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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 164

Le mercredi 22 mai 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 22 mai 2013

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Mois de la sensibilisation aux lésions de la moelle épinière

La journée parlementaire en fauteuil roulant

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, comme il s'agit d'une journée spéciale, je demande le consentement du Sénat pour faire ma déclaration assis. Je tiens ainsi à rendre hommage aux Canadiens qui utilisent un fauteuil roulant tous les jours.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Munson : Je vous remercie, honorables sénateurs.

Aujourd'hui, 26 parlementaires prennent part à la sixième journée parlementaire annuelle des fauteuils roulants, organisée chaque année par Lésions médullaires Canada. Se joignent à moi la sénatrice Buth, dans cette enceinte, et les sénateurs Martin et White, en pensée. Pour faire connaître les questions touchant les Canadiens ayant subi des lésions de la moelle épinière, chacun d'entre nous passera la journée en fauteuil roulant. Ce n'est pas facile, surtout sur la Colline du Parlement, où on est en train de construire une véritable forteresse et où l'on trouve une terrible rampe d'accès destinée aux personnes en fauteuil roulant. Je ne sais comment font ce gens pour passer par l'entrée de la rue Elgin : la pente est très raide et difficile. Même pendant les travaux de construction, nous devons apprendre à faire mieux que cela pour les personnes en fauteuil roulant.

La plupart d'entre nous ont du mal à comprendre pleinement les défis que doivent relever les personnes qui ont subi des lésions de la moelle épinière. Je peux dire aux sénateurs que, en fauteuil roulant, il est très difficile de circuler dans la rue, de franchir une porte ou d'emprunter un corridor, ce que nous faisons à pied tous les jours. Cette expérience — qui a lieu depuis quatre ou cinq ans — m'a ouvert les yeux. Je suis persuadé que mes collègues qui participent à cette journée conviendront avec moi que le fait de passer une journée en fauteuil roulant peut s'avérer une expérience stressante et, parfois, constituer une véritable leçon d'humilité. Toutefois, elle est loin de refléter la réalité. En effet, il n'est pas possible de reproduire ce que vivent en réalité les personnes qui ont subi des lésions de la moelle épinière, comme les façons de se déplacer d'un endroit à un autre et de participer à la vie au sein de nos collectivités et de notre société. Au mieux, on traite les personnes qui ne peuvent pas marcher comme des exceptions.

Je tiens à répéter que nous devons nous arrêter à ce qui se passe ici même, à nos portes. Les mesures visant à rendre la Colline du Parlement accessible aux personnes en fauteuil roulant sont tout simplement inacceptables.

J'appuie l'organisme Lésions médullaires Canada, car son action repose sur l'expérience, le savoir et la compassion. Depuis 1945, Lésions médullaires Canada s'efforce d'améliorer la vie des Canadiens qui ont une lésion médullaire ou tout autre problème permanent de mobilité. Aujourd'hui, l'organisme compte plus de 300 employés et 40 bureaux à l'échelle du pays.

L'activité « Des leaders en fauteuil » permet aux Canadiens de voir ce qu'on entend par « accessibilité » et de réfléchir à cette notion. Cet après-midi, il y aura une réception aux environs de 17 heures dans les appartements du Président de l'autre endroit. Je rappelle aux sénateurs que 88 000 Canadiens sont confinés dans leur fauteuil roulant.

La mosquée ahmadie Baitur Rahman

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, le samedi 18 mai, j'ai eu l'honneur de me joindre à des milliers de Canadiens de différentes confessions à l'occasion de l'inauguration de la mosquée Baitur Rahman, à Delta, en Colombie-Britannique. Cette mosquée est maintenant le plus grand temple musulman ahmadi en Colombie-Britannique.

Ce fut un grand honneur pour la Colombie-Britannique d'accueillir Sa Sainteté Mirza Masroor Ahmad, Khalifatul Masih V, le chef de la communauté musulmane mondiale des ahmadis, qui a prononcé un discours lors de la réception. Au sujet de la nouvelle mosquée, Sa Sainteté Mirza Masroor Ahmad a déclaré que :

[...] cette mosquée permettra de répandre l'amour, l'affection, la paix et la fraternité auprès de tous, qu'ils soient ahmadis ou non et qu'ils soient musulmans ou non. Les portes de la mosquée seront toujours ouvertes aux gens de toutes confessions, car celle-ci se veut une manifestation de la grâce de Dieu, de sa miséricorde, de son amour et de sa compassion envers l'humanité.

La communauté musulmane ahmadie est un mouvement religieux international fondé en 1889 par Hazrat Mirza Ghulam Ahmad au Pendjab, en Inde, et établi dans plus de 190 pays. Selon la communauté musulmane ahmadie du Canada, le mouvement incarne dans toute sa pureté le message de bienveillance de l'islam, qui prône la paix, la fraternité universelle et la soumission à la volonté de Dieu. Il favorise le dialogue interconfessionnel, préconisant la paix, la tolérance, l'amour et la compréhension entre les fidèles des différentes religions.

Honorables sénateurs, j'ai eu l'honneur de lire, à l'occasion de cette inauguration, un message de mon chef, Justin Trudeau, qui a dit ce qui suit :

Avec cette nouvelle mosquée, la communauté acquiert bien plus qu'un nouveau bâtiment.

Elle acquiert un lieu où les gens peuvent se réunir, partager, se soutenir dans l'adversité et se réjouir dans la prospérité.

Honorables sénateurs, la magnifique mosquée Baitur Rahman témoigne du pluralisme et de l'ouverture qui définissent le Canada à son meilleur. Les musulmans ahmadis sont persécutés dans plusieurs autres pays du monde, mais ici, au Canada, nous reconnaissons et respectons leur droit constitutionnel à la liberté de conscience et de religion. Nous leur sommes reconnaissants de contribuer à promouvoir la liberté, la dignité de la personne et la paix au Canada et dans le monde. Comme l'a déclaré samedi Sa Sainteté Mirza Masroor Ahmad :

Chaque fois qu'une mosquée est construite, un nouveau chapitre de la liberté de religion s'ouvre.

Le Canada a la chance d'héberger la nouvelle mosquée et de soutenir la communauté ahmadie dans sa poursuite de la paix et de la tolérance dans le monde entier sous la direction de son président national, Malik Khan, et de son secrétaire national, Asif Khan.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter la communauté musulmane ahmadie, et en particulier les 25 000 musulmans ahmadis qui vivent au Canada, pour la magnifique mosquée Baitur Rahman, qui témoigne de la foi profonde et indéfectible des fidèles ahmadis, dont la devise est : Amour pour tous, haine pour personne.

Le club 4-H de l'Île-du-Prince-Édouard

Félicitations à l'occasion de son quatre-vingt-quinzième anniversaire

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner le 95e anniversaire du club 4-H de l'Île-du-Prince-Édouard et le centième anniversaire de l'organisation nationale.

Le club 4-H, fondé au Manitoba en 1913, est l'un des plus importants clubs de jeunes du Canada. Le programme du club 4-H offre aux jeunes âgés de 9 à 21 ans l'occasion d'améliorer leurs aptitudes au leadership et à la vie quotidienne tout en les sensibilisant au monde agricole. Les 4-H représentent l'honneur, l'honnêteté, l'habileté et l'humanité, et les membres s'engagent auprès du club, de la communauté et du pays à manifester :

Honneur dans les actes
Honnêteté dans les moyens
Habileté dans le travail
Humanité dans la conduite

Le club 4-H de l'Île-du-Prince-Édouard a été fondé en 1918 sous le nom de Club garçons et filles. Il y avait des clubs distincts pour chaque domaine, et les tout premiers étaient consacrés aux porcs et à la volaille. C'est en 1933 qu'on fonda le premier club qui n'était pas essentiellement agricole, un club de couture.

(1340)

C'est en 1952 que le Club garçons et filles devint officiellement le Club 4-H et que le programme adopta l'emblème aujourd'hui bien connu de la feuille de trèfle. Partout sur l'île se formèrent des clubs consacrés à différents domaines, notamment le jardinage, la foresterie, les céréales, les pommes de terre et, plus récemment, l'élevage des chevaux pour les jeunes amateurs de ces animaux.

À la fin des années 1950, le mouvement 4-H était très bien établi sur l'île avec 130 clubs et 2 200 membres. Le mouvement connut des transformations au cours des années 1960 et 1970 : des clubs fusionnèrent et, malheureusement, le nombre de membres diminua. Cela n'empêcha pas les membres restants de demeurer actifs et, en 1968, de souligner le 50e anniversaire des clubs 4-H à l'Île-du-Prince- Édouard en organisant un rassemblement provincial. Le mouvement continue de se diversifier et de mettre en œuvre des programmes adaptés aux réalités d'aujourd'hui.

Il y a aujourd'hui 252 leaders, 561 membres et 22 clubs 4-H à l'Île- du-Prince-Édouard. Les clubs sont surtout composés de jeunes âgés de 9 à 21 ans, mais certains comptent des groupes de jeunes âgés de 6 à 8 ans.

Les clubs 4-H sont vraiment diversifiés et œuvrent dans une grande variété de domaines répondant à divers intérêts, dont la photographie, les animaux d'élevage, l'informatique, la cuisine, le plein air et plus encore.

Je félicite tous les membres passés et actuels des 4-H et j'invite tous les jeunes Canadiens à se joindre à cette organisation unique. Être un membre des 4-H vous offre la chance de nouer de nouvelles amitiés, de voyager, d'acquérir de nouvelles aptitudes grâce à l'expérience pratique, d'explorer de futures possibilités de carrière et, surtout, de s'amuser.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Sénat

Préavis de motion tendant à dissoudre le Comité spécial sur l'antiterrorisme

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours, je proposerai :

Que le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme soit dissous dès l'adoption de cette motion.

[Traduction]

Affaires juridiques et constitutionnelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour les fins de son examen du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir de 15 h à 17 h le mardi 28 mai 2013 et de 15 h à 18 h 30 le mercredi 29 mai 2013, même si le Sénat est en séance à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'étude sur la cyberintimidation

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des droits de la personne à reporter la date de publication des conclusions de son neuvième rapport

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le mercredi 30 novembre 2011, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne conserve tous les pouvoirs nécessaires jusqu'au 31 mars 2014 pour diffuser ses conclusions dans le rapport : La cyberintimidation, ça blesse! Respect des droits à l'ère numérique, déposé au Sénat le 12 décembre 2012.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le cabinet du premier ministre

Le versement de fonds— Le vingt-deuxième rapport du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, mes questions s'adressent encore aujourd'hui à ma collègue, madame le leader du gouvernement au Sénat. Je vous ai posé des questions hier sur M. Wright, qui, jusqu'à tout récemment, était le chef de cabinet du premier ministre, et vous y avez répondu en partie.

Il y a beaucoup de choses que nous ignorons — nous sommes d'accord —, mais il y a deux choses que nous savons. D'une part, M. Wright s'est entretenu avec le sénateur Duffy, après quoi il a fait un don au sénateur Duffy pour que celui-ci puisse rembourser au Sénat les allocations de logement qu'il a reçues.

D'autre part, nous savons aussi que ces conversations ont eu lieu pendant que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration était en train de superviser une vérification judiciaire des dépenses du sénateur Duffy, menée par Deloitte.

Vous m'avez dit hier que vous n'étiez pas au courant de ces conversations. Ma question est la suivante : est-il pratique courante pour le personnel du cabinet du premier ministre d'intervenir au Sénat sur des questions importantes sans en informer la leader du gouvernement au Sénat, c'est-à-dire la ministre responsable envers le Sénat?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Sénateur Cowan, je serai très claire. Comme je l'ai précisé clairement hier, ni le premier ministre ni moi n'étions au courant de ces discussions. Puisque je n'en étais pas consciente et que c'était évidemment des entretiens privés entre M. Wright et Mr. Duffy, j'en ignorais la teneur. Je n'ai donc pas participé à des discussions sur ce que le Sénat peut ou ne peut pas faire.

Le Sénat suivait un processus, comme je vous l'ai expliqué hier. Je croyais que c'était le processus que nous suivions. C'est aussi simple que cela.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Je vous remercie de vos applaudissements.

J'accepte la réponse que vous me donnez, sénatrice LeBreton, à savoir que vous n'étiez pas au courant de ces conversations. Je l'accepte. Cependant, ma question était la suivante : est-il pratique courante pour le chef de cabinet du premier ministre d'avoir des conversations avec un membre de votre caucus au Sénat, où vous détenez le poste de leader du gouvernement et de ministre responsable envers le Sénat dans le gouvernement fédéral? Ne croyez-vous pas qu'il est étrange que ces conversations aient eu lieu à votre insu?

La sénatrice LeBreton : Il s'agissait bien entendu de conversations privées et, à ce titre, elles ont eu lieu sans que je sois au courant. C'est très clair, sénateur Cowan. Comme je l'ai dit hier, nous avons suivi un processus.

Une voix : C'est de la dissimulation!

La sénatrice LeBreton : Ce n'est pas de la dissimulation.

