d'enthousiasme. Aujourd'hui, certains soutiennent que nous tenons la liberté pour acquis. Comme la liberté fait partie de notre quotidien, les gens ont peut-être tendance à oublier que sans la bravoure et de l'héroïsme de nos soldats au cours de la Seconde Guerre mondiale, nous ne jouirions pas aujourd'hui des libertés fondamentales que nous avons. Nous nous enorgueillissons du fait que les Canadiens continuent, dans les missions du Canada à l'étranger, à défendre ces libertés qui nous tiennent à coeur.

Honorables sénateurs, n'oublions jamais ceux qui ont si bravement défendu nos valeurs sur les champs de bataille européens et ceux qui continuent la noble quête de liberté, de justice et de paix

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, à l'occasion de l'anniversaire de la victoire en Europe, nous rendons hommage aux hommes et aux femmes qui ont tant contribué à la liberté et à la sécurité du Canada. Au terme des six années de misère et de souffrance mais aussi de courage de la Seconde Guerre mondiale, le Jour de la Victoire en Europe a officiellement marqué la fin de la guerre. Nous nous rappelons de cette occasion avec tristesse, mais aussi avec fierté.

Dimanche dernier, j'ai eu la chance d'assister à une cérémonie commémorative de la bataille de l'Atlantique, qui a duré aussi longtemps que la guerre. Tous les Canadiens ont fourni leur appui pendant la bataille de l'Atlantique, avec courage et dévouement, mais ils ont dû en payer le prix. Quelque 2 000 membres de la Marine royale du Canada ont été tués pendant la bataille et 24 navires ont sombré. Nos marins marchands ont également subi de lourdes pertes, environ 16 000 d'entre eux ayant péri en mer pendant la guerre. De plus, 752 membres de l'aviation royale du Canada ont été tués au combat dans le cadre d'opérations maritimes menées contre l'ennemi. Il ne faut pas oublier non plus tous ces autres Canadiens anonymes qui y ont laissé leur vie.

Honorables sénateurs, mon père faisait partie des anciens combattants canadiens. Il a servi comme cadet-premier maître de 1re classe dans la Marine royale du Canada. En fait, lui et ses compagnons de bord ont capturé un sous-marin ennemi au large des côtes de la Nouvelle-Écosse vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. Je n'oublierai jamais ce que mon père me racontait au sujet de la camaraderie et du dévouement qui animaient tous ses compagnons de lutte pour la liberté.

Honorables sénateurs, le Jour de la Victoire en Europe est l'occasion de nous souvenir de ceux qui ont servi afin de protéger le Canada de toutes les menaces. Nous nous remémorons leurs sacrifices avec dignité et, en même temps, nous célébrons leur mémoire. Nous ne les oublierons pas.

[Français]

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, je désire m'associer aux propos de mes collègues pour rendre hommage à plus de 4 000 infirmières militaires qui ont servi au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Au cours de cette guerre, ces héroïnes âgées de 24 à 26 ans ont servi leur pays avec un courage inébranlable. Ces braves femmes, des officiers brevetés, ont contribué à la libération de l'Europe à leur manière. Après leur formation au Canada, plusieurs d'entre elles ont bravé la flotte des sous-marins allemands qui sillonnaient l'Atlantique pour se retrouver dans les champs de combat de Dieppe, de la Sicile, de la péninsule italienne, de l'Afrique du Nord, de la Normandie, de la Belgique et des Pays-Bas. Présentes aussi dans la marine, l'armée de terre et l'aviation, les infirmières militaires se sont dévouées à soigner les soldats blessés et à leur donner un réconfort.

Les unités médicales dont elles faisaient partie se trouvaient souvent dans des postes d'évacuation tout près du front, où elles risquaient à tout moment d'être tuées. Ces infirmières se retrouvaient aussi dans les missions de sauvetage air-mer et dans les unités hospitalières à titre de physiothérapeutes, thérapeutes de travail, diététistes et infirmières visiteuses. Elles étaient à bord des navires, des trains hospitaliers et des vols qui transportaient les blessés à leur destination dans tout le Canada.

Elles sont véritablement devenues des anges de miséricorde. Les anciens combattants n'ont pas oublié ces femmes vêtues d'un uniforme distinctif et d'un voile blanc qu'ils appelaient « ma sœur » ou « Madame ».

Après leur victoire en Europe, le 8 mai 1945, les unités médicales ont été dissoutes et quelques infirmières sont restées en Europe pour s'occuper des militaires et des prisonniers de guerre libérés des camps.

J'adresse également mes hommages aux 50 000 femmes qui ont oeuvré durant la Seconde Guerre mondiale. La qualité de la participation des Forces canadiennes dans ces campagnes militaires est en grande partie tributaire des tâches effectuées par ces femmes, au pays comme à l'étranger. C'est la contribution de toutes ces femmes que j'ai tenu à ajouter aux hommages que nous rendons aujourd'hui à nos valeureux anciens combattants qui, 60 ans après, continuent à nous remplir de fierté.

[Traduction]

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, à l'occasion du 60e anniversaire du Jour de la Victoire en Europe, j'aimerais lire un poème d'un jeune Hollandais, A.P. Speelman. Ce poème, qui émane du comité « Merci Canada », montre bien qu'on n'a pas oublié nos anciens combattants. Voici :

J'ai 17 ans.

Je ne suis né qu'après la guerre.

Je peux aller à l'école.

J'ai une motobécane.

J'ai des parents.

Je n'ai jamais eu faim.

Je ne sais pas ce qu'est la guerre!

Qu'est-ce que la faim?
Qu'est-ce qu'un camp de concentration?
Qu'est-ce qu'une bombe?
Qu'est-ce que la peur?

Je sais que nous sommes libres!

Je sais qui nous a libéré!

Je connais leur sacrifice!

Merci mille fois pour notre liberté!

Chers collègues, je crois que vous serez d'accord avec moi pour dire que ces paroles qui viennent du fond du cœur en disent long sur le sacrifice et la liberté. Nous avons raison d'être fiers d'être Canadiens.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

L'ÉTUDE SUR LES JEUNES AUTOCHTONES VIVANT EN MILIEU URBAIN

RAPPORT DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES—RENVOI AU COMITÉ DE LA RÉPONSE DU GOUVERNEMENT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le mercredi 3 novembre 2004, j'ai l'honneur d'informer le Sénat que la réponse du gouvernement au sixième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain : Plan d'action pour le changement, a été déposée au Sénat le 19 avril 2005. Conformément à l'article 131 du Règlement du Sénat, cette réponse est renvoyée d'office au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

PRÉSENTATION DU DIXIÈME RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable George J. Furey, président du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :

Le jeudi 5 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre Comité recommande que les fonds suivants soient débloqués pour l'année financière 2005-2006 :

Affaires juridiques et constitutionnelles (Législation)  
Services professionnels et autres    45 000 $
Transports et communications    25 320 $
Autres dépenses     2 000 $
Total    72 320 $

(y compris des fonds pour participer à des conférences)

Finances nationales (Législation)  
Services professionnels et autres    42 600 $
Transports et communications    10 000 $
Autres dépenses         500 $
Total    53 100 $

(y compris des fonds pour participer à des conférences)

Respectueusement soumis,

Le président,
GEORGE J. FUREY

Son Honneur le Président : Quand ce rapport sera-t-il étudié?

(Sur la motion du sénateur Furey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

(1410)

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

PRÉSENTATION DU DEUXIÈME RAPPORT DU COMITÉ MIXTE

L'honorable John G. Bryden, coprésident du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, dépose le rapport suivant :

Le jeudi 5 mai 2005

Le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT
(Rapport no 75 — Désaveu)

Aux termes de l'article 19.1(1) de la Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. (1985), chap. S-22, modifiée par le chap. 18 des L.C. (2003), et ayant donné au ministre des Pêches et des Océans l'avis exigé à l'article 19.1(2) de cette loi, le comité mixte adopte une résolution portant abrogation de l'article 36(2) du Règlement de pêche de l'Ontario de 1989, tel qu'il est libellé dans le DORS/89-93.

Le texte de la disposition qui serait abrogée figure à l'appendice A au présent rapport. L'appendice B contient l'avis au ministre des Pêches et des Océans exigé par la loi ainsi que les lettres reçues par la suite des honorables Geoff Regan, C.P., député, et David Ramsay, ministre des Ressources naturelles de l'Ontario. Les raisons pour lesquelles le comité demande l'abrogation sont exposées à l'appendice C.

Selon l'article 19.1(5) de la Loi sur les textes réglementaires, la résolution que comporte ce rapport est réputée adoptée par le Sénat ou la Chambre des communes le quinzième jour de séance suivant la présentation du rapport devant cette chambre, à moins que, avant ce moment, une motion tendant à son rejet n'ait été déposée, par un ministre, auprès du président de cette chambre.

Une copie des Procès-verbaux et témoignages pertinents (Fascicule no 9, première session, trente-huitième législature) est déposée à la Chambre des communes.

Respectueusement soumis,

Le coprésident,
JOHN G. BRYDEN

(Pour l'annexe du rapport, voir les Journaux du Sénat en date d'aujourd'hui, annexe, p.849)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Bryden, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

LE GENERAL SYNOD OF THE ANGLICAN CHURCH OF CANADA

PROJET DE LOI D'INTÉRÊT PRIVÉ—RAPPORT DE COMITÉ

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant :

Le jeudi 5 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son

QUATORZIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi S-25, Loi modifiant la Loi constituant en corporation « The General Synod of the Anglican Church of Canada », a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 23 mars 2005, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
JERAHMIEL S. GRAFSTEIN

ANNEXE

Projet de loi S-25, Loi modifiant la Loi constituant en corporation « The General Synod of the Anglican Church of Canada »

Les observations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce

Certains ont fait valoir que les investissements devraient toujours être faits dans le meilleur intérêt des membres de l'Église anglicane du Canada, et on s'attend à ce que les investisseurs fassent preuve de toute la prudence voulue dans le choix des investissements. Le comité est conscient que la Loi sur les fiducies de l'Ontario devrait être respectée mais attire l'attention sur la règle de prudence énoncée dans la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et la Loi sur les sociétés d'assurance :

La banque (la société) est tenue de se conformer aux principes, normes et procédures que son conseil d'administration a le devoir d'établir sur le modèle de ceux qu'une personne prudente mettrait en oeuvre dans la gestion d'un portefeuille de placements et de prêts afin, d'une part, d'éviter des risques de pertes indus et, d'autre part, d'assurer un juste rendement.

À notre avis, il convient de choisir les investissements en gardant à l'esprit la règle de prudence mentionnée ci-dessus.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Grafstein, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

PROJET DE LOI SUR LA SEMAINE NATIONALE DU DON DE SANG

PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Terry M. Mercer présente le projet de loi S-29, Loi instituant la Semaine nationale du don de sang.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Mercer, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour d'après-demain.)

BANQUES ET COMMERCE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à siéger à 15 h 30, le mercredi 11 mai 2005, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ

AVIS DE MOTION VISANT À APPUYER LA DEMANDE D'OBTENTION DU STATUT D'OBSERVATEUR PRÉSENTÉE PAR LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada d'appuyer la demande d'obtention du statut d'observateur à l'Organisation mondiale de la santé présentée par le gouvernement de Taïwan.


PERIODE DES QUESTIONS

LES RESSOURCES NATURELLES

LA NOUVELLE-ÉCOSSE ET TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR—LE RETRAIT DE L'ENTENTE DE PARTAGE DES RECETTES TIRÉES DU PÉTROLE EXTRACÔTIER DU PROJET DE LOI D'EXÉCUTION DU BUDGET

L'honorable Ethel Cochrane : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur le projet de loi d'exécution du budget de cette année. Quand je lui ai demandé récemment si le gouvernement allait retirer l'Accord atlantique du projet de loi d'exécution du budget, le leader du gouvernement au Sénat a dit :

Je crois savoir que le gouvernement n'a pas l'intention de scinder le projet de loi C-43 de quelque façon que ce soit.

Le sénateur Comeau : Quelle réponse!

Le sénateur Cochrane : La semaine dernière, toutefois, le gouvernement et le NPD ont conclu un accord en vertu duquel ont été ajoutés au budget 4,6 milliards de dollars de dépenses et ont été annulées les réductions d'impôt sur le revenu des grandes sociétés. Si le gouvernement a l'intention de maintenir cet accord, il devra enlever les réductions d'impôt du projet de loi.

Ma question, qui s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, est la suivante : compte tenu de ces faits nouveaux et du précédent établi avec le NPD, le gouvernement fédéral retirera-t-il dès maintenant l'Accord atlantique du projet de loi d'exécution du budget et présentera-t-il rapidement un projet de loi séparé sur cette question?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur Cochrane de sa question. Tout d'abord, afin d'autoriser le gouvernement du Canada à dépenser les fonds prévus, un texte complémentaire au projet de loi C-43 sera déposé relativement aux nouvelles mesures annoncées. Il arrive bien sûr parfois que des projets de loi soient modifiés pour des raisons techniques. Cependant, pour répondre à la question du sénateur Cochrane sur le fond, je dirais que nous devons être conscients des réalités politiques du moment. Il faudrait que l'autre chambre donne son consentement unanime au fractionnement du projet de loi. Comme je l'indiquais dans la réponse que j'ai donnée tout à l'heure à l'honorable sénateur, les bloquistes, qui sont les amis politiques du Parti conservateur à la Chambre des communes, ont fait savoir qu'ils n'appuieraient pas l'Accord atlantique et qu'ils ne sont pas disposés à appuyer quelque modification que ce soit.

L'honorable sénateur n'ignore pas qu'afin de faire adopter cet accord et de lui donner force de loi, comme le souhaite tous les sénateurs je pense, il suffirait que le Parti conservateur, et lui seul, appuie l'adoption du projet de loi C-43.

Le sénateur Comeau : Adoptons le projet de loi!

Le sénateur Cools : Ce n'est pas grand-chose.

(1420)

Le sénateur Cochrane : Comme l'honorable sénateur le sait, nous appuyions le projet de loi dans sa version initiale. Cependant, cette mesure porte sur bien d'autres aspects, comme le financement des garderies, les prêts d'études et les infrastructures municipales, à propos desquels bien des questions demeurent sans réponse. Cela ne revient pas à dire que nous ne pourrions pas retirer ces trois ou quatre pages qui concernent l'Accord atlantique pour permettre l'adoption du projet de loi. Il suffirait qu'une seule personne décide de le faire. Si le premier ministre tenait tellement à faire adopter cet accord qu'il a annoncé l'année dernière à St. John's, il devrait le signer et l'adopter sans plus tarder.

Le gouvernement et le NPD ont indiqué qu'ils appuieraient l'Accord atlantique et l'on peut s'étonner que, dans leurs récentes tractations, aucun des deux partis n'ait semblé vouloir favoriser l'adoption rapide de ce projet de loi en demandant qu'il soit traité à part du budget fédéral. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il dire à la Chambre si ces deux partis, dans leurs négociations, ont jamais abordé la possibilité de séparer l'entente sur les recettes extracôtières du projet de loi d'exécution du budget?

Le sénateur Austin : Jamais. Le sénateur Cochrane doit prendre au sérieux la réponse que j'ai donnée à sa première question, parce qu'elle met un frein, parmi d'autres, à toutes les autres choses qu'elle serait tentée d'aborder. Le gouvernement tient à financer les garderies, mais nous ne savons pas si le Parti conservateur en a envie. Le gouvernement tient à financer les soins de santé, mais rien ne dit que le Parti conservateur le veuille aussi. Le gouvernement tient à financer le nouveau pacte pour les villes annoncé dans le projet de loi C-43, mais nous ne savons pas si le Parti conservateur est favorable à ce programme. Je pourrais ainsi vous énumérer toutes les autres mesures prévues dans ce budget. Dans les circonstances, l'honorable sénateur ne peut pas se permettre de faire du picorage.

Il s'agit d'un très bon budget et le Parti conservateur a eu raison de l'affirmer au moment où celui-ci a été déposé. Malheureusement, les sondages d'opinion ont amené le Parti conservateur à changer d'avis.

Le sénateur Cochrane : Et l'accord conclu entre son parti et le NPD, n'était-ce pas du picorage?

Le sénateur Austin : Comme madame le sénateur Cochrane est connue pour être une tenante de la politique sociale au Canada, je me serais imaginé qu'elle serait favorable à l'augmentation du budget destiné à la politique sociale, qui a été obtenue dans le cadre de cette entente.

Le sénateur Cochrane : Et l'Accord atlantique, sénateur.

Le sénateur Austin : Nous aussi.

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LE PASSAGE DE CLANDESTINS

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur un sujet différent. Une étude sur le renseignement conjointement réalisée par la GRC et le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration révèle que près de 12 p. 100 des gens qui sont arrivés au Canada entre 1997 et 2002 étaient d'une façon ou d'une autre des clandestins. Ce pourcentage représente un peu moins de 15 000 personnes. Par suite de ces activités, le Canada, d'après cette étude, constitue maintenant une destination privilégiée des clandestins.

Comme les honorables sénateurs le savent, il existe un lien entre le passage de clandestins et la traite d'êtres humains. Ce sont souvent les plus vulnérables qui font l'objet de ce trafic : les femmes, les enfants et souvent les plus pauvres des pauvres venant des pays les moins avancés. Que fait le gouvernement fédéral pour combattre cette réputation qu'on fait au Canada dans le monde, comme paradis des clandestins? Quelles mesures prenons-nous pour décourager et arrêter ce trafic?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis bien d'accord avec madame le sénateur Andreychuk que le passage de clandestins compte parmi les crimes les plus graves, qu'il est à déplorer et que des mesures doivent être prises pour le combattre. Le gouvernement a l'intention de déposer sous peu un projet de loi traitant de cette question.

Le sénateur Andreychuk : Cette question n'est pas récente. Le gouvernement était déjà au courant en juin 2003 parce qu'un rapport de la GRC l'avait averti que le Canada connaîtrait bientôt une augmentation de l'immigration illicite et du passage de clandestins. Peu de temps après la publication de ce rapport, le département d'État américain a critiqué le Canada, qualifiant d'« inégales » les mesures prises par le gouvernement pour traduire les passeurs en justice. Il a classé nos efforts de lutte contre ce problème au même rang que ceux de pays comme le Rwanda et la République démocratique du Congo, qui sont en situation de conflit. Compte tenu de ce rapport et de ces impressions, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas pris des mesures ou déposé un projet de loi il y a deux ans pour mettre un terme à ce trafic? Le gouvernement va-t-il le faire immédiatement?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, il y a des moments où je souhaite vraiment qu'on écoute la réponse à une première question avant de poser une question complémentaire.

Dans ce cas, comme je l'ai dit, le gouvernement a l'intention de déposer sous peu un projet de loi. Il est peu pertinent de dire qu'un rapport a été publié en 2003 et que nous attendons encore des mesures de suivi. Madame le sénateur Andreychuk sait fort bien que ces questions sont très complexes et que les mesures prises doivent être conformes aux normes et aux pratiques internationales. Le Canada doit respecter ces normes et pratiques, que l'honorable sénateur connaît bien.

