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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 39

Le jeudi 27 février 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 27 février 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Royaume-Uni

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, les Britanniques arrivent! Les Britanniques arrivent! La semaine prochaine, du 4 au 7 mars, le Haut-Commissariat de Grande-Bretagne ouvrira un « consulat temporaire » à la citadelle d'Halifax, notre site historique national en plein cœur du centre-ville d'Halifax.

Un « consulat temporaire » est un bureau diplomatique ouvert temporairement et centré sur le tourisme et le commerce au Royaume-Uni. Comme il n'y a pas de consulat à Halifax, les Britanniques en improviseront un.

Plusieurs activités seront organisées pour l'occasion afin de souligner la relation du Royaume-Uni avec le Canada atlantique, une relation qui remonte au XVIIe siècle. C'est la première fois que le Haut-Commissariat de Grande-Bretagne, UK Trade & Investment, le British Council et Scottish Development International unissent leurs efforts pour tenir un tel événement au Canada.

Honorables sénateurs, tous sont invités à venir à la citadelle d'Halifax, où vous et tous les citoyens pourrez faire la visite intitulée « Britain : Past, Present and Future » et rencontrer l'équipe consulaire pour obtenir de l'information sur divers sujets comme le commerce, les sciences et les services offerts par le consulat.

Vous voulez discuter de l'Accord économique et commercial global ou peut-être étudier au Royaume-Uni? Il y aura des séances d'information sur ces sujets. Vous pourrez aussi admirer une exposition d'œuvres d'art du Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse et assister à la projection du film britannique The Selfish Giant, en nomination à la British Academy of Film and Television Arts.

Vous voudrez certainement être présents au pub The Lower Deck, où se produiront une foule de talents musicaux de la Nouvelle-Écosse. Vous pourrez y entendre de l'excellente musique britannique, mais aussi participer à une collecte de fonds pour des œuvres de charité locales tout en sirotant une bière ou deux.

Honorables sénateurs, je vous encourage à y assister si vous le pouvez et je vous invite à en parler et à encourager les gens à y prendre part. En tant que membre du Groupe interparlementaire Canada-Royaume-Uni, je suis ravi de faire cette déclaration aujourd'hui.

Les liens qui unissent Halifax — et, évidemment, le Canada atlantique — et le Royaume-Uni ont des racines profondes. Je suis fier que le Royaume-Uni ait envisagé d'organiser cet événement à Halifax et je félicite les organisateurs de ce qui sera, j'en suis sûr, une semaine couronnée de succès.

Les Jeux olympiques d'hiver de 2014

Félicitations aux athlètes olympiques du Manitoba

L'honorable JoAnne L. Buth : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui au sujet des 22e Jeux olympiques d'hiver qui ont eu lieu à Sotchi, en Russie, et que j'ai suivis avec grande fierté.

De par leur détermination et leur dévouement autant à leur sport qu'à leur pays, les athlètes canadiens ont incarné l'esprit exceptionnel des Canadiens. À l'instar de millions de téléspectateurs des quatre coins du pays, chaque matin, durant deux semaines, nous avons pu voir les athlètes canadiens donner tout ce qu'ils pouvaient au nom du Canada et remporter médailles après médailles au cours de l'une des éditions des Jeux olympiques les plus fructueuses pour notre pays.

Je suis fière de tous les athlètes canadiens, mais j'aimerais tout particulièrement rendre hommage aux 10 athlètes manitobains qui ont représenté notre pays et notre province au cours de ces jeux.

Les membres de l'équipe de curling féminin, Kaitlyn Lawes, Jill Officer, Dawn McEwen, Kristin Wall et la capitaine Jennifer Jones, ont gagné l'or pour la première fois depuis 1998 en remportant la victoire dans les 11 matchs qu'elles ont disputés.

La patineuse de vitesse Brittany Schussler et la biathlonienne Megan Imrie ont tout donné dans leurs épreuves sportives respectives. Elles sont de véritables modèles pour les jeunes athlètes canadiennes.

Ryan Fry, membre de l'équipe de curling masculin, et ses coéquipiers de Sault Ste. Marie ont remporté l'or après avoir dominé la Grande-Bretagne en finale.

Membre de l'équipe féminine de hockey, Jocelyne Larocque a participé au match le plus enlevant qui soit alors que les femmes ont comblé un écart de deux buts contre les Américaines en prolongation dans une ambiance euphorisante. Jocelyne s'est vu attribuer une assistance, dans la remontée épique qui a valu la victoire au Canada et elle a joué un rôle essentiel au sein de l'équipe, qui mettait la main sur l'or pour la quatrième fois d'affilée aux Jeux olympiques d'hiver.

Et le dernier, mais non le moindre, « Capitaine Sérieux » — Jonathan Toews, de l'équipe masculine de hockey. Sa prestation a été excellente durant la totalité du tournoi, l'équipe masculine de hockey dominant nettement ses adversaires. Jonathan a marqué le premier but dans le match contre la Suède pour la médaille d'or. L'équipe masculine de hockey a remporté sa deuxième médaille d'or d'affilée après sa spectaculaire victoire il y a quatre ans, à Vancouver.

Honorables sénateurs, les Jeux olympiques ont été une excellente vitrine pour les athlètes canadiens, qui ont prouvé qu'ils méritent leur place sur la scène internationale et que le mot-clic « nous sommes l'hiver » était bien choisi.

Tenelle Starr

Les droits des Autochtones

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'aimerais profiter de la période des déclarations de sénateurs pour vous raconter l'histoire d'une jeune femme très courageuse et réfléchie, Tenelle Starr. Le mois dernier, cette jeune femme de 13 ans de la Première Nation Star Blanket, en Saskatchewan, a accidentellement soulevé toute une polémique à cause d'un chandail qu'elle portait. Sur son chandail était inscrit Got Land... Thank an Indian, invitant les gens à remercier un Indien pour la terre qu'ils occupent.

(1340)

Je trouvais que c'était une façon charmante d'illustrer l'histoire de notre pays, tout comme Tenelle, qui a tout simplement dit : « On nous a appris que les Indiens étaient ici en premier. » Et pourtant, l'administration de l'école Balcarres, au nord de Regina, a obligé Tenelle à enlever son chandail et lui a interdit de le porter à l'école dorénavant.

Tenelle, qui est en huitième année, et sa mère ont tenté de faire entendre raison à l'administration. Tenelle a expliqué sa décision de porter le chandail, affirmant que c'était sa façon d'appuyer les droits découlant des traités ainsi que les droits territoriaux, qui sont importants. On leur a dit que certains élèves et membres de la communauté s'étaient plaints à l'école, trouvant le message provocateur et raciste. En premier lieu, l'école a dit à Tenelle de ne plus porter le chandail à l'école ou bien de le porter à l'envers pour cacher le message écrit dessus.

Après plusieurs réunions entre l'école et les dirigeants de la Première Nation Star Blanket, l'administration en est venue à la conclusion que le chandail de Tenelle et son message étaient acceptables. L'école a également décidé d'animer un symposium sur les traités ce mois-ci.

Cette situation illustre le manque de sensibilisation et de compréhension de l'histoire des Autochtones et des traités au Canada. Je suis heureuse que l'école ait fini par décider de rencontrer la Première Nation Star Blanket pour régler la question du chandail, mais il est désolant que sa première réaction ait été de dire non. Tenelle souhaitait simplement afficher ses origines et exprimer son opinion sur l'histoire des Autochtones du Canada.

On ne peut tolérer qu'une jeune Autochtone de 13 ans soit ainsi pointée du doigt parce qu'elle s'est servie de ses vêtements pour exprimer son point de vue. Nous devrions applaudir les élèves qui, comme Tenelle, veulent dialoguer sérieusement avec leurs camarades, leurs enseignants et leur entourage afin de dissiper ce genre de malentendu. En leur refusant ce droit, on ne fait que décourager le dialogue interculturel. J'aurais espéré que, en 2014, le contexte historique dans lequel le Canada a vu le jour ne donnerait plus lieu à ce genre de malentendu, ou qu'il soit à tout le moins mieux compris.

Pendant toute cette controverse, Tenelle et sa mère ont vécu beaucoup de stress. Mais elles ont tenu bon et elles ont persévéré jusqu'à ce que leurs droits soient reconnus.

Ton courage est remarquable, Tenelle. Tu as défendu ce en quoi tu crois et cherché à échanger avec tes camarades afin de leur faire connaître la véritable histoire de notre pays, le tout avec éloquence et grâce. Bravo!

Le décès d'Angèle Arsenault, O.C.

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, c'est avec beaucoup de tristesse que je souhaite aujourd'hui célébrer la vie d'Angèle Arsenault, qui nous a quittés le mardi 25 février, à l'âge de 70 ans. Elle s'était installée au Québec, mais Mme Arseneault est née dans le village d'Abrams, à l'Île-du-Prince-Édouard. Elle était l'une des auteures-compositrices-interprètes acadiennes les plus connues de l'île.

Huitième de 14 enfants, Mme Arsenault a vécu sa vie entourée de musique. Dès l'âge de 14 ans, elle a remporté son premier concours de chant amateur, qui était d'ailleurs télédiffusé à Charlottetown. Pendant ses études, à l'Université de Moncton, elle a fait ses débuts musicaux en interprétant des classiques du folklore acadien dans les cafés. Elle a aussi animé sa propre émission de radio sur les ondes de Radio-Canada jusqu'à ce qu'elle obtienne son diplôme, en 1965.

C'est dans les années 1970, une fois installée au Québec, que sa carrière a pris son véritable envol. Elle a animé l'émission de télévision True North de 1973 à 1975, en plus de remporter, en 1974, le Hugo d'or remis dans le cadre du festival international du film de Chicago, pour son émission éducative Avec Angèle. Elle a aussi joué dans plusieurs films de l'Office national du film du Canada.

Entre deux rôles, notre vedette aux multiples talents a réussi à publier en 1975 un recueil de poésie et son premier album de chansons, tous deux intitulés Première. En 1976, elle a fait paraître son premier album éponyme en anglais et son deuxième en français, Libre, qui s'est vendu à plus de 300 000 exemplaires et fut acclamé autant par les critiques que par le public. Les tournées qui ont ponctué sa carrière l'ont amenée partout au Canada et ailleurs dans le monde. Elle a même représenté le Canada lors du festival de Spa de 1980, en Belgique, en plus de monter sur scène lors du gala donné par notre pays à l'occasion de la signature officielle de l'indépendance du Canada par la reine Elizabeth, en 1982.

Au cours de son honorable carrière, elle a enregistré 15 albums de chansons qu'elle a elle-même écrites, et elle a animé plusieurs émissions de télévision et de radio. En 1997, elle a reçu l'insigne de l'Ordre de la Pléiade de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, qui salue son travail de promotion de la langue française et de la culture francophone. En 1999, elle a reçu un doctorat honorifique de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. En 2000, l'organisme Zonta International l'a nommée femme de l'année. En 2002, elle a reçu la Médaille commémorative du jubilé d'or de la reine. En 2003, elle a été décorée de l'Ordre du Canada et, en 2005, de l'Ordre de l'Île-du-Prince-Édouard.

Angèle, merci d'avoir consacré votre vie aux arts et à la culture du Canada. Vous nous manquerez.

J'invite les sénateurs à se joindre à moi pour exprimer leurs condoléances à la famille et aux amis d'Angèle.


AFFAIRES COURANTES

Régie interne, budgets et administration

Présentation du troisième rapport du comité

L'honorable George J. Furey, vice-président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :

Le jeudi 27 février 2014

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre Comité a approuvé le budget principal des dépenses du Sénat pour l'exercice financier 2014-2015 et en recommande l'adoption. (Annexe A)

Votre Comité fait remarquer que le budget proposé se chiffre à 91 485 177 $.

Respectueusement soumis,

Le président,
NOËL A. KINSELLA

(Le texte du rapport figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 456.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

L'honorable Marjory LeBreton : Jamais.

(Sur la motion du sénateur Furey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Son Altesse l'Aga Khan

L'adresse prononcée devant le Sénat et la Chambre des communes—Adoption de la motion visant à imprimer l'adresse en annexe

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5(j) du Règlement, je propose :

Que l'adresse de Son Altesse l'Aga Khan, prononcée le jeudi 27 février 2014 devant les deux Chambres du Parlement, de même que les présentations et les observations qui s'y rapportent, soient imprimées sous forme d'annexe aux Débats du Sénat de ce jour et constituent partie intégrante des archives de cette Chambre.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le texte des discours figure en annexe, p. 1048.)

La Loi sur les textes réglementaires
Le Règlement sur les textes réglementaires

Projet de loi modificatif—Fixation de délai—préavis de motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, lors de nos réunions d'organisation quotidiennes, la sénatrice Fraser et moi avons de longues discussions sur l'ordre du jour et sur diverses questions qui présentent beaucoup d'intérêt et d'importance pour nous tous. Nous ne sommes pas complètement d'accord sur ce point. Par conséquent, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles ne soient attribuées à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les textes réglementaires et le Règlement sur les textes réglementaires en conséquence.

(1350)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'une délégation dirigée par Son Excellence M. Igor Corman, député, président du Parlement de la République de Moldavie.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à examiner le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les territoires du Nord

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes. Le comité sera notamment autorisé à porter son attention sur les points suivants :

Les défis énergétiques que doivent relever les trois territoires, notamment en ce qui concerne l'état des infrastructures et des services énergétiques existants, de même que les défis économiques, sociaux, géographiques et environnementaux connexes;

Les mesures et les programmes fédéraux et territoriaux actuels qui visent à améliorer la consommation d'énergie et l'approvisionnement en énergie dans le Nord;

Les moyens de renforcer et de diversifier la production d'énergie pour les besoins intérieurs et les marchés d'exportation;

Les moyens d'améliorer la fiabilité des sources d'énergie, de rendre l'énergie plus abordable et plus accessible pour les industries, les entreprises, les gouvernements et les résidents du Nord, et d'améliorer l'efficacité énergétique des consommateurs d'énergie du Nord.

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 31 décembre 2014 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L'agriculture et l'agroalimentaire

Les retards dans le transport des grains

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, tandis que je prends la parole, je tiens à m'assurer que les gens d'en face ont été informés hier du fait que j'allais prendre la parole pour poser des questions concernant ma bête noire, en fonction de leurs points de discussion.

Votre Honneur, je pose habituellement des questions au sujet de dossiers qui revêtent une importance pour ma région, le pays ou les comités auxquels je siège, ce que je vais faire aujourd'hui.

Honorables sénateurs, les retards enregistrés dans le transport des grains canadiens dans les Prairies touchent durement les agriculteurs et leurs proches. Cela nuit à nos relations commerciales avec les pays où nous exportons des grains. Cela nuit au Canada. Nous avons l'impression d'être punis pour avoir si bien réussi dans la culture des céréales. La récolte de l'an dernier a été excellente, mais la qualité du transport ferroviaire devant servir à expédier les grains est lamentable.

Le sénateur Mitchell : Il faut rétablir la Commission canadienne du blé!

Le sénateur Mercer : Que fait le gouvernement fédéral pour encourager les compagnies ferroviaires à rattraper ces retards, qui pénalisent les agriculteurs de l'Ouest? Voilà une question qui porte sur une bête noire!

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je remercie l'honorable sénateur Mercer de sa question. Comme vous le savez, le niveau actuel du service ferroviaire ne suit pas l'évolution des besoins du secteur agricole. Les agriculteurs et notre économie ont besoin d'un système logistique efficient, efficace et fiable. Notre gouvernement envisage toutes les options pour s'assurer que les agriculteurs puissent mettre en marché leurs récoltes.

Notre gouvernement a déjà donné suite aux premières recommandations du Groupe de travail sur la logistique du transport des récoltes pour améliorer la compétitivité de la chaîne d'approvisionnement. Nous avons notamment élargi, comme vous le savez, le mandat du programme de surveillance des céréales, ce qui permettra de rendre plus transparent le système logistique de transport céréalier. Nous allons continuer, comme je l'ai dit, d'envisager toutes les options pour nous assurer que les agriculteurs puissent mettre en marché leurs récoltes.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Voilà une autre réponse originale de la part du leader du gouvernement au Sénat.

Un récent article du Globe and Mail mentionne que l'Alberta et la Saskatchewan réclament l'aide du gouvernement fédéral. La Saskatchewan veut qu'Ottawa négocie — ce point intéressera le sénateur Tkachuk — des ententes de service entre les sociétés céréalières et ferroviaires pour exiger un certain niveau de service de transport, alors que l'Alberta veut qu'Ottawa impose des amendes aux sociétés ferroviaires, qui ont, au mieux, offert un piètre service.

En juin dernier, le gouvernement a présenté le projet de loi C-52, qui est désormais une loi. Celui-ci prévoyait des accords sur les niveaux de service qui étaient censés améliorer le service et protéger les expéditeurs et les sociétés ferroviaires en cas de différend.

Le ministre Ritz a répondu à nos questions sur les propositions des deux provinces dont je viens de parler par une déclaration, disant qu'il ne laisserait pas les agriculteurs être pris en otage par le mauvais service offert par les sociétés céréalières et ferroviaires.

Le leader reconnaîtra-t-il que le projet de loi C-52 est un échec puisqu'il ne fait rien pour améliorer les rapports entre les expéditeurs et les sociétés ferroviaires?

[Français]

Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, en ce qui a trait au projet de loi C-52 et à la Commission canadienne du blé, nous avons tenu parole et donné aux producteurs de céréales de l'Ouest canadien la liberté qu'ils méritent en matière de commercialisation.

En ce qui a trait à l'aspect du transport céréalier, contrairement à la rhétorique que vous maintenez, nous préférons des actions concrètes. Nous travaillons avec les partenaires de l'industrie, comme le Groupe de travail sur la logistique du transport des récoltes, en vue de trouver des solutions à long terme.

Ai-je besoin de vous rappeler que nous avons investi 1,5 million de dollars dans ce groupe de travail avec les partenaires de l'industrie pour travailler à la recherche de solutions à long terme?

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je ne crois pas que le leader du gouvernement voie juste. Il semble avoir changé de sujet et vouloir parler de la Commission canadienne du blé. Pour ma part, c'est l'acheminement du blé vers les marchés qui m'intéresse, peu importe l'endroit où on le cultive ou la façon dont il est vendu.

(1400)

Je n'irais pas jusqu'à dire que le Comité sénatorial des transports et des communications l'avait prédit, mais il l'avait certainement étudié. Dans un rapport déposé en juin 2008, nous avons examiné la question de la conteneurisation au Canada. Nous avons constaté qu'en raison du grand nombre de ses éléments — les navires, les routes, les voies ferrées, les camions, les ports, et cetera —, le système mobilise tout un amalgame de compétences fédérales, provinciales et municipales, ce qui nuit à son fonctionnement.

Le rapport contenait plusieurs recommandations, qui portaient entre autres sur l'amélioration de la qualité du service qu'offrent les sociétés ferroviaires aux expéditeurs, et l'augmentation de l'approvisionnement en conteneurs. En juin 2012, le Comité de l'examen des services ferroviaires de transport des marchandises a publié son propre rapport, où il recommandait que certaines mesures soient prises pour élever le niveau des services offerts aux expéditeurs et aux sociétés ferroviaires.

C'est ainsi que le projet de loi C-52 est né. Il visait à bonifier les services ferroviaires.

À l'étape de la troisième lecture, j'ai signalé au gouvernement que, mis à part les modalités opérationnelles, le projet de loi ne garantissait pas de meilleures normes de service, selon moi. Nous, dans l'opposition, avons tenté d'amender le projet de loi, mais bien sûr le gouvernement a refusé, comme il le fait depuis qu'il a obtenu la majorité.

Le leader ne convient-il pas maintenant que le système de transport de marchandises est un fouillis total et que des mesures concrètes doivent être prises pour corriger la situation et éviter que se reproduise le genre d'engorgements que nous avons sur les bras actuellement?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je vais répéter ma réponse parce que j'ai l'impression que le sénateur ne l'a pas bien comprise. Nous avons donné suite aux premières recommandations du Groupe de travail sur la logistique du transport des récoltes pour améliorer la compétitivité de la chaîne d'approvisionnement. Nous avons également élargi le mandat du programme de surveillance des céréales, ce qui rendra plus transparent le système logistique de transport céréalier. Nous avons investi 1,5 million de dollars, et nous travaillons avec les partenaires de l'industrie, comme le Groupe de travail sur la logistique du transport des récoltes, en vue de trouver des solutions à long terme.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Permettez-moi de vous rapporter les paroles de vos ministres.