Je suis tout à fait à l'aise avec le processus. Le fait est qu'on a demandé à la commissaire à l'éthique de se pencher sur les discussions entre l'ancien chef de cabinet du premier ministre et le sénateur Mike Duffy, qui siège maintenant comme sénateur indépendant. Je suis persuadée que, en temps et lieu, elle fera toute la lumière sur ce qui s'est passé et répondra à vos questions et aux miennes.

Le sénateur Cowan : Sénatrice LeBreton, pensez-vous qu'il est raisonnable de qualifier de privée une conversation entre le chef de cabinet du premier ministre et un sénateur qui fait l'objet d'une vérification judiciaire — un sénateur en exercice — alors que, à la suite de cette conversation, le chef de cabinet a transféré plus de 90 000 $ au sénateur en question? Comment pouvez-vous qualifier cela de conversation privée?

La sénatrice LeBreton : Le fait est que ce sont eux qui ont dit qu'il s'agissait d'une conversation privée. Cela ne vient pas de moi, et c'est ce que j'ai cru comprendre. Selon ce que j'ai compris, le sénateur Duffy et Nigel Wright ont eu ces conversations. De toute évidence, il s'agissait de conversations privées puisque personne n'était au courant. Je ne vais pas préjuger des conclusions que tirera la commissaire à l'éthique au terme de son examen de cette question. Dans la mesure où le Sénat est concerné, nous avons pris des mesures — les mesures qui s'imposent — pour renvoyer le rapport concernant le sénateur Duffy au Comité de la régie interne.

(1350)

Je considère que les membres du Comité de la régie interne des deux côtés de la Chambre sont des sénateurs exceptionnels. Je fais totalement confiance à tous les membres de ce comité, des deux côtés de la Chambre, et je sais qu'ils étudieront ce dossier très sérieusement et prendront les mesures qui s'imposent.

Le sénateur Cowan : Sénatrice LeBreton, savez-vous si le premier ministre Harper, M. Wright ou quiconque faisant partie du Cabinet du premier ministre a communiqué avec des membres du Comité de la régie interne pour discuter de ce qui figurerait ou non dans les rapports qui ont été présentés ici par le sénateur Tkachuk le 9 mai?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, j'ai répondu non à cette question hier. J'ai dit que je ne suis pas au courant et que je ne crois pas que de telles discussions aient eu lieu. En outre, en ce qui concerne toutes les rumeurs qui circulent à propos de ce qui a eu lieu ou non, le fait est que le Comité de la régie interne, qui est composé de sénateurs des deux côtés, a fait rapport au Sénat sur ces trois sénateurs et sur les modification au Règlement, dont je...

Une voix : Le rapport n'était pas unanime.

La sénatrice LeBreton : C'était un rapport du comité. Il incombe au comité de décider de quelle façon il présente cette information. Je ne peux pas parler au nom du comité.

Le sénateur Carignan : La très grande majorité des membres du comité a approuvé le rapport.

La sénatrice LeBreton : Le comité a présenté le rapport au Sénat. Désormais, le rapport appartient au Sénat et celui-ci l'étudiera. Nous avons étudié deux des trois rapports hier soir et le troisième fait toujours l'objet d'un débat. L'autre rapport concerne les changements apportés au Règlement, sujet que je compte aborder plus tard aujourd'hui lorsque nous parviendrons à cet article de l'ordre du jour.

L'honorable George J. Furey : J'ai une autre question à poser à madame le leader. Vous savez, sénatrice LeBreton, que ces rapports sont majoritaires, et non unanimes, n'est-ce pas?

La sénatrice LeBreton : Oui, je le sais. Cependant, sénateur Furey, vous êtes le vice-président du comité. Si les rapports que votre comité a déposés au Sénat vous causaient un tel problème, vous auriez dû intervenir.

Des voix : Il l'a fait!

Le sénateur Cowan : Je crois que le compte rendu indique que le sénateur Furey l'a clairement laissé savoir lorsque le sénateur Tkachuk a déposé ces rapports.

Hier, sénatrice LeBreton, je vous ai posé une question au sujet de la déclaration de M. Wright, dans laquelle ce dernier affirme ne pas avoir dit au premier ministre par quel moyen les dépenses du sénateur Duffy ont été remboursées. Je vous ai demandé si le choix des mots « par quel moyen » avait une importance particulière, et s'il y avait une différence entre le fait d'ignorer par quel moyen le remboursement avait été effectué et le fait d'ignorer que le remboursement avait eu lieu. Vous avez répondu que vous ne saviez pas.

Puisque nous avons eu cette discussion de nature terminologique, j'ai pensé que nous pourrions aujourd'hui nous pencher sur la déclaration faite par Benjamin Perrin. D'après ce que je comprends, M. Perrin était, jusqu'au mois dernier, conseiller spécial chargé des affaires juridiques et politiques au cabinet du premier ministre. Apparemment, il a été impliqué d'une certaine façon dans la transaction entre M. Wright et le sénateur Duffy qui a abouti au paiement de 90 000 $. Je veux citer exactement ce qu'il a déclaré.

Je n'ai pas été consulté, et je n'ai pas participé à la décision de Nigel Wright de faire un chèque personnel pour rembourser les dépenses du sénateur Duffy.

Connaissez-vous la nature de la participation de M. Perrin dans l'arrangement conclu entre le sénateur Duffy et M. Wright?

La sénatrice LeBreton : À mon avis, la déclaration de M. Perrin est éloquente. À tout le moins, sénateur Cowan, vous savez aujourd'hui qui est M. Perrin. Hier, vous supposiez qu'il faisait partie du Conseil privé et vous avez proposé différents titres au hasard. Je n'ai jamais rencontré M. Perrin. Je ne le connais pas. Je ne sais pas quel était son rôle au sein du cabinet du premier ministre, mais ce n'est pas... c'est la pure vérité. Je ne pourrais pas reconnaître cet homme même s'il se trouvait directement en face de moi.

Force est de constater qu'il a fait une déclaration hier, mais que celle-ci ne change rien aux faits ou à la déclaration de M. Wright. Cela ne change rien à la réponse du premier ministre à la déclaration de M. Wright. Force est de constater — et je crois que c'est une évidence — que le premier ministre ne savait rien de tout cela avant que Robert Fife, de CTV News, en parle.

Vous pouvez continuer d'exposer vos théories du complot. Hier soir, j'ai écouté avec grand intérêt David Herle, qui a travaillé au cabinet du premier ministre sous Paul Martin. Il a affirmé que Paul Martin n'était pas au courant du scandale des commandites.

Une voix : Vous ne pouvez pas revenir en arrière.

Le sénateur Cowan : N'est-il pas vrai que, quand ils se sentent réellement pris au piège, ils essaient de changer de sujet?

La sénatrice Tardif : Oui, ou encore, ils lancent des attaques.

Le sénateur Cowan : Ce n'est pas un interrogatoire à l'aveuglette, ni une théorie du complot. Il y a quelques instants, je vous ai présenté les faits, indiquant qu'il est... je vais reprendre l'expression que vous avez utilisée, en l'occurrence « force est de constater ». Dans le cas qui nous occupe, force est de constater que Nigel Wright était chef de cabinet du premier ministre. Force est de constater qu'il a fait un chèque personnel au sénateur Duffy afin que ce dernier rembourse ses dépenses, et ce, pendant que le sénateur Duffy faisait l'objet d'une vérification judiciaire.

Force est de constater que Benjamin Perrin était, à ce moment-là, conseiller spécial aux affaires juridiques et politiques au sein du cabinet du premier ministre. Force est aussi de constater qu'il a été impliqué — et je cherche à déterminer dans quelle mesure — dans la négociation de ces arrangements. Il m'apparaît inconcevable, sénatrice LeBreton, qu'un homme d'affaires et conseiller aussi chevronné que Nigel Wright puisse avoir, de sa propre initiative et en l'absence de quelque arrangement que ce soit, sorti son chéquier pour verser personnellement 90 000 $ à quelqu'un qui se trouvait dans la situation que j'ai décrite.

Tout ce que je vous demande, c'est si vous savez ce que prévoit exactement l'arrangement qui a été conclu et quel a été le rôle de M. Perrin dans cette affaire, en vous priant, si vous l'ignorez, de trouver cette information.

On a fait grand cas hier de l'absence d'entente écrite. Laissons cela de côté. Il y a eu des arrangements, c'est indéniable, alors je vous demande si vous savez ce qu'ils prévoyaient. Si ce n'est pas le cas et si vous ignorez quel a été le rôle de M. Perrin, pourriez-vous chercher à vous informer?

La sénatrice LeBreton : La réponse, c'est non, non et non. Force est de constater que toutes vos allégations découlent des déclarations de MM. Wright et Perrin, mais, en vérité, alors que vous échafaudez des théories conspirationnistes, c'est une personne à la réputation irréprochable qui tirera cette affaire au clair. Cette personne, c'est Mary Dawson, et elle est commissaire à l'éthique.

Le sénateur Furey : Honorables sénateurs, j'adresse ma question à madame le leader. Sénatrice LeBreton, hier soir, grâce à la majorité conservatrice au Sénat, vous avez renvoyé le rapport visant le sénateur Duffy au comité. Comme vous le savez sans doute, la façon dont les sénateurs conservateurs, majoritaires au comité, ont traité ce rapport la première fois est source de controverse. Voici ma question : par souci d'ouverture, de transparence et de reddition de comptes, des mots que vous avez vous-même employés à plusieurs reprises, tant au Sénat qu'à l'extérieur de cette enceinte, appuieriez- vous l'idée de permettre aux Canadiens et aux médias d'avoir accès aux audiences du comité?

La sénatrice LeBreton : Eh bien, tout d'abord, il me semble que le Comité de la régie interne du Sénat, contrairement à celui de l'autre endroit, mène ses travaux en public, mais, sénateur Furey, le Comité de la régie interne est un comité du Sénat du Canada. Vous en êtes le vice-président. Je ne veux pas et ne peux pas, à titre de leader du gouvernement au Sénat, dicter quoi que ce soit aux membres des comités — vous pouvez rire autant que vous voulez, mais si je le faisais, votre ami, le sénateur Mercer, ferait une crise cardiaque.

Le sénateur Furey : J'ai une question complémentaire.

Vous employez des faux-fuyants. Je ne veux pas savoir si vous diriez quoi faire au comité. Je n'ai jamais, au grand jamais, eu l'intention de suggérer une telle chose, sénatrice LeBreton.

Voici ma question. À titre de leader du gouvernement au Sénat, seriez-vous prête à appuyer la tenue d'audiences du comité ouvertes, transparentes, et accessibles aux médias et aux Canadiens?

(1400)

La sénatrice LeBreton : Eh bien, sénateur Furey, lorsque je prendrai la parole dans quelques instants, vous saurez ce que je pense vraiment de certaines choses qui se sont passées ici auparavant, jusqu'à ce que le gouvernement actuel...

Des voix : Oh, oh!

La sénatrice LeBreton : Lorsque nous avons obtenu la majorité au Sénat, nous avons ouvert les portes pour laisser entrer la lumière.

Des voix : Oh, oh!

La sénatrice LeBreton : C'est pourquoi toutes ces séances sont désormais accessibles au public. Tout ce que je vous dirais, sénateur Furey, c'est que, quelles que soient les décisions que prendra le Comité de la régie interne, il ne fait aucun doute que je les appuierais sans réserve.

Le sénateur Furey : J'ai une autre question complémentaire. À la lumière de toutes ces merveilleuses choses que vous venez de dire au sujet du gouvernement, sénatrice LeBreton, ma question est toujours la même. Seriez-vous prête à appuyer la tenue d'audiences du comité ouvertes, transparentes, et accessibles aux médias et aux Canadiens?

La sénatrice LeBreton : Ai-je du mal à me faire entendre? Je viens de dire, sénateur Furey, que, en tant que sénatrice et leader du gouvernement au Sénat, je serais prête à accepter toute décision prise par les membres du Comité de la régie interne. Je ne peux pas être plus claire que cela.

Le sénateur Cowan : Permettez-moi d'aborder le sujet sous un angle légèrement différent en guise de question complémentaire faisant suite à la question de mon collègue, le sénateur Furey. Hier, vous avez dit que nous avions, vous et moi, signé une lettre adressée au président et au vice-président du Comité de la régie interne, que j'ai eu effectivement le plaisir de signer avec vous, demandant à ce que les rapports soient publiés et présentés le plus tôt possible. Seriez-vous prête à signer une lettre semblable dans laquelle je demanderais à ce que les audiences du Comité de la régie interne sur ce dossier soient publiques?

Le sénateur LeBreton : Vous savez, sénateur Cowan, l'échange d'hier sur cette question m'a vivement intéressée, en particulier lorsqu'il a été question de la lettre que nous avons signée et dont vous avez fièrement revendiqué la paternité. Je suis heureuse que vous ayez tenu ces propos hier dans cette enceinte, car ils sont la preuve de mon désir de coopérer dans l'intérêt du Sénat. Je me réjouis que vous ayez souligné avoir rédigé la lettre signée par moi avec grand plaisir.

