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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 54

Le mercredi 30 avril 2014
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président intérimaire

LE SÉNAT

Le mercredi 30 avril 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de John Furlong

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je vous annonce une autre triste nouvelle pour ma province, Terre-Neuve-et-Labrador. Le mercredi 16 avril, à peine quelques semaines après avoir reçu un diagnostic de cancer, l'animateur de longue date de l'émission The Fisheries Broadcast, de CBC Radio, et, tout récemment, l'homme derrière le microphone de Radio Noon, John Furlong, est décédé alors qu'il n'avait que 63 ans.

Je savais qu'il était connu et aimé du public, mais je n'avais pas réalisé l'impact de son décès jusqu'à ce que je m'entretienne avec de nombreux amis et voisins de la ville où j'habite, St. Bride's, et d'ailleurs dans les baies Placentia et St. Mary's. Quelques jours après le décès de John, un pêcheur sur le quai de la baie St. Mary's m'a dit : « Une voix forte pour Terre-Neuve s'est tue. » Bien d'autres m'ont exprimé un sentiment semblable au cours des deux dernières semaines.

L'émission The Fisheries Broadcast a fait ses débuts en 1951 et a été l'une des plus longuement diffusées en Amérique du Nord. Pour avoir grandi dans la petite collectivité de pêcheurs de St. Bride's, je peux témoigner de la place importante qu'elle a occupée dans notre histoire, notre culture et, surtout, notre identité. Combien de fois ai-je entendu dans le cours d'une conversation, sur le quai, au magasin ou sur le perron de l'église, quelqu'un dire : « J'ai entendu ça à Broadcast », ou « John n'a pas mâché ses mots à Broadcast cette semaine! »

Je crois que cela explique pourquoi son décès est non seulement un choc, mais un triste moment de notre histoire, car il ne fait aucun doute que John Furlong ne mâchait pas ses mots. Lorsqu'il le fallait, il n'hésitait pas à s'attaquer aux gouvernements, aux ministres en poste, aux haut placés de l'industrie de la pêche, aux bien-pensants ou à tout autre intervenant de cette importante industrie dans notre province.

Je n'étais pas toujours d'accord avec ce que disait John en ondes, ou avec les questions qu'il posait en entrevue, mais je peux affirmer sans aucune hésitation qu'il se montrait toujours bien informé, très perspicace, extrêmement vif d'esprit, et toujours juste. Quand John vous interviewait, vous sentiez parfois la pression monter, mais sans avoir l'impression qu'il tentait de vous démolir.

John connaissait vraiment les priorités des régions rurales de Terre-Neuve-et-Labrador. La réussite de l'industrie de la pêche lui tenait à cœur, une attitude qui a probablement contribué à sa grande popularité. Plusieurs personnes m'ont dit avoir été surprises d'apprendre qu'il avait grandi dans la ville de St. John's. Comme me l'a dit un pêcheur : « Nous n'aurions jamais pensé que c'était un gars de la ville. Il n'en donnait vraiment pas l'impression. »

John Furlong a mené une longue carrière de journaliste, de ses débuts au Daily News jusqu'à la CBC, en passant par VOCM. Il attachait beaucoup d'importance à la justice sociale. Il adorait la politique et s'intéressait toujours à l'aspect humain des nouvelles. Il ne fait aucun doute que son décès laissera un grand vide dans l'univers journalistique de Terre-Neuve-et-Labrador.

Autre élément plus important encore, John était un époux et un père. J'inviterais les sénateurs à se joindre à moi pour exprimer nos condoléances les plus sincères à son épouse, Gerry, et à leurs enfants, qui sont les plus durement touchés par sa disparition.

Pour terminer, j'aimerais citer une autre personnalité médiatique fort respectée dans notre province, le frère de John, M. Jim Furlong : « John était un bon reporter. C'est ainsi qu'il se décrivait. Il savait repérer les nouvelles importantes. Il savait déterminer la valeur journalistique d'un incendie ou d'un chat coincé dans un arbre par opposition aux propos d'un ministre. C'était un as. » Oui, c'était un as, tout le monde en conviendra.

John, ton bateau est maintenant amarré au plus sûr de tous les ports. Repose en paix, mon ami, repose en paix.

[Français]

Le Prix Edgar-Gallant

Félicitations à M. Denis Ferré

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, le Regroupement national des directions générales de l'éducation décerne annuellement le prix Edgar-Gallant à une direction générale francophone qui a contribué de façon remarquable à l'éducation en français en milieu minoritaire.

Cette année, le lauréat est M. Denis Ferré, qui a été jusqu'à tout récemment directeur général de la Division scolaire franco-manitobaine, poste qu'il a occupé au cours des cinq dernières années. Le prix Edgar-Gallant a été décerné à M. Ferré le 10 avril dernier, à Ottawa, lors de l'assemblée générale annuelle du Regroupement national des directions générales de l'éducation. Ce regroupement national réunit les directions générales de 28 conseils scolaires. Son mandat, entre autres, est de veiller à la réussite et au bien-être des élèves francophones et de développer l'appartenance de l'élève à sa langue et à sa culture française.

Je félicite très sincèrement M. Denis Ferré de ses 36 ans de carrière dans le domaine de l'éducation. Je remercie M. Ferré d'avoir consacré cinq ans, parmi toutes ces années de travail ardu, à la direction de la Division scolaire franco-manitobaine. Nous lui en sommes très reconnaissants.

[Traduction]

Le décès d'Arthur Napoleon Raymond Robinson

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je prends la parole pour souligner le décès d'Arthur Napoleon Raymond Robinson, ancien président et premier ministre de Trinité-et-Tobago, reconnu dans le monde entier pour avoir travaillé sans relâche à la création de la Cour pénale internationale.

C'est en décembre 1989, à la 44e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, que Raymond Robinson a présenté pour la première fois une motion demandant l'établissement d'un tribunal pénal international. Il savait que sa proposition allait être controversée, alors il a commencé doucement, en proposant la mise en place d'un tribunal doté de pouvoirs limités en matière de trafic international d'armes et de stupéfiants.

M. Robinson a parcouru le monde, profitant de la moindre occasion pour vanter les mérites de son idée. Il comprenait qu'il faudrait absolument compter sur l'appui des parlementaires.

(1340)

En collaboration avec l'organisme Action mondiale des parlementaires, M. Robinson a veillé à ce que les parlementaires soient informés et à ce qu'ils prennent le relais dans leur pays. Comme M. Robinson l'avait prédit, l'appui à l'instauration d'une Cour pénale internationale issue de traités a commencé à prendre de l'ampleur. Plus les choses avançaient, plus les dirigeants du monde se montraient disposés à donner une plus grande latitude à la cour si les tribunaux nationaux ne voulaient pas ou ne pouvaient pas se saisir de ces graves crimes.

En 1998, 120 États ont adopté le Statut de Rome, qui est entré en vigueur en 2002, créant ainsi la Cour pénale internationale à La Haye. La cour a pour mandat de poursuivre les personnes accusées de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre lorsque les tribunaux nationaux ne veulent pas ou ne peuvent pas le faire.

M. Robinson estimait que la concrétisation de l'idée qu'il avait eue 27 ans auparavant constituait une victoire pour les droits de la personne. M. Robinson a été témoin de quelques jalons : en 2012, huit ans plus tard, le crime d'agression a été ajouté au mandat de la cour; deux ans plus tard, la cour a prononcé sa première déclaration de culpabilité, puis une deuxième deux ans après.

Lorsqu'il est décédé à Port of Spain, le 9 avril 2014, Arthur N.R. Robinson nous a légué l'une des institutions internationales les plus efficaces du monde dans la lutte contre l'impunité.

J'invite tous les sénateurs à se joindre à moi pour saluer la vie et les réalisations de ce politicien remarquable qui a marqué le monde.

Le décès du très honorable Herbert Eser (Herb) Gray, C.P., C.C.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je tiens à rendre hommage aujourd'hui à mon mentor et ami, Herb Gray. Nous nous souvenons tous d'Herb Gray, un homme politique exceptionnel qui a bien servi sa région — si bien, en fait, qu'il a été réélu à maintes et maintes reprises. Nul autre parlementaire n'a siégé aussi longtemps que lui au Parlement du Canada.

J'aimerais prendre un instant pour vous parler de la personne qu'était Herb Gray. Ceux d'entre nous qui l'ont connu garderont de lui le souvenir d'un homme attentionné et plein de compassion, un homme qui avait ses concitoyens profondément à cœur. Le secret de son succès? M. Gray accordait son attention sans partage à quiconque la lui réclamait. La porte de son bureau était toujours ouverte à ceux qui voulaient lui parler.

Je me souviens d'être venue à Ottawa avant d'être nommée sénatrice et d'être allée au bureau de M. Gray. Lorsqu'on y mettait le pied, c'était comme si tout le reste disparaissait, non seulement pour soi, mais aussi pour M. Gray. Il ne restait que M. Gray et son interlocuteur. Il prêtait volontiers une oreille attentive à tout ce qu'on avait à dire.

M. Gray était toujours ravi que les gens aient une opinion, même s'il n'était pas nécessairement du même avis qu'eux. Il était le même homme en public que dans l'intimité. Si je le sais, c'est parce que j'ai vu Herb et son épouse, Sharon, défendre publiquement des opinions différentes dans divers dossiers d'importance.

Pour ceux qui la connaissent, Sharon est une femme au caractère bien trempé qui s'est épanouie aux côtés de son mari. Tout comme Sharon, Herb Gray était un éternel optimiste et, tout comme Herb Gray, Sharon est une féministe convaincue. Ce qu'elle a accompli en tant qu'avocate et dans le domaine des soins de santé est le reflet de leur relation. Elle avait 19 ans lorsqu'elle a rencontré Herb Gray, et ils se sont épanouis ensemble au fil des ans.

Honorables sénateurs, Herb Gray nous a laissé un héritage phénoménal dont nous pouvons tous tirer des leçons, mais si nous devions n'en retenir qu'une seule de son passage sur cette Terre, ce serait de toujours bien prendre le temps d'être à l'écoute des autres.

Je sais que vous vous joindrez tous à moi aujourd'hui pour saluer la vie du très honorable Herb Gray et l'héritage qu'il a laissé. J'offre nos condoléances à son épouse, Sharon, de même qu'à leurs deux enfants, Elizabeth et Jonathan.

Repose en paix, mon ami.

La vigile à la chandelle pour la Corée

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de deux activités importantes qui ont eu lieu les 25 et 26 avril en Colombie-Britannique. J'ai eu l'honneur d'assister à la cérémonie de commémoration du 63e anniversaire de la bataille de Kapyong à Tofino, en Colombie-Britannique, au nom de la ministre Leona Aglukkaq et du ministre Julian Fantino, en compagnie de plusieurs anciens combattants de la guerre de Corée. La cérémonie a eu lieu à la réserve de parc national du Canada Pacific Rim, qui a été jumelée en 1997 au Parc national marin de Hallyo Haesang, en Corée, pour souligner la profonde amitié qui unit le Canada et la Corée. En 1998, un cairn et une plaque commémorative ont été installés sur la colline Radar, dans la réserve de parc national du Canada Pacific Rim, pour rendre hommage aux militaires canadiens qui ont participé à la bataille de Kapyong et souligner leur héroïsme.

Honorables sénateurs, comme vous le savez, la bataille de Kapyong a eu lieu à la fin du mois d'avril 1951, pendant la première année de la guerre de Corée. Même si les soldats canadiens du 2e Bataillon du Princess Patricia's Canadian Light Infantry étaient 10 fois — et peut-être même 100 fois — moins nombreux que l'ennemi, ils ont combattu farouchement et ont tenu bon sur la colline 667 pendant cette bataille très intense qui s'est déroulée en pleine nuit. Ils ont remporté cette bataille et ont par la suite été récompensés pour leurs efforts lorsqu'on leur a remis la United States Presidential Unit Citation, un honneur prestigieux.

Pendant la réception qui a suivi la cérémonie, tous les anciens combattants ont exprimé leurs condoléances les plus sincères et ont offert leur soutien indéfectible au peuple coréen à la suite de l'incident tragique du traversier Sewol, qui est survenu le 16 avril. Très ému, Lee Faulkener m'a demandé de transmettre à tous son message d'appui, qui se veut le reflet des sentiments éprouvés par tous les anciens combattants canadiens qui ont participé à la guerre de Corée :

Je vous en prie, dites à tout le monde combien la perte de ces enfants me brise le cœur. Durant mon séjour en Corée en 1951 et 1952, les enfants que je rencontrais recevaient un câlin de ma part, de même que tout le contenu de mes poches. Je les aime aujourd'hui tout autant qu'à cette époque, et je tiens à ce que les gens de cette collectivité sachent que je pense à eux en ce moment.

