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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 73

Le lundi 20 juin 2005
L'honorable Daniel Hays, Président


 

 

LE SÉNAT

Le lundi 20 juin 2005

La séance est ouverte à 18 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je tiens à signaler la présence, à notre tribunes, de membres de l'exécutif de l'association des Inuits du Labrador, dont son président, William Anderson III, ses vice-présidents, Zippora Nochasak et Ben Ponniuk, et leur conseillère, Mary Simon. Ils sont les invités du sénateur Rompkey.

Bienvenue au Sénat du Canada.


DÉCLARATIONS DE SENATEURS

LA BIRMANIE

LA DÉTENTION D'AUNG SAN SUU KYI

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, le week-end dernier, Aung San Suu Kyi, lauréate du prix Nobel et leader de l'opposition démocratique à la junte militaire en Birmanie, a eu 60 ans. Sa détention, qui dure depuis 3 523 jours exactement, soit 9 ans et 230 jours, a été signalée partout dans le monde.

En décembre dernier, en réponse à la prolongation de la résidence surveillée de la leader pro-démocratie Aung San Suu Kyi, ordonnée par la junte militaire de Birmanie, le Sénat a demandé que le gouvernement du Canada condamne vigoureusement la prolongation ordonnée par la junte militaire de Birmanie et réclame l'introduction de réformes démocratiques et le respect des droits de la personne. Il a en outre demandé que le gouvernement du Canada, en qualité de leader international en matière de défense des droits de la personne et des institutions démocratiques, estime qu'il est de la plus haute urgence de prendre les mesures suivantes : mettre en œuvre des mesures économiques efficaces contre le régime militaire; alourdir les sanctions diplomatiques, notamment interdire à la junte militaire birmane de participer activement aux manifestations de promotion du commerce et des investissements ayant lieu au Canada; et accroître l'assistance aux réfugiés birmans dans les régions frontalières des pays contigus et à ceux qui sont dans le besoin en Birmanie même, par le truchement d'organisations non gouvernementales responsables et d'organismes des Nations Unies.

De plus, le mois dernier, la Chambre des communes a adopté une motion par 158 voix contre 123, avec l'appui combiné du NPD, du Parti conservateur, du Bloc québécois et de deux députés indépendants. Cette motion demandait l'imposition de davantage de mesures économiques à l'encontre de la Birmanie et une interdiction d'investissement supplémentaire en Birmanie aux termes de la loi. Elle exhortait également le Canada à faire pression auprès des Nations Unies et de la communauté internationale, afin de favoriser une transition pacifique vers la démocratie.

Les États-Unis et l'Union européenne ont imposé des sanctions au régime du Myanmar. Partout dans le monde, les gouvernements, les citoyens et les organismes ont démontré leur appui et leur solidarité à Aung San Suu Kyi. Il est important que le Canada fasse de même immédiatement.

L'OBJECTIF EN MATIÈRE D'AIDE ÉTRANGÈRE

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, du 6 au 8 juillet, le G8, coalition regroupant les principaux pays industrialisés du monde, se réunira à Perthshire, en Écosse. Tony Blair, l'hôte du sommet du G8 de cette année, a déclaré que « le point central des réunions sera de trouver des façons d'augmenter l'aide étrangère pour l'Afrique. » Il a fait des références précises au rapport de 525 pages récemment publié par la Commission pour l'Afrique, qui exhorte les pays du G8 à « consacrer 0,7 p. 100 de leur revenu annuel à l'aide, et à présenter leurs calendriers à cette fin. »

Honorables sénateurs, le 10 juin, je me suis adressé aux Nations Unies, à New York, en tant que membre d'un groupe international spécial d'experts sur la promotion de sources de financement innovatrices pour le développement. Le message que j'ai livré à ce moment est le même qu'aujourd'hui : le Canada peut et doit jouer un rôle de leader au sein du G8 en établissant un calendrier concret pour l'atteinte de l'objectif de 0,7 p. 100 de notre PIB consacré à l'aide étrangère d'ici 2015.

Cinq pays — le Danemark, la Norvège, la Suède, le Luxembourg et les Pays-Bas — ont déjà atteint cet objectif de 0,7 p. 100. La France et l'Espagne l'atteindront d'ici 2012. Le Royaume-Uni prévoit l'atteindre d'ici 2013. Pourtant, le 18 juin, un reportage publié dans le Globe and Mail et intitulé « Goodale met en doute les engagements de 0,7 p. 100 », citait les propos du ministre des Finances, qui se disait sceptique au sujet de l'engagement de certains pays européens, c'est-à-dire la France et l'Allemagne, à atteindre les objectifs de l'aide étrangère internationale énoncés dans le rapport du Comité pour l'Afrique, à un moment où le Canada continuait de faire face aux pressions pour accroître ses efforts en ce sens. Il n'en demeure pas moins que, si d'autres pays peuvent atteindre cet objectif, pourquoi le Canada ne le pourrait-il pas?

(1810)

Honorables sénateurs, avec la récente annonce du concert Live 8, qui aura lieu à Barrie, en Ontario, en prévision du sommet du G8, en Écosse, nous sommes témoins d'une mobilisation exceptionnelle des décideurs, des activistes et des dirigeants mondiaux, qui se réunissent tous dans un seul but : mettre fin à la pauvreté dans le monde. Le Canada a une occasion d'atteindre cet objectif en honorant son engagement à l'égard des Objectifs du millénaire pour le développement, établis par l'ONU en 2000, à savoir consacrer 0,7 p. 100 de notre PIB à l'aide étrangère.

Honorables sénateurs, nous ne sommes qu'à 16 jours du sommet du G8, en Écosse. Au cours des semaines à venir, le monde surveillera le Canada. Dès maintenant, notre gouvernement a l'occasion d'agir.


AFFAIRES COURANTES

L'AGENCE DE LOGEMENT DES FORCES CANADIENNES

DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL 2003-2004

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 2003-2004 de l'Agence de logement des Forces canadiennes.

AFFAIRES SOCIALES, SCIENCES ET TECHNOLOGIE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER PENDANT L'AJOURNEMENT OU LES SÉANCES DU SÉNAT

L'honorable Michael Kirby : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé, conformément à l'alinéa 95(3)a) du Règlement, à siéger les 5 et 6 juillet 2005, même si le Sénat est ajourné pour une période de plus d'une semaine;

Que le Comité soit autorisé, nonobstant le paragraphe 95(4), à siéger les 5 et 6 juillet 2005, même si le Sénat siège.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LE COMMERCE INTERNATIONAL

L'ACCORD SUR LE BOIS D'OEUVRE RÉSINEUX—LE PAIEMENT DES FRAIS JURIDIQUES DE L'INDUSTRIE—DEMANDE DE MISE À JOUR

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. L'industrie canadienne du bois d'oeuvre paie une somme astronomique en frais juridiques pour défendre les intérêts du Canada devant les groupes d'experts de l'ALENA et de l'OMC, mais le gouvernement du Canada a très peu contribué au paiement de ces frais.

En avril dernier, le ministre du Commerce international a annoncé que 20 millions de dollars seraient versés à l'industrie pour payer ces frais juridiques, mais l'industrie n'a encore rien reçu. Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat aurait l'obligeance de nous dire, à nous les sénateurs et aux Canadiens, ce qui se passe dans ce dossier? Il s'agit, monsieur, d'une question qui touche l'Ouest et elle est des plus importantes.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'examinerai la question et je ferai rapport le plus rapidement possible.

Le sénateur St. Germain : En faisant les vérifications nécessaires, le leader du gouvernement au Sénat aurait-il l'obligeance de vérifier où en est le gouvernement du Canada dans le différend sur le bois d'oeuvre même?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, pour ce qui est du différend même, le gouvernement du Canada exerce des pressions auprès du Département du commerce des États-Unis afin que celui- ci accepte les décisions qui ont été rendues et par le groupe de l'OMC et par celui de l'ALENA. Le Département du commerce attend les résultats de la contestation extraordinaire que les États- Unis ont intentée contre les décisions rendues dans le cadre de l'ALENA.

Si du nouveau se produisait dans les deux ou trois prochains jours, j'en informerais le sénateur St. Germain.

Le sénateur St. Germain : J'ai une brève question complémentaire, honorables sénateurs. Je déteste dresser les régions les unes contre les autres, mais les Canadiens de l'Ouest, les citoyens que le sénateur Austin et moi représentons, ont l'impression que, lorsqu'un dossier concernant l'est du Canada doit être réglé on s'en occupe beaucoup plus rapidement que lorsque c'est l'Ouest qui est touché. On a récemment porté à mon attention que l'industrie en Colombie- Britannique ne recevait pas un soutien aussi rapidement que Bombardier ou l'industrie automobile. Même s'il est logique, dans une certaine mesure, d'appuyer l'industrie aérospatiale, il me semble que, lorsqu'il s'agit de problèmes qui touchent l'Ouest canadien, comme le bois d'oeuvre ou l'ESB, on met plus de temps à les régler.

Le leader peut-il nous expliquer pourquoi cette perception existe et, selon lui, ne s'agit-il que d'une perception et non pas de la réalité?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, la prémisse de la question est inexacte. Sénateur St. Germain, le problème du bois d'oeuvre touche tous les producteurs de bois d'oeuvre du Canada, des Maritimes jusqu'en Colombie-Britannique. Certes, la moitié des exportations de bois d'oeuvre provient de la Colombie-Britannique, mais l'autre moitié provient du reste du Canada, et c'est très important pour l'économie de bien des provinces.

Je sais qu'il existe une perception selon laquelle les gouvernements fédéraux précédents n'ont pas aidé suffisamment la Colombie- Britannique ni même défendu adéquatement les intérêts des Canadiens de l'Ouest. Je pense toutefois que le sénateur St. Germain reconnaîtra que le gouvernement actuel s'est occupé rapidement et avec diligence des problèmes de l'Ouest.

En ce qui concerne l'ESB, problème qui touche aussi les exportations de bovins de tout le Canada, là encore le gouvernement n'exerce aucune discrimination selon les régions, et il ne le fera jamais d'ailleurs, dans ce différend comme dans tous les différends qui nous opposent aux États-Unis.

Je signale que certains membres du Parti conservateur se sont vu reconnaître la qualité d'intervenants désintéressés devant la cour fédérale du Montana. Je ne sais pas si leur intervention sera couronnée de succès, mais j'espère que le mémoire qu'ils présentent est excellent.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Nous tiendrons le leader au courant de cette intervention. Peut-être le gouvernement se ravisera- t-il et travaillera-t-il plus étroitement au niveau des États et du Congrès pour obtenir la réouverture de la frontière.

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

L'EXPULSION D'AMAN PRAKASH

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, aujourd'hui, je prends toutefois la parole pour m'enquérir de la situation de M. Aman Prakash, qui est schizophrène et qui, d'après ce que je sais, fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion imminente vers Fidji après avoir passé 17 ans au Canada. Comme chacun le sait, les malades mentaux ont de la difficulté à se faire soigner au Canada et c'est encore plus vrai dans certains autres pays. Pendant son séjour au Canada, M. Prakash a été assujetti à tous les processus, et je crois comprendre qu'il devait être expulsé aujourd'hui. Un appel de dernière minute de la part de son avocat devait lui permettre, si tout fonctionnait bien, de demeurer au Canada. Cet appel demandait, entre autres, que le ministre intervienne pour des motifs humanitaires, puisque M. Prakash est malade. La plupart des membres de sa famille sont ici ou en Nouvelle-Zélande. Il a été en contact avec les membres de sa famille. Son père était résident du Canada et il est mort ici. Sa mère habite ici, tout comme ses frères et soeurs. Il ne serait pas humain de l'expulser là où il n'a pas de liens familiaux étroits et où on ne saurait garantir qu'il recevra les soins nécessaires. Il serait du ressort du ministre d'intervenir. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire où en est ce dossier aujourd'hui?

(1820)

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'étais pas au courant de cette affaire avant l'intervention du sénateur Andreychuk. Je m'informerai demain matin pour savoir quelles sont les mesures envisagées.

Le sénateur Andreychuk : Honorables sénateurs, le Canada est signataire du protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a reçu une demande d'Aman et Sabriti Prakash pour que leur cause soit entendue par le Comité des droits de l'homme. Les articles 92 et 97 du Règlement offrent deux bonnes raisons pour ne pas expulser M. Prakash pendant que le Comité des droits de l'homme étudie sa demande. Je crois comprendre que le gouvernement a reçu du Comité des droits de l'homme une lettre lui demandant de retarder l'expulsion, le temps que les Nations Unies se penchent sur ce cas. Le gouvernement respectera-t-il cette demande du Comité des droits de l'homme des Nations Unies?

Le sénateur Austin : Je porterai à l'attention du ministre les renseignements supplémentaires que madame le sénateur Andreychuk vient de fournir à la Chambre.

Le sénateur Andreychuk : M. Prakash vient de Colombie- Britannique. C'est là où le travail sur son dossier a été fait et c'est de cet endroit que proviennent les demandes adressées en son nom. Quand tous les recours ont été épuisés, la famille et l'avocat de M. Prakash ont fait appel à la communauté en général au Canada ainsi qu'aux Nations Unies. Tous seront reconnaissants de ce que le leader pourra faire auprès du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je le répète, c'est la première fois que ce dossier est porté à mon attention. Par conséquent, je ne peux qu'entamer des démarches.

LES ANCIENS COMBATTANTS

L'IDENTIFICATION DES ANCIENS COMBATTANTS EXPOSÉS AUX AGENTS ORANGE ET POURPRE

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, j'ai de nouveau une question à poser au leader du gouvernement au Sénat concernant l'utilisation d'agent orange par des équipes américaines au camp de Gagetown. Selon un article paru samedi dans le Hamilton Spectator, le ministère des Anciens Combattants aurait admis qu'aucun effort n'est tenté pour retracer et aviser les militaires exposés à ce poison mortel. Le ministère semble également ne faire aucun effort pour utiliser sa base de données électroniques sur les demandes de pension d'invalidité qui ont été refusées afin d'identifier de possibles victimes pour les inviter à présenter une autre demande. Autrement dit, le ministère des Anciens combattants ne prend aucune mesure proactive, ce qui malheureusement contraste avec ce que font les Américains. Ces derniers recherchent activement ceux qui ont pu être exposés à l'agent orange lorsqu'ils étaient en service au Vietnam et procèdent par inférence, c'est-à-dire que lorsque ceux qui ont servi au Vietnam sont atteints d'une maladie particulière, ils supposent que la cause en est l'agent orange.

Le leader du gouvernement interviendrait-il auprès de sa collègue, la ministre des Anciens combattants, pour voir si nous pouvons encourager son ministère à adopter une approche plus proactive, afin de retrouver ceux qui ont pu être exposés à cette substance et de juger par inférence de leur cas, comme le font nos homologues américains?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai pas lu l'article en question, mais je m'étonne de l'assertion selon laquelle le ministère ne fait rien et n'est pas proactif. On m'a dit que le ministère est déterminé à découvrir les faits et à collaborer avec quiconque aurait été exposé aux agents orange ou pourpre à la suite de ce qui s'est passé dans les années 1960. On m'a aussi informé qu'il continue de fouiller les dossiers pour être certain de posséder le plus de renseignements possibles sur les événements qui se sont produits et que cet été, il testera le sol, la végétation et l'eau à la BFC Gagetown pour voir s'il y a un risque de contamination résiduelle. Le ministère entend rendre publics les résultats de tous ces travaux.

J'espère que mes informations sont plus exactes que celles que le sénateur Meighen a relevées dans le journal.

Le sénateur Meighen : Le leader du gouvernement prend peut-être des libertés avec ce que j'ai dit. Je n'ai pas dit que rien ne se fait. J'ai émis la possibilité que le ministère adopte une approche plus proactive. Au lieu d'attendre que des gens répondent à une invitation lancée sur le site web, le ministère pourrait utiliser les renseignements qui sont à sa disposition pour rechercher activement et identifier ceux qui étaient dans la région à l'époque et qui auraient bien pu avoir été en contact avec ces susbtances. Voilà mon argument.

Même si le leader fournit des renseignements encourageants, j'espère qu'il se servira de son influence, comme il l'a manifestement fait avec succès dans le passé, pour inciter cette fois le ministère des Anciens Combattants à tenter proactivement d'identifier de possibles victimes.

Le sénateur Austin : Je vais faire des démarches au nom du sénateur Meighen et en mon nom pour qu'on cherche à connaître l'état de santé des gens qui étaient sur la base lorsque les tests ont eu lieu.

Le sénateur Meighen : Est-ce que cela s'applique aussi bien aux civils qu'aux militaires, hommes et femmes?

Le sénateur Austin : Oui, honorables sénateurs. Le mot « personnes » comprend les civils et les militaires, hommes et femmes.

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter deux réponses différées. La première réponse fait suite à une question orale posée le 8 juin 2005 par madame le sénateur Cochrane concernant l'indemnisation des victimes de l'hépatite C.

[Français]

La deuxième est en réponse à une question orale posée par madame le sénateur LeBreton, le 31 mai 2005, concernant le Bureau du Conseil privé et M. Guy Mckenzie.

LA SANTÉ

L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'HÉPATITE C

(Réponse à la question posée par l'honorable Ethel Cochrane le 8 juin 2005)

Les discussions avec les conseillers juridiques qui représentent les personnes infectées ont commencé immédiatement après l'annonce du ministre en novembre 2004. Le négociateur fédéral et son équipe ont rencontré les avocats du groupe de personnes infectées avant 1986 et après 1990 le 2 juin à Montréal. La prochaine réunion aura lieu le 18 août à Edmonton. Il serait inapproprié de parler plus en détail de ces discussions, les parties ayant convenu de ne pas en divulguer le contenu pour l'instant. Les enjeux sont très complexes et les parties en cause sont très nombreuses. Voilà pourquoi le ministre a déclaré à ce moment-là qu'il fallait nous attendre à ce que ces discussions se prolongent. Ces discussions font partie intégrante de l'exploration de toutes les options disponibles relatives à la prestation d'une compensation et au règlement des réclamations en suspens.

Les tribunaux qui supervisent le fonds de la convention de règlement 1986-1990 sont responsables d'établir le calendrier des audiences du fonds de règlement 1986-1990. Les juges responsables du fonds de la convention de règlement 1986- 1990 ont tenu des réunions initiales afin de déterminer le processus à établir à savoir si le fonds est suffisant durant toute la vie ou si un surplus actuariel existe. Les tribunaux ont exigé des rapports sur la suffisance du fonds et de la progression de la maladie des membres afin de déterminer si un surplus existe dans le fonds de règlement. Le gouvernement du Canada continuera de demander à ce que les audiences aient lieu le plus vite possible, toutefois ce sont les tribunaux qui détermineront le calendrier.

LE BUREAU DU CONSEIL PRIVÉ

LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LE PROGRAMME DE COMMANDITES ET LES ACTIVITÉS PUBLICITAIRES—LE BUREAU STRATÉGIQUE CHARGÉ DE PRÉPARER LES RÉPONSES DU GOUVERNEMENT

(Réponse à la question posée par l'honorable Marjory LeBreton le 31 mai 2005)

Comme les honorable sénateurs le savent, le gouvernement a créé la Division de la coordination des questions de commandites pour aider la Commission d'enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires (la Commission) à exécuter son mandat, à assurer la liaison avec l'avocat du gouvernement, et à coordonner les cinq ministères concernés ainsi que la préparation des propositions pour la Commission.

Plusieurs fonctionnaires ont été considérés pour divers postes liés au groupe de base de la coordination des questions des commandites, et ils devaient notamment avoir de l'expérience comme cadre au sein de la fonction publique et des antécédents en droit. M. Guy McKenzie faisait partie de ces fonctionnaires.

Mme Ursula Menke a été choisie pour diriger la Division de la coordination des questions de commandites au BCP, et elle a commencé à y travailler le 31 mai 2004.

M. McKenzie n'a jamais joué de rôle au bureau.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'aimerais que les articles inscrits à l'ordre du jour soient appelés selon l'ordre suivant : le projet de loi C-56, Loi sur l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador; le rapport du Comité des finances sur le Budget principal des dépenses; le projet de loi C-58, loi des crédits; le projet de loi C- 43, Loi d'exécution du budget; le projet de loi C-2, sur la protection des enfants; le projet de loi C-22, sur le ministère du Développement social; le projet de loi S-31, sur l'autoroute 30; le projet de loi S-36, sur les diamants bruts; le projet de loi C-26, sur les services frontaliers; le projet de loi S-40, sur les matières dangereuses; le projet de loi C-3, sur la Garde côtière et le projet de loi C-9, sur le développement économique des régions du Québec.

PROJET DE LOI SUR L'ACCORD SUR LES REVENDICATIONS TERRITORIALES DES INUIT DU LABRADOR

DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) propose : Que le projet de loi C-56, Loi sur l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est un grand honneur et un plaisir pour moi d'intervenir ce soir au sujet de ce projet de loi, particulièrement du fait que mes amis sont à la tribune. J'ose espérer qu'un plus grand nombre d'entre eux se joindront à nous plus tard. Au Labrador, les vols ne sont pas aussi fréquents que dans d'autres régions du pays et certaines personnes ont été retardées.

