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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 33

Le mercredi 2 juin 2010
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 2 juin 2010

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La traite des fourrures

L'honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs :

L'histoire du Canada a été profondément marquée par les habitudes d'un animal qui occupe à juste titre une place prédominante sur ses armoiries. Le castor [...]

C'est ainsi que commence le livre de Harold Innis, La traite des fourrures au Canada, rédigé il y a 81 ans ce mois-ci.

[Français]

La traite des fourrures au Canada : voilà un titre on ne peut plus ambitieux que l'on ne retrouverait certainement pas sur une liste typique de best-sellers. En effet, au premier coup d'œil, l'ouvrage d'Innis semble être une étude prosaïque d'une forme de commerce depuis longtemps oubliée et sans importance.

Pourtant, en creusant un peu plus, la vérité sur la naissance de notre pays se fait jour.

[Traduction]

Dans son mémorable travail d'érudition canadienne, Innis soutient que la traite des peaux de castor a joué un rôle déterminant dans le développement physique et politique initial du Canada. Les explorateurs, les aventuriers et les commerçants ont tiré profit du vaste et complexe réseau de lacs et de rivières interconnectés sur le pourtour du Bouclier canadien afin d'exploiter les terres de l'intérieur du continent où abondaient les animaux à fourrure. Au fil des ans, les marchands des deux plus importantes compagnies de traite des fourrures ont créé une constellation de forts, de postes de traite, de lieux de portage, puis des petites collectivités d'abord le long des fleuves Saint-Laurent et Mackenzie, puis le long du fleuve Columbia et sur le littoral de l'océan Pacifique.

Les frontières que ces commerçants ont fixées correspondent grosso modo aux frontières actuelles du Canada. La thèse d'Innis contredit les assertions historiques conventionnelles. En effet, les échanges commerciaux au pays étaient naturellement orientés d'est en ouest, et non pas du nord au sud. Par conséquent, le Canada d'aujourd'hui n'a pas été formé en dépit de sa géographie, mais bien en raison de cette dernière.

Innis écrit : « Les seigneurs des lacs et des forêts ont peut-être disparu, mais leur travail continue de façonner les frontières du Dominion du Canada et ses institutions. »

[Français]

Parallèlement, le livre d'Innis jette les bases de ce qu'on a appelé la « théorie des principales ressources » du développement canadien.

Selon cette école de pensée, les liens entre le Canada et la Grande-Bretagne se sont renforcés principalement parce que notre pays a continué d'exporter des denrées vers une mère patrie de plus en plus industrialisée.

La fourrure a été remplacée par le poisson, le poisson par le bois, puis le bois par la pâte et le papier, le blé et les minéraux, comme l'or et le nickel.

Aujourd'hui, les liens économiques qui existaient avec la Grande-Bretagne se sont dissous, mais les ressources naturelles du Canada sont encore le moteur du développement politique, social et économique du pays.

À preuve, il suffit de jeter un coup d'œil aux mines d'or en pleine expansion dans le Nord. À cet égard, toutefois, Innis avait tort : les seigneurs des lacs et des forêts ne sont pas disparus; ils sont toujours avec nous.

Le drapeau franco-manitobain

Le trentième anniversaire

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner le 30e anniversaire de l'adoption du drapeau franco-manitobain.

Permettez-moi de vous présenter l'historique de notre drapeau, conçu en 1980 par M. Cyril Parent, du Manitoba. Le drapeau franco- manitobain est orné d'une bande rouge et d'une bande jaune qui évoquent la rivière Rouge et le blé manitobain. La tige verte évoque les racines profondes qui se transforment en feuillée vivante pour prendre la forme d'un « F » symbolisant les francophones.

Un groupe de 29 cyclistes du Manitoba a parcouru 2 200 kilomètres, de Winnipeg à Ottawa, dans le but de célébrer le 30e anniversaire du drapeau franco-manitobain et de le faire rayonner à travers le Canada. Ce projet s'intitule « À vélo pour mon drapeau! »

Avant leur départ, ils se sont rassemblés autour de la tombe de Louis Riel, père fondateur du Manitoba et grand défenseur des droits des francophones. Le grand départ a eu lieu à la cathédrale de Saint-Boniface, le vendredi 14 mai, à 7 heures. L'expédition, qui a débuté le 14 mai à Winnipeg, s'est terminée le 30 mai à Ottawa. Le lundi 31 mai, les cyclistes et leur équipe de soutien ont été accueillis à Ottawa par l'honorable James Moore, ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, et Mme Shelly Glover, la députée de Saint-Boniface. J'ai eu le grand plaisir d'être présente à cette réception. Le président de la Société franco-manitobaine, M. Ibrahima Diallo, y a prononcé un discours des plus touchants.

J'aimerais terminer en vous citant quelques-unes des paroles de M. Diallo :

« Ténacité » est souvent le mot employé pour résumer l'histoire de la francophonie manitobaine et des personnes qui choisissent d'y participer. Sinon, comment expliquer qu'il y ait toujours une francophonie moderne et dynamique au Manitoba? Une francophonie où se côtoient les Franco- manitobains et les Franco-manitobaines de souche, les Métis, les nouveaux arrivants, les personnes bilingues et les francophiles. Une francophonie où il fait bon y vivre et s'épanouir. On dit d'un symbole qu'il représente un objet ou une image ayant une valeur évocatrice, magique et mystique. Depuis 30 ans, le drapeau franco-manitobain est notre symbole, le symbole de cette francophonie moderne et dynamique.

Honorables sénateurs, plus que jamais, ce drapeau évoquera chez nous et pour nous un sentiment approfondi de fierté et d'appartenance.

[Traduction]

L'Italie

Le Jour de la République

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, la péninsule italienne, qui a été pendant des siècles le cœur de l'Empire romain, a une longue et riche histoire. Les peuples qui y habitaient ont constitué un pays en 1861 lorsque Garibaldi, aidé des Mille — les hommes qu'il dirigeait —, les a unis sous un même drapeau et placés sous la monarchie du roi Victor-Emmanuel II.

En 1946, après avoir connu la Seconde Guerre mondiale, une guerre brutale et dévastatrice, les Italiens ont organisé un référendum visant à faire approuver la création d'une république moderne. Nous soulignons donc aujourd'hui, le 2 juin 2010, le 64e anniversaire de La Republica Italiana.

Après l'établissement de la nouvelle république, l'Italie a participé activement à la création d'un nouvel ordre mondial.

[Français]

L'Italie a été un membre fondateur de l'Union européenne et de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Elle est un membre important des organisations du G8 et du G20 et siège à l'Organisation de coopération et de développement économiques, à l'Organisation mondiale du commerce, à l'OSCE et au Conseil de l'Europe, pour ne nommer que ceux-là.

[Traduction]

Plus d'un million de Canadiens se disent d'origine italienne, ce qui témoigne du lien solide qui existe entre le Canada et l'Italie.

[Français]

En tant que fier Canadien et fier fils de l'Italie, j'offre à tous les Italiens mes sincères félicitations à l'occasion de leur fête nationale et mes meilleurs vœux pour un succès continu sur tous les plans.

(1340)

[Traduction]

Le décès de l'honorable Martha Palamarek Bielish

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, c'est avec tristesse que j'ai écouté, la semaine dernière, le sénateur Lowell Murray rendre un hommage posthume à une vieille amie, l'honorable Martha Bielish, qui a été nommée sénateur en 1979. Elle devenait alors la première femme à représenter l'Alberta, ma chère province, au Sénat. Elle était aussi fière d'être la première femme d'origine ukrainienne à siéger au Sénat.

Cette nomination était un choix inspiré du premier ministre Joe Clark. Martha a suivi les traces des Célèbres cinq, toutes des Albertaines, qui ont lutté avec acharnement en 1929 pour ouvrir la porte du Sénat aux femmes afin qu'elles aient les mêmes chances que les hommes. L'égalité a progressé grâce à elle.

Durant les années qu'elle a passées ici, Martha a porté à notre attention, avec beaucoup d'enthousiasme, des préoccupations concernant le secteur agricole et les besoins en matière de transports et de communications des gens qui habitent loin du centre du pays. Elle a ouvert la voie aux femmes en créant pour elles des possibilités au premier plan du secteur des communications au Canada.

Comme nous sommes toutes deux originaires de collectivités rurales et agricoles en Alberta, lorsque je suis arrivée ici, il y a presque 26 ans, à titre de deuxième femme représentant cette province au Sénat, Martha m'a tendu la main; elle a été mon mentor et mon amie et m'a incitée à me faire entendre et à donner une chance aux habitants des régions rurales qui avaient besoin de soutien à l'époque, et qui en ont encore besoin aujourd'hui.

Martha était une travailleuse acharnée qui était très gentille et vive d'esprit. Ceux d'entre nous qui l'ont connue ici, sa famille, ses amis et les femmes qui ont suivi ses traces se souviendront d'elle avec beaucoup d'affection et de respect.

Vous nous manquerez, Martha.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La coopération internationale

La Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Pourrait- elle faire le point sur la mise en œuvre du projet de loi C-293, qui a été adopté il y a deux ans, soit le 28 mai 2008? Cette mesure législative instituait la Loi concernant l'aide au développement officielle fournie à l'étranger.

Madame le leader peut-elle confirmer que le gouvernement a mis cette loi en œuvre?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je prends note de la question du sénateur et je vais voir ce qu'il en est.

Le sénateur Dallaire : Si vous me le permettez, j'ai une question complémentaire. Je soulève cette question maintenant parce qu'il est indiqué, au paragraphe 5(1) du projet de loi, que :

Le ministre ou le ministre compétent fait déposer devant chaque chambre du Parlement, dans les six mois suivant la fin de chaque exercice ou, si celle-ci ne siège pas, dans les cinq premiers jours de séance ultérieurs, un rapport [...]

Suit une énumération de divers éléments.

Je crains de n'avoir vu aucun rapport de cette nature devant cette Chambre. À moins que la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international ait vu un document du genre, il me semble qu'aucun rapport n'a encore été publié.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, dans ma demande de réponse écrite, je vais faire mention des dispositions visées du projet de loi et prier la ministre de fournir une explication à l'égard de chacune d'entre elles.

Le sénateur Dallaire : Je remercie madame le leader de sa réponse. Tellement de choses ont évolué et un si grand nombre de décisions ont été prises à l'ACDI récemment à l'égard de divers dossiers liés à notre aide étrangère au développement. On n'a peut-être pas établi de but stratégique pour l'application de ce projet de loi, qui vise la réduction de la pauvreté. Comme tant de choses se sont passées, il est urgent d'avoir une réponse pour savoir si le gouvernement a effectivement mis cette loi en œuvre.

Le sénateur LeBreton : Comme le sénateur le sait déjà, l'ACDI consacre des sommes considérables au titre de divers projets de développement à l'échelle mondiale. Bon nombre de ces projets sont actuellement à l'étude pour que nous ayons l'assurance que les subventions sont envoyées là où il le faut pour l'aide au développement. En bref, l'ACDI est au centre d'énormément d'activité en ce moment, mais je vais demander des précisions sur la situation de cette loi.

La Société canadienne des postes

Les bureaux de poste ruraux

L'honorable Robert W. Peterson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le 20 avril dernier, j'ai soulevé la question de la fermeture des bureaux de Postes Canada. Le 13 mai, j'ai reçu la réponse écrite suivante :

Le 12 septembre 2009, le gouvernement du Canada a annoncé la création du Protocole du service postal canadien selon lequel Postes Canada doit continuer à offrir des services postaux sur lesquels les Canadiens peuvent compter, à maintenir un service rural et à assurer la protection du courrier qu'ils lui confient. La prestation de services postaux aux régions rurales du pays fait partie intégrante du service universel qu'offre Postes Canada. Le Protocole du service postal stipule que Postes Canada maintiendra un service postal dans les régions rurales et conserve le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste dans ces régions.

Par conséquent, le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste dans les régions rurales est maintenu. Postes Canada estime que ses bureaux de poste ruraux sont une composante essentielle de son réseau — un réseau dont la portée est supérieure à celle de tout autre détaillant au Canada et dont l'ampleur à tous points de vue dépasse celle de toute autre entreprise de logistique ou de livraison.

Malheureusement, les faits indiquent le contraire.

En effet, le 31 mai, deux semaines après avoir reçu la confirmation du moratoire sur la fermeture des bureaux de poste, le bureau de poste du centre de villégiature d'Elbow, en Saskatchewan, a fermé ses portes. On n'a pas tenu compte du Protocole du service postal canadien.

Madame le leader pourrait-elle dire au Sénat combien d'autres bureaux de poste ruraux fermeront leurs portes en Saskatchewan cette année?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Comme le sénateur l'a dit à juste titre dans son préambule, le Protocole du service postal canadien annoncé l'automne dernier montre l'engagement du gouvernement à offrir des services postaux universels, efficaces et économiquement viables à tous les Canadiens, qu'ils habitent dans des régions rurales ou urbaines. Une partie de cette initiative visait à protéger la livraison du courrier dans les régions rurales en imposant un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux.

(1350)

Le sénateur a parlé d'un cas dans lequel la Société canadienne des postes n'avait pas respecté l'initiative. Je devrai soumettre la question au ministère et au ministre responsable afin de déterminer ce qui s'est réellement produit.

