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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 64

Le mercredi 28 mars 2012
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 28 mars 2012

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le discours du budget

Les sièges réservés aux sénateurs à la tribune de la Chambre des communes

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais vous rappeler que le discours du budget sera prononcé à l'autre endroit à 16 heures demain, le jeudi 29 mars 2012. Comme par le passé, les sénateurs devront prendre place dans la section de la tribune de la Chambre des communes réservée au Sénat. Les premiers arrivés seront les premiers servis. L'espace étant restreint, c'est la seule façon de garantir une place aux sénateurs qui voudront être présents. Malheureusement, il n'y aura pas de sièges pour les invités des sénateurs.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les criminels étrangers

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, le Canada est considéré à l'étranger comme un pays généreux. Notre niveau de vie élevé est appuyé par un système de justice fondé sur l'équité et des lois qui traduisent la volonté de notre nation de faire en sorte que ceux qui commettent des actes répréhensibles en répondent. Toutefois, de récents événements en Californie permettent de se demander si les intérêts des Canadiens sont bien servis lorsque des représentants de notre gouvernement cherchent à protéger la vie des pires criminels étrangers.

Honorables sénateurs, je veux parler du criminel fugitif Arthur Carnes. Il y a cinq ans, Carnes a brutalement assassiné son patron, puis a démembré son corps tout en prenant des photos. Il a ensuite publié ces photos sur un site web, accompagnées d'un manifeste faisant l'éloge de ceux qui ont le « meurtre dans le sang » et détaillant les diverses façons d'assassiner sauvagement des êtres humains, puis il s'est enfui au Canada. Il a été arrêté quelques mois plus tard par la GRC à Fort Langley, en Colombie-Britannique.

En 2009, le gouvernement du Canada a renvoyé Carnes en Californie pour qu'il y subisse un procès. Dans le cadre de l'accord d'expulsion, la Californie a donné l'assurance aux représentants canadiens que Carnes ne recevrait pas la peine de mort pour le meurtre odieux et froidement prémédité qu'il a commis. Je comprends qu'on négocie parfois des accords par souci d'équité. Toutefois, dans des circonstances extraordinaires comme celles qui prévalent dans le cas d'Arthur Carnes, je crois que le gouvernement du Canada ne devrait pas protéger la vie d'un citoyen étranger qui a commis des crimes si atroces.

Le procureur adjoint du district de Sacramento, Kevin Green, a décrit le meurtre commis par Carnes comme « purement diabolique », et il a affirmé que Carnes « ne se souciait pas du tout de la vie humaine, que ce soit celle d'un homme, d'une femme ou d'un enfant ».

Honorables sénateurs, je tiens à répéter que j'étais député de Mission-Port Moody quand Clifford Robert Olson, dans sa folie meurtrière, a tué plusieurs de mes jeunes électeurs sans montrer le moindre remords pour la douleur qu'il avait causée à tant de personnes. J'ai pu constater les répercussions tragiques qu'un crime de cette envergure a sur les gens et sur des collectivités entières. Carnes n'a peut-être pas fait autant de victimes qu'Olson, mais son crime était tout aussi malveillant.

Lorsqu'il a commis son crime, Carnes était conscient des peines qu'il pourrait recevoir. Il savait qu'il risquait d'obtenir la peine de mort. Sa fuite et son entrée illégale au Canada n'auraient pas dû le protéger contre la peine la plus sévère. Honorables sénateurs, je crois que le gouvernement du Canada ne devrait pas protéger des criminels étrangers comme Arthur Carnes contre les décisions qui pourraient être rendues par des systèmes judiciaires légitimes, comme celui des États-Unis.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Thordur Aegir Oskarsson, ambassadeur désigné de la République d'Islande, et de M. Steingrimur J. Sigfusson, ministre islandais des Affaires économiques.

Au nom de tous les sénateurs, je leur souhaite la bienvenue au Sénat du Canada. Ces visiteurs de marque sont les invités du sénateur Johnson.

(1340)

Je souhaite également signaler aux sénateurs la présence à la tribune de M. Eirik Moen, secrétaire général de l'Union démocratique internationale, qui est l'invité du sénateur Finley.

Bienvenue au Sénat du Canada.

M. Luke Noftall

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet d'un jeune homme remarquable et courageux, originaire de Terre-Neuve-et-Labrador, comme moi, qui s'appelle Luke Noftall. À 12 ans, Luke était un élève et un athlète accompli. À cet âge,

il a aussi reçu un diagnostic d'épilepsie. Comme mes collègues le savent, ce trouble chronique du système nerveux est causé par un dérèglement des signaux électriques qui régissent le fonctionnement du cerveau. Ce trouble peut avoir et a des répercussions sur l'apprentissage et le développement social des enfants et met à rude épreuve la santé, le bien-être et l'estime de soi des jeunes comme Luke. Luke se bat contre l'épilepsie depuis des années. Cette lutte, qu'il a toujours menée avec courage et résilience, a complètement changé sa vie. Il a subi d'innombrables traitements et passé une trop grande partie de sa jeunesse à l'hôpital.

Dans une lettre envoyée récemment à la première ministre provinciale, Mme Dunderdale, Luke a écrit :

Il y a quatre ans, j'ai subi une résection importante au cerveau. J'ai été opéré au cerveau trois fois en cinq jours. J'ai passé 21 jours à l'hôpital, suivis de plusieurs mois en réadaptation et, malgré tout, je continuais à avoir des crises. J'ai peu de souvenirs de cette année-là.

Aujourd'hui âgé de 19 ans, Luke fait des études à l'Université Memorial. Grâce à son courage et à sa détermination extraordinaires, il ne se laisse pas freiner par ce trouble neurologique chronique. Fort du soutien et de l'amour de sa famille, Luke continue de composer quotidiennement avec l'immense fardeau que lui impose l'épilepsie.

Honorables sénateurs, le 26 mars est célébrée la Journée mondiale de sensibilisation à l'épilepsie, une journée qui vise à mieux faire connaître l'épilepsie partout dans le monde et à présenter des personnes comme Luke, qui est le champion de cette cause à Terre- Neuve-et-Labrador. Tant que nous aurons au Canada des jeunes qui, comme Luke, sont déterminés à réussir en dépit des obstacles, nous pourrons continuer d'avoir foi en l'avenir.

Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour saluer le remarquable courage et la détermination de Luke Noftall et des 300 000 Canadiens qui doivent composer chaque jour avec l'épilepsie.

Le Bélarus

Le Parti civique unifié

L'honorable Doug Finley : Honorables sénateurs, j'interviens de nouveau pour féliciter les courageux délégués qui assisteront ce week-end au 14e congrès annuel du Parti civique unifié du Bélarus. Ces délégués continuent de travailler dans des conditions extrêmement difficiles pour faire avancer la cause de la liberté et de la démocratie au Bélarus. Simplement parce qu'ils souhaitent la tenue d'élections justes et libres, ces délégués doivent se mesurer à un régime oppressif qui emprisonne, torture et bat leurs dirigeants, leurs militants et leurs sympathisants. Il y a deux ans, j'ai été fier de rencontrer le candidat du Parti civique unifié à la présidence, Iaroslav Romantchouk, le président du parti, Anatoli Lebedko, et les militants Andrei Dmitriev et Vladimir Nekliaev. Leur passion et leur vision à l'égard d'un Bélarus libre étaient une véritable source d'inspiration.

Depuis, on n'a tenu au Bélarus des élections à peine dignes de ce nom. Le président sortant, Alexandre Loukachenko, a été réélu de justesse, voyant sa proportion du vote populaire fléchir de quelques points pour s'établir à 79,67 p. 100.

Plus de 40 000 Bélarussiens sont descendus dans la rue pour protester contre ces élections frauduleuses, ce qui a poussé le régime Loukachenko à réprimer avec violence et brutalité les participants à cette manifestation pour la démocratie. Plus de 700 militants, 25 journalistes et sept candidats présidentiels de l'opposition ont été détenus, battus et torturés. Certains candidats et militants vont probablement rester en prison pendant encore des années.

Tôt ce matin, j'ai reçu un compte rendu du Bélarus qui indique que Loukachenko ne montre absolument aucun signe de changement. Anatoli Lebedko, dont je viens de parler et qui a visité le Sénat il y a moins de deux ans, a été placé en détention, de même que deux hauts dirigeants d'autres partis démocratiques.

Honorables sénateurs, assez, c'est assez. Il est temps que la communauté internationale se dresse contre cette dictature impitoyable et brutale. Le Canada doit épauler nos amis bélarussiens et s'opposer au régime Loukachenko. Je vais entrer en communication avec toutes les parties engagées dans le mouvement pour la démocratie, à droite comme à gauche.

J'encourage tous les députés et sénateurs canadiens à joindre leurs efforts aux miens. Pour obtenir plus de renseignements, veuillez communiquer avec mon bureau. Nous devons exiger la libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques, ainsi que la tenue immédiate d'élections libres et équitables, sous la surveillance de représentants internationaux. Le peuple bélarussien mérite un gouvernement qui respecte les droits de la personne, la primauté du droit, la liberté d'expression et la liberté de la presse. Il est temps que le dernier dictateur d'Europe permette à la démocratie de s'épanouir au Bélarus.

Je félicite tous les délégués qui participent au congrès annuel du Parti civique unifié du travail qu'ils accomplissent pour promouvoir la liberté. Mes pensées et mes prières accompagnent tous les prisonniers politiques incarcérés à tort.

Za svobodu — Pour la liberté.

Les femmes et les jeunes filles autochtones portées disparues ou assassinées

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Je prends la parole aujourd'hui pour donner une voix aux femmes disparues de la Colombie- Britannique. Heather Chinnock, Sarah de Vries, Tanya Holyk et Sherry Irving font partie des femmes autochtones qui ont disparu en Colombie-Britannique. Malheureusement, leur nom et celui de dizaines d'autres femmes est souvent relégué aux notes de bas de page des enquêtes policières et publiques. La douleur des familles en deuil reste bien souvent sans écho. Ces familles sont forcées non seulement de faire face à la perte d'une mère, d'une fille, d'une sœur ou d'une épouse, mais aussi d'accepter que justice ne sera peut-être jamais rendue.

Honorables sénateurs, je collabore depuis plusieurs années avec les autorités de ma province, la Colombie-Britannique, sur ce dossier et j'ai suivi de près l'évolution de ses enquêtes. Il y a bien des années, lorsque plusieurs femmes autochtones ont disparu, les membres de leur famille et leurs collègues se sont tournés vers la police. Malheureusement, elle ne les a pas écoutés. À l'époque, nous nous sommes tous tus. Après beaucoup de travail, un petit nombre de cas ont fait l'objet de poursuites devant les tribunaux, permettant à quelques familles d'obtenir enfin justice.

Malheureusement, la plupart des familles qui souffrent depuis plus d'une décennie ont toujours de la difficulté à accepter qu'aucun tribunal ne sera jamais saisi du cas de leurs êtres chers disparus.

C'est une grande tragédie qui touche non seulement les membres de la collectivité du centre-ville de Vancouver — où vit ma famille —, mais la Colombie-Britannique et le Canada tout entier.

Malheureusement, la plupart des femmes qui ont disparu font partie de groupes extrêmement vulnérables et marginalisés. Par conséquent, leurs familles n'ont pas les ressources nécessaires pour engager des poursuites judiciaires. Les familles autochtones n'ont pas voix au chapitre et justice ne leur est pas rendue.

Honorables sénateurs, n'oublions pas que les 65 femmes portées disparues à Vancouver entre 1978 et 2011 sont des Canadiennes. Aujourd'hui encore, leurs familles ont de la difficulté à se faire entendre et à obtenir justice. J'aimerais conclure en donnant une voix à une jeune femme qui, avant de disparaître à son tour, a attiré l'attention sur la discrimination vécue par elle et bon plusieurs de ses sœurs autochtones.

Sarah de Vries, qui a disparu en 1998, a écrit en toute franchise dans son journal personnel que la façon dont sa collectivité s'occupait des cas de femmes disparues était, selon elle, empreinte de discrimination raciale. À propos de la disparition de femmes non autochtones, elle a écrit ceci :

À la une pendant des semaines; les gens manifestant dans la rue... Tandis que la joyeuse prostituée commence à se décomposer comme si elle ne comptait pas, remplaçable, sans honneur...

(1350)

Mme de Vries écrit ensuite ce qui suit :

C'est une honte que la société soit aussi insensible. C'était la petite fille d'une maman, qui s'est égarée, qui a quitté le droit chemin. C'était une personne.

Les familles de ces femmes demandent justice. Elles n'ont toujours pas comparu devant la commission d'enquête sur les femmes portées disparues.

La Semaine internationale des apprenants adultes

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, il n'a jamais été aussi important que les Canadiens continuent toute leur vie à parfaire leur formation. Dans le contexte de la nouvelle économie mondiale, il faut disposer d'une main-d'œuvre compétente qui peut s'adapter aux changements qui se produisent dans le milieu de travail et sur le marché du travail, ainsi qu'à l'évolution technologique.

Afin de faire comprendre l'importance de la formation continue et d'en faire la promotion, la Commission canadienne pour l'UNESCO a institué la Semaine internationale des apprenants adultes. Cette semaine, qui a lieu ces jours-ci, a pour but de sensibiliser la population à la formation continue. Le thème de cette année est « J'apprends, encore », une parole attribuée à Michel- Ange qui nous rappelle que chacun d'entre nous, quels que soient ses compétences, son éducation ou sa situation, peut tirer profit de la formation continue.

La Semaine internationale des apprenants adultes nous donne aussi l'occasion de mettre en valeur les réalisations des adultes en formation et de leurs enseignants dans l'ensemble du Canada.

Ce qu'a vécu Dianne Smith, une femme de ma province, peut tous nous inspirer. Dianne admet que ses aptitudes à la lecture étaient faibles. Pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, elle a donc dû occuper trois emplois en même temps. Avec les années, elle s'est rendu compte qu'elle ne serait pas toujours capable d'exécuter le travail manuel qu'exigeaient ces emplois. Elle a alors découvert un programme de perfectionnement des aptitudes à la lecture, offert par l'Alliance pour l'alphabétisation de l'Île-du-Prince-Édouard, auquel elle a décidé de s'inscrire.

Dianne n'a jamais regretté son choix. La veille de son 50e anniversaire, elle a obtenu son diplôme de 12e année, ce qui lui a ouvert des portes. Dianne possède et administre actuellement un centre de soins communautaires accrédité, à Charlottetown, qui emploie plus de 12 personnes. Elle participe à un certain nombre d'activités de bénévolat dans sa province. Elle se déplace un peu partout au Canada et même à l'étranger pour parler des difficultés que connaissent les adultes qui doivent améliorer leurs aptitudes à la lecture. Elle a notamment comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie en 2007.