Le lendemain, le 26 avril, j'ai pris part à une vigile à la chandelle pour la Corée, en l'honneur des victimes de la tragédie du traversier Sewol et de leurs proches. Un comité spécial avait organisé l'événement, en partenariat avec la société C3 et la fondation Rose of Sharon. La vigile a eu lieu à la salle paroissiale Our Lady of Fatima, à Coquitlam, en Colombie-Britannique. Les paroissiens ont ouvert leur cœur et ont offert gracieusement la salle, qui est sise à quelques rues de Korea Town, un quartier où de nombreux Coréens ont établi leur entreprise, le long de North Road, notamment. La communauté coréenne se fait de plus en plus présente dans cette région. La vigile à la chandelle a rassemblé les gens dans un esprit d'entraide et de compassion pour tous ceux touchés par la tragédie du traversier Sewol. L'espoir arrive toujours à renaître des cendres du désespoir.

Honorables sénateurs, j'espère sincèrement que nous continuerons à prier pour les victimes et leurs proches, pour la sécurité des plongeurs et de tous ceux qui participent aux efforts de sauvetage, pour l'éventuelle conclusion de l'épreuve et le rétablissement de tous.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L'étude de la proposition relative aux frais d'utilisation

L'Agence canadienne d'inspection des aliments—Dépôt du quatrième rapport du Comité de l'agriculture et des forêts

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, portant sur la proposition relative aux frais d'utilisation de l'Agence canadienne d'inspection des aliments concernant les frais des heures supplémentaires.

(Sur la motion du sénateur Mockler, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ajournement

Préavis de motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 6 mai 2014, à 14 heures.


(1350)

[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les sciences et la technologie

La recherche-développement

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, la question que je vais poser aujourd'hui vient de Georgina Johnson, de Toronto, qui s'inquiète de l'ampleur des compressions effectuées par le gouvernement fédéral actuel dans la recherche scientifique nationale. Voici sa question. Elle est plutôt longue, mais il me semble important de vous la lire en entier :

J'ai 61 ans. En tant que mère de deux jeunes adultes âgés de 25 et 29 ans, la fermeture de programmes de recherche scientifique financés par des fonds publics me préoccupe énormément. Je trouve alarmantes les conséquences extrêmement négatives que cela aura sur mes enfants, sur les jeunes Canadiens et sur tous nos petits-enfants. Ces répercussions se feront sentir très longtemps sur la capacité du Canada d'innover; elles auront donc une incidence négative sur la prospérité future de tous les Canadiens.

Pour citer les propos tenus par l'astrophysicien de renommée mondiale Neil deGrasse Tyson lors d'une récente entrevue avec Bill Moyers (le 25 janvier 2014) :

« Nous élisons des gens qui ne comprennent pas comment on génère de l'argent. Depuis la révolution industrielle — et même avant —, nous connaissons la valeur de l'innovation dans les sciences et la technologie et l'incidence qu'elle a sur l'économie. »

— et —

« Les connaissances scientifiques sont un vaccin contre les charlatans qui cherchent à profiter de votre ignorance des lois scientifiques pour vous soutirer votre argent ou vous priver de possibilités. »

— et —

« Vous n'avez pas pleinement exercé votre pouvoir en tant qu'électeur tant que vous n'avez pas une connaissance scientifique des sujets qui ont de l'importance comme futurs enjeux politiques. »

Neil deGrasse Tyson s'adressait à un auditoire étatsunien, mais ses paroles pourraient tout aussi bien s'appliquer au Canada. Puisque l'innovation dans les sciences et la technologie contribue à la croissance et la viabilité futures d'une saine économie, en vertu de quelle logique le gouvernement du Canada a-t-il décidé de fermer des programmes de recherche scientifique financés par des fonds publics?

Le gouvernement du Canada n'aurait-il pas bien compris les répercussions négatives que ces décisions auront sur les jeunes Canadiens et leur avenir?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Merci, sénatrice, pour votre question. J'aimerais souligner que notre gouvernement a consenti des investissements sans précédent dans les sciences, la technologie et l'innovation.

Notre stratégie est une vision à long terme sur la façon dont le Canada peut exploiter la puissance des sciences et de la technologie pour créer des emplois et améliorer la qualité de vie des Canadiens. Notre gouvernement consulte les Canadiens régulièrement au sujet de la mise à jour de la stratégie en matière de sciences, de technologie et d'innovation, et nous cherchons à connaître leur point de vue pour orienter nos actions.

Votre question me permet de mettre en évidence le bilan de notre gouvernement, qui a fait des investissements sans précédent dans les sciences.

Vous devez savoir que le Canada se trouve au premier rang des pays du G7 en ce qui a trait à l'appui en matière de recherche et de développement qu'il a apporté aux collèges, aux universités et à d'autres instituts. De plus, le Plan d'action économique de 2014 prévoit de nouvelles mesures, notamment en créant le fonds Apogée Canada pour l'excellence en recherche, auquel il consacrera 1,5 milliard de dollars au cours des 10 prochaines années afin d'asseoir le leadership international du Canada en science et en innovation; en soutenant la recherche de pointe grâce à un investissement de 46 millions de dollars par année en faveur des organismes subventionnaires; en encourageant la recherche de classe mondiale par un investissement de 222 millions de dollars dans le laboratoire TRIUMF et en favorisant également la recherche de pointe et la création d'entreprises d'avant-garde; et enfin, en soutenant l'innovation technologique au moyen d'un investissement de 15 millions de dollars auprès de l'Institut de l'informatique quantique qui œuvre dans le domaine de la recherche et de la commercialisation de technologies quantiques.

Ces investissements ont été chaudement accueillis par l'Association des universités et collèges du Canada, l'Association des collèges communautaires du Canada, l'Université du Manitoba et l'Université de la Colombie-Britannique, pour ne nommer que celles-là. L'Université de l'Alberta a indiqué que les investissements annoncés dans le budget démontrent l'engagement du gouvernement du Canada envers l'excellence dans les domaines des études supérieures, de la recherche et de l'innovation, et que ces investissements aideront les universités à relever le défi de la concurrence mondiale grandissante, comme elle l'a mentionné dans son communiqué de presse du 11 février 2014.

Nous sommes engagés à consentir des investissements en matière de sciences et de technologie, et nos actions font preuve de notre volonté et de la priorité que nous y accordons.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Avant de revenir à la question de Georgina Johnson, je voudrais répondre au sénateur.

Vous dites que le gouvernement a fait des investissements sans précédent dans les sciences et la technologie, mais nous savons qu'au cours des cinq dernières années, le gouvernement fédéral a mis à pied plus de 2 000 scientifiques. Ce sont plus de 2 000 scientifiques de moins qu'il y a cinq ans sur lesquels le gouvernement ne peut plus compter. Des centaines de programmes et d'installations de recherche de renommée mondiale ont perdu leur financement depuis l'arrivée des conservateurs au pouvoir. Nous savons que le MPO s'apprête à fermer sept de ses onze bibliothèques d'ici 2015, et on entend des histoires de livres et de rapports qui sont jetés aux ordures et que les gens peuvent aller récupérer afin de profiter de ces connaissances scientifiques acquises au fil des ans. Ce n'est pas ce que j'appellerais des investissements sans précédent dans les sciences et la technologie.

Je reviens maintenant à la question de Georgina Johnson :

Je ne veux pas croire qu'en prenant ces décisions, le gouvernement canadien cherchait délibérément à profiter de notre ignorance des lois scientifiques en vue de nous soutirer notre argent et de nous priver de possibilités, comme le dit Neil deGrasse Tyson, mais en l'absence d'une explication détaillée et crédible justifiant les décisions du gouvernement, cette interprétation m'apparaît comme étant la seule possible. De plus, cela me donne l'impression que le fait de maintenir les Canadiens dans l'ignorance, d'en faire des analphabètes du point de vue scientifique, permet au gouvernement d'imposer ses priorités politiques sans avoir à passer par un examen objectif de l'ensemble des faits.

Le Sénat pourrait-il répondre à cette question et donner un compte rendu complet du raisonnement qui sous-tend la suppression du financement public de la recherche scientifique au Canada?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je suis content que la première question qu'a posée la dame m'ait permis de répondre de façon complète en ce qui concerne les investissements. Probablement que la perception dont elle fait état dans sa deuxième question provient du type d'introduction que la sénatrice Cordy a faite, qui induit les gens en erreur sur les faits réels et sur les agissements du gouvernement et les investissements qui sont faits.

Je ne prendrai que l'exemple de la fermeture des bibliothèques. L'information offerte dans les bibliothèques restait accessible sous forme électronique. De nos jours, comme vous le savez, la numérisation de l'information est le moyen privilégié pour permettre aux employés d'obtenir les renseignements dont ils ont besoin. Les employés du gouvernement, de partout au Canada, auront un accès plus étendu à l'information par voie électronique, ce que nous rendons possible tout en économisant l'argent des contribuables.

C'est le genre de mesures qui sont prises pour offrir un meilleur accès à la littérature scientifique, mais qui sont dénoncées et dont on dénature l'information en donnant de faux exemples de destruction de volumes alors que, en réalité, ils sont transférés sous forme numérique.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Les membres de la communauté scientifique nient catégoriquement que le gouvernement a investi des sommes record dans les sciences. Tom Duck est professeur de sciences de l'atmosphère à l'Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, et il a contribué à la fondation du Laboratoire de recherche atmosphérique dans l'environnement polaire, ou PEARL, qui est reconnu mondialement. En 2012, le budget de ce laboratoire a été réduit de façon draconienne. Le professeur Duck a dû mettre fin à ses recherches et la plupart de ses collègues ont quitté le pays pour trouver un autre emploi.

En mai 2013, le laboratoire PEARL a reçu une nouvelle subvention promettant 5 millions de dollars sur cinq ans afin qu'il puisse reprendre ses activités. Toutefois, cela n'a pas été suffisant pour sauver les recherches ou le laboratoire parce que les scientifiques étaient déjà partis. Voilà ce qui se produit. On ne peut pas mettre fin au financement une année puis, l'année suivante, dire : « Vous savez quoi? Nous allons vous donner de l'argent à nouveau. »

(1400)

Ces scientifiques ne se tournent pas les pouces en attendant que l'argent du gouvernement fédéral tombe du ciel. Malheureusement, beaucoup d'entre eux partent à l'étranger. En plus de perdre le fruit de diverses recherches, comme lors de la fermeture des bibliothèques du MPO, nous renonçons aussi aux connaissances et aux données scientifiques que produiraient les scientifiques et les chercheurs de haut niveau s'ils travaillaient pour le gouvernement. C'est une autre préoccupation. On ne peut pas fermer puis rouvrir les vannes du financement, comme le fait le gouvernement.

Je reviens à la question de Mme Johnson : pourquoi le gouvernement a-t-il laissé partir autant de scientifiques au cours des cinq dernières années? Au cours de cette période, nous avons perdu 2 000 scientifiques. Cela ne ressemble pas à un gouvernement qui appuie les recherches scientifiques.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai participé à une émission de radio à Radio-Canada samedi il y a deux semaines, dont le titre était Faut pas croire tout ce qu'on dit. En écoutant la sénatrice Cordy, cela me rappelle l'exactitude du titre de cette émission de Radio-Canada.

Je vais plutôt citer l'Université du Manitoba, qui disait ce qui suit : « Nous sommes extrêmement heureux que le gouvernement fédéral continue de reconnaître le rôle essentiel des universités pour ce qui est de favoriser le programme d'innovation du Canada, et cet investissement démontre la confiance qu'a le gouvernement du Canada dans la capacité des universités de trouver des solutions aux défis à relever, tant au pays qu'à l'étranger. »

Quant à l'Association des universités et collèges du Canada, elle dit ceci :

Il s'agit d'un point tournant en matière d'excellence en recherche et d'innovation au Canada [...] Ces investissements indiquent que le gouvernement adopte une démarche stratégique visant à favoriser la prospérité du Canada et qu'il reconnaît qu'une économie canadienne dynamique, novatrice et concurrentielle doit pouvoir s'appuyer sur un système de recherche de calibre mondial.