Dans un communiqué de presse diffusé le 26 juin à Ottawa, on peut lire ceci :

L'honorable Denis Lebel, ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, a annoncé aujourd'hui que la Loi sur les services équitables de transport ferroviaire des marchandises a maintenant force de loi.

Le projet de loi a reçu la sanction royale plus tôt aujourd'hui.

Le ministre Lebel a déclaré ceci :

Notre gouvernement est fier d'avoir pris des mesures concrètes pour renforcer notre économie en adoptant une loi qui rendra les services de transport ferroviaire des marchandises plus prévisibles, clairs et fiables au Canada

Il poursuit comme suit :

Nous avons tenu les promesses que nous avions faites après avoir reçu les recommandations du Comité d'examen des services de transport ferroviaire de marchandises.

Voilà qui paraît très bien. Voyons maintenant ce que disait le ministre Ritz l'autre jour, dans le Globe and Mail.

En somme, le niveau de service actuel dans le transport ferroviaire est inacceptable pour les agriculteurs, et les chemins de fer n'ont pas encore conçu un plan viable pour gérer la récolte exceptionnelle de cette année. Notre gouvernement ne laissera pas ce piètre service prendre en otage les agriculteurs ou notre économie, et nous envisageons toutes les options pour que nos agriculteurs puissent faire parvenir leur récolte sur les marchés.

M. Ritz a fait cette déclaration par l'intermédiaire d'un porte-parole de son cabinet.

Monsieur le leader, le ministre Lebel affirme avoir pris les mesures nécessaires pour offrir aux agriculteurs du pays des services de qualité leur permettant d'acheminer leurs produits sur les marchés. Mais le ministre de l'Agriculture affirme pour sa part que le système de transport est un fouillis.

Sans lire vos notes, dites-nous, je vous prie, comment vous allez remédier à ce gâchis.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, contrairement à ce qu'on entend dans les points de presse, je ne sens pas moins de partisanerie dans le ton de vos questions. J'aimerais que vous reconnaissiez avec moi que ce gouvernement pose des actions concrètes, comme je l'ai expliqué, et travaille avec ses partenaires, notamment le Groupe de travail sur la logistique du transport des récoltes, afin d'améliorer la compétitivité de la chaîne d'approvisionnement.

Je vous demanderais donc, plutôt que de faire preuve de partisanerie, de reconnaître les actions concrètes du gouvernement.

[Traduction]

L'honorable JoAnne L. Buth : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, pourriez-vous nous confirmer que, grâce à la décision du gouvernement de retirer à la Commission canadienne du blé le monopole qu'elle avait, beaucoup de producteurs de l'Alberta, du Manitoba et de la Saskatchewan ont pu faire transporter leur grain par camion aux États-Unis, dans le cas du blé, principalement, mais aussi, manifestement, du canola et de l'orge? Les problèmes de transport causés par la récolte exceptionnelle de la dernière saison ont ainsi pu être atténués.

[Français]

Le sénateur Carignan : Merci, sénatrice Buth, pour votre question. Comme vous le savez, nos agriculteurs ont ensemencé 2 millions d'acres de plus, et produit plus de 20 millions de tonnes supplémentaires de céréales cette année par rapport à l'an dernier, et je pense en effet que c'est dû à une bonne récolte, mais je crois que la motivation des agriculteurs d'ensemencer davantage cette année était qu'ils voyaient très bien la possibilité de commercialiser leurs céréales sans le carcan de la commission.

L'honorable Ghislain Maltais (Son Honneur le Président suppléant) : Avant de vous donner la parole, sénatrice Chaput, je comprends que c'est jeudi, mais je demanderais aux honorables sénateurs qui veulent tenir des discussions de bien vouloir le faire à l'extérieur de l'enceinte du Sénat.

Les langues officielles

La Colombie-Britannique—Le financement pour l'apprentissage du français langue seconde

L'honorable Maria Chaput : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne l'apprentissage du français langue seconde.

Il y a deux jours, l'organisme Canadian Parents for French B.C. & Yukon a publié un communiqué traitant de l'inscription des enfants aux écoles d'immersion en français. En Colombie-Britannique, il n'y a pas suffisamment de places dans les écoles d'immersion pour répondre à la demande.

Ma question est la suivante : le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique a reçu plus de 10 millions de dollars du gouvernement fédéral en 2012-2013 dans le cadre d'un accord bilatéral pour la prestation de programmes d'étude en français langue seconde. Cette somme devrait donc être consacrée aux écoles d'immersion en français.

Le gouvernement fédéral s'assure-t-il que les fonds destinés aux programmes d'enseignement en français langue seconde sont bien utilisés à cette fin et fait-il un suivi quelconque à cet égard?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie de votre question, sénatrice Chaput. Comme vous le savez, les langues officielles du Canada sont importantes pour notre gouvernement. Je crois que vous savez déjà que le montant alloué à la Feuille de route du gouvernement pour les langues officielles, qui représente l'investissement le plus exhaustif dans l'histoire du Canada, est de 1,1 milliard de dollars.

Dans cette feuille de route, on appuie les collectivités francophones aussi bien qu'anglophones, appui qui repose sur trois piliers : l'éducation, l'immigration et les communautés de langue officielle. Il est certain, sénatrice, que les sommes dépensées doivent l'être conformément aux règles établies par le programme pour qu'il puisse atteindre son objectif.

La sénatrice Chaput : Je remercie le leader de sa réponse. Ma question concerne plutôt les montants que le gouvernement fédéral transfère à la Colombie-Britannique pour le financement des études en français langue seconde. J'aimerais savoir s'il y a une façon pour le gouvernement fédéral de s'assurer que les fonds destinés à ces programmes d'enseignement en français langue seconde sont bien utilisés à cette fin.

C'est la situation en Colombie-Britannique : il n'y a pas suffisamment de places, les parents font la ligne, doivent téléphoner et c'est devenu un tirage au sort.

Alors si, en effet, la Colombie-Britannique dépense bien les montants qui lui sont remis pour l'éducation en français langue seconde, pourquoi le gouvernement libéral... pardon, fédéral ne fournit-il pas plus d'aide puisque, de toute évidence, les besoins sont là?

(1410)

Le sénateur Carignan : Votre lapsus trahit une véritable indépendance. Je suis un peu surpris. Vous m'avez un peu déstabilisé par votre question.

Il est certain que notre rôle n'est pas d'entrer dans le champ de compétence des provinces pour les sommes dépensées en matière d'éducation. Les sommes transférées aux provinces le sont selon différents programmes. Je n'ai pas les détails précis sur les transferts pour ce programme en particulier, mais lorsque des fonds sont transférés dans le cadre d'une entente fédérale-provinciale — non pas libérale —, il y a des règles à suivre et on s'attend à ce qu'elles soient respectées.

La sénatrice Chaput : Est-il possible de savoir si les fonds qui ont été accordés à la Colombie-Britannique pour les services d'éducation en français langue seconde ont servi à cette fin et ont été bien utilisés?

Le sénateur Carignan : Je vais demander au ministre concerné de préciser s'il y a un programme, et lequel en particulier. Je vous fournirai alors les détails du transfert et de l'utilisation de cette somme par rapport à ce programme en particulier, s'il y en a un.

La justice

L'Alberta—Les nominations judiciaires—L'accès à la justice en français

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le budget déposé par le ministre des Finances le 11 février dernier propose de créer deux nouveaux postes de juge de nomination fédérale à la Cour du Banc de la reine de l'Alberta.

Le gouvernement va-t-il s'assurer que les nouveaux juges seront en mesure d'entendre les causes en français?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Comme vous le savez, sénatrice Tardif, il s'agit du Plan d'action économique du Canada. Plusieurs nouveaux postes de juges sont attribués dans les provinces.

Les critères de nomination des juges sont établis par des comités, comités composés de membres du public, des barreaux et selon des critères de sélection. Ces comités doivent s'assurer de la compétence des juges pour entendre les causes.

La sénatrice Tardif : J'ai une question supplémentaire. Une étude du commissaire aux langues officielles publiée en 2013 confirme qu'un obstacle majeur est la nomination d'un nombre insuffisant de juges bilingues. En conséquence, la disponibilité de juges bilingues n'est pas assurée, comme l'exige pourtant la loi.

Le budget de 2014 prévoit 4,4 millions de dollars pour la création de nouveaux postes de juge de nomination fédérale.

Cette somme permettra-t-elle d'améliorer l'accès à la justice pour tous les Canadiens, ou cet investissement va-t-il exclure les francophones en milieu minoritaire?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme je l'ai dit, il y a des critères spécifiques pour la nomination des juges. Il y a un processus de nomination des juges et la sélection se fait en fonction de ces critères et de ce processus. Une liste de candidats recommandés est dressée. Le ministre de la Justice procède à la nomination en fonction des recommandations faites par le comité, selon certains critères, dont, entre autres, la compétence des candidats.

La sénatrice Tardif : Monsieur le leader, selon la loi, chaque accusé a droit à un procès devant un juge qui parle la langue officielle de l'accusé, un procureur de la Couronne qui parle la langue officielle de l'accusé et un jury dont les membres parlent la langue officielle de l'accusé. Ce sont des droits très clairs.

Comment peut-on s'assurer que ces droits soient respectés si les juges qui sont nommés ne sont pas bilingues?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, les postes sont pourvus selon certains critères, dont la compétence. En ce qui a trait à l'administration de la justice et à la gestion des rôles des cours, comme vous le savez, les juges — et vous l'avez cité — qui entendent des causes doivent le faire dans la langue des accusés et/ou ils doivent en prévoir la traduction dans certaines autres situations. Il s'agit d'une gestion de rôle dans l'attribution des causes pour que les droits fondamentaux des personnes jugées soient respectés.

La sénatrice Tardif : L'accès à la justice en français est particulièrement un problème en Alberta. Qu'est-ce qui empêche le gouvernement de nommer des gens qualifiés là où il existe justement des problèmes dans l'offre de services en français?

Le sénateur Carignan : Nous avons consacré des sommes importantes au Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, qui appuie également la formation en langues officielles des intervenants bilingues du système de justice partout au Canada. Nous versons une aide financière pour que les procureurs de la Couronne, les juges, les huissiers, les agents de probation, les interprètes judiciaires et la police puissent offrir des services dans les deux langues officielles. Cela inclut également un programme de formation à long terme qui cible les besoins des juges nommés par les provinces et qui traitent des affaires criminelles et des programmes visant à aider les intervenants du système de justice à offrir des services à la population dans la langue de son choix.

Quant à l'engagement du gouvernement fédéral, tous les efforts sont déployés pour veiller à ce que les personnes puissent parler et comprendre les deux langues officielles et puissent offrir les services. Quant au respect des droits fondamentaux et à l'assignation d'un juge qui comprend la langue de l'accusé, pour respecter le droit constitutionnel des accusés, il s'agit d'une question de gestion de rôle, permettant que le juge qui entend la cause soit en mesure de la comprendre ou qu'il en obtienne la traduction, selon le cas et selon le tribunal, et qu'il se conforme aux dispositions du Code criminel.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Je suis perplexe devant tout ce qui vient d'être dit. La loi prévoit qu'il doit y avoir partout des juges qui peuvent parler la langue de l'accusé. Vous dites que, grâce à tous ces programmes, les gens peuvent apprendre l'autre langue officielle.

Le gouvernement ne cesse de nous dire qu'il aime faire des économies. Pourquoi n'incluez-vous pas au départ, dans les critères pour pouvoir être nommé juge, la connaissance des deux langues officielles? Ce serait plus simple, plus équitable et certainement moins cher.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je ne veux pas vous référer à mon discours sur le projet de loi sur les juges bilingues et sur l'élaboration de l'aspect constitutionnel et, particulièrement, vous rappeler l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui s'appelle maintenant Loi constitutionnelle de 1867 et qui prévoit qu'au Parlement et dans les cours de justice, chacun a le droit d'utiliser la langue de son choix. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui je m'exprime en français pour répondre aux questions qui, quelquefois, me sont posées en anglais et, parfois, en français. C'est le même droit que les individus ont devant les tribunaux.

Il s'agit d'une question d'administration de la justice.

(1420)

Donc, en ce qui a trait au fait d'assigner les causes, il s'agit d'une question d'administration de la justice. Ce sont les provinces, et le juge qui tient ce rôle, qui doivent s'assurer que le juge qui entendra la cause comprenne et parle la langue de la personne qui est jugée. S'il ne s'agit pas de l'une des deux langues officielles, cela se fait par la traduction.

L'agriculture et l'agroalimentaire

La réglementation sur le vin de glace

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne la production de vin de glace au Canada.

[Traduction]

Chers collègues, notre pays est vaste, et l'hiver ne se présente pas partout de la même façon. Je parle du vin de glace. Le gel au Québec n'est pas le même qu'en Ontario et il diffère du gel et de la neige en Colombie-Britannique. Ces provinces produisent toutes du vin de glace, et devinez quoi? Nous remportons des prix internationaux parce que notre vin de glace est le meilleur au monde, mais, fidèles à nous-mêmes, nous trouvons le moyen de nous disputer.

[Français]

Le ministre de l'Agriculture est très conscient de ce dilemme. Malgré le fait que le Canada gagne des prix internationaux pour la qualité de son vin de glace, nous réussissons à nous disputer entre nous sur la définition du vin de glace. J'aimerais savoir comment le gouvernement s'y est pris pour régler, une fois pour toutes, ce petit problème qui faisait l'envie du monde, mais qui aussi faisait rire?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Nous partageons tous les deux cette passion, non seulement pour le vin de glace, mais aussi pour les représentations que l'on a faites à l'intérieur de notre caucus national, en parlant entre autres avec le ministre Ritz afin de s'assurer que l'appellation « vin de glace » soit reconnue.

Comme vous le savez, le Québec est l'un des grands producteurs de vin de glace. Ma ville de Saint-Eustache est l'un des plus grands producteurs de vin de glace du Québec. Lorsqu'on représente nos régions et que l'on participe à un caucus national, cela nous permet de faire valoir notre point de vue au sein de ce caucus national et auprès des producteurs du Canada, qui fabriquent le meilleur vin de glace au monde, il faut le reconnaître.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments a mené des consultations exhaustives auprès des provinces et des intervenants. Cela a fait qu'un règlement a été publié dans la gazette officielle pour reconnaître l'appellation « vin de glace ». Le règlement permet également de reconnaître cette mention dans toutes les régions du Canada, lorsque le raisin gèle naturellement sur la vigne, ce qui permet aussi de protéger l'appellation au Québec.

Je m'en voudrais de ne pas vous citer les paroles du vice-premier ministre et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, M. François Gendron, qui se réjouissait de la publication dans la Gazette du Canada, par le gouvernement fédéral, du règlement définissant le vin de glace. Il a dit ce qui suit :

J'accueille cette nouvelle avec beaucoup de satisfaction, d'autant plus que le gouvernement fédéral reconnaît les différences régionales des conditions climatiques et agricoles au Canada. Les discussions des derniers mois, et particulièrement celles que j'ai eues avec mon homologue, M. Gerry Ritz, ont donc porté leurs fruits. Je suis très heureux de la tournure des événements.

L'Association des vignerons du Québec a émis un communiqué dans lequel elle se réjouit également de la publication du règlement canadien définissant la notion de vin de glace.

C'est la preuve que, lorsque les sénateurs décident de représenter leur région au sein d'un caucus national, ils peuvent arriver à de grandes choses. Je remercie donc le sénateur de son travail.

Projet de loi sur la gouvernance de la nation dakota de Sioux Valley

Présentation du deuxième rapport du Comité des peuples autochtones

Consentement ayant été accordé de revenir à la Présentation ou dépôt de rapports de comités :

L'honorable Dennis Glen Patterson, président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :

Le jeudi 27 février 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-16, Loi portant mise en vigueur de l'accord sur la gouvernance de la nation dakota de Sioux Valley et modifiant certaines lois en conséquence a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 12 février 2014, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
DENNIS GLEN PATTERSON

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, le consentement est-il accordé?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Patterson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Réponse différée à une question orale

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par la sénatrice Jaffer, le 10 décembre 2013, concernant le Plan d'action national sur les femmes, la paix et la sécurité.

Les affaires étrangères

Le Plan d'action national sur les femmes, la paix et la sécurité

(Réponse à la question posée par l'honorable Mobina S. B. Jaffer le 10 décembre 2013)

Le gouvernement a déposé au Parlement le 31 janvier 2014 le rapport d'étape 2011-2012 sur le Plan d'action du Canada concernant les femmes, la paix et la sécurité.

Il s'agit d'un rapport volontaire ayant été déposé parce que le gouvernement estime que la participation des femmes à la paix et à la sécurité représente un enjeu important. Le Canada est déterminé à appuyer la participation des femmes dans la résolution des conflits, et à soutenir les droits fondamentaux et la protection des femmes et des filles aux prises avec des conflits armés et de la violence sexuelle connexe. Le gouvernement du Canada reconnaît le rôle fondamental que jouent les femmes dans le développement d'un pays et de son économie. La sécurité, la réussite et la stabilité de tout pays sont assurées non pas malgré la participation des femmes, mais directement grâce à celle-ci.

En 2012, le gouvernement du Canada a versé 18,5 millions de dollars sur cinq ans pour continuer d'aider les victimes de violence sexuelle dans l'est de la République démocratique du Congo, et pour traduire les auteurs des crimes en justice. Il a également annoncé un montant supplémentaire de 5 millions de dollars pour lutter contre la violence sexuelle dans les régions en conflit. En outre, le Canada accorde 10 millions de dollars aux Nations Unies afin de contribuer à éliminer la discrimination contre les femmes dans les pays d'Asie du Sud-Est, et nous soutenons fièrement l'organisme ONU Femmes en lui versant une somme de 30 millions de dollars.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest

Deuxième lecture

L'honorable Dennis Glen Patterson propose que le projet de loi C-15, Loi remplaçant la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest afin de mettre en œuvre certaines dispositions de l'Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest et modifiant ou abrogeant la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, d'autres lois et certains décrets et règlements, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui à titre de parrain au Sénat du projet de loi C-15, le projet de loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest, qui mérite l'appui de tous les sénateurs ici présents.

(1430)

Le projet de loi permettra enfin aux résidants des Territoires du Nord-Ouest de jouer un rôle important dans la prise de décisions qui touchent leurs terres, leurs ressources et leur vie quotidienne. Ils pourront ainsi participer à la vie économique et en tirer des avantages au même titre que les Canadiens qui vivent au sud du 60e parallèle.

Comme j'ai des racines profondes dans les Territoires du Nord-Ouest, je sais pertinemment que les habitants de ce territoire sont tout à fait prêts, disposés et aptes à prendre leurs propres décisions au sujet des terres et des ressources qui se trouvent chez eux et à profiter pleinement des possibilités actuelles et futures de la région.

Je sais combien il a fallu travailler longtemps pour en arriver là, et j'aimerais vous dire à quel point je me sens privilégié, en tant que sénateur représentant le Nunavut et parrain de cet important projet de loi au Sénat, de prendre la parole dans cette enceinte aujourd'hui, près de 35 ans après avoir été élu pour la première fois à l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest et plus de deux décennies après la fin de mon mandat en tant que premier ministre de ce territoire.

Je veux saluer le sénateur Sibbeston, un autre ancien premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, qui est présent ici aujourd'hui. Lui aussi connaît fort bien tous les efforts qui ont été déployés dans ce dossier.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Patterson : Je suis heureux de souligner ce moment charnière dans l'évolution politique et économique des Territoires du Nord-Ouest et de notre grand pays, le Canada.

Au cours de mes années à l'Assemblée législative et au sein du Cabinet des Territoires du Nord-Ouest, nous avons eu des débats intenses et travaillé d'arrache-pied pour en arriver à une entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources.

Cependant, alors que les Territoires du Nord-Ouest avaient réussi à obtenir le transfert à des autorités locales de responsabilités dans des secteurs qui incombent normalement aux provinces, comme la santé et l'éducation, plusieurs gouvernements successifs ont tenté en vain de conclure une entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources.