Comparer le Canada à d'autres pays n'est pas utile parce que notre situation est tout à fait différente et que l'évaluation des effets ne permet d'établir aucun parallèle.

Le sénateur Andreychuk : La comparaison n'est pas de moi, elle vient de nos voisins, les États-Unis. Ma question est la suivante : que faisons-nous pour changer ces perceptions? Quelles mesures avons- nous prises pour montrer aux États-Unis que nous essayons d'améliorer la situation?

Les Nations Unies et quelques pays se soucient constamment de cette question. Au niveau international, elle n'est pas récente. Nous connaissons les lacunes des lois et savons ce qu'il convient de faire : collaborer avec nos alliés. Encore une fois, quelles mesures le gouvernement prend-il pour que, dans nos contacts à l'étranger, nous puissions assurer aux gens qui vivent des situations de crise que nous prenons cette question au sérieux?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, j'espère que lorsque le projet de loi nous sera soumis, madame le sénateur Andreychuk l'appuiera et aidera à le faire adopter rapidement.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'entends quotidiennement au Sénat : « il faut adopter ce projet de loi rapidement ».

Son Honneur le Président : Madame le sénateur Cools voudrait-elle répondre à la question? Honorables sénateurs, laissez-moi expliquer ce qui s'est passé. Je vous prie d'excuser la distraction que j'ai eue en entendant parler madame le sénateur Cools. Pensant qu'elle demandait la parole, je la lui ai donnée. J'invite maintenant le leader du gouvernement au Sénat à répondre à la question du sénateur.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je n'ai pas entendu la question du sénateur Cools.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, je réagissais simplement à l'observation du leader concernant l'invitation faite à un autre sénateur à appuyer et à étudier rapidement un projet de loi. Il semble qu'il soit maintenant devenu courant au Sénat de s'attendre à ce que tout projet de loi soit adopté à la hâte. Je m'interrogeais simplement sur cette façon de procéder qui semble être devenue une habitude.

Ma question au leader du gouvernement est la suivante : pourquoi cette hâte? Pourquoi faut-il tant se presser pour adopter des projets de loi?

(1430)

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je pense que madame le sénateur Cools fait une déclaration théorique.

LES TRANSPORTS

L'INDUSTRIE DU TRANSPORT AÉRIEN—LE CONTRÔLE DES PASSAGERS AU MOYEN DE LISTES DE SURVEILLANCE DES TERRORISTES DRESSÉES PAR LE GOUVERNEMENT DES ÉTATS-UNIS

L'honorable Pat Carney : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le leader sait sûrement que des hauts fonctionnaires de Transports Canada ont rencontré des représentants du département américain de la Sécurité intérieure concernant une proposition du gouvernement des États- Unis, selon laquelle les transporteurs aériens du Canada seraient tenus d'exercer un contrôle de leurs passagers au moyen de listes de surveillance antiterroriste, lorsque leurs vols intérieurs passent au- dessus du territoire américain, comme les vols que l'honorable sénateur et moi-même prenons chaque semaine. Il y aurait jusqu'à 1 000 vols de ce genre chaque semaine.

Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire où en sont les pourparlers sur cette question, s'il s'y retrouve dans son cahier?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je me dois de commenter les derniers mots du sénateur Carney. Les sénateurs savent qu'un seul ministre siège au Sénat et que le leader du gouvernement au Sénat doit répondre aux questions ayant trait à tout le gouvernement du Canada. Il est parfois utile de se reporter à de la documentation pour pouvoir répondre aux questions des sénateurs d'en face plus rapidement, ce que je fais à l'aide d'un cahier d'information. Si cela présente des difficultés, je suis prêt à me passer de ce cahier et à simplement prendre note de toutes les questions pour fournir ensuite des réponses différées.

Je passe maintenant à la partie substantielle de la question du sénateur Carney. Puisque le sénateur Stratton voudrait que je sois bref, je dirai donc, honorables sénateurs, que cette question est très activement étudiée — et pas seulement « activement étudiée » — et des pourparlers sont en cours entre le Canada et les États-Unis concernant l'application de la règle visant le survol des avions canadiens.

Le sénateur Carney : Honorables sénateurs, ma question complémentaire s'adresse également au leader du gouvernement. Je suis contente qu'il nous ait expliqué la différence entre un « examen intense » et un « examen des plus intenses ». Ainsi, nous saurons à quoi nous en tenir pour les délais d'examen de certaines questions.

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a indiqué que la proposition américaine soulevait une foule de questions en matière de protection de la vie privée. Si cette proposition est adoptée, il la soumettra également à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée.

Le ministre est un spécialiste de certains domaines du droit international. Comment le gouvernement peut-il concilier le besoin de soutenir les États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme et le respect de nos lois et procédures en matière de protection de la vie privée?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, il s'agit de deux questions distinctes mais indissociables. Nous devons respecter la législation canadienne. Bien entendu, les mesures législatives sur la protection de la vie privée en font partie, et elles se répercutent sur les rapports que nous entretenons avec les autres pays et particulièrement, dans le cas qui nous intéresse, avec les États-Unis.

Comme les honorables sénateurs le savent déjà, le Sénat a mis sur pied un comité spécial ayant pour mandat de se pencher sur la Loi antiterroriste, l'ancien projet de loi C-36. Ces questions sont par ailleurs examinées dans le cadre des témoignages présentés devant ce comité.

Il est toujours très difficile de trouver le juste équilibre entre la nécessité, d'une part, d'assurer la sécurité des Canadiens — compte tenu des actes terroristes commis à l'échelle mondiale — et, d'autre part, de préserver les valeurs que représentent la protection de la vie privée et les autres droits de la personne qui nous sont si chers. Néanmoins, tout pays a d'abord et avant tout le devoir d'assurer la sécurité physique de ses citoyens. Les États-Unis veulent diriger leur barque seuls, si je puis m'exprimer ainsi, dans le but d'assurer la protection de leurs citoyens. Il va sans dire que leurs actions unilatérales ont des répercussions sur les autres pays. Lorsque nous saurons fixés quant aux mesures initiales pour lesquelles ils auront opté, nous pourrons, comme tout gouvernement canadien le ferait, décider de la façon dont il conviendra de concilier les objectifs du Canada et ceux des États-Unis, si cela se peut.

C'est la manière normale de procéder dans différents domaines, notamment dans le secteur du commerce, que madame le sénateur Carney connaît fort bien. Les conflits d'objectifs doivent être réglés, dans ce cas-ci tant sur le plan bilatéral qu'à l'intérieur du Canada, et c'est là le mandat qui a été confié au Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste.

Le sénateur Carney : Honorables sénateurs, je suis reconnaissante pour cette réponse, qui me porte à croire cependant que l'on modifierait notre législation en matière de protection de la vie privée pour servir les intérêts des États-Unis. C'est certes un objectif légitime, si c'est ce que le gouvernement souhaite, mais était-ce bien cela que voulait dire le ministre?

Si nos lois en matière de protection de la vie privée sont incompatibles avec l'objectif des Américains, qui est de contrôler toutes les personnes qui entrent sur leur territoire, quelles lois priment dans ce dossier, les nôtres ou les leurs?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, évidemment, ce sont nos lois qui priment au Canada, et ce sont les lois américaines qui priment aux États-Unis. Par ailleurs, les Américains ont le droit souverain de déterminer les conditions régissant le transport de toute personne dans leur espace aérien.

Je n'ai pas laissé entendre que nous étions sur le point de modifier notre législation pour servir les intérêts des Américains. J'ai expliqué la « géographie » du problème et indiqué que des pourparlers avaient été entamés. Je ne suis pas en mesure pour l'instant d'informer le Sénat sur la direction que prendront ces pourparlers.

[Français]

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LA CITOYENNETÉ POUR LES ENFANTS ET LES ÉPOUSES DE GUERRE DES ANCIENS COMBATTANTS

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. De nombreux jeunes hommes du Nouveau-Brunswick, après la Seconde Guerre mondiale, sont revenus au Canada avec des épouses de guerre et certains avec des enfants nés dans les pays où ils étaient déployés. Ces personnes ont regagné leur patrie dans une situation de cohue, sans avoir reçu la documentation nécessaire du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Ils ont toutefois, pendant des années, contribué au régime de pensions et à d'autres régimes.

Aujourd'hui, ces anciens combattants, dont plusieurs vivent dans ma région, sont à l'âge de la retraite. Ils ont contribué au système sans toutefois avoir été reçus officiellement comme citoyens du Canada. Par conséquent, ils ne peuvent en retirer ni les bénéfices ni les prestations. Qui plus est, bien souvent, les documents qu'on leur demande de produire ne sont pas disponibles. Les parents de ces anciens combattants se seront mariés à l'étranger, soit en Hollande, en France ou ailleurs, à une époque lointaine, dans un petit village dont on ne se souvient plus du nom.

Le ministre de l'Immigration peut-il entreprendre dès maintenant des mesures visant à faciliter la tâche aux enfants de nos anciens combattants pour qu'ils aient accès aux mêmes bénéfices que les Canadiens et à leur citoyenneté canadienne?

(1440)

[Traduction]

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Je ne puis répondre à la question du sénateur Ringuette en général, mais je suis disposé à en faire un examen minutieux. Si l'honorable sénateur veut me soumettre des cas particuliers, je serai très heureux de voir en quoi je puis me rendre utile.

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, pendant que je suis debout, j'informe le Sénat que le projet de loi S-2, qui porte sur la citoyenneté, recevra la sanction royale cet après-midi.

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre deux réponses différées à des questions orales posées au Sénat. La première est une réponse à la question du sénateur LeBreton, posée le 19 avril 2005, concernant la recommandation du comité externe d'examen de la GRC préconisant la réintégration du caporal Robert Read.

[Traduction]

J'ai également une réponse différée à une question orale posée au Sénat le 14 avril par le sénateur Cochrane au sujet de la fiabilité des prévisions météorologiques et de la détection des perturbations à Terre-Neuve-et-Labrador.

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

LA RÉINTÉGRATION DE L'AGENT ROBERT READ

(Réponse à la question posée par l'honorable Marjory LeBreton le 19 avril 2005)

Il convient de noter que le gouvernement du Canada n'intervient pas dans les activités quotidiennes de la GRC. En ce qui concerne le caporal Read, le commissaire n'était pas d'accord avec la recommandation du CEE de le réintégrer dans ses fonctions. Il a appuyé sa décision sur le fait qu'un comité d'arbitrage de la GRC a déjà reconnu que le caporal Read a enfreint le Code de conduite de la GRC entre 1996 et 1999 en divulguant des informations confidentielles/classifiées à des personnes non autorisées, en conservant des documents classifiés sans autorisation et en désobéissant à une ordonnance légale qui interdisait la divulgation d'informations à quelque journaliste que ce soit. Même si le commissaire n'était pas d'accord avec la recommandation du CEE, le caporal Read a interjeté appel devant la Cour fédérale du Canada. Nous attendons la décision de la Cour fédérale, qui constitue le mécanisme de recours offert aux employés non satisfaits des décisions du commissaire dans les cas de griefs.

La GRC a déjà des mécanismes de protection pour les employés des Forces qui choisissent de dénoncer des actes fautifs. En réalité, le Code de conduite de la GRC va plus loin et précise qu'un membre de la GRC enfreindrait les politiques internes s'il se rendait compte d'un acte fautif et qu'il ne le signalait pas. Selon le projet de loi C-11, que M. Alcock a présenté le 8 octobre 2004, la GRC, en tant qu'organisme exclu, devrait établir des procédures comparables à celles énoncées dans le projet de loi concernant la divulgation d'actes répréhensibles, y compris la protection des gens qui dénoncent ces actes, aussitôt que possible après l'entrée en vigueur de cette loi.

L'ENVIRONNEMENT

TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR—LA FIABILITÉ DES PRÉVISIONS MÉTÉOROLOGIQUES ET DE LA DÉTECTION DES PERTURBATIONS

(Réponse à la question posée par l'honorable Ethel Cochrane le 14 avril 2005)

Le mercredi 16 mars, plusieurs communautés de la baie de la Trinité ont eu à subir les conséquences d'une pleine mer et de grosses vagues, notamment à Cavendish et à Flat Rock. Une tempête d'une grande intensité qui passait bien au large a produit des vagues qui, combinées à la marée haute, ont entraîné énormément d'érosion dans les collectivités environnantes, et endommagé un brise-lames et des routes. Des indications de la grande poussée des glaces le long de la côte et du niveau des eaux plus élevé que la normale ont été émis dans le bulletin de la situation maritime avant et pendant la tempête. Un bulletin météorologique spécial avait aussi été émis lundi, deux jours auparavant, qui contenait la même information et qui a été émis encore une fois mercredi pour la marée haute du soir, y compris la répétition des conditions propices à la création de grosses vagues. Les bulletins météorologiques spéciaux sont faxés automatiquement à l'organisation des mesures d'urgence de Terre-Neuve-et- Labrador. Cependant, un avertissement d'onde de tempête

n'a pas été émis, parce que l'information dont disposait le prévisionniste durant la période précédant l'onde de tempête n'indiquait qu'une augmentation marginale des niveaux d'eau, laquelle n'aurait pas justifié un avertissement complet.

Abstraction faite de la qualité de nos services actuels, Environnement Canada a à coeur d'améliorer continuellement ses prévisions, notamment en ce qui concerne les conditions météorologiques extrêmes. De nombreuses mesures sont prises qui contribueront au cours de la prochaine année à améliorer la qualité des prévisions et à mieux avertir les organisations d'urgence et les principaux utilisateurs. Entre autres mesures, Environnement Canada fera une plus grande utilisation des bulletins météorologiques spéciaux pour avertir le public de dangers potentiels et du caractère incertain de la météo dans les prévisions et les avertissements. De plus, des mesures ont été prises pour que les organisations des mesures d'urgence de Terre-Neuve-et-Labrador soient prévenues à l'avance de toute situation potentiellement préoccupante.

Dans le but d'améliorer les services météorologiques à long terme, non seulement à Terre-Neuve-et-Labrador mais dans tout le Canada atlantique, Environnement Canada a créé le Centre de prévision des intempéries de l'Atlantique, qui regroupe les services de prévision des anciens centres météorologiques de Gander, à Terre-Neuve-et-Labrador, de Frederiction, au Nouveau-Brunswick, et de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Le Centre est situé dans les mêmes locaux que le nouveau Laboratoire de météorologie maritime et côtière, de façon à permettre aux opérations de prévision de bénéficier des plus récents développements en matière de recherche météorologique. De plus, des météorologues spécialistes de la préparation aux phénomènes météorologiques violents ont été désignés à Terre-Neuve (Gander et St. John's) et dans les autres provinces de l'Atlantique pour interagir avec les médias, les organisations des mesures d'urgence et certains groupes d'utilisateurs spéciaux. À Gander, on a aussi établi le Centre national de service maritime pour desservir la collectivité maritime à l'échelle nationale.

L'équipe météorologique d'Environnement Canada au Centre de prévision des intempéries, à Dartmouth, est formée de spécialistes bien formés, talentueux et dévoués qui travaillent à produire les meilleures prévisions possibles pour le grand public en tout temps. Près de la moitié de nos prévisionnistes au centre viennent du centre météorologique de Terre-Neuve, à Gander, et la plupart des autres ont déjà travaillé à Terre-Neuve.

En mars dernier, plusieurs tempêtes d'envergure ont pris naissance rapidement au-dessus de l'océan Atlantique, au sud du Canada atlantique. Des tempêtes de ce type ne sont pas inhabituelles, mais un manque d'information sur les conditions météo en surface dans ce secteur et le fait que nos modèles informatiques de l'atmosphère ont souvent de la difficulté à traiter les tempêtes par là font qu'il est extrêmement difficile de faire des prévisions, peu importe l'endroit où se trouve le bureau météorologique.

En fait, l'ensemble d'outils qu'utilisent les météorologues pour faire les prévisions reste le même : observations en surface, radar, imagerie satellite, de nombreux modèles atmosphériques informatisés et des outils d'aide automatisés. Les prévisionnistes, peu importe où ils se trouvent, analysent cette information et se servent de leur expérience et de leur jugement pour émettre des prévisions.

La météorologie n'a jamais été une science parfaite : il y a toujours un certain degré d'incertitude dans la production de prévisions météorologiques, et il y aura toujours des situations pour lesquelles les prévisions n'auront pas été exactes. Nous cherchons toujours à accroître le degré d'exactitude de nos prévisions, et c'est pourquoi nous examinons constamment notre performance. Cela dit, une analyse de l'exactitude des prévisions publiques à Terre-Neuve depuis la création du Centre de prévision des intempéries de l'Atlantique par rapport à celles émises au cours des quelques dernières années par le centre météorologique de Terre-Neuve ne montre aucun changement significatif dans l'exactitude des prévisions.

Environnement Canada continuera par conséquent à travailler au développement du Centre de prévision des intempéries de l'Atlantique et de ses unités connexes, une stratégie qui, selon nous, permettra d'offrir aux gens de Terre- Neuve et du Labrador des prévisions de la meilleure qualité.


LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ

PROJET DE LOI MODIFICATIF—MESSAGE DES COMMUNES

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté, accompagné d'un message où elles disent avoir adopté le projet de loi sans amendements.

[Français]

LA LOI SUR LES BREVETS

PROJET DE LOI MODIFICATIF—MESSAGE DES COMMUNES—AMENDEMENTS DU SÉNAT APPROUVÉS

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message informant le Sénat qu'elles ont adopté les amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-29, Loi modifiant la Loi sur les brevets, sans y apporter d'autres amendements.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI NO 2 D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 2004

TROISIÈME LECTURE—MOTION D'AMENDEMENT—SUSPENSION DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Dallaire, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-33, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 mars 2004.

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-33, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 mars 2004.

Dans l'allocution que j'ai prononcée au Sénat à l'étape de la deuxième lecture, j'ai exposé, d'une manière qui me paraissait équilibrée, les questions qui se posent sur les plans de l'éclaircissement et de la rétroactivité. Je ne vais pas répéter ces propos aujourd'hui. Je souhaite plutôt informer les honorables sénateurs des activités récentes du Comité sénatorial permanent des finances nationales relativement à cet important projet de loi.

D'emblée, je souhaite rendre hommage au sénateur Day, vice- président du comité, pour son excellent aperçu de la position du gouvernement à propos de ce projet de loi.

Mon allocution portera sur ce qu'on appelle la RGAE, la règle générale anti-évitement du Canada, et sur la façon dont notre comité a traité ces questions.