J'espère que cela ne s'est pas produit ailleurs en Saskatchewan. Le gouvernement a précisé très clairement et à plusieurs reprises à la Société canadienne des postes qu'elle devait continuer d'assurer la livraison dans les régions rurales. Je devrai donc vérifier ce qui s'est produit pour ce qui est des casiers postaux d'Elbow, en Saskatchewan.

Le sénateur Chaput m'a posé quelques questions sur un bureau de poste de Saint-Boniface. Après vérification, nous avons compris que le bureau de poste ne fermera pas ses portes, mais qu'il pourrait occuper un autre emplacement dans la même rue. Comme je l'ai fait pour le sénateur Chaput, je m'informerai de la situation en ce qui a trait au bureau de poste d'Elbow, en Saskatchewan.

[Français]

La défense nationale

La formation en langues officielles

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Les militaires francophones et anglophones n'ont pas encore un accès égal à l'instruction dans leur langue, a affirmé le commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser. Le leadership et l'engagement du ministre responsable des forces armées sont primordiaux pour combler ces lacunes.

Madame le ministre pourrait-elle suggérer au ministre responsable des Forces canadiennes d'assurer un suivi rigoureux aux 20 recommandations de M. Fraser?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie madame le sénateur de sa question. Les Forces canadiennes reconnaissent l'importance d'appuyer les deux langues officielles et d'assurer l'égalité du français et de l'anglais. Ce n'est pas seulement ce qu'il convient de faire, c'est aussi une mesure très logique du point de vue opérationnel.

Je vais demander une mise à jour sur la situation de ce programme, mais je peux déjà affirmer que le gouvernement a pris des engagements fermes à cet égard.

[Français]

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, il y a quelque temps, j'avais posé des questions très semblables concernant l'offre de cours en français pour les membres des forces armées. Quelques années plus tard, nous sommes toujours dans la même situation. Des lacunes dans la planification stratégique et opérationnelle empêchent les Forces canadiennes d'évaluer efficacement le nombre de cours requis dans chaque langue seconde; le temps d'attente est beaucoup trop long; il y a une pénurie d'instituteurs capables de donner des cours et, enfin, les langues officielles ne sont pas considérées comme un élément essentiel du cadre de gestion de l'instruction individuelle et de l'éducation.

Madame le ministre peut-elle nous dire quand nous verrons ces problèmes résolus?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je remercie madame le sénateur de la question. Peu de temps après notre arrivée au pouvoir, en 2006, le ministère de la Défense nationale a pris des mesures en vue de modifier son programme de langues officielles. Depuis ce temps, le ministère a enregistré des progrès mesurables. La Défense nationale a amélioré son processus d'élaboration de la politique, renforcé le réseau de coordonnateurs linguistiques, accru les activités de sensibilisation et mis au point un système de mesure du rendement.

Pour ce qui est plus particulièrement du camp Borden, les Forces canadiennes ont pris un certain nombre de mesures immédiates pour appuyer les deux langues officielles. Je ne parle de la BFC Borden que pour donner un exemple, parce qu'on m'a posé une question à ce sujet précédemment. Par exemple, le programme d'orientation des nouveaux étudiants donne maintenant des renseignements sur les droits et responsabilités au niveau linguistique, ce qui a fait passer le niveau de sensibilisation à l'égard des droits linguistiques de moins de 20 p. 100 qu'il était en 2007 à plus de 90 p. 100 en 2008. Compte tenu de l'expérience qui a été menée à la BFC Borden et des résultats positifs qui y ont été enregistrés, la Défense nationale a décidé d'adopter des mesures semblables à Gagetown et à Saint- Jean afin d'améliorer l'offre de formation, d'instruction et de services dans les deux langues officielles.

Si j'obtiens de nouvelles informations dans ce dossier, je serai heureuse de vous les communiquer.

La sécurité publique

Le Programme des prisons agricoles

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur l'annulation du Programme des prisons agricoles. Récemment, des témoins se sont présentés devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes pour plaider en faveur du maintien de ces prisons agricoles. Seuls les représentants du gouvernement appuyaient leur fermeture, mais ils n'ont fourni aucun renseignement pour justifier les gestes posés par le gouvernement.

Sur quelles données le gouvernement s'appuie-t-il pour mettre fin à ce programme? Si ces données existent, madame le leader pourrait- elle les fournir au Sénat?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur Callbeck de sa question. Honorables sénateurs, je suis consciente que certains éléments entourant les prisons agricoles font encore l'objet de débats à l'autre endroit. En ce qui concerne le succès global du Programme des prisons agricoles, au cours des cinq dernières années, moins de 1 p. 100 des prisonniers libérés après avoir participé à ce programme ont travaillé dans le secteur agricole. C'est un nombre important à retenir.

Le sénateur Callbeck : Madame le leader parle de ceux qui se sont trouvé un emploi dans le secteur agricole, mais qu'en est-il des prisonniers qui se sont trouvé un emploi dans d'autres secteurs après avoir participé à ce programme? Le gouvernement a admis qu'il ignorait combien de prisonniers se trouvaient dans cette situation. Il n'avait aucune donnée pour déterminer si le Programme des prisons agricoles connaissait un meilleur succès que d'autres programmes.

Les prisons agricoles permettent aux prisonniers d'acquérir les compétences dont ils auront besoin à leur libération : une bonne éthique de travail, un sens des responsabilités, de la compassion, comment travailler en équipe et comment résoudre des conflits.

Le rapport du comité auquel j'ai fait référence dans ma première question demande au ministre de la Sécurité publique de ne prendre aucune mesure en vue de vendre ou de démanteler les prisons agricoles au Canada, ou d'en restreindre les opérations, avant que des experts indépendants se soient penchés sérieusement sur la valeur du Programme des prisons agricoles et aient rédigé un rapport exhaustif sur la question.

Le gouvernement a-t-il adopté des mesures pour suivre cette recommandation des parlementaires ou a-t-il choisi de l'ignorer complètement?

Le sénateur LeBreton : Les décisions concernant les prisons agricoles ont été prises à la suite d'un examen approfondi du programme et sur la recommandation d'experts.

Madame le sénateur a parlé de la formation que reçoivent les prisonniers dans les prisons agricoles. Au départ, ces prisons avaient pour but de former des gens aux travaux agricoles. J'ai souligné que moins de 1 p. 100 des prisonniers qui participent à ce programme travaillent bel et bien dans le secteur agricole.

Selon madame le sénateur, ces gens vont travailler dans d'autres secteurs. Cependant, dans les établissements correctionnels et dans le système carcéral, beaucoup d'autres métiers et de programmes sont offerts aux détenus. Le fait que les détenus aient bénéficié du programme de prison agricole et qu'ils aient acquis certaines compétences qui leur ont servi à leur retour dans la société canadienne ne signifie pas automatiquement qu'ils n'auraient pas acquis ces compétences dans un établissement carcéral.

Nous sommes saisis de cette question parce qu'un comité de l'autre endroit s'y est penché. Pour ce qui est des recommandations, je vais prendre note de la question de madame le sénateur au sujet de ce que le ministre compte faire pour donner suite au rapport.

Le sénateur Callbeck : J'ai eu du mal à entendre la première partie de la réponse de madame le leader, mais je crois qu'elle a dit que le gouvernement avait reçu les recommandations d'experts. Si c'est bien ce qu'elle a dit, pourrait-elle présenter ces recommandations?

(1400)

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je n'en ferai rien. Les conseils ont été communiqués au ministre de la Sécurité publique. Le dossier n'est pas encore clos. L'autre endroit continue de débattre des prisons agricoles et de ce qu'il en adviendra dans plusieurs régions du pays.

Les prisons agricoles ont d'abord été mises en place principalement dans les établissements à sécurité minimale. À l'origine, elles visaient à former les détenus et à les préparer à travailler dans le secteur agricole une fois de retour dans la collectivité.

Or, on ne peut pas dire que cet objectif a été atteint quand on sait que moins de 1 p. 100 des détenus finissent par occuper un emploi dans le secteur de l'agriculture. Cela ne veut pas dire pour autant que le ministre n'est pas à l'écoute ou qu'il n'a pas réagi par rapport à ce qui pourrait se passer dans ces installations à l'avenir. Je prends bonne note de cette partie de la question posée par madame le sénateur.

Le sénateur Callbeck : Honorables sénateurs, le leader a dit que les prisons agricoles assurent la formation des détenus dans le secteur agricole. Or, les fermes produisent aussi du lait, des œufs, de la viande et des légumes pour les établissements où elles se trouvent. J'ai appris que, uniquement en Ontario, il faudra dépenser 1 million de dollars pour remplacer le lait produit dans ces prisons agricoles. Les coûts de fonctionnement de toutes ces prisons agricoles sont de 4 millions de dollars. Il est donc probable qu'il coûtera plus cher de confier à des sous-traitants la production de tous les aliments provenant des fermes agricoles que de continuer à mettre en œuvre le programme.

Le gouvernement a-t-il procédé à une évaluation pour déterminer ce qu'il en coûterait, au total, pour remplacer les aliments qui ne seraient plus produits dans les prisons agricoles? Si c'est le cas, madame le leader aurait-elle l'obligeance de la présenter au Sénat?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, si une évaluation de ce genre peut être rendue publique, je serai heureuse de la présenter.

Les ressources humaines et le développement des compétences

La protection des enfants

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Les enfants canadiens font partie intégrante de la prospérité future du Canada. Or, de nombreux enfants sont encore aux prises avec de graves difficultés partout au pays. En effet, environ 800 000 enfants vivent dans la pauvreté et des milliers d'enfants sont privés d'une éducation préscolaire et d'un accès à des garderies de bonne qualité. Le nombre d'enfants confrontés à des problèmes de santé mentale et à des difficultés d'apprentissage augmente.

Le Royaume-Uni a des commissaires à l'enfance et ces derniers fournissent des analyses et des conseils indépendants concernant les enfants. Assurant la continuité du poste créé en 2003, l'actuel gouvernement conservateur-libéral-démocrate a récemment nommé une ministre d'État à l'enfance et aux familles. Le gouvernement du Canada créera-t-il des portefeuilles similaires au Canada afin de régler les problèmes des enfants canadiens?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le gouvernement et les contribuables du Canada veulent que nous aidions les enfants et les familles. Je ne crois pas qu'augmenter la bureaucratie à Ottawa permettra de résoudre le problème.

Les affaires indiennes et le Nord canadien

La pauvreté, le logement et l'itinérance des Autochtones urbains

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader et m'a été inspirée par le rapport intitulé Pauvreté, logement, itinérance : Les trois fronts de la lutte contre l'exclusion, que le Sénat a adopté il y a quelques semaines. Les enfants autochtones urbains, qui sont surreprésentés dans les statistiques sur la pauvreté, sont très durement touchés, sont victimes de discrimination et vivent dans des logements dangereux.

Le gouvernement s'engagera-t-il à créer et à financer des groupes de travail autochtones dans toutes les collectivités, afin de définir les priorités des Autochtones urbains et de régler les problèmes de pauvreté, de logement et d'itinérance dans leurs collectivités?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, notre gouvernement reconnaît les besoins croissants des Autochtones urbains. C'est pourquoi nous avons mis sur pied 80 programmes, dotés de plus de 500 millions de dollars annuellement, visant à résoudre les problèmes qui préoccupent les Autochtones urbains. Nous avons adopté une stratégie à long terme pour les Autochtones urbains, laquelle chapeaute nos efforts pangouvernementaux. Nous prenons des mesures pour réduire le nombre de familles, et surtout de femmes et d'enfants, vivant dans la pauvreté. De plus, nous avons des programmes axés sur les jeunes. Nous faisons la promotion des programmes de formation en cours d'emploi, de perfectionnement professionnel et d'entrepreneuriat, afin de tirer profit de la solide économie canadienne, qui est sur la voie de la reprise.

La coopération internationale

Les discussions sur les changements climatiques lors du sommet du G8

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, un sondage révèle aujourd'hui que les Canadiens accordent deux fois plus d'importance aux changements climatiques en tant que sujet de discussion lors du sommet du G8 qu'à l'initiative sur la santé maternelle à laquelle le gouvernement a consacré tant de temps.

Cela ne veut pas dire que le gouvernement ne devrait pas poursuivre son initiative sur la santé maternelle, surtout dans le but de faire les choses correctement. Selon ce sondage, le gouvernement peut bien consacrer du temps à la santé maternelle parce que cela semble être la chose à faire, mais il serait tout aussi justifié de consacrer au moins autant de temps et d'énergie aux changements climatiques dans le cadre du sommet du G8.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si le premier ministre, à l'approche du sommet du G8, est en train d'élaborer une politique de la même ampleur que l'initiative sur la santé maternelle au sujet des changements climatiques?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, on ne devrait pas avoir à choisir entre les millions de femmes et d'enfants qui meurent chaque année, les 24 000 enfants qui meurent chaque jour et un autre sujet. Je ne crois pas que c'est ce que le sénateur voulait laisser entendre.

Je ne suis pas au courant du sondage dont a parlé le sénateur Mitchell. Toutefois, notre gouvernement demeure résolu à maintenir le cap sur la lutte aux changements climatiques. Nous sommes en pleine Semaine canadienne de l'environnement, une tradition lancée par un premier ministre conservateur, John George Diefenbaker.