C'est uniquement grâce au premier ministre actuel, Stephen Harper, et au premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Bob McLeod, que nous en sommes là aujourd'hui.

Comme le premier ministre McLeod l'a expliqué lorsqu'il a témoigné devant le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, lorsque nous avons entrepris l'étude préalable de cette importante mesure législative, en décembre :

Le transfert des responsabilités sera le point culminant d'une évolution politique qui a commencé par la création du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, en 1967. Pour la première fois de l'histoire, la population des Territoires du Nord-Ouest bénéficiera des mêmes droits à l'autodétermination et au contrôle des affaires territoriales qui sont conférés à leurs compatriotes canadiens des provinces et du Yukon. Le transfert des responsabilités viendra concrétiser la promesse faite il y a 46 ans, et ce, grâce à l'amélioration continue d'une assemblée législative entièrement élue et représentative de la population, et qui a su assumer sans réserve les responsabilités que le Canada lui a confiées.

Ce projet de loi fera en sorte que les gens du Nord pourront non seulement exercer plus de contrôle sur leur économie, leurs collectivités, leurs terres et leur culture, mais aussi façonner leur propre avenir, pour eux et les générations futures.

Je suis convaincu que cette mesure législative arrive à point nommé, car le Nord joue un rôle de plus en plus important dans la prospérité du Canada.

Tout au long de l'histoire, les Canadiens ont surtout considéré le Nord du point de vue du potentiel qu'il a à offrir. Ce potentiel est maintenant exploité, ce qui nous amène à nous poser la question suivante : qui doit prendre les décisions? Qui prendra les décisions très importantes sur le développement des ressources et la protection de l'environnement dans le Nord?

Dans une démocratie moderne et progressiste comme la nôtre, la seule réponse acceptable, c'est que ce sont les gens du Nord eux-mêmes qui doivent prendre ces décisions. Le transfert des responsabilités au Yukon et la création du Nunavut a donné des pouvoirs aux gens du Nord. Le moment est maintenant venu de faire de même pour les Territoires du Nord-Ouest.

Cela dit, il ne faut pas non plus oublier un aspect tout aussi important, soit la capacité d'offrir un système réglementaire stable, prévisible et opportun, qui favorise les investissements dans l'exploration et le développement des nombreuses ressources des Territoires du Nord-Ouest.

Comme mes collègues du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles et moi l'avons entendu lors des audiences tenues dans le cadre de l'étude préalable du projet de loi, le régime réglementaire actuel est clairement désuet. Il ne peut pas, dans sa forme actuelle, répondre aux besoins des habitants du Nord après le transfert de responsabilités. Afin qu'ils puissent atteindre leur plein potentiel et profiter à fond du transfert de responsabilités, les habitants des Territoires du Nord-Ouest ont besoin d'un régime efficace et adapté qui n'est pas miné par les retards, les dédoublements et les tracasseries administratives. Voilà pourquoi l'un des éléments clés de cette mesure législative est l'instauration d'un régime moderne visant la gestion des terres et des eaux des Territoires du Nord-Ouest.

Afin d'y parvenir, le projet de loi C-15 modifierait une série de lois, notamment la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, la Loi sur les terres territoriales et la Loi sur les eaux des Territoire du Nord-Ouest.

L'instauration d'un office qui regrouperait l'ensemble des activités de gestion des ressources terrestres et marines est une mesure essentielle du nouveau régime, et cette initiative a d'ailleurs fait l'objet de bien des débats. Ce n'est rien de nouveau. La possibilité de créer un seul et unique office fait l'objet de discussion depuis des décennies. En fait, un projet d'entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu avait été négocié en 1990 avec la Nation dénée et l'Association des Métis des Territoires du Nord-Ouest, et il prévoyait l'instauration d'un seul et unique office qui aurait été chargé de régir l'utilisation des terres et des eaux dans la vallée du Mackenzie.

L'entente finale était fondée sur l'entente de principe conjointe sur les revendications territoriales des Dénés et des Métis, qui avait été signée en 1988 à Fort Rae, dans les Territoires du Nord-Ouest; c'est le premier ministre Brian Mulroney qui l'avait signée au nom du Canada.

Cette entente finale a été paraphée par les négociateurs, mais elle n'a jamais été mise aux voix. Le Canada a plutôt négocié une série d'accords régionaux en grande partie fondés sur l'entente initiale. Durant les 13 années qui ont suivi, des ententes régionales ont été négociées avec les Gwich'in, les Dénés et les Métis du Sahtu, et les Tlichos. Chaque entente, conformément à l'esprit de l'entente initiale, prévoyait la création d'un seul et unique office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie. On peut le constater au chapitre 24.4.6 de l'entente conclue avec les Gwich'in, au chapitre 25.4.6 de l'entente conclue avec les Dénés du Sahtu, et au chapitre 22.4.1 de l'entente conclue avec les Tlichos.

Entretemps, comme il n'y avait pas d'office plus important, on a créé des offices régionaux. Les offices régionaux — ceux des Gwich'in, du Sahtu et du Wek'èezhìi — ainsi que l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie comprennent chacun cinq membres, pour un total de 20.

Sans ce projet de loi, les négociations actuelles en vue du règlement de cinq revendications territoriales pourraient mener à une hausse importante du nombre d'offices régionaux, ce qui pourrait faire grimper jusqu'à 55 le nombre de membres. On ne peut pas dire que c'est un modèle de gestion efficace pour les terres et les ressources de la vallée du Mackenzie.

Par ailleurs, il ne fait aucun doute que plusieurs offices sont moins efficaces et efficients qu'un office unique regroupant toutes les activités. Diverses études sur la réforme de la réglementation dans le Nord, y compris le rapport de Neil McCrank de 2008, intitulé La voie de l'amélioration, recommandait de restructurer les offices des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie. Un office unique regroupant toutes les activités de gestion des terres et des eaux permettrait de prendre des décisions cohérentes et éclairées et d'appliquer le régime de réglementation de façon rigoureuse, efficace et efficiente. La mise en place d'un office unique permettrait d'appliquer le régime de réglementation de manière cohérente et prévisible.

Pour avoir une idée des effets potentiels sur les régimes de réglementation, on n'a qu'à penser au Yukon. Il y a une décennie, avant le transfert de responsabilités et la mise en place de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique, le Yukon avait du mal à attirer des promoteurs et des investisseurs. Aujourd'hui, l'économie du Yukon est beaucoup plus forte. Le produit intérieur brut du territoire a connu une croissance neuf années de suite, et sa croissance économique a dépassé le taux annuel de l'ensemble du pays sur huit des dix dernières années. Depuis le transfert de responsabilités, le produit intérieur brut du territoire a augmenté de 150 p. 100.

Le régime de réglementation du Yukon a permis de mettre en œuvre des programmes d'exploitation des ressources de manière à ne pas nuire à l'environnement. Voici ce qu'en a dit le premier ministre du Yukon, Darrell Pasloski, lors du sommet du Nord du Canada, tenu à la fin de l'année dernière :

Des cadres comme la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon nous permettent de tirer parti du succès obtenu au cours de la dernière décennie pour assurer une croissance économique durable tout en veillant à ce que cette croissance ne se fasse pas au détriment de la protection environnementale du territoire.

Honorables sénateurs, les plus récentes réussites du Yukon nous donnent une bonne leçon sur les effets potentiels de la réforme de la réglementation et du transfert de responsabilités dans les Territoires du Nord-Ouest. Le projet de loi dont nous sommes maintenant saisis permettra aux Territoires du Nord-Ouest de profiter des mêmes avantages grâce à leurs terres et à leurs ressources.

(1440)

Bien sûr, les Territoires du Nord-Ouest bénéficient d'une abondance de ressources naturelles. Cela explique en partie pourquoi, selon les prévisions du Conference Board du Canada, leur produit intérieur brut devrait presque doubler d'ici 2020 pour passer à 9,6 milliards de dollars. Pour que cette croissance puisse se concrétiser d'une manière qui profitera aux résidants des Territoires du Nord-Ouest tout en protégeant l'environnement, il faut pouvoir compter sur un système réglementaire souple, prévisible et rapide.

Vous n'avez pas à me croire sur parole. Quand il a témoigné devant le Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes, le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Bob McLeod, a déclaré ceci :

Nous avons besoin d'un système réglementaire efficace qui protège l'intérêt public, qui nous permette de gérer nos terres et l'environnement et qui soit favorable à un développement responsable.

Le comité sénatorial a mené une vaste étude préliminaire qui s'est révélée extrêmement fructueuse. Nous avons entendu plusieurs témoins. Plusieurs ont fait valoir qu'il faudra s'assurer que le régime réglementaire arrive à un juste équilibre entre les enjeux environnementaux et les enjeux économiques. Des représentants de l'industrie minière demandaient qu'on fixe un délai maximal de 24 mois par projet pour le processus d'évaluation environnementale et d'examen des répercussions. Cette idée d'une période d'évaluation limitée inspirait toutefois des doutes à bon nombre d'écologistes.

Les échéanciers proposés dans le projet de loi C-15 correspondent en grande partie à ceux que prévoit la loi fédérale pertinente, c'est-à-dire la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012. Ils respectent aussi les obligations découlant d'ententes sur les revendications territoriales concernant la réalisation d'évaluations environnementales et d'examens des répercussions. Les délais maximaux indiqués dans le projet de loi C-15 seront une source d'assurance et de clarté pour tous : promoteurs, gouvernements et communautés locales.

Une autre inquiétude exprimée par l'industrie est que l'expression « préoccupations pour le public » n'est toujours pas définie dans le projet de loi C-15. Par conséquent, de nombreuses activités de petite envergure et de faible incidence, telles que les petits projets d'exploration, de forage et de levés géophysiques, risquent de devoir faire l'objet d'une évaluation environnementale. De toute évidence, l'industrie souhaite offrir aux investisseurs et promoteurs potentiels le meilleur degré de certitude et de prévisibilité possible. Cela dit, la prudence exige de ne pas trop restreindre le sens de l'expression « préoccupations pour le public » par une définition trop stricte qui risquerait de priver l'office de la latitude dont il a besoin pour déterminer la manière dont un projet sera étudié. En outre, la question des préoccupations pour le public est traitée de la même manière que dans les autres lois régissant les évaluations environnementales dans le Nord, ainsi que dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

J'aimerais également parler des préoccupations soulevées au sujet de la fusion des offices des terres et des eaux existants. Permettez-moi de mettre la chose en contexte. Les gouvernements autochtones et d'autres témoins ont souligné que le système de réglementation actuel offre des possibilités concrètes d'intégrer la rétroaction des régions dans la prise de décisions par l'entremise des offices régionaux et que ce système a permis aux régions d'acquérir des capacités administratives. Ils craignent donc que le fait de n'avoir qu'un seul office dans la vallée du Mackenzie diminuerait les occasions pour les régions de faire valoir leur opinion dans la prise de décision et centraliserait l'administration, ce qui diminuerait les capacités des régions et leurs rapports de collaboration avec l'industrie. Le 5 décembre 2013, le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien, l'honorable Bernard Valcourt, a comparu devant le Comité sénatorial de l'énergie. Lorsque je lui ai demandé ce qu'il pensait de ces préoccupations à l'égard de la fusion des offices, il a répondu :

[...] Le nouvel office restructuré n'aura pas de comités permanents. Pour répondre aux préoccupations soulevées, des modifications ont toutefois été apportées pour permettre au président d'établir des comités restreints chargés d'étudier les demandes soumises à l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie. Toujours dans la foulée des observations entendues lors des consultations, le projet de loi exige que le président nomme un représentant désigné par la région au sein du comité restreint lorsqu'il se penche sur une demande ne concernant que la région.

À la même audience, le 5 décembre 2013, j'ai demandé au premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Bob McLeod, d'expliquer comment son gouvernement aborderait les préoccupations concernant la centralisation de l'administration. Il a répondu ceci :

Je suppose qu'en engageant les gouvernements autochtones très tôt dans le processus de transfert, nous avons appris que pour obtenir leur appui, il fallait leur démontrer que les régions et les communautés pourraient également bénéficier de ces postes et de ces ressources. Nous avons entrepris ce que nous appelons une approche de décentralisation en trois étapes. La première étape consistait à cerner les programmes et les services existants que nous avons décentralisés vers les régions et les communautés.

La deuxième étape faisait partie du processus de transfert des responsabilités dans lequel nous avons reconnu qu'au moins 300 emplois du gouvernement du Canada seraient transférés au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Chose certaine, les gouvernements autochtones s'attendaient à ce qu'une grande part de ces emplois revienne aux communautés en dehors de Yellowknife. Nous avons évalué que 90 emplois seraient créés à l'extérieur de Yellowknife.

Le 1er avril, lorsque cet accord sera mis en œuvre — c'est-à-dire à la date du transfert —, nous amorcerons la troisième étape de la décentralisation où nous déterminerons les postes, les programmes et les services qui seront décentralisés.

Le premier ministre a ensuite déclaré que du financement était prévu pour la construction d'une centaine de maisons dans diverses communautés, pour le personnel, et que les locaux et les autres ressources seraient en place pour assurer l'application du régime de gestion des terres et des eaux décentralisé du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

Je crois que ces amendements au projet de loi et l'engagement clair du premier ministre des Territoires du Nord-Ouest à maintenir et à développer une présence administrative régionale dans les régions de la vallée du MacKenzie répondent bien aux préoccupations exprimées quant à la participation régionale au nouveau régime de réglementation et à la capacité administrative régionale.

Honorables sénateurs, des changements remarquables sont sur le point d'avoir lieu dans les Territoires du Nord-Ouest. En quelques décennies, le gouvernement est passé de conseil territorial dirigé par un puissant commissaire nommé par un ministre fédéral, à une assemblée législative entièrement élue assortie d'un cabinet qui héritera bientôt du contrôle total sur les terres et les ressources des territoires. C'est réellement un événement mémorable.

Le transfert du contrôle sur les terres publiques, les ressources et les eaux des Territoires du Nord-Ouest est un autre pas de géant dans l'évolution constitutionnelle du Canada, transfert que les Territoires du Nord-Ouest réclament depuis des décennies, depuis l'évolution d'une assemblée entièrement élue et d'un gouvernement responsable durant les années 1970 et 1980. Il est temps pour le Nord de réaliser son plein potentiel dans l'intérêt de tous les habitants des Territoires du Nord-Ouest et de tous les Canadiens. Les Territoires du Nord-Ouest auront maintenant l'occasion de contribuer à la consolidation nationale à leur manière tout en réduisant leur dépendance à l'égard d'Ottawa.

Le projet de loi C-15 est le fruit de négociations exhaustives et de compromis de la part de toutes les parties directement intéressées par la question : le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, les groupes autochtones — qu'ils aient fait ou non une revendication territoriale ou transfrontalière — et les représentants de l'industrie.

Les parlementaires ont analysé, examiné et débattu le projet de loi attentivement et en détail, y compris dans le cadre de l'étude entreprise par le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

J'aimerais prendre un moment, honorables sénateurs, pour remercier le sénateur Neufeld, président du comité, le sénateur Mitchell, vice-président du comité, ainsi que tous les membres du comité. J'estime que nous avons examiné en temps opportun ce projet de loi complexe de manière entièrement non partisane. Je mentionne également que nous devions respecter le délai de mise en œuvre du 1er avril; nous devions donc travailler très fort dans des délais serrés. J'en remercie les membres du comité.

Il ne reste plus qu'à faire en sorte que le projet de loi soit adopté avant la date butoir du 1er avril pour le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest.

J'encourage les sénateurs à appuyer, comme moi, le projet de loi C-15.

L'honorable Joseph A. Day : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Patterson : Oui.

Le sénateur Day : Le sénateur pourrait-il confirmer que le gouvernement a l'intention d'exécuter le programme à partir du 1er avril, donc dans un peu plus d'un mois?

(1450)

Le sénateur Patterson : C'est exact, honorables sénateurs. Le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest et celui du Canada ont convenu d'un échéancier accéléré pour la mise en œuvre du projet de loi. Elle s'étendra en fait sur un an, ce qui veut dire que tout n'a pas à être dans sa forme définitive au 1er avril, même si c'est à cette date que commencera la transition.

Nous avons fait des progrès. Les fonctionnaires fédéraux touchés ont tous reçu leur nouvelle offre d'emploi, et je vous annonce avec plaisir qu'ils ont tous accepté de relever dorénavant des Territoires du Nord-Ouest. Si le Sénat donne son aval, le tout devrait se mettre en branle à compter du 1er avril.

Le sénateur Day : Je vous remercie. J'ai cru comprendre que certaines choses étaient déjà en place. Nous avons vu dans le Budget supplémentaire des dépenses (C), que nous avons pu consulter hier pour la première fois, qu'on réclamait une vingtaine de millions de dollars pour ce que vous venez de décrire comme la phase de mise en œuvre préliminaire.

Or, si le gouvernement fédéral et les Territoires du Nord-Ouest se sont entendus il y a déjà plus d'un an, je me demande comment il se fait que c'est seulement maintenant qu'on entend parler du projet de loi C-15, comme s'il s'agissait du processus normal. Je comprends que nous en avons fait l'étude préalable, ce qui est une tout autre histoire, mais il n'en demeure pas moins que le gouvernement veut que son projet de loi soit mis en œuvre dès le 1er avril, alors que nous en avons été saisis il y a à peine deux ou trois jours. Ai-je bien compris?

Le sénateur Patterson : Honorables sénateurs, l'entente de transfert des responsabilités que ce projet de loi fera entrer en vigueur a effectivement été conclue il y a un certain temps déjà, mais il a alors fallu rédiger la mesure législative elle-même. Je tiens à dire que sa rédaction a fait suite à de vastes consultations auprès des gouvernements autochtones tout le long de la vallée du Mackenzie, de l'industrie et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

Avec tout le respect que je dois aux sénateurs, personne n'a traîné les pieds, à mon avis. Tout le monde a travaillé d'arrache-pied pour rédiger ce projet de loi compliqué qui a des répercussions sur beaucoup de lois déjà en vigueur. Voilà pourquoi le comité a entrepris son étude préalable en décembre. Je peux vous le dire : il s'agit d'un projet de loi complexe qui fait plus de 200 pages; il ne pouvait donc pas être rédigé à la hâte.

Le sénateur Day : Je n'en ai pas contre le but, l'objet et le principe de cette initiative. J'essaie en fait de défendre l'intégrité et le rôle du Sénat. Voici ma question : est-il juste de demander au Sénat d'examiner rapidement une mesure législative dont il a été saisi il y a deux ou trois jours afin de la renvoyer à la Chambre d'ici deux ou trois jours? Vous avez pourtant dit que ce projet de loi était très long et complexe. S'agit-il alors d'un second examen objectif?

Le sénateur Patterson : Je renvoie le sénateur à la transcription complète des délibérations du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous avons eu des séances d'information technique détaillées. Nous avons fait comparaître beaucoup de témoins, dont certains du Yukon, qui ont parlé de leur expérience.

Oui, le gouvernement dûment élu des Territoires du Nord-Ouest — auquel le comité s'en remettait souvent — a accepté un calendrier, et le premier ministre est venu nous dire à quel point il était urgent d'adopter le projet de loi pour que son administration puisse le mettre en œuvre d'ici la fin de son mandat. Il reste environ deux ans. Le gouvernement veut être en mesure de s'assurer que le processus complexe de transition se fasse sans heurts.

Avec tout le respect que je dois au sénateur, je lui demande de faire confiance au comité sénatorial permanent. Je crois que quelqu'un de son côté parlera du projet de loi. Il pourra s'assurer, du moins je l'espère, que notre étude est très approfondie et exhaustive. Le compte rendu des délibérations parle de lui-même. Je vous remercie.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Sibbeston, avant de vous donner la parole, je dois vérifier une chose. Dois-je comprendre que vous n'êtes pas le porte-parole de votre parti en ce qui concerne le projet de loi, mais que c'est plutôt le sénateur Mitchell? Il faut que nous le sachions parce que nous devons imposer une durée maximale de 45 minutes pour les discours.

Le sénateur Sibbeston : Oui, c'est vrai. Je ne suis pas le porte-parole.

Son Honneur le Président intérimaire : D'accord, le sénateur Mitchell parlera après vous. Le sénateur Sibbeston a la parole.