Avant de vous dire qui a comparu devant le comité, permettez- moi d'énoncer à nouveau l'enjeu de base. Le projet de loi C-33 dispose clairement que la règle générale anti-évitement, la RGAE, s'appliquerait en cas d'abus de la Loi de l'impôt sur le revenu, du Règlement de l'impôt sur le revenu, des règles d'application de l'impôt sur le revenu ou de toute convention fiscale bilatérale. Il propose aussi que les nouvelles dispositions de la RGAE s'appliquent à compter de son entrée en vigueur en 1988.

Lorsque le ministre des Finances, l'honorable Ralph Goodale, a témoigné devant notre comité, il a dit ceci au sujet du projet de loi C-33 :

[...] il ne s'agit pas d'un cas explicite de rétroactivité. On ne fait que clarifier quelque chose qui existe depuis le début, soit depuis 1988 [...]

Il y a un mécanisme fondamental de protection ici pour les contribuables. S'il n'y a pas de comportement d'évitement abusif, le contribuable n'a rien à craindre. C'est seulement dans les cas d'abus que la mesure proposée doit s'appliquer.

Honorables sénateurs, notre comité a entendu 17 témoins qui ont parlé principalement de la règle générale anti-évitement, la RGAÉ, et des organismes de bienfaisance. Les témoignages, le débat et les questions étaient techniques, parfois difficiles, détaillés, parfois chargés d'émotion, et stimulants.

La plupart des témoins qui ont comparu ont dit que les modifications qu'on propose d'apporter à l'article 245 de la Loi de l'impôt sur le revenu élargiraient l'éventail de transactions auxquelles la RGAE pourrait s'appliquer. Beaucoup de ces témoins ont exprimé des préoccupations à l'égard de la nature rétroactive des modifications proposées.

Les sénateurs sauront que, de par sa nature, la rétroactivité est contraire à la justice et à l'équité. Ce fait a été bien énoncé ici même, la semaine dernière, par le sénateur Joyal, lorsque ce dernier a fait une analogie avec le droit pénal dans notre pays :

Ce qui est licite aujourd'hui ne peut pas être rendu illicite demain par une loi du Parlement. En d'autres mots, on ne saurait être inculpé aujourd'hui pour un acte qu'on a fait licitement hier en toute bonne foi et dans le respect de la loi.

J'ai pratiqué le droit pendant 32 ans, et l'une des choses que je me souviens d'avoir apprises à la faculté de droit est que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la primauté du droit. Je suis de ceux qui croient que le projet de loi C-33 ne respecte pas la primauté du droit et le principe de la justice parce qu'il propose des changements rétroactifs à 1988.

Les sénateurs devraient savoir que ce n'est pas la première fois que ce comité éprouve de la difficulté avec un projet de loi rétroactif. Au printemps 2003, un projet de loi d'exécution du budget dont le comité était saisi renfermait une disposition rétroactive. Dans ce cas, certains conseils scolaires étaient allés devant les tribunaux pour demander un remboursement de la taxe sur les produits et services qu'ils avaient payée au titre du transport des élèves. À ce moment-là, honorables sénateurs, le comité avait exposé en détails ce qu'il y a d'outrageant dans une mesure rétroactive de la sorte.

Notre comité a tenu des audiences approfondies avec 17 témoins à propos du projet de loi C-33. Avant de passer à la liste des témoins et de leurs observations, permettez-moi, honorables sénateurs, de mentionner que la plupart d'entre eux sentaient que si un gouvernement, n'importe lequel, choisit de présenter une loi à caractère rétroactif pour imposer une taxe, il est tenu de le faire le plus rapidement possible, dès qu'il prend conscience du problème qu'il souhaite résoudre.

Nos témoins étaient les suivants : l'honorable Ralph Goodale, ministre des Finances; l'honorable John McKay, secrétaire parlementaire du ministre des Finances; M. Len Farber, M. Brian Ernewein et M. Geoff Truman, tous du ministère des Finances; M. Brian Carr, coprésident du Comité mixte du droit fiscal de l'ABC- ICCA et président de la Section nationale sur la fiscalité de l'ABC; M. Paul Hickey, coprésident du Comité mixte du droit fiscal de l'ABC-ICCA, Institut Canadien des Comptables Agréés; M. Roger Tassé, c.r., associé principal du cabinet d'avocats Gowlings et ancien sous-ministre de la Justice, sous-procureur général et conseiller constitutionnel principal auprès du gouvernement fédéral; M. Scott Wilkie, associé principal du cabinet d'avocats Osler, Hoskin and Harcourt; Mme Georgina Steinsky-Schwartz, présidente et chef de la direction de Imagine Canada; M. Bob Wyatt, directeur administratif de la Muttart Foundation; Mme Hillary Pearson, présidente et chef de la direction de Fondations philanthropiques Canada; M. Carl Juneau, Division de l'impôt des particuliers du ministère des Finances; M. Wayne Adams, directeur général de la Direction des décisions de l'impôt de l'Agence du revenu du Canada; M. Yvan Roy, SMA et conseiller juridique du ministère des Finances; et le dernier jour, nous avons reçu des témoignages de M. Marc Lalonde, qui est actuellement un associé principal du cabinet d'avocats Stikeman Elliott et ancien ministre de divers portefeuilles dont les Finances, la Justice, la Santé et le Bien-être, les Relations fédérales-provinciales et Énergie, Mines et Ressources.

Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant vous faire part de certains arguments de M. Roger Tassé. Il a comparu devant le comité parce qu'il était profondément préoccupé par la proposition qui apporterait des changements substantifs à la RGAE qui s'appliqueraient avec effet rétroactif remontant à septembre 1988. Il a dit qu'à son avis, c'était injuste pour les contribuables canadiens et qu'il s'agissait d'une politique gouvernementale laissant à désirer.

Honorables sénateurs, Roger Tassé a dit clairement que le principe de la rétroactivité n'est pas nouveau pour le Parlement fédéral ou les assemblées législatives provinciales. Cette situation est déjà arrivée auparavant. Le témoin s'est exprimé en ces termes :

(1450)

Comme chacun le sait, le fait de rendre un projet de loi rétroactif de manière à ce qu'il commence à s'appliquer à une date antérieure à celle de son adoption n'est pas un phénomène nouveau. Je ne serais pas surpris que la plupart, voire la totalité, des assemblées législatives aient déjà eu recours à la rétroactivité, à l'occasion, dans l'exercice de leur pouvoir législatif.

Et dans les cas où les assemblées législatives n'avaient pas expressément prévu l'application rétroactive de leurs lois, les tribunaux ont alors été appelés à se prononcer sur la légitimité de la présomption bien établie contre l'application rétroactive des lois.

Une loi est rétroactive lorsqu'elle est censée s'appliquer antérieurement, de manière à modifier les effets qu'elle avait dans les années précédentes et qui avaient dicté le comportement des particuliers et des entreprises. Mais pour assurer la justice, l'équité et la stabilité de notre cadre juridique, nos tribunaux, y compris nos plus hautes instances, ont accepté que, dans certaines circonstances exceptionnelles, on interprète, de manière rétroactive, l'application de la loi. Il y a effectivement des situations où la rétroactivité est justifiée.

Honorables sénateurs, après avoir parlé de certaines circonstances où le Parlement et les assemblées législatives ont pu justifier l'application rétroactive de la loi, le témoin a posé la question suivante :

Le projet de loi C-33 est-il une mesure législative acceptable, qui apporte des éclaircissements quant à l'application rétroactive?

Honorables sénateurs, les contribuables devraient pouvoir s'attendre à certains résultats fiscaux lorsqu'ils planifient leurs investissements à la lumière des règles telles qu'ils les connaissent et telles qu'ils les comprennent. Les propositions budgétaires présentent les modifications à la RGAE comme étant de nature à apporter des précisions, mais dans les propositions budgétaires, il n'est nulle part fait mention qu'elles seraient rétroactives. Les notes sur le projet de loi C-33 précisent que les changements apportés ont pour objet de faire en sorte que la RGAE s'applique aux opérations rendues possibles par l'utilisation abusive des règlements ou des conventions fiscales mais, encore une fois, il n'y est aucunement fait mention de rétroactivité. Elle était dissimulée.

M. Tassé, l'ancien sous-ministre de la Justice, a déclaré :

J'estime que Finances Canada, en proposant que les changements apportés à l'application de la RGAE, pour y assujettir les conventions fiscales et les règlements, soient rétroactifs à 1988, n'a pas respecté ses propres lignes directrices de 1995.

Honorables sénateurs, je ne vais pas vous réciter ces lignes directrices. Vous les trouverez dans la transcription et je ne mentionnerai que quelques dispositions de l'une d'entre elles.

L'une des lignes directrices que le ministère a lui-même fixée, lorsqu'il a demandé que la loi clarifie la question, précisait que « les amendements doivent cadrer avec une interprétation de la loi bien connue et établie de longue date ». Le document du ministère précise par ailleurs ceci :

Si le ministère recommande depuis longtemps, publiquement et catégoriquement, une interprétation donnée et si cette interprétation a été respectée par la plupart des contribuables dans la production de leurs déclarations de revenus, ça ne serait pas troubler indûment les contribuables que de modifier la loi afin de confirmer cette interprétation suite à une décision défavorable qui, bien que constituant une interprétation juridique de la loi existante, a un effet équivalent à un changement du régime de droit.

Les honorables sénateurs doivent savoir que la RGAE, lorsqu'elle a été adoptée par le Parlement en 1988, d'après son propre libellé, ne s'appliquait qu'à la Loi de l'impôt sur le revenu. L'article 245 ne mentionnait ni les conventions fiscales ni au Règlement de l'impôt sur le revenu.

Roger Tassé et plusieurs autres témoins ont signalé au comité que Finances Canada n'a donné aucune preuve contemporaine à la mise en place de la RGAE qui démontrerait que le législateur avait l'intention d'étendre l'application de la RGAE aux conventions fiscales et aux règlements.

Honorables sénateurs, l'interprétation fiscale est une tâche qui incombe à un petit groupe de Canadiens qui sont devenus des experts en la matière. Je ne figure certes pas parmi ces gens. Toutefois, comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons entendu des représentants du Comité mixte du droit fiscal de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut Canadien des Comptables Agréés. Depuis sa mise en place, la RGAE suscite énormément de discussions quant à savoir si elle s'applique aux conventions fiscales.

Le point de vue général des fiscalistes, des avocats et des comptables agréés qui sont des experts dans ce domaine a été résumé par le comité mixte dans l'exposé qu'il a présenté à notre comité. Il a démontré clairement que les fiscalistes, dès 1988, étaient d'accord pour affirmer que des doutes importants prévalaient quant à savoir si la RGAE s'appliquait ou non aux conventions fiscales. Aucun des experts qui a comparu devant notre comité, y compris les experts du ministère de la Justice et du ministère des Finances, n'a pu présenter de preuve forte réfutant ou contredisant les objections sérieuses avancées à certaines reprises par des fiscalistes supérieurs qui mettaient en doute l'argument de l'ARC selon lequel la RGAE s'appliquer aux conventions.

Lorsqu'il a comparu devant notre comité, Roger Tassé a cité Mme Nathalie Goyette, une fiscaliste du ministère de la Justice, qui a traite de cette incertitude en 1995, il y a 10 ans, dans une thèse publiée par l'Association canadienne d'études fiscales. En ce qui concerne l'application de la RGAÉ aux conventions fiscales, Mme Goyette précisait ceci :

Tout d'abord, le libellé de l'article 245 laisse à désirer car il ne prévoit que le cas des transactions en contravention de la loi, mais pas le cas des transactions en contravention des conventions fiscales.

Je le répète, honorables sénateurs, elle a déclaré que ces transactions n'étaient pas prévues. Tout cela provient d'une thèse savante, rédigée par une avocate fiscaliste du ministère de la Justice, et publiée par l'Association canadienne d'études fiscales.

Un peu plus loin, elle ajoute :

Si le Parlement du Canada a l'intention de donner la possibilité au fisc d'invoquer l'article 254 dans le cas de contravention des conventions fiscales, il n'aura d'autre possibilité que de modifier ledit article.

Mais pas rétroactivement.

Comme on peut le constater, la position de l'ARC est, on ne peut plus claire et univoque, pour reprendre les termes de ses propres lignes directrices.

Honorables sénateurs, après moult discussions musclées, le comité a finalement accueilli l'honorable Marc Lalonde, ancien ministre des Finances et de la Justice. Il s'est déclaré tout à fait d'accord avec les exposés du comité conjoint de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut Canadien des Comptables Agréés, ainsi que de M. Roger Tasset, c.r., qui a été sous-ministre à Justice Canada. Tous ont catégoriquement rejeté le recours aux dispositions rétroactives contenues dans le projet de loi C-33.

Marc Lalonde a rappelé à notre comité que le ministère des Finances a toujours soutenu que le recours à la rétroactivité ne devait être qu'une mesure exceptionnelle à n'appliquer que dans des situations exceptionnelles. Il a ensuite ajouté que la situation envisagée dans le projet de loi n'a rien d'exceptionnel; les honorables sénateurs se doivent donc de rejeter toutes les dispositions rétroactives du projet de loi.

L'argument le plus probant de Marc Lalonde a été le suivant. Il nous a invité à partir du principe que le ministère des Finances avait raison et qu'il pouvait y avoir mauvais usage ou abus dans certains cas. Quel remède appliquer? Il a rappelé à notre comité qu'on peut résoudre de tels problèmes de plusieurs manières bien définies, mais pas en adoptant une loi qui aurait un effet rétroactif remontant à 1988, soit il y a plus de 17 ans. Voici plutôt ce qu'il préconise :

La solution ne consiste pas à accorder rétroactivement à des fonctionnaires le droit de décider ce que, selon eux, la loi aurait dû signifier entre 1988 et 2004. Dans le régime démocratique canadien, il appartient aux tribunaux, et non aux fonctionnaires, de dire le droit.

(1500)

Il a plus tard affirmé au comité :

Si l'Agence du revenu du Canada estime que la loi n'a pas été respectée, qu'elle en saisisse les tribunaux et que les juges décident.

Honorables sénateurs, l'honorable Marc Lalonde, Roger Tassé, les représentants du Comité mixte du droit fiscal de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut Canadien des Comptables Agréés et d'autres intervenants ont tous déclaré que les jugements rendus jusqu'à présent ne sont d'aucune utilité pour l'agence. Par contre, l'agence s'en remet à une opinion incidente dans une affaire, mais voici ce que Marc Lalonde a dit au comité à ce sujet :

Dans son témoignage au comité le 20 avril dernier (p. 1820-9), le ministre des Finances a déclaré que le seul jugement mettant en cause la règle générale anti-évitement et les traités a été favorable à la Couronne.

Honorables sénateurs, j'ai posé au directeur général de la Direction des décisions de l'impôt de l'Agence du revenu du Canada, M. Wayne Adams, cette question : « Quelle sera l'incidence de l'adoption du projet de loi C-33 sur les enquêtes que vous menez sur des cas concernant la règle générale anti-évitement? » Voici sa réponse :

Je ne sais pas si cela aura un effet réel sur nos enquêtes. Certains commentaires du public ont été une source de divertissement pour nos avocats qui se préparent à saisir les tribunaux de ces cas.

Certains commentaires du public ont été une source de divertissement pour certains avocats plaidants, et c'est sur cela que nous nous fondons pour introduire la rétroactivité?

Marc Lalonde a le mieux résumé la situation dans son allocution d'ouverture au comité lorsqu'il a dit :

Je ne savais que le fait que des avocats du ministère de la Justice trouvent un problème juridique complexe divertissant signifie qu'il faille légiférer rétroactivement pour une période de 16 ans afin qu'il n'y ait plus de distraction pour les avocats du ministère de la Justice. Qu'est-ce que le ministère des Finances a à craindre?

Honorables sénateurs, en terminant, j'aimerais faire quelques commentaires sur le rôle que remplit le Sénat. À plusieurs occasions depuis mon arrivée ici, j'ai parlé ouvertement du rôle du Sénat et de ses comités et souligné que, en tant qu'institution de second examen objectif, le Sénat avait le devoir d'examiner de près les questions de politiques publiques. La doctrine de la rétroactivité selon laquelle on modifie les lois aux dépens des contribuables canadiens et qui, tel que nous l'avons amplement prouvé, va à l'encontre de la primauté du droit, est inéquitable et mériterait toute l'attention des honorables sénateurs. J'exhorte mes collègues à écouter les autres sénateurs qui tiennent à présenter eux aussi leurs observations concernant les témoignages présentés devant le comité et à accorder à ces observations toute l'attention qu'elles méritent.

L'honorable David P. Smith : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question? C'est une question que je pose de bonne foi, parce que je ne connais pas la réponse.

En ce qui concerne MM. Roger Tassé et Marc Lalonde, mon collègue peut-il me dire s'ils sont venus témoigner devant le comité à leurs frais, en tant que citoyens dévoués à l'intérêt public, ou s'ils l'ont fait dans le cadre de leur travail, en tant que représentants d'un client et payés par ce dernier? Dans le second cas, mon distingué collègue sait-il qui sont les clients?

Le sénateur Oliver : Ces questions ont été posées aux témoins lors de leur comparution devant le comité. M. Tassé est avocat. Il avait formulé un avis juridique à l'intention d'un cabinet d'avocats de l'Ontario. Il a dit que la question s'était posée quand quelqu'un lui avait demandé s'il avait pris connaissance du projet de loi C-33 et s'il savait que ces dispositions pouvaient peut-être avoir un effet rétroactif. Il avait alors répondu par la négative et ajouté qu'il y jetterait un coup d'oeil. Puis, il a examiné le projet de loi et a répondu au cabinet d'avocats que, effectivement, il s'agissait d'une disposition à effet rétroactif. On avait fait appel à ses services, et il avait produit la preuve. Lorsqu'il a comparu devant le comité, il ne représentait pas ce cabinet, son cabinet, ni quelque autre client que ce soit.

M. Lalonde a indiqué qu'il avait été engagé comme lobbyiste et s'était inscrit comme tel. Le nom de ses clients est consigné au compte rendu. Il a donné leur identité. Il a ajouté qu'il tenait à se présenter devant le comité non pas en tant que lobbyiste inscrit représentant des clients établis à l'extérieur du Canada, mais bien en sa qualité d'ancien ministre de la Justice et d'ancien ministre des Finances.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je vais maintenant proposer un amendement, puis en parler dès que Son Honneur l'aura présenté au Sénat.

Je propose, avec l'appui du sénateur McCoy :

Que le projet de loi C-33 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) à l'article 52, à la page 66, par substitution, aux lignes 13 à 20, de ce qui suit :

« (4) Les paragraphes (1) à (3) s'appliquent relativement aux opérations conclues après le 22 mars 2004. »;

b) à l'article 53, à la page 66, par substitution, aux lignes 26 à 28, de ce qui suit :

« (2) Le paragraphe (1) s'applique aux années d'imposition et aux exercices commençant après 2004. »;

c) à l'article 60, à la page 73, par substitution, aux lignes 1 à 3, de ce qui suit :

« (2) Le paragraphe (1) s'applique relativement aux opérations conclues après le 22 mars 2004. ».