Et encore, la représentante d'une école d'apprentissage du Canada s'est exprimée ainsi : « Le budget fédéral d'aujourd'hui fait le lien entre les défis en matière de compétences et d'innovation de manière concrète et grâce à un financement ciblé et raisonnable [...] Je suis également ravie que le gouvernement ait reconnu le rôle important que jouent les programmes d'apprentissage au même titre que l'éducation collégiale et universitaire au Canada. »

Il me semble, lorsqu'on entend des universités canadiennes de renommée tenir ce type de langage au sujet des investissements consentis par le gouvernement en matière de sciences et de technologie, que vous devriez vous rallier aux politiques du gouvernement. J'espère que, lorsque nous devrons voter sur le budget de 2014, vous ferez un exercice non partisan et voterez de façon non « whippée » en grand nombre en faveur du budget de 2014.

L'honorable Claudette Tardif : Monsieur le leader, n'est-il pas vrai que le gouvernement a éliminé sept bibliothèques sur onze au ministère des Pêches et des Océans, et n'est-il pas vrai qu'il a éliminé six bibliothèques à Ressources naturelles Canada et qu'il a fusionné cinq bibliothèques à Parcs Canada?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme je l'ai expliqué, les services qui étaient offerts dans les bibliothèques sont maintenant accessibles sous forme électronique. Le sénateur Munson m'a d'ailleurs déjà envoyé sa carte de Noël électronique pour montrer qu'on s'en servait. Nous sommes à l'ère numérique, et comme votre question porte sur la science et la technologie, j'oserais espérer que vous comprenez que, dans une société qui est à l'ère numérique, il s'agit d'une forme d'accessibilité et de média qui est prônée actuellement pour distribuer cette littérature scientifique.

La sénatrice Tardif : Il est inquiétant que le gouvernement ait pris cette décision sans consulter les experts en sciences et en archives. N'est-il pas vrai aussi que les conservateurs ont fait disparaître la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, qu'ils ont fait disparaître le Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses, la Fondation canadienne pour les sciences du climat de l'atmosphère, l'étude sur les contaminants océaniques et les technologies marines, ainsi que le Centre de recherche sur le pétrole, le gaz et autres sources d'énergie extracôtière?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, si vous décidez de poser une question à 50 volets, il faudrait à un moment donné s'asseoir et préciser chacun des volets pour éviter de dénaturer la question et, aussi, pour pouvoir comprendre les réponses.

En ce qui a trait aux éléments sur les bibliothèques, particulièrement concernant la diffusion des sciences et de la technologie, il est important de comprendre que nous sommes à une ère numérique et que, de plus en plus, la documentation est numérisée de façon à offrir le meilleur accès possible à cette information à travers le Canada. C'est ce que nous nous efforçons de diffuser comme information.

Le commerce international

L'Accord économique et commercial global Canada-Union européenne

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Mes collègues et moi étudions le projet de loi C-31, qui contient une annexe de 45 pages sur une entente entre le Canada et les États-Unis à laquelle personne n'a participé. Il me semble que l'on revit la même situation en ce qui concerne le pseudo accord de libre-échange avec l'Europe. Je m'exprime ainsi parce qu'il y a eu de belles photos du premier ministre et une photo de la signature de l'entente, mais tout le monde sait qu'il n'y a pas d'entente qui entrera en vigueur bientôt. On nous dit qu'on sera bien chanceux si cette entente entre en vigueur en 2016. On a peut-être gaspillé une photo. Je vais quand même me référer à mes notes, parce que c'est quand même assez complexe.

[Traduction]

On considère que l'Accord économique et commercial global va beaucoup plus loin que l'ALENA dans plusieurs domaines. Or, ce ne sont que des spéculations à l'heure actuelle, car le traité n'a pas été rendu public. J'ai essayé de répondre aux questions que m'ont posées des citoyens préoccupés par les répercussions que ce traité aura sur la passation de marchés avec le gouvernement provincial, l'agriculture, la protection des brevets et les règles sur les investissements étrangers directs, entre autres. La liste est longue.

Au début, l'AECG était reconnu pour établir de nouvelles normes internationales en matière d'accords de libre-échange.

[Français]

Nous devons croire à la face même de cette discussion sur ce sujet — que nous devons croire comme la bible — or, nous serons ceux qui devront vivre avec cette entente. Je pense qu'à l'heure actuelle, les discussions vont se poursuivre.

Ma question est simple : sachant que beaucoup de Canadiens, et surtout beaucoup de travailleurs, vont subir l'impact de ce traité, quand allez-vous rendre public ce document qui fait l'objet de discussions, et quand allons-nous sortir du placard avec les termes de cette entente qui vont concerner tout le Canada? Quand allons-nous avoir ce texte?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénatrice, permettez-moi d'utiliser votre question pour mettre en évidence cet accord historique, qui créera des milliers d'emplois pour les Canadiens, sans compter que les entreprises canadiennes auront un nouvel accès à un demi-milliard de nouveaux clients. Il ouvrira également de nouveaux marchés aux exportateurs canadiens à travers toute l'Europe et se traduira par d'importantes retombées, des emplois et des possibilités pour tous les Canadiens. Les avantages de cet accord équivalent à la création d'environ 80 000 nouveaux emplois ou à une hausse de 1 000 $ de revenu annuel pour un ménage canadien moyen. L'élimination de 98 p. 100 de tous les tarifs de l'Union européenne dès le premier jour de l'entrée en vigueur de l'accord se traduira par des profits accrus et davantage de possibilités pour les entreprises canadiennes de toutes tailles dans toutes les régions du Canada.

Le fait que vous essayiez de railler cette entente et de la réduire à une simple séance de photos est une insulte à l'intelligence. Il y a des éléments importants dans cette entente qui feront en sorte que les secteurs économiques seront plus dynamiques et contribueront à une plus grande richesse pour les Canadiens.

(1410)

Quant à la publication du texte du rapport, nous avons conclu un accord de principe avec l'Union européenne et rendu publics les détails de cette entente. Le 29 octobre, le premier ministre a déposé à la Chambre des communes le résumé des résultats négociés de l'accord commercial entre le Canada et l'Europe, et les avocats poursuivent leur travail et l'examen des détails techniques.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je reprends vos termes de tantôt : il ne faut pas croire tout ce qu'on entend. Je vous dis que nous voulons avoir le texte complet et j'ai compris que l'on a remis un document qui n'est pas final. Je vous le demande, justement au nom de la transparence — qui fait partie de votre credo. Je ne veux pas insulter le premier ministre au sujet de la photo qui a été prise en Europe et qui devait servir de bons intérêts politiques, mais je vous dis qu'il n'y a pas d'accord au moment où on se parle et qu'il y en aura un seulement si les provinces sont d'accord. Les provinces sont les premières affectées. Vous parlez de 80 000 emplois; je n'y vois pas de problème. Faites-nous-en la preuve. Vous nous dites qu'il y aura 1 000 $ de plus par famille; je n'y vois pas de problème non plus, mais soumettez-nous les documents. Le directeur parlementaire du budget pourra peut-être les étudier en profondeur et nous aviser si les chiffres correspondent à vos prétentions.

Le sénateur Carignan : Je ne peux pas croire que j'entends de votre bouche, vous, une avocate de renom qui a travaillé au sein des plus grands bureaux d'avocats du Canada, que lorsqu'il y a un accord de principe entre deux pays, il n'y a pas d'entente. Cela dépasse mon entendement.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je vous remercie de m'informer que j'ai vraiment cette cote. En tant qu'avocate, je peux vous dire que le texte final est celui qui liera tous les Canadiens et toutes les provinces. C'est ce document, ainsi que les études qui confirment vos propos, que je demande. Je ne peux pas croire que, à partir de rien, on a décidé qu'il y aurait 80 000 emplois de plus. Est-ce que ce sont les agriculteurs de l'Ouest qui vont vendre plus de bœufs en Europe pendant que, dans l'Est, nous allons perdre nos priorités sur les questions touchant les fromages, le lait et d'autres produits? Il est important de connaître les termes spécifiques de l'entente et l'étude qui corrobore vos affirmations.

Le sénateur Carignan : Sénatrice, plusieurs de vos anciens collègues en sont à rédiger les textes finaux de l'accord en ce qui a trait aux aspects techniques. Vous savez à quel point ils sont consciencieux et combien ce genre de travail demande un certain temps.

En ce qui concerne la gestion de l'offre, puisque vous avez abordé ce sujet dans le préambule de votre question, notre gouvernement a toujours défendu le système canadien de gestion de l'offre. Nous l'avons fait et nous allons continuer de le faire dans le cadre de cet accord. Les trois piliers du système national de gestion de l'offre restent inchangés. Nous surveillerons les répercussions de cet accord historique sur le revenu des producteurs de lait et, si les niveaux de production sont touchés de façon défavorable, les producteurs recevront une aide financière. C'est l'engagement que le premier ministre a pris dès la signature de l'accord, et cet accord confirme, une fois de plus, que notre gouvernement continuera de défendre et de promouvoir le système canadien de gestion de l'offre.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je remercie le leader de sa réponse, bien que je n'y attache pas nécessairement toute la crédibilité, mais vous n'avez pas répondu à ma question au sujet des études qui créeraient des emplois et qui augmenteraient le revenu des familles canadiennes. Je crois que ces études ont été faites; qu'on les rende publiques.

Le sénateur Carignan : Puisque le Canada aura accès à plus d'un demi-milliard de nouveaux clients, je crois que la sénatrice Hervieux-Payette peut facilement s'imaginer que, avec la capacité des entreprises canadiennes et notre capacité d'innovation, il sera facile pour les Canadiens d'obtenir et de créer ces 80 000 nouveaux emplois. Je ne crois pas que la sénatrice Hervieux-Payette doute de la capacité d'innovation et de la créativité des Canadiens.

La sénatrice Hervieux-Payette : Cela ne me rassure pas. Je ne doute pas des Canadiens, mais de la politique du gouvernement en place. Je suis en train de faire une étude, que je déposerai en cette Chambre, sur le non-succès des accords de libre-échange de votre gouvernement. Non seulement notre balance commerciale avec les pays étrangers pique du nez, mais la situation est dramatique présentement. Le Canada a signé des accords de libre-échange avec plusieurs pays et, dans tous les cas, l'échange a eu pour résultat qu'ils nous vendent des produits et que nous ne vendons rien. Ne venez pas me dire que les revenus et les emplois additionnels sont une certitude. On a besoin de faits. J'ai besoin de savoir dans quels secteurs le dossier de la création d'emplois va avancer.

Le sénateur Carignan : Je suis content de voir que votre étude sur les traités de libre-échange crée au moins un emploi. En ce qui a trait aux études sur le gouvernement libéral, je comprends que vous ne pouvez pas les mener parce que le bilan des libéraux en matière de traités de libre-échange est plus que mince.

Les affaires étrangères

La Birmanie—Les droits de la personne

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

[Traduction]

J'ai posé une question sur les Rohingyas, et vous m'avez dit gentiment que vous me donneriez une réponse dès que possible. J'aimerais vous demander de nouveau de m'informer de ce que fait le gouvernement canadien pour aider les Rohingyas au Myanmar.

À titre d'information, le gouvernement du Canada a pris des sanctions contre le Myanmar en raison de troubles politiques et de nombreuses violations des droits de la personne. Toutefois, en 2012, le gouvernement a déterminé que le Myanmar avait fait l'objet d'une réforme importante et était en train de devenir une démocratie. Pour ces raisons, le gouvernement canadien a assoupli les sanctions et a déclaré qu'il soutenait le Myanmar dans sa transition vers la démocratie. Malheureusement, le gouvernement du Myanmar a régressé. Il traite fort mal les membres d'un des groupes minoritaires du pays, les Rohingyas, ce qui provoque de grandes souffrances.

Monsieur le leader, je vais répéter la même question que je vous ai déjà posée : que fait le gouvernement pour aider les Rohingyas au Myanmar?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Comme je l'ai déjà dit, j'ai pris l'engagement de présenter une réponse plus détaillée sur ce sujet spécifique. Je vais maintenir cet engagement et vous revenir avec une réponse détaillée.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : J'ai une question complémentaire. Monsieur le leader, toutes les personnes qui siègent ici savent que je suis arrivée au Canada il y a 40 ans en tant que réfugiée. Je suis sénatrice aujourd'hui parce que les Canadiens ont pour politique d'accueillir les étrangers, de faire en sorte qu'ils se sentent inclus et de les aider à s'intégrer dans la société.