Le gouvernement a déjà pris un certain nombre d'initiatives en ce qui concerne les changements climatiques et l'environnement et le premier ministre l'a souligné. À une certaine étape des discussions du G8 et du G20, je crois que des rapports et des mises à jour seront présentés sur les progrès de chaque pays relativement à l'Accord de Copenhague. Cet accord est le premier à être signé par tous les principaux émetteurs. Le gouvernement fonctionne à l'intérieur de ce cadre.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, je remercie le leader du gouvernement au Sénat de reconnaître que je n'ai jamais dit qu'il fallait choisir entre la santé maternelle et l'environnement. Je voulais dire que le gouvernement pourrait aborder les deux sujets. C'est une concession majeure.

Toutefois, la réponse me semble vague. Le premier ministre va peut-être parler de cette initiative aux autres leaders du sommet du G8, comme celui la Chine.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle dire aux sénateurs si les changements climatiques seront précisément inscrits à l'ordre du jour, étant donné que c'est une initiative importante que le premier ministre du Canada a lancée et pour laquelle il a fait preuve de leadership à l'échelle mondiale pendant un bref moment?

(1410)

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, d'abord, nous sommes fiers d'accueillir deux des grands sommets mondiaux, ceux du G8 et du G20, et de nous employer activement, avec nos partenaires, à relever les défis du retour à la santé économique et à la prospérité dans le monde.

Hier, le premier ministre a annoncé qu'en plus d'accueillir les sommets du G8 et du G20 et leurs milliers de délégués, il aura des rencontres individuelles avec les dirigeants de la Chine et de l'Inde.

Honorables sénateurs, j'attendais l'occasion d'énumérer les actions que le gouvernement a prises à l'égard de l'environnement.

Comme je l'ai dit, cette semaine nous célébrons la Semaine de l'environnement. C'est un de mes anciens patrons, le très honorable John George Diefenbaker, qui en a lancé l'idée en 1970. Voilà donc une occasion en or de faire le point sur ce que nous avons accompli depuis 2006, à commencer par l'Accord de Copenhague, accord qui inclut pour la première fois tous les grands émetteurs de la planète. Nous avons harmonisé les cibles canadiennes avec celles des États- Unis, établi des normes limitant les émissions de carbone des tuyaux d'échappement des automobiles, des camions légers et des camions lourds. Nous avons établi des règles sur les concentrations de biocarburants dans le diesel et l'essence. Nous avons établi des normes nationales historiques sur les eaux usées et nous avons un plan d'action global en vue d'assurer la salubrité de l'eau. Dans le cadre de ce plan, nous avons fait des investissements en vue d'assurer que les collectivités autochtones aient de l'eau salubre.

Nous avons agrandi de 30 p. 100 la superficie des parcs nationaux du Canada. Par exemple, nous avons agrandi considérablement la réserve du parc national Nahanni. En février, nous avons annoncé la création du parc national des monts Mealy, au Labrador. Ce parc sera le plus grand dans l'Est du Canada. Nous avons également fait des investissements considérables dans des zones protégées telles que la forêt pluviale de Great Bear, en Colombie-Britannique, le parc Stanley, à Vancouver, et le parc Point Pleasant, à Halifax.

Par ailleurs, le sénateur Mitchell n'est pas sans savoir que dans le discours qu'il a prononcé devant les deux Chambres réunies, jeudi dernier, le président Calderón a signalé que le Mexique considérait le Canada comme un leader sur le front de l'environnement.

[Français]

Dépôt de la réponse à une question inscrite au Feuilleton

L'industrie—La liste nationale de numéros de télécommunications exclus

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 20 inscrite au Feuilleton — par le sénateur Downe.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi concernant la sélection des sénateurs

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Brown, appuyée par l'honorable sénateur Runciman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-8, Loi concernant la sélection des sénateurs.

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, le projet de loi S-8, comme le dit son préambule, nous invite à établir un cadre pour guider les provinces et les territoires en ce qui a trait à la législation régissant la tenue des élections des sénateurs. Le projet de loi, s'il est adopté, établira formellement que, dorénavant, les personnes dont la candidature est proposée au Conseil privé en vue de leur nomination au Sénat seront choisies par la voie d'une élection démocratique par la population.

Avant de faire mes remarques, j'aimerais vous signaler que le premier ministre est bien au fait de mon opinion sur le projet de loi. Cette conversation que j'ai eue avec lui date...

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le sénateur Nolin prononce un discours. Je prierais les honorables sénateurs qui désirent discuter de le faire à l'extérieur de cette Chambre dans les lieux prévus à cette fin.

Je profite de cette occasion pour vous rappeler que, étant donné qu'il s'agit d'un projet de loi émanant du gouvernement, il est d'usage de réserver 45 minutes pour le discours.

Le sénateur Nolin : Je n'ai pas l'intention de parler 45 minutes. Je tenterai de me limiter à 15 minutes.

Le premier ministre est bien au fait de mon opinion. D'ailleurs, notre conversation remonte à plusieurs années. J'ai informé les membres de mon caucus des propos que je tiendrai.

Je crois qu'il est inapproprié d'obliger le premier ministre — parce qu'il s'agit bien d'une obligation de sa part, à titre de principal conseiller du gouverneur général — à tenir compte, dans ses recommandations au gouverneur général quant aux nominations de sénateurs, des candidats sélectionnés après une telle élection. Il est inapproprié de procéder de la sorte.

Une élection identifie un choix populaire. Une élection, c'est le résultat d'une compétition qui produit le candidat le plus populaire. Cette Chambre doit être composée, si possible, de gens populaires, mais surtout de gens compétents. C'est pourquoi les Pères de la Confédération ont imaginé un système où le premier ministre garderait l'entière responsabilité de recommander au gouverneur général les candidats et candidates les mieux aptes à remplir la fonction de sénateur.

Le projet de loi S-8, bien qu'il prétende se plier à la démocratie populaire, va à l'encontre de l'intention des Pères de la Confédération.

La popularité venant de l'élection est certes opportune, mais ne doit pas être considérée comme fondamentale pour établir la candidature d'un Canadien qui devrait siéger en cette Chambre.

Au cours de l'histoire récente, nous avons vu des sénateurs qui ont marqué le travail de cette Chambre. Tout récemment, le sénateur Keon nous a quittés; il y a quelques années, ce fut le sénateur Beaudoin — je limiterai mon énumération à ceux-ci, compte tenu du temps qui m'est alloué. Je connais très bien le sénateur Beaudoin et j'ai appris à connaître le sénateur Keon. Ce dernier nous disait lui- même que jamais il ne se serait présenté lors d'une élection, car il considérait que son efficacité n'exigeait pas d'être populaire. Il aurait été contre l'adoption du projet de loi S-8.

Nous voyons ici plusieurs sénateurs francophones de l'extérieur du Québec, comme le sénateur Mockler, du Nouveau-Brunswick. Croyez-vous que les gens du Nouveau-Brunswick, en majorité anglophones, auraient voté pour le sénateur Mockler, un Acadien?

Le sénateur Segal : Sans aucun doute!

Des voix : Et de loin!

Le sénateur Nolin : Pensez-vous que les électeurs de l'Alberta auraient voté pour le sénateur Tardif?

Le sénateur Angus : Même réponse.

(1420)

Le sénateur Nolin : La deuxième sphère d'analyse est la suivante : combien y a-t-il de sénateurs autochtones dans cette assemblée?

Le sénateur Segal : Pas assez!

Le sénateur Nolin : Pas assez, justement. Comment se fait-il qu'il y ait plus de sénateurs autochtones qui siègent dans cette Chambre qu'à l'autre endroit? Parce qu'ils sont minoritaires. Partout au Canada, sauf dans les territoires, les Autochtones canadiens de plusieurs réserves, de plusieurs origines, sont minoritaires. Pensez- vous que les citoyens, dans un concours de popularité, verraient d'un bon œil d'élire, de placer sur une liste, des candidats autochtones? La réponse est non. Est-ce qu'il est opportun qu'il y ait dans cette Chambre des sénateurs autochtones? Oui.

La troisième sphère d'analyse touche les femmes : plus du tiers des sénateurs sont des femmes. Je crois que nous devons remercier les premiers ministres qui se sont préoccupés d'assurer la représentation féminine dans cette Chambre. Aujourd'hui, le fait qu'un tiers — ce devrait être la moitié — de tous les sénateurs soient des femmes est tout à l'honneur de ces premiers ministres, dans le plus grand intérêt des citoyens canadiens.

Comparons cette réalité avec ce qui se passe à l'autre endroit. Quelle est la proportion des femmes qui siègent à l'autre endroit?

Le sénateur Segal : Pas assez!

Le sénateur Nolin : Pas assez, justement, sénateur Segal. Dix-huit pour cent. Celles qui étaient candidates n'étaient pas assez populaires. Étaient-elles compétentes? Je crois que oui, mais elles n'étaient pas populaires, elles n'ont pas réussi. Encore une fois, comme c'est le cas pour les francophones des autres provinces, comme c'est le cas pour les Autochtones minoritaires, c'est le cas pour les femmes. Elles ont leur place dans cette assemblée parce que notre système donne au premier ministre la possibilité de combler les sièges vacants avec des candidates compétentes.

Enfin, les tenants de la réforme du Sénat nous ont longuement parlé — notre collègue, le sénateur Brown, en est un des chantres bien connus — du Sénat triple E. Ce que nous propose le projet de loi S-8 est l'un de ces « E » : l'élection. Pour ma part, il n'y a qu'un « E » qui m'importe, c'est le troisième : l'efficacité. C'est le vrai « E ».

Que ce « E », l'efficacité, soit obligé de se compromettre à cause d'un autre « E », l'élection, je ne l'accepte pas. Ce n'est pas pour cela que nous sommes ici. Nous sommes ici non pas pour remplacer la Chambre des communes, mais pour agir de façon complémentaire, pour ajouter au processus législatif amorcé à l'autre endroit, pour faire une réflexion efficace non dans le but de supplanter le travail des députés, mais bien de le compléter.

Honorables sénateurs, j'ajouterai que cette efficacité, fort recherchée, met en jeu la soi-disant légitimité que pourrait nous procurer l'élection, car l'élection des candidats au poste de sénateur n'équivaut pas à cette efficacité. Tout ce que ce « E » — l'élection — nous procure, c'est la popularité. La popularité, c'est le lot de la Chambre des communes. Nous ne sommes pas la Chambre des communes. Le Sénat du Canada fournit aux Canadiens un travail efficace.

J'ajouterais ceci : cette efficacité est tributaire de notre façon, individuellement et collectivement, d'assumer l'indépendance que nous procure le processus actuel. Le sénateur peut agir en son âme et conscience dans l'intérêt des Canadiens, indépendamment des pressions exercées par la Chambre des communes ou par ses affiliations politiques. Ce n'est certainement pas l'élection des candidats au Sénat qui viendra ajouter à cette efficacité par l'indépendance.

Honorables sénateurs, cette indépendance, c'est à nous de l'exercer et de l'utiliser avec doigté et parcimonie, dans l'intérêt des Canadiens.

[Traduction]

Des voix : Bravo!

L'honorable Bert Brown : Le sénateur Nolin accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Nolin : Oui.

Le sénateur Brown : Le sénateur saurait-il pourquoi les médias canadiens, d'une même voix, ont répété pendant 100 ans que cet endroit était illégitime?

Des voix : Non, non.

Le sénateur Nolin : Sénateur Brown, comme nous ne disposons que d'un temps limité, je serai bref.

Premièrement, je ne suis pas de cet avis. Ce n'est pas ce que disent tous les médias ni la population en général. Récemment, j'ai pris connaissance de statistiques qui démontrent plutôt que la moitié de la population voudrait que les sénateurs soient élus alors que l'autre moitié ne le souhaite pas. Au bout du compte, les sénateurs seront jugés en fonction de leur efficacité et non pas en fonction de la cote positive ou négative que leur attribuent les médias. Efficacité, c'est le mot clef. Les sénateurs ne sont-ils efficaces que lorsqu'ils ont été élus? J'en doute. Les sénateurs élus peuvent être efficaces, mais il n'est pas obligatoire qu'ils aient été élus. L'indépendance à l'égard de l'autre endroit est l'outil qui confère l'efficience et l'efficacité aux sénateurs. Ce que les médias pensent n'a aucune importance pour moi.

Le sénateur Brown : Honorables sénateurs, j'ai une autre question à poser au sénateur Nolin. Est-il en train de dire que les députés élus ne sont pas aussi compétents que les personnes qui ont été nommées? Je ne comprends pas au moins son raisonnement. Pourquoi cette Chambre ne mériterait-elle pas autant de respect que l'autre endroit si nous étions élus, comme le sont les députés? Actuellement, cette Chambre est divisée en deux partis et les whips des partis respectifs font ce qu'il faut pour que les sénateurs votent selon la ligne du parti qui les a nommés pour siéger au Sénat.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Brown : Je ne vois pas comment l'élection peut nous rendre indépendants. La plupart des votes tenus dans cet endroit au cours des trois dernières années suivaient la ligne d'un parti ou de l'autre.

Le sénateur Nolin : Le sénateur soulève une bonne question. Lorsque l'ancien premier ministre Mulroney m'a téléphoné pour me dire qu'il allait me recommander au gouverneur général, je lui ai demandé la même chose. Il a dit que je n'avais pas à être du même avis que lui et qu'il ne recommandait ma nomination au Sénat que pour me donner l'occasion d'y prendre la défense des Canadiens.