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, je pense qu'il est évident que les amendements proposés auront pour effet de faire disparaître l'effet rétroactif remontant à 16 ans. Ces dispositions s'appliqueront donc à compter du budget de mars 2004. Certains honorables sénateurs savent que j'ai essayé de faire adopter ces amendements par le comité, mais qu'ils ont été rejetés.

Lorsque le sénateur Austin a critiqué mon discours à l'étape de la deuxième lecture, la semaine dernière, il a dit que ce discours aurait plutôt eu sa place après l'étude par le comité, à l'étape de la troisième lecture. Je vais résister à l'invitation implicite de répéter maintenant ce que j'ai dit alors, mais je vais me permettre une observation, à savoir que le point de vue que j'ai exprimé à l'étape de la deuxième lecture a été fortement appuyé au cours des trois jours de délibérations au sein du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

En toute franchise, honorables sénateurs, le gouvernement et le ministère des Finances en particulier, ont fait très mauvaise figure au cours de l'étude de ce projet de loi par le comité, pendant deux ou trois jours. Les principaux arguments appuyant la rétroactivité remontant à 16 ans étaient déjà assez contestables au départ, mais ils ont été complètement démolis par les experts venus témoigner devant le comité.

Le premier argument, que nous avons entendu de la bouche même du ministre et des fonctionnaires de son ministère au cours de la première de nos trois réunions sur ce projet de loi, voulait que ces dispositions ne fussent en fait pas rétroactives du tout.

(1510)

Le seul appui qu'ils ont obtenu quant à cette assertion inusitée et peu plausible est celui de M. Scott Wilkie, un fiscaliste qui s'est présenté pour appuyer la disposition. Son argument était si subtil et si technique qu'il était pratiquement incompréhensible pour un profane. Il fondait son argument sur ce qu'il estimait être un consensus en train de se former en droit international et selon lequel il faut réprimer l'évitement fiscal en ayant recours aux conventions. Je crois que je relate les faits correctement. Il nous a dit que la législation pouvait être rétroactive, mais que la loi ne le serait pas. Autant que je sache, personne n'a véritablement compris ce qu'il voulait dire.

Puis, il nous a dit que même si elle était rétroactive, elle ne nuirait à personne car, après tout, l'État doit prouver qu'il y a eu abus avant de pouvoir aller de l'avant.

À l'encontre de cette position — et M. Tassé et d'autres le lui ont mentionné — on invoque le fait que les contribuables qui ont pris des dispositions en fonction de l'interprétation que l'on faisait de la loi alors en vigueur, de 1988 jusqu'en 2004, seraient soumis à un changement rétroactif de 16 ans apporté à cette loi.

Notre vieil ami le sénateur Frith avait l'habitude de soumettre les cas de ce genre à ce qu'il appelait le test de la personne raisonnable. L'assertion du gouvernement et d'un ou deux de ses apologistes selon laquelle cette disposition n'est en fait pas rétroactive ne survit pas à ce test.

Le deuxième argument avancé est que cette mesure rétroactive est en fait une clarification, que dès le début le gouvernement souhaitait que la règle générale anti-évitement, la RGAE, s'applique aux conventions fiscales et que cette position était fort bien comprise par les gens du milieu de la fiscalité. Cet argument aurait énormément de poids et il pourrait être déterminant en faveur de la rétroactivité s'il était vrai, mais devant le comité — et les sénateurs peuvent examiner les témoignages, dont certains ont déjà été consignés au compte rendu par le sénateur Oliver — le gouvernement n'a pas été en mesure de prouver que c'était effectivement sa position depuis le début et qu'elle était bien comprise par les gens du milieu de la fiscalité.

Toute la preuve indiquait le contraire. Je vais citer brièvement ce que M. Tassé avait à dire à ce sujet :

Le ministère des Finances n'a produit aucune preuve datant de la même époque que l'adoption de la RGAE en 1987-1988, qui

montrerait qu'on voulait faire en sorte à ce moment-là que cette règle s'applique aux conventions fiscales. De plus, peu après l'entrée en vigueur de la RGAE, le 13 septembre 1988, l'ARC a publié une circulaire d'information détaillée analysant les applications possibles de la RGAE à 22 transactions hypothétiques distinctes, aucune d'elle ne comportant une interaction entre la loi, d'une part, et la convention fiscale ou un règlement, d'autre part.

À ce sujet, M. Lalonde nous a dit que les opinions sont divisées sur la question. Loin d'accepter la prétention du gouvernement voulant que sa position avait été la même depuis le début et qu'elle était bien comprise dans le milieu fiscal, M. Lalonde a déclaré :

Les avis sont partagés là-dessus. Il y a des débats sur le sujet parmi les juristes et les fiscalistes depuis des années. Pour une raison quelconque, le gouvernement a décidé de demeurer pratiquement silencieux sur la question jusqu'à la présentation de ce projet de loi, en essayant de revenir quelque 16 années en arrière.

Le sénateur Oliver nous a signalé, et je ne le ferai pas une autre fois, les déclarations que Nathalie Goyette, du ministère des Finances, a faites, même si c'était à titre de simple citoyenne, dans une thèse où elle précise que l'une des lacunes de la RGAE réside dans le fait qu'elle ne s'applique pas aux conventions fiscales et que si le gouvernement voulait que ce soit le cas, il devrait légiférer en ce sens, mais pas, bien entendu, comme le sénateur Oliver l'a dit, de façon rétroactive.

En plus, dans le mémoire présenté par l'Association du Barreau canadien et l'Institut Canadien des Comptables Agréés, il y a une annexe de quatre pages de commentaires sur la RGAE de 1988 à maintenant, qui montrent à quel point les opinions ne sont pas tranchées sur la question de l'applicabilité de la RGAE au Règlement de l'impôt sur le revenu ou aux conventions fiscales.

La réalité, c'est que dans un passé récent, il y a eu deux cas — et j'ai soulevé la question à l'étape de la deuxième lecture — où les tribunaux ont décidé que la RGAE ne s'appliquait pas aux règlements d'application de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le gouvernement a fait appel dans ces deux cas, puis il les a abandonnés. Cela nous apprend quelque chose. Il y a deux cas où on se demandait si la RGAE s'appliquait aux conventions fiscales. Les tribunaux allaient être appelés à trancher la question et le gouvernement a décidé de régler à l'amiable. En tant que profane, cela me dit que le gouvernement avait peur de perdre, et au lieu de courir le risque de perdre devant le tribunal, il a saisi le Parlement d'une disposition pour faire adopter 16 ans plus tard, de façon rétroactive, son point de vue sur l'applicabilité de la RGAE.

[Français]

M. Tassé s'est dit estomaqué de voir une telle initiative de la part du gouvernement. C'est sans précédent. C'est du jamais vu. Voilà le témoignage de Roger Tassé.

[Traduction]

Les fiscalistes se disputent depuis des années à ce sujet, et M. Wayne Adams, du ministère, et M. Yvan Roy, le conseiller juridique du ministère, l'ont confirmé dans leurs réponses au comité.

Le troisième argument qu'ils ont utilisé pour décourager la proposition d'amendements, tel que celui que j'ai présenté aujourd'hui, est que si quelqu'un propose un amendement prospectif avec effet à partir de, disons, 2004, cela signifie implicitement qu'il y avait quelque chose d'autre en place depuis 1988. Cet argument a aussi été rapidement écarté par l'Association du Barreau canadien, par M. Tassé et par M. Lalonde, qui n'a eu qu'à citer le passage pertinent de la Loi d'interprétation. Je vais donner aux honorables sénateurs un aperçu du témoignage de M. Lalonde à ce sujet. Voici ce qu'il a dit devant le comité :

Dire qu'un amendement prospectif détruirait la position du gouvernement dans le passé est un argument bidon. D'abord, la Loi d'interprétation dit clairement quelle doit être la signification d'un amendement. Voici ce que prévoit l'article 45.2. Je cite...

M. Lalonde cite la disposition pertinente :

La modification d'un texte ne constitue pas ni n'implique une déclaration portant que les règles de droit du texte étaient différentes de celles de sa version modifiée ou que le Parlement, ou toute autre autorité qui l'a édicté, les considérait comme telles.

M. Lalonde poursuit :

La Loi d'interprétation est tout à fait claire et catégorique à cet égard. Personne ne peut conclure qu'un amendement prospectif modifie le droit ou la pratique qui existait jusqu'alors.

(1520)

Il ajoute :

Mon deuxième argument sur cette question d'interprétation en est un que j'ai déjà mentionné. Lors de leur comparution hier, les hauts fonctionnaires ont affirmé catégoriquement que la loi est claire en ce qui concerne les traités. Si elle est claire, pourquoi cet amendement? Laissons les juges décider. Pourquoi faudrait-il un amendement si c'est clair?

Honorables sénateurs, mon amendement rendrait la règle générale anti-évitement applicable aux traités fiscaux à compter du budget 2004, autrement dit dans les cas datant de 1988 à 2004. Laissons le gouvernement et les contribuables tenter leur chance devant les tribunaux. Voilà ce que ferait mon amendement.

Quand j'ai pris la parole à l'étape de la deuxième lecture, je me suis demandé tout haut comment une telle disposition avait pu être approuvée par le Cabinet que certains d'entre nous avons connu et dont nous avons fait partie.

Le sénateur Cools : Comme c'est étrange !

Le sénateur Murray : Dans une certaine mesure, M. Tassé a cerné le problème quand il a dit qu'au ministère des Finances, les questions fiscales sont jugées tellement importantes que ce sont finalement les hauts fonctionnaires et les avocats qui ont décidé que ces mesures ne suivraient pas le processus habituel de freins et de contrepoids au Cabinet. Je pense que c'est probablement le cas.

M. Lalonde, qui est si consciencieux, a jeté un coup d'oeil sur le projet de loi et a dit que, dans les deux pages jointes à ce projet de loi, même s'il y a un renvoi à la RGAÉ, les notes ne donnent nullement à penser que la disposition sera rétroactive, et encore moins qu'elle le sera de 16 ans. Il a laissé entendre, probablement avec raison, que c'était probablement ce renseignement trompeur qui avait été présenté aux ministres. Comme il l'a dit, les ministres ne passent pas leurs nuits à jongler à des projets de loi portant sur des détails. Ils acceptent ce que disent leurs fonctionnaires. Dans ce cas-ci, leurs fonctionnaires ont dit que le projet de loi apportait seulement quelques clarifications et qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter, il n'y avait rien qui sortait de l'ordinaire.

Le sénateur Cools : Il n'y a pas lieu de s'inquiéter, tout est bien.

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, nous savons tous que la situation est plutôt incertaine au Parlement ces jours-ci. Je suis d'avis que les sénateurs, nous tous, et peut-être particulièrement du côté du gouvernement, font face à un faux dilemme. On nous dit que si un amendement est adopté, le projet de loi devra naturellement être renvoyé à la Chambre des communes. C'est avant tout une question de date. Le projet de loi doit mettre en oeuvre le budget de 2004. Nous avons déjà eu l'adresse en réponse au budget de 2005 et ce projet de loi d'exécution est en attente jusqu'à ce que le projet de loi d'exécution du budget de 2004 soit adopté.

Son Honneur le Président : Je regrette de vous interrompre, mais votre temps de parole de 15 minutes est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

Des voix : Oui.

Le sénateur Murray : Un peu de temps, si on me le permet.

Son Honneur le Président : La permission est accordée pour une prolongation de...

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : L'usage prévoit normalement une période additionnelle de cinq minutes, si le sénateur Stratton est d'accord.

Le sénateur Cools : Ce n'est pas un usage; vous avez concocté cela.

Son Honneur le Président : C'est convenu pour cinq minutes.

Le sénateur Murray : J'espère faire valoir mon argument en moins de cinq minutes. Les sénateurs savent que la dissolution du Parlement nous pend au bout du nez.

Le sénateur Mercer : Non, non! Il reste encore quatre ans!

Le sénateur Murray : Nous risquons fort de voir les projets de loi d'exécution des budgets de 2004 et de 2005 mourir au Feuilleton. On met de l'avant toutes ces considérations pour tenter de persuader les sénateurs de rejeter tout amendement au projet de loi.

Honorables sénateurs, je ne peux parler de cette question qu'en mon propre nom, mais nous avons eu des dilemmes de ce genre dans le passé. Ceux d'entre nous qui sont assez âgés pour avoir collaboré avec le défunt sénateur Salter Hayden, lorsqu'il était président du Comité sénatorial permanent des banques, se souviendront comment ces problèmes étaient réglés alors. Souvent, le sénateur Hayden allait voir le ministre responsable et négociait avec lui une entente écrite par laquelle le ministre s'engageait à corriger la disposition en cause à la première occasion, lors de la présentation de modifications techniques à la loi. Sur cette base et sur la foi de l'entente écrite, le sénateur Hayden se présentait devant le Sénat et nous persuadait d'adopter le projet de loi tel quel. Ce n'est peut-être pas une façon très élégante de procéder, mais elle a bien servi de temps en temps dans le passé.

Encore une fois, je ne peux parler qu'en mon propre nom, mais je comprends fort bien les contraintes de temps et les autres pressions qui s'exercent sur le gouvernement et sur les honorables sénateurs en ce qui concerne ce projet de loi. Si le Sénat y consent, je retirerais mon amendement s'il est possible d'obtenir du ministre, directement ou par l'entremise du leader du gouvernement au Sénat, l'engagement de modifier cette rétroactivité de 16 ans lors de l'entrée en vigueur de ces dispositions, dont la date devrait être en 2004. Sur cette base, nous pourrions adopter le projet de loi tel quel et attendre des modifications techniques qui viendraient plus tard, sur la base de l'engagement du ministre.

Voilà donc ce que je propose aux honorables sénateurs. Il ne m'appartient pas de négocier avec le ministre des Finances. Il y a des sénateurs ici qui, j'en suis sûr, peuvent prendre contact avec lui et essayer de le persuader que c'est la bonne chose à faire. Je présente cette proposition car, honorables sénateurs, aucun parlementaire canadien ne devrait avoir à voter en faveur d'une disposition aussi odieuse et aussi contraire à un principe de base de notre Constitution, la primauté du droit

Des voix : Bravo!

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je voudrais répondre aux questions que le sénateur Murray a soulevées au sujet du projet de loi C-33. Il a concentré ses propos sur la règle générale anti-évitement, qui figure à l'article 60 du projet de loi.

Il est clair qu'il existe un grand fossé entre la réalité et la situation perçue. Nous ne pourrons pas combler ce fossé en recourant à la méthode du sénateur Hayden dont vient de nous parler le sénateur Murray, parce qu'il n'est pas question ici d'une erreur technique pouvant être corrigée par un engagement du ministre.

Honorables sénateurs, la situation est très différente. Pour le gouvernement, il n'y a pas de rétroactivité. Comme le ministre l'a établi dans son témoignage et comme l'ont montré d'autres dépositions présentées au Comité sénatorial permanent des finances nationales — car j'ai assisté à quelques réunions —, les fiscalistes sont depuis longtemps au courant de l'interprétation faite par le gouvernement, par le ministère des Finances et par l'Agence du revenu du Canada, à savoir que la règle générale anti-évitement s'applique aussi bien aux règlements qu'aux traités et ce, depuis son introduction dans la législation fiscale en 1988.

(1530)

Je tiens à souligner que la loi à laquelle nous faisons référence avait été présentée par le ministre des Finances de l'époque, l'honorable Michael Wilson. Un habile ministre des Finances comme l'honorable Michael Wilson aurait proposé une mesure, la règle générale anti-évitement, ou RGAE, qui s'appliquerait uniquement à la loi, mais qui ne s'appliquerait pas aux règlements découlant de la loi même, qui ne permettent pas d'instituer de nouvelles responsabilités — ce n'est pas le rôle des règlements — et qui ne s'appliquerait pas aux conventions fiscales fondées sur cette même loi? Cela dépasse l'entendement. Pourquoi un gouvernement, à l'époque, aurait-il laissé une si grande lacune dans le régime fiscal? C'est tout simplement insensé. On présume que cette pratique avait été comprise dès le départ. C'est la position qu'a adoptée l'actuel ministre des Finances, et c'est également la position prise par les autorités fiscales dans le monde entier.

Honorables sénateurs, avec le temps, certains fiscalistes ont fini par aviser leurs clients qu'il pourrait y avoir ce qu'il est convenu d'appeler dans le domaine une « échappatoire » dans le droit fiscal. Le ministère a énoncé clairement sa position de bien des façons, notamment dans l'exposé qu'a présenté le ministre lorsqu'il a comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales le 20 avril 2005. De nombreuses conférences sur l'impôt réunissant des représentants du gouvernement ont eu lieu et, à plusieurs reprises, le gouvernement a déclaré que, à son avis, la RGAE s'appliquait tant aux règlements qu'aux conventions.

Cependant, la question a continué de faire l'objet de controverses et, par surcroît, de litiges. On ne peut raisonnablement soutenir que, parce qu'il a réglé hors cours deux affaires fiscales, le ministère des Finances ait assoupli sa position. Des causes fiscales complexes peuvent être entamées pour toutes sortes de motifs et se régler pour toutes sortes de raisons. C'est pourquoi, selon ma thèse, une argumentation s'appuyant sur des causes réglées de gré à gré n'est pas nécessairement d'une grande utilité.

Le sénateur Murray a fait mention d'un article publié par une personne du ministère de la Justice, en 1995. Toutefois, dans l'affaire Equilease, présentée devant la Cour canadienne de l'impôt en 1997, le juge Bowman — qui depuis a été nommé juge en chef de la Cour canadienne de l'impôt —, avait déclaré, dans une opinion incidente, c'est-à-dire dans une remarque, que selon lui, il ne faisait aucun doute que la RGAE devait s'appliquer, dès le départ, aux conventions fiscales.

Cela n'est pas définitif, en ce sens que la décision fut rendue en fonction de cette question précise. La décision fut prise à la lumière d'autres questions, dont la RGAE. Nous pouvons citer plusieurs autres spécialistes en fiscalité à témoigner devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, mais le juge en chef Bowman est un remarquable fiscaliste, dont l'opinion doit être prise au sérieux et qui est considéré comme une personne digne de confiance par le ministère des Finances.

Le problème ici, comme l'a indiqué le sénateur Murray, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi budgetaire, qui prévoit un certain nombre de mesures qui ont des répercussions sur différents groupes de contribuables. Le sénateur Day en a énuméré quelqus-uns, et je veux simplement parler brièvement des mesures qui visent à venir en aide aux citoyens qui prennent soin de personnes handicapées. Le projet de loi permet aux aidants naturels de personnes handicapées de réclamer des dépenses liées à la santé et au handicap engagées au nom des parents dépendants

Ce projet de loi est également important pour le secteur du bénévolat, honorables sénateurs. Il propose de moderniser le régime administratif régissant les organismes de bienfaisance enregistrés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il reconnaît l'importance des petites et moyennes entreprises et propose de devancer d'un an le relèvement, à 300 000 $, du plafond des revenus donnant droit à la déduction accordée aux petites entreprises.