Pourrais-je vous demander, quand vous vous pencherez sur la question, d'examiner comment nous pouvons utiliser nos idéaux de multiculturalisme et de pluralisme pour aider le gouvernement du Myanmar ou de la Birmanie à intégrer les Rohingyas dans ses structures?

[Français]

Le sénateur Carignan : J'abonde dans le même sens que tout à l'heure. Nous allons compléter la réponse écrite et maintenir l'engagement que nous avons déjà pris à ce sujet.

Le patrimoine canadien

CBC/Radio-Canada

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, l'effet des compressions à CBC/Radio-Canada suscite énormément d'attention, et pour cause. Nous apprenons aujourd'hui de la part de Michel Cormier, directeur général de l'information, que 35 postes seront supprimés, y compris 14 postes de journalistes et 2 postes en région au cours de la prochaine année. Hier, les Amis de Radio-Canada rendaient public un livre blanc pour alerter la population sur la situation de CBC/Radio-Canada. Leur message est clair. Les compressions sont une atteinte directe à ce qui rend notre diffuseur public unique, le distingue de la concurrence et lui permet d'assurer un service public de qualité.

(1420)

De plus, aujourd'hui, 17 artisans francophones du service de l'information de Radio-Canada lancent un cri d'alarme sur les graves conséquences qu'auront les compressions sur la qualité des services publics. Je les cite :

Compressions après compressions, Radio-Canada meurt à petit feu. Le constat est sans appel : depuis six ans, près de 20 p. 100 du budget de l'information française a été amputé.

Comment le gouvernement envisage-t-il l'avenir de notre radiodiffuseur public francophone?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Comme le sait l'honorable sénatrice, le gouvernement n'a rien à voir dans les décisions annoncées par Radio-Canada. C'est une société d'État indépendante, responsable de ses décisions opérationnelles. Selon son président, M. Lacroix, c'est le déclin des téléspectateurs dans certains groupes démographiques et la baisse des revenus publicitaires qui constituent un défi pour la société. Radio-Canada a suffisamment d'argent pour remplir son mandat en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, et c'est à elle d'offrir aux Canadiens, en anglais et en français, une programmation qu'ils ont envie de regarder.

Comme vous le savez, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications étudie actuellement la situation de Radio-Canada. J'ai aussi reçu le livre blanc auquel vous faites référence, et je l'ai transmis au président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications pour que celui-ci puisse en tenir compte dans le cadre de son étude.

Réponse différée à une question orale

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par l'honorable sénatrice Chaput, le 27 février 2014, concernant le financement pour l'apprentissage du français langue seconde.

Les langues officielles

La Colombie-Britannique—Le financement pour l'apprentissage du français langue seconde

(Réponse à la question posée le 27 février 2014 par l'honorable Maria Chaput)

Protocole sur l'éducation

Patrimoine canadien et le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) [CMEC], au nom des provinces et territoires, travaillent en collaboration dans le cadre du Protocole d'entente relatif à l'enseignement dans la langue de la minorité et à l'enseignement de la langue seconde.

Le Protocole comprend un cadre stratégique qui précise six axes d'intervention pour chaque objectif linguistique, notamment l'enseignement dans la langue de la minorité et l'apprentissage de la langue seconde. Il prévoit des fonds pour chaque province et territoire et il décrit les mécanismes de reddition de comptes portant sur l'utilisation des fonds fédéraux.

Ententes bilatérales

Dans le cadre du Protocole, des ententes bilatérales sont conclues avec chaque province et territoire. Dans le cadre de son entente bilatérale, chaque province et territoire élabore un plan d'action pluriannuel qui s'articule autour des axes d'intervention convenus dans le cadre stratégique du Protocole. Pour chaque objectif linguistique, les plans d'action provinciaux et territoriaux comportent des initiatives particulières, des indicateurs de rendement et des cibles pour chaque axe d'intervention.

L'éducation étant de compétence provinciale, chaque gouvernement prépare son propre plan d'action et détermine les cibles et les indicateurs qui tiennent compte des enjeux qui leur sont propres.

Reddition de comptes

Les ententes bilatérales précisent que les paiements ne sont versés que si le ministère reçoit et accepte les états financiers annuels qui sont exigés et les rapports d'étape périodiques précisés dans les ententes bilatérales.

En septembre 2013, le commissaire aux langues officielles a publié les conclusions de sa vérification sur la reddition de comptes en matière de langues officielles dans le cadre de paiements de transfert aux provinces et territoires. Selon le rapport du Commissaire :

« Des résultats positifs se dégagent de la vérification. [...] PCH possède une bonne structure de gouvernance en ce qui a trait à la reddition de comptes touchant les paiements de transfert aux provinces. [...] PCH a démontré un engagement ferme envers la reddition de comptes touchant les paiements de transfert, en mettant en œuvre un processus formel et en produisant des outils en matière d'éducation élaborés dans le cadre des ententes conclues avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. »

Rapports et résultats de la Colombie-Britannique

La Colombie-Britannique a reçu 40 271 384 $ (10 067 846 $ par année) pour l'enseignement de la langue seconde en vertu de l'entente bilatérale de 2009-2013 conclue avec le gouvernement du Canada.

Les rapports financiers annuels indiquent que des fonds fédéraux et provinciaux ont été accordés, comme prévu, à ces initiatives.

Quant aux résultats, le rapport de mi-parcours pour l'exercice 2010-2011 précise que la Colombie-Britannique est en voie d'atteindre la plupart des objectifs indiqués dans son plan d'action de 2009-2013. Des progrès notables ont été réalisés dans tous les aspects de l'apprentissage de la langue seconde.

Par exemple, pendant cette période, la province a accru de 7,7 % le nombre d'étudiants inscrits dans les programmes d'immersion française (44 847 personnes) et augmenté le nombre de districts scolaires qui offrent le programme. La province a plus que doublé le nombre d'élèves se qualifiant pour le niveau « intermédiaire » de compétences en français sur une échelle reconnue internationalement. Plus d'écoles ont offert des échanges et activités culturelles en français. Enfin, la province a également accru le nombre d'élèves inscrits aux programmes de français de niveau collégial (au Collège Éducacentre).

Un rapport définitif sur les résultats, qui porte sur la période 2009-2013, doit être produit sous peu.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Les sanctions imposées par la Russie

Message des Communes—Motion visant à partager les inquiétudes et les conclusions exprimées par la Chambre des communes—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Martin, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall,

Que le Sénat partage les inquiétudes et conclusions exprimées par la Chambre des communes dans le message du 26 mars 2014;

Que le Sénat transmette la présente résolution du Sénat à l'ambassadeur de la Fédération russe au Canada;

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'interviens au sujet de la motion présentée le 1er avril par la sénatrice Yonah Martin, leader adjointe du gouvernement, au sujet de la politique étrangère du Canada à l'égard du conflit entre la Russie et l'Ukraine, intitulée « Les sanctions imposées par la Russie ». Cette motion découle de la motion et du message de la Chambre des communes, présentés par le ministre Van Loan et intitulés « Les sanctions russes » sous la forme d'une question de privilège, et adoptés le 26 mars. Nous avons reçu le message de la Chambre des communes le 27 mars. La motion de la sénatrice Martin est irrecevable. C'est une façon de procéder qui nous est totalement inconnue.

Honorables sénateurs, les relations étrangères et internationales sont les relations entre les souverains de nations souveraines. Les ententes et les désaccords entre eux sont exprimés au moyen de textes de prérogative, comme un traité ou une sanction. Les sanctions contre les souverains de pays étrangers, et celles prises par ces souverains, concernent notre souveraine, la reine Elizabeth, aux termes de ses textes de prérogative souverains. Ces sanctions contre un souverain étranger et leur application relèvent de la compétence des ministres de Sa Majesté, du ministre de la Couronne compétent, le ministre des Affaires étrangères, investi de son pouvoir par Sa Majesté. Les deux Chambres n'ont aucun rôle à jouer dans les sanctions étrangères, outre leur rôle dans les finances publiques. Le contrôle du Trésor public exercé par le Parlement est de portée nationale, et non internationale. L'application de la prérogative royale de Sa Majesté dans des affaires étrangères, contre un souverain étranger, est grave. La Russie n'a fait aucun mal au Canada. La Russie s'est battue avec les alliés, aux côtés du Canada, durant la Seconde Guerre mondiale, et a perdu 26 millions de personnes. Elle partage notre frontière arctique et, contrairement aux États-Unis, appuie nos revendications à l'égard de la souveraineté canadienne dans le passage du Nord-Ouest.

Honorables sénateurs, la motion de la sénatrice Martin sur le conflit entre la Russie et l'Ukraine est une question qui relève des affaires étrangères, puisqu'elle porte sur la guerre, la paix et les conflits internationaux. En vertu des vastes pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre de la prérogative royale, le gouvernement du Canada est entièrement habilité à agir à cet égard. La raison pour laquelle il souhaite que ces résolutions soient adoptées par le Sénat et la Chambre des communes n'est pas claire. Dans son ouvrage publié en 1820 et intitulé Treatise on the Law of the Prerogatives of the Crown, Joseph Chitty, grand maître du droit, écrit ce qui suit à la page 6 :

Pour ce qui est des États étrangers et des affaires les concernant, la majesté et la puissance des dominions relèvent du roi, qui, en tant que représentant de ses sujets, est investi de pouvoirs discrétionnaires et illimités.

Cette citation date de presque 200 ans. Voici la suite :

À ce titre, Sa Majesté a le droit exclusif d'envoyer à l'étranger des ambassadeurs ainsi que d'autres ministres et agents responsables des affaires étrangères, de leur donner des instructions et de leur prescrire des règles en matière de conduite et de négociation. a) Sa Majesté seule peut légalement conclure des traités, des associations et des alliances avec des États étrangers; envoyer des lettres de marque et de représailles et délivrer des sauf-conduits; déclarer la guerre ou faire la paix. En tant que dépositaire de la force de ses sujets et gestionnaire de leurs guerres, le roi est le généralissime de toutes les forces terrestres et navales : Sa Majesté peut seule constituer une armée, lui fournir l'équipement nécessaire et construire des forteresses.

Honorables sénateurs, nous ne savons pas pourquoi le ministre des Affaires étrangères n'a pas proposé cette motion à la Chambre des communes. Le contenu de cette motion relève de sa compétence, avec l'appui du premier ministre, le premier parmi ses pairs, mais qui n'est pas un souverain. Nous devrions demander à la Chambre des communes pourquoi elle a présenté cette motion sur des affaires étrangères qui touchent la Russie et l'Ukraine dans le cadre d'une question de privilège. Nous devrions aussi demander à la sénatrice Martin pourquoi elle souhaite que nous débattions de cette motion et que nous votions sur celle-ci au Sénat. Enfin, nous devrions demander aux partisans du gouvernement dans cette enceinte pourquoi ils souhaitent que le Sénat adopte cette motion, alors que, dans son message du 26 mars, la Chambre des communes ne demande pas l'aval du Sénat. Dans les deux Chambres, les motions portant sur des souverains étrangers ne peuvent être présentées que par des ministres responsables. Or, il n'y en a aucun au Sénat. Nous devons conclure que cette motion ministérielle portant sur les sanctions imposées par la Russie et cette question de privilège sont irrecevables et que le Sénat ne devrait donc pas en être saisi.

