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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro xx

Le mardi 12 décembre 2006
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 12 décembre 2006

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

LA SANCTION ROYALE

AVIS

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 12 décembre 2006

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que la très honorable Michaëlle Jean, Gouverneure générale du Canada, se rendra à la salle du Sénat, aujourd'hui, le 12 décembre 2006, à 17 h 15, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire de la Gouverneure générale,
Sheila-Marie Cook

L'honorable
        Président du Sénat
                Ottawa


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE PRÉSIDENT DE L'IRAN

LA CONFÉRENCE POUR NIER L'HOLOCAUSTE

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Les honorables sénateurs savent que ceux qui font fi de l'histoire sont condamnés à répéter les erreurs du passé. Que diraient les historiens à un dirigeant national qui chercherait intentionnellement à réécrire l'histoire dont nous avons été nous-mêmes témoins?

La Perse ancienne devrait enseigner des leçons d'histoire à l'Iran moderne. La Perse ancienne était dirigée par des autocrates dont les terribles programmes et proclamations n'ont laissé aucune trace, même pas dans les sables du temps.

Cette semaine, à Téhéran, le président de l'Iran a parrainé une conférence internationale dont le seul objectif est de nier l'Holocauste et de réviser l'histoire misérable du XXe siècle dont nous avons tous ici été témoins. L'histoire va sans aucun doute lui réserver le même sort qu'à ses lointains prédécesseurs.

En 1839, dans le petit village d'Europe de l'Est de Zhetel, un interprète prolifique des textes anciens de la thora est né. Il était appelé le Chofetz Chaim, comme le titre de son livre le plus célèbre. Le thème de ce livre était le recours au discours civil dans une société civilisée. Le titre de ce livre était tiré des psaumes 34:13 et 34:14 :

13 Quel est l'homme qui aime la vie, Qui désire la prolonger pour jouir du bonheur?

14 Préserve ta langue du mal, Et tes lèvres des paroles trompeuses.

Le Chofetz Chaim enseignait que chaque mot compte. Je voudrais réprimander le président de l'Iran et lui répéter les paroles anciennes tirées de la Bible : « Préserve ta langue du mal, Et tes lèvres des paroles trompeuses. »

(1410)

LE CONGRÈS DU PARTI LIBÉRAL DU CANADA

LES PROPOS ANTISÉMITES

L'honorable Yoine Goldstein : Honorables sénateurs, le Canada est un pays tolérant. Nous valorisons la diversité. Nous accueillons les différences. C'est donc avec consternation que nous avons appris que le congrès libéral tenu il y a dix jours a été marqué par des épisodes de racisme et d'antisémitisme haineux.

Arlene Perly Rae, l'épouse d'un candidat à la direction, a été abordée par un délégué qui l'a exhortée à ne pas voter pour M. Rae parce que « sa femme est juive ». Lorsqu'elle a répondu que la femme juive, c'était elle, le délégué s'est esquivé.

Les délégués ont reçu un dépliant par voie électronique dénonçant M. Rae pour avoir prononcé un discours devant le Jewish National Fund, un organisme de bienfaisance, il y a quelques années. Dans le dépliant, des propos discriminatoires étaient superposés sur un gros plan du visage de M. Rae.

M. Khaled Mouammar, président de la Fédération canado-arabe, qui a déjà été invité sur la Colline par le passé, a affirmé n'être pour rien dans cette affaire, mais dans un communiqué qu'il a publié jeudi dernier, la fédération disait approuver le contenu du dépliant et en a même repris certains passages. De plus, la Presse canadienne a en main un courriel de M. Mouammar faisant suivre ce dépliant répugnant à d'autres personnes. Son affirmation est donc un mensonge éhonté, tout comme son racisme est une attitude anti- canadienne éhontée.

Nous avons eu droit à d'autres exemples d'une attitude aussi regrettable. Sur son site web, un groupe pro-palestinien a exhorté ses délégués à ne pas voter pour Bob Rae parce que « nous ne voulons pas d'un autre premier ministre sioniste ».

Honorables sénateurs, le Canada que nous appuyons et le Canada auquel nous nous identifions est une société tolérante, ouverte et libre. Nous avons la chance de vivre dans un pays qui permet à chacun de s'exprimer librement, quelle que soit son opinion. Cette liberté d'expression ne s'applique toutefois pas aux propos racistes haineux. Si la Fédération canado-arabe souhaite être perçue et traitée comme un organisme responsable, elle devrait commencer par se débarrasser de son président, qui n'est qu'un menteur et un raciste.

L'honorable Mobina S.B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'aimerais parler de l'antisémitisme dans notre société. Nous sommes nombreux à avoir été indignés par les propos antisémites qui ont été prononcés à l'endroit de deux Canadiens exceptionnels, Bob Rae et Arlene Perly Rae, pendant le récent congrès à la direction du Parti libéral, tenu à Montréal.

Honorables sénateurs, selon moi, de tels commentaires sont tout à fait inacceptables dans ce Canada qui est le nôtre. Dans notre pays, de tels propos antisémites n'ont pas leur place. Je suis convaincue que tous les sénateurs se joindront à moi pour faire savoir en paroles et en actes, à de très faibles minorités, que nous n'acceptons pas de tels comportements.

J'ai la plus haute estime pour les Rae. J'ai eu l'avantage de travailler avec Bob Rae à de nombreuses reprises. Il m'a aidée lorsque j'étais l'envoyée du Canada pour la paix au Soudan. Il s'est rendu à Khartoum et il a tenu des ateliers sur le fédéralisme. Je puis témoigner du fait que, encore aujourd'hui, des Soudanais de toutes catégories sociales souhaitent voir Bob Rae revenir et travailler avec eux.

Par la suite, j'ai eu l'occasion de voir Bob Rae dans son travail concernant l'enquête sur Air India. À lui seul, il a rendu la dignité et donné espoir aux victimes du pire acte de terrorisme jamais perpétré au Canada, et ces victimes étaient d'origines diverses.

Au cours des dix derniers mois, j'ai travaillé de près avec Arlene Perly Rae et j'ai pu mesurer toute l'ampleur de son dévouement pour notre pays.

Le sénateur Grafstein a déposé devant le Sénat une motion concernant l'antisémitisme et, lorsque je prendrai la parole à ce sujet, je donnerai des détails concernant certains des défis que devra relever ma collectivité à Vancouver.

Honorables sénateurs, le temps est venu pour nous tous ici et pour tous les Canadiens de dire haut et fort que, dans le Canada qui est le nôtre, nous avons tous la tâche de réunir les divers fils qui forment notre pays en un tissu harmonieux et que nous n'acceptons pas les agissements de ceux qui voudraient détruire la trame de notre société.

Nous nous souvenons tous des sages paroles prononcées par le pasteur Martin Niemöller :

Lorsqu'ils ont arrêté les communistes, je n'ai rien dit, car je n'étais pas communiste.

Ils ont arrêté les juifs, et je n'ai rien dit, car je n'étais pas juif.

Ils ont arrêté les catholiques, et je n'ai rien dit, car j'étais protestant.

Puis, ils m'ont arrêté, et il ne restait plus personne pour me défendre.

(1415)

Honorables sénateurs, je suis convaincue que vous allez vous joindre à moi pour dire que, dans notre Canada, nous n'acceptons pas l'antisémitisme, nous ne le tolérons pas et il n'a pas sa place. Honorables sénateurs, nous devons dénoncer tout comportement antisémite.

Des voix : Bravo!

MME LAURA GAINEY

PERDUE EN MER

L'honorable Francis William Mahovlich : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler de Laura Gainey, fille du directeur général du Canadien de Montréal, Bob Gainey. Elle faisait partie de l'équipage du Picton Castle, un trois-mâts barque à voile carrée à mâts de plus de 25 mètres, à laquelle elle s'était jointe pour la première fois comme matelot à Cape Town, en Afrique du Sud, en avril dernier.

Laura était un marin dans l'âme. Elle était passionnée et travaillante. Elle était très aimée et respectée de l'équipage. Elle a été tragiquement emportée par-dessus bord, le vendredi 8 décembre, par une fausse lame, pendant une tempête où le navire a dû affronter des vents de 40 nœuds et des vagues de 7 mètres. La famille et les amis de Laura, ainsi que les Gardes côtières canadienne et américaine, l'ont cherchée. Malheureusement, hier soir, la Garde côtière a mis fin à ses recherches. Un membre de l'équipage a cependant affirmé que le grand voilier, le Picton Castle, poursuivrait ses recherches.

Je veux faire part à la famille Gainey de ma profonde tristesse et lui exprimer tous mes vœux de sympathie. Je veux que les membres de la famille sachent que nous prierons pour eux tandis qu'ils attendent et espèrent des nouvelles de cette jeune femme énergique.

[Français]

LE GÉNOCIDE

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, vendredi dernier, j'ai conclu mon témoignage au Tribunal international d'Arusha sur le génocide du Rwanda, 12 ans après, et, par le fait même, j'ai terminé ma mission comme commandant. Cependant, le génocide n'est pas terminé parce qu'il y a un tribunal. D'ailleurs, on voit qu'au Darfour, il y a un génocide qui se perpétue.

Récemment, on a invité M. Mendes, le sous-secrétaire général des Nations Unies pour la prévention du génocide, à venir nous adresser la parole. Les membres des deux Chambres du Parlement ont participé à cette session.

[Traduction]

Je voudrais rappeler aux honorables sénateurs qu'à 18 heures, à la pièce 362 de l'édifice de l'Est, se tiendra la première réunion du Groupe parlementaire multipartite pour la prévention du génocide. Ce groupe permettra aux sénateurs de se tenir au courant et de participer à la diffusion de l'information. En tant que pays et puissance moyenne jouant un rôle actif, nous pouvons aller au-delà de nos frontières et penser plus loin que nos régions. Nous devons penser que nos valeurs et les principes que nous défendons s'appliquent autant aux populations de régions comme le Darfour, au Soudan, où les massacres sont fréquents, et aux démocraties naissantes qui essaient de s'en tirer avec notre aide, comme l'Afghanistan.

Je veux terminer aujourd'hui en rappelant qu'il y a 60 ans, un groupe d'épouses de guerre arrivait de l'étranger avec le produit du bal de la victoire, et j'en étais. Ma mère et moi sommes arrivés ici il y a 60 ans, au quai 21. Je remercie VIA Rail et le ministre des Transports de nous avoir permis de commémorer le jour où une terrible guerre avait enfin des retombées heureuses, avec l'arrivée au Canada de 70 000 femmes et enfants.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L'ADMINISTRATION CANADIENNE DE LA SÛRETÉ DU TRANSPORT AÉRIEN

DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, l'examen de la Loi sur l'administration canadienne de la sûreté du transport aérien.

LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LES ACTIONS DES RESPONSABLES CANADIENS RELATIVEMENT À MAHER ARAR

DÉPÔT DU DEUXIÈME RAPPORT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport de la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar.

[Traduction]

PROJET DE LOI SUR LA COMPÉTENCE DES PREMIÈRES NATIONS EN MATIÈRE D'ÉDUCATION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE

RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Gerry St. Germain, président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :

Le mardi 12 décembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-34, Loi concernant la compétence en matière d'éducation sur les terres autochtones en Colombie-Britannique, a, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 11 décembre 2006, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport, sans propositions d'amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
GERRY ST. GERMAIN, C.P.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur St. Germain, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

(1420)

[Français]

L'ÉTUDE SUR LES PRÉOCCUPATIONS DES PREMIÈRES NATIONS CONCERNANT LE PROCESSUS DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ DES PEUPLES AUTOCHTONES

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Négociations ou affrontements : le Canada a un choix à faire, lequel fait des recommandations visant à améliorer l'efficacité du processus fédéral de règlement des revendications particulières.

(Sur la motion du sénateur St. Germain, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

L'ÉTUDE SUR L'ÉQUILIBRE FISCAL ENTRE LES DIVERS ORDRES DE GOUVERNEMENT DU CANADA

DÉPÔT DU RAPPORT PROVISOIRE DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport provisoire du Comité sénatorial permanent des finances nationales intitulé L'équilibre fiscal horizontal : vers une démarche fondée sur des principes.

(Sur la motion du sénateur Day, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

FINANCES NATIONALES

BUDGET—ÉTUDE DES QUESTIONS CONCERNANT L'ÉQUILIBRE FISCAL ENTRE LES DIFFÉRENTS ORDRES DE GOUVERNEMENT—PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Joseph A. Day, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :

Le mardi 12 décembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre Comité, qui a été autorisé par le Sénat le 27 septembre 2006 à examiner, pour en faire rapport, les questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement du Canada, demande respectueusement que des fonds lui soient approuvés pour l'année financière 2006-2007.

Conformément au Chapitre 3:06, section 2(1)(c), du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
JOSEPH A. DAY

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 958.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Day, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

LA LOI SUR LES JUGES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES

L'honorable Joseph A. Day, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :

Le mardi 12 décembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

NEUVIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les juges et d'autres lois liées aux tribunaux, a, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 11 décembre 2006, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement. Votre Comité joint à ce rapport certaines observations relatives au projet de loi.

Respectueusement soumis,

Le président,
JOSEPH A. DAY

Observations au neuvième rapport du Comité
sénatorial permanent des finances nationales

Votre Comité s'inquiète du fait que le ministère de la Justice place des amendements d'ordre technique dans un projet de loi qui, de l'avis du Comité, devrait essentiellement constituer une réponse au rapport de la Commission d'examen de la rémunération des juges et, en tant que telle, ne porter que sur les modifications à la Loi sur les juges.

Un représentant du ministère de la Justice a fait savoir au Comité qu'il existe des difficultés à traiter les amendements d'ordre technique tels que ceux qui se trouvent à la partie 2 du projet de loi C-17 par la voie d'une Loi corrective. Votre Comité encourage donc le ministère de la Justice à revoir ses pratiques afin d'établir un mécanisme permettant de résoudre ces questions. Votre Comité attend avec intérêt un suivi du ministère de la Justice à ce sujet.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Nolin, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

(1425)

PROJET DE LOI SUR LES PONTS ET TUNNELS INTERNATIONAUX

RAPPORT DU COMITÉ DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

L'honorable Lise Bacon, présidente du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, présente le rapport suivant :

Le mardi 12 décembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-3, Loi concernant les ponts et tunnels internationaux et modifiant une loi en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 24 octobre 2006, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les amendements suivants :

1. Article 7, page 3 : Remplacer les lignes 4 à 10 par ce qui suit :

« (1.1) Le ministre peut, s'il est d'avis que, eu égard aux circonstances, il est nécessaire de le faire, consulter le gouvernement provincial et l'administration municipale ayant compétence à l'égard du lieu où se trouve le pont ou tunnel international à modifier ou de celui où il sera construit ainsi que toute personne qu'il estime directement intéressée en l'occurrence. ».

2. Article 15, page 7 : Remplacer, dans la version française, les lignes 35 et 36 par ce qui suit :

« gouvernement provincial et la municipalité ayant compétence à l'égard de tout. »

3. Article 24, page 11 : Remplacer les lignes 11 à 17 par ce qui suit :

« (1.1) Le ministre peut, s'il est d'avis que, eu égard aux circonstances, il est nécessaire de le faire, consulter le gouvernement provincial et l'administration municipale ayant compétence à l'égard du lieu où se trouve le pont ou tunnel international faisant l'objet de la demande ainsi que toute personne qu'il estime directement intéressée en l'occurrence. »

Votre Comité a aussi fait certaines observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
LISE BACON

Observations
annexées au sixième rapport du Comité sénatorial
 permanent des transports et des communications

Reconnaissant que les ponts et les tunnels transfrontaliers sont d'intérêt national, les membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications appuient l'intention du projet de loi C-3, Loi concernant les ponts et tunnels internationaux, soit renforcer la responsabilité fédérale et faciliter la circulation des personnes et des biens sur ces ponts et dans ces tunnels. Le Comité convient de la nécessité de règles et politiques uniformes à tous ces passages frontaliers, peu importe leur taille, leur propriétaire ou leur exploitant, en particulier en ce qui concerne la sûreté et la sécurité des ouvrages. Cependant, malgré son appui au projet de loi, le Comité aimerait aborder quelques-unes des préoccupations particulièrement retentissantes que causent aux parties prenantes certaines dispositions du projet de loi et déclarer qu'il espère que le projet de loi n'entravera pas les ouvrages de franchissement de la frontière internationale ayant déjà fait l'objet d'un accord.

On nous a dit que les dispositions du projet de loi qui permettent au ministre des Transports de régir les types de véhicules pouvant emprunter le pont ou le tunnel pourraient nuire à la santé financière des ouvrages actuels. Questionnés sur ce sujet, les fonctionnaires ont répondu sans équivoque que le Ministre ne détournerait la circulation que pour éviter la congestion. Comme le dit l'un d'eux, « on ne redirigerait la circulation que si cela est nécessaire à la libre circulation des biens et des personnes ». Le Comité encourage le ministre des Transports à n'utiliser cette disposition que pour corriger les problèmes de circulation qui surviennent et non pour s'ingérer autrement.

On nous a dit également que la confidentialité de l'information commerciale que le ministre des Transports peut réclamer du propriétaire ou de l'exploitant d'un ouvrage n'est peut-être pas suffisamment protégée par le projet de loi. Réapparaissant devant le Comité, les fonctionnaires nous ont cependant donné l'assurance que la législation fédérale actuelle suffit à protéger la confidentialité de l'information du propriétaire et de l'exploitant. Comme le dit un fonctionnaire, « dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, nous retrouvons des dispositions qui protègent de façon très efficace les renseignements personnels qui sont déposés au gouvernement ». Ce témoin note également que l'article 51 de la Loi sur les transports au Canada, donné par les intervenants en exemple de la protection explicite recherchée, a en fait pour objet de permettre au Ministre de divulguer l'information confidentielle, non de la protéger. En outre, quand les avocats du Ministère ont examiné les besoins particuliers des intervenants dans le projet de loi et la pertinence d'autres mesures de protection, ils ont conclu que les protections des autres lois suffisaient. Cependant, le Comité se demande encore pourquoi la protection renforcée de la Loi sur les transports au Canada n'a pas été reprise dans ce projet de loi.

Quant à la participation éventuelle du fédéral dans de futurs ouvrages transfrontaliers, le Comité s'est fait dire que les dispositions du projet de loi qui permettent au ministre des Transports de recommander au gouverneur en conseil d'approuver ou de refuser un projet mettraient le Ministre en situation de conflit d'intérêts. Sur ce point, les fonctionnaires constatent qu'à l'heure actuelle, Transports Canada n'est ni propriétaire ni exploitant d'un pont ou d'un tunnel transfrontalier. Les ouvrages fédéraux appartiennent à des sociétés d'État autonomes même si elles relèvent du ministre des Transports. Pour citer un fonctionnaire, « le Ministre n'a absolument aucun pouvoir sur les activités quotidiennes de ces organisations, y compris celles qui portent sur la sûreté et la sécurité ». Par conséquent, étant donné l'autonomie et les dispositions d'exploitation en vigueur pour les ouvrages fédéraux actuels, le Comité est convaincu que le Ministre ne se placera pas en conflit d'intérêts dans l'avenir. Cependant, ce dernier doit être particulièrement sensible à toute situation où il y aurait apparence de conflit pour le gouvernement fédéral, en particulier quand les intérêts d'une entreprise privée sont en jeu.

Enfin, le Comité s'est penché sur l'allégation d'un intervenant qui a dit que les municipalités n'auraient pas la garantie d'être entendues sur les projets d'ouvrages transfrontaliers qui les concernent. Questionnés à ce sujet, les fonctionnaires nous ont expliqué qu'un projet d'ouvrage transfrontalier déclencherait certainement une évaluation en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et qu'il faudrait alors nécessairement consulter les municipalités. Par conséquent, imposer une obligation supplémentaire au ministre des Transports de consulter les municipalités dans ce projet de loi en compromettrait l'intention de simplification. Un cadre complet de consultation municipale existe dans d'autres lois, mais il faut savoir que le présent projet de loi a été amendé dans l'autre Chambre pour faire référence à la consultation municipale. Le Comité convient de la nécessité d'insister davantage sur la consultation des municipalités et de répondre à leurs craintes, étant donné que les ponts et les tunnels peuvent avoir un impact radical sur leur planification urbaine.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

[Traduction]

Le sénateur Bacon : Honorables sénateurs, avec votre permission, plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la permission est- elle accordée?

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je ne refuse pas le consentement, mais c'est la troisième fois aujourd'hui que l'on demande le consentement. Quelqu'un pourrait-il nous expliquer pourquoi? Dois-je comprendre que nous voulons ajourner tôt et que c'est pour cela que nous voulons accélérer les choses? C'est une raison tout à fait justifiée. Quelqu'un pourrait-il me répondre? Est- ce qu'il y a seulement quelqu'un qui sait pourquoi?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Je remercie notre collègue de sa question. Pour ce qui est de ces trois projets de loi, comme nous approchons de Noël et que nous aimerions aborder certains de ces articles plus tard aujourd'hui et comme il n'y a pas beaucoup d'initiatives ministérielles à l'ordre du jour, nous aimerions les examiner aujourd'hui, si nous le pouvons.

Le sénateur Cools : Afin d'aider à accélérer les choses, pour que nous puissions passer Noël avec nos familles, je serai heureuse de donner mon consentement.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Bacon, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

(1430)

PÊCHES ET OCÉANS

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à siéger à 19 heures aujourd'hui, le mardi 12 décembre, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à siéger à 18 heures aujourd'hui, le mardi 12 décembre 2006, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE DE PRÉSENTATION DE SON RAPPORT FINAL SUR L'EXAMEN DES QUESTIONS RELATIVES À L'AFRIQUE

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 28 septembre 2006, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, autorisé à examiner, pour en faire rapport, les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent; la politique étrangère du Canada envers l'Afrique; ainsi que d'autres sujets connexes, soit habilité à reporter la date de présentation de son rapport final du 22 décembre 2006 au 15 février 2007; et

Que le Comité conserve jusqu'au 31 mars 2007 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

AGRICULTURE ET FORÊTS

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger aujourd'hui, le mardi 12 décembre 2006, à 19 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(1435)

[Français]

LES JEUNES BÉNÉVOLES

DÉPÔT D'UNE PÉTITION

L'honorable Jean Lapointe : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une pétition de résidants des quatre coins du Canada qui demandent au Parlement d'adopter une loi ou prendre des mesures permettant à tout jeune citoyen canadien qui en exprime le désir de servir la communauté à titre de volontaire à l'échelle nationale ou internationale.

Une coalition d'ONG intéressées par le bénévolat des jeunes Canadiens au Canada et à l'étranger ont fait signer une pétition par leurs membres et ont recueilli 60 000 signatures. Parmi les membres de ladite coalition, il y a entre autres Jeunesse Canada Monde, Développement et Paix, Oxfam Canada et Katimavik. Ces organismes ont à cœur les intérêts de nos jeunes et des jeunes du monde entier. C'est pourquoi je dépose aujourd'hui cette pétition qui compte 3 000 signatures.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LES FINANCES

LES COMPRESSIONS BUDGÉTAIRES

L'honorable Daniel Hays (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole pour poser au leader du gouvernement au Sénat une question qui s'apparente aux questions que nous posons souvent récemment. Elle porte sur les compressions de 1 milliard de dollars, particulièrement celles touchant l'alphabétisation, les bureaux de Condition féminine Canada, l'environnement et ainsi de suite.

Plus tôt aujourd'hui, l'opposition officielle a tenu une conférence de presse au sujet d'une lettre, obtenue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, selon laquelle le gouvernement prévoit sabrer 7,4 milliards de dollars additionnels en plus des compressions de 1 milliard de dollars déjà effectuées. On ne connaît pas encore les détails, ou du moins je ne les connais pas, mais, selon cette lettre, le gouvernement a l'intention, par exemple, de faire des compressions de 584,5 millions de dollars dans les programmes environnementaux à Ressources naturelles Canada. Fait intéressant, selon le document reçu, ces compressions toucheraient notamment le programme Encouragement éconergétique ÉnerGuide pour les maisons, le programme ÉnerGuide pour les ménages à faible revenu et le Programme pour bâtiments communautaires et institutionnels.

Comme les sénateurs le savent, cette nouvelle n'a pas été bien accueillie par les parlementaires de l'opposition et, je crois qu'il serait juste de dire, par l'ensemble des Canadiens.

Est-ce effectivement ce que le gouvernement prévoit faire? Quand pouvons-nous nous attendre à avoir tous les détails des compressions prévues si c'est effectivement là le plan du gouvernement?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. Je n'ai aucune idée de ce à quoi l'opposition fait allusion. Je ne peux pas commenter un communiqué de presse ou une déclaration venant de ce parti. Comme le ministre des Finances est en train de préparer le prochain budget, nous nous affairons actuellement à consulter les Canadiens à cet égard. Le sénateur peut certainement comprendre que je ne peux pas répondre à quelque chose dont je ne sais absolument rien, et je ne peux pas prendre pour des faits les opinions exprimées par l'opposition.

Le sénateur Hays : Si madame le leader du gouvernement au Sénat n'a pas de renseignements, je comprends. Toutefois, de ce côté-ci, nous avons des détails fournis dans une lettre datée du 27 novembre. La demande émane de l'Agence libérale fédérale du Canada. C'est Ressources naturelles Canada qui a énuméré les compressions dans les programmes, que j'ai décrites il y a un instant, à savoir 584,5 millions de dollars pour des programmes de RNCan et de 6 852,5 milliards de dollars pour d'autres programmes gouvernementaux, pour un total de quelque 7,5 milliards de dollars.

Lorsqu'elle se renseignera, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait peut-être demander si cela est exact et, dans l'affirmative, en quoi consistent les compressions de 6,8 milliards de dollars dans d'autres secteurs. On peut présumer qu'il s'agit de secteurs qui ont déjà été touchés et que les réactions seront les mêmes que celles dont le gouvernement a déjà été témoin.

(1440)

De toute façon, voilà les renseignements additionnels que j'aimerais obtenir. J'espère que nous pourrons reprendre la question demain.

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur Hays de sa question. Le sénateur parle de compressions. Lorsque nous avons fait l'examen des dépenses l'été dernier, nous avons réalisé des économies dans plusieurs secteurs.

Le gouvernement mettra en œuvre de nombreux programmes qui diffèrent de ceux que le gouvernement précédent avait instaurés. Je vais devoir lire les communiqués, car je ne sais pas exactement de quels programmes parle le sénateur Hays. Toutefois, nous appuierons de nombreux programmes, par exemple les programmes qui touchent la condition féminine et qui répondent aux besoins des Canadiennes là où elles vivent et travaillent.