La question est de retour au Sénat. Elle est maintenant entre les mains du Comité de la régie interne. Comme je viens de l'indiquer, je serai très heureuse — comme nous tous, j'en suis certaine, puisque les comités sénatoriaux sont autonomes — d'appuyer toute décision prise par le Comité de la régie interne sur la façon de procéder et toute décision de sa part consécutive à son examen. Il lui revient de décider. J'attends avec impatience le fruit de son travail. De bons sénateurs font partie du Comité de la régie interne, et le sénateur Furey en a été le président pendant plusieurs années. Ce sont d'excellents sénateurs. La sénatrice Beth Marshall était vérificatrice générale de Terre-Neuve-et-Labrador. Ce comité compte d'excellents membres. Laissons-les faire leur travail.

Le sénateur Cowan : Sénatrice LeBreton, j'ai écouté attentivement ce que vous venez de dire et je suis certain qu'il y avait un oui quelque part. Étant donné mon optimisme naturel et l'esprit de coopération dont vous avez parlé, je rédigerai une lettre que vous trouverez sur votre pupitre plus tard cet après-midi et que j'ai hâte de signer. Nous pourrons l'apporter ensemble au sénateur Tkachuk et au sénateur Furey, si vous voulez.

Le sénateur LeBreton : Sénateur Cowan, vous êtes très prompt à me mettre des mots dans la bouche. Or, vous voulez maintenant mettre des mots sur mon pupitre. Nous avons réussi parce que nous avons coopéré et agi comme il se doit la dernière fois, et nous ferons ce qu'il faut encore cette fois-ci, c'est-à-dire que vous devriez faire confiance aux membres du Comité de la régie interne de votre parti. Je fais certainement confiance à ceux de mon parti.

L'honorable Wilfred P. Moore : Ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Je vais répéter la tentative des sénateurs Furey et Cowan. J'aimerais savoir ce que vous préférez, personnellement, dans l'intérêt de l'honnêteté et de l'intégrité non seulement des parties visées, mais de l'institution du Sénat. Ne préféreriez-vous pas que les audiences sur la question soient publiques? Abstraction faite de ce que pourrait penser le comité, que croyez-vous qu'il soit préférable de faire pour protéger notre institution et la démocratie au Canada?

Des voix : Bravo!

La sénatrice LeBreton : Eh bien, je crois que le discours que je m'apprête à faire tout à l'heure vous intéressera beaucoup. Sénateur Moore, j'ai répondu à la question du sénateur Furey ainsi qu'à celle du sénateur Cowan. Le Comité de la régie interne et de l'administration du Sénat est de nouveau saisi de la question. J'ai confiance en tous les membres du comité et j'ai un grand respect pour son ancien président, désormais vice-président. Je pense que nous devons faire confiance aux membres du comité; ils agiront comme il se doit, j'en suis persuadée. Peu importe ce qu'ils décideront et la manière dont ils procéderont, ils peuvent compter sur mon appui inconditionnel.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Moore : Je présume donc que vous n'avez pas d'opinion sur le sujet. Quoi que le comité, au sein duquel votre parti est majoritaire, décide, vous approuverez, peu importe les résultats. C'est tellement décevant.

Avez-vous quelque chose à dire? Quelqu'un, en face, a-t-il quelque chose à dire?

Une voix : Non.

Le sénateur Moore : Il me semblait bien. C'est ce que je pensais.

Madame le leader, selon la chronologie des événements que nous avons entendue hier, vers la fin février, le sénateur Duffy a déclaré qu'il rembourserait les 90 000 $ exigés. J'ignore d'où sort ce montant. Je ne sais pas d'où vient ce chiffre. Nous savons qu'il en a été question dans le cadre des discussions qui ont eu lieu précédemment entre le sénateur Duffy et M. Wright. Qui a déterminé cette somme, ce chiffre, une semaine ou deux plus tôt, lorsque des discussions ont eu lieu sur la manière de rembourser?

La sénatrice LeBreton : À ce que je sache — j'ai peut-être tort, mais c'est ce que j'ai compris —, lorsque le sénateur Duffy a déclaré publiquement à la télévision en février qu'il allait rembourser l'argent, il avait été informé du montant par l'Administration du Sénat.

Le sénateur Moore : L'administration du Sénat? Pouvez-vous vous renseigner à ce sujet? Car je crois que c'est important. Si vous pouviez trouver la source de ce montant, ça nous aiderait beaucoup à discerner ce qui s'est passé, qui savait quoi et, surtout, à quel moment. Si vous pouviez vérifier cela, madame la leader, je vous en saurais gré.

La sénatrice LeBreton : C'est ce que je comprends. Je crois que, lorsque le sénateur Duffy a indiqué qu'il allait rembourser l'argent — et nous apprenons maintenant que tel n'était pas le cas —, son bureau, si je ne m'abuse, a communiqué avec l'Administration du Sénat pour connaître le montant d'argent qu'il avait réclamé. Il appartiendra au Comité de la régie interne — de même qu'à la commissaire à l'éthique, je présume — de faire la lumière là-dessus lorsqu'ils se pencheront sur la question. Ce n'est que ce que je comprends, et je ne peux vérifier cette information. Cette tâche, sénateur Moore, incombe au Comité de la régie interne du Sénat ou à la commissaire à l'éthique.

[Français]

L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, c'est peut-être une question perdue dans la traduction, mais je crois comprendre que, le même soir où le sénateur a dit qu'il allait rembourser, il a aussi annoncé qu'il avait obtenu un prêt de la Banque Royale du Canada. Je n'ai jamais entendu personne de la Banque Royale du Canada le confirmer. J'ose croire que c'était peut-être, encore une fois, une invention qui suivait une série de mensonges qui avait commencé au mois de février.

Toutefois, puisque madame le leader du gouvernement a cité cette entrevue, peut-elle nous dire quand elle a su que le sénateur n'avait pas reçu un prêt de la Banque Royale?

[Traduction]

La sénatrice LeBreton : En fait, j'ai cru qu'il avait remboursé l'argent, puisque c'est ce qu'il a dit. Je me suis fiée à ce qu'ont rapporté les médias — même si je sais que ce n'est pas toujours très fiable —, à savoir qu'il avait fait un emprunt à la Banque Royale du Canada et remboursé l'argent. C'est ce que je croyais. C'est ce que nous croyions tous quand nous avons déposé les rapports au Sénat, le 9 mai. Nous l'avons cru jusqu'au moment où CTV News a présenté une autre version des faits, mardi soir dernier.

(1410)

Le sénateur Dawson : Madame la ministre, à quel moment avez- vous cessé de le croire? De toute évidence — et je le dis en tout honneur —, il vous avait induite en erreur; il a clairement trompé une partie des sénateurs de ce côté-ci. À quel moment avez-vous constaté, ou quand le cabinet du premier ministre vous a-t-il informée que quelqu'un vous mentait, que ce soit le cabinet du premier ministre ou M. Duffy?

La sénatrice LeBreton : Eh bien, sénateur Dawson, le cabinet du premier ministre ne m'a rien dit à ce sujet. Comme je l'ai dit très clairement, le premier ministre n'était pas au courant de cette situation. Quel est le moment précis où j'ai cessé de croire le sénateur Duffy à propos de ce dossier? C'était mardi soir dernier, quand j'ai regardé Bob Fife sur CTV News.

Le sénateur Dawson : Dans ce cas, j'espère que Bob Fife présentera une autre émission ce soir puisque, franchement, nous avons cessé de croire le sénateur Duffy bien avant mardi soir dernier. Nous commencions à nous douter que quelqu'un exerçait certaines pressions en coulisses. De toute évidence, puisque le vice- président du sous-comité de la régie interne s'était fait dire que la majorité des conservateurs voulaient que le texte soit modifié, c'est qu'il existait certaines pressions externes. Ces pressions ne venaient pas d'en haut, et elles ne venaient pas nécessairement du cabinet du premier ministre ni de votre bureau, mais il est évident que quelqu'un a dit à la sénatrice Stewart Olsen et au sénateur Tkachuk que leur façon de procéder posait un problème.

La sénatrice LeBreton : Vous savez, sénateur Dawson... vos suppositions, vos soupçons, les suppositions et soupçons de qui que ce soit d'autre, rien de tout cela n'est pertinent en l'occurrence. Des deux côtés de l'enceinte ainsi qu'au comité, toutes les parties intéressées ont suivi un processus. Nous avons appris après coup — après avoir fait tout cela le 9 mai — que nos hypothèses étaient erronées.

Je crois comprendre — vous faites référence à des choses qui se sont passées au comité et dont je n'ai aucune connaissance — que les conclusions du comité se fondent sur un rapport d'un vérificateur indépendant qui indique que l'argent a été remboursé. C'est ce que dit le rapport; c'est ce qui a été établi.

Cependant, voilà qu'après coup nous sommes confrontés à de nouvelles circonstances, mais ne pouvons pas vraiment faire quoi que ce soit d'autre que de traiter les questions qui se présentent au fur et à mesure.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Le sénateur Duffy a également écrit dans un courriel que, sur ordre du cabinet du premier ministre, il ne coopérerait pas avec les vérificateurs. Pensez-vous que c'est vrai, madame la ministre?

La sénatrice LeBreton : Ce sera au Comité de la régie interne de répondre à cette question quand il examinera l'affaire, de même qu'à la commissaire à l'éthique. Je ne vais pas débattre de qui aurait dit quoi ou envoyé quels courriels. Je n'ai pas lu ces courriels; je n'en ai pas eu connaissance. Je peux seulement me fier sur ce qu'on m'a dit et, comme vous le savez, il ne s'agit pas de renseignements factuels; c'est pourquoi je ne vais pas m'attarder à parler de ce qui aurait été dit, ou non, dans un courriel.

Des processus existent pour gérer ce genre de situation de façon appropriée. Laissons les gens faire leur travail.

L'honorable Jane Cordy : Ce qui est intéressant, c'est que le Comité de la régie interne a toujours travaillé de façon non partisane, mais je dois vous dire que la dernière réunion du comité, lors de laquelle nous avons étudié ces rapports, était tout sauf objective. Les libéraux qui siègent au comité savaient bien entendu que les dés étaient pipés, raison pour laquelle ils ont voté contre la tentative d'étouffer le rapport concernant le sénateur Duffy.

Ce que j'aimerais savoir, cependant, c'est qui d'autre au cabinet du premier ministre, outre Nigel Wright, était au courant des 90 000 $ qu'on a donnés au sénateur Duffy pour acheter son silence.

La sénatrice LeBreton : Tout d'abord, sénatrice Cordy, la commissaire à l'éthique se penchera sur toutes ces questions. Je n'ai pas la réponse à vos questions. Nous ne savons rien de plus que les faits dont nous débattons au Sénat.

Une voix : Oh, oh.

La sénatrice LeBreton : Vous savez, je suis au courant que vous avez un problème avec les faits, sénateur Mercer, mais pas moi, et je dis la vérité.

Le fait est que nous croyions, jusqu'au 9 mai, qu'il y avait un ensemble de circonstances. Nous ne le croyons plus. Nous pouvons compter sur le Comité de la régie interne, formé de sénateurs des deux côtés. Je suis certaine qu'ils feront ce qu'il faut. Nous pouvons également compter sur la conseillère sénatoriale en éthique, ainsi que sur Mary Dawson, la commissaire à l'éthique de l'autre endroit — en outre, elle est responsable des titulaires d'une charge publique. Attendons donc de voir les conclusions de ces enquêtes.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'emploi et la croissance dans le Nord

Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Patterson, appuyée par l'honorable sénateur Segal, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-47, Loi édictant la Loi sur l'aménagement du territoire et l'évaluation des projets au Nunavut et la Loi sur l'Office des droits de surface des Territoires du Nord-Ouest et apportant des modifications connexes et corrélatives à certaines lois.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la troisième fois.)

La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Nicole Eaton propose que le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, soit lu pour la troisième fois.

— Je remercie infiniment les sénateurs de me permettre de parler une dernière fois du projet de loi C-43. Il s'agit d'une mesure législative importante, qui permettra en somme d'accroître la sécurité des citoyens et des collectivités où ils habitent. Le parti conservateur a promis aux Canadiens d'apporter ces changements lors de la dernière campagne électorale. Ceux-ci amélioreront le système d'immigration et les pratiques qui s'y rattachent en accélérant le renvoi des criminels étrangers.

Honorables sénateurs, jusqu'ici, tout au long du débat portant sur ce projet de loi, il a été beaucoup question des aspects fondamentaux et de la raison d'être du projet de loi. Toutefois, pendant le débat — dans cette enceinte et au comité —, certains sénateurs ont exprimé des préoccupations et critiqué le projet de loi. J'aimerais répondre à ces préoccupations et à ces critiques.