Honorables sénateurs, cette mesure législative comporte beaucoup d'autres éléments. Le sénateur Rompkey me demande de mentionner qu'elle prévoit une disposition spéciale visant particulièrement à aider les militaires et leur famille. La disposition en question reconnaît que certains militaires acceptent de participer à des missions opérationnelles internationales à risque élevé; Le projet de loi qui entrera en vigueur le 1er janvier prévoit que les soldats et les policiers canadiens ne seront désormais plus tenus de payer de l'impôt sur le revenu d'emploi gagné lors de ce genre de missions jusqu'à concurrence du revenu au taux maximal de rémunération d'un militaire de rang des Forces canadiennes.

Le projet de loi porte également sur le droit au titre de la sécurité des passagers du transport aérien, question dont le Sénat a discuté à plusieurs reprises, et prévoit de réduire son montant.

Il porte également sur le régime fiscal visant les Autochtones et propose des modifications à la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations en vue de faciliter la conclusion d'arrangements fiscaux entre le gouvernement du Québec et les bandes indiennes intéressées situées au Québec.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne la RGAE, j'aimerais lire un bref extrait du discours que le ministre a prononcé devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, le 20 avril 2005.

Le sénateur Stratton : Les gens qui ne sont pas des escrocs n'ont pas à s'inquiéter.

Le sénateur Austin : Si vous le permettez, le ministre a écrit ce qui suit au sujet de la RGAE :

La règle générale anti-évitement a pour objet de faire obstacle aux stratagèmes d'évitement fiscal abusifs ou factices sans pour autant nuire aux opérations commerciales et familiales légitimes.

En cherchant à faire la distinction entre la planification fiscale légitime et l'évitement fiscal abusif, la règle générale anti- évitement vise à établir un équilibre raisonnable entre la protection de l'assiette fiscale et les besoins de planification financière de certains contribuables.

Le budget 2004 tient à préciser que la règle générale anti- évitement vise les transactions liées à une mauvaise application ou à un abus des dispositions du Règlement de l'impôt sur le revenu, des conventions fiscales et de toute autre loi fédérale.

Voilà le simple but de cette disposition particulière. Elle vise à préciser la raison d'être d'une pratique utilisée depuis longtemps et à contrer l'évitement fiscal. L'évitement fiscal correspond à des pratiques qui ne s'appuient sur aucune réalité des activités fiscales des entreprises ou des particuliers. Ce sont des transactions factices visant à éviter l'assujettissement fiscal auquel le contribuable serait autrement soumis.

Voici un exemple simple : une entreprise établie par un contribuable canadien dans un pays étranger où le régime fiscal est différent. Il s'agit d'une entreprise réelle, qui a des actifs et des employés, qui réalise des ventes ou fabrique des biens, et qui a des installations dans ce pays. On parle d'évitement fiscal lorsqu'il s'agit d'une entreprise artificielle, qu'il n'est question que de documents et non d'activités commerciales réelles.

(1540)

Honorables sénateurs, le ministre a bel et bien dit que les contribuables canadiens qui mènent des activités commerciales légales dans un autre pays ne sont pas assujettis à la règle générale anti-évitement. Si leurs activités ne visent qu'à éviter de payer des impôts au Canada — c'est-à-dire s'il ne s'agit pas d'activités commerciales ou personnelles réelles —, alors la règle anti-évitement peut s'appliquer.

Je sais que certaines personnes dans cette enceinte voudraient qu'on trouve un arrangement par rapport à cette disposition en particulier. Je sais aussi, pour en avoir discuté avec lui, que le ministre du Revenu national, John McCallum, refuserait que l'article 60 ne s'applique qu'à compter de l'année d'imposition 2004. Le point de vue de l'Agence du revenu du Canada est clair : l'article vise l'année d'imposition 1988 et les années subséquentes, comme l'avaient prévu le gouvernement de Brian Mulroney et l'ancien ministre des Finances, Michael Wilson, le gouvernement actuel en est convaincu.

Honorables sénateurs, je parlerai au ministre McCallum, mais pas aux conditions du sénateur Murray, parce que, d'après le ministre, l'article 60 s'applique à partir de 2004. D'après le gouvernement, il s'applique depuis 1988 et continue de s'appliquer depuis cette année- là.

Le sénateur Murray : Tentez votre chance devant les tribunaux.

Le sénateur Austin : Je parlerai au ministre, parce que certains souhaitent obtenir un peu d'assurance quant à l'interprétation ou à l'application de l'article 60. Est-ce que j'obtiendrai des assurances additionnelles de la part du ministre? Je ne suis pas en mesure de le dire. Cette question a été soulevée au Sénat, il n'y a pas très longtemps. Je n'ai pas quitté la Chambre parce que je voulais entendre les propos des sénateurs Oliver et Murray.

Il ne suffit aucunement de dire que le gouvernement du Canada, ou n'importe quel contribuable d'ailleurs, peut « tenter sa chance devant les tribunaux ». Honorables sénateurs, le gouvernement a fait connaître sa position au Parlement. Elle a été adoptée à l'autre endroit. Ce projet de loi est considéré comme un vote de confiance à l'autre endroit. Il doit être considéré de même au Sénat.

Le sénateur Murray a raison de dire que si le projet de loi était amendé dans notre Chambre, ce qui serait tout à fait inusité pour un projet de loi de nature budgétaire, puis renvoyé à l'autre endroit, il pourrait bien être perdu. Honorables sénateurs, je vous incite à voter contre l'amendement proposé par le sénateur Murray.

L'honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, je vais intervenir sur cette même question de la règle générale anti- évitement. Les sénateurs en sont conscients, dans le projet de loi proposé, la RGAE s'appliquerait aux conventions fiscales et au Règlement de l'impôt à partir de 1988. J'admets avec le sénateur Austin que le projet de loi C-33 contient de nombreuses autres dispositions auxquelles je tiens et que je juge importantes pour les Canadiens, qui font en sorte qu'il devrait être adopté le plus vite possible.

Voici la réponse du gouvernement au septième rapport du Comité permanent des comptes publics :

Le principe fondamental de la règle de droit, même s'il n'interdit pas des modifications rétroactives, favorise clairement des règles de droit qui sont rendues publiques avant leur application. L'importance de ces considérations milite à l'encontre de l'inclusion d'amendements rétroactifs dans la législation fiscale comme moyen d'éviter des litiges. Bien qu'il serait possible au plan juridique d'adopter chaque fois une mesure législative pour apporter une correction ou une clarification rétroactive, le processus de règlement des différends a le mérite de faire apparaître une interprétation de la législation fiscale et le ministère des Finances n'est pas d'avis qu'une telle approche se traduirait par une complexification de la législation, entrerait en conflit avec le principe que les tribunaux doivent être les ultimes interprètes de la loi et minerait le sentiment de certitude que devraient éprouver les contribuables à l'égard du régime fiscal.

Je pense que tous les sénateurs seront d'accord avec cela. Selon l'argument du ministre et du sénateur Austin, il ne s'agit pas d'un changement rétroactif, mais bien d'une clarification ou de la formalisation d'un principe clair qui existe depuis longtemps dans notre société. Cet argument technique soulève une question importante à laquelle il faut s'attaquer en étudiant ce projet de loi. Pour cela, il faut retourner aussi loin que possible dans le temps pour déterminer ce que les fiscalistes, puis Revenu Canada et le ministère des Finances pensaient de tout cela à l'époque et déterminer à quel point cette question était claire.

Le sénateur Austin a fait allusion à un document, dont on peut obtenir une copie, qui mentionne que le ministère des Finances a fait plusieurs déclarations à cet égard au fil des ans. Il importe aussi de noter qu'en 1988, lors de l'entrée en vigueur de la loi, on n'a pas fait paraître de bulletin d'interprétation. On publie habituellement les bulletins IT pour expliquer à la population comment interpréter certaines parties de la loi. À ce jour, nous n'avons jamais vu de bulletin IT sur cette question.

Il faut se rappeler qu'il n'y a pas eu de communiqué officiel de Revenu Canada en 1989. Il s'agissait plutôt de discours prononcés par l'agence dans des réunions de fiscalistes. En 1989, les responsables de Revenu Canada ont déclaré que le ministère pourrait appliquer la RGAE aux transactions de chalandage fiscal. Ils l'ont dit expressément. En 1993, ils ont dit qu'ils songeaient à cette application. Ils n'ont pas dit qu'ils allaient ou qu'ils devraient l'appliquer, mais qu'ils y songeaient.

M. Lindsey, fiscaliste, éminent avocat et principal architecte de la réforme fiscale de 1971 qui a mis en oeuvre les recommandations de la célèbre Commission Carter, a fait des observations à cet égard en 1988; M. Ward a dit en 1992 qu'aucune décision n'avait été prise concernant l'application de la RGAÉ aux conventions. M. Richard Tremblay, principal associé en fiscalité de Osler Harcourt, l'a répété en 1995. En 1996, M. Gregory a déclaré que, même si la RGAE pouvait jouer un rôle restrictif dans l'interprétation des définitions dans les conventions fiscales, comme l'ont laissé entendre les autres personnes citées ci-dessus, il est peu probable que la RGAE s'applique à une interprétation plus générale des conventions fiscales en dehors de ce cadre étroit. En 1999, M. Ward a dit qu'il pouvait y avoir des arguments très convaincants selon lesquels la RGAE ne devrait pas s'appliquer à l'usage abusif d'une convention fiscale. Ces messieurs n'ont pas dit que la RGAE ne devrait pas s'appliquer, mais plutôt qu'il n'était pas clair que la RGAE s'applique. Les Canadiens voudraient probablement savoir si la RGAE devrait s'appliquer. La documentation montre sans l'ombre d'un doute qu'il existait un certain flou, parce qu'il est impossible de déterminer si elle s'applique ou non.

Nous nous sommes adressés à Mme Nathalie Goyette, juriste expert, Direction des affaires fiscales, Justice Canada, et M. Roger Tassé, ancien sous-procureur général du Canada, qui ont tous deux dit la même chose. Nous avons entendu la même chose de la part des représentants de l'Association du Barreau canadien et d'autres encore. Au comité, deux fonctionnaires du gouvernement ont admis à deux occasions qu'il y a un certain flou. Ils n'ont pas dit que c'était clair, mais plutôt que c'était flou. Selon deux décisions rendues par des tribunaux inférieurs, la RGAE ne s'applique pas aux règlements et d'après un autre tribunal, elle s'applique aux règlements. Si les tribunaux ne peuvent s'entendre, c'est que la question n'est pas claire.

Honorables sénateurs, il est très clair que ce n'est pas clair, on peut donc comprendre que les gens agissent en conséquence. Selon ce qu'on en disait en 1988, c'est contraire au droit; c'est certainement contraire à l'équité. Par ailleurs, on peut soutenir que si la loi est tellement claire, pourquoi y toucher? Pourquoi avoir une loi? Si c'est clair, pourquoi légiférer?

(1550)

À mon avis, comme je l'ai dit plus tôt, il est bien clair que cela n'est pas clair. Il est clair que les gens ignoraient comment la loi s'appliquait et, par conséquent, ce projet de loi est rétroactif et punitif, et il cause une grave injustice à cette partie de la population.

Ce qui est moins clair, à mon sens, c'est la question que le sénateur Austin et le sénateur Murray ont abordée dans la dernière partie de la discussion. Nous sommes dans un milieu politique. Nous appartenons presque tous à un parti politique. Lors du vote au comité, beaucoup de sénateurs ont voté conformément à la ligne de leur parti. De toute évidence, les membres d'un parti croient au système de valeurs de leur parti et adhèrent à ses convictions. Beaucoup estiment qu'il est dans l'intérêt du Canada qu'ils appuient leur parti dans des situations comme celles-ci.

Je m'interroge également beaucoup sur nos responsabilités en tant que sénateurs. La lecture de l'ouvrage du sénateur Joyal montre clairement que notre principale responsabilité consiste à défendre les intérêts supérieurs des Canadiens et du Canada. On pourrait soutenir pendant un court laps de temps qu'appuyer son parti politique dans certaines situations permet de défendre les intérêts supérieurs du Canada. Cette zone est encore plus grise dans mon esprit. Comment devons-nous nous comporter dans ces cas? J'ai hâte d'entendre les observations des sénateurs.

Je comprends également que, si nous proposons un amendement et qu'il est renvoyé à la Chambre des communes, ce projet de loi, qui possède bien des qualités, risque de ne pas être adopté.

Je suis assez nouveau au Sénat. J'ai hâte d'entendre les sénateurs se prononcer sur le partage de notre loyauté entre notre parti et nos amis. De toute évidence, les pressions sont fortes pour que nous demeurions loyaux envers notre parti. Cependant, si nous devons partager notre loyauté, la loyauté envers les Canadiens devrait presque toujours l'emporter sur la loyauté ou sur le sentiment d'amitié que nous éprouvons pour le parti politique auquel nous appartenons.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat. J'ai de graves inquiétudes au sujet des dispositions de ce projet de loi. Je suis heureuse que le sénateur Murray m'ait donné l'occasion de me prononcer en faveur de quelques-uns des trois amendements qu'il a proposés au projet de loi. Bien qu'ils soient réunis dans un seul amendement, il propose des amendements à trois différents articles du projet de loi.

En ce qui concerne l`article le plus problématique, je commencerai par lire aux fins du compte rendu les dispositions en question. Je veux parler des paragraphes 60(1) et (2), qui sont ainsi libellés :

60. (1) La Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu est modifiée par adjonction, après l'article 4.1 de ce qui suit :

4.1 Malgré toute convention ou la loi y donnant effet au Canada, le droit du Canada est tel que l'article 245 de la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique à tout avantage prévu par la convention.

(2) Le paragraphe (1) s'applique relativement aux opérations conclues après le 12 septembre 1988.

Honorables sénateurs, ne vous méprenez pas. Ne croyez pas à tort que cette disposition puisse être autre chose que rétrospective et rétroactive de la loi. C'est évident à première vue puisqu'il y est dit qu'elle s'applique à toutes les opérations conclues après le 12 septembre 1998. L'application de la loi serait rétrospective et rétroactive.

Honorables sénateurs, je n'ai plus la naïveté du sénateur Massicotte. J'ai résolu mon dilemme en changeant de bord. Je n'ai donc plus à voter jour après jour sur des textes lamentables et sans scrupules.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Cools : Ce ne serait pas un problème pour moi de poursuivre dans cette veine.

Aucune mention n'est faite, dans le résumé du projet de loi C-33, de l'une de ses principales orientations, notamment la création d'une loi remontant 17 ans dans le passé. Cela, honorables sénateurs, est une question gave pour le Parlement. C'est une chose qui va à l'encontre de la tradition parlementaire, qui est outrageante et même répugnante pour le Parlement.

Nous devons faire la différence entre les divers types de projets de loi rétroactifs et autres. Par exemple, bien des projets de loi d'exécution du budget sont rétroactifs parce qu'il le faut, mais ils sont d'habitude rétroactifs à la date du discours du budget ou à celle de la présentation du projet de loi. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit dans cette disposition, où il est plutôt question de revenir dans le passé pour modifier des politiques et des lois alors que des centaines de milliers de Canadiens ont déjà conclu leurs transactions ou leurs affaires personnelles sur la base de ce que stipulait la loi à l'époque, ce qui est tout à fait contraire aux règles et incorrecte. Si nous avions un Parlement fort, si l'une et l'autre des Chambres, la Chambre des communes et le Sénat, étaient fortes, elles condamneraient prestement ce genre d'activité et demanderaient aux ministres de rendre des comptes, ce qui ne se fait plus de nos jours, mais je laisse cet aspect pour une autre fois.

Pour ce qui est de cette approche extrêmement radicale, je voudrais simplement citer une ou deux autorités en matière de modification législative à effet rétroactif. On parle dans ce domaine d'effet prospectif, s'appliquant au futur, et d'effet rétroactif, s'appliquant au passé.

Nous connaissons tous Blackstone et les autres célèbres constitutionnalistes anglais, mais nous connaissons moins les juristes américains. J'aimerais profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour citer l'une des grandes sommités du monde juridique issue des États-Unis, Theodore Sedgwick. Je vais citer des extraits de son ouvrage de 1874 intitulé A treatise on the Rules that Govern the Interpretation and Construction of Statutory and Constitutional Law. L'ouvrage n'est pas récent, mais il est excellent.

Il y est question des règles et des principes de rédaction, d'élaboration et d'interprétation des lois. Le chapitre 5 contient une brève section intitulée « Lois à effet rétrospectif ». À la page 60, Sedgwick nous dit :

Lois à effet rétrospectif ou rétroactif. Toute loi qui supprime ou diminue un droit acquis fondé sur les lois en vigueur ou qui crée une nouvelle obligation, impose un nouveau devoir ou frappe d'une invalidité nouvelle des transactions ou des affaires déjà conclues doit être considérée rétrospective ou rétroactive. Les auteurs philosophiques ont souvent refusé de reconnaître à l'assemblée législative le pouvoir d'adopter des lois ayant de tels effets.

Honorables sénateurs, Sedgwick nous informe du fait que l'on a souvent refusé de reconnaître la pratique qui consiste à retourner dans le passé pour créer de nouvelles invalidités, notamment en droit civil, ou supprimer des droits acquis. Je tiens à en faire état avec toute la vigueur possible aujourd'hui.

(1600)

J'ai également pris le temps de consulter un ouvrage de sir William Blackstone, l'auteur anglais qui a écrit sur la common law, 100 ans avant Sedgwick. Sir William Blackstone, dans le livre 1 de la première édition, 1765 à 1769, de son fameux ouvrage, Commentaries on the Laws of England, a écrit, à la page 46, ce qui suit :

La loi ne doit disposer que pour l'avenir et elle doit être publiée à l'avance, ce qui est implicite dans le terme « prescrit ».

Honorables sénateurs, la prépondérance et le poids de l'opinion parlementaire depuis des siècles veulent que les lois rétroactives doivent être évitées, sauf dans des circonstances exceptionnelles. De façon générale, on devrait donc éviter d'adopter des lois rétroactives.

Le pouvoir du Parlement sur le prélèvement d'impôts est presque sacré. Des révolutions ont eu lieu sur cette question et, à mes yeux, cela ajoute une toute autre dimension à ce phénomène.

Je suis d'avis, honorables sénateurs, que l'adoption de lois rétroactives en matière d'imposition et en matière d'impôt sur le revenu est encore plus répugnante que celle de lois semblables dans d'autres domaines.

Je ne suis pas parvenue à obtenir que le Comité des finances nationales discute du phénomène du recours à des lois rétroactives en ce qui concerne des mesures d'imposition de ce genre, et cela me préoccupe vivement.