Cet accord sur les revendications territoriales des Inuits a été bien long à conclure. J'y ai été mêlé pour la première en 1972, alors que je venais d'être élu député. Je crois que c'est à cette époque que des membres de l'Association des Inuits du Labrador ont commencé à venir à Ottawa, mais les négociations n'ont pas commencé avant 1984. Il est juste de dire que c'est seulement après la découverte de la mine de nickel de la baie Voisey que le processus s'est accéléré, lorsque la société et les deux paliers de gouvernement se sont rendu compte qu'à défaut du consentement des habitants de ce secteur qui utilisaient la terre, l'exploitation de la mine serait impossible. Cela a très considérablement hâté les négociations et nous a amenés au point où nous en sommes aujourd'hui, la Chambre des communes ayant adopté le projet de loi à toutes les étapes et le Sénat en ayant entrepris l'étude ce soir.

(1830)

Je voudrais répondre à la question de savoir qui sont les Inuits du Labrador. Les Inuits vivent au Labrador depuis près de 4000 ans. Différentes cultures s'y sont succédé pendant 40 siècles. Au Labrador, les Inuits d'aujourd'hui sont les descendants des Inuits de Thulé, qui étaient arrivés là vers 1300, il y a donc près de 700 ans. Ils font partie de la communauté inuite polaire. Les honorables sénateurs savent peut-être que les Inuits tiennent une conférence circumpolaire et qu'ils se rencontrent régulièrement pour discuter des questions qui ont l'importance pour eux, y compris l'environnement.

Les Inuits du Labrador sont les plus méridionaux du monde. Ils sont néanmoins très proches des Inuits du Nunavut, d'où vient le sénateur Adams. J'ai été très heureux de voir le sénateur Adams et des représentants du Nunavut lors de la signature de l'accord en décembre, à Nain. Il y a des relations entre les deux communautés inuites. Le sénateur Adams a réussi à organiser une coentreprise de pêche dans le cadre de laquelle un quota de flétan noir sera pris et transformé au Labrador conjointement par les Inuits du Nunavut et les Inuits du Labrador.

Le Nunavut est notre voisin du Nord. Il n'y a pas une grande distance à traverser sur l'eau entre l'extrémité septentrionale du Labrador et l'extrémité méridionale du Nunavut. Les Inuits du Labrador sont également apparentés aux Inuits de la région de Kuujjuaq d'où vient le sénateur Watt. Il y a eu un effort commun de règlement des revendications touchant cette région. Je crois d'ailleurs qu'un accord de principe vient d'être conclu avec les Inuits de cette région. Ces relations existent depuis des siècles. Les Inuits du Labrador ont parcouru toute la péninsule de l'Ungava parce que les Inuits ne connaissent pas de frontières. Le gouvernement a établi une frontière entre le Labrador et le Québec, mais les Inuits l'on franchie pendant des années sans même savoir qu'elle existait et avaient utilisé le territoire bien longtemps avant. Les Inuits de cette région entretenaient des relations entre eux. Ils ont aussi des relations avec les Inuits du Groenland.

Les honorables sénateurs savent sans doute que l'inuktitut est la langue universelle des Inuits. Il existe des nuances, des accents et des idiomes, mais ils ne font pas plus de différences qu'il n'y en a entre l'anglais de Terre-Neuve et celui d'Australie. Les Terre-Neuviens et les Australiens parlant l'anglais, ils peuvent toujours se comprendre avec un petit effort.

Il y a également des relations avec la Russie. Nous avons été surpris de découvrir que c'est là l'une des raisons des couleurs communes du drapeau d'une région de Russie et du drapeau du Labrador. Malheureusement, je n'ai pas été autorisé à apporter un drapeau du Labrador ce soir pour le mettre sur mon pupitre parce que c'est contraire à notre Règlement.

Ce sont les Inuits du Labrador qui sont là depuis des centaines d'années. Ils ont utilisé le territoire, l'ont occupé et ont maintenant un accord de règlement de leurs revendications territoriales.

La Bible dit que les premiers seront les derniers et que les derniers seront les premiers. C'est le dernier accord de règlement des revendications territoriales des Inuits du Canada. C'est aussi le premier accord de règlement des revendications territoriales dans le Canada atlantique. Ce soir, les Inuits du Labrador sont à la fois les premiers et les derniers. Ce sont les derniers Inuits du Canada à obtenir le règlement de leurs revendications territoriales et les premiers Autochtones des provinces de l'Atlantique qui concluent un accord comprenant l'autonomie gouvernementale.

J'espère que cette revendication territoriale aura valeur de modèle. Je tiens à rendre hommage au ministre Scott pour son travail et pour le travail de son ministère dans ce dossier. Le ministre Scott a déclaré :

L'accord que nous avons conclu avec nos partenaires est historique en ce sens où il est le premier traité contemporain négocié dans le Canada atlantique. La promulgation de cette loi établira une certitude au Labrador quant à l'utilisation et au titre des terres, offrant ainsi de nombreuses possibilités aux résidants inuits et non inuits. De plus, les dispositions de l'Accord qui concernent l'autonomie gouvernementale font en sorte que les Inuits du Labrador pourront jouer un rôle important dans les processus de prise de décisions qui façonneront leur avenir.

En réponse à cela, William Anderson, président de l'Association des Inuits du Labrador, qui est à la tribune aujourd'hui, a déclaré :

La promulgation d'aujourd'hui présente une source d'espoir pour les partenariats futurs. Les Inuits du Labrador espèrent maintenant façonner leur propre destinée et participer à la construction de ce pays.

Je souhaite rendre hommage aussi à la province et à Tom Rideout, le ministre provincial, qui n'est pas avec nous ce soir, mais qui est un ami depuis longtemps. J'ai donné à M. Rideout son premier emploi. Il était libéral à l'époque. Je nourris toujours l'espoir qu'un jour, il réintégrera le giron.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Rompkey : M. Rideout et moi-même sommes amis depuis les années 1970. Je souhaite lui rendre hommage, en sa qualité de ministre chargé des Affaires autochtones dans le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, pour les efforts qu'il a déployés afin que le présent accord devienne réalité.

Bien avant que l'homme blanc n'arrive, les Inuits occupaient la terre du Labrador et jouissaient d'une autonomie gouvernementale. Honorables sénateurs, le but de cet accord est de récupérer des terres et de récupérer l'autonomie gouvernementale. Les premiers Européens ont été les Vikings, qui sont arrivés aux alentours de l'an 1000 après Jésus-Christ, mais ils ne sont pas restés très longtemps. Les premiers Européens qui sont venus et sont restés une bonne période de temps sont arrivés dans les années 1400. Peut-être les premiers étaient-ils des Basques, mais cette question fait l'objet d'un débat.

Ce qui compte, honorables sénateurs, c'est qu'avant que les Européens n'arrivent au Labrador, les Inuits étaient présents sur la terre et ils jouissaient de l'autonomie gouvernementale. Ils avaient une religion, des lois, des coutumes et une langue qui leur étaient propres. Ils étaient une société distincte. Le projet de loi dont nous sommes saisis vise à rétablir la situation qui existait pour les Inuits avant la venue de l'homme blanc. Il est important de le souligner.

Cette relation renouvelée reconnaît l'existence d'autres peuples. Les Européens sont arrivés et une personne qui habite le Labrador ne s'en va pas, car le Labrador, c'est son chez-soi. D'autres peuples que les peuples autochtones vivent au Labrador. Ce qui est génial, c'est que les Inuits du Labrador ont reconnu cela et ont établi un partenariat avec les gens qui sont là.

Les honorables sénateurs verront plus tard que la population des communautés de cette région faisant l'objet d'une revendication territoriale a aussi été intégrée à l'accord. La population non autochtone de ces communautés pourra voter et élire une certaine partie des membres des conseils locaux. Des partenariats ont été développés avec la province et le gouvernement fédéral pour le partage des compétences. Certaines seront attribuées, alors que d'autres seront partagées. Des mécanismes ont été conçus afin de tenir compte de tous les niveaux de gouvernement. Ce sont les Inuits du Labrador qui seront les principaux responsables et les principaux bénéficiaires.

Il y aura deux régions soeurs, les Terres des Inuits du Labrador et la région du règlement des Inuits du Labrador. La première est la plus petite, qui s'étend sur 16 000 km2. Essentiellement, ce territoire s'étend de Rigolet à Nain. Cinq communautés y sont installées, notamment Nain, Hopedale, Makkovik, Postville et Rigolet. Les Inuits géreront le développement de ce territoire de 16 000 km2.

(1840)

Ils légiféreront dans divers domaines et ils planifieront pour l'avenir. William Andersen disait que, pour eux, ce projet de loi représente l'espoir de gérer leurs affaires et leur propre destin. Cela montre bien l'importance cet accord.

Le deuxième bloc de terres, c'est la région du règlement des Inuits du Labrador. Les recherches archéologiques et historiques ont prouvé que cette région avait été occupée et utilisée par les Inuits du Labrador. Dans ces terres, ils ont droit à la cueillette et au partage des recettes. Ils ont leur mot à dire dans leur développement. Il y aura des consultations. La loi exigera que les deux paliers de gouvernement et les promoteurs privés obtiennent l'accord préalable des Inuits du Labrador. Ils participeront à la gestion de la faune.

Un gouvernement administrera tout ce territoire, celui du Nunatsiavut, ce qui signifie « notre belle terre ». Il sera élu par la population et édictera des lois s'appliquant aux communautés inuites, notamment au territoire et aux ressources, à la culture, à l'éducation et aux affaires sociales. Jusqu'à présent, les Inuits n'ont pas eu leur mot à dire dans ces domaines. À titre d'exemple, l'éducation, domaine que je connais sans doute mieux que d'autres, relève d'une commission scolaire qui rend des comptes au gouvernement de St. John's. Désormais, les Inuits du Labrador géreront leur éducation et aussi ces autres domaines. Ceux-ci auront un fonctionnement conforme aux règlements et aux pratiques édictés dans leur propre constitution, qui a été ratifiée il y a trois ans par les électeurs de la région.

Comme je l'ai mentionné, cette région comptera cinq communautés. Chacune comportera sa propre administration qui équivaudra grosso modo à celle d'une municipalité. Tous les résidants, autochtones ou non, pourront voter et se porter candidats. Le rapport entre les membres de l'Association des Inuits du Labrador et les non-membres est de 75 contre 25.

Il est intéressant de souligner que tous ont participé à ce projet. J'ignore ce qui se passe ailleurs. Je ne sais pas grand-chose au sujet des autres revendications territoriales, mais je sais que les Inuits du Labrador ont dit à tous les résidants de la communauté que puisqu'ils vivaient tous ensemble, ils devaient former un partenariat, gouverner ensemble et partager les avantages. Il faut féliciter les Inuits du Labrador de cette attitude.

Toutes les lois fédérales et provinciales continueront de s'appliquer et, cela va de soi, les Inuits bénéficieront de la protection de la Charte.

Dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet, le Canada versera 140 millions de dollars aux Inuits, puis 156 millions de dollars sur 15 ans. La contribution de la province a été essentiellement le transfert du territoire, elle a donc été en nature et non pas en espèces.

Cette entente et ce projet de loi prévoient la création du parc national des Monts-Torngat, premier parc national au Labrador. J'invite les sénateurs à s'y rendre s'ils en ont l'occasion. La vue y est spectaculaire. Les fjords du Labrador rivalisent de beauté avec ceux de la Norvège. Les monts Torngat atteignent les 6 000 pieds. Cette région est merveilleuse, immaculée et intacte. S'il y en a parmi vous qui souhaitent pêcher l'omble chevalier et être assurés d'une prise, je peux leur montrer où le faire. Je vous invite donc à visiter le parc national des Monts-Torngat. Un deuxième parc est prévu.

Voilà les principaux éléments du projet de loi.

Les Inuits ont fait honneur à eux-mêmes, à la province et à notre pays. Cet accord n'existerait pas s'ils n'y avaient pas travaillé. Je tiens à signaler aux honorables sénateurs que les Inuits ont agi sagement et avec prudence en négociant loin des projecteurs des médias. Je ne me souviens d'aucun cas où les négociations se sont faites par l'entremise des médias. Il est vrai que les Inuits ont dû quelques fois se retirer de la table. Ils n'ont pas toujours été très heureux de la façon dont les négociations se déroulaient. Il est arrivé que ce qu'on leur proposait leur semble inacceptable, et ils ont quitté la table, mais ils y sont revenus. Cela faisait penser à une chanson de Kenny Rogers « You got to know when to hold `em, know when to fold `em ». Il faut savoir quand continuer à jouer et quand s'arrêter. Ils le savaient fort bien. Je tiens à leur reconnaître le mérite de tout le travail qu'ils ont consacré à ce projet de loi, du temps qu'ils ont sacrifié, loin de leur famille, pendant toutes ces années, des efforts intellectuels et physiques qu'ils ont faits pour aller de réunion en réunion et pour négocier si bien, avec attention, dans l'intérêt de leur peuple.

À la province, les Inuits du Labrador ont dit qu'il leur était possible de prendre leur vie et leur avenir en main tout en demeurant un partenaire qui participe à la vie de la province. Voilà un message très éloquent.

Au Canada, les Inuits du Labrador ont dit qu'il était possible, dans ce pays, d'avoir de nouvelles structures. Il est possible d'avoir, non pas uniquement des provinces et des villes, mais aussi d'autres modèles qui peuvent fonctionner. Ce que nous voyons ici, ce soir, c'est un modèle qui peut marcher. Ce n'est pas un modèle urbain ni provincial, mais un modèle qui peut marcher. Dans ce modèle, les gens contrôlent davantage leur avenir et leur vie parce qu'ils sont prêts à faire preuve de souplesse et à partager.

Les Inuits ont des droits, et ces droits sont protégés. Ils en ont cédé certains, mais pas tous. Ils sont disposés à mettre en place une nouvelle structure dans laquelle ils peuvent travailler avec leurs partenaires pour exploiter les ressources et préparer l'avenir. C'est là un message éloquent pour la province et pour l'ensemble du pays.

Les Inuits du Labrador ont montré qu'ils pouvaient conserver, chérir et célébrer leurs origines, leurs cultures et leurs valeurs tout en restant des Canadiens, car ils sont des Canadiens dans le plein sens du terme.

Quand je me suis rendu à Nain, en décembre, pour la signature de l'accord, j'ai apporté avec moi un drapeau qui avait flotté au-dessus de la Tour de la Paix. J'ai pu présenter ce drapeau à la nouvelle assemblée législative au nom de la nôtre, en témoignage des liens qui nous unissent et pour marquer l'avènement d'une nouvelle structure parlementaire au Canada, un nouveau modèle qui fonctionne.

Honorables sénateurs, les Inuits du Labrador sont encore et toujours fermement canadiens. Je voudrais simplement leur adresser ces mots en terminant :

[Le sénateur Rompkey s'exprime en inuktitut.]

Je ne sais pas combien d'honorables sénateurs ont compris ce que je viens de dire. Le sénateur Adams a compris. J'ai dit : « Félicitations et bonne chance aux Inuits du Labrador. »

L'honorable Ethel Cochrane : Honorables sénateurs, avant d'entamer mon discours à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi portant mise en vigueur de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador, j'aimerais demander la permission de déposer une carte du Labrador.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : On fera circuler la carte pendant que madame le sénateur Cochrane prononce son discours.

Le sénateur Cochrane : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-56, Loi sur l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador.

(1850)

L'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador est le fruit de longues années de négociations entre le gouvernement fédéral, le gouvernement de Terre-Neuve-et- Labrador et l'Association des Inuits du Labrador. Au nom de tous les sénateurs conservateurs, y compris moi-même, qui suis de Terre-Neuve-et-Labrador, je tiens à féliciter l'Association des Inuits du Labrador, tous ses négociateurs, ainsi que l'ensemble des Inuits du Labrador, de la réalisation que constitue le règlement de cette revendication.

Honorables sénateurs, les Inuits sont plus de 5 000 au Labrador et vivent surtout dans cinq collectivités — ce dont le Sénateur Rompkey a également parlé — à savoir Nain, Rigolet, Makkovik, Hopedale et Postville, ainsi que dans la région de Upper Lake Melville. Même si les Inuits continuent de vivre selon le mode traditionnel, ils sont également résolument tournés vers l'avenir. Le projet de loi dont nous sommes saisis assurera l'entrée en vigueur d'ententes concernant les revendications territoriales, le partage des ressources et l'autonomie gouvernementale qui permettront aux Inuits du Labrador de forger leur propre identité en créant des possibilités et en solutionnant des problèmes comme bon leur semble.

Le projet de loi a ceci d'historique qu'il vise l'approbation par le gouvernement fédéral du dernier accord sur des revendications territoriales pour les Inuits du Canada. Le règlement de quatre revendications avec les Inuits représente une réalisation impressionnante dont tous les Canadiens peuvent être fiers.

Comme je l'ai dit, cet accord est l'aboutissement d'un long processus. La première revendication a été déposée par l'Association des Inuits du Labrador il y a 30 ans, en 1977. Les négociations n'ont vraiment pris leur envol que dix ans plus tard. On a conclu un accord de principe en 2001 et les négociateurs ont signé l'accord final moins de deux ans plus tard. Ensuite, les Inuits ont eux-mêmes ratifié l'accord. Il y a juste un peu plus d'un an, l'accord a reçu 76 p. 100 d'appuis, avec un taux impressionnant de participation au vote de 86 p. 100. C'est incroyable!

À la cérémonie de signature tenue à Nain le 22 janvier de cette année, les trois parties ont officiellement approuvé l'accord. L'approbation du Parlement est la dernière étape du processus, la ratification par la province ayant déjà eu lieu. Je souhaite féliciter le premier ministre Danny Williams, le gouvernement de Terre-Neuve- et-Labrador et Tom Rideout, ministre responsable des Affaires autochtones, pour l'adoption rapide de la mesure législative provinciale donnant effet au traité. Cette mesure a reçu le consentement unanime et a été adoptée à toutes les étapes en une seule journée en décembre dernier.

Honorables sénateurs, ce traité revêt une importance particulière pour ma province, car c'est le premier accord sur les revendications et l'autonomie gouvernementale conclu avec les Inuits de Terre- Neuve-et-Labrador. Cet accord a guéri de vieilles blessures, la cérémonie de signature tenue en janvier ayant permis au premier ministre Williams d'offrir les excuses officielles de la province pour le déplacement forcé de deux collectivités inuites dans les années 1950. Les excuses ont été acceptées en guise de reconnaissance et de trêve, et elles représentent un renouveau dans les relations entre la province et le peuple inuit.

Honorables sénateurs, les revendications territoriales en tant que telles portent sur un territoire plus de 72 000 kilomètres carrés dans le nord du Labrador. Une petite portion de ce territoire, soit quelque 16 000 kilomètres carrés, appartiendra en propre au peuple inuit. Ce territoire représente environ 2 p. 100 de l'ensemble des terres du Labrador, ce qui peut donner aux honorables sénateurs une idée de l'étendue du Labrador. Les Inuits jouiront de droits spéciaux liés à l'utilisation traditionnelle dans le territoire de la région des revendications territoriales visée par l'accord, ainsi que dans les 44 000 kilomètres carrés du territoire côtier se trouvant dans les eaux territoriales canadiennes. Ces droits spéciaux comprennent un pourcentage garanti des nouveaux permis de pêche commerciale et des droits de récolte préférentiels.

L'accord crée un nouveau parc d'une grande beauté, qui comprendra les monts Torngat, à l'extrémité septentrionale de la province. La Réserve à vocation de parc national des Monts- Torngat du Canada constituera le premier parc national créé au Labrador. Ce parc est d'une grande beauté, selon le sénateur Rompkey. C'est le domaine de la toundra arctique où l'on trouve de magnifiques fjords et des montagnes vraiment majestueuses qui comptent parmi les plus vieilles de la terre. Je me réjouis d'une façon particulière de ce que cet accord et ce projet de loi protégeront ce territoire pour les générations à venir.

Honorables sénateurs, en 2002, les Inuits du Labrador ont ratifié leur propre constitution. Celle-ci stipule clairement que la Charte canadienne des droits et libertés s'appliquera aux gouvernements inuits et chacun des Inuits jouira des mêmes droits et libertés que tous les autres citoyens canadiens. Cette constitution entrera en vigueur en même temps que le présent accord et établira un gouvernement régional sur les terres des Inuits du Labrador. En accédant à l'autonomie gouvernementale, les Inuits du Labrador pourront gérer leurs services de santé et d'éducation, leurs services sociaux et leur culture. Le gouvernement régional pourra également se doter d'un système judiciaire appliquant les lois inuites. Le gouvernement régional édictera en outre certaines lois liées à la gestion de la faune et de la pêche et siégera aux comités mixtes de gestion en compagnie de représentants des gouvernements provincial et fédéral.

Chacune des cinq collectivités inuites aura son gouvernement, semblable à une administration municipale. Les intérêts des résidants non inuits seront respectés. En effet, les « nouveaux arrivants » qui vivent dans ces collectivités depuis 1999 détiendront jusqu'à 25 p. 100 des sièges du conseil communautaire. Les intérêts des Inuits vivant à l'extérieur de la grande région visée par le règlement seront représentés par des sociétés communautaires qui comprendront un exécutif élu devant rendre des comptes aux résidants. Un registre d'inscription sera établi pour consigner le nom des bénéficiaires de l'accord sur les revendications territoriales et il sera mis à jour au moins une fois l'an.