Il faut se rappeler que, en vertu des dispositions prévues dans le projet de loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, un ressortissant étranger qui se voit infliger une peine d'emprisonnement de six mois ou plus par un tribunal pénal canadien deviendra interdit de territoire au Canada pour cause de criminalité et fera l'objet d'une ordonnance d'expulsion. L'examen des risques avant renvoi demeure obligatoire, et le ressortissant en question pourra encore recourir au mécanisme d'appel devant les tribunaux.

C'est le criminel lui-même qui prend la décision de commettre un acte criminel grave. Les criminels qui font un tel choix doivent être tenus responsables de leurs actes, et ils vont l'être grâce au projet de loi. Lorsque le Canada ouvre ses portes à un étranger et fait preuve de générosité en lui permettant d'avoir accès à ce que nous avons à offrir, nous fixons seulement deux exigences : vivre au Canada et ne pas commettre d'acte criminel grave.

Honorables sénateurs, lors de notre étude de la mesure législative, les sénateurs d'en face se sont dits préoccupés par l'exigence selon laquelle les étrangers qui veulent obtenir un visa et qui sont considérés comme posant un risque pour la sécurité doivent se soumettre à une entrevue menée par le SCRS. Nos collègues d'en face n'étaient pas d'accord avec cette disposition. Ils ont fait valoir que de telles entrevues ne sont pas suffisamment balisées et qu'elles risquent de devenir des interrogatoires à l'aveuglette, pour paraphraser le sénateur Eggleton.

Honorables sénateurs, nous pensons que nos institutions, notamment le Service canadien du renseignement de sécurité et l'Agence des services frontaliers du Canada, mènent ces entrevues de façon approfondie mais juste.

(1420)

Les sénateurs d'en face étaient également préoccupés par la disposition qui permet au ministre de refuser de laisser entrer un étranger au pays pour des motifs d'intérêt public, ou en invoquant le pouvoir discrétionnaire de rejet. Nous sommes un pays progressiste. Pourtant, lorsqu'il s'agit du pouvoir discrétionnaire de rejet, nous ne sommes pas au diapason des autres nations développées. Des pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis, la France et l'Australie, entre autres, ont tous des pouvoirs discrétionnaires très étendus. En fait, la majorité des pays ont des pouvoirs qui sont beaucoup plus discrétionnaires que ceux qui sont prévus dans le projet de loi C-43. Par exemple, au Royaume-Uni, le ministère de l'Intérieur a interdit de territoire des personnes dont la présence était jugée peu propice à l'intérêt public. En Australie, le ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté dispose de pouvoirs lui permettant d'agir personnellement dans l'intérêt national. Il lui appartient de déterminer si une décision est justifiée. En outre, la législation australienne de l'immigration permet de refuser des visas pour des motifs liés à la politique étrangère si une personne est susceptible d'inciter ou de participer à des actes violents dans la collectivité.

Aux États-Unis, le secrétaire d'État peut ordonner à un agent consulaire de refuser un visa pour des motifs liés à la politique étrangère américaine ou à des impératifs de sécurité. Le secrétaire à la Sécurité intérieure peut aussi déléguer aux agents d'immigration le pouvoir de révoquer un visa. Par ailleurs, le président des États-Unis a le pouvoir d'imposer des restrictions sur les déplacements internationaux et l'admission dans le pays de certaines personnes dont la présence peut être jugée préjudiciable à l'intérêt national.

Lorsqu'il est venu au comité, le ministre Kenney a dit qu'il était nécessaire de se doter d'un pouvoir discrétionnaire de rejet. Il a illustré l'appui dont jouit ce nouveau pouvoir en citant une motion adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec, lui demandant d'empêcher l'entrée au pays d'extrémistes. L'Assemblée nationale avait formulé cette demande parce que deux étrangers qui ont tenu des propos homophobes et qui banalisent la violence faite aux femmes voulaient entrer au Canada. L'Assemblée nationale a réitéré le fait que ces positions rétrogrades n'ont pas leur place dans une société démocratique et qu'elles vont à l'encontre des valeurs fondamentales de la société québécoise, c'est-à-dire l'égalité entre les hommes et les femmes et le respect de l'intégrité corporelle des personnes.

À la lumière de ces instances, le ministre a conclu qu'il était judicieux et optimal de conserver dans le projet de loi une certaine discrétion qui permet de tenir compte des préoccupations et considérations en matière de politique d'intérêt public. Nous appuyons sa position à cet égard. Nous sommes tout aussi confiants en ce qui concerne les dispositions législatives qui permettent de tenir compte de considérations d'ordre humanitaire et de voir s'il y a lieu d'expulser des personnes pour des motifs de sécurité nationale, de terrorisme ou de crime organisé, autant de motifs graves d'interdiction de territoire.

Tout cela a un lien avec les problèmes que le sénateur Munson a soulevés. En effet, celui-ci a rappelé au comité et au ministre Kenney la position de l'ONU au sujet de l'application du premier paragraphe de l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, et plus particulièrement le fait que le Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne a exhorté le Canada à faire en sorte que la loi et les procédures tiennent compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Honorables sénateurs, dans toutes les applications de la législation canadienne en matière d'immigration, l'intérêt supérieur des enfants mineurs est toujours pris en considération par les agents des visas, les agents des services frontaliers, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et la Cour fédérale. Ce facteur est toujours pris en considération, et le projet de loi C-43 n'y change rien.

Le gouvernement ne se rendra d'aucune façon responsable de la séparation de membres d'une même famille si un étranger coupable d'un crime grave est expulsé. Cela dit, l'enfant est la responsabilité de ses parents, et il doit rester avec eux.

Réaffirmons de nouveau clairement notre position : si des gens commettent des crimes graves, ils perdent le privilège de rester au Canada comme résidents permanents.

La vaste majorité des immigrants que nous accueillons comme résidents permanents sont respectueux des lois et ne songeraient jamais à commettre un crime grave, et ils jugent normal que ceux qui en commettent perdent ce privilège. Chaque année, le gouvernement accepte en moyenne 257 000 résidents permanents. C'est le niveau d'immigration soutenu le plus élevé de l'histoire du Canada, le niveau d'immigration par habitant le plus élevé du monde industrialisé. Il augmente notre population de près de 0,8 p. 100 chaque année.

Il faut toutefois signaler que, au cours de chacune des cinq dernières années, une moyenne d'environ 800 résidents permanents ont commis des crimes violents graves punissables de peines d'emprisonnement d'au moins six mois. En 2010, il y en a eu 849; en 2009, 1 086; en 2011, 564. C'est une infime fraction des résidents permanents au Canada. Le projet de loi C-43 cible seulement l'infime minorité de ceux qui commettent des crimes graves.

L'opposition s'inquiète aussi, ce que je trouve déconcertant, des dispositions du projet de loi qui prévoient la suppression pendant cinq ans, en cas de fausses déclarations, du privilège de présenter une demande. S'il y a jamais eu et s'il y a encore nécessité de faire preuve de diligence raisonnable, d'avoir une divulgation complète et franche et de prêter une attention absolue au détail, c'est bien à cette étape clé de la démarche. Nous prenons très au sérieux les cas de fausse déclaration dans les demandes d'immigration. On ne saurait se contenter d'une disposition moins rigoureuse, qui est indispensable à l'intégrité de la loi, comme on ne saurait pas non plus se passer de la notion de grande criminalité. La disposition qui ramène le critère de durée de la peine, actuellement de deux ans, à plus de six mois est liée au refus de donner accès à la Section d'appel de l'immigration aux résidents permanents qui sont condamnés, au Canada, à une peine d'emprisonnement de plus de six mois.

Le comité a entendu une multitude de situations hypothétiques toutes plus créatives les unes que les autres au sujet de cette disposition. Il n'en demeure pas moins qu'elle est directement liée à l'intégrité de la loi. Si quelqu'un ne veut pas se faire retirer le droit d'appel, il peut faire le choix bien arrêté de ne pas commettre un crime ou il peut, dans le système judiciaire, faire appel de la condamnation au pénal pour laquelle une peine lui a été infligée.

Je le répète, honorables sénateurs, nous cherchons par ce projet de loi à protéger les justes et à rendre le traitement des criminels plus robuste et mieux adapté à la gravité des crimes commis. Voilà pourquoi ces dispositions s'appliqueront rétroactivement en ce qui concerne les minimums obligatoires pour les personnes qui sont sous garde au Canada ou dont le dossier est toujours à l'étude.

Les conditions sont simples et directes. Il faut, deux fois par année, rendre compte à l'Agence des services frontaliers du Canada de ses allées et venues et signaler toute modification de sa situation. Il est acceptable et même judicieux d'imposer des conditions semblables également aux personnes qui se trouvent actuellement au Canada et qu'on envisage de juger ou qu'on a déjà jugées non admissibles pour des motifs de sécurité.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-43 est une mesure qui mettra un terme aux jeux de procédures qui permettent à des criminels étrangers de multiplier les démarches pour retarder ou éviter leur expulsion finale. En guise de conclusion, je voudrais répondre à la sénatrice Jaffer, dont l'intervention dans le débat nous a rappelé la nécessité de considérer l'engagement collectif envers un idéal qui transcende l'individu.

Honorables sénateurs, le Canada demeure une lueur d'espoir pour ceux qui veulent vivre dans la paix et la sécurité. C'est un pays où il est à la fois humain et compatissant de protéger les citoyens contre les criminels qui décident de propos délibéré de participer à des crimes de guerre, à des crimes contre l'humanité, à des violations graves des droits de la personne et aux activités du crime organisé. Nous n'avons pas perdu nos valeurs de vue. Au contraire, la nécessité de les réaffirmer et de les protéger est peut-être plus claire que jamais. À cet égard, le projet de loi C-43 nous est utile de bien des façons.

Honorables sénateurs, le projet de loi jouit d'un solide appui dans la collectivité et parmi les groupes intéressés. Nous affirmons avec plaisir qu'il recueille le soutien de l'Association canadienne des chefs de police, de l'Association canadienne des policiers, des groupes de défense des droits des victimes, notamment Victimes de violence, et plusieurs experts.

(1430)

C'est une bonne mesure législative, bien réfléchie et qui a été étudiée à fond. Je remercie mes collègues, les sénateurs Campbell et Jaffer, de leur contribution au débat sur ce projet de loi. J'offre également mes plus sincères remerciements et exprime ma reconnaissance au sénateur Eggleton pour l'éloquence dont il fait preuve dans l'exercice de ses fonctions de porte-parole.

Cette mesure législative mérite d'être appuyée par les sénateurs et d'être adoptée promptement.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il des questions, honorables sénateurs?

L'honorable Art Eggleton : Merci beaucoup. Je pense que l'une des principales pierres d'achoppement ici concerne la grande criminalité. D'ailleurs, qu'entend-on par grande criminalité? Dans ce cas-ci, nous parlons de modifier le critère actuel de deux ans. En d'autres termes, ceux qui dépassent la limite de deux ans ne peuvent pas s'adresser à la Section d'appel de l'immigration. Les autres peuvent le faire, sauf que le critère sera dorénavant de six mois. Certains craignent qu'en le faisant passer à six mois, on élargisse l'éventail de crimes pris en considération.

La sénatrice et le ministre ont parlé de « crimes graves » et il va de soi pour nous tous que, le meurtre, le viol et bien d'autres crimes analogues sont doublement graves. Toutefois, où la sénatrice tracerait-elle la limite de ce que l'on qualifierait de « crime grave » pour refuser un appel à la Section d'appel de l'immigration?

La sénatrice Eaton : Je remercie le sénateur de sa question. Je vais définir ce qu'est la « grande criminalité » en me basant sur la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, présentée par l'ancien gouvernement libéral : agression armée, trafic de stupéfiants et possession de drogue dans le but d'en faire le trafic, vol et, enfin, agression sexuelle.

Le sénateur Eggleton : Ce sont là des crimes graves, mais il y a aussi d'autres crimes qui seront visés à cause de ce critère de six mois, puisque le projet de loi ne précise pas ce que sont ces crimes graves. Il parle simplement de la durée de la peine, c'est-à-dire six mois.

Je reviendrai sur la question lorsque je proposerai d'ajourner le débat à mon nom, si je le puis. J'ai une autre question.

La sénatrice Eaton : Dans ces exemples, il s'agissait de la définition de « grande criminalité ».

Le sénateur Eggleton : Je comprends. Lorsqu'ils ont été interrogés, le ministre et d'autres témoins ont dit qu'ils se fieraient à la durée de la peine et non à cette définition.

Quoi qu'il en soit, la sénatrice a dit que le projet de loi mettrait un terme aux abus. Il y a effectivement des gens qui ont mené des contestations pendant des années avant d'être enfin expulsés. Je comprends cet aspect. Cela allait trop loin. Toutefois, dans la plupart de ces cas, les contestations, si je comprends bien, ont été menées devant les tribunaux. Les démarches auprès de la Section d'appel de l'immigration, qui est en cause ici, durent en fait fort peu de temps. Combien de temps allons-nous pouvoir gagner si toutes les contestations sont menées dans le système judiciaire, devant les tribunaux?