Dans le cas des programmes qui relèvent du ministre des Ressources naturelles, M. Lunn, j'ai la certitude que si certains ont été annulés — il y a des programmes qu'il a décidé d'abandonner —, cela ne veut pas dire que nous n'allons pas remplacer des programmes jugés non efficaces compte tenu des fonds publics qui y sont affectés; le ministre va les remplacer par de meilleurs programmes.

L'opposition a donc bien tort d'émettre un communiqué disant qu'il s'agit là de suppressions de programmes et qu'il n'y aura finalement rien en retour pour les consommateurs et les contribuables canadiens, alors qu'en réalité le gouvernement entend mettre en œuvre sur de nombreux autres fronts des programmes qui, à notre avis, répondront nettement mieux aux besoins des Canadiens et leur en donneront davantage pour leur argent si durement gagné.

Le sénateur Hays : La ministre saura que ce n'est pas l'opposition qui annonce les compressions, mais c'est l'opposition qui rend publics les renseignements indiquant que le gouvernement entend procéder à ces compressions.

Je signale que, juste en ce qui concerne les programmes sur lesquels nous en savons le plus, soit ceux de RNCan, ce sont des mesures provenant de la mise à jour économique et financière mises en œuvre en vertu du projet de loi C-66 et dont le coût cumulatif s'appliquera de 2005-2006 à 2010-2011. Or, le gouvernement supprime les programmes que je viens de mentionner — par exemple ÉnerGuide pour les maisons, le Programme pour bâtiments communautaires et institutionnels, le Programme d'allégement des coûts pour les systèmes de chauffage domiciliaire et l'initiative Encouragement à la production d'énergie renouvelable, — des programmes qui visent tous directement l'atteinte de nos objectifs environnementaux grâce à une plus grande efficacité énergétique, à la réduction des émissions de gaz carbonique et de composés organiques volatiles, qui sont les autres objectifs du projet de loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique sous forme de précurseurs d'ozone ou de smog.

Il y a pas mal de détails dans ce document que je voudrais remettre à madame le leader. Je comprends que tant qu'elle ne l'aura pas vu, je ne pourrai pousser plus loin mes interrogations. Encore une fois, ma principale question est la suivante : quels sont les autres programmes? Je le demande parce que cela expliquerait en grande partie les compressions.

Le sénateur LeBreton : Je suis heureuse d'entendre le sénateur reconnaître au moins que ce ne sont pas nécessairement des suppressions de programmes et que d'autres programmes sont prévus. Je regarderai volontiers le communiqué et tenterai de fournir une réponse sans dévoiler les annonces que pourrait faire le gouvernement en matière d'environnement.

Le sénateur Hays : En guise de dernier éclaircissement, dans le préambule à ma question, je n'ai pas fait allusion à de nouveaux programmes que j'aurais pu voir dans ces documents.

Le sénateur LeBreton : Je sais que le sénateur n'a mentionné aucun nouveau programme, mais finalement, si j'ai bien entendu sa question, il a demandé ce qui pourrait être annoncé pour compenser les suppressions de programmes. À mon avis, le sénateur reconnaît ainsi qu'il ne s'agit pas nécessairement de suppressions, mais qu'il attend autre chose à la place.

Le sénateur Hays : On verra bien s'il y aura autre chose à la place. Pour l'instant, ce sont surtout les suppressions qui retiennent mon attention.

(1445)

Le sénateur Rompkey : Ce sont les coupes les plus cruelles de toutes.

Le sénateur Tkachuk : Vous me coupez le souffle, sénateur Rompkey.

L'ENVIRONNEMENT

LES PROGRAMMES DE LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES—LES VÉRIFICATIONS ET LES ÉVALUATIONS

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, à propos de compressions, la ministre de l'Environnement et madame le leader du gouvernement au Sénat ont répété maintes fois que leur gouvernement a annulé les programmes de lutte contre les changements climatiques mis sur pied par le gouvernement précédent parce qu'ils étaient inefficaces.

Comme le gouvernement a pris une décision aussi importante, compte tenu de nos engagements à l'égard du Protocole de Kyoto, on penserait qu'il disposerait de données, d'études ou d'un moyen de déterminer si ces programmes étaient inefficaces. Ce n'est tout simplement pas le cas.

Le 31 mai, j'ai présenté une question par écrit pour demander ces données et je ne les ai pas obtenues. Par conséquent, je peux seulement conclure qu'il n'en existe probablement pas. Lorsque la ministre de l'Environnement a comparu devant le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, elle a fait une révélation étonnante. Elle a dit :

Vous devriez également savoir qu'on n'a jamais effectué une vérification ou un examen exhaustif à l'égard des programmes relatifs aux changements climatiques à l'échelle du gouvernement. On n'a jamais fait cela.

J'aimerais que madame le leader du gouvernement au Sénat me dise comment, si madame la ministre de l'Environnement n'a jamais effectué évaluation ou vérification de ces programmes de lutte contre les changements climatiques, elle et le gouvernement savent que ces programmes étaient assez inefficaces pour être annulés.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le bilan du gouvernement précédent à l'égard des changements climatiques se passe d'explications. Les chiffres ont augmenté au lieu de baisser. Selon un rapport dont l'auteur serait le nouveau chef du Parti libéral, l'honorable Stéphane Dion, si l'ancien premier ministre a signé le Protocole de Kyoto, c'était pour damer le pion aux États-Unis. Soit dit en passant, les États-Unis nous ont surpassés au chapitre des progrès réalisés.

Honorables sénateurs, le gouvernement s'est engagé à réaliser des progrès significatifs pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à plus long terme. Nous n'utiliserons pas l'argent des contribuables, comme le proposait l'ancien gouvernement, pour acheter des crédits dans d'autres pays.

J'ai vu une partie du témoignage de la ministre de l'Environnement, l'honorable Rona Ambrose, devant le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. J'ai trouvé qu'elle avait fort bien répondu aux questions. Elle connaît bien le dossier. Cela est tout à son honneur et à l'honneur du gouvernement.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, contrairement aux affirmations de la ministre Ambrose et du leader du gouvernement au Sénat qui prétendent que ces programmes sont inefficaces et qu'ils doivent être annulés, j'ai en main un document d'information préparé par Ressources naturelles Canada à l'intention de la ministre que j'ai obtenu par l'intermédiaire de la Loi sur l'accès à l'information et qui présente une conclusion bien différente. On peut y lire ce qui suit :

L'étude menée par le Secrétariat du Conseil du Trésor a évalué les programmes en tenant compte des critères qui penchaient fortement en faveur de l'efficacité et de la rentabilité. Tous les programmes de Ressources naturelles Canada ont été considérés comme satisfaisant les objectifs ou même les surpassant. L'économie d'énergie et les programmes renouvelables ont été jugés efficaces pour stimuler la réduction des émissions et permettront des réductions de plus de 20 mégatonnes d'ici 2010, en grande partie à un coût inférieur à 10 $ la tonne, ce qui est très rentable.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous donner de la documentation pour répliquer à l'étude faite par le ministère, à l'évaluation et aux notes fournies à la ministre qui affirmaient que les programmes étaient efficaces, et non inefficaces? Garderons-nous l'impression que la décision finale sur la disparition de ces programmes était fondée sur une idéologie aveugle, chauvine et limitée plutôt que sur des faits, des évaluations et des analyses?

(1450)

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur Mitchell de sa question, et je suis désolée qu'il n'ait pas reçu de réponse à sa question du 31 mai. Je vais tenter de voir ce qui s'est produit. Je crois que la plupart des sénateurs conviennent que le gouvernement a répondu assez rapidement aux questions des sénateurs. Je présume qu'il y a eu erreur dans ce cas parce que le sénateur attend une réponse depuis beaucoup trop longtemps.

En ce qui a trait au document de Ressources naturelles Canada et à la demande d'accès à l'information dont le sénateur a parlé, je devrai consulter une copie du rapport. Je prendrai donc note de la question du sénateur Mitchell et je lui promets qu'il n'aura pas à attendre six mois avant d'obtenir une réponse.

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ—LE PROJET D'ÉLIMINATION DE LA FONCTION DE GUICHET UNIQUE DE VENTE

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, le ministre de l'Agriculture a fait savoir hier qu'il allait tenir, en janvier et en février, un plébiscite sur la commercialisation de l'orge auprès des membres de la Commission canadienne du blé. Il s'est en outre engagé à poser aux agriculteurs une question claire à propos de l'orge : souhaitent-ils avoir une plus grande liberté de choix en matière de commercialisation de l'orge?

Lors des élections à la Commission canadienne du blé qui ont eu lieu récemment, les deux tiers des votes ont été favorables au guichet de vente unique, et huit des dix agriculteurs administrateurs qui ont été élus sont en faveur du guichet de vente unique. Le ministre estime que les agriculteurs devraient s'exprimer et il a promis de les écouter.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Est- ce tout ce que le gouvernement compte faire, écouter? Il est de plus en plus clair que le gouvernement n'écoute pas et qu'il est déterminé à faire disparaître la Commission canadienne du blé. Je suis certaine que nombreux sont les agriculteurs de l'Ouest qui aimeraient beaucoup que le gouvernement attende d'avoir entendu ce qu'ils ont à dire avant de poursuivre cet horrible projet de démantèlement de la Commission canadienne du blé pour des motifs d'ordre idéologique peu judicieux.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie l'honorable sénateur d'avoir posé la question. Le gouvernement n'a jamais dit qu'il allait faire disparaître la Commission canadienne du blé. Le gouvernement a fait campagne, lors des dernières élections, en promettant la liberté de choix en matière de commercialisation, pour que les agriculteurs puissent vendre leurs produits directement sur le marché ou en passant par la Commission canadienne du blé.

En ce qui concerne l'élection des nouveaux administrateurs de la Commission canadienne du blé, nous vivons dans une société libre et démocratique. Ces personnes ont été élues, et le gouvernement va s'employer vigoureusement, de concert avec ces nouveaux administrateurs, à garantir que la Commission canadienne du blé soit viable comme organisme chargé de vendre le blé canadien. Le gouvernement n'a jamais dit qu'il allait démanteler la Commission canadienne du blé.

Pour répondre à la question du sénateur à propos de l'orge, le ministre de l'Agriculture s'est engagé à tenir un plébiscite sur l'orge au début de janvier 2007. Ce plébiscite n'a rien d'idéologique. Un grand nombre de producteurs d'orge ont réclamé la possibilité de se prononcer, et ils auront l'occasion de le faire au début de l'année prochaine. Les résultats du vote nous diront ce que les producteurs souhaitent que le gouvernement fasse dans ce dossier.

Madame le sénateur Milne vient de l'Ontario, et je luis sais gré de l'intérêt qu'elle porte aux producteurs de blé et d'orge de l'Ouest, mais j'aimerais lui faire remarquer que l'Ontario est un grand producteur de blé, ce que peu de gens semblent savoir. Il fut un temps où l'Ontario figurait au nombre des plus grands producteurs de blé au Canada. Le blé cultivé en Ontario se vend sur trois marchés : le marché canadien, le marché américain et le marché hors frontière. Les producteurs ontariens de blé jouissent d'une liberté de choix complète en matière de commercialisation. Ma foi, je ne peux pas m'expliquer que madame le sénateur Milne ne souhaite pas que les producteurs de l'Ouest jouissent des mêmes droits.

Le sénateur Milne : Madame le leader a raison. L'Ontario était le plus grand producteur de blé jusqu'à ce qu'on y crée le blé Red Fife.

(1455)

Malheureusement, les gestes sont plus éloquents que les mots, et les gestes du gouvernement actuels en disent long.

Je crois que le premier ministre du Manitoba, Gary Doer, a aussi parlé du résultat des élections avec le premier ministre Stephen Harper, lorsqu'il l'a rencontré hier. Apparemment, il a dit au premier ministre Harper que les résultats étaient incontestablement favorables au maintien du rôle de guichet unique de la Commission canadienne du blé. Il a exhorté le premier ministre à tenir un référendum sur le blé. En fait, le Manitoba tient son propre référendum facultatif sur le blé.

Deux questions intéressantes se trouvent ainsi soulevées. Le gouvernement a-t-il peur d'entendre ce qu'ont à dire les agriculteurs de l'Ouest? Quelle est la position du Parti conservateur du Canada pour ce qui est de la date d'un éventuel référendum sur la Commission canadienne du blé?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, nous n'avons pas peur du tout. Nous avons fait campagne et avons été élus en préconisant le libre choix du mode de commercialisation. Je vous répète que nous n'avons jamais dit que nous allions « faire disparaître » la Commission canadienne du blé, pour reprendre l'expression du sénateur Milne. Je ne sais pas pourquoi madame le sénateur considère que nous agissons de façon antidémocratique, alors même que nous allons tenir un référendum parmi les producteurs d'orge au début de l'an prochain et que nous sommes favorables au droit d'élire directement les membres du conseil d'administration de la Commission canadienne du blé. Tout cela est très démocratique.

Par ailleurs, je n'ai pas été mise au courant des conversations entre le premier ministre du Canada et le premier ministre du Manitoba, mais je sais que le premier ministre Doer a fait cette déclaration publique. Il a d'ailleurs été passablement critiqué pour avoir décidé de procéder de cette manière et d'imposer une dépense totalement inutile aux contribuables du Manitoba, alors que le ministre de l'Agriculture entretient un dialogue avec les agriculteurs et les autres acteurs du domaine dans l'Ouest canadien. Comme je l'ai dit, les producteurs d'orge auront l'occasion de voter dans le cadre d'un référendum qui aura lieu au début de l'an prochain. Nous allons attendre les résultats de ce référendum. Nous considérons que la Commission canadienne du blé peut être utile si les agriculteurs décident d'y avoir recours pour la commercialisation de leurs produits.

Le sénateur Milne : Madame le sénateur LeBreton n'a pas répondu à ma question. Quand le référendum sur la commercialisation du blé aura-t-il lieu?

Le sénateur LeBreton : Je suis désolée, j'ai raté cette partie de la question.

Chaque chose en son temps. Le référendum sur l'orge aura lieu au début de janvier. Je vais prendre note de la question portant sur les intentions du ministre Strahl relativement au vote sur le blé.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA SOMALIE—LA GUERRE CIVILE

L'honorable Mobina S.B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne la situation qui se dégrade en Somalie.

La Somalie a connu la sécheresse, la guerre et l'anarchie. Les récentes inondations ont fait un million de sans-abri. Depuis la formation du gouvernement fédéral provisoire, en 2004, le pays se dirige vers une nouvelle guerre. Cette tendance s'est accélérée et les pourparlers de paix ont échoué. Le bras de fer entre le gouvernement fédéral provisoire et les tribunaux islamiques, qui ont maintenant l'emprise sur Mogadiscio, menace d'étendre le conflit à la majeure partie du Sud avec, vraisemblablement, des attaques terroristes contre des pays voisins.

Le succès des tribunaux islamiques et la montée des djihadistes extrémistes ont causé bien des remous dans la communauté internationale. Bon nombre de pays sont déterminés à empêcher que la Somalie devienne l'équivalent africain de l'Afghanistan des talibans.

Que fait le gouvernement pour aider les Somaliens?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie madame le sénateur de son excellente question. Le Canada, comme d'autres pays, a d'énormes défis à relever en Somalie, au Darfour et dans bien d'autres régions du monde. Il n'y a pas de solution facile à ce problème. Le ministre des Affaires étrangères surveille la situation et consulte les fonctionnaires de son ministère.

(1500)

Malheureusement, il m'est impossible aujourd'hui de donner au sénateur la réponse définitive sur ce qu'on demandera au Canada de faire en Somalie ou sur ce qu'il peut offrir d'y faire. Cependant, je veillerai certainement à ce que le ministre des Affaires étrangères, M. MacKay, soit conscient non seulement des préoccupations du sénateur, mais également de celles d'un grand nombre de Canadiens au sujet de la situation qui se dégrade en Somalie.

Le sénateur Jaffer : Je crois savoir que nous sommes en Afghanistan pour libérer ce pays des talibans. En Somalie, on constate de plus en plus des comportements semblables à ceux des talibans. Pourquoi ne jouons-nous pas un rôle de chef de file en Somalie? Des actes terroristes perpétrés ailleurs en Afrique continuent d'être fomentés en Somalie.

Je prie madame le leader du gouvernement de demander à ce dernier de jouer un rôle de chef de file au sein de la communauté internationale afin de tuer dans l'œuf le terrorisme et les complots terroristes en Somalie.

Le sénateur LeBreton : Je pense que nous convenons tous que le gouvernement conservateur et tous les Canadiens soutiennent le rôle de chef de file que joue notre pays en Afghanistan dans la lutte contre les talibans et dans l'établissement d'un environnement plus sûr pour les citoyens de l'Afghanistan, ainsi que dans la mise en œuvre d'une foule de merveilleux projets.

J'ai vu avec intérêt hier soir, au bulletin de nouvelles de la CBC, des membres du contingent d'Edmonton qui venaient tout juste de revenir d'Afghanistan et qui ont parlé des francs succès obtenus là- bas. Il ne fait pas de doute qu'une grande partie des efforts du Canada, ainsi que de ses alliés de l'OTAN et des Nations Unies, concerne la situation et le conflit en Afghanistan.

En ce qui a trait à la situation en Somalie, j'ignore ce que l'OTAN ou les Nations Unies recommandent, proposent ou demandent au Canada de faire, mais, comme je l'ai dit en réponse à une question précédente, je porterai les préoccupations du sénateur à l'attention du ministre.

Évidemment, nous sommes allés en Somalie dans le passé, et c'est une situation très difficile. Quoi qu'il en soit, cette situation requiert notre attention, et c'est avec plaisir que je ferai connaître ma réponse après avoir parlé de la question avec le ministre des Affaires étrangères.

[Français]

DÉPÔT DE RÉPONSES À DES QUESTIONS INSCRITES AU FEUILLETON

LES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN—LE RAPPORT DE 2003 DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 12 inscrite au Feuilleton—par le sénateur Segal.

LES ANCIENS COMBATTANTS—LA RÉPARTITION DU PERSONNEL

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 16 inscrite au Feuilleton—par le sénateur Downe.

[Traduction]

LE SÉNAT

L'IRAN—AVIS DE MOTION TENDANT À CONDAMNER LA CONFÉRENCE SUR LA DÉNÉGATION DE L'HOLOCAUSTE

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion :

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, je donne avis que, après-demain, je proposerai :

Que la résolution suivante soit adoptée par le Sénat :

RÉSOLUTION VISANT À CONDAMNER LA CONFÉRENCE SUR LA DÉNÉGATION DE L'HOLOCAUSTE,
QUI A EU LIEU LES 11 ET 12 DÉCEMBRE 2006 EN IRAN

Attendu que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a parrainé une conférence internationale sur la dénégation de l'Holocauste intitulée « Étude de l'Holocauste : Une perspective mondiale », les 11 et 12 décembre 2006, à Téhéran;

Attendu que le gouvernement iranien appuie ouvertement les révisionnistes de l'Holocauste, selon lesquels l'assassinat systématique commandé par l'État de six millions de Juifs et d'autres groupes visés par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale est une invention ou une exagération;

Attendu qu'en août 2006, l'Iran a été le théâtre d'un malheureux concours de bandes dessinées sur l'Holocauste, qui endossait et encourageait les stéréotypes antisémites et anti-israéliens prédominants et la dénégation de l'Holocauste;

Attendu que le président Ahmadinejad, dans une lettre adressée en juillet 2006 à la chancelière d'Allemagne, Angela Merkel, demandait s'il se pouvait que certains des pays qui avaient remporté la guerre (la Seconde Guerre mondiale) aient inventé ce prétexte pour embarrasser à jamais les vaincus [...] pour les empêcher de progresser;

Attendu que le 26 octobre 2005, dans une conférence ayant pour thème « Le monde débarrassé du sionisme », le président Ahmadinejad a déclaré dans un discours qu'Israël devrait être rayé de la carte du monde;

Attendu que ces propos antisémites ont été fortement condamnés par les Nations Unies et d'autres organismes et ont donné lieu à l'adoption de résolutions dans divers parlements;

Attendu que cette conférence sur la dénégation de l'Holocauste se déroulant sous l'égide du président Ahmadinejad n'est que la dernière d'une série de déclarations et d'actions menaçantes et antisémites abominables attribuées à ce dernier depuis qu'il s'est élevé au pouvoir;

Attendu que le fait de nier l'existence de l'Holocauste est un acte antisémite en soi;

Attendu que toute personne niant l'existence de l'Holocauste nie la pire tragédie de l'histoire du peuple juif et l'acte antisémite le plus extrême à avoir été commis;

Attendu que les déclarations et les actions actuelles et passées du président Ahmadinejad, qui tient des propos antisémites et anti-israéliens scandaleux, demeure une des principales sources de financement, d'entraînement et de soutien pour les groupes terroristes aspirant à la destruction d'Israël, et menace ouvertement Israël et d'autres démocraties, prouvent que le président Ahmadinejad s'est engagé dans une croisade nationale sous le signe de la haine et de la destruction contre Israël et le monde civilisé occidental;

Attendu que la politique de longue date observée par le régime iranien à l'endroit de l'État démocratique d'Israël, qui tend à sa destruction, et les déclarations en ce sens faites par le président Ahmadinejad, mettent en évidence la menace que pose un Iran doté de l'arme nucléaire;

Qu'il soit maintenant résolu que le Sénat du Canada —

(1) condamne avec la plus grande fermeté la conférence sur la dénégation de l'Holocauste qui a eu lieu en Iran les 11 et 12 décembre 2006, ainsi que tous les vils propos antisémites tenus par le président iranien Mahmoud Ahmadinejad et d'autres dirigeants iraniens;

(2) demande aux Nations Unies de répudier officiellement et publiquement toutes les déclarations antisémites faites à cette conférence et d'obliger les pays membres des Nations Unies qui encouragent ou reprennent de telles déclarations à rendre des comptes;

(3) demande au Conseil de sécurité des Nations Unies de s'engager encore plus fermement à prendre les mesures nécessaires pour empêcher l'Iran de se doter d'une puissance nucléaire;

(4) demande au gouvernement du Canada de condamner la conférence antisémite sur la dénégation de l'Holocauste;

(5) réaffirme l'amitié et le soutien de longue date que porte le Canada à l'État d'Israël, jure de ne jamais oublier les millions de victimes qui ont connu une mort horrible dans l'Holocauste et affirme que jamais plus un tel génocide ne devrait se répéter.


[Français]

ORDRE DU JOUR

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 27(1) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous procéderons aux Affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi C-34, la troisième lecture du projet de loi C-17, la deuxième lecture du projet de loi C-24 et la considération du sixième rapport du Comité permanent des transports et des communications au sujet du projet de loi C-3.

[Traduction]

PROJET DE LOI SUR LA COMPÉTENCE DES PREMIÈRES NATIONS EN MATIÈRE D'ÉDUCATION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE

TROISIÈME LECTURE

L'honorable Hugh Segal propose que le projet de loi C-34, Loi concernant la compétence en matière d'éducation sur les terres autochtones en Colombie-Britannique, soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Français]

LA LOI SUR LES JUGES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Pierre Claude Nolin propose que le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les juges et d'autres lois liées aux tribunaux, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui afin de souligner l'importance du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les juges et d'autres lois liées aux tribunaux.

Ce projet de loi met en œuvre la réponse du gouvernement du Canada au rapport de la Commission d'examen de la rémunération des juges de 2003. Il propose également d'apporter certaines modifications de forme à d'autres lois fédérales liées aux tribunaux.

Le respect de l'intégrité du processus de la commission est essentiel pour garantir la confiance du public à l'égard de l'indépendance et de l'impartialité de notre magistrature. C'est pourquoi le gouvernement a jugé qu'il était nécessaire d'accepter rapidement les recommandations de la commission telles qu'elles étaient proposées dans le projet de loi C-51, à l'exception de la proposition salariale.

La Chambre des communes a examiné en détail, débattu et adopté ce projet de loi tel que déposé par le gouvernement, sous réserve de quelques modifications de forme mineures. Il revient maintenant au Sénat d'examiner et d'adopter ce projet de loi dans le cadre de son rôle constitutionnel dans le processus parlementaire prévu à l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Les honorables sénateurs se souviendront que l'ancien gouvernement avait déposé le projet de loi C-51 qui aurait mis en vigueur, sauf pour une seule, les recommandations de la commission, y compris une augmentation du traitement des juges de 10,8 p. 100. Notre gouvernement prévoit plutôt une augmentation salariale de 7,25 p. 100. Cette différence découle d'une analyse sérieuse et responsable. Elle représente la quête d'un équilibre entre d'importants principes constitutionnels respectant à la fois l'indépendance de la magistrature et la responsabilité fiscale du gouvernement du Canada.

Étant donné que les traitements des juges proviennent du Trésor public, il faut considérer la rémunération des juges par rapport aux autres demandes légitimes de ressources publiques et aux priorités économiques et sociales du gouvernement. Nous sommes tous au courant qu'il existe un certain nombre de principes constitutionnels qui guident les gouvernements dans l'établissement de la rémunération des juges, tant dans la jurisprudence de la Cour suprême du Canada que dans notre Constitution.

En vertu de l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867, c'est la responsabilité du Parlement de fixer les salaires, allocations et pensions des juges des cours supérieures. C'est donc au Parlement qu'il revient de décider si la recommandation de la commission, la proposition du gouvernement ou toute autre augmentation salariale doit être établie.

Les honorables sénateurs savent fort bien qu'outre les protections prévues à l'article 100, la Cour suprême du Canada a établi une exigence constitutionnelle stipulant la mise sur pied d'une commission indépendante, objective et efficace, dont l'objet est de formuler des recommandations non obligatoires pour le gouvernement.

La Loi sur les juges a été modifiée en 1998 afin de renforcer le processus de commission, conformément aux exigences constitutionnelles définies par la Cour suprême du Canada. La commission se réunit tous les quatre ans pour faire enquête sur la suffisance de la rémunération et des avantages des juges. Elle est tenue de soumettre son rapport et ses recommandations. Le gouvernement doit répondre publiquement dans un délai raisonnable au rapport de la commission.

La Cour suprême a fourni un encadrement équilibré de ces exigences constitutionnelles dans des arrêts clés, soit le Renvoi relatif aux juges de l'Île-du-Prince-Édouard et l'arrêt Bodner.

(1510)

Dans ces deux décisions, la Cour suprême a reconnu que l'affectation de ressources publiques appartient aux législatures et aux gouvernements. Une lecture soignée des jugements dans ces deux affaires indique clairement qu'un gouvernement a pleinement le droit de rejeter et de modifier la recommandation d'une commission, à condition d'avoir donné une justification rationnelle et publique qui montre un respect général pour le processus de la commission.