Honorables sénateurs, la motion que la sénatrice Martin a présentée le 1er avril est différente de celle qu'elle avait présentée le 27 mars et qui n'avait pas été acceptée parce que les sénateurs n'avaient pas permis à la sénatrice de la proposer sans préavis. J'avais alors pris la parole. J'avais dit qu'il fallait qu'il y ait une nécessité pressante pour demander au Sénat de suspendre l'obligation de présenter ce préavis. La motion sur les sanctions imposées par la Russie dont nous sommes saisis correspond à la motion et au message du 26 mars de la Chambre des communes que le ministre Van Loan a envoyés au Sénat, et que l'honorable sénateur Pierre Claude Nolin, notre cher Président intérimaire, a reçus et lus le 27 mars. À la page 1187 des Débats du Sénat, sous les rubriques « Les sanctions imposées par la Russie » et « Message des Communes », on peut lire qu'il a dit ceci :

Honorables sénateurs, nous avons reçu de la Chambre des communes le message suivant :

Le mercredi 26 mars 2014

IL EST RÉSOLU,—

Que, à la lumière des sanctions à l'encontre des parlementaires et d'autres Canadiens annoncées par le gouvernement de la Russie, la Chambre a) affirme de nouveau sa résolution du lundi 3 mars 2014, b) condamne vigoureusement l'occupation militaire illégale continue de la Russie en Crimée, c) exhorte la Russie à procéder immédiatement à la désescalade de la situation, d) dénonce les sanctions de la Russie à l'encontre du Président de la Chambre des communes, des députés, d'une sénatrice, des fonctionnaires et du président du Congrès des Ukrainiens Canadiens;

Que le Président transmette la présente résolution du Sénat à l'ambassadeur de la Fédération russe;

Qu'un message soit envoyé au Sénat pour l'en informer.

ATTESTÉ :

La Greffière de la Chambre des communes,
AUDREY O'BRIEN

(1430)

Chers collègues, ce message visait bien à informer le Sénat, mais pas à obtenir son consentement. Je relis :

Qu'un message soit envoyé au Sénat pour l'en informer.

Personne ne peut réinventer, réinterpréter, voire corriger ce message pour lui donner un sens qu'il n'a pas. Le fait de modifier un message de la Chambre est contraire au Règlement et viole les privilèges des deux Chambres.

Honorables sénateurs, la motion comportant plusieurs propositions, intitulée « Les sanctions russes », qu'a présentée le ministre Van Loan sous la rubrique « Privilèges », doit être examinée attentivement. Le ministre, qui a présenté la motion sans préavis, et avec la permission de déroger au Règlement de la Chambre des communes, a tenu les propos suivants :

[...] pour revenir sur la question de privilège [...] soulevée hier concernant les sanctions russes [...] les leaders parlementaires se sont consultés afin de s'entendre sur une résolution dont la Chambre pourrait se saisir. [...] donc [...] je propose :

Il a ensuite proposé la motion que je viens de lire. Sa motion, énoncée dans le message lu par le sénateur Nolin, visait à résoudre le dilemme posé par la question de privilège du 25 mars et affirmait que les mesures prises par la Fédération russe à l'endroit des 13 Canadiens portaient atteinte aux privilèges de la Chambre des communes. Cette question de privilège a été soulevée par Ralph Goodale, mais c'est le ministre Van Loan qui est intervenu. M. Goodale a dit ce qui suit :

Les gens inscrits sur la liste noire de la Russie qui ont réagi jusqu'à maintenant voient, de façon générale, leur inscription sur cette liste comme un honneur [...]

La motion du ministre Van Loan qui nous est soumise par un message des Communes vise à résoudre les importants problèmes de procédure créés parce qu'elle a été présentée sous la rubrique « Privilèges ». Or, les privilèges de la Chambre des communes n'ont aucun effet à l'étranger. Selon l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, les deux Chambres ont des pouvoirs, des immunités et des privilèges, mais ceux-ci ne s'appliquent pas dans un autre pays. Les privilèges ne peuvent pas être violés à l'étranger. Il n'y a pas d'outrage au Parlement à l'étranger. De plus, le Sénat ne peut pas donner son avis ou se prononcer sur une question de privilège concernant la Chambre des communes, et il ne devrait pas le faire. Chacune des deux Chambres est la seule autorisée à déterminer si elle a subi un outrage ou une violation de ses privilèges. La loi dit que les insultes et les préjudices infligés aux Canadiens par des étrangers sont effectivement infligés à notre reine, qui réplique par l'intermédiaire du ministre des Affaires étrangères. La motion du ministre Van Loan, qui combine la politique étrangère et une question de privilège et qui a été transmise au Sénat avec un message, a été adoptée par les Communes sans débat et sans un mot de la part du ministre des Affaires étrangères ou du porte-parole de l'opposition en matière d'affaires étrangères. Ce silence est lourd de conséquences. La motion de la sénatrice Martin — cette chère sénatrice Martin, pour laquelle j'ai beaucoup d'affection — est sans effet et irrecevable au départ. Ce dossier est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît à première vue.

Honorables sénateurs, voici ce que dit la motion de la sénatrice Martin, pour avaliser la motion du ministre et faire suite aux messages reçus par le Sénat :

Que le Sénat partage les inquiétudes et conclusions exprimées par la Chambre des communes dans le message du 26 mars 2014;

Que le Sénat transmette la présente résolution du Sénat à l'ambassadeur de la Fédération russe au Canada;

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

La motion de la sénatrice nous demande notre accord, ce que la Chambre des communes n'a pas fait dans son message. Si les Communes voulaient obtenir notre accord, elles auraient présenté une motion visant l'adoption d'une résolution conjointe des deux Chambres et nous auraient envoyé un message demandant l'agrément du Sénat. Notre motion est une réponse à une demande qui n'a jamais existé. Chers collègues, nous pouvons seulement adopter ce qui est énoncé dans notre motion. Nous ne pouvons pas adopter ce qui ne s'y trouve pas. De plus, notre bien-aimée collègue ne nous dit pas quelles conclusions nous devrions adopter, ce qui pose problème puisque sa motion comprend le passage suivant :

Que [...] la Chambre a) affirme de nouveau sa résolution du lundi 3 mars 2014 [...]

On parle ici de la Chambre des communes. Aucune motion de la Chambre des communes du 3 mars n'a été portée à l'attention du Sénat, qui ne peut donc pas affirmer de nouveau ce qu'il n'a jamais affirmé. Cette motion traitant d'affaires étrangères n'avait pas été présentée par un ministre, mais par un simple député, Ted Opitz, qui a exprimé un parti pris sans détours, disant ceci :

[...] condamne fermement l'intervention provocatrice de la Russie en Ukraine [...]

Et ça continue. La motion de ce soir a pour effet que le Sénat, la Chambre haute, prend volontairement parti dans un conflit dont il ne sait rien. Rien ne nous a été présenté au sujet du conflit. Le Sénat n'a pas été instruit de ce conflit.

Honorables sénateurs, le ministre Van Loan a affiché avec fierté son antipathie pour la Russie dans son allocution du 25 mars sur la question de privilège. Il a dit ce qui suit :

Comme vous, monsieur le Président, je fais partie des 13 personnes touchées par les sanctions russes [...]

Les Russes connaissent bien mes préoccupations à l'égard de leur attitude belliqueuse, de leur violation des droits de la personne et de la menace qu'ils représentent pour la souveraineté des pays qui leur sont voisins. Ils y portent une attention particulière.

Dans ma famille, je ne suis pas le premier à me retrouver sur une liste dressée par les Russes. En fait, malheureusement, je m'inscris dans une longue lignée de personnes qui se sont retrouvées sur ce genre de liste, y compris des personnes qui se sont vu imposer un voyage qui les a envoyées au goulag, en Sibérie, où elles ont trouvé la mort [...]

Si la liberté et la démocratie me tiennent [...] à cœur, c'est en grande partie en raison de ce que je sais de mon histoire familiale. C'est l'une des raisons pour lesquelles je me suis lancé en politique [...] Voilà pourquoi le gouvernement a répondu avec force. Nous considérons que c'est absolument nécessaire [...]

Je suis très fier du travail accompli par le premier ministre; c'est grâce à lui que nos partenaires du G7 en sont venus à la conclusion qu'il faut suspendre la Russie du G8 et mettre en place d'autres sanctions.

Honorables sénateurs, les conclusions de la Chambre des communes, citées dans les motions présentées par la sénatrice Martin, ne sont fondées sur aucune preuve. Aucun élément de preuve n'a été soumis au Sénat. Les conclusions de la Chambre sont sans fondement. Le ton véhément et agressif de la Chambre des communes ne contribue aucunement à l'atteinte d'une résolution juste et pacifique. Consciente des lacunes importantes dans sa procédure, la Chambre des communes a eu la sagesse de ne pas demander l'accord du Sénat en transmettant son message. L'atteinte d'une résolution pacifique nécessite des efforts diplomatiques et humains considérables. Voilà notre objectif. Si ce n'est pas ce que visent les motions de la Chambre des communes, pourquoi en sommes-nous saisis? Nous devons viser une résolution pacifique et juste, au lieu de prendre des mesures extravagantes comme l'expulsion de la Russie du G8.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas travailler à l'aveuglette. Nous ne sommes pas saisis des faits importants. Avec ses pouvoirs vastes et absolus, le gouvernement n'avait ni le besoin ni l'intention de demander l'accord du Sénat pour agir, et il ne veut pas dire pourquoi nous sommes saisis de ces deux motions, ou plutôt d'une seule dont nous sommes tout simplement saisis une deuxième fois. Il faut que les ministériels nous expliquent la forme et la teneur de cette motion irrégulière et non viable. Encore une fois, chers collègues, nous devons constamment faire face à un obstacle constitutionnel, soit l'absence d'un ministre de la Couronne au Sénat.

Son Honneur le Président intérimaire : Demandez-vous plus de temps?

La sénatrice Cools : Oui, Votre Honneur.

Son Honneur le Président intérimaire : Encore cinq minutes? Honorables sénateurs, accordons-nous encore cinq minutes à la sénatrice Cools?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Cools, votre temps de parole sera compté. Vous avez encore cinq minutes.

La sénatrice Cools : Merci, honorables sénateurs. Je disais que nous devons constamment faire face à un obstacle constitutionnel, soit l'absence, au Sénat, d'un véritable ministre de la Couronne aux termes de la Constitution. Aucun sénateur ne dispose de pouvoirs ministériels en matière d'affaires étrangères qui lui permettent de représenter Sa Majesté au Sénat afin de répondre à des questions sur la guerre, la paix, et les relations entre les souverains de notre pays et de la Russie. Cette absence constitue un obstacle absolu et insurmontable à un débat et à un vote au Sénat sur cette motion concernant les sanctions annoncées par la Russie et sur une question de privilège présentée à la Chambre des communes. Dans le message des Communes, il n'est pas question de l'accord du Sénat, ce qui prouve que notre opinion n'est pas sollicitée.

(1440)

Honorables sénateurs, la crise Russie-Ukraine demande équilibre et équité. Nous ne connaissons pas les faits. La position de l'Ukraine est sous-entendue dans la motion de la sénatrice Martin, mais elle ne nous a pas été exposée, pas plus que celles de la Russie et de la Crimée, pour que nous puissions l'étudier. La position d'aucune des parties ne nous a été présentée pour que nous l'examinions.

Bien des Canadiens craignent, peut-être à tort, que le gouvernement, sous l'influence indue du Congrès des Ukrainiens Canadiens, ne pense qu'aux prochaines élections et aux votes de nos formidables compatriotes de l'Ouest d'ascendance ukrainienne. Ils ont tous peur de la résurgence annoncée du fascisme de Stepan Bandera, qui avait fait le serment de tuer « tous les communistes, les Russes et les Juifs », et du parti néo-nazi Svoboda, qui détient 40 sièges au Parlement.

Chers collègues, j'estime que le Sénat doit tenir un débat fondé sur les faits, tous les faits, les positions des parties et les mesures prises par le gouvernement du Canada.

Honorables sénateurs, beaucoup de Canadiens ont des racines personnelles et familiales profondes et anciennes en Ukraine et en Russie. Ils y ont aussi d'importants intérêts commerciaux. Ils sont tous préoccupés par l'instabilité civile. Dans la vie personnelle comme dans le commerce, l'argent fuit l'agitation sociale. La paix est nécessaire à la prospérité et à l'épanouissement personnel. Plusieurs travaillent donc pour la paix. Le député d'Edmonton Peter Goldring, membre de l'Église russe orthodoxe, travaille à l'unité de cœur entre les représentants des Églises orthodoxes russe et ukrainienne en vue de l'élaboration conjointe d'un énoncé unificateur qui sera présenté aux dirigeants russes et ukrainiens. Je l'appuie sans réserve.