Des voix : Bravo!

(1430)

Le sénateur Nolin : Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Nolin : L'honorable sénateur a soulevé une question importante : les élections à l'autre endroit sont-elles un gage d'efficacité? L'autre endroit est l'assemblée des représentants de la population. C'est ainsi qu'elle a été formée. Elle a été créée pour cette raison.

Regardez l'histoire britannique, honorables sénateurs. Il y a eu une guerre civile, et le roi a littéralement perdu la tête parce qu'il avait décidé de s'opposer à la volonté de la population. C'est à l'autre endroit qu'on soulève les questions de confiance, parce que les députés de cette Chambre représentent la population, ce qui est leur raison d'être.

Nous sommes ici pour compléter leur travail. Vous avez entendu parler de « redondance » lorsqu'il est question de circuits électroniques, de propriété intellectuelle et d'ordinateurs. On pose la même question d'une façon complètement différente, et, si le résultat est le même, il y a redondance. Nous sommes ici pour faire en sorte que le produit législatif final soit bon pour les Canadiens.

Les députés de l'autre endroit sont populaires parce qu'ils doivent obtenir un mandat de leurs électeurs. Nous n'avons pas à être populaires. Nous devons être efficaces.

L'honorable Hugh Segal : J'aimerais poser une question au sénateur Nolin.

Le sénateur Nolin : Certainement.

Le sénateur Segal : Honorables sénateurs, je suis fasciné par la citation du sénateur Nolin sur les intentions initiales des Pères de la Confédération. J'aimerais que le sénateur me dise jusqu'à quel point ces intentions initiales devraient limiter notre capacité, au Sénat, à tenter d'améliorer le cadre législatif qui, pour l'instant, fait que le tiers de nos législateurs nationaux ne sont pas élus, nonobstant le sénateur Brown.

Ces mêmes Pères de la Confédération n'avaient pas prévu que des femmes siégeraient au Sénat. En fait, il a fallu l'intervention de la Cour suprême et du Conseil privé de la Grande-Bretagne pour que cela devienne possible. Les Pères de la Confédération n'avaient pas prévu que les femmes obtiendraient le droit de vote, mais cela a changé avec les années, grâce au premier ministre Meighen. Les Pères de la Confédération n'avaient pas non plus prévu que nos frères et sœurs des Premières nations obtiendraient également le droit de vote, mais ce changement a, lui aussi, eu lieu.

Nous nous délectons tous de la capacité du sénateur Nolin de citer des sources originales et de faire des recherches fouillées avant de prendre la parole ici sur un large éventail de sujets. Assurément, l'un des principes fondamentaux de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique initial est notre capacité, en cet endroit, d'évoluer conformément aux principes démocratiques qui préservent le pouvoir conféré au premier ministre par la Constitution de faire des recommandations à Son Excellence tout en permettant à la population d'exprimer son point de vue, mais de le faire d'une manière qui protège la compétence des provinces.

Le sénateur croit-il que l'intention initiale des Pères de la Confédération est une raison de ne pas essayer de réaliser ce genre de progrès, en tant que société ouverte et démocratique?

Le sénateur Nolin : Honorables sénateurs, ma réponse sera brève. Je ne dis pas qu'on ne doit rien changer ou que ce serait mille fois pire. Je dis simplement ce qu'il en est et que je ne crois pas que le projet de loi S-8 y ajoute quoi que ce soit.

Le but est d'avoir un second examen objectif, pour reprendre les termes de sir John A. Macdonald, auteur de la Constitution. Je ne crois pas que l'élection des sénateurs ajoutera quoi que ce soit au second examen objectif. Bien au contraire, je crois que cela perturberait les relations entre le Sénat et l'autre endroit parce que nous tenterions d'être plus populaires et plus démocratiques que les députés.

Ce n'est pas ce dont la population avait besoin en 1867 ni ce dont elle a besoin maintenant. La population a besoin d'un second endroit qui ajoute à la qualité des travaux du premier en faisant un second examen objectif sans se soucier de briller, de plaire ou de bien paraître. Nous avons un travail à faire et nous sommes libres et indépendants. Nous pouvons l'accomplir sans subir de pressions de l'autre endroit. Profitons-en. Nous n'en tirons pas partie. Notre indépendance est le gage de notre efficacité.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur la Cour suprême

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tardif, appuyée par l'honorable sénateur Rivest, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur la Cour suprême (compréhension des langues officielles).

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, quand, pour la première fois, j'ai lu le projet de loi C-232, ma réaction a été totalement viscérale. Je me suis écriée qu'il était à peu près temps. Je ne vois vraiment pas comment la petite Québécoise que je suis pourrait voter contre ce projet de loi. C'est ce qu'a déclaré et répété, à qui voulait bien l'entendre et le plus souvent possible, le parrain de ce projet de loi à l'autre endroit.

Quelle responsabilité il m'a demandé d'assumer! Je me suis dit que, si j'avais su consentir les efforts nécessaires pour arriver à comprendre et à m'exprimer plutôt correctement dans les deux langues officielles de mon pays, les femmes et les hommes qui possèdent l'intelligence et la sagesse requises pour accéder à la Cour suprême du Canada devraient aussi arriver à maîtriser une seconde langue.

Après tout, si, en Suisse, un élève ne peut pas se voir décerner un diplôme d'études secondaires s'il ne sait pas s'exprimer en français, en allemand, en italien et en anglais, nos grands juristes devraient au moins être bilingues. Si, dans un pays comme la Tunisie, la connaissance de l'arabe, du français et de l'anglais est obligatoire, pourquoi avons-nous mis tant de temps à exiger la maîtrise d'au moins deux langues à nos avocats et à nos juges? On le demande de plus en plus à nos politiciens qui, d'ailleurs, font d'énorme progrès. À preuve, écoutez notre premier ministre.

[Traduction]

Si j'y suis arrivée, il me semble que nos juges devraient y arriver aussi. Je sais que le sens de nombreux mots m'échappe encore et que j'ai un accent qui devient plus prononcé lorsque je passe des semaines ou des mois sans parler en anglais. Malgré cela, j'arrive à comprendre l'anglais, à le lire et même à l'écrire.

Cependant, au fil des semaines, j'ai commencé à me poser d'autres questions importantes. Pourquoi ce projet de loi est-il à l'étude maintenant? Il ne faut pas oublier que les questions qui touchent la langue sont toujours la source de moments houleux au Parlement et que les médias en parlent toujours. C'est maintenant, alors que le gouvernement est minoritaire, que l'opposition choisit de placer la barre plus haut.

[Français]

Comme disait ma grand-mère : « Il n'y a pas de quoi fouetter un chat! »

[Traduction]

Puis, je me suis demandé pourquoi des gens qui sont normalement en faveur du bilinguisme s'opposaient à ce projet de loi.

[Français]

Voyons voir. De par notre Constitution et selon la Loi sur les langues officielles, l'utilisation d'une langue et/ou de l'autre est de mise dans nos tribunaux.

(1440)

Un Canadien peut toujours faire valoir son point de vue dans la langue de son choix. Dans les cours de première instance, il va de soi que le juge qui entend l'affaire puisse comprendre la langue des parties, mais la Cour suprême échappe à cette obligation. Pourquoi?

Comme l'expliquait très bien le sénateur McCoy, la Cour suprême étudie des cas qui ont déjà été étudiés par d'autres cours, mais dont certains aspects juridiques, extrêmement pointus, sont remis en cause. Les juges ont alors lu et relu tous les documents y afférant avant même de décider si la cause mérite d'être entendue. Dans l'affirmative, ceux et celles que les juges écouteront ne seront pas des Monsieur et Madame Tout-le-Monde, avec leurs expressions et leurs accents régionaux, mais de brillants avocats plaidant les deux côtés de la situation. Durant l'audition de cette cause, un juge pourra, s'il le souhaite, avoir recours à l'interprétation simultanée, comme nous le faisons tous les jours.

Mais la question déjà soulevée demeure. L'interprétation sera-t- elle adéquate? J'ai donc décidé d'en discuter avec des interprètes.

[Traduction]

Ils m'ont informée du fait que, par exemple, certains d'entre eux ont passé des années à apprendre le vocabulaire spécialisé relatif à divers sujets et que ce n'est pas toujours une tâche facile de trouver le mot juste. Ceux qui sont compétents font des efforts supplémentaires et se spécialisent dans un domaine spécifique.

[Français]

On peut donc tenir pour acquis que les interprètes assignés à la Cour suprême ont les connaissances nécessaires pour faire un travail irréprochable.

De toute façon, comme l'expliquait très clairement notre collègue, le sénateur Carignan, si un problème majeur devait se produire, il y a toujours possibilité de faire appel.

Oui, on peut faire appel même à la Cour suprême, mais à la condition d'avoir le texte d'origine et sa traduction, pour pouvoir prouver qu'il y a eu erreur, que le sens d'une phrase a pu être mal compris. Donc, l'interprétation et la traduction demeurent des outils indispensables. Pourquoi, alors, certains veulent-ils les faire disparaître?

J'ai cru bon de m'assurer que les meilleurs juristes canadiens comprendraient nos deux langues officielles, et que, comme le prétendent certains promoteurs de la loi, cela devrait faire partie de leur bagage professionnel, mais il ne faut quand même pas donner plus de poids aux connaissances linguistiques qu'aux connaissances juridiques.

Dans un discours prononcé devant l'Association du Barreau canadien en 2007, notre commissaire aux langues officielles parlait des difficultés rencontrées par les communautés de langues officielles en situation minoritaire à avoir accès à des services juridiques dans leur langue. À un nombre insuffisant d'avocats et de juges bilingues, disait-il, s'ajoute souvent une pénurie de personnel bilingue, de ressources administratives et juridiques.

[Traduction]

Les avocats francophones qui sont venus témoigner devant le Comité des langues officielles se sont plaints du nombre peu élevé de collègues et de juges bilingues. Ils prétendaient que ça retardait souvent de beaucoup les causes dans lesquelles ils plaidaient. Or, comme dirait le dicton, « justice différée est justice refusée ». Ils nous ont dit également que très peu d'avocats connaissent aussi bien la common law que le code napoléonien.

Pourtant, ce qui m'a le plus dérangée dans leur témoignage, c'est que, quelques minutes à peine après avoir parlé des nombreux problèmes qu'ils devaient surmonter, ils ont affirmé tout de go, et sans gêne aucune, qu'ils voudraient que tous les juges de la Cour suprême soient bilingues. Je leur ai répondu : « Soit, mais dans la mesure où il y a si peu d'avocats et de juges bilingues qui connaissent les deux systèmes juridiques en vigueur au Canada, où les prendrons-nous, les juges de la Cour suprême?

[Français]

Si tous les Canadiens ont le droit de s'exprimer dans la langue de leur choix, pourquoi les juges qui doivent décider de leur sort seraient-ils privés de la possibilité d'écouter les arguments de chacun dans la langue de leur choix à eux, et, si nécessaire, par les bons soins de l'interprétation simultanée?

Si, dans le cas des juges de la Cour suprême, nous choisissions de faire entrave à cette coutume, de mettre fin à cette possibilité, où cela nous conduirait-il? Où cette porte entrouverte nous mènerait- elle?

Si nous nous attaquons d'abord aux plus forts, les plus faibles viendraient-ils ensuite? Comme moi, vous savez fort bien que tous ceux qui vivent en situation minoritaire, où que ce soit au Canada, seraient les plus vulnérables. Alors, en voulant les protéger, est-ce que nous mettrions leurs droits acquis en danger?

Que tous nos avocats et tous nos juges soient bilingues serait, bien entendu, l'idéal; nous serions dans le meilleur des mondes.

Pourtant, il me semble insensé de commencer au haut de la pyramide et d'insister pour que cette exigence de bilinguisme soit là du jour au lendemain. Apprendre une deuxième langue, surtout à l'âge adulte, ne se fait pas en un clin d'œil.

En toute sagesse, le geste clé à poser serait davantage de faire en sorte que nos avocats en devenir, quel que soit le coin du pays où ils habitent, où ils étudient, deviennent convaincus de la nécessité de maîtriser nos deux langues officielles et aient la possibilité d'y arriver.

En fait, dans son rapport rendu public la semaine dernière, le commissaire déplore que, et je cite :

[...] des élèves qui voudraient parfaire les connaissances linguistiques acquises au primaire et au secondaire puissent difficilement poursuivre des études universitaires dans leur langue seconde. Au Canada, très peu d'établissements postsecondaires donnent à leurs étudiants la possibilité de suivre des cours de leur champ de spécialisation dans la langue officielle de leur choix.

Voilà donc, honorables sénateurs, où nous devons agir.

Ne rêvons pas en couleurs, car notre système juridique risquerait d'être le grand perdant.

Avec un sourire en coin, je voudrais presque proposer un amendement au projet de loi C-232 pour que, à compter du 1er juillet 2017, le bilinguisme devienne un critère essentiel pour être nommé à la Cour suprême du Canada.

Cela donnerait à ceux et à celles qui aspirent à ces hautes tâches le temps de faire leurs devoirs et d'apprendre leurs leçons, et ce serait alors une merveilleuse façon de célébrer le 150e anniversaire de notre pays.