Honorables sénateurs, lorsqu'elle a obtenu son diplôme de 12e année, Dianne a déclaré ceci :

Un grand nombre de gens doivent considérer qu'il s'agit là d'un exploit bien modeste, mais j'ai la gorge serrée et les larmes aux yeux; on croirait que j'ai gagné à la 6/49.

Il ne fait aucun doute que c'est un grand exploit. Elle a récemment écrit un livre avec deux autres apprenantes adultes qui a pour titre Relentless Journeys : Literacy Stories Shared by Three Women in Canada. Les auteures espèrent encourager d'autres personnes à poursuivre leur apprentissage.

Je terminerai en citant Mme Margaret Eaton, présidente d'ABC Alpha pour la vie Canada :

C'est merveilleux d'avoir de l'instruction, car cela ouvre aux gens tout un univers de possibilités et leur permet de profiter pleinement et avec assurance de tout ce que la vie leur offre, peu importe de quoi il s'agit. Apprendre, c'est un mode de vie auquel on ne devrait jamais renoncer.

La Jamaïque

L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, la semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international de la Jamaïque, l'honorable Arnold J. Nicholson, sénateur, a choisi de venir au Canada pour sa première visite officielle après sa nomination, en janvier dernier, par la très honorable Portia Simpson Miller, première ministre de la Jamaïque. Ce choix est un gage de la bonne volonté et de l'amitié durable qui existent entre nos deux pays.

Pendant son séjour, le ministre a rencontré des représentants des secteurs privé et public et a identifié des secteurs clés où le gouvernement du Canada pourrait prêter assistance au peuple jamaïcain, notamment en renforçant ses capacités sur les plans agricole et militaire.

Nous avons mis l'accent sur les organisations canadiennes qui travaillent en partenariat avec leur pendant jamaïcain pour améliorer les choses dans cet État insulaire. Nos discussions ont porté sur la Fédération canadienne des municipalités, qui aide les autorités des Caraïbes à soutenir les initiatives de développement économique de près de 50 administrations et organismes locaux. En outre, l'Université de l'Alberta aide aussi à améliorer la qualité de la formation des enseignants dans les collèges jamaïcains.

Honorables sénateurs, le point saillant de la visite du ministre a été le discours qu'il a prononcé pendant la cérémonie donnant le coup d'envoi des festivités marquant le cinquantenaire de la Jamaïque, dont j'étais président d'honneur. Réunissant des invités provenant de partout au pays, cet événement serait, selon certains, le plus grand rassemblement de la diaspora jamaïcaine au Canada à ce jour. De nombreux intéressés des quatre coins du monde se sont joints à nous grâce au web en continu. Dans son discours, le ministre Nicholson a déclaré :

À l'échelle bilatérale, compte tenu des politiques qui ont été adoptées par les gouvernements canadiens successifs pendant presque 50 ans, la Jamaïque a bénéficié d'une aide technique qui a été fort appréciée. Qu'il soit question de l'éducation, de la santé, d'administrations locales, de la réforme de la justice, de la protection civile ou de l'aide d'urgence, nous avons toujours pu compter sur l'appui du gouvernement et de la population du Canada.

J'aimerais aussi remercier personnellement ma collègue, l'honorable Marjory LeBreton, leader du gouvernement au Sénat, d'avoir eu l'obligeance d'accueillir le ministre Nicholson en l'absence du premier ministre. Dans son discours, elle a fait écho aux sentiments exprimés par le ministre Nicholson en déclarant ceci :

L'amitié qui unit la Jamaïque et le Canada et nos deux peuples a toujours été chose aisée. La plus grande force des relations qui unissent le Canada et la Jamaïque, ce sont les liens qui unissent nos deux peuples.

Afin de continuer de consolider ces relations, au cours des prochains mois, j'organiserai une journée en l'honneur de la Jamaïque sur la Colline du Parlement. Il s'agira d'un événement très festif qui permettra aux parlementaires d'apprendre à mieux connaître la culture jamaïcaine et de souligner les 50 années de relations diplomatiques entre nos deux pays.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour remercier tous ceux qui ont contribué aux 50 années d'indépendance de la Jamaïque. J'espère que nous pourrons continuer de travailler en collaboration au cours des générations à venir.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La Commission canadienne des droits de la personne

Dépôt du rapport annuel de 2011

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, conformément à l'article 61 de la Loi sur les droits de la personne et à l'article 32 de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, le rapport annuel de 2011 de la Commission canadienne des droits de la personne.

Le Centre mondial du pluralisme

Dépôt du plan d'entreprise de 2012

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le résumé du plan d'entreprise de 2012 du Centre mondial du pluralisme.

[Traduction]

L'assurance-emploi

Avis d'interpellation

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, conformément à l'article 57(2) du Règlement, je donne avis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur le besoin de soutenir adéquatement les nouvelles mères et nouveaux pères en éliminant la période d'attente de deux semaines pour les prestations maternités et parentales d'assurance-emploi.

[Français]

L'Industrielle Alliance Pacifique, Assurance et services financiers inc.

Projet de loi d'intérêt privé—Présentation d'une pétition

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une pétition de l'Industrielle Alliance Pacifique, Assurances et services financiers inc., de la ville de Vancouver, dans la province de la Colombie-Britannique, qui sollicite l'adoption d'une loi autorisant Industrielle Alliance Pacifique, Assurance et services inc., à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La justice

La prostitution juvénile—Le tourisme sexuel

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Cette semaine, nous avons appris qu'au cours des trois dernières années, au moins 73 Canadiens ont été arrêtés à l'extérieur du Canada parce qu'ils ont agressé sexuellement des enfants ou possédaient de la pornographie juvénile. Ce nombre est un pâle reflet de l'ampleur réelle du problème du tourisme sexuel, car la plupart des cas ne sont pas signalés.

(1400)

En 1997, le projet de loi C-27, Loi modifiant le Code criminel (prostitution chez les enfants, tourisme sexuel impliquant des enfants, harcèlement criminel et mutilation d'organes génitaux féminins), a été adopté par les deux Chambres. Je demande au leader du gouvernement de bien vouloir vérifier combien de personnes ont été poursuivies en justice au Canada en vertu de cette loi. À ma connaissance, il n'existe que deux cas.

La semaine dernière, le premier ministre Harper a annoncé que le gouvernement offrirait son soutien à des projets visant à lutter contre la traite des personnes en Thaïlande. Que compte faire le gouvernement pour aborder le problème urgent et beaucoup plus général du tourisme sexuel canadien en Thaïlande?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le sénateur Jaffer m'a demandé d'obtenir des détails précis sur des faits et des données concernant des poursuites judiciaires au Canada, puis m'a posé une question complémentaire dont je devrai évidemment prendre note pour fournir une réponse écrite.

Le sénateur Jaffer : Honorables sénateurs, j'ai quatre questions complémentaires. Quelles ressources ont été mises en réserve pour veiller à l'application et à la mise en œuvre adéquates des dispositions du projet de loi C-27, qui traite du tourisme sexuel?

Quelles sont les ressources et la formation mises à la disposition du personnel consulaire qui travaille à l'étranger pour faire face aux cas de tourisme sexuel?

Combien y a-t-il de bureaux de sécurité en Thaïlande pour lutter contre le problème du tourisme sexuel?

Quelles mesures sont prises pour veiller à ce que les délinquants soient traités avec la même sévérité que s'ils avaient exploité des enfants canadiens?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, ce sont toutes des questions excellentes et valables. Je serais très heureuse de fournir des réponses écrites.

Toutefois, il serait négligent de ma part de ne pas applaudir les efforts de ma collègue de l'autre endroit, Joy Smith, qui, comme les sénateurs le savent, a travaillé sans relâche sur le dossier de la traite des personnes et a présenté un autre projet de loi d'initiative parlementaire au Parlement. Parmi les défenseurs des victimes de la traite des personnes et des femmes qui sont amenées au Canada pour le commerce du sexe et à qui l'on inflige des mauvais traitements, je crois que personne ne mérite davantage notre reconnaissance que Joy Smith.

Le sénateur Jaffer : Honorables sénateurs, j'aimerais aussi joindre ma voix à celle du leader pour féliciter Joy Smith, car j'entretiens une très étroite collaboration avec elle, et je connais le travail qu'elle fait. À Vancouver, je collabore étroitement avec elle pour me pencher sur la traite des personnes, et je veux également profiter de cette occasion pour la féliciter de son travail.

Toutefois, je demande au leader de se pencher sur ce problème particulier, qui va au-delà de la traite des personnes. Je parle des hommes canadiens qui se rendent en Thaïlande pour s'adonner au tourisme sexuel. J'aimerais obtenir des réponses aux questions que j'ai posées.

Les affaires autochtones et le développement du Nord

La Première nation de Tobique

L'honorable Sandra Lovelace Nicholas : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

La collectivité de la Première nation de Tobique doit faire face à une crise du logement intolérable. Désespéré, un des aînés de la collectivité fait la grève de la faim depuis 10 jours, et beaucoup d'autres m'ont écrit au sujet de l'état déplorable de leur maison. Ils ont envoyés des photos des habitations décrépites et en ruine dans lesquelles ils vivent.

Plusieurs membres de la collectivité ont dit que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien n'a pas répondu à leurs appels à l'aide. Les maisons sont dans un piètre état, et il y a beaucoup de moisissures, ce qui a rendu malades un grand nombre de personnes. Chaque fois que ces gens demandent de l'aide, ils sont ignorés et placés au bas de la liste.

La collectivité est gérée par un tiers, et elle n'est pas certaine de la façon dont les fonds sont distribués au conseil de bande. Il semble que certaines personnes seulement réussissent à faire réparer leur maison, et que la majorité des gens qui ont recours à l'aide sociale, et qui sont vraiment dans le besoin, ne reçoivent pas cette aide.

Le gouvernement peut-il se pencher sur cette situation déplorable et mener une enquête pour déterminer comment l'argent est distribué et pourquoi les plus indigents ne reçoivent pas d'aide?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je crois qu'il est faux de prétendre que le gouvernement, ou toute personne le représentant, a placé ce problème au bas de la liste; ce n'est pas du tout vrai. Nous sommes résolus à assurer la santé et la sécurité des Premières nations. Je suis au courant de la situation évoquée par le sénateur.

Nous avons parlé avec la bande au sujet de l'aîné que le sénateur a mentionné, et des problèmes de logement dont le sénateur se préoccupe. La bande nous a confirmé qu'elle dispose des ressources nécessaires pour s'attaquer à ce problème. Au cours des dernières années, le gouvernement a investi beaucoup d'argent dans les logements des Premières nations, ce qui a permis de construire 1 700 maisons, et de rénover 3 000 logements, chaque année dans les réserves.

Nous avons un problème d'inondations, notamment à proximité de la rivière Albany, dans le Nord de l'Ontario.

Quant à la gestion par un tiers administrateur, le financement n'a pas diminué depuis qu'elle a été instaurée. Si l'on a agi ainsi, c'est pour assurer une utilisation responsable, efficace et judicieuse des fonds publics. En aucun cas la gestion par un tiers administrateur n'a entravé ou interrompu l'acheminement de l'aide financière à la collectivité.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je suis désolée, honorables sénateurs, mais je n'ai pas dit que le gouvernement était responsable. Tout ce que j'ai dit, c'est qu'il ne réagit pas.

Je demande au gouvernement d'enquêter sur la situation afin de savoir pourquoi certaines personnes sont ignorées, que ce soit par le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien ou par la chef et le conseil de bande de leur collectivité. Je n'accuse le gouvernement d'aucune façon.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je n'ai pas interprété les propos de madame le sénateur comme une accusation. Elle affirme cependant que nous n'accordons pas la priorité à ces considérations et je lui fais simplement remarquer que le gouvernement travaille très étroitement avec les dirigeants de cette collectivité des Premières nations. Elle a aussi soulevé la question de la gestion par un tiers administrateur, et je lui réponds que celle-ci n'a aucunement nui ou causé une difficulté quelconque à la distribution des fonds.

Ce qui me pose problème dans les propos de madame le sénateur, c'est qu'elle sous-entend que le gouvernement ne place pas au premier plan les intérêts des gens des Premières nations, ce qui, bien entendu est faux, surtout lorsqu'il est question des inondations qui perturbent actuellement des régions du Nord de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick.

[Français]

L'environnement

Laboratoire de recherche atmosphérique dans l'environnement polaire

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, le Laboratoire de recherche atmosphérique dans l’environnement arctique, aussi appelé station PEARL, est un centre canadien de recherche atmosphérique de renommée mondiale. Ses installations de recherche sont situées dans la partie la plus au nord du monde et permettent de surveiller la couche d’ozone, les gaz à effet de serre et la pollution dans l’Extrême- Arctique. Cette station a notamment joué un rôle essentiel dans la découverte du premier trou dans la couche d’ozone l’an dernier.

Maintenant que le gouvernement a éliminé le financement de cette station, en interrompant notamment le financement de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère, la station sera forcée de fermer ses portes. Pourquoi le gouvernement refuse-t- il d’appuyer la recherche sur le climat en privant cet important laboratoire du financement dont il a besoin pour rester ouvert?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, Environnement Canada verse depuis 2009, conjointement avec plusieurs autres organisations, un financement partiel au Laboratoire de recherche atmosphérique dans l'environnement polaire. Je crois avoir déjà répondu à cette question au Sénat. Quoi qu'il en soit, les chercheurs universitaires n'ont pas encore réussi à obtenir de financement pour effectuer des recherches au Laboratoire de recherche atmosphérique de l'environnement polaire. La station de surveillance de la couche d'ozone et de l'atmosphère — qui est située à Eureka, au Nunavut, et gérée par Environnement Canada — poursuit ses activités. Elle n'est pas touchée par l'échec des demandes de financement.

(1410)

Le sénateur Tardif : Honorables sénateurs, madame le leader est- elle en train de me dire que la station ne fermera pas à la fin avril? Les scientifiques qui y travaillent disent le contraire. Peut-elle me confirmer si la station restera ouverte?

Le sénateur LeBreton : Je peux seulement transmettre au sénateur les renseignements qu'on m'a donnés. La station de surveillance de la couche d'ozone et de l'atmosphère, qui est située à Eureka et gérée par Environnement Canada, poursuit ses activités et n'est pas touchée par l'échec des demandes de financement que les chercheurs universitaires ont présentées au Laboratoire de recherche atmosphérique dans l'environnement polaire.