L'accord a un caractère définitif et donne des certitudes à toutes les parties quant à la propriété des terres et des ressources. En échange des droits et des avantages énoncés dans l'accord sur les revendications territoriales, les Inuits du Labrador céderont au Canada et à la province de Terre-Neuve-et-Labrador tous leurs droits ancestraux sur les terres situées hors des terres qu'ils posséderont, de même que leurs droits ancestraux sur les ressources du sous-sol, et ils y renonceront. Sur les terres des Inuits du Labrador, les droits ancestraux seront exercés conformément à l'accord.

Aux termes de cet accord, le gouvernement fédéral transférera 140 millions de dollars sur 15 ans aux Inuits du Labrador, et fournira 156 millions de dollars pour la mise en œuvre de l'accord et l'établissement des gouvernements autonomes. L'accord impose des obligations aux Inuits, qui auront 15 ans pour rembourser les prêts d'environ 50 millions de dollars ayant servi aux négociations. Les Inuits recevront aussi 25 p. 100 des recettes du gouvernement de la province tirées du développement des ressources du sous-sol. Le gouvernement inuit régional interviendra directement dans toute activité de développement des ressources qui se déroulera sur les terres des Inuits du Labrador.

Honorables sénateurs, l'une des plus grandes mines de nickel du monde se situe près du village de la baie Voisey dans le Nord du Labrador. Un article de l'accord stipule que la zone de développement minier de la baie Voisey ne fera pas partie de la région désignée par le règlement. Cependant, les Inuits continuent d'avoir le droit de chasse, de pêche et de cueillette dans la région de la baie Voisey, pourvu que cela n'interfère pas avec le fonctionnement du projet ou avec la construction. Un accord distinct conclu avec le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et signé en 2002 donne à l'Association des Inuits du Labrador 5 p. 100 des recettes provinciales tirées du projet minier.

(1900)

L'article 8 du projet de loi C-56 donne effet à l'Accord sur le traitement fiscal des Inuits du Labrador, qui constitue une entente distincte. L'Accord porte sur le traitement fiscal des administrations régionales et communautaires, des sociétés et des autres entités des gouvernements inuits. Ils continueront d'être assujettis aux lois fiscales fédérales et provinciales, mais les administrations régionales et les administrations des communautés inuites seront autorisées à faire appliquer des lois relatives à l'imposition directe des Inuits sur les terres qu'ils possèdent. Ils peuvent également établir des lois pour coordonner et harmoniser la fiscalité des administrations de communautés.

Honorables sénateurs, avant de conclure, je voudrais prendre quelques instants pour rendre hommage au défunt Lawrence O'Brien, qui a représenté le Labrador à l'autre endroit pendant huit ans et demi, jusqu'à son décès en décembre dernier.

Une voix : C'était un homme bien.

Le sénateur Cochrane : Je suis tout à fait d'accord, c'était un homme bien.

Au cours de ces années, il a énergiquement appuyé cette revendication. Il croyait fermement qu'elle assurerait la croissance économique et le développement social des Inuits.

Il est triste que M. O'Brien n'ait pas vécu assez longtemps pour être témoin de l'adoption de ce projet de loi. Il en est de même de beaucoup des aînés inuits qui, je le sais, continuent à vivre dans le coeur et l'esprit de ceux qui les aimaient, tandis que la mise en oeuvre de cet accord approche.

En témoignage de l'importance de l'accord, le projet de loi a obtenu l'appui de tous les partis représentés à l'autre endroit et a été rapidement adopté. Comme c'est la coutume au Sénat, le projet de loi C-56 sera soigneusement étudié en comité avant d'être lu une troisième fois et d'être définitivement approuvé.

Même si le trajet pour en arriver là a été long, l'adoption du projet de loi marquera non une fin, mais un nouveau début pour tous. J'espère que tous les honorables sénateurs voudront se joindre à moi pour souhaiter bonne chance au peuple inuit du Labrador tandis qu'il s'engage sur cette nouvelle voie.

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je suis heureux de présenter quelques observations au sujet du projet de loi C-56. Ayant travaillé à plusieurs de ces accords concernant différentes bandes de l'Ouest Canadien, je suis sûr que ce sera un grand jour pour celles du Canada atlantique, puisque ce sera le premier accord de ce genre à être ratifié dans cette région.

Le projet de loi rétablira le droit des Inuits à la terre et à ses ressources. Un accord global codifie ces droits ainsi que les relations entre le gouvernement du peuple inuit et les gouvernements fédéral et provinciaux. Cet accord sur les revendications territoriales représente le point culminant de 28 ans de persistance et d'efforts passionnés du peuple de cette région du Labrador en vue du règlement de ses revendications avec la Couronne du Canada et celle de Terre-Neuve-et-Labrador. J'ai souvent parlé ici de ces retards. Ce n'est pas une question d'esprit partisan. C'est simplement le fait qu'aucun des gouvernements des cent dernières années n'a cherché à régler efficacement et rapidement ces revendications.

L'Association des Inuits du Labrador représente plus de 5 300 de ces Inuits. Ils vivent dans le nord du Labrador et dans d'autres régions de la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Comme je l'ai signalé, c'est le dernier des accords relatifs aux revendications territoriales des Inuit du Canada. Un accord global sur les revendications territoriales constitue un traité moderne qui donne à un groupe d'autochtones des terres, des ressources et des droits d'autonomie gouvernementale clairement définis. Ces accords bénéficient d'une protection constitutionnelle.

Le peuple inuit du Labrador revendique des droits ancestraux et la propriété du territoire situé dans le nord du Labrador et le nord- est du Québec. Jusqu'ici, les Inuits du Labrador n'avaient jamais signé ni traité historique avec la Couronne britannique ni traité moderne ni un accord relatif aux revendications territoriales avec le gouvernement du Canada ou le gouvernement de Terre-Neuve-et- Labrador.

La présente entente constitue le règlement complet des droits ancestraux des Inuits du Labrador. La propriété des terres et une gestion prudente assureront certainement un environnement stable aux fins de développement économique et d'investissements et contribueront à l'autonomie des Inuits du Labrador en ce qui a trait à leur développement économique, social, culturel et politique.

Les Inuits du Labrador ont créé leur propre constitution qui prévoit deux niveaux de gouvernement. Le gouvernement Nunatsiavut exerce principalement son autorité sur les Inuits au niveau régional et sur cinq administrations communautaires inuites. Il peut adopter des lois pour régir les habitants du Labrador, les terres inuites et les collectivités inuites en matière d'éducation, de santé, de services aux enfants et aux familles et de soutien du revenu. Il a compétence sur ses affaires internes, la culture et les langues inuites et sur la gestion des droits et des avantages conférés aux Inuits par le présent accord. En tant qu'Autochtone visé par l'article 35 de la Constitution sur la protection de la langue et de la culture, je tiens à appuyer nos peuples autochtones et l'avenir de notre pays.

Le gouvernement pourra également mettre sur pied un système juridique qui régira l'administration des lois inuites. Les Inuits du Labrador auront toujours accès aux programmes et aux services fédéraux et provinciaux. L'entente crée un nouveau territoire destiné aux Inuits du Labrador qui s'étend sur 72 500 kilomètres carrés et comprend 15 800 kilomètres carrés de terres appartenant aux Inuits, reconnues comme étant les terres des Inuits du Labrador.

Comme madame le sénateur Cochrane l'a souligné, l'accord prévoit aussi l'établissement de la réserve à vocation de parc national des Monts-Torngat, soit un territoire d'environ 9 600 kilomètres carrés.

L'Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador traite exclusivement des droits des Inuits du Labrador, qui sont clairement définis dans l'accord. Ces Inuits utilisent et occupent le territoire visé par l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador depuis une époque qui précède même l'arrivée de l'homme blanc.

L'accord prescrit clairement qu'il ne modifie aucunement les droits de quelque autre peuple autochtone. Tous ceux qui ont travaillé en vue de la ratification de cet accord sur leurs revendications territoriales y voient une porte ouverte sur l'avenir. La ratification de cet accord mettra un terme à une longue période d'incertitude entourant les droits sur le territoire et l'eau, le développement et la responsabilité en matière d'environnement.

La ratification sera aussi synonyme de stabilité., Des dispositions législatives claires créeront un environnement stable propice au développement durable et les Inuits du Labrador croient fermement au principe du développement durable. La ratification permettra également l'évolution de la population.

Ils disent aussi que cet accord sur leurs revendications territoriales leur donnera les moyens nécessaires pour créer des avantages permanents et qu'il ouvrira des possibilités aux Inuits du Labrador. Ils veulent surtout créer des possibilités pour leurs jeunes. Ils croient avoir conclu le meilleur accord possible. Comme William Anderson l'a dit : « Les accords sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale ont toujours été leurs objectifs fondamentaux et ce texte législatif conférera aux Inuits du Labrador les pouvoirs nécessaires pour planifier l'avenir, préparer leur destinée et aider à bâtir leur pays. »

En 1977, l'Association des Inuits du Labrador déposait une déclaration de revendication auprès du gouvernement du Canada, intitulée A Statement of Claim to Certain Rights in the Land and Sea-Ice in Northern Labrador. En 1990, un accord-cadre pour la revendication territoriale fut conclu. En 2004, les Inuits du Labrador ratifiaient la revendication territoriale négociée comportant les dispositions et les accords sur l'autonomie gouvernementale, avec l'appui de 76,4 p. 100 des électeurs admissibles et un taux de participation de 86 p. 100. Aujourd'hui, en juin 2005, le Parlement témoigne de son appui entier aux Inuits en avalisant une dernière fois cet accord.

Je ne peux parler qu'en mon nom en disant que pour en arriver à ce point, il a fallu trop de temps et trop d'argent. C'est pourquoi certains d'entre nous promouvons ce projet de loi habilitant aujourd'hui, afin d'accélérer son adoption et de limiter les coûts en argent et en temps de ces négociations.

Le gouvernement fédéral n'aurait pas dû négocier à la baisse les droits et les compétences des Inuits en matière d'autonomie gouvernementale. Cependant, les Autochtones visés sont satisfaits et ils ne tarderont pas à tracer leur avenir et à définir leur place au Canada, dans ce magnifique pays où les Inuits vivent depuis plus de 5 000 ans.

Mon parti et moi-même sommes fiers d'appuyer cet accord et il revient maintenant au Sénat de favoriser l'adoption rapide de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, nous avons fait cela dans le passé; en légiférant, il nous est arrivé parfois de faire des choses qui s'écartaient un peu de la tradition. J'espère simplement qu'une telle créativité se manifestera de nouveau.

Le sénateur Sibbeston et moi collaborons à l'étude de divers projets de loi, en tant que membres du Comité des peuples autochtones, et les audiences sur ce projet de loi commencent demain matin.

J'espère ne pas être présomptueux en le disant, mais il faut espérer que les habitants du Labrador pourront être maîtres de leur destinée, voir à l'éducation de leurs semblables et envisager un avenir très prometteur.

(1910)

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2005-2006

ADOPTION DU QUATRIÈME RAPPORT INTÉRIMAIRE DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Dallaire, tendant à l'adoption du treizième rapport (quatrième intérimaire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget principal des dépenses 2005-2006), présenté au Sénat le 9 juin 2005.

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter quelques remarques au sujet du quatrième rapport intérimaire sur le Budget principal des dépenses de 2005-2006. Je veux d'abord commencer par féliciter le sénateur Day de son excellente intervention.

Comme vous le savez, le Comité sénatorial permanent des finances nationales s'intéresse d'une façon générale aux dépenses gouvernementales présentées dans les documents budgétaires et les projets de loi connexes. Comme c'est l'habitude de ce comité, un certain nombre de dates de séances ont été réservées aux fins de l'étude du Budget principal des dépenses de 2005-2006. C'est aussi devenu une convention ici que le Sénat n'étudie pas la Loi de crédits découlant de ce budget, tant qu'il n'a pas reçu du Comité sénatorial permanent des finances nationales un rapport sur son étude du budget en question.

Le document dont les honorables sénateurs sont saisis est le quatrième rapport intérimaire sur le Budget principal des dépenses de 2005-2006. Le comité a entrepris son étude le 9 mars 2005, lorsque l'honorable Reg Alcock et des fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor ont présenté et expliqué les principaux points du budget de 2005-2006. Ceux-ci ont aussi répondu à plusieurs questions lors de cette rencontre et fourni des réponses écrites par la suite.

Le comité a pu prendre connaissance des détails du projet de loi de crédits provisoires avant la fin de mars 2005, et un rapport provisoire, le sixième du comité, a été déposé au Sénat en mars 2005. Depuis ce temps, le comité continue son examen du Budget des dépenses de 2005-2006.

Le comité s'est consacré surtout, ce printemps, à l'étude de projets de loi, notamment les projets de loi C-8, C-24, C-30, C-33 et C-45. Néanmoins, les sénateurs du comité ont trouvé le temps d'examiner plusieurs aspects des prévisions de dépenses du gouvernement.

Je ne voudrais pas abuser de votre temps, honorables sénateurs, mais j'aimerais attirer votre attention sur au moins deux éléments de notre rapport.

Le quatrième rapport provisoire du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le Budget des dépenses de 2005-2006 est l'un des rapports les plus succincts sur le sujet qu'il n'ait jamais préparé. Toutefois, ne vous y trompez pas, honorables sénateurs, parce que même si le rapport est bref, il traite de deux aspects très importants de la fonction publique canadienne à l'ère moderne. Le premier aspect est lié au Bureau du contrôleur général du Canada, tandis que le second concerne un nouveau service qui sera établi au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor dans le but de gérer des éléments essentiels de la fonction publique.

Honorables sénateurs, M. Alcock nous a dit à plusieurs occasions que le gouvernement s'employait à mettre en oeuvre un certain nombre de nouvelles mesures enthousiasmantes qui allaient transformer le mode de gestion de l'État dans un avenir pas si lointain. Ainsi, on comptait adopter de nouvelles pratiques telles que l'examen des dépenses, des activités de surveillance améliorées ainsi que des méthodes bonifiées de gestion de la fonction publique par le gouvernement. Ces mesures devaient donner lieu à des économies et des gains d'efficacité formidables.

Permettez-moi de vous rappeler, honorables sénateurs, que le 12 décembre 2003, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures pour que la fonction publique fonctionne de manière plus responsable et plus transparente. Le 9 mars 2005, j'ai rappelé au ministre que le Comité sénatorial permanent des finances nationales étudie le moyen d'améliorer la reddition de comptes et la transparence de l'État, c'est-à-dire la façon dont il communique à la population canadienne de l'information sur les finances publiques.

À ce moment-là, je m'intéressais particulièrement au problème important du retard dans la production du budget, du Budget des dépenses et du Budget supplémentaire des dépenses. Je me demandais si la marche à suivre employée pour produire les budgets des dépenses ne devait pas être remaniée afin d'atteindre le degré voulu de transparence et de reddition de comptes.

En réponse à mes commentaires, le ministre a dit au comité qu'il existe un groupe au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor qui se penche sur les façons d'améliorer le processus de reddition de comptes au Parlement, et qu'il aimerait parler de son travail avec le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il a dit :

Il serait intéressant de vous faire participer à cette conversation parce que c'est toujours un dilemme, compte tenu de la tonne d'information disponible. Comment passer des discussions de haut niveau que vous voulez jusqu'à la question particulière?

À propos de la définition de la responsabilité des ministres et des sous-ministres, il a ajouté ce qui suit :

Cela ne ferait pas de mal d'avoir une sérieuse discussion sur la responsabilisation avec le comité. C'est facile d'importer des concepts d'ailleurs, mais nous voulons peut-être une solution fabriquée au Canada.

Un élément clé de cette réorganisation de la fonction publique a été la création du poste de contrôleur général du Canada, entièrement indépendant du secrétariat du Conseil du Trésor, qui veille à la sagesse des projets de dépenses.

Le gouvernement a aussi mandaté le contrôleur général pour exercer un contrôle fonctionnel sur la dotation des postes de contrôleurs dans tous les ministères et tous les organismes. À leur tour, ces contrôleurs ministériels sont tenus d'approuver tous les projets de dépenses ministérielles avant de les soumettre au Cabinet aux fins d'autorisation.

Cette approche est radicalement différente des anciennes relations en matière de dotation dans les ministères, dans la mesure où l'agent financier doit rendre des comptes non seulement à son sous- ministre, mais aussi à un agent financier supérieur d'un autre ministère.

Le 27 octobre 2004, j'ai eu l'occasion de demander au contrôleur général, M. St-Jean, s'il pouvait exercer un quelconque pouvoir sur les contrôleurs ministériels. Il m'a dit que oui et a ajouté :

Premièrement, toutes les actions de dotation, les nominations et le retrait de celles-ci devront être effectués avec mon accord. Cela me donne un certain effet de levier sur les différents contrôleurs ministériels. Les contrôleurs ministériels devront communiquer avec leur sous-ministre en titre, tel que le premier ministre l'avait mentionné lors de son annonce, j'aurai donc un contrôle fonctionnel sur eux.

Pour ce qui est de ma question sur les vérifications internes, le contrôleur général a déclaré ce qui suit :

Le vérificateur serait nommé avec l'accord du contrôleur général et le changement du vérificateur interne serait fait avec l'accord du contrôleur général. Cela donne encore un effet de levier important sur la performance de la vérification interne.

Honorables sénateurs, le Comité des finances nationales a eu une occasion additionnelle d'examiner le détail du fonctionnement de ce nouveau poste lors de la comparution, le 13 avril 2005, de M. Charles-Antoine St-Jean, contrôleur général du Canada, et de ses fonctionnaires. Les sénateurs ont posé de nombreuses questions au sujet de ces relations nouvellement établies, premièrement, entre les contrôleurs des ministères et les sous-ministres de ces mêmes ministères et, deuxièmement, entre les contrôleurs de ministères et le Bureau du contrôleur général du Canada.

En particulier, les sénateurs étaient intéressés à établir la hiérarchie des responsabilités entre les divers hauts fonctionnaires et le fonctionnement de celle-ci. Le rapport déposé au Sénat énumère les responsabilités du nouveau contrôleur général et précise comment ce dernier envisage le fonctionnement de son Bureau dans l'avenir.

(1920)

Lors de sa comparution devant le comité, M. St-Jean a donné des réponses très directes aux questions des sénateurs. Toutefois, permettez-moi d'indiquer clairement que le Comité sénatorial permanent des finances nationales s'intéresse toujours aux questions concernant la reddition de comptes du gouvernement et la transparence des dépenses gouvernementales. Permettez-moi d'assurer aux honorables sénateurs que le comité a l'intention de poursuivre les discussions et qu'il est fort probable qu'il réinvite le Bureau du contrôleur général à comparaître.

Comme les honorables sénateurs s'en rappelleront peut-être, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a un vif intérêt dans la façon dont le gouvernement traite ses effectifs. C'est vraisemblablement pour cette raison que, au printemps, le Sénat a déjà demandé au comité d'examiner le projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques, la loi sur l'École de la fonction publique du Canada et la Loi sur les langues officielles. Cet examen a donné au comité une autre occasion de se pencher sur les plans de dépenses du gouvernement.

Le 12 avril 2005, M. Jean-Claude Dumesnil, directeur général de la planification stratégique de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, et d'autres cadres supérieurs, ont comparu devant le comité afin d'expliquer divers aspects du projet de loi C-8. Pendant l'audience, le comité a pu obtenir des renseignements sur les activités prévues de cette nouvelle agence gouvernementale.

Comme les honorables sénateurs le savent, l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada a été mise sur pied le 12 décembre 2003 pour assurer l'exécution du programme du gouvernement relatif à la modernisation de la gestion des ressources humaines dans l'ensemble de la fonction publique. Son mandat est d'assurer le leadership requis pour garantir et soutenir une gestion des ressources humaines moderne et axée sur les résultats dans l'ensemble de la fonction publique, tout en gérant les deniers publics de façon responsable et avec prudence, transparence et intégrité.

Cette agence réunit des unités du Secrétariat du Conseil du Trésor et de la Commission de la fonction publique pour jouer un rôle de premier plan dans les enjeux de gestion — et c'est de cela dont cette nouvelle agence est chargée —, comme l'apprentissage et le développement du leadership, les langues officielles, l'équité en matière d'emploi, la planification des ressources humaines, la classification, les valeurs et l'éthique ainsi que les systèmes de gestion des ressources humaines.

Les honorables sénateurs conviendront que ce sont là d'importants éléments de tout système d'administration publique. Tous ces sujets ont, un jour ou l'autre, fait l'objet de discussions pendant les travaux du Comité des finances nationales. Pour cette raison, le comité a déjà décidé d'inviter les cadres supérieurs de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada à comparaître à une date ultérieure afin de discuter plus en profondeur de bon nombre d'aspects de ses dépenses prévues pour l'exercice 2005-2006.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 2 POUR 2005-2006

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Joseph A. Day propose : Que le projet de loi C-58, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2006, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis est le projet de loi de crédits no 2 pour le présent exercice. Il libère le reste des crédits pour l'exercice 2005-2006, tel que prévu dans le Budget principal des dépenses.