L'honorable Nick G. Sibbeston : Votre Honneur et chers collègues, je suis heureux de parler aujourd'hui du projet de loi C-15, Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest. Ce projet de loi modifie un certain nombre de lois afin de mettre en œuvre l'entente sur le transfert des responsabilités signée par le Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et cinq organisations autochtones du territoire.

Le projet de loi modifie aussi la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Ces modifications changeront considérablement le système de réglementation de l'exploitation des terres et des ressources qui est utilisé dans le Nord.

Le processus de transfert des responsabilités, dont traite le projet de loi, a commencé quand le gouvernement territorial a déménagé à Yellowknife en 1967. Je peux dire aux sénateurs que, à cette époque, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest travaillait essentiellement à partir d'Ottawa. En 1967, le commissaire du territoire, Stuart Hodgson, a réservé un avion pour transférer tous les employés, les fichiers et les documents d'Ottawa à Yellowknife. Le gouvernement était tout jeune à l'époque, mais, au cours des 46 dernières années, il est devenu un gouvernement pleinement démocratique et responsable, qui a presque les mêmes pouvoirs et responsabilités qu'un gouvernement provincial. Au cours de ces 46 années, des responsabilités semblables à celles des provinces ont été petit à petit transférées du gouvernement fédéral au gouvernement territorial.

De 1986 à 1987, durant mon mandat comme premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, nous sommes devenus responsables de nos services de santé et de nos routes. En 1986, j'ai signé un protocole d'entente avec tous les groupes autochtones du Nord, qui incluaient à l'époque ceux du Nunavut, afin que le transfert des responsabilités, y compris celles relatives aux terres et aux ressources, ne nuise pas aux revendications territoriales. Il était nécessaire d'agir ainsi à l'époque parce que, tandis que nous réclamions à Ottawa plus de responsabilités et une plus grande indépendance, les Autochtones du Nord commençaient à présenter des revendications pour récupérer leurs terres ancestrales, et ils ne voulaient pas être dans une situation où leurs droits seraient entravés de la moindre façon. Cela a donné lieu, quelques années plus tard, à l'accord du Nord, puis à plusieurs rondes de négociations visant à compléter ces transferts. Jusqu'à maintenant, aucune de ces négociations n'avait porté ses fruits.

Je dois féliciter le premier ministre McLeod et ses partenaires du Nord pour leur détermination à obtenir la conclusion de l'entente sur le transfert de responsabilités.

Je félicite également le premier ministre du Canada, qui a réussi à avancer d'un an, soit de 2015 à 2014, la date du transfert. Il l'a avancée d'une année entière afin que le transfert ne nuise pas aux élections dans le Nord et sur la scène fédérale.

Les deux gouvernements ont donc été soumis à une pression considérable, mais, de l'avis général, ils ont travaillé fort. L'adoption de ce projet de loi donnera aux gens du Nord le pouvoir de prendre leur destinée en main, comme on le voulait.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Sibbeston : J'ai toujours dit qu'il était préférable pour le Nord que les décisions soient prises et les programmes, gérés dans le Nord plutôt qu'à Ottawa. Tout ce que le gouvernement fédéral peut faire depuis Ottawa, nous pouvons le faire mieux dans le Nord parce que nous sommes sur place. Il en a toujours été ainsi. Nous avons souvent dit que nous pouvons bâtir trois maisons avec l'argent que le gouvernement fédéral prend pour en bâtir une. C'est ainsi que le Nord est parvenu à mettre en place un gouvernement responsable.

(1500)

Le projet de loi prévoit le transfert de responsabilités en matière de gestion des terres et des ressources au gouvernement territorial. Il mettra un terme au processus de création d'un gouvernement responsable. Les Territoires du Nord-Ouest disposeront de tous les pouvoirs semblables à ceux dont jouissent les gouvernements provinciaux et, en fait, ils seront très près de devenir une province.

Dans le cadre de ce processus, la fonction publique comptera plus de 200 postes supplémentaires, dont plusieurs seront le résultat de la mutation de fonctionnaires fédéraux qui se trouvent déjà dans le Nord. Pour vous montrer à quel point il fait bon travailler dans les Territoires du Nord-Ouest, presque tous les fonctionnaires fédéraux ont accepté de déménager d'Inuvik ou d'Ottawa.

De nouveaux emplois seront aussi créés pour faire le travail qui est réalisé actuellement à Ottawa. On me dit que, à Ottawa, certaines personnes ont même décidé de déménager dans le Nord. Je suis persuadé qu'elles vont adorer l'expérience.

Chose plus importante encore, il y aura plus d'emplois pour les gens du Nord, en particulier dans les localités situées à l'extérieur de Yellowknife. Comme mon collègue, le sénateur Patterson, l'a mentionné, quelque 90 emplois pourraient être créés dans des localités autres que Yellowknife.

En plus des sommes nécessaires pour gérer ces nouveaux programmes, le transfert de responsabilités englobe aussi le partage des recettes de l'exploitation des ressources — de nouveaux montants que le gouvernement territorial pourra utiliser pour construire des infrastructures ou pour mettre en œuvre des programmes. De plus, 25 p. 100 de ces fonds seront transférés aux gouvernements autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest.

La mise en application de l'entente sur le transfert des responsabilités jouit d'un appui généralisé, voire unanime, dans le Nord. Je voterais en faveur de ces parties du projet de loi sans hésitation.

J'aimerais bien pouvoir en dire autant pour l'autre partie du projet de loi, qui porte sur la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et son règlement d'application.

Le gouvernement soutient qu'il veut céder un régime de réglementation moderne, efficient et efficace au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Or, au cours de l'étude préalable, nous avons entendu des témoins affirmer que c'est le contraire qui se produit.

Même si le premier ministre McLeod nous a exhortés à adopter le projet de loi C-15 dans sa forme actuelle afin que le transfert des responsabilités puisse se faire, il a reconnu que les changements de nature réglementaire étaient source de préoccupation. Il s'est dit confiant, affirmant ceci : « [...] en travaillant avec nos partenaires des gouvernements autochtones, dans le cadre de tribunes comme le conseil intergouvernemental [...] nous pouvons dissiper les préoccupations [...] ».

Ce sont ses paroles. D'autres étaient moins convaincus.

Même s'ils sont favorables au transfert des responsabilités, les groupes autochtones se sont opposés à l'élimination des offices régionaux des terres et des eaux au profit d'une structure centralisée. Les offices régionaux ont été créés dans le cadre des accords sur les revendications territoriales, et la mise sur pied d'un soi-disant superoffice viole l'esprit et l'intention de ces accords.

Ils estimaient aussi ne pas avoir été adéquatement consultés. Le gouvernement fédéral a ajouté la question de la réforme réglementaire au dossier du transfert des responsabilités à la toute dernière minute, au moment où une ébauche du projet de loi a été présentée en octobre dernier.

Les groupes autochtones ont fait valoir que les éléments problématiques du régime de réglementation n'étaient pas les offices régionaux, lesquels produisaient selon eux les résultats escomptés, et ce, bien en deçà des échéances fixées par le gouvernement. En réalité, la plupart des retards étaient attribuables au gouvernement fédéral. Permettez-moi de m'expliquer.

Il y a quelques années, le vérificateur général s'est penché sur la question des offices de réglementation du Nord et a conclu que les retards étaient notamment causés par la lenteur du bureau du ministre, du gouvernement, à procéder à des nominations.

Le projet de loi C-15 réduit le nombre de nominations que le ministre doit faire — j'imagine qu'il pourrait arguer que cela va aider les choses — et impose des délais de réponse, délais que le ministre peut prolonger de façon unilatérale.

Les représentantes de l'organisme Ecology North qui ont témoigné devant le comité ont dit que la partie 4 du projet de loi allait à l'encontre du transfert des responsabilités, faisant remarquer que non seulement la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie demeure une loi fédérale, et que le ministre fédéral continue de faire toutes les nominations, mais qu'en plus, cette partie accroît les pouvoirs d'Ottawa liés à la définition des politiques et à l'établissement des règlements. D'une part, il s'agit d'un grand pas, car on cède le contrôle des terres et des ressources au gouvernement du Nord. Mais, d'autre part, le gouvernement fédéral conserve un certain contrôle en donnant au ministre le pouvoir de nommer les membres de l'office et de définir la politique du superoffice qui sera créé.

À l'autre extrême, l'industrie minière a elle aussi soulevé des questions quant aux modifications proposées. Les problèmes de réglementation auxquels elle s'est heurtée ont eu lieu, dans 90 p. 100 des cas, dans les régions des Territoires du Nord-Ouest ayant des revendications en suspens. Là où des offices régionaux étaient établis aux termes de revendications territoriales, les offices ont joué leur rôle et les décisions ont été prises comme il se doit.

C'est dans les secteurs où des revendications étaient en suspens — là où il n'y avait pas d'office — qu'il y a eu beaucoup de retards. Dans ces secteurs, le superoffice ne changera rien à la situation.

Régler les revendications territoriales serait fort probablement beaucoup plus utile pour résoudre les problèmes de réglementation dans le Nord que la modification de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.

Les témoins de l'industrie minière ont également décrit la relation positive et fructueuse que les mineurs entretiennent avec les offices régionaux. Ils se sont dits inquiets, car il faudra certainement du temps, des années peut-être, avant de regagner la confiance des groupes autochtones de la région.

Étant donné que plusieurs groupes autochtones qui perdront leur office régional prévoient que les recours devant les tribunaux seront plus fréquents en raison des changements apportés à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, ces changements risquent de rendre le processus de réglementation plus lent et plus incertain plutôt que plus efficace et efficient.

J'ai songé brièvement à tenter de faire scinder le projet de loi en deux par le Sénat, mais je reconnais qu'un tel geste aurait été principalement politique et n'aurait eu que peu de chances de réussir. Je sais compter. Le nombre de sénateurs du côté des conservateurs est deux fois plus élevé que de ce côté-ci de la Chambre. Je sais très bien que je n'en serais pas ressorti gagnant.

Malgré les préoccupations soulevées par les habitants du Nord concernant ces modifications réglementaires, je vais appuyer l'adoption du projet de loi C-15. Le transfert des responsabilités est trop important et est attendu depuis trop longtemps, sans compter qu'il apportera bien des avantages au Nord. C'est pourquoi je ne vais pas m'y opposer ou le retarder de quelque façon que ce soit.

Le gouvernement s'est montré maladroit et intransigeant dans cette réforme réglementaire. Le projet de loi prévoit un examen quinquennal. Ainsi, la loi donne espoir qu'un jour, dans cinq ans, d'autres changements seront possibles, que le contrôle fédéral pourrait s'amenuiser, et que davantage de responsabilités concernant les politiques et des nominations au sein de l'office pourraient elles aussi être transférées aux habitants du Nord.

Les gens du Nord sont créatifs et travaillent dur. Ils savent collaborer et négocier des compromis pour arriver à un consensus. Malgré le fait que les Autochtones, surtout, soient mécontents des changements prévus dans ce projet de loi concernant l'office, je ne doute nullement qu'ils arriveront à faire fonctionner les choses d'une façon qui leur convient le mieux possible. Tout comme ils ont réussi à gérer toutes les compétences et les domaines transférés au Nord, tout comme ils ont su améliorer les services et la gestion par rapport à ce que faisait le gouvernement fédéral, les habitants du Nord, selon moi, arriveront à faire en sorte que le système de réglementation fonctionne bien pour eux.

Là-dessus, je vous remercie de m'avoir écouté et vous prie d'appuyer le projet de loi.

(1510)

L'honorable Grant Mitchell : Merci, honorables sénateurs. Je suis très heureux de pouvoir participer à ce débat et d'avoir fait partie du comité qui a étudié cette mesure législative.

Avant de commencer, je tiens à souligner que je vais appuyer la mesure législative, car je crois qu'elle représente une occasion de bâtir une nation. Je souligne aussi, à l'intention de mes collègues du Sénat qui n'ont pas eu la chance de siéger au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles pendant les audiences, qu'à mon avis, les membres du comité ont eu le sentiment de participer un tant soit peu aux efforts visant à bâtir une nation, à lui permettre d'atteindre un idéal plus élevé.

À un certain moment pendant les audiences, j'ai mentionné que, même si nous ne sommes pas les pères de la Confédération, nous sommes à tout le moins leurs parents éloignés, et nous avons joué un rôle dans le cadre de ce processus au comité. Chaque sénateur ici présent aujourd'hui joue un rôle dans l'édification d'une nation en débattant de cette mesure législative très importante.

Il importe de reconnaître, comme d'autres l'ont fait — je pense par exemple au sénateur Patterson et au sénateur Sibbeston —, le travail qui a été accompli par ceux qui ont trimé dur tout au long du processus de négociation et de l'élaboration de cette mesure législative. Je n'ai pas l'intention de revenir sur tous les aspects de ce processus, mais je tiens quand même à souligner le travail qui a été accompli par les fonctionnaires fédéraux. À deux reprises, ils ont présenté des séances d'information aux membres du comité — une séance officielle et une séance informelle — et ils ont ainsi démontré deux choses : premièrement, qu'ils connaissaient à fond la mesure législative et le processus de transfert des responsabilités, et deuxièmement, qu'ils se passionnaient pour le travail devant être accompli pour bâtir la nation de cette façon.

L'un de ces fonctionnaires, Wayne Walsh, est présent à la tribune, et j'aimerais le remercier, lui et ses collègues, d'avoir accompli un travail du tonnerre : ils nous ont très bien informés et clairement fait comprendre de diverses façons toute leur passion pour la tâche qu'ils avaient accomplie et dont le fruit est ce projet de loi. Je remercie donc Wayne Walsh et ses collègues.

Je tiens aussi à répéter et à appuyer ce que le sénateur Patterson a dit au sujet de notre comité. Il est vrai que le comité a accompli un travail minutieux et exhaustif. Je tiens à féliciter le sénateur Patterson — et ce n'est pas seulement parce qu'il a reconnu les efforts que j'ai déployés que je le fais — ainsi que le président du comité, le sénateur Neufeld. C'est un plaisir de travailler avec eux. Ils comprennent qu'il y a toujours un revers à toute médaille, et, à chaque étape du processus, pendant chaque révision et étude que nous avons réalisée, ils ont toujours veillé à ce que, dans la mesure du possible, tous les points de vue soient exprimés, et c'est ce que le comité a fait.

Nous avons entendu ceux qui étaient parfaitement satisfaits du transfert de responsabilités proposé et du projet de loi, et nous avons aussi entendu ceux qui avaient des préoccupations et des questions. Le sénateur Patterson et le sénateur Sibbeston ont exposé en long et en large et avec un succès certain ces préoccupations et ces questions.

Je tiens à souligner quelques aspects très positifs du transfert de responsabilités proposé. Prenons tout d'abord du recul pour constater que nous sommes dans le dernier droit. La fin approche. Beaucoup de chemin a été parcouru.

Ont notamment été transférés les pouvoirs visant le développement économique, l'éducation, les administrations locales, les services sociaux, les soins de santé, les transports, l'administration de la justice et les affaires en matière civile. Il est précisément — ou, du moins, en général — question de la gestion des terres et des ressources. Il s'agit donc d'un autre jalon important.

Peut-être n'est-il pas pertinent d'y voir l'étape la plus importante, mais elle n'est sûrement pas sans importance. C'est une étape importante en raison du grand potentiel et du grand pouvoir économique qu'elle peut procurer au territoire, à ses habitants, ainsi qu'aux fonctionnaires et aux leaders politiques qui géreront le territoire. Elle sera favorable au développement de cette région extraordinaire. Les possibilités de développement économique s'en trouveront, selon moi, fortement accrues. Voilà autant de points positifs.

La méthode proposée pour le partage des revenus m'a beaucoup impressionné. J'imagine qu'il a fallu de grands efforts de négociation et certains moments de tension avant d'en arriver là. Mais les parties semblent avoir trouvé un terrain d'entente qui leur semble généralement acceptable. Je ne me souviens pas qu'un témoin ait dit le contraire. Il est important de noter que les groupes autochtones et les gouvernements recevront des sommes considérables pour le développement qui aura lieu dans leur région. Il est extrêmement important que les gens puissent faire évoluer leur culture et leur société comme ils l'entendent, de manière à ce que les habitants jouissent d'une bonne qualité de vie. Par ailleurs, on a beaucoup parlé de l'importance de l'autonomie gouvernementale des groupes autochtones. C'est un enjeu crucial, qui prend tout son sens quand les groupes disposent des ressources dont ils ont besoin pour réaliser leur autonomie.

J'aimerais aussi ajouter, bien que ce ne soit pas mon domaine d'expertise, que ce dossier aura peut-être des effets positifs inattendus, parce qu'il fournira des arguments dans le cadre des débats de plus en plus fréquents qui portent sur la souveraineté dans l'Arctique et la souveraineté du Canada dans le Nord. Quand on renforce la présence canadienne dans cette région, quelle que soit la forme qu'elle prend, quand on donne un pouvoir politique aux gens qui y habitent, y compris aux peuples autochtones, on crée des arguments solides qui pourront servir lorsque — chose qui m'apparaît inévitable — les tribunaux internationaux seront appelés à se prononcer sur la souveraineté de ces régions remarquables. Selon moi, le transfert de responsabilités jouera un rôle dans cette bataille importante que nous aurons probablement à livrer un jour.

Je tiens à mentionner, comme d'autres l'ont fait, les préoccupations qui ont été soulevées concernant les pouvoirs qui seront conférés au nouveau superoffice. Le mot n'est pas parfait. Je sais que cela préoccupe certains, mais il représente en partie le sentiment de l'autre camp.

Les directives stratégiques viendront maintenant directement du ministre, alors qu'auparavant, les responsables des offices recevaient leurs recommandations des membres de leur office. En l'occurrence, ce processus n'existera plus. Cela préoccupe les groupes autochtones, les groupes établis, que nous avons entendus — Tlichos, Gwich'in et Sahtu —, et c'est tout à fait légitime.

Ecology North, un groupe bien établi qui fait de l'excellent travail, nous a dit craindre que la représentation régionale au sein du processus d'examen des projets soit diminuée et estime que, d'une certaine façon, le gouvernement ne cède peut-être pas certains de ses pouvoirs comme il le devrait.

Je suis conscient de ces préoccupations, mais elles ne suffisent pas à me convaincre de m'opposer au projet de loi pour deux raisons.

Premièrement, à ce jour dans les Territoires du Nord-Ouest, il existe une tradition de coopération bien établie entre les peuples autochtones, les populations régionales et le gouvernement central. Il existe également une tradition de coopération et de collaboration entre les intervenants de l'industrie et les groupes régionaux et autochtones. Cette réalité a été confirmée spontanément, je crois, par certains représentants de l'industrie lorsqu'ils ont affirmé que, bien entendu, ils allaient nécessairement traiter avec les populations régionales et autochtones et les consulter, parce que c'est bon pour les affaires et que, de toute évidence, c'est ce qu'il faut faire.

Ainsi, à défaut d'être parfaites, les chances que l'on tienne compte de cet aspect et qu'on s'en occupe sont, à mon avis, assez bonnes.

La deuxième raison qui fait que je suis persuadé que ces difficultés ne sont pas insurmontables, c'est qu'on prévoit un examen après cinq ans. Le transfert de responsabilités est un processus d'évolution. Le tout n'est pas définitif et les pouvoirs du ministre pourront être reconsidérés. Le projet de loi prévoit précisément une possibilité à cet effet.

(1520)

Je vais conclure mon intervention sur une note positive. Je remercie les membres du comité et tous ceux qui ont participé aux négociations durant toutes ces années pour les efforts colossaux qu'ils ont déployés, d'un côté comme de l'autre. J'espère que les problèmes qui ont été soulevés par les personnes qui ont certaines préoccupations à l'égard de cette mesure législative soient au moins examinés et corrigés. Je serai très fier de me prononcer en faveur de ce projet de loi.

Le sénateur Day : Le sénateur accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Mitchell : Absolument.

Le sénateur Day : Sénateur Mitchell, avez-vous eu l'occasion de lire les témoignages du comité de la Chambre des communes qui s'est penché sur ce projet de loi et avez-vous pu déterminer si des aspects y ont été soulevés que vous n'avez pas eu la chance d'examiner ici?

Le sénateur Mitchell : Je n'ai pas pris connaissance du processus qui s'est déroulé au comité de la Chambre des communes.