Aurions-nous réglé tous nos problèmes actuels à ce moment-là? Avec le même sourire et le même clin d'œil, je dis : oublions tout cela pour maintenant et reprenons-nous dans sept ans. Tout vient à point à qui sait attendre, dit le proverbe.

Quoi qu'il en soit, ce projet de loi, avec toute l'attention que sa venue au Sénat attire, aura quand même des bienfaits inespérés, à court, à moyen et à long termes.

D'abord, en le rejetant, nous éviterons tous les ennuis d'en vérifier la constitutionnalité, possibilité qu'a mise en valeur notre collègue juriste, le sénateur Carignan.

Les avocats de partout et ceux et celles qui le deviendront, les juges et ceux et celles qui le deviendront, seront tous et toutes sensibilisés à l'importance de comprendre, de parler et d'écrire les deux langues officielles de notre pays.

De plus, je crois que le ministre de la Justice et le premier ministre seront dorénavant encore plus conscients du bilinguisme de ceux et celles à qui ils confieront l'énorme responsabilité de devenir l'une de ces neuf personnes qui siégeront à notre plus haute cour.

Avec le projet de loi C-232, qui serait responsable quand viendrait le temps de vérifier l'étendue et de juger de la qualité du bilinguisme de quelqu'un?

Il y a une énorme différence entre le fait de pouvoir tenir une conversation dans une soirée sociale et de connaître dans les deux langues tous les termes des tenants et aboutissants de nos deux systèmes juridiques.

Si, sans avoir cette exigence, nous nous retrouvons aujourd'hui avec un nombre impressionnant de juges à la Cour suprême capables de comprendre et de s'exprimer dans nos deux langues officielles, pourquoi changer notre façon de faire? Comme les anglais disent :

[Traduction]

Pourquoi essayer de réparer ce qui n'est pas cassé?

S'il suffit aux 15 juges choisis par les Nations Unies pour siéger au Tribunal international de La Haye de parler l'une des deux langues officielles que sont le français et l'anglais avec l'aide d'un interprète, je ne vois pas pourquoi il ne devrait pas en être de même pour les juges qui siègent à la plus haute cour du Canada. Ce serait vraiment fantastique si tous les juges de la Cour suprême pouvaient être parfaitement bilingues. Mais c'est un rêve; un rêve qu'ensemble, nous devons entretenir, mais un rêve quand même. Et je crois qu'il serait malavisé d'exiger, en l'inscrivant dans la loi, qu'ils maîtrisent complètement les deux langues. La Chambre de second examen objectif ne peut pas se prononcer en faveur d'une telle proposition.

(1450)

Je suis en faveur du bilinguisme, et je vais tout faire pour parfaire ma langue seconde, mais je n'appuierai pas ce projet de loi.

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : J'aimerais poser une question à ma collègue, le sénateur Champagne. Nous avons entendu des gens dire qu'il y avait des problèmes avec les services d'interprétation. Le commissaire aux langues officielles a même affirmé que certaines nuances se perdaient et n'étaient pas reflétées dans certains projets de loi.

Si c'est le cas, et si un très grand nombre de gens qui appuient ce projet de loi se basent sur cette affirmation pour appuyer le projet de loi, ne devrions-nous pas considérer le fait suivant? En cette Chambre, puisque nous rédigeons les lois, que nous adoptons des lois en français et en anglais et que nous sommes en train de dire aux juges de la Cour suprême qu'ils doivent être bilingues, est-ce que nous ne devrions pas exiger la même chose des sénateurs?

Des voix : Bravo! Pourquoi pas?

Le sénateur Champagne : Honorables sénateurs, je ne suis pas d'accord avec ceux et celles qui mettent en doute la qualité du travail de nos interprètes. Je crois qu'ils font un travail extraordinaire et que, si nous avons besoin d'aide sur le sens d'une phrase, ils sont toujours là pour nous aider.

Effectivement, si on se demande qui pourrait devenir juge pour évaluer la qualité du bilinguisme des gens, nous avons un problème. Si on veut en arriver là avec nos juges de la Cour suprême, il faut y aller progressivement.

Nous pourrions peut-être en arriver à dire que, au Canada, nous avons deux langues officielles et que, sans bilinguisme, point de salut. Donc, les gens qui veulent être élus députés à l'autre endroit devraient être bilingues. Les personnes qui espèrent un jour prendre notre place, parce que nous partons tous chacun notre tour, devraient absolument être bilingues. Donc, puisque nous, qui concevons et rédigeons une partie des lois, devons être bilingues, il faudrait que tous les fonctionnaires le deviennent aussi, parce qu'ils nous aident à préparer ces projets de loi.

Ce serait le cas, et pas seulement dans les régions considérées bilingues. On nous disait cette semaine que 40 p. 100 des fonctionnaires sont bilingues. Je crois que, autant pour les juges de la Cour suprême que pour nous tous qui travaillons dans cette enceinte et à l'autre endroit, ce serait un atout de pouvoir s'exprimer dans les deux langues.

[Traduction]

Si nous l'exigeons de nous-mêmes, peut-être pouvons-nous demander à d'autres d'être bilingues, et ensuite à nos juges, à tous nos avocats et à tous les juges des cours fédérales.

[Français]

Le sénateur Comeau : Vous avez entendu le commissaire aux langues officielles, qui a fait le commentaire suivant :

Le projet de loi prend l'exigence qui s'applique maintenant aux juges de la Cour fédérale, soit l'obligation d'instruire un procès avec les juges capables d'entendre les témoignages dans les deux langues officielles sans interprétation.

Par contre, je pense que le commissaire aux langues officielles a oublié d'ajouter le fait que la Cour fédérale est présentement assujettie à la Loi sur les langues officielles.

J'ai lu très attentivement le projet de loi C-232 et je n'ai vu aucune mention de la Loi sur les langues officielles. Avez-vous réfléchi à la raison pour laquelle le commissaire aux langues officielles doit se prononcer sur un projet de loi qui ne fait aucune mention de la Loi sur les langues officielles?

Le sénateur Champagne : On me corrigera si j'ai tort, mais je crois que, il y a 40 ans, lors de l'adoption de la Loi sur les langues officielles, celle-ci ne s'appliquait pas à la Cour suprême.

La raison invoquée par notre ancien collègue, M. Hnatyshyn, qui était alors ministre de la Justice, était que nous n'étions pas prêts. Tout à l'heure, je parlais de sept ans, et je crois qu'il faut en arriver là.

Je voudrais que tous les Canadiens puissent maîtriser les deux langues officielles. Je voudrais surtout que, sur le plan juridique, tous nos jeunes avocats puissent plaider dans les deux langues officielles. À ce moment-là, nous n'aurions aucune difficulté à recruter des gens compétents dans les domaines juridique et linguistique.

L'honorable Jean-Claude Rivest : Je comprends que l'argumentation de l'honorable sénateur s'applique à la sécurité pour ne pas qu'il y ait mauvaise compréhension de la part des juges de la Cour suprême. Madame le sénateur s'objecte au projet de loi en raison de ce qu'on pourrait appeler « la sécurité juridique du bon jugement de la Cour suprême ».

À son avis, y a-t-il d'autres domaines d'activités où, pour des raisons de sécurité ou d'intérêt public, le bilinguisme au Canada ne devrait pas être respecté? Je crois que, en tant que Québécoise, elle est très sensible. Est-ce que cette argumentation pourrait s'appliquer, par exemple, aux pilotes d'avion?

Le sénateur Champagne : Je me souviens qu'au Québec, il y avait eu des problèmes avec les pilotes et les contrôleurs aériens. Il fallait s'assurer que les gens puissent bien se comprendre.

Selon mon interprétation, en ce qui concerne la Cour suprême, ce n'est pas une question de sécurité. Il s'agit de s'assurer que les juristes sur place soient les meilleurs dans leur spécialisation. Je parlais aussi de l'importance de ce projet de loi parce qu'il a remis le bilinguisme à la mode. J'ose espérer que, d'ici très bientôt, davantage d'entre nous seront bilingues et que les neuf juges de la Cour suprême pourront également s'exprimer dans nos deux langues officielles.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : J'ai le regret d'informer le sénateur que ses cinq minutes de temps supplémentaire sont écoulées et que trois autres sénateurs souhaitaient poser une question.

D'autres interventions?

L'honorable Tommy Banks : Je demande l'aide de Son Honneur parce que je m'aventure en terrain inconnu.

Honorables sénateurs, je demande la permission d'intervenir dans le débat sur le projet de loi. Si je demande la permission, c'est qu'aux termes de l'article 37(1) de notre Règlement, aucun sénateur ne peut intervenir plus d'une fois dans le débat sur un projet de loi, quelle que soit l'étape où nous en sommes arrivés. Permettez-moi d'expliquer la situation.

À la page 348 du hansard du 20 avril, on peut constater qu'après l'intervention du sénateur Tardif sur le projet de loi, j'ai fait une déclaration que j'aurais dû formuler sous forme de question. En effet, j'ai fait remarquer, ce jour-là, que M. Yvon Godin, auteur du projet de loi, était présent. J'ai ensuite dit que « je ne me permettrai pas d'émettre d'avis sur ce projet de loi tant que je n'aurai pas entendu de débat à son sujet. »

J'aurais dû poser une question au lieu de faire une déclaration, mais j'ai ensuite dit quelques mots à propos de la traduction, curieusement, d'une phrase du projet de loi. J'ai fait cela. Par conséquent, d'un point de vue technique, je suis intervenu au sujet du projet de loi. Cependant, je demande la permission de dire ce que j'en pense vraiment.

(1500)

Des voix : D'accord.

Le sénateur Comeau : De ce côté-ci, nous n'avons aucune objection. Le sénateur Banks a expliqué qu'il avait posé une question. Par conséquent, nous ne voyons aucun inconvénient à accepter sa demande.

Son Honneur le Président intérimaire : La permission est accordée.

Le sénateur Banks : Je tiens à m'assurer que le leader adjoint comprenne qu'il n'est peut-être pas tout à fait exact de dire que j'avais l'impression de poser une question. J'ai dit que j'aurais dû poser une question. J'ai fait une observation. Quoi qu'il en soit, j'apprécie votre courtoisie.

Avant de poursuivre, je signale que madame le sénateur Champagne pourra constater qu'elle a lu dans mes pensées, si je puis dire. Il y a longtemps, quand j'ai été initié aux subtilités du marketing et de la publicité, j'ai demandé à un expert dans le domaine quelle était la chose la plus importante à retenir quand on veut communiquer une idée. Il m'a répondu ceci : « Premièrement, il faut dire ce qu'on veut dire; deuxièmement, il faut le redire; et, troisièmement, il faut répéter encore une fois ce qu'on a dit. » C'est donc ce que je vais faire aujourd'hui.

Pour ce qui est du fond, il s'agit d'un projet de loi valable. Je ne peux songer à un seul argument convaincant contre l'objet de cette mesure législative. Cependant, s'il revient dans cette enceinte à l'étape de la troisième lecture dans sa forme actuelle, je ne pourrai pas voter en faveur de ce projet de loi. Je voterai pour son adoption à l'étape de la deuxième lecture parce qu'un vote favorable à cette étape indique qu'on appuie le principe du projet de loi, ce qui est mon cas. J'ose espérer que le comité examinera attentivement la question de l'entrée en vigueur possible de cette mesure législative.

Le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne contient pas de dispositions sur son entrée en vigueur. Je connais très bien la question des dispositions sur l'entrée en vigueur des lois du Parlement. C'est exactement le sujet d'une loi intitulée Loi sur l'abrogation des lois, dont je suis l'auteur et qui a été adoptée et a reçu la sanction royale le 18 juin 2008. En dépit de cette sanction royale, cette loi n'est pas encore en vigueur parce qu'elle contient une disposition intitulée « entrée en vigueur », qui prévoit que la loi entrera en vigueur non pas le jour de la sanction royale, mais le 18 juin 2010, c'est-à-dire dans environ deux semaines. C'est donc deux ans après son étude et son adoption par les trois parties du Parlement. Si le Parlement adopte une loi qui ne contient pas de disposition précise sur sa date d'entrée en vigueur, elle entre en vigueur le jour où elle reçoit la sanction royale.

Si une disposition sur l'entrée en vigueur figure dans la Loi sur l'abrogation des lois, c'est qu'il aurait été imprudent de la faire entrer en vigueur le jour même de sa sanction royale. Cela aurait imposé une exigence déraisonnable, sinon impossible à respecter, au gouvernement et aux fonctionnaires. Nous n'aurions alors pas donné un préavis suffisant aux personnes et bureaux du Parlement ni à la communauté juridique qui sera touchée directement par la loi. Nous n'aurions pas donné à toutes les personnes concernées un préavis suffisant, ou, si vous voulez, un avertissement, sur les lois qui feront partie du premier groupe visé et sur le changement important qui touchera le corpus des lois canadiennes.

Il n'aurait pas été bien inspiré de faire entrer cette loi en vigueur dès le jour de la sanction royale. Cela aurait été injuste et aurait provoqué des perturbations. Toutes les personnes visées par la loi ont compris le concept de préavis raisonnable et suffisant, nécessaire pour donner au système le temps de se préparer et de gérer convenablement les incidences prévisibles.

