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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 38

Le mardi 15 juin 2010
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 15 juin 2010

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant que nous passions aux déclarations de sénateurs, je désire informer le Sénat que l'inuktitut sera utilisé au cours de la séance d'aujourd'hui. On pourra suivre les débats en inuktitut au poste numéro un, l'anglais au poste numéro deux et le français au poste numéro trois.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'un groupe de spécialistes de l'inuktitut. Il s'agit de terminologues, de traducteurs et d'interprètes du gouvernement qui permettent à notre système parlementaire d'être accessible aux gens qui ne parlent que l'inuktitut au Canada. Ils rendent service aux sénateurs en nous permettant d'utiliser l'inuktitut. Ils sont les invités du sénateur Watt.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée internationale de sensibilisation pour contrer les abus envers les personnes aînées

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le 15 juin est reconnu chaque année dans les pays du monde entier, y compris au Canada, comme étant la Journée internationale de sensibilisation pour contrer les abus envers les personnes aînées. Les mauvais traitements envers les aînés peuvent prendre plusieurs formes néfastes, tant sur les plans physique, financier, psychologique ou, malheureusement, même sexuel et ils peuvent résulter de négligence. Ces mauvais traitements peuvent être causés par une personne que l'aîné connaît bien et à qui il fait confiance et peuvent toucher les gens de toutes les couches de la société. Bien souvent, les aînés ne se remettent jamais d'avoir été maltraités et ils sont gênés ou humiliés de ce qui leur est arrivé. Par conséquent, il est important de sensibiliser la population à la manière de reconnaître les signes de mauvais traitements envers les aînés et d'informer les aînés qu'ils peuvent obtenir de l'aide, en prenant soin de leur indiquer comment s'en prévaloir.

Comme je l'ai déjà dit aux sénateurs, en 2007, notre gouvernement a mis sur pied le Conseil national des aînés en vue de conseiller le gouvernement relativement aux questions qui touchent directement les aînés du Canada. L'une des premières priorités du conseil a été de se pencher sur les mauvais traitements envers les aînés et de présenter des recommandations au gouvernement à ce sujet. Donnant suite à ces dernières, l'année dernière, nous avons lancé une campagne nationale de sensibilisation intitulée « Les mauvais traitements envers les aînés — Il est temps d'ouvrir les yeux ». Cette campagne multimédia met l'accent non seulement sur la façon dont les Canadiens peuvent aider les aînés ayant subi de mauvais traitements, mais aussi sur la nécessité de changer d'attitude en ce qui concerne ce problème très grave.

Je suis heureuse de faire savoir aux sénateurs que la semaine dernière à l'autre endroit, l'honorable Diane Ablonczy, ministre d'État responsable des Aînés, a annoncé que notre gouvernement lancerait à l'automne une nouvelle phase de cette campagne qui touchera tout le pays. Jusqu'à présent, la campagne a permis d'accroître la sensibilisation et j'espère que cela continuera.

Les sénateurs se souviendront peut-être qu'il existe dans le cadre du programme Nouveaux Horizons pour les aînés une composante qui prévoit un certain montant pour venir en aide aux organismes sans but lucratif qui veulent mettre sur pied des projets nationaux et internationaux appuyant les activités de sensibilisation aux mauvais traitements infligés aux aînés. Par exemple, le gouvernement a annoncé récemment le financement, à même ce programme, de la Société des aînés d'origine coréenne de Toronto. Ces sommes permettront de financer un projet d'extension des services éducatifs pour les aînés coréens et la grande communauté coréenne de la ville, et d'informer les aînés sur la façon d'obtenir de l'aide. Comme je l'ai déjà souligné, ce n'est là qu'un exemple.

Honorables sénateurs, en cette cinquième Journée internationale de sensibilisation pour contrer les abus envers les personnes aînées, démontrons encore une fois notre appui à tous les aînés qui ont été victimes d'abus. Les aînés méritent de vivre dans la dignité et le respect et notre gouvernement tient résolument à leur faire savoir que nous ne tolérerons aucun abus envers les aînés.

La Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada est un programme qui fournit aux fonctionnaires et au personnel de la Colline l'occasion de faire preuve de générosité en donnant à toute œuvre de charité de leur choix, notamment grâce à Centraide.

Ce programme est intéressant puisqu'il permet aux employés de faire un don qui est prélevé directement sur leur paie et d'étaler ainsi leur don sur toute l'année. La présente campagne annuelle facilite la tâche de tous ceux qui veulent donner, comme plusieurs sénateurs le font d'ailleurs.

De plus, de nombreux événements sont organisés par divers groupes en vue d'appuyer la Campagne de charité sur la Colline. Au Sénat, il y a entre autres un tournoi de golf et une collecte de sous organisés par le Service de sécurité du Sénat, un BBQ et une fête de Noël, organisés par le Président, un souper spaghetti annuel, organisé par la Direction des finances, un tournoi de quilles, organisé par la Direction des ressources humaines, sans oublier le concours de l'Halloween du Secrétariat exécutif, le défi des Oscars, parrainé par le bureau du juriste, la Chorale de la Chambre haute, le calendrier administratif du Sénat, préparé par la Direction des comités et la foire artisanale de Noël, organisée conjointement par le Sénat et les employés de l'autre endroit. Le sénateur Hubley offre même des cours de danses rythmées pour aider à amasser des fonds, et j'encourage d'ailleurs les sénateurs à y participer.

Honorables sénateurs, le personnel des bureaux des sénateurs organise chaque année une vente de pâtisseries et une vente aux enchères par écrit. Cette année, l'événement Mangez, misez, donnez, qui a eu lieu les 19 et 20 mai, pendant la période de relâche, proposait de miser sur différents articles mis aux enchères et d'acheter des desserts et autres délices. Un repas du midi était même offert cette année. L'événement a permis de recueillir une somme de 8 612, 48 $, ce qui établit, selon ce qu'on m'a dit, un nouveau record quant au montant d'argent amassé au cours d'un événement organisé dans le cadre de la campagne de charité du Sénat.

(1410)

Au nom de tous les sénateurs, je tiens à remercier les membres du comité organisateur, dont certains sont présents à la tribune aujourd'hui. Je remercie Melissa Cotton et Céline Ethier, du bureau du sénateur Fraser, Emilie Anne Duval, du bureau du sénateur Cowan, Gwen Crowdis, du bureau du sénateur McCoy, Isabelle Jacob, du bureau du sénateur De Bané, Rachael Durie, du bureau du sénateur Martin, Helen Krzyzewski, du bureau du sénateur Wallin, Sherry Petten, de mon bureau, Lise Ratté, du bureau du sénateur Comeau, et Marie Russell, du bureau du sénateur Peterson.

À vous toutes, merci, et félicitations pour le grand succès qu'a connu l'événement. De plus, je remercie tous les groupes, au sein du Sénat du Canada, qui ont organisé leurs propres activités. Vous devriez tous être fiers des efforts que vous avez déployés pour une bonne cause comme celle-ci.

Mme Lauren Woolstencroft

L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, le week- end dernier, nous avons pu voir à quel point les Canadiens sont de fervents partisans des sports d'hiver. Deux millions de personnes ont pris d'assaut le centre-ville de Chicago pour célébrer, enfin, la fin de la saison de hockey et la victoire de l'équipe de Chicago. Je suis certaine qu'il y avait quelques Canadiens parmi eux. Je dirais que le défilé de Chicago a été bien loin de nous faire vibrer autant que celui de la minuscule ville d'Ilderton, en Ontario, où toute la population s'était rassemblée pour acclamer ses héros, Scott Moir et Tessa Virtue.

Descendant en calèche la rue principale bordée de boutiques et de maisons décorées de banderoles de félicitations, Scott et Tessa ont été acclamés par les partisans qui les ont appuyés tout au long de leur carrière. Voilà un autre exemple de la contribution du sport à nos petites villes.

Plus tard, dans un stade rempli à craquer, Scott Moir a déclaré ceci :

Je suis originaire de la meilleure ville du monde [...]

Ce à quoi Tessa Virtue a ajouté :

Après les Jeux olympiques, je n'ai jamais crû que j'éprouverais de nouveau l'émotion que j'ai ressentie lorsque j'ai chanté l'hymne national. Grâce à vous, j'ai pu revivre cette émotion en entrant ici.

London, la municipalité voisine d'où est originaire Tessa, planifie actuellement ses propres célébrations qui auront lieu plus tard ce mois-ci.

Entre-temps, hier, le maire de North-Vancouver a tenu une cérémonie afin de remettre le prix Freedom of the City à une jeune femme vraiment remarquable, Lauren Woolstencroft. Lauren, de par ses remarquables réalisations sportives et professionnelles, mérite pleinement cet honneur.

Lauren est une des plus grandes skieuses de compétition que j'ai eu l'honneur de rencontrer. C'est une athlète extraordinaire et une compétitrice féroce. Remporter l'or dans les cinq disciplines des Jeux paralympiques à Whistler est un exploit tout simplement incroyable.

Quiconque a regardé les compétitions à la télévision ou sur place a pu constater à quel point les compétitions et les conditions d'enneigement à Whistler ont été difficiles. La course de descente, en particulier, a été difficile parce que la piste était beaucoup plus rapide que ce que le traceur avait prévu dans la neige molle et mouillée. Une fois la piste tracée, la neige a gelé puis a formé une couche de glace. Seule une personne très expérimentée et très courageuse pouvait attaquer la piste, comme Lauren l'a fait ce jour- là.

Lauren est une vraie championne, la meilleure d'entre toutes. Ses compétences et sa force sont le résultat de plusieurs années de dur labeur. C'est grâce à sa force mentale et à sa capacité de concentration qu'elle a remporté cinq victoires. Elle est la preuve vivante que la réussite est à la portée de ceux qui visent l'excellence dans le sport et dans la vie.

En plus d'être une concurrente hors pair sur les pentes, Lauren est ingénieure électricienne chez BC Hydro. Elle possède un diplôme en électrotechnique de l'Université de Victoria. Elle est originaire de Calgary et vit maintenant à North Vancouver.

Parmi les nombreuses étapes marquantes de sa carrière, j'attire votre attention sur le fait qu'elle a été classée première du Top 40 des moins de 40 ans de l'île de Vancouver en 2006 et que, en 2005, elle a été la candidate désignée de Victoria, en Colombie-Britannique, du concours Femmes de mérite de la YWCA.

Comme vous pouvez le constater, ses réalisations sont vastes et variées, et elles témoignent de ce qu'elle a appris au sujet de la compétition et du leadership. Selon les propres mots de Lauren : « Qu'il s'agisse de compétition ou de leadership, il s'agit d'atteindre les objectifs qu'on s'est fixés. »

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter Lauren pour l'honneur bien mérité qui lui a été décerné et lui offrir nos meilleurs vœux pour l'avenir.

Les services linguistiques en inuktitut

[Note de la rédaction : Le sénateur Watt s'exprime en inuktitut — La traduction suit.]

L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs, cet après-midi, je vous signale la présence à la tribune d'un groupe de visiteurs. Ces personnes m'appuient au Sénat en faisant la traduction et l'interprétation de l'inuktitut. Je souhaite aujourd'hui la bienvenue au Sénat à Simona Arnatsiaq, Rhoda Innuksuk, Evelyn Kublu-Hill, également connue sous le pseudonyme de Papatsi, Doris Tautu, Martha Flaherty et Rhoda Kayakjuak.

Honorables sénateurs, ces traductrices et interprètes m'aident à combler l'écart culturel et je leur en suis extrêmement reconnaissant. Leurs services sont offerts à l'ensemble des parlementaires à Ottawa et donnent aux gens du Sud du Canada un aperçu et une compréhension bien nécessaires de la culture et du point de vue inuits.

Ces traductrices et interprètes travaillent dans différents ministères, mais elles ont trouvé des façons de collaborer pour améliorer les services linguistiques qu'elles fournissent. Elles ont surmonté bon nombre de difficultés, notamment l'établissement de la terminologie, ce qui était bien nécessaire. Dans certains cas, il n'y a pas de mot en inuktitut pour rendre un terme en anglais, et vice versa. Ces services de traduction existent depuis plusieurs années mais, pour la première fois, ils seront offerts au niveau national.

Les services de traduction et d'interprétation en inuktitut constituent une réalisation novatrice pour le Sénat au titre de la promotion et de la compréhension culturelle de l'inuktitut, et j'aimerais remercier mes collègues sénateurs de la compréhension et de l'appui qu'ils ont manifestés à l'égard de ces services.

Lorsque j'ai commencé ma carrière au Sénat, il y a 26 ans, il n'était pas si facile d'obtenir des services de traduction et d'interprétation d'un tel calibre. Je remercie les premiers traducteurs qui ont travaillé ici à Ottawa, notamment Mary Panigusiq, Leah Idlout et Sarah Ekoomiak. J'ai eu le plaisir de travailler avec ces dames au cours des années 1960.

Honorables sénateurs, il va sans dire que nous avons fait de grands pas. Au Nunavik, dans le Nord du Québec, l'inuktitut a été légalement reconnu dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Ce n'est que l'an dernier que le Sénat a officiellement approuvé la mesure législative visant la protection de l'inuktitut au Nunavut. Cette loi confère à l'inuktitut le statut de langue officielle.

Le Sénat a fait un travail remarquable pour les Inuits au niveau régional à cet égard. Je félicite l'ensemble des sénateurs d'avoir appuyé cette mesure législative l'an dernier. Nakurmiik. Merci.

Les champions de la coupe Stanley de 2010

L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, je suis surpris de constater que, même si de nombreux sénateurs sont des amateurs de hockey, personne n'a parlé de la coupe Stanley. Je vais donc le faire.

Je voudrais rendre hommage à trois Winnipégois qui font partie des Blackhawks de Chicago, l'équipe qui a remporté la coupe. Il s'agit de Jonathan Toews, de Duncan Keith et de Patrick Sharp. Ils ont aidé Chicago à remporter la coupe pour la première fois en 49 ans. La dernière fois que les Blackhawks avaient remporté cet honneur, c'était en 1961. Bobby Hull, qui a joué par la suite pour Winnipeg, avait alors 21 ans.

(1420)

Jonathan Toews, le capitaine des Blackhawks, a également remporté le trophée Conn Smythe du joueur le plus utile à son équipe pendant les éliminatoires. Ce fut toute une année pour ce joueur de 22 ans. Il a été nommé meilleur joueur d'avant pendant les Jeux olympiques. C'est tout un exploit si on songe à tous les autres joueurs d'avant qui faisaient partie des équipes présentes aux Olympiques, et je tiens à lui rendre hommage.

Je tiens aussi à rendre hommage à tous les Canadiens qui jouent pour les équipes de Philadelphie et de Chicago. Ils ont marqué 70 p. 100 des buts dans cette série.

Des voix : Bravo!

Le Sommet national du pardon

L'honorable Nick G. Sibbeston : Honorables sénateurs, le week- end dernier, j'ai participé au Sommet national du pardon, qui a eu lieu pendant trois jours au Centre municipal d'Ottawa. Des milliers d'Autochtones de partout au Canada y étaient rassemblés pour répondre aux excuses présentées par le premier ministre il y a deux ans. De nombreux chefs des diverses Églises canadiennes et des milliers de non-Autochtones étaient également présents pour appuyer cette démarche de pardon des peuples autochtones.

Dans ses excuses, le premier ministre a demandé pardon aux Autochtones pour les torts commis dans les pensionnats indiens. La conférence donnait suite à cette demande. Les Autochtones sont prêts à accorder leur pardon.

Une charte de pardon et de liberté a été présentée au Canada. C'était une cérémonie touchante. Des aînés de toutes les régions du pays ont signé la charte, tandis que des jeunes observaient le processus. Le ministre Chuck Strahl a accepté la charte au nom du premier ministre. Les Autochtones de l'ensemble du pays ont donné un grand nombre de beaux cadeaux au premier ministre.

Comme le chef Kenny Blacksmith, l'organisateur de l'événement, l'a dit, « le pardon [...] est un choix personnel qui peut briser le cycle générationnel de l'exploitation et de l'accusation ».

Le pardon permet à une personne de guérir et de vivre une vie libre. Il était très émouvant d'entendre le témoignage d'un si grand nombre de personnes qui ont raconté comment elles sont parvenues à panser leurs blessures. Cela m'a donné l'espoir que nous pourrions nous réconcilier avec les Autochtones de notre pays.

Cette fin de semaine, la Commission de divulgation des faits et de réconciliation, établie dans le cadre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, organisera sa première activité publique à Winnipeg. La commission n'a pas seulement été établie pour les Autochtones. Elle existe aussi pour toutes les personnes dans notre pays qui comprennent ce que les Autochtones ont vécu et comprennent donc la situation.

J'espère que ce processus permettra à tous les Autochtones de partager ce don du pardon dont j'ai été témoin au cours des derniers jours. Je crois que j'ai observé cette fin de semaine le commencement d'un mouvement. Ce sommet se déroule depuis de nombreuses années, et il grandit chaque année. Il se tiendra dans différentes parties du pays, et j'espère que cela permettra à tous les peuples du Canada de guérir.

[Français]

Le racisme au Canada

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, il me semble que, chaque jour, on nous rapporte des preuves qui montrent que le racisme existe toujours au Canada. Tristement, les crimes haineux motivés par la race et la religion sont aussi à la hausse. Je crois que nous, honorables sénateurs, pouvons faire quelque chose à ce sujet.

[Traduction]

Il y a 25 ans, le gouvernement fédéral a décidé qu'il avait besoin d'une loi pour contrer le racisme en milieu de travail. Il a déterminé que quatre groupes de Canadiens bénéficieraient de mesures particulières.

Je fais évidemment allusion à l'historique Loi sur l'équité en matière d'emploi de 1986, qui protège les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles. Cette loi est conçue de façon à éliminer les obstacles en milieu de travail afin que personne ne soit privé d'une possibilité d'emploi. À ma connaissance, il n'existe aucune autre loi du genre dans le monde.

La Loi sur l'équité en matière d'emploi et d'autres lois révolutionnaires, comme la Loi sur le multiculturalisme canadien et la Loi canadienne sur les droits de la personne, ont fait du Canada un leader de la protection des droits de la personne et de l'équité. Or, elles n'ont pas complètement fait disparaître la haine raciale au Canada. Il est peut-être temps que le Sénat se penche sur ces lois pour déterminer si elles permettent de relever les défis actuels.

Plus tôt cette année, les Canadiens ont été abasourdis d'apprendre qu'une croix de plus de deux mètres avait été plantée devant la maison d'une famille noire, en Nouvelle-Écosse, et qu'on y avait mis feu, à la façon du Ku Klux Klan. Pendant que la croix brûlait, la famille était la cible de cris menaçants empreints de haine raciale : « À mort, le nègre! »

Les sénateurs se souviendront aussi sans doute de la confrontation, en mars dernier, entre des manifestants contre le racisme et un groupe de néo-nazis adeptes de la suprématie blanche lors d'une manifestation organisée par le réseau Anti-Racist Action à Calgary. Ce rassemblement coïncidait avec la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale des Nations Unies.

Traditionnellement, les juifs, les Noirs et les catholiques sont les principales cibles de cette haine. De nos jours, les musulmans en sont aussi souvent victimes.

Statistique Canada a publié hier son plus récent rapport sur les crimes haineux déclarés par la police au Canada. Les résultats sont déconcertants. Le nombre de crimes motivés par la haine a grimpé de 35 p. 100 entre 2007 et 2008. Les Noirs forment le groupe racial le plus souvent visé. Près de 40 p. 100 des crimes fondés sur la haine raciale sont commis contre des Noirs, soit 30 p. 100 de plus qu'en 2007. Parmi les groupes religieux, les juifs sont encore les victimes les plus fréquentes. Il y a eu 165 crimes haineux dirigés contre des juifs en 2008, une augmentation de 42 p. 100. Les catholiques et les musulmans sont visés par plus de 20 p. 100 de ces crimes.

Honorables sénateurs, voici les questions qui viennent à l'esprit quand on prend connaissance de ces données. Que peut-on faire pour réduire le nombre de crimes haineux au Canada? Pourquoi les Noirs sont-ils les victimes les plus fréquentes des crimes haineux au Canada? Pourquoi les membres de certaines communautés religieuses, comme les juifs, les catholiques et les musulmans, sont- ils plus souvent ciblés que d'autres?

Ces questions méritent des réponses. À mon avis, le Sénat est l'instance appropriée pour amorcer un tel dialogue. Je crois que nous devrions tenir un débat approfondi sur le racisme, la diversité et le pluralisme au Canada. C'est pourquoi, honorables sénateurs, j'ai l'intention de lancer une interpellation sur le pluralisme et la diversité au Canada après la relâche estivale.

Je crois qu'il est temps pour le Canada d'acquérir de nouveaux outils adaptés au XXIe siècle pour lutter contre la haine et le racisme, réduire le nombre de crimes haineux et accroître la tolérance au Canada en matière de race et de religion.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La commissaire à l'information

La Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels—Dépôt des rapports annuels de 2009-2010

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'article 72 de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports annuels de la commissaire à l'information, pour l'exercice financier de 2009- 2010, concernant l'administration de ces lois au sein du Commissariat à l'information.

Les affaires étrangères

L'engagement du Canada en Afghanistan—Dépôt du rapport du 31 mars 2010

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, L'engagement du Canada en Afghanistan, rapport trimestriel au Parlement pour la période du 1er janvier au 31 mars 2010.

[Traduction]

L'étude des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé

Présentation du deuxième rapport du Comité des droits de la personne

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Refléter le nouveau visage du Canada : l'équité en emplois dans la fonction publique.

(Sur la motion du sénateur Johnson, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux

Présentation du troisième rapport du Comité des droits de la personne

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur le projet de loi S-4, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves.

(Le texte du rapport figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 565.)

Son Honneur le Président : Ce rapport porte sur le projet de loi S- 4. Celui-ci a été renvoyé au Sénat avec des propositions d'amendement. Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Comeau, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1430)

La Loi sur les musées

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur les musées et d'autres lois en conséquence, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 57(1)f) du Règlement, je propose que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Comeau, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi de mise en Œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-2, Loi portant mise en œuvre de l'accord entre le Canada et la République de Colombie, de l'accord sur l'environnement entre le Canada et la République de Colombie et de l'accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République de Colombie, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 57(1)f) du Règlement, je propose que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Comeau, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN

Le séminaire sur le concept stratégique, tenu le 14 janvier 2010—Dépôt du rapport

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation au troisième séminaire sur le concept stratégique intitulé Les partenariats de l'OTAN et leur évolution, tenu le 14 janvier 2010 à Oslo, en Norvège.

Le séminaire sur le concept stratégique, tenu du 22 au 23 février 2010—Dépôt du rapport

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation au quatrième séminaire sur le concept stratégique, tenu à Washington, D.C., aux États-Unis, du 22 au 23 février 2010.

La visite de la Commission de la défense et de la sécurité, du 25 au 29 janvier 2010—Dépôt du rapport

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la visite de la Commission de la défense et de la sécurité, du 25 au 29 janvier 2010, à Washington, D.C., et en Floride, aux États-Unis.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les ressources naturelles

Les isotopes médicaux

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il fut un temps où le Canada était le principal producteur d'isotopes médicaux de la planète, mais il n'est même plus capable d'en produire suffisamment pour répondre aux problèmes de santé des Canadiens. Le réacteur actuel ne pourra, en mettant les choses au mieux, produire aucun isotope avant le milieu de l'été, et sa capacité de production à long terme n'est pas connue. Il n'y a peut-être même pas de perspectives à long terme pour ce réacteur.

À la suite de l'arrêt de ce réacteur, il y a plus d'un an, le gouvernement a chargé un groupe d'experts de lui conseiller les meilleurs moyens d'assurer un approvisionnement stable en isotopes au Canada et dans le monde entier. Ces experts ont recommandé que, pour garantir un approvisionnement à long terme en isotopes médicaux, le gouvernement devrait s'engager à construire un nouveau réacteur qui permettrait d'assurer un approvisionnement stable pour les 60 prochaines années au moins.

Honorables sénateurs, il semble que le gouvernement ne fait aucun cas des conseils des experts qu'il a nommés. En fait, le ministre des Ressources naturelles, Christian Paradis, a déclaré que le coût estimatif de 1 milliard de dollars pour l'acquisition d'un nouveau réacteur lui paraissait un investissement irresponsable. Je ne ferai pas l'odieuse comparaison entre ce milliard de dollars et un certain autre. Toutefois, madame le ministre pourrait-elle préciser aux sénateurs, d'abord, sur quelle échelle de valeurs le ministre s'est fondé pour arriver à la conclusion qu'un investissement de 1 milliard de dollars devant permettre d'approvisionner le monde entier en isotopes médicaux serait irresponsable? Madame le leader pourrait- elle nous dire si son gouvernement réexaminera la question et envisagera sérieusement de faire construire ou modifier des réacteurs qui permettront au Canada de retrouver la place qu'il occupait sur la scène internationale en ce qui concerne la production d'isotopes médicaux?