Les sénateurs se souviendront d'avoir reçu le Budget principal des dépenses et ils se souviendront également que le Sénat a renvoyé le budget au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Ce comité continuera tout au cours de l'année à étudier le Budget principal des dépenses et il en fera rapport périodiquement. Le rapport qui vient d'être adopté est le quatrième rapport basé sur l'étude que nous avons faite du Budget principal des dépenses.

Honorables sénateurs, il serait peut-être bon de redéfinir certains termes. Dans les Comptes publics du Canada, il existe des comptes budgétaires et des comptes non budgétaires. Les dépenses budgétaires, telles que définies dans le Budget principal des dépenses, « comprennent le coût pour assurer le service de la dette publique; les dépenses de fonctionnement et de capital; les paiements de transfert à d'autres ordres de gouvernement, à des organismes ou des particuliers et les paiements aux sociétés d'État ».

Les dépenses non budgétaires correspondent à des montants beaucoup moins élevés, mais ce sont des sommes qui ont également des répercussions sur l'exposé financier du gouvernement. Les dépenses non budgétaires comprennent des prêts et des transferts de paiement que le gouvernement prévoit recevoir dans l'avenir. Ces dépenses ont donc des répercussions sur les exposés financiers du gouvernement, mais ils ne s'inscrivent pas dans les dépenses budgétaires. Dans le budget dont nous sommes saisis, les principales dépenses non budgétaires ont trait à la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants et elles correspondent à des transferts aux étudiants que le gouvernement prévoit récupérer en temps et lieu.

Il existe également des postes législatifs et des postes votés. Les dépenses législatives sont celles qui ont été prévues dans une loi. Ces dépenses sont consignées dans le Budget principal des dépenses, mais à titre d'information seulement, et il n'y a pas de vote à ce sujet aujourd'hui. Les dépenses votées sont celles qui se trouvent dans ce projet de loi, c'est-à-dire le projet de loi de crédits.

Le gouvernement présente un budget au Parlement pour appuyer sa demande d'autorisation de dépenser des fonds publics. Le Budget principal des dépenses renferme des renseignements sur les dépenses budgétaires et non budgétaires dont je viens de parler.

J'aimerais maintenant remercier tous les honorables sénateurs qui ont siégé au Comité des finances nationales de leur présence assidue et de tous les efforts qu'ils ont déployés afin de comprendre et de suivre les travaux du comité. Ils forment un groupe de personnes qui s'intéressent aux travaux du comité et y prennent une part active, ce qui fait que nos réunions sont généralement animées et instructives.

Le ministre Alcock a comparu devant nous à plusieurs occasions; notre président a d'ailleurs fait allusion à lui. Le ministre s'est dit ouvert à l'idée d'essayer de rendre ces documents plus compréhensibles. Nous avons beaucoup de mal à établir les liens entre les divers objets des dépenses dans les différents ministères. L'une des mesures prises dans la partie I du Budget principal des dépenses consiste à organiser les dépenses projetées du gouvernement de manière à ce qu'elles soient plus faciles à comprendre.

Les dépenses de programmes par secteurs en sont un exemple. On a défini 11 secteurs, plus un secteur fourre-tout pour tout ce qui n'entre dans aucun des 11 autres. Aux nombre de ces secteurs figurent celui des principaux transferts au titre des programmes sociaux, celui de la sécurité et de la sûreté du public, et celui des programmes internationaux et de défense.

Afin d'illustrer, à l'intention des honorables sénateurs, les progrès que notre comité réalise en travaillant en collaboration avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, prenons le cas d'un de ces secteurs, le premier que j'ai mentionné, soit celui des programmes sociaux. Les dépenses sont énumérées et suivies d'explications. Dans ce Budget principal des dépenses, on estime les dépenses au titre des programmes sociaux pour 2005-2006 à 83,2 milliards de dollars, ou 44,8 p. 100 des dépenses de programme du gouvernement, ce qui en fait le plus gros élément des dépenses totales de programme, et de loin.

(1930)

Sur les 83,2 milliards de dollars, 17,8 milliards représentant 21,4 p. 100 iront aux dépenses de programmes directes et 65 milliards, ou 78,6 p. 100, aux paiements de transfert aux provinces et à d'autres ordres de gouvernement, pour les programmes sociaux. Les détails de ce genre nous aident à comprendre d'une façon plus précise et plus claire les activités du gouvernement.

Je voudrais par ailleurs attirer l'attention des honorables sénateurs sur un autre secteur du Budget principal des dépenses. Pour cette année particulière, il y a une liste de paiements de transfert, par opposition aux dépenses de fonctionnement et d'immobilisation du gouvernement. Différents paiements de transfert seront destinés aux domaines de la santé, des programmes sociaux, des transferts aux différents ordres de gouvernement, à la péréquation, par exemple, aux allocations aux jeunes, et cetera. De plus, il y a des transferts directs comme l'assurance-emploi et les prestations aux aînés. Sur un total de 185 milliards de dollars, le montant des dépenses par voie de transferts s'élève à 101 milliards de dollars. Sur le reste de ce montant, il y a 36 milliards de dollars pour le service de la dette publique. Cela nous donne une idée de ce qui reste au gouvernement pour mettre en oeuvre ses politiques et faire fonctionner l'administration : 43 milliards sur 185 milliards.

Les honorables sénateurs se souviendront d'avoir vu dans le rapport que nous voulons juste d'adopter que nous avons discuté en détail du Budget principal des dépenses avec les responsables du Secrétariat du Conseil du Trésor qui ont comparu devant nous le 9 mars. Le Budget principal des dépenses, qui comprend des dispositions budgétaires et non budgétaires, s'élève à 187,6 milliards de dollars, dont 185,9 milliards en dépenses budgétaires et 1,7 milliard en dépenses non budgétaires. Les deux formes de dépenses peuvent être autorisées par l'un de deux moyens : par voie d'affectations faisant l'objet d'un vote ou par voie législative. Pour l'exercice 2005-2006, les dépenses votées se chiffrent à 66,1 milliards de dollars, représentant 35 p. 100 du Budget principal des dépenses. Les articles législatifs représentent les 65 p. 100 restants. Les crédits votés constituent donc le plus petit des deux montants. Sur les 66 milliards de dollars votés ou autorisés par projets de loi de crédits dans le budget principal des dépenses de 2005-2006, 20,5 milliards ont été autorisés en mars. Les honorables sénateurs se souviendront que, juste avant la fin de l'exercice, nous avons présenté des demandes de préfinancement. Nous avons ici le projet de loi de crédits no 1. Comme je l'ai dit, 20 milliards de dollars ont déjà été autorisés. Par conséquent, il y a 45,6 milliards de dollars pour le reste de l'exercice, sous réserve de tout budget supplémentaire qui pourrait être présenté par suite du dépôt du budget de cette année. Tout ce montant est adéquatement expliqué dans le projet de loi. En ce moment, nous demandons aux honorables sénateurs d'approuver 45,6 milliards de dollars. Je vous demande respectueusement d'appuyer ce projet de loi de crédits.

L'honorable Pierrette Ringuette : Je voudrais poser une question à l'honorable sénateur. Peut-il nous donner les chiffres de l'APECA, ou Agence de promotion économique du Canada atlantique?

Une voix : Répartis par province.

Le sénateur Day : Si madame le sénateur peut me donner la page correspondante de ce document de quelque 400 pages, je me ferai un plaisir de lui confirmer ce chiffre.

Le sénateur Ringuette : Je pensais pouvoir poser une question à mon honorable collègue.

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, j'ai réussi à trouver la page. Le chiffre de 78 millions de dollars pour les dépenses de fonctionnement de l'APECA en 2005-2006 figure à la page 6-2. Subventions et contributions, 350 millions de dollars. Ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, traitement et allocation pour automobile, 70 000 $. Contributions aux avantages sociaux des employés, 8,9 millions de dollars. Total du ministère, 437,9 millions de dollars. Il y a ensuite une ventilation indiquant un montant de 8,6 millions de dollars pour la Société d'expansion du Cap-Breton.

Le sénateur Ringuette : Je suppose que les chiffres du sénateur comprennent la mise en oeuvre nationale des programmes. Je voudrais mentionner des programmes comme le Programme de développement des collectivités, les accords conjoints fédéraux- provinciaux, le Programme d'adaptation et de restructuration des pêches canadiennes, le programme d'infrastructures et d'autres paiements de transfert législatifs. Ces programmes sont-ils compris dans les chiffres qu'il vient de mentionner?

Le sénateur Day : L'Agence de promotion économique du Canada atlantique assure la prestation de certains programmes nationaux, et les provinces en administrent d'autres. Ces derniers ne seraient pas fournis par l'APECA, mais ils seraient offerts dans le cadre d'un autre mécanisme.

Pour donner une réponse exacte à cette question, il faudrait analyser les lois et les programmes nationaux en cause. Cette information n'est pas fournie en autant de détail en ce qui concerne l'Agence de promotion économique du Canada atlantique.

Le sénateur Ringuette : Je remercie mon honorable collègue de la réponse qu'il m'a fournie et qu'il a fournie à tous les sénateurs. Il a reconnu que les chiffres donnés comprennent les ententes fédérales- provinciales, le programme national d'infrastructure et plusieurs programmes qu'il incombe à l'APECA de fournir aux provinces de l'Atlantique dans le cadre de son mandat.

J'aimerais aussi préciser que ni ces programmes ni le mandat de l'APECA ne contiennent de dispositions en matière de transport. Est-ce exact, honorable sénateur?

Le sénateur Day : Je comprends la même chose que mon honorable collègue. Je signalerai aux honorables sénateurs que l'honorable sénateur Ringuette fait partie de notre comité. Le comité demeure saisi du document en question et peut décider d'étudier d'autres points précis.

(Sur la motion du sénateur Oliver, le débat est ajourné.)

(1940)

PROJET DE LOI D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 2005

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Art Eggleton propose : Que le projet de loi C-43, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 février 2005, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est la première fois que j'ai l'occasion de prendre la parole dans cette enceinte.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Eggleton : J'ai écouté la première intervention d'un certain nombre de ceux qui se sont arrivés au Sénat la même date que moi, et j'ai noté qu'ils ont parlé avec beaucoup d'éloquence de la province ou de la communauté dont ils sont originaires. J'ai décidé que, ce soir, je vous épargnerai un discours sur les merveilles de Toronto. À la place, je vais me contenter de vanter les vertus du budget.

Il ne fait aucun doute que les sénateurs se rappellent que le ministre des Finances, dans son discours de présentation du budget de 2005, a expliqué comment son gouvernement avait respecté les engagements qu'il avait pris envers les Canadiens. En effet, pour respecter nos engagements, nous devons d'abord exercer sans relâche une saine gestion financière et chercher à présenter des budgets équilibrés ou excédentaires, année après année. Il ne s'agit pas seulement d'une saine gestion économique, mais aussi du gros bon sens.

C'est cette saine gestion qui a permis au gouvernement d'élaborer un budget tel que celui-ci, un budget fidèle à ses engagements. Comme le ministre l'a dit dans son discours, la bonne gestion « engendre la rigueur nécessaire pour vivre selon nos moyens, au lieu de dépenser comme bon nous semble ». Cela souligne également l'importance des décisions que nous prenons aujourd'hui, car elles ne doivent pas être les dettes de demain.

Dans cet esprit, pour l'exercice 2004-2005, le Canada enregistrera son huitième budget équilibré consécutif. C'est la plus longue chaîne continue d'excédents budgétaires depuis la Confédération, et nous avons toutes les raisons de penser que nous continuerons sur cette lancée. Voilà le résultat de notre gestion financière responsable.

Le sénateur Stratton : C'est ce qu'on appelle la surimposition des Canadiens.

Le sénateur Eggleton : Nous prévoyons maintenir un fort excédent. À cette fin, nous allons notamment mettre de côté une réserve pour les éventualités de 3 milliards de dollars, tout en continuant à intégrer à notre planification budgétaire d'autres mesures de prudence. Si la marge de prudence s'avère superflue pour assurer l'équilibre, elle sera investie dans des programmes et des services prioritaires pour les Canadiens. De plus, si la réserve pour éventualités n'est pas utilisée pour des imprévus, comme ce fut le cas par le passé, elle servira pour réduire la dette.

Sur cette question de la réduction de la dette, il ne s'agit pas simplement d'un slogan qui sonne bien aux nouvelles du soir. C'est tout simplement la chose à faire.

[Français]

Si nous tenons à réduire la dette, c'est parce que c'est avantageux pour tous les Canadiens. Cela va nous permettre d'alléger le fardeau des générations à venir, sans parler des milliards de dollars de moins que nous aurons à payer pour le service de la dette. Depuis 1997 et 1998, nous avons réduit la dette fédérale de plus de 60 milliards de dollars et avons permis aux Canadiens d'économiser plus de 3 milliards de dollars par année en frais d'intérêt.

[Traduction]

Il s'agit d'argent que nous pouvons utiliser pour consolider l'avenir du Canada. Évidemment, la bonne gestion financière n'est pas facile et c'est un perpétuel recommencement. Pour garantir la réalisation de son objectif d'une bonne gestion financière, le gouvernement du Canada a créé un comité du Cabinet chargé de l'examen des dépenses. Ce comité doit veiller à ce que chaque dollar soit bien dépensé.

Le processus d'examen des dépenses a déjà permis de dégager des économies de pratiquement 11 milliards de dollars. Honorables sénateurs, ces économies sont intégrées au budget de 2005 et au projet de loi C-43. Prenons quelques instants pour nous pencher sur certaines des mesures importantes du budget contenues dans ce projet de loi.

Tout d'abord, je voudrais parler de l'allégement de l'impôt sur le revenu des particuliers que prévoit le projet de loi. Le projet de loi C-43 poursuit notre longue tradition de consentir des allégements fiscaux aux Canadiens. Dès que nous avons éliminé le déficit, le gouvernement du Canada a commencé à accorder des allégements de l'impôt des particuliers de portée générale. Par exemple, en 1998 et 1999, nous avons éliminé la surtaxe de 3 p. 100, augmenté le montant personnel de base et augmenté la prestation fiscale nationale pour enfants. En 2000, nous avons mis en place un plan de réduction d'impôts sur 5 ans d'une valeur de 100 milliards de dollars, qui a fait baisser l'impôt fédéral des particuliers de 21 p. 100 en moyenne et de 27 p. 100 pour les familles avec enfants. En 2003, nous avons annoncé une autre augmentation du Supplément de la prestation nationale pour enfants pour les familles à faible revenu ayant des enfants.

Notre projet de loi propose d'accroître le montant personnel de base afin que tous les Canadiens qui gagnent jusqu'à 10 000 $ ne paient pas d'impôt fédéral sur le revenu. Pas un cent. Honorables sénateurs, ce projet de loi profitera à tous les contribuables, mais l'allègement fiscal vise en particulier ceux qui gagnent moins de 60 000 $ par année. De plus, il permettra de rayer 860 000 Canadiens à faible revenu, y compris près de 250 000 aînés, du rôle d'imposition.

Le gouvernement est également résolu à offrir un allègement fiscal aux entreprises canadiennes. Nous avons dit clairement que nous allions mettre en œuvre toutes les mesures de réduction de l'impôt des sociétés qui se trouvent dans le projet de loi C-43. C'est très important. Le gouvernement proposera un projet de loi distinct à cette fin dans les meilleurs délais.

Par ailleurs, le budget de 2005 améliore le traitement fiscal des épargnes en haussant les plafonds des cotisations à des régimes de pension et à des REER. La cotisation annuelle maximale à un REER montera à 22 000 $ d'ici 2010, et les plafonds des cotisations à des régimes de pension enregistrés offerts par l'employeur subiront des augmentations correspondantes. Les plafonds des cotisations à des régimes de pension et à des REER seront indexés par la suite en fonction de la croissance du salaire moyen.

L'augmentation de ces plafonds permettra de mieux répondre aux besoins d'épargne-retraite des Canadiens, notamment des entrepreneurs, des travailleurs autonomes et des propriétaires de petites entreprises. Des plafonds plus hauts aideront aussi les employeurs à offrir des conditions de rémunération concurrentielles afin d'attirer et de retenir les travailleurs qualifiés, et encourageront les économies pour favoriser l'investissement, la productivité et la croissance économique.

De plus, afin d'accroître les occasions d'investissement pour la retraite et de diversification pour les Canadiens, le projet de loi propose d'enlever le seuil maximal de 30 p. 100 relatif aux investissements en biens étrangers dans les REER et les régimes de pension.

Honorables sénateurs, un régime fiscal équitable aide à faire disparaître les obstacles à la participation à l'économie et à la société. Le gouvernement continue de chercher des moyens d'améliorer l'équité de notre régime fiscal pour les personnes handicapées, qui doivent assumer des coûts spéciaux, ce qui réduit leur capacité de payer des impôts. Le budget de 2005 rend le régime fiscal équitable en donnant suite aux recommandations du Comité consultatif technique sur les mesures fiscales pour les personnes handicapées. En particulier, suivant l'une des recommandations du comité, le projet de loi propose de faire passer le montant annuel maximal de la Prestation pour enfants handicapés de 1 681 $ à 2 000 $ par enfant à partir de juillet.

(1950)

Le projet de loi C-43 propose également de hausser le plafond du supplément remboursable pour frais médicaux à 750 $ par année. Ce n'est pas tout ce que nous faisons pour les personnes handicapées. Le budget de 2005 renferme d'autres mesures qui tiennent compte des recommandations du Comité consultatif technique qui seront insérées dans un projet de loi devant être présenté à une date ultérieure.

Honorables sénateurs, le Canada a fait beaucoup de chemin pour bâtir une société prospère et englobante, où tous les Canadiens ont des possibilités d'acquérir les compétences et les connaissances qui leur permettent de contribuer à la société et à l'économie. Cependant, nous ne saurions oublier nos générations à venir. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour leur offrir des bases solides, pour qu'elles puissent avoir le meilleur départ possible dans la vie. Ces possibilités revêtent une importance cruciale pour le développement physique, psychologique, social, linguistique et intellectuel des enfants, les plaçant sur la voie des réalisations tout au long de leur vie. C'est pourquoi le budget de 2005 respecte l'engagement du gouvernement du Canada à injecter 5 milliards de dollars sur cinq ans pour soutenir les programmes d'éducation préscolaire et de garde d'enfants.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Eggleton : De cet engagement de 5 milliards de dollars, le gouvernement du Canada consacrera 100 millions de dollars aux Autochtones qui habitent dans les réserves, en continuant de travailler en partenariat avec eux pour trouver des solutions pratiques qui tiennent compte des besoins en matière de programmes d'éducation préscolaire et de garde d'enfants dans les réserves.

Nous collaborons avec les provinces, les territoires et les intervenants pour élaborer une vision à long terme, en établissant des objectifs mesurables, fondés sur des principes communs. Les discussions avec les ministres et les intervenants provinciaux et territoriaux sont en cours, et des progrès considérables ont été réalisés dans l'élaboration de nouvelles initiatives d'éducation préscolaire et de garde d'enfants qui sont prévues au cours de cette année. Déjà, honorables sénateurs, des ententes de principe ont été conclues avec le Manitoba, l'Ontario, la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador.

Dans l'intervalle, le projet de loi C-43 propose de créer une fiducie de 700 millions de dollars administrée par des tiers. Toutes les provinces et tous les territoires auront la souplesse voulue pour retirer des fonds jusqu'au 31 mars 2006 et, lorsque ce projet de loi aura reçu la sanction royale, les provinces et les territoires pourront commencer à apporter des améliorations et des élargissements sans tarder dans les programmes et les services liés à l'éducation préscolaire et à la garde d'enfants.

Cette initiative commune pour les enfants du Canada représente un des meilleurs investissements que les pouvoirs publics puissent faire dans le tissu social et économique du pays.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Eggleton : Honorables sénateurs, le soutien que le Canada accorde à ses aînés constitue l'un des plus grands succès de la politique gouvernementale de l'après-guerre. Par ailleurs, c'est un secteur qui est maintenant confronté à de nouveaux défis liés au fait que les aînés vivent plus longtemps et sont en meilleure santé.

[Français]

Le budget de 2005 respecte l'engagement du gouvernement à tenir compte des besoins changeants des aînés. Il prévoit d'importants investissements dans une vaste gamme de politiques qui touchent directement les aînés, soit les soins de santé, les programmes de sécurité du revenu, l'épargne retraite, les allégements fiscaux proposés aux handicapés et à ceux qui s'occupent d'eux, ainsi que les activités de bénévolat conçues par et pour les aînés.

[Traduction]

Un objectif clé du gouvernement consiste à aider les aînés à faible revenu. C'est pour cela que nous avons le supplément de revenu garanti. Ce programme veille à ce que ces aînés touchent un revenu pleinement indexé leur assurant un niveau élémentaire de revenu durant toute leur vie de retraité. Le projet de loi C-43 accroîtra de 2,7 milliards de dollars sur cinq ans les paiements du SRG, des améliorations entrant en vigueur dès le mois de janvier prochain.

Le niveau maximal du SRG augmentera de plus de 400 $ par année pour un aîné célibataire, et de 700 $ par année pour un couple. Cette augmentation dépasse de manière appréciable l'engagement de 1,5 million de dollars pour cette période, et bénéficiera à 1,6 million d'aînés, dont bon nombre sont des femmes.