Le gouvernement précédent et le gouvernement actuel, tous les fonctionnaires et tous les membres de la profession juridique ont accepté le principe de la Loi sur l'abrogation des lois, son application et ses effets et ils ont aussi compris et accepté qu'il était sage et prudent de donner un avertissement sur ses répercussions. C'est exactement mon point de vue au sujet du projet de loi C-232, qui a trait à la compétence linguistique des juges de la Cour suprême.

Sans disposition à l'effet contraire, le projet de loi C-232, si nous l'adoptons, deviendrait loi et serait appliqué intégralement à partir du jour de sa sanction royale. Théoriquement, cela pourrait arriver demain ou jeudi prochain. À mon avis, ce serait malavisé. Je présume que cette mesure législative sera renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Si ce comité ne présente pas d'amendement en ce sens, j'en présenterai un à l'étape de la troisième lecture selon lequel cette loi entrerait en vigueur cinq ans après le jour de sa sanction royale. À des fins d'information, je présenterai au greffier du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles une copie de l'amendement que j'ai l'intention de proposer.

Il y a un instant, j'utilisais les mots « compétence linguistique » concernant les juges de la Cour suprême. Je suis d'accord avec ceux qui décrivent la teneur de ce projet de loi comme étant une question de compétence. Je suis d'accord avec ceux qui considèrent le bilinguisme fonctionnel comme un critère raisonnable d'admissibilité à cette haute fonction. Je ne suis pas du même avis que ceux qui prétendent qu'un tel critère serait une violation des droits constitutionnels des juges. Le droit de tous les Canadiens de parler dans la langue officielle de leur choix devant un tribunal de notre pays ne peut pas être invoqué pour contester une exigence préalable à la nomination des juges de la Cour suprême. C'est de la compétence des juges qu'il est question, et non de leurs droits.

On a aussi présenté comme argument, pour contester le principe de ce projet de loi, que la juge en chef de la Cour suprême, par exemple, n'aurait pas été admissible, au moment de sa nomination, si ce critère avait été appliqué. Mme la juge McLachlin n'a acquis un bilinguisme fonctionnel qu'après sa nomination. Honorables sénateurs, cela n'est pas un bon argument contre l'utilité du bilinguisme des juges de la Cour suprême, c'est plutôt un argument en sa faveur. La juge en chef a jugé utile de devenir bilingue.

Je peux paraître résolument unilingue, mais je ne parviens pas à comprendre qu'on s'oppose à cette exigence alors qu'il est bien connu, et bien compris, que la plupart des postes de gestionnaire intermédiaire de la fonction publique fédérale exigent un bilinguisme fonctionnel des candidats. Les officiers des Forces canadiennes comprennent parfaitement que leur accession à des postes plus élevés exige un bilinguisme fonctionnel. Si j'ai bien compris, une modification de la Loi sur les langues officielles, adoptée en 1988, a permis d'exiger que les personnes nommées juges à la Cour fédérale ou à la Cour d'appel fédérale soient bilingues. Le bilinguisme est exigé pour ces postes en vertu de dispositions législatives et réglementaires. Cela ne s'est pas produit tout seul.

Parfois, les gouvernements doivent montrer la voie à suivre. Dans le cas qui nous occupe, c'est nous qui devons le faire. Nous avons besoin d'une loi qui ne fait rien d'autre que supprimer une disposition exemptant la Cour suprême des dispositions prévues dans la Loi sur les langues officielles de 1988, la loi remaniée, selon lesquelles, à l'exception des juges de la Cour suprême du Canada, les juges des tribunaux fédéraux doivent être en mesure de maîtriser les deux langues, comme c'est le cas à l'heure actuelle. Nous devons être informés — pas comme on le faisait il y a 40 ans, lorsqu'on disait que cette exigence linguistique pourrait entrer en vigueur un jour — de la date et de l'année de l'entrée en vigueur de la mesure.

Nous avons besoin de temps avant qu'une telle loi puisse être mise en vigueur pour que les avocats, les professeurs de droit, les facultés de droit, les barreaux et les cours des provinces et d'autres intervenants dans les provinces ayant une plus faible densité de population francophone, les provinces où l'on ne fait pas des affaires dans la langue de Molière tous les jours, puissent agir en conséquence.

(1510)

Honorables sénateurs, dans l'hypothèse — il pourrait s'agir d'un accident de parcours ou d'un hasard dû à la géographie — où le Parlement déciderait que, pour être nommé juge à la Cour suprême, il faut avoir une connaissance approfondie des obscures dispositions du droit maritime, nous serions malavisés de nous empresser de faire en sorte que cette exigence entre en vigueur la semaine prochaine, car elle pourrait exclure des candidats éminemment compétents qui vivent dans des provinces intérieures. Les provinces canadiennes ne sont pas toutes des provinces maritimes et nous ne sommes pas tous des marins. Certains d'entre nous sont des terriens et, malheureusement, je suis unilingue.

Le Canada n'est pas encore un pays bilingue. C'est un pays où l'on parle deux langues. Cela est fort différent. Un jour, le noble objectif que constitue le bilinguisme national sera assurément atteint. Ce jour-là, la question n'aura plus aucune pertinence.

Il n'existe aucun argument raisonnable à l'encontre d'une telle aspiration. Lorsque nous regardons derrière nous, nous avons peine à croire qu'il fut une époque où les malades fumaient dans leur lit d'hôpital. Un jour, nous regarderons derrière nous et nous aurons peine à croire que la question ridicule du bilinguisme a suscité autant de débats. J'espère que ce jour viendra, mais il n'est pas encore arrivé.

Des nominations à la Cour suprême seront bientôt faites. Certains des candidats proviendront nécessairement de régions du Canada où le bilinguisme fonctionnel n'est pas encore une réalité. Pour ces nominations imminentes, il faut que le processus soit équitable et repose sur les qualifications actuelles. Nous devons laisser le temps faire son œuvre et donner aux candidats un préavis raisonnable. Il faut aussi être prudents.

C'est pour cette raison que je vais voter en faveur du projet de loi C-232 dans sa forme actuelle à l'étape de la deuxième lecture, mais je m'y opposerai à l'étape de la troisième lecture s'il nous revient inchangé. J'espère que le projet de loi sera amendé par l'ajout d'une disposition selon laquelle il entrera en vigueur cinq ans après qu'il aura reçu la sanction royale.

Merci, honorables sénateurs.

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, j'ai bien écouté le discours du sénateur Banks et je l'ai entendu dire que la Loi sur les langues officielles avait été modifiée en 1988. Il a souligné que la Cour fédérale obligeait ses candidats à la magistrature à être fonctionnellement bilingues.

Le sénateur pourrait-il nous dire d'où il tient cette information? Je crois comprendre que la Cour fédérale, comme tous les autres tribunaux fédéraux, est institutionnellement bilingue, ce qui est bien différent d'obliger les candidats à être bilingues. On parle d'un bilinguisme institutionnel.

Honorables sénateurs, ce projet de loi remplacerait le bilinguisme institutionnel actuel des cours par le bilinguisme individuel. Le sénateur devrait nous en parler un peu plus. Ce serait la première fois dans l'histoire que le bilinguisme individuel serait imposé. J'ai essayé de trouver une autre loi, mais je n'ai vu aucun cas dans l'histoire du Canada où le bilinguisme individuel a été imposé.

Le bilinguisme institutionnel, qui respecte à la lettre la Loi sur les langues officielles, est très répandu, mais ce que propose ce projet de loi est tout à fait autre chose. C'est ce qu'on appelle le bilinguisme individuel.

Le sénateur Banks : Je remercie le sénateur de sa question. Tout ce que je peux dire, c'est que je n'ai personnellement pas fouillé la question en profondeur. Je me suis donc fié aux interventions faites dans cette enceinte par d'autres sénateurs dans le cadre du débat précédent sur cette question. Ils ont déclaré que les nouvelles dispositions ajoutées en 1988 à la Loi sur les langues officielles stipulent que les juges de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale doivent être bilingues. J'ai pris ces affirmations au pied de la lettre, sans tenir compte de la distinction que vous venez de faire entre le bilinguisme institutionnel et le bilinguisme individuel.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Les forces armées sont institutionnellement bilingue et les officiers doivent personnellement être bilingues pour prétendre à certains grades. À un moment donné, les soldats ont fini par dire qu'ils n'iraient plus combattre et mourir dans la langue de leur officier et que celui-ci devait leur signifier ses ordres dans leur langue. Depuis cette époque, les Forces canadiennes ne sont plus unilingues.

Depuis 1968, le bilinguisme officiel est obligatoire dans des institutions comme les Forces canadiennes, si l'on en juge par le corps d'officiers généraux. Nous réalisons des progrès à ce chapitre depuis une quarantaine d'années. Pourtant, nous nous posons encore des questions sur le niveau de maîtrise du bilinguisme fonctionnel.

Je conviens du fait que vous avez besoin de temps pour mettre cette mesure en vigueur, car il s'agit d'une situation exceptionnelle. Compte tenu de l'expérience passée, est-ce qu'un délai de cinq ans sera suffisant et selon quel critère?

Le sénateur Banks : Dire que je n'ai aucune expérience ni aucune compétence en matière d'acquisition d'une langue seconde serait un euphémisme. Tout ce que je peux dire pour répondre à la question, c'est que j'ai proposé ce délai de cinq années de façon tout à fait arbitraire. Je suis persuadé que d'autres que moi possèdent les compétences nécessaires et qu'ils pourront répondre à cette question au moment de l'étude de la question au comité.

Au cours des 10 courtes années pendant lesquelles j'ai siégé au Sénat, j'ai été membre d'un comité qui a souvent eu l'honneur de traiter avec des officiers militaires. À partir du grade de major jusqu'aux grades supérieurs, je n'ai pas rencontré un seul officier qui n'était pas parfaitement et fonctionnellement bilingue.

Son Honneur le Président intérimaire : Poursuivons-nous le débat?

L'honorable Pierrette Ringuette : J'ai une question à poser.

Le sénateur Banks : Je demande cinq minutes supplémentaires.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour accorder cinq minutes supplémentaires au sénateur Banks?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, je crois que de nombreuses questions doivent être clarifiées. Les professionnels de la langue feront valoir que l'interprétation n'est pas une traduction. Voilà un problème important. Il s'agit de deux approches différentes en ce qui concerne les compétences linguistiques et la prestation de services professionnels.

À mon avis, une des autres choses qu'il ne faut pas oublier, c'est que nous parlons des droits de la personne. Les Canadiens, qu'ils parlent le français ou l'anglais, ont le droit d'être entendus devant un tribunal et compris dans la langue de leur choix. Il s'agit d'un droit des citoyens, alors que le fait d'être un juge à la Cour suprême n'est pas un droit.

La Loi sur les langues officielles est en vigueur depuis 40 ans. Depuis 30 ans, la plupart des provinces offrent une formation en langue seconde. En 40 ans, nous avons réalisé des progrès. Est-ce que le sénateur est en train de dire qu'il faudra cinq ans de plus pour que neuf Canadiens puissent faire les progrès nécessaires?

Le sénateur Banks : Non, honorables sénateurs, ce n'est pas ce que je dis. Il y a des endroits dans ce pays où le français et l'anglais sont utilisés tous les jours et où il est nécessaire et pratique d'être effectivement bilingue. Toutefois, dans d'autres endroits du pays, représentés précisément par un certain nombre de juges à la Cour suprême, ce n'est pas le cas. Prenons l'exemple de la Colombie- Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan et de certaines provinces maritimes, à l'exception du Nouveau-Brunswick. Dans ces régions, bien que nous soyons infiniment fiers de notre patrimoine français, l'anglais est la langue prédominante. J'en aurais long à dire sur la fierté que je ressens à l'égard du patrimoine français de ma ville, qui a d'abord été colonisée par des francophones. Le nom des rues et des quartiers en témoignent d'ailleurs encore aujourd'hui. Le français fait toujours fièrement partie de la culture de la ville.

(1520)

Toutefois, la plupart des gens qui obtiennent leur diplôme en droit de l'Université de l'Alberta et de l'Université de Calgary ne parlent pas nécessairement le français. Si l'on avait clairement précisé il y a 40 ans, lorsque M. Ray Hnatyshyn a tenu ses propos, que quarante ou même seulement cinq ans plus tard, la connaissance du français serait considérée comme une exigence pour être nommé à de hautes fonctions judiciaires, ce serait peut-être reconnu aujourd'hui.

Toutefois, le seul fait d'affirmer qu'une mesure risque d'être adoptée un jour et qu'il faudrait peut-être que les gens prennent des mesures en prévision de ce jour n'a pas la force d'une loi qui précise que cette mesure entrera en vigueur à une date précise. Une telle précision changerait certainement la donne. Il est parfois nécessaire d'adopter des règlements et des lois pour atteindre les objectifs attendus par la société.

L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, le sénateur Banks a parlé des provinces de l'Ouest, qui ne comptent aucune communauté francophone importante. Le sénateur n'est-il pas frappé par le fait que la juge en chef de la Cour suprême est née en Alberta et a grandi en Colombie-Britannique, que le premier fonctionnaire de l'État vient de la Saskatchewan et que le chef d'état-major de la Défense vient également de l'Ouest? Toutes ces personnes sont bilingues.