Le sénateur Tardif : Je ne comprends pas, sénateur LeBreton. Ils n'ont pas de financement. Ils ne peuvent pas faire fonctionner la station sans financement. Si les demandes de financement ont échoué, il est clair qu'ils n'ont pas d'argent.

Le gouvernement débloquera-t-il des fonds pour que cet important centre de recherche puisse continuer ses activités?

Le sénateur LeBreton : Environnement Canada a une station de surveillance de la couche d'ozone et de l'atmosphère au Nunavut. Je viens tout juste de répéter que les activités que mène Environnement Canada dans cette station ne sont pas touchées par la décision concernant le Laboratoire de recherche atmosphérique dans l'environnement polaire.

Le sénateur Tardif : Sénateur LeBreton, je crois que nous ne parlons pas du même endroit. La station qui poursuit ses activités se trouve plus au Sud, à 1 200 kilomètres de distance. C'est la station du Nord qui sera fermée.

Cette station fournit un service d'une grande importance. Nous parlons constamment de la souveraineté du Canada dans l'Arctique; le gouvernement du leader en parle constamment. Il m'apparaît donc que l'existence d'une station ouverte toute l'année, où on mène des recherches scientifiques de calibre mondial et où des groupes internationaux veulent venir faire des recherches, contribuerait à affirmer la souveraineté du Canada.

Pourquoi le gouvernement du leader permet-il que l'on ferme cette station de recherche dans l'Arctique?

Le sénateur LeBreton : À vrai dire, Environnement Canada continue d'y mener des opérations. Je vais essayer, honorables sénateurs, d'obtenir de plus amples renseignements.

Que je sache, Environnement Canada a encore des stations de recherche dans le Nord et y poursuit ses activités. De toute évidence, les universités n'ont pas accordé de financement. Environnement Canada continue d'injecter d'importantes sommes dans des projets, mais je vais demander des précisions.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, c'est là un autre exemple classique. Le gouvernement répète sans cesse ce qu'il veut nous croire — même si c'est totalement faux — en espérant que cela finira par être vrai.

Permettez-moi de paraphraser autrement le refrain que madame le leader nous répète : « Le noir est blanc, ce qui est dedans est dehors, ce qui est en haut est en bas, le rouge est brun et, oh, en passant, ce perroquet n'est pas mort. »

Le fait est que la station fermera ses portes. C'est fini; elle n'existe plus. Le noir n'est pas blanc, le noir est noir et le blanc est blanc, et le pauvre perroquet est mort.

Étant donné que cette station est essentielle pour trouver toutes sortes de renseignements liés au climat, qu'il s'agisse de l'appauvrissement de la couche d'ozone ou des changements climatiques dans le Nord, comment le gouvernement pourra-t-il prendre les décisions appropriées pour atténuer les changements climatiques et s'y adapter s'il ne va pas chercher les données scientifiques sur lesquelles fonder ces décisions?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, concernant la petite remarque sur le noir et le blanc du sénateur, ce qui est fort triste pour les sénateurs d'en face, c'est que le rouge est maintenant bleu.

Environnement Canada a des installations dans le Nord. Je ferais remarquer que j'ai dit au sénateur Tardif que je demanderai des précisions. Environnement Canada a investi de l'argent dans le laboratoire PEARL et des chercheurs universitaires qui travaillaient dans ce laboratoire ont également demandé une aide financière. On n'a pas accédé à leur demande de financement, mais il n'en demeure pas moins qu'Environnement Canada exploite une station de recherche pour surveiller le climat et la couche d'ozone.

Comme je l'ai promis à madame le sénateur Tardif, puisqu'elle a posé une question très sérieuse — je ne peux pas en dire autant du sénateur Mitchell —, je vais demander des précisions.

Le sénateur Mitchell : La question que j'aimerais approfondir est celle de la souveraineté. Mes collègues ont fait allusion à l'important principe du droit international selon lequel ce n'est pas une présence et une activité militaires sporadiques qui établiront la souveraineté d'un pays dans des régions contestées comme le Nord, qui, je dois le souligner, est contesté à cause des changements climatiques que le gouvernement refuse de reconnaître. Ce qui place un pays dans une position avantageuse à cet égard devant les tribunaux internationaux, c'est l'usage quotidien que font du territoire les gens qui y vivent de même que les importantes activités scientifiques et professionnelles qui s'y déroulent. Cela sera perdu.

Le gouvernement a-t-il songé à l'incidence qu'une telle situation aura sur notre capacité à continuer d'établir notre souveraineté dans une région qui est actuellement contestée en raison précisément des changements climatiques que le gouvernement s'obstine à ne pas reconnaître en jouant à l'autruche et en affirmant que « ces choses ne se produisent pas; ce perroquet n'est pas mort »?

Le sénateur LeBreton : Pour ce qui est de la souveraineté dans le Nord, le sénateur sait pertinemment que nous avons une station de ravitaillement et de carénage pour la Marine royale canadienne et les autres navires gouvernementaux œuvrant dans le Nord. Cela n'a pas changé.

Le gouvernement accorde une grande importance au Nord. Nous avons fait plus pour cette région et y avons investi davantage que tout autre gouvernement depuis celui de John Diefenbaker au cours des années 1950 et au début des années 1960.

Le sénateur Mitchell : Le gouvernement a fait beaucoup pour le Nord parce que ce que les changements climatiques y feront est presque incompréhensible, et le gouvernement ne fait rien pour y remédier.

Prenons une autre voie. Le fonctionnement du laboratoire PEARL coûte 1,5 million de dollars. Le gouvernement affecte 30 millions de dollars aux célébrations soulignant le 200e anniversaire de la guerre de 1812. Pourquoi ne diviserait-il pas ce montant en deux pour consacrer 15 millions de dollars aux festivités et 15 millions de dollars au financement du laboratoire PEARL pendant 10 ans? Ne serait-ce pas là la solution parfaite? Le gouvernement pourrait utiliser 15 millions de dollars pour glorifier le passé et 15 millions de dollars pour mieux se préparer à un avenir marqué par les changements climatiques. Ne serait-ce pas là une utilisation plus judicieuse et plus efficace des fonds?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je ne m'embarquerai pas dans un débat fondé sur des hypothèses avec le sénateur Mitchell à propos des divers programmes gouvernementaux. Le gouvernement a de nombreuses initiatives. Nous croyons fermement à la souveraineté dans l'Arctique, comme nous sommes fermement déterminés à favoriser l'emploi et l'économie dans notre pays. Lorsque le budget sera présenté, demain, nous verrons l'orientation qu'adoptera le gouvernement. Je ne répondrai pas à des si ou à des mais. C'est un exercice futile.

Le sénateur Mitchell : Qu'il est intéressant d'entendre le leader parler d'emploi et d'économie étant donné que le laboratoire PEARL est essentiel pour l'emploi et l'économie. Il est essentiel pour la formation de nombreux jeunes chercheurs et de doctorants en climatologie. Il est essentiel pour les postes qu'obtiennent ces scientifiques parce qu'ils sont formés. Il est essentiel pour le financement privé que ces personnes attirent grâce à des projets conjoints.

Il ne restera rien de tout cela. Le gouvernement a-t-il évalué la formation qui sera perdue, combien de doctorants ne seront pas formés ici — si tant est qu'ils le seront —, mais ailleurs, et combien de ces emplois seront relocalisés, sans compter le risque que ces personnes ne trouvent même pas de poste? Peut-elle nous donner une idée du financement privé sur lequel il faudra mettre une croix parce que ce gouvernement ne peut pas se permettre de soustraire 1,5 million de dollars par année à un projet de commémoration de la guerre de 1812 qui pourrait facilement être sabré de moitié sans perdre en intérêt?

Le sénateur LeBreton : Avant toute chose, précisons qu'Environnement Canada et d'autres organismes ont contribué au laboratoire PEARL depuis 2009. Ce qui est ici en cause, ce sont les demandes de financement de certains chercheurs universitaires. À ce jour, le financement n'a pas été approuvé, mais cela n'entrave pas le travail et les activités d'Environnement Canada dans le Nord.

Le sénateur Mitchell fait des suggestions intéressantes. J'en prends bonne note, mais je ne lui promets pas que je les transmettrai.

(1420)

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une réponse différée à une question orale du sénateur Hubley, posée le 13 mars 2012, concernant la modernisation des pêches, et j'ai également l'honneur de déposer une réponse différée à une question orale du sénateur Cowan, posée le 16 décembre 2011, concernant le vérificateur général.

Les pêches et les océans

La gestion des pêches de l'Atlantique

(Réponse à la question posée le 13 mars 2012 par l'honorable Elizabeth Hubley)

Notre gouvernement reconnaît l'importance des pêches pour les Canadiens ainsi que leur valeur pour ce qui est de l'économie canadienne. En 2010, le Canada a exporté 4,1 milliards de dollars en produits de la mer, et l'industrie de la pêche commerciale employait environ 80 000 personnes d'un océan à l'autre. Cependant, des facteurs nationaux et internationaux continuent d'exercer des pressions sur l'industrie, et il faut une certaine flexibilité pour permettre aux intervenants des pêches de mieux adapter leurs entreprises aux changements qui touchent les ressources et les demandes du marché.

L'an dernier, le ministre a tenu des rencontres dans tout le Canada avec des représentants de l'industrie de la pêche et de différents gouvernements, ainsi que des intervenants. Il s'est aussi rendu dans plusieurs installations pour se faire une meilleure idée de l'état des pêches au Canada. Il a écouté les représentants de nombreuses pêches lui expliquer leurs préoccupations quant à l'avenir de leur secteur, les défis qu'ils rencontrent et les occasions de changement qui s'offrent à eux.

C'est pourquoi, en procédant à la modernisation du système de gestion des pêches au Canada, nous serons guidés par trois principes : la durabilité, la stabilité et la prospérité économique. À cette fin, le ministère effectue un examen de toutes ses politiques en tenant compte de ces trois principes et à la lumière du contexte économique mondial actuel.

Pêches et Océans Canada effectue des rencontres officielles avec des intervenants et des groupes autochtones depuis le début de janvier. Ces rencontres servent à discuter de façons de moderniser la gestion des pêches. La quantité de rétroaction reçue et la grande diversité des opinions recueillies par le ministère démontrent bien qu'il y a des changements à apporter. Notre gouvernement est à l'écoute des Canadiens. Il tiendra compte de toutes les opinions au moment d'élaborer un plan pour l'avenir.

Le ministre des Pêches et des Océans apprécie les idées et les opinions des pêcheurs, des groupes autochtones et des autres intervenants qui s'investissent personnellement dans l'industrie. Les représentants du ministère ont visité chaque région dans le but de discuter de ces questions avec les intervenants. En outre, au cours des derniers mois, le ministre lui-même a rencontré des centaines de pêcheurs dans des dizaines de communautés partout au pays.

Le vérificateur général du Canada

La capacité bilingue

(Réponse à la question posée le 16 décembre 2011 par l'honorable James S. Cowan)

Comme il s'agit de renseignements personnels en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, M. Ferguson devrait fournir les résultats de ses tests directement au Sénat ou les fournir au leader du gouvernement au Sénat, en donnant son accord pour que les renseignements soient transmis au Sénat.

Les responsables du Bureau du Conseil privé ont été appelés à faire le suivi auprès de M. Ferguson à ce sujet et à demander que ce dernier fournisse ces renseignements au Sénat, comme il en a été convenu lors de sa comparution.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Questions inscrites au Feuilleton—Demande de réponses

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, j'aimerais savoir si le gouvernement est prêt à répondre à deux séries de questions que j'ai fait inscrire au Feuilleton du 7 juin 2011. La série no 8 portait sur le Régime de pensions du Canada et la série no 9, sur l'examen stratégique du gouvernement. Toutes deux avaient déjà été soumises lors de diverses législatures antérieures. De fait, les questions concernant le Régime de pensions du Canada ont été inscrites au Feuilleton la première fois en octobre 2007. J'aimerais savoir quand je peux m'attendre à obtenir une réponse à ces questions.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous allons vérifier à quel moment nous pourrons répondre à ces questions. Je ne suis pas certain que cela doive faire l'objet d'un rappel au Règlement.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi de crédits no 4 pour 2011-2012

Troisième lecture

L'honorable Richard Neufeld propose que le projet de loi C-34, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2012, soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi de crédits no 1 pour 2012-2013

Troisième lecture

L'honorable Richard Neufeld propose que le projet de loi C-35, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2013, soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

L'étude sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004

Septième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Un changement transformateur s'impose : Un examen de l'Accord sur la santé de 2004, déposé au Sénat le 27 mars 2012.

L'honorable Kenneth Kelvin Ogilvie : Honorables sénateurs, je propose :

Que le rapport soit adopté et que, conformément à l'article 131(2) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre de la Santé étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

— Honorables sénateurs, je suis heureux aujourd'hui de prendre la parole au sujet de ce rapport, et je vous demande de l'adopter.

Tout d'abord, je tiens à remercier mes collègues qui siègent au comité. Je tiens à signaler que tous les membres du comité appuient ce rapport. Il faut souligner à cet égard le leadership dont a fait preuve le vice-président, le sénateur Eggleton.

Nous savons que ce rapport a été commandé par la ministre de la Santé, qui a demandé au Sénat que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie mène le deuxième examen obligatoire de l'accord décennal sur la santé conclu en 2004, et nous l'avons fait. Nous avons conclu qu'il y avait eu des progrès, remarquables dans certains cas, depuis 2004 à l'égard de certains objectifs, et j'en exposerai quelques-uns. Nous avons par contre également établi qu'il reste beaucoup de travail à faire.

Avant de vous exposer certaines recommandations précises, je veux tout d'abord vous faire part d'une très importante observation d'ensemble qui a été formulée par le comité. L'un après l'autre, les témoins ont mis en évidence d'importantes lacunes dans notre système de soins de santé. En fait, j'aurais dû dire dans nos systèmes de soins de santé.

Le cloisonnement du système ou des systèmes est l'un des principaux problèmes que nous avons été en mesure de cerner. Les éléments de l'industrie de la santé, si vous me permettez l'expression, semblent être isolés. Un terme revenait sans cesse à cet égard : cloisonnement. Les sénateurs seront peut-être étonnés, cependant, d'apprendre que les témoins que nous avons entendus, et qui sont des personnes chargées de fournir les services de santé, nous ont constamment indiqué qu'il y avait suffisamment d'argent dans le système, lorsqu'on inclut les augmentations annuelles prévues, pour que les Canadiens bénéficient d'un système de santé adéquat, dont ils devraient être satisfaits. Les témoins pensent que, si nous ne faisons pas de progrès, c'est en partie à cause de ce cloisonnement et de l'absence quasi totale d'innovation dans la prestation des services de santé, sur le terrain, dans l'ensemble de nos systèmes.