De plus, le groupe d'experts a reconnu qu'il existe des technologies de remplacement auxquelles on pourrait avoir recours, mais il a clairement fait savoir que celles-ci ne constituent pas en ce moment, ne sauraient constituer et ne constitueront pas dans un avenir prévisible une source fiable d'isotopes médicaux. Les experts ont précisé que ces isotopes médicaux si nécessaires ne peuvent venir que d'un réacteur.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur Banks de sa question.

(1440)

Je ne vous apprends rien si je vous dis que la fermeture du réacteur d'Énergie atomique du Canada limitée et la date sans cesse reportée de la remise en marche du réacteur ont suscité énormément de frustration. Je ne vous apprends rien non plus si je vous dis que le gouvernement a demandé à plusieurs reprises à Énergie atomique du Canada limitée de continuer d'avoir pour priorité la remise en marche rapide et sûre du réacteur national de recherche universel.

On nous parle maintenant de la fin juillet comme date cible et cette date semble définitive. Énergie atomique du Canada limitée a communiqué avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire pour obtenir l'autorisation de remettre le réacteur en marche à la fin juillet.

Comme nous le savons, honorables sénateurs, l'approvisionnement en isotopes médicaux est un enjeu mondial qui nécessite une solution mondiale. Nous travaillons à ce dossier en collaboration avec d'autres pays au sein du groupe de haut niveau sur les isotopes en vue de rendre l'approvisionnement en isotopes médicaux plus sûr et plus prévisible.

Pour ce qui est du groupe d'experts sur la production d'isotopes médicaux, nous avons examiné soigneusement son avis et nous avons commencé à donner suite à quelques-unes de ses recommandations en investissant 48 millions de dollars afin de diversifier les sources et d'améliorer la chaîne d'approvisionnement. En finançant la recherche et le développement ainsi que de nouvelles technologies en matière de production d'isotopes médicaux, nous faisons en sorte que le Canada demeure un chef de file dans le domaine.

Suite à la fermeture du réacteur NRU, des intervenants dans le domaine médical m'ont dit, directement et indirectement, que la fermeture du réacteur avait obligé plusieurs hôpitaux à améliorer leur efficacité. Je trouve cela intéressant. Ces hôpitaux font un bien meilleur usage des isotopes nucléaires qu'ils obtiennent que ce ne n'était le cas auparavant.

Le gouvernement ne ménage aucun effort et il collabore avec nos partenaires nationaux et internationaux en vue d'obtenir un approvisionnement sûr. Je peux assurer une chose au sénateur : nous ne relancerons pas le projet MAPLE. Le gouvernement a suivi l'avis d'EACL et a mis fin à ce projet. Il ne reviendra pas sur sa décision. Ce projet ruineux n'a pas permis de produire un seul isotope médical.

Cela dit, honorables sénateurs, le gouvernement cherche d'autres sources d'isotopes; il travaille en étroite collaboration avec EACL pour que le réacteur RNU soit remis en marche à la fin juillet. C'est ce que nous espérons. Je dis que c'est ce que nous espérons, car l'année dernière, à la même date, on nous avait dit qu'il serait en marche à la fin juillet de l'année dernière. Le gouvernement continue d'exercer des pressions auprès d'EACL pour qu'elle ne déroge pas à son principal objectif, à savoir la production d'isotopes et la remise en état et en marche du réacteur NRU. Nous continuons de travailler avec nos partenaires internationaux afin de trouver une bonne source d'approvisionnement d'isotopes médicaux.

Le sénateur Banks : Je suis certain que le gouvernement fait des efforts et que les 48 millions dont parle le leader sont bien dépensés. Il est vrai que nous devons examiner ces technologies de remplacement. Toutefois, les réacteurs MAPLE, et même les NRU, ne sont pas la seule solution.

Je comprends que le gouvernement travaille assidument avec d'autres producteurs et d'autres pays pour faire en sorte que le monde puisse continuer de s'approvisionner en isotopes médicaux. Cependant, le gouvernement envisage-t-il des programmes qui redonneront au Canada sa place de chef de file mondial dans ce domaine?

Le sénateur LeBreton : Comme les sénateurs le savent, nous travaillons avec EACL pour appuyer ses efforts, et ceux du gouvernement, visant à renforcer notre industrie nucléaire, une industrie importante dans notre pays. Nous travaillons avec EACL pour maintenir et renforcer notre industrie nucléaire parce que, comme nous le savons, non seulement cette industrie est importante pour le Canada, mais elle emploie aussi un grand nombre de travailleurs hautement qualifiés. Le gouvernement reconnaît cet état de choses et collabore avec EACL pour mettre en œuvre des mesures qui appuieront et consolideront l'industrie nucléaire.

Le forage pétrolier en mer

L'honorable Nick G. Sibbeston : Honorables sénateurs, ma question, qui s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, porte sur le forage pétrolier en mer dans notre pays et aussi sur les futures possibles activités de forage dans la mer de Beaufort. L'une des leçons que nous avons tirées de la catastrophe dans le golfe du Mexique est que les règlements sont inutiles si on n'en assure pas l'application. Même si les États-Unis ont une réglementation solide, British Petroleum et d'autres sociétés se sont vu accorder des exemptions. Même si les règles obligeaient BP à prévoir des mesures en cas d'urgence, personne ne s'est assuré qu'elle l'avait fait. Essentiellement, comme les pétrolières le font souvent, BP s'est dit : « Nous sommes une grande entreprise de renom; nous utilisons des technologies et des méthodes de pointe; rien ne peut mal tourner. »

Évidemment, BP s'est trompée. Il y a des activités de forage en mer au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador. Cette question est donc pertinente puisqu'un déversement peut se produire près de chez nous.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous garantir non seulement que le Canada mettra en place une réglementation stricte, mais aussi qu'il en assurera l'application de façon sévère relativement aux activités de forage en mer actuellement en cours au large de nos côtes et à toute future activité de forage dans l'Arctique?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Selon les comptes rendus, honorables sénateurs, beaucoup d'événements ont contribué à l'effroyable catastrophe dans le golfe du Mexique. Le Canada peut compter sur un processus réglementaire rigoureux, comme le savent les sénateurs. L'Office national de l'énergie effectue un examen approfondi des exigences actuelles en matière de forage, examen dont les conclusions seront rendues publiques et qui comprendront également des renseignements provenant d'autres organismes de réglementation. Qui plus est, il surveille de près l'enquête qui se déroule aux États-Unis.

Comme je l'ai dit la semaine dernière, aucun projet de forage n'ira de l'avant tant que l'Office national de l'énergie ne sera pas convaincu qu'il ne présente aucun danger, que ce soit pour les travailleurs ou pour l'environnement. L'office a lancé un examen des exigences en matière de sécurité et d'environnement pour les forages extracôtiers dans l'Arctique. Cet examen réduira les risques que présente le forage et améliorera la surveillance environnementale. Comme le sait le sénateur, aucun forage d'exploration n'est actuellement autorisé dans les limites extérieures de la mer de Beaufort.

Le sénateur Sibbeston : Le golfe du Mexique est proche du cœur de l'industrie pétrolière américaine. On trouve de nombreuses installations et routes de transport dans la région, et les bateaux et équipements d'urgence peuvent s'y rendre sans problème. Pourtant, on a quand même de la difficulté à limiter l'impact du déversement de pétrole. L'industrie pétrolière extracôtière canadienne a moins de ressources à sa disposition. Il est plus difficile de se déplacer dans l'Arctique, et il y a moins de ressources d'urgence sur le terrain.

Quelles mesures le gouvernement prend-il ou compte-t-il prendre pour veiller à ce que les collectivités du Nord aient accès à des ressources d'urgence en cas de déversement de pétrole?

Le sénateur LeBreton : Je crois avoir déjà clairement expliqué, honorables sénateurs, que l'Office national de l'énergie effectue actuellement un examen approfondi des exigences en matière de forage. Il s'agit d'un processus ouvert en vertu duquel le public canadien aura accès à tous les renseignements pertinents. Le gouvernement a été clair sur la question, honorables sénateurs. Nous attendons des organismes de réglementation canadiens qu'ils fassent respecter les rigoureuses normes environnementales en vigueur au Canada, sans exception.

Pour ce qui est de l'Arctique, les sénateurs savent bien qu'aucun forage d'exploration n'est actuellement autorisé dans les limites extérieures de la mer de Beaufort.

(1450)

Compte tenu des événements survenus dans le golfe du Mexique, la compétence de l'Office national de l'énergie devrait donner aux Canadiens l'assurance que nous avons des systèmes en place. Nous n'entreprendrons certainement pas de nouveaux projets qui pourraient mettre en danger l'environnement ou les travailleurs.

La situation aux États-Unis est regrettable. La région du golfe du Mexique est fort importante pour le gagne-pain de nombreux Américains, et, de toute évidence, la plupart des Canadiens comprennent qu'un déversement semblable peut avoir des conséquences désastreuses. Le gouvernement et l'Office national de l'énergie sont à l'avant-garde du groupe qui fait tout en son pouvoir pour s'assurer qu'une telle situation ne se produise pas au Canada.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, même si nous apprécions les réponses du leader du gouvernement, puisque la nappe de pétrole a maintenant atteint la côte du golfe du Mexique et qu'elle se déplace vers l'est, on craint qu'elle ne contourne la Floride pour ensuite se répandre sur la côte de l'Atlantique. Si elle se mêle au Gulf Stream, on craint qu'elle ne gagne la côte de la Nouvelle- Écosse, car le Gulf Stream la transportera jusque-là assez rapidement, selon les conditions météorologiques et d'autres facteurs.

Madame le ministre peut-elle nous assurer que le gouvernement a pris les mesures nécessaires, depuis ce déversement de pétrole dans le golfe du Mexique, pour être prêt, au cas où ce pétrole atteindrait la côte de l'Atlantique et viendrait souiller la côte de la Nouvelle- Écosse, qui serait la première région touchée au Canada?

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de cette question. Le sénateur Mahovlich m'a demandé la même chose, le 3 juin.

Évidemment, la taille du déversement et son parcours possible sont sources de beaucoup d'inquiétude. Comme le savent les sénateurs, des responsables du ministère des Pêches et des Océans se sont rendus dans le golfe du Mexique pour prêter main-forte à nos voisins du Sud. Plusieurs plans d'urgence ont été établis pour contenir le déversement dans le golfe et pour empêcher que la nappe de pétrole ne contourne la Floride pour venir se mêler au Gulf Stream.

Je répondrai la même chose au sénateur Mercer que ce que j'ai répondu au sénateur Mahovlich. J'ai demandé aux responsables du ministère de me tenir au courant de tout plan d'urgence dont se doterait le Canada pour parer à la possibilité que le pétrole atteigne le Gulf Stream. D'après ce que les médias rapportaient à la fin de la semaine dernière, étant donné les ressources actuellement déployées dans le golfe et l'éventail des techniques utilisées pour contenir le pétrole ou le disperser, on a relativement bon espoir — même si, avec tout ce qui se passe dans le golfe, on se demande si on peut encore prêter foi à ce genre d'affirmation — de réussir à retenir le pétrole dans le golfe et à l'empêcher de contourner la pointe de la Floride et de toucher la côte Est des États-Unis et du Canada.

Le sénateur Mercer : Je remercie le leader de sa réponse. Nous espérons sans doute tous que le débat d'aujourd'hui demeurera hypothétique et qu'une telle chose ne se produira jamais. Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne la demande d'information adressée au ministère, est-ce que le leader pourrait également demander aux responsables s'ils ont discuté des répercussions possibles avec les ministères de l'Environnement, des Pêches et de l'Aquaculture et des Ressources naturelles de la Nouvelle-Écosse? Si une catastrophe devait survenir, il faut absolument que le gouvernement fédéral et la province coordonnent leurs interventions.

Le sénateur LeBreton : J'ose espérer que c'est le cas, honorables sénateurs. Je vais m'informer et vous ferai savoir si des discussions ont eu lieu avec les provinces, et plus particulièrement avec la Nouvelle-Écosse.

La sécurité publique

Les femmes autochtones portées disparues ou assassinées

L'honorable Sandra Lovelace Nicholas : Honorables sénateurs, le 3 mars 2010, le ministre des Finances, Jim Flaherty, annonçait que le gouvernement fédéral allait investir 10 millions de dollars sur deux ans pour répondre au problème du nombre élevé de femmes autochtones portées disparues ou assassinées.

Selon les plus récentes statistiques, 583 femmes autochtones ont été portées disparues ou ont été assassinées au Canada depuis un peu plus de 40 ans, et c'est sans compter les cas non confirmés. Même si trois mois se sont écoulés depuis l'annonce du gouvernement, celui-ci ne s'est encore engagé à financer aucune initiative concrète permettant de remédier à la tragédie que représente le nombre alarmant de femmes autochtones portées disparues ou assassinées.

Honorables sénateurs, dans le cas des femmes autochtones portées disparues et assassinées, le manque de coopération et le temps perdu s'ajoutent à un problème qui est déjà inhumain. Cela fait assez longtemps que ces femmes, leurs enfants et leurs familles attendent des réponses et de l'aide.

Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat nous expliquera comment son gouvernement compte dépenser les 10 millions de dollars annoncés dans des mesures concrètes et précises afin de régler les terribles problèmes liés à la disparition et à l'assassinat de femmes autochtones?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question.

Il s'agit d'un grave problème, et le gouvernement est pleinement déterminé à se pencher sur ce dossier. Il est résolu à utiliser les 10 millions de dollars prévus dans le budget. Le ministre de la Justice, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre de la Sécurité publique travaillent d'arrache-pied pour régler la question. J'assure au sénateur que le gouvernement est décidé à régler ce problème. Si tout va bien, un plan concret sera rendu public sous peu et expliquera comment le gouvernement compte aborder ce grave et triste dossier.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat peut au moins expliquer quels aspects seront visés par le financement? Contribuera-t-il à la recherche, à la prévention et aux services de soutien aux familles?

Le sénateur LeBreton : Je ne suis évidemment pas en mesure d'en dire davantage que ce que j'ai déjà dit dans ma réponse à la première question du sénateur, sauf que je peux lui assurer qu'il s'agit d'un dossier extrêmement important. Le gouvernement y travaille avec zèle. Si tout va bien, nous aurons bientôt des nouvelles à ce sujet.

Je veux rappeler que nous sommes tout à fait déterminés à utiliser les sommes prévues au budget pour régler cette situation triste et tragique.

[Français]

Les pêches

Le boycott européen des produits dérivés du phoque

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Comme la fin de la session approche et que je n'ai pas reçu de réponse à une question que j'ai posée le 31 mars dernier, je pensais la rappeler à sa mémoire. Il y a deux mois et demi, je disais ceci :

Le 2 novembre dernier, le gouvernement du Canada a déposé officiellement une plainte devant l'Organisation mondiale du commerce afin de contester le boycott européen des produits dérivés du phoque.

La première phase du processus exigeait de tenir des consultations avec l'Union européenne. Au terme de 60 jours, si aucune entente n'était intervenue, le Canada pouvait alors réclamer la création d'un groupe spécial pour examiner la plainte.

Comme nous allons pouvoir voyager et, surtout, visiter les îles de la Madeleine au cours de l'été, madame le leader peut-elle nous dire quelles ont été la nature et les conclusions des consultations tenues entre Ottawa et Bruxelles? Et, puisque les 60 jours sont largement écoulés, peut-elle nous confirmer si le Canada a demandé et obtenu la création d'un groupe spécial pour trancher la question?

(1500)

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je prends note de la question concernant l'Union européenne. Par ailleurs, je suis certaine que les sénateurs savent que la ministre des Pêches et des Océans travaille fort pour l'industrie de la chasse au phoque, qu'elle est allée en Chine et qu'elle s'emploie à ouvrir de nouveaux marchés, dans d'autres pays, pour les produits du phoque.

En ce qui concerne l'intervention du sénateur, je prends bonne note de sa question.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je remercie madame le leader du gouvernement de sa diligence, car je m'attends à obtenir rapidement une réponse.

Le mois dernier, on pouvait lire dans un étrange rapport du ministère des Pêches et des Océans que des milliers de phoques gris seront abattus ou que 15 000 femelles seront stérilisées au cours d'une période de cinq ans afin de permettre aux stocks de poissons de se refaire près de l'île de Sable.

Les médias ont couvert abondamment ce rapport, et la réaction des groupes de pression contre la chasse au phoque a été vive. Selon Radio-Canada, un représentant de la coalition de l'Atlantique contre la chasse au phoque a même affirmé que cette mesure susciterait de la colère dans le monde entier.

La réaction des groupes de pression et des médias semble avoir pris le gouvernement au dépourvu. Madame le leader pourrait-elle nous dire quand son gouvernement mettra de côté des ressources pour mettre en œuvre une stratégie de communication concernant l'élaboration et la publication de rapports sur des sujets aussi délicats que celui-ci, afin de contrer efficacement la désinformation des groupes de pression qui menacent les intérêts des Canadiens?

Le sénateur Comeau : Vous voulez maintenant que nous dépensions de l'argent dans les communications.

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de sa question. Je vais tenter d'obtenir une réponse détaillée, que je lui fournirai plus tard.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la salubrité de l'eau potable des premières nations

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Brazeau, appuyée par l'honorable sénateur Lang, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-11, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je veux remercier le sénateur Brazeau d'avoir parrainé ce projet de loi et, surtout, d'avoir prononcé son excellent discours sur l'urgente nécessité de prendre des mesures concernant la salubrité de l'eau potable.

J'espère que le sénateur Brazeau et tous mes collègues prendront note que des comités du Sénat du Canada ont vertement critiqué le gouvernement en ce qui concerne la situation des réserves des Premières nations en ce qui a trait à leur approvisionnement en eau. Nous avons vertement critiqué le gouvernement. Nous avons vertement critiqué le gouvernement de M. Martin. Nous avons vertement critiqué le gouvernement de M. Chrétien, et nous critiquerons probablement tout autant le prochain gouvernement.

Ces critiques, et nous ne mâchions pas nos mots, ont été formulées par des comités du Sénat à majorité libérale, sous un gouvernement libéral, à une époque où une énorme majorité de sièges étaient détenus par des libéraux à la Chambre des communes, pendant trois législatures consécutives. Pourquoi avons-nous fait cela? Parce que nous représentons le Sénat du Canada et que nous, au Sénat, n'occupons pas des fonctions exécutives.

Maintenant, sénateurs, je vais critiquer vertement ce projet de loi.

Il est difficile de critiquer une mesure législative visant à assurer l'approvisionnement des Premières nations en eau potable. Sans aucun doute, l'objectif du projet de loi est bon. Ce projet de loi comporte deux bonnes choses. La première est le titre : Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations. Comment peut-on contester ce titre? C'est un titre formidable.

La deuxième bonne chose au sujet de ce projet de loi est son objectif d'imposer une réglementation universelle à l'échelle du pays — non pas de simples lignes directrices, sénateurs, mais une réglementation stricte prévoyant de véritables peines lorsqu'elle n'est pas respectée. C'est un bon concept, mais je ne puis m'empêcher de faire remarquer et de porter à l'attention des sénateurs que ce concept a déjà été présenté dans une mesure législative qui a été adoptée deux fois au Sénat. C'était l'élément central d'un projet de loi qui a été conçu par le sénateur Grafstein, qui a été adopté ici et renvoyé à la Chambre des communes. Si ce projet de loi avait été pris en compte comme il se devait à l'autre endroit, tant sous le gouvernement libéral que sous le gouvernement conservateur, il n'aurait pas été nécessaire d'étudier un nouveau projet de loi visant à protéger les intérêts des Premières nations et de tous les intéressés concernant leur approvisionnement en eau potable salubre.

Le projet de loi nous est soumis une fois de plus avec le concept de règlement exécutoire ayant du mordant, mais, cette fois dans un projet de loi du gouvernement que les médias nationaux ont déclaré à tort avoir été présenté au Sénat par des ministres qui siègent pourtant à l'autre endroit.

Ces deux choses, soit le titre et le concept de règlement exécutoire, sont de bonnes choses. Il est également bon que le projet de loi reconnaisse que, comme nous le savons, il faut commencer par le commencement et qu'il faut parfois regarder d'abord la source d'eau potable plutôt que le système d'aqueduc. Là aussi, c'est un aspect qui a été abordé en détail dans le projet de loi présenté ici par le sénateur Grafstein et qui est mort au Feuilleton à trois reprises.

L'essentiel du projet de loi est gravement déficient. On y trouve la possibilité d'adopter toutes sortes de règlements et toutes sortes de pénalités, dont d'importantes pénalités aux Premières nations qui ne respecteraient pas certaines normes pas encore définies, qui sont appelées normes nationales, mais qui ne seront pas nationales puisqu'elles varieront d'une province et d'un territoire à l'autre.

L'idée de faire appel aux provinces — ce qui est aussi une proposition qu'avait faite le sénateur Grafstein — et d'incorporer par référence les lois et règlements provinciaux à la loi est une bonne idée. Il pourrait aussi être une bonne idée de faire participer les Premières nations directement au processus, pas dans le cadre de consultations, puisque nous comprenons tous, je crois, la nature éphémère des consultations, mais de les faire participer directement, comme l'ont proposé tous ceux qui recherchent des solutions au problème.

Dans son discours à l'étape de la deuxième lecture, le sénateur Brazeau a mentionné deux précurseurs importants du projet de loi : premièrement, le rapport du groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations, ce groupe ayant été créé, je crois, par le gouvernement actuel; et, deuxièmement, le rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable, qui fait partie du Bureau du vérificateur général.

Le sénateur Brazeau a été sage de citer ces deux rapports. Il avait raison lorsqu'il a souligné que, dans ces deux rapports, il est proposé, comme le sénateur Grafstein l'avait fait, comme cela se retrouve dans une mesure législative que nous avons déjà adoptée et comme l'ont aussi proposé le Comité sénatorial permanent de l'énergie, l'environnement et des ressources naturelles et le Sénat du Canada, que la question ne peut être couverte que dans une nouvelle loi fédérale prévoyant un pouvoir de réglementation majeur et exécutoire. C'est exactement ce qui est proposé dans le projet de loi.

Cependant, sénateur Brazeau, les ministres, le gouvernement et les rédacteurs de ce projet de loi auraient dû lire intégralement tous ces rapports, car ils proposaient beaucoup plus de choses que de simplement adopter des règlements applicables. Ils affirmaient tous qu'il était nécessaire de mettre en place de nouvelles institutions à l'égard desquelles les Premières nations auraient des intérêts directs, concrets et significatifs en tant que participants et propriétaires.

Permettez-moi de citer le rapport du groupe d'experts. Il proposait de nouvelles dispositions législatives. Il disait que la loi pourrait mener à l'autonomie gouvernementale, ce qui permettrait de créer une commission sur l'eau des Premières nations, composée majoritairement de représentants des Premières nations à qui des rôles importants seraient attribués. Voici un extrait de ce rapport : « Il serait important que la Commission ait le pouvoir de s'assurer qu'AINC », c'est-à-dire le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, « accorde le financement nécessaire pour répondre aux exigences d'une loi. »

Le rapport ajoutait que le gouvernement devrait « fonder une nouvelle loi sur l'eau des Premières nations sur le droit coutumier. Cette tâche serait amorcée et serait dirigée par les Premières nations à travers le pays ».

(1510)

Les rédacteurs du projet de loi ont oublié cette partie du rapport et des conseils du groupe d'experts mis sur pied par le gouvernement lui-même.

Permettez-moi de faire allusion au discours prononcé par le sénateur Brazeau à l'étape de la deuxième lecture, dans lequel il citait le rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable. Il disait alors, avec raison, que le rapport du commissaire présentait cinq recommandations. Premièrement, établir un régime de réglementation fédéral. Ce projet de loi fait cela. Deuxièmement, concevoir clairement des codes et des normes. Ce projet de loi fait cela en partie. Troisièmement, veiller à ce qu'il y ait un contrôle et un suivi. Ce projet de loi fait aussi cela en partie. Quatrièmement, mettre sur pied des institutions chargées des fonctions de développement des capacités. Oups, ce projet de loi ne fait pas cela. Cinquièmement, présenter des rapports sur l'état d'avancement de la situation au Parlement. Eh bien, ils ont aussi oublié cet élément.

Honorables sénateurs, trois sur cinq, ce n'est pas acceptable. Ce n'est plus acceptable d'empêcher les gouvernés de prendre part à la conception de la gouvernance. En fait, cela n'est pas acceptable depuis 1215.

Au cas où le projet de loi serait renvoyé à un comité aux fins d'une étude plus poussée, permettez-moi de mentionner — puisque, jusqu'à maintenant, je me suis attardé à des points importants qui ne sont pas inclus dans la mesure législative — des dispositions qui en font partie et dont certaines devraient nous faire réfléchir, tandis que d'autres devraient carrément nous inquiéter.

L'article 4 du projet de loi porte sur les pouvoirs inclus — c'est-à- dire les pouvoirs de la Couronne en vertu de la mesure législative — et on mentionne à l'alinéa 4(1)b) que les règlements peuvent « conférer à toute personne ou a tout organisme tout pouvoir, notamment législatif, administratif ou judiciaire ».