Je suis au fait de certains des témoignages qui y ont été livrés par l'entremise d'autres témoignages et discussions, mais j'ignore si on y a soulevé ou abordé des aspects que nous n'avons pas examinés lors de notre étude.

Le sénateur Day : Y a-t-il des témoins ou des groupes, comme le sénateur Sibbeston l'a dit, qui ont exprimé des préoccupations et qui n'ont pu être entendus? Avez-vous l'intention, lorsque ce projet de loi sera renvoyé au comité, de prendre le temps d'entendre ces gens même si vous avez déjà mené une étude préalable de ce projet de loi?

Le sénateur Mitchell : Je ne connais aucun groupe en particulier de cette catégorie, mais nous en avons invité un — et je vais taire son nom, il n'est pas nécessaire de le nommer — qui avait des réserves à l'égard de cette mesure législative. Nous avions même convenu d'un moment, mais il ne s'est jamais présenté.

Le sénateur Day : J'aimerais poser une question complémentaire. Le projet de loi sera renvoyé au comité dont vous êtes membre. Le comité ne sera pas obligé de procéder immédiatement à l'étude article par article. Avez-vous l'intention de proposer que ces gens aient la possibilité de témoigner devant le comité?

Le sénateur Mitchell : Le groupe que nous avons invité ou d'autres groupes?

Le sénateur Day : N'importe quel groupe.

Le sénateur Mitchell : Nous n'avions pas l'intention de le faire. Nous pensons avoir réalisé une étude exhaustive.

Je dirais que, à un certain moment au cours de l'étude, il est devenu évident que les mêmes préoccupations revenaient sur le tapis. Nous ne constations pas de nouvelles préoccupations. Vous pourriez rétorquer que c'était parce que nous n'avions pas entendu tous les groupes. Toutefois, j'ai écouté les commentaires et les questions des sénateurs Sibbeston et Patterson. Tous les deux sont originaires de cette région et ont déjà été premiers ministres des Territoires du Nord-Ouest. S'il y avait eu des lacunes à cet égard, ils nous l'auraient dit. Je suis sûr que le sénateur Sibbeston nous l'aurait mentionné, car il a fait allusion à ces préoccupations dans ses commentaires et dans certaines de ses questions.

Le sénateur Day : Allez-vous discuter avec le comité directeur de la possibilité de tenir d'autres audiences avant de passer à l'étude article par article du projet de loi?

Le sénateur Mitchell : Oui, je vais le faire.

Le sénateur Day : Je vous remercie.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Patterson, avec l'appui de l'honorable sénatrice Bellemare, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Patterson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

Projet de loi sur les élections au sein de premières nations

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tannas, appuyée par l'honorable sénateur Oh, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-9, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-9, Loi sur les élections au sein de premières nations. Ce projet de loi n'est pas nouveau; une version précédente, le projet de loi S-6, a été présenté au Sénat le 6 décembre 2011, et adopté par le Sénat le 24 avril 2012. Le projet de loi S-6 est mort au Feuilleton à l'autre endroit, lorsque le Parlement a été prorogé, le 13 septembre 2013. Il a été présenté de nouveau à l'autre endroit, le 29 octobre 2013, sous la forme du projet de loi C-9. Il a été adopté à l'étape de la troisième lecture le 10 décembre 2013. Maintenant, le Sénat est saisi à nouveau de ce projet de loi demeuré inchangé malgré de graves préoccupations soulevées dans les deux Chambres.

Le 3 avril 2012, j'ai pris la parole à l'étape de la troisième lecture de la version précédente de ce projet de loi, le projet de loi S-6, afin d'en cerner la principale lacune, c'est-à-dire l'alinéa 3(1)b), qui dit ceci :

Le ministre peut, par arrêté, ajouter le nom d'une première nation à l'annexe dans les cas suivants :

b) il est convaincu qu'un conflit prolongé lié à la direction de la première nation a sérieusement compromis la gouvernance de celle-ci [...]

Cette disposition accorde au ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord le pouvoir d'ordonner à une Première Nation de se soumettre aux dispositions de la loi s'il porte un jugement défavorable au sujet de la capacité des élus de cette nation d'exercer leurs fonctions de manière viable.

Au cours de l'étude, par notre comité, de la version précédente de ce projet de loi, le projet de loi S-6, la majorité des témoins exprimant le point de vue des Premières Nations — l'Assemblée des Premières Nations, l'Assemblée des chefs du Manitoba, la bande indienne de Lac La Ronge et l'Association du Barreau canadien — nous ont demandé de supprimer l'alinéa 3(1)b). Même le chef Paul, de l'Atlantic Policy Congress, qui a contribué à la préparation du projet de loi, a constaté que cette disposition était mauvaise. Le chef Paul a déclaré ceci :

[...] imposer une volonté extérieure à la collectivité a toujours des conséquences. Nous savons d'expérience que si quelqu'un impose sa volonté aux collectivités, celles-ci réagissent très mal.

Il y a deux ans, notre comité a discuté âprement de cette question et, en fin de compte, même si l'amendement visant à supprimer cette disposition problématique a été rejeté, nous avons formulé des observations pour exprimer nos préoccupations.

Permettez-moi de lire des extraits de ces observations, qui se trouvent dans le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, déposé le 13 mars 2012.

Point no 3 :

Certains observateurs s'inquiètent du fait que les alinéas 3(1)b) et 3(1)c) du projet de loi S-6 donnent des pouvoirs supplémentaires au ministre. Le ministre et ses fonctionnaires soutiennent qu'ils restreignent au contraire les pouvoirs qu'il possède déjà en vertu de la Loi sur les Indiens. Quoi qu'il en soit, nous sommes d'avis que ces pouvoirs, qu'ils s'exercent en vertu de la Loi sur les Indiens ou en vertu du projet de loi S-6, perpétuent une attitude coloniale et paternaliste à l'égard de la gouvernance des Premières nations. Les articles 3(1)b) et 3(1)c) ne devraient être invoqués que dans de rares cas, après que tous les autres mécanismes de résolution des différends ou de réforme démocratique au niveau des Premières nations auront été mis en place et auront échoué.

Il y a quelques jours, nos travaux m'ont rappelé ce qu'on avait dit au cours de nos discussions, il y a deux ans, sur la suppression de l'alinéa 3(1)(b). Quelqu'un avait lancé que ce n'était pas une raison pour déchirer sa chemise. Autrement dit, cet article n'avait pas une grande importance. Je ne comprends pas pourquoi certaines personnes ne sont pas capables de s'apercevoir qu'accorder à un ministre le pouvoir de décider du sort des élus d'une Première Nation est très problématique. Je ne sais pas comment ils peuvent continuer à nier le droit inhérent des peuples autochtones à s'autogouverner. L'alinéa 3(1)b) va manifestement à l'encontre de l'article 35 concernant les droits des Autochtones. Cette disposition est paternaliste et fermement enracinée dans une mentalité coloniale archaïque. J'aimerais pouvoir convaincre les gens d'en face de l'envisager du point de vue des Premières Nations.

(1530)

Honorables sénateurs, les messages envoyés par le ministre et le ministère au sujet du projet de loi ont minimisé les conséquences de l'alinéa 3 (1)b). Le communiqué de presse et les documents de la trousse d'information indiquaient que l'application des dispositions du projet de loi est facultative. C'est vrai. Néanmoins, le projet de loi C-9 autorise le ministre à ordonner à une Première Nation de se soumettre à ces dispositions, mais il n'a pas été fait explicitement mention de cet aspect du projet de loi.

Au cours de l'étude du projet de loi C-9 à l'autre endroit, le ministre Valcourt a déclaré ce qui suit, dans ses observations préliminaires, à propos du pouvoir du ministre d'intervenir dans les élections en vertu de la Loi sur les Indiens :

Ce système a un côté paternaliste et, bien honnêtement, je ne crois pas que le ministre devrait s'en mêler. Ce projet de loi retirerait le ministre de l'équation et permettrait que les appels soient traités par les tribunaux [...].

Cela semble bien beau, mais pourtant, le projet de loi prévoit bel et bien le recours au pouvoir ministériel pour obliger une Première Nation à se conformer aux dispositions de la mesure législative. L'alinéa 3(1)b) redonne au ministre voix au chapitre dans un système qu'il juge lui-même, selon ses propres mots, « paternaliste ». En fait, ce système n'est pas seulement paternaliste, il est inconstitutionnel.

Honorables sénateurs, le ministre précédent, John Duncan, a formulé des remarques semblables, il y a deux ans. Il a déclaré qu'il ne voulait plus s'occuper des contestations d'élections, comme le prévoit la Loi sur les Indiens, mais il ne voulait pas non plus renoncer à son pouvoir d'ordonner à une Première Nation aux prises avec un problème de gouvernance de tenir des élections conformément aux dispositions du projet de loi C-9. Les deux ministres disent qu'à leur avis, ils ne devraient pas avoir le pouvoir d'intervenir dans les élections des Premières Nations, mais ils appuient tout de même l'inclusion de ce même pouvoir dans le projet de loi. Autrement dit, ils disent une chose, mais en font une autre.

Si l'objectif est que le ministre n'ait pas à régler les différends électoraux et qu'il laisse les tribunaux s'en charger, le ministre n'a pas besoin d'un tel pouvoir. Les tribunaux tranchent déjà les différends électoraux relevant du code coutumier. Pourquoi le ministre a-t-il besoin de se mêler d'élections tenues en vertu du code coutumier?

Honorables sénateurs, je ne sais vraiment pas pourquoi le gouvernement s'obstine à refuser d'amender le projet de loi C-9 en supprimant l'alinéa 3(1)b) de manière à ne pas donner au ministre le pouvoir d'ordonner à une Première Nation de s'assujettir à ses dispositions. Ce refus nie la validité et le sérieux des demandes en ce sens présentées par la majorité des témoins. En outre, cette suppression n'aurait aucune répercussion négative sur les Premières Nations qui souhaitent ardemment que ce projet de loi soit adopté. On ne peut qu'avancer des hypothèses sur ce qui pousse le ministre à s'accrocher au pouvoir de forcer une Première Nation à s'assujettir aux dispositions du projet de loi C-9.

Je vais donc avancer des hypothèses. La plupart des gens ne verraient probablement rien de mal à ce que le ministre ordonne à une Première Nation qui tient des élections conformément à la Loi sur les Indiens de s'assujettir aux dispositions du projet de loi C-9 parce qu'elles sont meilleures. Toutefois, il en va autrement des Premières Nations qui tiennent des élections selon le code coutumier parce qu'elles ont conçu des processus électoraux supérieurs à ceux prévus dans la Loi sur les Indiens et qu'ils ont été approuvés par le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord.

Ces Premières Nations se sont éloignées de la Loi sur les Indiens et les différends électoraux sont réglés selon une autre politique de règlement des différends ou par les tribunaux, et non par le ministre. Donc, normalement, le ministre n'est pas censé intervenir dans la gouvernance des Premières Nations observant le code coutumier.

Or, l'alinéa 3(1)b) du projet de loi C-9 accorde au ministre le pouvoir d'intervenir dans les conflits relatifs aux élections dans une Première Nation appliquant un code coutumier. Les conflits au sujet de la direction font pourtant partie intégrante du processus démocratique et ils peuvent s'intensifier lorsque les Premières Nations, les gouvernements provinciaux et les organismes du secteur privé qui s'intéressent à des projets d'exploitation de ressources naturelles, comme le projet d'oléoduc Northern Gateway, cherchent à conclure des ententes. Le gouvernement fédéral n'est pas neutre. Il a ses propres intérêts, qui peuvent aller à l'encontre de ceux des Premières Nations. Il pourrait arriver, lorsqu'il y a des différends ou des retards dans la résolution des conflits entre l'industrie, les Premières Nations et d'autres gouvernements au sujet de l'exploitation des ressources, que le ministre veuille déclencher des élections dans l'espoir que les idées d'un nouveau chef autochtone soient plus compatibles avec celles du gouvernement.

Honorables sénateurs, lors de son témoignage devant le Comité des peuples autochtones, la directrice générale de la Direction de la gouvernance d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a dit ceci :

Ce libellé...

— elle parle de l'alinéa 3(1)b) —

... couvre les types de conflits où chacune des factions en concurrence dans la communauté affirme constituer le gouvernement légitime, empêchant ainsi le gouvernement du Canada et les provinces, le secteur privé et les membres mêmes de la communauté, de savoir qui sont les dirigeants légitimes de la Première Nation.

Mon hypothèse n'est peut-être pas si farfelue, après tout.

Honorables sénateurs, l'alinéa 3(1)b) est inconstitutionnel. Il va à l'encontre des bonnes intentions sur lesquelles repose le projet de loi et il compromet les rapports qui s'étaient pourtant améliorés récemment entre le Canada et l'Assemblée des Premières Nations. Je suis toujours d'avis que l'alinéa 3(1)b) devrait être supprimé. Ces dernières années, nous avons été saisis de plusieurs projets de loi touchant les Premières Nations, notamment le projet de loi sur les biens immobiliers patrimoniaux, le projet de loi sur l'eau potable et celui-ci, sur les élections au sein des Premières Nations. Toutes ces mesures législatives comportent des dispositions indésirables qui compromettent et affaiblissent l'autonomie des Premières Nations.

Oui, peut-être y a-t-il une évolution. L'annonce que le premier ministre a faite à Lethbridge, il y a quelques semaines, à propos de la loi proposée sur l'éducation des Premières Nations, montre que le gouvernement est maintenant à l'écoute des préoccupations exprimées par les chefs des Premières Nations. Il s'est donc engagé à accroître le financement alloué aux Premières Nations d'ici deux ans et à confier à celles-ci la responsabilité de l'éducation de leurs membres. Voilà une bonne nouvelle.

Puisqu'il est question des rapports renouvelés qu'entretiennent le gouvernement du Canada et l'Assemblée des Premières Nations, j'espère que ces bonnes intentions demeureront et que le ministre acceptera de renoncer au pouvoir qui lui permet d'imposer le projet de loi C-9 à toute Première Nation en appliquant l'alinéa 3(1)b).

L'une des dernières choses qu'il importe à mon avis de mentionner au sujet de l'alinéa 3(1)b) et qui n'a pas été soulignée auparavant est le fait qu'il est très vague par comparaison à d'autres articles de la mesure législative qui, eux, sont très bien définis. Par exemple, les articles 30 à 35 du projet de loi C-9 portent sur la contestation d'une élection, situation qui pourrait sans aucun doute englober les conflits liés à la direction. Au total, six articles du projet de loi indiquent comment aborder les cas de contestation d'une élection. Cela diffère de façon marquée de l'alinéa 3(1)b), qui indique simplement que le ministre peut imposer cette mesure législative à une Première Nation en cas de conflit prolongé lié à la direction qui a sérieusement compromis la gouvernance.

Ces deux syntagmes extrêmement importants, soit « conflit prolongé lié à la direction » et « a sérieusement compromis la gouvernance », ne sont pas définis dans la mesure législative. On n'y trouve aucune définition expliquant plus clairement ce qu'on entend par là. En fait, tout cela est si vague que nous ne pouvons même pas être sûrs que le terme « conflit lié à la direction » désigne uniquement les conflits liés au résultat d'une élection, comme lorsqu'il n'y a que quelques voix de différence entre les candidats. Un « conflit lié à la direction » pourrait être interprété comme étant un conflit entre un chef et les membres du conseil et portant sur n'importe quel sujet.

Parallèlement, le syntagme « a sérieusement compromis la gouvernance » ouvre la porte à toutes sortes d'interprétations. En toute honnêteté, je ne sais même pas ce qu'il signifie. Comme je l'ai mentionné plus tôt dans mon discours, je crois qu'il peut être question ici d'une situation où une communauté est confrontée à un enjeu important, comme le développement des ressources sur ses terres, et essaie de prendre une décision en tenant compte des points de vue divergents.

Il n'y a pas non plus de règlement d'application énonçant les conditions dans lesquelles le ministre pourrait ordonner à une Première Nation de se conformer au projet de loi C-9. En outre, rien ne garantit qu'un tel règlement serait élaboré en collaboration avec les Premières Nations.

(1540)

Si on lit l'article 41, qui concerne le développement de la réglementation, on voit qu'il n'est nullement question de rédiger un règlement pour définir ou encadrer l'exercice du pouvoir prévu à l'alinéa 3(1)b). Il n'y a aucune garantie que l'on collaborera avec les Premières Nations, du genre de celle qui est établie dans la Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations. Dans ce texte de loi, un alinéa dans le préambule confirme l'engagement du gouvernement du Canada « à travailler avec les Premières Nations afin d'élaborer des propositions en vue de la prise de règlements en vertu de la présente loi ». Un alinéa semblable devrait figurer dans le projet de loi C-9.

Honorables sénateurs, étant donné la relation renouvelée entre le Canada et l'APN, j'espère que le Comité des peuples autochtones recommandera que les définitions des termes « conflit prolongé lié à la direction » et « gouvernance sérieusement compromise » soient intégrés au projet de loi, et que l'on décrive les situations où le ministre pourrait invoquer l'alinéa 3(1)b). Le ministre pourrait peut-être garantir qu'un tel règlement sera rédigé en collaboration avec l'APN en vertu de la sous-disposition 41i), qui prévoit la prise de règlements concernant « toute mesure d'ordre réglementaire prévue par la présente loi ».

Honorables sénateurs, bien que ce projet de loi soit en grande partie positif, l'inclusion de l'alinéa 3(1)b) sape ses bonnes intentions. Cette disposition donne au ministre le pouvoir vague et absolu d'ordonner à une Première Nation de se soumettre au projet de loi, ce qui en fait un anachronisme constitutionnel. Cette disposition contrevient aux droits inhérents des Premières Nations de se gouverner elles-mêmes.

Dans la nouvelle Loi sur l'intégrité des élections, accepteriez-vous une disposition qui donnerait au premier ministre le pouvoir de résoudre un conflit au sujet des élections fédérales? Non, bien sûr que non. Pourquoi alors accepterions-nous de donner au ministre des Affaires autochtones le pouvoir de régler un conflit au sujet des élections des Premières Nations? La situation est semblable. Si nous adoptons le projet de loi C-9 sans y apporter d'amendements, ce sera deux poids, deux mesures pour les élections des Premières Nations. Au Canada, une telle chose n'est pas acceptable, selon moi.

Permettez-moi de conclure en rappelant à tous les sénateurs qu'il y a près de quatre ans, en mai 2010, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones publiait un rapport intitulé Élections chez les Premières Nations : Une question de choix fondamental. Dans ce rapport, nous recommandions la création d'une commission électorale et d'appel des Premières Nations qui veillerait sur la capacité électorale des Premières Nations et offrirait un processus d'appel indépendant du ministre des Affaires autochtones.

Le ministre dit ne plus vouloir intervenir dans les élections au sein des Premières Nations. Dans ce cas, le plus simple serait de suivre la recommandation du rapport du Sénat. Dans les recommandations que nous avons présentées en 2012, nous préconisions la création d'une institution électorale autochtone, en indiquant que c'était une mesure à laquelle il fallait donner suite.

L'alinéa 3(1)b) permettant au ministre de continuer d'exercer un contrôle sur les collectivités des Premières Nations aux prises avec un conflit lié à la direction, quel qu'il soit, est inutile et injustifié.

Je n'appuie toujours pas le projet de loi sous sa forme actuelle, et je recommande vivement que nous tentions d'y apporter quelques amendements pour supprimer le pouvoir du ministre.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : La sénatrice Dyck accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Dyck : Oui.

La sénatrice Fraser : Je vous félicite et vous remercie de nous avoir livré un discours non seulement bien documenté, mais aussi extrêmement instructif. Je suis loin d'avoir fait autant de recherche que vous au sujet de ce projet de loi, et je ne sais donc pas si ma question est pertinente. Pouvez-vous me dire si le projet de loi comporte une disposition de non-dérogation?

La sénatrice Dyck : Non, il n'y a pas de disposition de non-dérogation. Je ne pense pas que ce genre de projet de loi en comporte. Souvent, au début, il y a une formule concernant le maintien des droits ancestraux. Je ne crois pas qu'il y a de mention à cet effet dans le projet de loi, et je n'ai pas d'exemplaire sous la main pour vérifier.