C'est pourquoi la première grande recommandation contenue dans le rapport veut que les augmentations annuelles que le gouvernement fédéral s'engage à verser pour les services de soins de santé au pays soient utilisées dans une large mesure pour définir et développer des pratiques novatrices et pour les répandre dans l'ensemble du système de soins de santé du pays. Les témoins nous ont dit sans équivoque, avec insistance, qu'il fallait faire de cette idée l'une de nos principales recommandations.

Pour aider davantage à bien situer les enjeux, je vous signale que, parmi les principaux facteurs freinant le développement des pratiques novatrices mises à l'essai se trouve le mode de rémunération dans le système de santé, conformément à la Loi canadienne sur la santé. Un modèle unique semble être appliqué sans aucune souplesse dans les systèmes provinciaux. Il agit comme un inhibiteur majeur de la prestation de services de santé, en particulier dans les soins primaires, lorsqu'on essaie d'élaborer des pratiques à caractère communautaire qui seraient plus efficaces pour fournir des services de santé à la population.

(1430)

J'aimerais maintenant brièvement parler de certaines des catégories de l'accord sur la santé et en signaler certaines des graves lacunes.

La première grande catégorie de l'accord porte sur les temps d'attente. De grands progrès ont été réalisés dans le domaine depuis la signature de l'accord. La plupart des provinces ont atteint 70 p. 100 des objectifs fixés dans chacune des grandes catégories. Cependant, il est clair qu'il y a encore de graves problèmes. Il est essentiel de déterminer les temps d'attente appropriés, d'évaluer clairement le moment à partir duquel les temps d'attente sont calculés et d'avoir la capacité d'effectuer des analyses adéquates des progrès réalisés dans l'atteinte des objectifs liés aux temps d'attente.

En guise d'exemple, nous avons recommandé que certaines organisations financées sur une base annuelle recueillent les renseignements nécessaires pour déterminer les temps d'attente appropriés et les mécanismes d'évaluation qui conviennent. Par exemple, deux organisations, la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé et le Conseil canadien de la santé, tentent de cerner les pratiques exemplaires et d'en faire la promotion dans l'ensemble du système.

Les ressources humaines dans le secteur de la santé constituent la deuxième catégorie importante dans l'accord de 2004. Honorables sénateurs, je tiens à signaler que plusieurs de nos recommandations présentent des possibilités de collaboration entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral pour favoriser le changement. Cependant, dans plusieurs des catégories, notamment les ressources humaines, le gouvernement fédéral devrait prendre l'initiative d'amener les diverses organisations à collaborer. À notre avis, le gouvernement fédéral devrait prendre les devants et travailler avec les provinces et les territoires à la création d'installations de formation adéquates et à la formation d'un nombre suffisant de personnes pour répondre aux besoins en matière de soins de santé au Canada.

Il est essentiel non seulement de maintenir les méthodes de formation actuelles, mais aussi de mettre au point de nouveaux cadres de formation multidisciplinaires. La question du cloisonnement, problème reconnu par un grand nombre d'intervenants, tient surtout au fait que les gens sont formés et travaillent en vase clos; ils ne voient pas la prestation de soins de santé comme un effort collectif déployé par diverses personnes travaillant dans des domaines différents.

Les soins à domicile constituent un autre domaine important cerné par le comité. Ce dernier estime qu'on devrait mettre au point des indicateurs pour mesurer la qualité et l'uniformité des soins à domicile, des soins de fin de vie et d'autres soins continus dans l'ensemble du pays. À notre avis, il faut en outre trouver des moyens de promouvoir l'intégration des services de santé mentale et de soins à domicile.

Je ne lirai pas les recommandations spécifiques. J'espère que vous comprendrez que nous avons formulé des recommandations dans tous les secteurs, et que je vous en donne des exemples dans le cadre de mon résumé du rapport.

Nous croyons qu'il faut sensibiliser davantage les Canadiens à l'importance de la planification des soins de fin de vie. Nous croyons aussi que, dans le secteur des soins continus au Canada, il faut intégrer pleinement au système de soins de santé les soins à domicile, les soins de longue durée en établissement, les services de répit et les soins palliatifs.

Nous croyons, honorables sénateurs, qu'il doit y avoir une réforme des soins de santé primaires. C'est plus particulièrement dans ce secteur que la méthode utilisée pour la rémunération des professionnels de la santé semble particulièrement empêcher d'effectuer des progrès.

Pour ce qui est des dossiers médicaux électroniques, il est tout à fait inacceptable, à notre époque, que nous n'ayons pas réalisé plus de progrès en ce qui a trait à l'intégration des technologies de l'information dans la pratique active des soins de santé au Canada. En Ontario, un professionnel de la santé exaspéré a affirmé que cela ne le dérangeait pas de ne pas pouvoir obtenir le dossier de l'Alberta. Il voulait l'obtenir de son propre hôpital. Cette mentalité de cloisonnement et le refus par les praticiens d'utiliser des systèmes intégrés sont en grande partie responsables des problèmes que nous observons.

Honorables sénateurs, nous proposons des recommandations pour fixer des objectifs et les atteindre, ainsi que pour assurer l'interopérabilité des systèmes de technologie de l'information.

Un des secteurs où nous avons observé de véritables progrès depuis l'accord de 2004 est celui de l'accès aux soins dans le Nord. Cependant, il reste encore beaucoup à faire. Dans ce secteur, il y a des exemples d'utilisation fructueuse des vidéoconférences et des technologies de l'information. Cependant, il y a encore beaucoup de progrès à faire. Des mesures de responsabilisation sont requises pour évaluer la performance des systèmes de soins de santé dans le Nord, et nous devons lever les obstacles attribuables au partage des compétences, qui nuisent à la prestation des soins de santé dans le Nord.

Le régime national d'assurance-médicaments, qui était l'une des catégories claires de l'accord de 2004, semblait bien aller. Puis, soudainement, vers 2006, il a semblé connaître des ratés. Ce n'est pas notre rôle de désigner des responsables. Notre rôle est de déterminer...

Une voix : Qu'est-ce qui s'est produit?

Le sénateur Ogilvie : Il a connu des ratés, monsieur, et il n'y avait pas de médicaments pour y remédier, apparemment. Je n'aborderai pas les questions de santé mentale à ce moment-ci, sénateur.

Nous avons fait des recommandations précises sur le régime national d'assurance-médicaments pour qu'on le remette sur les rails et qu'on se penche sur les questions de l'intégration de l'approvisionnement en produits pharmaceutiques à l'échelle nationale, des médicaments pour les maladies rares. De plus, il faut examiner toute la question des listes de médicaments au pays, afin de pouvoir offrir des régimes au meilleur coût possible au pays, et ainsi de suite.

Nous avons aussi recommandé l'adoption une stratégie pancanadienne de santé publique qui accorde la priorité aux modes de vie sains, à la diminution de l'obésité, à la prévention des blessures, à la santé mentale et à la réduction des iniquités en matière de santé chez les Canadiens, particulièrement chez les enfants, par l'adoption d'une approche de santé des populations s'articulant sur les déterminants sociaux de la santé.

Je vais aborder la section sur l'innovation. Manifestement, tous les témoins que nous avons entendus estiment que nous devons absolument innover si nous voulons pouvoir offrir des soins de santé adéquats aux Canadiens. Nous croyons que les gouvernements doivent créer un fonds canadien pour l'innovation en santé qui servirait à définir des modèles novateurs et des pratiques exemplaires applicables à la prestation des soins de santé et à communiquer des exemples à l'échelle du système de santé. La mise en œuvre et l'impact de la stratégie de recherche axée sur le patient doivent être évalués. Nous estimons que nous devons nous employer à trouver des pratiques novatrices dans le domaine de la prestation des services de soins de santé et concerter les efforts pour promouvoir ces pratiques, et que Santé Canada doit être chargé de créer un réseau pancanadien d'organisations de recherche en santé financées par le gouvernement fédéral et d'autres intéressés.

Honorables sénateurs, cela nous amène à parler de la santé des Autochtones, un autre domaine où, à notre avis, il est impératif d'offrir des soins de santé équitables qui tiennent compte de la culture des différents peuples autochtones. Nous croyons qu'il faut atténuer, voire supprimer, les obstacles liés aux champs de compétences si nous voulons une amélioration dans ce domaine particulier.

À cet égard, nous croyons donc que le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces et les territoires pour aborder les déterminants sociaux de la santé, en accordant la priorité aux besoins en eau potable, en logement adéquat et en éducation. Honorables sénateurs, nous commençons à peine à comprendre que les déterminants sociaux sont à l'origine d'un grand nombre des problèmes importants auxquels nous sommes confrontés et que nous devons régler pour faire avancer la société.

(1440)

Honorables sénateurs, nous croyons que nos recommandations sont pragmatiques. Nous croyons qu'il est possible de les mettre en œuvre. Nous croyons qu'au pays il existe déjà des organisations qui, au moyen de divers modèles de financement, peuvent fournir les preuves nécessaires pour faire progresser ces questions. À notre avis, les témoins qui ont soutenu vigoureusement que le système était suffisamment financé pour atteindre cet objectif, à condition de favoriser le décloisonnement et l'innovation, avaient raison.

Honorables sénateurs, le changement s'impose, d'où le titre de notre rapport, Un changement transformateur s'impose. Honorables sénateurs, j'espère que vous allez vous joindre à moi pour appuyer ce rapport.

Des voix : Bravo!

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je suis heureux de me joindre à mon collègue pour appuyer ce rapport et les recommandations qui ont été formulées à l'unanimité par le comité. Le sénateur Ogilvie a pris la peine de remercier toutes les personnes qui ont pris part à l'étude. Je me fais l'écho de ses paroles et je tiens à le remercier, lui aussi. J'ai entrepris cette étude, au cours d'une législature antérieure, en tant que président du comité. Il a assumé la relève, et nous avons bien travaillé ensemble, ainsi qu'avec tous les autres membres du comité, pour produire ce résultat. Cette réalisation ne représente rien de neuf pour le comité, qui affiche un bilan remarquable sur le plan des études réalisées et des rapports produits, et je ne parle ici que de ceux qui portent sur les soins de santé.

Sous la présidence du sénateur Michael Kirby, mon prédécesseur, le comité a effectué une étude importante. Le leader du gouvernement au Sénat et de nombreux autres sénateurs ont pris part à cette étude et formulé un large éventail de recommandations ayant trait aux soins de santé. Par la suite, le comité a mené une autre étude et publié un rapport sur la santé mentale intitulé De l'ombre à la lumière, également sous la présidence du sénateur Kirby. Ce rapport réunit plusieurs éléments de ces deux études. J'en suis très satisfait, et, lors des travaux du comité, le sénateur Seidman a tout particulièrement insisté pour que la santé mentale soit considérée comme un élément majeur dans l'intégration des divers aspects du système de soins de santé.

Ce septième rapport, qui contient 46 recommandations, peut ouvrir la voie à la réforme du système canadien de soins de santé, laquelle vise à mieux répondre aux besoins des Canadiens et à tenir compte des réalités actuelles. La santé des Canadiens ne dépend pas uniquement de la qualité du système de soins de santé. En effet, plusieurs autres facteurs entrent en ligne de compte. Par exemple, le sénateur Ogilvie a parlé des déterminants sociaux et de la nécessité de fournir de l'eau potable, des logements adéquats et une bonne formation scolaire aux collectivités autochtones. Tous ces facteurs ont une incidence sur la santé. Dans son étude sur la pauvreté, le logement et l'itinérance, le comité a découvert que 25 p. 100 des Canadiens les plus pauvres utilisent deux fois plus de services de soins de santé que les 25 p. 100 les plus riches. Il y a tellement d'autres aspects liés à notre qualité de vie et à notre mode de vie qui jouent un rôle dans notre système de soins de santé.

La première recommandation de ce rapport donne le ton de cette transformation. On y propose que, quel que soit le montant d'argent à notre disposition — et le ministre fédéral des Finances a annoncé, en décembre, la formule utilisée pour calculer les contributions fédérales additionnelles au titre du Transfert canadien en matière de santé —, il devrait servir en grande partie à instaurer des changements. Je cite le rapport : « [...] des mesures incitatives visant à instaurer des changements ». Des changements à quoi? Des changements comme ceux qui sont proposés dans les 45 recommandations qui suivent.

Je veux être clair. Pour l'ensemble de ces recommandations, je souscris aux propos de mon collègue. Ce n'est pas une question d'argent. En fait, il faut innover et essayer d'utiliser les enveloppes budgétaires existantes à meilleur escient. Le financement alloué au système canadien de soins de santé s'élève à 200 milliards de dollars. Nous pouvons faire du bien meilleur travail, un travail plus efficace, et dépenser l'argent plus judicieusement. Nous pouvons accomplir des réformes sans beaucoup majorer les transferts. C'est vrai. Comme le propose la première recommandation, la majoration devrait servir à créer des mesures incitatives visant à instaurer des changements.

Cela ne veut pas dire que le rôle du gouvernement fédéral se résume à mettre de l'argent sur la table. Son rôle ne s'arrête pas là. Le rapport est clair. Le gouvernement fédéral fait partie intégrante du système et il doit participer à la collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Dans certaines recommandations du rapport, il est question de la collaboration entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux, alors que dans d'autres il est question du rôle de chef de file que le gouvernement fédéral devrait jouer dans plusieurs domaines. Il est clair que tous les ordres de gouvernement doivent participer à cet effort. Il est également essentiel de décloisonner les systèmes de soins de santé.

Le comité a reçu le mandat de procéder à l'examen de l'accord de 2004 sur la santé, qui est prévu par la loi. Il s'agit du second examen, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes ayant effectué le premier. Il s'agit également du dernier examen avant l'expiration de l'accord, ce qui en fait un exercice important. Nous pourrions étudier en détail cet examen, ce qui prendrait beaucoup de temps, mais je vous recommande plutôt de lire le rapport. Vous prendrez ainsi connaissance de certaines améliorations et de certains échecs, ainsi que de demi-succès et de demi-échecs.

La première partie du rapport porte sur les temps d'attente. On constate bien des améliorations à cet égard, notamment en ce qui concerne les cancers, les maladies cardiaques, les remplacements d'articulations et les interventions de restauration de la vue. Le comité n'a pas pu évaluer les progrès concernant l'imagerie diagnostique, faute de normes et de critères pertinents. Par contre, il a pu bien cerner les réalisations en ce qui concerne les temps d'attente.