Il fut une époque où les lois conféraient les pouvoirs d'exécution aux fonctionnaires, aux policiers, aux agents de la paix, aux gardiens, aux agents des pêches et aux diverses autorités policières, lesquels avaient tous, de façon évidente, les qualités requises pour exercer les pouvoirs qui leur étaient confiés. L'an dernier, le projet de loi C-6 prévoyait l'exercice de pouvoirs constabulaires par des inspecteurs, sans faire aucunement allusion aux compétences requises. Or, voilà maintenant que des pouvoirs non seulement constabulaires mais aussi judiciaires et législatifs peuvent être exercés par « toute personne ».

Qu'est-ce qu'on entend par conférer un pouvoir législatif à une personne? J'espère que quelqu'un qui s'y connaît en droit va se pencher sur cette disposition, parce qu'elle me fait un peu peur.

Les personnes à qui ces pouvoirs sont conférés, ce qui inclut toute personne n'ayant pas les qualités requises, peuvent — et j'espère que les membres du Comité des peuples autochtones écoutent bien —, et je cite maintenant le projet de loi :

[...] exiger de toute première nation qu'elle conclue un accord relativement à la gestion de son système d'alimentation en eau potable ou de son système de traitement des eaux usées, en collaboration avec un tiers [...]

Le fait qu'une personne nommée par la Couronne puisse exiger d'une Première nation qu'elle conclue un accord avec une tierce partie non définie et non précisée, comme le service des eaux XYZ, pour gérer son système d'alimentation en eau potable ou de traitement des eaux usées, me semble très contraignant. Pourtant, c'est ce que prévoit le projet de loi.

L'alinéa 4(1)h) dit que la Couronne peut conférer à toute personne — et pas uniquement à un agent de police — le pouvoir de saisir et retenir toute chose trouvée dans l'exercice de ce pouvoir.

Quoi? On va conférer à une personne le pouvoir de saisir et de retenir les choses trouvées dans l'exercice de ce pouvoir, y compris le pouvoir de demander un mandat pour perquisitionner chez vous ou chez moi? Si j'étais membre d'une Première nation, cette disposition m'inquiéterait.

Je n'ai pas l'honneur d'être membre d'une Première nation et je suis tout de même inquiet.

Honorables sénateurs, je vous demande d'écouter ce libellé. Je tire cette citation directement du projet de loi. L'alinéa 4(1)r) stipule que la Couronne peut prendre des règlements pour :

prévoir le rapport entre les règlements et les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et notamment limiter la mesure dans laquelle les règlements peuvent porter atteinte à ces droits.

Le sénateur Mitchell : C'est incroyable.

Le sénateur Moore : Ils ne peuvent pas faire cela.

Le sénateur Banks : Quoi? Honorables sénateurs, si vous examiniez l'ensemble des lois fédérales, les lois du Canada, vous trouveriez des dispositions de non-dérogation dans bon nombre d'entre elles. Elles sont utilisées dans les lois commerciales et dans de nombreuses lois environnementales. Elles servent uniquement d'avertissement. Elles servent à attirer l'attention des tribunaux et à leur rappeler qu'ils doivent veiller à ce qu'aucune disposition du projet de loi ne déroge aux droits entérinés dans l'article 35 de la Loi constitutionnelle et protégés par celle-ci. C'est ce qu'elles disent et c'est leur raison d'être. Le libellé de toutes les dispositions de non- dérogation commence par les mots « la présente loi ne porte pas atteinte à la protection des droits existants ».

Si on alignait toutes les dispositions de non-dérogation de toutes ces lois du Parlement, on constaterait qu'elles commencent toutes par ces mots, et que la suite du libellé devient tellement floue que personne n'est plus en mesure de les interpréter.

Nous avons finalement réussi, lors d'une réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, à convaincre le ministère de la Justice de reconnaître que le libellé final — qui, fidèle au jargon de ce domaine, semblait tourner en rond — permet de déroger à ces dispositions, à ces mesures de protection, parce que la Cour suprême du Canada a déterminé que, dans un cas précis, ces droits ne sont pas inviolables. Ils ne sont pas absolus. Ils peuvent, dans l'exercice du pouvoir d'expropriation, être abrogés dans l'intérêt général. Donc, la disposition de non-dérogation est devenue de plus en plus floue. Or, la disposition que je viens de vous lire, honorables sénateurs, n'en est pas une de non-dérogation, mais bien de dérogation.

Ce projet de loi tente d'établir dans quelle mesure les règlements — pas les lois ou les modifications législatives — pris par un ministre de la Couronne en vertu de cette loi peuvent porter atteinte aux droits ancestraux et issus des traités. Voilà ce que vise ce projet de loi.

Il me semble que ce projet de loi donne à un ministre de la Couronne l'autorisation légale de porter atteinte aux droits ancestraux et issus des traités conférés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle. C'est ce qui est écrit. Je ne lis que l'anglais, mais j'espère que des gens qui s'y connaissent en droit appliqué, ce qui est évidemment beaucoup plus complexe que ce que nous faisons ici, c'est-à-dire concevoir les lois, étudieront de près cette disposition.

Voici ce qu'on peut lire à au paragraphe 6(1) du projet de loi :

Les règlements l'emportent [...] sur tout texte législatif ou règlement administratif incompatible pris par une première nation.

N'avait-on pas laissé entendre que cette loi pourrait mener à l'autonomie gouvernementale? En réalité, ce que l'article 6 veut dire, c'est que les Premières nations peuvent dire adieu à l'autonomie gouvernementale, puisque toutes leurs décisions peuvent être écartées par le ministre de la Couronne qui se trouve à être en poste ce jour-là.

(1520)

Le paragraphe 6(2) est libellé comme suit :

La présente loi et les règlements l'emportent [...] sur tout accord sur des revendications territoriales ou tout accord sur l'autonomie gouvernementale auquel un groupe autochtone dont le nom figure à la colonne 1 de l'annexe est partie ainsi que sur toute loi fédérale les mettant en œuvre.

Je vais vous le lire de nouveau. Le paragraphe 6(2) du projet de loi se lit ainsi :

La présente loi et les règlements l'emportent [...] sur tout accord sur des revendications territoriales ou tout accord sur l'autonomie gouvernementale auquel un groupe autochtone dont le nom figure à la colonne 1 de l'annexe est partie ainsi que sur toute loi fédérale les mettant en œuvre.

Honorables sénateurs, les mots me manquent. Ce projet de loi ne mènera pas à l'autonomie gouvernementale; il s'agit d'une gifle. C'est d'une arrogance inimaginable. Il est incroyable qu'on ose présenter un tel projet de loi dans cette enceinte...

Des voix : C'est une honte!

Le sénateur Banks : Tout au long de notre histoire, de l'histoire du Sénat, nous avons défendu les intérêts environnementaux et les intérêts des Autochtones. Voilà ce que nous avons fait, et ce, mieux que quiconque.

Je ne parlais pas au sénateur Brazeau quand j'ai dit qu'il s'agissait d'un simulacre, parce que je sais qu'il parlait au nom du gouvernement.

Le groupe d'experts, le commissaire et tous les autres ont fait valoir que les Premières nations devraient faire partie et être le moteur d'une nouvelle institution visant à régler le problème du manque d'eau potable. Ils ont raison, les comités du Sénat avaient raison et le sénateur Grafstein avait raison. Ce qu'on nous propose au contraire dans le paragraphe 6(2), à moins que je le comprenne très mal ou l'interprète très mal, est un retour au paternalisme autoritaire du XIXe siècle qui poussait le gouvernement à dire : « Allons, allons, nous savons ce qui convient le mieux. »

J'espère que quelqu'un qui comprend la loi mieux que moi se penchera attentivement sur cette disposition si le projet de loi est renvoyé au comité.

Un dernier point, qui n'est pas très important par rapport aux autres, porte sur l'article 9, qui stipule que les sommes perçues en application des règlements par toute personne :

[...] ne constituent ni de l'argent des Indiens au sens de la Loi sur les Indiens, ni des fonds publics au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Honorables sénateurs, cette disposition existe pour une bonne raison. Elle permet de s'assurer que les amendes perçues, par exemple, par les provinces, ne sont pas assujetties aux lois fédérales. Toutefois, nous devrions modifier cette disposition pour qu'elle stipule que, lorsque des sommes sont perçues par un organisme provincial ou territorial, elles ne sont pas assujetties à la Loi sur les Indiens ou à la Loi sur la gestion des finances publiques.

Honorables sénateurs, à mon avis, cette mesure législative constituerait une abdication par le gouvernement fédéral de sa responsabilité. C'est aussi simple que cela. Nous pouvons ne pas aimer la Constitution ou la Loi sur les Indiens mais, tant que nous ne les changerons pas, nous devons élaborer des lois qui sont conformes non seulement à leur libellé, mais aussi aux pratiques et aux conventions qui découlent de l'application de ces lois. Ce n'est pas ce que ce projet de loi fait. J'exhorte donc les sénateurs, et surtout les membres du comité qui pourront avoir à l'examiner, à étudier assidûment le projet de loi, à demander à tous les témoins de faire preuve de franchise et, soit à réfuter mes propos — et je serais heureux qu'on me corrige —, soit à demander le rejet ou un remaniement important de ce projet de loi mal conçu.

L'honorable Gerry St. Germain : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Banks : Oui.

Le sénateur St. Germain : Est-il possible que ce projet de loi ait été conçu de façon à imputer la responsabilité principalement à une personne pour permettre d'accélérer un processus, au besoin?

L'eau constitue un élément si essentiel à l'existence des êtres humains que certaines de ces décisions doivent être prises sur-le- champ. C'est un peu comme un maréchal sur le théâtre des opérations, parce qu'il s'agit essentiellement d'une guerre contre les bactéries, notamment le colibacille.

Est-il possible que les auteurs de ce projet de loi aient eu cet objectif en tête, pour qu'il soit possible d'agir immédiatement lorsque la situation l'exige?

Le sénateur Banks : Honorables sénateurs, l'eau n'est pas seulement importante, c'est la seule chose sans laquelle l'être humain ne puisse vivre. Il peut se passer de tout le reste. On peut vivre sans pétrole, sans acier ou sans blé, mais on ne peut vivre plus de trois jours sans eau.

Pour reprendre l'analogie du sénateur St. Germain, si c'était là l'intention des auteurs de ce projet de loi, cela signifie qu'ils souhaitent que le maréchal soit habilité à envoyer l'armée se battre sans munitions, sans connaissance ni compréhension de la situation, sans équipement, sans installations, sans formation et sans la capacité de s'acquitter de la tâche dont on l'a chargée.

Cela dit, il faut reconnaître que le gouvernement a réservé 660 millions de dollars pour prendre des mesures concrètes à l'égard de l'eau potable dans les réserves autochtones; certaines mesures ont d'ailleurs donné des résultats très satisfaisants. Le Programme de formation itinérante, dans le cadre duquel des gens vont aider les Premières nations à faire face à ces problèmes, est un programme valable, et certaines mises à niveau ont été également positives. Toutefois, si on divise les 660 millions de dollars réservés pour deux ans par le nombre de Premières nations qui ont besoin de mises à niveau, de formation et d'aide, je crains qu'on soit bien loin d'arriver à faire le nécessaire.

Honorables sénateurs, le problème, c'est que si ce projet de loi est adopté dans sa forme actuelle et qu'il entre en vigueur à la discrétion du gouverneur en conseil au cours des mois à venir, les gens dont les services auront été retenus par les Premières nations pour assurer le fonctionnement des systèmes d'aqueducs et d'égouts pourraient faire l'objet de sanctions sévères parce qu'ils n'auront pas reçu la formation et les ressources nécessaires pour satisfaire aux normes susceptibles d'être établies et qui leur seront imposées. On ne sait pas en quoi consisteront ces normes. Le ministre fédéral responsable précisera la teneur du règlement, mais je ne sais pas avec quelle rapidité il le fera. Je peux uniquement vous dire que ce n'est ni raisonnable, ni réaliste, ni possible pour les Premières nations de satisfaire aux exigences de cette mesure législative compte tenu de leur situation actuelle. C'est un objectif inatteignable.

Je vous dirai sans la moindre humilité, honorables sénateurs, que j'ai l'avantage de m'y connaître un peu en ce qui concerne l'eau et les problèmes de salubrité de l'eau, sur les terres des Premières nations et ailleurs, parce que je suis membre du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles depuis mon arrivée au Sénat et que j'ai mené de nombreuses études sur cette question.

Honorables sénateurs, mis à part les éléments douteux sur le plan constitutionnel dont je vous ai parlé en ce qui concerne la dérogation aux protections constitutionnelles des Premières nations, il est tout à fait irréaliste, compte tenu des ressources et du temps à leur disposition, de présumer que les Premières nations sont en mesure de respecter les exigences prescrites par cette loi. Ce n'est vraiment pas très réaliste et, si elles ne les respectent pas, elles s'exposent à de graves sanctions.

J'espère avoir répondu à la question du sénateur.

(1530)

Le sénateur St. Germain : Je ne considère pas cette question comme étant partisane. J'ai malheureusement dû m'absenter pour assister à une réunion du comité directeur, mais, comme le sénateur l'a dit à juste titre dans son discours, tous les gouvernements, l'un après l'autre ont négligé de s'occuper du problème.

Notre gouvernement cherche maintenant à le régler. Il ne reste plus que trois ou quatre situations prioritaires dans tout le pays. Même ces trois ou quatre situations sont inacceptables, même si leur nombre s'élevait à près d'une centaine il n'y a encore pas si longtemps. Nous avons mené à bien au Sénat l'étude sur la salubrité de l'eau potable.

Le sénateur ne croit-il pas que le bon sens l'emportera dans l'application de la réglementation et que l'on tiendra compte, dans l'élaboration de toute réglementation, du fait qu'une formation itinérante, ou toute formation requise, accrue sera la norme?

Bien que je n'en accuse pas le sénateur, je crains que nous n'adoptions une position extrême en matière d'application de la réglementation. Je ne crois pas que ce problème se posera dans ce cas particulier. Le sénateur a-t-il des raisons de croire le contraire?

Le sénateur Banks : Je ne présume de la mauvaise volonté de personne, sénateur. Le sénateur a raison : cette question n'est aucunement partisane parce qu'elle nous touche tous. Elle touche tous les Canadiens et tous les habitants de la planète.

Je ne critique pas l'intention du gouvernement. Je sais que l'intention du gouvernement est bonne, mais je sais aussi qu'on nous demande d'adopter un projet de loi, dont nous sommes actuellement saisis.

Il ne dit pas que la mesure ne sera pas appliquée pendant un certain temps. Il ne dit pas — et les projets de loi ne peuvent pas dire cela — que nous serons prudents et que nous n'appliquerons pas assidûment les dispositions du projet de loi pendant un certain temps. Il n'y est pas question d'un délai de grâce. Il ne dit rien de tout cela.

Nous devons débattre le projet de loi qui nous est présenté. L'intention de ce projet de loi est formidable. Les idées mentionnées par le sénateur — des règlements applicables qui soient musclés et des peines pour ceux qui ne les respectent pas — sont des choses que nous défendons depuis longtemps. Nous sommes en faveur de ces mesures et le Sénat a commencé à les réclamer à des gouvernements successifs bien avant que j'arrive ici. Ces éléments mentionnés par le sénateur sont bons. Vient un moment où nous devons être plus directs et dire : « Vous devez faire ceci. »

Toutefois, ce projet de loi dit que si vous ne faites pas ce qui vous est demandé, vous êtes passible de peines sévères, et à juste titre. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a une lacune dans la capacité des Premières nations de respecter ces normes et cette capacité n'a pas encore été acquise.

Nous devons déterminer comment ces normes pourront être respectées. Le comité d'experts nous a dit comment faire. Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles et, je crois, le rapport du comité du sénateur nous ont aussi indiqué comment faire.

Toutefois, le projet de loi n'indique pas comment faire pour respecter ces normes. C'est là le problème.

Le concept, l'objet et les règlements exécutoires sont valables, mais c'est le reste qui manque. C'est pourquoi j'ai proposé que nous considérions sérieusement la possibilité de rejeter ce projet de loi, ou de le modifier en y ajoutant les mesures nécessaires. Comme il s'agit d'un projet de loi d'initiative gouvernementale, si ces mesures exigent de l'argent, il est possible d'obtenir la recommandation royale d'ici à ce qu'il parvienne à la Chambre des communes. J'espère que le comité auquel il sera renvoyé tiendra compte de tous ces points.

(Sur la motion du sénateur Watt, le débat est ajourné.)

L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN

La réunion conjointe des Commissions de la défense et de la sécurité, de l'économie et de la sécurité, et de la politique, tenue du 14 au 16 février 2010, et la consultation annuelle de la sécurité auprès de l'OCDE, tenue les 17 et 18 février 2010—Dépôt du rapport

Permission ayant été accordée de revenir au dépôt de rapports de délégations interparlementaires :

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la réunion conjointe des Commissions de la défense et de la sécurité, de l'économie et de la sécurité, et de la politique, tenue à Bruxelles, en Belgique, du 14 au 16 février 2010, et de la consultation annuelle de la Commission de l'économie et de la sécurité auprès de l'OCDE, tenue à Paris, en France, les 17 et 18 février 2010.

La réunion de la Commission permanente et des secrétaires des délégations, tenue les 27 et 28 mars 2010—Dépôt du rapport

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la réunion de la Commission permanente et des secrétaires des délégations, tenue à Memphis, au Tennessee, aux États-Unis, les 27 et 28 mars 2010.

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à prolonger la séance de mercredi

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 10 juin 2010, propose :

Que, si le temps pour les déclarations de sénateurs est prolongé conformément à l'article 22(10) du Règlement pour les fins des hommages du mercredi 16 juin 2010, et si le Sénat n'a pas épuisé les points inscrits sous les Affaires du gouvernement à 16 heures ce jour, la séance se poursuive nonobstant l'ordre adopté le 15 avril 2010, au-delà de 16 heures, jusqu'à la fin des affaires du gouvernement ou du temps de la prolongation des déclarations des sénateurs pour les hommages, selon la première éventualité.

(La motion est adoptée.)

Le Budget des dépenses de 2010-2011

Le Budget principal des dépenses—Adoption du quatrième rapport du Comité des finances nationales

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à l'adoption du quatrième rapport (deuxième intérimaire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget des dépenses de 2010-2011), présenté au Sénat le 8 juin 2010.

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, au nom du sénateur Day, je propose l'adoption du quatrième rapport (deuxième intérimaire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présenté au Sénat le 8 juin 2010.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

L'étude du décret modifiant l'annexe 2 de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada

Adoption du cinquième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (décret modifiant l'annexe 2 de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada et rapport au Parlement intitulé Réserve d'aire marine nationale de conservation et site du patrimoine haida Gwaii Haanas), présenté au Sénat le 9 juin 2010.

L'honorable W. David Angus propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, la semaine dernière, à l'occasion de la Journée mondiale des océans, le ministre de l'Environnement a déposé à l'autre endroit un décret modifiant la Loi sur les aires marines nationales de conservation afin de créer officiellement la réserve d'aire marine nationale de conservation et le site du patrimoine haida Gwaii Haanas. L'adoption de cette motion aura pour effet de ratifier le décret en question.

Gwaii Haanas deviendra la première aire marine nationale de conservation créée depuis l'adoption de la loi en 2002. Cette aire couvrira une superficie allant jusqu'à 10 km au large des côtes. Conjuguée à la réserve du parc national Gwaii Haanas, l'aire englobera 5 000 km2 de Nature sauvage spectaculaire et est appelée par plusieurs les îles Galápagos du Canada. Il s'agira d'une aire marine protégée qui s'étendra de la toundra alpine des cimes montagneuses jusqu'aux profondeurs de l'océan au-delà de la plate- forme continentale.

L'établissement de cette aire est véritablement une réussite unique pour le Canada. Nulle part ailleurs dans le monde une telle aire marine nationale de conservation n'a été créée. Il s'agit d'une manifestation bien concrète du leadership international de notre grand pays, le Canada. Ce qui est remarquable, c'est que la pêche et d'autres activités durables continueront d'être pratiquées en vertu de la Loi sur les aires marines nationales de conservation et que les traditions et les cultures locales seront reconnues et honorées. Ce qui est encore plus extraordinaire, c'est que la création de cette aire a été effectuée en collaboration avec le peuple haida et sous le leadership direct de Guujaaw, le président de la Nation haida.

(1540)

À la suite des commentaires formulés par le ministre Prentice au nom du gouvernement après le dépôt du décret de la semaine dernière, des orateurs de chacun des partis ont pris la parole, l'un après l'autre, pour soutenir cette excellente initiative et pour mettre en valeur la nécessité de protéger l'environnement marin du Canada et, en particulier, les eaux de Gwaii Haanas.

Honorables sénateurs, ce rare appui unanime de tous les partis fait écho à l'appui de tous les partis à une motion adoptée à l'unanimité dans l'autre endroit, il y a environ 23 ans. Cette motion adoptée en 1987 demandait la protection de Gwaii Haanas et la participation du peuple haïda à la protection de cet endroit unique. Voilà exactement l'objectif de la proposition de modification de la loi.

Je vais tout expliquer brièvement et d'un point de vue technique. L'article 6 de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada stipule notamment que « le gouverneur en conseil peut, par décret, en vue de constituer ou d'agrandir une réserve [...], modifier l'annexe 2 en y ajoutant le nom et la description de la réserve nouvelle. »

L'article 7 de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada stipule que :

[...] toute modification [...] est déposée devant chaque Chambre du Parlement; le comité permanent de chaque Chambre habituellement chargé des questions concernant les aires marines de conservation [...]

Honorables sénateurs, en ce qui concerne, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles est le comité visé par cet article.

Le paragraphe 7(2) stipule que :

Le comité saisi peut présenter à la chambre, dans les trente jours de séance suivants, un rapport de rejet de la proposition; une motion visant l'adoption de celui-ci est alors présentée et mise aux voix en conformité avec la procédure de la chambre.

J'ai l'honneur d'informer les sénateurs que, jeudi dernier, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a examiné la question et décidé à l'unanimité d'appuyer l'adoption du décret en question.

Aucun paragraphe dans la loi n'impose une quelconque exigence dans les cas où le comité ou la Chambre exprime explicitement son appui à la modification portant création d'une nouvelle aire de conservation marine. Il revient donc à chaque comité du Sénat ou de l'autre endroit de procéder conformément à sa propre procédure. Honorables sénateurs, voilà l'objet de cette motion.

Je tiens à ajouter que de vastes consultations ont eu lieu au cours des quatre dernières années avec des communautés situées dans les îles de Haida Gwaii et à l'extérieur, ainsi qu'avec toute une gamme de parties prenantes, dont des organismes de pêche commerciale et récréative. Plus de 70 rencontres ont eu lieu avec au-delà de 20 regroupements de pêcheurs au cours des deux dernières années.

Honorables sénateurs, j'aimerais obtenir votre appui unanime à à l'égard de ce rapport pour officialiser les modifications que je viens de décrire à l'égard de la réserve d'aire marine nationale de conservation et site du patrimoine haïda Gwaii Haanas. Je vous remercie, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

La Loi sur les langues officielles

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Maria Chaput propose que le projet de loi S-220, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (communications avec le public et prestation des services), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est un privilège de vous présenter le projet de loi S-220, Loi modifiant la partie IV de la Loi sur les langues officielles — cette loi qui contribue au développement et à l'épanouissement de la communauté francophone que j'ai tant à cœur.

Mes arrière-grands-parents m'ont transmis un héritage que je porte en moi aujourd'hui. Les Chaput sont venus de France, au Québec, puis au Manitoba et sont en terre manitobaine depuis 125 ans. Du côté de ma mère, les Charrière ont quitté la Suisse pour le Manitoba en 1903.

Cet héritage qu'ils m'ont transmis, à mon tour je l'ai transmis à ma descendance, à mes trois filles et mes quatre petites-filles, en espérant qu'elles feront de même, dans une réalité francophone totalement différente de celle que j'ai vécue — une francophonie moderne et dynamique et qui est, pour mes petites-filles, une francophonie ouverte où se côtoient les francophones « de souche », les métis, les nouveaux arrivants, les personnes bilingues et les francophiles.

Nous venons de fêter le 40e anniversaire de la Loi sur les langues officielles. Le Canada a parcouru beaucoup de chemin depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969. Il est donc l'heure de faire le point sur l'état actuel de cette loi fondamentale, de réfléchir aux défis que l'avenir nous réserve et de poser les gestes nécessaires pour assurer, entre autres, le respect de l'anglais et du français à titre de langues officielles, leur égalité de statut et l'égalité de droits et des privilèges quant à leur usage dans les institutions fédérales.

Selon la Cour suprême du Canada :

[...] L'importance de ces objectifs de même que les valeurs constitutionnelles incarnées par la Loi sur les langues officielles confèrent à celle-ci un statut privilégié dans l'ordre juridique canadien. Son statut quasi constitutionnel est reconnu par les tribunaux canadiens.