Chers collègues, ne négligeons pas la force du concept chrétien de la rédemption et du pouvoir pacificateur de l'amour. M. Goldring et moi avons eu le plaisir de rencontrer l'ambassadeur d'Ukraine, Son Excellence Vadym Prystaiko. Nous avons aussi pu rencontrer Igor Girenko, qui parlait au nom de l'ambassadeur de Russie, Son Excellence Georgiy Mamedov. Ces deux hommes servent dignement leur pays respectif. Justes et dévoués, ils veulent trouver une solution qui sera juste elle aussi. Je les remercie de nous avoir rencontrés. Honorables sénateurs, je tiens à dire que j'ai été profondément touchée par l'attachement sincère et authentique qu'ils vouaient au bien-être de leurs concitoyens et au maintien de bonnes relations avec le Canada.

En terminant, je tiens à rappeler l'efficacité du pouvoir pacificateur de l'amour et de la diplomatie, et je crois que nous devrions leur laisser la chance d'opérer. Comme je viens de le dire, il faut des efforts monumentaux et une endurance sans pareille, c'est vrai, mais je crois sincèrement que le concept chrétien du pouvoir pacificateur de l'amour est bien réel.

Je crois, chers collègues, que le gouvernement et le Sénat devraient avoir toutes ces choses à l'esprit quand ils étudient ces questions. Comme je le disais plus tôt, il faut à tout prix éviter la guerre, et le carnage qui s'ensuivrait. Si certains d'entre nous peuvent — ou si nous pouvons tous autant que nous sommes — faciliter la réconciliation et trouver une solution à ce conflit, je crois que de nombreux gouvernements et peuples de la Terre nous seraient reconnaissants.

Voilà comment je vois les choses, honorables sénateurs. Espérons que la sénatrice Martin comprendra mon point de vue. Selon moi, bien des sénateurs ignoraient que la motion dont s'inspire la motion à l'étude était en fait une question de privilège soulevée à l'autre endroit. Depuis des années, nous partons du principe que les questions de privilège sont la prérogative exclusive de la Chambre, qui seule peut juger s'il y a eu, ou non, outrage au Parlement ou atteinte au privilège. Plusieurs auraient avantage à y réfléchir, parce que rien, dans le message qui nous a été envoyé par les Communes, ne nous permet de le constater. Si j'ai appris la vérité, c'est parce que j'ai passé en revue les délibérations de l'autre endroit. Il s'agit d'une question importante, car on nous demande de débattre une motion des Communes et de nous prononcer à son sujet, alors qu'elle y a fait l'objet d'une question de privilège.

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention. Je crois pouvoir dire sans me tromper que la plupart des Canadiens souhaitent que ce conflit soit réglé de manière pacifique et juste. Nous devons à tout prix éviter les massacres et les bains de sang. Je ne suis pas en faveur de cette motion.

Son Honneur le Président intérimaire : Poursuivons le débat.

Des voix : Le vote!

(Sur la motion de la sénatrice Cools, au nom de la sénatrice McCoy, le débat est ajourné.)

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l'honorable sénatrice Ringuette, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-203, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et le Code criminel (traitement en santé mentale).

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour. Je ne suis pas prête à intervenir et je ne suis pas la marraine du projet de loi. Je demande que nous reprenions le compte des jours à zéro.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le Jour de l'Avril noir

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Thanh Hai Ngo propose que le projet de loi S-219, Loi instituant une journée nationale de commémoration de l'exode des réfugiés vietnamiens et de leur accueil au Canada après la chute de Saïgon et la fin de la guerre du Vietnam, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai le privilège et l'honneur de prendre aujourd'hui la parole pour vous demander d'appuyer le projet de loi S-219, Loi instituant une journée nationale de commémoration de l'exode des réfugiés vietnamiens et de leur accueil au Canada après la chute de Saïgon et la fin de la guerre du Vietnam.

Le projet de loi S-219 désigne le 30 avril comme « Jour de l'Avril noir ». Ce jour de commémoration attirera l'attention de tous les Canadiens sur les événements et les souffrances qui ont suivi la chute de Saïgon et la fin de la guerre du Vietnam, en 1975. Il permettrait aussi de mieux comprendre le rôle qu'ont joué les Canadiens pour secourir et accueillir des milliers de réfugiés vietnamiens.

(1450)

Nombreux sont ceux qui doivent se demander en quoi la fin de la guerre du Vietnam est importante et quelle est son incidence sur l'histoire canadienne. Certains se demanderont peut-être aussi pourquoi le 30 avril mérite d'être commémoré. À vrai dire, trop peu de gens connaissent les difficultés et les atrocités qui ont suivi la guerre qui a dévasté le Vietnam. Encore plus rares sont ceux qui connaissent le rôle humanitaire que le Canada a joué à la suite de la guerre. À la différence de la guerre froide et des deux guerres mondiales que l'on enseigne dans les écoles partout au Canada, on oublie et on néglige souvent de parler du rôle du Canada dans la guerre du Vietnam et auprès des réfugiés de la mer vietnamiens.

La guerre du Vietnam est en grande partie attribuable à l'opposition des idéologies de deux systèmes politiques différents. La guerre froide a dressé les Vietnamiens communistes, au Nord, contre les Vietnamiens démocrates, au Sud, dans une guerre qui a duré 18 ans. La République du Sud-Vietnam a combattu courageusement pendant plus de deux décennies pour défendre la liberté et la démocratie afin d'éviter la propagation du communisme. Cette longue lutte entre le Nord et le Sud du Vietnam était le résultat de la lutte du Nord communiste en vue d'envahir le Sud démocratique, dans le but de soumettre le Sud-Vietnam à son autorité.

Les forces communistes du Nord ont enfreint les Accords de paix de Paris en envahissant le Sud-Vietnam et en mettant en place un régime totalitaire impitoyable dans tout le pays après la chute de Saïgon, le 30 avril 1975. Cette sombre journée a secoué le monde et a obligé des millions de Vietnamiens à quitter leur pays ravagé par la guerre afin de trouver la sécurité et la liberté.

Même si le Canada n'a pas participé directement à la guerre, il a manifesté son engagement autrement. Les Forces canadiennes n'ont pas participé directement aux combats ni au conflit, mais elles ont tenu un rôle opérationnel et un rôle de supervision pendant la guerre du Vietnam dans le but de soutenir le rétablissement de la paix et la fin du conflit en participant à la mise en application des Accords de paix de Paris de 1973. Le Canada a aussi siégé à deux commissions internationales de vérité et a fourni du matériel médical ainsi qu'une assistance technique.

De 1954 à 1973, le Canada a fait partie de la Commission internationale de contrôle, qui a supervisé la conclusion de l'armistice au Vietnam et qui était composée uniquement de pays neutres. Les diplomates canadiens ont également été reconnus pour leur contribution aux négociations entre Washington et Hanoï. De plus, le Canada a toujours été réputé pour son impartialité et respecté pour l'objectivité avec laquelle il a assuré le maintien de la paix au cours de la période où il gérait l'aide humanitaire destinée aux victimes et aux réfugiés de la guerre.

La chute de Saïgon est survenue après de longues batailles et des pertes innombrables dans les deux camps. La capitale du Vietnam du Sud a été capturée par l'armée populaire vietnamienne et le Front de libération nationale le 30 avril 1975. Cette triste journée marquait la fin de la guerre du Vietnam et le début de la réunification officielle entre le Vietnam du Nord et le Vietnam du Sud au sein d'un État communiste dirigé par un régime unipartite.

Pour la République socialiste du Vietnam actuelle, le 30 avril est le jour où l'on célèbre la victoire militaire sur les Américains. La date du 30 avril 1975 évoque cependant de tristes souvenirs pour plusieurs autres personnes, spécialement celles qui viennent du Vietnam du Sud.

Pour les Canadiens d'origine vietnamienne, de même que pour les membres de la grande diaspora vietnamienne qui vivent maintenant à l'étranger, le 30 avril correspond au jour où le Vietnam du Sud est tombé aux mains d'un régime communiste autoritaire et répressif qui n'accorde aucune importance aux droits de la personne. Le 30 avril, nous commémorons le jour sombre où nous avons perdu notre pays, nos proches, nos amis, nos foyers, notre liberté et nos droits démocratiques. Cette date évoque pour nous la perte et le deuil.

Après la guerre du Vietnam, plus de 65 000 Vietnamiens ont été exécutés et plus d'un million d'autres ont été emprisonnés et envoyés dans des camps de rééducation, où l'on estime que quelque 165 000 d'entre eux sont morts à cause des exactions commises par les communistes du Vietnam du Nord.

Au cours des années qui ont suivi la chute de Saïgon, soit de 1975 à 1996, on a assisté à la plus importante migration massive de l'histoire moderne. Ainsi, plus de 1,5 million de personnes ont fui leur pays déchiré par la guerre en quête de liberté.

L'exode des Vietnamiens avait ceci de particulier que, contrairement à la plupart des autres migrations, qui forcent souvent les gens à franchir des montagnes, des déserts et des océans, les Vietnamiens désireux de fuir le pays n'avaient pas d'autre choix que d'affronter la mer en bateau. C'est pourquoi ces réfugiés ont été baptisés boat people, ou « réfugiés de la mer ». Nombre de Vietnamiens ont franchi la mer de Chine méridionale à bord d'embarcations de fortune, risquant leur vie à chaque instant. Ils ont dû survivre non seulement à des tempêtes meurtrières, mais aussi à la maladie et à la famine.

Certains sont morts noyés, d'autres ont été tués par des pirates, assassinés ou vendus pour devenir esclaves ou prostitués. D'après le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 250 000 personnes ont perdu la vie pendant la traversée qui devait les mener vers la liberté et vers un avenir meilleur.

Honorables sénateurs, les périples de nombreux Vietnamo-Canadiens et leur arrivée au Canada ne figurent pas dans notre patrimoine national. C'est pourquoi j'aimerais vous présenter les témoignages de quelques-uns de ces « réfugiés de la mer ».

En voici un premier :

Le huitième jour, ma fille de trois ans est décédée. Le neuvième jour, mon fils de huit ans est décédé. Le dixième jour, la plus jeune nièce de mon épouse est décédée. [...] Nous avons navigué sans vivres et sans eau potable pendant environ 13 jours. J'ai écrit une lettre, je l'ai placée dans une bouteille et je l'ai lancée à la mer, dans l'espoir que quelqu'un la trouve et informe ma famille que j'avais péri en mer.

Puis un autre :

Tout a commencé un matin, quand nous avons entrepris notre traversée vers l'inconnu. J'étais un jeune homme de 14 ans, et je me suis retrouvé avec mon frère de 16 ans et 150 autres personnes sur un petit bateau de bois conçu pour transporter une cinquantaine de personnes. Nous sommes arrivés aux îles Terumbu, en Malaisie, après quatre jours et trois nuits marquées par deux tempêtes et une mer déchaînée qui menaçait de nous submerger. Nous avons été témoins de plusieurs événements tragiques pendant ce voyage. L'un des plus bouleversants : la mort d'un jeune enfant, qui a péri écrasé, et dont le corps a été jeté à la mer.

Et encore un autre :

Quelqu'un a fermé le couvercle en nous disant de garder le silence, car des policiers inspecteraient le bateau avant qu'il lève l'ancre pour aller pêcher. Je n'avais pas prévu me retrouver dans un minuscule compartiment secret du bateau, sous une glacière. Il y faisait noir et chaud. Je n'avais pas assez de place pour bouger. D'autres corps pesaient sur moi. L'air est devenu lourd au point d'en être pratiquement irrespirable. Des enfants ont commencé à pleurer. Leurs parents cherchaient frénétiquement à leur couvrir la bouche. Je voulais pleurer, moi aussi, car j'avais trop chaud, j'étais dans une position très inconfortable et je manquais cruellement d'air. J'ai vraiment commencé à craindre pour ma vie et celle de mon frère. J'ai alors compris que la respiration, c'est la vie, et que sans elle il ne pourrait pas y avoir de liberté. Je me suis donc répété de tenir bon pour une respiration, puis une autre, puis une autre...

[Français]

Honorables sénateurs, ce ne sont que quelques témoignages parmi des milliers de récits de survivants. Je pourrais passer des heures à vous lire ces récits de l'exode vietnamien, mais je suis sûr que ces quelques descriptions vous donneront une idée de la souffrance des boat people vietnamiens dans leur recherche d'asile et de liberté.