La sénatrice Eaton : C'est sans doute pure hypothèse, puisque nous ne savons pas. Nous ne pouvons pas présumer de ce que les gens feront. Toutefois, si quelqu'un se fait imposer une peine de plus de six mois, s'il est désigné pour expulsion et s'il fait l'objet d'un examen des risques avant renvoi, cela dépendra de sa décision de s'adresser ou non aux tribunaux. Il reste que le projet de loi fait disparaître la solution facile. C'est un début. Il faut que notre dispositif soit plus facile et plus rapide.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Merci beaucoup d'accepter d'entendre ma question, et aussi d'avoir fait allusion à moi pendant votre intervention. Je vous en sais gré.

Depuis son arrivée au Sénat, la sénatrice s'est beaucoup intéressée aux questions d'immigration. Il serait banal pour moi de dire qu'il nous arrive souvent de ne pas être du même avis, mais je crois que, dans ce contexte — celui des droits de l'enfant —, nous aurons toutes deux la même position. La sénatrice a parlé avec éloquence du fait que, relativement aux droits de l'enfant ou à la convention, nous devons considérer ce qui sert le mieux les intérêts de l'enfant.

Je vais poser une question qu'on nous a souvent adressée au cours des audiences du comité. Si un adulte de 19 ans arrivé au Canada à l'âge de trois mois commet une infraction, sert-on au mieux ses intérêts en le renvoyant dans son pays d'origine, qu'il ne connaît pas du tout? Après tout, ce jeune a été élevé au Canada. Qu'en pense la sénatrice?

La sénatrice Eaton : Je remercie la sénatrice de sa question. Oui, je me suis beaucoup intéressée aux questions d'immigration, tout comme la sénatrice.

Je dois dire qu'un jeune qui est arrivé au Canada quand il n'était encore qu'un nourrisson et qui, à 19 ans, ne sait pas s'il veut devenir ou non citoyen canadien est quand même un résident permanent qui va en prison pour plus de six mois. J'estime — et c'est sans doute là que nous ne sommes pas du même avis — que si cette personne s'est rendue coupable d'une infraction grave, elle mérite peut-être d'être renvoyée dans son pays d'origine si, premièrement, elle ne s'est pas suffisamment intéressée au Canada pour présenter une demande de citoyenneté et si, deuxièmement, elle ne s'est pas conformée aux deux règles que nous demandons aux résidents permanents de respecter : vivre dans le pays et se tenir à l'écart du crime.

La sénatrice Jaffer : Il est très intéressant d'entendre la sénatrice dire que cette jeune personne n'a pas encore fait son choix à l'âge de 19 ans. Pour la plupart des Canadiens, 19 ans, c'est encore très jeune. De toute évidence, nous ne sommes pas du même avis sur ce point.

J'ai une question complémentaire qui fait suite à ce qu'a demandé le sénateur Eggleton. Une autre chose a été mentionnée au comité : si une personne peut écoper d'une peine de six mois en vertu de la loi, il se peut que le juge, conscient de ce qui lui arriverait dans le contexte de l'immigration, lui inflige une peine de moins de six mois pour lui éviter ces conséquences. Au cours de l'audience, la sénatrice a dit craindre que les Canadiens ne soient traités différemment des ressortissants étrangers. Qu'a fait la sénatrice à ce sujet? En a-t-elle parlé au ministre?

La sénatrice Eaton : Je ne crois pas que les citoyens canadiens devraient souffrir à cause de leur citoyenneté. J'espère que les juges détermineront la peine en fonction du crime commis. Je n'en suis pas tout à fait sûre, mais je crois que la Cour suprême a conclu que les juges devaient être au courant du risque de renvoi. J'espère néanmoins qu'ils déterminent la peine des délinquants, qu'ils soient citoyens canadiens ou résidents permanents, sur la base de l'infraction commise.

(Sur la motion du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)

(1440)

Régie interne, budgets et administration

Le vingt-cinquième rapport du comité—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du vingt-cinquième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (politique régissant les déplacements des sénateurs), déposé au Sénat le 9 mai 2013.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, dans quelques semaines, je célébrerai le 20e anniversaire de ma nomination au Sénat du Canada. Grâce au très honorable Brian Mulroney, j'ai eu l'honneur et le privilège d'être nommée au Sénat, ce qui m'a fait passer de l'autre côté de la participation politique : de simple exécutante, je suis devenue parlementaire avec un rôle public à assumer. Je serai toujours reconnaissante à M. Mulroney de m'avoir donné l'occasion de continuer à faire partie d'une profession que j'aime et que j'exerce depuis cinq décennies, l'honorable profession de la politique.

Fait intéressant, honorables sénateurs, il y avait à l'époque une grande polémique touchant les dépenses. Les sénateurs s'étaient voté une augmentation de 6 000 $. La controverse faisait rage. Les médias campaient devant les portes du Sénat. C'est alors que j'ai eu mon premier vrai point de presse à titre de parlementaire, après avoir quitté le poste de chef adjoint de cabinet et de directrice des nominations, au cabinet de Brian Mulroney, où j'avais bien entendu aidé le premier ministre en m'occupant du processus de nomination des sénateurs.

Les journalistes m'ont demandé ce que je pensais de la controverse et du fait que les sénateurs demandaient une augmentation de traitement aussi importante. J'ai simplement répondu que, en bavardant avec des candidats sénateurs qui avaient réussi à obtenir une nomination, je m'étais rendu compte que plusieurs d'entre eux ne se souciaient pas beaucoup du traitement ou des avantages du poste. Il va sans dire que mon premier point de presse n'a pas beaucoup impressionné mes nouveaux collègues.

Même si l'augmentation a été adoptée par le Sénat, les gens étaient tellement furieux que la nouvelle première ministre d'alors, Kim Campbell, a jugé bon de rappeler le Sénat en juillet pour revenir sur la décision qui avait été prise.

Honorables sénateurs, nous appartenons à un petit groupe privilégié. Moins de 1 000 Canadiens ont été nommés au Sénat depuis la Confédération en 1867. Pensez-y un instant : moins de 1 000. Nous avons beaucoup de chance. La nomination au Sénat est un honneur et un privilège. Le Sénat a fait et continue de faire du très bon travail.

Malheureusement, au fil des ans, certains d'entre nous ont attribué au mot « privilège » un sens très différent. Le Sénat d'aujourd'hui est différent de celui qui existait il y a quelques dizaines d'années. Il est certainement différent de celui que j'ai connu lorsque j'ai commencé à travailler pour le parti, du temps où John Diefenbaker était premier ministre.

Nous avons aujourd'hui des gens venant de plusieurs milieux culturels et ethniques différents. Nous avons des gens de métier, des agents de police, des enseignants, des scientifiques, des infirmières, des médecins, des diplomates, des militants politiques, des comptables, des avocats et beaucoup de politiciens élus à des assemblées législatives provinciales, à des conseils municipaux et à la Chambre des communes. De plus, les femmes forment un tiers de notre effectif.

La plupart d'entre nous agissent d'une façon honnête et conforme à l'éthique. La plupart d'entre nous travaillent fort, s'occupent de leurs fonctions sénatoriales et font une étude approfondie des questions dont nous sommes saisis. Malheureusement, il y a et il y en a eu quelques-uns qui ont cru que cet honneur, ce poste leur était dû sur la base de l'importance démesurée qu'ils accordent eux- mêmes à leurs réalisations. Honorables sénateurs, c'est là que le bât blesse. Les sénateurs de cette catégorie considèrent le Sénat et toutes ses ressources comme faisant partie de leurs droits. Leur conception de leur propre importance transcende la réalité.

La réalité, c'est que notre travail devrait consister à défendre l'intérêt public, à représenter notre région respective et, oui, à jouer un rôle dans l'arène politique. Après tout, nous sommes membres d'un parti politique, qu'il forme le gouvernement ou qu'il appartienne à l'opposition, et, à ce titre, nous sommes dans la confidence de notre caucus respectif. Nous représentons le parti de notre choix auprès du public. Tout cela est conforme à ce que peut faire un membre du Sénat du Canada. Il n'y a là absolument rien d'inconvenant.

La politique est un métier honorable, et l'écrasante majorité des politiciens sont des gens honnêtes et respectables. Ce sont des gens comme vous et moi.

Ce qui me ramène à ce que j'ai dit plus tôt à propos de ces individus qui redéfinissent du tout au tout la notion de privilège qui est associée à une nomination au Sénat. Ils sont convaincus, hélas, que ce sont eux qui accordent le privilège de leur présence aux Canadiens, aux contribuables ou à leurs collègues, alors que ce sont eux qui devraient se sentir privilégiés d'avoir été portés à une telle fonction. C'est ce narcissisme qui est au cœur de la situation actuelle. Le sénateur Dave Tkachuk a déclaré que le Sénat est en pleine crise; on n'a jamais si bien dit.

Comment nous sommes-nous enlisés dans un tel bourbier? Est-ce une situation nouvelle ou exceptionnelle? Non. De toute évidence, la réponse est non. Depuis que je suis sénatrice, j'ai été témoin de toutes sortes de situations, mais, bien que je sois fière de ma fonction, je n'ai jamais considéré que j'appartenais au proverbial club des vieux garçons — ce serait d'ailleurs difficile puisque je suis une femme.

Lorsqu'il m'a félicitée d'avoir été nommée, le regretté sénateur Norman Atkins m'a dit — je paraphrase — : « Marjory, vous êtes maintenant membre d'un club ultrasélect. » On croirait l'entendre, n'est-ce pas? Je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'il me connaissait mal.

J'ai parlé du tumulte qui avait cours pendant les premières semaines qui ont suivi ma nomination au Sénat. J'observais les libéraux, qui se considéraient supérieurs. J'avais un mouvement de recul chaque fois que je passais la porte et qu'un agent de sécurité m'accueillait par un salut. Je demandais discrètement aux agents de ne pas faire cela, mais ils me répondaient qu'ils suivaient les ordres. À mon sens, le salut est réservé aux agents de la paix et aux militaires. Je me considérais comme une Canadienne ordinaire et normale qui avait la chance de faire un travail qui la passionnait. Je suis heureuse de dire que, finalement, cette pratique obscure a cessé, et je suis très fière du rôle que j'ai joué pour y mettre fin.

Comprenez-moi bien, honorables sénateurs, je crois en notre histoire et en nos traditions, dont certaines sont perpétuées chaque jour car nous adhérons aux principes du régime de gouvernement de Westminster. Cependant, honorables sénateurs, nous sommes au XXIe siècle. Il n'est plus acceptable de faire les choses d'une certaine façon parce qu'il en a toujours été ainsi. Cela fait des années que je sais cela.

Lorsque le Parti conservateur a formé un gouvernement minoritaire en 2006, nous étions largement surpassés en nombre au Sénat. Il y avait 67 sénateurs libéraux, 23 conservateurs, cinq indépendants, quatre progressistes-conservateurs et un néo- démocrate.

Nous avons promis de réformer le Sénat et de rendre des comptes. Nous avons fait adopter la Loi fédérale sur la responsabilité, qui a consolidé les pouvoirs du vérificateur général, renforcé le Commissariat à l'éthique, réformé le financement des partis politiques, resserré considérablement les règles concernant le lobbying et amélioré la vérification et la reddition de comptes au sein des ministères du gouvernement fédéral.

(1450)

Nous gouvernions alors avec une très faible minorité au Sénat. De 2006 à 2008, le premier ministre n'a recommandé que deux nominations au Sénat : celle de Michael Fortier, pour donner une voix à la ville de Montréal et à notre nouveau gouvernement, en échange de la promesse qu'il démissionnerait et se présenterait à de futures élections, ce qu'il a fait, bien entendu, et celle de Bert Brown, qui avait été élu par la population de l'Alberta, dont nous avons respecté la volonté.

Brian Mulroney a fait preuve de respect envers les électeurs lorsqu'il a nommé le regretté Stan Waters au Sénat. On ne peut pas en dire autant de Jean Chrétien et de Paul Martin. Le premier ministre Stephen Harper a aussi respecté la volonté des électeurs, pas une ni deux, mais quatre fois.

Durant le premier mandat de notre gouvernement, même si nous étions moins nombreux ici, nous avons donné suite à notre promesse de réformer le Sénat. Le Sénat a même créé un comité spécial, présidé par le sénateur Dan Hays, un libéral. Le premier ministre est venu témoigner devant le comité. C'était la première fois de notre histoire qu'un premier ministre en fonction comparaissait devant un comité sénatorial.

En octobre 2008, un autre gouvernement conservateur minoritaire a été élu et, bien qu'il ait été élu avec une minorité plus forte, il n'en était pas moins minoritaire. Lors d'une conférence de presse tenue le 15 octobre, au lendemain des élections de 2008, et à laquelle j'étais présente, puisque j'accompagnais le premier ministre dans ses déplacements, en réponse à une question sur le Sénat, le premier ministre a réitéré notre promesse de réformer le Sénat, mais a déclaré catégoriquement qu'il allait combler les sièges vacants au Sénat, car le gouvernement ne pouvait pas tolérer que son programme législatif soit contrecarré par des sénateurs nommés par deux premiers ministres libéraux précédents.