Cette loi n'est pas une loi ordinaire.

Depuis ses débuts, le système politique canadien reflète la coexistence des deux grandes communautés linguistiques du pays. Ainsi, le principe du respect des droits linguistiques des minorités est un de nos principes constitutionnels fondamentaux.

La Loi sur les langues officielles est le fruit d'un travail bipartisan qui a débuté avec l'adoption d'une première loi, en 1969, sous un gouvernement libéral.

La loi de 1969 a étendu la garantie constitutionnelle accordée à l'emploi du français et de l'anglais au Parlement et devant les tribunaux fédéraux aux institutions fédérales de façon plus générale.

En 1988, le gouvernement conservateur de l'époque a procédé, avec l'appui des libéraux, à une révision approfondie de la Loi sur les langues officielles, pour assurer notamment la pleine mise en œuvre des droits linguistiques garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

Les deux grandes formations politiques canadiennes ont donc su, au cours de notre histoire, travailler de concert pour assurer le respect et la protection de nos deux langues fondatrices.

Au cours des 40 dernières années, des progrès considérables ont été réalisés dans les communications avec le public, la prestation des services fédéraux et l'appui aux communautés de langues officielles. Sur le plan de l'égalité du français et de l'anglais, le Canada a parcouru beaucoup de chemin depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles, en 1969.

Néanmoins, s'il est temps de dresser un bilan des réalisations, il est aussi nécessaire de constater que les communautés de langues officielles sont toujours menacées par des pressions assimilatrices écrasantes et très inquiétantes.

Malgré les meilleures intentions du législateur, certaines dispositions de la Loi sur les langues officielles relatives aux communications avec le public et à la prestation des services doivent être bonifiées en vue de lutter contre l'assimilation des bénéficiaires.

À titre d'exemple, pensons à l'absence de services fédéraux dans la langue officielle minoritaire dans des régions où la province en offre — tel est le cas au Nouveau-Brunswick, la seule province officiellement bilingue, et en Ontario, où la loi ontarienne assure que les services gouvernementaux sont offerts en français dans 25 régions à travers la province.

Alors que, dans la grande région de Toronto, le gouvernement provincial offre tous ses services dans les deux langues officielles, près du quart des bureaux fédéraux ne sont pas désignés bilingues. À Brampton, où la province offre tous ses services en français et en anglais, le fédéral ne le fait que dans un bureau sur six. Les exemples ontariens abondent.

Au Nouveau-Brunswick — la seule province officiellement bilingue —, le public ne peut pas obtenir des services dans la langue officielle de son choix dans le tiers des bureaux fédéraux.

Il est donc indiqué, aujourd'hui, de reconnaître le besoin de procéder à certaines modifications de la loi en vue de l'ajuster aux exigences de l'heure.

(1550)

À cet égard, il ne faut jamais perdre de vue l'objet de la Loi sur les langues officielles, qui est :

.d'assurer le respect du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada, leur égalité de statut et l'égalité de droits et privilèges quant à leur usage dans les institutions fédérales, notamment en ce qui touche [...] les communications avec le public et la prestation des services [...], et

. d'appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d'une façon plus générale, de favoriser au sein de la société canadienne, la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais.

Il est important de noter que la Charte canadienne des droits et libertés prévoit, à son article 16, la possibilité pour les droits linguistiques de croître en réservant un rôle au Parlement et aux législatures provinciales dans la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais.

Il y a eu, en fait, une évolution importante dans la pensée juridique, tout comme dans la pensée des gens et dans les valeurs qui constituent le fondement même des droits linguistiques, comme le principe du caractère réparateur des droits linguistiques et de l'égalité réelle des langues officielles.

À la fin des années 1960, on parlait de l'égalité des langues. On est ensuite passé à une notion d'égalité des locuteurs. Dans les années 1980, les tribunaux ont fourni des interprétations qui ont fait ressortir que la finalité des garanties linguistiques était d'assurer la permanence et le développement des communautés de langues officielles, et qu'une approche communautaire était nécessaire à cette fin.

On en est venu à la conclusion que l'appui institutionnel était essentiel pour réaliser l'égalité dans les faits. L'affaire de l'Hôpital Montfort d'Ottawa est un bel exemple de l'importance des institutions pour la vitalité et l'épanouissement des communautés de langues officielles en situation minoritaire.

Ces institutions, qu'elles soient scolaires, culturelles, gouvernementales ou autres, agissent très souvent comme bouées de secours auxquelles s'attachent ces communautés de langues officielles en situation minoritaire, afin de préserver leur langue et leur culture et de les transmettre à leur descendance. Il est important de noter que l'article 20 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit au public :

Le droit à l'emploi du français ou de l'anglais pour communiquer avec le siège ou l'administration centrale des institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada, ou pour en recevoir des services.

Par ailleurs, le public a ce même droit à l'égard de tout autre bureau de ces institutions, là où l'emploi de la langue officielle fait l'objet d'une demande importante ou se justifie par la vocation du bureau. C'est la partie IV de la Loi sur les langues officielles qui assure la mise en œuvre des obligations constitutionnelles du gouvernement fédéral et de ses institutions.

En 2009, dans l'affaire DesRochers, la Cour suprême du Canada a décidé que les obligations des fonctionnaires fédéraux, en vertu de la partie IV de la Loi sur les langues officielles, ne consistent pas seulement à assurer les communications avec le public et la prestation des services dans les deux langues officielles de façon égale, mais comprend aussi l'obligation de garantir la prestation de services d'égale qualité, égale qualité voulant dire, dans mon esprit, l'offre active, la consultation régulière, l'approche intégrée et les services adaptés.

Le contexte sociolinguistique a aussi beaucoup changé depuis 1969 et même 1988. Les populations francophones en situation minoritaire, qui étaient largement situées dans des zones rurales, se sont déplacées en grand nombre vers des centres urbains, où elles ne constituent pas une proportion importante de la population totale. Ceci a réduit l'importance des noyaux francophones et créé une situation difficile pour les francophones déménagés en zone urbaine pour ce qui est de l'accès aux services en français.

À titre d'exemple, les 79 000 locuteurs francophones d'Edmonton, répartis sur un territoire de plus de 600 kilomètres carrés, ont accès à des services en français dans un seul et unique bureau de poste.

Ce mouvement d'urbanisation a aussi accentué l'incidence de l'exogamie, qui a souvent amené des francophones à s'identifier comme appartenant à des foyers où l'on retrouve des personnes parlant le plus souvent anglais.

Enfin, parmi tous ces changements, soulignons l'émergence remarquable de réseaux d'institutions — scolaires, communautaires, culturelles et sportives, entre autres — gérées par et pour les communautés de langues officielles. Ceux-ci contribuent à stabiliser, voire à augmenter, la demande pour la prestation de services dans la langue officielle minoritaire.

Le régime linguistique actuel, qui découle de la partie IV de la Loi sur les langues officielles, n'a pas été adapté à tous ces changements. Il est grand temps de le faire. Ceci est particulièrement vrai de l'obligation d'offrir des services dans les deux langues officielles, sauf exception, « là où la demande est importante ». La Loi sur les langues officielles n'offre que quelques facteurs facultatifs à considérer pour définir la demande et laisse la définition du droit et des mécanismes de mise en œuvre à la réglementation. Cette dernière est très technique, mathématique, axée sur les besoins de l'administration, ne tient pas compte de l'impact sur les communautés desservies, ce qui est contraire à l'objet même de la loi, et n'a pas été revue depuis son adoption en 1991.

On semble avoir perdu de vue l'objectif véritable de la loi, qui est plutôt d'encourager l'usage des deux langues officielles et de promouvoir le développement des communautés de langues officielles en milieu minoritaire, reconnaissant ainsi la dualité linguistique comme un élément essentiel de l'identité canadienne.

Or, dans l'application du régime actuel, les fonctionnaires se réfèrent uniquement à des données statistiques pour établir les nombres suffisants, nombres qui ne tiennent pas compte des familles exogames, des Canadiens qui ont été instruits dans les écoles d'immersion et qui choisissent de s'identifier, parfois ou en permanence, à la communauté linguistique minoritaire, ou encore des membres du public qui ont une connaissance du français et souhaiteraient pouvoir s'en servir de temps à autre.

Ceci, honorables sénateurs, est incompatible avec le texte législatif lui-même, et notamment avec l'article 20 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit l'accès à des services dans les deux langues officielles au public, et non aux seuls membres de la minorité linguistique. Le législateur a voulu, en 1969, 1982 et 1988, faciliter l'usage de l'autre langue officielle, que ce soit par les membres de la communauté de langue officielle en situation minoritaire, les nouveaux arrivants ou les membres de la majorité qui sont bilingues. L'objectif était d'inclure et non d'exclure.

Actuellement, on suppose que seuls les francophones, tels que définis par Statistique Canada, demanderont un service dans la langue minoritaire. Voilà une vision très statique de la francophonie. La francophonie canadienne en est plutôt une où se côtoient les Canadiens français de souche, les métis, les nouveaux arrivants, les personnes bilingues et les francophiles, une francophonie où il fait bon y vivre et s'épanouir.

L'application du régime actuel ignore aussi le facteur de la spécificité de la minorité inclus dans la Loi sur les langues officielles. En 1988, lors des débats entourant la révision de la Loi sur les langues officielles, l'honorable Ramon Hnatyshyn, alors ministre de la Justice dans le gouvernement Mulroney, a souligné l'importance du critère de la spécificité lorsqu'il a dit, et je cite :

Selon ce critère d'ordre qualitatif, il peut arriver que la situation et les besoins particuliers de minorités linguistiques données soient tels qu'on les considère comme suffisamment important pour justifier la prestation de services bilingues, même si le facteur quantitatif pointe dans l'autre direction.

Comme l'avançait le renommé sociologue Raymond Breton, la vitalité d'une communauté francophone est, dans les faits, fonction de la force des institutions qui la soutiennent et la nourrissent. Le régime en vigueur aujourd'hui fait fi de l'intention du législateur en écartant complètement le critère de la spécificité de la minorité.

(1600)

Seuls les critères mathématiques sont utilisés.

Il est impératif que le régime linguistique canadien tienne pleinement compte du « caractère réparateur » des droits linguistiques, de l'égalité réelle de nos deux langues officielles, de la réalité sociolinguistique du Canada d'aujourd'hui, ainsi que des pressions assimilatrices qui menacent nos communautés de langues officielles en situation minoritaire.

Le principal problème auquel nous sommes confrontés, et celui que le projet de loi S-220 vise à remédier, est celui d'avoir restreint l'accès aux services généraux du gouvernement fédéral, sauf exceptions, aux endroits où il y a une demande importante sans avoir prescrit, dans la partie IV de la Loi sur les langues officielles, des paramètres logiques, obligatoires, clairs, inclusifs et compatibles avec l'objet même de la loi.

Il ne faut surtout pas oublier que l'objet de cette partie de la loi est d'assurer un accès égal à des services d'égale qualité aux deux communautés de langues officielles, au public en somme, et d'encourager l'usage de la langue minoritaire pour promouvoir le maintien et le développement des communautés de langues officielles.

Il faut que les critères à établir reflètent les valeurs qui animent la loi et qu'ils tiennent compte de la réalité. À ce compte, il est important de réaliser que les facteurs psychologiques sont très importants lorsqu'il est question du comportement des membres d'une minorité. L'offre active de services fédéraux, comme l'exige la loi, est d'importance capitale pour les communautés de langues officielles en situation minoritaire.

La personne francophone en situation minoritaire accusée d'un crime et qui est appelée à comparaître devant un juge unilingue anglophone ne sera pas portée à demander à être entendu en français, si elle est bilingue, même imparfaitement, parce qu'elle aura l'impression d'incommoder ceux devant lesquels elle se trouve vulnérable.

La personne francophone en situation minoritaire qui souffre d'insécurité culturelle alors qu'elle est bilingue n'aura pas toujours le réflexe d'exiger d'être servie en français dans une institution formellement bilingue, où il est manifeste que le service en français est un simple accommodement.

En milieu minoritaire, il doit y avoir une offre pour qu'il y ait une demande. Les communautés de langues officielles en situation minoritaire ne devraient pas porter le fardeau de prouver mathématiquement l'existence d'une demande pour des services dans leur langue officielle afin d'exercer leurs droits fondamentaux.

Au contraire, c'est le gouvernement fédéral qui devrait porter le fardeau de promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

Le droit de communiquer dans toutes les provinces avec le gouvernement et les instances publiques dans la langue officielle de son choix :

C'est ce que le regretté Jean-Robert Gauthier avait appelé, en 1977, le « minimum à atteindre ». Le projet de loi S-220, dont les ambitions sont beaucoup plus humbles, est un petit pas vers cet idéal.

Le projet de loi S-220 propose quelques ajustements mineurs. Premièrement, il assurera que la détermination de la « demande importante » soit balisée par des critères logiques, obligatoires, clairs, inclusifs et compatibles avec l'objet même de la loi; deuxièmement, il clarifiera le rôle du gouvernement fédéral comme leader dans le domaine des langues officielles en s'assurant que les institutions fédérales soient tenues d'en faire au moins autant que les provinces; troisièmement, il instaurera un mécanisme de révision du régime de communications et de prestation de services qui s'appliquera après chaque recensement décennal; quatrièmement, il garantira des services de qualité égale aux utilisateurs de l'une ou l'autre des langues officielles, en intégrant dans la loi ce principe reconnu par la Cour suprême du Canada; cinquièmement, il visera à responsabiliser les décideurs en assurant que le public soit informé et consulté avant de soustraire un service ou une institution à l'application de la loi; enfin, sixièmement, il facilitera la compréhension des droits du public voyageur.

Je cite ici le premier paragraphe de l'article 16 de la Charte canadienne des droits et libertés :

Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada. [...]

Et son troisième paragraphe, qui prévoit ceci :

La présente Charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais.

Le Parlement conserve donc un vaste pouvoir de légiférer en matière de langues officielles, notamment en vue de définir ce que constitue une « demande importante ».

Le régime fédéral mis en place depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles de 1988, relativement à la prestation de services là où il y a une demande importante, est incompatible avec l'approche de la Cour suprême du Canada.

Le fait d'adopter une évaluation purement objective est troublant parce qu'elle force le gouvernement à s'éloigner de l'objectif fondamental de la loi, qui est de favoriser le maintien des communautés de langues officielles en situation minoritaire.

Voici un aperçu des résultats de cette évaluation purement objective : les données du recensement de 2001, utilisées par les fonctionnaires, ont mené à une réduction des services en français dans 100 bureaux fédéraux à travers le Canada. Au Manitoba, par exemple, ma province natale, la communauté francophone a subi une perte nette de sept bureaux fédéraux après le dernier recensement décennal, alors qu'en Saskatchewan, il y a eu une perte nette de trois bureaux, et à Terre-Neuve-et-Labrador, une perte nette de quatre bureaux. Ces fermetures ont contribué à fragiliser davantage des communautés déjà menacées par l'assimilation.

L'approche mathématique a aussi donné lieu à des situations totalement illogiques, comme le fait d'offrir des services à une communauté de 500 personnes qui représentent 5 p. 100 de la population totale d'une municipalité et de la refuser à une communauté de 500 personnes qui représentent 4 p. 100 de la population totale d'une autre municipalité.

Ici, les membres de la seconde communauté de langue officielle sont aussi nombreux que la première mais, répartis dans un plus grand centre, ils sont vraisemblablement davantage menacés par l'assimilation, plus vulnérables et, donc, plus susceptibles d'avoir besoin de services gouvernementaux en français pour assurer leur protection et leur développement.

Il semble aussi assez illogique qu'il n'y ait aucune obligation applicable dans certaines capitales provinciales, et aussi que l'offre de services soit moins importante pour le gouvernement fédéral que le gouvernement provincial dans certains cas, comme au Nouveau- Brunswick et en Ontario.

Il est assez singulier que la demande doive précéder l'offre de services pour établir le compte nécessaire pour soulever l'obligation gouvernementale. La demande devrait plutôt être établie en considérant tous ceux qui voudraient être servis dans la langue de la minorité, et non en fonction des catégories de personnes que le gouvernement considère devoir prendre en compte selon le recensement.

Par ailleurs, le rapport de l'honorable Bernard Lord, publié en 2008, a recommandé notamment que la nouvelle stratégie du gouvernement en matière de langues officielles mette l'accent sur l'amélioration de l'accès à des services en français qui rejoignent directement les citoyens.

[Traduction]

En résumé, dans le système actuel, la détermination d'une demande importante est fonction des exigences administratives, sans égard à la préservation de la communauté de langue officielle en situation minoritaire. Il serait plus conforme à l'objet de la loi de reconnaître le besoin de services d'une communauté selon d'autres critères, comme sa spécificité et sa vitalité institutionnelle.

D'autres phénomènes doivent également être pris en compte, dont l'urbanisation et ses répercussions sur les communautés francophones, les immigrants qui n'ont ni le français, ni l'anglais comme langue maternelle ou comme langue prédominante à la maison, et les francophones qui vivent dans un milieu familial mixte. Mais surtout, nous ne devons pas présumer que seuls les francophones, tels que définis par Statistique Canada, utiliseront les services en français.

Au cours des derniers mois, j'ai consulté plusieurs groupes et personnes. Je suis du même avis qu'eux lorsqu'ils affirment que le gouvernement devrait donner la liberté de choix au plus grand nombre de personnes possible. Autrement dit, le gouvernement devrait laisser les Canadiens choisir la langue officielle dans laquelle ils veulent demander les services dont ils ont besoin, ou même choisir la communauté de langue officielle avec laquelle ils veulent être associés. Nous devons éviter de placer l'accent sur les « minorités de langue officielle » pour le placer plutôt sur les « communautés de langue officielle », un concept plus vaste qui rassemble les membres des minorités, les gens qui ont des liens avec ces minorités et ceux qui parlent la langue de cette minorité, bien qu'elle ne soit pas leur langue maternelle.

(1610)

Cela semble tout nouveau. Pourtant, un ancien ministre de la Justice, l'honorable Ramon Hnatyshyn, a tenu des propos semblables le 22 mars 1988 devant le comité législatif qui étudiait le projet de loi sur les langues officielles. Je trouve cela remarquable. Voici ce qu'il a dit :

Certaines caractéristiques de cette population [minoritaire de langue officielle] telles que ses institutions religieuses, sociales, culturelles, ou d'enseignement, [...] donnent — mieux que les chiffres seuls — une bonne indication de sa vitalité et de ses possibilités.

Les services fédéraux devraient à tout le moins renforcer les collectivités qui, depuis l'adoption de la Charte, ont obtenu leurs propres écoles et ont été revitalisées grâce à elles. Le gouvernement fédéral devrait s'adapter à la situation dans les provinces et les territoires, où on offre un accès plus grand aux services que ne le prévoit la loi fédérale. Cela indiquerait aussi que le gouvernement fédéral prend des mesures positives en vue de respecter ses engagements, lesquels sont énoncés dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Honorables sénateurs, saviez-vous que, à Terre-Neuve-et- Labrador, il y a un ministre responsable des affaires francophones; que l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse a adopté une loi sur les services en français en 2004; que l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard a adopté une loi sur les services en français en 1999; que le Nouveau-Brunswick est la seule province canadienne officiellement bilingue; que la Loi sur les services en français, en Ontario, remonte à 1986 alors que la présence francophone dans cette province remonte à il y a 350 ans; que le Manitoba a une politique sur les services en français depuis 1989; que la Saskatchewan a adopté une politique sur les services en français en 2003; que l'Alberta a un Secrétariat aux affaires francophones depuis 1999; que la Colombie-Britannique a un Programme des affaires francophones et a signé en 2009 l'Entente de collaboration Canada-Colombie-Britannique en matière de langues officielles, qui vise à accroître la capacité de la province de fournir des services à ses 290 000 francophones; que les Territoires du Nord- Ouest ont une Loi sur les langues officielles qui a été adoptée en 1984 et qui reconnaît le français comme langue officielle; qu'au Yukon, la Loi sur les langues, promulguée en 1988, fait du français une des langues officielles du territoire; et enfin que, en 2008, le Nunavut a adopté sa Loi sur les langues officielles et a ainsi fait du français une de ses langues officielles?

[Français]

Les minorités de langue officielle ne revendiquent donc pas le respect d'un droit universel ni en fait d'un droit essentiellement moral [...]

C'est ce qu'écrivait récemment Me Michel Bastarache, ancien juge de la Cour suprême du Canada :

[...] ils exigent le respect de la loi constitutionnelle [...] Ils n'ont donc pas à justifier leur droit périodiquement à cause de changements démographiques ou politiques, ou à se comparer aux locuteurs d'autres langues.

L'honorable sénateur De Bané avait demandé, en 1969, alors qu'il était chargé d'étudier le projet de loi sur les langues officielles, s'il y avait lieu de prévoir que cette loi ait priorité sur les autres lois fédérales — aujourd'hui, cette question est réglée et le caractère quasi constitutionnel de la Loi sur les langues officielles est bien établi.

C'est en mars 1988, alors que le Sénat siégeait en comité plénier, que le très honorable Pierre Elliott Trudeau nous a rappelé l'importance des centaines de milliers de Canadiens francophones qui se sont établis dans le reste du Canada et ont essayé de préserver leur identité, des Acadiens qui ont lutté pendant des années contre l'indifférence et souvent aussi contre l'hostilité de leurs concitoyens, des générations d'hommes et de femmes politiques québécois qui ont lutté pour l'établissement du fait français, non seulement pour le Québec, mais aussi pour Maillardville, pour la Rivière de la Paix, en somme, pour le Canada français.

Aujourd'hui comme jamais auparavant, les membres de la grande communauté francophone du Canada se déplacent à travers le pays, pour le plaisir comme pour les affaires. La loi doit prendre acte de cette mobilité accrue des citoyens et être modifiée en conséquence.

Lors de sa comparution, le 15 avril 2010, devant le Comité des langues officielles de l'autre endroit, le ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, l'honorable John Baird, a dit être conscient des problèmes éprouvés par Air Canada et ses filiales quant au respect de leurs obligations en matière de langues officielles. Il a dit ceci :

Je suis d'accord avec le fait qu'on a besoin d'un nouveau projet de loi. [...] À mon avis, et je l'ai déjà dit, il faut renforcer la loi, en la modifiant.

[Traduction]

Les sénateurs le savent peut-être, mais je suis originaire d'un petit village francophone du Manitoba. Les valeurs de cette collectivité se sont transmises sur de nombreuses générations avant de me parvenir et sont axées sur la fierté de son identité et de son origine et sur la confiance en son entourage.

J'ai grandi dans une famille francophone typique de l'époque et j'étais l'aînée de 11 enfants. J'ai appris de ma mère la manière de faire appel à ce que chacun a de meilleur en lui et à son potentiel.

Je suis allée à l'école dans un couvent tenu par les Sœurs grises dans une collectivité francophone appelée Sainte-Anne-des-Chênes, dans le Sud-Ouest du Manitoba. À cette époque, la loi interdisait d'enseigner le français dans les écoles du Manitoba. Lorsque l'inspecteur provincial des écoles était dans les environs, il nous fallait cacher nos manuels en français. N'oubliez pas que l'enseignement en français au Manitoba a dû se faire clandestinement après l'abolition des écoles françaises en 1916.

Honorables sénateurs, moins de 200 ans avant cela, les Acadiens ont été déportés et on leur a dit qu'ils ne pourraient jamais revenir dans leur pays. En Amérique du Nord, le français était menacé de tous côtés. Cela était évidemment fondé sur l'idée irrationnelle selon laquelle, dans une fédération comme le Canada, il ne pouvait y avoir qu'une seule culture et une seule langue.

Les honorables sénateurs ici réunis savent bien que ce n'est pas le cas et reconnaissent que notre fédération a deux langues officielles et regroupe une multitude de cultures.

Notre histoire est marquée par l'angoisse et le deuil, mais aussi par la résilience et, ultimement, par la survie et la restauration. Au fil du temps et à grand-peine, des gens d'origines linguistiques diverses ont amélioré la situation des Canadiens francophones. N'oublions jamais, cependant, ce qui s'est passé, et pourquoi; nous pourrons ainsi éviter qu'une telle chose ne se reproduise.

Nous revenons de loin, mais il reste du travail à faire. Le projet de loi S-220 est un pas de plus dans la bonne direction. Les Canadiens, de par le simple fait qu'ils sont Canadiens, devraient avoir à cœur leurs deux langues officielles, même celle qu'ils ne parlent pas.

[Français]

« Je voudrais étendre le plus possible les droits linguistiques à tous les Canadiens », a dit en 1969 l'honorable Eymard Corbin, alors député, lors de l'étude du projet de loi sur les langues officielles. Comme plusieurs autres Canadiens et Canadiennes, je partage ce vœu de notre ancien collègue et je vous soumets que le projet de loi S-220 constitue un petit pas dans cette direction.