Le gouvernement doit démontrer qu'il a respecté la norme de la rationalité établie et élaborée par la Cour suprême, ce que le gouvernement du Canada a fait, dans sa réponse au rapport de la commission de 2003.

La réponse du gouvernement traite des recommandations de la commission de façon équitable et objective. Elle vise à promouvoir l'efficacité du processus de la commission, à dépolitiser l'établissement du traitement des juges et à préserver l'indépendance de la magistrature. Mais l'efficacité de la commission ne se mesure pas en fonction de la mise en œuvre de toutes ses recommandations sans le moindre changement. Elle se mesure en fonction du fait que le processus de la commission, la collecte ses données et leur analyse, son rapport et ses recommandations ont joué un rôle dans la détermination ultime de la rémunération des juges.

Le travail et l'analyse de la commission ont été cruciaux dans les délibérations du gouvernement. La réponse souligne avec respect les efforts de la commission et explique la position du gouvernement en ce qui a trait aux deux modifications apportées aux propositions de la commission.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-17 propose donc la mise en œuvre de presque toutes les recommandations de la commission, à l'exception de la recommandation visant une augmentation salariale de 10,8 p. 100 ainsi que la proposition visant les frais de représentation auprès de la commission.

Le gouvernement est plutôt prêt à appuyer une augmentation salariale de 7,25 p. 100 et une augmentation du remboursement des frais de représentation à 66 p. 100 par rapport au taux actuel de 50 p. 100.

Comme l'explique la réponse, le gouvernement estime que la recommandation de la commission visant une augmentation salariale de 10,8 p. 100 va trop loin en définissant l'augmentation salariale nécessaire pour recruter les meilleurs candidats pour la magistrature.

L'autre modification proposée vise la recommandation de la commission selon laquelle les juges ont droit à un remboursement plus élevé des frais liés à leur participation aux travaux de la commission. Elle recommandait des augmentations allant de 50 à 66 p. 100 pour les frais juridiques, d'une part, et de 50 à 100 p. 100 pour les dépens, d'autre part.

La réponse du gouvernement explique qu'un remboursement de 100 p. 100 des dépens ne constitue que peu ou pas de motivations financières pour les juges de faire acte de prudence à l'égard des frais encourus, en particulier, le coût de contrats importants avec des experts-conseils en rémunération et autres questions.

Par conséquent, le projet de loi C-17 augmenterait le niveau actuel de remboursement de 50 à 66 p. 100 pour tous les types de dépens.

Honorables sénateurs, je tiens à souligner une dernière modification prévue dans le projet de loi C-17. Il s'agit d'une proposition attendue depuis longtemps visant à équilibrer la situation des conjoints des juges dans des circonstances souvent difficiles de rupture de leur union, en facilitant le partage équitable de la pension des juges. La rente des juges est, à l'heure actuelle, la seule pension fédérale qui n'est pas assujettie à une telle division, malgré le fait que la rente des juges représente un avoir familial très important. Ces dispositions sont également conformes aux objectifs probants de planification de la retraite et à l'exigence constitutionnelle de sécurité financière dans le cadre des garanties de l'indépendance des juges. Même s'il semble, de prime abord, extrêmement complexe, l'objectif de cette politique est fort simple. Il s'agit de corriger une question d'équité en suspens depuis trop longtemps pour soutenir les familles qui subissent une rupture de leur relation conjugale.

Pour conclure, honorables sénateurs, je suis certain que vous convenez de l'importance cruciale que revêt la dernière étape du site quadriennal de 2003, soit l'adoption du projet de loi C-17. La crédibilité, en fait, la légitimité de ce processus constitutionnel l'exige, surtout en raison de la longue période écoulée depuis le dépôt du rapport de la commission et du fait que le processus de la prochaine commission quadriennale doit commencer dans moins d'un an, plus spécifiquement en septembre prochain.

Il est donc, et vous en conviendrez, j'en suis convaincu, primordial que nous traitions ce projet de loi avec promptitude. En agissant ainsi, nous ferons en sorte que le Canada continue d'avoir une magistrature dont l'indépendance, l'impartialité, l'engagement et l'excellence inspirent non seulement la confiance de la population canadienne, mais font aussi l'envie du monde entier.

[Traduction]

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : J'ai seulement une question. Je pense que le sénateur et les membres du comité ont entendu mes commentaires par rapport à l'aspect délicat de la rémunération, non seulement en ce qui concerne la méthode, mais aussi le montant.

Je veux parler de la méthode. Le gouvernement envisage-t-il de revoir et de réorganiser la commission avant le prochain examen quadriennal?

Le sénateur Nolin : Je ne suis probablement pas la personne indiquée pour répondre à cette question. Je pense que le ministre serait mieux placé pour le faire.

Je dois dire au sénateur que, ce matin, nous avons posé la question, non pas au ministre — peut-être que nous aurions dû lui demander — mais au commissaire qui était devant nous.

Comme les honorables sénateurs le savent sans doute, l'un des membres de la commission est nommé par les juges. Un sénateur a posé une question au sujet de l'attitude de ce dernier envers ceux qui l'ont nommé. Il ne se considérait pas comme le représentant des juges, mais seulement comme leur candidat. Il n'était pas là pour défendre leur point de vue. Sa tâche, comme celle des deux autres membres de la commission, consistait à réfléchir, à enquêter et à faire rapport sur le caractère approprié de la rémunération et de la pension des juges.

Cependant, je crois que le gouvernement aura le dernier mot sur la composition de la commission. Le gouvernement est tenu par la loi de nommer les membres de la nouvelle commission avant septembre prochain. Le gouvernement pourra soit renouveler le mandat des membres actuels, soit nommer de nouveaux membres.

Le sénateur Graftsein : Je ne mets en doute ni l'honnêteté, ni l'intégrité d'aucun des membres de la commission. Je ne fais que soulever de nouveau la question de savoir si cela est convenable. Le sénateur Nolin a réitéré mon argument selon lequel les articles 99 et 100 de la Constitution énoncent très clairement que la rémunération des juges relève des deux Chambres du Parlement. Il n'y a aucun doute à ce sujet.

Toutefois, la question indirecte qui se pose concerne la nature des avis sollicités par chacune. Nous avons déjà parlé des deux questions qui ont été soumises à la Cour suprême. J'estime que la première comportait de sérieuses lacunes. Nous pouvons discuter de la validité des questions soumises à la Cour suprême au Sénat, et la première comportait des lacunes. Quant à la deuxième question dont a parlé mon collègue, la plus récente, elle visait à modifier la première. À mon avis, c'était une meilleure façon de procéder.

Cela dit, j'espère que le gouvernement songera sérieusement à soumettre la commission à un examen afin de garantir qu'elle sera impeccable et qu'aucun candidat représentant les juges n'y soit nommé.

(1520)

Je n'ai rien contre M. Cherniak, et je ne mets pas en doute son intégrité. Je ne suis cependant pas d'accord si, comme j'ai cru le comprendre, il se permet de dire au comité : « Une fois nommé, je suis indépendant des gens qui m'ont placé ici. » S'il est indépendant des gens qui l'ont placé là, pourquoi la magistrature se donne-t-elle la peine de le désigner?

Je demande au sénateur de considérer cela. Je sais que d'autres, de ce côté-ci, partagent ma préoccupation. J'espère que le gouvernement songera sérieusement à cette question lorsque viendra le temps de réexaminer la structure de cette commission.

Le sénateur Nolin : Je suis sûr que le gouvernement écoute la proposition du sénateur et qu'il en tiendra compte le moment venu. Après tout, tout ce qu'un gouvernement peut souhaiter, c'est de s'assurer que nous nous sommes acquittés de notre responsabilité constitutionnelle et que le Parlement dispose de toute l'information nécessaire pour décider d'une rémunération et d'une pension justes et équitables pour les juges.

L'honorable Anne C. Cools : Je me demande si le sénateur Nolin accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Nolin : Très volontiers.

Le sénateur Cools : J'ai été un peu surprise qu'un projet de loi de cette importance passe aussi rapidement au comité, puis au Sénat.

Beaucoup des questions que le sénateur Grafstein vient de soulever ont déjà été abordées auparavant au Sénat, notamment, je crois, par le sénateur Nolin. Nous nous sommes posé des questions lors de l'étude d'autres projets de loi relatifs à la rémunération des juges. Les antécédents sont nombreux. Personnellement, j'ai prononcé un discours très détaillé à ce sujet.

Nous en sommes au point où nous pouvons nous demander si le Sénat et la Chambre des communes s'acquittent bien conjointement des exigences constitutionnelles formulées dans l'AANB qui dit très clairement que le Parlement doit fixer et payer la rémunération des juges. Nous avons soulevé de nombreuses questions à ce sujet.

En fait, j'ai soutenu que la création de cette commission a introduit une étape supplémentaire qui écarte le Parlement de sa responsabilité de s'acquitter de ses obligations constitutionnelles. Autrement dit, je crois que l'établissement même de la commission doit être remis en question. C'est la raison pour laquelle j'appuie l'idée d'un organisme ou d'une commission — commission et commissaire sont des mots à la mode aujourd'hui — qui aurait pour fonction de nous aider à fixer la rémunération des personnes qui occupent ce que j'appellerais ces hautes fonctions.

Ma question au sénateur est assez directe. S'il jetait un coup d'œil à l'AANB... Mais il ne l'a peut-être pas sous les yeux. Au sujet de l'article 99, paragraphes (1) et (2), et de l'article 100, qui nous intéressent ici, il y a, au bas de la page, la note 54 qui dit que l'exigence constitutionnelle de l'article 100 est prévue dans la Loi sur les juges.

Je me demande si le sénateur — je sais bien qu'il n'est pas le parrain du projet de loi — peut nous dire tout de suite quels sont les articles de la Loi sur les juges qui tiennent compte de ces exigences constitutionnelles? S'il ne le sait pas, je le comprendrai.

Le sénateur Nolin : L'honorable sénateur soulève une question intéressante. Je n'ai pas la réponse tout de suite, mais je serai heureux de la fournir plus tard.

Pour revenir à la question de la responsabilité du Parlement en vertu de l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867, le ministre a dit ce matin que le gouvernement propose et que le Parlement dispose. Nous proposons 7,25 p. 100. Si les honorables sénateurs veulent aller à 10,8 p. 100, comme l'a proposé le gouvernement précédent, je n'y vois pas d'inconvénient. C'est leur décision. S'ils croient que le chiffre de 9,5 p. 100 convient mieux, je n'y vois pas non plus d'inconvénient.

Je crois cependant que nous devons nous conformer à la décision de la Cour suprême parce que, d'après notre Charte, c'est elle qui doit nous guider. Je sais que madame le sénateur Cools n'est pas d'accord, mais c'est ce que je pense. Dans ce domaine, nous avons un dialogue très dynamique. Parfois, nous ne discutons pas avec la Cour, mais lui répondons à coups de mesures législatives. Si elle n'est pas d'accord, elle nous répond de son côté à coups de décisions. C'est le dialogue que nous avons.

Dans un arrêt rendu l'année dernière, la Cour nous a dit de quelle façon le Parlement doit jouer son rôle. Par conséquent, si nous avons les pleins pouvoirs pour fixer la rémunération, nous devons expliquer notre façon d'agir. C'est ce que nous avons fait dans le projet de loi C-17. Nous proposons d'accepter les arguments et les motifs justifiant le chiffre de 7,25 p. 100.

Le sénateur Cools : Je remercie le sénateur de sa réponse, mais il y a fait des prémisses discutables qui n'ont pas fait l'objet d'un large consensus parmi les sénateurs.

J'aimerais reprendre la question sous une autre forme. Je me suis occupée de retrouver les dispositions pertinentes de la Loi sur les juges. À l'origine, il y a un siècle, la rémunération était fixée au cas par cas. À un moment donné, quelqu'un a dit : « Nous devrions le faire pour tout le monde en même temps. » En 1905 ou 1906, la Loi sur les juges a été adoptée, mais son seul objet était de répondre aux exigences constitutionnelles de l'article 100. Depuis, des milliers d'autres choses n'ayant rien à voir avec la rémunération des juges sont venues alourdir cette loi.

Je voudrais dire aujourd'hui que nous pouvons et devons discuter de la création de cette commission spécialement établie à l'intention des juges, qui leur donne la possibilité de se prononcer sur le sens de l'indépendance des juges et d'y nommer leur propre représentant ou délégué. Aucun de ces trois aspects n'était envisagé dans l'AANB de 1867, qui constitue encore le cadre de ce que nous faisons. Il semble cependant que, depuis 10 ans, de nombreux sénateurs ont essayé à maintes reprises, au cours de débats sur la rémunération des juges, d'informer le gouvernement de la situation, mais en vain.

Le sénateur Nolin dit que le gouvernement ne fait que proposer et que le Parlement dispose. Cela témoigne vraiment d'une grande naïveté. Quiconque, aux Communes ou au Sénat, ose voter contre le gouvernement le fait à ses risques et périls.

(1530)

Il faut comprendre ceci : mon collègue parle de votes pour lesquels la discipline de parti est rigoureuse. Si on a décidé d'imputer les traitements au Trésor plutôt qu'aux prévisions budgétaires annuelles, c'était surtout pour éviter l'esprit de parti qui accompagne les votes avec discipline de parti. Toute la situation est à l'envers.

Je suis désolée, honorables sénateurs, de n'avoir pas pu faire une intervention plus étoffée sur la question. Néanmoins, j'ai parlé plusieurs fois de la question au Sénat, et je n'ai pas été écoutée.

Honorables sénateurs, il y a quelque chose qui ne va pas, foncièrement, dans le traitement que nous réservons aux juges. C'est malsain aussi bien pour eux que pour notre institution. Le problème, c'est que, dès qu'on remet en cause la constitutionnalité de quelque chose, quelqu'un interprète aussitôt la situation en disant : vous aimez les juges ou vous ne les aimez pas, ou vous voulez qu'ils soient bien rémunérés ou vous ne le voulez pas. Tout le monde veut que tous ceux qui sont au service du public soient bien rémunérés. En même temps, il nous incombe d'agir dans le respect de la loi. Il est très malsain que nous gérions la question de la rémunération des juges en nous mettant en marge du cadre constitutionnel. Tout ce que je dis, c'est qu'ils méritent que nous nous y prenions mieux.

Ce prétendu nouveau gouvernement tient une occasion en or de proposer une approche toute nouvelle au lieu de ressasser le même refrain usé et insensé qui dit qu'il est très important de pouvoir attirer les avocats les mieux payés du Canada. De nos jours, c'est une terrible façon de justifier ces hausses. Le sénateur Nolin sait mieux que moi que l'exercice du droit est devenu plus un commerce et une industrie qu'une profession.

Il y a quelques semaines, un juge qui est un ami très cher m'a dit qu'il ne voulait plus travailler comme juge. Ses mots ont été exactement ceux-ci : c'est un commerce. Certainement, les raisons pour lesquelles les avocats acceptent une nomination et pour lesquelles nous la leur accordons ne doivent pas se limiter à l'argent; il faut plus et mieux que cela. Le pire, c'est que le gouvernement actuel et ceux qui se succèdent depuis de longues années ne prennent pas les parlementaires au sérieux. Les preuves ne manquent pas. Le sénateur Grafstein a fait des recommandations au sujet du Conseil de la magistrature, il y a quelques années. Je ne crois pas qu'un ministre ait jamais daigné l'honorer d'une réponse.

En vérité, honorables sénateurs, nous sommes à une époque où il n'y a aucun contrepoids constitutionnel aux pouvoirs de quelque gouvernement que ce soit. Les gouvernements ont pris la maîtrise des deux Chambres, et c'est à son propre péril qu'on exprime son désaccord. Les principes ont été inversés.

Personne ne se soucie plus que moi du respect de la loi dans ces dossiers. Au cours de ma vie, j'ai eu la grande chance d'avoir comme amis très proches des visionnaires du droit et de grands juges. Je peux en nommer un : le juge John Wesley McClung, l'une des dernières grandes lumières en matière de droit et un être d'exception. Nous ne rendons pas service aux juges.

Voici ma question. Le sénateur a-t-il l'intention de proposer une motion — le gouvernement pourrait le faire, car il serait bien que le gouvernement donne son appui — voulant qu'un comité du Sénat ou le Sénat lui-même étudie les questions de l'indépendance et de la juste rémunération des juges? Ce sont des questions fort importantes.

Il est temps, honorables sénateurs, que nous nous prenions au sérieux et que nous débattions des enjeux de l'heure. Je sais que le sénateur Nolin est d'accord avec moi sur une bonne partie de ce que j'ai dit.

[Français]

Le sénateur Nolin : Honorables sénateurs, je vais répondre dans la langue de Molière, qui est celle que je connais le mieux. Dans un premier temps, je ne questionne pas la profondeur et la bonne foi de l'argument de madame le sénateur Cools. Je pense qu'il s'agit là d'une question fondamentale. Rarement le Parlement joue-t-il un rôle aussi fondamental dans l'établissement de cet équilibre précaire, mais si salutaire, qui doit exister entre l'exercice du pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif. Cependant, il doit y avoir un endroit où cet équilibre est pris en compte et, avec beaucoup de doigté et de fermeté, il doit être constamment examiné et solidifié. C'est au Parlement que cela doit se faire.

L'honorable sénateur soulève toute la question de l'implication ou du rôle d'un gouvernement dans notre système parlementaire de type britannique. Honorables sénateurs, tout le processus en place actuellement est un processus législatif. C'est un processus statutaire. Que ce soit le gouvernement ou le Parlement, on respecte certes, dans un premier temps, l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867; on respecte autant que faire se peut les décisions de la Cour suprême, qui nous guident dans la façon de mener à bien ce maintien de l'équilibre, précaire mais important, entre le pouvoir législatif et le pouvoir des tribunaux.

Toutefois, c'est le Parlement qui a établi ce processus statutaire. Les critères qui doivent guider la commission dans l'établissement ou l'examen de la rémunération des tribunaux doivent tenir compte spécifiquement de la capacité d'attirer les meilleurs candidats à la magistrature.

Je n'ai aucun problème à réexaminer les dispositions statutaires qui doivent guider la commission. Je n'ai aucun problème à réexaminer le processus. Ce qui m'importe, c'est que, ultimement, le Canada et les Canadiens puissent prétendre avoir un système judiciaire qui soit indépendant, impartial et efficace. C'est la seule chose qui m'importe et je crois humblement que c'est ce que nous avons devant nous.

Honorables sénateurs, la commission avait avancé dans son rapport, en 2003, 16 recommandations et le gouvernement les a toutes acceptées, sauf une. En ce moment, le seul petit débat que nous avons se résume ainsi : oui, il y aura une augmentation de salaire, mais quelle sera son importance?

Les tribunaux nous éclairent encore sur la façon d'évaluer, et avec quelle rigueur, les augmentations de salaire. Le ministre de la Justice propose 7,25 p. 100 d'augmentation et nous dit comment il en est arrivé à ce chiffre. Le ministre nous dit aussi que nous pouvons fixer l'augmentation que nous voulons, mais sa réponse sous-entend que nous allons appliquer les règles que les tribunaux nous ont indiquées comme étant les balises qui doivent guider la détermination de cette augmentation salariale, si l'on juge qu'il devrait y en avoir une.

J'invite madame le sénateur à mettre de l'avant ses propositions. Il est sûr que nous avons devant nous aujourd'hui un projet de loi très précis, le projet de loi C-17, qui vise à mettre en place des recommandations qui datent de 2003. Cependant, je serai le premier à vous appuyer dans une démarche dans laquelle nous examinerions, tous ensemble, la façon d'améliorer l'atteinte des trois objectifs que j'ai mentionnés plus tôt : indépendance, impartialité et efficacité.

[Traduction]

Le sénateur Cools : Je remercie le sénateur Nolin de sa réponse. Ce fut la même chose pour quelques projets de loi.

(1540)

En 1996, au moment où nous étions saisis d'un certain projet de loi sur les juges, nous avions parlé de la nécessité de tenir un débat sur ces questions fondamentales. Je crois qu'à l'époque, le sénateur l'avait même dit à la ministre qui était Anne McLellan, je pense. La somme ou le montant réel m'intéresse très peu. C'est le sens de l'expression « indépendance des juges » qui nous a tous fourvoyés. Si ces articles ont été inscrits dans l'AANB, c'était pour soustraire les juges à l'influence de la Couronne, de l'exécutif et du Cabinet et pour les placer sous la responsabilité des deux Chambres du Parlement.

On se rappellera que les articles 99 et 100 ont fait suite à une grande période d'agitation en Angleterre, en raison des rébellions et des révolutions au cours desquelles des juges ont joué un rôle marquant. J'invite les sénateurs à consulter les articles préliminaires de la Déclaration des droits de 1689 — que je n'ai pas sous les yeux —; ils y verraient qu'il y est d'abord question du roi et de « plusieurs conseillers malfaisants », dont les juges, ou quelque chose du genre, parce que la collectivité — disons-le en toute franchise — était sortie du droit chemin; elle s'était égarée. La lutte impliquant le roi et les Chambres avait vraiment engendré une situation d'inhumanité envers l'homme, de sorte que tout le monde s'est fourvoyé, en particulier M. Oliver Cromwell qui voulait remettre tout en place.

Ce que l'on passe totalement sous silence est le fait que ces articles ont été créés pour soustraire les juges au contrôle du roi, et c'est ce que fait l'indépendance des juges. Dans notre société aujourd'hui, il n'y a aucun risque qu'un député téléphone à un juge pour dire « Mon fils comparaît devant vous dans un procès au criminel; acquittez-le. » Ce qui menace l'indépendance des juges vient toujours de ceux qui peuvent donner des largesses, accorder des faveurs. C'est à cela que renvoie l'indépendance des juges, et pas à l'influence de seulement un humble député.

Au Canada, cela est extrêmement important, parce que lorsque le Canada a été constitué sur le modèle britannique, pour une raison ou une autre, on en a retenu de nombreux aspects, notamment la notion britannique de l'indépendance des juges. Il s'est produit des situations délicates impliquant les juges. L'un des premiers juges était le juge en chef Peter Livius qui, je crois, a été congédié sommairement par le gouverneur, sir Guy Carleton. C'était autour de 1778, ou juste après la révolution américaine. Il y avait eu des troubles sociaux, surtout dans le Haut-Canada, et l'on avait insisté pour que, au Canada, les juges soient nommés comme ils l'étaient en Angleterre où, par suite de l'établissement du Trésor, une forte pression était exercée pour que les salaires des juges soient imputés au Trésor. De là les dispositions que le sénateur Grafstein a si habilement évoquées.

Il faudrait aussi aller beaucoup plus loin. L'élaboration de la notion de l'indépendance des juges était intimement liée à l'élaboration du gouvernement responsable. Si l'on a décidé de procéder conformément aux articles 99 et 100 de l'AANB, c'était précisément pour éviter les votes de confiance sur la question des salaires des juges, que l'on pensait être une mauvaise chose.

Il nous faut comprendre que nous vivons maintenant à une époque où les ministres du Cabinet nous soumettent des projets de loi en se montrant insistants et persistants et en exigeant inlassablement que nous les adoptions sans poser de questions et sans apporter d'amendements. Souvent, les ministres eux-mêmes ne sont pas au courant, ou si peu, des principes constitutionnels qui sous-tendent et renforcent tout le système, et c'est ce qui, plus que toute autre chose, constitue un des grands problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui. Voilà pourquoi un gouvernement peut lier le salaire des députés et du premier ministre à celui du juge en chef et des juges, et, à peine un an plus tard, changer d'avis parce que les recommandations de la soi-disant commission étaient trop généreuses, non pas pour les juges, mais pour les députés, il semblerait. Verser de tels salaires aux juges ne posait pas de problème, mais c'était différent pour les députés. Le gouvernement a donc changé d'avis.

Dans les deux cas, quand le gouvernement a changé d'avis, les députés ont été soumis à la discipline de parti, ils ont subi de l'intimidation. Je dirai aux honorables sénateurs que j'ai, moi aussi, subi de l'intimidation, les deux fois, à ces deux égards, donc la proposition opposée...

Le sénateur Murray : De la part des deux partis.

Le sénateur Cools : Oui, de la part des deux partis. Merci de la précision : de la part des deux partis. Voilà ce qu'ils font. Ils vous intimident pour vous assujettir. Ils veulent de l'indolence mentale, mais je résiste.

Pour revenir au point qui nous intéresse, je connais la position du sénateur. Le sénateur Nolin est aussi distingué, car son père était juge, mais il est maintenant à la retraite. De toute façon, le sénateur Nolin a critiqué dans cette assemblée le fait qu'une modification à la Loi sur les juges avait été adoptée rapidement à la Chambre des communes sans que personne ne remarque ce qui n'allait pas.

Je suis, quant à moi, prête à relever le défi un jour de présenter au Sénat une motion indiquant que nous voulons une étude réfléchie. Nous voulons une étude qui passerait en revue les connaissances académiques et la documentation à ce sujet, et aussi, je vous ne le cacherai pas, une étude des principes constitutionnels.

Je n'avais pas l'intention d'intervenir aujourd'hui. Si je semble un peu tendue, c'est que j'ai très mal au dos. Je n'ai pu m'empêcher d'intervenir quand le sénateur Nolin a abordé ces questions, tout comme le sénateur Grafstein. C'est un dossier très vaste et, comme bien des sujets et des questions qui régissent notre existence constitutionnelle, ils ne font plus l'objet d'études. On pourrait dire qu'ils deviennent de plus en plus obscurs.

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention. Cela dit, j'aimerais qu'il soit clair que je souhaite à tous d'avoir le meilleur salaire qu'ils méritent. Je souhaite également que tous les postes au Sénat puissent être occupés par les candidats les plus qualifiés. Je souhaite que les postes vacants soient pourvus dès maintenant par n'importe qui.

Ce à quoi je m'oppose, c'est à la façon dont les gouvernements organisent tout cela depuis de nombreuses années. Nous ferions toujours beaucoup mieux si nous respections les principes. Honorables sénateurs, je suis persuadée que vous connaissez l'expression qui dit qu'un peu de vertu fait du bien à l'âme. Quoi qu'il en soit, je remercie beaucoup les honorables sénateurs d'avoir écouté. C'est un sujet très vaste.

L'honorable Yoine Goldstein : Honorables sénateurs, je suis déjà intervenu dans cette enceinte à la période des questions. J'ai également fait diverses déclarations, notamment aujourd'hui, mais je n'ai jamais eu l'occasion de remercier chacun d'entre vous, collègues sénateurs et membres du personnel, de l'accueil chaleureux, sincère et agréable que vous m'avez réservé lorsque je suis arrivé l'an dernier. Votre aide et votre ouverture inconditionnelles ont été et sont pour moi extrêmement précieuses.