La sénatrice Fraser : Je soulève cette question parce que le sénateur Patterson nous a rappelé hier, dans le cadre de son éloquente intervention sur le sénateur Watt, l'importance que ce dernier accorde aux dispositions de non-dérogation. Au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel je siégeais autrefois, il nous avait tous persuadés que l'inclusion d'une telle disposition constituait une solution valable.

C'est une chose que nous devrions vérifier dans chaque projet de loi où l'inclusion d'une telle disposition pourrait être le moindrement pertinente. Si ce n'est pas le cas dans ce projet de loi, et que vous ne croyez pas que cette disposition soit nécessaire, je me fie à votre jugement.

La sénatrice Dyck : Ma mémoire peut me faire défaut.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l'honorable Tim McMillan, ministre responsable de l'Énergie et des Ressources dans la distinguée province de la Saskatchewan, qui est accompagné de son épouse, Ali.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'étude sur la situation économique et politique en Turquie

Adoption du deuxième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international et demande de réponse du gouvernement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l'honorable sénatrice Fortin-Duplessis, appuyée par l'honorable sénatrice Unger,

Que le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Jeter des ponts : les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel, présenté au Sénat le 28 novembre 2013, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre du Commerce international.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, vous vous souviendrez que, mardi dernier, j'ai exprimé le désir d'énoncer quelques points relativement au rapport d'un de nos collègues du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international sur les liens entre le Canada et la Turquie.

Mardi dernier, il a été fait mention du génocide arménien, reconnu par le Canada en 2004. Plusieurs pays de l'hémisphère Sud subissent encore des atrocités de masse; de plus, des éléments de génocide existent toujours. Comme vous le savez, le génocide au Darfour se poursuit, sous l'influence du gouvernement du Soudan.

(1550)

Un génocide est également en train de se former en République centrafricaine. Dans ce contexte, le dossier dans lequel la Turquie a été impliquée, ainsi que le sujet du génocide, devraient tout de même demeurer au premier plan de notre attention en tant qu'intervenant dans le dossier des droits de la personne et du droit international.

J'ai fait une lecture plus approfondie du rapport et j'aimerais soulever un point en particulier avant de revenir sur le sujet des atrocités de masse. Le rapport ne précise rien, au fond, concernant la sécurité. Dans un dossier impliquant un pays aux premières loges d'une situation absolument épouvantable au Moyen-Orient, il est difficile de comprendre qu'on ait à peine soulevé dans ce rapport le fait qu'il y ait des problèmes en Syrie, à savoir qu'ils ont au-delà de 600 000 réfugiés et qu'ils en sont soucieux, mais aussi qu'un pragmatisme est exercé par le gouvernement de la Turquie par rapport à ces problèmes et que ce dernier continue d'œuvrer pour son commerce, et ce, malgré les risques.

[Traduction]

Essentiellement, le rapport encourage le gouvernement à intensifier les relations bilatérales avec la Turquie, parce que c'est bon pour les affaires. C'est ce que préconisent les six recommandations du rapport, mais surtout cinq d'entre elles. L'argumentation est très détaillée. D'ailleurs, lors de sa visite en Turquie, le comité a rencontré plusieurs personnes du secteur du commerce et des représentants des ministères et des organisations concernés par cette question.

Cependant, parmi les témoins qui ont comparu devant le comité, à l'étranger ou au pays, aucun n'a parlé de la sécurité dans la région ni de l'incidence de cette question sur les relations bilatérales que le Canada pourrait entretenir avec la Turquie. Comme vous le savez, la Turquie se trouve dans une région extrêmement volatile où plusieurs États sont en déroute ou s'écroulent et où on assiste à des pertes massives de vies humaines.

La Syrie n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, et une situation similaire pourrait se produire aux confins de l'Afrique subsaharienne. En Syrie, au Mali, en République centrafricaine et ailleurs, des munitions ont été transportées par ceux qui menacent la sécurité de ces pays, d'abord lors du conflit en Libye, puis au cours du conflit en Syrie. Ces pays sont aux frontières de la Turquie.

Nous voulons faire des affaires avec la Turquie, mais le Canada serait-il prêt à entretenir des relations d'une autre nature avec elle? Je parle notamment de l'aider à atténuer les situations catastrophiques observées dans la région. Nos vastes capacités diplomatiques et militaires nous permettraient d'aider la Turquie, l'ONU ainsi que les autorités régionales à trouver des solutions en cas de situations catastrophiques comme celle qui touche la Syrie. Là-bas, c'est un facteur important, puisque ces situations peuvent déstabiliser la région et avoir des répercussions considérables sur le commerce. On ne peut pas faire des affaires quand une foule de personnes veulent détruire le pays ou mettre en place des éléments subversifs qui pourraient finir par le détruire.

Le rapport a touché au commerce et aux efforts bilatéraux sans vraiment tenir compte de la recommandation que l'on aurait pu faire voulant que le Canada joue un véritable rôle de puissance moyenne dans le monde afin d'exercer une influence considérable sur la région, notamment en appuyant un allié de l'OTAN. Je trouve cela plutôt intéressant.

Nous savons bien que la Turquie souhaite se joindre à l'Union européenne, et nous souhaitons le libre-échange. C'est une bonne décision commerciale et nous voulons l'appuyer. Il est intéressant de signaler, cependant, que la Turquie est elle aussi une alliée de l'OTAN, ce qui a créé certaines tensions par moments.

Voilà qui m'amène à un rapport de visite — pratiquement un rapport commercial — auquel j'ai participé il y a quelques années, lorsque nous envisagions la vente de systèmes de défense aérienne à la Grèce. On pourrait dire : « D'accord, cela a du sens; il est question de l'OTAN et de l'interopérabilité de l'OTAN. On comprend pourquoi elle voudrait acheter un système de défense; elle est située en plein dans la Méditerranée. » Cependant, lorsque nous avons analysé la situation, nous avons appris qu'elle était intéressée à l'acheter pour se protéger contre les avions turcs. Elle espérait pouvoir abattre des avions turcs qui volaient dans son espace aérien. Ce sont deux pays amis dans l'environnement de l'OTAN mais la friction, qui se manifeste notamment à Chypre, existe encore.

Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que la frontière avec la Turquie est maintenant menacée et d'importantes ressources y ont été affectées, dont des missiles Patriot. Quand on commence à placer des missiles Patriot, l'article 5 de la Convention de l'OTAN dit que quand un ami est en difficulté, on a tous l'obligation de lui venir en aide. Pourquoi n'avons-nous pas discuté de cet aspect de la question dans le rapport? Pourquoi n'avons-nous pas abordé la possibilité de venir en aide à la Turquie à cause de la catastrophe qui se déroule en Syrie? On aurait également pu parler de la proximité avec l'Irak, de la situation en Iran et des frontières qu'elle partage avec certaines des régions les plus volatiles du pays, et ainsi aller au-delà de la dimension commerciale.

Lorsqu'on parle d'affaires étrangères, tâchons de couvrir toutes les questions et de ne pas se limiter à parler du programme de développement international, qui est en expansion, et de la stabilité politique ou diplomatique dans le pays, malgré l'existence de certaines guerres intestines. On peut bien parler de la disposition du pays à faire affaire avec qui que ce soit et des efforts déployés dans ce sens, mais tâchons également de parler de sécurité. En ce qui me concerne, cela fait partie de l'exercice.

Je ne peux pas m'imaginer une politique étrangère dépourvue de certaines sections et recommandations sur la sécurité, particulièrement lorsqu'il est question d'un allié qui est sur les premières lignes dans l'une des régions les plus volatiles et catastrophiques au monde et qui est impliqué dans le conflit. Il est impliqué. C'est à la porte de ce pays. Pire encore, il doit faire affaire avec plein de gens qui viennent de Syrie, et ne parlons même pas de ce qui pourrait se passer si nous ne trouvons pas un moyen de remédier à la situation.

La Turquie a pris la décision d'appuyer les rebelles syriens, ce qui ne traduit pas nécessairement la volonté de tous les Turcs. Nous devrions en discuter. Nous devrions également nous servir de notre pouvoir d'influence pour aider un allié sur la ligne de front et, espérons-le, apporter de nouvelles solutions à une guerre civile tragique qui a fait plus de 130 000 victimes. On compte maintenant près de quatre millions de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Le Liban déborde de réfugiés. Cette situation pourrait éventuellement déstabiliser le pays, ce qui aurait évidemment des répercussions sur Israël.

(1600)

Il ne s'agit pas d'un simple spectacle de variétés. Je souscris entièrement à l'aspect commercial et au renforcement des liens économiques que nous entretenons avec la Turquie, mais je crois qu'on fait preuve d'étroitesse d'esprit — j'essaie de rester poli ici — si l'on n'envisage même pas une éventuelle recommandation de la part de l'une des principales puissances moyennes du monde.

Le Canada est l'un des 11 pays les plus puissants de la planète. On compte 193 nations. Il serait inconcevable que nous n'incluions pas l'aspect de la sécurité dans notre politique étrangère régissant nos échanges avec un allié qui se trouve actuellement aux premières lignes et qui pourrait nous entraîner — peut-être contre notre gré si nous n'avons pas débattu de la question — dans un déploiement en vertu de l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord.

Chers collègues, il s'agit d'un bon rapport, que je vais bien sûr appuyer. La portée en est toutefois limitée. C'est ce que je tiens à dire. Le rapport traduit en fait nos politiques en matière de développement international — notre politique étrangère — qui sont axées non pas sur l'aspect diplomatique et la présence du Canada sur la scène internationale, mais plutôt sur nos intérêts commerciaux. Comment continuer à faire jouer nos relations internationales en vue de favoriser nos intérêts nationaux?

Cela me ramène à la question du génocide. Il est évident que nous ne pouvons faire fi de l'histoire, pas plus que les communautés turques et arméniennes, mais je crois que... Puis-je avoir quelques minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dallaire : Je vous remercie. C'est très généreux de votre part.

Je crois qu'il convient également de souligner que le Canada a pris la bonne décision en reconnaissant que ce qui est arrivé aux Arméniens était un génocide. Nous espérons que nos amis de la Turquie seront un jour capables d'en venir à la même conclusion. En même temps, je constate qu'il y a de notre côté — je veux dire dans notre pays — des parlementaires qui veulent prévenir les atrocités de masse et les génocides.

Hier, par exemple, des sénateurs, notamment la sénatrice Fraser et les sénateurs Ngo et Meredith, se sont joints à la commémoration du génocide au Rwanda, Kwibuka20. Fait intéressant, l'événement a eu lieu au Musée canadien de la guerre, le seul endroit en ville qui pouvait l'accueillir. On y a commémoré le génocide d'il y a 20 ans. Quelques-uns d'entre vous ont également participé à la séance d'hier du Groupe parlementaire pour la prévention du génocide, qui accueillait le conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU pour la prévention du génocide. En plus de tenir des discussions sur le sujet, le groupe a assisté les Rwandais dans leur commémoration.

Je soulève la question parce que nous avons inventé une solution pour prévenir ce genre de chose. C'est à cela que je veux en venir en ce qui concerne la Turquie, son avenir et nos négociations bilatérales. Dans la foulée du massacre de 800 000 êtres humains, qui a aussi fait près de 4 millions de réfugiés et de personnes déplacées, nous avons inventé la « responsabilité de protéger ». En 2001, nous avons inventé le concept selon lequel la souveraineté n'est plus absolue, si bien que, si un gouvernement commet ou ne peut faire cesser des violations de masse des droits de la personne, nous avons le devoir d'intervenir et de protéger.

Étant donné le passé de l'Empire ottoman et de la Turquie, étant donné le massacre des Arméniens, que nous avons reconnu comme étant un génocide, et vu le fait que nous voulons prévenir le génocide, je crois que cela s'inscrit également dans notre politique étrangère de faire valoir que l'ONU et la communauté internationale se sont maintenant dotés d'outils de prévention. La Turquie est aux premières lignes dans ce qui risque de devenir un scénario-catastrophe, une situation qui aurait dû nous inciter à assumer notre responsabilité de protéger et à l'appuyer à ce chapitre.

Le rapport est bon. Il est simplement dommage qu'il n'aborde pas la dimension humanitaire. Il n'y est pas question des catastrophes humanitaires aux frontières de ce pays. Nous aurions pu vouloir suggérer au gouvernement d'examiner cette question. Pourquoi ne pas se comporter à l'égard de la Turquie comme un allié capable de trouver des solutions novatrices et de s'investir pour les mettre en œuvre plutôt que d'agir uniquement dans le sens de ses propres intérêts là-bas, c'est-à-dire rechercher la stabilité strictement dans le but d'améliorer les relations commerciales bilatérales?

J'ai l'intention de voter en faveur de ce rapport, mais je pense que c'est dommage. Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion modifiée est adoptée, et le rapport est adopté.)

Droits de la personne

Autorisation au comité d'étudier les mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l'honorable sénatrice Ringuette :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à étudier les mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières, notamment les efforts du Canada pour favoriser l'adhésion et la conformité universelles à la convention de La Haye sur l'enlèvement et renforcer la coopération avec les États non signataires, afin de défendre les intérêts des enfants;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2014.

L'honorable Daniel Lang : Chers collègues, je n'ai pas l'intention de m'étendre longuement sur le sujet, mais je vous rappellerais qu'il y a deux jours, nous avons débattu de la façon de présenter et de débattre cette motion visant à entreprendre une étude. Je voudrais simplement vous dire que, de mon point de vue, nous devrions être très prudents, lorsque nous présentons une motion de ce genre, de ne pas présumer des décisions qui seront prises par le comité de direction, puis, par le Comité de la régie interne, en particulier concernant les déplacements à l'étranger.

Il est très important que nous discutions des principes et des visées des études que nous envisageons d'entreprendre, mais il faut que toute étude soit approuvée dans le cadre du processus auquel les autres comités et présidents doivent habituellement se plier afin que ses auteurs justifient les coûts prévus.

Je crois que nous l'avons compris, et je crois surtout que nous devrions toujours garder cet élément à l'esprit lorsque le Sénat est saisi de motions semblables, afin que nous appliquions toujours les mêmes règles.

J'invite tous les sénateurs à voter en faveur de la motion afin qu'elle puisse être renvoyée au comité directeur, puis au Comité de la régie interne.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau, C.P.

Interpellation—Fin du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Martin, attirant l'attention du Sénat sur la carrière de l'honorable sénateur Comeau, C.P., au Sénat et les nombreuses contributions qu'il a faites aux Canadiens.

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, nous avons tous vu partir avec regret, il y a quelques semaines, un collègue qui était avec nous depuis très longtemps, et je parle de l'honorable Gerald Comeau, avec qui nous avons travaillé. Dans mon cas, c'est en me présentant au premier caucus progressiste-conservateur, en septembre 1984, que j'ai d'abord rencontré Gerald Comeau.

(1610)

Toute nouvelle dans le monde politique, et en écoutant parler tous ces nouveaux collègues — j'en connaissais très peu, sauf quelques nouveaux élus du Québec —, j'ai entendu quelqu'un d'autre parler français, avec ce bel accent d'Acadie. J'ai d'abord cru qu'il venait de la péninsule du Nouveau-Brunswick, mais, quand je lui ai posé la question, il m'a vite remise au bon endroit sur une carte géographique du Canada. Gerald Comeau venait de la Nouvelle-Écosse, il en était très fier, et avec raison.

Au cours des années, Gerald et moi avons travaillé ensemble souvent sur plusieurs dossiers touchant à la Francophonie. À mon arrivée au Sénat en 2005, nous nous sommes retrouvés. Il avait été nommé au Sénat plusieurs années plus tôt. Aussitôt assermentée, je m'étais jointe à nouveau à l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), au sein de laquelle j'avais même présidé la section canadienne, avant que je connaisse le sort réservé à bien des élus et que je perde mon siège de parlementaire.

Je me suis donc réinscrite à l'APF et j'ai été ravie d'apprendre que le sénateur Comeau siégeait au comité directeur. Nous avons donc renoué nos liens d'amitié et, au cours des années, il a été pour moi un conseiller chaleureux et très utile. Alors que l'alternance installée à l'APF a fait de moi sa présidente internationale en juillet dernier, Gerald Comeau me manque beaucoup.

En 2002, il a reçu l'Ordre de la Pléiade au grade de Chevalier. Lors de l'Assemblée générale de l'APF en juillet prochain, qui se tiendra ici à Ottawa, avec l'appui des membres du comité directeur de notre section, le sénateur Comeau se verra promu au grade d'Officier de l'Ordre de la Francophonie et du dialogue des cultures.

Je suis convaincue que vous vous joindrez à moi pour le remercier de tout ce qu'il a fait au cours de ses années de service. Merci de votre attention.

(Le débat est terminé.)

[Traduction]

L'ajournement

Adoption de la motion

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motion du gouvernement :

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5g) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 4 mars 2014, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 4 mars 2014, à 14 heures.)

ANNEXE

ALLOCUTION
de
Son Altesse l'Aga Khan
49e Imam héréditaire des musulmans chiites ismaéliens
devant les deux Chambres du Parlement
à la
Chambre des communes
à
Ottawa
Le jeudi 27 février 2014

Son Altesse l'Aga Khan est accueillie par le très honorable Stephen Harper, premier ministre du Canada, l'honorable Noël Kinsella, Président du Sénat, et l'honorable Andrew Scheer, Président de la Chambre des communes.

L'honorable Andrew Scheer (Président de la Chambre des communes) : J'invite maintenant le premier ministre à s'adresser aux deux Chambres du Parlement et à notre distingué invité.

[Français]

Le très Honorable Stephen Harper (premier ministre) : Monsieur le Président du Sénat, monsieur le Président de la Chambre des communes, mesdames et messieurs les parlementaires, distingués invités, mesdames et messieurs, j'ai le grand honneur d'accueillir au Parlement du Canada Son Altesse l'Aga Khan.

[Traduction]

Je suis aussi heureux de souligner la présence de membres de sa famille et de dirigeants ismailis, qui sont venus d'un peu partout au pays et dans le monde pour écouter l'adresse de Son Altesse au peuple canadien. Chers collègues, je vous prie de leur souhaiter la bienvenue.

Comme nous le savons tous, le Canada compte une communauté ismaili bien établie et en croissance rapide. Par conséquent, Son Altesse vient de plus en plus souvent au pays, où il est toujours accueilli à bras ouverts.

[Français]

En fait, Votre Altesse, vous n'êtes plus simplement un visiteur, vous êtes maintenant citoyen canadien à titre honorifique.

[Traduction]

Votre Altesse, je me souviens très bien du jour où vous avez accepté le titre de citoyen canadien honoraire, une distinction à laquelle tous les partis à la Chambre avaient donné leur aval.

Vous avez reçu ce titre à l'occasion de la cérémonie de fondation du Centre ismaili, ainsi que du musée et du parc Aga Khan, à Toronto. On me dit que les travaux de construction vont bon train et que le centre présentera bientôt des contributions islamiques à l'acquisition éclairée du savoir.

[Français]

Cette histoire cataloguée avec soin sera accessible à tous.

[Traduction]

Votre Altesse, je tiens à ce que vous le sachiez : vous êtes chez vous ici, au Canada.

[Français]

Dans quelques instants, Son Altesse nous fera part de quelques réflexions.

[Traduction]

Nous avons décidé de décerner à Son Altesse le titre de citoyen canadien honoraire pour reconnaître les valeurs que nous partageons et qui guident nos actions.

La quête d'humanitarisme, de pluralisme et de tolérance qui caractérise la vie de Son Altesse s'est traduite en gestes concrets.

[Français]

Par exemple, le Centre mondial du pluralisme, ici, à Ottawa, a été établi en partenariat avec notre gouvernement au tout début de notre mandat.

[Traduction]

Le Centre mondial du pluralisme de Son Altesse, à Ottawa, fait la promotion de la bonne gouvernance et intervient auprès de sociétés sur le point de sombrer dans une crise.

De même, par l'entremise du Réseau Aga Khan de développement, Son Altesse se voue sans relâche à des initiatives d'aide humanitaire et de développement en Afrique et en Asie, y compris en Afghanistan, où le réseau continue de travailler courageusement en partenariat avec le Canada pour contribuer à la sécurité du peuple afghan et à l'amélioration de sa qualité de vie.