L'avenir des collectivités de langues officielles, en particulier celui des francophones et des Acadiens, dépendra toujours de l'appui inconditionnel du gouvernement de leur pays et de son écoute.

Le fait français est présent au Canada, d'un océan à l'autre, et ceux et celles qui y croient sont de plus en plus nombreux.

Les communautés de langues officielles en situation minoritaire ne revendiquent pas le droit d'être laissées en paix, mais plutôt une action gouvernementale de soutien.

Je crois, comme plusieurs, que le gouvernement du Canada a une responsabilité à l'égard des communautés de langues officielles en situation minoritaire : il doit promouvoir l'usage des langues officielles et s'assurer de préserver les acquis de nos communautés.

[Traduction]

Comme l'a fait remarquer le commissaire aux langues officielles, nous [...] ferions d'énormes progrès comme pays si nous reconnaissions l'autre langue non pas comme une obligation, une imposition ou une concession, mais comme un précieux avantage, une composante essentielle de l'identité canadienne.

[Français]

Comme vous le savez tous, honorables sénateurs, le Sénat a le mandat constitutionnel de protéger, défendre et promouvoir, de façon ponctuelle, les droits des minorités et de représenter les régions.

Je vous demande d'appuyer ce projet de loi et de permettre à un comité du Sénat d'en faire l'étude.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

(1620)

[Traduction]

Projet de loi sur le registre des instruments médicaux

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Harb, appuyée par l'honorable sénateur Lapointe, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-217, Loi prévoyant l'établissement et la tenue d'un registre national des instruments médicaux.

L'honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, c'est un plaisir pour moi de pouvoir parler aujourd'hui du projet de loi S-217, présenté au Sénat par le sénateur Harb le 14 avril 2010. Ce projet de loi prévoit l'établissement et la tenue d'un registre national et volontaire des patients utilisant des instruments médicaux implantables ou des instruments médicaux pour usage à domicile.

La santé et la sécurité des Canadiens constituent une priorité de tous les instants pour l'ensemble des parlementaires et des sénateurs. Cela dit, je vois mal en quoi le registre proposé ajouterait quoi que ce soit aux systèmes actuels de déclaration volontaire et obligatoire prévus au Règlement sur les instruments médicaux.

Le projet de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis comporte un certain nombre de lacunes. Je passerai chacune d'elles en revue dans un instant, mais je tiens d'abord à expliquer aux sénateurs le contexte dans lequel s'inscrit la réglementation des instruments médicaux au Canada.

Dans ses allocutions, le sénateur Harb nous a parlé d'une patiente qui s'est fait implanter une mâchoire en 1985, qui n'a pas été informée du rappel dont son implant faisait l'objet et qui n'a pas pu obtenir les renseignements dont elle aurait eu besoin. Je rappelle qu'en 1985, seuls les instruments médicaux implantables étaient visés par un quelconque système de réglementation préalable à leur mise en marché et qu'aucun mécanisme ne permettait de réagir aux problèmes qui pouvaient survenir après coup. Or, depuis la mise à jour qui a eu lieu en 1998, tous les instruments médicaux doivent être approuvés avant leur mise en marché et doivent être assujettis à un système de gestion de la qualité. Mais surtout, depuis que la version révisée du règlement a rendue obligatoire la déclaration de tout incident grave, Santé Canada peut être informé rapidement des incidents qui présentent le plus de risques pour les patients et les utilisateurs. La version révisée du Règlement sur les instruments médicaux est en vigueur depuis 1998, et les Canadiens peuvent dormir sur leurs deux oreilles en sachant que les instruments médicaux vendus au pays sont sûrs, efficaces et de qualité.

Avant que nous passions au vote, j'aimerais aborder encore quelques points qui ont été soulevés pendant l'étude du projet de loi S-217 à l'étape de la deuxième lecture. Des statistiques et différents faits ont été présentés pendant le débat. Par exemple, on a fait remarquer que le nombre de Canadiens ayant des implants ou utilisant des instruments médicaux pour usage à domicile augmentait constamment. On a aussi précisé que le nombre d'instruments médicaux approuvés augmentait au Canada, ainsi que le nombre d'avertissements ou de rappels concernant ces instruments. Bien sûr, il est vrai que le nombre d'instruments médicaux de classe III et IV homologués — qui présentent un risque plus élevé et qui constitueraient la majorité des instruments inscrits au registre proposé — augmente chaque année. Ainsi, entre 2005 et 2009, le nombre d'homologations accordées pour les instruments de classe III s'élevait à environ 600 annuellement, et une centaine d'homologations ont été accordées annuellement pour les instruments de classe IV. Toutefois, si l'on examine cette information au regard du nombre de rappels survenus au cours de la même période, ce ne sera pas représentatif de la situation, puisque le nombre de rappels devrait être considéré en fonction du nombre total d'instruments homologués au Canada.

Il importe aussi de distinguer les rappels prioritaires attribuables à un risque élevé et les rappels attribuables à un risque moindre. Au Canada, pour 60 000 instruments homologués, la majorité des rappels a trait à un faible risque présenté par des instruments de classe III et de classe IV. On compte très peu de rappels attribuables à un risque élevé. Un rappel en raison d'un risque faible concernerait, par exemple, la décision d'un fabriquant de modifier l'étiquetage de l'instrument.

Honorables sénateurs, permettez-moi d'exposer succinctement la situation actuelle pour bien montrer que le Règlement sur les instruments médicaux du gouvernement est, en fait, suffisamment solide pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens et assurer le bon équilibre entre la protection des renseignements personnels et la réduction des dangers pour la santé.

Le programme canadien concernant les instruments médicaux contribue à assurer l'innocuité, l'efficacité et la qualité de ces instruments au Canada en assurant une inspection avant la mise en marché, de la surveillance après la mise en marché et l'application de systèmes de gestion de la qualité. Le Règlement sur les instruments médicaux, administré par Santé Canada, établit les exigences relatives à la vente et à l'importation d'instruments médicaux ainsi qu'à la publicité sur ces instruments, au Canada.

Le terme « instrument médical » s'applique à une large gamme de produits utilisés pour le traitement, l'atténuation des symptômes, le diagnostic ou la prévention de maladies ou de conditions physiques anormales. Les instruments médicaux sont catégorisés en quatre classes. Les instruments de classe I représentent peu de risques. Ce sont des objets courants comme des brosses à dents ou des pansements. Les instruments de classe IV représentent le plus haut degré de risque et regroupent des dispositifs plus complexes comme des stimulateurs cardiaques et des pompes à médicaments implantables.

Santé Canada maintient une base de données électronique sur tous les instruments médicaux homologués de classe II, III ou IV qui peuvent être vendus au Canada. Cette base de données aide les hôpitaux, les travailleurs de la santé et les autres intervenants à vérifier si le fabricant détient une homologation en vigueur pour les instruments médicaux au Canada.

Les instruments médicaux de classe I ne requièrent pas une homologation des instruments médicaux. Ils sont réglementés par l'Inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments au moyen des licences d'établissement. Les règlements contiennent aussi des dispositions et des mécanismes portant sur l'innocuité, l'efficacité et la qualité des instruments médicaux. Ces dispositions et ces mécanismes prévoient, entre autres, l'obligation de faire état des problèmes et d'enregistrer le nom des personnes qui reçoivent des dispositifs médicaux implantables. Ces deux éléments, dont je parlerai de façon plus détaillée dans quelques instants, favorisent la communication en temps opportun des risques à l'ensemble des hôpitaux canadiens et des médecins, ainsi qu'au grand public.

De plus, les dispositions réglementaires relatives à la surveillance après la mise sur le marché exigent que les fabricants, les importateurs et les distributeurs conservent des registres de distribution et aient des procédures écrites pour le traitement des plaintes et le rappel des instruments défectueux. Les fabricants et les importateurs doivent déclarer à Santé Canada les incidents graves mettant en cause des instruments qu'ils vendent. En outre, on consulte des sources d'information du monde entier pour trouver des recherches évaluées par les pairs et des résultats cliniques éventuels.

Santé Canada évalue ces sources d'information dans le cadre de la surveillance réglementaire après la mise en marché des instruments médicaux homologués et autorisés. Les règlements actuels exigent que le fabricant soit en mesure de retracer les instruments distribués dans les établissements de santé et dans les cabinets de médecins. Grâce à cette traçabilité, les médecins qui ont procédé à l'implantation et ceux qui s'occupent du suivi peuvent communiquer avec leurs patients pour déterminer les risques possibles et pour décider du type de mesures à prendre au sujet des dispositifs implantés.

Honorables sénateurs, le gouvernement a fait beaucoup de progrès au cours des dernières années en améliorant les mécanismes de signalement des problèmes dans le cas des instruments médicaux. Même si les fabricants et les importateurs sont tenus de signaler ces problèmes, Santé Canada encourage aussi activement toutes les personnes qui achètent, utilisent ou conservent ces produits à signaler les problèmes. Qui plus est, Santé Canada maintient également un service téléphonique que les patients peuvent utiliser pour signaler tout problème ayant trait à leurs instruments médicaux. Les données des rapports de problèmes peuvent être liées entre elles afin de détecter des problèmes qui autrement passeraient inaperçus ou seraient écartés comme étant des incidents isolés. Une fois la situation analysée par le fabricant, en consultation avec Santé Canada, toutes les installations et tous les professionnels concernés sont informés rapidement de la situation et des mesures à prendre.

(1630)

Enfin, il existe à l'échelle provinciale plusieurs mécanismes de déclaration des problèmes concernant la prestation de services médicaux et de soins donnés par les médecins. Il faudrait d'abord obtenir l'appui des gouvernements provinciaux et territoriaux avant d'exiger des médecins qu'ils conservent les données personnelles de leurs patients ou qu'ils les déposent dans un registre. De plus, il existe des dispositions qui facilitent le suivi des instruments médicaux implantés afin que les personnes porteuses de tels implants puissent recevoir des renseignements postopératoires pertinents. La liste des instruments assujettis à cette exigence apparaît à l'annexe 2 des règlements et il s'agit des instruments qui présentent le plus de risques.

En vertu de ce système, les renseignements personnels des patients ne sont pas conservés par Santé Canada, mais bien par l'hôpital ou le médecin dans le dossier médical du patient. Les fabricants d'instruments médicaux qui figurent sur la liste de l'annexe 2 des règlements sont tenus de fournir une fiche d'enregistrement des instruments médicaux aux patients qui reçoivent ces implants, ainsi qu'à leurs médecins. Les patients peuvent ensuite fournir volontairement leurs renseignements personnels au fabricant. Il revient ensuite à ce dernier de conserver ces renseignements.

Le gouvernement est déterminé à fournir aux Canadiens des renseignements précis, complets et à jour concernant les risques potentiels et les avantages des instruments médicaux. En cas de problème avec un instrument médical, Santé Canada envoie des avis généraux et des alertes de sécurité à tous les hôpitaux et tous les médecins concernés, et il les publie à l'intention du grand public.

Santé Canada, en étroite collaboration avec les fabricants et les importateurs, prend des mesures opportunes en publiant des avis et des avertissements à l'intention du public, de l'industrie, des professionnels de la santé, des hôpitaux et d'autres intervenants du milieu concernant les incidents liés aux instruments médicaux.

Comme on l'a déjà souligné, Santé Canada a établi des mécanismes de surveillance post-commercialisation afin de déceler, de classifier et d'évaluer les signaux sur l'innocuité des instruments médicaux. Lorsqu'un problème est décelé relativement à un instrument médical, une des mesures d'atténuation du risque consiste à publier un communiqué sur le risque. Différents types de communiqués peuvent être utilisés, selon les destinataires et le niveau de risque.

Pour favoriser encore mieux la communication en temps opportun, le gouvernement a lancé, en avril 2010, un projet pilote appelé Réseau sentinelle canadien pour les matériels médicaux. Ce projet consiste en l'accumulation de données provenant de 10 établissements médicaux qui signalent les effets néfastes des instruments médicaux. Ce système fournit des données complémentaires aux évaluateurs post-commercialisation de Santé Canada et contribue à cibler les problèmes émergents quant à l'innocuité.

Honorables sénateurs, au fil des ans, Santé Canada a reçu de nombreuses demandes d'établissement d'un registre des patients qui utilisent les instruments médicaux. Par exemple, le Groupe consultatif d'experts indépendants sur les implants mammaires au gel de silicone a recommandé l'établissement d'un registre des implants mammaires. Des projets de loi d'initiative parlementaires ont aussi été présentés pour établir un registre des implants mammaires. Ces demandes ont été étudiées et l'établissement d'un registre national des instruments médicaux a été sérieusement envisagé.

Le gouvernement prend ces demandes très au sérieux et continue de croire que les mécanismes de réglementation de l'innocuité, de l'efficacité et de la qualité des instruments médicaux, y compris les exigences concernant la signalisation obligatoire des problèmes et la recommandation des implants, sont appropriés et trouvent un juste milieu entre le droit à la vie privée et l'atténuation des risques pour la santé.

Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit, il y a plusieurs choses à prendre en considération relativement à ce projet de loi, dont l'utilité et la pertinence d'un registre des patients, la protection des renseignements personnels, les problèmes liés à la mise en œuvre et le respect des compétences provinciales et territoriales. Je vais maintenant aborder ces questions en profondeur.

Le projet de loi propose l'établissement et le maintien d'un registre des patients en temps réel. Ce registre, auquel l'inscription est volontaire, contiendrait le nom et l'adresse des destinataires d'instruments médicaux implantés, comme les stimulateurs cardiaques, et des utilisateurs d'appareils médicaux à usage domestique, comme les appareils respiratoires individuels. On peut se demander si un tel registre serait la meilleure façon de mettre en place un système d'avertissement des patients, puisque l'utilité d'un registre à inscription volontaire dépend de la collaboration des hôpitaux, des médecins et des patients.

Le système proposé doit entre autres répondre aux besoins des patients et des médecins. Qui plus est, il doit être géré en temps réel pour surveiller et déceler les signaux de sécurité et y réagir immédiatement. L'idée d'un registre destiné aux patients ne correspond pas à ce qui existe actuellement pour d'autres produits de santé.

De plus, les patients non inscrits à ce registre non obligatoire devraient quand même recevoir de l'information de sécurité nécessaire, soit directement, soit par l'entremise de leurs fournisseurs de soins de santé. C'est au patient qu'incombera la responsabilité d'obtenir de l'information à jour.

Santé Canada offre déjà de l'information sur les instruments médicaux dans une base de données facile d'accès et facile à consulter. Le ministère a récemment lancé le projet pilote du Réseau sentinelle pour le signalement des incidents liés aux instruments médicaux. Aucun autre gouvernement n'a créé un registre national des instruments médicaux, mais certains pays envisagent cette possibilité. Le gouvernement surveille de près la mise en place de ce genre de registre à l'étranger

La mise en œuvre d'un registre des produits posera de nombreux défis. En outre, tel qu'indiqué, des mécanismes qui visent le même objectif sont déjà en place au Canada.

Honorables sénateurs, il est important de noter qu'actuellement, ni Santé Canada ni les fabricants n'ont directement accès à l'identité des patients. Le projet de loi proposé obligerait les médecins qui implantent des instruments médicaux ou qui fournissent à leurs patients des instruments médicaux pour usage à domicile à communiquer les renseignements personnels concernant leurs patients, avec leur consentement, afin de les inclure au registre.

Toutefois, il faudrait modifier certaines dispositions du projet de loi afin qu'il respecte la Loi sur la protection des renseignements personnels. Par exemple, il faudrait prévoir une disposition qui permettrait, dans certaines circonstances bien précises, la destruction de renseignements personnels contenus dans le registre. Il faudrait également prendre en considération la réglementation sur la protection des renseignements personnels actuellement en vigueur et la Charte canadienne des droits et libertés et examiner la constitutionnalité de la mesure qui appuie le registre.

Par le passé, des registres d'implants ont été mis sur pied et tenus par d'autres organisations tierces, qui fonctionnent toutes selon les principes de consentement éclairé et de confidentialité des renseignements. Je pense notamment à la Fondation canadienne MedicAlert et à l'Institut canadien d'information sur la santé. Les registres établis par ces organisations visent principalement à recueillir des renseignements après la mise en marché ou à fournir un service à une personne moyennant des honoraires.

Le gouvernement a, par le passé, aidé d'autres organismes privés à mettre au point des registres particuliers, comme le Registre canadien des remplacements articulaires, qui est exploité par l'Institut canadien d'information sur la santé. Ce registre des patients très utile a été créé et mis en œuvre par des chirurgiens orthopédistes canadiens et a été financé en grande partie par des sources privées. La mise en œuvre d'un registre national des patients aura des conséquences financières importantes.

(1640)

Pareil système devrait être établi d'abord et avant tout pour répondre aux besoins des médecins et des patients d'un bout à l'autre du Canada. Ce serait une tâche coûteuse et complexe pour Santé Canada et ses pendants provinciaux de définir ces besoins et de mener des consultations approfondies au niveau national.

J'ajoute qu'un registre efficace devrait être constamment mis à jour et doté du personnel voulu pour contrôler et déceler les signaux et réagir immédiatement en communiquant avec chacun des patients touchés inscrits au registre. On peut se demander si le registre volontaire qui est proposé dans le projet de loi S-217 est la meilleure façon d'offrir un système d'alerte aux patients.

La réussite ultime d'un registre volontaire dépend de la coopération des hôpitaux, des médecins et des patients. De plus, on ne peut dire avec certitude si les Canadiens voudront participer à un registre, comme le sénateur Harb l'a signalé au cours d'un débat antérieur, le 7 novembre 2006. Que cela nous plaise ou non, il y a des gens qui ne veulent pas communiquer de renseignements personnels.

Nous ne devons pas oublier que la sécurité des instruments médicaux est une responsabilité partagée. Il incombe au gouvernement fédéral de réglementer leur vente et leur importation, tandis que les provinces et les territoires doivent dispenser les services de santé — sauf, bien entendu, aux Premières nations — et accréditer les spécialistes des soins de santé. Les provinces et les territoires réglementent les médecins et l'exercice de la médecine, ce qui comprend les relations directes avec les patients. Dans le contexte du projet de loi proposé, toute exigence qui serait faite aux médecins de conserver ou de fournir de l'information sur leurs patients à un registre national outrepasse le rôle fédéral et cela devrait être appuyé et financé par les gouvernements provinciaux et territoriaux.

Dans l'actuel régime réglementaire et dans le respect des compétences constitutionnelles fédérales, le gouvernement a des textes législatifs en place pour réglementer la vente et l'importation d'instruments médicaux. La Loi sur les aliments et drogues et la réglementation des instruments médicaux font reposer sur le fabricant la responsabilité de la sécurité, de l'efficacité et de la qualité des instruments médicaux vendus au Canada. Dans sa forme actuelle, le projet de loi risque d'affaiblir le devoir de diligence des fabricants.

Je conclus. Comme il y a des mécanismes et exigences en place qui répondent déjà aux besoins des médecins et des patients, j'estime que la création d'un registre national obligeant les médecins à fournir et à tenir à jour des données sur les patients n'est pas nécessaire. Le registre ferait double emploi avec les garanties réglementaires existantes. En outre, il y a de graves inquiétudes au sujet du respect des renseignements personnels, de la délimitation des compétences ainsi que des coûts et de la lourde logistique de cette entreprise. Pour ces raisons, il m'est impossible d'appuyer le projet de loi.

L'honorable Mac Harb : Je suis très reconnaissant à ma collègue de ses observations. Chose certaine, c'est une bonne raison de renvoyer le projet de loi à un comité pour que nous puissions y étudier les questions relatives à la Constitution, à la protection des renseignements personnels et à la communication des données.

La communication des données est une chose, mais l'essentiel, dans tout le débat, est la question de savoir qui informe le patient. Dans le système actuel, c'est vraiment au médecin d'informer le patient. Que se passe-t-il si le médecin a un millier de patients ou s'il a pris sa retraite?

Son Honneur le Président intérimaire : Avez-vous une question à poser au sénateur? Si vous prenez la parole maintenant, vous mettrez...

Le sénateur Harb : Oui, j'ai une question à poser.

Son Honneur le Président intérimaire : Peut-être pourriez-vous la poser.

Le sénateur Harb : Dans l'état actuel des choses, tout ce que Santé Canada a à faire, c'est signaler sur son site web qu'il existe un problème. Si une société déclare qu'un instrument présente un problème, il suffit de le signaler sur le site web.

Nous faisons donc reposer sur la personne qui a un instrument peut-être défectueux la responsabilité de consulter le site web. Est-ce ainsi qu'il faut s'y prendre ou devrions-nous informer chacun de ceux qui ont un instrument défectueux?

Le sénateur Eaton : Je remercie le sénateur de cette question. Il en sait certainement beaucoup plus long que moi sur ce sujet. D'après ce que je comprends, toutefois, si, en examinant les données qui sont signalées, qu'il s'agisse d'un patient ou d'un médecin qui signale une défectuosité, on remarque une tendance qui se dessine, on communique avec le fabricant.

Aux termes de la réglementation actuelle, le fabricant est tenu de se donner les moyens de retracer les lots d'instruments ou de mécanismes chez les distributeurs. Autrement dit, ceux-ci distribuent les produits aux médecins qui travaillent dans les hôpitaux. Ils sont tenus par la loi de communiquer avec les hôpitaux, qui ont une liste des médecins qui ont implanté tel appareil chez tel patient.

On peut suivre le parcours de l'instrument dans un sens ou l'autre. Si, comme patient, j'ai des problèmes avec un instrument, je le signale à Santé Canada au moyen de la ligne d'urgence. Si le ministère constate qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé, mais que, au contraire, une tendance se dessine, conformément au règlement, il informe le fabricant, qui doit vérifier la distribution de ce secteur particulier.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Harb, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Martin, appuyée par l'honorable sénateur Wallin, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-268, Loi modifiant le Code criminel (peine minimale pour les infractions de traite de personnes âgées de moins de dix-huit ans).

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je n'avais pas prévu prendre la parole sur ce projet de loi. Cependant, après l'étude du projet de loi C-268 au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, j'ai formulé des suggestions qui, à mon avis, permettraient une meilleure application du projet de loi. Même en disposant de toutes les lois possibles, si nous n'allouons pas les ressources nécessaires à la capture des criminels, le projet de loi ne servira pas à grand-chose.

Le comité a appris que seul un infime pourcentage de ceux qui se rendent coupables du crime de la traite de personnes de moins de 18 ans sont condamnés. Comme les observations formulées par le sénateur Dyck et moi ont été rejetées à l'unanimité par la majorité conservatrice au comité, je profite de cette occasion pour les formuler à nouveau officiellement aux fins du compte rendu.

Certains progrès ont été réalisés dans le domaine de la lutte contre la traite des personnes. En effet, un groupe de travail interministériel sur la traite des personnes existe depuis 2004. Il est formé de représentants de 17 ministères et organismes fédéraux. En 2005, la GRC a fondé le Centre national de coordination contre la traite de personnes.

La traite des personnes est souvent décrite comme une forme moderne d'esclavage. C'est une forme d'exploitation des personnes, plus précisément d'exploitation sexuelle ou de travail forcé. La traite peut être pratiquée au plan international, mais elle se produit également au Canada. Nous avons entendu parler d'un grand nombre de cas de traite de personnes d'un bout à l'autre du pays.

(1650)

En 2005, trois nouvelles infractions punissables par voie de mise en accusation et traitant spécifiquement de la traite des personnes ont été inscrites dans le Code criminel. L'article 279.01 interdit en particulier la traite des personnes et impose la prison à vie comme peine maximale en cas d'enlèvement, de voies de fait graves, d'agression sexuelle graves ou de décès de la victime. La peine maximale est de 14 ans d'emprisonnement dans tous les autres cas. Ce sont là les peines maximales les plus sévères prévues au Code criminel.

Nous avons appris au comité que, depuis 2007, des condamnations en vertu du Code criminel ont été prononcées dans cinq cas, par suite de plaidoyers de culpabilité. Le projet de loi C-268 entraînera-t-il un plus grand nombre de condamnations? J'aimerais bien le croire, mais je n'ai pas l'impression que les peines obligatoires ont fait leurs preuves. Les services de police ont besoin de plus de ressources, de renseignements et de données pour mieux comprendre la traite des personnes au Canada.

C'est la raison pour laquelle j'ai recommandé que le comité joigne au projet de loi une observation préconisant l'octroi de ressources supplémentaires à la GRC pour qu'elle puisse réduire la traite des jeunes et peut-être y mettre fin.

Julie McAuley, de Statistique Canada, a dit au comité qu'il manque de données complètes, sûres et comparables sur la traite des personnes. Nous ne savons pas si ce phénomène est en hausse ou en baisse. Selon elle, à cause de la nature clandestine du crime, Statistique Canada doit presque attendre que la police porte des accusations pour déterminer l'existence d'un cas de traite de personnes.