Je dois avouer que mon initiation au Sénat a été plutôt déroutante. Nommé comme libéral, je me suis retrouvé du côté des conservateurs. J'ai de nombreux amis du côté qui était à l'époque celui de l'opposition, mais je n'ai rien dit et j'ai attendu les élections, qui étaient alors imminentes. Je me suis encore retrouvé perplexe après les élections parce que j'étais encore assis du mauvais côté du Sénat, c'est-à-dire en face de mes collègues libéraux. Toutefois, je me console du fait que je suis maintenant assis du côté qui est devenu celui du gouvernement. J'ose cependant espérer que le parti qui se trouve de ce côté-ci n'y restera que brièvement.

(1550)

Je n'avais jamais envisagé, honorables sénateurs, que je serais ici un jour, en train de m'adresser à ceux qui sont investis de la noble tâche de faire un second examen objectif des lois du Canada. Je n'avais jamais pensé qu'une personne comme moi pouvait y parvenir, mais nous sommes au Canada, et je suis ici.

Chacun de nous apporte au Sénat et à notre travail ses propres traditions, ses antécédents et ses racines. Je suis né dans un humble logement de Montréal-Est, benjamin d'une famille d'immigrants aux moyens très modestes et, heureusement, aux besoins très simples. Cette famille a néanmoins réussi à me donner, ainsi qu'à tous mes frères et sœurs, une éducation universitaire et même à me faire suivre des études supérieures car, honorables sénateurs, nous sommes au Canada.

C'est un pays, une terre et un peuple qu'il est tellement facile d'aimer. L'éducation est pratiquement à la portée de tous ceux qui veulent en profiter. Les soins de santé sont universellement accessibles, même en tenant compte des retards, des difficultés et des problèmes auxquels nous essayons tous de remédier. C'est un pays où le filet de sécurité est grand ouvert pour protéger les membres les plus vulnérables de notre société. C'est une terre dotée d'une Charte des droits et libertés qui fait l'envie des nations du monde, un pays qui respecte, admire et applique la primauté du droit. C'est ma terre, mon pays, ma patrie. Je suis fier et honoré d'être ici.

Comme je l'ai déjà dit, nous arrivons tous au Sénat avec un bagage, des aspirations et des antécédents différents. Dans ma tradition juive, on raconte que Dieu a consulté Abraham lorsqu'Il a voulu créer le monde. Il a dit à Abraham qu'Il voulait créer un monde parfaitement juste. Abraham a répondu que même Lui, Dieu, ne réussirait pas un projet aussi ambitieux et Lui a conseillé d'y renoncer. Les deux se sont finalement entendus sur un compromis : Dieu a créé le monde du mieux qu'Il a pu et a laissé aux humains le soin de le rendre parfait. C'est le concept juif de Tikkun Olam, ou réparation du monde. Que ce soit dans ma tradition ou dans celle de chacun et chacune d'entre vous, nous sommes tous appelés à faire notre part, du mieux que nous pouvons, pour rendre le monde meilleur. C'est une tâche gigantesque et intimidante. Encore une fois, dans ma tradition juive, le travail qui consiste à réparer le monde et à le rendre plus juste est le mieux représenté sous forme d'une énigme. Ma tradition me dit que je ne suis pas obligé de finir le travail, parce qu'il est impossible de le faire, mais que je ne peux ni m'en décharger ni m'esquiver.

Pour moi, cela décrit bien le travail que nous faisons tous parce que gouverner est une tâche qu'individuellement et collectivement, nous ne pouvons jamais finir, mais nous sommes appelés à faire de notre mieux pour rendre notre pays aussi parfait que possible. Notre rôle consiste à entreprendre le voyage sans espoir d'atteindre le but, mais d'être déterminés à nous en rapprocher constamment.

[Français]

Honorables sénateurs, mon prédécesseur immédiat était le fameux sénateur Gérald Beaudoin, qui a représenté cette division pendant 18 ans. Je lui ai succédé, mais je ne l'ai pas remplacé car Gérald Beaudoin est irremplaçable. Il était, pour employer les mots de l'honorable Lowell Murray :

[Traduction]

... un intellectuel, un constitutionnaliste, un auteur et un homme d'honneur.

[Français]

Professeur de droit constitutionnel, il était le géant constitutionnel de notre génération. Doyen de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, auteur, c'était un homme d'intégrité, de dignité et complètement dévoué à sa profession de parlementaire.

[Traduction]

C'est avec humilité que je prends la suite de ce grand parlementaire. Être appelé au Sénat, c'est avoir l'occasion de se faire entendre pour la bonne cause, mais cette possibilité crée à son tour des responsabilités dont nous devons tous nous acquitter.

Honorables sénateurs, j'ai eu l'occasion de parler de tolérance à plusieurs reprises dans le cadre des déclarations de sénateurs. Je l'ai encore fait aujourd'hui. J'ai l'intention non seulement de continuer à prêcher la tolérance, qui est l'un des grands éléments de la trame de notre société canadienne, mais aussi de poursuivre mon soutien à la cause de la tolérance par tous les moyens à ma disposition.

Sir John A. MacDonald a dit que la Confédération est encore inachevée. C'est tout aussi vrai aujourd'hui que ce l'était alors. Je suis fier et honoré de me joindre à vous pour contribuer, du mieux que je le peux, à faire de notre Confédération et de notre extraordinaire pays les meilleurs du monde.

Cela m'amène à parler plus particulièrement du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les juges.

Comme nous l'a appris l'excellent discours de mon collègue et ami, le sénateur Nolin, ce projet de loi traite d'une augmentation, rétroactive au 1er avril 2004, de la rémunération des juges fédéraux et de la répartition de leur pension en cas de divorce. Ce sont là des questions dont la lecture constituerait probablement un excellent remède contre l'insomnie. À première vue donc, il s'agit d'un projet de loi tout à fait inoffensif, une simple mesure d'ordre administratif, si l'on fait abstraction des considérations constitutionnelles longuement évoquées il y a quelques instants. À mon avis, le projet de loi n'accorde pas une augmentation suffisante aux juges, mais je laisserai cela pour un autre jour.

Toutefois, le projet de loi ne mentionne pas le changement le plus radical apporté par le ministre de la Justice, M. Vic Toews. Il importe ici de bien situer le contexte.

Pendant des décennies, la nomination des juges se faisait dans le cadre d'un processus ordonné et objectif conçu pour choisir des juges compétents et pour garantir leur indépendance, une fois nommés.

Des comités ont été formés pour conseiller le ministre. Ces comités répartissaient les candidats entre trois catégories, « hautement qualifié », « qualifié » et « non qualifié ». La composition même des comités était conçue pour assurer leur objectivité. Ordinairement, ils comptaient cinq membres principaux : un désigné par le gouvernement fédéral, un désigné par le juge en chef de la province en cause, un représentant du barreau de la province, un représentant du gouvernement provincial et un autre membre. Bref, c'est une procédure qui permet de prévenir les interventions politiques, d'assurer le maximum d'objectivité et de garantir en pratique la nomination du candidat le plus compétent, une procédure visant à bien servir les Canadiens.

Elle les a effectivement bien servis. Dans une vie antérieure, j'ai eu l'honneur de comparaître des centaines de fois devant des juges de tous les niveaux, aussi bien devant de simples cours municipales que devant la Cour suprême du Canada. Je n'étais pas toujours satisfait du résultat, mais je l'étais la plupart du temps. La compétence, le talent, les connaissances et l'objectivité de nos juges fédéraux font l'envie du monde entier, si bien que des juges de Chine, d'Afrique, d'Europe de l'Est et d'autres régions de l'Asie viennent souvent ici pour apprendre à administrer une justice objective et indépendante dans leurs pays respectifs. Nous avons une réputation enviable, dont nous pouvons être fiers à juste titre. Personne ne peut contester cela : notre système de nomination des juges est admiré et respecté partout dans le monde. On pourrait penser, bien sûr, qu'il n'y a aucune raison de le changer.

Mais voilà qu'entre en scène le ministre de la Justice, M. Vic Toews. Il déclare qu'il a l'intention de réparer un système qui n'en a nul besoin en nommant un agent d'application de la loi, un policier, aux comités consultatifs. Honorables sénateurs, avec tout le respect que je dois à nos forces policières, qu'est-ce qu'un policier peut savoir des qualités, des compétences et de l'indépendance des juges? Qu'est-ce qu'un policier peut ajouter au processus de sélection, à part d'y introduire une mentalité dangereuse, rigide et anticanadienne fondée sur la loi et l'ordre?

Des voix : Bravo!

(1600)

Le sénateur Goldstein : C'est un processus de sélection basé sur la compétence et non sur l'attitude. De plus, le ministre se propose de désigner trois membres au sein de chaque comité et de priver du droit de vote le seul juge qui y siège. Bref, le comité agira seulement comme le ministre souhaite qu'il agisse, que ce ministre fasse partie d'un gouvernement conservateur ou libéral. Si c'est ce qu'on appelle de l'objectivité et de l'indépendance, nous n'avons rien à faire ici. Le résultat net de ce processus est d'orienter les délibérations des comités de façon à plaire au ministre de la Justice. Est-ce dangereux? Est-ce rétrograde? Bien sûr.

Le sénateur Di Nino : Non, pas du tout.

Le sénateur Goldstein : Faisant des reproches sans précédent au ministre de la Justice, le Conseil canadien de la magistrature a déploré un plan qui vise à modifier arbitrairement le mode de sélection des juges. Il s'est dit consterné que M. Toews entende proposer « d'importants changements à la composition et au fonctionnement des comités consultatifs de la magistrature ». Nulle autre que la juge en chef de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin, a exhorté le ministre de la Justice à faire participer des juges et quelques-unes des grandes associations de juristes à toute discussion sur les changements à apporter au processus de sélection par des comités.

Le conseil, composé du juge en chef et du juge en chef associé de toutes les cours supérieures au Canada, être préoccupé « du fait que ces changements, s'ils vont de l'avant, viendront compromettre l'indépendance des comités consultatifs ». Il a exhorté le ministre à n'appliquer aucun plan tant qu'il n'y aurait pas de « consultations sérieuses ».

M. Peter Russell, professeur à l'Université de Toronto et spécialiste du processus de nomination des juges, a fait observer : « Même si les réformes sont toujours bonnes, elles ne devraient pas se faire de manière à saper complètement l'intégrité de l'ensemble du processus. »

Loin d'être ébranlé par ces remontrances et la réprobation universelle qui est venue des juges et des barreaux de tout le Canada, le ministre de la Justice est allé encore plus loin. Il propose maintenant d'abolir le système de recommandations, qui comprend les cotes « hautement qualifié », « qualifié » et « non qualifié », par un système qui dit simplement « qualifié » ou « non qualifié ». Cela aurait deux effets préjudiciables. Le premier, c'est que les candidats hautement qualifiés, ceux que choisissent habituellement les gouvernements, ne seraient pas mis en évidence. Le deuxième, c'est que le bassin de candidats simplement « qualifiés » serait plus important, ce qui favoriserait de nombreux choix guidés par les motifs politiques et l'esprit de parti.

M. Russell, expert en ce domaine, a fait remarquer que ce système ne ferait qu'écarter les candidats « complètement incompétents ». Il a ajouté : « Les détenus de la prison de Kingston, par exemple, n'arriveraient pas à se faire inscrire sur la liste, mais ils seraient à peu près les seuls à ne pouvoir le faire. »

Frank Addario, vice-président de la Criminal Lawyers' Association, a affirmé que le nouveau système proposé prouve que le ministre de la Justice veut nommer des juges qui aborderont leur travail avec des objectifs précis en tête.

Les Canadiens n'arrivent pas à croire que le ministre de la Justice fasse preuve d'autant de cynisme. Ajoutons que le gouvernement fédéral nomme seulement 1 100 des milliers de juges qui siègent au Canada, et que tous les juges qui ne sont pas nommés par les autorités fédérales sont nommés par les provinces, qui n'ont pas un seul policier au sein de leurs groupes consultatifs. Le cynisme tient au fait que ce sont les juges nommés par les autorités provinciales, et non ceux qui sont nommés par les autorités fédérales, qui entendent l'écrasante majorité des causes pénales au Canada.

Pourquoi, dans ce cas, le ministre de la Justice s'ingère-t-il dans le système fédéral de nomination, ajoutant un policier aux comités, alors que la question de l'ordre public ne peut même pas se poser au niveau fédéral, puisque c'est plutôt au niveau de la nomination des juges provinciaux qu'elle se pose?

Que fait le ministre de la Justice? Il détruit un processus de nomination objectif pour offrir une application symbolique et rigide de la loi. Mais ce n'est que symbolique, car on peut logiquement supposer que les provinces, qui nomment la plupart des juges au pénal, trouveront les modifications apportées par le ministre peu inspirantes et ne s'y rallieront pas.

Pourquoi le ministre agit-il de la sorte, sachant pertinemment que cela correspond à une offensive contre l'indépendance des juges, offensive qui est universellement condamnée par tous les intéressés et qui permet à l'exécutif de contrôler certaines nominations de juges presque sans tenir compte des compétences des candidats? De toute évidence, le ministre tente de mettre en place un programme, un programme rétrograde, doctrinaire, dogmatique qui cadre parfaitement avec beaucoup d'autres mesures rétrogrades et doctrinaires que ce prétendu « nouveau gouvernement » a prises. Cela cadre aussi avec l'abolition, par les conservateurs, de la Commission de réforme du droit, il y a plus d'un mois, avec l'abolition du Programme de contestation judiciaire, avec l'offensive conservatrice contre les programmes d'alphabétisation au Canada, avec l'offensive contre les programmes de Condition féminine Canada. Ces programmes sociaux ne sont pas les seuls touchés par cette approche dogmatique et rétrograde de notre société. Les institutions culturelles sont également visées.

Nous avons remarqué la semaine dernière que le Musée du portrait du Canada, qui devait être logé dans l'ancienne ambassade des États-Unis, de l'autre côté de la rue, sera implantée en Alberta et privatisée, alors que, selon toute logique, elle doit être dans la capitale nationale.

La semaine dernière, nous avons appris que la politique du gouvernement vise à réduire les fonds publics destinés aux musées de tout le Canada et à faire appel davantage au soutien financier privé, qui viendrait des simples citoyens. Cette orientation a été rejetée dans tout le monde civilisé.

Au Royaume-Uni, le gouvernement a augmenté les budgets des musées pour qu'ils puissent éliminer les droits d'entrée. Depuis cette décision, la fréquentation a augmenté de 224 p. 100.

Le sénateur Mercer : Impressionnant.

Le sénateur Goldstein : Honorables sénateurs, nous assistons à une destruction du tissu socioculturel canadien, à une offensive contre ce qui fait la texture de l'identité canadienne. On nous impose une politique socioculturelle doctrinaire, une idéologie rétrograde, réactionnaire et préjudiciable à la société canadienne. On nous impose une approche dogmatique à l'égard des programmes sociaux et culturels, une politique rigide et rétrograde qui vise à nous ramener au XIXe siècle.

Nous voulons un Canada caractérisé par une politique sociale progressiste et non par une doctrine rétrograde. Nous voulons un Canada gouverné par des personnes, non par des programmes, un Canada inspiré par des idées, non par des idéologues. Honorables sénateurs, nous entendons récupérer notre pays.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, à titre de président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je voudrais dire quelques mots au sujet du projet de loi C-17.

Je tiens tout d'abord à féliciter le sénateur Goldstein de son excellente intervention. La transcription de son exposé enrichira le bagage de nos connaissances et de notre information sur le large éventail des questions qui se rapportent à la nomination et à la rémunération des juges.

Les sénateurs ne sont pas sans savoir que notre comité a été saisi aujourd'hui de cette question, puisqu'on lui a renvoyé le projet de loi C-17. De nombreux sénateurs sont venus entendre le ministre et l'un des membres de la Commission d'examen de la rémunération des juges, M. Cherniak. Un certain nombre de questions très intéressantes ont été soulevées. Je n'entends pas y revenir, mais d'autres sénateurs le feront sans doute au cours du débat. Notons les questions suivantes : la commission a-t-elle fait son travail correctement? Le gouvernement, en n'acceptant pas la recommandation, a-t-il suivi les règles, dont certaines figurent maintenant dans la Loi sur les juges, par suite d'amendements qui ont été apportés précédemment par le Sénat dans les normes à suivre?

Ces questions ont été soulevées. Pendant la réunion du comité, nous avons essayé d'étudier la question difficile dont le sénateur Nolin a parlé au cours de son intervention, celle des traitements des juges et des augmentations de rémunération. Elle est au cœur du projet de loi C-17.

(1610)

Toutefois, à mesure que nous étudiions la question ainsi que le pourcentage réduit recommandé par le gouvernement dans ce projet de loi, puisque la hausse recommandée par la commission était de 10,8 p. 100 tandis que le projet de loi propose 7,25 p. 100, nous découvrions d'autres problèmes. Nous avons donc formulé des observations sur le projet de loi, que je vais lire aux sénateurs. Ces observations accompagnaient le projet de loi au moment où le rapport du comité a été présenté aujourd'hui, mais les sénateurs ne les ont peut-être pas devant eux actuellement. En voici le texte :

Votre Comité...

— c'est-à-dire le Comité des finances nationales —

... s'inquiète du fait que le ministère de la Justice place des amendements d'ordre technique dans un projet de loi qui, de l'avis du Comité, devrait essentiellement constituer une réponse au rapport de la Commission d'examen de la rémunération des juges et, en tant que telle, ne porter que sur les modifications à la Loi sur les juges.

Un représentant du ministère de la Justice a fait savoir au Comité qu'il existe des difficultés à traiter les amendements d'ordre technique tels que ceux qui se trouvent à la partie 2 du projet de loi C-17 par la voie d'une loi corrective. Votre Comité encourage donc le ministère de la Justice à revoir ses pratiques afin d'établir un mécanisme permettant de résoudre ces questions. Votre Comité attend avec intérêt un suivi du ministère de la Justice à ce sujet.

Les sénateurs sont au courant des préoccupations que j'ai exprimées, comme d'autres sénateurs l'ont fait. Madame le sénateur Andreychuk est bien au fait de mes préoccupations concernant la définition des amendements d'ordre technique, et le sénateur Oliver également. Tout amendement peut avoir des répercussions importantes, imprévues et involontaires. Le décrire comme un amendement d'ordre technique ne veut pas dire qu'il est moins nécessaire de l'étudier attentivement.

Si les sénateurs jettent un coup d'œil à la deuxième page du projet de loi C-17, où se trouve la table analytique, ils verront que les modifications à la Loi sur les juges sont les articles 1 à 16. Ils traitent de la question dont nous sommes fondamentalement saisis, soit la réaction du gouvernement à la recommandation de la Commission d'examen de la rémunération des juges. Cela aurait fait un beau projet de loi facile à étudier, mais la partie 2 porte sur les modifications à d'autres lois, soit la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, la Loi sur l'assurance-emploi, la Loi sur les cours fédérales, la Loi sur l'indemnisation du dommage causé par des pesticides, la Loi sur la sécurité ferroviaire et la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

Honorables sénateurs, nous n'avons pas examiné ces autres lois comme on pourrait s'y attendre de la part de notre assemblée. Nous savons tous que les juges se retrouvent dans cette situation regrettable parce que la Commission d'examen de la rémunération des juges a présenté un rapport et que des élections ont été déclenchées avant que le gouvernement n'y donne suite. Ainsi, il est devenu nécessaire que la commission quadriennale présente un autre rapport. Il est injuste que nos juges subissent ces conséquences regrettables. Aussi, honorables sénateurs, je recommande que le Sénat appuie ce projet de loi sous sa forme actuelle, mais je vous demande également de garder à l'esprit les observations du comité. Il est important de ne pas permettre que ce type d'usage se perpétue et que d'autres questions sans rapport avec l'objet principal soient ajoutées à un projet de loi qui est alors présenté comme s'il était simplement question de la première partie.

Le sénateur Cools : Je tiens à remercier le sénateur Day d'avoir formulé ces observations et d'avoir également soulevé ce point très important au sujet des modifications de forme apportées dans ce projet de loi.

De plus, il faut se demander à quel moment une modification est d'ordre administratif seulement et à quel moment il s'agit d'une modification de forme. Au fil des ans, beaucoup de modifications de ce genre ont été apportées à la Loi sur les juges et elles ont été étudiées rapidement très souvent, jusqu'à ce qu'un sénateur perspicace et observateur les remette en question. On découvre alors que ce ne sont pas des modifications d'ordre administratif ou de forme, mais ce que dit le sénateur est tout à fait juste.

Ce projet de loi a été renvoyé au Comité des finances nationales. Les honorables sénateurs savent que, pendant des années, j'avais demandé que ces projets de loi soient renvoyés au Comité des finances nationales, car ils touchent vraiment le contrôle des deniers publics par le Parlement.

Je demande au sénateur si le renvoi de ce projet de loi au Comité des finances nationales constitue une exception ou s'il s'agit d'une pratique que le Sénat suivra dorénavant. Je souhaite pour ma part que cela devienne une pratique du Sénat puisque les vraies questions qui, en définitive, concernent la Loi sur les juges, ont trait à l'application en conformité avec la Constitution du contrôle des deniers publics dans un cas unique et spécial, puisque cette loi a été formulée de manière à protéger les juges de la mesquinerie d'un souverain qui, à tout moment, pourrait réduire ou supprimer leurs salaires.

Adoptera-t-on la pratique de renvoyer de tels projets de loi au Comité des finances nationales? Si l'idée venait du sénateur Day, je tiens à l'en féliciter.

Le sénateur Day : Je remercie madame le sénateur Cools de sa question.

Tout abord, observations sont celles de notre comité et il m'a semblé important de les commenter. Bien que je les appuie, je n'en revendique pas la paternité exclusive. C'est à l'unanimité que notre comité a jugé que ces observations devaient être annexées au rapport.

En deuxième lieu, pour ce qui est de la pratique de transmettre un projet de loi comme celui sur la rémunération des juges au Comité des finances nationales, il me semble logique qu'un tel comité s'en charge ou si vous voulez, il semble logique que nos leaders prennent l'initiative de le confier à notre comité. C'est le genre de mesure dont nous traitons. Ce sont les leaders de part et d'autre du Sénat qui seront le mieux en mesure de répondre à la question du sénateur.

Cependant, le sixième rapport du Comité des finances nationales figure actuellement au Feuilleton. Il traite des dispositions pour préserver l'indépendance des juges et la détermination de leur rémunération. Le comité s'est penché sur ces questions cet automne. Le rapport est daté de novembre de cette année. Madame le sénateur Cools était parmi les membres du comité qui tenaient à ce que nous terminions cette étude, ce que nous avons d'ailleurs fait. Nous avons là les éléments de base et le contexte qui nous permettent de traiter sans délai du projet de loi C-17.

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, en écoutant le sénateur Goldstein et le sénateur Day, je n'arrivais tout simplement pas à imaginer ce que les pesticides avaient à voir avec la rémunération des juges. Le sénateur voit-il dans l'inclusion de toutes ces questions étrangères une continuation de la tendance actuelle à américaniser notre régime parlementaire?

Le sénateur Day : Je remercie le sénateur Milne de sa question. Certains diraient qu'une telle hypothèse est quelque peu farfelue. L'article 25 du projet de loi porte sur la Loi sur l'indemnisation pour dommages causés par les pesticides, et je cite :

Le paragraphe 14(1) de la Loi sur l'indemnisation du dommage causé par des pesticides est remplacé par celui qui suit :

14. (1) Le gouverneur en conseil peut nommer, parmi les juges de la Cour fédérale ou les juges des cours supérieures, de district et de comté des provinces, un évaluateur ainsi que le nombre d'évaluateurs adjoints qu'il estime nécessaires pour juger les appels des décisions d'indemnisation rendues sous le régime de la présente loi ou de toute autre loi à laquelle la présente partie s'applique. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, il peut également définir leur compétence.

(1620)

Nous pouvons voir comment cela pourrait être très...

Le sénateur Oliver : Pas d'une grande portée du tout.

Le sénateur Day : En termes généraux, cela pourrait être considéré comme une indemnisation. Je n'ai aucun doute que les honorables sénateurs comprennent la raison d'être de l'observation que nous avons faite quand nous avons renvoyé le projet de loi. Je remercie le sénateur de sa question.

L'honorable Lowell Murray : J'aimerais faire suite au point du sénateur Milne. Ce matin, au Comité des finances nationales, le sénateur Fox a embarrassé le ministre avec cette question. Ce dernier était perplexe et ne savait pas pourquoi ces dispositions figuraient dans le projet de loi, et il a demandé l'aide des hauts fonctionnaires qui étaient à côté de lui. Ils ont dit au comité qu'il y avait une raison pour laquelle ces autres questions ne pouvaient être traitées par la voie d'une loi corrective. Une des fonctionnaires a ajouté qu'il arrivait si peu souvent que le Parlement soit saisi de questions judiciaires qu'ils aimaient saisir les occasions, qui se présentent tous les trois à quatre ans, de faire le ménage dans d'autres dossiers.

Comme elle nous l'a expliqué poliment, à la façon des fonctionnaires, cette pratique existe depuis des générations, elle ne change pas d'un gouvernement à l'autre, d'une législature à l'autre. Cependant, cela ne réduit aucunement le poids que nous devrions accorder aux observations faites par le comité.

Si j'ai pris la parole, c'est pour la raison suivante : quiconque écoute ce débat pourrait déduire que certains sénateurs estiment que ce que nous faisons est un affront à la Constitution ou aux principes constitutionnels. Les avides lecteurs des débats du Sénat qui en viennent à la même conclusion que moi devraient lire les témoignages qu'a entendus le Comité sénatorial des finances ce matin, notamment le témoignage du ministre de la Justice. Comme l'ont reconnu madame le ministre, madame le sénateur Cools et d'autres, ce que nous faisons est conforme au pouvoir que nous confère la Loi constitutionnelle de 1867, selon laquelle la rémunération des juges relève de la compétence du Parlement.

M. Toews a affirmé que le contexte constitutionnel ne s'arrête pas à la Loi constitutionnelle de 1867. Si je l'ai bien compris, il a fait référence à l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans le cadre du renvoi de l'Île-du-Prince-Édouard et à une autre affaire dont j'ai oublié le nom. Il a dit que ces arrêts, la création de la commission et son rapport font partie du contexte constitutionnel dans lequel nous nous trouvons.

L'arrêt de la Cour suprême est peut-être vicié, comme le laisse entendre le sénateur Grafstein. Je m'en remets à lui. Mais cela reste une décision de la Cour suprême. Le ministre a été explicite, clair et intéressant lorsqu'il a dit que nous devions nous inspirer de toute la Constitution et pas uniquement de l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867. Je ne pense pas que nous puissions qualifier les autres éléments comme étant sans rapport avec la Constitution ou avec les principes constitutionnels ou comme étant anticonstitutionnels.