Honorables sénateurs, les mesures énoncées dans ce projet de loi auront pour effet d'accroître le revenu disponible des Canadiens. Nous sommes parvenus à ce résultat en diminuant les impôts, en allégeant les impôts des personnes handicapées, en aidant les aînés et en réduisant, pour la onzième année de suite, les cotisations d'assurance-emploi au mois de décembre dernier.

Pour ce qui est des primes d'assurance-emploi, le projet de loi C- 43 respecte l'engagement pris par le gouvernement relativement à la mise en place d'un nouveau mécanisme permanent d'établissement des taux qui respecte les cinq principes définis en 2003 et confirmés de nouveau en 2004. Ces principes sont les suivants : les taux de cotisation devraient être établis de façon transparente; ils devraient être établis sur les conseils d'experts indépendants; le produit des cotisations devrait correspondre aux coûts du programme; les taux de cotisation devraient atténuer les effets des cycles économiques; ils devraient rester relativement stables.

Au bout du compte, les propositions contenues dans ce projet de loi aideront les travailleurs canadiens à connaître le succès dans une économie mondiale de plus en plus concurrentielle, sachant que, s'ils trébuchent, le programme d'assurance-emploi sera là pour les aider à se relever.

Le gouvernement reconnaît qu'un environnement sain et des collectivités saines sont des facteurs clés d'une économie saine. Les initiatives environnementales du gouvernement sont conçues pour avoir une incidence maximale là où cela importe le plus, c'est-à-dire là où les Canadiennes et les Canadiens vivent, travaillent et se divertissent. C'est ainsi que, prenant appui sur le soutien financier en place pour les programmes d'infrastructure, le gouvernement a respecté son engagement de céder une partie des revenus tirés de la taxe fédérale sur l'essence aux municipalités pour aider à satisfaire leurs besoins en infrastructure viable.

Le projet de loi C-43 propose un nouveau soutien d'une valeur de 300 millions de dollars aux Fonds municipaux verts afin de permettre l'avancement d'un plus grand nombre de projets environnementaux à l'échelle locale. La moitié des nouvelles sommes acheminées par l'entremise des Fonds municipaux verts seront consacrées à l'assainissement des friches industrielles, qui, on s'en souviendra, sont des sites abandonnés qui contaminent l'environnement. Je sais que cela serait utile à Toronto.

Le budget de 2005 établit le cadre qui permettra de faire des investissements dans le secteur environnemental. Par exemple, il prévoit des mesures totalisant 5 milliards de dollars sur cinq ans à l'appui d'un environnement durable. Une des mesures contenues dans le projet de loi C-43 prévoit la mise sur pied à Environnement Canada d'une nouvelle agence chargée d'administrer le Fonds pour le climat d'un milliard de dollars, qui favorisera la réduction et l'élimination des gaz à effet de serre.

Ce projet de loi propose aussi d'établir un fonds d'investissement technologique pour offrir aux entreprises réglementées en vertu du régime proposé pour les grands émetteurs finaux un mécanisme d'observation qui encourage les investissements dans la recherche- développement sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre de façon à favoriser les changements à long terme.

Honorables sénateurs, ce projet de loi vient en aide aux villes et aux collectivités du Canada. Comme l'a dit le ministre des Finances, ce sont des générateurs de croissance, de création d'emplois et d'innovations ainsi que des foyers pour les arts, la culture et l'apprentissage. C'est là que nous vivons et que nous élevons nos enfants.

Ce sont les raisons exactes pour lesquelles le budget de 2005 a donné suite à l'engagement du gouvernement du Canada qui représente 5 milliards de dollars sur les cinq prochaines années. Cet engagement s'ajoute au remboursement de la TPS, dont les municipalités profitent déjà, et à nos programmes d'infrastructure actuels.

Le projet de loi C-43 propose le premier volet du nouveau pacte et une dépense initiale de 600 millions de dollars, soit 200 millions de dollars de plus que le montant promis pour la première année du programme. En outre, nous sommes actuellement en train de négocier avec nos partenaires provinciaux et territoriaux. Des accords ont déjà été signés avec la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario et le Yukon.

Le projet de loi donne une expression législative à beaucoup d'initiatives du budget, mais il y a d'autres éléments importants dans le budget, par exemple ceux qui concernent les soins de santé, la défense et les peuples autochtones.

(2000)

Dans le domaine de la santé, on profitera d'un accord que le premier ministre a signé avec les dirigeants des provinces et des territoires et qui accordera des ressources financières fédérales nouvelles de 41,3 milliards de dollars sur dix ans.

Le ministère de la Défense nationale, auquel j'attache un intérêt particulier, recevra 13 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour accroître les effectifs réguliers et les réserves, s'attaquer aux questions de durabilité, acheter du nouveau matériel, comme des hélicoptères, des avions polyvalents et des camions militaires, et financer le soutien des nouvelles capacités.

Le budget a annoncé la création de la Table ronde Canada- Autochtones, ainsi que des investissements dans le logement des Premières nations dans les réserves, l'éducation préscolaire et les garderies, l'éducation spéciale, et les langues et la culture autochtones.

En conclusion, honorables sénateurs, le gouvernement s'est acquitté de ses engagements en s'occupant des questions prioritaires pour les Canadiens. Je ne peux, faute de temps, parler de toutes les mesures prévues dans le projet de loi C-43 ou dans le budget. Revenons simplement sur celles que j'ai mentionnées aujourd'hui : les baisses d'impôt sur le revenu des particuliers, l'allégement fiscal pour les personnes ayant un handicap, les services d'éducation préscolaire et de garde d'enfants, les mesures de soutien du revenu à l'intention des aînés, le nouveau mécanisme transparent pour la détermination des taux de cotisation à l'assurance-emploi, et bien d'autres mesures que prévoit le projet de loi, dans le cadre d'une structure budgétaire disciplinée, tout en respectant l'engagement qui consiste à continuer de présenter des budgets équilibrés.

Le premier ministre l'a fort bien expliqué dans un discours récent, lorsqu'il a dit croire à un Canada qui reste fort économiquement, qui maintient son taux de chômage bas et qui protège sa prospérité en refusant de plonger de nouveau dans les déficits. C'est grâce à une approche comme celle-là que le Canada restera fort dans l'avenir. C'est dans l'optique d'un Canada comme celui-là que nous déployons nos efforts.

C'est pour ces raisons, honorables sénateurs, que je vous encourage tous à appuyer ce projet de loi.

Des voix : Bravo!

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je félicite le sénateur de son premier discours à cet endroit. Il a fait un excellent travail.

Honorables sénateurs, nous sommes saisis d'un projet de loi omnibus qui compte quelque 23 parties distinctes. Le projet de loi C-43 aurait dû nous être présenté sous la forme d'au moins trois ou quatre projets de loi séparés, un traitant des mesures budgétaires proprement dites, un autre visant la mise en oeuvre des accords sur les ressources extracôtières dont mon éminent collègue n'a pas parlé, et un autre établissant le cadre juridique du plan gouvernemental de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto.

Avant toute chose, permettez-moi de dire quelques mots sur l'objectif du budget, le Budget principal des dépenses, le Budget supplémentaire des dépenses et le rôle de ces documents dans notre système parlementaire.

Habituellement présenté en février ou en mars, le budget fédéral explique le plan budgétaire du gouvernement pour l'année à venir, les nouvelles initiatives en matière de dépenses et toute modification proposée sur le plan de l'imposition.

Le Budget principal des dépenses fournit au Parlement une liste détaillée des ressources dont les différents ministères et organismes auront besoin durant l'année financière à venir pour réaliser les programmes dont ils sont responsables. Il précise les pouvoirs de dépenser, les demandes de crédits et les montants à inclure dans les projets de loi de crédits que le Parlement sera invité à approuver pour permettre au gouvernement de réaliser ses plans de dépenses. Le Budget des dépenses, de même que les prévisions budgétaires et la mise à jour économique et financière du ministre des Finances, reflète les priorités établies par le gouvernement dans sa planification budgétaire et l'affectation de ses ressources.

Chaque année, le gouvernement dresse un Budget des dépenses à l'appui de la demande qu'il fait au Parlement de l'autoriser à dépenser des fonds publics. Cette demande est officialisée par la présentation de projets de loi de crédits au Parlement. Le président du Conseil du Trésor dépose un Budget supplémentaire des dépenses, à la fin de l'automne et au printemps, pour être autorisé par le Parlement à ajuster le plan de dépenses du gouvernement en fonction du Budget des dépenses de l'année financière. Les fonds nécessaires sont prévus dans le budget fédéral et font donc partie intégrante du cadre financier existant.

Le Budget supplémentaire des dépenses a deux buts. Premièrement, obtenir l'autorisation des niveaux de dépenses révisés que le Parlement sera invité à approuver par l'entremise d'une loi de crédits. Deuxièmement, informer le Parlement des modifications apportées aux prévisions de dépenses en vertu de lois déjà adoptées par le Parlement.

Honorables sénateurs, le processus budgétaire commence des mois auparavant et se déroule à l'intérieur d'un cadre financier pluriannuel. Le processus de planification exige que le gouvernement connaisse les recettes dont il disposera pour payer ces dépenses, ces dépenses étant connues dans une certaine mesure, et que les décisions d'investir des fonds additionnels soient prises en fonction de priorités. Depuis quelques années, ce processus de planification comporte la mise à jour financière d'automne à l'autre endroit, des députés effectuant ce qu'ils appellent des consultations prébudgétaires en fonction de ces prévisions.

Une fois que le gouvernement a décidé des dépenses et des recettes, le ministre des Finances établit un budget, dans lequel il indique comment les nouvelles initiatives vont s'insérer dans le cadre financier existant, non seulement au cours de l'année à venir, mais également des quatre ou cinq prochaines années. On nous indique que s'il y a des diminutions de dépenses ou des augmentations d'impôt, elles vont payer les nouvelles priorités. On nous dit également combien le gouvernement prévoit mettre de côté comme réserve ou pour le remboursement de la dette.

Les engagements pris dans un budget peuvent lier des gouvernements futurs, particulièrement lorsque ces engagements prennent la forme de nouvelles dépenses législatives ou d'ententes à long terme. Honorables sénateurs, lorsqu'on ne peut prévoir des dépenses, le Budget supplémentaire des dépenses doit, dans toute la mesure du possible, être lié au cadre financier présenté dans le budget. En effet, il aurait été préférable qu'un plus grand nombre des dépenses budgétaires soient incluses dans le Budget principal des dépenses, plutôt que de nous être présentées dans un budget supplémentaire. Un bon budget principal peut réduire le besoin de présenter un budget supplémentaire. Par exemple, nous ne voterons pas sur le montant supplémentaire de 730 millions de dollars inclus dans le budget pour Sport Canada avant d'obtenir le projet de loi de crédits, en décembre, soit une dizaine de mois après l'annonce faite dans le budget, et presque aux trois quarts de l'exercice. Il en est de même du nouveau montant prévu pour la Défense nationale.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-43 renferme 23 parties distinctes. La première traite des modifications proposées à la Loi de l'impôt sur le revenu et aux règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu. Même si les contribuables canadiens bénéficieront de certains des changements proposés, ces derniers sont plutôt timides et ne vont certainement pas assez loin.

Honorables sénateurs, il est malheureux que le gouvernement, qui a pu trouver 26 milliards de dollars pour diverses dépenses annoncées au cours des derniers mois, ne puisse trouver l'argent nécessaire pour accorder aux Canadiens plus qu'une diminution d'impôt de 16 $ l'an prochain.

Honorables sénateurs, dans sa forme originale, lorsqu'il a été présenté à l'autre endroit, le projet de loi C-3 visait aussi à stimuler le secteur privé en éliminant, à compter du 1er janvier 2008, la surtaxe imposée aux sociétés, qui correspond présentement à 4 p. 100 des impôts à payer. Cette proposition avait été favorablement accueillie par le milieu des affaires et les spécialistes partout au pays. Cette mesure aurait aussi réduit le taux général d'imposition du revenu des sociétés, qui serait passé de 21 p. 100 à 19 p. 100 en 2010.

Suite à l'entente conclue avec le Nouveau Parti démocratique, ces propositions s'appliquant aux grandes sociétés ont été supprimées à l'étape du rapport, avec la promesse qu'elles seraient présentées de nouveau dans un projet de loi distinct. Il convient de souligner que même lorsque ces réductions seront finalement mises en oeuvre, le taux d'imposition des sociétés au Canada continuera d'être beaucoup plus élevé que celui d'autres nations. Une étude récente faite par l'Institut C.D. Howe révèle que notre taux marginal d'impôt réel des sociétés est le troisième plus élevé parmi les 20 pays englobés dans l'étude, une fois que l'on a tenu compte de facteurs tels que les règles d'amortissement. Notre classement ne changera guère après l'adoption de cette mesure législative.

La deuxième partie du projet de loi C-43 prévoit la réduction du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, qui passerait de 6 $ à 5 $ pour les vols intérieurs. Les honorables sénateurs se souviennent probablement que le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien avait été annoncé, en décembre 2001, afin de payer les mesures de sécurité dans les aéroports, dans le cadre des efforts déployés par Ottawa à la suite des événements tragiques dont on se souviendra toujours comme de ceux du 11 septembre. Le gouvernement avait dit que cet argent ne servirait qu'aux fins de la sécurité dans les aéroports, de la même façon qu'il a promis durant des années aux Canadiens que les contributions à l'assurance-emploi ne serviraient qu'aux fins de l'assurance-emploi.

(2010)

Au départ, le droit était de 12 $ pour les vols intérieurs, et il était plus élevé pour les vols internationaux. Quand le budget de 2003 a été déposé, il s'est révélé que l'on percevait beaucoup trop d'argent au moyen de ce droit, dont le montant pour les vols intérieurs est alors passé de 12 $ à 7 $. En 2004, on percevait encore trop d'argent, et le montant a été réduit d'un dollar. Une année plus tard, les recettes tirées de cette taxe continuent de dépasser les dépenses prévues.

Que valent de telles prévisions de dépenses? Pourquoi Paul Martin, qui était ministre des Finances en 2001, a-t-il fixé des droits deux fois plus élevés que nécessaire pour payer les mesures de sécurité dans les aéroports? S'est-il fié à des prévisionnistes du ministère des Finances?

La partie 3 du projet de loi accorde la remise de 83 p. 100 de la TPS aux hôpitaux et autres entités à but non lucratif financées par le gouvernement qui offriront des services médicaux traditionnellement prodigués dans les hôpitaux. Nous appuyons cette proposition.

La partie 4 élimine l'actuelle taxe de 10 p. 100 sur les bijoux d'ici le 1er mars 2009. Toutefois, les honorables sénateurs voudront peut- être noter que le Sénat est également saisi du projet de loi C-259, projet de loi d'intérêt privé d'un député conservateur, qui prévoit abolir cette taxe non pas dans quatre ans, mais immédiatement.

La partie 5 permet qu'un montant de 700 millions de dollars soit versé dans un fonds de fiducie qui mettrait de l'argent à la disposition des provinces pour l'éducation et la garde des jeunes enfants. On nous dit qu'un montant supplémentaire de 4,3 milliards de dollars suivra au cours des quatre prochaines années. Nous avons déjà entendu des promesses similaires en matière de garde d'enfants.

Outre le manque de détails, le présent projet de loi ne donne pas aux parents le pouvoir de choisir leurs modalités relativement à la garde de leurs enfants. D'ailleurs, le gouvernement a refusé de donner au Nouveau-Brunswick cette souplesse qu'elle souhaite pour pouvoir donner aux parents ce choix.

La partie 6 autorise le transfert de 120 millions de dollars à une fiducie qui mettrait de l'argent à la disposition des territoires pour la réalisation de ce qu'on appelle la Stratégie pour le Nord. Le budget disait que tous les territoires se partageraient également ce paiement. Lorsque cette question se retrouvera en comité, les fonctionnaires pourront peut-être expliquer pourquoi cela ne sera précisé que dans les conditions de l'acte formaliste de fiducie.

La partie 7 permettra au vérificateur général de faire des vérifications de l'optimisation des ressources à l'égard de certaines sociétés, notamment des fondations, qui ont reçu pour leur financement au moins 100 millions de dollars au cours de n'importe quelle période de cinq ans. En outre, elle permettra au vérificateur général d'agir à titre de vérificateur ou de covérificateur de la plupart des sociétés d'État. J'ai abordé cette question en détail le 31 mai, quand j'ai parlé du onzième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le Budget principal des dépenses pour l'exercice 2005-2006, lorsqu'il a été question des fondations. Je ne dirai pas grand-chose à ce sujet, mais j'ai quelques observations à faire.

Au cours des dernières années, on a assisté à une augmentation très marquée du recours aux fondations pour la prestation des programmes gouvernementaux. Les fondations font l'objet de deux grandes critiques. Premièrement, des milliards de dollars sont soustraits à l'examen minutieux du Parlement et à celui du vérificateur général. Le projet de loi répond à la première critique et à cet égard c'est une mesure certainement bien accueillie. Toutefois, il n'est pas rétroactif et, par conséquent, ne s'applique pas aux fonds déjà versés à diverses fondations, fonds qui totalisent plus de 9 milliards de dollars. Ici, il faut se fier au gouvernement pour négocier des changements aux ententes de financement en ce qui concerne les fonds déjà avancés.

Le projet de loi C-43 ne prévoit pas le dépôt de rapports annuels au Parlement et il n'assure pas non plus que le vérificateur général disposera de ressources suffisantes et prévisibles pour s'acquitter de sa tâche.

Enfin, les petites fondations, c'est-à-dire celles qui reçoivent moins de 100 millions de dollars, demeurent exemptées. C'est peu pour rendre inexacte la déclaration suivante que la vérificatrice générale a faite en février dernier :

Le Parlement ne dispose pas d'une information adéquate ni d'une assurance sur l'utilisation de plus de neuf milliards de dollars de fonds publics qui sont déjà entre les mains des fondations.

On critique aussi le fait qu'il arrive que les décisions de financement soient fondées sur la volonté d'obtenir un résultat comptable donné, c'est-à-dire qu'on alloue les fonds au cours d'un exercice et qu'on les dépense au cours d'un autre exercice. Le projet de loi C-43 n'aborde pas ce point. Le gouvernement a commencé à faire un usage répandu d'une autre formule, celle des fiducies, qui permettent de jongler avec les fonds d'un exercice à un autre.

La partie 8 du projet de loi donne un effet rétroactif à plusieurs versements de fonds que gouvernement espérait faire l'an dernier, notamment le versement de fonds accrus à des fondations.

Des six fondations visées par le montant de 315 millions de dollars, seulement une dépasse le seuil de 100 millions de dollars qui exige automatiquement une vérification par la vérificatrice générale. Les sommes affectées à la Fondation autochtone de guérison, à la Fondation Asie Pacifique du Canada, à Académies canadiennes des sciences, à la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs et à Precarn Inc. ne sont pas visées par ce projet de loi.

Par ailleurs, le projet de loi alloue 300 millions de dollars à la Fédération canadienne des municipalités pour le financement du Fonds municipal vert. Le budget prévoit que 150 millions de dollars de ce montant serviront à l'assainissement des zones désaffectées, dont mon collègue a parlé plus tôt ce soir, mais nous ne trouvons pas cette rubrique dans le projet de loi. S'agit-il de fonds pour l'assainissement des zones désaffectées ou de fonds réservés à d'autres fins? Nous pourrons peut-être interroger à ce sujet les fonctionnaires qui comparaîtront devant le comité.

La partie 9 redéfinit la structure de gouvernance de la Fondation Asie Pacifique du Canada, qui a vu le jour en 1984.

La partie 10 étend aux réfugiés au sens de la convention l'admissibilité aux bourses que peut verser la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Ces deux dispositions ne soulèvent pas la controverse.

La partie 12 met en oeuvre les ententes sur les ressources extracôtières conclues avec la Nouvelle-Écosse et avec Terre-Neuve- et-Labrador. Cela est important. Le Parti conservateur appuie ces dispositions visant à aider Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle- Écosse.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Oliver : Honorables sénateurs, je me permets de dire que si ces dispositions avaient fait l'objet d'un projet de loi séparé il y a quelques semaines de cela, comme nous l'avions proposé, nous aurions assurément appuyé l'adoption rapide de ce projet de loi de manière à ce que Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse puissent enfin disposer des fonds tant attendus et signer les chèques qu'elles ont à signer. Malheureusement, on a joué des jeux politiques en maintenant cette entente dans ce projet de loi omnibus.

Une voix : Honte!

Le sénateur Oliver : Le premier ministre, qui a remporté de justesse les élections de juin l'an dernier, a promis de laisser Terre-Neuve-et- Labrador et la Nouvelle-Écosse garder toutes les recettes tirées de leurs ressources extracôtières. Nous avons été témoins des négociations auxquelles a donné lieu cette simple question. Nous avons tous remarqué la détérioration des relations entre ces deux provinces et le gouvernement fédéral. Nous avons tous vu le premier ministre et ses collègues des premières banquettes hésiter face à l'accord et enfin, en février, convenir d'honorer une promesse faite huit mois plus tôt.