Nous avons constaté quelques lacunes. D'une part, il faudra s'occuper de bien d'autres domaines spécialisés dont je n'ai pas parlé. D'autre part, à partir de quel moment mesure-t-on le temps d'attente? Nous avons constaté qu'il était mesuré à partir du moment où on a établi que le patient a besoin d'une intervention chirurgicale. Par contre, certaines personnes nous ont parlé de la période d'attente avant de pouvoir consulter un médecin de famille. Le temps d'attente est plus long pour ceux qui n'en ont pas. Qu'en est-il du temps d'attente entre ce moment et celui où la personne peut consulter le spécialiste? Il faut améliorer ce genre de choses pour disposer d'un meilleur outil de mesure pancanadien auquel les gens peuvent se fier. Bien entendu, cette question a fait l'objet de nombreux rapports, et d'importants fonds fédéraux, 5,5 milliards de dollars, ont été investis pour réduire les temps d'attente.

Pour ce qui est des ressources humaines dans le domaine de la santé, nous suggérons que le gouvernement fédéral prenne l'initiative de créer un observatoire afin de pouvoir cerner les besoins en matière de professionnels de la santé dans les différentes régions du Canada. Actuellement, on compte plus de professionnels de la santé qu'au début de cet exercice, en 2004. Par contre, il en manque toujours dans certaines régions rurales ou éloignées ou dans certaines collectivités autochtones. Par ailleurs, les gens formés à l'étranger ne sont pas intégrés au système de santé aussi rapidement qu'ils le devraient, et ce, même si un mécanisme a été mis en œuvre à cet égard par le gouvernement fédéral. Cette question mérite qu'on s'y intéresse davantage.

Au sujet de la formation des professionnels de la santé, nous avons aussi souligné que les universités et les collèges pourraient contribuer de manière importante à la réforme des soins de santé de première ligne en offrant davantage de formation interprofessionnelle, pour que se forment des équipes multidisciplinaires qui comptent, en plus du médecin de famille, des infirmières praticiennes, des intervenants en santé mentale et toutes sortes d'autres spécialistes. C'est dans le système d'éducation, où l'on tentera de rapprocher les professionnels de la santé dès l'étape de leur formation, que le développement d'équipes multidisciplinaires doit commencer. Je le répète, le travail se fait trop souvent en cloisonnement.

(1450)

Je vais tenter d'aller rapidement et de ne pas aborder les sujets dont le sénateur a déjà parlé. Les dossiers de santé électroniques — voilà un domaine où nous pourrions progresser davantage. Notre point de départ devrait être les médecins qui utilisent dans leur pratique leurs propres dossiers médicaux électroniques. On parle ici du dossier produit par le médecin, à l'interne; nous avons du chemin à faire de ce côté. En effet, d'autres professionnels de la santé font partie du contexte, sans parler des liens avec les hôpitaux et les pharmacies. Beaucoup de progrès reste à faire à cet égard. Il faut évidemment penser aux questions de protection des renseignements personnels et de compatibilité des systèmes, car ceux-ci doivent s'intégrer adéquatement. Il reste beaucoup de pain sur la planche relativement aux dossiers médicaux électroniques.

Quant à l'accessibilité aux soins dans le Nord, on doit se rappeler qu'il est très difficile dans les régions rurales et éloignées d'obtenir — en personne — des soins de la part d'un médecin ou d'une infirmière. Les services de télésanté tiendront toujours une place importante dans cette région, et ils doivent être bonifiés.

Comme le sénateur l'a mentionné, je crois, la Stratégie nationale relative aux produits pharmaceutiques a été abandonnée en 2006. Je ne parlerai pas de ce qui s'est passé ici en 2006, mais ce programme doit être relancé. En nous fondant sur le principe de l'accès universel et équitable pour tous les Canadiens, nous avons proposé un régime national d'assurance-médicaments, comprenant un programme national pour la couverture des médicaments onéreux et une liste nationale de médicaments. Il faut relancer cette initiative, et il faut lui accorder autant d'attention que le recommande le comité.

Le chapitre suivant s'intitule « Prévention, promotion et santé publique ». Il faudra miser beaucoup sur cet aspect, car c'est à ce chapitre que nous pourrons faire beaucoup d'économies. Mieux vaut prévenir que guérir; le vieux proverbe est toujours vrai. Combattre des problèmes comme l'obésité, tenter de réduire les cas de maladie chronique, promouvoir de bonnes habitudes de vie, composer avec les déterminants sociaux de la santé et prévenir les blessures, en particulier chez les enfants, ce sont là des mesures qui exigent une approche préventive, ce qui ferait économiser au système une grande partie de l'argent qui pourrait servir à mettre en place une bonne partie des réformes soulignées dans ce rapport.

Sur le plan de l'innovation en matière de santé, nous avons pris une initiative essentielle en demandant au gouvernement fédéral de diriger les travaux effectués avec les gouvernements provinciaux et territoriaux en vue d'établir un fonds national pour l'innovation dans le domaine de la santé. C'est l'innovation qui apportera le changement. Mettons en place ce fonds pour l'innovation afin de diffuser les pratiques exemplaires et de déterminer quelles sont les pratiques que nous pouvons améliorer, en vue d'étendre ces réformes à tout le système de soins de santé.

Honorables sénateurs, permettez-moi de mentionner aussi les soins à domicile, un autre secteur dans lequel nous avons besoin d'une stratégie pancanadienne. Nous avons recommandé l'adoption d'une stratégie pancanadienne de soins à domicile, qui viserait notamment à alléger le fardeau des aidants naturels. Plusieurs d'entre nous ont eu l'occasion d'agir comme aidants naturels et d'aider des membres de notre famille ou des amis. Nous sommes conscients du fardeau que ces soins peuvent représenter pour de nombreuses personnes et de nombreuses familles. À titre d'exemple, le comité a beaucoup appris à propos des enfants autistes et des divers genres de soutien dont ils ont besoin. Les aidants doivent avoir des périodes de repos et de répit.

Nous avons aussi souligné qu'il faudrait améliorer le secteur des soins palliatifs sur le plan des services à domicile, afin que les personnes qui arrivent à la dernière étape de leur vie puissent conserver leur dignité et souffrir le moins possible. Il nous faut une meilleure infrastructure en ce qui a trait aux centres de soins palliatifs. Il a été prouvé que, si une personne ne peut pas passer ses derniers jours chez elle, ces centres peuvent jouer un rôle bénéfique, s'il en existe un dans la région. Il en faudrait beaucoup plus.

J'aimerais enfin rappeler qu'il est important d'intégrer tous ces systèmes. Nous avons besoin d'une gamme complète de soins. Il faut coordonner les infrastructures relatives aux soins à domicile, aux soins de longue durée, aux soins palliatifs, aux soins actifs et aux autres aspects de cet ensemble. Il faut décloisonner le système et mieux intégrer tous ses éléments.

Je vais m'arrêter ici, honorables sénateurs. Le rapport aborde plusieurs autres points. Je vous invite à l'examiner attentivement, car il s'agit d'une question qui est d'actualité. C'est un enjeu fort important pour les Canadiens. Les membres du comité ont bien travaillé ensemble pour présenter les 46 recommandations visant à améliorer le système de santé, à le moderniser et à l'adapter à nos besoins, et ce, à l'intérieur d'un cadre financier raisonnable dans la mesure où nous ferons preuve d'innovation. Merci beaucoup.

L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, j'aimerais simplement dire quelques mots au sujet de ce rapport, car je conviens que nous sommes à l'heure des choix. Nous savons que les questions relatives à la santé seront l'un des plus grands défis que nous devrons relever au cours des prochaines années et qu'il existe de nombreux problèmes particuliers, comme le vieillissement de la population et le taux croissant d'obésité chez les enfants.

Je voulais porter à l'attention des sénateurs un rapport qui a été publié hier par ParticipACTION et la Société canadienne de physiologie. Il propose, pour la toute première fois, des lignes directrices en matière d'activité physique et de comportement sédentaire pendant la période de la petite enfance, qui va de la naissance à l'âge de cinq ans. La recherche a notamment montré que l'activité physique ne suffit pas, qu'il faut aussi diminuer les activités sédentaires.

Je sais que le document a été distribué au bureau de chaque sénateur. Je recommande que nous le lisions tous et que nous collaborions, tous partis confondus, en ne ménageant pas nos efforts afin de modifier les comportements et de créer une population jeune et en bonne santé dès la naissance.

Je remercie beaucoup les membres du comité de leur travail sur cette question.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, il s'agit d'un rapport fort important, et je tiens à féliciter le président, le vice- président et les membres du comité de tout ce qu'ils ont accompli et d'avoir fait la distinction entre la santé et la vie saine et les soins de santé, c'est-à-dire les soins nécessaires parce qu'on n'a pas pris soin de soi ou qu'on est aux prises avec un trouble quelconque.

J'aimerais obtenir les commentaires du sénateur Ogilvie. Il a mentionné à deux reprises que le mode de rémunération au sein des régimes provinciaux constitue un facteur inhibiteur. Peut-il en dire davantage à ce sujet pour mettre les choses au clair?

Ne pouvez-vous pas utiliser mon temps de parole?

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis (Son Honneur la Présidente suppléante) : Il s'agit de son temps de parole.

Le sénateur Moore : C'est mon temps de parole.

Le sénateur Ogilvie : Puis-je poser une question?

Son Honneur la Présidente suppléante : Oui.

Le sénateur Ogilvie : Le sénateur a soulevé un point important, et je me demande si je peux l'interroger sur un point qu'il a évoqué au sujet de la rémunération. A-t-il songé au fait qu'actuellement le mode de rémunération consiste essentiellement à payer les honoraires d'un médecin pour des services qu'il a fournis à un certain patient pour une visite donnée?

(1500)

Le sénateur s'est-il demandé ce qui se passerait si quelques médecins de famille se réunissaient entre eux pour fonder une clinique et décidaient d'embaucher une infirmière et une infirmière praticienne pour offrir des services plus complets sous un même toit? Ils pourraient ensuite — s'ils disposaient d'un minimum de ressources pour administrer des tests — voir les patients sans délai et leur offrir à une seule adresse l'ensemble des soins requis pour traiter des problèmes de santé peu complexes. Les patients pourraient ainsi rentrer chez eux après avoir reçu tous les soins voulus pour jouir d'une bonne santé.

Le sénateur a-t-il pensé qu'une clinique de ce genre ne pourrait pas facturer tous les services qu'elle se trouverait alors à offrir? Les gouvernements provinciaux semblent très peu enclins à reconnaître des modèles de rémunération différents pour les services de santé, même lorsque ceux-ci sont prévus dans la Loi canadienne sur la santé.

Je me demande si c'est ce à quoi pensait le sénateur lorsqu'il a posé sa question.

Le sénateur Robichaud : Très bonne question.

Le sénateur Moore : Il s'agit en effet d'une excellente question, sénateur. Je n'avais pas pensé à toutes ces choses. Dans son exemple — celui concernant la clinique réunissant des médecins ainsi que des infirmières et des infirmières praticiennes —, le sénateur affirme que, dans les circonstances actuelles, tous les services ne pourraient pas être facturés. Je ne sais pas précisément comment fonctionne le système; le sénateur pourrait peut-être nous fournir quelques explications à ce sujet.

Le sénateur Ogilvie : Honorables sénateurs, en guise de question complémentaire, j'aimerais savoir si le sénateur Moore croit que les systèmes de santé provinciaux ne reconnaissent pas un tel modèle de facturation parce qu'ils ne sont réellement pas en mesure de le faire, ou si c'est simplement parce qu'ils font preuve de mauvaise volonté. Nous avons entendu dire que les décideurs sont très intransigeants dans ce domaine.

Encore une fois, je demanderais au sénateur si cela correspond à la nature de sa question.

Le sénateur Moore : C'est le cas, honorables sénateurs, et je dois admettre que je suis surpris de votre réaction. J'espérais que le rapport du comité du sénateur allait permettre de surmonter cet obstacle, parce que cela permettrait d'économiser et que cela serait profitable aux patients que l'on essaie — espérons-le du moins — de servir.

(Sur la motion du sénateur Callbeck, le débat est ajourné.)

[Français]

L'éducation dans la langue de la minorité

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Losier-Cool, attirant l'attention du Sénat sur l'évolution de l'éducation dans la langue de la minorité.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai averti mon honorable collègue, le sénateur Comeau, que j'allais prendre la parole aujourd'hui. Je propose que, à la fin de mes remarques, le débat soit ajourné à son nom.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui suite à l'invitation du sénateur Rose-Marie Losier-Cool, qui nous a encouragés à participer à un débat sur l'évolution de l'éducation dans la langue de la minorité. Je tiens à remercier notre honorable collègue pour cette excellente initiative.

Pour ma part, je vais vous raconter un pan de l'histoire de ma communauté, la communauté franco-albertaine, à travers le récit de sa lutte pour l'accès à l'éducation en français. C'est un récit toujours en évolution qui constitue l'identité profonde de ma communauté et qui m'a également profondément marquée tout au long de ma carrière.

C'est l'histoire des luttes et de la persévérance d'une communauté qui a compris que l'école est une institution indispensable afin d'assurer la continuité de sa culture et de sa langue ainsi que l'épanouissement de ses membres. Ces luttes permettent aujourd'hui à plus de 5 000 élèves franco-albertains de recevoir une éducation dans leur langue, dont mes propres petits-enfants d'âge scolaire. Laissez-moi vous rappeler à quel point la route a été ardue pour en arriver là où nous en sommes aujourd'hui.

Pour vous donner des repères, je souligne en amont quelques dates historiques qui découpent mon discours en cinq périodes : premièrement, la période pré-1892; deuxièmement, la période suivant les changements législatifs de 1892; troisièmement, la période suivant la directive de 1925; quatrièmement, la période des années 1960 et 1970; et enfin, la période suivant la promulgation de la Charte des droits et libertés en 1982.

Les premières écoles françaises ont été établies en Alberta dès les années 1860 par des missionnaires catholiques. À cette époque, rappelons que l'Alberta faisait partie de la Terre de Rupert, qui était sous contrôle britannique. La Terre de Rupert était cependant administrée par une compagnie privée, la Compagnie de la Baie d'Hudson, qui pratiquait le bilinguisme dans le respect des communautés anglophones et francophones, qui étaient très présentes sur le territoire.

Rappelons que le français a été la première langue européenne parlée sur le territoire. Plus de 500 noms d'origine française lient toujours l'Alberta à ses racines francophone comme Morinville, Legal, Bonnyville, Jean-Côté, Falher, et j'en passe. Ils soulignent la contribution des premiers francophones au développement de l'Alberta.