J'ai trouvé son témoignage intéressant, du moins pour un profane.

Le sénateur Cools : Je remercie le sénateur de son intervention. J'ai étudié la question. J'étais très heureuse lorsque le sénateur Day et le Comité des finances nationales ont reçu le projet de loi pour étude. Il a soulevé la question du Trésor, du phénomène des frais imputés au budget annuel ou prévus dans des lois, et de l'inclusion de ces dispositions dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, ce qui est un élément critique.

C'est vers 1840, lorsque lord Durham a visité le Canada pour faire enquête sur les troubles, que l'idée de rémunérer les juges à même le Trésor public a été soulevée. Je ne suis pas sûre si c'est sir John A. Macdonald qui a rédigé lui-même les articles de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en cause. Il a rédigé 44 des 72 motions initiales. L'article 100 stipule que les salaires des juges sont fixés et payés par le Parlement. Cet énoncé est très directement inspiré du texte de l'Act of Settlement ou Déclaration des droits de 1689.

Je ne doute pas, sénateur Murray et honorables sénateurs, que nous devions tenir compte du contexte constitutionnel et de l'évolution de la jurisprudence. La jurisprudence et les décisions des tribunaux ne peuvent pas modifier l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. C'est ce que l'on tente de dire.

L'opinion dissidente du juge LaForest, à laquelle les sénateurs Murray et Grafstein font référence, est mieux raisonnée. Le sénateur Grafstein a souligné que la jurisprudence a pris une nouvelle orientation.

Je remercie le sénateur Day pour avoir mentionné que j'avais suggéré de demander à ces personnes de témoigner devant le comité. Les intérêts financiers et les préoccupations concernant une juste rémunération des juges constituent un concept constitutionnel important. Il s'agit d'un concept critique et central dans l'administration appropriée de la justice. Je suis heureuse que le Sénat examine ces questions pour ce qu'elles sont plutôt que pour ce qu'elles pourraient paraître.

J'ai assisté à la réunion du comité. J'ai eu l'impression que les sénateurs voulaient en savoir davantage. La question leur a été présentée comme étant mystérieuse, ésotérique et juridique au point d'être hors de leur portée. C'est le cas dans la mesure où ces articles de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique reposent sur le pouvoir et la capacité du Parlement de représenter la population, d'autoriser la perception d'impôts, de surveiller la dépense des fonds publics et de mettre les juges dans une position unique — qui échappe à l'influence du roi ou de ses conseillers dans la collectivité d'aujourd'hui.

(1630)

Le fait de comprendre vraiment ces notions, de les maîtriser et de les soumettre au débat permettrait de rendre un excellent service au Sénat. Une grande confusion intellectuelle marque notre époque; or, cette assemblée est le tribunal du Parlement et ses membres doivent veiller à ce que justice soit bien rendue. Le Sénat doit surveiller la gestion des dépenses et l'administration de la justice au Canada. Il n'y a rien de plus important que la sélection et la rémunération de ceux que les Canadiens voient comme les arbitres de la justice, c'est- à-dire les juges. Je suis emballée par ce nouveau développement, même s'il risque de n'avoir qu'une portée modeste et de n'être qu'un mirage. Je remercie le sénateur Day de cela.

Le sénateur Murray : Honorable sénateurs, je suis heureux de ne pas avoir compris de travers le discours qu'a prononcé plus tôt madame le sénateur — loin de là. Elle a renforcé l'impression que j'avais. Raison de plus pour relire le compte rendu de la séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales de ce matin. Entre autres, le ministre Toews, quand il a parlé de la réponse du gouvernement au rapport de la commission, a tenté avec succès, je crois, de situer cette réponse dans le cadre du jugement de la Cour suprême, qui a déclaré que le gouvernement doit avoir une raison pour changer les recommandations de la commission. J'ai pensé qu'il avait très bien fait cela. D'autres sénateurs, comme le sénateur Mitchell, ont soutenu qu'un gouvernement doit avoir de sérieuses et solides raisons pour changer une telle recommandation. À mon avis, il serait suffisant que le gouvernement présente des arguments plausibles à cet effet. Cependant, si les sénateurs lisaient le témoignage du ministre, ils le trouveraient fort intéressant.

L'honorable Serge Joyal : Ma question s'adresse au sénateur Murray. Considérant les observations figurant en annexe au neuvième rapport du Comité des finances déposé au Sénat plus tôt aujourd'hui, le comité aurait-il envisagé la possibilité de scinder le projet de loi? Il existe un tel précédent dont le ministère de la Justice est parfaitement au courant. Le Sénat a scindé l'ancien projet de loi C-10 portant sur le registre des armes à feu et la cruauté envers les animaux pour en faire le projet de loi C-10A, qui a été adopté rapidement, et le projet de loi C-10B, qui a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Le comité aurait-il envisagé la possibilité de présenter un rapport favorable sur le projet de loi C-17, modifiant la Loi sur les juges, en ce qui concerne la rémunération, et de réserver l'autre partie du projet de loi, qui n'a rien à voir avec la Loi sur les juges, aux fins d'un autre projet de loi?

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, il n'a pas été question de cela en ma présence. J'avoue cependant avoir quitté la réunion un peu tôt.

Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur Murray est écoulé. Demande-t-il la permission de continuer?

Des voix : Cinq minutes.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : J'ai remarqué que tous les sénateurs étaient un peu mal à l'aise au cours du débat sur ce projet de loi peu soigné, ayant à l'esprit l'équité envers les juges. Ma question, qui s'adresse au sénateur Murray ou au sénateur Day, est la suivante : le ministre Toews a-t-il pris l'engagement d'assurer un suivi? Le rapport prescrit :

Votre Comité encourage donc le ministère de la Justice à revoir ses pratiques afin d'établir un mécanisme permettant de résoudre ces questions.

« Ces questions » sont celles qui n'ont rien à voir avec la rémunération des juges.

Les auteurs du rapport poursuivent en disant :

Votre Comité attend avec intérêt un suivi du ministère de la Justice à ce sujet.

Le ministère s'est-il engagé à assurer un suivi et à fournir un processus distinct pour traiter de ces questions dans l'avenir? Comme l'a dit le sénateur Murray, il s'agit d'une pratique qui manque de rigueur et qui est en place depuis un certain temps. Nous avons soulevé cette question à plusieurs reprises, mais nos objections ont été rejetées. Il répugne aux sénateurs d'étudier un projet de loi sur les juges qui n'a rien à voir avec le fait d'être juste et équitable envers les juges, alors que ce devrait précisément être l'objet de cette mesure. Le reste du processus lié au ministère de la Justice propose quelque chose de très indigeste.

Le sénateur Murray : Le sénateur Fox, qui a été le principal tortionnaire du témoin relativement à cette question, a fait part de son mécontentement et a dit au ministre qu'il fallait changer les choses. Je m'en remettrais au sénateur Day, président du Comité des finances, pour ce qui est de savoir si un engagement clair a été reçu des fonctionnaires du ministère ou du ministre, portant que le ministère de la Justice va nous fournir une réponse à ce sujet.

L'honorable Mobina S.B. Jaffer : Je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Jaffer, avec l'appui de l'honorable sénateur Hervieux-Payette, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance. Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, j'ai cru comprendre plus tôt que le Sénat pourrait ajourner bientôt. Je ne sais pas si madame le sénateur Jaffer est au courant de cela. J'avais l'impression que tout le processus était accéléré, parce qu'on voulait ajourner sous peu.

Des voix : Non.

Le sénateur Cools : N'est-ce pas le cas?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Jaffer, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI DE 2006 SUR LES DROITS D'EXPORTATION DE PRODUITS DE BOIS D'ŒUVRE

DEUXIÈME LECTURE—SUSPENSION DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l'honorable sénateur Keon, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-24, Loi imposant des droits sur l'exportation aux États-Unis de certains produits de bois d'œuvre et des droits sur les remboursements de certains dépôts douaniers faits aux États-Unis, autorisant certains paiements et modifiant la Loi sur les licences d'exportation et d'importation et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour répondre à mon collègue d'en face au sujet de l'importante question du projet de loi sur le bois d'œuvre, quoique je sois beaucoup moins enthousiasmé que lui par ce projet de loi qui propose la mise en œuvre de l'accord sur le bois d'œuvre, ce qui aura d'importantes conséquences pour des centaines de collectivités dans plusieurs régions du pays. Il aura une incidence non seulement sur l'industrie, ses travailleurs et leurs familles, mais aussi sur les différends commerciaux futurs et sur les mécanismes de résolution fondés sur les règles et dont, en tant que nation commerçante, nous dépendons.

(1640)

Mon honorable collègue d'en face a affirmé que l'accord signé par le gouvernement actuel assurera une stabilité bien nécessaire à l'industrie forestière, et il suggère que l'autre option aurait été une poursuite du différend. Il a parlé de « solution durable ». Cela reste à voir.

J'ai de sérieuses réserves au sujet de ce projet de loi, du processus utilisé par le gouvernement et des conséquences à long terme de cet accord négocié.

[Français]

J'ai déjà évoqué au Sénat la nécessité pour le Canada de prêcher en faveur d'un système de commerce international régi par des règles. Notre pays est largement tributaire du commerce. Nos industries peuvent soutenir la concurrence des meilleurs au monde dans la mesure où les règles du jeu sont justes.

[Traduction]

Le projet de loi C-24 se fonde sur une entente conclue hors du cadre de l'ALENA et, à bien des égards, en dépit de cet accord. Même si je n'hésite pas à soutenir que les règlements négociés constituent un moyen légitime de mettre fin aux différends commerciaux bilatéraux, ils ne doivent pas permettre au pays le plus fort de contourner les mécanismes de règlement des différends et de forcer un partenaire commercial à capituler, surtout s'il s'agit d'un partenaire commercial aussi important que l'est le Canada pour les États-Unis. J'ose dire que c'est exactement ce qui s'est passé dans ce cas.

Le sénateur Mercer : C'est honteux!

Le sénateur Mitchell : Mon collègue dit que c'est honteux, et je suis bien d'accord.

La position du Canada a régulièrement été confirmée devant les tribunaux internationaux de l'OMC et de l'ALENA et les tribunaux intérieurs. En fait, un groupe spécial de l'ALENA a encore une fois donné raison au Canada le 17 mars dernier lorsqu'il a eu à se prononcer sur l'importante question de savoir si le bois d'œuvre canadien est subventionné.

Le sénateur Mercer : Combien de fois cela s'est-il produit?

Le sénateur Mitchell : Souvent.

Les États-Unis avaient 40 jours pour contester cette décision. Il est intéressant de noter que les deux pays ont convenu des conditions de base de l'entente sur le bois de résineux le 27 avril, soit le jour même de l'expiration du délai. Les États-Unis ont néanmoins interjeté appel, et le Canada les a aidés en acceptant un report indéfini du délai accordé aux Américains pour contester la décision, en dépit du fait que des avocats spécialisés dans le commerce international étaient d'avis que le Canada aurait encore une fois gagné.

Le 13 octobre, soit le lendemain de l'entrée en vigueur de l'entente, le Tribunal américain du commerce international a confirmé la décision du groupe spécial de l'ALENA établissant que le Canada avait droit au plein remboursement des droits déposés. Toutefois, le gouvernement canadien s'est joint au gouvernement américain pour annuler cette décision, ce qui coûte un milliard de dollars au Canada, aux Canadiens et à l'industrie canadienne.

Le sénateur Mercer : De quel côté sont-ils?

Le sénateur Mitchell : Voilà comment le nouveau gouvernement gouverne sur cette lancée! J'espère qu'il ne continuera pas longtemps à le faire.

Témoignant devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, au cours de l'étude préliminaire du projet de loi, Carl Grenier, vice-président exécutif du Conseil canadien du libre-échange pour le bois d'œuvre, a dit :

[...] la règle du droit devait être remplacée par la négociation, par le versement d'argent pour résoudre des conflits commerciaux, et [...] le libre-échange était remplacé par des restrictions illégales du commerce, comme des quotas interdits en vertu des règles de l'OMC. Les deux gouvernements ont foulé aux pieds le principe même de s'en remettre à leur règle du droit pour résoudre leurs différends commerciaux.

Il est encore plus déconcertant de songer aux effets possibles de cette entente sur l'ALENA et, plus particulièrement, sur la crédibilité des mécanismes binationaux de règlement des différends prévus au chapitre 19. Quel intérêt les sociétés américaines auraient- elles à recourir à l'avenir à ces mécanismes, maintenant qu'il est établi qu'elles peuvent en obtenir davantage par des moyens politiques? Nous risquons d'établir ainsi un dangereux précédent pour nos autres secteurs qui exportent aux États-Unis. Il y a donc lieu de se poser la question suivante : pourquoi le gouvernement conservateur a-t-il conclu une entente avec les Américains au moment même où il était sur le point de gagner? C'est une question intéressante.

Le sénateur Rompkey : Arracher la défaite des mâchoires de la victoire!

Le sénateur Mitchell : Je remercie mon collègue de Terre-Neuve-et- Labrador pour son commentaire. La situation est claire pour les gens de cette région.

C'est encore plus surprenant si l'on considère que les conservateurs avaient promis ce qui suit aux dernières élections. C'est encore une autre promesse qu'ils n'ont pas tenue :

Un gouvernement conservateur demandera au gouvernement américain de respecter les règles en ce qui a trait au bois d'œuvre.

Je m'interroge très sérieusement sur ce qui serait arrivé si le gouvernement n'avait pas fait cette demande. Les conservateurs disaient également ceci :

Les États-Unis doivent respecter le jugement de l'ALENA sur le bois d'œuvre, abolir l'amendement Byrd et rendre aux producteurs canadiens les 5 milliards de dollars recueillis en droits illégaux sur le bois d'œuvre.

Rien de tout cela n'a été réalisé. Bien sûr, ce n'est pas le seul élément de la plate-forme conservatrice qui ait été jeté aux oubliettes depuis les élections.

Honorables sénateurs, s'il n'était pas déjà si tard, j'aurais consacré beaucoup plus de temps à énumérer les nombreuses autres promesses sur lesquelles les conservateurs sont revenus.

Si l'entente négociée avait été avantageuse pour le Canada, nous aurions pu comprendre que le gouvernement revienne sur sa promesse électorale. Toutefois, sur l'élément clé de cette promesse, soit la restitution des droits illégalement imposés à l'industrie canadienne, le gouvernement a capitulé, laissant sur la table un milliard de dollars. Ce n'est même pas une table canadienne, c'est une table américaine. Un milliard de dollars appartenant aux Canadiens ont été cédés aux Américains.

Le sénateur Mercer : C'est honteux!

Le sénateur Mitchell : Oui, c'est honteux.

Aux termes du chapitre 19, l'industrie américaine aurait dû restituer 100 p. 100 des droits déposés par l'industrie canadienne. Toutefois, en vertu de l'entente sur le bois d'œuvre résineux, notre gouvernement a cédé 500 millions de dollars au gouvernement américain et 500 autres millions à la coalition américaine du bois d'œuvre, qui s'en servira pour financer ses attaques politiques et juridiques contre l'industrie canadienne.

Le sénateur Mercer : Nous achetons les balles pour charger le fusil de l'adversaire.

Le sénateur Mitchell : Et appuyons aussi sur la gâchette.

L'accord prévoit également des droits sur les exportations et un contingentement. En fait, aux prix actuels, les droits sur les exportations, aux termes de l'option A, sont plus élevés que les droits actuellement prélevés par les États-Unis. La seule différence pour l'industrie est que son argent va au gouvernement du Canada plutôt qu'au gouvernement américain. Le résultat, c'est que l'industrie canadienne des produits à valeur ajoutée sera découragée au profit de l'exportation de billes brutes qui seront transformées dans les scieries américaines. L'industrie des produits à valeur ajoutée passera donc aux États-Unis.

Certaines entreprises canadiennes seront portées à investir le montant reçu en remboursement des droits dans l'achat d'usines américaines au lieu de le réinvestir dans les localités canadiennes les plus touchées. Le mouvement est déjà amorcé. En ce moment même, nous exportons des emplois aux États-Unis à cause de cet accord.

Un autre sujet de préoccupation pour moi est le manque de souplesse de l'accord. Les mesures de protection contre l'augmentation soudaine des exportations, qui forceront les entreprises à payer si les exportations atteignent un certain volume, limiteront la capacité des producteurs de réagir à des situations imprévues, comme l'infestation du dendroctone du pin qui se répand actuellement dans ma province, l'Alberta. Il est également difficile pour chacun des producteurs de prédire ces pointes d'exportation et de se prémunir en conséquence, sur un marché où les acteurs sont nombreux. Ils ne savent pas combien les autres produisent.

L'accord est extrêmement complexe et de nombreuses dispositions prêtent à interprétation. Si on en juge d'après la façon dont les États-Unis se sont conformés aux décisions des tribunaux internationaux par le passé, quelle assurance le Canada peut-il avoir à l'égard de cet accord que, simplement parce qu'on établit un autre tribunal, ses décisions seront honorées par les Américains?

L'accord ne prévoit pas le renvoi des différends aux mécanismes de règlement du chapitre 19 de l'ALENA, mais à un tribunal d'arbitrage à London. Si la justification de cet accord est qu'il donnera une période de paix et de stabilité à l'industrie, comment pouvons-nous avoir l'assurance que nous ne renvoyons pas simplement les contestations de l'ALENA à ce nouveau tribunal? À en juger d'après l'expérience, c'est exactement ce qui va se passer. Le gouvernement a dit également que l'accord mettrait fin à de constants litiges et ferait régner la stabilité nécessaire aux nouveaux investissements et aux travailleurs des scieries. S'il est vrai que la durée de l'accord est de sept ans, avec un prolongement possible jusqu'à neuf ans, y compris une période de 12 mois suivant la fin de l'accord pendant laquelle aucune mesure commerciale ne pourra être prise, il est loin d'être garanti que l'accord durera aussi longtemps. La résiliation de l'accord avec un avis de six mois est prévue et elle pourra se faire au bout de seulement 18 mois. Cela veut dire que nous aurons peut-être donné 1 milliard de dollars et compromis l'ALENA pour un accord qui pourrait ne durer que deux ans. J'espère que ce ne sera pas le cas, mais il pourrait y avoir là un grave problème, et le gouvernement n'a pas cherché à nous réconforter en disant que cela ne se produirait pas.

(1650)

Chose curieuse, le gouvernement précédent a rejeté un accord qui était un peu mieux que celui-ci parce qu'il donnait une récompense monétaire à l'industrie américaine et permettait un retrait rapide, comme le fait cet accord-ci.

Le gouvernement a non seulement conclu suite à un accord qui laisse à désirer, mais il a aussi intimidé l'industrie canadienne pour qu'elle l'accepte. Le gouvernement conservateur a encore une fois montré sa propension à gouverner d'une main de fer. Les syndicats, les PME et d'autres joueurs clés n'ont pas été consultés ou n'ont eu qu'une infime possibilité de se faire entendre. Aux entreprises qui ont refusé l'accord, le gouvernement a imposé un prélèvement punitif de 19 p. 100 sur les droits remboursés, et il a retiré les garanties de prêt. Il n'a pas consulté les associations commerciales qui représentaient la plupart des petites entreprises avant de négocier l'accord, et il a ensuite menacé d'abandonner l'industrie à son sort si elle n'acceptait pas.

Je suis d'autant plus heureux de ne pas avoir voté pour les conservateurs. Comparons cet accord au plan libéral, qui comprenait un soutien pour les travailleurs, les employés et les familles, en plus de ceci : 200 millions de dollars sur deux ans pour renforcer la compétitivité de l'industrie et la performance environnementale; 40 millions de dollars sur deux ans pour un système national d'innovation forestière; 30 millions de dollars sur deux ans pour la compétitivité de la main-d'œuvre, ce qui englobe le perfectionnement et l'aide aux travailleurs âgés; 100 millions de dollars sur deux ans pour la diversification économique et le renforcement des capacités dans les localités touchées; 30 millions de dollars sur deux ans pour l'ouverture de nouveaux marchés pour les produits du bois; 200 millions de dollars pour combattre le dendroctone du pin. Tout cela est disparu.

De plus, les députés libéraux au comité de l'autre endroit ont réussi à faire adopter des amendements essentiels au projet de loi pour que les droits d'exportation ne frappent ni les provinces de l'Atlantique ni les Territoires du Nord-Ouest et pour assurer une protection aux entreprises de seconde transformation. Je sais que cela préoccupait certains de mes collègues.

La façon dont le gouvernement a procédé m'inspire de graves inquiétudes. Il y a un certain nombre de questions importantes qui n'ont pas été réglées correctement dans cet accord. On a laissé 1 milliard de dollars aux Américains. C'est notre argent. Ils l'ont pris et ils refusent de le rendre. C'est là un précédent qui pourrait avoir des conséquences très préjudiciables pour l'ALENA en incitant des groupes américains à contourner l'accord à répétition par des moyens politiques.

Enfin, parmi bien d'autres questions importantes, il y en a une troisième sur laquelle je veux insister : cet accord entraînera l'exportation aux États-Unis d'emplois dans le secteur des produits à valeur ajoutée. Ces emplois ne resteront pas au Canada. De nombreux groupes veulent se faire entendre. Il y a d'excellentes raisons pour que le Sénat prenne le temps d'entendre comme il se doit un grand nombre de ces groupes. Les Métallurgistes unis, qui représentent le gros des travailleurs, s'inquiètent vivement des conséquences de l'accord. La Canadian Lumber Remanufacturers Association veut avoir la possibilité de dire à quel point les contingents peuvent être un problème important et à quel point ils peuvent faire du tort à leur industrie. Ces gens-là ont le droit de se faire entendre.

Le gouvernement a paraphé cet accord avec précipitation. Il ne l'a pas fait parce qu'il voulait un bon accord, mais pour donner l'illusion qu'il avait pris une mesure décisive. Honorables sénateurs, c'est loin d'être une mesure décisive. Si nous devions employer un autre qualificatif qui commence par la même lettre, nous dirions que c'est une mesure dangereuse.

Je m'interroge sur les raisons politiques qui ont poussé le Parti conservateur à abandonner les poursuites et à s'empresser de conclure une entente, alors que nous étions gagnants, pas seulement devant les tribunaux internationaux, mais également pour la première fois devant un tribunal aux États-Unis. Et cela, après que le parti ait fait campagne sur le maintien des poursuites et sur le libre-échange.

Cette entente nous coûte cher. Je m'attends à ce que le coût soit prohibitif.

L'honorable Hugh Segal : Le sénateur Mitchell accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Mitchell : Certainement.

Le sénateur Segal : Le sénateur Mitchell a eu la bonté de rappeler diverses poursuites victorieuses qui ont duré longtemps et qui étaient en suspens, et d'autres qui les ont suivies. Est-il d'avis que des poursuites interminables, qui duraient depuis de nombreuses années et qui allaient vraisemblablement durer encore longtemps, auraient été préférables au remboursement de 80 p. 100 des 5 milliards de dollars aux exploitants, compagnies et travailleurs canadiens? Croit-il que le fait de laisser cette situation durer encore de nombreuses années aurait représenté une meilleure politique d'intérêt général?

Le sénateur Mitchell : Oui, c'était nettement mieux que de capituler.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, ce serait comique si le sujet n'était pas aussi grave. Le sénateur nous dit qu'il reste 1 milliard de dollars sur la table à Washington. L'argent peut servir à payer encore plus d'avocats et à multiplier les poursuites devant les tribunaux. Il a parlé des emplois à valeur ajoutée qui vont vers le Sud. J'ai des amis en Colombie-Britannique qui disent voir des files de camions chargés de bois qui se dirigent vers le Sud. Ce sont des emplois qui s'en vont vers le Sud, pas seulement du bois.

Au cours de vos recherches, sénateur Mitchell, avez-vous pu déterminer combien d'emplois ont été perdus au Canada par suite de cette entente? Pouvez-nous citer des chiffres?

Le sénateur Mitchell : Je n'ai pas de chiffres précis, sénateur, mais je vous remercie de la question. On pourrait s'attendre à ce que le gouvernement qui a pris cette décision aurait effectué des travaux d'analyse pour déterminer le nombre d'emplois qui seraient menacés ou l'effet qu'il y aurait sur les emplois. On s'y attendrait, mais quand on voit le genre d'analyse que les gens d'en face ont réalisée sur les programmes liés au Protocole de Kyoto — il n'y en a eu aucune —, avant de les supprimer, je ne retiendrais pas mon souffle en attendant une telle analyse.

Le sénateur Mercer : Laissez-moi mettre cela au clair. Des compagnies forestières ferment leurs portes partout au Canada, du Québec jusque dans l'Ouest, et un bon nombre de ces fermetures résultent de cette entente. Il est renversant que le gouvernement en place puisse nous présenter cela et tenter de convaincre les Canadiens qu'il s'agit d'une bonne entente. Pour moi, s'il reste un dollar canadien sur la table et qu'un emploi est perdu au Canada, ce n'est pas une bonne entente et le gouvernement devrait retourner à la table et dire à ses amis de Washington que la population ici n'accepte pas cela.

Le sénateur Segal : C'est tout ou rien.

Le sénateur Campbell : Ce sont les règles du jeu. On gagne ou on perd.

Le sénateur Stratton : Je pensais que le premier ministre de votre province était en faveur de cela.

L'honorable Pierrette Ringuette : La plupart de mes collègues savent ce que je pense de cette entente. Ils savent aussi que la semaine dernière, au Sénat, nous avons adopté une motion demandant, pour tout projet de loi du gouvernement, que ce dernier fournisse une étude d'impact régional. La question que je vous pose est la suivante : quand le gouvernement a déposé ce projet de loi, l'a-t-il accompagné d'une étude d'impact sur l'économie régionale?

Le sénateur Mitchell : Non. Pour autant que je sache, aucune analyse de l'impact économique de cette entente n'accompagnait le projet de loi. Une telle étude doit être faite.

Le sénateur Ringuette : Étant opposé au projet de loi, si celui-ci finit par être renvoyé au comité, demanderez-vous qu'il fasse l'objet d'une étude d'impact régional?

Le sénateur Mitchell : C'est une excellente idée et je soulèverai volontiers la question auprès du comité. Nous pourrions convoquer des témoins en mesure de fournir des notions de base et des connaissances spécialisées qui pourraient être intégrées à l'examen du comité. C'est une excellente idée.

Le sénateur Ringuette : La question de la souveraineté du Canada ne faisait pas partie de votre exposé, bien qu'elle soit d'une grande importance. En effet, en vertu de cette entente, les gouvernements provinciaux devront faire approuver toutes leurs pratiques d'exploitation forestière par Washington. Le détracteur des États- Unis se penchera-t-il sur cette question de souveraineté?