Les parties 13 et 14 prévoient des mesures ayant trait à l'accord de Kyoto qui auraient dû être présentées dans un projet de loi distinct pour pouvoir être correctement débattues et examinées sans la contrainte du délai serré qui accompagne un projet de loi comme celui-ci.

La première de ces mesures est la création l'Agence canadienne pour l'incitation à la réduction des émissions, que mon savant voisin d'en face a appelé une société d'État. On l'appelle également le Fonds pour le climat. L'objectif consiste à prévoir des incitatifs à réduire ou à éliminer les gaz à effet de serre grâce à l'acquisition de crédits admissibles. Le fonds peut acquérir ces crédits « malgré toute autre loi fédérale », comme le prévoit le libellé du projet de loi.

Ce fonds dépensera 1 milliard de dollars d'ici cinq ans. On nous dit que le fonds achètera, au Canada et à l'étranger, des permis d'émission liés à des technologies, des projets et des procédés dont il est prouvé qu'ils contribuent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Reste à voir si, comme certains spécialistes des médias l'ont prédit, cela n'aboutit pas à l'acquisition d'air chaud de la Russie.

Le projet de loi établira un fonds d'investissement technologique pour la lutte aux effets de serre, afin de permettre aux entreprises qui sont les grands émetteurs finaux d'investir dans des unités d'investissement technologique susceptibles d'alléger les exigences qui leur sont faites de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Les revenus du fonds seront investis dans les technologies, la recherche et les processus visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada.

(2020)

Le gouvernement lui-même a avoué que ce n'est pas une solution rapide. Nous n'obtiendrons pas de réduction considérable des émissions de gaz à effet de serre à court terme. Il s'agit d'un processus à long terme qui nous aidera indirectement à atteindre cet objectif.

Tel que rédigé à l'origine, le projet de loi C-43 prévoyait des modifications en vertu desquelles la Loi canadienne sur la protection de l'environnement cesserait de caractériser certaines substances de toxiques; ces substances seraient plutôt réglementées si le gouvernement estime qu'elles nuisent à l'environnement ou qu'elles mettent la vie ou la santé en danger. Ces dispositions ont été supprimées en comité et feront sûrement l'objet d'un projet de loi distinct.

Nous ne sommes pas sûrs s'il est sage de mettre le CO2 dans la même catégorie que d'autres substances déjà visées dans la LCPE, comme le plomb et le mercure. Nous craignions que, en cessant de caractériser de « toxiques » les produits chimiques anciennement interdits, nous risquions d'entraîner une augmentation de leur utilisation. Ces questions pourront maintenant faire l'objet d'un débat dans le cadre de l'étude d'un autre projet de loi.

La partie 15 — qui était la partie 16 avant l'élimination de la partie sur la LCPE — augmente la limite de protection de l'assurance-dépôt de 60 000 $ à 100 000 $, ce qui protégera davantage les consommateurs et leur donnera plus de choix. La partie 16 prévoit éteindre les obligations relatives aux prêts étudiants si l'étudiant meurt ou si, en raison d'une invalidité, il ne peut rembourser sa dette sans privation excessive. Nous appuyons ces mesures et en accueillerions d'autres qui éviteraient qu'un étudiant se retrouve dans de si malheureuses circonstances.

La partie 17 permet au ministre des Finances de décider où les actifs détenus dans le Compte du fonds des changes peuvent être investis, rayant ainsi la liste des investissements disponibles. Bien que le gouvernement nous assure qu'il n'a aucunement l'intention de le faire, il pourra se servir du Compte du fonds des changes pour acheter des actions de sociétés étrangères. Quand ce projet de loi sera étudié en comité, j'espère que les responsables prendront le temps d'expliquer pourquoi ces pouvoirs sont accordés en termes si vastes. D'ailleurs, étant donné que la Banque du Canada n'intervient plus dans les marchés pour contrôler les fluctuations du taux de change, il serait utile que le gouvernement indique au comité ses projets à long terme pour ce fonds.

La partie 18 permet au gouvernement de s'engager à acheter une quantité minimale de biens et services.

Nous parlons des achats, honorables sénateurs. Cette disposition est censée nous permettre de réaliser des économies, mais nous allons suivre très attentivement son application étant donné que le ministère concerné est celui qui s'occupait du programme des commandites. Les occasions d'abus et de favoritisme de la part de ceux qui attribueront les contrats sous le nouveau régime sont bien réelles, et c'est pourquoi une surveillance très étroite devra être exercée. On entend déjà dire que de petites entreprises se font éliminer à titre de fournisseurs lorsqu'elles n'arrivent pas à figurer sur une des listes de l'État pour les offres à commande.

Les parties 19 et 20 concernent les cotisations d'assurance-emploi. Ainsi, avec des années de retard, le projet de loi C-43 établit de nouvelles règles permettant de fixer les cotisations d'assurance- emploi en fonction du coût prévu du programme pour les années à venir. Les cotisations seront fixées chaque automne par la Commission de l'assurance-emploi du Canada selon l'avis donné par l'actuaire du programme, qui, à partir des prévisions économiques fournies par le ministre des Finances, calculera le taux nécessaire pour couvrir les coûts, sans plus.

Cette proposition est dangereuse et néfaste, honorables sénateurs, parce que le gouvernement a rejeté un amendement proposé par l'opposition qui aurait permis à l'actuaire de se servir de prévisions du secteur privé pour fixer les primes. Qu'est-ce qui ne va pas dans cette disposition? Pourquoi forcer l'actuaire à utiliser les prévisions du ministre des Finances pour déterminer le seuil nécessaire afin que le régime fasse ses frais? Étant donné que les prévisions ne pourront pas être obtenues de source indépendante et compte tenu des antécédents du ministère des Finances en matière de prévisions, l'actuaire pourrait être obligé de recommander des cotisations plus élevées que ce qui serait vraiment nécessaire.

Le projet de loi dit que les cotisations payées par les employés ne pourront varier de plus de 15 cents par tranche de 100 $ de gains assurables et qu'elles ne pourront pas dépasser 1,95 $ par tranche de 100 $ au cours des deux prochaines années. Mais, malgré ces limites, le Cabinet pourra fixer un taux de cotisation différent de celui qui sera choisi par l'actuaire du régime d'assurance-emploi « s'il l'estime dans l'intérêt public ».

Qu'est-ce qui constitue l'intérêt public aux yeux du gouvernement? Le gouvernement confond-il ses objectifs en matière de rentrées de fonds avec l'intérêt public, comme cela a manifestement été le cas lorsqu'il a fixé les taux au cours des dernières années?

Honorables sénateurs, le surplus cumulatif du compte d'assurance-emploi atteindra 49 milliards de dollars en mars 2006. Il s'agit bel et bien de 49 milliards de dollars de surplus cumulatif dans le compte d'assurance-emploi. À l'origine, la raison donnée par Paul Martin pour accumuler de tels surplus dans le compte d'assurance-emploi était de se donner un coussin pour prévenir les augmentations futures des cotisations. Le surplus du compte d'assurance-emploi existera sur papier, mais n'entrera aucunement dans le calcul des cotisations.

Pourquoi a-t-il été accumulé? Était-ce pour payer le Programme de commandites? Était-ce pour payer le registre des armes à feu? Était-ce pour payer le gâchis à DRHC? L'excédent n'a certainement pas été accumulé pour payer les prestations nécessaires au fonctionnement du programme. Il n'a pas non plus été accumulé pour payer les Sea King.

Pour finir, la partie 23 autorise divers paiements aux provinces, y compris l'accord final entre le Canada et le Québec sur le Régime d'assurance parentale du Québec, une contribution à la Colombie- Britannique pour la lutte contre le dendroctone du pin et le versement d'une indemnisation à la Saskatchewan pour la récupération des revenus des baux de la Couronne dans le cadre de la péréquation. Nous n'avons aucune objection contre tout cela.

Ce qui déplaît aux membres du Parti conservateur, c'est que, en raison de toutes les annonces, qui totalisent maintenant quelque 26 milliards de dollars au cours des prochaines années, nous avons eu l'impression que les dépenses générales ont explosé. On nous dit que tout cela entre dans le cadre financier et que les dépenses annoncées récemment laisseront au gouvernement exactement deux milliards de dollars cette année et l'année prochaine à consacrer au remboursement de la dette.

Honorables sénateurs, le gouvernement a utilisé la majeure partie de sa réserve pour éventualités, sans donner une mise à jour complète de ses rentrées d'argent et de ses dépenses. Nous ignorons si les chiffres sur les recettes du mois de février dernier sont encore exacts. Nous ignorons si les chiffres sur les dépenses statutaires prévues dans le budget principal et dont le sénateur Day nous a parlé ce soir sont encore exacts ou s'ils ont été modifiés par certains événements. Nous ignorons si tous les gains d'efficacité inscrits dans les livres dans le cadre de l'examen des dépenses surviendront comme prévu. Nous ignorons manifestement quelles catastrophes naturelles pourraient survenir au cours de la présente année financière et nécessiter de la part du gouvernement une intervention qu'il n'aurait pas l'argent pour financer.

Nous savons cependant que certaines personnes à l'extérieur du Canada ont commencé à remarquer la situation, comme en témoigne un article paru le 2 juin dernier dans The Economist sous le titre peu flatteur de « Le pourfendeur de déficits dépense maintenant comme un marin ivre ».

Je conclus en citant le dernier paragraphe de cet article :

Avec des demandes qui proviennent de partout, M. Martin doit regretter l'époque où il était ministre des Finances. À cette époque, il pouvait renvoyer les quémandeurs en leur disant qu'il aimerait bien les aider, mais que son patron, Jean Chrétien, ne le laisserait pas faire. Maintenant qu'il est le patron, M. Martin n'a personne sur qui rejeter le blâme.

L'honorable Terry M. Mercer : Je me demande si l'honorable sénateur m'autoriserait à poser une question.

Je ne suis pas arrivé à suivre complètement l'honorable sénateur. Il a parlé des choses qu'il aimait. Il a parlé un peu de l'Accord atlantique, des énormes sommes d'argent qui reviendraient à notre province, la Nouvelle-Écosse, et de tout l'argent qui reviendrait également à Terre-Neuve-et-Labrador.

Dans mon analyse de nos collègues au Sénat et du budget présenté, j'ai présumé que les sénateurs Oliver, Buchanan, Forrestall, Comeau, Cochrane et Doody se lèveraient pour appuyer ce budget, compte tenu de tout l'argent qui serait ainsi versé à la population de la Nouvelle-Écosse et à celle de Terre- Neuve-et-Labrador, de l'argent bien mérité.

Le sénateur Oliver est-il en train de nous dire qu'il votera contre le budget et que cela donnera de l'argent aux habitants de la Nouvelle- Écosse?

(2030)

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : L'honorable sénateur a-t-il une question?

Le sénateur Mercer : C'était la question.

Le sénateur Oliver : En toute déférence, je pense que j'ai répondu clairement à cette question dans ma déclaration, lorsque j'ai dit que le Parti conservateur aurait souhaité que les éléments relatifs aux accords concernant Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse soient retranchés de cet énorme projet de loi omnibus et regroupés dans un projet de loi séparé. Nous aurions rapidement adopté ce projet de loi. Ainsi, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador auraient maintenant leur argent depuis un certain temps.

Le sénateur Mercer : Je ne comprends pas l'honorable sénateur. Il est en faveur des dispositions du projet de loi, mais ensuite il dit qu'il votera contre. Il devra expliquer cela à la population de la Nouvelle- Écosse. Je n'aurai certainement pas à expliquer pourquoi je prends la parole dans cette enceinte pour appuyer la population de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Comeau : Attention. C'est votre emploi qu'il veut.

L'honorable Pierrette Ringuette : Dans son discours, l'honorable sénateur Oliver a mentionné le dossier des garderies au Nouveau- Brunswick en disant que le premier ministre conservateur de la province, tout comme son chef de parti, M. Harper, souhaite que le système soit souple, soit par l'entremise d'un crédit d'impôt. Les crédits d'impôt sont bons pour ceux qui reçoivent un certain salaire. Cependant, quel genre de crédit d'impôt l'honorable sénateur pourrait bien donner aux familles à faible revenu, à ces femmes qui servent du café chez Starbucks, chez Tim Horton et chez MacDonald au salaire minimum? Leurs enfants ont besoin des mêmes services que ceux des femmes qui gagnent 60 000 $ et 70 000 $. Il s'agit du même enfant.

Le sénateur Stratton : Qu'en est-il des mères qui restent à la maison?

Le sénateur Ringuette : Au Nouveau-Brunswick, nous ne permettrons pas que les enfants issus de familles au niveau de revenu différent soient traités différemment par les gouvernements fédéral et provincial.

Le sénateur Oliver : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Les Néo-Brunswickois ont de la chance d'avoir un premier ministre aussi visionnaire que M. Lord. Il fait de l'excellent travail pour les gens de sa province.

Je crois comprendre qu'il n'est pas question seulement de crédits d'impôt. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick demande d'avoir la souplesse nécessaire pour donner l'argent aux parents et leur laisser décider ce qui convient le mieux à leurs enfants, au lieu de les forcer à avoir recours à des garderies où les soins ne sont peut- être pas à la hauteur de ce que les parents souhaiteraient. Je crois que c'est une bonne politique.

Le sénateur Stratton : Il est en faveur du choix.

Le sénateur Ringuette : L'honorable sénateur mentionne le Nouveau-Brunswick et la qualité des garderies. Pourtant, dans son intervention, il a dit, en faisant référence à l'accord sur les ressources extracôtières : « Pourquoi le gouvernement fédéral ne signe-t-il pas cet accord? » Les provinces visées pourraient obtenir énormément d'argent.

Pourquoi le premier ministre Lord ne signe-t-il pas cet accord afin que les enfants du Nouveau-Brunswick puissent jouir des mêmes services que les autres provinces?

Le sénateur Stratton : Sachez qu'il y a plus d'enfants pauvres aujourd'hui au Canada qu'à tout autre moment de son histoire; alors, de quoi parle-t-on?

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

LE CODE CRIMINEL
LA LOI SUR LA PREUVE AU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Landon Pearson propose : Que le projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-2, qui en est à l'étape de la deuxième lecture. C'est le troisième discours qui a été rédigé pour moi sur différentes versions du projet de loi, et je suis heureuse de dire qu'à chaque fois il y a eu des améliorations, mais le temps est maintenant venu de l'adopter.

D'abord et avant tout, ce projet de loi prévoit une protection accrue pour les enfants contre les mauvais traitements, la négligence et l'exploitation sexuelle. Comme les sénateurs le savent, la protection des enfants est une question à laquelle j'ai consacré une bonne partie de mes efforts, tant au Canada qu'à l'étranger, depuis que je suis sénateur. Je l'ai fait parce que, à l'instar de tous les sénateurs et de tous les Canadiens, je crois fermement que les enfants, en raison de leur vulnérabilité, ont droit à la meilleure protection que la société puisse leur fournir, et ils en ont besoin.

[Français]

Honorables sénateurs, le projet de loi C-2 comporte cinq éléments clé : il renforce les dispositions sur la pornographie juvénile; il offre aux jeunes une meilleure protection contre l'exploitation sexuelle; il renforce les dispositions sur les peines infligées dans les cas d'infractions commises à l'égard des enfants; il facilite le témoignage des enfants victimes et témoins et des autres personnes vulnérables et il modernise le droit pénal en créant une nouvelle infraction de voyeurisme.

[Traduction]

En ce qui concerne la pornographie juvénile, le projet de loi propose un certain nombre de réformes visant à renforcer nos interdictions globales actuelles. Il élargit la définition de pornographie juvénile pour qu'elle comprenne les enregistrements sonores et les écrits qui ont pour caractéristique principale la description, à des fins sexuelles, d'activités sexuelles prohibées avec des enfants. Ces modifications reconnaissent que les enfants ne devraient pas être décrits comme une catégorie d'objets servant à l'exploitation sexuelle, quel que soit le support utilisé.

En outre, le projet de loi C-2 interdira en particulier le fait de faire de la publicité au sujet de pornographie juvénile. De plus, en matière de pornographie juvénile, le projet de loi C-2 propose d'éliminer les exemptions actuelles au titre de la valeur artistique, du but éducatif, scientifique ou médical ou du bien public, n'admettant qu'un moyen de défense fondé sur la notion de « but légitime » et de risque indu. Ainsi, en vertu de cette réforme, le seul moyen de défense qui serait admis pour un acte lié à de la pornographie juvénile serait un but légitime lié à l'administration de la justice, à la science, à la médecine, à l'éducation ou aux arts, et qui, en second lieu, ne représente pas de risque indu pour les enfants. Cette seconde exigence, qui est nouvelle, incorpore la notion de tort causé aux enfants qu'a adoptée la Cour suprême du Canada quand elle a confirmé la constitutionnalité des dispositions sur la pornographie juvénile dans l'arrêt Sharpe de 2001, et ajoute une nouvelle notion de risque indu qui n'existait pas dans les dispositions actuelles sur les moyens de défense en matière de pornographie juvénile.

Aux termes du nouveau moyen de défense par exemple, il serait acceptable que les policiers possèdent des photographies pornographiques mettant en cause des enfants aux fins d'enquête, parce que l'acte de possession des photographies aurait un but légitime relié à l'administration de la justice et qu'il ne présenterait pas de risque indu de préjudice pour les enfants. Toutefois, la possession de ces mêmes photos par un adepte de pornographie juvénile pour son usage personnel entraîne l'exploitation des enfants et ne serait pas protégée par ce moyen de défense.

De plus, le projet de loi C-2 durcit les peines imposées en matière de pornographie juvénile. Il fait de la perpétration d'une infraction aux dispositions sur la pornographie juvénile dans le dessein de réaliser un profit une circonstance aggravante dans la détermination de la peine. Il prévoit que la peine maximale pour toutes les infractions aux dispositions législatives sur la pornographie juvénile punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire sera triplée, passant de 6 à 18 mois, et il propose l'imposition de peines minimales obligatoires pour toutes les infractions visant la pornographie juvénile.

Le deuxième élément du projet de loi C-2 porte sur l'exploitation sexuelle des jeunes. Le projet de loi C-2 propose la création d'une nouvelle catégorie d'exploitation sexuelle pour les jeunes adolescents qui ont l'âge du consentement, c'est-à-dire plus de 14 ans, mais moins de 18 ans. Le projet de loi accroîtra ainsi la protection accordée aux jeunes de moins de 18 ans contre toute conduite de nature prédatrice et tout acte d'exploitation sexuelle dans les cas où il existe une relation de confiance, d'autorité ou de dépendance entre la victime et son agresseur.

(2040)

Aux termes du projet de loi C-2, les tribunaux seraient obligés de déterminer si la relation en question constituait une forme d'exploitation et était donc interdite, en étudiant la nature et les circonstances de la relation, notamment l'âge de la jeune personne visée, la différence d'âge entre les deux personnes, l'évolution de la relation et le degré de contrôle ou d'influence exercé sur cette jeune personne. Cette liste de facteurs n'est pas exhaustive. Autrement dit, d'autres facteurs pouvant laisser croire à l'exploitation d'une jeune personne peuvent être pris en compte.

Toutefois, ces facteurs me semblent logiques. Ce sont des indicateurs de ce que des gens raisonnables considéreraient aisément comme de l'exploitation. Prenons par exemple le cas d'une relation qui se développerait rapidement et secrètement sur Internet. Le projet de loi C-2 oblige le tribunal à en tenir compte. Le projet de loi prévoit également que, s'il existe une grande différence d'âge entre l'adulte et le jeune, il faut en tenir compte.

L'une des choses qui me plaisent particulièrement dans le projet de loi C-2, c'est qu'il ne met pas l'accent sur le consentement de la jeune personne, mais plutôt sur la conduite fautive du délinquant. C'est ainsi que le droit criminel aborde la question de l'agression sexuelle. Le projet de loi C-2 tient compte du fait qu'une jeune personne ne peut consentir à être exploitée. De plus, toute activité sexuelle non consensuelle, peu importe l'âge, est une agression sexuelle.

Nous en arrivons maintenant à la partie du projet de loi qui traite de la détermination de la peine. Le projet de loi C-2 vise à garantir que les peines pour les infractions commises contre des enfants soient proportionnelles à la gravité de ces gestes. Dans tous les cas où il y a agression d'enfant, le projet de loi C-2 exigerait que le tribunal qui prononce la peine accorde une importance particulière aux objectifs que sont la dénonciation et la dissuasion. Il ferait également du mauvais traitement d'un enfant une circonstance aggravante pour la détermination de la peine.

Le projet de loi C-2 propose d'accroître les peines pour les infractions qui concernent expressément des enfants, par exemple l'omission de fournir les choses nécessaires à l'existence des enfants ou l'abandon des enfants. Il imposera aussi des peines minimales obligatoires pour des infractions particulières contre les enfants, dont les cas particulièrement graves comme le fait qu'un parent, tuteur ou proxénète serve d'entremetteur pour un enfant.