Voilà pourquoi j'ai recommandé d'accorder plus de ressources à la GRC en vue de prévenir la traite et d'appréhender les responsables dans le cas des victimes de moins de 18 ans. Honorables sénateurs, à quoi sert-il d'adopter des lois si on ne prévoit pas les ressources nécessaires pour les appliquer? J'ai présenté une recommandation sous forme d'observation et non d'amendement afin que le projet de loi puisse être renvoyé au Sénat.

La traite des personnes est un crime horrible, et c'est encore pire quand des jeunes sont en cause. Si les sénateurs entendaient quelques-unes des histoires concernant ces jeunes, ils en seraient tout retournés. Nous voulons tous que les personnes jugées coupables soient sévèrement punies à cause des effets de ce crime sur les victimes, dont beaucoup comptent parmi les membres les plus vulnérables de notre société.

Honorables sénateurs, je voudrais remercier Joy Smith de sa contribution à la lutte contre la traite des personnes. Je voudrais également profiter de l'occasion pour remercier le sénateur Gerard « Jigger » Phalen, qui a précédemment déposé un projet de loi sur la traite des personnes.

L'honorable Sharon Carstairs : Madame le sénateur accepterait- elle de répondre à une question?

Le sénateur Cordy : Avec plaisir.

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, je dois dire en toute franchise que je suis surprise que des observations de toute évidence positives soient rejetées par un comité sénatorial. Le même incident s'est produit récemment au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Des observations présentées ont été rejetées.

Le sénateur a une assez longue expérience du Sénat. À sa connaissance, y a-t-il eu d'autres occasions où des observations ont été rejetées par la majorité des membres d'un comité?

Le sénateur Cordy : Honorables sénateurs, j'ai vraiment été surprise moi-même. Comme je l'ai dit plus tôt, je n'ai pas présenté un amendement car je croyais que tous les sénateurs souhaitaient que le projet de loi soit adopté. Je ne suis pas sûre que les peines obligatoires constituent une solution, mais je suis prête à leur laisser une chance de faire leurs preuves.

Pour cette raison, le sénateur Dyck et moi avons présenté des observations. Le projet de loi C-268 n'est pas une initiative ministérielle, même si le gouvernement a agi comme si c'était le cas. Comme je l'ai dit par la suite à plusieurs sénateurs, lorsque nous, libéraux, étions au gouvernement, à ma connaissance — cela fera 10 ans ce mois-ci que je suis au Sénat —, les solutions adoptées étaient telles que tout le monde était gagnant. Le gouvernement faisait adopter ses projets de loi, et l'opposition présentait des observations que le ministre pouvait examiner en vue d'améliorer les mesures législatives en cause. C'était un gain pour le gouvernement et un gain pour l'opposition. Tous les participants avaient l'impression d'avoir fait du bon travail.

Dans le cas présent, je n'ai pas eu l'impression que le comité avait agi en collaboration. C'était la deuxième fois que nous proposions des observations et qu'elles étaient rejetées par les ministériels. J'espère que cette expérience n'augure pas de ce que nous réserve l'avenir. J'espère qu'on n'a pas dit aux représentants du gouvernement que les observations sur les projets de loi ne sont pas permises.

L'honorable Anne C. Cools : Est-ce que le sénateur Cordy accepterait de répondre à une autre question?

Le sénateur Cordy : Oui.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Cordy a suivi le débat sur ce projet de loi, qui est censé protéger les enfants. Toutefois, j'ai appris que, au cours de son étude, le comité n'a pas entendu un seul témoin représentant le secteur de la protection de l'enfance.

C'est un projet de loi aussi intéressant qu'important, car il est rare que le Sénat soit saisi d'une mesure concernant les enfants. Il est rare de voir des projets de loi fédéraux traitant des enfants parce que leur protection et beaucoup de questions connexes relèvent de la compétence provinciale, en vertu de la Constitution.

Honorables sénateurs, dans ces conditions, lorsqu'un tel événement rare se produit, j'ai souvent dit qu'il faut saisir l'occasion pour examiner la situation avec soin, du point de vue de la protection de l'enfance et des milliers de travailleurs qui s'occupent de ces énormes problèmes sur une base quotidienne.

Comme madame le sénateur est membre du comité, peut-elle nous expliquer les raisons pour lesquelles aucun témoin de ce genre n'a été appelé à comparaître?

Le sénateur Cordy : Honorables sénateurs, le sénateur Cools soulève une excellente question. Aucun organisme de protection de l'enfance n'était représenté parmi les témoins. Je suis bien d'accord avec elle pour dire que le comité aurait dû entendre de tels témoins.

Le projet de loi nous a placés face à un dilemme. Nous souhaitions l'améliorer, mais nous comprenions en même temps que, du point de vue des relations publiques — si je peux m'exprimer ainsi —, les gens veulent que cette mesure soit adoptée rapidement. Il est regrettable qu'aucun organisme de protection de l'enfance n'ait comparu devant le comité. Il y a tant de choses que nous ne savons pas. Certains témoins nous ont dit que la GRC ne sait pas vraiment si la traite des enfants augmente ou diminue. Je veux croire qu'elle diminue, mais il est très probable qu'elle augmente. Nous savons que, dans l'ensemble, la traite des personnes a dépassé en importance le trafic des armes à feu.

Nous devrions peut-être examiner toute la question de la traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle, et pas seulement dans le cas des personnes âgées de moins de 18 ans.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, je me suis absentée pendant une semaine pour assister à une conférence. À mon retour, le comité avait déjà commencé et terminé ses audiences. Dans les renseignements que j'ai réussi à glaner, j'ai souvent entendu les expressions « exploitation sexuelle » et « services sexuels ». Quand j'ai regardé pour la dernière fois, le Code criminel ne faisait pas mention de services que des enfants pouvaient donner à des adultes. Autrement dit, le Code criminel parle de relations sexuelles illicites, de corruption des mœurs des jeunes, entre autres., mais n'assimile aucune activité sexuelle avec des enfants à des « services ».

Je voudrais demander au sénateur Cordy ce qu'elle en pense parce que j'ai l'impression qu'on tente de substituer l'expression « traite des personnes » aux relations sexuelles illicites avec des jeunes. La question est grave.

Honorables sénateurs, il y a bien des années, des équipes entières s'occupaient de ce domaine. Je ne sais pas si le sénateur Cordy peut se souvenir de l'époque où certains services de police avaient une escouade de la moralité. Honorables sénateurs, si nous parlons des enfants et de la propagation des agressions sexuelles contre eux, alors nous nous occupons de la protection de l'enfance, qui relève des provinces. Mais nous n'avons pas examiné cette question. Je me demande si le sénateur Cordy peut clarifier toute cette question des services sexuels.

(1700)

Le sénateur Cordy : Honorables sénateurs, le sénateur Cools est très aimable d'affirmer que je ne suis peut-être pas assez vieille pour me souvenir, étant donné que mon anniversaire marquant est en juillet de cette année. Je l'en remercie.

Le sénateur Cools a raison. Nous avons beaucoup modifié la loi. Plutôt que de parler de « rapports sexuels illicites », nous disons « traite ». Parfois, lorsque nous épurons la terminologie, ce que nous avons tendance à faire trop souvent, les nouveaux termes ne sont pas aussi descriptifs que les anciens et ne nous donnent pas une image claire de l'horreur que subissent des jeunes au Canada.

Plus le sénateur Cools pose ce genre de questions, plus je suis convaincue que nous devons étudier tout le sujet. Il y a tant de questions sans réponses, honorables sénateurs. Pendant les audiences de notre comité, certains témoins entendus ont été incapables de nous donner toutes les réponses.

Malheureusement, nous avons constaté que les seules personnes qui ont été condamnées sont celles qui ont plaidé coupable. Nous n'avons donc pas pu mettre le processus à l'épreuve. Je suis un peu nerveuse à ce propos et le sénateur Dyck a beaucoup fait allusion à la situation dans son discours : si les gens savent qu'il y a une peine minimale obligatoire, ils ne seront peut-être pas aussi enclins à plaider coupable. Cela signifie que de jeunes enfants devront témoigner devant le tribunal, ce qui les victimise une fois de plus, car ils doivent alors revivre tous les sévices subis. Je remercie le sénateur Cools de son excellente question.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, il y a tant de questions à poser. La présidence du comité n'a pas encore parlé. J'espère que nous obtiendrons les réponses à certaines des questions. Quoi qu'il en soit, je remercie sincèrement le sénateur Cordy.

Honorables sénateurs, pour ce qui est du changement de terminologie, peut-être le jargon des relations publiques se transforme-t-il aussi. D'après ce que je comprends, il n'y a pas eu de changement de terminologie dans le Code criminel. J'ignore si le sénateur Cordy voudrait parler de cela. J'espérais que nous obtiendrions un portrait des auteurs de la traite des personnes. Qui sont ces gens?

Son Honneur le Président intérimaire : Le temps accordé au sénateur Cordy est écoulé. Notre collègue veut-elle plus de temps pour répondre à cette question?

Le sénateur Cordy : Oui, je laisserai le sénateur Cools terminer sa question. J'ai besoin de tout au plus cinq minutes.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Tout au plus cinq minutes.

Le sénateur Cools : Je vous demande pardon?

Son Honneur le Président intérimaire : Madame le sénateur Cordy dispose de cinq minutes.

Le sénateur Cools : J'ai eu de la difficulté à découvrir qui sont les trafiquants. Qui sont-ils? D'où viennent-ils? Quel âge ont-ils? Quels sont leurs traits de caractère? Madame le sénateur pourrait-elle nous dresser le portrait de ces personnes?

Le sénateur Cordy : Honorables sénateurs, je crains ne pas être en mesure de dresser le portrait du trafiquant moyen. Cependant, aucun d'entre nous ne voudrait rencontrer l'un de ces trafiquants, parce qu'ils font des choses horribles. Je peux donner l'assurance au sénateur que le président du comité lira sa question aujourd'hui et qu'il inclura peut-être quelques réponses dans son discours demain.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, j'ai une dernière question à poser au sénateur Cordy. Comme le sait madame le sénateur, la protection des enfants est du domaine exclusif de Sa Majesté et de son attornatus rex, le procureur du roi et le procureur général. Madame le sénateur a-t-elle été en mesure de découvrir pourquoi ce projet de loi a été présenté en tant que projet de loi d'initiative parlementaire et non en tant que projet de loi d'initiative ministérielle sous la direction du procureur général du Canada?

Le sénateur Cordy : Honorables sénateurs, je ne suis pas habilitée à répondre à cette question. Il me semble que le gouvernement, tout au long de l'étude, l'a traité comme un projet de loi d'initiative ministérielle sous la direction du procureur général du Canada. Le sénateur a raison, il a bel et bien été présenté en tant que projet de loi d'initiative parlementaire. Il aurait peut-être été avantageux de le présenter en tant que projet de loi gouvernemental révélant du procureur général. Je ne sais pas comment cela s'est produit. Le sénateur devrait poser la question aux sénateurs d'en face

(Sur la motion du sénateur Cordy, au nom du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)

L'étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur de l'énergie

Quatrième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles—Fin du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat tendant à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, intitulé Conférence GLOBE 2010 : au-delà de la science, déposé au Sénat le 27 mai 2010.

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, je prends la parole pour faire écho aux propos du sénateur Banks la semaine dernière, quand il a recommandé aux sénateurs de prendre le temps de lire le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui présente nos conclusions concernant la Conférence GLOBE 2010, tenue à Vancouver.

Honorables sénateurs, la conférence était très intéressante du fait que plus de 80 pays y ont participé. Elle a fait ressortir un vaste éventail de débouchés pour les entreprises du Canada et d'autres pays qui veulent contribuer à contrôler les émissions de gaz à effet de serre en utilisant les nouvelles technologies et des carburants de remplacement. De plus, certaines importantes mesures de conservation ont été proposées.

La conférence a attiré un mélange intéressant de décideurs gouvernementaux, de cadres d'entreprise et de chefs de file dans l'industrie de l'environnement. Comme le sénateur Banks l'a dit l'autre jour, les séances plénières et les ateliers ont favorisé une synergie parmi les participants, qui venaient de milieux différents.

Honorables sénateurs, nous étions heureux d'y participer parce que relativement peu de représentants gouvernementaux y sont allés. Nous avons pu présenter des idées intéressantes du point de vue du gouvernement canadien et du Parlement étant donné que nous avions jugé utile de consacrer à cette conférence le temps et l'énergie nécessaires.

La chose qui nous a tous frappés, je pense, est le fait que l'économie canadienne et les économies du monde entier évoluent. Bon nombre des participants à la conférence mènent des activités commerciales qui n'existaient pas il y a 10 ans et auxquelles on n'aurait même pas pu songer alors. L'entreprise privée avance à grands pas pour aider le monde à s'adapter à la réduction des émissions de carbone. Quand ce mouvement bénéficiera de ressources supplémentaires et d'un appui politique, les sénateurs verront d'importants changements se produire au fil du temps.

La conférence a mis en évidence les possibilités de participation des entrepreneurs canadiens à cette révolution économique et sociale d'envergure qui s'avérera un jour être toute aussi marquante, sinon plus, que la révolution industrielle. Les Canadiens pourront profiter de ces occasions d'affaires considérables et contribuer à l'avancement de notre pays.

Pour conclure, honorables sénateurs, je vous conseille de prendre le temps de lire le rapport et d'en comprendre l'importance. Le secteur de l'approvisionnement énergétique occupera une place importante dans l'économie canadienne et, par conséquent, dans les délibérations futures du Sénat.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'ai quelques observations à faire concernant les interventions du sénateur Lang, du sénateur Banks et du sénateur Angus, président du Comité de l'énergie. Je partage tout à fait leur opinion et j'aimerais souligner plusieurs points. J'ai quelques autres observations à faire, également.

Comme l'a dit le sénateur Lang, cette conférence internationale réunissant 80 pays a été remarquable. Ce n'est pas seulement la conférence, mais aussi sa renommée, qui est internationale. Cette conférence influente, qui s'apparente à un salon professionnel, a lieu tous les deux ans à Vancouver, au Canada. Y sont invités d'excellents orateurs de renom du milieu des affaires, d'organisations non gouvernementales, d'organisations communautaires et de l'industrie. Le secteur privé y est représenté en grand nombre. Ses représentants assistent à la conférence dans le seul but de découvrir des perspectives de développement économique, d'exploiter le potentiel commercial de l'environnement et le potentiel d'entreprises et d'activités commerciales dans le domaine de l'environnement.

(1710)

On m'a signalé à la conférence que le marché international des produits verts a maintenant une valeur annuelle de 7 700 milliards de dollars, ce qui représente 50 p. 100 de l'ensemble de l'économie des États-Unis. J'avais l'impression qu'il y avait des milliers de participants qui comprenaient ce fait tant implicitement qu'explicitement.

Le salon professionnel est une caractéristique particulièrement intéressante de la conférence, qu'on ne trouve pas souvent dans des rencontres de cette nature. J'ai été impressionné par les inventions récentes qui sont commercialisées et réalisent des bénéfices. Ces inventions viennent de tous les coins du monde. Beaucoup de gens essaient de les vendre ici, au Canada, où ces produits sont le plus souvent inexistants. J'ai également trouvé remarquable le niveau du développement international des produits commerciaux et des résultats de la recherche.

J'ai également trouvé très dynamisante l'atmosphère de Vancouver, en Colombie-Britannique. Tant la ville que la province sont extraordinaires par le leadership qu'elles manifestent non seulement au Canada, mais partout dans le monde sur le plan de l'environnement et des progrès réalisés dans ce domaine. Le maire de Vancouver a pris la parole au cours de la plénière d'ouverture pour souligner que la ville est déterminée à devenir la plus verte du monde. Elle est actuellement la plus verte du pays, mais elle veut devenir la plus verte du monde d'ici 2020.

J'ai eu l'occasion de bavarder avec le premier ministre de la Colombie-Britannique. J'ai trouvé très inspirants son enthousiasme et son énergie au sujet de ce qui se passe à Vancouver. Bien sûr, c'était immédiatement après les Jeux olympiques, mais il y a tant de choses qui se produisent. Le gouvernement de la province a une empreinte carbone nulle. Il a établi le Pacific Carbon Trust afin de développer les crédits et les entreprises pouvant réduire et compenser le carbone produit par les opérations gouvernementales. Le gouvernement a chargé un ministre de la responsabilité exclusive des changements climatiques. C'est probablement la première nomination de ce genre en Amérique du Nord et dans beaucoup d'autres régions du monde.

La Colombie-Britannique a établi un prix du carbone. Elle a une taxe sur le carbone. Je ne sais pas quelle proportion de la population canadienne la province représente, mais ses habitants sont les seuls du Canada à assumer une taxe sur le carbone.

Nous étions tout près du grand centre des conférences, qui constitue en soi un symbole de l'application pratique de la politique environnementale avec son toit couvert de pelouse, qui assure toutes sortes d'avantages environnementaux.

Je voudrais formuler un certain nombre d'observations. Premièrement, je veux reconnaître, une fois de plus, le travail du sénateur Richard Neufeld, qui a contribué à cet extraordinaire progrès environnemental et à ce développement énergétique d'une manière positive et durable lorsqu'il était ministre des Ressources naturelles.

Je veux également féliciter la députée libérale Joyce Murray, qui exerçait les fonctions de ministre de l'Environnement pendant une partie de cette période. Mme Murray et le sénateur Neufeld ont certainement bien travaillé ensemble et ont beaucoup accompli, dans le cadre d'une structure où s'exerçait un vrai leadership et où de grandes choses étaient réalisées.

Je voudrais également formuler quelques observations générales. Notre rapport est intitulé Au-delà de la science pour projeter l'idée que les gens ne discutent plus de la réalité des changements climatiques, ayant déjà accepté le fait qu'ils existent. Les gens savent que l'activité humaine modifie le climat et qu'ils doivent faire quelque chose pour y remédier. Toutefois, ils savent aussi qu'ils peuvent — si je peux m'exprimer ainsi — tirer parti des changements climatiques pour développer la nouvelle économie dont le sénateur Lang a parlé. Ils veulent cependant qu'il y ait une collaboration à cet égard entre le gouvernement, les entreprises et les particuliers. Ils sont à la recherche de leadership, particulièrement de la part du gouvernement, pour qu'il y ait des règles du jeu équitables, une certaine sécurité et une orientation relativement précise.

À la conférence, les orateurs ont dit que nous devons non seulement examiner les produits énergétiques que nous mettons au point et leurs émissions, mais aussi tenir compte des relations entre consommateurs, consommation et durabilité. Nous ne pouvons pas perdre de vue ces relations. Ce point se rattache à des questions telles que la construction d'édifices consommant moins d'énergie.

Les orateurs ont signalé — et cela est important pour tous ceux d'entre nous qui comprennent et apprécient Jane Jacobs et le rôle des villes dans les économies du XXe et du XXIe siècles — que les villes constituent les moteurs naturels et centraux de ce genre de développement économique vert.

Beaucoup d'orateurs ont exprimé leur appui au principe de la capture et du stockage du carbone, en reconnaissant les problèmes qui existent, mais en expliquant qu'il s'agit d'une importante technologie qu'il faut perfectionner.

Le haut-commissaire du Royaume-Uni au Canada, Anthony Cary, a prononcé un puissant discours sur les changements climatiques. Il a présenté un argument important que je n'avais jamais entendu auparavant : chacune des étapes de la capture et du stockage du carbone est établie sur le plan technique, et il ne reste plus qu'à intégrer toutes les étapes pour aboutir à un procédé commercial.

Nous devons traiter le talent exactement comme nous traitons les autres ressources. Cette idée m'a vraiment frappé. Nous devons traiter le talent d'une manière qui en assure la durabilité. Nous ne pouvons pas penser que, pour acquérir le personnel technique spécialisé dont notre économie future aura besoin, nous pourrons toujours les trouver dans d'autres pays. Nous devons développer le talent chez nous, au Canada.

Le chef de mon parti a dit qu'il y aura beaucoup d'emplois pour lesquels nous n'aurons pas de candidats. Nous devons tout de suite remédier à cette pénurie. Le même argument a été avancé à la conférence par d'importantes personnalités du monde des affaires et d'autres secteurs.

Le PDG de Masdar, compagnie d'électricité des Émirats arabes unis, est déterminé à construire dans ce pays une nouvelle ville neutre en carbone. Il est en train de commercialiser cette idée partout dans le monde. Le pays ne manque pas de produits énergétiques au carbone. Il a en fait bâti son économie sur de tels produits. Toutefois, il envisage l'avenir et les perspectives qui s'offrent. Le PDG de Masdar a présenté un puissant exposé dans lequel il a expliqué que son entreprise est en train de trouver les moyens d'alimenter la nouvelle ville en énergie au moyen de sources renouvelables, en se passant complètement des sources traditionnelles qui émettent du carbone.

La Banque HSBC est la première grande institution financière à devenir neutre en carbone. Ce n'est pas une petite organisation. Si la Colombie-Britannique peut atteindre cet objectif en ce qui concerne les opérations gouvernementales et si la Banque HSBC peut le faire dans ses propres opérations, il me semble que le gouvernement du Canada devrait lui aussi se fixer cet objectif.

J'ai trouvé intéressant le débat qui s'est déroulé après les exposés des panélistes. Parmi les arguments intéressants qui ont été avancés, il y en a un qui a retenu mon attention : la durabilité doit comprendre un élément de bon sens. Un intervenant a expliqué que s'il est répréhensible de jeter des déchets par terre, il est tout aussi répréhensible de rejeter des choses dans l'atmosphère.

Un autre intervenant a dit qu'il ne restait plus de temps. Nous allons manquer de temps pour combattre les changements climatiques.

J'ajouterai un corollaire à cet énoncé : Nous allons manquer de temps pour tirer parti de toutes les perspectives économiques qui s'offriront une fois que les pays auront commencé à examiner les moyens de combattre les changements climatiques. Nous ne devons pas prendre du retard à cet égard.

Cette conférence a été utile à tous les membres de notre comité qui y ont assisté. Je remercie le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration qui a mis à notre disposition les ressources nécessaires pour participer à la conférence. Je demande au comité de ne pas perdre de vue que nous avons beaucoup plus de travail à faire et que nous aurons besoin de son appui à l'avenir.

Son Honneur le Président : Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, nous allons considérer que le débat est clos.

L'étude des instruments d'épargne canadiens

Troisième rapport du Comité des banques et du commerce—Fin du débat

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé L'épargne-retraite : la clé d'une retraite confortable, présenté au Sénat le 10 juin 2010.

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, je serais négligent si je ne faisais pas quelques brèves remarques au sujet du rapport provisoire du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, que j'ai eu l'honneur de présenter au Sénat le jeudi 10 juin.

Intitulé L'épargne-retraite : la clé d'une retraite confortable, ce rapport a eu pour point de départ une simple suggestion du ministre des Finances, qui trouvait qu'il serait utile que le comité se penche sur la question des régimes enregistrés d'épargne-retraite et des comptes d'épargne libres d'impôt — les REER et les CELI — et sur la façon d'inciter les Canadiens à en faire un plus grand usage. J'ai par la suite proposé cette idée comme sujet d'étude aux membres du comité, qui ont convenu que c'était un sujet que nous devions étudier.

En effet, la première phase de l'examen a consisté en la contribution du comité aux consultations en ligne et aux tables rondes sur le système de revenu de retraite du Canada menées d'un bout à l'autre du pays par le ministre des Finances. Comme il l'a mentionné dans un communiqué du ministère des Finances le 24 mars :

Les consultations alimenteront les discussions lors de la prochaine rencontre des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux des Finances.

Dans le même communiqué, le ministre a déclaré qu'il :

[...] a aussi demandé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et au Comité permanent des finances de la Chambre des communes d'appuyer les efforts du gouvernement grâce à leurs propres travaux de recherche sur le système de revenu de retraite soutenu par l'État.

(1720)

Honorables sénateurs, je crois parler pour tout le comité en disant que nous sommes heureux d'avoir pu rendre ce rapport provisoire public avant la réunion des ministres des Finances fédéral, provinciaux et territoriaux qui a eu lieu à Charlottetown, la fin de semaine dernière, les 13 et 14 juin.

[Français]

Nous espérons présenter nos recommandations dans un rapport final, mais nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour produire un texte aussi étoffé que l'exige un enjeu d'une telle importance ni pour élaborer le type de recommandations qui soient dignes des normes toujours élevées du comité.

Nous avons cependant préparé un rapport de quelque 43 pages, qui représente une bonne partie des travaux que le comité a effectués jusqu'à maintenant sur les instruments d'épargne-retraite.

Au cours de son étude, le comité a tenu six audiences, et 26 groupes et particuliers intéressés lui ont fait part de leurs commentaires de vive voix ou au moyen d'un mémoire.

En plus de donner un aperçu de l'historique des régimes enregistrés d'épargne-retraite et des comptes d'épargne libre d'impôt, de la conception de ces instruments, de leur utilisation et des dépenses fiscales qu'ils entraînent pour le gouvernement fédéral, le rapport énonce et catégorise quelques-uns des témoignages et présentations reçus oralement ou par écrit.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je veux féliciter les témoins de la qualité des renseignements qu'ils ont fournis au comité. Les témoignages entendus dans le cadre de notre étude suscitent la réflexion. J'incite tous ceux qui s'intéressent à la sécurité du revenu de retraite de prendre le temps, au cours des prochains mois, d'examiner attentivement les opinions et les propositions de changement contenues dans ce rapport. Le résumé des témoignages est non seulement intéressant et instructif, mais il pourrait aussi suggérer des moyens d'assurer la sécurité de la retraite des Canadiens à l'avenir.