J'étais ici en 1969 quand nous avons adopté la Loi sur les langues officielles. Nombreux étaient ceux qui disaient que nous ne pouvions adopter une telle loi, que la fonction publique était unilingue anglophone. Comment pouvions-nous mettre l'anglais et le français sur un pied d'égalité? En 1928, nous avons enchâssé l'égalité des deux langues dans la loi suprême du pays.

Chaque fois qu'on présente une telle mesure, les gens se demandent, avec raison, si elle reflète la réalité. Je ferai remarquer au sénateur Banks que les éminents avocats qui veulent siéger à la Cour suprême prendront exemple sur les cinq juges anglophones bilingues. Dans l'Ouest du Canada, 26 juges sont en mesure d'instruire un procès en français.

(Sur la motion du sénateur Comeau, au nom du sénateur Meighen, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Jean-Claude Rivest propose que le projet de loi C- 288, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (crédit d'impôt pour les nouveaux diplômés travaillant dans les régions désignées), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, ce projet de loi a pour objet une chose extrêmement importante, c'est-à-dire d'inciter, par des moyens fiscaux, les diplômés à rester dans les diverses régions du Canada.

On le sait, une des priorités d'un gouvernement, c'est le développement général de la société, c'est-à-dire le développement économique, social et culturel. Tous les gouvernements ont cette ambition. Ils le font plus ou moins mal, selon les circonstances, ou plus ou moins bien, selon la façon dont on veut le voir. Cependant, très souvent, le bien-être général de la collectivité ne signifie pas que les citoyens qui habitent à l'extérieur des grands centres bénéficient des avantages que procurent les politiques générales.

Depuis toujours, tous les gouvernements se sont assurés que les politiques générales qu'ils élaborent soient diffusées dans toutes les couches de la société sur le plan des revenus ou des caractéristiques des personnes, mais également sur le plan des régions. Ce n'est pas automatique — et Dieu sait qu'on le sait — qu'une politique nationale ou provinciale peut avoir une résonance sur l'ensemble du territoire.

La question des régions a toujours été au cœur des préoccupations. Il faut prendre des initiatives singulières afin de soutenir et de s'assurer que la richesse et le progrès que l'on crée soient diffusés et deviennent accessibles à l'ensemble des citoyens, où qu'ils soient au pays. Par ailleurs, on sait que les grandes villes, que ce soit à l'échelle du Canada ou des provinces, ont un dynamisme, une créativité et des atouts majeurs qui leur permettent justement d'être les premières bénéficiaires des mesures qui sont adoptées. Il faut s'assurer que, dans les régions, les citoyens aient accès à ces mesures. La région, de taille moins grande, a moins de ressources, de dynamisme créateur, d'institutions et de population pour se maintenir et progresser au même rythme que les grands centres.

Le projet de loi C-288 est justement un pari sur la question particulière des jeunes diplômés car il offre des incitatifs fiscaux pour leur permettre de rester en région. Il s'agit d'une mesure très ponctuelle et très particulière qui se situe dans un ensemble plus large. Au Canada, si nous avons un régime fédéral, c'est parce que nous sommes très conscients, étant donné la grandeur de notre pays, des réalités régionales. Le fédéralisme met en valeur ces réalités. On le voit sur le plan de nos institutions, que ce soit à la Chambre des communes, au Sénat ou dans l'ensemble des institutions politiques. Il y a toujours une préoccupation régionale.

De plus, lorsqu'il est question de politiques économiques, sociales et culturelles, il y a toujours un souci de donner des instruments particuliers aux régions afin qu'elles puissent suivre le rythme de l'évolution de la société. Tout cela est possible grâce aux agences de développement économique régionales.

Cette mesure, proposée par le projet de loi C-288, s'ajoute à tout ce qui existe actuellement pour soutenir les régions. Elle permettra de miser sur ce facteur d'avenir absolument formidable pour les régions que sont les jeunes diplômés. L'exode des jeunes diplômés vers les grands centres existe vraiment, ce qui est un peu paradoxal puisque maintenant, avec le développement de la technologie, un jeune diplômé peut très bien travailler, se développer et apporter sa contribution en restant dans sa région.

(1530)

Il y a un très délicat mouvement de va-et-vient, et il faut l'appuyer. Le projet de loi C-288 propose des modalités. Son objectif est très clair : ces modalités sont un instrument parmi d'autres dont les résultats ne seront pas absolument efficaces, mais ils peuvent avoir un effet très significatif.

Cela se fait au Québec lorsqu'il faut envoyer des médecins en région. Dans le domaine de la santé, des incitatifs fiscaux le permettent. En Saskatchewan, il y a un programme analogue à celui proposé par le projet de loi C-288. Les informations qu'on nous transmet nous indiquent qu'il a une efficacité certaine et significative.

Le projet de loi adopté à la Chambre des communes, que je soumets respectueusement à l'intention des sénateurs, propose tout simplement qu'on accorde un crédit d'impôt à tout jeune diplômé qui s'installe dans une région désignée. C'est un crédit d'impôt équivalent à 40 p. 100 du traitement, ou 3 000 $, ou l'excédent de 8 000 $ sur l'ensemble des montants payés pour une année d'imposition. Ces modalités pourront être appréciées à leur mérite lors des discussions ultérieures sur ce projet de loi, mais ce sont des mesures raisonnables qui s'apparentent à l'ensemble des dispositions analogues qui existent à l'intérieur de chacune des provinces pour soutenir le développement et l'affirmation de la personnalité des régions.

Il n'y a pas meilleure manière de favoriser le développement régional que de permettre aux régions de garder les gens chez eux, surtout les régions qui ont investi dans ce qui constitue le premier élément du progrès économique, c'est-à-dire les hommes et les femmes qui ont accès à l'université, à la connaissance et qui ont bénéficié de l'ensemble des institutions de la collectivité et qui peuvent maintenant servir leur communauté. Il n'y a rien de contraignant dans cette disposition; il y a simplement une incitation très intéressante.

Honorables sénateurs, le Bureau du directeur parlementaire du budget a évalué les coûts. Ils seront annuellement de 200 à 600 millions de dollars, dépendamment du nombre d'étudiants qu'on rendrait admissibles par l'intermédiaire des règlements qui seront adoptés selon le rythme de la mise en œuvre de ce programme. Bien sûr, ce projet de loi exclut les villes de plus de 200 000 habitants. Cela signifie que, à la grandeur du Canada, un nombre considérable de villes moyennes ou de petites villes ou agglomérations pourront bénéficier d'un programme et d'une telle initiative.

Honorables sénateurs, j'ai l'intime conviction que ce projet de loi va dans le sens de l'appui des régions et du développement non seulement du Canada, mais aussi de chacune des provinces et, à l'intérieur des provinces, de chacune des collectivités. Ce projet de loi s'adresse d'abord et avant tout aux jeunes diplômés qui, une fois qu'ils auront acquis des connaissances, pourront continuer de servir leur collectivité d'abord et avant tout, pour le plus grand bien-être des gens avec lesquels ils vivent, de leur province et du pays.

J'invite les honorables sénateurs à appuyer ce projet de loi qui bâtit l'avenir du pays.

(Sur la motion du sénateur Ringuette, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Régie interne, budgets et administration

Adoption du troisième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budget de comité—législation), présenté au Sénat le 27 mai 2010.

L'honorable David Tkachuk propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

La réforme du Parlement

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur des questions concernant une réforme du Parlement réaliste et efficace.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, l'interpellation du sénateur Cowan porte sur un sujet fort intéressant. Je poursuis mes recherches à ce sujet et j'aimerais avoir encore plus de temps. J'aimerais proposer l'ajournement du débat à mon nom pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à reconnaître le risque que pose la prolifération des matières et de la technologie nucléaires pour la paix et la sécurité

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Segal, appuyée par l'honorable sénateur Nancy Ruth,

Que le Sénat :

a) reconnaisse le risque que pose la prolifération des matières et de la technologie nucléaires pour la paix et la sécurité;

b) approuve la déclaration, signée par 500 membres, officiers et compagnons de l'Ordre du Canada, soulignant l'importance de s'attaquer au problème de la prolifération nucléaire dont l'intensité s'accroît, de suivre l'évolution du dossier du désarmement nucléaire et de tenir compte des possibilités dans ce domaine;

c) approuve les cinq initiatives sur le désarmement nucléaire proposées en 2008 par M. Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies, et incite le gouvernement du Canada à entamer des négociations sur le désarmement nucléaire en vue de conclure une entente comme le propose le secrétaire général des Nations Unies;

d) appuie les initiatives récentes du président des États- Unis, M. Obama, sur le désarmement nucléaire;

e) salue la décision du gouvernement du Canada de participer au sommet historique sur la sécurité nucléaire qui se tiendra à Washington en avril 2010 et l'incite à mettre en œuvre une importante initiative diplomatique canadienne à l'échelle mondiale en appui à la prévention de la prolifération nucléaire et à l'accroissement du taux de désarmement nucléaire;

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'inviter à se joindre au Sénat aux fins de ce qui précède.—(L'honorable sénateur Dallaire)

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'aimerais parler de la motion présentée par le sénateur Segal, visant à reconnaître le danger que présente, pour la paix et la sécurité, la prolifération des matières et de la technologie nucléaire. Je profiterai également de l'occasion pour attirer votre attention sur quelques points connexes.

Honorables sénateurs, je suis encouragé par les grands pas accomplis au cours de l'année dans la campagne internationale en faveur du désarmement nucléaire. Le Sommet nucléaire de Washington et la coopération sans cesse croissante entre les États- Unis et la Russie semblent confirmer que le problème du nucléaire figure bel et bien au calendrier des priorités internationales.

Par contre, une forte dose de scepticisme demeure quant à savoir si ces mesures mènent vraiment quelque part et si les intentions sont sincères. Je dois avouer que je comprends ce scepticisme. Des années d'initiatives diplomatiques, bien qu'elles aient été encourageantes, n'ont pas toujours eu les résultats que nous aurions été en droit d'espérer. En fait, la situation semble s'aggraver sous plusieurs aspects.

L'initiative opportune et fort à propos de l'honorable sénateur Segal est nécessaire pour établir la position du Canada sur la sécurité et le désarmement nucléaire. Même si le Canada s'est joint aux pays partageant le même point de vue pour favoriser la création de l'Agence internationale de l'énergie atomique en 1957 et l'entrée en vigueur du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 1970, depuis, le Canada a été remarquablement silencieux. Toutefois, il me semble que nous pourrions faire mieux que de souligner les déclarations et les initiatives des autres.

Je comprends qu'il est important de manifester notre appui à des initiatives comme celles décrites dans la motion. Toutefois, j'estime qu'il est également temps que nous commencions à réfléchir sérieusement à savoir comment le Canada peut contribuer à faire progresser les discussions visant l'abolition des armes nucléaires.

(1540)

Nous devons nous poser deux questions : le Canada y croit-il vraiment? Le cas échéant, de quelle façon le Canada peut-il mettre à contribution ses ressources pour assurer que les générations à venir vivront dans un monde sans armes nucléaires? Si nous croyons vraiment en cette optique — et je crois que c'est le cas —, il faut en établir la preuve concrète. Nous devons savoir de quelle façon les Canadiens peuvent contribuer de façon crédible et constructive à l'amélioration de la sécurité nucléaire, à l'objectif de non- prolifération des armes nucléaires et, en définitive, à l'objectif du désarmement nucléaire. Notre contribution sur ces plans doit être coordonnée à celles de nos alliés et de la collectivité internationale.

Le Canada possède une expertise et une expérience riche et unique et directement pertinente pour prévenir la prolifération des armes nucléaires. Ne devrions-nous pas en tirer le maximum et mettre ces compétences à profit?

[Traduction]

Je crois que le Canada pourrait apporter une contribution inestimable dans le domaine de la vérification. Pratiquement toutes les initiatives énonçant les étapes nécessaires pour parvenir au désarmement nucléaire, y compris celles que contient la motion du sénateur Segal, font ressortir la nécessité d'un système de vérification efficace et, par conséquent, sérieux. L'élément clé d'un tel système, c'est que les inspecteurs aient un accès sans restriction.

Un accord sur le contrôle des armes et le désarmement qui ne comporterait pas de règles strictes de vérification aurait sans aucun doute de graves conséquences : des infractions pourraient être passées sous silence tandis que des accusations non fondées d'infraction pourraient être portées. Cela affaiblirait le système. S'il est impossible de le mettre en place en partant, il serait certainement impossible de maintenir l'engagement et le respect des parties envers ce système.

Certaines institutions ont relevé le défi et ont pensé un système qui pourrait fonctionner. Il y a, par exemple, VERTIC, le Verification Research, Training and Information Centre, situé à Londres, qui fait de la recherche sur les simulations internationales afin de découvrir de nouveaux moyens de vérifier les mesures de contrôle des armes, la non-prolifération et le désarmement.

En dépit de ce travail, il y a certains aspects des propositions existantes qui ne répondent pas aux préoccupations des pays visés. Par exemple, comment peut-on vérifier le respect d'un traité sans compter sur les moyens techniques des pays signataires, sans exiger que les pays divulguent des renseignements classifiés à juste titre et sans porter atteinte à la souveraineté des États? Ce n'est là qu'un des défis juridiques et politiques de la vérification. Du point de vue technologique, les limites de mes connaissances scientifiques m'empêchent de m'avancer beaucoup plus à parler des défis mentionnés.