Le projet de loi C-2 facilitera le témoignage. Les réformes proposées pour faciliter le témoignage d'enfants qui sont victimes ou témoins et d'autres témoins vulnérables sont une partie du projet de loi qui a été fort bien accueillie. Témoigner devant un tribunal est difficile pour n'importe qui, a fortiori pour des enfants. Le système de justice pénale a subi de nombreuses réformes depuis la fin des années 1980 de façon à devenir plus réceptif et attentif aux besoins des ces victimes et de ces témoins. On peut par exemple utiliser des moyens comme un écran, une personne de confiance, la télévision en circuit fermé, un conseil pour mener le contre-interrogatoire d'une jeune victime ou d'un jeune témoin dans les cas où un accusé n'a pas d'avocat.

Le projet de loi C-2 propose des réformes qui préciseront et appliqueront des critères uniformes pour l'emploi de dispositifs dans trois catégories distinctes : d'abord, les cas où il y a un enfant victime ou témoin de moins de 18 ans ou une victime ou un témoin qui est handicapé; deuxièmement, les cas où il y a des victimes de harcèlement criminel; et enfin, les cas où il y a d'autres victimes et témoins adultes qui sont vulnérables.

Dans la première catégorie, les dispositifs seraient offerts sur demande à tous les enfants victimes et témoins ayant un handicap, à moins qu'ils ne gênent la bonne administration de la justice.

Pour la deuxième catégorie de victimes de harcèlement criminel et lorsque l'accusé se défend lui-même, le projet de loi C-2 permettrait à la Couronne de demander la nomination d'un avocat pour le contre-interrogatoire de la victime. Le tribunal serait tenu d'accueillir cette requête à moins que cela ne nuise à la bonne administration de la justice. La modification proposée tient compte du fait que la victime de harcèlement criminel ne devrait pas avoir à endurer d'être harcelée davantage par un accusé qui assure sa propre représentation.

Pour la troisième catégorie d'affaires concernant tout témoin ou victime adulte, la Couronne peut demander d'utiliser un dispositif destiné à faciliter son témoignage ou de nommer un avocat pour mener le contre-interrogatoire du témoin pour le compte de l'accusé qui assure sa propre représentation. Dans de tels cas, le tribunal n'ordonnerait le recours à un tel dispositif que si, eu égard aux circonstances, y compris la nature de l'infraction et les rapports entre la victime et l'accusé, la victime n'était pas en mesure de livrer un témoignage complet et sincère sans l'aide d'un tel dispositif.

De plus, le projet de loi C-2 propose des modifications à la Loi sur la preuve du Canada qui supprimeraient l'exigence actuelle de faire enquête sur la capacité d'un enfant âgé de moins de 14 ans de comprendre la notion du serment ou de l'affirmation solennelle et de témoigner. Dans la pratique, la façon incohérente et souvent rigoureuse de mener des enquêtes du genre peut traumatiser davantage l'enfant témoin et entraîner également une perte d'un précieux témoignage pour des raisons sans rapport avec sa capacité de fournir un témoignage fiable.

Selon le projet de loi C-2, le témoignage d'un enfant témoin de moins de 14 ans doit être reçu si l'enfant est en mesure de comprendre les questions et d'y répondre. Le jeune doit promettre de dire la vérité mais on ne peut enquêter sur sa compréhension de la nature de sa promesse. Comme il le fait pour les autres témoins, le juge des faits détermine la valeur probante à accorder au témoignage de l'enfant.

Enfin, j'aborderai la section du projet de loi C-2 qui a trait au voyeurisme. On propose de nouvelles infractions de voyeurisme pour mieux protéger la vie privée des Canadiens. Ces infractions se rapporteraient à trois violations de la vie privée sexuelle. On considérerait comme une infraction le fait de subrepticement observer une personne ou de produire un enregistrement de cette personne dans des circonstances pour lesquelles il existe une attente raisonnable de protection en matière de vie privée, si cela a lieu dans un endroit où il est raisonnable de s'attendre à ce qu'une personne soit nue ou se livre à une activité sexuelle, comme une chambre à coucher, une salle de bains ou un vestiaire. On considérerait aussi comme une infraction le fait de subrepticement observer une personne ou de produire un enregistrement de cette personne dans des circonstances pour lesquelles il existe une attente raisonnable de protection en matière de vie privée, si la personne est nue ou se livre à une activité sexuelle et que l'observation ou l'enregistrement est fait dans le dessein d'ainsi observer ou enregistrer la personne. Finalement, on considérerait comme une infraction le fait de subrepticement observer une personne ou de produire un enregistrement de cette personne dans des circonstances pour lesquelles il existe une attente raisonnable de protection en matière de vie privée, si cela est fait dans un but sexuel. Ces nouvelles infractions se rapportent à des cas de violation de la vie privée sexuelle, que ce soit à des fins sexuelles ou à d'autres fins.

Le projet de loi C-2 interdirait aussi la publication ou la diffusion de tout enregistrement découlant du voyeurisme. Il permettrait la saisie d'exemplaires de ce genre d'enregistrements afin de prévenir leur diffusion ou leur vente. De plus, le projet de loi C-2 permettrait la suppression d'exemplaires électroniques de tels enregistrements dans Internet.

Le projet de loi C-2 comporte aussi un moyen de défense fondé sur le bien public relativement aux actes de voyeurisme qui devraient pouvoir être défendus parce que ceux-ci servent l'intérêt public. Par exemple, ce moyen de défense pourrait être invoqué par les médias lorsque l'intérêt public exige la publication de matériel voyeuriste. Ce moyen de défense assure ainsi l'équilibre nécessaire entre la protection du caractère privé de la vie sexuelle de tous les Canadiens et la liberté d'expression.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-2 prend comme fondement notre cadre législatif complet en matière pénale, qui protège les enfants et les autres personnes vulnérables et, à partir de là, il propose des initiatives importantes et utiles. Qu'elles soient prises individuellement ou collectivement, toutes les réformes proposées dans le projet de loi C-2 disent aux Canadiens, à nos enfants, aux intervenants du système de justice pénale et à ceux qui seraient tentés de commettre des infractions, que l'exploitation sexuelle, la maltraitance et la négligence à l'égard de n'importe quel enfant au Canada est une infraction grave et qu'elle doit être traitée comme telle par le système de justice pénale.

J'exhorte tous les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi C-2. Une fois adoptée, cette mesure nous permettra de faire en sorte que tous les enfants de moins de 18 ans soient protégés par la loi contre l'exploitation sexuelle et que ceux-ci, ainsi que les autres Canadiens vulnérables, puissent mieux participer aux procédures judiciaires. L'imposition de peines plus sévères renforcera le message portant que les Canadiens répudient tous les crimes commis à l'endroit des enfants.

Il y a longtemps que j'attends l'occasion de parrainer ce projet de loi. J'espère que tous les sénateurs sont d'accord avec cette mesure et qu'ils l'adopteront le plus rapidement possible.

Des voix : Bravo!

(2050)

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-2, sur la protection des enfants et d'autres personnes vulnérables. Vous en conviendrez avec moi, l'exploitation sexuelle des enfants est un fléau. Ce fléau ne cesse de s'amplifier notamment avec l'aide des nouvelles technologies de l'information et des importantes ressources financières du crime organisé. Tout comme la pornographie juvénile, la prostitution de personnes âgées de moins de 18 ans est devenue un problème troublant pour notre société. À preuve, les policiers de l'escouade de la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants du service de police de Montréal, créée en 2002, ont démantelé, pas plus tard que la semaine dernière, un important réseau de prostitution juvénile. Les responsables de ce réseau ont forcé des mineurs, dont une jeune fille âgée d'à peine 12 ans, à travailler pour des agences d'escortes.

Depuis 2002, les membres de cette escouade ont délivré près de 431 jeunes victimes de l'exploitation sexuelle. De ce nombre, près de 50 p. 100 étaient âgés de moins de 14 ans, et étaient impliqués contre leur gré dans des affaires liées à la pornographie juvénile.

Honorables sénateurs, en tant que parlementaires et parents responsables, nous devons agir intelligemment face à ce fléau. Il faut donner aux policiers les meilleurs outils pour qu'ils puissent mieux protéger les enfants contre les pédophiles et les proxénètes.

Le Parlement du Canada, au cours des dernières années, s'est impliqué dans la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants, notamment en 2002, lorsque nous avons adopté le projet de loi C- 15A. Ce dernier visait à donner plus de moyens au système judiciaire pour condamner les pédophiles qui utilisent le réseau Internet afin de commettre des crimes contre les enfants. La même année, le gouvernement a déposé le projet de loi C-20, aujourd'hui devenu le projet de loi C-2.

Honorables sénateurs, les modifications proposées par le projet de loi C-2 s'inscrivent dans la continuité du projet de loi C-15A. Cela dit, je n'ai pas l'intention d'expliquer dans les moindres détails les principales dispositions du texte législatif qui est devant nous. Madame le sénateur Pearson vient de le faire avec beaucoup de fidélité et je n'ai pas l'intention de revenir sur ces détails.

J'aimerais plutôt attirer votre attention sur le fait que nos collègues de l'autre endroit ont adopté une série d'amendements qui permettront l'application de peines minimales obligatoires pour plusieurs infractions créées ou modifiées par le projet de loi C-2.

À l'heure actuelle, le Code criminel compte près d'une trentaine d'infractions qui prévoient ce type de sanctions pénales. Plus de la moitié d'entre elles impliquent l'utilisation d'une arme à feu. Il est important de mentionner que la durée obligatoire des peines minimales prévues par notre droit pénal va de 14 jours pour conduite avec facultés affaiblies à l'emprisonnement à perpétuité dans le cas d'un meurtre au premier degré. Il y a tout un éventail de peines minimales.

En ce qui a trait à l'exploitation sexuelle des enfants, le paragraphe 2.1 de l'article 212 du Code criminel prévoit déjà l'imposition d'une peine minimale de cinq ans à toute personne condamnée pour avoir vécu des produits de la prostitution d'un enfant.

Si le projet de loi C-2 est adopté par notre Chambre dans sa forme actuelle, plus d'une dizaine de peines minimales obligatoires seront ajoutées au Code criminel. À titre d'exemple, l'article 3 de ce texte législatif prévoit désormais une peine d'emprisonnement de 45 jours pour toute personne reconnue coupable d'un acte criminel impliquant des contacts sexuels avec une personne âgée de moins de 14 ans. La peine maximale pour cette infraction est établie à dix ans maintenant.

L'article 7 imposerait quant à lui une peine d'emprisonnement minimale d'un an pour toute personne condamnée pour avoir distribué de la pornographie juvénile. Tout comme dans le cas de l'infraction que j'ai mentionnée précédemment, la période d'emprisonnement ne pourra excéder dix ans.

Honorables sénateurs, comprenez-moi bien. Je ne m'oppose pas, bien au contraire, à l'imposition de peines minimales afin de combattre l'exploitation sexuelle des enfants, mais il faut le faire comme il faut.

Dans l'affaire La Reine c. Latimer, en 2001, la Cour suprême a reconnu :

Il appartient au législateur de fixer des peines minimales, même s'il y a toujours eu des divergences d'opinions considérables au sujet de la sagesse de prévoir de telles peines du point de la politique en matière de droit criminel [...]

Bien que la durée des peines proposées par le projet de loi C-2 soit, dans plusieurs cas, assez courte, je veux simplement m'assurer que l'autre endroit a bien fait son travail puisque l'imposition de telles sanctions est très controversée et fait inévitablement l'objet de recours judiciaires.

Nous devons nous assurer de l'intention réelle du législateur. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, — et c'est son rôle — devra s'astreindre avec rigueur à cette tâche qui pourrait devenir fastidieuse. Nous voulons que les peines minimales produisent l'effet escompté par le législateur, c'est-à-dire être dissuasives et protéger les enfants.

De plus, nous souhaitons éviter qu'elles soient déclarées inconstitutionnelles en vertu des articles 7 ou 12 de la Charte canadienne des droits et libertés quelques années après avoir été promulguées.

Depuis l'avènement de la Charte, certaines peines obligatoires furent déclarées inconstitutionnelles par les tribunaux canadiens alors que d'autres ont survécu aux contestations juridiques.

Honorables sénateurs, j'ai consulté la transcription de la réunion du 2 juin dernier du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de l'autre endroit, au moment où le projet de loi C-2 a fait l'objet de l'étude article par article. Lors de cette rencontre, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, M. Macklin, a invoqué l'une des raisons, à la fois surprenante et inquiétante du point de vue juridique, qui a provoqué l'inclusion de peines minimales dans ce texte législatif. Il a déclaré :

Je dirais tout d'abord que dans le cadre d'un gouvernement minoritaire ... ce que nous constatons également à ce comité c'est que nous devons accepter de faire certaines concessions, dans la mesure du possible, afin de parvenir à un consensus. Dans ce cas-ci, nous l'avons fait avec certaines hésitations, mais en comprenant la réalité de la situation. Nous aurions nettement préféré laisser aux tribunaux la possibilité d'examiner tous les facteurs pour prononcer leur sentence.

Ainsi, plutôt que d'analyser rigoureusement toutes les questions entourant l'imposition de peines minimales et les véritables effets de ces dernières sur l'exploitation sexuelle des enfants, le système de justice et les droits fondamentaux, la politique semble malheureusement avoir motivé ces amendements.

En 2000, dans l'affaire La Reine c. Wust, l'ex-juge de la Cour suprême Louise Arbour a déclaré, sans toutefois remettre en question ce type de sanction :

Les peines minimales ne constituent pas la norme au Canada, et elles dérogent aux principes généraux applicables en matière de détermination de la peine énoncés dans le Code, la jurisprudence et la littérature sur le sujet.

Honorables sénateurs, nous ne devons pas créer de nouvelles sanctions pénales ayant pour seule justification de favoriser pour des raisons purement partisanes l'adoption d'un projet de loi déposé pour la première fois il y a près de trois ans!

Nous ne pouvons pas non plus fonder l'imposition de peines minimales sur le simple fait que certaines personnes jugent que le système judiciaire et des procédures de détermination de la peine sont inefficaces.

Les peines d'emprisonnement minimales obligatoires ont souvent été critiquées par les spécialistes du domaine juridique ainsi que par tous les organismes qui ont été chargés par le gouvernement fédéral de se pencher sur la question.

En 1987, on pouvait lire, dans le rapport de la Commission canadienne sur la détermination de la peine :

... depuis 35 ans, toutes les commissions canadiennes qui ont abordé le problème des peines minimales obligatoires en ont recommandé l'abolition.

Plus récemment, en 2002, une étude réalisée pour le compte du ministère de la Justice évaluait l'efficacité des peines minimales existantes au Canada. Cette étude s'intitule : Les effets des peines minimales obligatoires sur la criminalité, la disparité des peines et les dépenses du système judiciaire. Cette étude a été rédigée par deux professeurs d'université de la région d'Ottawa.

(2100)

Ces derniers concluaient, et je cite leur rapport :

On peut attendre des PMO [peines minimales obligatoires] une réduction de la criminalité que si elles sont appliquées systématiquement. Même dans ce cas, rien ne garantit qu'elles accroîtront la rigueur des sanctions, puisqu'il est possible que les peines antérieurement prévues aient été plus sévères qu'elles.

Tout en critiquant le manque flagrant d'études canadiennes sur cette question, les auteurs affirmaient qu'on ne devrait pas imposer ce type de sanction :

...à seule fin d'apaiser l'indignation des électeurs ou sans une connaissance approfondie des infractions ou des délinquants auxquels on veut les appliquer.

Le Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites, que j'ai eu l'honneur de présider, a étudié l'imposition de peines minimales depuis 1908 dans la législation fédérale prohibant l'usage et le trafic de drogues illicites.

Comme je l'ai déjà mentionné, honorables sénateurs, elles sont inefficaces pour enrayer ce phénomène.

Ce type de sanction sera-t-il plus efficace pour combattre l'exploitation sexuelle des enfants? Constituera-t-il un moyen de dissuasion approprié?

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles devra s'attendre à recevoir des réponses à ces questions importantes et devra formuler, dans le rapport qu'il présentera, des commentaires à cet effet, pour que l'intention du législateur fédéral soit clairement comprise par les tribunaux qui auront, inévitablement, à se prononcer sur la légalité de ces nouvelles dispositions.

Cela dit, honorables sénateurs, je ne puis m'empêcher de conclure mon discours en abordant la question du recours au droit pénal comme moyen privilégié pour combattre certains problèmes sociaux.

En janvier 2002, le sergent détective Paul Gillespie du Service de police de Toronto, a expliqué les piètres résultats d'une vaste opération policière contre un réseau de distribution de pornographie juvénile par l'absence d'une véritable stratégie nationale pour combattre l'exploitation sexuelle des enfants.

À cet égard, il déclarait à la Presse canadienne, le 17 janvier 2002 :

La coopération internationale dans ce domaine est excellente; la coopération nationale est un cauchemar. [...] Il est temps que les responsables au niveau fédéral prennent leur responsabilité. Nous avons besoin d'aide.

Le Canada doit adopter de telles mesures avec des objectifs clairs qui favoriseraient la coopération et qui impliqueraient le gouvernement fédéral, les provinces, les municipalités, les intervenants communautaires et les policiers.

Une telle concertation permettrait de déterminer les ressources et autres mesures nécessaires à la lutte contre ce fléau.

Je pense notamment à l'élimination de certaines contraintes administratives ou juridictionnelles accompagnant les enquêtes policières, à l'éducation et à la prévention auprès des parents et des enfants et, enfin, la formation adéquate des policiers dans ce domaine.

Au cours des dernières années, le Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants a été créé afin de combler certaines de ces lacunes.

Ce centre fait partie intégrante des services de police nationaux du Canada et s'ajoute à la stratégie nationale visant à protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle en ligne.

Je tiens à féliciter le gouvernement pour cette initiative puisque le Code criminel ne pourra pas à lui seul combattre l'exploitation sexuelle des enfants.

Bien que j'aie énoncé, au cours des dernières minutes, certaines réserves sur l'analyse un peu bâclée que nos collègues de l'autre endroit ont accordée au projet de loi C-2, j'appuierai avec enthousiasme les principes qui sous-tendent ce dernier à l'étape de la deuxième lecture.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Pearson, avec l'appui de l'honorable sénateur Poy, propose que le projet de loi soit lu une deuxième fois.

Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Pearson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

PROJET DE LOI SUR LES PONTS NÉCESSAIRES AU PARACHÈVEMENT DE L'AUTOROUTE 30

TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) propose : Que le projet de loi S-31, Loi autorisant la construction et l'entretien d'un pont franchissant le fleuve Saint-Laurent et d'un pont franchissant le canal de Beauharnois en vue du parachèvement de l'autoroute 30, soit lu une troisième fois.

L'honorable Pierre Claude Nolin : Je prévois intervenir demain; je demande donc l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR L'EXPORTATION ET L'IMPORTATION DES DIAMANTS BRUTS

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'honorable Robert W. Peterson propose : Que le projet de loi S-36, Loi modifiant la Loi sur l'exportation et l'importation des diamants bruts, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

LA LOI SUR LES TRANSPORTS AU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyée par l'honorable sénateur Corbin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada (droits de circulation pour le transport du grain).—(L'honorable sénateur Kinsella)

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, il y a un certain temps que j'ai préparé mes notes sur ce projet de loi. J'oserais commencer ce soir, mais il se fait tard. Par conséquent, je propose l'ajournement du débat. Je m'engage toutefois à livrer le reste de mon discours plus tard dans la semaine.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

(2110)

L'ÉTUDE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ NATIONALE

LES RÉUNIONS PUBLIQUES TENUES DE NOVEMBRE 2004 À JUIN 2005—DÉBAT SUR LE RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE

Le Sénat passe à l'examen du huitième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (étude sur la politique nationale sur la sécurité pour le Canada), déposé au Sénat le 14 juin 2005.— (L'honorable sénateur Kenny)

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, le présent rapport vise à attirer l'attention de la Chambre sur la pratique que le comité a adoptée cette dernière année, consistant à tenir des assemblées publiques. Le comité a tenu 11 assemblées de ce type d'un bout à l'autre du pays et elles sont énumérées dans le rapport. Le but du rapport est simplement d'attirer l'attention du Sénat sur ce fait et d'indiquer que cela nous a paru être une façon utile de communiquer avec le public.

Nous avons fait paraître des annonces dans les journaux locaux. Nous avons pris des dispositions par l'intermédiaire de diverses organisations afin que les organismes représentant toute la gamme des positions en matière de défense soient au courant de la tenue de ces rencontres publiques. Nous avons formulé des règles de base permettant aux gens de parler pendant un maximum de trois minutes et à un membre du comité de poser des questions d'une durée maximale de trente secondes, le particulier concerné répondant pendant une minute et demie supplémentaire.

Plus de 1 000 Canadiens ont comparu devant nous d'un bout à l'autre du pays. Le comité est arrivé à la conclusion que c'est là un moyen précieux de faire participer les gens directement. Nous avons également observé une réaction positive des médias, avec des titres du genre « Le Sénat est ici et il écoute ».

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur d'avoir parlé du rapport, mais je pense que la Chambre dans son ensemble devrait réfléchir non seulement à ce rapport, mais aussi aux deux ou trois qui suivront. Ils se terminent tous sur un paragraphe similaire affirmant que des assemblées ont été tenues et que la teneur des discussions pendant ces assemblées a été extrêmement précieuse et contribuerait sensiblement au rapport du comité.