Depuis des années, nous collaborons pour offrir une aide solide et authentique à certains des gens les plus démunis du monde. Ce travail se poursuit encore aujourd'hui. Par exemple, le gouvernement et le réseau travaillent de concert à la priorité en matière de développement que le Canada a accepté d'assumer lors du Sommet du G8 à Muskoka, soit la promotion de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants.

[Français]

La mort vaine, je dirais scandaleuse, de tant de femmes, de nourrissons et d'enfants dans des pays en développement est une tragédie sans nom à notre époque où le savoir médical est si étendu.

[Traduction]

Votre Altesse, dans le cadre de ces efforts, nous nous réjouissons d'avoir votre appui et le soutien de la Fondation Aga Khan Canada ainsi que du Réseau Aga Khan de développement.

[Français]

Les Canadiens et les Canadiennes ont le plus grand respect pour leur travail et votre leadership nous inspire l'espoir d'un monde meilleur.

[Traduction]

Messieurs les Présidents et mes chers collègues, les Canadiens sont plus forts lorsqu'ils ont l'appui de ceux qui partagent leurs valeurs.

[Français]

Aussi révérées soient-elles en Occident, les valeurs profondément ancrées ne sont pas l'apanage d'une seule culture.

[Traduction]

Ceux qui sont épris de liberté et de démocratie, qui aspirent à la paix, qui défendent les droits fondamentaux des êtres humains et qui, comme Son Altesse, partagent notre conviction que le pluralisme — qui reconnaît la diversité au sein d'un pays uni — est le fondement de toutes ces valeurs, sont nos amis.

Votre Altesse, nous nous sommes rencontrés à maintes occasions et, à l'instar de notre pays tout entier, je vous suis reconnaissant de vos conseils et de votre amitié.

[Français]

Il est devenu clair qu'il existe ce que j'ai qualifié, à une autre occasion, d'exquise symétrie entre vos valeurs et les valeurs canadiennes.

[Traduction]

Vous avez un jour dit que nous ne pouvons rendre le monde sûr pour la démocratie si nous ne le rendons pas aussi sûr pour la diversité. C'est ainsi que nous voyons les choses au Canada.

[Français]

Effectivement, c'est dans cet esprit, et en étant convaincu que la liberté de religion et la liberté de conscience sont les fondements de nos libertés, que l'an dernier, notre gouvernement a établi le Bureau de la liberté de religion du Canada.

[Traduction]

Votre Altesse, vu la profondeur de notre relation, le gouvernement du Canada et l'imamat tireraient tous deux parti d'un dialogue constant et posé.

[Français]

J'ai donc le plaisir d'annoncer qu'à la conclusion de ce processus, l'imamat et le gouvernement du Canada signeront un protocole d'entente dans le prolongement de notre vaste relation historique.

[Traduction]

Par conséquent, je suis ravi d'annoncer que, à la fin de la séance, l'imamat et le gouvernement du Canada signeront un protocole d'entente dans le prolongement de notre vaste relation historique.

Pour conclure, Votre Altesse, je vais revenir sur le sujet de la communauté ismaili au Canada. Des ismailis sans le sou originaires de l'Ouganda ont trouvé refuge dans notre pays il y a plus de 40 ans dans l'espoir de commencer une vie nouvelle. Depuis lors, l'histoire de l'immigration des ismailis au Canada est l'une des plus réussies que notre pays ait connues.

[Français]

Votre Altesse, la prospérité de vos fidèles, leur intégration harmonieuse à la société canadienne et le respect qu'ils ont inspiré pourraient être considérés comme un hommage à la manière d'être pluraliste au Canada. C'est le cas dans une mesure considérable.

[Traduction]

L'autosuffisance et la volonté d'améliorer le sort d'autrui et du Canada qui caractérisent les ismailis sont à l'image de vos enseignements. Votre Altesse, nous avons tous été ravis lorsque vous avez invité vos fidèles à faire du Canada leur patrie. Vous devez être très fiers d'eux. Nous le sommes tous.

[Français]

Maintenant, monsieur le Président, mesdames et messieurs les parlementaires, veuillez vous joindre à moi pour accueillir un grand ami et partenaire du Canada, Son Altesse l'Aga Khan.

[Traduction]

S.A. Aga Khan (49e imam héréditaire des musulmans chiites ismaéliens) : Bismillahir Rahmanir Raheem.

Monsieur le premier ministre, monsieur le Président Kinsella, monsieur le Président Scheer, honorables sénateurs, honorables députés, madame la juge en chef du Canada, chers membres de la communauté diplomatique, distingués invités, mesdames et messieurs, je remercie le premier ministre de m'avoir présenté de façon aussi généreuse. Je lui suis très reconnaissant de m'avoir invité ici. Je me réjouis de notre association et je suis très heureux qu'il ait permis aux principaux représentants de notre communauté et de diverses institutions du monde entier de se joindre à nous. Monsieur le premier ministre, je vous remercie.

Je me réjouis que les chefs de la communauté ismaili puissent avoir l'occasion de constater par eux-mêmes les raisons pour lesquelles le Canada est un chef de file au sein de la communauté des nations. Je tiens aussi à vous remercier, monsieur le premier ministre, de m'avoir invité à devenir citoyen honoraire de votre pays.

J'aimerais féliciter les membres de vos excellentes équipes de hockey, qui ont toutes deux remporté l'or à Sotchi. Comme j'ai moi-même déjà joué au hockey, j'espérais que vous demanderiez à vos citoyens honoraires de devenir membres de l'équipe. Je suis convaincu que le dalaï-lama et moi aurions été excellents à la défense.

[Français]

Je vous remercie encore, monsieur le premier ministre, de votre invitation.

Je ressens cet instant comme un honneur sans précédent. C'est à la fois un sentiment intime et une perception objective, puisque l'on m'a rapporté que c'est la première fois depuis 75 ans qu'un chef spirituel s'adresse au Sénat et à la Chambre des communes réunis dans le cadre d'une visite officielle.

C'est donc avec humilité, et conscient d'une éminente responsabilité, que je m'adresse à vous, représentants élus du Parlement fédéral canadien, en présence des plus hautes autorités du gouvernement fédéral.

J'ai le grand privilège de représenter ici l'imamat ismaili, cette institution qui, au-delà des frontières, et depuis plus de 1 400 ans, se définit, et est reconnue par un nombre croissant d'États, comme la succession des imams chiites imamites ismailis.

Quarante-neuvième imam de cette longue histoire, je porte depuis plus de 50 ans deux responsabilités inséparables : veiller au devenir spirituel des ismailis ainsi que, concomitamment, à l'amélioration de leur qualité de vie et de celle des populations au sein desquelles ils vivent.

Même s'il fut une époque où les imams ismailis étaient aussi califes, c'est-à-dire chefs d'État — par exemple, en Égypte, à l'époque fatimide —, ma fonction est aujourd'hui apolitique, tout ismaili étant avant tout un citoyen ou une citoyenne de son pays de naissance ou d'adoption.

Le champ d'action de l'imamat ismaili est pourtant considérablement plus important qu'à cette époque lointaine, puisqu'il déploie aujourd'hui ses activités dans de nombreuses régions du monde. C'est dans ce cadre que j'évoquerai successivement devant vous quelques réflexions qui me paraissent dignes de vous être présentées.

[Traduction]

Aujourd'hui, j'ai l'intention de vous parler un peu de moi et de mon rôle, puis de ce que nous appelons l'umma, c'est-à-dire l'ensemble des communautés musulmanes du monde entier.

À titre de chef spirituel, je vais d'abord vous parler de la crise de gouvernance qui secoue aujourd'hui une bonne partie du monde. Je terminerai en vous faisant part de mes observations sur les valeurs qui pourraient aider les pays en crise à devenir des pays offrant des possibilités, de même que sur les mesures que le Canada pourrait prendre pour établir un tel processus.

Je vais commencer par faire un bref commentaire personnel.

Je suis né dans une famille musulmane, liée par hérédité au Prophète Mahomet. Que la paix soit avec lui et sa famille.

J'ai fait mes études selon les traditions islamiques et occidentales. J'ai étudié à Harvard il y a environ 50 ans — 56 ans pour être plus précis — et c'est à cette époque que je suis devenu l'imam héréditaire des musulmans chiites imamites ismailis. L'imamat ismaili est une entité supranationale, qui représente les imams qui se sont succédé après le Prophète. Je tiens à fournir des précisions au sujet de l'histoire de ce rôle, tant en ce qui concerne l'interprétation sunnite que l'interprétation chiite de la foi musulmane.

D'après les sunnites, le Prophète n'a pas nommé de successeur et l'autorité morale et spirituelle appartient donc à ceux qui connaissent bien la loi religieuse. Il s'ensuit qu'il peut y avoir en même temps, au même endroit, de nombreux imams sunnites. D'autres croient que le Prophète a désigné son cousin et gendre Ali pour lui succéder. De cette première division sont nées de multiples autres distinctions, mais la question du leadership légitime demeure primordiale. Ultérieurement, les chiites se sont divisés, eux aussi, sur ces questions, de sorte que les ismailis forment aujourd'hui la seule communauté chiite à avoir été dirigée tout au long de l'histoire par un imam descendant directement du Prophète.

Le rôle de l'imam ismaili se limite au plan spirituel. Son autorité se rapporte à l'interprétation religieuse et n'a rien à voir avec la politique. Je ne gouverne aucun territoire. Par ailleurs, selon l'islam, l'univers spirituel et le monde matériel sont fondamentalement indissociables. La foi ne soustrait pas les musulmans ou leurs imams aux réalités quotidiennes de la vie familiale, professionnelle et communautaire. C'est plutôt une force qui devrait nous amener à nous soucier davantage du monde dans lequel nous vivons, à vouloir relever les défis qu'il présente et à tâcher d'améliorer la qualité de la vie humaine. Si je consacre une bonne partie de mon attention au travail du Réseau Aga Khan de développement, c'est parce que je suis convaincu que la foi et le monde ne font qu'un.

En 1957, quand j'ai succédé à mon grand-père comme imam, la communauté ismaili vivait en majeure partie dans des colonies et d'ex-colonies françaises, belges et britanniques ou derrière le rideau de fer. C'est une communauté encore très diversifiée sur les plans ethnique, linguistique, culturel et géographique. Ses membres continuent de vivre surtout dans le monde en développement, bien qu'ils soient maintenant de plus en plus nombreux en Europe et en Amérique du Nord.

Avant 1957, les diverses communautés ismailis avaient leurs propres institutions socioéconomiques quand c'était permis. Elles ne voulaient nullement occuper le devant de la scène nationale et envisageaient encore moins de mener leurs activités outre-frontières.

Aujourd'hui, cependant, les choses ont changé, et le Réseau Aga Khan de développement est présent et actif dans plusieurs dizaines de pays, où il s'occupe également de coordination à l'échelle régionale. Le réseau est composé d'une foule d'organismes non gouvernementaux et non confessionnels qui se chargent des nombreuses responsabilités de l'imamat. Il est actif dans plusieurs domaines, comme le développement économique, l'emploi, l'éducation, la santé et les initiatives culturelles de grande envergure.

La plupart des activités du réseau prennent racine parmi la population des pays en développement, dont elles reflètent les aspirations et la fragilité. Nul besoin de préciser qu'au fil de ans, le paysage s'est transformé radicalement : de nouveaux États ont vu le jour, comme le Bangladesh; le monde a connu les horreurs du nettoyage ethnique, comme en Ouganda; l'empire soviétique s'est effondré; et nous avons assisté à l'émergence de nouveaux pays à forte concentration ismaili, comme le Tadjikistan. Plus récemment, il y a aussi eu les conflits en Afghanistan et en Syrie. Malgré tout, les peuples ismailis ont fait montre d'une persévérance et d'une résilience incroyables.

Notre travail, qui s'est toujours articulé autour de la population, repose sur un principe islamique millénaire dont les buts ont une résonance universelle : élimination de la pauvreté, accès à l'éducation, paix sociale et pluralisme. L'objectif fondamental du réseau est simple : améliorer la condition humaine.

Les membres de la race humaine ont en commun une troisième aspiration : l'espoir d'une vie meilleure. J'ai été frappé il y a quelques années d'apprendre, en lisant une enquête menée par le Programme des Nations Unies pour le développement auprès de 18 États d'Amérique du Sud, que la majorité des gens s'intéressaient moins à leur régime gouvernemental qu'à leur qualité de vie. Pour la majorité des répondants, un gouvernement autocratique qui réussirait à hausser le niveau de vie de la population paraissait plus acceptable qu'un gouvernement démocratique inefficace. Le fait que je cite cette étude n'enlève évidemment rien au respect que m'inspirent les institutions gouvernementales au succès avéré, y compris un certain nombre de Parlements éminemment distingués.

Derrière la grande instabilité du monde d'aujourd'hui se cache une triste réalité : les gouvernements semblent incapables de surmonter tous ces obstacles. En revanche, parmi les pays qui s'emploient à faire bouger les choses, le Canada brille par son exemple.

Permettez-moi de donner quelques exemples de ce qu'en un quart de siècle de collaboration, le Réseau Aga Khan de développement et le Canada ont pu accomplir. Parmi nos plus anciennes réalisations figure la mise sur pied de la première école privée de sciences infirmières du Pakistan, en collaboration avec l'Université McMaster et ce qui s'appelait à l'époque l'ACDI. L'ouverture de cette école — le premier établissement de ce qui allait devenir l'Université Aga Khan et le premier établissement privé du Pakistan — a eu un retentissement énorme. Parmi tous ceux qui dirigent aujourd'hui des programmes de soins infirmiers dans les hôpitaux du Pakistan ou de la région, beaucoup y ont fait leurs études.

Le Canada fut aussi l'un des premiers pays à contribuer financièrement au Programme de développement rural Aga Khan dans le Nord du Pakistan, lequel a permis de tripler le revenu des habitants de cette région éloignée et marginalisée. L'approche élaborée dans cette région a façonné nos partenariats au Tadjikistan, en Afghanistan, au Kenya et au Mozambique.

Le Canada a aussi contribué à la création de l'Institut pour le développement de l'éducation de l'Université Aga Khan à Karachi et en Afrique de l'Est, ainsi qu'à la mise en œuvre d'autres initiatives en matière d'éducation au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda, au Mozambique, en Afghanistan, au Tadjikistan et au Pakistan, où des travaux innovateurs ont été accomplis dans le domaine du développement de la petite enfance.

Soulignons aussi les liens étroits que nous entretenons avec les universités canadiennes telles McMaster, McGill, l'Université de Toronto et l'Université de l'Alberta à l'appui de nos propres établissements d'enseignement supérieur, soit l'Université Aga Khan et l'Université d'Asie centrale. Cette dernière institution a été créée grâce à un traité tripartite que l'imamat a conclu avec les gouvernements du Kazakhstan, du Kirghizistan et du Tadjikistan. Ses portes sont ouvertes aux 22 millions de personnes qui habitent dans les collines et les hautes montagnes d'Asie centrale, régions pauvres et particulièrement vulnérables aux activités sismiques.

Je pourrais donner bien d'autres exemples de développement culturel et de recherches scientifiques. Nous sommes particulièrement fiers du Centre mondial du pluralisme à Ottawa; il s'agit d'une initiative conjointe entre l'imamat et le gouvernement canadien.

Dans à peine trois ans, le Canada fêtera son 150e anniversaire, et le monde entier sera prêt à célébrer avec vous. Le centre mondial a justement comme mission première de partager l'histoire résolument pluraliste du Canada, et 2017 sera le moment tout indiqué pour le faire. En 2017, le centre sera possiblement déjà installé dans ses nouveaux locaux, soit l'ancien Musée de la guerre sur la promenade Sussex, et les célébrations nous pousseront peut-être, nos voisins et nous, à mettre en valeur les berges près de cet édifice.

Notre partenariat avec le Canada a bien entendu été grandement renforcé par la grande communauté ismaili qui a fait du Canada son pays depuis plus de quatre décennies. À l'instar des autres communautés dont les membres sont répartis aux quatre coins du monde, les ismailis ont une histoire plurielle, mais notre expérience au Canada a certainement été enrichissante. Je me souviens avec joie de l'établissement de la délégation de l'imamat ismaili ici en 2008; le premier ministre, ce jour-là, avait dit que notre collaboration allait faire du Canada « le siège des efforts mondiaux déployés pour favoriser la paix, la prospérité et l'égalité par le pluralisme ». Nous sommes très heureux de signer aujourd'hui une nouvelle entente avec votre gouvernement afin de renforcer cette collaboration.

Lorsque nous essayons de voir ce que les 25 prochaines années du Réseau Aga Khan de développement nous réservent, nous croyons que notre présence permanente dans les pays en développement fera de nous un partenaire fiable, surtout en matière de planification, ce qui se révèle toujours un énorme défi. Sur cette toile de fond, passons à la scène internationale, notamment le rôle des relations entre les pays et les cultures islamiques — ce que nous appelons umma — et les sociétés non islamiques. Ces relations façonnent notre monde à l'heure actuelle.

J'aimerais tout d'abord m'attarder sur un aspect central et fondamental de l'umma, un aspect rarement vu ailleurs, soit son immense diversité. La démographie musulmane a connu une expansion phénoménale au cours des dernières années. De nos jours, les musulmans ont des opinions très divergentes sur plusieurs sujets. Il faut savoir, par exemple, qu'il n'existe pas de point de vue commun, d'opinion généralisée à propos de l'Occident. Certaines personnes aiment parler du choc inévitable qui oppose l'Occident industrialisé aux civilisations islamiques. Mais ce n'est pas ainsi que les musulmans voient les choses.

Seule une petite minorité d'extrémistes adhèrent à ce point de vue, par leurs paroles ou leurs gestes. La plupart d'entre nous ne partageons tout simplement pas leur avis. En réalité, il existe très peu de points de friction entre nos interprétations théologiques et les autres fois abrahamiques que sont le christianisme et le judaïsme. Au contraire, à bien des égards, nous sommes en profonde harmonie.

Les conflits de l'ère moderne ont souvent trouvé leur source dans un contexte politique particulier ou dans les hauts et les bas de nos relations et de nos ambitions économiques, plutôt que dans une profonde division théologique. Des éléments considérés extrêmement anormaux dans le monde islamique sont malheureusement perçus comme représentatifs de l'ensemble.

Il faut dire qu'au cours des dernières années, les perceptions véhiculées dans les médias s'inscrivaient souvent dans un contexte de guerre. Dans cette optique, il est d'autant plus important de ramener la conversation internationale dans une direction mieux éclairée. Je suis conscient des efforts que le premier ministre a faits en ce sens. Je vous en remercie, monsieur le premier ministre.

La complexité de l'umma remonte à une époque lointaine. Certains des chapitres les plus glorieux de l'histoire islamique s'appuyaient délibérément sur les principes de l'inclusivité. La politique d'État voulait que la quête d'excellence passe par le pluralisme. Les choses se passaient ainsi à l'époque des Abbassides de Bagdad et des Fatimides du Caire, il y a plus de 1 000 ans. Elles se passaient ainsi en Afghanistan, à Tombouctou au Mali, puis plus tard chez les Safavides en Iran, les Moghols en Inde, les Ouzbeks à Boukhara, et les Ottomans en Turquie. Du VIe au XVIIIe siècles, Al-Andalus a prospéré dans la péninsule ibérique sous l'égide des musulmans, tout en accueillant à bras ouverts les chrétiens et les juifs.

De nos jours, ces traditions islamiques sont en grande partie tombées dans l'oubli et demeurent peu connues des musulmans comme des non-musulmans. Le Trust Aga Khan pour la culture, qui comprend notamment un prix d'architecture et un programme consacré aux villes historiques, a pour but de faire connaître cet héritage d'inclusion. À cela s'ajoute l'ouverture prochaine du musée Aga Khan de Toronto, qui témoignera, en sol canadien, de l'immense diversité de la culture islamique.

Le conflit entre l'interprétation sunnite et l'interprétation chiite de l'islam, ainsi que ses conséquences pour les peuples sunnite et chiite, constitue peut-être la plus grande source d'incompréhension à l'extérieur de l'umma. Cette tension aiguë est parfois encore plus profonde que celle entre les musulmans et les pratiquants d'autres religions. L'ampleur et l'intensité de cette tension ont augmenté considérablement ces derniers temps, et les interventions extérieures n'ont fait qu'empirer les choses. Au Pakistan et en Malaisie, en Irak, en Syrie, au Liban, à Bahreïn, au Yémen, en Somalie et en Afghanistan, la situation est en train de tourner au désastre.