Le sénateur Mitchell : Je vous remercie d'avoir soulevé cette question. Nous en tiendrons compte.

(1700)

Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, j'ai une dernière question à poser. J'en aurai d'autres à poser, mais je tiens à donner à mes collègues l'occasion de poser leurs propres questions.

Sur le montant de 1 milliard de dollars canadiens qui sera cédé à Washington en vertu de ce projet de loi, la moitié sera versée aux producteurs forestiers américains, de façon à ce qu'ils puissent développer de nouveaux marchés pour leurs produits. Je pense qu'il s'agit d'une question très importante, si à tout le moins nous voulons tenter de conserver une certaine compétitivité. Combien le gouvernement canadien versera-t-il aux producteurs canadiens pour qu'ils explorent de nouveaux marchés dans d'autres pays qui ont à coup sûr besoin de produits canadiens de qualité?

Le sénateur Mitchell : Je pense que vous réaliserez que le gouvernement canadien ne sera pas en mesure d'aider l'industrie canadienne. Il serait intéressant d'entendre les ministériels éclaircir cette question, mais je suis porté à croire que la raison pour laquelle les garanties de prêts et les programmes de soutien mis en œuvre par les libéraux ont été abolis, c'est l'existence de certaines restrictions en vertu de cette entente. En effet, de telles initiatives du gouvernement canadien sont perçues par les Américains comme des subventions conférant un avantage concurrentiel injuste à l'industrie canadienne.

Nous avons versé 500 millions de dollars aux Américains pour qu'ils viennent en aide à leur industrie. Ils peuvent utiliser librement cet argent pour soutenir leurs marchés et promouvoir leurs industries. Pourtant, nous ne pouvons mettre en œuvre des programmes visant à aider notre propre industrie. C'est ce que je pense, mais il faudrait s'en assurer.

Il est presque incompréhensible qu'un gouvernement ait pu négocier — et j'utilise le mot « négocier » dans son sens le plus large — un programme comportant autant de lacunes.

(Le débat est suspendu.)

[Français]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il est 17 h 5; vous plaît-il que le Sénat s'ajourne maintenant à loisir pour attendre l'arrivée de Son Excellence la Gouverneure générale?

Des Voix : D'accord.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)

(1720)

SANCTION ROYALE

Son Excellence la Gouverneure générale du Canada arrive et prend place au Trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son Président. Il plaît à Son Excellence la Gouverneure générale de donner la sanction royale aux projets de loi suivants :

Loi concernant l'Agence de la santé publique du Canada et modifiant certaines lois (Projet de loi C-5, Chapitre 5, 2006)

Loi mettant en œuvre des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et la Finlande, le Mexique et la Corée en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu (Projet de loi S-5, Chapitre 8, 2006)

Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation (Projet de loi C-2, Chapitre 9, 2006)

Loi concernant la compétence en matière d'éducation sur les terres autochtones en Colombie-Britannique (Projet de loi C-34, Chapitre 10, 2006)

L'honorable Peter Milliken, Président de la Chambre des communes, adresse la parole à Son Excellence la Gouverneure générale en ces termes :

Qu'il plaise à Votre Honneur.

La Chambre des communes du Canada a voté certains crédits requis pour permettre au gouvernement de pourvoir aux dépenses du service public.

Au nom de la Chambre des communes, je présente à Votre Excellence les projets de loi suivants :

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2007 (Projet de loi C-38, Chapitre 6, 2006)

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2007 (Projet de loi C-39, Chapitre 7, 2006)

À ces projets de loi, je prie humblement Votre Excellence de donner la sanction royale.

Il plaît à Son Excellence la Gouverneure générale de donner la sanction royale aux projets de loi.

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à Son Excellence la Gouverneure générale de se retirer.


(1730)

(Le Sénat reprend sa séance.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, étant donné l'heure, et compte tenu du fait que Son Excellence la Gouverneure générale nous attend à l'autre endroit, je propose que nous voyions l'horloge comme indiquant 18 heures et que, par conséquent, nous suspendions la séance jusqu'à 20 heures.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Le Sénat s'ajourne pour revenir à 20 heures.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)


(2000)

LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION

LA NOMINATION DE ROBERT MARLEAU—ÉTUDE EN COMITÉ PLÉNIER

L'ordre du jour appelle :

Le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir M. Robert Marleau relativement à sa nomination à titre de commissaire à l'information.

Le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable Rose-Marie Losier-Cool afin de recevoir M. Robert Marleau relativement à sa nomination à titre de commissaire à l'information.

[Français]

La présidente : Avant que nous commencions, j'attire votre attention sur l'article 83 du Règlement du Sénat, qui dit :

83. Lorsque le Sénat se forme en comité plénier, chaque sénateur doit occuper son propre siège. Un sénateur qui veut prendre la parole se lève et s'adresse au président du comité.

Plaît-il aux honorables sénateurs de ne pas tenir compte de l'article 83 du Règlement?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Di Nino, que M. Robert Marleau soit invité à prendre place dans la salle du Sénat.

La présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

La présidente : Monsieur Marleau, au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Vous avez été invité pour répondre à des questions au sujet de votre nomination à titre de commissaire à l'information.

Nous entendrons d'abord votre déclaration préliminaire. J'inviterai ensuite les sénateurs à poser des questions.

[Traduction]

Monsieur Marleau, vous pouvez commencer par une brève déclaration.

M. Robert Marleau : Honorables sénateurs, c'est en novembre 2003, au moment où j'ai quitté mes fonctions de commissaire intérimaire à la protection de la vie privée, que j'ai eu pour la dernière fois le privilège de venir au Sénat. Vous m'aviez fait l'honneur de me recevoir durant l'audience d'approbation de mon successeur, Jennifer Stoddart, qui occupe actuellement le poste de commissaire à la protection de la vie privée. Je ne m'étais certainement pas imaginé alors que je reviendrais ici aujourd'hui dans un tout autre rôle. C'est donc à nouveau un grand honneur et un grand privilège d'être ici pour répondre à vos questions au sujet de ma nomination à titre de commissaire à l'information.

[Français]

J'ai préparé une brève déclaration d'ouverture. Je vous épargnerai les détails au sujet de ma biographie et de mon cheminement professionnel, puisque je crois savoir que les honorables sénateurs ont reçu des copies de mon curriculum vitae dans les deux langues officielles.

J'aimerais tout d'abord vous donner les raisons pour lesquelles j'ai accepté de poser ma candidature au poste de commissaire à l'information du Canada.

Je ne vous cacherai pas que je ne suis pas un expert en matière d'accès à l'information. Ce poste fort important va aux assises même de la démocratie canadienne moderne. Le commissaire à l'information est avant tout un mandataire du Parlement, et c'est de là que vient mon intérêt.

[Traduction]

Les mandataires du Parlement sont le prolongement du Parlement. Ils sont investis d'une fonction spéciale, celle de surveiller le gouvernement et de faire rapport de leurs conclusions et de leurs recommandations au Parlement. Lorsque j'étais un haut fonctionnaire du Parlement, je côtoyais souvent les mandataires du Parlement. À l'époque où j'étais un jeune greffier de comité, je me souviens d'avoir vu l'ancien commissaire aux langues officielles, Keith Spicer, défendre son budget devant mon comité. Keith Spicer a placé la barre tellement haute pour ce qui est de la qualité des rapports présentés au Parlement que je doute qu'elle ait été atteinte par aucun autre mandataire du Parlement depuis ce temps.

Pendant le règne du gouvernement minoritaire de 1973, j'étais greffier au Comité spécial des dépenses électorales. J'ai alors travaillé avec le directeur général des élections de l'époque, Jean- Marc Hamel, à l'élaboration d'une loi sans précédent. À mon avis, M. Hamel a fixé la norme en matière d'éthique pour les mandataires du Parlement. Il a eu une profonde influence sur mon comportement et sur ma carrière.

Par la suite, à titre de greffier de la Chambre, j'ai siégé au comité exécutif de l'association des dirigeants de petits organismes et, aux côtés de John Grace, un ancien commissaire à l'information, j'ai fait la promotion des principes de l'indépendance et de l'autonomie des mandataires du Parlement, en particulier au sein des organismes centraux du gouvernement.

[Français]

En 2003, j'ai interrompu brièvement ma retraite pour accepter le poste intérimaire de commissaire à la protection de la vie privée à la suite de la démission de M. George Radwanski. De concert avec la vérificatrice générale, la Commission de la fonction publique et le Comité permanent des opérations gouvernementales de la Chambre des communes, j'ai consacré beaucoup d'efforts pour rétablir la confiance qu'ont les Canadiens et le Parlement à l'égard du Commissariat à la protection de la vie privée. Durant mon court passage au sein de cet organisme, j'estime avoir atteint non seulement les objectifs que je m'étais fixés en ce qui concerne le renouvellement du commissariat, mais j'ai aussi travaillé sur certains des grands dossiers concernant la protection de la vie privée, comme l'initiative sur la carte d'identité nationale et la question des caméras de surveillance dans les lieux publics.

[Traduction]

Plus récemment, au nom du Conseil du Trésor, j'ai dirigé un projet-pilote portant sur le nouveau processus de financement des cinq principaux mandataires du Parlement. J'ai négocié un accord- cadre avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, le directeur général des élections, la vérificatrice générale, le commissaire à l'information, le commissaire aux langues officielles et le commissaire à la protection de la vie privée. Ce projet-pilote en est maintenant à sa deuxième année et débouchera, nous l'espérons, sur un processus plus permanent qui continuera de donner aux parlementaires un rôle actif dans l'analyse du financement de ces mandataires du Parlement.

Pendant ma retraite, j'ai fait partie du groupe de conseillers externes de la vérificatrice générale et du comité de vérification externe du président de la Commission de la fonction publique. Sur la scène internationale, je suis le président bénévole du conseil de direction du Centre parlementaire du Canada, un organisme non gouvernemental qui encourage le développement démocratique et parlementaire dans les États en déroute et les pays en développement.

Dans un discours que j'ai prononcé récemment à l'occasion du Forum annuel des employés de la Commission de la fonction publique, j'ai abordé le rôle des mandataires du Parlement dans le processus de reddition de comptes de notre style de gouvernement. Je leur ai rappelé que, pour qu'ils puissent conserver leur indépendance prévue par la loi, ils doivent allégeance, en premier lieu, au Parlement; en deuxième lieu, au Parlement; et en troisième lieu, au Parlement. J'ai également insisté sur le fait qu'ils ne doivent pas oublier qu'ils sont eux-mêmes responsables devant le Parlement, pas seulement des résultats de leur travail, mais aussi de leur conduite éthique et de la gestion du budget qui leur est confié, et ce, même si le Parlement a récemment réaffirmé que le mandat de la Commission de la fonction publique était d'assurer que la fonction publique est non partisane, compétente et embauchée selon le principe du mérite. Quand, au nom de tous les Canadiens, le Parlement accorde sa confiance à un mandataire, le moins qu'il mérite de recevoir en retour est un leadership auquel il peut faire confiance.

[Français]

Lorsque j'ai quitté la fonction publique après 32 ans de service, je croyais fermement que je la quittais pour de bon. Lorsqu'on m'a offert le poste de commissaire à l'information, on m'a demandé de ne pas refuser d'emblée et d'y réfléchir sérieusement.

Alors pourquoi quitter le calme et le confort que me procure une retraite active aux côtés de mon épouse et de ma famille, me demanderez-vous? C'est la question que je me suis moi aussi posée. Après en avoir discuté avec mon épouse, nous en sommes arrivés à la conclusion que c'était tout simplement la bonne chose à faire.

(2010)

Voici ce que j'ai à offrir : une expérience du milieu parlementaire, une expertise des processus et des procédures et une saine gestion. J'avoue d'emblée que je m'oppose au statu quo lorsqu'il s'agit de gestion. Si on me nomme à ce poste, l'une de mes priorités sera d'évaluer la structure et les pratiques de gestion du commissariat, question de m'assurer que les Canadiens et les Canadiennes et le Parlement obtiennent le maximum de ce qu'ils sont en droit de recevoir.

[Traduction]

En tant qu'ombudsman et médiateur, je suis avant tout un optimiste. À mes yeux, le verre est habituellement à demi-plein et non à demi-vide. Mon style est de trouver un terrain d'entente et de travailler de manière concertée à partir de là. Je peux vous dire que j'ai et que j'aurai toujours un préjugé contre les procédures judiciaires. Elles coûtent généralement beaucoup d'argent aux contribuables et le résultat est habituellement imprévisible. L'ancien commissaire a déclaré l'automne dernier à un comité de l'autre endroit que le Commissariat à l'information recevait à peine 10 p. 100 des demandes d'accès à l'information par le truchement de plaintes. Cela m'incite à croire que le système fonctionne relativement bien si 90 p. 100 des demandes ne font pas l'objet de plaintes.

Le commissaire à l'information doit protéger farouchement son indépendance par rapport au gouvernement, mais, en même temps, il ne peut être efficace dans son rôle que s'il entretient un dialogue courtois et formel avec les organismes et les ministères dont il s'occupe. Néanmoins, les Canadiens ont des droits en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et ils méritent le meilleur service que le commissariat peut leur offrir avec les ressources fournies par le Parlement. Vous connaissez ma réticence à aller devant les tribunaux. Toutefois, lorsque les droits fondamentaux des citoyens sont en péril et que la médiation a échoué, le commissaire n'a d'autre choix que de défendre la cause avec vigueur devant le tribunal compétent, y compris la Cour suprême du Canada.

[Français]

En ce qui concerne la prise de position, je tiens à préciser que le fait de réclamer une plus grande transparence et une imputabilité accrue est une composante intrinsèque au rôle du commissaire. Cela fut unanimement reconnu lors du débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi original en 1981. Malheureusement, tous les anciens commissaires ont exprimé leur mécontentement du fait que des gouvernements successifs n'ont offert que des études et des consultations, plutôt que des modifications de fond à la loi de 1983. Je peux sembler trop optimiste en m'attendant à ce que, sous mon mandat, on apporte une réforme réfléchie à la Loi sur l'accès à l'information dans le but de renforcer ses dispositions et accroître ses répercussions. Si je suis confirmé dans ce poste, la réforme de cette loi sera pour moi l'objet principal de mes efforts.

[Traduction]

Toutefois, le commissaire n'est pas le législateur et, en fin de compte, en dépit des bons conseils du commissaire, c'est le Parlement, dans sa sagesse, qui décidera de quel genre de régime d'accès à l'information les Canadiens disposeront. Le commissaire à l'information demeure un serviteur du Parlement et, en vertu de la loi, il constitue un prolongement du pouvoir du Parlement. J'estime que le Parlement doit être le grand chef de file en matière d'accès à l'information et doit être perçu comme tel.

Honorables sénateurs, puis-je humblement vous signaler que vous ne pouvez tout simplement pas déléguer cette responsabilité à une personne et vous attendre à ce que le gouvernement en place perde immédiatement son réflexe innée de résister à la transparence. Vous devez toujours rester attentifs, réagir aux recommandations du commissaire et continuer à exercer des pressions sur les gouvernements pour qu'ils soient toujours plus transparents.

Avec votre appui, je crois pouvoir faire progresser l'ouverture gouvernementale en faisant des interventions tenaces, ciblées et opportunes. J'estime que, à titre de commissaire intérimaire à la protection de la vie privée, j'ai montré ma capacité de défendre la cause de façon efficace et équilibrée. J'ai bon espoir de pouvoir le faire encore dans ce nouveau rôle.

Je crois également que, durant ma carrière de 32 ans au service du Sénat et de la Chambre des communes, j'ai amplement montré ma capacité d'être indépendant du gouvernement et d'être considéré comme tel dans l'accomplissement de mes fonctions.

[Français]

Honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi d'être nommé à ce poste, et l'honneur sera encore plus grand si ma nomination est confirmée par les deux Chambres du Parlement canadien.

Madame la présidente, je vous remercie. Mon sort est entre vos mains.

[Traduction]

La présidente : Merci. Honorables sénateurs, je vais maintenant commencer à dresser une liste des sénateurs qui souhaitent poser des questions. Le premier sur la liste est le sénateur Kinsella.

[Français]

Le sénateur Kinsella : J'aimerais remercier M. Marleau d'avoir accepté d'être candidat pour ce poste si important pour la démocratie canadienne et notre système de gouvernance.

[Traduction]

De toute évidence, honorables sénateurs, comme nous avons devant nous un mandataire honoraire de la Chambre des communes, je pense qu'il est tout naturel qu'en tant que Président du Sénat, ayant dû de temps à autre me reporter à un important ouvrage de procédure dont le candidat est un des auteurs, je pose la première question.

Je voudrais commencer de la façon suivante, honorables sénateurs. M. Marleau, nous connaissons la teneur de la loi, mais, en tant que gestionnaire d'une administration publique, quelles seraient les grandes lignes de l'énoncé de mission que vous établiriez comme commissaire à l'information?

M. Marleau : Merci, madame la présidente, et par votre entremise, je dirai au Président du Sénat que j'ai donné dans mes observations les grandes lignes de l'énoncé de mission qui, à mon avis, est requis par la loi et par les réalisations des commissaires précédents. L'énoncé comprendrait deux volets. Le premier serait une saine administration. Je l'ai appris à mes dépens lors de mon court passage au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. L'autre serait la promotion et la défense, et bien que ce soit une question de style personnel propre à chaque commissaire, ce volet de la mission doit être équilibré. Il ne s'agit pas seulement de promouvoir uniquement un gouvernement transparent, mais aussi de promouvoir un gouvernement transparent au nom du Parlement. Car, sans l'appui du Parlement, la promotion d'une telle cause n'aura pas plus d'effet que si on prononçait un discours à la tribune libre. Les parlementaires peuvent avoir des désaccords, mais si vous parlez au nom du Parlement, votre discours aura bien plus de poids. La mission a donc deux volets : la promotion et une saine gestion.

Le sénateur Kinsella : Madame la présidente, dans ma deuxième question, je passe de l'énoncé de mission au plan stratégique.

Dans le contexte de vos réflexions sur vos plans stratégiques, quels seraient, durant le prochain exercice, certains des objectifs et des impératifs organisationnels, du point de vue de l'administration publique, que vous mettriez en évidence auprès des sénateurs?

M. Marleau : En ce qui concerne la question plus large de l'accès à l'information, tout est en place, en quelque sorte. Le ministre de la Justice a déposé un document de travail qui fait suite à une proposition de révision de la loi que la précédente commissaire à la protection de la vie privée a présenté en comité. Le comité de l'autre endroit a déposé à la Chambre un rapport demandant que le gouvernement présente d'ici vendredi un projet de loi à cet égard.

Dans une grande mesure, les positions, si je puis dire, ont été établies. En ce qui a trait à une intervention stratégique, mon approche serait de concilier le livre blanc du gouvernement avec les modifications que la commission propose qu'on apporte à la loi. Mon approche serait de concilier cela, afin que nous puissions faire avancer la cause d'un gouvernement transparent, aplanir les divergences et aller de l'avant.

Dans une large mesure, une bonne partie du travail a déjà été effectuée avant mon arrivée, et nous sommes peut-être à un point tournant. Comme je l'ai dit dans mes observations préliminaires, je suis peut-être trop optimiste en pensant que, au cours de mon mandat, nous assisterons à une réforme importante de la loi. Les conditions sont réunies, et j'espère être celui qui amènera les deux parties à s'entendre.

(2020)

Je n'ai aucun scrupule à m'entretenir avec le ministre de la Justice. Je ne considère pas qu'il s'agisse là d'une perte d'indépendance. Il faut instaurer le dialogue. C'est une chose que d'être un chien de garde et de mordre, c'en est une autre que d'être un chien de garde et d'aboyer, mais le chien remue la queue de temps à autre pour manifester son approbation.

Le sénateur Kinsella : Pour passer de l'énoncé de mission à un plan stratégique, en tant qu'ancien administrateur public, je voudrais parler du budget. Avez-vous eu l'occasion d'examiner la proposition relative au budget du Bureau du commissaire à l'information pour l'exercice 2007-2008? Avez-vous des observations à faire aux honorables sénateurs au sujet de la justesse du budget qui est prévu pour le Bureau du commissaire à l'information si votre nomination à ce poste était confirmée? Le processus de planification du budget qui est en cours est-il satisfaisant, compte tenu des renseignements dont vous disposez, ou comporte-t-il certains irritants dont vous voudriez nous faire part?

M. Marleau : Je crois que, dans chacun de leur rapport, les commissaires qui m'ont précédé se sont plaints d'un manque de financement chronique. Je dirais toutefois qu'il y a eu une certaine amélioration en 2006-2007 dans cadre de la de révision du financement des mandataires du Parlement. En lisant les documents budgétaires et le témoignage que le sous-commissaire a présenté devant le comité de l'autre endroit, j'ai appris qu'il y avait eu une augmentation de budget de l'ordre de 47 p. 100. Le commissariat n'a pas pu dépenser toute cette somme encore à cause des efforts accrus de recrutement des employés et des enquêteurs, ce qui prend beaucoup de temps. Nous avons également besoin de locaux. J'ai tiré ces renseignements des témoignages qui ont été rendus, je n'ai pas encore assisté à une séance d'information à cet égard.

L'augmentation du financement doit servir à réduire l'arriéré au niveau des enquêtes, qui continue de croître de 2 p. 100 par année. Je crois que, pour un premier essai au moins, cette percée fera beaucoup pour nous aider à résoudre certaines des plaintes formulées par les anciens commissaires. Je me pencherai sur la meilleure façon d'utiliser cet argent.

Le sénateur Milne : Notre Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a récemment eu l'occasion d'entendre des représentants du Commissariat à l'information du Canada, dans le cadre de notre étude sur le projet de loi C-2, connu sous le nom de Loi fédérale sur la responsabilité. Pendant l'examen de ce projet de loi au Sénat, j'ai proposé un certain nombre d'amendements en comité qui ont reçu l'appui du Commissariat à l'information. J'ai entre autres présenté un amendement qui visait à restreindre le nombre d'exemptions que le projet de loi C-2, qui a maintenant force de loi, reconnaît au vérificateur général et au commissaire aux langues officielles à l'égard des demandes d'accès à l'information.

Êtes-vous d'avis que tous les mandataires du Parlement devraient être traités de la même façon aux termes de la Loi sur l'accès à l'information?

M. Marleau : J'ai lu les témoignages qui ont été présentés devant votre Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je dois dire que je ne connais pas le dossier du projet de loi C-2 aussi bien que vous.

À première vue, je ne vois aucune raison pour qu'on ne traite pas tous les mandataires du Parlement de la même façon. La plupart d'entre eux travaillent sur des enquêtes et des vérifications et ils préparent des rapports de vérification. Les exemptions actuellement prévues dans la loi sont à mon avis très adéquates. Toutefois, j'ai un peu de mal à comprendre la distinction qui peut être établie entre le directeur général des élections et le commissaire au lobbying par exemple. Si nous voulons être les premiers à défendre le principe de la transparence du gouvernement, il faudrait que tous les mandataires du Parlement soient assujettis également à l'accès à l'information.

Le sénateur Milne : Ma deuxième question porte sur l'enquête du juge Gomery et sur les observations de la vérificatrice générale. Dans son rapport, le juge Gomery a rejeté l'argument voulant que les documents de travail se rapportant à des vérifications dussent être tenus secrets pour toujours. La vérificatrice générale s'est dite d'avis qu'on nuirait ainsi au travail de vérification — je crois qu'elle a bel et bien parlé d'un effet nuisible. Entre-temps, le Commissariat à l'information a déclaré publiquement que les documents de travail se rapportant à des vérifications font l'objet, depuis 1983, de demandes d'accès à l'information et qu'ils sont visés par les exemptions prévues dans la loi. Je fais ici un lien avec votre dernière réponse. Pourriez-vous me donner votre point de vue sur la question de la communication des documents de travail se rapportant à des vérifications par la vérificatrice générale?

M. Marleau : Honorables sénateurs, je n'ai pas eu l'occasion de lire les témoignages de la vérificatrice générale au sujet du projet de loi C-2, alors j'hésite à donner mon point de vue sans connaître les deux côtés de l'affaire. Je crois avoir lu un rapport où elle parlait d'un effet néfaste. Il y a des problèmes qui pourraient surgir, j'en suis sûr, si une enquête ayant lieu en même temps qu'une vérification entraînait la publication de documents se rapportant à la vérification avant que celle-ci ne soit terminée. La vérification pourrait en pâtir. Un vérificateur pourrait simplement avoir couché sur papier des réflexions préliminaires qui, en fin de compte, ne devaient pas se retrouver dans le rapport final de vérification.

Je crois que les exemptions prévues actuellement dans la loi nous prémunissent contre ce genre de situation. La vérificatrice générale pourrait devenir plus explicite d'une certaine manière. Il y avait aussi le facteur temps, c'est-à-dire le délai au bout duquel de tels documents devraient être accessibles. Un délai de 15 ans serait beaucoup trop long; un délai de cinq ans pourrait l'être également. Plus on se rapprochera du moment où la vérification se termine, mieux ce sera.

Le sénateur Milne : Vous rendez-vous compte que les dispositions actuelles ou passées de la loi ont changé cet après-midi lorsque le projet de loi a reçu la sanction royale?

M. Marleau : J'en suis bien conscient.

Le sénateur Milne : Monsieur Marleau, dans la plupart des provinces et des territoires au Canada, il existe des dispositions juridiques sur l'accès à l'information qui autorisent la communication de l'information lorsqu'il est clairement dans l'intérêt général qu'il en soit ainsi. Pensez-vous que, pour améliorer l'application de la Loi sur l'accès à l'information, il serait utile d'inclure une telle disposition dans la version actuelle de cette loi, c'est-à-dire dans la version qui est en vigueur depuis la sanction royale?

M. Marleau : Étant donné que la sanction royale a été donnée aujourd'hui, que les deux Chambres se sont entendues vendredi et que, jusqu'à jeudi dernier, elles n'étaient toujours pas parvenues à s'entendre, et compte tenu de la façon dont les journaux sont rédigés — et que j'aurais dû corriger du temps où j'étais greffier —, je dirais que c'est le nombre plutôt que le libellé des amendements qui retient l'attention. Il m'est difficile d'évaluer les effets véritables du projet de loi C-2.

En ce qui concerne toutes les formules servant à évaluer l'intérêt public — critère de préjudice, critère subjectif —, on peut les examiner en soumettant la loi à un examen fondamental au lieu d'adopter une approche — je ne voudrais pas dire à la pièce — disons fragmentaire. C'est dans son ensemble qu'il faut aborder cette question particulière, plutôt que dans son application à tel ministère, organisme ou organisme d'enquête par rapport à un organisme de vérification. Je préférerais vous faire part de mes observations de fond après avoir eu l'occasion d'évaluer tous les aspects.