Il me semble que le rapport du comité constituerait un rapport approprié pour le Sénat. Je ne crois pas que ces rapports soient appropriés. Ils indiquent simplement que le comité a tenu des réunions, que les réunions ont été utiles et que les témoins ont donné des informations. Le dernier paragraphe, non pas de ce rapport, mais des rapports subséquents, dit que ces audiences contribueront sensiblement à la préparation des rapports que le comité prévoit déposer.

Il me semble qu'on n'utilise pas le temps du Sénat avec efficacité en présentant des rapports de ce genre qui ne renferment rien d'important. J'aimerais obtenir l'opinion des autres sénateurs sur ce point.

Son Honneur le Président : Si aucun sénateur ne désire prendre la parole, le rapport est considéré comme ayant été débattu.

LES RÉUNIONS TENUES AUX ÉTATS-UNIS DU 14 AU 21 AVRIL 2005—LE RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE—DÉBAT SUR LE RAPPORT

Le Sénat passe à l'étude du dixième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (étude de la politique de sécurité nationale pour le Canada), déposé au Sénat le 14 juin 2005.— (L'honorable sénateur Kenny)

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, compte tenu des observations précédentes, je m'abstiendrai de parler de ce rapport. Nous pensions que les échanges que nous avons eus avec les autorités et les collègues américains pourraient susciter un certain intérê. J'allais expliquer dans quels domaines nous nous sommes trouvés des intérêts communs, mais si cela n'intéresse pas les sénateurs d'en face, je vais laisser tomber.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, le dixième rapport renferme la liste des témoins que le comité a entendus et se termine par le paragraphe :

Les discussions contribueront sensiblement à la préparation des rapports qu'il prévoit déposer au Sénat dans les prochains mois.

Il est important que le Sénat sache quand nous aurons un rapport substantiel, au lieu de rapports de ce genre qui ne sont en fait qu'une liste des témoins que le comité a entendus.

Je m'empresse de dire que je ne dénigre aucunement l'important travail que fait ce comité. Je m'intéresse plutôt au processus qui consiste à déposer un rapport qui donne une liste des témoins que le comité a entendus, qui ne nous dit rien sur la teneur des témoignages et qui ne constitue pas vraiment un rapport au vrai sens du terme.

Son Honneur le Président : Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, nous allons considérer que le débat est terminé.

LES RÉUNIONS TENUES EN EUROPE DU 6 AU 12 MAI 2005—RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE—DÉBAT SUR LE RAPPORT

Le Sénat passe à l'étude du onzième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (étude sur la politique nationale sur la sécurité pour le Canada), déposé au Sénat le 14 juin 2005.—(L'honorable sénateur Kenny)

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, les remarques que j'ai faites au sujet du rapport précédent s'appliquent aussi à ce rapport.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, mes observations concernant les deux rapports précédents s'appliquent aussi à ce rapport.

Son Honneur le Président : Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, nous allons considérer que le débat est terminé.

LE RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE INTITULÉ À LA LIMITE DE L'INSÉCURITÉ—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du douzième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense intitulé À la limite de l'insécurité, déposé au Sénat le 14 juin 2005. —(L'honorable sénateur Kenny)

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, pour changer la cadence, je vais parler de ce rapport.

Je veux aborder cinq points importants couverts par le rapport, le premier étant que l'Agence des services frontaliers du Canada pourrait mieux concentrer ses efforts si le montant des exemptions auxquelles les Canadiens ont droit lorsqu'ils reviennent au Canada était rajusté. Aux pages 12 et 13 du rapport, nous présentons une proposition qui vise à harmoniser le niveau des exemptions canadiennes et américaines d'ici 2007 pour les faire passer à 2 000 $ par visite en 2010.

C'est là un changement important et il est fondé sur le raisonnement suivant. Les agents des douanes qui ont témoigné devant le comité ont beaucoup parlé du temps qu'il faut lorsque les gens qui reviennent au Canada sont envoyés subir une inspection secondaire. Ces inspections secondaires nécessitent entre 15 et 20 minutes et servent à récupérer entre 30 $ et 40 $ en taxes ou en droits de douane.

(2120)

Le comité a jugé que c'était là une perte de temps et que les agents des douanes pourraient mieux utiliser leur temps s'ils inspectaient et interrogeaient les personnes plus à fond.

Des inspecteurs des douanes nous ont aussi déclaré que des gens qui ramenaient au Canada des biens, peut-être illégalement, mais en très petites quantités, par exemple un vêtement de plus que ce à quoi ils ont droit, avaient le même comportement que les individus ayant une intention criminelle majeure. Cela détournerait apparemment l'attention des douaniers.

J'aimerais mentionner qu'il y a un effort semblable au Sénat des États-Unis actuellement sous l'égide du sénateur Collins, du Maine. Ce genre de mouvement devrait recevoir un accueil favorable, du moins au Sénat des États-Unis.

Le deuxième sujet dont je voudrais parler concernant le rapport est le port d'arme par les agents à la frontière. Le comité a adopté ce point de vue lentement, avec réticence et après s'être beaucoup questionné. La politique actuelle de l'État fédéral veut que les agents des douanes, lorsqu'ils se trouvent dans une situation difficile ou dangereuse, se retirent et s'éloignent de l'individu menaçant.

Nous avons entendu des hauts fonctionnaires nous dire que les agents des douanes qui sont menacés devraient appeler la police de manière à préserver leur intégrité et leur sécurité. Après avoir posé des questions dans des dizaines de postes frontières et après avoir entendu des dizaines d'agents des douanes, dont nous avons consigné les témoignages détaillés, nous avons appris que, lorsque des situations menaçantes se produisent, il arrive régulièrement que les agents ne peuvent pas obtenir l'aide de la police.

Nous sommes allés demander à la police pourquoi elle n'aidait pas les agents des douanes, et elle nous a répondu qu'elle manquait tout simplement de ressources. On nous a dit que, pendant la nuit, il n'y avait souvent qu'une ou deux auto-patrouilles en service et que, lorsque celles-ci devaient répondre à un appel d'urgence, elles ne pouvaient plus répondre aux appels des agents des douanes.

Le comité a estimé que le gouvernement et les citoyens canadiens doivent prendre des mesures à l'égard de ces personnes et leur permettre de se protéger. Il leur serait permis d'être armées premièrement pour se protéger et, deuxièmement, pour protéger d'autres personnes innocentes dont la vie serait en danger. C'est avec beaucoup de réticence que nous en sommes arrivés à cette conclusion. Je pense que personne au comité ne veut voir davantage de Canadiens armés. Nous sommes convaincus que la sécurité ne réside pas là. Notre premier choix était d'offrir la protection de la GRC à tous ces postes frontaliers, mais nous reconnaissons qu'il est peu probable qu'il en soit ainsi. Un trop grand nombre de postes, soit plus d'une centaine, ne comptent qu'une seule personne.

Nous étions préoccupés par le fait que certains employés puissent ne pas vouloir d'arme ou ne soient pas capables d'en utiliser une ou ne puissent être adéquatement formés pour en utiliser une. Dans le rapport, nous avons prévu une exemption précise à leur égard.

Nous avons également recommandé que les agents de douane qui souhaitent être armés ou que les nouvelles recrues à l'Agence des services frontaliers du Canada reçoivent une formation du même niveau que celle des agents de la GRC ou d'un niveau supérieur. Nous estimons que cette mesure s'impose pour que ces personnes travaillent dans un milieu sûr. Nous avons été réticents à prendre cette mesure, mais nous estimons qu'elle est appropriée et nécessaire pour assurer la sécurité.

Troisièmement, je veux attirer l'attention des honorables sénateurs sur les préoccupations que le comité a exprimées au sujet de la frontière à Detroit-Windsor. Là-bas, les moyens utilisés pour franchir la frontière, que ce soit le tunnel, le pont ou le traversier, sont à l'origine d'importants échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis. Tout le monde ici est au courant du système de livraison juste à temps de l'industrie automobile. Il est ici question d'un de nos points de passage les plus importants, et nous nous inquiétons de la faible probabilité que le pont soit endommagé ou détruit, auquel cas les conséquences seraient très coûteuses. Si cela se produisait, nous pensons que non seulement la frontière serait fermée d'un océan à l'autre pendant un certain temps, mais aussi que l'économie de l'Ontario serait anéantie et qu'il s'ensuivrait des conséquences semblables à celles de la crise dont nous avons été témoins dans les années 1930.

Actuellement, six ordres de gouvernement participent aux négociations. On nous dit qu'il est très peu probable qu'on arrive à une solution avant 2013. Pendant notre visite à Washington, nous avons rencontré de nombreux représentants du Congrès qui nous ont dit de ne pas nous attendre à un dénouement heureux de ces négociations avant 2013. Ils ont signalé qu'il y aurait prochainement des élections municipales à Detroit, des élections dans l'État du Michigan, puis des élections au Congrès. Il est peu probable que quelqu'un se prononce en faveur de la conclusion de ces négociations dans l'avenir immédiat.

Honorables sénateurs, nous croyons qu'il est trop long d'attendre 2013. Nous avons trois recommandations qui accéléreraient la décision à cet égard, la plus importante étant un projet de loi qui accorderait au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile le pouvoir d'accélérer la construction d'infrastructures frontalières, dans certaines circonstances définies par le gouverneur en conseil.

Les États-Unis sont en train d'adopter une mesure législative comparable qui conférerait le même pouvoir au secrétaire à la Sécurité intérieure. Nous estimons que c'est la seule façon de réussir à ce qu'il y ait un autre point de passage entre Windsor et Detroit dans un délai raisonnable.

Le quatrième point dont je voulais parler est abordé aux pages 24 et 25 de notre rapport et il concerne les employés qui travaillent seuls à la frontière.

(2130)

Le comité a trouvé les statistiques plutôt alarmantes. Le Canada compte 139 points d'entrée où les employés effectuent seuls leurs quarts de travail. Le comité estime qu'il est inacceptable que des gens qui forment notre première ligne de défense, qui sont les seuls à vérifier ceux qui entrent au pays, travaillent seuls. Il n'y a qu'à la frontière où on peut arrêter les gens sans cause raisonnable ou probable entre le Rio Grande et Tuktoyaktuk. C'est là où cela se produit; c'est le point de passage obligé. À 139 de ces points d'entrée, on ne trouve qu'une seule personne.

J'ajouterai que 62 de ces points ne sont pas reliés à l'ordinateur central de l'ASFC, ce qui veut dire que les personnes qui y travaillent ne savent pas si les personnes qui entrent au pays ont un dossier criminel. Elles ne savent pas si les gens qui traversent sont recherchés par le SCRS. Elles ne savent rien de ceux qui traversent la frontière. Le comité ne comprend pas qu'une telle situation puisse être tolérée.

Je terminerai avec le cinquième point qui préoccupe grandement le comité, soit le nombre incroyable d'employés de l'Agence des services frontaliers du Canada qui ne reçoivent pas une formation complète. Durant la période de pointe, en été, jusqu'à 22 p. 100 des employés ne reçoivent que trois semaines de formation. À une époque, les employés recevaient 13 semaines de formation. Par la suite, la formation est passée à 8 semaines pour les inspecteurs ordinaires; elle devrait bientôt être de 14 semaines. Le comité trouve absurde que les employés d'été ne reçoivent que 3 semaines de formation. Si nous voulons prendre la frontière au sérieux et l'utiliser pour protéger les Canadiens contre les choses et les gens qui ne devraient pas entrer au pays, les employés de première ligne doivent avoir la formation et l'équipement nécessaires.

Tout cela s'inscrit dans le cadre du changement de culture au sein de l'Agence des services frontaliers du Canada. Cette agence a subi un important changement depuis sa création. Avant la Première Guerre mondiale, elle était responsable de 75 p. 100 des recettes du gouvernement fédéral. Ce pourcentage est maintenant de moins d'un dixième de 1 p. 100.

Son Honneur le Président : Sénateur Kenny, je vous signale que vos 15 minutes sont écoulées.

Le sénateur Kenny : Si les honorables sénateurs le veulent bien, je pourrais finir en 30 secondes.

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Je pense avoir entendu quelqu'un dire cinq minutes.

Le sénateur Stratton : Au maximum.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Kenny : Je m'en tiendrai à 30 secondes. Nous tentons d'amorcer un important changement de culture au sein de l'ASFC. On demande à ses employés de cesser d'être des percepteurs de droits et de rechercher les petits trafiquants pour se concentrer plutôt sur les questions de sécurité nationale et détecter les gens qui veulent réellement nuire au Canada et aux Canadiens.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Nolin, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à siéger les 20, 21 et 22 juin 2005, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard; et

Que, si le Sénat est ajourné à ce moment-là pendant plus d'une semaine, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, en conformité avec l'article 95(3) du Règlement, à siéger les 20, 21 et 22 juin 2005.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : J'avais proposé l'ajournement dans l'espoir que le président du comité serait parmi nous ce soir pour nous expliquer les tenants et les aboutissants de cette demande. On nous a donné plusieurs explications. Par exemple, nous avons entendu dire que le comité se réunirait au lac Meech, mais maintenant je crois comprendre qu'il se réunira ici.

Peut-être le président pourrait-il nous dire où nous en sommes en ce qui concerne cette motion.

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, on a d'abord demandé la permission de siéger pendant trois jours afin de se pencher sur le rapport du comité. Le comité était disposé à siéger à un moment où le Sénat ne siégerait pas au cours de l'été, mais tel n'était pas le souhait de cette assemblée. Par conséquent, on a arrêté la date de trois réunions. Nous aurions préféré nous réunir au lac Meech, mais après nous être renseignés, nous avons décidé que les coûts associés à la traduction et aux transcriptions étaient élevés — quelques milliers de dollars — et que notre choix était difficile à justifier. Le meilleur endroit pour tenir nos réunions est sans contredit la salle des comités de l'édifice Victoria, où la traduction et la transcription n'entraînent pas de coûts supplémentaires. Qui plus est, les deux côtés du Sénat, ou à tout le moins le côté ministériel, je crois, se sont dits préoccupés par le fait que les sénateurs devraient se libérer avec un préavis d'une heure pour venir voter, le cas échéant. Nous allions prendre les dispositions nécessaires pour rentrer à Ottawa et poursuivre la réunion lorsque nous prévoyions tenir un vote. Combiné au facteur coût du déplacement au lac Meech, le besoin d'être sur place pour un vote nous a convaincus de tenir nos réunions dans l'édifice Victoria.

Le comité a tenu une réunion aujourd'hui et nous avons abordé plusieurs points. Nous avons indiqué aux employés de la Bibliothèque les études et autres renseignements dont nous avons besoin. Nous prévoyons la présentation de trois rapports sur le sujet à l'automne. Le sommaire des questions abordées fait plusieurs pages. Le comité tient des discussions sur ces questions, formule des commentaires, souscrit ou pas à ces questions, les modifie ou demande des informations complémentaires. Voilà le processus dans lequel nous sommes engagés.

(2140)

Le sénateur Stratton : À ma connaissance, un nombre appréciable d'anciens témoins ont été invités à comparaître. Nous ne sommes pas sûrs de l'exactitude de cette information, mais une clarification serait utile parce que cela a bien causé un peu de consternation des deux côtés quand nous avons entendu le nombre de témoins qui sont invités à assister à l'examen du rapport. Pourrions-nous obtenir un résumé de la situation actuelle?

Le sénateur Kenny : Je serai heureux de le faire. J'ai parlé longuement au leader du sénateur Stratton à ce sujet à ma dernière présence au Sénat. Le chiffre que j'ai entendu était manifestement exagéré.

Depuis trois ans, nous avons noué des relations avec une variété d'établissements, notamment des maisons d'enseignement, qui nous ont aidés dans la rédaction de documents. Nous nous sommes employés à tisser un réseau national de gens pouvant fournir de l'information susceptible d'aider le comité. Nous avons tenté de développer une sorte d'examen par des pairs d'une partie de notre travail préliminaire.

Nous prévoyions qu'entre 10 et 12 personnes seraient présentes. Je comprends la préoccupation du sénateur. J'ai entendu des estimations bizarres de l'ordre de 40 à 70 personnes. J'ignore la source de cette information, mais je sais que les membres du comité qui sont présents dans cette Chambre peuvent vous dire que ce nombre n'a jamais été envisagé ou prévu.

Comme nous n'étions pas certains que le comité se réunirait mardi ou mercredi, les invitations aux 10 ou 12 personnes que nous espérions accueillir à Ottawa pour la réunion de mercredi n'ont pas été lancées.

Le sénateur Stratton : J'ai une dernière question. Cette information figure dans le budget du comité. Ce budget a-t-il été approuvé pour que ces témoins soient présents pour examiner ce rapport?

Le sénateur Kenny : Honorables sénateurs, les témoins qui comparaissent devant les comités du Sénat sont payés à même le fonds du Sénat pour les témoins de 400 000 $. Cela vise non seulement les témoins qui comparaissent devant le Comité de la défense, mais également tous les témoins qui comparaissent devant les autres comités.

[Français]

LE SÉNAT

MOTION VISANT LA CRÉATION D'UN COMITÉ SPÉCIAL CHARGÉ D'EXAMINER L'ÉCART ENTRE LES RÉGIONS ET LES CENTRES URBAINS—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Marie-P. Poulin, conformément à l'avis du 15 juin, propose :

Qu'il y ait création d'un comité spécial du Sénat chargé d'examiner l'écart entre les régions et les centres urbains du Canada;

Que des recherches soient effectuées pour étayer et mettre à jour les faits et les données concernant cet écart;

Que des témoignages soient recueillis afin d'obtenir un aperçu des problèmes que connaissent les régions dans des secteurs socio-économiques tels que le transport, les communications, l'emploi, l'environnement;

Que ce comité spécial soit autorisé à recueillir des témoignages à Ottawa et en régions;

Que ce comité spécial soit composé de cinq membres, dont trois constituent le quorum, et que deux membres suffisent pour l'audition de témoins;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes et à obtenir des documents et des dossiers, au besoin, et à faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon ses instructions;

Que, conformément à l'article 95(3) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir même si le Sénat est ajourné;

Que le comité soit habilité à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, d'une manière qui perturbe le moins possible ses travaux;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 30 juin 2006 et qu'il conserve jusqu'au 30 septembre 2006 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer ses rapports auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

— Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots au sujet de cette motion. Pourquoi une étude sur le développement régional? Statistique Canada et toutes les recherches démontrent clairement qu'il y a un écart de plus en plus grand qui s'établit entre certains grands centres urbains et toutes nos communautés en région au Canada.

Nous savons qu'il y a un exode de notre population vers les grands centres et que les nouveaux Canadiens se dirigent également vers les grands centres. Quand nous avons été invités à siéger au Sénat, nous l'avons été en tant que représentants de différentes régions. S'il y a une raison d'être qui se perpétue depuis 1867, c'est bel et bien notre responsabilité en tant que représentants du pays tel qu'il était en 1867, mais surtout, tel qu'il se présente aujourd'hui.

Pourquoi nous attarder à cette question de l'écart? La mondialisation est présente dans tous les pays. Comment devrons- nous élargir notre vision de la politique publique?

[Traduction]

Honorables sénateurs, dans cette assemblée, nous avons l'expérience et les compétences, l'intérêt et la responsabilité voulus pour essayer de voir pourquoi il existe des écarts entre les régions du Canada et certains grands centres urbains. Comment notre pays peut-il s'assurer que chaque Canadien a vraiment la liberté de choisir où il va vivre?

(2150)

Permettez-moi de donner aux sénateurs un petit exemple. Il y a quelques mois, j'ai subi un bilan médical, et la jeune technicienne qui était chargée de certains tests s'est approchée de moi. Après avoir remarqué son nom sur le revers de son vêtement et je lui ai demandé d'où elle était originaire. Elle m'a répondu : « De Sudbury. » J'ai répondu : « Quelle coïncidence, moi aussi. »

Je lui ai demandé pourquoi elle était venue à Ottawa. Elle m'a dit qu'elle avait fait des études dans une spécialité médicale particulière, à Kingston, où elle avait rencontré son mari, mais que le seul endroit où ils avaient trouvé tous les deux un emploi, c'était Ottawa. Elle a dit qu'elle donnerait tout pour retourner à Sudbury. Je lui ai demandé pourquoi. Elle m'a dit que, d'abord, ils auraient les moyens d'y acheter une maison. Deuxièmement, ils pourraient probablement vivre au bord de l'eau, puisqu'il y a 330 lacs dans la région. Troisièmement, ils pourraient probablement fonder une famille parce qu'elle aurait le temps de se déplacer entre la maison, le travail et la garderie. Mais elle ne pouvait pas trouver de travail à Sudbury. Ils étaient très déçus.

Je me suis demandé pourquoi ils ne pouvaient pas trouver du travail à Sudbury. N'est-il pas injuste que les jeunes, qui aimeraient vivre dans de plus petites localités pour élever leurs enfants en raison de la qualité de vie et de l'accès aux services de garde, à de bons soins de santé et à de bonnes écoles ne peuvent pas trouver du travail dans ces localités?

La mondialisation nous permet de prendre un peu de recul et de nous demander si c'est ce que nous voulons pour notre pays dans dix, vingt ou trente ans.

Voilà, honorables sénateurs, la raison d'être de cette étude. C'est avec plaisir que je répondrai maintenant aux questions.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à demain, à 14 heures.)


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