Honorables sénateurs, en terminant, je veux souligner que ce rapport provisoire ne met pas fin à l'examen du Comité des banques et du commerce sur cette importante question. Il prépare plutôt le terrain pour un deuxième rapport que le comité prévoit présenter bien avant la fin de 2010. Les membres du comité s'attendent à ce que ce deuxième rapport présente des recommandations précises sur la voie à suivre, plus particulièrement en ce qui concerne les façons d'encourager les travailleurs autonomes et les travailleurs des petites entreprises à épargner en vue de leur retraite.

Son Honneur le Président : Si personne d'autre ne désire intervenir, honorables sénateurs, nous allons considérer que le débat sur ce rapport est clos.

La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
La Loi sur les Cours fédérales

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

[Français]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je propose que la deuxième lecture de ce projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour dans un jour.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Comeau, nonobstant l'article 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Question de privilège

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, avant de passer au Feuilleton des avis, j'aimerais répondre à la question de privilège qui a été soulevée par le sénateur Fraser le jeudi 10 juin dernier.

Après avoir revu la transcription des délibérations de cette journée-là, j'en arrive à la conclusion qu'il est évident qu'il y a eu échange d'opinions pendant la période des questions, mais il est également clair qu'il n'y a pas matière à question de privilège. Comme je l'ai souligné précédemment, je suis d'avis que, dans l'espoir de marquer des points politiques contre le gouvernement, les partis d'opposition ont tenu des propos extrêmement négatifs, sans tenir compte des répercussions qu'ils pourraient avoir sur l'image du Canada à l'échelle internationale. Nous en avons été particulièrement témoins juste avant l'ouverture des Jeux olympiques de Vancouver, et nous le sommes encore aujourd'hui alors que le Canada se prépare à accueillir les participants des sommets du G8 et du G20.

Cela dit, je tiens à souligner que j'espère sincèrement que les sénateurs d'en face ne s'offusqueront pas de mes propos. Comme je l'ai affirmé alors, je n'avais pas l'intention de laisser entendre que les sénateurs d'en face manquent de patriotisme, parce que je sais pertinemment que ce n'est pas le cas. Je vous remercie, honorables sénateurs.

L'honorable Joan Fraser : Ces propos sont probablement ce qui se rapproche le plus d'une excuse en bonne et due forme, Votre Honneur, et je vais les accepter comme tels. Je remercie madame le sénateur LeBreton de l'appui inconditionnel qu'elle a manifesté à l'égard de l'attachement des sénateurs de notre côté et de tous les côtés du Sénat à notre pays et je retire donc ma question de privilège.

(La question de privilège est retirée.)

La chasse au phoque commerciale

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Mac Harb, ayant donné avis le 8 juin 2010 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le fait que, par son absence de leadership devant l'effondrement de la chasse commerciale du phoque, le gouvernement a manqué à son devoir envers les Canadiens et s'est aliéné ses partenaires commerciaux étrangers.

— Honorables sénateurs, la chasse commerciale au phoque s'est terminée officiellement hier soir, le 14 juin, pour l'année 2010, et 66 000 phoques, sur un quota admissible de 335 000, ont été tués.

Devant l'effondrement de la chasse commerciale au phoque, le gouvernement a fait preuve d'un étonnant manque de leadership, il a déçu les chasseurs de phoque, il a provoqué la colère des Premières nations, il s'est aliéné ses principaux partenaires commerciaux et, le comble, il a trahi les Canadiens.

En 2008, lorsque l'Union européenne a proposé d'interdire le commerce des produits du phoque, le gouvernement actuel a dit aux chasseurs de phoque de ne pas s'inquiéter. Voici ce que la ministre Shea a dit à l'époque :

Nous sommes extrêmement déçus par la décision de la Commission européenne [...] mais les choses ne changeront pas.

Le gouvernement ne prêtait-il donc pas attention à la situation? Cette interdiction entre en vigueur cet été. Le marché s'effondrera et le gouvernement aura perdu deux ans pendant lesquels les personnes concernées auraient pu entreprendre de nouveaux projets.

Le gouvernement a dit aux chasseurs que la situation s'améliorerait dans peu de temps. Eh bien, ce peu de temps est passé. Ceux qui ont cru que le gouvernement ferait preuve de leadership se sont vite aperçus qu'il n'avait pas respecté ses promesses et qu'il avait suscité de faux espoirs. Le gouvernement a fait semblant de s'intéresser à leur sort.

Alors qu'il aurait dû se relever les manches, s'asseoir à la table avec les intervenants et tracer la voie vers un avenir plus viable, il a pris des mesures inutiles, voire dommageables, par exemple lorsqu'il a fait adopter à l'unanimité à la Chambre des communes une motion obligeant les athlètes canadiens à porter des vêtements en peau de phoque aux Jeux olympiques de Vancouver.

(1730)

Des fonctionnaires ont assisté à séance de photo au restaurant du Parlement, où un repas de viande de phoque a été servi. Le gouvernement a gaspillé l'argent des contribuables pour commander une étude sur l'abattage possible et l'incinération, au coût de 35 millions de dollars, de 220 000 phoques gris de l'île de Sable. Il a dépensé des millions de dollars en missions politiques et bureaucratiques en Europe pour défendre une industrie condamnée. Il a participé à des défilés de mode en Chine, dans l'espoir de vendre aux Chinois davantage que des pénis de phoque.

Voilà le genre de mesures que le gouvernement a prises, il a embarrassé les Canadiens lors d'une récente réunion du G7 en tentant d'obliger nos invités étrangers à manger de la viande de phoque. Encore une fois, il a perdu deux précieuses années en n'offrant pas aux chasseurs de phoque le soutien généralement offert à ceux qui sont intéressés à profiter des possibilités viables à long terme. Ces opérations de relations publiques n'ont répondu en rien aux besoins des Canadiens.

L'Union européenne est le deuxième partenaire commercial en importance du Canada. Le gouvernement négocie actuellement un accord de libre-échange historique qui pourrait donner un coup de fouet de 20 p. 100 aux échanges bilatéraux et entraîner une augmentation du PIB du Canada allant jusqu'à 12 milliards de dollars d'ici 2014. Toutefois, le fait que le gouvernement défende la chasse au phoque fait obstacle à l'entente. Faisons le calcul. La chasse au phoque a rapporté moins de 1 million de dollars l'année dernière. Quelle partie de « 12 milliards de dollars » le gouvernement ne comprend-il pas?

[Français]

Afin de justifier sa mesure malavisée et le gaspillage de davantage de deniers publics, le gouvernement tente de nous faire croire qu'il peut faire tomber l'interdiction américaine en la contestant devant l'OMC. Et ce sont les Canadiens qui paieront la facture de plus de 10 millions de dollars de cette vaine contestation, malgré le fait que les pays de l'Union européenne a tout ont fait le droit de bannir pareils produits s'ils le veulent.

L'Union européenne a pris cette décision parce que telle était la volonté de leurs citoyens et que leurs besoins l'exigeaient. Compte tenu du soin avec lequel l'Union européenne a rédigé l'interdiction, la contestation échouera.

[Traduction]

Honorables sénateurs, il est intéressant de noter que les États- Unis interdisent le commerce des produits de la chasse au phoque commerciale depuis près de 40 ans — depuis 1972 — et que le gouvernement ne fait rien pour remettre cela en question. Aucune véritable mesure n'a été prise pour en appeler auprès de l'Organisation mondiale du commerce concernant les interdictions semblables imposées par les Pays-Bas ou la Belgique. À mon avis, le gouvernement sait que ces contestations seront rejetées.

Pourquoi gaspiller nos rares ressources à tenter de gagner des marchés étrangers alors que la majorité, dans le monde, a clairement fait savoir que cette chasse n'était pas viable? Déjà, des groupes de citoyens s'activent à obtenir que des endroits comme la Russie, Hong Kong, l'Australie, Israël et l'Amérique du Sud adoptent des interdictions semblables à celle de l'Union européenne.

Honorables sénateurs, un sondage d'Environics réalisé tout juste le mois dernier montre que 70 p. 100 des Canadiens sont d'accord pour dire que le refus obstiné du gouvernement d'interdire la chasse au phoque commerciale nuit à la réputation internationale du Canada. Toutefois, ce n'est pas le pire. Le gouvernement a aussi laissé tomber les Inuits et les collectivités autochtones qui dépendent de la chasse. Quand l'Union européenne a interdit ce commerce, des exemptions précises avaient été accordées afin que les collectivités inuites puissent continuer à vendre les produits tirés de leur chasse traditionnelle. Compte tenu de cette exemption, le gouvernement fédéral avait le devoir de s'assurer que les chasseurs du Nord conserveraient leur accès au marché.

Le gouvernement savait que cette interdiction allait être imposée. Il savait que les Inuits et tous les chasseurs autochtones pourraient compter sur cette unique exemption. Pourtant, moins de deux ans plus tard, et avant même que l'interdiction devienne effective, la première ministre du Nunavik, Eva Aariak, déclarait :

La récente interdiction des produits du phoque par l'Union européenne vise le phoque du Groenland, mais elle a grandement réduit le marché de la fourrure de phoque annelé du Nunavut.

Que s'est-il produit? Où était le gouvernement fédéral? Quelles mesures a-t-il prises? Le gouvernement n'a pas pris la moindre mesure concrète. Il a plutôt fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter de faire la distinction entre la chasse de subsistance restreinte des Inuits et la chasse à grande échelle de l'industrie commerciale du phoque dans l'espoir que cela influerait sur l'opinion mondiale. Que disait ce bon vieux Harry Truman? « Si vous ne pouvez les convaincre, semez le doute dans leur esprit. »

Les observateurs de l'industrie ont fait remarquer que, si le gouvernement avait à cœur les intérêts des collectivités inuites, il ne les aurait jamais utilisées comme outil de promotion d'une industrie commerciale mourante. Le gouvernement a le devoir de travailler avec les Inuits à la conception d'une stratégie de mise en marché qui leur permette de tirer avantage de leur accès unique à tout le marché européen, et d'en récolter les bénéfices. Quelle aide est offerte aux Inuits? Ces collectivités vulnérables et leurs chasseurs de subsistance encaissent le contrecoup.

Lorsque la ministre des Pêches et des Océans a déclaré ceci : « Nous lutterons pour améliorer l'accès aux marchés. Nous collaborerons avec l'industrie pour développer de nouveaux débouchés pour les produits du phoque canadiens », elle ne donnait que de faux espoirs aux chasseurs quant à l'avenir de leur industrie.

Le gouvernement nie obstinément une fois de plus les faits au lieu de s'efforcer de développer des emplois durables pour les collectivités des provinces de l'Atlantique et du Québec affectées par l'interdiction. Ce refus du gouvernement de se rendre à l'évidence nuit à tout le monde.

Lorsque la saison de la chasse au large de Terre-Neuve a débuté cette année, moins de 50 bateaux ont pris la mer, comparativement à 500 l'année précédente. Que fait le gouvernement? Dans un geste déconcertant, il a fait passer le total autorisé des captures, ou TAC, à 50 000, portant ainsi le quota à 335 000 prises. N'oubliez pas, sénateurs, que seulement 66 000 phoques ont été capturés l'année dernière. Même les chasseurs de phoque ont trouvé cette décision étrange. Larry Easton, un chasseur de phoque de Terre-Neuve, a même déclaré : « Maintenant qu'il n'y a plus de marché, ils nous permettent de chasser 50 000 phoques de plus. C'est insensé. »

Il y a aussi la commande plutôt mystérieuse de peaux de phoque, qui a fait passer la demande d'un creux historique de 15 000 peaux à 72 000 peaux en moins d'une semaine, portant ainsi le prix d'une peau à 20 $. Cela s'est produit juste comme la saison de la chasse débutait à Terre-Neuve, malgré le fait que des peaux plus chères provenant des années précédentes étaient toujours empilées dans des entrepôts. Dans le golfe du Saint-Laurent, le seul bateau parti à la chasse au phoque n'a trouvé preneur que pour la viande et a été obligé de jeter 2 200 peaux à la mer. Est-ce que le gouvernement ou ses représentants sont responsables de cette soudaine hausse de la demande de peaux? Si c'est le cas, les Canadiens et les chasseurs de phoque ont le droit de savoir s'il s'agissait d'une véritable demande, ou simplement d'une demande fabriquée de toutes pièces aux frais des contribuables.

Lorsqu'on a interrogé la ministre des Pêches et des Océans au sujet de la chasse commerciale au phoque, elle a répondu ceci :

[...] je m'occupe de ce dossier en priorité depuis que je suis à Pêches et Océans, et celui-ci a sans doute pris beaucoup plus de mon temps que n'importe quel autre dossier.

Qu'en est-il des autres dossiers? Qu'en est-il de l'effondrement des stocks de saumon sauvage du Pacifique et des problèmes concernant l'aquaculture sur la côte Ouest? Qu'en est-il du déclin du marché du crabe des neiges et du homard ou du boycott actuel des produits canadiens de fruits de mer? Qu'en est-il du plan d'urgence pour faire face aux conséquences de l'appréciation du dollar canadien et du prix relativement élevé de l'essence pour l'industrie de la pêche? Qu'en est-il de la diminution des stocks de poisson dans les Grands Lacs causée par la mauvaise santé de l'écosystème aquatique et la disparition de l'habitat du poisson? Que dire des droits punitifs imposés par l'Union européenne sur les importations canadiennes de crevettes? Et finalement, que dire de l'absence d'un quai même le plus rudimentaire pour accueillir le bateau de recherche pour la construction duquel le gouvernement a promis 2,2 millions de dollars et qui aura pour mandat d'étudier l'avenir d'une possible industrie lucrative de la pêche dans le Nord? Le bateau n'a aucun endroit pour se mettre à quai. Que dire de cela?

L'industrie de la pêche au Canada génère environ 12 milliards de dollars d'activités économiques chaque année. Ces autres dossiers mériteraient peut-être un peu plus d'attention, madame la ministre. Accordons notre soutien aux industries qui reposent sur des produits qui disposent d'un marché et qui ont de l'avenir et aidons-les à croître. Accordons notre appui aux Canadiens touchés par la fin de la chasse commerciale au phoque et aidons-les à se réorienter vers des industries viables.

Un récent sondage Ipsos Reid révèle que la moitié des chasseurs de phoque de Terre-Neuve ayant répondu au sondage seraient prêts à accepter une offre fédérale de rachat de l'industrie du phoque qui les indemniserait pour les pertes de revenus et qui permettrait l'élaboration de solutions de rechange. Le gouvernement doit faire preuve de leadership et consentir un investissement qui rapporterait quelque chose à ces collectivités et à tous les Canadiens pendant des années.

(1740)

À Terre-Neuve, par exemple, la principale province de chasse au phoque, plus de 1,3 million de personnes qui viennent observer les baleines injectent près de 20 millions de dollars par année dans l'économie provinciale. Une activité d'observation des phoques menée par les pêcheurs avant le début de l'activité principale de pêche, serait une attraction touristique naturelle. Cette activité tirerait partie des splendides panoramas du Québec et du Canada atlantique et de la chaleureuse hospitalité de leurs habitants. Ce serait là une source d'emplois.

Son Honneur le Président : À l'ordre. Je rappelle aux sénateurs qu'il n'est guère convenable de se tenir entre le Président et le sénateur qui a la parole. Poursuivez, sénateur Harb.

Le sénateur Harb : Merci, Votre Honneur. J'ai presque terminé.

Selon un rapport de 2009 sur le marché du travail à Terre-Neuve-et-Labrador, l'emploi a progressé de 3,8 p. 100 entre 2003 et 2008. Et tous les nouveaux emplois sont à temps plein. Le rapport montre que l'économie provinciale est plus diversifiée que jamais et que la productivité, le niveau d'instruction et les taux de rémunération sont tous à la hausse. Toutefois, des pénuries de main-d'œuvre dans certains secteurs s'annoncent pour l'avenir, et les nouveaux emplois exigeront des compétences et des études plus poussées. Il semble qu'il y ait là une occasion pour le gouvernement fédéral d'accorder un soutien réel, un soutien qui donnera à ces travailleurs les outils dont ils ont besoin pour participer à une industrie qui a un avenir.

Quelle a été la réaction de la ministre Shea? Elle a déclaré ceci : « [...] le gouvernement conservateur continuera à défendre le droit des chasseurs de phoques canadiens à nourrir leur famille... »

Honorables sénateurs, je ne crois pas que la chasse commerciale au phoque procurera un bon gagne-pain à ces Canadiens. J'estime que le gouvernement fédéral a la responsabilité de préparer ces collectivités à se tourner vers une autre activité.

J'ai eu l'honneur d'être un représentant élu pendant de longues années et je comprends fort bien l'impératif politique de la prochaine élection. Toutefois, si nous préférons les mesures qui rapporteront à court terme sur le plan politique, nous devons être prêts à en assumer les conséquences à long terme. En continuant à défendre la chasse commerciale au phoque, le gouvernement condamne ces Canadiens à un métier mal payé et à des perspectives économiques misérables.

(Sur la motion du sénateur Watt, le débat est ajourné.)

La Loi sur la certitude des titres fonciers des premières nations

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur le développement commercial et industriel des premières nations et une autre loi en conséquence, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Projet de loi sur l'emploi et la croissance économique

Rejet de la motion donnant instruction au comité de diviser le projet de loi en cinq projets de loi

L'honorable Lowell Murray, conformément à l'avis du 9 juin 2010, propose :

Qu'une instruction soit donnée au comité auquel est renvoyé le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures, de diviser le projet de loi en cinq projets de loi, de la manière suivante, afin qu'il puisse en faire rapport séparément :

A. Les Parties 1 (Modification de la Loi de l'impôt sur le revenu et de lois et règlements connexes), 2 (Modifications relatives aux droits d'accise et aux taxes de vente et d'accise), 3 (Modifications relatives au droit pour la sécurité des passagers du transport aérien), 4 (Loi de 2006 sur les droits d'exportation de produits de bois d'œuvre), 5 (Tarif des douanes), 6 (Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces), 7 (Loi sur le contrôle des dépenses), 22 (Paiements à certaines entités) et 24 (Financement de l'assurance-emploi);

B. La Partie 18 (Énergie atomique du Canada Limitée);

C. Les Parties 19 (Programmes d'aide financière) et 20 (Évaluation environnementale);

D. Les Parties 8 (Modifications concernant des organismes d'État), 11 (Loi sur le développement des exportations), 15 (Loi sur la Société canadienne des postes) et 23 (Loi sur les télécommunications);

E. Les Parties 9 (Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension), 10 (Entrée en vigueur rétroactive de l'Accord sur la sécurité sociale entre le Canada et la République de Pologne), 12 (Réseaux de cartes de paiement), 13 (Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada), 14 (Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes), 16 (Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada), 17 (Coopératives de crédit fédérales) et 21 (Code canadien du travail).

— Honorables sénateurs, le 3 juin dernier, lorsque le projet de loi C-9 était débattu à la Chambre des communes, Mme Carol Hughes, députée d'Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, a fait allusion au fait que je m'opposais au processus abusif des projets de loi omnibus et m'a décrit comme « un des sénateurs conservateurs, le sénateur Lowell Murray ».

Elle a ensuite posé la question suivante : « Si l'un des leurs n'appuie pas ce projet de loi, qu'est-ce qui devrait nous motiver dans l'opposition à le faire? »

Honorables sénateurs, je ne connais pas Mme Hugues et je ne sais pas non plus pourquoi, sous le couvert de l'immunité parlementaire, elle s'est employée à me dénigrer de la sorte. Cela dit, je tiens à préciser encore une fois que je suis un sénateur indépendant qui porte la même étiquette — soit celle de progressiste-conservateur — que lorsqu'il est arrivé ici, il y a plus de 30 ans.

Mon parti politique est disparu, et il n'y a guère de trace de sa philosophie ou de son approche en matière de gouvernance dans l'Alliance réformiste qui l'a avalé tout rond. Quoi qu'il en soit, la remarque de Mme Hughes m'a fait réfléchir, comme je l'ai fait dans le passé, et je me suis demandé si je ne suis pas l'un des derniers vrais conservateurs ici. Mon opposition à l'utilisation abusive des projets de loi omnibus est profondément conservatrice.

Le réflexe conservateur a toujours été de soutenir et de protéger, et même de tenter d'améliorer les institutions parlementaires qui ont évolué au fil des générations et qui, même aujourd'hui, en cette ère de soi-disant constitutionnalisme et de charte des droits, forment la dernière ligne de défense — je parle de nos institutions parlementaires — contre un gouvernement autoritaire ou autocratique.

Honorables sénateurs, vous m'avez déjà entendu parler de la Chambre des communes et de la façon dont, depuis 40 ans, le processus d'examen des prévisions budgétaires a été progressivement abandonné au point où, maintenant, chaque année, des milliards de dollars de dépenses proposées sont réputées avoir fait l'objet d'un rapport par le comité approprié de la Chambre des communes, que le comité ait ou non examiné lesdites dépenses. En fait, dans la grande majorité des cas, le comité n'examine jamais ces dépenses. Quelle fin tragique pour une fonction qui est au cœur même de la démocratie parlementaire. La raison d'être de la Chambre des communes — c'est-à-dire la responsabilité qui lui incombe d'exiger des comptes de la part du gouvernement en tenant les cordons de la bourse — a été évacuée.

En ce qui a trait à l'utilisation abusive des projets de loi omnibus, je considère que cette façon d'agir est un simulacre et une parodie du contrôle que le Parlement est censé exercer sur le processus législatif.

Cela dit, il arrive parfois qu'un projet de loi omnibus soit non seulement la meilleure façon d'agir, mais aussi la seule façon appropriée. Les projets de loi omnibus ont leur place dans notre système. Je pense aux mesures fiscales qui ont été adoptées au cours des années 1960, après la Commission royale Carter et le livre blanc Benson. Le gouvernement de l'époque avait regroupé toutes les modifications fiscales dans un projet de loi omnibus. De cette façon, les parlementaires et le public pouvaient voir les liens entre ces mesures et constater, le cas échéant, que celles-ci formaient un tout homogène.

De même, lors de la refonte du Code criminel amorcée sous le gouvernement Pearson et mise en œuvre par le gouvernement Trudeau, les changements avaient été inclus dans un projet de loi omnibus, ce qui était la bonne façon d'agir.

(1750)

Après les élections de 1988, nous avons eu le projet de loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange, qui constituait un énorme projet de loi omnibus. Toutefois, l'avantage de tout mettre dans une seule mesure législative était de permettre aux parlementaires et au public — s'ils souhaitaient lire attentivement le projet de loi — d'avoir une idée des compromis consentis au cours des négociations et de constater de quelle façon les différentes dispositions s'imbriquaient les unes dans les autres pour former un tout cohérent.

Il y a même une place pour les projets de loi omnibus dans l'exécution du budget. Je me souviens que, vers la fin de la période où j'ai été leader du gouvernement au Sénat, le budget Mazankowski de 1992 avait fait l'objet, à juste titre, de deux projets de loi omnibus. La première mesure regroupait dans le projet de loi C-76 les changements fiscaux proposés dans le budget. La seconde regroupait dans le projet de loi C-93 différentes dispositions touchant la réorganisation d'un certain nombre d'organismes fédéraux. Quelques sénateurs se souviendront que le projet de loi C-93 avait été rejeté au Sénat à l'étape de la troisième lecture.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Murray : Je ne propose rien d'aussi radical aujourd'hui. À titre de leader du gouvernement, je n'avais pas été enchanté à l'époque, mais j'ai dû accepter la décision du Sénat.

L'argument que je veux présenter, c'est que tout ce qui a été dit — en partie par des porte-parole du gouvernement et surtout par les médias — est absurde : il est faux d'affirmer qu'une mesure législative telle que le projet de loi C-9 constitue automatiquement une mesure de confiance dont la modification ou le rejet ferait tomber le gouvernement.

J'invite les sénateurs à consulter les ouvrages d'Eugene Forsey. Il y a un an ou deux, j'en ai cité des extraits qui figurent dans le hansard. Il y a de nombreux exemples de projets de loi fiscaux et d'exécution du budget qui ont été modifiés et même défaits. Quand cela se produit, le gouvernement et le Parlement poursuivent leurs travaux.

Je ne propose rien d'aussi radical que le rejet du projet de loi. Je ne propose même pas d'en modifier certaines parties. Je propose simplement de scinder le projet de loi en cinq mesures d'une taille raisonnable pour permettre au Parlement de faire adéquatement son travail d'examen des lois et de contrôle du processus législatif.