Le sénateur Di Nino : Monsieur Marleau, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la déclaration que la vérificatrice générale a faite à l'occasion d'une séance du comité sénatorial chargé d'étudier le projet de loi C-2, le 27 septembre, je crois. Elle a déclaré ce qui suit en parlant du sous-commissaire à l'information :

Sans vouloir offenser le sous-commissaire, sa position reflète une incompréhension de la fonction de vérification. En fait, notre rôle est de renforcer le processus redditionnel en fournissant aux parlementaires une assurance quant aux finances et aux activités du gouvernement. Toutes les conclusions jugées importantes sont consignées dans nos rapports publics déposés au Parlement. Le point de vue du sous-commissaire à l'information traduit également un manque de compréhension des conséquences négatives que pourrait avoir, sur notre capacité à effectuer nos vérifications, l'obligation de rendre publics nos dossiers de vérification. Selon moi, nous ne pourrions pas établir une relation aussi franche et ouverte avec les personnes que nous interrogeons pendant nos vérifications.

(2030)

Avez-vous des observations?

M. Marleau : Tout ce que je peux répondre, c'est que j'ai entendu de nombreuses discussions entre des avocats et des comptables qui prétendent avoir raison, selon leur profession. Je reçois généralement des conseils fiscaux de mon comptable et des conseils juridiques de mon avocat. Lorsque les deux sont en désaccord, je m'inquiète.

Pour ce qui est de votre question précise, la vérificatrice générale sait sans aucun doute ce qu'elle fait et elle considère qu'une certaine modification à la loi pourrait nuire à la qualité de son travail. Dans une certaine mesure, la même chose peut s'appliquer au commissaire à l'information. Ce dernier a des pouvoirs assez larges pour ce qui est d'assigner à comparaître des gens et de les contre-interroger en privé. Je suppose que si les gens savaient cela, du fait qu'ils ont accès à ce processus, ils sauraient quels renseignements sont transmis. Cela pourrait grandement nuire à ce processus également.

Les deux ont peut-être raison du point de vue de leur profession. Ma tâche consiste à voir comment je peux intervenir entre les deux pour aplanir leurs différends.

Le sénateur Di Nino : Monsieur Marleau, je peux voir que votre longue expérience à un poste qui exige beaucoup de discrétion vous sert très bien.

Pour mettre un peu plus l'accent sur cette question, il y aura manifestement des différences dans les tensions qui peuvent exister entre un certain nombre de mandataires du Parlement tels que, comme vous l'avez dit, la vérificatrice générale, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire à l'information et le reste. Je connais probablement la réponse, mais en fonction des expériences que vous avez vécues, prévoyez-vous des difficultés? Pourriez-vous nous dire comment vous feriez face à ces dernières?

M. Marleau : Je n'entrevois aucun problème. Du point de vue de l'accès, une personne demande de l'information à un mandataire du Parlement. Il y a un processus en place. C'est le même qui s'applique à n'importe quel organisme généralement et il ne devrait pas y avoir de tensions ou de difficultés, pas plus que lorsque la vérificatrice générale viendra vérifier mes livres. Cela ne devrait pas créer des tensions, à moins qu'il y ait quelque chose de vraiment répréhensible. C'est un type de tension bien différent.

Il y a possibilité de conflit entre le commissaire à la protection de la vie privée et le commissaire à l'information du Canada. Vous vous souviendrez peut-être qu'il avait été question, il y a quelques mois, de fusionner les deux commissariats. L'ancien juge LaForest, qui étudiait cette possibilité, m'avait demandé de le rencontrer pour lui faire part de mon expérience au Commissariat à la protection de la vie privée. Je lui ai déconseillé une telle fusion. Il existe une importante tension dynamique entre ces deux commissariats, tension qui doit, selon moi, demeurer entre deux entités distinctes. Je m'explique. Il est préférable que deux commissaires se concentrent sur des intérêts spécifiques et qu'ils discutent des questions pouvant entraîner des frictions entre les deux commissariats afin d'en arriver, peut-être, à une entente. S'il est impossible de s'entendre dans ce genre de situation, même si j'ai dit que je rechignais à m'adresser aux tribunaux, je crois qu'il est préférable de laisser les tribunaux décider qui a prépondérance lorsque la tension devient malsaine. C'est là le seul cas.

À moins que les engagements en matière de langues officielles ne soient pas respectés, il ne devrait y avoir aucune tension entre le directeur général des élections et le commissaire aux langues officielles. Je peux vous assurer que telle est mon intention. Qu'il s'agisse de l'intégrité de la fonction publique ou autre, je ne prévois pas d'autre problème que cette tension dynamique qui existe déjà depuis un certain temps.

Le sénateur Di Nino : Merci, monsieur Marleau. Si vous êtes confirmé dans vos fonctions, c'est avec joie que nous travaillerons avec vous.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Monsieur Marleau, j'aimerais aborder un autre sujet. Comme vous le savez, la panique s'est emparée des démocraties de l'Ouest à partir du 11 septembre 2001, particulièrement en Amérique du Nord, et on a souvent réagi quasiment avec affolement face à certains éléments de sécurité nationale. Les libertés civiles et les droits humains ont été manœuvrés, et on a adopté des mesures comme le Patriot Act aux États-Unis et son équivalent au Canada.

Cela dit, j'aimerais savoir jusqu'à quel point vous êtes à l'aise avec cette nouvelle notion de sécurité nationale au sein d'organismes tels les Affaires étrangères, la Défense nationale et la GRC, par exemple.

Croyez-vous que les paramètres sont raisonnables ou méritent-ils d'être révisés dans le contexte d'une situation plus pondérée maintenant?

M. Marleau : Honorables sénateurs, je dois vous avouer que, durant mon court passage au poste de commissaire intérimaire à la protection de la vie privée, l'évolution de la législation canadienne et internationale en matière de sécurité et son impact sur la vie privée des citoyens était un souci fondamental. Je n'ai pas à vous signaler les causes récentes qui montrent les conséquences sérieuses de cela, même si l'intention de l'État est bonne.

En ce qui a trait à l'accès à l'information, cependant, je dois vous dire que, même si le contexte a changé depuis 2001, la loi existe depuis 1983. Les questions de sécurité nationale des Affaires étrangères ou de la Défense nationale ou du Service du renseignement, à mon avis, n'ont pas été pénalisées par cette loi. Je ne vois aucun préjudice flagrant qui ait causé des problèmes majeurs au gouvernement alors que la loi prévoit une exemption et un accès selon les conditions de la loi.

Les événements de 2001 exigent peut-être que l'on revoie la loi à fond, pas seulement dans ce contexte, mais à fond dans son ensemble et dans sa portée, afin de nous assurer que l'on retrouve un équilibre et une certaine transparence pour éviter des excès pas nécessairement malveillants, mais des excès de secrets et d'agissements derrière les coulisses plutôt qu'à la vue du public canadien.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, des données — et j'avoue que je n'en ai pas de spécifiques à vous rapporter — reflètent que, depuis au moins 2001, et particulièrement depuis la mise en œuvre des nouvelles lois d'application sur la sécurité nationale, on se retrouve avec nombre de documents peints en noir plutôt qu'avec des documents informatifs clairs; il y a une recrudescence significative de ce volet.

Lors de cette analyse de fond que vous voulez faire — une initiative que je considère particulièrement utile à ce moment-ci, cinq ans après les événements —, j'aimerais savoir s'il vous sera possible de porter une attention particulière à l'information fournie, pour voir si la nature de la bête a changé en ce qui a trait à l'abus potentiel de ces organisations.

Essentiellement, envisagez-vous de suivre la mise en marche actuelle et la réaction qui existe en dehors du milieu face aux réponses qui sont données?

M. Marleau : Honorables sénateurs, d'emblée, ma réponse est oui. Je pense que les événements de 2001 nous ont portés à regarder plusieurs aspects de la situation, mais ce n'est pas le seul motif de revoir la loi de façon réfléchie.

(2040)

Je dirais qu'il est même évident pour les gens qui ne sont pas directement dans le milieu que le réflexe de non-transparence des gouvernements a augmenté. Le dernier commissaire n'y est pas allé de main morte dans son vocabulaire; moi-même, en tant que citoyen canadien, je trouve que le réflexe de non-transparence est plus fort que jamais. Pas nécessairement pour des raisons mal intentionnées, peut-être simplement parce que l'on tient à la sécurité de ce pays.

Une refonte de la loi, une révision réfléchie, pourrait mettre en contexte ce que vous soulevez, et peut-être même permettre de retracer une certaine évolution depuis 2001. Si on a utilisé plus de crayon noir, cela veut tout de même dire quelque chose.

Le sénateur Dallaire : Seriez-vous à l'aise de produire des analyses qui deviendraient publiques en ce qui a trait à l'attitude reflétée par différents ministères ou agences, vis-à-vis de l'application de la Loi sur l'accès à l'information dans le contexte plus exigeant d'aujourd'hui?

M. Marleau : Honorables sénateurs, je serais prêt à cela; je ne sais pas à quel point le commissariat dispose des ressources pour le faire à court terme. Mes prédécesseurs ont attribué des bulletins de performance à différents ministères et il serait peut-être possible d'ajouter un contexte à ces bulletins, selon qu'ils traitent d'avant 2001 par opposition à l'après-2001. Je ne sais pas si ce serait assez scientifique pour vous, mais je pense qu'on pourrait au moins dégager des tendances.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Bienvenue, monsieur Marleau. J'enchaîne sur les remarques que vous avez faites au sujet des réflexes. Lorsque vous avez parlé de Keith Spicer, je me suis rappelée qu'en plus d'accueillir les plaintes, de refondre la loi et d'exercer des fonctions de gestion, vous avez aussi un rôle de prédicateur à jouer.

Il y a environ un an et demi, l'Association canadienne des journaux a publié ce qu'on appelle une vérification nationale. Il s'agissait d'une enquête approfondie sur la liberté d'information et les systèmes d'accès à l'information. Soixante-quinze pour cent des ministères fédéraux n'ont pas obtenu la note de passage. Dans une grande mesure, cela avait assurément à voir avec la culture institutionnelle. En discutant autour d'un verre avec un fonctionnaire, on peut apprendre 20 façons de résister et de ne pas donner suite à des demandes en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

En attendant que la loi soit modifiée, corrigée et rendue parfaite, que pouvez-vous faire pour commencer à mettre cette culture à mal?

M. Marleau : Il y a deux choses que je peux faire. Je ne sais pas si je suis un bon prédicateur, mais je suis très fort en stratégie. Je déteste gaspiller mon énergie en faisant du tapage. Il est nécessaire d'être fin stratège dans ses interventions.

Je suis au courant des opinions de l'Association canadienne des journaux. Certaines des fiches de rendement que j'ai lues dans le rapport du commissaire montrent une détérioration.

Premièrement, j'aimerais plaider la cause du statut professionnel des agents de l'AIPRP. Dans la fonction publique, il y a des professions reconnues telles que celle de vérificateur interne, de juriste et de gestionnaire de ressources humaines qui jouissent d'un certain statut et qui sont assorties de responsabilités plus grandes au sein des ministères que la seule obligation de faire rapport à un superviseur immédiat. Nous pouvons offrir davantage de formation et mieux reconnaître la pratique professionnelle des agents de l'AIPRP. Nous faisons en sorte que les bureaucrates entrent dans le cercle de la responsabilité créé par la Loi sur l'accès à l'information. Les agents de l'AIPRP font du bon travail.

Ils ont parfois la tâche difficile, probablement pas nécessairement parce qu'il y a de la résistance. Ils manquent de ressources, ils manquent de priorités et la loi est mal comprise. La reconnaissance de la pratique professionnelle des agents de l'AIPRP contribuerait à l'avancement de leur cause.

Deuxièmement, je mettrais au point une série stratégique d'interventions basées sur un terrain d'entente. Les commissaires ne veulent pas d'une autre étude. En fait, il y a eu une telle étude en 2002, suivie de plusieurs autres depuis. Nous devons trouver un terrain d'entente qui puisse aboutir à un projet de loi.

Voilà donc les deux initiatives que je prendrais dans la première partie de mon mandat.

Le sénateur Fraser : On se plaint souvent du coût élevé de certaines demandes faites en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. J'ai fait partie du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste. Une femme a informé le comité qu'elle avait reçu une facture de 25 000 $ pour une demande qu'elle avait faite auprès du ministère de l'Environnement.

J'ai également une note concernant une Torontoise qui cherchait de l'information sur les dépenses engagées par la ville au titre des réparations des terrains de jeu. Il ne s'agit pas de sécurité nationale ou de science ésotérique. À la suite de sa demande, elle a reçu une facture de presque 13 000 dollars. Cette facture venait de la ville de Toronto, pas du gouvernement fédéral. Quoi qu'il en soit, ces exemples parlent d'eux-mêmes.

Le Comité des transports et des communications a recommandé que les droits exigés pour effectuer des recherches en vertu de la Loi sur l'accès à l'information soient basées sur un prix raisonnable plutôt que sur l'accès. Le gouvernement devrait assumer une partie des frais, ne serait-ce que dans l'intérêt d'un système ouvert, transparent et démocratique. Que pensez-vous de cette recommandation?

M. Marleau : Honorable sénateur, dans un monde idéal, ce service devrait être gratuit car, jusqu'à un certain point, le contribuable a déjà payé pour la création de ce document. Il faut tenir compte de l'assemblage, de la reproduction et du temps nécessaire pour réunir les fichiers nécessaires. À ma connaissance, la grille tarifaire n'a pas été revue en profondeur depuis 1983. Il en coûte 5 $ pour présenter une demande. Il n'a jamais été question d'autofinancement. Il ne s'agit pas d'un système financé par l'usager. Vingt cents, c'est plutôt cher pour faire photocopier une page.

Il faut établir un équilibre entre les besoins des simples citoyens et ceux des sociétés. Il devrait y avoir des catégories de demandes et une grille tarifaire progressive. Voilà donc ce que je pense, à prime abord, de la question des tarifs. Cependant, je le répète, la question n'a pas été examinée dans ce contexte.

Le document de travail du ministre mentionne que l'administration de la Loi sur l'accès à l'information coûte actuellement 50 millions de dollars par année. Les propositions formulées par l'ancien commissaire risqueraient de tripler ce coût, qui grimperait à 150 millions de dollars par année. Cela me pose un problème. Je ne sais pas d'où sortent ces chiffres. Ils figurent simplement sur une page. Répondre aux demandes d'accès à l'information entraîne des coûts multiples qui font partie des frais généraux des ministères. Si on tient compte de ces coûts, ils ne devraient pas être attribués à l'accès à l'information. Bien entendu, de nos jours, il faut tenir compte des coûts. Je propose la mise en œuvre d'un système de frais graduels.

(2050)

J'ai fait part d'une autre idée, découlant de mon expérience au sein du Commissariat à la protection de la vie privée, à l'ancien juge LaForest pour son étude. Le commissaire à la protection de la vie privée a des pouvoirs de vérification et peut examiner comment un ministère organise ses renseignements pour garantir la protection de la vie privée. Le commissaire à l'information a des pouvoirs d'enquête, ce qui signifie qu'il peut se servir de ses pouvoirs pour faire des vérifications, si je puis dire, mais il n'a aucun pouvoir de vérification à proprement parler.

Dans le domaine de la protection de la vie privée, il existe une technique très efficace, qui n'exigerait probablement pas de modification de la loi. J'aimerais tenter de l'appliquer à l'information. Du côté de la protection de la vie privée, il y a les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, les EFVP. Du côté de l'information, on pourrait avoir des évaluations des facteurs relatifs à l'information, des EFI. Tout ministère lançant un nouveau programme de gestion de l'information et mettant sur pied une base de données à cette fin devrait, d'entrée de jeu, demander conseil auprès du commissaire à l'information pour savoir s'il en coûtera 17 millions de dollars ou 1,7 million de dollars pour avoir accès à l'information en question. Ce ministère demanderait également des recommandations sur les façons de stocker l'information afin de la rendre facilement accessible par quiconque en fait la demande.

Ce n'est qu'une idée. Il n'est certainement pas nécessaire de modifier les lois pour que cela se produise, car la Loi sur la protection des renseignements personnels n'en fait pas mention. Il s'agit d'une entente entre le commissaire et un administrateur général soucieux d'économiser une partie du temps et de l'argent consacrés au traitement des plaintes en obtenant des conseils lui permettant de s'assurer qu'il n'y a aucune plainte.

Le sénateur Fraser : Merci pour ces réponses des plus intéressantes.

[Français]

Le sénateur Comeau : Je vous remercie, monsieur Marleau, d'avoir accepté de soumettre votre candidature au poste de commissaire à l'information. Nous en sommes très heureux.

En tant que commissaire à la vie privée, et au cours de votre longue carrière, vous avez occupé des postes où la discrétion était très importante et où l'accès à l'information était bien gardé. Si vous êtes nommé commissaire à l'information, est-ce que cette habitude de discrétion vous posera problème?

M. Marleau : Honorables sénateurs, je ne crois pas que cela pose problème. Le rôle que j'occupais à l'autre endroit exigeait souvent ma discrétion sur plusieurs plans. Je ne pouvais pas partager toutes les informations dont j'avais connaissance avec les partis avec lesquels j'interagissais. Ces connaissances devaient être investies, dans un sens et dans l'autre, pour faire avancer les dossiers.

Le commissaire à l'information, lorsqu'il rencontre un ministre ou un directeur d'agence, doit adopter à peu près la même attitude. On partagera certaines connaissances sur lesquelles il ne sera pas nécessaire de prendre position publiquement. Cela n'empêche pas le commissaire d'agir en fonction de ses pouvoirs là où le dialogue n'est pas maintenu.

Si vous me soupçonnez d'avoir été trop discret, dans mes fonctions de greffier, et que vous êtes préoccupé par le fait que je doive devenir plus transparent, laissez-moi vous rassurer. Je crois que la transition sera assez facile, comme elle le fut lorsque je suis devenu commissaire intérimaire à la protection de la vie privée.

Le sénateur Comeau : Vous devrez garder un équilibre entre ces deux aspects.

[Traduction]

Le sénateur Grafstein : Monsieur Marleau, vous êtes bien connu dans cette enceinte en raison du travail que vous y avez fait. J'aimerais poser une question philosophique et une question plus pointue.

Vous nous avez dit que vous devez réfléchir de façon stratégique et nous sommes d'accord. Vous ne pouvez pas tout faire pour tout le monde parce qu'il y a des limites en termes de financement, de budget et de temps. Dites-nous comment la façon dont vous organisez vos idées fonctionne sur le plan philosophique quand il est question de l'accès à l'information et du droit du public d'être informé. Dites-nous comment la façon dont vous organisez vos idées fonctionne sur le plan philosophique quand il est question de la protection de la vie privée et du droit à cette protection, une bonne question de politique publique qui suscite constamment des conflits. Il y a ensuite la question plus complexe de la sécurité, de l'information que le gouvernement doit garder secrète dans l'intérêt des citoyens, de la sûreté et de la sécurité.

Quel est votre cheminement intellectuel, d'un point de vue philosophique, quand vous devez prendre une décision sur une question qui entre en conflit avec tous ces principes et que vous avez le mandat, le pouvoir et la responsabilité de faire une recommandation en ce qui concerne l'accès à l'information?

Donnez-nous une idée de votre cheminement intellectuel lorsque trois principes de politique publique valables entrent en conflit.

M. Marleau : Je ne m'attendais pas à cette question, mais elle est pertinente. En fait, elle porte sur la qualification et l'attitude du commissaire. D'un point de vue philosophique, la protection de la vie privée et le droit à l'information sont sur un pied d'égalité. À mon avis, aucun de ces principes ne l'emporte sur l'autre du simple fait que l'un vise à protéger la vie privée et l'autre le droit à l'information. Le commissaire à l'information doit faire preuve du respect voulu, tel que prévu dans la loi, et doit considérer la protection de la vie privée comme un élément important lorsqu'il prend une décision ou fait une recommandation. Sur le plan philosophique, il aborde la question en partant du principe que le gouvernement doit être ouvert, mais le commissaire doit également tenir compte de la protection de la vie privée.

Sur le plan personnel, tout au long de ma carrière, je me suis employé à faire ce qui était bien, pas simplement à bien faire les choses, mais à faire ce qui était bien. Si pour respecter ce principe, je dois, de temps à autre, déclarer que la protection de la vie privée est primordiale, je n'aurai aucune hésitation. Si j'estime que c'est la chose à faire, je n'hésiterai pas à le dire. J'aborderai la question du point de vue d'un gouvernement ouvert avant d'en arriver à cette conclusion. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Grafstein : Votre réponse est des plus utiles, monsieur Marleau. Permettez-moi de vous donner l'exemple de quelque chose qui s'est produit lorsque votre prédécesseur était en poste. Je précise que ce dernier était un bon ami de M. Reid, un ancien parlementaire. Si mes souvenirs ne sont pas exacts, vous me corrigerez.

On a demandé à un ancien premier ministre de soumettre son carnet de rendez-vous en invoquant que l'agent d'information avait le droit de savoir ce que le premier ministre faisait dans son bureau, puisque le premier ministre est le principal titulaire de charge publique au pays.

Je vous dirai, pour votre gouverne, qu'à mon avis le premier ministre a le droit d'obtenir les meilleurs conseils possibles du plus grand nombre de sources possibles. Certains de ces renseignements peuvent relever du domaine public et d'autres du domaine privé, car personne ne pourra lui parler franchement si des comptes doivent être rendus. Nous tenons des réunions privées où nous échangeons bien franchement des points de vue. Nous ne voulons pas que ces opinions soient divulguées, parce qu'il nous arrive de prendre des positions difficiles et extrêmes sur des sujets. Cela fait partie de l'échange de bonnes idées. Que pensez-vous de cet exemple?

M. Marleau : J'ai suivi ce débat dans les médias, mais le Commissariat à l'information ne m'a pas informé sur cette affaire. Je ne me souviens pas comment elle s'est terminée. La Cour fédérale a été saisie de l'affaire, mais elle n'a peut-être pas encore rendu son jugement. Je ne suis pas en position de commenter les mesures prises par le commissaire Reid, car je ne connais pas suffisamment ce dossier.

(2100)

Je dirai, toutefois, qu'il existe des choses qui font partie de notre régime démocratique et de notre style de gouvernement. Je pense, par exemple, au secret du Cabinet, au secret professionnel de l'avocat, au secret d'intérêt public et à l'immunité parlementaire qui parfois interviennent en ce qui concerne l'accès à l'information. Il faut alors examiner chaque situation pour déterminer si elle est préjudiciable à la pratique en cause.

Le ministre de la Justice a soulevé la question du secret professionnel de l'avocat et le commissaire a tranché que ce secret n'était pas éternel, qu'un conseil donné par un avocat il y a 100 ans et qui fait maintenant partie de l'histoire n'est pas nécessairement visé par le secret professionnel de l'avocat. Je ne sais pas, il faudrait que je me penche sur la question. Je ne saurais dire de façon catégorique si une opinion d'un avocat déposée au ministère de la Justice il y a 100 ans, qui pourrait encore être valide et être utilisée par le ministre aujourd'hui, serait admissible ou non. Cependant, quand il est question du secret du Cabinet, du secret d'intérêt public, de l'immunité parlementaire et du secret professionnel de l'avocat, il faut faire preuve d'une grande prudence.

Le sénateur Segal : Monsieur Marleau, je vous félicite d'avoir accepté cette tâche lourde et difficile. J'y vois deux raisons d'espérer. Premièrement, le fait qu'une personnalité parlementaire de votre prestige, si respectée de part et d'autre du Sénat, accepte cette charge. Même si vous avez l'air beaucoup plus jeune que votre âge avancé ne devrait l'autoriser, le fait que vous acceptiez d'assumer cette tâche à ce moment de votre vie pour nous faire bénéficier de votre sagesse et de votre expérience est fort encourageant.

J'aimerais vous demander de nous livrer vos pensées concernant les différences qui existent entre le projet de loi C-2 et la loi qui régit vos activités. À l'heure actuelle, en matière d'accès à l'information, si une entreprise ou un organisme sans but lucratif consultait le gouvernement pour une raison pertinente et partageait des renseignements confidentiels à cet égard, un concurrent ne pourrait faire divulguer cette information sans la permission du tiers.

Cependant, selon la modification que propose le projet de loi C-2 à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, tout lobbyiste qui fait des démarches auprès des représentants ou des agents de la Couronne a l'obligation, comme toute personne à qui il adresse, de divulguer la nature et le contenu de ses activités. Il me semble alors que nous sommes devant deux normes de divulgation distinctes, par inadvertance, il va sans dire.

Avez-vous déjà réfléchi au rôle qui pourrait être le vôtre pour ce qui est de la mise en œuvre du projet de loi C-2 et de tout désaccord involontaire qu'il pourrait y avoir entre ses dispositions et la loi actuelle qui vous gouverne?

M. Marleau : Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai à peine eu le temps de me mettre au fait des derniers aboutissements du projet de loi C-2. Je prends bonne note de ce que vous venez de dire et je vais certainement me pencher sur cette possibilité d'écart en matière de divulgation.

Je ne connais pas à fonds la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. J'estime que la loi de 1983, avant sa modification par le projet de loi C-2, traitait adéquatement de la divulgation à des tiers, de l'activité commerciale, etc. Je n'ai à l'esprit aucun rapport de commissaire qui aurait fait état d'un problème important à cet égard.

Dans notre système de gouvernance, la pratique revêt une très grande importance dans l'exercice de nos fonctions, et ce, dans le respect de la loi, bien entendu. Lorsqu'il existe des zones grises, la pratique antérieure suggère la marche à suivre pour l'avenir.

Le sénateur Segal : Lorsque vous aurez eu l'occasion, avec votre personnel, d'étudier toute question de mise en œuvre pouvant concerner le projet de loi C-2 et d'élaborer, comme il me semble opportun de le faire, un plan de mise en œuvre en rapport avec le mandat qui est le vôtre, vous serait-il possible de partager un tel plan avec le public ou avec l'une ou l'autre des Chambres du Parlement pour leur permettre de comprendre comment vous choisissez d'aller de l'avant?

M. Marleau : C'est un excellent point. Le nombre d'organismes, de sociétés d'État et de mandataires qui se sont ajoutés à l'annexe exigera l'établissement d'un tel plan. J'espère que le commissariat évalue déjà les effets du projet de loi et les ajustements qui seront nécessaires.

Je ne verrai aucun problème à communiquer ce plan. Si j'omets de le faire, vous pouvez toujours me le demander.