[Traduction]

Le plus triste, c'est que certains pays ont renvoyé les réfugiés de la mer au large, même après qu'un bateau bondé fut parvenu à toucher la terre ferme. Ces réfugiés ont souvent été contraints de s'éloigner encore davantage de leur pays natal pour s'installer au Canada, en France, en Australie, aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont accueilli respectivement 800 000, 20 000 et 96 000 réfugiés. L'Australie et le Canada ont chacun accepté 137 000 réfugiés. À l'échelle mondiale, la diaspora vietnamienne est aujourd'hui forte de quelque 3,5 millions de personnes.

(1500)

Honorables sénateurs, le projet de loi S-219 vise à commémorer non seulement les réfugiés de la mer qui ont perdu la vie durant l'exode, mais l'accueil chaleureux que le Canada leur a réservé. Le rôle du Canada a souvent été oublié au fil des ans.

[Français]

Compte tenu de la migration croissante des réfugiés vietnamiens, le gouvernement fédéral a créé un programme de parrainage privé aux termes duquel il invitait des organisations bénévoles, des églises et des groupes d'au moins cinq citoyens adultes à accueillir une famille de réfugiés et à la prendre à charge pendant un an. Pour chaque personne ainsi parrainée, le gouvernement acceptait un autre réfugié à sa charge.

Sans les efforts chaleureux et attentifs de milliers de Canadiens et sans le leadership, l'appui et la collaboration du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et municipaux, d'organismes canadiens et internationaux pour les réfugiés, d'organisations non gouvernementales et de groupes religieux, la migration de ces gens en si grand nombre, dans des circonstances aussi urgentes et difficiles, n'aurait pas été possible.

[Traduction]

Je suis arrivé au Canada en même temps que d'autres réfugiés vietnamiens. Ce pays nous a accueillis à un moment où nous en avions grandement besoin. Nous venions de vivre une guerre dévastatrice, avions souffert dans des camps de réfugiés et enduré un long voyage en bateau pour fuir un pays qui n'était plus le nôtre. Comme beaucoup d'autres, j'ai dû lutter et travailler fort pour subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille dans ce nouvel environnement.

En juillet 1979, le gouvernement du Canada, sous le premier ministre de l'époque, Joe Clark, a fait son annonce historique d'accueillir 50 000 réfugiés vietnamiens au Canada avant la fin de 1980. En février 1980, le gouvernement annonçait qu'il accueillerait non pas 50 000 réfugiés, mais 60 000.

Après la chute de Saïgon, en 1975, les Canadiens ont généreusement ouvert leur maison et leur cœur à plus de 60 000 réfugiés vietnamiens qui avaient désespérément besoin d'un endroit pour rebâtir leur vie. Les Canadiens de toutes les couches de la société n'ont pas hésité à répondre à l'appel et ont fait partie d'un vaste effort international visant à trouver un refuge sûr pour ces pauvres gens.

[Français]

Sur les 60 000 réfugiés vietnamiens accueillis au Canada entre 1979 et 1980, environ 26 000 étaient parrainés par le gouvernement, tandis que 34 000 l'ont été par des organismes privés.

[Traduction]

En 1986, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a décerné la Médaille Nansen au peuple du Canada, en reconnaissance de sa contribution importante et soutenue à la cause des réfugiés. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a décerné la Médaille Nansen au peuple du Canada en reconnaissance des efforts extraordinaires qu'il a faits au nom des réfugiés vietnamiens. Le Canada est le seul pays à avoir reçu cette médaille.

Sans la générosité et l'humanité du Canada, je n'aurais jamais pu accomplir ce que j'ai accompli à ce jour. Je suis fier de prendre la parole en tant que sénateur pour défendre la liberté, les droits de la personne et la démocratie sans craindre pour ma vie. Aujourd'hui, je peux regarder ma famille en sachant que j'ai été capable de subvenir à leurs besoins et d'assurer leur bien-être.

Depuis 39 ans, chaque année, les Vietnamiens en exil partout dans le monde se rassemblent le 30 avril pour commémorer la perte de leur pays. Pour tous les Canadiens d'origine vietnamienne, le 30 avril est un jour de commémoration. Nous nous souvenons de la brutalité et des actes inhumains des communistes envers leurs adversaires. La brutale guerre du Vietnam n'a certainement rien donné de positif, mais au moins, certaines histoires ont connu un dénouement heureux. Les réfugiés de la mer vietnamiens qui se sont enfuis du Vietnam pendant et après le conflit ont eu une énorme incidence positive dans les pays où ils se sont établis. Les immigrants et réfugiés vietnamiens se sont rapidement et extrêmement bien intégrés dans le tissu de leur nouvelle patrie. Depuis leur établissement, ils apportent d'immenses contributions à l'économie de leur pays d'adoption. Plusieurs d'entre eux sont devenus avocats, médecins, juges, dirigeants, artistes ou journalistes.

Le Canada compte maintenant plus de 300 000 citoyens d'origine vietnamienne; trois générations qui célèbrent fièrement un patrimoine important au sein d'une grande nation. Depuis leur arrivée au Canada, les membres des communautés vietnamiennes prouvent constamment qu'ils sont des Canadiens travaillants capable de faire partie intégrante de la société canadienne. Des centaines de milliers de Vietnamiens ont perdu la vie à la recherche d'un avenir meilleur et de la liberté. Ces hommes, ces femmes et ces enfants se sont battus au nom de la démocratie, des droits de la personne, de la justice et de la liberté. Pour les générations canadiennes plus jeunes qui sont nées et ont grandi dans une société libre, la liberté est une chose acquise, au même titre que l'air que l'on respire.

Nous songeons rarement à l'importance et à la fragilité de la liberté parce que nous n'en sommes jamais privés. Par contre, pour les 90 millions de Vietnamiens qui vivent dans un pays communiste où règnent l'oppression et la prohibition, la liberté n'existe pas.

Le projet de loi S-219 n'a pas uniquement pour but de rappeler les atrocités ayant suivi la chute de Saigon, mais il vise également à commémorer les réalisations des Canadiens d'origine vietnamienne afin de souligner l'ouverture d'un nouveau chapitre au Canada. Tout en nous remémorant le passé, nous sommes capables de nous concentrer sur le présent et le futur également. Le Canada est un pays merveilleux parce que nous considérons que chaque génération a la responsabilité de léguer un avenir meilleur à la génération suivante. Chacun a la responsabilité individuelle d'apporter sa contribution à cet égard.

Le 30 avril est de nos jours la date à laquelle la diaspora vietnamienne au Canada remet à l'avant-scène ces valeurs fondamentales et, dans un effort de sensibilisation, nous invite à nous rappeler les droits et libertés qui définissent notre société et cette grande institution. Le 30 avril commémore également le courage et l'héroïsme de ceux qui ont combattu pour la démocratie. Le 30 avril est le jour où nous remercions le Canada de nous avoir sauvé la vie.

Je tiens à souligner que, sans la générosité et l'humanité du Canada, moi et des milliers d'autres réfugiés vietnamiens n'aurions jamais pu accomplir ce que nous avons réussi jusqu'ici.

Nous avons maintenant le droit de vivre dans un pays merveilleux où nous pouvons jouir de la liberté et de la démocratie en tant que fiers Canadiens. Ce sont l'ouverture des gens, les possibilités offertes et les valeurs démocratiques qui nous ont amenés à faire du Canada notre patrie. Ce sont ces mêmes valeurs que nous souhaitons promouvoir dans l'intérêt des millions de Vietnamiens pour qui les droits fondamentaux n'existent à peu près pas. Le respect des droits de la personne s'est considérablement détérioré au Vietnam. Nous avons observé au cours de la dernière année une intensification de la répression qui prive la population de ses libertés religieuses, de ses droits fondamentaux et du respect de la primauté du droit. C'est pourquoi le peuple vietnamien s'unit aujourd'hui. Il se rappelle les souffrances, exprime sa gratitude et défend la cause des Vietnamiens qui ne peuvent pas jouir des mêmes droits fondamentaux de la personne et des mêmes libertés religieuses que nous, au Canada.

J'exhorte l'ensemble des sénateurs, ainsi que nos collègues de l'autre endroit, à envisager ce projet de loi comme un élément à part entière du patrimoine canadien et une preuve tangible de l'importance que nous accordons aux droits de la personne, à la liberté et à la démocratie.

Honorables sénateurs, ce fut pour moi un grand honneur de pouvoir prendre la parole pour la deuxième fois au sujet de ce projet de loi, à la date même qu'il vise à commémorer. J'ai bon espoir que, l'an prochain, nous pourrons souligner le 40e anniversaire du Jour de l'Avril noir.

[Français]

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre appui et de faire du 30 avril le Jour de l'Avril noir.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

(1510)

[Traduction]

Projet de loi sur la Journée du pape Jean-Paul II

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Fortin-Duplessis, appuyée par l'honorable sénatrice Poirier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-266, Loi instituant la Journée du pape Jean-Paul II.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de parler aujourd'hui du projet de loi C-266, Loi instituant la Journée du pape Jean-Paul II.

Étant donné que les affaires du gouvernement passent depuis quelque temps avant les initiatives parlementaires, il a fallu un certain temps avant que nous puissions nous pencher sur ce projet de loi. J'espère que nous pourrons avoir une discussion approfondie sur cette mesure législative et sur les autres projets de loi d'initiative parlementaire dont nous sommes saisis.

Je suis catholique et, depuis ma naissance, il y a eu sept papes, à commencer par Pie XII jusqu'à notre nouveau pape, François. Ces papes ont tous agi différemment; ils ont chacun pris les moyens qu'ils jugeaient bons pour défendre, ou non, l'Église et pour diffuser son message dans le monde entier. Le projet de loi vise à rendre hommage à saint Jean-Paul II, qui vient d'être canonisé et qui a été souverain pontife de l'Église catholique romaine de 1978 à sa mort en 2005, soit pendant plus de 26 ans.

On peut lire dans le préambule du projet de loi que le pape Jean-Paul II est « largement reconnu comme une figure marquante de l'histoire de l'Église catholique romaine et du monde et qu'il a exercé une influence et joué un rôle crucial dans la promotion de l'harmonie et de la paix entre les nations ».

On pourrait sans doute dire la même chose de plusieurs papes récents, mais, comme je l'ai dit, ce qu'ils ont fait pour atteindre les objectifs de l'Église est différent.

Le projet de loi fait notamment ressortir l'amour qu'éprouvait le pape Jean-Paul II pour les jeunes. Celui-ci a d'ailleurs joué un rôle déterminant dans l'institution de la Journée mondiale de la jeunesse, en 1985, qui a pour but d'inciter les jeunes à suivre les enseignements du Christ.

J'ai toujours prôné la participation des jeunes dans toutes les sphères de la vie, de la politique à la religion. Les jeunes sont notre avenir, et je reconnais certainement les efforts que le pape Jean-Paul II a déployés pour inciter les jeunes à tirer profit des enseignements de l'Église et à changer le monde. À mon avis, personne ne peut en douter.

Honorables sénateurs, je me souviens aussi d'une journée pluvieuse en 1984 lorsque le pape Jean-Paul II a visité Halifax et y a célébré la messe devant des dizaines de milliers de personnes. Sa visite coïncidait avec le bicentenaire de la fondation de la première église catholique à Halifax en 1784, soit l'église St. Peter's, qui a été remplacée par la basilique St. Mary's. En passant, cette église a été construite très rapidement une fois que les lois ont été changées en Nouvelle-Écosse et que les catholiques ont pu pratiquer leur religion dans des églises à Halifax. Nous avons fait bien du chemin.

Honorables sénateurs, le pape Jean-Paul II reste une figure emblématique pour les catholiques de partout dans le monde, il a encore une place de choix dans leur cœur et leur esprit. Son pontificat n'a toutefois pas été un long fleuve tranquille : l'Église a connu des périodes de bouleversement pendant son règne.

Depuis que j'ai commencé à me demander si j'allais appuyer le projet de loi, une chose me tracasse : les atrocités que les enfants ont subies aux mains de prêtres catholiques. Je ne suis ni juge ni juré, mais certains de ces actes horribles ont été commis lorsque Jean-Paul II était pape. Ces accusations le laissaient-il de marbre? En a-t-il fait fi? A-t-on camouflé l'affaire et, dans l'affirmative, la faute incombe-t-elle aux cardinaux et aux évêques dans son entourage? C'est encore matière à débat, mais on ne peut nier qu'il était pape lorsque certains de ces crimes ont été commis.