Cependant, je peux affirmer aux sénateurs que, même si la route devant nous paraît longue et en dépit des connaissances et de l'expertise acquises par l'AIEA depuis qu'elle a commencé à mettre en œuvre ses premiers systèmes de protection contre les conflits nucléaires en 1967, il est possible de progresser et d'atteindre le but. Un des plus grands arguments de ceux qui s'opposent au désarmement, c'est que l'élaboration d'un système crédible de vérification des traités sur le désarmement nucléaire pose des défis complexes d'ordres juridique, scientifique et d'ingénierie. Ces opposants peuvent facilement faire valoir que les traités internationaux existants n'ont pas empêché certains États de se doter en secret de programmes de développement d'armes nucléaires. Le système de protection contre le nucléaire de l'AIEA a été efficace en ce qui concerne les programmes nucléaires déclarés par les États. Cependant, les programmes clandestins échappent à l'œil de l'agence. Pourquoi nous lancer dans un processus de désarmement si on ne peut pas effectuer de vérifications? Pourquoi engager du capital politique et des ressources diplomatiques dans un système si ceux qui ne le respectent pas ne peuvent pas être pris?

Les pays pourraient davantage unir leurs efforts pour mener les recherches et partager de l'information à ce chapitre. Cette possibilité est intéressante, non seulement parce qu'elle permettrait d'améliorer la réflexion et les moyens disponibles pour effectuer des vérifications, mais aussi parce qu'elle susciterait la confiance entre les pays qui collaborent pour surmonter des problèmes communs. Nous pouvons voir que la nécessité d'agir et les possibilités dans ce domaine sont manifestes.

Où le Canada se situe-il dans tout cela? Les sénateurs savent peut- être que le Canada est depuis longtemps un fier chef de file dans le domaine de la recherche et de la vérification pour le contrôle des armements et le désarmement. En réunissant la crème des spécialistes de la fonction publique, des milieux universitaires et du secteur privé, le Canada a pu mettre au point d'importants outils technologiques, juridiques et institutionnels de vérification. Nous pouvons à juste titre affirmer que ces outils représentent une contribution importante au cadre international dans lequel les ententes importantes de contrôle des armements ont été négociées et mises en application en Europe dans les années 1980.

Mon but n'est pas de ressasser les initiatives ou les éloges du passé bien que, en passant, il convient de souligner que le Programme de vérification et de recherche fonctionne très bien avec un budget annuel de seulement 1 million de dollars. Je veux plutôt attirer l'attention sur la capacité démontrée du Canada de répondre aux besoins de la communauté internationale de manière très concrète et utile, comme il l'a déjà fait.

C'est le genre de réflexion que nous devons faire maintenant. Nous avons besoin du leadership de ce pays. Nous avons besoin que la matière grise de ce pays joue ce rôle. La vérification n'est qu'un des aspects essentiels à l'objectif de désarmement et, à ce titre, il ne peut être considéré comme relevant uniquement de la volonté politique des grandes puissances. Pour atteindre cet objectif, il faudra que des pays comme le Canada déploient des efforts constants pour promouvoir la transparence, jouer le rôle d'intermédiaire impartial et mettre en œuvre tous les processus multilatéraux requis. C'est ainsi que nous ouvrirons la voie. De plus, les mesures en vue de renforcer les mécanismes de vérification devraient être accompagnées d'efforts soutenus pour résoudre certains des problèmes qui mènent à la prolifération, comme la pauvreté et les tensions régionales et mondiales, notamment au Moyen-Orient et en Extrême-Orient.

Le premier ministre devrait manifester un appui solide à cet égard en dénonçant régulièrement la prolifération nucléaire et en prônant le désarmement, mais pas uniquement dans le cadre de pourparlers portant expressément sur le sujet, comme le sommet de Washington. Le message doit être envoyé de façon constante et dès que l'occasion se présente. Le Canada doit être clairement et fortement associé à la résolution de ces menaces à la paix et à la prospérité dans le monde et s'opposer aux armes nucléaires sur la scène internationale.

[Français]

J'aimerais également attirer l'attention de cette Chambre sur une autre question liée à cette motion, à savoir l'absence de toute déclaration concernant l'Arctique — et je parle du Grand Nord.

L'Arctique devient de plus en plus facile d'accès et les pays voisins se font la lutte pour obtenir leur part de ces côtes et de ces fonds marins. Par conséquent, nous pouvons nous attendre à une certaine militarisation. Jusqu'à présent, le processus a été surtout pacifique et de nature coopérative. Ainsi, nous pouvons déclarer qu'il n'y a pas de place pour les armes nucléaires dans l'Arctique.

Le groupe Pugwash Canada, de concert avec une multitude d'autres organisations internationales, a consacré les dernières années à étudier le problème et à réunir des appuis en faveur d'une zone arctique dénucléarisée. Dans le cadre de cette campagne, on demande aux pays de l'Arctique qui n'ont pas d'armes nucléaires, comme le Canada, de prendre les mesures suivantes : premièrement, négocier une zone dénucléarisée qui doit être établie sur leur propre territoire, au nord du cercle Arctique.

(1550)

Deuxièmement, inclure les États disposant d'armes nucléaires dans ces négociations, à titre de mesures préliminaires, pour que ces États englobent leur propre territoire de l'Arctique dans la zone arctique dénucléarisée; troisièmement, dans le but de promouvoir activement une approche par étape, viser d'abord les territoires terrestres, puis, par négociation, les espaces aériens et marins; quatrièmement, exiger de l'OTAN qu'elle enlève toute restriction imposée aux États membres de l'organisation et qui empêcherait la création d'une zone arctique dénucléarisée, par exemple, une entente de stationnement de leurs armes nucléaires sur leur territoire en temps de guerre.

C'est un enjeu sur lequel le Canada doit se pencher sérieusement. Créer une zone arctique dénucléarisée serait un processus à longue échéance. Le façonnage de l'Arctique est l'occasion de lancer cette initiative, car ce créneau ne nous sera pas offert bien longtemps.

Honorables sénateurs, je vous prie d'appuyer la motion du sénateur Segal. Elle constitue un effort important dans le but de stimuler le débat dans notre pays et d'attirer l'attention sur un enjeu dans lequel le Canada peut et doit s'impliquer plus activement. Les armes nucléaires, par leur nature même, menacent les droits de la personne partout sur la planète. Nous devons profiter des possibilités qui nous sont offertes et faire tout en notre pouvoir pour faire en sorte que ce monde soit plus sûr pour les générations à venir.

[Traduction]

Pour conclure, j'aimerais raconter une anecdote concernant un discours que j'ai prononcé dans une école secondaire située au sud de Winnipeg. Après mon discours, une élève m'a posé la question suivante : comme nous avons la possibilité d'anéantir complètement l'environnement et de détruire tout ce qui se trouve sur la surface de la Terre, pourquoi devrions-nous nous soucier des sacs de plastique et de l'eau polluée? J'ai réfléchi, puis j'ai reconnu qu'elle avait raison. Nous disposons d'armes nucléaires qui peuvent vraiment tout détruire.

Il est assez surprenant que, depuis 20 ans, soit depuis la fin de la guerre froide, les pays développés aient investi près d'un billion de dollars dans la modernisation des armes nucléaires, et ce, sans aucune raison. Nous n'avons pas investi un billion de dollars dans la protection de l'environnement.

Il ne faut pas se surprendre si les jeunes Canadiens jugent que nous défendons des points de vue contradictoires et que nous ne sommes pas tout à fait cohérents quant à la façon dont nous envisageons l'avenir de la planète et de l'humanité.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Segal propose que... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

Peuples autochtones

Autorisation au comité d'examiner les progrès faits relativement aux engagements pris par le gouvernement depuis les excuses présentées aux anciens élèves des pensionnats autochtones

L'honorable Gerry St. Germain, conformément à l'avis donné le 27 mai 2010, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les progrès faits relativement aux engagements pris par les parlementaires des deux Chambres depuis les excuses présentées par le gouvernement aux anciens élèves des pensionnats autochtones;

Que le Comité entende le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, le chef national du Congrès des peuples autochtones, le président d'Inuit Tapiriit Kanatami, le président du Ralliement national des Métis à ce sujet, et tout autre témoin que le comité jugera à propos;

Que le Comité présente son rapport le 2 décembre 2010 au plus tard.

— Honorables sénateurs, La motion inscrite à mon nom vise à étudier les progrès réalisés relativement aux engagements exprimés lors des excuses présentées par le gouvernement aux anciens élèves des pensionnats indiens. En plus des groupes autochtones nommés dans la motion, je dois souligner que j'ai commis l'erreur d'omettre l'Association des femmes autochtones du Canada. Bien entendu, le comité est libre de décider si d'autres intervenants doivent être appelés à témoigner. L'Association des femmes autochtones du Canada sera sûrement invitée.

De plus, la Commission de vérité et de réconciliation pourrait vouloir présenter une mise à jour sur son important travail et sur ses conclusions. D'autres organismes du gouvernement fédéral pourraient vouloir comparaître pour présenter des informations sur les mesures qu'ils ont prises à la suite des excuses officielles.

Honorables sénateurs, le système des pensionnats indiens visait à imposer l'assimilation des peuples autochtones du Canada dans une société euro-canadienne. Les enfants étaient arrachés à leur famille et à leur collectivité et placés dans ces écoles qui avaient pour but, comme plusieurs personnes l'ont mentionné, de tuer l'Indien dans l'enfant.

Les sénateurs se souviendront que, le 10 juin 2008, le premier ministre a présenté des excuses officielles aux anciens élèves des pensionnats indiens au nom du gouvernement du Canada et des parlementaires. Comme l'a si bien dit notre collègue, le sénateur Joyal, jeudi dernier à ce sujet :

Le gouvernement reconnaît que le traitement des élèves des pensionnats autochtones est un triste chapitre de notre histoire et qu'une telle politique a eu des effets préjudiciables et persistants sur la culture autochtone, son patrimoine et sa langue.

Plusieurs de ces enfants ont été victimes de violence physique et sexuelle. Dans bien des cas, le traumatisme de l'expérience des pensionnats a marqué non seulement les enfants, mais aussi les membres de leur famille et de leur collectivité. Ces gens doivent maintenant vivre jusqu'à leur mort avec des séquelles sur les plans émotionnel et culturel.

Le texte de présentation d'excuses affirme que « [...] la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens s'inscrit dans une démarche de guérison, de réconciliation et de règlement des tristes séquelles laissées par les pensionnats indiens ». Cette convention marque un recommencement et représente une chance d'aller de l'avant ensemble, en partenariat.

Honorables sénateurs, la motion du sénateur Joyal, remplacée par celle que je présente maintenant, permettra au Sénat d'obtenir un rapport sur les progrès accomplis dans la réalisation de ces engagements en vue de guérir les séquelles d'un drame survenu il y a si longtemps et dont les victimes souffrent encore aujourd'hui.

Je remercie d'avance tous les sénateurs de l'attention qu'ils ont accordée à cette importante question. Je veux remercier personnellement le sénateur Joyal de l'intérêt qu'il a manifesté à l'égard de cet enjeu.

L'honorable Joseph A. Day : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question? Je crois comprendre que, lorsqu'il a présenté cette motion, le sénateur a indiqué qu'il avait oublié un groupe de femmes particulier. Le sénateur présentera-t-il un amendement à sa motion pour corriger cette omission?

Le sénateur St. Germain : Je ne crois pas que ce soit nécessaire. Je crois qu'on peut faire cela au comité. Je viens tout juste de mentionner que nous allons demander à ce groupe de comparaître devant le comité. Le sénateur se souviendra que, il y a environ un an, le comité plénier a entendu les quatre représentants. L'AFAC n'était pas représentée à ce moment-là. Toutefois, en vertu de la motion et du mandat confié au comité, ce dernier a le droit, conformément à la procédure, de citer d'autres témoins à comparaître. Je viens de mentionner l'AFAC, car elle réalise un travail très crédible auprès des femmes autochtones et des Autochtones en général.

Le sénateur Day : Je remercie le sénateur, mais le libellé de la motion indique très clairement quelles sont les personnes qui peuvent être appelées à comparaître devant le comité dans le cadre de ce mandat. On pourrait s'attendre à y voir un ajout du genre « et les autres témoins que le comité estime nécessaires », mais ce n'est pas le cas. À mon avis, le sénateur dépasserait les paramètres que cette entité lui confère s'il décidait de laisser la motion telle quelle.

Le sénateur St. Germain : Si le sénateur voulait maintenant présenter une motion d'amendement, je suis sûr que les sénateurs lui donneraient leur approbation.

Adoption de la motion d'amendement

L'honorable Joseph A. Day : Le sénateur envisagerait-il d'ajouter les mots « et tout autre témoin que le comité jugera à propos » à la fin du deuxième paragraphe?

L'honorable Gerry St. Germain : J'en fais la proposition.

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur St. Germain, avec l'appui de l'honorable sénateur Day, propose que la motion soit modifiée à la fin du deuxième paragraphe, après les mots « le président du Ralliement national des Métis à ce sujet », en ajoutant les mots suivants :

et tout autre témoin que le comité jugera à propos.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion modifiée?

(La motion modifiée est adoptée.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 16 heures, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 15 avril 2010, je déclare que le Sénat s'ajourne au jeudi 3 juin 2010, à 13 h 30, par décision du Sénat.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 3 juin 2010, à 13 h 30.)


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