Le sénateur Segal : J'ai une question concernant votre pouvoir discrétionnaire. En parlant d'accès à l'information, on perd souvent de vue que, si les sociétés privées ont le droit de faire des plans en privé pour protéger leurs intérêts, si les gouvernements étrangers ont le droit de prendre des décisions en privé qui pourraient avoir des conséquences négatives sur les intérêts canadiens, et si les particuliers canadiens ont le droit de prendre leurs propres décisions qui peuvent ou non être dans l'intérêt du pays, alors les gouvernements devraient avoir le droit, dans des limites raisonnables, d'établir en privé des plans pour défendre les intérêts publics.

Avez-vous un parti pris par rapport au droit d'un gouvernement démocratique de prendre des décisions en privé parce que de nombreux intérêts contre lesquels ces décisions sont dirigées, dans l'intérêt national, peuvent aussi faire des plans en privé? Pensez-vous que toute l'information doit être rendue publique le plus rapidement possible, sauf lorsqu'elle est protégée par la loi ou lorsque l'accès est restreint d'une quelconque façon?

M. Marleau : Le gouvernement, et le Cabinet en particulier, doit préserver la confidentialité de ses délibérations pour favoriser de bonnes politiques publiques. Les délibérations ne doivent pas être menacées à cause de divergences d'opinions sur la façon d'établir les politiques publiques.

Le travail de la vérificatrice générale nous offre un bon précédent. Elle ne vérifie pas les politiques ou les conseils donnés aux ministres dans le cadre d'un examen complet. Sa vérification se limite à la bonne administration des fonds selon un cadre juridique et les méthodes et les politiques en place pour la prestation des programmes et des services. J'ai pour principe fondamental que, dans une large mesure, le commissaire à l'information doit s'arrêter là lui aussi.

L'une des différences par rapport au travail de la vérificatrice générale est l'ancienneté de l'information. Lors de la dernière législature, nous avons débattu la question du moment à partir duquel les données du recensement entraient dans le domaine public. Après un certain temps, l'information liée à la prise de décisions d'un Cabinet acquiert un caractère historique et est accessible aux historiens. Le seul obstacle au pouvoir d'accès du commissaire aux documents du Cabinet est le facteur temps et il faut le réexaminer.

[Français]

Le sénateur Dawson : Monsieur Marleau, je me joins à mes collègues pour vous féliciter. En 1981, lorsque nous avons adopté la Loi sur l'accès à l'information, le téléphone cellulaire avait la grosseur d'un « Smart Car », la machine pour écrire le projet de loi était un Micom 2000 gros comme une petite auto, il n'y avait pas de cellulaires, pas de courriels, pas d'Internet et pas de BlackBerry. Aujourd'hui, avec les changements technologiques, vous avez raison d'insister sur la modernisation de la loi.

(2110)

Cette modernisation des outils qui donnent accès à l'information n'a pas été accompagnée par une modernisation de la législation gouvernant cet accès. C'est tout à fait légitime et je vous encourage à maintenir le message que vous avez livré ce soir. Je vous encourage également à maintenir votre candidature, car cette modernisation de la loi doit être faite puisqu'on a une technologie qui a changé et qu'on doit vous donner les outils nécessaires pour être en mesure de combattre cette modernisation.

J'utilise l'exemple des cellulaires avec lesquels on prend des photos — Dick Tracy en avait un dans les bandes dessinées, mais personne d'autre n'en avait — et je crois qu'il est important que vous ayez les outils pour traiter ce sujet. Je voulais surtout vous féliciter, vous encourager et vous assurer qu'en ce qui me concerne, cela me fera plaisir de vous aider.

M. Marleau : Je vous remercie. Si je peux me permettre un commentaire, j'ai déjà eu une conversation contextuelle avec le vice- président de l'Université d'Ottawa. L'Université d'Ottawa, qui est mon alma mater — et je ne fais pas de message publicitaire ici — est la seule université au Canada qui a deux facultés de droit : une en droit civil et l'autre en droit commun. Beaucoup de travail a été fait à l'Université d'Ottawa dans le domaine dont vous parlez, c'est-à- dire la gestion de l'information dans un contexte juridique.

Le vice-président de l'Université d'Ottawa m'a donc offert de déjeuner avec les deux doyens de faculté pour discuter de ce contexte. C'est ce genre d'initiative que le nouveau commissaire devra prendre pour non pas abandonner l'approche des enquêtes et des plaintes, mais essayer de contrer les conséquences de la technologie sur l'information, qui conduisent à des plaintes et à des enquêtes.

La présidente : Monsieur Marleau, au nom de tous les sénateurs, je tiens à vous remercier pour votre disponibilité. Nous vous souhaitons la meilleure des chances et un Joyeux Noël.

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, je crois que nous sommes d'accord sur le fait que le comité plénier a terminé ses délibérations.

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.


[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

RAPPORT DU COMITÉ PLÉNIER

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a entendu M. Robert Marleau, m'a chargée de faire rapport que le comité a terminé ses délibérations.

PROJET DE LOI DE 2006 SUR LES DROITS D'EXPORTATION DE PRODUITS DE BOIS D'ŒUVRE

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l'honorable sénateur Keon, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-24, Loi imposant des droits sur l'exportation aux États-Unis de certains produits de bois d'œuvre et des droits sur les remboursements de certains dépôts douaniers faits aux États-Unis, autorisant certains paiements et modifiant la Loi sur les licences d'exportation et d'importation et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Ross Fitzpatrick : Honorables sénateurs, les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis sont essentielles à nos deux pays, le Canada étant le principal partenaire des États- Unis et vice versa. Le bois d'œuvre, sur lequel porte le projet de loi C-24, constitue une des principales exportations canadiennes vers les États-Unis. En 2005, nos exportations de bois d'œuvre aux États- Unis ont dépassé les 8,5 milliards de dollars canadiens. La Colombie-Britannique est particulièrement tributaire de cette industrie pour ses emplois et sa prospérité, car ses activités dans ce secteur représentent 57 p. 100 de l'industrie canadienne, contre 16 p. 100 pour le Québec, 9 p. 100 pour l'Ontario, 8 p. 100 pour les Maritimes, 7 p. 100 pour l'Alberta, et 1 p. 100 pour la Saskatchewan et pour le Manitoba.

Le bois d'œuvre constitue aussi un des principaux irritants commerciaux entre le Canada et les États-Unis, et les mésententes à cet égard existent de longue date. Le dernier épisode a coûté quelque 5,3 milliards de dollars en droits de douane provisoires versés au gouvernement américain. Le différend a également entraîné la disparition de nombre d'emplois au Canada. Par exemple, en 2000, la Colombie-Britannique comptait 34 948 emplois en foresterie et en exploitation forestière. En 2002, ce nombre était tombé à 25 970. De même, en 2000, la Colombie- Britannique comptait 43 352 emplois dans le secteur des produits de bois d'œuvre. En 2002, il n'y en avait plus que 34 448. Depuis 2002, le nombre d'emplois n'a ni augmenté ni diminué. Les pertes d'emplois sont particulièrement pénibles parce qu'elles se concentrent dans certaines petites collectivités, notamment dans la région intérieure de la Colombie-Britannique et la région de Kootenay.

L'économie des États-Unis aussi a souffert. Il a été constaté que le différend en cours avait fait augmenter le prix du bois de construction des maisons à un point tel, aux États-Unis, que beaucoup d'Américains avaient été incapables d'obtenir des prêts hypothécaires.

Honorables sénateurs, la stabilité est une caractéristique essentielle pour établir des relations commerciales prospères. Comme je le déclarais ici en mai dernier, il est crucial de régler le différend actuel et il est capital pour l'avenir de nos entreprises et pour nos relations commerciales de trouver un mécanisme de règlement des différends viable et efficace à long terme. Nous devons nous demander si le projet de loi C-24 et l'accord qu'il met en œuvre nous offrent la stabilité nécessaire et constituent une garantie du succès à long terme de notre partenariat commercial. Parmi les nombreuses critiques formulées contre l'accord, on l'a qualifié de capitulation parce qu'il signifie que nous renonçons à 1 milliard de dollars perçus en droits que des groupes et des tribunaux commerciaux ont déclaré illégaux. De cette somme, 500 millions de dollars seront versés au secteur américain du bois d'œuvre et pourront servir à financer des attaques juridiques et politiques contre l'industrie canadienne.

On a également déclaré que cet accord constituait l'abandon de la position du Canada selon laquelle le secteur canadien du bois d'œuvre n'est pas subventionné alors que des groupes spéciaux constitués aux termes de l'ALENA et de l'OMC ont confirmé à maintes reprises le bien-fondé de cette position. L'accord contient des dispositions anti-dépassement qui privent le secteur canadien du bois d'œuvre de la souplesse nécessaire pour faire face à des situations inattendues ou inhabituelles comme l'infestation par le dendroctone du pin.

L'accord contient également une clause de résiliation qui a été ajoutée parce que les États-Unis la réclamaient avec insistance et qui permet à l'un et à l'autre pays de mettre fin à l'accord après seulement 23 mois.

Honorables sénateurs, nous devons nous demander si 23 mois offrent la stabilité à long terme et la certitude que nous souhaitions. Avons-nous trop cédé pour une période trop courte? Le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international aurait-il pu mieux négocier un accord avec notre voisin et premier partenaire commercial? Qu'en est-il du mécanisme de règlement des différends que nous avons voulu et qui se trouve à l'article XIV de l'accord? Si les Américains peuvent détruire le mécanisme de règlement des différends contenu dans l'ALENA tout simplement en n'en tenant pas compte, est-ce que les dispositions de l'article XIV de l'accord connaîtront un meilleur sort?

Une bonne partie du soutien dont jouit l'accord en ce moment est fondée sur la coercition et pas sur le consentement. L'accord est vicié et le gouvernement a utilisé la force pour contraindre les entreprises et les collectivités canadiennes à l'accepter. À mon sens, il est temps de mettre fin à l'incertitude économique des deux côtés de la frontière. Mais à quel prix?

Honorables sénateurs, je crains que nous ne parvenions jamais au libre-échange, que ce soit dans le secteur du bois d'œuvre ou dans un autre, mais nous devons demeurer vigilants afin de pouvoir bénéficier d'un commerce juste, pas dans 23 mois ni dans sept ans, mais dès maintenant.

Honorables sénateurs, nous devons faire ce qui est dans l'intérêt de l'industrie et de notre pays et donc étudier cet accord en profondeur au comité et permettre aux personnes concernées de nous faire part de leur avis avant que nous l'approuvions.

(2120)

L'honorable David Tkachuk : Je propose que le projet de loi C-24 soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Une voix : Il est trop tôt pour cela.

Son Honneur le Président : Nous en sommes à l'étape du débat sur la motion de deuxième lecture.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

L'honorable David Tkachuk : Je propose que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

PROJET DE LOI SUR LES PONTS ET LES TUNNELS INTERNATIONAUX

ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ

L'ordre du jour appelle :

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (projet de loi C-3, Loi concernant les ponts et tunnels internationaux et modifiant une loi en conséquence, avec amendements et observations), présenté au Sénat plus tôt aujourd'hui.

L'honorable Lise Bacon propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, les amendements adoptés par le comité sont de nature technique et ne modifient pas le fond du projet de loi. Dans la version anglaise, les paragraphes 7(1.1) et 24(1.1) ont été amendés. Les termes employés dans ces dispositions n'étaient pas ceux employés ailleurs dans le projet de loi.

Dans les paragraphes 7(1.1) et 24(1.1) du projet de loi, tels qu'amendés par la Chambre des communes, on fait référence aux ordres de gouvernement « that have authority ». Le problème, c'est qu'ailleurs dans le projet de loi, on utilise le terme « jurisdiction » et non « authority ».

Afin d'éviter que ces dispositions ne prêtent à confusion à cause de l'utilisation de deux termes différents, les amendements proposés sont nécessaires.

[Français]

Dans la version française, il existe aussi un problème juridique ayant trait à la terminologie utilisée. Les municipalités ne sont pas visées par le libellé actuel des paragraphes 7(1.1) et 24(1.1) du projet de loi. On fait référence aux ordres de gouvernement compétents. Or, il est bien établi dans la terminologie canadienne, dans la langue française, qu'il y a seulement deux ordres de gouvernement au Canada : le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. De plus, on ne peut faire référence au ministre fédéral qui consulte les autres ordres de gouvernement, car, nonobstant le fédéral, il ne subsiste qu'un seul autre ordre de gouvernement. Il est donc impossible d'utiliser la marque du pluriel dans cette phrase.

Enfin, au paragraphe 15(2), en français, on remplace l'expression « l'administration municipale » par « la municipalité ». Il s'agit d'une correction sur le plan de la traduction.

[Traduction]

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, selon mon discours préparé, je devrais dire que je suis heureux de prendre la parole. Pourtant, ce projet de loi ne m'excite pas particulièrement, dans l'état actuel des choses. Je suis quand même content de parler du projet de loi C-3, Loi sur les ponts et tunnels internationaux.

Je veux que ce soit bien clair au départ que je ne suis pas contre le principe ou la teneur de ce projet de loi, mais je suis consterné par la rapidité avec laquelle nous l'étudions au Sénat.

Mes collègues diront que nous avons déjà étudié cette mesure en détail, ici et à l'autre endroit. C'est peut-être vrai, mais ce n'est pas nécessairement une raison pour précipiter son adoption.

Revoyons le fil des événements. Plusieurs amendements ont été proposés à l'autre endroit pour améliorer certaines facettes du projet de loi, notamment pour tenir compte des préoccupations des municipalités. Au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, nous avons entendu certains intéressés, dont le ministre des Transports.

À l'autre endroit, tout comme ici, au Sénat, et au comité, on a exprimé beaucoup de préoccupations au sujet du corridor Windsor- Detroit et des autres passages transfrontaliers. Le corridor de Windsor a été mentionné plusieurs fois non seulement par les exploitants des ponts mais aussi par le maire de Windsor lui-même. Ce n'est pas surprenant puisque c'est le plus important passage transfrontalier entre le Canada et les États-Unis, pour le commerce des marchandises.

On a discuté de préoccupations quant au trafic et, surtout, des questions de sécurité, en cette ère de zèle accru à la suite des événements du 11 septembre. Vous vous demandez peut-être pourquoi je semble vouloir nuire à l'adoption de cette importante mesure législative. Je ne pense pas que je le fais.

Honorables sénateurs, à ma connaissance, la loi actuelle nous sert bien. Des lois spéciales sont approuvées à l'heure actuelle pour construire un pont ou un tunnel. Dans le cadre du processus, des règlements sont appliqués et doivent l'être, notamment pour faire face aux problèmes de sécurité et pour surveiller les répercussions pour la région sur le plan environnemental.

Ma grande préoccupation relativement à ce projet de loi porte sur les processus appliqués à l'heure actuelle. Si nous adoptons cette nouvelle loi, que va-t-il advenir de ces processus? Le gouvernement et le secteur privé ont déjà investi beaucoup de temps et d'argent.

En passant, honorables sénateurs, je trouve intéressant qu'en tant que libéral très à gauche, je prononce un discours défendant la libre entreprise à Windsor, en Ontario, alors que les ministériels, qui sont membres du parti de la libre entreprise, proposent cette mesure législative et veulent qu'elle soit adoptée très rapidement par le Sénat. Je me regarde dans le miroir au moment où je discute de cette motion et je me demande ce qui se passe au juste.

En ce qui concerne les gens qui proposent de nouvelles choses à Windsor, en particulier, doivent-ils suivre le processus à nouveau, les mêmes processus qui ont déjà été suivis à la lettre et qui sont conformes aux lois existantes?

Nos propres mémoires au comité sur la question précisaient qu'il y a, à l'heure actuelle, un certain nombre de propositions pour la construction de nouvelles installations ou la modification d'installations existantes. Nous avons entendu parler d'un de ces projets, le pont Ambassador. Pourquoi n'avons-nous pas entendu parler des autres?

Honorables sénateurs, soyons clairs; je ne suis pas contre le fait que quiconque, n'importe quelle entreprise privée ou mon propre gouvernement, respecte la primauté du droit. Ce que je crains, c'est qu'il y ait un dédoublement de nos efforts et qu'on nuise au processus déjà en place. De plus, nous faisons obstacle à la libre entreprise et aux investissements du secteur privé. Augmentons-nous également les dépenses du gouvernement à ce stade-ci, alors que ce n'est pas nécessaire, puisque l'entreprise privée est disposée à réaliser ces projets pour nous?

À ma connaissance, ce projet de loi vise à rationaliser le processus. Cependant, nous ne pouvons oublier que beaucoup de gens suivent déjà les processus mêmes que le projet de loi propose.

Honorables sénateurs, je crains aussi que le financement qui avait été annoncé pour le corridor de Windsor et pour de nombreux autres postes frontaliers au Canada ne soit compromis. Nous avons constaté une réduction du nombre de franchissements à divers endroits, y compris dans le tunnel reliant Windsor à Detroit. Et devinez qui préside le comité qui supervise ce tunnel? C'est le maire de Windsor. Ce dernier pourrait être en conflit d'intérêts lorsqu'il discutera de la façon dont les autres voient la situation.

En septembre 2002, des investissements de 300 millions de dollars sur cinq ans ont été approuvés dans le cadre d'un plan global fédéral-provincial sur les postes frontaliers conclu entre le premier ministre Eves, de l'Ontario, et le premier ministre Jean Chrétien, au nom du gouvernement du Canada. Cette entente expirera en 2007. Les fonds ont-ils été dépensés? Sinon, risquent-ils d'être retenus advenant l'adoption du projet de loi?

Certains de mes collègues affirment que cette question n'a rien à voir avec le projet de loi; malgré le respect que je leur dois, je ne suis pas d'accord. Bien qu'aucun des projets de loi dont nous sommes saisis ne soit jamais parfait ni en mesure de régler tous nos problèmes, je crains que celui-là n'entrave certains aspects du pouvoir de réglementation qui fonctionnent déjà bien. C'est pourquoi j'ai proposé, au comité, d'amender l'article 57 pour qu'il précise que le processus actuel pourra être approuvé et continuer d'être utilisé. La loi résultant du projet de loi C-3 s'appliquerait à toutes les propositions. Il s'agissait de supprimer la partie du projet de loi qui avait un effet rétroactif. La plupart d'entre nous n'aiment pas adopter des lois rétroactives. Il me semble que c'est juste et raisonnable.

(2130)

Cependant, cet amendement n'a pas été approuvé par le comité. Par conséquent, je n'obligerai pas le Sénat de se prononcer à ce sujet. Comme l'amendement a été rejeté par le comité, je soupçonne qu'il le serait également par le Sénat. Néanmoins, je demande aux honorables sénateurs de revoir ce qui s'est produit dans le cas de ce projet de loi et de penser à ce que j'ai dit lorsqu'ils auront à se prononcer sur ce projet de loi, à l'étape du rapport et à l'étape de la troisième lecture.

Honorables sénateurs, ce projet de loi paraît peut-être absolument limpide, mais en toute franchise, il est conçu strictement pour atteindre un objectif, à savoir de nuire aux activités d'une entreprise privée dans le corridor Windsor-Détroit et de permettre à l'État fédéral de s'allier à la ville de Windsor pour tirer profit du secteur très rentable des passages frontaliers, au poste frontalier le plus achalandé au pays.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je tiens à remercier les membres du comité d'avoir étudié ce projet de loi avec autant de diligence qu'ils l'ont fait. Nous y avons consacré sept séances. Ce n'est pas un projet de loi très compliqué, et nous en avons déjà été saisis deux fois, sous une forme ou une autre.

Nous avons eu des désaccords à propos de certains éléments du projet de loi, et certaines des questions étaient litigieuses. Au bout du compte, le comité a convenu que le projet de loi n'avait besoin que de quelques amendements d'ordre technique, consécutifs à des amendements de la Chambre des communes, comme la présidente du comité l'a fait remarquer. Nous avons en outre assorti le projet de loi d'observations sur lesquelles nous nous étions tous mis d'accord. Je pense que celles-ci aideront le gouvernement au moment de la mise en œuvre, car elles tiennent compte de préoccupations exprimées par certains de nos membres au sujet de certains aspects du projet de loi.

Je tiens à remercier tout particulièrement le sénateur Bacon, présidente du comité, qui établit la norme au Sénat en matière d'attitude raisonnable et de gros bon sens. Nous avons élaboré ensemble les observations qui ont ensuite été adoptées à l'unanimité.

Cela dit, je voudrais ajouter que le ministre des Transport m'a prié de faire savoir au Sénat que, une fois le projet de loi C-3 adopté, le gouvernement se chargera de décongestionner le plus rapidement possible les ponts et tunnels entre le Canada et les États-Unis, surtout ceux situés à Windsor et à Fort Erie.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, je ne veux pas nuire à l'adoption de ce projet de loi, mais je fais face à un dilemme depuis que j'ai entendu le sénateur Mercer et le parrain du projet de loi, le sénateur Tkachuk.

Comme les sénateurs le savent, les ponts internationaux sont un élément clé de la productivité au Canada. Soixante-sept pour cent des produits transportés sur les routes transitent par deux points frontaliers : Windsor-Detroit et Buffalo-Niagara. Ces deux points frontaliers n'ont pas été agrandis — je n'utilise pas le mot « modernisés » — une seule fois en plus de 70 ans. Alors que nos échanges commerciaux progressent à pas de géant, on a encore ces deux points frontaliers congestionnés.

Comme le sénateur Mercer l'a souligné, la situation est complexe. Le pont appartient à des intérêts privés, le tunnel, à Windsor, est dans les mains de la municipalité et l'autre pont est dans d'autres mains.

Le rapport est intéressant, car il souligne cette contradiction par rapport à l'intérêt public. Je manque de clarté, parce que je n'ai pas siégé au comité et que je n'ai pas lu tous les témoignages. Dans les observations annexées au rapport, je lis ceci :

Quant à la participation éventuelle du fédéral dans de futurs ouvrages transfrontaliers, le Comité s'est fait dire que les dispositions du projet de loi qui permettent au ministre des Transports de recommander au gouverneur en conseil d'approuver ou de refuser un projet mettraient le Ministre en situation de conflit d'intérêts. Sur ce point, les fonctionnaires constatent qu'à l'heure actuelle, Transports Canada n'est ni propriétaire ni exploitant d'un pont ou d'un tunnel transfrontalier. Les ouvrages fédéraux appartiennent à des sociétés d'État autonomes même si elles relèvent du ministre des Transports. Pour citer un fonctionnaire, « le Ministre n'a absolument aucun pouvoir sur les activités quotidiennes de ces organisations, y compris celles qui portent sur la sûreté et la sécurité ». Par conséquent, étant donné l'autonomie et les dispositions d'exploitation en vigueur pour les ouvrages fédéraux actuels, le Comité est convaincu que le Ministre ne se placera pas en conflit d'intérêts dans l'avenir. Cependant, ce dernier doit être particulièrement sensible à toute situation où il y aurait apparence de conflit pour le gouvernement fédéral, en particulier quand les intérêts d'une entreprise privée sont en jeu.

Je comprends bien tout cela, mais je le répète, il y a une opposition ici entre les intérêts privés et les intérêts nationaux. Dans l'intérêt national, l'expansion de ces deux ponts s'impose. Je suis très heureux d'entendre ce que le sénateur Tkachuk nous a rapporté du ministre. Toutefois, j'aimerais lui poser la question suivante : le parrain du projet de loi peut-il garantir au Sénat du Canada que le gouvernement du Canada tient résolument à entreprendre une expansion rapide des postes frontaliers dans les régions de Windsor- Detroit et de Buffalo-Niagara, ce qui serait dans le meilleur intérêt de la productivité et de l'économie du Canada?

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres commentaires?

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Eyton, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je sais qu'il est tard, j'aimerais donc proposer que tous les points inscrits au Feuilleton demeurent dans l'ordre dans lequel ils apparaissent actuellement au Feuilleton.

LE SÉNAT

ADOPTION DE LA MOTION TENDANT À PROLONGER LA SÉANCE DE MERCREDI ET À AUTORISER LES COMITÉS À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 11 décembre 2006, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat du 6 avril 2006, lorsque le Sénat siégera le mercredi 13 décembre 2006, il poursuive ses travaux après 16 heures et qu'il suive la procédure normale d'ajournement conformément au paragraphe 6(1) du Règlement.

Que les comités sénatoriaux devant se réunir le mercredi 13 décembre 2006 soient autorisés à siéger même si le Sénat siège, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je devrais informer le Sénat que le leader adjoint du gouvernement m'a effectivement fait part de cette question plus tôt. Il était clair que la seule raison d'aller au-delà de l'heure normalement prévue pour l'ajournement demain, soit 16 heures, est de nous permettre de passer à travers l'ordre du jour prévu dans le Feuilleton, et non de prolonger indûment la séance.

Comme nous le savons tous, il arrive parfois que, à 16 heures, le mercredi, il reste encore plusieurs points que tous aimeraient voir régler, mais nous devons ajourner à ce moment-là. La motion vise à ne pas tenir compte de cette échéance, sans pour autant prolonger indûment le travail du Sénat. C'est en fonction de cette prémisse que j'ai dit que la motion me semblait acceptable.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, encore une fois, comme tout le monde ici, j'ai hâte de partir.

Je suis curieux. Si nous allons au delà de 16 heures demain après- midi, avons-nous une idée du moment où nous ajournerions? Est-ce que ce sera entre 16 heures et 18 heures, entre 16 heures et 20 heures, entre 16 heures et 17 heures? Ce serait pratique pour tous ceux d'entre nous qui ont d'autres engagements demain de le savoir.

Le sénateur Comeau : Je puis assurer au sénateur Mercer que madame le leader adjoint de l'opposition et moi avons eu une longue conversation à ce sujet.

(2140)

Je suis très conscient qu'une activité spéciale se déroulera demain soir. J'ai assuré au leader adjoint, de l'autre côté, que nous pourrions quitter cet endroit à une heure qui nous permettrait amplement de nous rendre à l'autre activité. Cela ne signifie aucunement que nous voulons faire obstacle de quelque façon que ce soit à ces plans, car nous voulons également, de temps à autre, bénéficier de ce geste de courtoisie. Jusqu'ici, nous avons obtenu la meilleure collaboration qui soit. Par conséquent, je ne veux nullement suggérer que nous ferons preuve d'un manque de collaboration. Cela ne signifie aucunement que nous voulons perturber indûment la participation aux activités de demain soir.

Le sénateur Mercer : Je suis heureux que le sénateur Comeau ait dit cela. Ce n'est pas de moi que vous devez vous inquiéter, sénateur Comeau. Je vais vous présenter ma femme.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Je n'ai pas bien compris votre motion. Dois-je demander la permission du Sénat maintenant pour que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce siège à 16 heures?

Le sénateur Comeau : C'est couvert par la motion, de sorte que tous les comités qui siègent normalement à ce moment-là seront autorisés à siéger comme d'habitude.

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 13 décembre 2006, à 13 h 30.)


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