L'Église a joué un rôle important dans le développement de l'Ouest canadien, notamment les pères Oblats ainsi que les Sœurs Grises, une congrégation de religieuses catholiques venues du Québec. Elles ont établi une première école en 1859, au lac Sainte- Anne, puis une seconde à la mission du lac La Biche, trois ans plus tard. La même année, en 1862, le père Albert Lacombe a établi une école au Fort Edmonton. Ces écoles marquent le début de l'éducation catholique et française en Alberta.

En 1870, les vastes territoires de l'Ouest nord-américain, y compris la Terre de Rupert, sont transférés au Canada et désignés Territoires du Nord-Ouest. En vertu de la Loi des Territoires du Nord-Ouest de 1875, un système d'écoles publiques a été mis sur pied. Cette loi permettait aux minorités religieuses, qu'elles soient catholiques ou protestantes, d'établir des écoles séparées et financées indépendamment par une taxe. Puisque les catholiques de l'époque étaient pour la plupart des francophones, cette loi favorisait l'éducation en français. Elle permettait l'établissement de districts scolaires et d'écoles catholiques séparées où la langue d'enseignement était le français.

Honorables sénateurs, comme les cours d'histoire nous le rappellent aujourd'hui, les promoteurs de l'Ouest canadien ont prôné au tournant du XXe siècle une certaine conception du pays, le voulant britannique et anglais. Ils ont pris les moyens pour faire valoir cette conception, notamment par leur politique d'immigration et par des lois et règlements qui imposaient l'anglais comme langue obligatoire. Ainsi, en 1892, une ordonnance a modifié le système d'éducation en place pour faire de l'anglais la langue obligatoire d'enseignement dans toutes les écoles des Territoires du Nord- Ouest.

L'instruction en français dans les écoles publiques n'était donc plus permise à partir de 1892.

(1510)

Cependant, des modifications législatives apportées au début du XXe siècle permettaient l'utilisation du français dans les cours primaires, lorsque les élèves ne comprenaient pas l'anglais. Plus précisément, des modifications à la loi ont fait en sorte que toute commission scolaire pouvait autoriser un usage limité du français au cours d'une année de l'élémentaire et pouvait se procurer l'argent nécessaire pour payer les salaires des enseignants.

Toutefois, le temps alloué pour l'enseignement du cours primaire variait entre une demi-heure et une heure ou plus par jour, et les horaires de chaque école étaient approuvés par un inspecteur d'écoles. Puisque le français n'était pas une matière obligatoire ou d'examen au programme d'études, les inspecteurs anglophones ne se gênaient pas pour réduire le temps consacré à son enseignement.

C'est dans ce contexte que mes grands-parents maternels ont élevé leurs enfants. Rosario et Ernestine, tous deux originaires du Québec, sont venus s'installer en Alberta, l'endroit où ils se sont rencontrés au début du XXe siècle. Ne parlant pas l'anglais lors de leur arrivée en Alberta, ils ont dû élever leurs enfants dans un milieu anglophone avec très peu d'appui institutionnel pour les aider à maintenir leur langue et leur culture francophone. Aucun de leurs enfants n'a été scolarisé en français.

De plus, lorsqu'ils ont commencé l'école, ils étaient méprisés par d'autres jeunes et même parfois par les enseignants à cause de leur accent français. Cela dit, tous les enfants et la plupart des petits- enfants de Rosario et Ernestine ont gardé leur langue maternelle, mais il n'y a aucun doute qu'ils ont été durement éprouvés. Leur histoire est semblable à celle de bien d'autres francophones, et notamment à celle de nombreux immigrants de langue française, provenant surtout du Québec, qui sont venus s'installer dans l'Ouest canadien à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.

En 1925, pour faire suite aux revendications de la communauté francophone, de nouvelles directives portant sur les cours primaires de langue française ont été émises. Dorénavant, si la commission scolaire le permettait, les élèves francophones pouvaient recevoir leur enseignement en français pendant les deux premières années scolaires, à l'exception d'un cours de lecture en anglais. Toutefois, à partir de la troisième année, ils ne pouvaient pas recevoir plus d'une heure par jour d'enseignement en français.

Malgré la directive de 1925, un bon nombre d'enseignants offraient un enseignement bilingue en première année seulement, tandis que d'autres commençaient à enseigner en français au début de l'année, mais passaient à l'anglais rapidement. En plus de la loi qui limitait considérablement l'enseignement en français, ces écoles qu'on appelait bilingues faisaient face à des pressions qui influençaient certaines commissions scolaires et enseignants à mettre davantage l'accent sur l'enseignement de l'anglais.

Premièrement, les inspecteurs qui évaluaient l'enseignement des matières en anglais avaient tendance à associer les faiblesses scolaires des élèves à leur apprentissage de la langue française. Ainsi, ils pouvaient justifier auprès des commissaires le besoin de consacrer plus de temps à l'enseignement de l'anglais.

Un autre problème venait des croyances de plusieurs parents francophones. Certains supposaient qu'une connaissance importante de l'anglais permettrait à leur enfant de devenir prospère, et d'autres s'interrogeaient même sur l'utilité de la langue française dans un milieu anglophone. Finalement, ces écoles ont fait face à une pénurie systémique d'enseignants bilingues.

À la suite de l'ordonnance de 1892, les catholiques francophones se trouvaient incapables de former et de certifier leurs propres enseignants, et les écoles normales albertaines n'offraient aucun cours de formation pédagogique en français. On a tenté d'attirer des enseignants catholiques du Québec, mais le ministère de l'Éducation de l'Alberta a refusé de reconnaître les certificats de ces enseignants.

Ainsi, si les commissaires voulaient garder leurs écoles ouvertes, ils étaient souvent obligés d'embaucher des enseignants non francophones. Dans ce contexte, un régime d'établissements scolaires privés a été un des outils de survivance que les Franco- Albertains se sont donné. Parmi ces établissements, il faut noter le Collège des jésuites d'Edmonton, établi en 1913, l'Académie Assomption, qui a été établie en 1926 par les Sœurs de l'Assomption pour les jeunes filles, et le Juniorat Saint-Jean, établi en 1908, par les Oblats de Marie Immaculée pour les jeunes hommes, devenu le Collège Saint-Jean, en 1943, et, par la suite, la Faculté Saint-Jean, un campus universitaire francophone offrant aujourd'hui plusieurs diplômes de premier cycle et de deuxième cycle, où j'ai eu l'honneur de remplir les fonctions de doyenne.

J'ai eu moi-même la chance de recevoir la majorité de mon éducation dans des institutions privées, premièrement chez les Sœurs Grises, puis par la suite à l'Académie l'Assomption. L'enseignement des matières scolaires en anglais était cependant toujours obligatoire dans ces établissements, et les programmes d'enseignement étaient ceux de la province. Cependant, ce sont des religieuses francophones qui m'ont enseigné dans un environnement francophone. Il faut dire que le régime d'établissements scolaires privés a joué un rôle fondamental dans la préservation de la langue et de la culture françaises pour plusieurs Franco-Albertains comme moi.

Cependant, les familles francophones qui désiraient éduquer leurs enfants dans des établissements privés devaient faire des sacrifices. Par exemple, dans mon cas, mes parents ont dû supporter un fardeau financier considérable afin que je puisse fréquenter ces écoles. De plus, j'ai dû quitter la maison familiale dès l'âge de six ans pour aller vivre dans un couvent afin d'apprendre la langue française. En plus de ces obstacles, ces établissements privés, au départ réservés aux jeunes hommes, n'étaient pas accessibles à l'ensemble de la population et répondaient davantage aux besoins de l'élite.

En plus des établissements scolaires privés, il faut aussi souligner que, tout au long du XXe siècle, les luttes politiques ayant trait à l'éducation en français étaient surtout menées par l'Association canadienne-française de l'Alberta, qui est encore aujourd'hui l'organisme central du milieu associatif franco-albertain. Le support pédagogique pour l'enseignement du français était pour sa part assuré par l'Association des instituteurs bilingues de l'Alberta, fondée en 1926, puis par l'Association des éducateurs bilingues de l'Alberta, à compter de 1946.

Puisque le ministère de l'Éducation n'offrait aucun appui pédagogique pour l'enseignement du français avant 1965, ces associations devaient s'occuper de l'élaboration de ces programmes d'études en français et de la création d'activités culturelles de tous genres. Tout ce travail était effectué par des bénévoles, souvent les samedis et les dimanches.

Ce n'est qu'à partir des années 1960 et 1970 qu'il y a eu des changements apportés à la loi provinciale pour permettre l'enseignement en français. À compter de 1968, la loi scolaire a permis l'utilisation du français comme langue d'enseignement jusqu'à 50 p. 100 de la journée, et ensuite jusqu'à 80 p. 100 de la journée en 1976. Ces changements étaient notamment motivés par la popularité grandissante des programmes d'immersion en français pendant les années 1970 un peu partout au Canada. Ainsi, à la fin des années 1970, les élèves albertains pouvaient à toutes fins utiles recevoir une instruction scolaire en français. Cependant, le gouvernement ne faisait pas encore de distinction entre les clientèles francophone et anglophone, que l'on jugeait opportun de regrouper dans les mêmes classes.

Par conséquent, de 1968 à 1982, un nombre toujours grandissant de jeunes élèves anglophones et francophones vont étudier dans les mêmes classes dans les programmes d'immersion. Jusqu'à la fin des années 1970, la croyance était répandue en Alberta que le programme d'immersion en français était profitable aux francophones. Il y avait donc peu d'opposition au fait que les élèves francophones et anglophones partagent la même école, et même parfois les mêmes classes.

Malheureusement, l'expérience a montré que les écoles d'immersion s'avéraient un facteur d'assimilation, n'étant pas conçues pour des élèves dont la langue maternelle était le français, mais plutôt pour des élèves dont la langue maternelle était une autre langue que le français.

(1520)

Dans ce contexte, plusieurs parents et intervenants ont affirmé que le modèle d'immersion en français ne répondait pas aux besoins particuliers des élèves dont la langue maternelle est le français.

Afin de freiner l'assimilation et de renforcer l'identité culturelle francophone, les Franco-Albertains réclament des établissements scolaires bien à eux, qui seraient spécifiquement au service de la communauté francophone. En 1982, un groupe de francophones d'Edmonton, le Groupe Bugnet, affirme que la Charte canadienne des droits et libertés, alors nouvellement promulguée, leur accorde le droit à une éducation francophone distincte. Le Groupe Bugnet entreprend une poursuite en justice en invoquant le fait que le gouvernement provincial les prive de droits légitimes que leur garantit l'article 23 de la Charte. Cette affaire marque le début d'un long parcours qui aboutira à la Cour suprême du Canada, en 1990.

Parallèlement, au cours des années 1980, une association distincte, dont je suis fière d'avoir été membre, est mise sur pied à Edmonton, soit la Société des parents francophones pour des écoles francophones à Edmonton. Tandis que le Groupe Bugnet concentre ses efforts dans le domaine juridique, la société fait pression auprès de l'Edmonton Catholic School Board en vue de mettre sur pied une école française catholique payée par les deniers publics. En 1984, ces efforts commencent à porter fruit avec l'ouverture de deux écoles élémentaires publiques francophones, une à Edmonton et une autre à Calgary.

Cependant, il n'y a toujours pas d'école secondaire distincte pour les francophones. La Société des parents francophones continue alors d'utiliser des moyens de pression. Elle organise des réunions, des pétitions et des interventions auprès des administrateurs et des politiciens. En 1988, des parents en viennent même à occuper les locaux de l'Edmonton Catholic School Board pendant deux jours. Cette même année, la commission scolaire établit enfin des programmes séparés pour les élèves francophones au niveau secondaire à Edmonton.

En mars 1990, la Cour suprême du Canada confirme que l'Alberta School Act est incompatible avec l'article 23 de la Charte, et ordonne au gouvernement provincial de réviser ses lois. La cour confirme le droit des francophones à leurs propres écoles et au contrôle indépendant de celles-ci. En mars 1994, la communauté franco-albertaine procède aux premières élections de commissaires scolaires francophones dans plusieurs régions de la province. C'est un moment historique important dans la lutte pour l'éducation en français, qui survient plus de 100 ans après l'imposition de l'anglais comme langue d'enseignement obligatoire pour les francophones.

Honorables sénateurs, je conclus en soulignant que les 30 dernières années ont été riches en changements pour l'éducation de la minorité francophone albertaine. Aujourd'hui, il y a cinq conseils scolaires en Alberta, qui regroupent plus de 40 écoles et 5 000 élèves.

Ces changements sont le résultat de longues batailles juridiques et politiques. Le fruit de ces efforts est non seulement l'établissement et le contrôle d'écoles francophones distinctes, mais également une prise de conscience, une fierté et une plus grande confiance de la part des Franco-Albertains. Les écoles francophones forment aujourd'hui la pierre angulaire d'une communauté en plein épanouissement qui continue de lutter contre l'assimilation, qui accueille de plus en plus d'immigrants francophones et qui défend la reconnaissance de ses droits linguistiques.

L'honorable Pierre Claude Nolin : Je remercie madame le sénateur de son exposé qui m'amène à lui poser une question. Il y a quelques années, un Albertain francophone a interpellé le gouvernement de l'Alberta et le gouvernement du Canada pour faire reconnaître les droits ancestraux des Canadiens français de l'Alberta, au moment où l'Alberta s'est jointe à la Confédération. J'aimerais, dans le peu de temps qu'il nous reste, que le sénateur nous explique où en est cette cause qui est, selon moi, fort importante pour la communauté francophone de l'Alberta.

Le sénateur Tardif : Je remercie l'honorable sénateur de cette importante question. Il s'agit de la cause Caron, qui est toujours devant les tribunaux. Le gouvernement albertain ne reconnaît pas les arguments qui ont été mis de l'avant par M. Caron. C'est une cause qui, je crois, avec un financement approprié, pourrait se rendre jusqu'à la Cour suprême du Canada.

Je vous ai parlé de la Terre de Rupert. À ce moment-là, la reine Victoria aurait pris des engagements en observant que, à cette époque, les droits des francophones étaient reconnus dans la pratique et dans la tradition. Lorsqu’on a vendu la Terre de Rupert, qu’on a transféré ces terres au Canada et qu’on a créé les Territoires du Nord-Ouest, cela n’a pas changé. Un professeur du Campus Saint-Jean a justement trouvé récemment dans les archives des documents qui montrent bien l’engagement de la reine Victoria à l’égard d'un certain bilinguisme qui prévalait dans les pratiques des gens qui vivaient à cette époque.

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, permettez- moi tout d'abord de féliciter madame le sénateur pour son excellent discours et pour son engagement envers sa communauté francophone de l'Alberta, de même que pour sa reconnaissance de l'excellent travail effectué par sa communauté pour sauvegarder la langue française en Alberta.