J'ai réexaminé les travaux de ce comité, et j'invite tous les sénateurs à le faire aussi.

Le comité a entendu M. Marc Lalonde, ainsi que MM. Brian Carr et Paul Hickey, les coprésidents du Comité mixte sur l'imposition de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut Canadien des Comptables Agréés. MM. Carr et Hickey ont tous deux témoigné sur les affirmations du ministre et ils ont fermement condamné sa position, comme l'a fait l'ancien sous-ministre de la Justice, M. Roger Tassé, qui a comparu à titre individuel le 2 mai 2005.

M. Marc Lalonde, un ancien ministre de la Justice et des Finances et un ancien titulaire de plusieurs autres portefeuilles, a comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales le 3 mai 2005. J'ai beaucoup de respect pour M. Lalonde. Je suis arrivée au Sénat dans les derniers mois du gouvernement de M. Trudeau. M. Lalonde occupait alors un poste de ministre et j'ai toujours eu beaucoup de respect pour son intelligence et la clarté de son esprit. C'est un ministre libéral qui, à ce jour, n'a jamais été l'objet de quelque forme de scandale ou de discrédit que ce soit.

Je tiens à faire part de ma déception à l'égard de la décision prise par le comité de direction de ne pas donner à M. Lalonde la chance de comparaître devant le Comité sénatorial des finances nationales. Heureusement, la décision a été renversée en comité plénier et M. Lalonde a été invité à comparaître.

Pour ma part, j'apprécie toujours beaucoup l'expérience et les connaissances que les anciens ministres peuvent partager avec nous à plusieurs sujets. Ils allient à la fois le cadre théorique et conceptuel du Parlement aux grands principes de gouvernance, tout en faisant preuve d'une bonne compréhension du fonctionnement du gouvernement, ce qui est toujours d'une grande utilité.

Le 3 mai 2005, M. Lalonde a dit :

Je témoigne aujourd'hui devant vous à la fois à titre de conseiller auprès de la société Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L. et d'ancien ministre fédéral de la Justice et des Finances.

Je tiens à faire part de mon accord avec les exposés présentés par le Comité conjoint de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut Canadien des Comptables Agréés, et par M. Roger Tassé, c.r., autrefois sous-ministre au ministère fédéral de la Justice, lesquels rejettent catégoriquement le recours aux dispositions rétroactives contenues dans le projet de loi C-33.

Le ministère des Finances a toujours reconnu le fait que le recours à la rétroactivité devait constituer une mesure exceptionnelle qui ne devrait être utilisée que dans des circonstances exceptionnelles.

Ce sont là les paroles d'un ancien ministre des Finances.

Je répète ce qu'il a dit :

Le ministère des Finances a toujours reconnu le fait que le recours à la rétroactivité devait constituer une mesure exceptionnelle qui ne devrait être utilisée que dans des circonstances exceptionnelles. Les dispositions relatives à la rétroactivité que l'on trouve dans le projet de loi C-33 ne respectent pas les critères qui ont été énoncés par ce même ministère dans son rapport déposé au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes en 1995.

Ces amendements modifient radicalement la loi rétroactivement à 1988. Il est trompeur de dire qu'ils ne font que préciser la situation.

M. Lalonde parle de...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée de vous interrompre, honorable sénateur, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Cools : Oui, j'aimerais beaucoup qu'on me donne la permission.

Le sénateur Rompkey : Nous allons accepter cinq minutes.

Le sénateur Cools : Que se passerait-il si j'en demandais six? Est-ce qu'on m'en donnerait quatre?

Je dois dire aux honorables sénateurs que je suis bénie. Je prie et médite à propos des questions touchant la vanité. Lorsque je prends la parole, c'est habituellement dans le but de consigner quelque chose que la postérité pourra lire pour son édification. Je ne parle pas simplement pour entendre le son de ma voix.

N'oubliez pas que M. Lalonde rejette, à l'instar des autres témoins, le témoignage du ministre Goodale selon lequel cette disposition ne serait qu'un simple éclaircissement qui devrait être adopté du jour au lendemain sans aucun débat. Il rejette ce témoignage comme étant spécieux, erroné et fallacieux.

Il a ajouté :

Si le ministère des Finances ou l'Agence du revenu du Canada sont d'avis qu'il y a eu mauvais usage ou abus dans certaines circonstances, il existe des façons claires de corriger ces situations. La solution ne consiste pas à accorder rétroactivement à des fonctionnaires le droit de décider ce

que, selon eux, la loi aurait dû signifier entre 1988 et 2004. Dans le régime démocratique canadien, il appartient aux tribunaux, et non aux fonctionnaires, de dire le droit. Si l'Agence du revenu du Canada estime que la loi n'a pas été respectée, qu'elle saisisse les tribunaux de la question et qu'elle laisse les juges trancher.

Honorables sénateurs, dans tout le reste de son témoignage, M. Lalonde continue, avec son esprit clair et lucide, de tailler en pièces les arguments plutôt faibles présentés devant le comité par le ministre des Finances, M. Goodale, par son secrétaire parlementaire, M. John McKay, et par son conseiller juridique, M. Yvan Roy.

Honorables sénateurs, le gouvernement semble croire que, puisque les articles du projet de loi portant sur la RGAE sont tellement ésotériques qu'ils n'intéressent que le petit cénacle de fiscalistes de notre pays, ces dispositions du projet de loi ne lui causeront pas d'ennuis. En outre, le gouvernement semble croire que ces dispositions ne s'appliquent qu'à « quelques personnes très fortunées » et que c'est une justification suffisante.

(1610)

Je demande aux honorables sénateurs d'examiner ce projet de loi. Le sénateur Massicotte parlait de loyauté envers le parti. Le sujet dépasse le cadre de la loyauté et rejoint les principes qui sont à la base même de la gouvernance et qui déterminent notre manière de légiférer.

Les arguments du gouvernement étaient maigres, faibles, fragiles, entre autres qualificatifs. Il y a quelques instants, le leader du gouvernement, le sénateur Austin citait l'opinion incidente du juge Bowman. Selon moi, honorables sénateurs, cela me donne raison car l'opinion à laquelle se référait le sénateur Austin n'a pas force de loi. Au mieux, il s'agit de pensées, de réflexions ou de l'opinion d'un juge. Le fait que le sénateur Austin se soit référé de façon répétée à cette citation démontre l'absence de fondements conceptuel, intellectuel et parlementaire de cette mesure qui aurait un effet rétroactif.

J'ai été très déçue par les propos moins que flatteurs, pour ne pas dire méprisants, qui ont été proférés à l'endroit de M. Lalonde, au comité et au Sénat. Ces propos n'étaient peut-être pas vraiment méprisants, mais ils sèment le doute au sujet de son intégrité, de ses intentions et de ses motivations. Je suis déçue que pareils propos aient été tenus dans le cadre du débat actuel. J'ai beaucoup d'estime pour M. Lalonde, mais je ne saurais en dire autant de la plupart des autres libéraux, par les temps qui courent.

[Français]

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je participe assidûment à toutes les séances du Comité des finances nationales, dont je suis membre. Tous les dossiers et les projets de loi que nous y étudions m'intéressent. Je partage les opinions des sénateurs Massicotte et Murray et je comprends aussi les commentaires du sénateur Austin. Toutefois, je dois vous faire part de certaines informations.

J'ai assisté à toutes les sessions de breffage organisées par les fonctionnaires du ministère. Pourtant, en aucun moment n'a-t-on souligné l'aspect de rétroactivité ou de clarification. En aucun moment n'a-t-on discuté du dossier des organisations caritatives à but non lucratif ou du fait que 81 000 organisations de ces dernières allaient être affectées.

On a souligné tous les éléments positifs du projet de loi, et il y en a plusieurs, mais j'ai des réticences quant au fait qu'après avoir pris des mesures aussi positives pour l'ensemble de nos concitoyens, nos militaires et les personnes handicapées, on y ait inséré — et je ne peux pas dire que cela a été fait délibérément — un projet de loi concernant les multinationales.

Rassurez-vous, je ne suis pas touchée par les multinationales. Non pas que je n'en connaisse pas non plus. Je suis ce qu'on appelle une « citoyenne moyenne ». Par contre, le citoyen canadien moyen a certainement intérêt à ce que des règles de droit et d'équité soient en place, peu importe ses revenus.

Mes collègues ont tous commenté cette question de rétroactivité. Je n'ai pas de formation légale, mais je puis vous assurer d'une chose : une logique très simple sous-tend cette question. En effet, selon les témoignages que nous avons reçus des représentants officiels du ministère, le projet de loi de 1988 serait très clair. S'il est clair, pourquoi avons-nous besoin de le clarifier? Et s'il a été rendu très clair en 1995 par les jugements de la cour, pourquoi avons-nous besoin de ces deux éléments de rétroactivité? S'il n'avait pas été clair, pourquoi ne pas avoir inclus ces deux éléments dans les budgets de 1996-1997? Quelque chose m'échappe et j'ai de la difficulté à l'accepter.

L'autre point que j'aimerais porter à votre attention concerne l'article 35, qui touche les organisations à but non lucratif de notre pays. J'ai reçu par télécopieur, cet après-midi à mon bureau, une lettre qu'il me fait plaisir de vous lire :

[Traduction]

Madame le sénateur,

Objet : Projet de loi C-33, modification des dispositions de la Loi de l'impôt relatives au contingent des versements.

Lors de notre comparution, le 2 mai, nous avons trouvé encourageant l'intérêt porté par le Comité sénatorial permanent des finances aux répercussions du projet de loi C- 33 sur les organismes de bienfaisance.

Cela m'amène à aborder un autre point. Le Comité sénatorial permanent des finances est le seul comité parlementaire à avoir démontré son respect pour les organisations à but lucratif en prenant le temps de les écouter, cette semaine.

Les observations que vous avez faites pendant l'audience et au cours des délibérations ultérieures du comité, le 3 mai, ont prouvé que vous avez une compréhension profonde des difficultés que le projet de loi crée pour les organismes de bienfaisance. Vous prévoyez faire des observations à l'étape de la troisième lecture.

C'est ce que je fais, honorables sénateurs. L'auteur de la lettre ajoute :

Le projet de loi C-33 propose les modifications les plus importantes, en 20 ans, à la réglementation fédérale touchant les organismes de bienfaisance enregistrés. Ce projet de loi modifie en profondeur les exigences relatives au contingent des versements. Obligation est faite à ces organismes d'affecter, de trois façons, un certain pourcentage des dons ou des biens qu'ils reçoivent à des activités de bienfaisance :

a) à compter de 2005, les organismes de bienfaisance enregistrés après le 23 mars 2004, soit la date de présentation du budget, doivent consacrer chaque année 3,5 p. 100 de leurs immobilisations à des activités de bienfaisance, et la même exigence s'appliquera aux organismes de bienfaisance enregistrés actuels.

b) les deux parties à des transferts entre organismes de bienfaisance devront se conformer à l'exigence relative au contingent des versements alors que, précédemment, seul l'organisme de bienfaisance assurant le financement devait inclure le montant transféré dans son contingent des versements.

c) le contingent des versements d'immobilisations annuels est réduit de 4,5 p. 100 à 3,5 p. 100 dans le cas des fondations.

(1620)

Je fais une brève pause. Les fonctionnaires ont déclaré devant le comité que l'article 35 vise à normaliser les fondations et les organismes de bienfaisance. Dans la région du monde d'où je viens, il n'y a pas de fondations. Nous sommes relativement pauvres. Cependant, avec l'article 35, les organismes voient leurs versements obligatoires passer de 4,5 p. 100 à 3,5 p. 100 tandis que les organismes qui ne sont pas de bienfaisance, soit les organisations communautaires sans but lucratif, qui n'avaient aucun versement obligatoire à faire auparavant, sont tenus de verser 3,5 p. 100.

En plus de ce changement de fond, le projet de loi introduit de nouveaux concepts comme celui des biens durables et celui du compte de gains en capital, ce qui complique encore davantage le respect de la Loi de l'impôt sur le revenu par les organismes de bienfaisance enregistrés. Les exigences rattachées au contingent des versements sont maintenant beaucoup trop complexes pour l'organisme de bienfaisance type qui a moins d'un million de dollars en revenus annuels et qui compte exclusivement sur des bénévoles pour tenir ses livres. Même l'organisme de bienfaisance qui a un ou deux employés rémunérés ne possédera pas l'expertise voulue pour se conformer à ce genre d'exigence réglementaire complexe. En fait, les avocats et les comptables ne s'entendent pas sur les effets de ces changements sur les organismes de bienfaisance et surtout sur les bénévoles.

Outre le fardeau réglementaire excessif que cela impose aux groupes sectoriels, il y aura des conséquences négatives importantes pour certains organismes de bienfaisance. Plus précisément, les fonds dont disposent beaucoup de groupes pour assumer les coûts de base seront réduits, ce qui fait que les organismes de bienfaisance qui ont peu d'argent liquide risquent de voir l'érosion de leurs immobilisations.

Dans la question que vous avez posée le 2 mai, vous avez parlé d'un organisme de bienfaisance qui fournit des logements abordables. Comme nous vous l'avons dit, nous ne savons pas si cet organisme devra se préoccuper de ses réserves pour réparations et remplacements ou même de la valeur de ses logements au moment de déterminer s'il a respecté son contingent des versements. Les musées, les fiducies foncières et les organismes de bienfaisance qui ont des centres sportifs ou autres pourraient se retrouver dans une position impossible.

Les objectifs de la politique gouvernementale derrière le contingent des versements, qui visaient principalement à contrôler les coûts de collecte de fonds et à empêcher

l'accumulation illimitée de capital par les fondations, ont été annulés par des décisions de tribunaux et d'autres mesures. On peut soutenir que les dispositions actuelles ne peuvent plus permettre d'atteindre ces objectifs.

À ce moment-ci, devant la possibilité que ce projet de loi devienne loi, nous examinons les moyens à notre disposition et gardons la liberté de communiquer avec vous.

Cette lettre est signée par les trois témoins que nous avons entendus et qui représentaient Imagine Canada, Fondations philanthropiques Canada et la Muttart Foundation.

Honorables sénateurs, les problèmes signalés dans la lettre sont préoccupants.

Il y a, dans ma collectivité, des gens qui travaillent pour des organismes de jeunes. Chaque année, ils vendent, dans notre petite localité de gens à faible revenu, des billets pour le tirage d'une motocyclette afin de pouvoir aider au financement de la patinoire locale où les jeunes jouent au hockey. Ils recueillent peut-être 25 000 $ ou 30 000 $ par année, argent dont ils ont besoin.

Je connais aussi des organismes sans but lucratif qui ont construit des logements abordables pour nos personnes âgées. Chaque année, ils mettent de côté une réserve. Une réserve est une immobilisation et cette disposition s'applique donc. Notre pays compte 81 000 organismes sans but lucratif et plus de 2 millions de bénévoles. L'autre endroit n'a même pas pris le temps de les rencontrer à leur demande. Nous l'avons fait. Je crois que nous devons aussi examiner ce projet de loi plus attentivement à l'étape de la troisième lecture pour voir comment nous pouvons répondre aux préoccupations des différents sénateurs.

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole et de participer au débat. L'honorable collègue de l'autre côté, non pas celle qui vient d'intervenir mais l'autre avant, a parlé de l'honorable Marc Lalonde. Je pense que tous les sénateurs ici présents vouent le plus grand respect à cet homme, mais je dois préciser pour ma part que le respect qu'il m'inspire tient moins à la fonction qu'il occupait à titre de ministre des Finances qu'à celle de ministre de la Santé. C'est en effet lorsqu'il était ministre de la Santé que M. Lalonde a déclaré, pour la première fois, que nous devrions désormais arrêter de considérer la politique en matière de santé sous l'angle de la maladie et davantage sous l'angle du mieux-être. Je lui en suis profondément reconnaissante.

Cela dit, j'aimerais maintenant féliciter le comité directeur pour sa décision, non pas en ce qui concerne M. Lalonde, mais plutôt en ce qui a trait aux lobbyistes, qui ne devront plus être appelés à témoigner devant les comités sénatoriaux. Je sais que nous l'avons fait par le passé, mais je crois que nous avons eu tort. Je ne pense pas que nous devrions, comme principe de base, inviter des lobbyistes à se présenter devant nos comités, puisque dans leur témoignage, malgré tout le respect que je dois à M. Lalonde ou à toute autre personne, ils représentent les intérêts de ceux qui les paient.

Honorables sénateurs, mon mari est avocat. Les avocats qui siègent au Sénat ne seraient peut-être pas d'accord avec lui, mais voici ce qu'il soutiendrait : « Dites-moi sur quel sujet vous voulez un avis, et je vous le donnerai. » Cela fait partie du travail de l'avocat. Celui-ci examine les arguments susceptibles de défendre le mieux sa cause. Soit. C'est aussi ce que fait le lobbyiste. Il regroupe les arguments susceptibles de servir le mieux sa cause.

Ne serait-il pas merveilleux, honorables sénateurs, si nous vivions dans un monde où tout serait absolument clair et limpide?

Le sénateur Cools : Je croyais que c'était le cas.

Le sénateur Carstairs : Eh bien non, ça ne l'est pas. Au moment de décider si nous devons voter en faveur d'une mesure législative, nous ne pouvons pas nous fonder uniquement sur une seule disposition. Nous devons tenir compte de toutes les dispositions dans leur ensemble puis déterminer si, tout compte fait, la mesure législative proposée présente plus d'avantages que d'inconvénients. Si les inconvénients sont trop nombreux, il conviendrait alors de voter contre son adoption. Si, en revanche, elle nous offre plus d'avantages, alors nous devrions l'appuyer.

Le sénateur Massicotte a soulevé la question de la loyauté au parti et, manifestement, nous nous trouvons actuellement dans une situation difficile sur le plan politique, bien que nous n'y soyons pas directement mêlés. Je fais ici référence à ce qui se passe parfois à l'autre endroit. Cela dit, nous avons tous notre propre loyauté partisane. Inutile de le nier.

Ce qui importe surtout, c'est ma loyauté envers les questions stratégiques. Je défends fidèlement les questions d'intérêt public et les mesures qui doivent être prises pour servir les Canadiens.

Ce qui me préoccupe le plus, lorsque j'examine cette mesure législative, ce sont les questions stratégiques. Ce qui m'intéresse, c'est que cette loi vise à aider les familles à économiser en prévision des études de leurs enfants. J'estime que c'est un important objectif stratégique.

(1630)

Je suis très favorable au crédit d'impôt pour l'éducation parce que les salariés qui suivent des cours pourront en profiter, pourvu que leur employeur ne leur ait pas payé leurs frais de scolarité. C'est une mesure positive.

Je considère également les mesures prises en faveur des personnes handicapées comme une initiative extraordinairement positive.