En fait, un sénateur libéral de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Moore, a présenté une motion au Sénat pour obliger le premier ministre à combler les sièges vacants; je vais lire cette motion. C'est le sénateur Moore que je cite :

Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui, car je m'inquiète de l'avenir de notre institution, du bon fonctionnement de l'ensemble du Parlement et des droits des provinces qui ne semblent pas préoccuper outre mesure l'actuel gouvernement.

Je remercie le sénateur Banks d'avoir soulevé cette importante question. Il attire notre attention, à juste titre, sur un problème qu'il faudra bientôt aborder. Nous ne pouvons demeurer passifs pendant que notre institution s'atrophie à cause de la politique du premier ministre qui consiste à ne pas combler les postes vacants.

Je dois avouer que j'ai été surpris hier, alors que je préparais mon intervention d'aujourd'hui, d'apprendre que le premier ministre avait l'intention de s'écarter de la politique qu'il a appliquée au cours des 14 derniers mois et de nommer un nouveau sénateur de l'Alberta.

Un sénateur élu, si je puis me permettre la précision.

Le sénateur Moore a également dit :

J'ai d'abord cru que mon allocution perdrait sa pertinence en raison d'un changement de position de la part du gouvernement, mais j'ai vite compris que mes inquiétudes quant à l'absence de nominations étaient encore plus justifiées. En ma qualité de sénateur de la Nouvelle- Écosse, il est difficile pour moi d'accepter que le premier ministre laisse croître le nombre de sièges vacants dans les petites provinces, surtout que certains de ces sièges sont vacants depuis des années. Pourtant, quand il est question de sa propre province, qui n'a pas de vacance, le premier ministre annonce une nomination avant même qu'un siège ne se libère.

Bien évidemment, le premier ministre faisait simplement savoir qu'il nommerait un sénateur élu lorsqu'un siège deviendrait vacant.

Depuis, honorables sénateurs, le premier ministre a invité nombre de personnalités d'exception au Sénat, dans les rangs du gouvernement. Parmi elles, beaucoup de conservateurs connus et actifs, mais aussi bien d'autres personnes qui ont apporté à notre institution de nouvelles compétences et un point de vue nouveau, et qui ont contribué à rendre le Sénat plus représentatif de la société canadienne. Nous sommes extrêmement fiers de la qualité des sénateurs qui siègent du côté du gouvernement.

Situons le débat dans son contexte. Les conservateurs ont formé le gouvernement en février 2006, mais ce n'est qu'à l'automne 2010 qu'ils ont acquis une majorité fonctionnelle au Sénat. Les élections de 2011, rendues nécessaires par une motion de censure libérale aux Communes qui a fait tomber le gouvernement, se sont soldées par un gouvernement conservateur majoritaire.

Où en sommes-nous maintenant, honorables sénateurs? Le Sénat est plongé dans une crise, purement et simplement, comme mon collègue le sénateur Tkachuk l'a déclaré au moment du dépôt des rapports du Comité de la régie interne. Pourquoi? Parce que, une fois que les conservateurs ont acquis une majorité fonctionnelle, ils ont modifié les règles, donnant suite à la promesse faite aux Canadiens dans la Loi fédérale sur la responsabilité. À la première occasion, nous avons pris des mesures pour rendre le Sénat plus ouvert, plus responsable, plus transparent. Il a été décidé que, à compter de septembre 2010, les dépenses des sénateurs seraient rendues publiques tous les trois mois. Si cette décision n'avait pas été prise, personne n'aurait découvert le pot aux roses. Tout aurait continué à la vieille manière des libéraux, si vous voyez ce que je veux dire. Il y a de nombreuses rumeurs au sujet de sénateurs libéraux qui ont offert de grands dîners dans leur maison d'Ottawa, puisant dans leur riche cave à vin, tout cela aux frais du Sénat; trois ou quatre sénateurs auraient demandé à un membre du personnel de les conduire à l'aéroport et ils auraient tous demandé, sans produire de reçus, le remboursement d'une course de 30 $; plusieurs sénateurs libéraux qui représentent diverses régions ont leur résidence permanente à Ottawa... Ma liste est fort longue.

Honorables sénateurs, je le répète, le changement que la majorité conservatrice a apporté au Sénat en faisant connaître au public à tous les trois mois les dépenses exactes de leurs sénateurs a jeté de la lumière sur des éléments qui étaient jusque-là restés dans l'ombre.

Des voix : Bravo!

La sénatrice LeBreton : Si nous n'avions pas agi de la sorte...

Le sénateur Cowan : Certains n'applaudissent pas.

La sénatrice LeBreton : Il y a sans doute quelques sénateurs, surtout de votre côté, sénateur Cowan, qui ne sont pas d'accord, mais ce sont mes propres mots.

Le sénateur Cowan : Je n'en perds aucun.

La sénatrice LeBreton : J'en suis heureuse.

Le sénateur Cowan : Je vous écoute toujours. Je pourrais bien apprendre quelque chose aujourd'hui.

La sénatrice LeBreton : Je ne peux pas toujours en dire autant.

Honorables sénateurs, je le répète, le changement que la majorité conservatrice a apporté au Sénat en faisant connaître au public tous les trois mois les dépenses exactes de leurs sénateurs a jeté de la lumière sur des éléments qui étaient jusque-là restés dans l'ombre. Si nous n'avions pas agi de la sorte, il n'y aurait pas de reportages retentissants dans les médias sur les dépenses abusives, et les Ralph Goodale ou Wayne Easter de ce monde ne débiteraient pas leurs bêtises qui reposent sur de simples hypothèses. Au moins, Judy Sgro, et c'est tout à son honneur, a eu le bon sens de rester discrète. Nous sommes tous au courant de ce qui s'est passé de l'autre côté à ce propos-là. Il n'y aurait pas d'indignation publique, mais seulement ce mécontentement chronique au sujet du Sénat en général, et ceux qui ont manipulé nos règles archaïques dans leur intérêt auraient continué tranquillement à faire ce qui, de toute évidence, se fait depuis des années.

La triste réalité, c'est que certains d'entre nous ont adopté les comportements d'autrefois. Ils auraient dû écouter et regarder ce que nous disions et faisions, au lieu de se fier à ce ceux qui leur conseillaient : « Ça va, c'est comme ça qu'on a toujours fait. Il suffit de continuer. »

La réalité, c'est que nous devons affronter une crise parce que nous avons ouvert les portes toutes grandes et révélé ce qui se passait, et maintenant, nous payons le prix pour avoir pris cette initiative importante et nécessaire au lieu de nous en voir attribuer le mérite.

Je ne suis pas étonnée. Je suis une conservatrice et j'en connais plus long que la plupart des gens de cette ville où pullulent les élites libérales et leurs lèche-bottes des médias, qui critiquent le gouvernement actuel et regrettent la bonne vieille époque des libéraux. Je sais qu'on ne nous donne jamais le bénéfice du doute et qu'on ne nous reconnaît que, rarement le mérite de tout le bon travail que nous accomplissons.

Nous ne sommes pas parfaits, mais nous nous sommes comportés d'une façon correcte et honorable. D'aucuns me demandent : « Pourquoi avez-vous insisté pour ouvrir ce panier de crabes? » Je dirai, en citant Bill O'Reilly, que malgré la période difficile que le gouvernement traverse, je suis heureuse que nous l'ayons fait.

Lorsqu'ont éclaté toutes ces histories de dépenses abusives, j'ai dit à quelques collaborateurs qu'il y a un envers positif à toutes les difficultés que nous devrons certainement affronter, aux accusations ahurissantes, aux travestissements de la vérité. Il n'est plus possible de mal interpréter les règles parce que certains ont du mal à les comprendre. Plus question de se fier à la parole des gens qui prétendent vaquer aux travaux du Sénat. Nous allons enfin éliminer ce gâchis une fois pour toutes.

(1500)

Je tiens à dire aux représentants des médias, qui devraient pourtant le savoir, et à ceux qui croient que cette affaire sera enterrée, d'y repenser à deux fois. Rien ne sera enterré ici. Les changements promis seront apportés.

Honorables sénateurs, je suis satisfaite du rapport que nous a présenté le Comité de la régie interne. Il donne suite aux recommandations des trois vérifications externes et présente de nouvelles définitions des termes liés à la résidence, dans le contexte du remboursement des dépenses, domaine qui comporte de toute évidence des lacunes.

Le rapport formule en outre un certain nombre de recommandations destinées à aligner la politique des déplacements sur les pratiques établies du secteur privé, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps. Les sénateurs seront tenus de préciser l'objet de leurs déplacements : la simple mention « affaires du Sénat » ne suffira plus. Les sénateurs qui demanderont une indemnité de kilométrage devront tenir un registre de leurs déplacements routiers. La parole des sénateurs ne sera plus suffisante. Des reçus seront exigés pour les frais de taxi. Imaginez cela.

Ces changements doivent être adoptés car ils sont dans l'intérêt public. Les échappatoires qui donnaient lieu à des abus doivent être éliminées. Ces modifications nous protégeront tous contre les agissements de ceux qui voudraient exploiter le système actuel.

D'importantes limites seront imposées sur le système des 64 points de déplacement. Les sénateurs ne pourront plus prendre l'avion pour se rendre en Europe, en Asie ou ailleurs dans le monde. Ils seront limités à 12 déplacements à l'extérieur de leur province, à part les déplacements à destination de la région de la capitale nationale. Le système des déplacements n'a jamais été conçu pour permettre aux sénateurs de vaquer à leurs affaires personnelles aux quatre coins du pays. Il a pour but de leur permettre de se déplacer entre leur lieu de résidence et la capitale nationale.

Le sénateur Mercer : Des noms!

La sénatrice LeBreton : Il y aura aussi des limites sur le nombre d'indemnités quotidiennes.

Je m'attendais à ce genre de réaction parce que c'est, bien entendu, ce qui s'est passé pendant des années. Je sais que vous n'aimez pas ces changements.

Le sénateur Downe : Nous nous attendions à un discours exempt d'esprit partisan. Nous sommes tous déçus.

La sénatrice LeBreton : Le fait est, comme je l'ai dit, que le système des 64 points était conçu pour permettre aux sénateurs de se déplacer entre leur lieu de résidence et la capitale nationale.

Le nombre d'indemnités quotidiennes pouvant être réclamées à Ottawa sera également limité. Le système n'a jamais été conçu pour permettre aux sénateurs de rester à Ottawa pendant l'été, de faire une apparition au bureau pendant une heure, puis de réclamer l'indemnité de 90 $. Le système a pour objet d'aider les sénateurs qui assistent aux travaux de la Chambre et de ses comités. Toutefois, comme il arrive que des sénateurs soient à Ottawa en service commandé en dehors des jours de séance du Sénat, il leur sera permis de réclamer l'indemnité quotidienne pour un maximum de 20 jours supplémentaires s'ils s'occupent d'affaires légitimes du Sénat et peuvent produire des documents à l'appui.

Le rapport prévoit aussi une surveillance administrative plus serrée et impose à l'Administration du Sénat de présenter des rapports mensuels sur les déplacements au Comité de la régie interne. Enfin, le rapport annonce la suppression du principe d'intégrité du Règlement administratif du Sénat. C'est une chose que je demande depuis des années. Il n'est tout simplement pas acceptable de limiter, comme on le fait aujourd'hui, la capacité de l'Administration du Sénat d'enquêter sur les dépenses des sénateurs ou de refuser le remboursement de dépenses déplacées en se fondant sur l'« honneur » des sénateurs et en affirmant que leur parole suffit. Ce critère ne suffit pas dans le secteur privé. Il ne suffit pas à l'Agence du revenu du Canada. Il ne devrait donc pas suffire dans le cas des sénateurs.

Honorables sénateurs, le Sénat du Canada n'est pas une clique de vieux copains. C'est une institution publique qui doit servir les Canadiens et leur rendre compte de ses activités. Nous devons agir dans l'intérêt public et être perçus comme tels. Une partie de notre rôle consiste à tenir le gouvernement responsable, mais si nous devons survivre comme institution, nous devons aussi nous tenir nous-mêmes responsables. Nous devons affronter cette crise relative aux dépenses. Nous ne survivrons pas si nous sommes salis par d'autres scandales du même genre. Voilà pourquoi nous devons agir. Voilà pourquoi nous devons faire ces changements.

Pour l'avenir, honorables sénateurs, l'adoption de ce rapport constituera un important pas dans la bonne direction, mais ce ne sera qu'un pas. D'autres examens seront nécessaires. Le Comité de la régie interne et l'Administration du Sénat devront en faire davantage pour assurer la responsabilité financière et la transparence afin de regagner la confiance du public. Le comité devra examiner sérieusement ses processus internes et externes de vérification pour en assurer la rigueur et pour que les problèmes qui existent soient rapidement décelés et réglés.

Même si notre greffier a fait preuve d'un grand leadership en vue de transformer la culture de l'Administration du Sénat, nous devons être vigilants pour que les changements apportés aboutissent à une bureaucratie professionnelle travaillant pour le bien public et non pour certains sénateurs, comme c'était le cas lorsque notre greffier actuel a assumé ses fonctions.