Cela dit, je voudrais à mon tour parler des réalisations des francophones de la Nouvelle-Écosse, surtout des Acadiens, et des moyens qu'ils ont pris pour sauvegarder leur langue et leur éducation dans leur province. Je voudrais donc ajourner le débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La pauvreté

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Robichaud, C.P., attirant l'attention du Sénat sur la question de la pauvreté au pays — une question qui est toujours d'actualité et qui continue de faire des ravages.

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je prends la parole dans le cadre du débat lancé par notre collègue, le sénateur Robichaud, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Laissez-moi exprimer lui mes remerciements et mon profond respect pour son engagement sur cette question. Comme député à l'autre Chambre et membre de cette Chambre, il a toujours travaillé farouchement pour défendre les intérêts non seulement de ceux qui sont avantagés dans son comté, sa province ou au Canada, mais pour ceux qui sont désavantagés. Il l'a toujours fait d'une façon directe et avec beaucoup d'enthousiasme. Je le respecte pour son travail et pour cette étude qui est très importante pour nous en tant que citoyens du Canada.

[Traduction]

Le budget de l'Ontario vient tout juste d'être présenté, tandis que le budget fédéral sera présenté demain à l'autre endroit. Je crois que le moment est idéal pour que nous nous attardions aux répercussions des politiques publiques et à la mesure dans laquelle elles ont une influence sur la vie quotidienne des Canadiens les plus désavantagés. Dix pour cent des Canadiens vivent sous le seuil de la pauvreté. On parle donc de plus de trois millions d'hommes, de femmes et d'enfants. Pour ces gens, la vie ne consiste pas à choisir le collège que leurs enfants fréquenteront ou le camp d'été où ils iront, ni à se demander s'ils achèteront de nouveaux vêtements mode ou iront voir une pièce de théâtre. Les choix qu'ils doivent faire ont des conséquences plus directes. Vont-ils payer le loyer ou les frais de chauffage? Vont-ils acheter des médicaments essentiels ou des aliments frais? Vont-ils avoir suffisamment d'argent après cela pour acheter des vêtements pour leurs enfants?

(1530)

En vérité, l'erreur la plus coûteuse qu'un gouvernement puisse commettre du point de vue de la politique publique, qu'il s'agisse d'un gouvernement de la gauche, du centre ou de la droite, c'est de ne pas prendre les mesures nécessaires pour réduire le nombre de personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Pourquoi? Nous sommes tous préoccupés par les coûts des soins de santé. Or, nous savons que ceux qui vivent dans la pauvreté tombent malades plus vite, restent plus longtemps à l'hôpital et meurent plus jeunes. En termes techniques, on parle de « morbidité et mortalité ». Ce qu'il faut retenir, c'est qu'ils sont plus gravement malades et le deviennent plus rapidement et meurent bien avant ceux qui ne sont pas désavantagés. Peut-on imaginer une telle chose?

Imaginez, honorables sénateurs, qu'il existe une mesure d'intérêt public qui permettrait de réduire le nombre de personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, ce qui allégerait le fardeau imposé à notre système de soins de santé et à nos prisons. Comment se fait-il que, dans la belle ville de Kingston, où il y a sept prisons fédérales et provinciales dans un rayon de 50 miles à partir du centre-ville, 10 p. 100 de la population vive sous le seuil de la pauvreté et que 94 p. 100 des invités de Sa Majesté vivant dans ces institutions soient issus de ce groupe?

Les honorables sénateurs savent-ils combien il en coûte pour garder en prison une personne reconnue coupable d'une infraction? Le coût minimum est de 70 000 $ à 80 000 $ par an. Dans les établissements à haute sécurité, le coût grimpe à 140 000 $ et même à 150 000 $ par an. Que faudrait-il pour sortir la plupart des gens de la pauvreté? Seulement 15 000 $ par an.

Pour un conservateur de droite qui veut économiser de l'argent et protéger les contribuables, investir dans la réduction du nombre de personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté est la dépense la plus efficace qui soit. Tous les maux qui, nous le savons, nuisent à la productivité — l'abandon précoce de l'école, la violence familiale, le chômage, l'analphabétisme et l'éclatement des familles — sont exacerbés par la pauvreté.

Si nous disposions de tout l'argent du monde, si nous pouvions imprimer de l'argent sans nous demander d'où il vient et si nous pouvions tripler nos budgets provinciaux et fédéral, nous n'aurions toujours pas assez d'argent pour régler tous ces problèmes. Cependant, nous avons assez d'argent pour réduire la pauvreté. C'est là une mesure sur laquelle le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pourraient travailler ensemble.

Je veux remercier les sénateurs qui ont travaillé très fort pour élaborer le rapport sur les soins de santé dont nous sommes saisis et qui est intitulé Un changement transformateur s'impose. Ce document, qui sera fort utile, fait honneur à cette institution.

L'appui unanime qu'il a reçu montre à quel point nous pouvons collaborer sur des dossiers qui comptent vraiment pour les Canadiens. Le rapport traite des déterminants sociaux de la santé, surtout du problème qui touche nos frères et nos sœurs des Premières nations. Cependant, les déterminants sociaux de la santé, notamment la pauvreté, sont aussi problématiques chez les personnes à faible revenu dans tout le Canada que parmi les personnes à faible revenu de nos Premières nations. Il y a une exception : alors que le taux de pauvreté chez les non-Autochtones est de 10 p. 100, il oscille entre 15 et 30 p. 100 ou plus chez nos frères et sœurs des Premières nations, dans bien des régions du Canada.

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts s'est penché sur la pauvreté dans les régions rurales du Canada il y a de cela quelques années, lorsque le sénateur Fairbairn en assumait avec brio la présidence. Ce fut un honneur d'être sous sa direction pour ma première expérience à titre de membre d'un comité. Nous avons appris que le nombre de pauvres dans les régions rurales est plus élevé qu'ailleurs et que le problème est passé sous silence et caché. Les villes sont à tout le moins dotées d'une infrastructure, notamment les banques alimentaires et divers autres organismes, qui offre un certain soutien. Dans les régions rurales du Canada, les services de transport en commun sont peu répandus, ce qui aggrave considérablement la situation. Il est encore plus difficile de s'attaquer au problème en raison de l'isolement des collectivités.

Honorables sénateurs, il y a peu de domaines de la politique publique qui génère un aussi vaste appui de la gauche, de la droite et de toutes les grandes formations politiques. Aucun autre dossier ne rallierait Richard Milhous Nixon, Daniel Moynihan, Winston Churchill ou Donald S. Macdonald, l'ancien ministre libéral des Finances, ministre de la Défense et président de la Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada, nommé par le très honorable Pierre Elliott Trudeau, qui a présenté son rapport au gouvernement Mulroney, qui a succédé au sien. Chacune de ces personnes, de même que le très honorable Robert L. Stanfield, était d'avis que nous pouvions lutter plus efficacement contre la pauvreté. Elles étaient toutes en faveur, d'une façon ou d'une autre, d'un revenu annuel garanti, d'un seuil de revenu minimal ou d'un crédit d'impôt remboursable — appelez-le comme vous voulez.

Elles ont posé la question suivante, et je la pose à mon tour à chaque sénateur : Comment se fait-il que, devant la situation des personnes âgées vivant dans la pauvreté en Ontario en 1975, sous un gouvernement conservateur minoritaire, nos amis du Parti libéral et du NPD de l'époque ont adopté au Comité permanent de la politique sociale une motion demandant que le salaire du ministre et celui du sous-ministre soient ramenés à 1 $, ce qu'ils avaient le pouvoir de faire? Nous avons découvert que nos amis de l'opposition s'étaient rendus jusque là à cause de l'histoire de femmes âgées dont le mari n'avait laissé ni pension ni économies et qui achetaient de la nourriture pour chats et pour chiens afin d'ajouter un peu de protéines à l'alimentation que leur permettait leur maigre revenu. Ce n'était pas une invention du Toronto Star — et Dieu sait pourtant qu'il a été capable d'inventer de drôles d'histoire au fil du temps —, mais c'était la dure réalité. Trois semaines et demie après que cela eut été découvert, l'honorable W. Darcy McKeough, vêtu d'un chic complet et arborant les boutons de manchettes du Toronto Club, s'est levé pour annoncer la création d'un supplément de revenu garanti annuel pour toutes les personnes âgées de l'Ontario. Il n'y avait pas de formulaire de demande spécial à remplir, pas de nouveau programme d'assistance sociale, pas d'entrevue derrière un panneau de verre pour déterminer le degré de pauvreté des gens et voir comment ils pouvaient le prouver. C'étaient des aînés et ils avaient bâti notre province. Ils avaient droit à un niveau de revenu de base décent et honnête. En deux ans, le taux de pauvreté au sein de cette tranche de la population est passé de 30 p. 100 à 3 p. 100. L'idée s'est répandue dans notre beau pays et le gouvernement fédéral l'a adoptée.

L'Organisation de coopération et de développement économiques affirme aujourd'hui que le Canada fait partie des cinq pays qui affichent les meilleurs résultats en ce qui concerne la pauvreté des aînés. Nous y parvenons bien mieux que bon nombre de pays, mais, en ce qui concerne les gens en âge de travailler, nous sommes environ au 20e rang. C'est à croire que nous nous disons, comme aux XVIIe et au XVIIIe siècles, que les pauvres seront toujours là, que nous ne pouvons rien faire, c'est comme un fléau et nous devons les endurer. Ni Tommy Douglas, ni le juge Emmett Hall, ni John Diefenbaker, ni Mike Pearson n'ont dit de telles choses au sujet des malades et des gens qui ne pouvaient pas s'offrir l'assurance- maladie. Ils ont affirmé qu'il fallait améliorer les choses, et le Canada en est ressorti gagnant.

Je crois que, si nous ne sommes pas prêts à nous ouvrir les yeux à propos des vrais coûts de la pauvreté — sujet sur lequel le Conseil national du bien-être social a produit un excellent rapport —, des vies que nous détruisons, des régions que nous affaiblissons et de la productivité économique que nous faisons chuter, et tant que nous ne nous attaquerons pas de front à la pauvreté en nous engageant à ce que personne ne vive dans la pauvreté au Canada, alors nos structures sociales s'affaibliront et notre croissance économique stagnera. Les gens à faible revenu qui n'ont nulle part où aller engorgent notre système de santé et le fragilisent, alors même que les pressions démographiques sont en voie d'atteindre leur paroxysme et que de nombreuses personnes, simplement parce qu'elles sont âgées, auront davantage besoin du système de santé. Les pauvres n'ont pas de médecin de famille ni d'ami qui peuvent leur permettre de consulter un spécialiste un peu plus rapidement. Ils ne peuvent pas se prévaloir de ses options. Ils se présentent à l'urgence, alors que c'est l'endroit où donner des soins de base coûte le plus cher dans tout le système de soins de santé. Mon collègue d'en face, qui est médecin, est bien placé pour comprendre la situation.

(1540)

Voilà ce que nous devons surmonter, et l'interpellation d'aujourd'hui nous permet justement de nous pencher sur les solutions à cet enjeu. Je ne sais pas ce que prévoit le budget qui sera présenté demain, mais je lève mon chapeau au gouvernement pour avoir bonifié la prestation fiscale pour le revenu de travail au fil des ans. Le gouvernement a présenté cette mesure pour inciter les personnes à faible revenu à rester sur le marché du travail en leur permettant de garder une plus grande partie de leur revenu. C'est un début, mais ce n'est pas suffisant.

Voici la question que je vous pose : pourquoi ne pas tirer parti de l'expérience qui a été tentée dans la ville de Dauphin, au Manitoba? En 1976, lorsque Pierre Elliott Trudeau était premier ministre du Canada et Ed Schreyer, premier ministre du Manitoba, les gouvernements fédéral et provincial ont fait une expérience dans cette ville. Ils ont garanti à une collectivité rurale soumise aux aléas des bonnes et des mauvaises récoltes et aux fluctuations des prix du blé que ses habitants ne vivraient pas sous le seuil de la pauvreté. À la fin de l'année, si les récoltes étaient mauvaises et qu'il y avait une fluctuation des prix, les gouvernements allaient prendre la collectivité sous leur aile. La somme dépensée fut minime. Seulement 17 p. 100 de la collectivité s'est prévalue du programme à un moment où un autre. Devinez quoi? Un groupe de chercheurs étudie maintenant les résultats du programme, grâce à une subvention de l'Institut de recherche en santé du Canada. Tout le monde en a bénéficié.

Voici ce qui s'est passé dans la collectivité pendant ces cinq années : le nombre d'arrestations, d'admissions dans les hôpitaux et d'accidents de voiture a diminué. Quand ils ne s'inquiètent pas de savoir s'ils pourront payer leur loyer et donner à manger à leurs enfants, il est surprenant de voir à quel point les gens sont animés par de bons sentiments et cherchent à améliorer leur vie au lieu d'être sous l'emprise des démons de la pauvreté.

En plus de constater l'ampleur des économies qu'on pourrait réaliser dans les systèmes de soins de santé, les chercheurs se sont penchés sur l'effet de dissuasion dont on entend souvent parler. C'est ce que j'appelle « l'argument de la bière et du maïs soufflé », selon lequel donner de l'argent à des personnes pauvres les incite à ne pas à travailler, comme si qui que ce soit pouvait aspirer à vivre de l'aide sociale, soit de 18 à 20 p. 100 en deçà du seuil de la pauvreté dans toutes les provinces au Canada.

J'aimerais avoir cinq minutes de plus.

Le fait est que cette réalité existe dans d'autres pays. Le prince William est parrain d'un organisme de bienfaisance appelé Centrepoint, qui œuvre auprès de sans-abri des grandes villes du Royaume-Uni. Le prince William — qui a d'ailleurs couché quelques fois dans la rue sans ses gardes du corps — et les membres de cet organisme ont décidé de vérifier l'adage selon lequel les pauvres ne savent pas gérer leur argent, comme si le fait d'être pauvre rendait une personne incapable d'établir des priorités. C'est comme ça avec les systèmes d'aide sociale. Les plus riches disent aux plus pauvres comment ils doivent vivre. C'est cela, l'aide sociale : bobonne à la maison, des gens qui font la queue devant des guichets pour essayer d'avoir droit à un peu plus d'argent pour nourrir leurs enfants, et j'en passe.

Au Royaume-Uni, Panorama a demandé aux gens ce qu'ils feraient si on leur donnait 700 livres par mois. Certains ont répondu qu'ils loueraient une roulotte, qu'ils pourraient installer et brancher sur un terrain de camping pour pouvoir dormir au chaud. D'autres ont répondu qu'ils achèteraient des vêtements chauds ou qu'ils essaieraient de louer une chambre. Moins de 7 p. 100 des gens ont répondu qu'ils dépenseraient cet argent en achats qu'on jugerait inappropriés, comme de l'alcool ou de la drogue.