Il est donc important pour les non-musulmans qui traitent avec l'umma de communiquer tant avec les sunnites qu'avec les chiites. Faire fi de cette réalité équivaudrait à ignorer qu'il existe des différences entre les catholiques et les protestants depuis plusieurs siècles, ou à tenter de résoudre la guerre civile en Irlande du Nord sans rallier les deux communautés chrétiennes.

Quelles auraient été les conséquences si le conflit entre les protestants et les catholiques en Irlande s'était répandu dans l'ensemble du monde chrétien, comme c'est le cas actuellement de l'antagonisme sunnite-chiite dans plus de neuf pays? Il est primordial que nous comprenions ces dangereuses tendances et que nous y résistions, et que la légitimité fondamentale de visions plurielles soit respectée dans tous les aspects de nos vies, y compris celui de la religion.

[Français]

Permettez-moi à ce point de mon discours, de m'adresser à vous à nouveau en français.

Je viens d'évoquer les incompréhensions entre le monde industrialisé et le monde musulman, et les oppositions qui flétrissent indûment les relations entre les grandes traditions de l'islam. Pourtant, le cœur, la raison et, pour ceux qui en sont animés, la foi, nous disent qu'une plus grande harmonie est possible.

De fait, des évolutions récentes nous donnent une ouverture. Parmi ces évolutions, je voudrais dire combien la démarche constitutionnaliste est importante pour corriger l'inadéquation de nombreuses Constitutions existantes avec l'évolution des sociétés, notamment lorsqu'elles sont en développement. C'est un sujet essentiel que les devoirs de ma charge m'interdisent d'ignorer.

Vous serez peut-être surpris d'apprendre que 37 pays du monde ont adopté une nouvelle Constitution dans les dernières 10 années, et que 12 sont en phase avancée de modernisation de la leur, soit un total de 49 pays. Dit autrement, ce mouvement concerne un quart des États membres des Nations Unies. Sur ce total de 49 pays, 25 % sont des pays à majorité musulmane. Ceci montre qu'aujourd'hui la revendication par les sociétés civiles de structures constitutionnelles nouvelles est devenu incontournable.

Je voudrais ici m'arrêter un instant pour souligner une difficulté particulière du monde musulman. Là, les partis religieux sont structurellement porteurs du principe de l'inséparabilité de la religion et de la vie de la cité. La conséquence en est que lorsqu'ils négocient les termes d'une Constitution avec des interlocuteurs qui revendiquent la séparation entre État et religion, le consensus sur la loi suprême est d'évidence difficile à atteindre.

Cependant, un pays vient de nous faire la démonstration que cela est possible, la République tunisienne. Ce n'est pas le lieu de commenter par le menu sa nouvelle Constitution. Disons toutefois qu'elle est la résultante d'un débat pluraliste assumé et qu'elle semble contenir les règles nécessaires pour assurer le respect mutuel entre les composantes de la société civile. Ceci se traduit en particulier par une appropriation de la notion de coalition, que ce soit au niveau électoral ou gouvernemental. Il s'agit là d'une grande avancée pour l'expression de ce pluralisme accepté que le Canada et l'imamat ismaili appellent de leurs vœux.

Remarquons enfin une conséquence que cette évolution laisse espérer. Le forum des débats et conflits inhérent à toute société pluraliste n'est plus la rue ou la place, mais la cour constitutionnelle d'un État de droit. Outre le génie propre des constitutionnalistes tunisiens, les travaux préparatoires ont été l'occasion de consultations de droit constitutionnel comparé.

Je voudrais saluer, en particulier, le rôle des juristes portugais, citoyens d'un pays pour lequel j'ai beaucoup de considération et qui, comme le Canada, a développé une civilisation du respect mutuel entre communautés et d'ouverture aux religions.

Je fais référence ici à la loi à dimension concordataire qui régit les relations entre la République portugaise et l'imamat ismaili depuis 2010. Devant votre très honorable assemblée, je suis heureux d'ajouter que cette loi, votée à l'unanimité, prend acte de la qualité d'entité supranationale de l'imamat ismaili.

Pour conclure sur la Constitution tunisienne, M. François Hollande, président de la République française, a dit, à Tunis :

[...] ce qui fait l'originalité de votre révolution, et même de votre Constitution, c'est le rôle de la société civile.

[Traduction]

Il est clair que la voix la plus influente en Tunisie est celle de la société civile. Par société civile, j'entends toute une variété d'institutions privées sans but lucratif qui ont pour objectif l'intérêt public. Elles se consacrent à l'éducation et à la culture, à la science et à la recherche, ainsi qu'à des préoccupations liées au commerce, au travail, à l'ethnicité et à la religion. Elles comprennent également les sociétés professionnelles d'avocats, de comptables, de banquiers, d'ingénieurs et de médecins. La société civile englobe aussi les groupes qui se dévouent à la promotion de la santé et de la sécurité et celle de l'environnement, ainsi que les organisations des domaines humanitaire, artistique et médiatique.

Dans notre poursuite du progrès, nous avons parfois tendance à nous concentrer uniquement sur le milieu politique et le gouvernement, ou sur les institutions à but lucratif du secteur privé. Il ne fait aucun doute que les deux milieux ont un rôle à jouer, mais, à mon avis, le monde devrait accorder plus d'attention — beaucoup, beaucoup plus d'attention — au rôle potentiel de la société civile. Nous pouvons constater son expansion en plusieurs endroits, de l'Afrique subsaharienne à la Tunisie et à l'Égypte, de l'Iran au Bangladesh.

Il y a quelques années, alors que le Kenya courait de graves dangers à l'aube d'une guerre civile, l'ancien secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a mené le pays vers une solution pacifique. Cette dernière dépendait en grande partie de la force de la société civile kényane.

Je crois que les voix de la société civile sont de plus en plus les voix du changement, là où le changement tarde à venir depuis trop longtemps. Ce sont les voix de l'espoir pour ceux qui vivent dans la peur. Ce sont des voix capables de transformer des pays en crise en pays d'avenir. La culture de la peur sévit dans de trop nombreuses sociétés, où les gens sont condamnés à une vie de pauvreté. Remplacer la peur par l'espoir sera un grand pas vers l'élimination de la pauvreté et, souvent, l'appel à remplacer la peur par l'espoir viendra de la société civile. Une société civile active peut ouvrir la porte à une énorme variété d'énergies et de talents en provenance d'une vaste gamme d'organisations et de personnes. C'est l'avènement de la diversité et de la pluralité.

Je crois que le Canada possède la capacité unique de structurer et d'illustrer les trois valeurs fondamentales auxquelles une société civile de qualité doit adhérer : le pluralisme, la méritocratie et l'éthique cosmopolite.

L'éthique cosmopolite intègre harmonieusement la complexité des sociétés humaines. Elle cherche le juste équilibre entre les droits et les obligations, entre la liberté et les responsabilités. C'est une éthique pour tous les gens, qu'ils nous soient familiers ou qu'ils fassent partie des autres, qu'ils vivent tout près où à l'autre bout du monde.

Le Réseau Aga Khan de développement œuvre depuis plus de 50 ans pour favoriser l'amélioration de la société civile et, alors que nous nous tournons vers l'avenir, nous sommes honorés que le Canada nous considère comme un partenaire de choix. Merci, monsieur le premier ministre.

L'une des clés de la réussite du Canada dans l'édification d'une société civile méritocratique est le principe voulant qu'un gouvernement démocratique ne suffise pas pour constituer une société démocratique. Je suis impressionné par les études récentes qui montrent que le Canada est l'un des endroits au monde ou il y a le plus d'activité dans le secteur du bénévolat et des organismes sans but lucratif. L'esprit du Canada est marqué du sceau d'un principe cher à la culture ismaili chiite : l'importance de consacrer volontairement son énergie personnelle à l'amélioration de la vie des autres. Ce n'est pas une affaire de philanthropie, mais bien d'accomplissement constructif de soi.

Il y a six ans, à l'occasion du 50e anniversaire de mon accession au titre d'Aga Khan, des ismailis de partout dans le monde m'ont offert volontairement des dons. Il est important de souligner qu'il ne s'agissait pas seulement de dons matériels, mais également de temps et de savoir contribuant à notre travail. Nous avons établi un cadre pour les dons de temps et de savoir. Il s'agit d'un processus structuré pour mettre à profit un bassin immense d'expertise impliquant des dizaines de milliers de bénévoles. Cet afflux de générosité a amené nombre d'entre eux à se rendre dans des pays en voie de développement. Un tiers de ces personnes sont des Canadiens. Leur apport est énorme. Ils nous aident à adopter des pratiques exemplaires dans nos établissements et nos programmes, ce qui fait de nous, espérons-le, un partenaire encore meilleur pour le Canada.

De tels efforts engendrent d'excellents résultats lorsque de multiples apports peuvent être judicieusement mis à contribution pour répondre à de multiples besoins. C'est pourquoi l'immense diversité économique du Canada constitue une ressource inestimable dans le monde.

La société civile canadienne a une qualité fondamentale : elle mise sur l'éducation. Les recherches montrent que les étudiants canadiens, qu'ils soient nés ici ou à l'étranger, excellent et se classent parmi les meilleurs étudiants du monde entier. En outre, plus de 45 % des Canadiens qui sont nés à l'étranger ont un diplôme d'études tertiaires. Ce bilan en matière d'éducation interpelle vivement les chiites ismailis, qui croient à la puissance transformatrice de l'intelligence humaine, une conviction que souligne l'engagement considérable du Réseau Aga Khan de développement dans le domaine de l'éducation. Cet engagement se manifeste partout où notre réseau est présent et il ne se concrétise pas seulement par l'enseignement de la foi chiite ismaili, mais aussi par l'enseignement de ce qui est important pour le monde. Pour ce faire, nous nous occupons de l'éducation à tous les niveaux.

L'Université Aga Khan, qui est présente à Karachi et dans l'Afrique de l'Est, prend de l'expansion. En collaboration avec plusieurs universités canadiennes, elle fondera une nouvelle faculté des arts libéraux et huit nouveaux établissements d'enseignement supérieur.

Nous partageons le même intérêt que le Canada pour les possibilités qu'offre l'éducation préscolaire. Je vous félicite, monsieur le premier ministre, de votre initiative à cet égard. La petite enfance est la période où le cerveau se développe le plus rapidement. L'éducation préscolaire est l'une des façons les plus efficientes d'améliorer la qualité de vie des populations rurales et urbaines. Permettez-moi de saluer le regretté Dr Fraser Mustard, dont les travaux sur la petite enfance auront des répercussions sur des millions de gens dans le monde. Le Réseau Aga Khan de développement a eu la chance de pouvoir s'inspirer des travaux de ce grand scientifique et humaniste canadien et d'être conseillé par lui.

Une éducation de qualité est essentielle au développement d'une société civile méritocratique et donc au développement d'approches pluralistes. À cet égard, l'histoire du Canada est très instructive, notamment lorsqu'on examine la longue évolution des processus qui, de fil en aiguille, ont permis de bâtir des sociétés civiles de qualité et des cultures vouées au pluralisme. L'un des mots d'ordre de notre nouveau Centre mondial du pluralisme veut que le pluralisme soit considéré non pas comme un résultat mais comme une approche. Je sais que bien des Canadiens décriraient leur propre pluralisme comme une œuvre en constante évolution, mais c'est également un atout immensément précieux pour le monde entier.

Demandons-nous, enfin, ce qu'une société civile de qualité exigera de nous.

Malheureusement, le monde se pluralise sur le plan factuel, mais pas nécessairement sur le plan spirituel. Les tendances cosmopolites de la société n'ont pas encore été accompagnées d'une éthique cosmopolite. Dans bien des pays, y compris la République centrafricaine, le Soudan du Sud, le Nigeria, le Myanmar et les Philippines, on semble être aux prises avec une dure réalité, c'est-à-dire la montée de l'hostilité religieuse et de l'intolérance entre les grands groupes religieux et au sein même de ces groupes.

Encore une fois, le Canada a pris des mesures importantes, notamment en établissant, il y a un an à peine, le Bureau de la liberté de religion. À l'instar du Centre mondial du pluralisme, ce Bureau doit relever des défis énormes; sa contribution sera chaudement accueillie. Cet organisme sera certainement un bon modèle pour d'autres pays.

En résumé, je crois que la société civile est l'une des plus grandes forces de notre époque, que sa portée sera de plus en plus universelle, qu'elle gagnera d'autres pays, et qu'elle pourra influencer, refaçonner et parfois même remplacer des régimes inefficaces. Je crois également que, partout dans le monde, la société civile devrait être encouragée avec ardeur et entretenue avec sagesse par ceux qui l'ont le mieux soutenue, et le Canada en est le meilleur exemple.

Je remercie infiniment le premier ministre, ainsi que vous tous, de m'avoir permis d'aborder, sous l'angle de la foi, certaines de mes préoccupations pour l'avenir. J'espère avoir réussi à vous expliquer pourquoi je suis convaincu que le développement humain passe par un partenariat mondial.

J'aimerais conclure avec une réflexion personnelle. Vos rapports avec vous-même et votre prochain seront fondés sur certains principes. Ma vie a été influencée de manière essentielle par un verset du saint Coran qui s'adresse à l'humanité entière.

Il dit ceci : « Ô hommes! Craignez votre Seigneur qui vous a créés d'un seul être et qui, ayant tiré de celui-ci son épouse, fit naître de ce couple tant d'êtres humains, hommes et femmes! » Je ne connais rien qui exprime plus merveilleusement l'unité de la race humaine, qui est bien née d'un seul être.

Merci.

L'honorable Noël A. Kinsella (Président du Sénat) : Votre Altesse, monsieur le premier ministre, monsieur le Président Scheer, honorables sénateurs et députés, distingués invités, mesdames et messieurs.

Au nom de toutes les personnes réunies ici aujourd'hui à cette séance conjointe du Parlement du Canada, j'aimerais remercier Votre Altesse du discours empreint de sagesse que vous avez prononcé au Parlement ce matin.

Votre Altesse, votre vision et votre leadership nous inspirent tous à poursuivre nos interventions humanitaires à la grandeur du village global. Vos paroles d'aujourd'hui font comprendre aux Canadiens l'importance du travail humanitaire que nous porte à assumer la vocation nationale de notre société compatissante et généreuse. L'engagement de longue date au service de l'humanité de Votre Altesse est grandement admiré, et est un modèle à suivre pour nous tous.

En 2006, lors de la cérémonie d'inauguration pour établir la Délégation de l'imamat ismaili ici à Ottawa, vous avez déclaré :

Même lorsque nous sommes confrontés à des défis colossaux, les progrès sociaux et économiques peuvent et doivent être une expérience partagée, qui repose sur une éthique cosmopolite et qui est nourrie par un esprit de partenariat sincère.

Je crois, Votre Altesse, que ces mots expriment bien l'essence même de nos efforts conjoints.

[Français]

Nous partageons de nombreuses priorités liées à la promotion du progrès social et économique, notamment la santé maternelle et infantile, le microfinancement et l'entreprise du secteur privé, particulièrement en Asie et en Afrique. Nous croyons également que l'éducation joue un rôle essentiel, que vous avez mentionné ce matin, pour combler les lacunes du monde dans le domaine du savoir, pour préparer les nouvelles générations à connaître du succès et à relever les défis de demain, et pour que le développement économique serve le développement humain.

[Traduction]

Notre partenariat est tout à fait naturel dans ce secteur. Il repose sur la réputation de chef de file mondial en matière d'éducation que s'est taillée le Canada, et sur la tradition de longue date de l'imamat Ismaili en matière de développement de l'éducation. Grâce à des projets de collaboration avec plusieurs universités canadiennes, nous effectuons un travail important pour renforcer conjointement la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage, particulièrement dans des secteurs comme la santé et la médecine, le commerce et les sciences humaines.

[Français]

Nous travaillons aussi ensemble pour exploiter le potentiel des ordinateurs de la haute technologie en classe et pour renforcer l'enseignement primaire, particulièrement pour les filles. Les efforts constants que vous déployez pour promouvoir l'éducation dans les pays en développement suscitent l'admiration.

Les Canadiens et Canadiennes s'inspirent de l'engagement indéfectible dont vous faites preuve pour combler ces besoins en matière de développement international, même lorsque vous êtes confronté à d'énormes défis.

[Traduction]

Votre Altesse, monsieur le premier ministre, l'estime que nous éprouvons envers votre engagement non seulement dans le domaine du développement éducationnel, mais aussi dans le domaine du progrès mondial plus généralement, est visible dans l'adoption unanime d'une motion par les deux Chambres du Parlement en juin 2009 pour vous octroyer la citoyenneté canadienne à titre honoraire.

Permettez-moi de citer une autre des inspirantes déclarations de Son Altesse, tirée du discours qu'elle a prononcé en 2009 devant un groupe de diplômés de l'Université de l'Alberta. Elle a déclaré :

Dans la communauté des nations d'aujourd'hui, la réputation d'un pays n'est plus uniquement basée sur ce que ce pays peut accomplir pour lui-même, mais sur ce qu'il peut faire pour les autres.

Honorables collègues, ces paroles véhiculent un message fort de la part d'un grand homme ayant une rare conscience planétaire et figurant parmi les sommités les plus respectées de notre époque. Elles placent la barre très haute; nous nous efforçons d'être à la hauteur.

Au nom de tous les députés et de tous les sénateurs, nous remercions Votre Altesse de votre visite, de votre inspirant message de ce matin et des efforts constants que vous déployez pour faire du monde un meilleur endroit où vivre.

L'honorable Andrew Scheer (Président de la Chambre des communes) : Votre Altesse, Monsieur le premier ministre, monsieur le Président du Sénat, honorables sénateurs et députés, très honorables amis, distingués invités, mesdames et messieurs.

Au nom de tous les députés de la Chambre des communes, je tiens à dire à Son Altesse que c'est un honneur pour moi de pouvoir la remercier, de nous faire l'honneur de sa présence et de ses bons mots et paroles inspirantes.

Depuis que vous êtes devenu imam, voilà près de 57 ans, le monde a beaucoup changé et bien des choses ont changé pour les ismailis. Ce qui n'a pas changé, toutefois, est votre détermination inébranlable à améliorer la vie des personnes les plus vulnérables du monde. Le leadership dont vous avez fait preuve dans les initiatives audacieuses visant cet objectif ont reçu l'appui de pays, d'organismes et d'agences de partout dans le monde, et du Canada. En fait, les Canadiens de tout le pays sont fiers de compter parmi vos plus ardents partisans.

[Français]

Qualité importante aux yeux des parlementaires, vous avez aussi pris l'initiative de souligner les rôles clés que jouent le dialogue et le respect de la diversité dans la consolidation de la démocratie partout dans le monde.

Cette perspective, la vôtre, a éduqué de nombreuses personnes au Canada et ailleurs, pays où vos agences travaillent depuis de nombreuses années main dans la main avec le gouvernement du Canada.

[Traduction]

Comme nous le savons tous, il ne peut exister de dialogue réel sans le respect des différences d'opinions et de la diversité. Fondamentalement, il s'agit de respecter et d'honorer la dignité de tous.

À ce chapitre, par votre exemple éloquent, vous nous avez toujours montré la voie à suivre. Votre tolérance et votre espoir inébranlables, malgré les circonstances difficiles et des obstacles en apparence insurmontables, sont source d'inspiration pour nous tous.

[Français]

L'engagement à ces idéaux que vous et le gouvernement du Canada partagez s'est traduit par la fondation, ici même à Ottawa, du Centre mondial du pluralisme.

Comme tous les autres projets dans lesquels vous vous êtes investi jusqu'à maintenant, ce centre met l'accent sur la recherche, l'éducation et le dialogue avec des partenaires d'ici et d'ailleurs.

[Traduction]

Grâce à vos connaissances, votre vision, votre volonté et votre détermination, vous changez le monde et en faites un monde meilleur pour ceux qui ont le plus besoin de notre aide.

[Français]

Au nom de tous les députés, je vous remercie encore une fois de tout ce que vous avez fait et de tout ce que vous ferez.

Merci.

[Applaudissements]

© Sénat du Canada

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