Je regrette l'absence du sénateur Gerstein, qui est vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je reviens du comité, qui a examiné le projet de loi C-9. Récemment, lui et le sénateur Day étaient censés parler du principe du projet de loi. Les deux ont vite désespéré de réussir à le faire. Pourquoi? Tout simplement parce que le projet de loi C-9 ne comporte aucun principe. Ce n'est qu'un ramassis de mesures sans principe identifiable. Plutôt que de discuter du principe du projet de loi, ils attendaient la motion dans le cadre de laquelle j'ai pris la parole aujourd'hui.

Au sujet des projets de loi omnibus, le sénateur Gerstein nous a fait remonter dans l'histoire jusqu'en 1763. On sait que la nostalgie est une puissante émotion à l'extrême droite, mais je pense que 1763, c'était un peu trop. Il aurait pu suspendre son élan pendant quelques instants pour s'arrêter à 1994, année au cours de laquelle le gouvernement libéral avait présenté un projet de loi d'exécution du budget.

Le 25 mars 1994, c'est l'honorable Arthur C. Eggleton, président du Conseil du Trésor, qui avait déposé le projet de loi au nom du ministre des Finances, notre actuel collègue, je crois. Voilà la dernière de mes illusions qui part en fumée. L'honorable Arthur Eggleton a donc proposé la deuxième lecture du projet de loi omnibus C-17. C'est alors que s'est levé à l'arrière-ban le jeune député de Calgary-Ouest, Stephen Harper, pour dire à la Chambre des communes que, le projet de loi C-17 étant un projet de loi omnibus, « à mon avis, monsieur le Président, vous devriez déclarer qu'il est irrecevable [...] ».

Des voix : Bravo!

Le sénateur Murray : M. Harper a ensuite soutenu « que le contenu du projet est tellement hétéroclite que, pour se prononcer par un seul vote, les députés devraient transiger avec leurs principes ».

On ne peut pas faire cela, n'est-ce pas? M. Harper a poursuivi en faisant ressortir, à juste titre, certaines dispositions. Voici ce qu'il a dit :

[...] les rédacteurs du projet de loi [...] ont inclus dans ce dernier les mesures suivantes : le gel des traitements dans le secteur public; le gel des paiements du RAPC et des transferts prévus par la Loi sur le transfert de l'impôt sur le revenu des entreprises d'utilité publique; l'augmentation et l'élargissement des subventions au transport; l'autorisation pour la Société Radio-Canada de contracter des emprunts; des modifications du régime d'assurance-chômage réduisant les charges sociales.

Puis, M. Harper a cité une décision célèbre rendue par le Président de la Chambre des communes, M. Lamoureux, qui remontait au 26 janvier 1971. Je ne vais pas lire l'extrait en entier de la décision choisi par M. Harper, mais M. Lamoureux, refusant de scinder un projet de loi de sa propre initiative — à l'instar de tous ses prédécesseurs —, mais faisant part de sa vive inquiétude — à l'instar de tous ses prédécesseurs — au sujet des projets de loi omnibus, s'est demandé : « Cependant, où faut-il nous arrêter? Où est le point de non-retour? » Et il a ajouté : « Il doit exister un point où nous outrepassons ce qui est acceptable du strict point de vue parlementaire. »

Puis, M. Harper a déclaré au Président de la Chambre en 1994 que, même si M. Lamoureux avait refusé de déclarer la question irrecevable, le point de non-retour avait certainement été atteint cette année-là.

En passant, je vous ferais simplement observer que le projet de loi omnibus auquel le député Stephen Harper s'opposait avec des arguments valables et pertinents en 1994 ne comptait que 21 pages. Que pensez-vous de cela, honorables sénateurs?

Le sénateur Day a retracé un historique plus récent des projets de loi omnibus. Il a fait allusion au fait que le Comité sénatorial permanent des finances nationales s'était opposé pendant plusieurs années consécutives au recours abusif à ce processus. Il n'a pas parlé de ce qui était survenu en 2007, lorsque le gouvernement de l'époque avait introduit une disposition destinée à retirer au Parlement le droit d'examiner des projets de loi portant pouvoir d'emprunt. Il a mentionné le rapport de l'an dernier, dans lequel le comité a fait savoir qu'il n'accepterait pas une telle pratique et présenté quatre options pour faire face à la situation à l'avenir, allant du rejet du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture à l'établissement d'une nouvelle disposition du Règlement du Sénat. Je crois que la motion que j'ai présentée aujourd'hui constitue l'option la moins perturbatrice.

Ce que je comprends du projet de loi C-9, c'est que 10 de ses éléments pourraient, à juste titre, faire partie d'un projet de loi d'exécution du budget et que chacun des 14 autres éléments, si l'on faisait les choses comme il faut, devrait faire l'objet d'un projet de loi distinct. Toutefois, j'ai essayé de trouver une façon d'éviter de charger indûment le programme parlementaire ou, en fait, le programme du gouvernement. Par conséquent, dans la motion, j'ai divisé le projet de loi en cinq groupes plausibles pour former cinq lois distinctes, cinq petits projets de loi omnibus qui devraient faire l'objet d'un examen et d'un débat.

J'arrive du Comité sénatorial permanent des finances nationales, où d'autres membres et moi avons conclu à partir des témoignages que bon nombre d'éléments du projet de loi C-9 suscitent assez peu de controverse pour qu'on puisse les adopter rapidement dans l'un ou l'autre des groupes que je suggère. Ce regroupement donnerait aux sénateurs le temps d'étudier à leur convenance quelques questions importantes qui suscitent la controverse et d'en discuter en bonne et due forme.

Nous sommes saisis du projet de loi C-9 dans sa forme actuelle parce que les partis de l'opposition à la Chambre des communes ne se sont pas acquittés de leur devoir.

(1800)

Lorsque j'ai abordé ce sujet, l'an dernier, j'ai parlé de chantage politique et j'ai tenu les propos suivants :

Les parlementaires qui cèdent ainsi constateront, comme d'autres l'ont fait avant eux, que les maîtres chanteurs ont un appétit non pas vorace, mais insatiable.

Son Honneur le Président : Je suis désolé d'interrompre le sénateur, mais son temps de parole est écoulé.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, les sénateurs de ce côté-ci lui accorderaient certainement cinq minutes. Comme j'ai la parole, je profiterai de l'occasion pour informer le Sénat que des discussions ont eu lieu concernant le fait de ne pas tenir compte de l'heure.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, j'ai de la matière pour beaucoup moins que cinq minutes dans mes notes.

C'est à cause de manquements au principe de l'application régulière de la loi et d'abus de procédure, au sein de gouvernements et entre des gouvernements et le Parlement, que l'on se retrouve avec des choses comme le scandale des commandites. Je me souviens avoir posé les questions suivantes au Sénat, une fois cette affaire terminée : Où était le Parlement pendant ce temps? Avions-nous perdu toute capacité de surveillance? Fallait-il attendre que la vérificatrice générale porte l'affaire à notre attention? Que faisons- nous ici?

C'est ce manque d'application régulière de la loi qui cause les scandales des commandites ou des faux lacs et un nombre spectaculaire de cas de graissage local de pattes frauduleusement déguisé en dépenses liées à la tenue des sommets — d'énormes sommes étant, semble-t-il, versées pour réaliser des projets qui n'ont pas fait l'objet d'appels d'offres. Les Canadiens méritent mieux. Il y a, je le sais, des gens qui jugent le sujet actuellement à l'étude obscur et technique et qui pensent que cela n'intéresse personne. Or, si c'est ce qu'ils pensent, ils ont la mémoire bien courte. En effet, lorsque le Parlement était en lock-out, il y a quelques mois de cela, la plupart des gens n'avaient jamais entendu le mot « prorogation » et ne savaient pas ce qu'il veut dire. En fin de compte, le parti au pouvoir a vu sa cote de popularité baisser de 10 points dans les sondages d'opinion, ce qui ne veut pas dire que nous, en cette assemblée, devrions nous soucier de considérations d'ordre électoral.

Ce que je veux dire, c'est que les Canadiens s'intéressent aux droits du Parlement, et notre rôle consiste à procéder à un second examen objectif. Nous sommes, dans le cas qui nous occupe, le dernier rempart assurant la protection de ces droits.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j'ai bien aimé que le sénateur Murray mentionne le projet de loi C-93, présenté en 1993. Le sénateur a parlé du projet de loi, mais sans rappeler les propos qu'il a tenus à son sujet lorsqu'il était leader. Au cas où le sénateur ne s'en souviendrait pas, ce dont je doute, je vais citer un extrait de son discours. Le Sénat songeait alors à scinder le projet de loi C-93, qui était un projet de loi omnibus d'exécution du budget, de façon à ce que la partie 3 du projet de loi devienne un projet de loi distinct. La motion à l'étude ressemblait beaucoup à celle qui a été présentée aujourd'hui. Le sénateur avait alors déclaré ceci :

Je peux dire, cependant, que le gouvernement a l’intention […] quand ce projet de loi ira devant le comité sénatorial permanent [de produire] des témoins qui parleront des répercussions financières de la Partie III et expliqueront aux honorables sénateurs les économies éventuelles et les répercussions, sur le plan des finances, de ce qui est proposé. Mieux encore, nous présenterons des témoins qui feront valoir que la Partie III devrait être approuvée par le Sénat et promulguée, parce qu’il s’agit d’une excellente politique gouvernementale.

Il a poursuivi ainsi :

[…] je vous demanderais de rejeter la motion [donnant] instruction au comité, et de passer à la deuxième lecture du projet de loi et à son renvoi au comité de sorte que le comité puisse, sans préjudice, étudier tous les aspects de ce projet de loi, en étudier toutes les répercussions et cela, en ayant toutes les options possibles.

Quelles paroles sensées. Je me demande ce qui a pu pousser le sénateur Murray à changer ainsi son fusil d'épaule.

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, je n'ai pas changé mon fusil d'épaule. Je suis ravi que le sénateur me rappelle l'allocution que j'ai prononcée à l'époque, de même que l'excellent projet de loi sur lequel elle portait, qui a malheureusement été rejeté par le Sénat. Je suis aussi convaincu aujourd'hui de la validité de mes arguments que je l'étais à l'époque. Nous avions regroupé les mesures du budget en deux projets de loi omnibus, le premier contenant l'ensemble des mesures fiscales et le second renfermant les mesures se rapportant à la réorganisation du gouvernement. Nous cherchions alors à supprimer certains organismes gouvernementaux; les organismes culturels si ma mémoire est bonne. Ce projet de loi était on ne peut plus cohérent, et les dispositions qu'il contenait étaient tout aussi logiques. Quiconque en prendrait connaissance aujourd'hui serait du même avis.

Bien au contraire, le projet de loi C-9 est complètement incohérent. Il renferme des centaines de dispositions qui ne sont liées entre elles que très indirectement et qui, dans la mesure où elles font toutes partie d'un même budget, auraient justement pu figurer dans l'un ou l'autre des documents du budget. Il n'y a aucune comparaison possible entre le projet de loi dont le Parlement était saisi à l'époque et celui dont nous sommes aujourd'hui saisis.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour appuyer la motion du sénateur Murray, portant qu'une instruction soit donnée au Comité sénatorial permanent des finances nationales de diviser le projet de loi C-9. Techniquement, le texte de sa motion précise qu'il serait divisé en cinq projets de loi distincts.

J'aimerais tout d'abord préciser, honorables sénateurs, que c'est une joie et un honneur pour moi d'appuyer aujourd'hui le sénateur Lowell Murray. J'étais moi-même vice-présidente du Comité des finances nationales à l'époque où il en était le président. Permettez- moi de vous dire, honorables sénateurs, qu'il m'a rarement été donné de rencontrer un président aussi compétent que le sénateur Murray a pu l'être. Le sénateur Murray est le parfait exemple du sénateur accompli : il a la stature et le caractère qu'il faut, et son acuité n'a d'égale que son intelligence. Comme il a été ministre sous le premier ministre Brian Mulroney avant d'être sénateur, il connaît les rouages du gouvernement et de l'appareil gouvernemental sur le bout de ses doigts, notamment en ce qui concerne les finances nationales. Je crois que le sénateur Murray s'est servi de toute son expérience et de ses vastes connaissances pour présenter cette motion, et c'est pourquoi je suis fière de l'appuyer.

Honorables sénateurs, depuis quelques années, nous entendons de nombreux sénateurs, dont le sénateur Murray, se plaindre de la taille, de l'ampleur et de la portée de ces projets de loi omnibus. Que je sache, personne n'a jamais remis en question le phénomène des projets de loi omnibus ou les fins appropriées auxquelles ils doivent servir. Les préoccupations exprimées et les plaintes formulées portent précisément sur l'ampleur que ces mesures législatives peuvent avoir de nos jours. Je sais que le sénateur Gerstein a parlé de la question de façon fort intelligente et humoristique, mais il reste que, même en 1763, ou sous l'ancien premier ministre britannique Gladstone à la fin des années 1800, on ne voyait jamais de projet de loi de cette ampleur. Je crois que les commentaires sont déplacés.

Honorables sénateurs, je veux dire quelques mots à ce sujet. Malgré les préoccupations soulevées dans cette enceinte depuis plusieurs années, le gouvernement continue de présenter des projets de loi omnibus dont la taille et l'ampleur ne cessent d'augmenter. Les sénateurs se souviennent certainement de la jeune esclave Topsy, dans La Case de l'oncle Tom. Eh bien, ces projets de loi « ont grandi comme Topsy ». Tout porte à croire qu'ils continueront de prendre de l'ampleur jusqu'à ce que nous prenions des mesures correctrices à cet égard.

Honorables sénateurs, ce projet de loi compte 880 pages, et on me dit qu'il contient 2 208 articles et 24 parties.

(1810)

Honorables sénateurs, quand ils ont commencé à exprimer ce genre de doléances il y a de nombreuses années, les sénateurs se préoccupaient de projets de loi qui comptaient 56 pages, 139 pages ou 112 pages. Or, le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis est tellement volumineux qu'on se demande s'il est même possible de l'examiner. En fait, combien d'entre nous vont le lire et encore moins l'examiner attentivement pour en comprendre les tenants et les aboutissants? C'est physiquement impossible, notamment, honorables sénateurs, si on tient compte du fait que ce genre de projets de loi semblent toujours arriver à la fin de la session, juste avant l'ajournement, et qu'ils nous sont présentés avec une « précipitation indécente » pour reprendre une expression qu'employait parfois sir Wilfrid Laurier. Nous constatons l'extravagance incorrigible du gouvernement, qui élargit l'utilisation de mesures législatives en leur donnant des proportions que je qualifierais d'inhumaines. Il est humainement impossible d'étudier de tels projets de loi.

Honorables sénateurs, le sénateur Murray a cité les propos de M. Harper et il a fait mention de la célèbre décision qui figure dans l'ouvrage de M. Beauchesne, décision dans laquelle le Président Lamoureux fait la déclaration dont je fais maintenant lecture. Le 26 janvier 1971, l'honorable Lucien Lamoureux a dit ceci :

Il doit exister un point où nous outrepassons ce qui est acceptable du strict point de vue parlementaire.

Le Président a ensuite ajouté ceci :

[...] le gouvernement s'est conformé à la pratique acceptée jusqu'ici, à tort ou à raison, et que nous avons peut-être atteint un point extrême, où le projet loi omnibus embrassent trop de sujets. Tous les députés devraient prendre conscience de cette difficulté, dont la présidence se rend pleinement compte. Lorsqu'un autre projet loi omnibus sera proposé à la Chambre, il conviendrait de l'examiner à l'étape de la première lecture, et que les députés puissent alors exprimer leurs points de vue, ainsi que la présidence, à savoir, si le projet loi va trop loin ou s'il est acceptable sur le plan de la procédure.

Honorables sénateurs, plusieurs Présidents de la Chambre des communes se sont penchés sur cette question, notamment le Président James Jerome, ainsi que Mme Jeanne Sauvé. Ils se sont tous refusés à prendre des mesures qu'ils estimaient ne pas relever de la compétence de la présidence mais, au fil des ans, ils ont tous ajouté que la Chambre devrait prendre cette question en main et que c'était à elle qu'il revenait d'apporter des correctifs. Selon une vieille tradition parlementaire, la Chambre est maîtresse de sa destinée.

Honorables sénateurs, je voulais simplement dire publiquement que, selon moi, le sénateur Murray n'en demande pas trop. Il ne demande pas à modifier le projet de loi ni à le faire rejeter. Il demande simplement à le scinder en différentes parties qui pourraient être gérées et étudiées très sérieusement. Honorables sénateurs, je ne pense pas que le Sénat ni quelque sénateur d'en face ne perdent quoi que ce soit s'ils acceptent que le projet de loi soit scindé.

Honorables sénateurs, je sais que le temps presse. Je tiens à lire un extrait du sixième rapport du Comité des finances nationales, déposé au Sénat le 11 juin 2009. Le comité écrit ceci dans sa recommandation 9 :

Que le gouvernement cesse d'utiliser des projets de loi omnibus pour présenter des mesures d'exécution du budget.

Le rapport dit également ceci :

[...] c'est un moyen utilisé par tous les gouvernements, quelle que soit leur affiliation politique. Si cette pratique est maintenue, le Parlement devra, à terme, songer à adopter des mesures pour se prémunir contre la tentation des gouvernements de l'obliger à prendre des décisions hâtives.

Honorables sénateurs, pour conclure, je dirai que je comprends les dimensions politique et stratégique de la situation, mais j'estime que le sénateur Murray a fait ressortir un point très important dans une perspective parlementaire et morale. Quelle que soit l'issue du vote, le gouvernement doit s'amender et modifier sa façon de concevoir et d'utiliser l'instrument qu'est le projet de loi omnibus. Quelle que soit l'issue du vote, quelle que soit la suite des choses, le moment est venu pour les gouvernements de se montrer plus modérés, dans le recours à ce genre de projet de loi, et de faire une concession — on dit « Parlement », mais il s'agit des deux Chambres —, de présenter des projets de loi que nous puissions étudier de façon sérieuse et crédible afin de faire notre travail de façon honnête.

Honorables sénateurs, j'ai de plus en plus l'impression de faire partie d'une minorité qui perd de plus en plus de terrain, c'est-à-dire le groupe de ceux qui aiment le système parlementaire. Comme bien des gens de mon âge et plus jeunes, je n'ai pas grandi dans l'admiration des étoiles du cinéma, du basket-ball, du hockey, et cetera. J'ai grandi dans un milieu où on tenait en haute estime les grands réformateurs sociaux britanniques, les grands parlementaires du XIXe siècle, les lord Shaftesbury et les William Wilberforces, et également les grands libéraux comme M. Gladstone, qui a créé des notions comme le contrôle des deniers publics.

Sénateur Murray, je ne vous l'ai jamais dit, mais c'est M. Gladstone qui a proposé la motion à la Chambre des communes lorsqu'a été créé le premier Comité des comptes publics.

Cela dit, honorables sénateurs, je suis d'avis que le sénateur Murray nous a rendu un fier service. Je suis persuadée que d'autres collègues souhaitent prendre part au débat, mais je puis donner à tous les sénateurs l'assurance que je vais appuyer la proposition du sénateur Murray. C'est une longue histoire, mais ma décision tient au fait que j'éprouve un grand respect pour cet homme, pour ce sénateur. Le sénateur Murray a rendu à notre institution un grand service, il lui a apporté quelque chose de durable. Honorables sénateurs, je voterai avec lui.

Merci beaucoup, honorables sénateurs. J'espérais éviter que quelqu'un n'ait à signaler que mon temps de parole était écoulé. Toutefois, sénateurs, la question est fort importante. Nos institutions sont en déclin. J'ai dit dans de nombreuses interventions que le Parlement, c'est-à-dire les deux Chambres, n'a jamais été plus faible que maintenant au cours de son histoire millénaire. Honorables sénateurs, il n'est digne d'aucun d'entre nous de laisser ce déclin se poursuivre.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, nous devons nous ceindre les reins et nous préparer à livrer combat. Je rappelle que, il y a quelques années, lorsqu'il y avait une énorme majorité libérale à l'autre endroit et une majorité libérale écrasante au Sénat, nous avons scindé un projet de loi, ce qui a horrifié nos dirigeants. Le projet de loi portait à la fois sur les armes à feu et sur les animaux, et nous avons simplement dit que c'était inadmissible. Nos dirigeants n'ont pas du tout prisé cette position, mais nous l'avons maintenue parce que c'était la bonne chose à faire. Je n'ai jamais pensé que je pourrais être du même avis que M. Harper, mais j'aurais été d'accord avec lui en 1994. Cette année-là, il avait raison.

(1820)

Honorables sénateurs, avant de me rasseoir, au grand soulagement général, je signalerai qu'on n'a pas souvent l'occasion de dire au sénateur Murray quelque chose qu'il ne sait pas, si futile cela puisse-t-il être, mais ce jour de 1994 où le gouvernement du sénateur Murray a essuyé la défaite sur un projet de loi omnibus...

Le sénateur Murray : C'était en 1993.

Le sénateur Banks : En juin 1993, j'étais là-haut. Même si les agents sont contraints de dire aux gens que les applaudissements et acclamations sont interdits, à la défaite de ce projet de loi du gouvernement du sénateur Murray, des hourras bruyants ont retenti, et j'étais parmi ces spectateurs bruyants. La cause de l'échec — vous vous rappellerez que c'est Finlay MacDonald qui a mené la charge — a été la prétendue fusion, mal conçue, du Conseil de recherches en sciences humaines et du Conseil des arts, dans l'espoir vain que cela se traduirait par des économies. Et oui, j'en étais membre à l'époque. Nous avions fait du lobbying, comme d'autres l'avaient fait à l'autre endroit, pour essayer de faire dérailler ce qui était un mauvais projet de loi. Nos collègues, les collègues libéraux à l'autre endroit, n'avaient pas pu défaire le projet de loi. La même chose était vraie à l'époque, sauf qu'il y avait une majorité conservatrice. J'ignore si le fait qu'une majorité conservatrice au Sénat à l'époque ait défait un projet de loi omnibus d'exécution du budget est unique, mais le sénateur Murray a été jeté dans la consternation alors que nous exultions. Je m'en souviens très bien. Je voulais simplement faire savoir au sénateur Murray que j'étais là ce jour-là.

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer? L'honorable sénateur Murray propose, avec l'appui de l'honorable sénateur McCoy, qu'une instruction soit donnée au comité auquel est renvoyé le projet de loi C-9... Puis-je me disposer de lire la motion?

Des voix : Suffit!

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Convoquez les sénateurs. Pouvons- nous avoir l'avis des deux whips?

L'honorable Jim Munson : Trente minutes.

L'honorable Consiglio Di Nino : Trente minutes.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, est-on d'accord pour que la sonnerie retentisse pendant 30 minutes? Le vote aura donc lieu à 18 h 53. Ai-je la permission de quitter le fauteuil?

Une voix : Oui, bien sûr.

Son Honneur le Président : Merci.

(1850)

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Banks Mahovlich
Callbeck Massicotte
Campbell McCoy
Carstairs Mercer
Chaput Merchant
Cools Mitchell
Cordy Moore
Cowan Munson
Dawson Murray
Day Pépin
Downe Peterson
Dyck Poulin
Eggleton Ringuette
Fox Robichaud
Fraser Rompkey
Furey Sibbeston
Hervieux-Payette Smith
Hubley Stollery
Jaffer Tardif
Losier-Cool Watt
Lovelace Nicholas Zimmer—42

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk MacDonald
Angus Manning
Boisvenu Marshall
Braley Martin
Brazeau Meighen
Brown Mockler
Carignan Nancy Ruth
Champagne Neufeld
Cochrane Nolin
Comeau Ogilvie
Demers Oliver
Di Nino Patterson
Dickson Plett
Duffy Poirier
Eaton Raine
Finley Rivard
Fortin-Duplessis Runciman
Frum Segal
Gerstein Seidman
Greene St. Germain
Housakos Stewart Olsen
Johnson Stratton
Kinsella Tkachuk
Kochhar Wallace
Lang Wallin—51
LeBreton

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

(1900)

L'étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur de l'énergie

Quatrième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles—Adoption de la motion de rétablissement de l'article au Feuilleton

L'honorable W. David Angus : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, j'aimerais rétablir un article au Feuilleton.

Je propose, avec l'appui du sénateur Lang :

Que l'ordre pour la reprise du débat tendant à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, déposé au Sénat le 27 mai 2010, soit rétabli à l'ordre du jour pour la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président : Le sénateur Angus, avec l'appui du sénateur Lang, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)j) du Règlement, propose que l'ordre pour la reprise du débat tendant à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, déposé — puis-je me dispenser de lire la motion?

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, permettez-moi de respecter la procédure. Puisque nous avons épuisé les affaires inscrites au Feuilleton, le sénateur Angus demande la permission de présenter une motion.

Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : La permission est accordée.

Honorables sénateurs, le sénateur Angus, avec l'appui du sénateur Lang, nonobstant l'article 58(1) du Règlement, propose que le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit rétabli à l'ordre du jour.

(La motion est adoptée et l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 16 juin 2010, à 13 h 30.)


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