J'espère que cette merveilleuse interpellation du sénateur Robichaud nous permettra de tirer l'importante conclusion suivante : une condition humaine décente n'est pas simplement la préservation de la condition des biens-nantis. Le droit de pouvoir faire des choix de vie, de vivre dans des conditions décentes et d'avoir une famille n'est pas uniquement l'apanage de ceux qui, comme nous, sont un peu plus fortunés que d'autres. C'est un droit auquel tout le monde peut aspirer. Je dis cela en tant que conservateur car je crois que si nous voulons avoir une société où règnent la liberté et l'ordre, cet ordre implique un sens de l'équité et de la décence pour tous nos concitoyens. Si nous n'y sommes pas prêts, alors nous devrions nous préparer à tous les coûts supplémentaires qui seront associés à des jeunes sans travail issus de familles sans avenir et à qui on dit qu'une vie dans la drogue, la violence et le crime vaux mieux qu'une vie sans espoir.

Nous pouvons faire mieux, sénateurs. Je remercie le sénateur Robichaud pour le leadership dont il a fait preuve au sujet de cette interpellation, et j'espère que nous pourrons user de notre influence du mieux possible. Certains sénateurs ont peut-être une influence à l'autre endroit pour lutter en faveur de ce genre de progrès. Nous pouvons nous le permettre, nous pouvons le faire, et le gouvernement fédéral peut, avec les provinces, faire preuve de leadership dans ce dossier.

Merci, chers collègues.

(Sur la motion du sénateur Callbeck, le débat est ajourné.)

La littératie

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur l'importance de la littératie étant donné que le Canada a plus que jamais besoin de connaissances et de compétences pour demeurer compétitif dans le monde et pour accroître sa capacité de s'adapter à l'évolution des marchés du travail.

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, je fais cette interpellation parce que je crois qu'aider les Canadiens à améliorer leurs capacités de lecture et d'écriture devrait être un objectif national.

Nous serons tous gagnants si des progrès sont accomplis dans ce domaine. Notre économie deviendra plus productive, les Canadiens auront une meilleure qualité de vie et ils seront plus actifs et plus impliqués dans leur milieu.

Premièrement, j'aimerais féliciter madame le sénateur Fairbairn pour le travail qu'elle a réalisé dans ce dossier, au fil des ans. Elle a joué le rôle de premier plan dans le domaine de la littératie et a défendu bec et ongles l'idée que les programmes et les services d'alphabétisation devaient être améliorés dans l'ensemble du pays. Sa passion et sa volonté de faire en sorte que tous les Canadiens possèdent les compétences de base nécessaires pour améliorer leur sort m'impressionnent depuis longtemps. Merci, sénateur Fairbairn.

Je voudrais également féliciter le sénateur Demers pour le travail qu'il a accompli et qu'il continue de faire pour sensibiliser les gens aux lacunes qui existent au Canada en matière de littératie. Il a souvent pris la parole pour expliquer aux gens ce que c'est, dans la vie de tous les jours, de ne pas savoir suffisamment lire et écrire. Il a raconté son histoire personnelle dans l'espoir d'aider les autres. Il est devenu un vrai modèle qui témoigne des avantages de l'instruction.

Nous connaissons tous des personnes qui ont souffert du handicap de ne pas savoir suffisamment lire et écrire. Je songe à l'homme âgé qui m'a dit un jour avoir été obligé de se rendre chez une personne en automobile parce qu'il voulait lui parler, mais n'était tout simplement pas capable de consulter le bottin téléphonique pour y trouver le numéro de cette personne. Je songe également à cet homme qui allait à la messe tous les dimanches et qui, à chaque cantique, ouvrait le livret en espérant que personne ne remarque qu'il n'était pas à la bonne page et qu'il ne savait pas lire les paroles.

Nous avons tous entendu des histoires semblables. Plus de 40 p. 100 des Canadiens qui ont l'âge de travailler, c'est-à-dire qui ont entre 16 et 65 ans, ont de faibles capacités de lecture et d'écriture. En fait, si on inclut les personnes âgées, la proportion atteint 48 p. 100, ce qui veut dire que presque la moitié des Canadiens ont de faibles capacités de lecture et d'écriture. Ils ont du mal à faire face aux exigences de la vie courante et de la vie professionnelle.

(1550)

C'est souvent la compréhension qui pose problème. Les personnes ayant un faible niveau de littératie ont parfois de la difficulté à comprendre ce qu'ils lisent, même s'ils sont capables de lire les mots. La littératie va bien au-delà de l'aptitude à la lecture. Elle comprend également la capacité d'analyser, de comprendre et d'appliquer ce qu'on vient de lire. Le Conseil canadien sur l'apprentissage a publié un rapport en 2008 intitulé Lire l'avenir. Selon les projections actuelles, si rien n'est fait, le pourcentage de personnes ayant un faible niveau de littératie sera encore autour de 40 p. 100 en 2031, mais le nombre réel d'adultes dans cette catégorie passera d'environ 12 millions à environ 15 millions. Cette augmentation sera principalement attribuable à une augmentation générale de la population, au vieillissement de la population, à une immigration accrue et aux pertes des compétences avec l'âge.

L'augmentation du nombre de personnes ayant un faible niveau de littératie aura, à maints égards, une incidence considérable sur le pays. Comme je l'ai fait remarquer par le passé, la recherche nous apprend qu'il y a un lien étroit entre les capacités de lecture et d'écriture et les questions socioéconomiques comme la santé, la productivité et la criminalité. À l'échelle individuelle, il existe un lien entre le faible niveau de littératie et la mauvaise santé. Les gens tombent plus souvent malades et oublient plus souvent de prendre leurs médicaments et ils ont même tendance à mourir plus jeunes. Selon la recherche, les personnes ayant un faible niveau de littératie affichent un taux d'emploi plus faible. Elles ont tendance à travailler moins d'heures d'affilée et à passer moins d'heures de la semaine au travail. Elles sont au chômage plus longtemps, et plus souvent.

Il existe même une corrélation entre les niveaux de littératie et la criminalité. En effet, 75 p. 100 des délinquants canadiens ont un faible niveau de littératie. Trente-six pour cent d'entre eux n'ont pas terminé leur neuvième année. D'après le Service correctionnel du Canada, les détenus qui arrivent dans une installation fédérale pour purger une peine de deux ans ou plus sont allés à l'école jusqu'à la 7e année, en moyenne. Des études ont démontré que les programmes d'alphabétisation offerts aux détenus peuvent contribuer à réduire les récidives. De meilleures compétences en littératie peuvent accroître la confiance en soi et favoriser la participation à des groupes communautaires ou à des activités bénévoles.

À l'échelle nationale, les niveaux de littératie de la population adulte influencent considérablement la croissance ou le déclin de l'économie. Selon l'Institut C.D. Howe, si les compétences générales en littératie augmentaient de 1 p. 100, la productivité de la main- d'œuvre pourrait grimper de 2,5 p. 100 et le produit intérieur brut per capita, le PIB, pourrait augmenter de 1,5 p. 100. Si on traduit ces pourcentages en dollars, une hausse de 1 p. 100 des taux de littératie au Canada pourrait représenter des revenus de 32 milliards de dollars à l'échelle nationale, une somme énorme.

Quand la main-d'œuvre a de bonnes compétences en littératie, elle peut aider les entreprises à devenir plus efficientes et plus concurrentielles. Cela contribue aussi à rendre les lieux de travail plus sécuritaires : quand les travailleurs comprennent bien les règles et les procédures de sécurité, le nombre de blessures diminue. Tout le monde y gagne.

Pour toutes ces raisons, et pour beaucoup d'autres que je n'ai pas mentionnées, nous devons redoubler d'efforts afin d'améliorer les niveaux de littératie partout au pays.

Plusieurs méthodes nous permettraient d'y arriver. Ainsi, le gouvernement pourrait, dans le cadre des ententes sur le marché du travail, mettre l'accent sur le financement d'initiatives d'alphabétisation axées sur la main-d'œuvre ou les lieux de travail. Le gouvernement pourrait prévoir des mesures incitatives pour les PME qui, dans plusieurs cas, n'ont pas les moyens ou le temps qu'il faudrait pour offrir à leurs employés de la formation en matière de littératie ou d'autres compétences.

Les avantages qu'en retireraient les employés comme les employeurs dépasseraient largement les coûts de ces initiatives. Ainsi, un meilleur service à la clientèle se traduit par une augmentation des bénéfices. Les employés sont positifs et motivés, donc plus productifs. Les employés sont en meilleure santé et plus compétents, ce qui rend l'entreprise plus concurrentielle. On a démontré que le rendement sur l'investissement pouvait être phénoménal.

Le gouvernement fédéral peut aussi voir à ce que les besoin de formation des immigrants dans les domaines de la littératie et de l'apprentissage linguistique soient considérés comme prioritaires. Le Canada compte de plus en plus sur ses immigrants pour combler ses besoins en main-d'œuvre. Nous devons nous concentrer davantage sur les problèmes de littératie des immigrants reçus, afin d'accélérer leur adaptation et leur intégration à la société canadienne.

Même si nous reconnaissons tous la valeur de l'éducation, la population en général n'est pas consciente des problèmes d'alphabétisation que connaît le Canada. Bien des gens sont stupéfaits d'apprendre que 40 p. 100 des Canadiens n'ont pas les capacités de lecture et d'écriture voulues pour s'intégrer tout à fait à la population active et mener une vie pleine. De ces 40 p. 100, beaucoup seraient surpris d'apprendre qu'ils ont un problème d'alphabétisation. Le gouvernement fédéral pourrait travailler avec les parties intéressées pour élaborer et lancer une campagne de sensibilisation publique nationale qui soulignerait l'importance d'acquérir les capacités de lecture et d'écriture nécessaires pour trouver et conserver un emploi et mener une vie productive.

Trop de gens de tous les âges et de tous les horizons ethniques n'ont pas les compétences en lecture et en écriture, en résolution de problèmes et en communication qui leur permettraient d'avoir une meilleure qualité de vie. Il est certain que l'amélioration de ces compétences présenterait des avantages réels pour les particuliers et pour la société. C'est pourquoi j'ai inscrit cette interpellation au Feuilleton, et j'espère que les sénateurs profiteront de l'occasion pour faire connaître leurs idées sur la façon d'améliorer le taux de littératie au Canada. Aujourd'hui plus que jamais, nous devons travailler à maintenir l'alphabétisation haut placée dans le programme chargé qui attend le pays. Nous devons encourager les programmes de formation en milieu de travail, d'alphabétisation et d'enseignement des compétences essentielles. Nous devons inciter les Canadiens à mettre leurs compétences à niveau tout au long de leur vie. En haussant le niveau de littératie général, nous pouvons améliorer la qualité de vie de chacun tout en renforçant l'économie canadienne.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

Peuples autochtones

Autorisation au comité d'étudier l'évolution de la reconnaissance juridique et politique de l'identité collective et des droits des Métis au Canada

L'honorable Gerry St. Germain, conformément à l'avis donné le 27 mars 2012, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé de mener une étude visant à examiner l'évolution de la reconnaissance juridique et politique de l'identité collective et des droits des Métis au Canada. L'étude porterait, en particulier, sur les questions suivantes :

a) la définition de Métis, ainsi que le recensement et l'inscription des Métis;

b) la disponibilité et l'accessibilité des programmes et services fédéraux pour les Métis;

c) l'application des droits des Métis, notamment ceux pouvant être liés aux terres et aux ressources fauniques;

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 30 juin 2013 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : J'aimerais poser une question.

Dans l'esprit du débat que mon collègue et ami, le sénateur Comeau, a soulevé, est-ce que le sénateur St. Germain pourrait nous donner de plus amples détails sur l'étude proposée et dire si le comité aurait à se déplacer?

Le sénateur St. Germain : Oui, bien sûr. Je vais essayer de donner à madame le sénateur tous les renseignements qu'elle a demandés. L'étude entraîne des déplacements, notamment dans les Territoires du Nord-Ouest, le Nord de l'Alberta — là où se trouvent les collectivités métisses —, au Manitoba, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Nous prévoyons aller dans la région de Sault Ste. Marie, près de Lakehead, pour établir des faits. Le comité dans son ensemble se déplacera uniquement dans l'Ouest canadien et prévoit également se rendre au Labrador pour établir des faits.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Sécurité nationale et défense

Autorisation au comité d'étudier l'état des bases maritimes et aériennes des côtes Est et Ouest du Canada

L'honorable Pamela Wallin, conformément à l'avis donné le 27 mars 2012, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à examiner, en vue d'en faire rapport, l'état des bases maritimes et aériennes des côtes est et ouest du Canada, et plus particulièrement les capacités, rôles, responsabilités et état de préparation des éléments suivants :

a) les quartiers généraux de la Marine canadienne dans les Forces maritimes de l'Atlantique (FMAR[A]) et les Forces maritimes du Pacifique (FMAR[P]), y compris leurs Forces opérationnelles interarmées respectives;

b) les centres de coordinations des opérations de sauvetage et les centres des opérations de la sûreté maritime (COSM);

c) les escadrons de patrouille, de transport et de sauvetage à long rayon d'action;

d) la flotte de sous-marins de la Marine royale canadienne;

e) la frégate de la classe Halifax de la Marine royale canadienne, y compris le Projet de modernisation des navires de la classe Halifax / prolongation de la vie de l'équipement des frégates (MCH FELEX);

f) les parcs d'hélicoptères maritimes de recherche et de sauvetage de l'Aviation royale du Canada;

Que le comité présente son rapport final au Sénat d'ici le 31 décembre 2013 et que le comité conserve, jusqu'au 31 mars 2014, tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

Son Honneur le Président : Puis-je me dispenser de la lire? Y a- t-il d'autres questions ou observations?

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Oui. Je remarque que l'on a soumis à l'examen du comité une proposition très détaillée. Madame le sénateur Wallin aurait-elle l'obligeance d'en souligner les grandes lignes?

Le sénateur Wallin : Oui. J'en ai parlé hier, et la proposition est clairement énoncée ici. Le comité se rendra à deux endroits : à Halifax et à Esquimalt, en Colombie-Britannique. Aux deux destinations se trouve un centre des opérations de la sûreté maritime, et c'est d'ailleurs une des raisons de notre visite. On y trouve aussi des centres de coordination des opérations de sauvetage. Ces déplacements avaient été approuvés pour l'exercice en cours, mais nous n'avons pu les effectuer à temps. Nous souhaitons les reporter au prochain exercice financier.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 29 mars 2012, à 13 h 30.)


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