L'administration doit également surveiller adéquatement les dépenses et refuser de rembourser des frais injustifiés au moment où ils sont réclamés et non après qu'ils ont été remboursés. Nous devons appliquer intégralement les recommandations formulées par le vérificateur général dans son rapport de juin 2012. Pour renforcer la responsabilité personnelle des sénateurs envers le public, nous devons faire preuve d'une plus grande transparence, surtout en ce qui concerne les frais de déplacement.

Même si le système de divulgation proactive trimestrielle a permis de faire la lumière sur les problèmes auxquels nous sommes confrontés, ce système n'est tout simplement plus assez efficace. Nous devons adopter un système en vertu duquel les frais de déplacement seraient déclarés de la même façon que dans le cas des ministres. La sénatrice Verner connaît bien ce système. Pour ce qui est des dépenses de bureau, nous devons présenter des rapports aussi détaillés que ceux qui sont produits à la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, si nous voulons avoir la moindre chance de regagner la confiance du public, nous devons prendre ces mesures supplémentaires et adopter le rapport dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Avant de terminer, j'invite mes collègues à comparer mes dépenses. Je peux dire avec fierté que j'ai prêché par l'exemple. Je vais comparer mes dépenses à celle de mon prédécesseur, l'honorable Jack Austin. Je vais faire état de ses dépenses et des miennes. Ne vous en offusquez pas. Ces renseignements sont du domaine public.

Ces chiffres sont directement liés à notre poste de leader du gouvernement au Sénat, tels que publiés par le Bureau du Conseil privé. Il n'y a évidemment aucune donnée sur les dépenses du sénateur, étant donné que ces renseignements étaient cachés avant que nous modifiions le Règlement. Toutefois, mes collègues vont bien comprendre la situation. Les données qui suivent se fondent sur une analyse des années 2004 à 2010.

Le sénateur Austin a été le leader du gouvernement au Sénat un peu plus de deux ans, soit de décembre 2004 à février 2006. Je parle ici du Bureau du Conseil privé et non pas du Sénat. L'endroit où il vivait est une question qui relève du Sénat et, évidemment, nous n'avons pas accès à ses dossiers en tant que sénateur.

Le sénateur Austin a réclamé 143 267,63 $ sur une période de deux ans. Mes dépenses pour la période de 2006 à 2010...

Le sénateur Joyal : Il vivait en Colombie-Britannique. Il était originaire de cette province. Comment pouvez-vous faire une telle comparaison?

Des voix : Oh, oh!

La sénatrice LeBreton : Je donne les chiffres liés au Conseil privé et au poste de leader du gouvernement au Sénat. L'endroit où il vivait et ses déplacements font partie de son dossier en tant que sénateur et nous n'y avons évidemment pas accès, parce que ce dossier n'était pas du domaine public.

Je poursuis. Le sénateur Austin a réclamé 143 267,63 $ sur une période de deux ans. Mes dépenses pour la période de 2006 à 2010, soit cinq ans moins un mois, se sont élevées à 26 199,62 $.

Les dépenses de représentation engagées par le sénateur Austin au cours de ces deux années — et je répète qu'il s'agit de frais liés au Conseil privé à titre de leader du gouvernement au Sénat — se sont chiffrées à 11 709,81 $, alors que les miennes ont été nulles, parce que je paie mes propres dépenses.

Les dépenses moyennes engagées par le sénateur Austin au cours de la période de deux ans pour chaque employé exclu — et je parle uniquement des dépenses liées à 14 employés — se sont élevées à 9 396,98 $. Mes dépenses à cet égard sur une période de cinq ans se sont chiffrées en moyenne à 1 904,61 $.

(1510)

Comme je l'ai dit il y a un instant, vous commencez à comprendre la situation. Je serai heureuse de faire vérifier mes dépenses, tant à titre de sénatrice que de membre du Cabinet. Dieu merci, grâce aux changements que nous avons apportés au Sénat, ces dépenses sont maintenant toutes du domaine public.

Même si tout cela est vrai dans la mesure où l'on parle de la réalité au Sénat, il existe un problème beaucoup plus important, à savoir le Sénat lui-même en tant qu'institution. Vous en êtes conscients, tout comme moi. Les Canadiens n'appuient pas une institution qui est restée pratiquement inchangée depuis la Confédération.

En terminant, honorables sénateurs, nous devons faire face à la réalité. Nous devons écouter les Canadiens. Le Sénat en tant qu'institution non élue qui ne rend pas de comptes ne peut plus exister. Le gouvernement a tenté d'apporter des réformes. C'était un exercice difficile, compte tenu du fait que nous étions minoritaires dans les deux Chambres. Je dois reconnaître que nous avons raté l'occasion qui s'est présentée brièvement, avant que des contestations ne soient faites devant les tribunaux. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'œil sur la dernière décennie et de voir l'indignation du public face à ce qui se passe au Sénat. Qu'un sénateur fasse la promotion d'une idée controversée ou qu'il recherche une approche précise dans un dossier donné, le public réagit négativement parce que, à ses yeux, notre institution n'a pas de légitimité.

Comme mon mari, qui est un mécanicien à la retraite, et ses amis chez Tim Horton se plaisent à dire : « Pour qui se prennent-ils, ceux- là? » Honorables sénateurs, vous n'aimerez probablement pas m'entendre dire cela, mais la réalité, c'est qu'un député qui se trouverait dans la même situation serait perçu différemment, parce qu'il est élu et qu'il doit rendre des comptes. Ce n'est pas notre cas et telle sera notre réalité tant et aussi longtemps que notre institution n'aura pas fait l'objet d'une réforme.

Le gouvernement attend avec impatience l'arrêt de la Cour suprême du Canada qui précisera comment nous pouvons réformer ou abolir le Sénat. Nous pouvons toutefois prendre immédiatement certaines mesures, notamment celles dont je viens tout juste de parler dans mon intervention, et nous devons aller de l'avant afin de protéger les sénateurs qui se conduisent honorablement.

Des voix : Bravo!

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, avant de commencer mon intervention, je dois tout d'abord dire que les propos de la sénatrice LeBreton me déçoivent. Elle occupe la fonction de leader du gouvernement au Sénat, et les conservateurs y détiennent la vaste majorité des sièges. Elle est investie de certaines responsabilités, et ses collègues s'attendent à ce qu'elle agisse de façon exemplaire.

J'ai écouté attentivement le début de son intervention, et je suis en grande partie d'accord sur ce qu'a dit la sénatrice. Elle a dit que bien peu de Canadiens avaient la chance d'être nommés au Sénat et de servir ici, et je suis en grande partie de cet avis. Puis, au lieu de continuer sur cette lumineuse lancée, son intervention s'est enfoncée dans ce qu'on pourrait qualifier de déformation des faits à des fins purement partisanes.

La sénatrice LeBreton s'est en effet lancée dans une campagne de dénigrement à vaste échelle qui visait non seulement des sénateurs ici présents — sans les désigner nommément, évidemment —, mais aussi des gens qui ont déjà servi au Sénat et qui ont déjà occupé sa fonction. Elle a ensuite parlé d'agents du Sénat qui ne sont pas ici et qui ne peuvent donc pas se défendre. Avec tout le respect que je dois à la sénatrice, j'estime que cette campagne de dénigrement est indigne de sa fonction de leader du gouvernement au Sénat, et nous nous attendons à mieux.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, le Sénat du Canada coûte plus de 90 millions de dollars par année. Nous, les sénateurs, avons la responsabilité de veiller à ce que cet argent soit dépensé de manière appropriée et qu'il soit rendu compte comme il se doit de l'usage qui en est fait à ceux qui le fournissent — les contribuables du Canada. Naturellement, nos systèmes de contrôle financier et nos mesures comptables ont évolué au fil des années. Nous avons en place des systèmes de comptabilité et de contrôle des dépenses qui, somme toute, fonctionnent bien, et nous rendons compte au public de façon ouverte et transparente de la manière dont nous utilisons son argent.

Dans tous les organismes, les systèmes et les normes de contrôle financier et d'information du public sont toujours, dans une large mesure, des processus en évolution qui requièrent un examen constant et, si nécessaire, une modification et une amélioration. Le Sénat du Canada n'a jamais fait exception à la règle. Nos systèmes peuvent-ils être clarifiés et améliorés? Bien sûr. Sont-ils difficiles à comprendre, inadéquats et désuets? Bien sûr que non.

Honorables sénateurs, il incombe au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration de superviser l'administration interne du Sénat ainsi que l'affectation et l'usage de ses ressources. Dans le cadre de ses fonctions, le comité doit notamment s'assurer que nos systèmes et normes de contrôle financier sont appropriés et modifiés au besoin. C'est ce qui s'est toujours passé. Les systèmes et les normes ont changé à la lumière des nouvelles pratiques exemplaires et des conseils de spécialistes comme le vérificateur général, de nos propres vérificateurs externes et de l'excellent personnel de la comptabilité et du contrôle financier du Sénat.

Dans l'ensemble, le travail a été effectué de façon impartiale, car il s'agit, ou il devrait s'agir, de questions institutionnelles et non partisanes. Malheureusement, honorables sénateurs, ce ne sont pas les fondements sur lesquels repose le rapport dont nous sommes saisis aujourd'hui. Ce rapport a été imposé au Comité de la régie interne il y a une semaine, jeudi dernier, et le sénateur Tkachuk a cherché à le faire adopter à toute vapeur par le Sénat le jour même, avant que la plupart d'entre nous aient la possibilité de le lire, et encore moins de l'étudier.

Ce rapport ne correspond pas au genre d'étude minutieuse à laquelle nous nous attendons de la part du Comité de la régie interne. Il ne traite pratiquement pas des abus allégués dans les rapports déposés le même jour concernant les sénateurs Brazeau, Duffy et Harb. Si les mesures recommandées par ce rapport avaient été appliquées auparavant, elles n'auraient aucunement pu prévenir ou détecter les conduites irrégulières de ces trois sénateurs.

Honorables sénateurs, il ne faut pas se leurrer : le vingt-cinquième rapport de notre Comité de la régie interne est un document partisan, conçu pour détourner notre attention, celle des médias et celle du public afin qu'on ne s'intéresse pas à ces autres rapports.

Certaines recommandations sont tout à fait raisonnables. Qui oserait prétendre que les demandes de remboursement des dépenses ne devraient pas accompagnées de reçus — j'ai toujours tenu pour acquis que c'était le cas — ou que, dans le cas des frais de déplacement, les demandes ne devraient pas être accompagnées de la documentation appropriée? En revanche, d'autres recommandations sont manifestement moins judicieuses.

Pour que nous puissions nous acquitter de nos fonctions et de nos responsabilités de sénateurs, nous devons nous déplacer, principalement entre la province que nous représentons et Ottawa. De temps en temps, nous devons aussi nous rendre — de façon tout ce qu'il y a de plus légitime — ailleurs au pays et, occasionnellement, à l'étranger. Évidemment, les frais payés par le Sénat doivent avoir été occasionnés par les déplacements des sénateurs dans l'exercice de leurs fonctions. Nous ne devrions pas pouvoir nous déplacer de manière illimitée. Nos déplacements devraient être soumis à des restrictions non pas déraisonnables, mais raisonnables. Aucune explication ne nous a été fournie, ni par le sénateur Tkachuk, au moment de présenter le rapport, ni par la sénatrice LeBreton, lorsqu'elle en a proposé l'adoption ou lorsqu'elle a prononcé son allocution cet après-midi. Personne ne nous a expliqué pourquoi les changements proposés dans ce rapport sont nécessaires ou même souhaitables, selon le critère du caractère raisonnable. Le 9 mai, la sénatrice LeBreton aurait dit à son caucus qu'il était temps de passer à l'action, et non de négocier.

Honorables sénateurs, la controverse actuelle ne porte ni sur la clarté ni sur le caractère adéquat des règles; elle porte sur le respect ou le non-respect de ces règles par certains sénateurs. Quelques propositions contenues dans ce rapport méritent notre appui. D'autres ne semblent pas aussi valables. Cependant, comme je l'ai indiqué au début, ce rapport est une manœuvre de diversion plutôt qu'un effort sérieux de changement.

(1520)

Je suggère que nous mettions fin à cette tentative de diversion en adoptant le rapport aujourd'hui, mais en indiquant clairement au Comité de la régie interne que nous nous attendons à mieux de sa part à l'avenir.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions?

L'honorable Terry M. Mercer : Je n'ai pas l'intention de m'éterniser, honorables sénateurs, mais je crois utile de souligner que les modifications à la politique régissant les déplacements limiteront la capacité de plusieurs sénateurs d'accomplir l'excellent travail qu'ils font au nom des Canadiens.

Je pense aux travaux du sénateur Munson sur l'autisme, qui exigent des déplacements partout au pays. Les 12 déplacements que le sénateur sera autorisé à effectuer vont limiter ses travaux. Il disposera de 12 points pour réaliser ces travaux et bien d'autres activités, notamment celles liées aux Jeux olympiques spéciaux.