Tous les honorables sénateurs connaissent le profond intérêt que je porte aux malades en phase terminale et à la qualité des soins qu'ils reçoivent. Comme la plupart de ces personnes qui arrivent au terme de leur vie sont handicapées, les membres de leur famille pourront tirer parti de cette disposition fiscale dans cette période difficile. De toute évidence, c'est une disposition du projet de loi qui me tient beaucoup à coeur.

Avec l'adoption du projet de loi, les hommes et les femmes membres de nos forces armées qui servent dans des régions à risque élevé ne seront pas tenus de payer de l'impôt sur leur revenu. C'est une bonne façon de témoigner de notre respect pour les services que ces hommes et ces femmes rendent à chacun d'entre nous.

Je vois aussi beaucoup d'autres mesures positives dans le projet de loi. Je ne peux cependant pas faire abstraction des préoccupations légitimes exprimées par certains sénateurs. Je veux parler de ce qu'on appelle l'évitement fiscal. Je suis une citoyenne comme les autres. Si je peux éviter de payer des impôts, je vais le faire, car je ne suis qu'un être humain. Je passe en revue ma déclaration de revenus — je suis fière de la remplir moi-même — pour chercher les dispositions dont je peux me prévaloir pour obtenir un maximum de déductions. Je crois que tous les Canadiens le font.

Je considère ensuite le fait que le gouvernement élabore des stratégies fiscales. Le sénateur Massicotte dit qu'il ne peut trouver aucune déclaration du gouvernement. J'ai pu en trouver. En 1989, l'Agence du revenu du Canada a déclaré clairement, à la conférence de la Pacific Association of Tax Administrators, qu'elle avait l'intention d'utiliser la règle générale anti-évitement dans les situations flagrantes d'exploitation des dispositions de traités et de chalandage fiscal. Dans le protocole de la Convention fiscale Canada-États-Unis, l'Agence du revenu du Canada dit en 1995 que les dispositions générales anti-évitement s'appliquent parallèlement à la convention aussi bien aux États-Unis qu'au Canada. On en a parlé également dans le rapport de la conférence fiscale de 2001, qui dit que le Canada est d'avis qu'il est libre d'appliquer ses règles intérieures anti-évitement pour contrer le recours abusif au chalandage fiscal. Je crois que les services de l'impôt ont établi clairement ce qu'ils essayaient de faire dans le budget de 1988.

Il y a des gens, dont le sénateur d'en face, qui ne conviendront pas que ces déclarations étaient claires. Il y aura des désaccords parmi nous au Sénat.

Honorables sénateurs, pour moi, les initiatives décrites dans ce document dépassent en importance les questions qui suscitent ces désaccords. J'appuierai donc le projet de loi parce que je crois qu'il est positif et qu'il profitera aux Canadiens.

Des voix : Bravo!

(Le débat est suspendu.)

[Français]

LA SANCTION ROYALE

Son Honneur la Présidente intérimaire informe le Sénat qu'elle a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 5 mai 2005

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Marie Deschamps, juge puînée de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléante du gouverneur général, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l'annexe de la présente lettre le 5 mai 2005, à 16 h 03.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire de la Gouverneure générale,
Barbara Uteck

L'honorable
   Le Président du Sénat
      Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale, le jeudi 5 mai 2005 :

Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (Projet de loi S-2 Chapitre 17, 2005)

Loi modifiant la Loi sur les brevets (Projet de loi C-29, Chapitre 18, 2005)

[Traduction]

PROJET DE LOI NO 2 D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 2004

TROISIÈME LECTURE—MOTION D'AMENDEMENT—ATTRIBUTION DE TEMPS POUR LE DÉBAT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Dallaire, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-33, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 mars 2004;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Murray, appuyée par l'honorable sénateur McCoy : Que le projet de loi C-33 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) à l'article 52, à la page 66, par substitution, aux lignes 13 à 20, de ce qui suit :

« (4) Les paragraphes (1) à (3) s'appliquent relativement aux opérations conclues après le 22 mars 2004. »;

b) à l'article 53, à la page 66, par substitution, aux lignes 26 à 28, de ce qui suit :

« (2) Le paragraphe (1) s'applique aux années d'imposition et aux exercices commençant après 2004. »;

c) à l'article 60, à la page 73, par substitution, aux lignes 1 à 3, de ce qui suit :

« (2) Le paragraphe (1) s'applique relativement aux opérations conclues après le 22 mars 2004. ».

L'honorable Anne C. Cools : Puis-je poser une question à l'honorable sénateur, puisque tant de ses observations s'adressaient directement à moi?

L'honorable Sharon Carstairs : Non. Votre Honneur, comme d'autres sénateurs souhaitent prendre la parole, je préfère m'abstenir.

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je ne souhaite pas parler de la fiabilité du témoignage de M. Lalonde ou de M. Tassé. Toutefois, la question a été soulevée par notre collègue, le sénateur Smith. Pour être franc, j'en ai été très surpris. Le sénateur Smith a côtoyé M. Lalonde au Cabinet du temps où j'étais ministre. M. Lalonde a fait une déclaration claire, à la page 930-15 de la transcription du comité lorsqu'il a témoigné le 3 mai. Il a été très franc au sujet de l'origine de son mandat, tout comme M. Tassé, dont le témoignage se trouve à la page 1230-57. J'ai quelques observations à formuler à ce sujet, car c'est une question grave.

Le sénateur Cools : Elle est très grave.

Le sénateur Joyal : Je ne tiens pas à créer l'impression que d'honorables personnes ont vendu leurs services et qu'en contrepartie d'une rémunération suffisante, elles sont disposées à défendre n'importe quelle cause. Pour moi, c'est une vue simpliste de ce que j'appelle la réputation et les antécédents professionnels d'une personne.

Je vais parler d'une expérience personnelle que j'ai eue avec M. Trudeau. Comme nombreux d'entre vous le savent, ce dernier a exercé le droit dans un important cabinet d'avocats à Montréal. Il y donnait des conseils, et acceptait d'en recevoir. M. Trudeau m'a dit très clairement qu'il n'accepterait pas de cause dont il n'était pas convaincu du bien-fondé. En d'autres mots, il n'était pas à vendre.

Je connais M. Lalonde depuis 1971. À l'époque, j'étais adjoint spécial de l'honorable Jean Marchand. J'ai travaillé avec lui au sein de son caucus et j'ai travaillé pour lui en tant que leader de notre caucus. J'ai aussi travaillé dans son Cabinet en tant que ministre de premier plan. J'ai travaillé avec lui pendant les 20 dernières années. J'étais président de la commission politique de l'aile québécoise du Parti libéral, et je l'ai appuyé dans son travail quand il coprésidait le Club Laurier avec l'ancien sénateur Kolber. Je travaille maintenant avec lui, qui est actuellement président du comité organisateur du Parti libéral pour les prochaines élections. M. Lalonde n'a jamais essayé de cacher son passé.

(1640)

Depuis qu'il a quitté le Parlement il y a 21 ans, en 1984, nous sommes restés en contact. J'ai suivi sa carrière professionnelle. Il a joué le rôle de conseiller auprès du gouvernement vietnamien pour la rédaction de leur nouvelle constitution. Et il a fait de même en Afrique du Sud. Ce dernier a adopté le modèle fédéral et a tenté de s'inspirer le plus possible du concept pluriculturel de notre société, de l'indépendance de notre Cour suprême, de la Charte des droits et libertés, et j'en passe. Je ne m'éterniserai pas.

M. Lalonde a accepté ces mandats parce qu'il était convaincu qu'ils cadraient, ici ou à l'étranger, avec ce pourquoi il a lutté toute sa vie, à titre de député ou de ministre.

Je veux que cela soit consigné, honorables sénateurs, car à mon avis l'honorable sénateur qui a indiqué que le Sénat devrait avoir comme pratique de pas entendre des lobbyistes a un bon point au départ. Cependant, si nous voulons en savoir davantage au sujet des répercussions sur la Charte, pourquoi n'entendrions-nous pas Roger Tassé? Roger Tassé était sous-ministre de la Justice du temps où je coprésidait le comité sénatorial spécial sur la rédaction de la Charte des droits et libertés. J'ai travaillé avec lui tous les jours de 7 heures du matin jusqu'à la reprise des audiences à 9 heures pour examiner les témoignages et ce que nous pouvions attendre du mémoire que nous avions reçu et ainsi de suite.

J'ai gardé contact avec Roger Tassé pendant toutes ces années. En fait, même si je n'avais pas prévu vous le mentionner aujourd'hui, lorsque nous avons étudié le projet de loi sur la clarté — un sujet très complexe source de débats intenses dans cette enceinte — je trouvais que certains aspects étaient très difficiles à accepter tels quels. J'ai consulté Roger Tassé sur la base de l'interprétation de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la Loi constitutionnelle de 1867.

Je peux garantir aux honorables sénateurs que Roger Tassé ne témoignerait pas devant un comité spécial du Parlement pour appuyer une interprétation de principe plutôt qu'une autre par simple intérêt pécuniaire.

Le sénateur Smith : Qui a laissé entendre cela?

Le sénateur Joyal : Ce n'est pas ce que je laisse entendre; j'exprime mon opinion, sénateur Smith. J'essaie d'expliquer la crédibilité des deux spécialistes que nous avons entendus au sein du comité, alors que vous prétendez poser, de bonne foi, une question à laquelle vous auriez trouvé la réponse dans le compte rendu des délibérations du comité si vous vous étiez donné la peine de le lire. Le Sénat n'aurait alors pas été amené à croire que ces deux témoins n'avaient pas de crédibilité. C'est pour cela que je dis cela. Croyez-moi, je suis très heureux de mentionner cela, ici, aujourd'hui.

Le sénateur Smith : Je n'ai jamais laissé entendre cela.

Le sénateur Joyal : La deuxième chose — si le sénateur Smith s'estime lésé, il y a des dispositions...

Le sénateur Smith : Je m'estime lésé.

Le sénateur Joyal : Il y a des dispositions dans le Règlement, et le sénateur peut prendre la parole et invoquer le Règlement.

Le sénateur Cools : Il devrait intervenir et clarifier ce qu'il a dit.

Le sénateur Joyal : La deuxième chose que je veux dire ici aujourd'hui, c'est que je félicite le leader du gouvernement au Sénat d'avoir appuyé le comité lorsqu'il a voulu entendre des témoins. Je pense que cela nous a aidés à jouer le rôle qui nous incombe à cet endroit. Encore une fois, je sais que c'est une question délicate, hautement politisée et je félicite le leader du gouvernement au Sénat d'avoir facilité les audiences du comité.

C'est un aspect très important de notre travail; lorsque nous faisons face à une question délicate, nous n'avons pas peur de plonger, d'en examiner tous les aspects et d'arriver à une conclusion juste et raisonnable. C'est ce que j'appelle le second examen objectif.

Le sénateur Cools : Exactement.

Le sénateur Joyal : La question est épineuse. Elle l'est parce que, comme vous être nombreux à l'avoir dit, si c'était aussi limpide que certains le prétendent, nous n'aurions pas à revenir 16 ans en arrière. En fait, je pense qu'il y a des motifs légitimes qui peuvent amener quelqu'un de sensé à conclure que ce n'est pas raisonnable.

Je sais que les honorables sénateurs ont été inondés de citations aujourd'hui, mais peu après l'entrée en vigueur des mesures fiscales en 1988, l'Agence du revenue du Canada a publié un bulletin d'information détaillé analysant l'application possible de la RGAE à l'époque. On y présente 22 transactions hypothétiques distinctes, mais aucune n'est liée au règlement ou à une convention fiscale.

Le leader du gouvernement au Sénat comprendra qu'il restait une zone floue. Aucun tribunal n'a rendu une décision clarifiant ce flou. Le leader du gouvernement au Sénat a raison, le juge Bowman est un témoin expert que je respecte énormément. En fait, j'ai un ami qui a plaidé devant lui il y a moins d'un mois et qui m'a dit à quel point M. le juge Bowman est un homme perspicace. Toutefois, je rappelle au leader du gouvernement au Sénat que lorsque M. le juge Bowman a fait des observations sur l'application de la RGAE aux conventions internationales, il a dit : « Je n'ai pas consacré beaucoup de temps aux principes d'interprétion des conventions fiscales. »

Même le juge Bowman a modéré son opinion incidente en déclarant que ce n'était pas une question qu'il avait approfondie et sur laquelle il pouvait nous donner une réponse définitive. Puisque le leader du gouvernement au Sénat est avocat, il comprendra qu'une opinion incidente est un commentaire accessoire de la décision du juge dans une affaire.

Si vous consultiez vos collègues avocats, votre position pourrait difficilement reposer sur un cas où un juge a dit « ne pas avoir consacré beaucoup de temps » à l'étude de ces principes. Je ne pense pas que cela inspire la confiance nécessaire pour aller dépenser son argent devant un tribunal.

Le sénateur Cools : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Comme le sénateur Massicotte l'a mentionné, un problème important se pose dans ce dossier. Je félicite le sénateur Massicotte de l'avoir souligné, parce qu'il s'agit d'un problème sur lequel on médite seul, craignant d'en parler ouvertement à ses collègues.

Une certaine crainte empêche les sénateurs de se lever au Sénat pour dire : « Je suis mal à l'aise. Je me sens tiraillé entre l'allégeance à mon parti — parce que je veux appuyer la position de mon parti, peu importe s'il s'agit de l'opposition officielle ou du gouvernement — et mon devoir envers le Sénat, qui est très clair. Mon devoir envers le Sénat est inscrit dans mon serment d'allégeance et consiste à donner mon avis et mon consentement. »

Pour donner son avis, un sénateur se lève et exprime son opinion — son avis, c'est-à-dire ce qu'il pense, pas ce que pense le Parti libéral ou une autre personne. Les sénateurs sont convoqués ici pour donner l'opinion à laquelle ils sont arrivés après mûre réflexion et, dans ce cas-ci, après avoir lu la documentation.

Par ailleurs, un sénateur est membre d'un parti. Il a donc une obligation envers ce parti. Cette obligation est d'une nature particulière au Sénat. Au Sénat, le gouvernement doit rendre des comptes, mais il n'est pas responsable. Honorables sénateurs, il y a une différence fondamentale entre ces deux notions, entre ces deux termes. Ces termes sont inscrits dans notre Constitution.

Quand on dit que le gouvernement doit rendre des comptes, cela signifie que le gouvernement doit se présenter à la Chambre et rendre compte de ses décisions, de ses omissions, de ses initiatives ou de ses mesures législatives. Une fois qu'on a exigé des comptes du gouvernement, on décide de le maintenir au pouvoir ou de le défaire. C'est ainsi que le gouvernement est tenu responsable.

Au Sénat, les sénateurs essaient dans la mesure du possible de maintenir l'obligation du gouvernement de rendre des comptes, c'est-à-dire de l'obliger à rendre compte de ses décisions, de ses initiatives, de ses programmes, de ses omissions ou de son absence de décision, ou encore de ses mauvaises décisions, mais nous ne pouvons pas voter pour faire tomber le gouvernement. Pourquoi? Parce que notre Constitution prévoit l'existence de deux Chambres, dont l'une ne peut dire que le gouvernement devrait être défait quand l'autre favorise son maintien au pouvoir.

Nous serions constamment dans une impasse.

(1650)

Nos ancêtres croyaient avec sagesse que le gouvernement devait être responsable de son maintien au pouvoir ou de son éviction. Les députés sont élus, mais ici, le gouvernement est seulement tenu de rendre des comptes simplement parce que nous ne sommes pas élus. Nous sommes nommés pour une période pouvant aller jusqu'à l'âge de 75 ans. Quoi qu'il advienne dans l'autre chambre au cours des prochains mois, nous ne changerons pas de banquettes ici. Nous serons encore tous ici à étudier les projets de loi ou les autres mesures des prochains gouvernements, quels qu'ils soient. Nous sommes ici jusqu'à l'âge de 75 ans pour une raison bien précise : pour demeurer libres d'exprimer nos opinions. Et c'est ce que nous faisons.

Je reviens sur la question soulevée par le sénateur Massicotte. Madame le sénateur Carstairs, le sénateur Day, madame le sénateur Ringuette et bien d'autres ont souligné qu'il y a de nombreuses mesures dans ce projet de loi que nous appuyons tous et qui, de l'avis général, sont bonnes pour l'ensemble du Canada. Cependant, il y a une mesure qui, aux yeux de nombre d'entre nous et malgré le respect que nous devons à ceux qui pensent le contraire, viole le principe même de la primauté du droit, qui veut qu'une fois une loi est en vigueur, les citoyens devraient savoir quelles sont leurs responsabilités et leurs obligations ainsi que les taxes qu'ils ont à payer.

Que faire? Nous sommes coincés d'une manière ou d'une autre, que nous adoptions ou que nous rejetions le projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je regrette de devoir informer l'honorable sénateur que le temps qui lui était accordé est écoulé. Souhaite-t-il demander l'autorisation de continuer?

Le sénateur Joyal : Deux minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Joyal : Merci, honorables sénateurs.

Y a-t-il moyen de se sortir de ce problème épineux? Je pense que le sénateur Murray a ouvert la porte. On a présenté dans cette enceinte, sous la direction d'un leader précédent, un projet de loi portant sur les Autochtones et la disposition de non-dérogation. Je voudrais féliciter le leader du gouvernement au Sénat à l'époque qui a présenté l'engagement du ministre à soumettre une définition de la disposition de non-dérogation. Nos Autochtones étaient très inquiets de l'application du projet de loi. Depuis, le ministre s'est engagé dans une lettre à présenter d'autres mesures pour corriger cette situation particulière.

Cette pratique est assez courante dans le domaine financier ou fiscal. Au cours des cinq dernières années et demie, il y a eu plus de 200 instructions venant du ministère des Finances donnant une interprétation générale de problèmes fiscaux qui pourraient être soulevés dans l'application de certaines dispositions fiscales. J'exhorte le leader du gouvernement au Sénat à dire au ministre des Finances que nous souhaitons ardemment qu'il envisage le plus sérieusement possible de soumettre des instructions ou circulaires permettant de maintenir les principes d'equity dans l'interprétation de ces dispositions.

L'honorable leader du gouvernement au Sénat est avocat. Il va comprendre que la common law prévoit toujours une notion d'equity. Lorsqu'une situation conduit à une chose contraire au principe de justice, on prend une décision selon l'equity. C'est le dernier argument.

Je tiens à dire au leader que le ministre de la Justice et les fonctionnaires pourront dans les jours à venir réfléchir à ce que le sénateur Murray a proposé. À lui seul, le nombre d'instructions ou de lettres d'engagement qui ont été rédigées par le ministère des Finances montre bien que cette option devrait être envisagée, afin que nous puissions concilier ce que l'honorable sénateur Massicotte a dit. Nous avons exprimé la préoccupation raisonnable du Sénat et nous avons cherché à obtenir la mesure correctrice qui, selon nous, permettrait de trouver des solutions justes et équitables aux problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui.