Honorables sénateurs, ma foi m'appartient et définit qui je suis en tant que personne. Toutefois, en tant que législateur, je dois respecter le pluralisme de notre société et prendre des décisions qui sont à l'avantage de tous les citoyens, et pas seulement de quelques-uns. Je suis un fervent défenseur de l'égalité et des droits de la personne de chacun. La plus récente lutte à cet égard remonte à la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe par le gouvernement libéral. L'Église catholique ne voyait pas cela d'un très bon oeil, et, bien évidemment, le pape n'était pas favorable à un pareil changement, mais j'étais foncièrement convaincu, comme bien d'autres, que je devais appuyer cette initiative, même si cela signifiait aller à l'encontre de ma foi et des enseignements de mon Église, car si je ne m'abuse, Jésus a dit : « Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres; que comme je vous ai aimé, vous vous aimiez aussi les uns les autres. »

Honorables sénateurs, je comprends que la communauté polonaise accorde beaucoup d'importance à l'institution d'une journée en l'honneur du pape Jean Paul II. Il a été une véritable source d'inspiration, non seulement pour les Polonais, mais pour des millions de catholiques et non catholiques également. J'ai vécu à Toronto pendant plusieurs années, dans un très grand quartier polonais. Je partage leur respect pour le pape polonais, Jean-Paul II, mais je ne suis pas certain que le Parlement devrait le reconnaître officiellement.

Je me demande notamment si ce n'est pas plutôt à l'Église de le faire connaître, plutôt qu'au Parlement.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mercer : Car la question suivante se pose : où nous arrêterons-nous? Il y a eu 266 papes, si l'on ne compte pas les antipapes. Comment en choisir un plutôt qu'un autre? En reconnaîtrons-nous certains, mais pas d'autres? Les reconnaîtrons-nous tous?

Honorables sénateurs, un autre pape révolutionnaire a été canonisé en même temps que le pape Jean-Paul II, soit le pape Jean XXIII. En 1962, ce dernier est apparu à sa fenêtre au Vatican, et il a dit aux gens rassemblés : « En rentrant chez vous, vous trouverez vos enfants, faites-leur une caresse, et dites-leur : ``C'est la caresse du pape.'' »

C'était lors de la soirée d'ouverture du concile Vatican II, la conférence révolutionnaire qu'il avait organisée et qui a fait entrer l'Église catholique de plain-pied dans le XXe siècle, à son corps défendant selon certains. Le bon pape Jean XXIII était vraiment un révolutionnaire. Le pape François est un peu comme lui. Il promeut la cause de la paix, et il apporte de nouvelles idées à l'Église. Il poursuit les actions entreprises par le pape Jean XXIII.

J'espère seulement que, en éliminant la corruption qui règne au sein de la banque du Vatican et des membres du Vatican en général, le pape François rendra finalement justice aux milliers d'enfants qui ont souffert aux mains de représentants de l'Église.

En tant que catholique, Canadien aux idées modernes et féministe, la position que l'Église continue d'adopter à l'égard du divorce, de l'avortement et de l'homosexualité me rend mal à l'aise.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, je crois pouvoir dire sans me tromper que nous voulons toujours reconnaître les bonnes œuvres d'une personne. Toutefois, je n'ai pas encore décidé si je vais voter en faveur du projet de loi. Ce projet de loi concerne indirectement l'Église, et je ne sais pas si je me sentirais à l'aise de l'appuyer, surtout compte tenu du nombre d'atrocités commises par les prêtres dans les divers diocèses, et des tentatives par le Vatican de camoufler ce qui s'est passé et d'acheter le silence des gens. Je n'ai certainement pas l'intention de dévaloriser les bonnes œuvres du pape Jean-Paul II, mais il s'agit d'une question de moralité pour moi. Ce n'est pas une question de foi. Je ne doute pas des bonnes actions effectuées par le pape.

J'ai hâte que nous poursuivions le débat sur ce projet de loi, au Sénat et au comité, afin que je puisse obtenir réponse à ces questions.

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Mercer : Bien sûr.

Le sénateur Ogilvie : Je tiens d'abord à vous féliciter, honorable sénateur, de votre discours remarquable. J'aimerais vous poser une question sur un aspect que vous n'avez abordé que très brièvement.

(1520)

Le Canada est une société pluraliste, qui compte des dizaines de démarches spirituelles, dont plusieurs sont organisées en tant que religions bien définies. J'apposerais un petit astérisque à la question que j'aimerais vous poser. Pensez-vous que, dans une société démocratique et pluraliste, il est convenable que le Parlement reconnaisse expressément une religion? Sénateur, l'astérisque vise à préciser que je ne souhaite pas vraiment me faire dire qu'on cherche ainsi à rendre hommage à l'homme, plutôt qu'à l'Église. En fait, cet homme a renoncé par serment à sa liberté d'action individuelle tôt dans la vie. Il s'est consacré corps et âme à sa foi et à son Église et a été élevé au plus haut rang de celle-ci sur Terre. J'aimerais vraiment savoir si vous pouvez répondre à cette question précise, qui touche au fait que le Parlement du Canada reconnaisse une confession religieuse au sein d'une société pluraliste.

Le sénateur Mercer : Comme je l'ai dit dans mon discours, cette situation me rend un peu mal à l'aise. Vous avez entendu mes commentaires au sujet de la construction de la première église catholique à Halifax. Elle a été rendue possible lorsque la loi a été changée pour permettre aux catholiques de pratiquer leur religion dans des églises d'Halifax. Voilà un exemple d'intolérance.

Je suis très mal à l'aise lorsqu'on s'attarde à une religion en particulier, qu'il s'agisse du catholicisme, de l'anglicanisme, de l'islam ou du judaïsme. Je suis aussi mal à l'aise lorsqu'on s'attarde à une personne en particulier. Ce qui fait la force de notre pays, c'est que j'ignore totalement à quelle religion chacun d'entre vous appartient. En fait, cela m'est égal. Je connais la religion de certaines personnes parce que je les connais personnellement, mais cela m'importe peu, et il devrait en être de même pour tous les Canadiens. Nous ne devrions pas nous préoccuper de savoir quelle est la religion de nos concitoyens. Un Canadien reste un Canadien, qu'il soit de confession juive, musulmane, catholique, protestante ou sikhe. Notre religion importe peu : nous sommes tous Canadiens. C'est pourquoi cet aspect du projet de loi me rend très mal à l'aise. Par cette mesure, nous mettons l'accent sur une religion en particulier. Comme vous l'avez dit, sénateur Oglivie, le pape Jean-Paul II n'était pas un homme parmi d'autres; il était à la tête de l'une des plus importantes Églises au monde et était reconnu comme tel.

L'honorable Jane Cordy : Pourrais-je également poser une question, sénateur Mercer?

Le sénateur Mercer : Oui.

La sénatrice Cordy : Étant moi-même catholique, j'ai parlé plus tôt des bonnes actions que le pape Jean-Paul II a faites au cours de sa vie. Vous avez certainement soulevé des questions intéressantes dont certaines personnes m'ont parlé en privé, et j'en ai abordé quelques-unes dans mon discours. Comme vous l'avez dit, l'Église catholique a récemment canonisé le pape Jean-Paul II, c'est-à-dire qu'elle en a fait un saint en son Église. Y a-t-il une différence, selon vous, entre le fait que l'Église reconnaisse un ancien pape et le fait que les parlementaires désignent une Journée du pape Jean-Paul II? Je crois que vous avez abordé cet aspect lorsque vous avez répondu à la question du sénateur Ogilvie, mais plusieurs personnes m'ont également fait part de leurs inquiétudes quant à la séparation de l'Église et de l'État. Pourriez-vous dire un mot ou deux à ce sujet?

Le sénateur Mercer : Bien entendu, la séparation de l'Église et de l'État est un principe auquel adhèrent depuis longtemps les démocraties occidentales.

À mon avis, oui, cette mesure législative est acceptable. Selon moi, il y a une grande différence entre le fait que le Parlement du Canada désigne une Journée du pape Jean-Paul II et le fait que l'Église catholique canonise l'ancien pape. Ce sont deux choses complètement différentes. Très franchement, la canonisation du pape relève de l'Église catholique et de la religion catholique, un point c'est tout. Je ne vais pas participer à la sélection de l'archevêque de Westminster parce que je ne suis pas un membre pratiquant de cette confession. Je ne vais pas choisir le prochain rabbin de la synagogue de mon quartier à Halifax non plus. À mon avis, il y a une grande différence. Si l'Église canonise le pape Jean-Paul II, soit. Je ne me suis pas prononcé sur cette question.

Son Honneur le Président intérimaire : Poursuivons-nous le débat? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénatrice Fortin-Duplessis, avec l'appui de l'honorable sénatrice Poirier, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Avec dissidence? Non? Je veux entendre les votes par oui ou non. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président intérimaire : Les whips se sont-ils entendus?

La sénatrice Martin : Maintenant?

Son Honneur le Président intérimaire : Combien de temps souhaitez-vous que la sonnerie retentisse?

La sénatrice Martin : Maintenant?

Son Honneur le Président intérimaire : J'aimerais entendre les deux whips, s'il vous plaît.

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Maintenant?

L'honorable Jim Munson : Trente minutes suffiraient.

Son Honneur le Président intérimaire : Est-ce qu'on s'entend sur 30 minutes?

Convoquez les sénateurs. La sonnerie retentira pendant 30 minutes. Le vote aura lieu exactement 8 minutes avant 16 heures.

(1550)

La motion, mise aux voix, est adoptée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Marshall
Ataullahjan Martin
Batters McInnis
Beyak McIntyre
Black Mockler
Boisvenu Neufeld
Carignan Ngo
Cools Nolin
Dagenais Oh
Dawson Patterson
Demers Plett
Doyle Poirier
Enverga Rivard
Fortin-Duplessis Runciman
Frum Seidman
Furey Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Housakos Stewart Olsen
Johnson Tannas
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
MacDonald Wells
Maltais White—47
Manning

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Mercer
Cowan Mitchell
Day Munson
Downe Nancy Ruth
Dyck Ogilvie
Eggleton Ringuette
Fraser Rivest
Greene Robichaud
Hervieux-Payette Segal
Hubley Verner
Jaffer Watt—22

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Bellemare Meredith
Buth Moore
Charette-Poulin Raine
Cordy Tardif—9
Eaton

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

(1600)

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Je propose :

Que le projet de loi C-266 soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : À titre de présidente de ce comité, j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi un projet de loi de nature sociale devrait être renvoyé au Comité des droits de la personne.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Jaffer, je ne peux pas entendre de recours au Règlement en ce moment. Votre seule option consiste à voter contre la motion tendant à renvoyer le projet de loi à un comité. C'est votre seule option.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Nous pouvons demander des précisions et des explications.

Son Honneur le Président intérimaire : Je vais mettre la motion aux voix.

[Français]

L'honorable sénatrice Fortin-Duplessis propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Housakos, que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Votre Honneur...

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Cowan, nous sommes en train de voter. Je dois mettre la question aux voix.

Une voix : Débat.

Son Honneur le Président intérimaire : Il n'y aura pas de débat. Vous pouvez demander un vote par appel nominal, mais je dois mettre la question aux voix.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Je suis sûr que les oui l'emportent.

Une voix : Avec dissidence.

Son Honneur le Président intérimaire : Avec dissidence, bien entendu. Le projet de loi est maintenant renvoyé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

(Sur la motion de la sénatrice Fortin-Duplessis, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, avant de passer à la motion d'ajournement, j'aimerais rappeler que, lorsque la séance est suspendue en attendant le vote, les sénateurs peuvent se déplacer librement dans l'enceinte, mais que la masse qui repose sur la table est un symbole; personne n'a le droit d'y toucher.

J'aimerais vous citer un passage de La procédure et les usages de la Chambre des communes :

Quand la Chambre siège, un député qui se placerait entre le Président et la masse se rendrait coupable de manquement au décorum.

Remplacez « députés » par « sénateurs ».

Des députés ont aussi été reconnus coupables d'outrage à la Chambre pour avoir touché la masse pendant les délibérations.

Je ne vise personne en particulier, mais il est opportun de rappeler que, depuis 500 ans, la masse est un symbole non seulement au Canada, mais aussi dans l'empire britannique. Nous devons respecter ce symbole.

Des voix : Bravo!

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 1er mai 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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