Je songe aux travaux du sénateur White sur la justice réparatrice dans le Nord. Quand on se déplace dans cette région, on ne se contente pas d'y passer la nuit. Il s'agit d'un séjour relativement long.

Mon collègue le sénateur Dallaire — sans doute l'une des personnes les plus occupées du Sénat —, travaille sur le dossier des enfants soldats. Il parcourt sans cesse le pays, se déplaçant d'un endroit à l'autre, menant d'excellents travaux au nom des Canadiens et du Sénat. Son travail sera limité.

Je pense à tout l'excellent travail de la sénatrice Jaffer en faveur des droits de la personne au Canada. Elle rencontre des groupes soucieux de faire respecter les droits de la personne, qui souhaitent que des changements soient apportés ou s'inquiètent de modifications qui ont été faites. La sénatrice Jaffer verra ses déplacements restreints.

Le sénateur Kenny, qui siège ici depuis longtemps, est reconnu pour aller à la rencontre de divers groupes aux quatre coins du pays. Je ne veux pas énumérer toutes les initiatives du sénateur Kenny, car la liste est longue, mais ses efforts en vue de limiter la publicité sur le tabac ciblant les jeunes Canadiens, par exemple, sont fort louables. La nouvelle politique viendra entraver son travail à cet égard.

Le sénateur Cowan a raison, je crois. Quand je suis arrivé ici, j'ai été surpris d'apprendre que nous n'avions pas besoin de reçus si nous prenions un taxi jusqu'à l'aéroport. Dans tous les autres postes que j'ai occupés, il fallait toujours fournir des reçus, et nous respections cette consigne. Je vois très bien l'utilité d'un registre des déplacements, bien qu'un tel registre ne soit pas essentiel. J'aimerais vous donner un exemple tiré d'une expérience personnelle.

À un moment donné, je me suis rendu de chez moi, à Mount Uniacke, en Nouvelle-Écosse, jusqu'à Antigonish, en Nouvelle- Écosse, pour assister à un événement spécial. J'ai soumis une demande de remboursement de frais. Un employé administratif du Sénat m'a téléphoné et m'a dit : « Sénateur Mercer, vous avez indiqué 40 kilomètres de trop. » En fait, au début de mon voyage, j'avais appuyé sur le petit bouton qui calcule les distances, dans ma voiture. À mon retour, j'ai noté le nombre de kilomètres et j'ai envoyé une note à mon adjointe. Si on me fournissait un registre de déplacements, je l'utiliserais avec plaisir. Ce que le personnel administratif ignorait, c'est que, après être allé à Antigonish, je m'étais rendu à Pictou pour y travailler sur quelques dossiers. J'ai donc fait un détour sur le chemin du retour. Ce détour ne figurait pas dans la description de mon voyage à Antigonish, mais le personnel administratif du Sénat vérifie bien ce genre de détails. Je ne crois pas nécessairement qu'ils devraient avoir recours à Google.

Notons toutefois que, si l'objectif du gouvernement est de limiter ou de réduire les déplacements, ce genre de système a une faille. En effet, il ne tient pas compte des déplacements que font les sénateurs de l'autre côté quand ils voyagent avec des ministres. Le gouvernement actuel a adopté une méthode différente des gouvernements précédents à cet égard. Par le passé, quand des ministres allaient à des rencontres internationales, ils étaient accompagnés de membres de l'opposition. En revanche, le gouvernement actuel ne procède pas ainsi, honorables sénateurs. Ce sont plutôt des collègues des ministres qui les accompagnent. Peut-être faudrait-il apporter des modifications afin que les sénateurs soient tenus de déclarer les déplacements qu'ils font avec des ministres, que ce soit au Canada ou à l'étranger, car ces déplacements ne sont pas déduits des 64 points. Plus important encore, ils ne sont pas déduits des 12 points, et c'est là le cœur du problème.

Honorables sénateurs, je n'ai jamais pris part à l'un de ces voyages à l'étranger, outre ceux qui ont par exemple été effectués par l'Association parlementaire du Commonwealth, l'Association parlementaire Canada-Royaume-Uni ou l'un de ces groupes, mais je sais que d'autres y ont participé. Je sais que la sénatrice LeBreton — je crois que c'était en 2007 — a participé à la réunion de l'APEC à Port Douglas, en Australie. Ce voyage a coûté 17 222,91 $ aux contribuables. Elle n'en a pas fait mention. Bien sûr que non : elle a préféré souligner que le sénateur Austin, de Vancouver, a dépensé un peu plus qu'elle, alors qu'elle vit à Manotick. Si on tient compte de la taille du pays, c'est à un jet de pierre d'ici, Manotick. Bon, il faut quand même prendre sa voiture, mais ce n'est qu'à environ 30 minutes de route d'ici.

La sénatrice LeBreton : Je ne demande pas qu'on me rembourse les kilomètres parcourus. Je siège au Sénat depuis 20 ans, et je n'ai jamais demandé de remboursement pour les kilomètres parcourus.

Le sénateur Mercer : Non, mais vous avez aussi un chauffeur. Vous devriez cesser de vanter vos vertus et de vous attaquer au sénateur Jack Austin, un homme honorable qui a siégé au Sénat pendant de nombreuses années.

J'appuie bon nombre de ces changements, sauf celui qui limite nos déplacements à seulement 12 voyages au Canada, ce qui ne comprend pas les déplacements vers notre propre province, car un tel changement nous limite. Il compliquera énormément notre travail.

J'appuie ces changements, mais je n'apprécie pas du tout que vous vous attaquiez personnellement à des gens sans nommer de noms, sauf celui de notre bon ami, le sénateur Austin, qui n'est pas ici pour se défendre. Vous devriez avoir honte, madame la sénatrice.

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions?

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'aimerais qu'on me fournisse certaines réponses au sujet du vingt-cinquième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui traite des politiques sur les déplacements des sénateurs. C'est plutôt difficile, car le président n'est pas ici. Je me demande simplement qui répondra aux questions au nom du comité. Puisqu'il s'agit du rapport du président, qui en est le parrain?

Son Honneur le Président : L'adoption du rapport a été proposée par l'honorable sénatrice LeBreton, avec l'appui de l'honorable sénateur Carignan.

La sénatrice Cools : Je pourrais alors poser des questions à l'un ou l'autre, ou aux deux. Serait-ce satisfaisant? Puis-je choisir? Je vais y aller par ordre alphabétique. Je choisis la lettre « C ».

Ma question...

Son Honneur le Président : Pourquoi ne poseriez-vous pas vos questions dans le cadre d'un discours? Peut-être obtiendriez-vous ainsi les renseignements que vous cherchez pendant la période d'observations et de questions subséquente.

La sénatrice Cools : Je vous remercie beaucoup de votre suggestion, Votre Honneur, mais il est de pratique courante que le parrain d'un rapport réponde aux questions concernant ce rapport. Il fut un temps où une motion n'aurait pas été adoptée au Sénat si l'auteur de la motion n'était pas disposé à en débattre.

Je suis surtout préoccupée par les points (a), (b) et (c) du premier paragraphe du rapport. J'aimerais savoir pourquoi le Comité de la régie interne a besoin que chaque sénateur lui fournisse ces trois documents. Je parle du permis de conduire, de la carte d'assurance- maladie et des pages pertinentes de la déclaration de revenus. Je peux comprendre pourquoi on voudrait avoir une preuve de notre existence, mais aucun vérificateur ou certificateur n'a besoin de disposer de ces documents ou d'une copie de ceux-ci. Cela relève sans aucun doute de la vie privée.

Je serais très heureuse de pouvoir obtenir une réponse à cette question. Cela m'intéresse d'autant plus que je ne présente aucune réclamation au titre de l'allocation de logement. On m'a dit que tous les sénateurs devront fournir ces documents personnels afin d'éviter des accusations de discrimination. Je n'ai toutefois encore jamais rencontré de vérificateur qui s'approprie ainsi les documents qu'il vérifie. Il les examine et atteste qu'il les a vus. Il me semble que, dans les circonstances appropriées, une personne ayant les compétences nécessaires peut examiner ces documents et attester qu'elle les a vus. Je ne vois pas pourquoi il est nécessaire d'avoir ces documents en sa possession et pourquoi il faut conserver des dossiers contenant ces documents très personnels un peu partout au Parlement.

(1530)

Il s'agit d'une question très pertinente, à laquelle quelqu'un devrait répondre — peut-être le vice-président du comité. C'est une question très importante. En effet, pourquoi le comité aurait-il besoin de tous ces dossiers contenant des renseignements personnels, alors que, dans quelques années, personne ne se souviendra où ils se trouvent ni ce qu'ils contiennent?

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs...

La sénatrice Cools : Ce n'est pas mon discours; je pose une question.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le débat porte sur le vingt-cinquième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Après avoir lu rapidement le rapport, il me semble qu'il ne porte pas sur cette question. Est-ce le cas? Qu'on me corrige si je fais erreur.

La sénatrice Cools : À l'alinéa (a), le vingt-cinquième rapport, qui a été déposé le jeudi 9 mai 2013, stipule ce qui suit :

Que chaque sénateur joigne à sa déclaration de résidence principale une copie de son permis de conduire, de sa carte d'assurance maladie et de la page pertinente de sa déclaration de revenus toutes les fois qu'il signe une déclaration de résidence. Les sénateurs doivent signer cette déclaration chaque année pour pouvoir réclamer le remboursement des frais de subsistance dans la RCN.

Il faudrait expliquer aux sénateurs pourquoi le comité a décidé qu'il devait avoir ces documents en sa possession. Je trouve qu'il est acceptable que le légiste ou une personne habilitée serve de témoin et atteste qu'un sénateur a prouvé l'existence de ces documents et qu'ils répondent aux critères établis. Je comprends cela. Toutefois, je ne comprends pas pourquoi quelqu'un doit avoir en sa possession ces documents. J'imagine que je parle toute seule.

Le sénateur Nolin : Non, c'est faux; nous vous écoutons.

La sénatrice Cools : Quelqu'un d'autre voudrait-il répondre?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je comprends que la sénatrice Cools est en train d'exercer son droit de parole en soulevant des questions. Je suis obligé de l'entendre comme cela parce que la seule façon de poser des questions, c'est lorsqu'une personne prend la parole.

La sénatrice LeBreton a pris la parole tout à l'heure. La sénatrice Cools aurait pu lui poser des questions, en très grande quantité d'ailleurs, parce que son temps de parole est illimité. Elle aurait pu poser des questions pendant deux heures. Ce n'est pas ce qui s'est produit. Le sénateur Cowan a exercé son droit de parole, ce qui a mis fin au droit de parole de la sénatrice LeBreton.

Ce type de questions, si personne ne parle, peut être posé à la période des questions au leader du gouvernement ou au président du comité à qui on peut poser des questions. Si la sénatrice veut le faire dans son discours en soulevant des questions, c'est une technique, elle peut le faire aussi. Cependant, à ce moment-là, on ne peut pas intervenir et répondre pendant sa déclaration.

[Traduction]

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît. Honorables sénateurs, nous allons suivre les règles. Nous poursuivons le débat. Après l'intervention d'un sénateur, qui dure habituellement 15 minutes, bien que les leaders disposent d'un temps illimité, n'importe quel autre sénateur peut poser une question ou faire un commentaire si le sénateur qui a pris la parole accepte de répondre à la question.

La sénatrice Cools dispose de 15 minutes, et une partie de ce temps a été utilisée. Nous poursuivons le débat.

La sénatrice Cools : Je propose l'ajournement du débat. J'avais des questions pour le président du comité que je souhaitais poser depuis longtemps. Comme on m'oblige à faire un discours, j'en préparerai un, je le présenterai, et j'utiliserai le reste de mon temps de parole en conséquence. Je demande l'ajournement du débat.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

Droits de la personne

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur la surveillance de la mise en œuvre des recommandations contenues dans un rapport sur l'étude des obligations internationales concernant les droits et libertés des enfants

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 8 mai 2013, propose :

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 2 novembre 2011 et le 27 juin 2012, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur la surveillance de la mise en œuvre des recommandations contenues dans son rapport intitulé Les enfants : des citoyens sans voix — Mise en œuvre efficace des obligations internationales du Canada relatives aux droits des enfants soit reportée du 28 juin 2013 au 26 juin 2014.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur son étude des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 8 mai 2013, propose :

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 26 octobre 2011 et le 27 juin 2012, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur les questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la Fonction publique fédérale, d'étudier la mesure dans laquelle les objectifs pour atteindre l'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont réalisés et d'examiner l'évolution du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé soit reportée du 28 juin 2013 au 26 juin 2014.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude des questions relatives aux obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 8 mai 2013, propose :

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 22 juin 2011 et le 27 juin 2012, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur l'évolution de diverses questions ayant traits aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne soit reportée du 28 juin 2013 au 26 juin 2014.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 23 mai 2013, à 13 h 30.)

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