L'ATTRIBUTION DE TEMPS

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je propose :

Que, conformément à l'article 38 du Règlement, relativement au projet de loi C-33, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 mars 2004, au plus tard à 15 h 15 le mardi 10 mai 2005, toutes délibérations devant le Sénat soient interrompues et que toutes questions nécessaires pour disposer de la troisième lecture du projet de loi soient mises aux voix immédiatement sans autre débat ou amendement, et qu'aucun vote sur lesdites questions ne soit reporté;

Que, si un vote par appel nominal est demandé, le timbre d'appel des sénateurs sonne durant quinze minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, cette motion est présentée en vertu de l'article 38 du Règlement, qui stipule :

Lorsque le Sénat siège, le leader du gouvernement au Sénat ou le leader adjoint du gouvernement au Sénat peut, de sa place au Sénat, déclarer que les représentants des partis au Sénat ont convenu d'attribuer un nombre précis de jours ou d'heures aux

délibérations, à une ou plusieurs étapes de l'étude de toute affaire du gouvernement. Le leader ou le leader adjoint peut, au même moment et sans préavis, proposer une motion établissant les modalités de l'attribution de temps ainsi convenue. Cette motion est mise aux voix sur-le-champ, sans débat ni amendement.

Est-ce d'accord?

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Je voudrais donner une brève explication. Ce que nous faisons constitue, essentiellement, une forme de clôture du débat, et nous ne l'approuvons pas. Nous nous attendions à la tenue d'un débat en bonne et due forme sur les amendements, suivi d'un vote et de la poursuite du débat sur la motion principale.

Toutefois, ce n'est pas ce que souhaitait le gouvernement. Bien que nous ayons des réserves au sujet des dispositions du projet de loi relatives à la règle générale anti-évitement, d'autres éléments du projet de loi sont nécessaires. La liste de ces éléments, que madame le sénateur Carstairs a passée partiellement en revue, montre la nécessité du projet de loi.

Le gouvernement devrait être vivement réprimandé pour avoir présenté un projet de loi litigieux, ce qu'il fait d'ailleurs couramment dans le cas de mesures très utiles aux Canadiens. Nous condamnons énergiquement cette pratique, qui est intrinsèquement repréhensible.

La règle générale anti-évitement est un sujet litigieux. Bien que madame le sénateur Carstairs ait formulé des arguments sur le fait que les lobbyistes enregistrés ne comparaissent pas devant le comité, nous devons faire preuve de prudence lorsque nous tenons ce genre de propos.

L'honorable Anne C. Cools : Il n'y a rien de tel.

Le sénateur Stratton : Cela impliquerait que les gens qui s'intéressent à l'environnement ou qui appartiennent à des organisations auraient de la difficulté à venir témoigner.

(1700)

Où pourrait-on établir la ligne de démarcation pour n'interdire la comparution qu'aux lobbyistes? Il nous faudrait alors définir le terme « lobbyiste ». Nous devons être libres et ouverts. Tant qu'un lobbyiste explique clairement pour qui il travaille, je ne vois aucun mal à ce qu'il se fasse payer pour exposer un certain point de vue. S'il déclare sa situation, il devrait pouvoir comparaître, surtout s'il s'agit d'un homme du calibre de Marc Lalonde, qui connaît bien le gouvernement.

Notre côté a accepté ceci à contrecoeur, simplement parce que nous ne pouvons pas réaliser beaucoup pendant que le projet de loi suit son cours. Si nous considérons le nombre de personnes présentes ici, elles ne suffisent pas pour défaire le projet de loi ou pour proposer des amendements pouvant être adoptés.

Il y a une question de principe qu'il est important d'établir au sujet de la règle générale anti-évitement : des sénateurs s'y sont opposés pour une raison particulière. Ils ont présenté des arguments forts et logiques. J'ai assisté aux réunions du comité des finances, et j'ai pu constater que même les représentants du ministère des Finances n'ont pas su nous convaincre — du moins à mon avis — que ce qu'ils faisaient avait un fondement dans la réalité. Je crois que c'est une chose qu'ils étaient tout simplement incapables d'expliquer adéquatement à quiconque considérait les éléments de preuve présentés.

En ce qui concerne notre côté, nous appuierons cette motion à contrecoeur sur la base de ces arguments. Nous verrons ce qui arrivera mardi. Je ne crois pas que nous ayons à décider si le projet de loi devrait ou non être adopté. Nous pourrions tenter de le retarder parce que le gouvernement court sérieusement le risque d'être renversé. Une motion présentée aujourd'hui a été jugée irrecevable. Si elle avait été acceptée, il y aurait eu un vote à l'autre endroit lundi ou mardi. Pour cette raison, nous devons nous demander s'il vaut la peine de retarder ce projet de loi jusqu'à la chute du gouvernement. Si nous le faisons, quel service aurons-nous rendu aux Canadiens en empêchant son adoption?

Nous devons évaluer les bons aspects du projet de loi, car il y a de bons aspects que notre côté peut appuyer. Nous nous opposons cependant très fortement à la règle générale anti-évitement. Nous ne pouvons tout simplement pas accepter les arguments qui nous ont été présentés. Nous devons peser le pour et le contre. Comme le sénateur Joyal, le sénateur Massicotte et d'autres l'ont dit, nous avons chacun notre parti, mais nous avons aussi les Canadiens.

Je vais maintenant m'asseoir. Notre côté appuiera cette motion à contrecoeur.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je crois savoir que la motion proposée par le sénateur Rompkey ne peut pas faire l'objet d'un débat. Avec votre permission, je voudrais poser une question au leader adjoint du gouvernement.

Son Honneur le Président : D'accord, honorables sénateurs?

L'honorable Fernand Robichaud : La motion ne peut pas faire l'objet d'un débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La motion ne peut effectivement pas faire l'objet d'un débat.

Le sénateur Murray : Je voulais demander au leader adjoint du gouvernement tout d'abord si l'heure fixée, 15 h 15, est inflexible. Je sais qu'il y a deux ou trois autres sénateurs qui veulent participer au débat. Personne ne m'a autorisé à parler en son nom, et je ne le ferai donc pas. Il me semble cependant que si le vote pouvait avoir lieu plus tard dans l'après-midi, mettons 16 ou 17 heures, quelques sénateurs pourraient avoir la possibilité de prendre part au débat.

Deuxièmement, les honorables sénateurs savent ce que je pense des sonneries de 15 minutes. Nous en avons déjà discuté. Je dirai simplement que, si mes amendements doivent être mis aux voix, nous voterons par assis et debout au moment convenu. Je le dis simplement pour que personne ne soit surpris par un tel vote.

Le sénateur Rompkey : Je tiens simplement à souligner un point soulevé par le sénateur Stratton dans son intervention. Une des préoccupations qui sous-tend ce dont il est question ici est ce qui se passe à l'autre endroit. Si nous voulons adopter le projet de loi et procéder à la sanction royale, nous devons le faire pendant une séance de la Chambre des communes. Afin de nous assurer de faire adopter le projet de loi et de procéder à la sanction royale, nous avons jugé bon de jouer la carte de la prudence et de prévoir la sanction royale pour mardi et de conclure le processus.

C'est sur cela que reposaient nos discussions de ce matin et je crois que c'est la procédure que nous devrions suivre. Je suis parfaitement d'accord avec le sénateur Stratton. Bon nombre d'excellentes mesures prévues par ce projet de loi ne pourront jamais être mises en oeuvre si le projet de loi n'est pas adopté. Le sénateur Austin, le sénateur Carstairs et d'autres les ont énumérées dans leurs discours. Nous devons donc veiller à ce que le projet de loi soit adopté. Pour ce faire, nous devons agir rapidement, pendant que la Chambre des communes siège. C'est pourquoi nous avons pris cette décision et je crois que nous devrions nous y tenir.

Le sénateur Cools : La mesure est tellement inhabituelle. Le sénateur Rompkey doit expliquer davantage. Il me semble en effet que la demi-douzaine de sénateurs conservateurs qui sont ici ne risque guère de retarder le projet de loi ou de le mettre en péril. Si les sénateurs craignent l'opposition venant de leurs propres rangs, alors ils devraient nous parler franchement. Compte tenu de l'avancement des délibérations aujourd'hui, il a semblé que le Sénat aboutissait à la conclusion logique d'un vote par oui ou non sur les amendements. C'est ma première observation. Le leader adjoint du gouvernement doit parler franchement puisque le petit nombre de conservateurs ici présents ne risque pas de causer beaucoup de retard aujourd'hui.

Est-il possible de reporter l'heure prévue du vote de 15 h 15 à 16 h 15 au moins? Il se peut que quelques sénateurs souhaitent prendre la parole. Le sénateur Rompkey doit fournir des explications puisque le gouvernement a l'entière maîtrise de l'ordre du jour. C'est le gouvernement qui a déterminé le moment de la présentation de ce projet de loi au Sénat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À moins que l'on accorde la permission, je crois devoir signaler que le sénateur engage le débat.

Le sénateur Rompkey et le sénateur Austin veulent-ils intervenir?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, cette motion vise à m'accorder le temps voulu pour répondre à la demande du sénateur Joyal et d'autres sénateurs. Je ne sais pas comment je vais répondre mais au moins je dispose du temps nécessaire. Une fois adoptée la motion, nous pourrons poursuivre le débat. Cela dit, je puis faire l'offre suivante aux sénateurs de l'opposition. S'ils sont disposés à renoncer à la période des questions de mardi, nous aurions plus de temps pour le débat sur le projet de loi C-33.

Une voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cools : Avec dissidence.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

Le sénateur Robichaud : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur l'amendement du sénateur Murray?

Le sénateur Stratton : Allons-y. Réglons cela.

(1710)

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Nous venons d'adopter une motion précisant que toutes les questions doivent être mises aux voix au plus tard mardi à 15 h 15.

Une voix : Au plus tard.

Le sénateur Murray : Vous marquez un point. Il y a encore...

Le sénateur Austin : Je propose l'ajournement du débat si personne ne veut plus prendre la parole, pour l'instant, sur ce projet de loi. Si un autre orateur veut prendre la parole, nous l'entendrons.

Le sénateur Stratton : Sommes-nous certains qu'aucun autre orateur ne souhaite parler de la motion principale relative au projet de loi lui-même?

Le sénateur Cools : Je veux prendre la parole.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Austin, proposez- vous l'ajournement?

Le sénateur Austin : Je propose que le débat soit ajourné.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Austin propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Rompkey, que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Le sénateur Cools : J'invoque le Règlement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Madame le sénateur Cools a la parole pour un appel au Règlement.

Le sénateur Cools : Le sénateur Austin ne peut pas proposer l'ajournement parce qu'il a déjà pris la parole sur cette question aujourd'hui.

Le sénateur Robichaud : Je propose que le débat soit ajourné.

Le sénateur Austin : Ce n'est pas vous qui présidez, sénateur Cools. Laissez le Président faire son travail.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Robichaud a la parole.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Honorables sénateurs, je propose que la suite du débat soit reportée à la prochaine séance du Sénat.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

[Traduction]

LA LOI SUR LES TRANSPORTS AU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyée par l'honorable sénateur Corbin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada (droits de circulation pour le transport du grain).— (L'honorable sénateur Kinsella)

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella devait prendre la parole au sujet de ce projet de loi, mais il est malheureusement absent. Je souhaite ajourner le débat en son nom afin qu'il puisse prendre la parole la semaine prochaine.

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

ADOPTION DU NEUVIÈME RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budgets de certains comités), présenté au Sénat le 21 avril 2005.—(L'honorable sénateur Furey)

L'honorable Marie-P. Poulin, au nom du sénateur Furey, propose : Que le rapport soit adopté.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'ÉTAT DE L'ÉDUCATION POSTSECONDAIRE

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur l'état de l'éducation postsecondaire au Canada.—(L'honorable sénateur Moore)

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, il convient tout à fait que je prenne la parole aujourd'hui sur l'interpellation du sénateur Callbeck relative à l'éducation postsecondaire étant donné que, pas plus tard que lundi dernier, j'ai prononcé un discours sur cette même question à l'occasion du débat inaugural du Forum National d'Étudiants sur le Commonwealth. J'ai trouvé fort encourageante la participation de ce groupe d'élèves du secondaire qui sont venus examiner des questions et des politiques.

J'ai parlé à ces élèves de leadership juvénile et je leur ai dit que l'instruction était la clé qui leur assurera un avenir prospère. En tant que parlementaires, nous ne devons pas oublier cette vérité toute simple selon laquelle les jeunes sont l'avenir du Canada. Ils sont les leaders de demain. Nos collèges communautaires, nos universités et nos écoles techniques sont le terreau d'où sortiront les penseurs indépendants et les dirigeants de l'avenir.

Honorables sénateurs, ce n'est pas sans ironie que les discussions au sujet de l'éducation à tous les niveaux constituent une grande préoccupation pour les jeunes au moment où ils commencent à discuter de questions politiques et à s'engager dans la politique. L'éducation devrait, du reste, être un grand sujet de préoccupation pour tous les Canadiens, quel que soit leur âge. Ces élèves du secondaire commencent à se demander s'ils auront les moyens de passer à la prochaine phase de leur éducation, et avec raison. Ils doivent s'inquiéter de leur avenir, de leur carrière et de leur capacité de rembourser leur dette d'études, et nous devons le faire aussi. Nous devons partager leurs préoccupations. Trop souvent, en tant société, nous vivons l'instant présent sans nous préoccuper de l'avenir.

Honorables sénateurs, un des atouts les plus importants en faveur du progrès d'une société, c'est un système d'éducation très perfectionné et pertinent. L'éducation offre le remède à une multitude de problèmes, des soins de santé à la pauvreté, en passant par le développement international.

Comment pouvons-nous améliorer notre société? Je vais mettre l'accent sur deux domaines qui me paraissent importants, à savoir le financement et l'administration du système.

Actuellement, l'éducation postsecondaire est financée au moyen du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, un grand mécanisme par lequel le gouvernement canadien envoie de l'argent aux provinces. Nous savons tous que le la responsabilité de l'administration de l'éducation appartient aux gouvernements provinciaux. Toutefois, le gouvernement fédéral commence à jouer un plus grand rôle. En vérité, il doit le faire.

Le financement relevant du Transfert canadien en matière de programmes sociaux s'accroît, mais tous les ordres de gouvernement et tous les citoyens doivent comprendre que l'augmentation du financement ne constitue pas l'unique solution.

(1720)

Une proposition visant à séparer le financement de l'éducation du grand mécanisme de transfert en matière de programmes sociaux nous est parvenue de la part de diverses organisations étudiantes, dont la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, et l'Alliance canadienne des associations étudiantes.

Avant Noël, j'ai eu l'honneur de présider une réunion du comité d'élaboration des politiques du caucus atlantique de notre parti ministériel afin d'examiner des politiques dans divers domaines, dont celui de l'éducation. Les Jeunes libéraux ont, dans une démarche distincte, également étudié cette question de manière approfondie.

Grâce à la coopération entre les jeunes, les députés, des sénateurs et des organisations étudiantes, une excellente proposition de politique a été adoptée au récent congrès biennal du Parti libéral du Canada. Je crois qu'elle contribuera beaucoup à la consolidation d'un système d'éducation financièrement viable dans notre pays, par l'intermédiaire d'un transfert canadien distinct à toutes les provinces en matière d'éducation.

Je suis d'avis que nous devons approfondir cette idée afin de la concrétiser. Toutefois, la question du financement n'est pas le seul problème et l'accroissement des fonds ne constitue pas nécessairement la seule solution. Il faut examiner des approches multidimensionnelles dans le but de nous attaquer, aussi, à la question de l'actuel endettement des étudiants. Personne ne devrait être empêché de poursuivre ses études à cause de sa situation financière. Ce n'est tout simplement pas acceptable et je crois pas que ce soit la façon canadienne de faire les choses.

Malheureusement, un trop grand nombre d'étudiants ont une dette énorme à la fin de leurs études. Les étudiants ont accès à plusieurs programmes, dont le Programme canadien de prêts aux étudiants et le Fonds des bourses d'études du millénaire, qui leur permettent de réduire le montant de leurs emprunts.

Comment peut-on réduire davantage le fardeau de l'endettement des étudiants? Peut-être au moyen d'incitatifs fiscaux, de la radiation de dette ou de bourses plus généreuses.

Pourrait-on faire en sorte que le remboursement des prêts étudiants soit déductible? Le gouvernement du Canada en aurait-il les moyens? Qu'en est-il des provinces? La véritable question est de savoir si nous avons les moyens de ne pas le faire. Voilà le type de question que nous devons nous poser.

Honorables sénateurs, pour assurer sa réussite, le Canada doit faire en sorte que l'éducation soit parmi nos premières priorités. Nous savons que les soins de santé sont la première priorité de tout un chacun, mais nous devons reconnaître que tous les secteurs de politique importants sont indissociables d'un système d'éducation solide et accessible.

Il importe aussi de reconnaître que l'université n'est pas pour tout le monde. Les collèges communautaires, les écoles de métiers et de formation professionnelle ainsi que d'autres programmes d'éducation font partie intégrante du système d'éducation au Canada. Nous devons faire en sorte que toutes les composantes du système aient accès à un financement équitable et équivalent.

J'ai travaillé longtemps dans le secteur des organismes à but non lucratif, et je sais qu'un manque d'éducation peut entraîner une mauvaise santé et des choix de mode de vie malsains. Des Canadiens instruits et sains montreront au monde que le Canada est un chef de file. Tous les programmes gouvernementaux devraient être intégrés de manière à favoriser l'avènement de cet État instruit et sain. Nous devons faire encore plus d'efforts pour harmoniser nos priorités et nos idées. Nous devons saisir l'occasion de nous surpasser, nos gouvernements doivent faire de même et tous les Canadiens aussi.

Nous devons faire comprendre aux gens que l'éducation sera garante de notre prospérité dans l'avenir; elle sera le grand défi du XXIe siècle. Une société axée sur le savoir a besoin d'un système d'éducation solide. L'économie l'exige. Nous devrions l'exiger et c'est pour cela que je vous demande d'appuyer la motion du sénateur Callbeck.

Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Peter A. Stollery, conformément à l'avis donné le 3 mai 2005, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 15 h 30 le mercredi 11 mai 2005, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : J'aimerais demander au sénateur Stollery pourquoi il présente cette motion étant donné que nous ajournons à 16 heures, comme d'habitude, et qu'il souhaite commencer l'audience à 15 h 30. Je suppose qu'il s'agit d'un ministre, du moins je l'espère.

Le sénateur Stollery : Merci beaucoup, honorables sénateurs. Oui, nous accueillons la ministre Carroll; elle ne peut se libérer qu'à ce moment-là, c'est pourquoi j'ai fait cette demande.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix : D'accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Une voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

AJOURNEMENT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à mardi prochain, le 10 mai 2005, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 10 mai 2005, à 14 heures.)


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